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Full text of "Archives de zoologie expérimentale et générale"

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Museum of Comparative Zoology 


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Class .of 1855. 


ARCHIVES 


LOOLOGIE EXPERIMENTALE 


ET GÉNÉRALE 


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PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE D'ARCET, 7e 


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ARCHIVES 


Z00LOGIE EXPERIMENTALE 


HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE 
ÉVOLUTION DES ANIMAUX 


PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE 


HENRI pe LAGAZE-DUTHIERS 


MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE 
(Académie des sciences) 
PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE 
(Faculté des sciences) 
FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 


DE ROSCOFF 


TOME SIXIÈME 


1877 


©" PARIS 
LIBRAIRIE DE C. REINWALD ET C- 


15, RUE ‘DES SAINTS-PÈRES, 15 


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NOTES ET REVUE. 


RECHERCHES SUR L'ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT 
DES SPONGIAIRES, GENRE HALISARCA, 


Par M. Franz Eithard SCHULZE. 


(Zeitschr. für wissenchaftl. Zool., Band XX VIII, p. 1, 1877.) 


L'organisation et le développement de ce genre de Spongiares ont déjà préoc- 
cupé de nombreux observateurs ; l’intérèt que présente sa connaissance plus 
approfondie légitime de nouvelles recherches. 

.. Les deux espèces étudiées par l’auteur sont les Halisarca lobularis (0. 
Schmidt) et Dujardinii. 


Halisarca lobularis. L'auteur décrit d’abord le facies, ie volume, la consis- 
tance, la coloration de cette espèce, dans laquelle il établit six variétés, au 
point de vue surtout de la coloration ; puis il passe à la description de l’or- 
ganisation. 

Examinée à la loupe, la surface de l'éponge parait de toutes parts comme 
parsemée de nombreux petits mamelons papilliformes irrégulièrement arrondis, 
de Omm,1 à Onm,2 de diamètre, tous à peu près de même hauteur, reliés les 
uns aux autres par de minces travées et circonscrivant ainsi entre eux des dé- 
pressions en manière de fossettes à contour irrégulier, anguleux ou arrondi. En 
général on trouve une de ces fossettes entre trois mamelons voisins et il y en 
a six qui convergent au pied de chaque mamelon. 

Ces particularités et d’autres détails plus secondaires se reconnaissent 
à la loupe; l'étude de la structure intime, cela va de soi, nécessite le 
microscope. 

L'auteur continuera à se servir des mots ecltoderme et entoderme dans le 
sens primitif, pour désigner les couches superflcielles et profondes, bien que 
l'emploi de ces termes en ce sens, après la formation d’un mésoderme, nécessi- 
terait la preuve absolue que les couches en question dérivent réellement des 
deux masses cellulaires bien distinctes de la larve, en lesquelles on doit voir 
les deux premiers feuillets blastodermiques, opinion rendue très-vraisem- 

ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. —æ T. VI. 1877. A 


< 
T NOTES ET REVUE. 


blable parles recherches de Barrois et celles de l’auteur, mais non encore 
entièrement assise. — Il appellera de même mésoderme la couche intermé- 
diaire, bien qu’on ne sache pas non plus avec la certitude désirable d’où elle 
dérive. | 

Le revêtement ectodermique, relativement facile à voir ici, consiste en une 
unique couche continue de cellules flagellées nettement formées et distincte- 
ment séparées les unes des autres, d’une certaine épaisseur. Vue de profil, 
chaque cellule offre une face libre légèrement renflée, garnie d’une couche 
cuticulaire très-mince et sans structure, et enfin laisse reconnaître implanté 
assez exactement dans son milieu un flagellum très-actif, en continuel batte- 
ment. Le novau de ces cellules ne se révèle qu'indistinctement pendant la 
vie ; les réactifs le font apparaître, au contraire, ainsi que le nucléole, très-dis- 
tinctement après la mort. 

Le mésoderme de l’Aalisarca ne diffère de celui du Raphanus sycandra que 
par l'absence de parties squelettiques. Il est formé de cellules nombreuses, 
les unes à contour plus au moins lisse, au plus pourvues de prolongements 
lobulés ; les autres et les plus nombreuses ramifiées, et dont les filaments sont le 
siége de mouvements amæboïdes assez lents, mais de l’existence desquels il 
n’v a pas lieu de douter. Entre ces cellules est une substance fondamentale 
hyaline, de telle sorte que le mésoderme dans son ensemble, et par conséquent 
la plus grande partie du tissu constitutif de l'Éponge, doit être rapporté aux 
tissus de substance conjonctive et se laisse au mieux comparer à celui qui 
forme le disque des Méduses, ainsi que Metschnikoff l’a montré de son côté 
par des recherches microchimiques. Le syncytium d'Hæckel n’a donc rien à 
faire ici, mais l’auteur ne veut pas nier que chez d’autres Spongiaires on ne 
puisse trouver çà et là, dans des circonstances déterminées, des tissus résul- 
tant de la coalescence des corps cellulaires, sans substance interposée, un 
véritable syncytium par conséquent. 

À la description du mésoderme se rattache celle des productions rigoureu- 
sement localisées qui se rapportent certainement à lui, puisqu'elles en dérivent, 
mais qui offrent des caractères quelque peu différents. C’est qu’en effet, plus 
distinctement encore ici que ce n'était le cas pour Sycandra raphanus, chaque 
œuf est entouré d’une capsule de cellules mésodermiques épithéliformes que 
leur apparence et leur origine doivent faire comparer aux cellules endothéliales 
des vertébrés. 

L’entoderme, constitué comme l’ectoderme par une unique assise de cellules 
en épaisseur, offre cette forme remarquable de cellule que signale non-seu- 
lement la possession d’un long flagellum, mais encore ce collier si spécial, 
tubuleux, que l’on connaît. C’est à ces éléments que dans l’histologie des Spon- 
giaires on avait réservé jusqu'ici le nom de cellules flagellées ; mais, comme 
nous avons vu que les éléments de l’ectoderme dans l’Halisarca ont en fait un 
flagellum, il devient nécessaire de changer l'appellation de cellules entoder- 
miques en celle de cellules à collier. Leur étude offre ici quelques difficultés 
qui n’ont pas empêché l’auteur de se convaincre de leur parfaite similitude 
dans les points essentiels avec les cellules entodermiques des Calcispongidées. 
Ici aussi ce sont ces cellules qui par les granules pigmentaires accumulés au- 
tour des nucléus stipulent la coloration de toute l’Éponge. 


NOTES ET REVUE. ni 


Tels sont les tissus constitutifs du corps; reste à voir maintenant l’arrange- 
ment de toute l’organisation intérieure. 

Sur les coupes perpendiculaires d’une Halisarca bien développée, on distin- 
gue tout d’abord deux parties de constitution différente, savoir : l’une extérieure, 
plus épaisse, traversée de fins canalicules et abondamment pourvue de cor- 
beilles vibratiles, la couche corticale, et au-dessous de celle-ci une charpente 
réliculée sans corbeilles. Ces couches sont traversées par le système canali- 
culaire, dont il importe d’avoir une idée exacte. | 

Pour le décrire, l’auteur suit la marche de l’eau à son intérieur. L’eau pé- 
nètre dans l'organisme par des pertuis visibles à la loupe, le plus souvent 
arrondis, placés entre les mamelons papilliformes de la surface et auxquels 
succèdent des canaux qui s’enfoncent perpendiculairement, en se rétrécissant 
graduellement et se divisant ça et là. Ces canaux ne se continuent pourtant 
pas directement avec le système lacunaire de la seconde couche, mais chacun 
d'eux émet à angle droit de toute sa surface des canaux secondaires per- 
pendieulaires à soa axe propre, qui, de même que ses subdivisions termi- 
nales, se rendent aux corbeilles vibratiles. De celles-ci le liquide, par un 
orifice situé en général à l’opposite de l’orifice d’entrée dans la corbeille, se 
rend soit directement, soit par l'intermédiaire d’un canal interposé de faible 
longueur, dans les conduits efférents à section circulaire, situés suivant l'axe 
aes mamelons papiliformes, tandis que les conduits afférents nous l'avons 
dit, répondent à leurs iatervalles. 

C’est donc seulement par l'intermédiaire de ces canaux efférents que l’eau 
arrive dans le sous-sol lacuneux de l'éponge, par les voies duquel elle parvient 
aux oscules. 

Tous ces canaux et toutes ces lacunes sont maintenant, à la seule exception 
des corbeilles vibratiles, tapissés par une couche continue de cellules pavimen- 
teuses quadrangulaires ou hexagonales et flagellées et qui ne sont qu'un pro- 
longement des cellules flagellées ectodermiques revêtant la surface externe de 
l'éponge. 

Ce n’est qu'en quelques points que ces cellules perdent leurs cils et pren- 
nent des caractères quelque peu différents. Les corbeilles vibratiles, cavités 
à peu près sphériques, de 02,4 à Om®,5 de diamètre, sont tapissées de cel- 
lules à collier en direction rayonnante. 

Nous avons déjà dit qu’elles n'offraient en général que deux orifices, afférent 
et efférent, situés aux deux extrémités d’un même diamètre, sous forme de pores. 

Les corbeilles vibratiles placées tout à fait à la périphérie de la couche corti- 
cale s'ouvrent directement sur le milieu extérieur par un pore et un canalicule 
poreux, dont les parois sont aussi vraisemblablement tapissées par un pro- 
longement des cellules ectodermiques flagellées, bien que la chose n'ait pas été 
vue avec une netteté suffisante par l’auteur. 

Placées ,comme nous le savons, entre les deux systèmes de canaux afférents 
et efférents de la couche corticale et à peu près à égale distance des uns et 
des autres, les corbeilles sont séparées entre elles par des intervalles 
d'environ la moitié de leur diamètre. Elles sont donc, dans le cas où les vais- 
seaux principaux afférents et efférents sont indivis, ordonnées régulièrement 
suivant la surface d’un manteau cylindrique. | 


\ 


IV NOTES ET REVUE. 


Les cavités de la couche lacunaire inférieure, circonscrite par des travées 
rondes ou aplaties de la masse mésodermique générale de l'éponge, sont éga- 
lement tapissées de cellules ectodermiques flagellées. Ces cavités se rétré- 
cissent notablement à l’époque de la maturation des éléments de la reproduc- 
tion, lesquels se développent précisément dans les travées mésodermiques 


interposées aux lacunes. 


Eléments de la reproduction. — L’Halisarca lobularis est une Eponge à sexes 
séparés ; il v a des plaques mâles et des plaques femelles qu'aucun caractère 
extérieur ne permet d’ailleurs de séparer. 


Spermatozoïdes. — L'auteur a trouvé d’indubitables spermatozoïdes dans 
d'autres Eponges que celles-ci (Reniera informis, Spongilla lacustris, Spon- 
gilla fluviatilis), et c’est là un sujet qu'il traitera ailleurs à part. Pour au- 
jourd’hui voici ce qui concerne ces éléments chez Halisarca lobularis : 

Dans une plaque mâle de la variété Cærulea, trouvée en mi-juillet, l'auteur 
observa dans le mésoderme de la partie profonde de la couche corticale et des 
régions circonvoisines de la couche lacunaire un certain nombre d’amas irré- 
guliers arrondis, tranchant nettement sur le tissu ambiantpar leur aspect gra- 
nuleux et foncé. Une analyse plus précise lui apprit que les plus petits d’entre 
eux étaient formés par une ou quelques cellules sphériques, que leur taille, 
leur forme et leur contenu différencient des cellules mésodermiques voisines. 
L'aspect des groupes plus nombreux autorise à penser que ces amas dé- 
rivent de la division répétée d'une unique cellule primitive de mêmes carac- 
tères. On trouve ainsi de ces groupes qui comprennent jusqu’à trente cellules 
et plus, dans chacune desquelles au terme de Ja maturité on voit un grand 
nombre de filaments extrèmement fins, radiairement groupés et en relation 
directe avec le noyau. Notons enfin que chacun de ces groupes volumineux 
est revêtu d’une capsule de cellules endothéliales aplaties, polygonales, sem- 
blables à celle qui entoure l'œuf et l'embryon. La fécondation doit nécessai- 
rement avoir lieu à travers les interstices que les cellules de cette capsule 
laissent entre elles. 

Les spermatozoïdes ont une tête petite, très-réfringente, ovalaire, avec une 
légère constriction circulaire près du sommet divisant cette tête en deux seg- 
ments inégaux, dont le plus volumineux donne insertion, sur le côté et à angle 
droit avec l'axe de la tête, au filament caudal. 


Les œufs. — Ils occupent les mêmes parties dans les plaques femelles que 
les capsules à spermatozoïdes dans les plaques mâles, et à côté d’eux on trouve 
des embryons à des phases diverses de leur développement. 

Les œufs mürs de 0,1 de diamètre sont parfaitement sphériques, à vitel- 
lus assez homogène, avec une tache claire répondant au noyau. Fréquemment 
les œufs vivants ont montré des contractions de la masse vitelline, allant jus- 
qu'à déterminer des sillons superficiels et même un fendillement partiel. Nous 
avons déjà dit qu'autour des œufs se voyait une capsule formée de cellules 
endothéliales. 

Quant à l'origine de ces œufs aux dépens de l’ectoderme ou de l’entoderme, 


NOTES ET REVUE. | v 


c’est une question à la solution de laquelle l'Halisarca n'a fourni aucune 
réponse, l'œuf étant contenu dans une capsule close à l'intérieur de laquelle 
l'embryon continue à se développer. 


Développement. — Le fractionnement est total. Les deux premières sphères 
sont tantôt inégales, tantôt égales, ce qui donne à la fois raison à Barrois et à 
Carter. Au stade suivant, on trouve tantôt trois sphères de segmentation 
d’égal volume, tantôt quatre, et des variations de même nature dans la marche 
de la segmentation se retrouvent encore plus tard. A partir du nombre seize, 
on commence à constater l'existence d’une cavité de segmentation, autour de 
laquelle les éléments sont groupés en rang simple et souvent ordonnés de façon 
que, huit étant disposés en une ceinture équatoriale, deux groupes de quatre 
forment aux deux pôles un couvercle qui achève de fermer la cavité de seg- 
mentation. Puis les cellules se multiplient rapidement par division, grossis- 
sent et se transforment par pression réciproque en prismes effilés étroitement 
cohérents, dont l'unique assise en épaisseur circonscrit la cavité de segmen- 
tation pleine de liquide. De leur face supérieure légèrement convexe, ces cel- 
lules laissent naître un flagellum long, mince et très-effilé au bout. Elles sont 
dans leurs quatre cinquièmes inférieurs pleines d’une masse granuleuse ren- 
fermant un peu en avant du centre un petit nuyau clair avec nucléole ; leur 
cinquième antérieur est au contraire parfaitement hyalin. 

Les embryons, jusqu'ici demeurés sans couleur ou à peu près, prennent 
maintenant une teinte rouge brun, à mesure qu'ils avancent vers l’état de 
larve libre, dans le tiers postérieur du corps. En même temps de sphériques 
qu'ils étaient, ils deviennent de plus en plus ovalaires. 

Enfin ils deviennent libres. Ils ont alors environ 0®=,2 de long et On 15 
de large ; en nageant ils tournent en arrière l’extrémité la plus petite de leur 
corps, celle qui est colorée comme il a été dit. Les cils des deux tiers antérieurs 
sont dirigés normalement, ceux du tiers postérieur obliquement en arrière, 
sans que d’ailleurs l’auteur ait vu ces derniers plus courts que les premiers. 

Quant à une invagination conduisant à une Gastrula, l’auteur, pas plus que 
Barrois, n’en a vu trace. M. Schulze n’a pu voir d'autre part la larve se fixer. 
Les jeunes Eponges observées peu après la fixation lui ont montré la même 
organisation qu’à Barrois. 


Halisarca Dujardini (Johnston). — Après avoir décrit la configuration exté- 
rieure de ce Myxospongiaire étudié déjà par plusieurs observateurs, l’auteur 
passe à l’organisation profonde. 

Les trois tissus, ectoderme, mésoderme et entoderme, se retrouvent ici avec 
es caractères non absolument concordants avec ceux qu'ils revêtent dans 
’Halisarca lobularis. 

L’ectoderme surtout diffère. Celui qui recouvre la surface a plutôt l'aspect 
d'une cuticule épaisse et sans structure que d’une couche cellulaire. L'auteur 
croit que celle-ci pourtant existe, mais que ses éléments ont subi une trans- 
formation collagène qui leur a imprimé cet aspect si spécial. Les noyaux de 
ces cellules modifiées se voient en effet en certaines régions de la couche qui 
nous occupe, plongés dans sa masse même. 


vI NOTES ET REVUE. 


D'autre part, enfin, l’ectoderme qui revêt les canaux afférents et efférents est 
formé d'une couche continue à une seule assise en épaisseur de cellules épi- 
théliales polygonales, très-aplaties. L’ectoderme revêt donc dans cette espèce 
des caractères différents à la surface et dans les canaux qu’il tapisse. Nulle 
part il n’a de cils vibratiles. 

Le mésoderme, conforme dans son ensemble à ce que nous avons vu tout à 
l'heure, offre seulement ici une formation toute spéciale, les fibres, d’abord 
trouvées par Oscar Schmidt dans son Halisarca guttula. Elles sont assez ré- 
fringentes et uniformément en tous leurs points, rondes ou presque rondes, 
d'épaisseur très-variable, se divisant et s’anastomosant les unes avec les autres 
pour constituer un réseau à larges mailles, aux intersections desquelles ces 
fibres s’élargissent en expansions membraniformes. Les fibres les plus épaisses 
sont formées de la réunion de nombreuses fibrilles. On peut très-bien les com- 
parer aux faisceaux fibrillaires du tissu conjonctif aréolaire des Vertébrés. Elles 
sont toujours plongées dans la substance fondamentale du mésoderme, sans 
relation démontrable avec les éléments cellulaires de celui-ci. 

L'entoderme est identique dans cette espèce et dans la précédente. 

L'organisation générale des parties dans cette Eponge ne diffère de celle de 
l’'Halisarca lobularis que par l'absence de la seconde couche ou sous-sol réti- 
culé lacuneux et par une moindre régularité présidant au trajet des deux ordres 
de vaisseaux afférents et efférents entre lesquels ici aussi sont placées les cor+ 
beilles vibratiles. 

Les exemplaires de provenance différente paraissent d’ailleurs pouvoir mani- 
lester quelques variations dans ces dispositions. Les sexes paraissent devoir 
être ici aussi séparés, à en juger du moins par le seul exemplaire adulte que 
l’auteur ait eu l’occasion d'observer, et dans lequel il ne trouva que des œufs, 
soit sans fractionnement, soit à des phases variées de celui-ci. 

Le fractionnement de ces œufs, contenusi ci aussi dans des capsules tapissées 
de cellules endothéliales est pour l’auteur, comme pour Barrois, semblable à 
celui des œufs de l’Halisarca lobularis, mais en présentant toutefois quelques 
anomalies dont M. Schulze donne la description et les figures. 


A. S. 


NOTES ET REVUE. VII 


Il 


ÉTUDES SUR LES PHÉNOMÈNES DE LA SEGMENTATION, 


Par M. O. BurscuLt. 
[Analyse d’une partie des Studien über die erste Entwickelungsvorgänge der Eïizelle 
die Zelltheilung und die Conjugation der Infusorien (Abhandl. d. Senckenb. naturf. 
Gesellsch., X Bd.)] 


Nephelis vulgaris (pl. 1).— Dans les plus Jeunes œufs observés par l’au- 
teur, le vitellus, déprimé et rétracté sous son enveloppe, montre à sa sur- 
face, près d’un des pôles aplatis, une petite éminence de plasma clair, résul- 
tant, pour M. Bütschli, de la fusion du spermatozoïde fécondant avec le 
vitellus (fig. 4). 

Plongé dans ce dernier, et au voisinage du même pôle, est un corps fusi- 
forme, ayant son grand axe dirigé comme le petit du vitellus et traversé sui- 
vant sa longueur par un faisceau de fibres renflées dans le plan équatorial 
(plaque nucléaire équatoriale de Strassburger) (fig. 1). 

Ce corps fusiforme est pour M. Bütschli la vésicule germinative elle-même 
transformée. Chacune de ses extrémités est entourée d’une aréole de plasma 
clair, centre de divergence de granules alignés. 

La vésicule s'approche encore de la surface du vitellus, la touche et bientôt 
fait saillie au-dessus d’elle par une de ses extrémités qui, d’aiguë, s’arrondit 
et devient comme vésiculeuse par liquéfaction du contenu sous l'enveloppe 
propre qui la revêt (fig. 2). 

Peu à peu toute la vésicule sortira ainsi, non indivise, mais en formant trois 
renfiements vésiculeux de cette sorte, de taille graduellement croissante du 
premier au dernier expulsé, reliés par des portions amincies. Ce sont eux qui 
constituent les globules de direction (globules polaires où d’excrétion d’autres 
savants). Le nombre trois serait le résultat ici d’une division active de la vési- 
cule germinative. 

Un peu avant la complète expulsion de celle-ci et distante d'elle d’un quart 
de cercle, on observe près de la surface vitelline l'apparition d’une aréole de 
plasma clair, nouveau centre de divergence et d’orientation des granules 
vitellins (fig. 2). 

Cette aréole gagne le cenire et la vésicule germinative étant expulsée, le 
vitellus étant redevenu sphérique, paraissent les rudiments de deux noyaux, 
l’un au sein de l’aréole, l’autre entre elle et le point de sortie des glo- 
bules de direction (fig. 3). 

Entre ces deux noyaux, individualisés dès leur apparition, nulle union ou 
connexlIon apparente. 

Ils grossissent, et quittant la précédente position, on les trouve appliqués 


VI NOTES ET REVUE. 


l'un à l’autre à la périphérie ou au centre de l’aérole claire. Le plasma de 
l’aréole, au cours de leur croissance, se réduit jusqu'à disparaître. 

A ce moment les deux noyaux apparus 5e conjuguent et le produit de leur 
union est le noyau de la première sphère de segmentation (fig. 6 et 7). 

Celui-ci se transforme graduellement ; il s'étend comme le vitellus dont la 
division se prépare, perpendiculairement au diamètre des globules de direc- 
tion (fig. 10), devient fusiforme et clair. Une différenciation fibrillaire longitu- 
dinale avec plaque nucléaire équatoriale se marque à son intérieur, pendant 
qu’à chacune de ses extrémités se constitue une aréole claire de plasma, centre 
de divergence des trainées granuleuses du vitellus. 

La plaque équatoriale se divise; ses moitiés se séparent et s’écartent pour 
gagner les deux extrémités du noyau qui simultanément s’arrondissent 
(fig. 11). Une constriction circulaire commence à étreindre la masse vitel- 
line. 

Dans la phase suivante (fig. 19) reconstitution d’une plaque uucléaire équa- 
toriale, les deux plaques polaires existant toujours. 

Puis, après que la constriction circulaire du vitellus est arrivée à la moitié 
du rayon de celui-ci, naissent à chacune des extrémités du noyau de la pre- 
mière sphère, et vraisemblablement aux dépens de la plaque polaire afférente, 
deux nouveaux petits noyaux placés côte à côte, entourés chacun d’une mem- 
brane foncée et renfermant un liquide quelque peu granuleux (fig. 43 et 14). 

Entre les deux noyaux d’un pôle et les deux de l’autre, les fibres longitudi- 
nales du nucléus de la première sphère sont encore étendues, reliant ces noyaux 
pendant qu'ils grossissent en famenant la réduction graduelle de l’aréole de 
plasma clair environnante. 

Enfin les deux noyaux de chaque groupe se fusionnent l’un avec l’autre 
pour constituer de part et d’autre le nucléus des sphères secondaires de seg- 
mentation (fig. 44). 

Pendant que ces phénomènes d’ailleurs s’accomplissaient, les sphères 
secondaires, sur le point d'être complétement individualisées, s’affaissaient 
en prenant chacune la forme d’un hémisphère (fig. 45 et 17). 

Dans les divisions ultérieures, chaque nucléus de la sphère considérée se 
comporte comme celui de la sphère de première génération. 


Cucullanus elegans (pl. IT). — L'œuf est sans enveloppe au sortir de l’o- 
vaire; sa vésicule germinative bien apparente, offrant distinction d’une paroi 
et d’un contenu, contient une tache germinative encore visible, mais très- 
réduite relativement aux états antérieurs. 

Les contours irréguliers du vitellus semblent déceler qu'il est le siége aussi 
à ce moment d’intenses mouvements amæboïdes. 

Si l’on prend les œufs lorsqu'ils passent ou ont passé devant la poche copu- 
latrice, on verra à la surface de chacun, comme enfoncé dans une logette, un 
corpuscule clair avec quelques granules (fig. 4). C’est le spermatozoïde fécon- 
dant en voie de fusion avec le vitellus. Avant leur passage devant le réservoir 
du sperme, les œufs n’offrent jamais ce corpuscule. 

L'œuf fécondé s’entoure d’une enveloppe vitelline ; sa tache germinative 
disparait entièrement (fig. 2 et 4), et la vésicule germinative elle-même est 


NOTES ET REVUE. IX 


souvent, à cette époque, excentriquement située sous la surface du vitellus 
(fig. 4). Encore quelque temps et nous n’en trouverons plus trace, mais à son 
lieu et place un corps fusiforme, ou identique ou très-semblable à celui pré- 
cédemment décrit dans l'œuf de Nephelis (fig. 6, 7, 8 et 9). Il nous offrira 
aussi, en son milieu, une plaque équatoriale formée par les renflements mé- 
dians de fibrilles qui se prolongent très-fines jusqu'aux deux extrémités. 

En coupe optique, on voit très-bien que l'ensemble des renflements équa- 
toriaux des fibres est revêtu d’un trait continu, preuve que les bâtonnets de 
la plaque nucléaire sont en dedans d’un corps nettement individualisé et 
qu'ils ne sont pas le produit d’une différenciation ayant son siége dans la 
masse même du vitellus (fig. 7 à 11). 

La signification de ce corps fusiforme ne saurait être douteuse. [ci encore 
l’auteur le regarde comme le produit d’une transformation particulière de la 
vésicule germinative durant la marche de celle-ci du centre vers la péri- 
phérie. 

En concordance avec cela, on voit bientôt le corps en question totalement 
expulsé, reposer, sans modification notable dans sa structure, à la surface du 
vitellus. 

Tandis que la vésicule transformée de la Nephelis se divisait en trois glo- 
bules de direction, durant qu’elle était encore contenue en partie dans le 
vitellus, il semble qu'ici ce ne soit que postérieurement au rejet de la vési- 
cule germinative que ce corps entre en action pour former les deux petits 
globules de direction qu'on trouve quelque temps après. Elle les formerait 
d’ailleurs en offrant tous les caractères déjà connus de la division nucléaire : 
scission de la plaque équatoriale, plaques polaires, fibres unissantes, etc., par 
division active en un mot. 

Le vitellus, dans la région sous-jacente à la vésicule expulsée, affecte une 
constitution un peu différente, plus clair et à granules plus gros jusqu’à une 
certaine profondeur. 

Ce protoplasma clair, qui vraisemblablement s'étend de plus en plus à la 
surface du vitellus, est le foyer ou centre de formation des nouveaux noyaux, 
puisque ceux-ci naissent toujours au voisinage immédiat de la surface vitel- 
line et assez loin les uns des autres, au nombre ordinairement de quatre ou 
cinq, offrant dès leur apparition la distinction nette d’un contenu et d’une 
enveloppe. x 

Après avoir acquis une certaine taille et être descendus vers le centre du 
vitellus, ils se fusionnent graduellement en un noyau unique pour constituer 
le nucléus de la première sphère de segmentation. 

A la phase suivante, celui-ci, comme le nucléus de la Nephelis, devient fusi- 
forme, sans que le processus de cette métamorphose ait pu être suivi par 
l’auteur. Ce novau fusiforme, et ceux qui lui correspondront dans les Sphères 
dérivées, offrent, au lieu d’une plaque, un simple anneau équatorial, ses 
parties profondes n'étant pas le siége ici d'une différenciation fibrillaire 
(fig. 22). 

A cela près, les phénomènes de la division de ce noyau s’accomplissent ici 
comme dans la Nephelis. L’anneau équatorial se divise en deux autres dont 
chacun gagne une extrémité, etc. La constriction circulaire du vitellus pro- 


x NOTES ET REVUE, 


gresse perpendiculairement à la direction des fibres unissant lés deux 
anneaux polaires du nucléus. Enfin, au lieu et place de chacun de ceux-ci et 
après disparition de ces fibres unissantes (fig. 24), on voit apparaître dans 
chaque sphère de seconde génération, deux et quelquefois quatre noyaux par- 
tiels (fig. 25) qui se fusionnent graduellement en un seul (fig. 26 et 27). Au 
cours de ces. phénomènes, les granules vitellins ont éprouvé les différents 
modes successifs d'orientation qui sont déjà connus, pendant que les globules 
de direction, de bonne heure écartés l’un de l’autre, sont venus chacun se 
mettre au-dessus d’une des sphères nouvellement formées. 

Après la coalescence des noyaux partiels en un seul, chaque sphère secon- 
daire s’affaisse, puis la plus grosse des deux recommence à se diviser, comme 
l'avait fait la sphère de première génération. 


Tylenchus imperfectus. — Peu après l’arrivée des œufs dans l'utérus, la 
tache germinative disparaît et les contours de la vésicule germinative devien- 
nent indistincts, celle-ci ne s’accusant plus que comme un champ clair qui 
gagne lentement la surface du vitellus sur un point de l’équateur, pendant que 
le vitellus lui-même est le siége de vifs mouvements amæboïdes, et qu'il se 
déprime en une sorte de fossette au-devant de la vésicule s’avançant, Celle-ci, 
ou plutôt le champ clair qui lui correspond, vient enfin affleurer au fond de 
cette fossette, et il semble qu’à ce moment il donne issue à un corpuscule 
foncé pénétrant dans la fossette vitelline (fig. 2). Puis le champ clair de la 
vésicule rétrograde vers le centre, où il devient invisible. Peu après apparait 
en ce centre le noyau de la première sphère de segmentation, mais sans rien 
de la tache germinative. La segmentation procède maintenant si vite et le 
nucléus devient en même temps si invisible, que l’auteur n’a pu décrire la fa- 
çon dont il se comporte. 


Anguillula rigida. — Les œufs ovariens sont assez uniformément et fine- 
ment granuleux. La vésicule germinative parait tout entière et uniformément 
claire, sans tache germinative dans l’œuf mûr. Un seul spermatozoïde s’unit 
à l’œuf et le féconde en se fusionnant à la substance du vitellus. Cette fusion 
est complétement achevée, sans trace subsistante, quand l’œuf arrive dans 
l'utérus. 

À ce moment les limites de la vésicule germinative deviennent indistinctes, 
et celle-ci ici encore se porte au voisinage immédiat de la surface du vitellus, 
sur un point de l'équateur, qui se déprime quelquefois aussi au-devant d'elle. 
Enfin elle arrive à toucher cette surface. Le globule de direction doit être 
rejeté à cet instant, bien que sa petitesse, semble-t-il, l’ait dérobé à cette 
phase à l'observateur. Mais il apparaît nettement un peu plus tard au-dessus 
du pôle qui regarde le vagin. Le champ clair de la vésicule germinative située 
à la surface du vitellus paraît maintenant la surmonter, pour bientôt s'étaler 
de plus en plus à sa surface, pressé de l’intérieur par le vitellus granuleux. 
Simultanément s’accumule en différents points de la surface du vitellus, en 
quantité plus ou moins grande, un protoplasma très-clair, sans granules, et il 
semble à l’auteur que l’aréa de la vésicule germinative vient s'unir à ce pro- 
toplasme. Ce protoplasme clair s’accuse avec une abondance particulière aux 


NOTES ET REVUE. XI 


deux pôles du vitellus (fig. 5), lequel simultanément est le siége de mouve- 
ments amæboïdes. 

La nouvelle production de noyaux commence maintenant dans ce plasma 
clair des pôles. Un seul noyau paraît d’abord et seulement après, l’autre, au 
pôle opposé. Dans ce phénomène l'impression est que le plasma clair faisant 
hernie dans le vitellus granuleux détache finalement de lui un globe de sa 
substance que le vitellus granuleux entoure alors librement de toutes parts 
(fig. 6 et 7). Les deux noyaux ainsi apparus aux extrémités du grand axe 
marchent vers le centre de l’œuf, où ils s'unissent en s'appliquant intimement 
l'un à l’autre et se fusionnent. 

Ace moment le protoplasme clair qui était à la surface du eds a tout 
entier disparu. 

Quant à la segmentation, l’auteur n’a rien à en dire; elle ne présenterait 
ici rien de nouveau et n'offre pas pour l'étude de circonstances favorables. 


Rhabditis dolichura. — Après l'expulsion de la vésicule claire du vitellus 
telle que l’auteur l’a fait connaître dans un autre travail, on trouve encore ici 
cette vésicule à la surface du vitellus en un point de l'équateur. Pendant 
qu’une masse protoplasmatique pure s'étend à la surface du vitellus, l'aréa 
disparait en montrant à l’endroit de sa disparition le globule de direction qui 
passe souvent au pôle tourné vers le vagin, vraisemblablement en vertu des 
mouvements vitellins amæboïdes très-vifs. Puis apparaissent les nouveaux 
noyaux, dont l’un toujours au pôle vaginal; l’autre, souvent, d’abord sous 
l'équateur, quelquefois tous deux au pôle vaginal, l’un contre l’autre. Ils 
descendent ensuite dans la masse vitelline où ils se fusionnent. Quelquefois 
ce sont trois noyaux partiels qui apparaissent et se conjuguent ainsi. 


Diplogaster (plusieurs espèces). — Très-bel exemple de mouvements amœ- 
boïdes très-purs effectués par le vitellus durant la nouvelle formation de 
noyaux et jusqu’à la segmentation. 

Ici encore production de deux nouveaux noyaux après l’expulsion de la 
vésicule germinative, non en des points diamétralement opposés, mais soit 
de tous deux au même pôle, soit de l’un à un pôle et de l’autre sur la surface 
latérale. Is s'unissent quelquefois loin du centre, mais pour le gagner enfin. 
On voit aussi parfois le grand axe des noyaux unis transversalement dirigé par 
rapport à celui du vitellus, mais pour finir toujours par s'orienter comme le 
grand axe vitellin. 


Le Tylenchus pellucidus offre également de rapides mouvements amœ- 
boïdes après la disparition de la vésicule germinative dont l’auteur n’a pu 
suivre le processus. Il n’a pu établir non plus comment se succèdent les six 
formes par lui représentées (fig. 16 et 21), qui se déroulent en cinq mi- 
nutes. 

Quelques heures après la cessation des mouvements amæboïdes, on dis- 
timgue un noyau central et seulement six heures après survient la division en 
deux du vitellus, de telle façon que dans cette espèce vingt-quatre heures 
s'écoulent entre la ponte et la première segmentation, alors que, pour les 


XII NOTES ET REVUE. 


Nématoïdes précédents, cette période est d’un quart à une demi-heure tout au 
plus. 


Lymnœus auricularis et Succinea Pfeifleri(pl. IV). — L’œuf examiné dès la 
ponte dans ces espèces est quelque peu déprimé suivant un de ses diamètres, 
comme dans la Nephelis (fig. 4). L'un de ses pôles aplatis se distingue d’ailleurs 
de l’autre par l’éminence qui le surmonte, constituée de protoplasme clair, 
sans granules. 

Placées sur'le petit axe de l’œuf, on voit maintenant deux aréoles de plasma 
clair, l’une à peu près au centre, l’autre sensiblement entre le centre et le 
pôle surmonté de l’éminence précitée. D’une des aréoles à l’autre s’étendent 
des fibres unissantes. L'identité de cet aspect avec ce qui s’observe dans la 
Nephelis autorise à voir également ici dans la production actuelle le résultat 
de la transformation de la vésicule germinative. Les phénomènes subséquents 
confirment d’ailleurs cette interprétation. 

Ici encore, effectivement, l’ensemble des deux aréoles et des fibres inter- 
posées s'avance vers la surface du vitellus, qu’elle atteint au pôle désigné, 
pour y faire bientôt saillie (fig. 2 et 3), et donner naissance à un globule de 
direction (fig. 3, 4 et 5). Des granules de la portion arrondie et renflée de la 
vésicule germinative qui constitue ce premier globule de direction comme 
pédiculé à la surface du vitellus, on voit ici, tout aussi bien que dans la 
Nephelis, descendre, à travers l’écusson de plasma clair du pôle correspon- 
dant, de fines stries, que de bons objectifs montrent aboutir à une seconde 
plaque nucléaire afférente à la portion encore immergée de la vésicule 
(fig. 5). En d’autres termes, on peut distinguer dans l’écusson précité de 
plasma clair le second globule d’excrétion déjà dessiné. 

Ce second globule est expulsé à son tour et on le voit reposant dans une 
dépression de la surface du vitellus (fig. 6). 

Immédiatement au-dessous de ce point on distingue maintenant dans 
Lymnœus jusqu'à neuf nouveaux noyaux, petits et pressés les uns contre les 
autres, dont chacun offre la distinction d’une paroi et d’un contenu (fig. 6 
et 7). 

La formation de ces noyaux est en rapport avec la présence en ce point 
du plasma vitellin clair; mais de quelle nature est ce rapport, c'est ce que 
l’auteur ne saurait dire. 

Dans les phases suivantes, ces petits noyaux se fusionnent graduellement 
(fig. 7, 8 et 9), pour constituer finalement le nucléus de la première sphère 
de segmentation (fig. 10). 

Dans Succinea Pfeifferi ce sont seulement deux nouveaux noyaux qui nais- 
sent et sont destinés à se conjuguer. De plus, ces noyaux se présentent quel- 
quefois à une notable distance l’un de l’autre (fig. 10), de façon que la ques- 
tion se pose de savoir s'ils se forment en des points différents, ou aux lieux 
mêmes où on les trouve. 

Formé comme il vient d’être dit, le noyau de la première sphère de seg- 
mentation devient graduellement fusiforme, chacune de ses extrémités deve- 
nant le centre d’une étoile de traînées granuleuses irradiantes (fig. 40, 11 
et 12), et son intérieur étant le siége d’une différenciation fibrillaire (fig. 11 


NOTES ET REVUE, XLIS 


et 42), à fibres longitudinales, quelquefois même, semble-t-il, avec plaque 
équatoriale (fig. 13). 

Simultanément commence et progresse la constriction circulaire du vitellus 
dans un plan perpendiculaire au grand axe du noyau fusiforme, lequel devient 
de plus en plus difficile à distinguer. 

L'auteur n’a pu, à cause de cela, voir la division de la plaque équatoriale, 
l’écartement des deux moitiés produites, etc., vers les extrémités, et il arrive à 
la phase où paraissent les premiers rudiments des noyaux des sphères secon- 
daires. 

A ce moment nous trouvons avec la plus grande netteté que les fibres 
unissant ces deux noyaux sont légèrement renflées dans leur milieu (fig. 14 
et 49), comme nous l’avons vu à une phase correspondante dans la Nephelis 
(comp. fig. 12). Les noyaux croissent en demeurant encore unis par des fibres, 
malgré que la première partition du vitellus semble être complète déjà 
(fig. 10). 

Les noyaux des sphères secondaires ont une constitution identique à celle 
du nucléus de la première. 


Rotateurs (pl. XILL, fig. 14 et 17). — L'auteur, qui n'a pas eu à sa disposition 
tous les matériaux qu’il aurait désirés, a examiné les œufs d’été des No- 
tommalta Sieboldi, de quelques espèces de Brachionus et d’un Triarthra. 

Chez tous on constate, ainsi qu’on le savait déjà, que la vésicule germina- 
tive de l’œuf mûr est privée de sa tache germinative si développée aupara- 
vant, et qu'elle-même est devenue plus petite qu’elle n’était dans l’œuf ova- 
rien, tout en offrant encore un diamètre supérieur, quelquefois mème du 
double, à celui de la tache germinative disparue. 

La vésicule germinative d’ailleurs disparaît à son tour soit avant la ponte, 
soit avant tout développement ultérieur, par un processus que l’auteur n’a pu 
suivre, tout comme il lui a été impossible de constater l'existence d’un glo- 
bule äe direction. 

Dans le Triarthra le vitellus récupère un noyau très-peu de temps après la 
ponte ; il apparaît d’abord excentriquement placé sous forme d’un petit champ 
clair, devient bientôt une vésicule nettement délimitée qui disparaît soudain 
quand la division commence. 

Dans les Brachionus et Nolommata, l’auteur put suivre la trausforma- 
tion du noyau de la première sphère de segmentation en un corps fusi- 
forme, absolument semblable à ce que nous avons vu dans Nephelis (fig. 14). 

Dans le Notommata la division de la plaque nucléaire équatoriale et l’écar- 
tement de ses moitiés ont été observés (fig. 16). 

Dans le Brachionus et Notommala d'ailleurs, il ne naît dans chaque sphère 
dérivée qu’un seul noyau et par conséquent il n’y a pas ici de phénomène de 
conjugation. 


XIV NOTES ET REVUE. 


LIT 


DE L'EXISTENCE DANS LE PLASMA SANGUIN D'UNE SUBSTANCE 
ALBUMINOIDE SE COAGULANT A + 56 DEGRÉS CENTIGRADES, 


Par le docteur Léon FREDERICQ. 


Les méthodes de dosage des éléments albuminoïdes du sang sont toutes 
basées sur l'étude de ce liquide considéré après la production de la fibrine. 
Cette substance figure ainsi dans tous les résultats d'analyse, car nous ne 
possédons aucune méthode permettant l'analyse complète du sang avant sa 
coagulation spontanée. Cependant le plasma sanguin a très-probablement une 
constitution toute différente de celle du sérum, et l’on n’est nullement auto- 
risé à conclure de l’une à l’autre. 

Ma méthode d'analyse s'adresse au sang avant sa coagulation spontanée. 
Elle permet de reconnaître et de doser au moins trois substances albumi- 
noïdes différentes dans le plasma sanguin. Elle est basée sur un fait nouveau : 
ces substances se coagulent par la chaleur à des températures différentes. 

On sait depuis longtemps (Hewson) que le sang de cheval pris à la veine 
jugulaire, et reçu directement dans un vase dont la température est main- 
tenue au-dessous de 0 degré, reste liquide pendant plusieurs heures et mème 
plusieurs jours. Grâce à la densité élevée des globules rouges, il se sépare au 
bout de quelques instants en cruor et en plasma. Ce plasma doit être décanté 
et filiré à une basse température. Le froid ne fait que suspendre la produc- 
tion de la fibrine. Si l'on soustrait le liquide à cette influence, il se coagule 
spontanément au bout d’un quart d'heure, d’une demi-heure, d’ane heure ou 
d’un temps beaucoup plus long, suivant la température du milieu ambiant et 
quelques autres circonstances de l'expérience. Je puis ainsi le chauffer à 
toutes les températures comprises entre 0 degré et + 56 degrés ; il reste par- 
faitement clair et ne tarde pas à se coaguler par production de fibrine. Une 
température supérieure à + 56 degrés centigrades lui fait brusquement et 
irrévocablement perdre ses propriétés fibrinogènes, qu’une addition de sérum 
est même incapable de rappeler. En même temps une substance albuminoïde 
(fibrinogène de Schmidt?) s’y précipite à l’état floconneux. Ce précipité se 
laisse facilement séparer par filtration : le liquide filtré passe parfaitement 
clair. On peut le chauffer jusqu’à + 67 degrés, avant que les premiers signes 
d'une nouvelle coagulation se produisent (albumine ordinaire). Comme le 
sérum, ce liquide contient encore de l’albumine et de paraglobuline. Il préci- 
pite en effet par le chlorure de sodium en poudre et par l'acide carbonique. 
La substance qui précipite à + 56 degrés appartient au groupe des globulines 
et parait devoir être rapportée au fibrinogène de Schmidt. Le chlorure de 
sodium en poudre la précipite complétement du plasma sanguin en même 
temps que la paraglobuline, Ce mélange (plasmine de Denis), redissous dans 
l’eau distillée à la faveur du peu de sel qui lui reste adhérent, et chauffé graduel- 


NOTES ET REVUE. XV 


lement, se coagule une première fois comme le plasma sanguin vers + 55 de- 
grés centigrades. Le liquide filtré, qui est parfaitement clair, contient encore 
la paraglobuline et se trouble une seconde fois à partir de + 75 degrés cen- 
tigrades. La paraglobuline paraît donc également avoir un point de coagulation 
différent de celui de l’albumine du plasma. 

La nécessité d'employer de grandes quantités de glace pour ces expériences, 
constitue un inconvénient sérieux, surtout en été. Il existe heureusement deux 
autres moyens de se procurer du plasma sanguin. On peut, comme je l'ai fait 
souvent, isoler sur un cheval vivant ou récemment abattu, les veines Jugu- 
laires, les lier et les extraire (Glénard). Dans un tel vaisseau, le sang reste 
indéfiniment liquide. On le suspend verticalement ; la séparation en globules 
et plasma ne tarde pas à s'effectuer ; une ligature intermédiaire sert à isoler 
la portion supérieure qui renferme le plasma. On peut alors, soit ouvrir cette 
veine et employer le plasma comme il a été dit précédemment, soit chautfer 
ce liquide sans le sortir de son réceptacle naturel. La veine gonflée de plasma 
est introduite à côté d’un thérmomètre dans un tube de verre à parois 
minces. Le tube, convenablement bouché, plonge dans un bain d’eau dont un 
second thermomètre indique la température. On chauffe lentement, de façon 
que le thermomètre intérieur ne soit jamais en retard de plus d’un ou deux 
dixièmes de degré sur le thermomètre plongé dans l’eau. Si l’on retire la veine, 
et si on l'ouvre avant d’avoir atteint le premier point de coagulation, le liquide 
qui s’en écoule est clair et ne tarde pas à se prendre en caillot à la façon du 
sang. Si l’on a dépassé + 56 degrés, le liquide extrait de la veine a perdu la 
propriété de se coaguler spontanément et renferme un précipité floconneux. 
Ce procédé est élégant comme démonstration et d’une exécution facile, mais 
fort défectueux s’il s’agit d’une analyse quantitative, à cause de la difficulté 
de déterminer exactement le poids du liquide employé, et de l’erreur causée 
par la présence d'une certaine quantité de leucocytes qui se trouvent en- 
trainés en même temps que la substance qui coagule à + 56 degrés. 

Le procédé le plus commode consiste à suspendre la coagulation spontanée 
par l'introduction dans le sang d’un sel à métal alcalin ou alcalin-terreux. 
Le sulfate de magnésium, déjà employé par Alexandre Schmidt et par Ham- 
marsten, est celui qui m'a le mieux réussi. 

Le vase dans lequel je reçois le sang contient un poids ou un volume connu 
d'une solution de sulfate de magnésium (1 partie MgSO“"pour 3 parties H?0) 
correspondant au tiers d’un volume de sang à recevoir. J’achève de le remplir 
avec le sang que je laisse couler directement de la veine. La séparation en 
globules et plasma s’effectue ici de la même façon que pour le sang soumis au 
froid, quoique plus lentement. Le plasma, recueilli au bout de quelques heures 
et filtré, offre toutes les propriétés du plasma naturel. La présence du sulfate 
de magnésium se borne à abaisser légèrement les points de coagulation. La 
première substance se coagule alors à + 54°,5 centigrades, la seconde com- 
mence vers + 66 degrés centigrades. La première de ces coagulations se 
produit dans des limites fort étroites de température, n’atteignant certaine- 
ment pas un demi-degré pour le même sang. L'analyse complète des matières 


alhuminoïdes du plasma avant sa coagulation spontanée comprend nécessaire- 
ment trois opérations : 


XYI NOTES ET REVUE. 


a. On chauffe au bain d’eau dans un tube fermé un cinquantaine de grammes 
au moins de plasma au sulfate de magnésium, à une température qui ne doit 
pas dépasser + 60 degrés. Il est inutile d’aciduler. On lave le précipité dans 
un gobelet, on le recueille sur un filtre taré, on l’épuise par l’eau distillée, 
puis par l'alcool bouillant, jusqu’à ce que le liquide filtré ne précipite plus 
par le chlorure de baryum. On dessèche à +110 degrés et on pèse lorsque la 
substance ne diminue plus de poids. On calcine ensuite le filtre et le préci- 
pité pour tenir compte du poids des cendres, qui est insignifiant si les lavages 
ont été bien conduits. On obtient ainsi le poids de la première substance 
(fibrinogène de Schmidt ?). 


b. Une seconde portion du même plasma, également d’une cinquantaine de 
grammes, est pesée dans un gobelet, puis additionnée de chlorure de sodium 
en poudre jusqu’à ce que ce sel refuse de se dissoudre. On achève de remplir 
le gobelet avec une solution saturée de chlorure de sodium à l'effet de laver 
le précipité qui s’est formé. On le recueille sur un filtre taré et on le lave 
avec de l'alcool faible bouillant. Pour le reste on opère comme précédemment, 
On obtient ainsi le poids de la première substance, puis celui de la paraglo- 
buline (plasmine de Denis) !. 


c. Une troisième portion, qui ne doit pas dépasser 20 grammes, est versée 
dans au moins 50 à 100 centimètres cubes d’eau en pleine ébullition. On 
ajoute avec une baguette de verre quelques gouttes d’acide acétique dilué, et 
on laisse bouillir quelques instants. On recueille sur un filtre, on lave à l’eau 
et à l'alcool bouillant, etc. On obtient ainsi le poids du fibrinogène, de la 
paraglobuline et de l’albumine réunis, et l’on possède tous les éléments du 
calcul de l’analyse du plasma, son degré de dilution ayant été déterminé. Je 
décrirai sous peu une méthode facile permettant d’arriver à ce dernier ré- 
sultat. 

Je compte publier en même temps les chiffres des analyses de sang avant 
et après la coagulation spontanée, et les conclusions importantes qu’on 
peut en tirer relativemeut au rôle des diverses substances albuminoïdes du 
plasma dans le phénomène de la formation de la fibrine. 

Ces recherches se poursuivent actuellement au laboratoire de physiologie 
de M. le professeur Boddaert. 

J'ai de vifs remerciments à adresser à M. Remy, directeur de l’abattoir de 
Gand, pour l'assistance qu’il m’a prêtée dans le cours de ces expériences. 


‘ Le chiffre obtenu ainsi est trop faible. Une partie de la paraglobuline reste en 
solution. Mieux vaudrait sans doute doser la paraglobuline en la précipitant par 
l'acide carbonique et une goutte d’acide acétique dans les liquides filtrés de A. 


Le direeleur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. 
Le gérant : G. REINWALD. 


NOTES ET REVUE XVH 


IV 


LA PHYSIOLOGIE DU SUCRE EN RAPPORT AVEC LE SANG, 


Par M. le docteur Pavy, M. D., F.R.S., 


La quantité de sucre contenue dans le sang. — A la séance de la Société 
royale d'Angleterre du 21 juin, M. le docteur Pavy a lu une communication 
sur la physiologie du sucre en rapport avec le sang. Cette note forme la suite 
de celle qu'il a déjà lue à la séance du 44 juin, dans laquelle M. Pavy a donné 
la description de son nouveau procédé pour la détermination exacte de la 
quantité de sucre dans le sang, ces dernières recherches étant les résultats 
de l'application pratique de cette nouvelle méthode. Dans ce mémoire, M. Pavy 
considérait la question de la quantité de sucre contenue dans le système 
sous les conditions suivantes : 

4° La quantité qui existe dans le sang à l'état normal. 

90 L'état comparatif entre le sang artériel et le sang veineux. 

3° Le changement qui se produit dans le sang après qu'il est séparé du 
système. 

M. Pavv s’est appuyé sur le fait que les changements très-rapides qui se 
produisent dans le sang sous des conditions changées du système exigent 
qu'on prenne les plus grandes précautions, afin d'obtenir le sang dans sa 
condition normale. Si on le prend pendant la vie, l'animal doit être dans un 
état de parfaite tranquillité. Si, au contraire, on le prend après la mort, il 
faut le retirer aussitôt que possible après que la vie de l'animal est éteinte, 
afin qu’il n’y ait pas de possibilité que le sang soit affecté par la formation 
post mortem de sucre dans la foie. 

Les expériences qu'a citées M. Pavy ont été faites sur le sang des chiens, 
des moutons et des bœufs. Une série de six examens et dans un des cas 
sept examens, a été faite avec chaque espèce de sang, et chaque échantillon 
de sang a été analysé deux fois. Les chiffres donnés par M. Pavy sont les 
moyennes des deux analvses. Il faut cependant observer que les deux chiffres 
de chaque paire d’anaiyses ne montrent que de très-faibles variations, qui 
ne changent que le second chiffre décimal. Les différences enfin étaient si 
petites, que, si les analyses avaient été faites par deux chimistes rivaux, il n’y 
aurait pas eu lieu de se disputer, voyant que les variations ont été dans les 
limites reconnues. 

M. Pavy a ensuite donné les détails des précautions que l’on doit prendre 
pour assurer que le sang retiré des divers animaux est dans l’état normal. 
Dans le cas du chien, la méthode de faire tuer les animaux, en coupant la 
moelle épinière, a été adoptée, parce qu’elle est sans peine et instantanée. 
Les grands vaisseaux de la poitrine ont été coupés immédiatement, et le sang 
a été retiré et analysé avant que la coagulation ait pu commencer. 

ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T. VI. 14877, BP 


XVIII NOTES ET REVUE. 


Dans le cas des moutons, le sang a été pris des animaux tués à l’abattoir 
de la facon ordinaire, c’est-à-dire par la division des vaisseaux du cou, et le 
temps qui s’écoulait entre le moment où le sang a été pris et le commen- 
cement de l'analyse n’était plus que d’un quart d'heure. 

Le sang des bœufs a été pris des animaux tués par la méthode juive, qui 
consiste à couper soudainement Îles structures molles du cou jusqu’à la 
colonne vertébrale, L'incision donne le sang artériel, et le temps qui s’est 
écoulé entre le moment où le sang a été pris et le commencement de l’ana- 
lyse a été une heure. 

Les résultats moyens de sept analyses de sang de chien ont démontré qu'il 
contenait respectivement 0,751, 0,786, 0,700, 0,766, 0,786, 0,921, 0,803 
pour 4000, ce qui donne une moyenne de 0,787 sur la série entière. 

Le sang des moutons a donné respectivement 0,470, 0,490, 0,517, 0,559, 
0,569, 0,526 pour 1000. 

Le sang des bœufs a donné 0,703, 0,525, 0,492, 0,456, 0,499, 0,588, ou une 
moyenne de 0,543. 

Chaque expérience a été faite avec tous les soins nécessaires pour que le 
sans fût retiré de telle manière qu’il était dans une condition semblable 
à celle sous laquelle il existait ordinairement pendant la vie. Si on ne prend 
pas de telles précautions, les résultats obtenus seront sans valeur et trom- 
peurs au point de vue physiologique. La comparaison des résultats obtenus 
par M. Pavy dans le cas de quatre bœufs tués par la méthode ordinaire, c’est- 
à-dire en abattant lanimal avec un bec-de-corbin, et en brisant la moelle 
épinière avec une canne, démontre pleinement la nécessité qu'il y a de 
prendre les précautions précitées. Dans les deux premières expériences, l’in- 
cision dans les vaisseaux sanguins à été faite aussitôt que possible après que 
l'animal a été abattu. Dans les deux qui suivaient, M. Pavy avait lieu de croire 
que cette condition nécessaire n'a pas été remplie, et que quelque temps s’est 
écoulé entre linstant où l'animal avait cèssé de vivre et l'ouverture des vais- 
seaux. L'effet de ce délai sur la formation de sucre après l’abatage de 
l'animal est pleinement démontré par les résultats suivants : 

Le sang des deux premiers bœufs, moyenne de deux analyses, a donné 0,596 
et 0,688 pour 1000 respectivement, tandis que le sang des deux autres a donné 
une moyenne de 1,053 et 1,094. 

Les conclusions que l’on peut tirer de ces expériences sont que la quantité 
de sucre existant dans le sang des moutons et des bœufs est à peu près 0,5 
pour 1000, où 4 pour 2000, tandis que celui des chiens contient 0,75 pour 
4000, ou 1 et demi par 2000. 

En considérant les résultats dans leur ensemble, ils montrent une uniformité 
et une harmonie remarquables dans la quantité de sucre que contiennent les 
sangs de divers animaux. 

Le contraste entre l’uniformité et l'accord qui existent dans les résultats 
obtenus par M. Pavy et les chiffres de M. CI. Bernard est frappant. Ce dernier 
savant a annoncé dans les Comptes rendus du 19 juin 1876, page 1409, que 
la limite inférieure du sucre contenu dans le sang est 4 pour 1000, et qu'à 
l’état normal la quantité varie de 1 à 3 pour 4000. 

Condition comparative du sang veineux et artériel. — Dans la seconde 


NOTES ET REVUE. XIX 


partie de sa communication M. Pavy a parlé de l’état comparatif du sang 
artériel et du sang veineux. C’est cette portion du sujet qui a la plus 
grande importance au point de vue physiologique. Parmi les effets produits 
par les anesthésiques sur les animaux est la formation d'une quantité anor- 
male de sucre dans le sang. Pour être exacte, il est de rigueur que le sang 
soit pris à une période où l'animal n’est pas sous une telle influence. Dans la 
première observation faite M. Pavy sur le sang d’un chien, l'animal a été 
tué instantanément en coupant la moelle épinière, et le sang a été immédia- 
tement tiré de la veine jugulaire et de l'artère crurale, sans laisser assez de 
temps pour que la formation post morlem du sucre dans le foie ait pu in- 
fluencer le sang. Les résultats obtenus par cette méthode sont les suivants : 

Artère crurale, 0,799, 0,791 ; moyenne, 0,795. 

Veine jugulaire, 0,793, 0,791 ; moyenne, 0,792. 

Pour avoir des preuves auxquelles on ne püt opposer aucune exception, 
M. Pavy imagina une autre méthode, qu'il réussit à perfectionner avant la 
séance, certaines restrictions imposées par la loi sur la vivisection ayant 
été relevées. Par ce procédé, M. Pavy peut retirer le sang aussi bien de la 
veine jugulaire que de l’artère carotide, et dans les conditions naturelles 
de la vie, Les animaux étaient soumis à l'influence d'un anesthésique, et 
pendant ce temps les vaisseaux étaient exposés et liés avec une ficelle, mais 
sans les serrer. Lorsqu'ils étaient revenus à leur état normal et que l'effet 
de l’anesthésique avait cessé, les vaisseaux étaient tirés en avant et coupés, 
afin de permettre l'écoulement simultané du sang. L'opération de retirer 
le sang à été faite de telle façon, que les animaux n'ont manifesté aucune 
douleur. L'analyse du sang retiré de cette manière était commencée avant que 
la coagulation ait pu s'effectuer. Voici les résultats : 

N°1. Artère carotide, 0,806, 0,817 ; moyenne, 0,811. Veine jugulaire, 0,808, 
0,788 ; moyenne, 0,798. 

N°9, Artère carotide, 0,854,'0,873 ; moyenne, 0,863. Veine jugulaire, 0,863, 
0,896; moyenne, 0,879. 

En considérant ces chiffres, il est parfaitement clair qu’il n’y a pas de 
différence entre la quantité de sucre dans le sang veineux et le sang artériel. 
Si l'on compare ces résultats avec les chiffres donnés par M. CI. Bernard 
(Comptes rendus, t. LXXXIIL, n° 6, p. 373), on les trouvera tout à fait 
opposés. Son procédé volumétrique tend à démontrer que beaucoup de 
sucre disparaît pendant que le sang passe du système artériel au système 
veineux. Dans cette note, M. CI. Bernard donne les résultats de cinq obser- 
vations sur du sang tiré des veines et des artères crurales, et trois sur celui 
des veines et des artères carotides et jJugulaires, La movenne de ces différentes 
obServations montre une variation apparente de 0,300 pour 1000 de sucre 
entre le sang veineux et le sang artériel. La moindre différence se trouve 
dans une observation dans laquelle les chiffres sont 1,100 pour 1000 pour le 
sang artériel, et 1,080 pour 1000 pour le sang veineux, c'est-à-dire une varia- 
tion de 0,020. La plus grande différence se trouve dans une observation où 
les chiffres sont 1,510 et 0,950 respectivement, ou une variation de 0,560 
pour 1000, ce qui représente une plus grande proportion du sucre que M. Payy 
a trouvé dans le sang du mouton et du bœuf, et qui y existe naturellement, 


XX NOTES ET REVUE. 


Disparition spontanée du sucre du sang. — En abordant la ‘troisième partie 
de sa communication, c’est-à-dire la disparition du sucre du sang après qu’il 
est retiré du système, M. Pavy a donné les résultats suivants d’une série 
d'analyses qu'il à faite dernièrement : 


Première analyse. 
Moyennes. 


Retiré immédiatement après la mort.,,.,,...., 0.786 
Après une Here... 4..." tree. 010 


Deuxième analyse. 


Retiré immédiatement après la mort....,.,...,., 0.700 
Après une heure...... SAR 0 tasses 1140:070 


Troisième analyse. 


Retiré immédiatement après la mort..,...., no sa c0e108 
ADréS Une NEUTC..--e--7 0E sise -brsec VOL 
Après vingt-trois heures..... ne OT DS 0e re TU 200 


Quatrième analyse. 


Retiré immédiatement après la mort.....,,...,. 0.786 
Après une heure......... RUE PP A 17/2. 
Après vingt-quatre héures 256,7. 00P00 


Cinquième analyse. 


Retiré immédiatement après la mort......,,..., 0.991 
Après uné heure trois (quarts © -0re-eree.-0re 000 


Une série d'expériences quelque peu semblables ont été faites par CI. Ber- 
nard et publiées par lui dans les Comptes rendus du 19 juin 1876; elles mon- 
trent une différence remarquable avec les résultats obtenus par M. Pavy : 


Moyennes, 


10 Analyse faite immédiatement...,....,.,,..,... 1,070 


20 — après dix /fminutes. 4251000. DID 
30 après trente minutes. .......... 0.880 
4° — après cinq heures, ......s..s..e 0.440 
50 —— après vingt-quatre heures....... 0.000 


M. Pavy remarquait qu'il n'y avait rien de nouveau dans la découverte 
suggérée par M. Bernard, c’est-à-dire que le sucre du sang est détruit lente- 
ment après que ce dernier est retiré du système. Il avait notifié le fait à la 
Société, à une période aussi éloignée que l’an 1855, quand il a déclaré que, 
sous les changements opérés par la décomposition du sang, le glucose est 
métamorphosé très-facilement, la ‘rapidité de la métamorphose dépendant 


NOTES ET REVUE. XXI 
de l’activité de la décomposition des substances animales qui se trouvent 
dans Île sang. 

En terminant sa communication, M. Pavy a fait remarquer que les preuves 
qu'il a produites dans son mémoire démontrent que les résultats obtenus par 
M. CI. Bernard par le procédé expérimental qu’il a employé récemment sont 
erronés, et par conséquent les déductions qu'il en a tirées sont également 
erronées. La cause de la vérité et les intérêts de la science demandent que 
les résultats de ses expériences qu'il vient de publier soient éliminés de la 
littérature physiologique. 


v 


NOUVELLE MÉTHODE POUR LA DÉTERMINATION QUANTITATIVE 
DU SUCRE DANS LE SANG, 


Par -M. le docteur Pavy, F. R. S- 


A la séance de la Société royale d'Angleterre du 14 juin, M. le docteur 
Pavy a communiqué ses recherches sur une nouvelle méthode pour la déter- 
mination exacte de la quantité de glucose dans le sang, et de son application 
à l'investigation des relations physiologiques qui doivent exister entre le 
sucre et le sang dans le système animal. Les résultats exacts qu'a obtenus 
M. Pavy par son nouveau procédé de dosage gravimétrique sont tellement im- 
portants, qu'ils auraient dû contribuer à augmenter et à consolider nos con- 
naissances à l'égard du traitement et de la pathologie du diabète. 

Cette communication, qui contenait la description détaillée du nouveau 
procédé, a été, pour ainsi dire, la préface d'une seconde note que M. Pavy a 
lue à la séance suivante, où il a parlé : 4° de l’état naturel du sang ; 2 de 
la condition comparative de sang veineux et du sang artériel, et 3° du chan- 
gement spontané qui se produit dans le sang après qu’il est séparé du corps. 

Avant de faire la description de sa méthode gravimétrique, M. Pavy à passé 
en revue le nouveau procédé volumétrique de M. CI. Bernard, dont ce savant 
a donné les détails dans un des derniers volumes des Comptes rendus. Cette 
méthode, a dit M. Pavy, non-seulement manque de précision comme procédé 
d'analyse quantitative, mais elle peut même donner des résultats fallacieux, 
parce que la matière organique retient le sous-oxyde de cuivre dans l’état 
soluble. 

La méthode de M. CI, Bernard est basée sur des erreurs dont les résultats 
ne peuvent être que trompeurs. La première erreur est dans l’assertion 
que le volume du réactif liquide correspond en centimètres cubes à quatre 
cinquièmes du poids en grammes du mélange de sang et de sulfate de soude. 
En pratique, on a trouvé que la vraie relation entre le volume du réactif li- 


XXII NOTES ET REVUE. 


quide et le poids du mélange, doit varier dans chaque cas individuel selon 
la quantité de matière solide qui se trouve dans chaque spécimen particu- 
lier, et la perte par l'évaporation pendant la séparation du coagulum. 

L'autre erreur, dans la méthode de M. CI. Bernard, s'ensuit de l'influence 
qu'exerce la matière organique en empêchant la précipitation du sous-oxyde. 
La grande quantité de potasse qu'on emploie dans ce procédé, c’est-à-dire 
20 à 25 centimètres cubes d'une dissolution concentrée à chaque centimètre 
cube du réactif, agit sur quelques principes organiques contenus dañs le 
liquide sanguih, et empêche la précipitation du sous-oxÿde de cuivre. 

M. Pavy a continué sa note en faisant la description de son procédé gra- 
vimétrique, dans lequel il emploie une pile voltaique pour effectuer la dépo- 
sition du cuivre qu'a réduit le sucre dans une forme capable d’être pesé 
avec beaucoup d’exactitude. Un certain volume de sang, savoir 20 centimè- 
tres cubes, est séparé du corps et mélangé avec 40 grammes de sulfate de 
soude. Le sang doit être pesé avec beaucoup de précision. On met le mélange 
dans un matras de la capacité de 200 centimètres cubes, et on ajoute à peu 
près 30 centimètres cubes d'une dissolution de sulfate de soude préalable- 
ment chauffée. On chauffe ce mélange jusqu’à ce qu’un coagulum se forme. 
On filtre à travers un morceau de mousseline, et ensuite on lave bien le coa- 
gulum à la dissolution de sulfate de soude pour ne pas perdre une trace du 
sucre contenu dans le sang. Le liquide est trouble ; il faut donc le faire 
chauffer encore une fois, et puis le passer à travers un papier à filtrer pour 
le rendre parfaitement limpide. Ensuite on le fait bouillir, et on ajoute à peu 
près 40 centimètres cubes de la dissolution de potassio-tartrate de cuivre, 
c'est-à-dire un excès du réactif. On continue l’ébullition pendant üne minute 
seulement, temps suffisant pour faire précipiter le sous-oxyde de cuivre par le 
sucre. Ensuite on filtre à travers l’asbestos, ou, ce qui est meilleur, le nou- 
veau glass wool. On lave bien le sous-oxyde, et on le fait dissoudre dans quel- 
ques gouttes d'acide nitrique, une petite quantité de solution de peroxyde 
d'hydrogène ayant été préalablement ajoutée au sous-oxyde pour aider l’oxyda- 
tion et la solution. 

Le cuivre contenu dans le liquide ést déposé sur un cylindre de platine 
par une pile voltaïque. Le pôle positif est une spirale dé fil de platine, autour 
duquel se trouve le pôle négatif en forme de cylindre creux. L'action de la 
pile est continuée jusqu’à ce que les réactifs ordinaires démontrent que tout 
le cuivre est déposé, opération qui dure ordinairement pendant vingt-quatre 
heures. On détache le cylindre de platine, et on le lave dans l’eau distillée et 
dans l'alcool. On le fait sécher dans un bain-marie, et ensuite on le pèse. La 
différence, dans le poids du cylindre avant et après l’opération, donne Ja 
quantité de sucre contenu dans le sang. L’électro-moteur préféré par 
M. Pavy est la pile à mercure et à bichromate de Fuller, et elle a été choisie 
pour sa constance. 

Ayant déterminé la quantité de cuivre dans le sang, il est bien facile d'en 
calculer le sucre qui a opéré sa réduction. Cinq atomes d'oxyde euprique du 
réactif sont réduits par un seul atome de glucose, d’où il s'ensuit que 317 par- 
ties de cuivre représentent l'équivalent d’une partie de glucose, ou dans la 
proportion de 1 de cuivre à 0,5678 de glucose. Pour trouver la quantité de 


NOTES ET REVUE, XXII 


glucose, on n’a qu'à multiplier lé poids du cuivre par 0,5678. Cette mé- 
thode d'employer la dissolution de cuivre donne des résultats qui, au lieu 
d'être volumétriques, sont gravimètriques, procédé dans lequel l'incertitude 
ne peut pas entrer. Le jugement n'y est pour rien, il n’y a rien à décider ; 
donc il n’y a pas moyen de se tromper, comme quand l’exactitude du procédé 
dépend sur la disparition plus ou moins parfaite d'un teint délicat comme 
dans la méthode volumétrique. 

L'exactitude et la certitude de cette méthode sont fortement appuyées par 
l'uniformité des résultats d’un grand nombre d'expériences. En comparant 
les résultats qu'a donnés le procédé gravimétrique avec ceux qui ont été ob- 
tenus par le procédé de M. CI. Bernard, ces derniers montrent des différences 
énormes. Les chiffres que donne M. CI. Bernard sont toujours trop grands, 
etil n'y a pas de relation intelligible apparente entre ces différences, ce qui 
démontre que nous avons tort de prendre seulement la décolorisation du 
liquide, sans compter la précipitation du sous-oxyde de cuivre, comme indi- 
cation du dosage du sucre dans le sang. M. Pavy a appuyé cette assertion 
par des conclusions qu'il a tirées d’un grand nombre d'expériences, 


VI 


‘ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES, 
Par M. F.-E,. Scauzze. 
Sixième partie. 


Extrait des Archiv. f. mikroskop. Anat., Bd. 13.) 


Le mémoire de M. Schulze renferme une étude sur le noyau des Foramini- 
fères et le tracé d’un arbre généalogique hypothétique des Rhizopodes que 
nous ne saurions reproduire dans le cadre des Archives. Nous nous bornerons 
donc à analyser la première partie du travail de l’auteur, 

Nucléus des Foraminifères. Parmi les raisons qui se sont opposées à ce 
qu'on puisse grouper les Rhizopodes jusqu'ici connus suivant leur parenté 
naturelle, se placent en dehors de l'incertitude des documents géologiques qui 
doivent intervenir dans la question, notre ignorance de l’ontogénie de ces 
êtres et les lacunes de nos connaissances relativement à leur structure anato- 
mique. C’est ainsi que jusqu'à ce jour on n’était pas parvenu à décider d’une 
façon définitive la question de l'existence ou de l'absence du nucléus dans 
une des divisions les plus nombreuses, celle des Foraminifères à test calcaire 

Cette dernière question, restée sans solution, parut à M. Schulze un ob- 
stacle si grand à son projet de coordonner en un tout les résultats des études 
partielles et de les résumer sous forme d’un arbre généalogique, expression 
des rapports des différents termes de la classe, que l'auteur résolut de tenter 
un dernier effort, pleinement couronné par le succès. 


XXLY NOTES ET REVUE. 

Op sait que Dujardin considérait le sarcode des Rhizopodes en général et 
celui des Foraminifères en particulier, comme homogène, sans produit diffé- 
rencié et que cette vue a été admise par lés zoologistes les plus en renom ou 
les plus autorisés sur la classe : Milne Edwards, Deshayes, Williamson, Max 
Schullze et Carpenter. Ce n'est que dans le Gromia oviformis et une espèce 
douteuse du genre Ovulina que Max Schultze put reconnaître avec certitude 
l'existence d'un novau. Pour les Foraminifères pluriloculaires, il dut avouer 
un échec, tout en se rejetant çà et là sur quelques corpuscules particuliers 
qu'ilne peut à la vérité proclamer nucléus de cellule, sans vouloir exclure 
toutefois la possibilité qu'ils soient tels (quelques Jeunes exemplaires de Rota- 
lia veneta, Textularia picla.) 

Carpenter dit de son côté que « dans les Rhizopodes qui ont gardé l’état 
protoplasmatique originel plus complétement (les Gromia et les Foraminifères 
d’une manière générale semblent être dans ce cas), on ne peut distinguer un 
nucléus. » Rappelons enfin que M. Schulze lui-même n'avait pu jusqu’à ce 
jour, dans ses études antérieures, rencontrer un noyau distinct que dans le 
Quinqueloculina fusca. Aujourd'hutil nous fait connaitre l'existence de ce corps 
dans les Entosolenia globosa et Polystomella strialopunctata. 

La masse molle du corps de l’Entosolenia globosa renferme un grand nom- 
bre de corpuscules de tailles diverses, incolores ou colorés, paraissant denature 
graisseuse et fortement réfringents. Au milieu d'eux, pourtant, vers l’extré- 
mité postérieure et plus ou moins sur l’axe principal, M. Schulze put recon- 
naître dans tous les exemplaires examinés à ce point de vue un champ clair» 
arrondi, distinctement marqué. La constance de sa situation et de sa forme, 
non moins que la différence de réfringence vis-à-vis du protoplasma ambiant, 
excluent déjà pour ce corps l’idée de vacuole ou d’une portion de plasma 
restée sans granules ; mais l'acide acétique dilué ou le vinaigre de bois ajoutés 
à la gouttelette d’eau dans laquelle on observe l'animal lèvent bientôt tous les 
doutes. Le test se dissout plus ou moins complétement, et les corpuscules 
réfringents pälissent extrèmement; de telle façon que le corps dont il s’agit 
apparaît maintenant séparé par un contour vigoureux du protoplasma envi- 
ronnant et avec un contenu troublé, çà et là finement granuleux, comme un 
noyau de cellule incontestable. 

La démonstration ne fut pas si facile pour les Foraminifères pluriloculaires. 

Le Polystomella striatopunctata Fichtel et Moll fournit d’abord à l’auteur 
la matière de quelques détails complémentaires de la description de Carpenter 
sur la façon dont les segments qui remplissent les différentes chambres du 
test sont mis en relation les uns avec les autres, puis il passe au nucléus. 

Pour le trouver, M. Schulze s’adressa d’abord à la loge centrale, mais vai- 
nement : elle ne renferme jamais rien qui ressemble à un noyau, et l’auteur, 
découragé, allait presque abandonner les recherches, quand un jour, sur un 
exemplaire dépouillé par le vinaigre de bois, il aperçut dans un segment ap- 
partenant à un numéro moyen dans la série des loges une place se dessinant 
d’une façon différente du reste. M. Schulze colora alors toute la masse molle 
du corps demeurée intacte de cette Polystomella avec la dissolution de bois de 
campêche, et l'éclaircit ensuite avec une dissolution faible d'ammoniaque. A 
sa grande Joie, il vit alors dans la masse générale du corps teinte en bleu clair 


NOTES ET REVUE. XXV 
apparaitre un corps arrondi coloré en violet, d’un diamètre d'environ 
0,058, offrant la distinction d'une membrane extérieure foncée et d’un contenu 
plus clair, avec un certain nombre de petits corpuscules fortement réfringents, 
par conséquent un noyau de cellule de constitution typique. Ce nucléusse retrouva 
à une place correspondante dans tous les exemplaires examinés ensuite, bien 
qu'avec de légères modifications. 

Habituellement unique, le nucléus était quelquefois double, les deux noyaux 
étant alors placés dans deux chambres consécutives, Une seule fois l’auteur 
vit s’interposer entre les deux chambres nucléées une chambre à protoplasma 
homogène. Une seule fois aussi il trouva trois nucléus dont deux dans deux 
segments consécutifs et le troisième dans un segment séparé des premiers par 
une chambre à protoplasma pur. En ce qui touche la position des segments 
pourvus de noyau dans la série des loges, l'auteur conclut de ses études que 
c’est dans le tiers intermédiaire du nomore des loges qu'il faut les chercher. 
S'il y a en tout trente segments, ce sera donc entre les segments dix et vingt 
qu'il faudra s'attendre à voir le ou les noyaux. Une particularité curieuse est 
que souvent le nucléus unique n’est pas en totalité dans une chambre, mais 
partie dans une, partie dans une autre, les deux portions du nucléus étant 
reliées par un pont traversant un des orifices arrondis de communication d’une 
chambre à l'autre. Quelquefois on saisit le noyau au moment en quelque sorte 
ou il s’insinue dans un de ces canaux de communication ; 11 n’y est encore 
éngagé que par une faible partie, et sa masse principale est en dehors. Il 
y a donc lieu d'admettre que le noyau peut voyager d’une chambre à l’au- 
tre, ce que le fait de sa position constante dans une des chambres du tiers 
intermédiaire du nombre total, quel que soit ce nombre, corrobore et mème 
nécessite. On voit aussi que, dans ce cas, €’est toujours d’un segment plus an- 
cien vers un plus récemment formé que la migration doit avoir lieu; et l’obser- 
vation directe confirme cette vue, puisque telle était bien la direction du 
noyau chaque fois qu'il fut pris partiellement engagé dans un canal de com- 
munication. 

Après avoir ainsi découvert le nucléus dans une Polystomella, M. Schulze 
se proposait d'en rechercher la présence dans un grand nombre d’autres Fora- 
minifères pluriloculaires ; mais le temps que ces études nécessitaient l’en em- 
pècha pour le moment. Il se borne à dire qu'il a trouvé des noyaux absolument 
semblables dans d’autres Polythalamiens encore, par exemple dans une 
Rotalina. 

L'analogie autorise donc dès aujourd’hui à considérer les Foraminifères en 
général comme appartenant aux Rhizopodes nucléés et non pas à ceux dont 
le corps n’a que la valeur d’une réunion de cytodes purs et simples. La posi- 
tion de l’ordre est donc plus élevée dans la classification que celle qui lui était 
assignée par Jes derniers auteurs. Aus. 


XX VI ; NOTES ET REVUE. 


VIT 
DÉVELOPPEMENT DES NERFS SPINAUX DES ELASMOBRANCHES. 


M. Balfour a étudié le développement des nerfs spinaux des élasmobranches 
dans l’embrvon à différents âges. 

Ses études ont eu surtout pour sujets les Scyllium canicula, Scyllium 
stellare, Pristinius et Torpedo. 

Il en résume lui-même les resultats dans les termes suivants : « Sur la 
ligne médiane et dorsale du cordon médullaire s'élève de chaque côté une 
excroissance continue. 

« De chaque excroissance partent pour s’enfoncer ensuite plus profondé- 
ment des processus en nombre correspondant à celui des bandes musculaires. 
Ces sont les rudiments des nerfs. 

« Ces excroissances, d’abord attachées au cordon médullaire dans toute 
leur longueur, cessent bientôt de l'être et ne restent en connexion avec lui 
qu'en certaines places qui forment le trait d'union entre lui et les racines 
postérieures des nerfs spinaux. » 

L’excroissance primitive reste de chaque côté comme un pont unissant en- 
semble les extrémités dorsales de tous les rudiments des racines postérieures. 

Les points de jonction de ces racines avec le cordon médullaire sont 
d’abord situés sur la crête de ce dernier, mais par la suite ils descendent plus 
bas et finalement vont se placer sur les côtés du cordon. 

Ensuite les rudiments postérieurs grandissent rapidement et se différen- 
cient en une racine (par laquelle ils sont attachés au canal spinal), un gan- 
glion et un nerf. 

Les racines antérieures, comme les postérieures, sont des productions du 
cordon médullaire, mais les excroissances qui doivent les former sont dès 
l'origine indépendantes et les points d’où elles naissent sont ceux où elles 
sont définitivement attachées; elles ne subissent pas comme les racines pos- 
térieures un changement de position. Les racines antérieures ne naissent pas 
directement au-dessous des racines postérieures, mais correspondent aux 
intervalles qui les séparent. 

Les racines antérieures sont d’abord tout à fait séparées des postérieures, mais 
bientôt après la différenciation du rudiment postérieur en racine, ganglion et 
nerf, la jonction s’effectue entre chaque nerf postérieur et la racine auté- 
rieure correspondante. La jonction a lieu d’abord à une petite distance du 
ganglion. 

Les faits qui viennent d’être exposés touchent de près à un ou deux pro- 
blèmes importants : 

Un point d'anatomie générale sur lequel ils jettent beaucoup de lumière est 
celui de l’origine première des nerfs. 

La théorie qui veut que les nerfs spinaux et cérébraux se développent dans 
l'embryon indépendamment du système nerveux? central a toujours présenté 
à mon esprit de grandes difficultés. 


NOTES ET REVUE. XXVII 


Il me semblait difficile de comprendre comment les parties centrales du 
système nerveux, aussi bien que les parties périphériques motrices ou sensi- 
tives, étaient formées indépendamment l’une de l’autre, tandis qu'entre elles 
un troisième tissu se développaié qui, croissant dans les deux directions, 
finissait par les relier. 

Il me paraissait à peine possible qu'un semblable état de choses pût exister 
à l’origine. 

Il était encore plus étonnant qu'on püt trouver des éléments semblables 
dans les parties centrales ou périphériques si l’on se reportait à l'histoire du 
développement des vertébrés. 

Le système nerveux central tire son origine de l'épiblaste et contient des 
cellules et des fibres nerveuses semblables à celles du système périphérique, 
lequel, s’il dérive, comme on l’admet généralement, du mésoblaste, devait être 
regardé comme ayant une origine complétement différente. 

Ces difficultés sont écartées par les faits qui viennent d'être exposés sur le 
développement de ces parties dans les élasmobranches. 

Si l’on accepte que les racines des nerfs spinaux dans Ces animaux dérivent 
du système nerveux central, il est difficile d'admettre que dans les autres 
vertébrés les racines et les ganglions se développent indépendamment du 
cordon médulläire et ne s’y unissent que par la suite. 

La présence de commissures transversales reliant les extrémités centrales 
de toutes les racines postérieures est un fait très-remarquable. Les commis- 
sures peuvent être regardées comme des portions extérieures du cordon 
plutôt que comme des parties des nerfs. 

Je n'ai pas jusqu'ici suivi leur histoire très-loin dans la vie de embryon et 
je n’ai pas de renseignements sur leur sort dans l'adulte. 

Je ne sache pas que rien de semblable ait été rencontré chez les autres 
vertébrés. 

Les commissures ont une très-grande ressemblance avec celles qui, dans 
l'embryon avancé des élasmobranches, unissent le glossopharyngien et les 
branches du pneumogastrique. Il n’est pas impossible que dans les deux cas 
les commissures ne soient homologues. 

Si cela est vrai il semblerait que la réunion d’un certain otbie de nerfs 
pour former lé pneumo-gastrique n’est pas le résultat d’un développement 
spécial, mais plutôt un vestige de l’état primitif dans lequel tous les nerfs 
spinaux étaient réunis comme ils le sont dans l'embryon des élasmobranches. 

Un point de mes recherches'me paraît toucher à l’origine du canal central 
du système nerveux des vertéhrés et par conséquent à l’origine du groupe 
lui-même. 

C'est ce fait que les rudiments des racines postérieures apparaissent le long 
de la crête du canäl mural du côté dorsal. 

La section transversale du cordon central d'un ver annelé ordinaire se com- 
pose de deux moitiés symétriques juxtaposées. 

Si par une plicature mécanique on courbe les deux moïtiés latérales l’une 
vers l’autre, tandis que dans la gouttière qui se forme entre elles la peau 
extérieure se trouve prise, nous arrivons à une représentation approximative 
du cordon médullaire des vertébrés. 


XXŸIU NOTES ET REVUE. 

Une semblable plicature pourra avoir pour cause la nécessité de donner 
plus de rigidité au corps en l’absence d’une colonne vertébrale. 

Si cette formation se poursuit de telle sorte que la gouttière, doublée par 
la peau extérieure et comprise entre les deux colonnes latérales du système 
nerveux, se convertisse en un Canal au-dessus et au-dessous duquel ces deux 
colonnes sont réunies, nous aurions dans le cordon nerveux ainsi transformé 
un organe qui ressemble étroitement au cordon médullaire des vertébrés. 

Cette ressemblance ne se borne pas à la forme extérieure ; prenons par 
exemple le cordon ventral du lumbricus agricola, dont Claparède et Levdig 
ont figuré des coupes, nous trouvons que sur la surface ventrale du cordon 
nerveux (surface ventrale relative à la position naturelle de l'Annélide) se 
trouvent les cellules ganglionnaires (matière grise) et du côté dorsal les 
fibres nerveuses ou matière blanche. Si nous faisons intervenir la courbüre 
que nous avons supposée, les matières grise et blanche auront à peu près la 
même situation relative que dans la moelle épinière des vertébrés. 

La matière grise serait située dans l'intérieur, entourant l’épithélium du 
canal central, et la matière blanche envelopperait la grise formant la commis- 
sure blanche antérieure. 

Les nerfs partiraient donc non pas des côtés du cordon nerveux comme 
dans les vertébrés actuellement existants, mais de la crête ventrale. 

Un des faits le plus frappants que j'aie mis en lumière relativement au dé- 
veloppement des racines postérieures des vertébrés est ce fait qu’elles partent 
de la crète du canal neural, position homologue à la crête ventrale du cordon 
ventral des Annélides. Les racines postérieures des nerfs des Elasmobranches 
naissent donc précisément à la place où elles devraient se trouver dans l’hy- 
pothèse que je viens de développer sur le mode d’origine du canal spinal par 
cambrure. 

Cette position serait difficile à expliquer autrement. Dans cette hypothèse 
l'épithélium central du canal neural représente la peau, et sa nature ciliaire 
s'explique comme par la ciliation de la peau de beaucoup d’Annélides infé- 
rieurs. 

J'ai comparé les cordons nerveux des vertébrés et des Annélides moins 
pour prouver une relation d’origine entre eux que pour montrer à priori la 
possibilité et à posteriori la preuve évidente que nous possédons de la forma- 
tion du canal spinal des vertébrés suivant le mode que j'ai indiqué. 

Je n'ai pas encore produit l'argument le plus décisif en faveur de ma 
manière de voir, c’est que le mode de formation embryonnaire du canal spinal 
par une cambrure de l’épiblaste est la méthode par laquelle je suppose que le 
canal spinal a dû se former chez les ancêtres des vertébrés. 

Mon but à été de suggérer une explication de la position primitive des 
racines postérieures plutôt que d'expliquer l’origine du canal spinal, 


NOTES ET REVUE. XXIX 


VIII 


RECHERCHES SUR LA PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS 
OU ESSAIS DE TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE, 


Par M. Camille DARESTE. 


L'ouvrage que M. Dareste vient de publier sous ce titre, à la librairie Rein- 
wald, est déjà partiellement connu des lecteurs des Archives. C’est, en elfet, 
le développement de propositions sur la tératogénie, énoncées par l’auteur 
dans deux mémoires publiés dans ce recueil, en 1873 et 1874, sous le titre 
de : Mémoire sur la lératogénie expérimentale et de Mémoire sur l'origine et 
le mode de formation des monstres doubles. Deux chapitres de ce livre avant 
pour titre, le premier : Anomalies des annexes de l'embryon, le blastoderme, 
Paire vasculaire, l'amnios et l'allantoïde ; le second : Mode de formation des 
monstres simples autosites, ont été publiés in extenso, ici même. 

L'auteur à publié, à la fin de son livre, un résumé général. Nous citons 
textuellement une partie de ce résumé :. c’est le meilleur moyen de faire con- 
naître les principaux résultats qu'il a obtenus. 

Le fait fondamental, dominateur, si l'on peut parler ainsi, de la tératogénie, 
c’est que les événements tératogéniques sont toujours la conséquence d'une 
modification de l’évolution embryonnaire. Ce fait, entrevu par Wolff et par 
Meckel, et ensuite plus complétement présenté par les deux Geoffroy 
Saint-Hilaire, n’avait encore été établi que par des considérations théoriques. 
Il est mis en pleine lumière par mes recherches, entièrement fondées sur 
l'observation. 

Je dois insister sur ce résultat, car, encore aujourd'hui, le fait fondamental 
de la tératogénie n’est pas apprécié comme il devrait l'être. Les savants qui 
ont occasion d'étudier les faits tératologiques sont presque tous des méde- 
cins, prédisposés par leurs études à les expliquer par l’intervention de causes 
pathologiques. Ils se représentent la monstruosité comme résultant de la lé- 
sion accidentelle d’un organe primitivement bien conformé. C'était, je l'ai dit 
déjà, la théorie tératogénique de Lémery. Je n’ai pas cru devoir combattre 
cette doctrine par des arguments directs, tirés des difficultés physiologiques 
souvent considérables qu’elle soulève dans ses applications à chaque cas par- 
ticulier. La meilleure réfutation de cette doctrine, c'était la constatation 
même du mode d'évolution des monstres. Elle est la conséquence la plus gé- 
nérale de tous les faits consignés dans ce livre. 

J'ai eu d’ailleurs occasion d'étudier certaines maladies de l’embryon, et 
particulièrement l'hydropisie. Cette étude, sur laquelle j'ai réuni de nom- 
breux documents, m'a prouvé que l'hydropisie embryonnaire, à laquelle on a 
attribué un si grand rôle dans la tératogénie, détermine toujours, lorsqu'elle 
atteint un certain degré d'intensité, la désorganisation et la mort. Les désor- 
dres qu’elle produit ne peuvent jamais se réparer, comme le prétendent les 
partisans des causes pathologiques en tératogénie. 

L'apparition des anomalies et des monstruosités est donc uniquement le 


3 


XXX NOTES ET REVUE. 


résultat d’une évolution modifiée. Mais, pour que Îles causes tératogéniques 
puissent exercer leur action, il faut nécessairement qu'elles agissent sur 
l'embryon, lorsqu'il est capable de la subir, c'est-à-dire lorsqu'il est encore 
dans cette première période de la vie où l'organisme, entièrement constitué 
par des éléments organiques homogènes, ne présente pas la diversité de 
structure qui le caractérise plus tard, et qui est la condition essentielle de la 
manifestation des phénomènes physiologiques de l’âge adulte. 

C'est alors qu'interviennent les deux procédés généraux de la tératogénie, 
l'arrêt de développement, fait initial de la monstruosité simple, et lPunion 
des parties similaires, fait initial de Ia monstruosité double. Ces deux procé- 
dés, essentiellement différents dans leur nature, sont d’ailleurs fréquemment 
associés. L'arrêt de développement détermine parfois l’union des parties simi- 
laires dans les raonstres simples. L'union des parties similaires qui produit la 
monstruosité double est elle-même le point de départ de nombreux arrêts 
de développements frappant les diverses parties des organismes conjugués. 

Les organes définitifs des êtres monstrueux apparaissent ainsi d’emblée avec 
leurs caractères tératologiques dans des blastèmes préalablement modifiés par 
la monstruosité. 

I résulte de cette condition générale de la tératogénie que les monstruosi- 
tés se manifestent de très-bonne heure. On les constate dans lembryon de la 
poule pendant l'époque qui précède la sortie de l’allantoïde hors de la cavité 
abdominale, époque qui correspond aux quatre premières journées, lorsque 
la température de l'incubation est normale. 

L'époque de l'apparition des monstruosités est d'ailleurs d'autant plus pré- 
coce que les modifications tératologiques sont plus graves. Cela est évident 
pour les monstruosités simples. J'ai montré comment la série des types de la 
monstruosité simple dans la classification d’Is. Geoffroy Saint-Hilaire, série 
qui conduit les monstruosités les moins complexes aux monstruosités les plus 
graves, reproduit très-exactement, quaud on la prend en sens inverse, l’ordre 
même de leur apparition dans l’évolution embryonnaire. Cela est également 
évident pour la monstruosité double. Les types de cette classe dans lesquels 
la fusion est la plus intense, c'est-à-dire ceux qui présentent l'unité plus ou 
moins complète de la colonne vertébrale, ne peuvent se produire que tout à 
fait au début des formations... » 

L'auteur rappelle ensuite les faits de détail qu’il a découverts, relativement 
à l’évolution spéciale de chaque type tératologique ; puis il ajoute : 

€ Toutes les observations qui m'ont fourni les éléments de ces découvertes 
ont été faites sur des embryons de poule. Toutefois, ce n’est pas seulement 
la tératogénie de la poule, ou même la tératogénie des oiseaux, qui résulte 
de leur comparaison, Dans le nombre extrêmement considérable d’embryons 
monstrueux que J'ai étudiés, je n'ai rencontré qu'un type tératologique nou- 
veau, celui de l'emphalocéphalie. Tous les types que j'ai observés ont pu être 
rattachés aux tvpes décrits par Is. Geoffroy Saint-Hilaire dans son célèbre 
livre. Et cependant Is. Geoffroy Saint-Hilaire ne connaissait chez les oiseaux 
qu'un nombre de types tératologiques excessivement restreint. J'ai montré 
que c’est la conséquence de la mort précoce des embryons monstrueux chez 
les oiseaux, événement qui résulte de deux causes pathologiques, l’anémie et 


NOTES ET REVUE, XXX/ 


l’'asphyxie, qui les empêche le plus ordinairement d'atteindre l'époque 
d'éclosion. Ces faits m'ont prouvé que les mêmes types tératologiques peuvent 
se produire dans tout l'embranchement des vertébrés. | 

«L'’explication de ce fait est bien simple. Elle résulte de la grande décou- 
verte de Baer sur la réalisation du type des animaux vertébrés dans tous les 
embryons qui appartiennent à ce premier embranchement du règne animal. 
Ils ont tous au début une forme commune et parcourent dans leur évolution 
plusieurs formes successives communes ;.ils peuvent donc être tous modifiés 
de la même façon, sous l'influence de causes tératogéniques. Plus tard, Iors- 
que les différences commencent à se manifester, les types tératologiques ne 
peuvent plus se produire d'une manière générale, et n'apparaissent plus que 
dans certaines classes. L'état actuel de Pembryogénie comparée ne me permet 
pas, pour le moment, d'aller au-delà de cette simple indication. Mais j'ai la 
conviction qu’il n’y a plus qu’une question à résoudre pour transformer la té- 
ratogénie spéciale de la poule en tératogénie générale des animaux vertébrés : 
celle de la constatation des types tératologiques dans la production est pos- 
sible ou impossible dans chacune des subdivisions de ces embranchements. 

«Ainsi donc, les faits que J'ai déduits de mes expériences, bien que restreints 
aux embryons d’une seule espèce, ont une portée bien plus grande qu’on ne 
le croirait tout d'abord, puisque leurs résultats s'appliquent, d'une manière 
générale, à l’une des grandes divisions du règne animal. Ils forment un en- 
semble dont toutes les parties s’enchainent entre elles par les liens d’une mu- 
tuelle dépendance. Comme je l’ai dit dans l'introduction, on pourra y ajouter 
beaucoup de faits de détail; on n'y introduira pas de modifications essen- 
tielles. 

«Mais, derrière tous ces faits que j'ai découverts, il y a un autre fait beau- 
coup plus général, c'est que j'ai produit moi-même les éléments de mes étu- 
des, c’est que, sauf le cas particulier de la monstruosité double, j'ai provoqué 
l'apparition de tous les types tératologiques dont j'ai fait connaître l’évolu- 
tion, en modifiant les conditions extérieures qui déterminent l’évolution nor- 
male. De tous les résultats que j'ai obtenus, c’est celui auquel j’attache la 
plus grande importance, car il montre ce que l’on peut, ce que l’on doit at- 
tendre de l'intervention de la méthode expérimentale dans les questions, au- 
jourd’hui si discutées, de la morphologie zoologique. Ce n’est pas en accumu- 
lant des hypothèses plus ou moins vraisemblables, aliment de discussions 
interminables et stériles, que l’on parviendra à déterminer l’origine des 
formes de la vie. Si le problème nous est accessible, s’il ne dépasse pas la 
portée de l'intelligence humaine, l’expérimentation seule peut fournir les élé- 
ments de solution, C'était la pensée d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire lorsqu'il 
cherchait à provoquer la formation des monstres. C'était aussi la mienne, 
durant cette longue série de recherches que je viens d'accomplir, en suivant 
la voie que ce grand naturaliste a ouverte et qui m'a conduit à réunir les 
éléments de la tératogénie. J'ai le plus ferme espoir qu’elle sera pleinement 
justifiée par la science de l'avenir. » 


XXXII NOTES ET REVUE. 


IX. 


PRÉCIS D'HISTOLOGIE HUMAINE ET D'HISTOGÉNIE 
(2e édition) 


Par MM. Georges Poucuer et TOURNEUXx. 


La deuxième édition du Traité d'histologie humaine que viennent de publier 
MM. G. Pouchet et Tourneux, chez l’éditeur G. Masson, a été complétement 
modifiée, très-étendue. Elle renferme de très-nombreuses indications em- 
pruntées à tous les progrès qu'a faits l'histologie dans ces derniers temps. 

Les figures nombreuses intercalées dans le texte en rendent la lecture fa- 
ciler = | 

Il est heureux de voir se multiplier les publications histologiques en France. 
Les laboratoires où l’on s'occupe de cette partie se multiplient de même, et 
l’on peut espérer que les auteurs, étant attachés à des laboratoires d'histologie 
zoologique de l’École des hautes études, nous donneront pour les animaux 
une publication analogue à celle qu'ils viennent de faire pour l’homme. 

Les auteurs ont, du reste, nettement indiqué le but de leur travail dans la 
préface de leur livre : « Ce précis n’est pas un livre de doctrine, nous n'avons 
eu d'autre ambition que de faire un traité d’histologie humaine aussi clair et 
aussi élémentaire que possible, sans rien sacrifier des droits de la science po- 
sitive. Aussi en avons-nous écarté les considérations d’un ordre purement 
théorique. Quand nous nous sommes trouvés en présence d'opinions con- 
traires, nous n’avons mentionné que celles qui nous ont paru concorder avec 
la réalité des faits tels que l'observation nous les a montrés ou tels qu’ils sont 
décrits dans les mémoires qui nous ont paru mériter le plus de confiance. » On 
pourra s'assurer par la date des travaux originaux cités au bas des pages que 
les auteurs se sont efforcés de tenir ce précis au courant de la science ; mais 
d'autre part ils se sont fait une règle, parmi les travaux modernes ou plus an- 
ciens, de ne citer que ceux — etils sont nombreux — qui ont marqué un 
progrès réel et définitif de nos connaissances. 


Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. 
Le gérant : GC. REINWALD. 


NOTES ET REVUE. XXxITI 


X 


LA FORME EN COMÈTE DES ÉTOILES DE MER ET LA GÉNÉRATION 
. ALTERNANTÉ DES ÉCHINODERMES, 


Par M. Ernest HÆCKEL. 


(Zeitsch. [. wiss. Zool., 30 ter. Band, S. 411.) 


On sait que trois manières de voir se partagent les zoologistes, en ce qui 
concerne l'interprétation morphologique du groupe des Échinodermes. 

L'une de ces vues, remontant à Guvier, en fait des rayonnés au même titre 
que les Acalèphes, Coralliaires, etc. L 

Une autre, indiquée d’abord par Leuckart, voit dans tout le corps d’un 
échinoderme l’équivalent d’un simple ver, plus particulièrement d’un Géphy- 
rien. 

La troisième opinion, enfin, dont Hæckel est le père, en fait des colonies 
de vers segmentés, analogues aux annélides, groupés autour d’une cavité di- 
gestive et d’un orifice buccai communs. 

Les deux premières manières de voir peuvent se concilier avec un dévelop- 
pement par métamorphose opérant sur une larve; la troisième exige qu'on 
fasse intervenir la génération alternante, en considérant la prétendue larve 
comme nourrice. 

La forme curieuse des étoiles de mer, dite en comète, semble à Hæckel 
venir prêter un nouvel appui à la troisième hypothèse, la sienne. 

Sous ce nom de « formes en comète », l’auteur désigne exclusivement ces 
étoiles de mer qui ont été tout entières produites par un simple bras détaché, 
lequel à dû, par conséquent, former à nouveaux frais le disque central et les 
autres bras. La prédominance de volume qu'il conserve pendant longtemps 
sur ces derniers, rappelle plus ou moins la queue de la comète par rapport 
au corps du météore. 

Il importe de remarquer combien ce mode de reproduction diffère des cas de 
régénération, dont les exemples abondent dans tous les musées. Dans les cas 
de régénération, le disque intervient toujours, soit qu'on envisage le phéno- 
mène de la division spontanée du corps, suivi de la recupération des parties 
perdues par chaque moitié, soit qu’on envisage les phénomènes de mutilation 
fortuite de bras isolés repoussant à nouveau. Dans le mode de reproduction 
qui nous occupe, au contraire, on voit les différents bras de l'étoile de mer 
se détacher d'eux-mêmes du disque central, et chacun reconstituer un nou- 
vel individu en formant tout un disque et les bras qui manquent. 

Sans entrer dans plus de détails circonstanciés, qu’il suffise de dire qu’on 
connaissait Jusqu'ici des exemples de ce fait merveilleux dans les formes sui- 
vantes : Linchkia mulliformis (Martens, 1866), Ophidiaster Ehrenbergii (Kowa- 
lewsky), deux espèces de Brisinga (Ossian Sars), vraisemblablement aussi le 
Laÿidiaster radiosus et diflérentes espèces du genre Asteracanthion. Le mème 

ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — T. vi. 4877. C 


XXKIY NOTES ET REVUE. 


phénomène est étudié aujourd'hui par Hæckel dans plusieurs espèces du 
genre Ophidiaster sur des exemplaires conservés dans l'alcool, mis bienveil- 
lamment à la disposition de l’auteur par plusieurs personnes. Voici les re- 
marques générales auxquelles il donne lieu: 

Une suture annulaire délimite toujours la surface de cicatrisation du 
bras détaché, d’où procède la régénération du disque. Dans les exemplaires 
les plus jeunes, on ne trouve pas encore la moindre trace du disque propre- 
ment dit, et les bras nouvellement produits bourgeonnent immédiatement de 
cette surface de cicatrisation. L’orifice buccal n’est d’abord que l’extrémité 
centrale librement ouverte du tube digestif spécial du bras reproducteur. La 
plaque madréporique manque entièrement. Enfin, le nombre des bras bour- 
geonnés est tantôt de quatre, tantôt de cinq. 

Quand il est de quatre, les deux bras qui avoisinent immédiatement le bras 
reproducteur, ont leur axe perpendiculaire à celui de ce dernier, et les deux 
autres bras font avec les premiers et entre eux des angles de 60 degrés. Ce n’est 
que par les progrès de l'accroissement ultérieur, qu’au centre de cette forma- 
tion se dessine un petit disque, et que les deux bras adjacents au reproducteur 
diminuent leur angle d’écartement et se rapprochent de ce dernier. Alors 
aussi commence à paraître la plaque madréporique, le plus souvent double, 
une à droite, une à gauche du bras prolifère. Comme le nombre quatre des 
bras ne s’observe le plus souvent que dans les jeunes individus et qu’il est 
rare dans les exemplaires plus âgés, on doit penser que le bras prolifère est, 
dans la règle, rejeté plus tard et remplacé par le bourgeonnement d’un cin- 
quième bras plus jeune. 

Quand le nombre est de cinq, l’un de ces bras nouveaux est dans le pro- 
longement direct du prolifère et les quatre autres se placent régulièrement, 
à intervalles égaux, entre les précédents. Le disque manque encore à l’ori- 
gine, aussi bien que la plaque madréporique. lei, aussi, cette plaque n’appa- 
rait que quand le disque a déjà acquis une certaine extension au centre de 
l'étoile, et double encore, avec mêmes positions. 

Quand le bras prolifère abandonne la jeune étoile, ou bien la surface de 
séparation se cicatrise et l'étoile reste à cinq rayons, ou bien elle en acquiert 
six en remplaçant son procréateur par la poussée d’un nouveau venu. 

Tels sont les traits essentiels du phénomène dont on peut discuter s’il est 
l'expression d’une fonction normale, d’un nouveau mode régulier de repro- 
duction, ou s’il n’est que la manifestation d’un fait accidentel, pathologique, 
survenant à la suite d’une lésion et de la séparation d’un bras. Hæckel n’hé- 
site pas à se ranger à la première opinion, sur la base des données de Sars, 
Kowalewsky, Studer et Rymer Jones, et aussi sur celle de ses propres obser- 
vations sur l’Ophidiaster diplax et l'O. Grnithopus. Dans ces deux espèces, on 
peut voir le processus de la séparation des bras sur des exemplaires adultes, 
et la ligne de départ ou de séparation se décèle avec toute évidence. Elle 
n'est pas placée au niveau même de l'origine des bras sur le disque, mais un 
peu plus en dehors, sur le bras lui-même, dont il doit rester comme un 
moignon afférent au disque. 

I n’y a donc pas moyen d'admettre que la moindre partie du disque puisse 
être entrainée avec le bras qui se sépare, puisque c’est l'inverse qui a lieu et 


NOTES ET REVUE. XXXV 


que c’est du bras qui reste après le disque. Après cette séparation, un nou- 
veau bras repoussera, et il est possible que l'animal qui a ainsi perdu tous ses 
rayons les reproduise à nouveau, et que le phénomène se répète plusieurs 
fois de suite ; mais c’est là un sujet qu’il appartiendra de mettre hors de 
doute à ceux qui disposent d'une station,z0ologique aux bords de la mer. 

En résumé, dans ce phénomène qui est bien uae manifestation normale de 
la vie de ceux qui le présentent, nous avons un véritable cas de génération 
alternante, sans préjudice de celui qui se rapporte à la larve prétendue (Plu- 
teus, Brachiolaria, etc.), puisque nous voyons ici un bras spontanément dé- 
taché faire office de nourrice et reproduire l'étoile par gemmation extérieure 
(par opposition à la larve qui opère par gemmation intérieure). | 

Comment ces faits appuient-ils la conception d'Hæckel de l’Echinoderme 
colonie de vers segmentés ? 

Tout d’abord, ils donnent un démenti à la conception d’Agassiz dans la- 
quelle les rayons d’une étoile de mer seraient de simples extrémités, des 
membres, quelque chose de comparable aux bras d’un Céphalopode, comme 
dit Metschnikoff, pour mieux peindre la chose. Mais est-ce que le bras séparé 
d'un Céphalopode reproduit le mollusque? Où y a-t-il un cas, chez n’im- 
porte quel animal, d’une extrémité ayant refait le corps ? Chez l’hydre, chaque 
parcelle du corps reproduit le tout ; mais un tentacule, un morceau de tenta- 
cule, en sont incapables ! Cite-t-on que la patte d’un lézard ou d’une écre- 
visse aient produit un nouveau saurien ou crustacé ? Voilà cependant ce que 
l’on aurait dans les Echinodernes, si on voulait à tout prix prendre leurs 
bras pour de simples extrémités ! Non, le corps d'un Echinoderme n’est pas 
une simple personne, mais une colonie de cinq membres issue par génération 
alternante d’une nourrice. 

Pour mieux apprécier ces questions relatives à l'individualité dans les Echi- 
nodermes, il est nécessaire de délinir plus nettement qu'on ne le fait d’ordi- 
naire, ce qui a trait à leur structure générale et à leur symétrie. 

Hæckel nomme la première génération, l’agame, la prétendue larve enfin, 
l'Astrotithène (8m, nourrice); la seconde, la sexuée, l'Echinoderme par- 
fait, l’Astrocormus. 

L’Astrotithène n’a pas la moindre trace d’une structure rayonnée, d’une 
composition par plus de deux antimères. La tentative d'Agassiz d'y retrouver 
déjà un plan radiaire et comme une méduse est si défectueuse, qu’une réfu- 
tation est inutile. La prétendue larve, indiscutablement, appartient à la 
symétrie binaire, dans la quatrième acception de ce mot, qui en a cinq, celle 
des dipleuraux, caractérisée par trois axes croisés à angles droits, dont un a 
des pôles de même valeur, l’axe latéral avec les pôles droit et gauche, et deux 
autres axes avec des pôles de valeur différente, savoir : l’axe longitudinal avec 
les pôles oral et aboral, et l’axe antéro-postérieur avec les pôles ventral et 
dorsal. La nourrice est ainsiune unique personne dipleurale, inarticulée, sans 
métamérisation. 

L’Astrocormus, au contraire, dans sa forme primitive régulièrement pentac- 
tinote, a pour forme fondamentale la pyramide régulière à cinq pans, dans 
laquelle, aütour d’un axe principal avec les pôles oral et aboral, se groupent, 
à des distances égales, cinq paramères venant se toucher à l'axe commun. La 


XXXWI NOTES ET REVUE. 


plaque madréporique qu’on a voulu faire intervenir comme indice d’une 
symétrie binaire n’a aucune importance en regard de ces faits et demeure 
hors de cause. Sa position asymétrique est sans influence sur la forme fon- 
damentale de symétrie des cinq paramères convergents ; elle est uniquement 
sous la dépendance de la formation du pore dorsal dans la peau de la nour- 
rice, et n’a aucune relation constante avec la forme radiaire régulière de l’4s- 
trocormus. D'ailleurs, on peut trouver plusieurs plaques madréporiques au 
lieu d’une, sans que le type fondamental de l’Astrocormus en soit affecté. 

Chacun des rayons de l'étoile de mer est appelé paramère et non antimère, 
parce qu'il est lui-même dipleural, c’est-à-dire subdivisible en deux anti- 
mères égaux symétriquement placés à droite et à gauche d’un plan médiaire, 
de telle sorte que, dans une étoile de mer à cinq rayons, il y à cinq para- 
mères et dix antimères. Les plans de séparation entre deux paramères adja- 
cents sont dits énterradiaux ; les plans de séparation, entre les deux anti- 
mères de chaque paramère, se nomment perradiaux. ; 

Dans l’échinoderme parfait, l’auteur nomme Astrodiscus le disque central, 
Astrolena, chacun des bras (&ëvn, bras). La forme fondamentale de l’Astro- 
discus est celle d’une pyramide régulière à cinq côtés, résultant de la con- 
vergence de cinq paramères ou de cinq paires d’antimères. La forme géomé- 
trique fondamentale de l’Astrolena est celle de la pyramide droite à base 
triangulaire isocèle. 

Si maintenant nous nous reportons au développement des Echinodermes, 
parmi les variantes connues nous devrons considérer comme primitif et seul 
resté fidèle à la tradition le cas dans lequel se constitue à l’intérieur de l’As- 
trotithène {autour de l'estomac de celui-ci) la pyramide à cinq pans de l’As- 
trodiscus, et subséquemment à la périphérie de cette dernière, les cinq 
Astrolenæ dipleuraux. Il nous est impossible de considérer, ainsi qu'on le 
fait habituellement, ce phénomène de gemmation comme une simple méta- 
morphose ; c’est un fait de génération alternante, puisque, indiscutablement, 
c'est un fait de multiplication de l'organisme, et que d'une seule paire d'an- 
timères en naissent cinq. 

Vis-à-vis de cette forme de développement par gemmation de lEchi- 
noderme parfait, la seule vraiment et purement palingénétique, les autres 
formes de l’ontogénèse si variée de ce groupe sont purement cœnogénéliques, 
c'est-à-dire le résultat d’une altération, d’une modification secondaire de la 
forme originelle par gemmation, altération qui va jusqu’à effacer le souvenir 
du processus initial, pour nous offrir à la place l’image trompeuse d’une mé- 
tamorphose acquise, dégénérée elle-même en d’autres cas en un développe- 
ment continu sans génération alternante et sans métamorphose. C’est ce qui 
a lieu pour beaucoup d'Echinodermes vivipares des groupes les plus diffé- 
rents, dans lesquels l'œuf engendre directement la forme maternelle. Ce pré- 
tendu développement direct est en réalité le plus indirect de tous et le plus 
oublieux du passé : il ne s’est produit qu’à coups d’abréviations, de retouches, 
de condensations et de viciations. 

Est-il besoin, après cela, de prouver que les véritables alliés etles plus près 
des Echinodermes ne sont pas les Acalèphes, mais les vers? La nourrice de 
l'étoile de mer ou l’Astrotithène est un unique ver inarticulé, très-voisin des 


NOTES ET REVUE. XXKVIT 
Rotifères et des larves ciliées d'Annelides, ainsi que Gegenbaur l’a déjà indi- 
qué. L'Astrocormus, au contraire, est une véritable colonie de cinq vers arti- 
culés, groupés en étoile, et chacun de ces vers se laisse au mieux comparer à 
une annélide au point de vue de la métamérisation. Sans doute, nous ne 
voulons pas dire par là que les ancêtres des Echinodermes aient été de véri- 
tables Annélides, mais plutôt des vers qui se sont élevés à une organisation 
analogue à celle de l’Annélide ; quelque chose peut être de voisin des Phræ- 
telminthes parmi les fossiles. 

Les nerfs des ravons des Echinodermes, suivant le trajet de la ligne mé- 
diaire des Astrolenæ, sont donc, au point de vue purement morphologique, 
des « cerveaux ambulacraires », comme disait B. Müller ; ils sont comparables 
à la chaine abdominale des Annélides ; mais le collier œsophagien de ces 
dernières n’a rien à voir avec le collier pentagonal de l'étoile de mer, formé 
par des commissures secondaires entre les systèmes nerveux des cinq indivi- 
dualités constitutives du cormus, véritable système nerveux colonial, par con- 
séquent. Quant à une comparaison plus détaillée de l'organisation de chaque 
Astrolena avec celle de l'Annélide, et par exemple quant au point de savoir 
si les ambulacres de l'étoile correspondent aux Parapodes du ver, c’est une 
question que les progrès ultérieurs de l'anatomie et de l’ontogénie comparées, 
devront éclaircir. 

Les Astérides sont, de tous les Echinodermes connus, les plus anciens et 
ceux qui se rapprochent le plus de la forme ancestrale hypothétique de toute 
la classe. Cette forme ancestrale, l’Anfhestrella, devait avoir en commun cer- 
tains caractères avec les ancêtres des Brisinga et d’autres avec les Ophi- 
diaster. 

La loi sous l'empire de laquelle, de cette souche, sont sortis les rameaux de 
la classe, est celle de la centralisation progressive, par perte graduelle de 
l'autonomie des Astrolena. Cette évolution peut être graphiquement repré- 
sentée de la façon suivante : 

Première division principale: Protestrellæ. Animaux étoilés sans centralisation 
intérieure, avec une autonomie morphologique complète des Astrolenæ, sans 
prépondérance de l’Astrodiseus central. Système digestif représenté par 
un simple estomac central et cinq tubes digestifs, individuels et bifides. 
dre classe, Asteriæ. 

Deuxième division principale: Anthestrellæ. Centralisation intérieure partielle. 
La base des Astrolenæ et la totalité du système digestif, sont entrés dans la 
composition de l’Astrodiscus central pendant que leur extrémité libre consti- 
tue les bras. Estomac central simple, sans tubes digestifs spéciaux. 2 classe, 
Ophiuridés ; 3°. classe, Crinoïda. 

Troisième division principale: Thecestrellæ. Centralisation intérieure et exté- 
rieure complètes ; les cinq astrolenæ entrés entièrement dans la constitution 
d'un Astrodiscus globuleux ou cylindroïde. Estomac central simple, sans tubes 
digestifs spéciaux. 4° classe, Blastoida. 3° classe, Echinida ; 6° classe, Holo- 
thuriæ. A.S. 


XXXVIIL NOTES ET REVUE. 


XI 


NOTE SUR UN PROCÉDÉ POUR FAIRE DES COUPES, 


Par H. ne LACAZE-DUTHIERS. 


Les coupes ! Qui n’a son procédé pour les faire? Qui n’a imaginé un instru- 
ment destiné à en faire apprécier l’épaisseur et à en régler la direction ? Qui n’a 
écrit sur cette façon fort utile de faire de l’anatomie, mais dont, il faut bien 
le dire, on abuse quelquefois ? , 

Chaque auteur a, pour ainsi dire, trouvé un procédé parfaitement adapté à 
son sujet de recherche, mais qui, bien souvent, n’est plus pratique dans d’au- 
tres circonstances ; le désaccord qui règne entre les naturalistes, quand 
il s’agit de faire un choix du procédé, le prouve. Le procédé des coupes est un 
moyen anatomique excellent, mais qui ne peut être généralisé ni dans son 
emploi, ni dans sa façon d’être pour tous les sujets. 

Sans doute, quand, dans un laboratoire, tout est installé : microtomes, 
réactifs propres à durcir, matières propres à soutenir et enfermer les prépa- 
rations, quand une question de structure d'un organe volumineux doit être 
éclairée par des sections nombreuses et dans tous les sens, on peut employer 
l’une des nombreuses méthodes préconisées."Mais quand, pendant une dissec- 
tion fine d’un animal peu connu, on rencontre un organe, une partie d’un 
organe de très-petite dimension, difficile à trouver, à séparer des tissus en- 
vironnants, va-t-on suivre toutes les recommandations, faire toutes les ma- 
nipulations qui demanderont du temps, souvent plusieurs jours, pour faire, 
suivant les règles, des coupes méthodiques? 

Ce qu’il faut demander au procédé à employer pour le cas que j’indique, c’est 
qu'il conduise vite à un résultat, afin que le travail d'esprit, qui a lieu néces- 
sairement au moment où l’on est dans le doute pour savoir de quelle nature 
est l'organe qui intéresse, ne soit pas interrompu. Je ne sais rien de pénible 
et de désagréable comme d’être obligé d'abandonner le sujet intéressant qui, 
par son obscurité même, pique et uiguillonne la curiosité du chercheur, pour 
se mettre à filtrer, à doser des liquides. A entendre certains histologistes fai- 
sant, comme on dit, de la technique, tel liquide ne peut manquer de donner 
un résultat précis, rien ne résiste comme /diagnose à tel ou tel ingrédient; 
mais on pose une question précise, nette, sur la manière de distinguer un 
élément au milieu des tissus dans tel animal, et l'histologiste, que rien ne 
pouvait arrêter dans sa diagnose, vous dira gravement qu'il n’a pas étudié ja 
question, et souvent qu’il n’entendait parler que des animaux supérieurs. 

C'est un point spécial que j'indique, et c’est ce point que je voudrais 
éclairer, et, qu’on le remarque, je n’entends pas critiquer les méthodes usitées, 
elles ont leur raison d’être, elles sont excellentes quand ces raisons existent. 

Un exemple préciser…a ma pensée. L'on veut connaître la texture de l'ovaire 
«un animal et le développement des œufs : pour cela, on plonge dans le li- 
quide préparateur et dureissant des animaux entiers (je parle des animaux 


NOTES ET REVUE. XXXIX 


_inférieurs de petite taille), ou bien des ovaires, pour les gros animaux. On leur 
fait successivement subir toutes les manipulations bien connues, puis on en- 
ferme ces ovaires dans de la gélatine, du savon à la glycérine, etc., etc., et l’on 
débite des tranches minces de ces organes; on les rabote littéralement, et 
alors, choisissant les lames les plus minces, les mieux réussies, on constate 
les faits, et l’on en déduit les conséquences qui semblent en découler. 

En cela la méthode est excellente, elle est applicable à tous les cas sem- 
blables, mais elle ne demande ni un grand effort d’esprit, ni une grande habi- 
leté de main. Il faut de la patience et beaucoup d'habitude. 

Mais on a passé un long temps à une dissection fine, difcile, délicate, d'un 
animal de petite taille, et l’on trouve une partie ou un organe énigmatiques ; 
elle est encore dans les tissus, au milieu des autres, on en a enlevé une 
parcelle, et la dilacération, l'examen microscopique, à de faibles grossissements 
d'abord, montrent des dispositions curieuses, mais vagues, qu'on ne peut 
concevoir clairement si des coupes ne viennent éclairer tout cela. La continua- 
tion de la dissection sera alors facilitée et même abrégée. On pourra peut-être 
reconnaitre un conduit, une nature spéciale, que sais-je? En un mot,ona 
besoin d’un renseignement tout de suite pour pouvoir continuer son travail 
et ne pas perdre la série des idées qui viennent pendant le travail ; on ouvre 
les traités de technique, comme on les appelle aujourd'hui,et là on trouve 
comment il faudra faire des manipulations qui demanderont plusieurs jours. 
Ah ! sans doute, tout cela est excellent pour débiter une moelle épinière de 
veau, un cartilage, un lobe de foie, ou un paquet d’un tissu en lames minces. 
Mais, pour le cas que Je cite, le travail est interrompu par les manipula- 
tions et les idées ne se suivent plus, faute d’un renseignement rapidement 
obtenu. 

Ce qu'on veut surtout, étant dans l’indécision, c’est un procédé qui per- 
mette de faire les coupes dans une condition telle que l’on puisse se rendre 
compte de la nature de l’objet que l’on veut connaître, sans être distrait des 
recherches, et sans discontinuer de travailler le même sujet. 

La nature des indications précises qu’il est nécessaire d’avoir sous la main, 
dans les cas indiqués, sera plus nettement précisée par l'exemple suivant : 

En disséquant le système nerveux de la Lymnée, je rencontrai un ganglion 
placé près de l’orifice respiratoire, offrant une apparence particulière, et qui, 
loin de donner naissance à des filets nerveux comme c’est l'habitude, termi- 
nait un gros nerf lui servant de pédoncule. Il y avait là un fait anormal, et 
la question se posait d'elle-même. Quelle était Forganisation de ce ganglion ? 
En le soumettant à la compression sous le microscope, je vis à côté des cor- 
puscules nerveux des cellules épithéliales, des culs-de-sac, des sortes de 
conduit, 

Ce ganglion est petit, difficile à énucléer, et, quand on a travaillé longtemps 
à l’isoler, il faudrait encore attendre trois, quatre jours pour en faire la coupe 
et être renseigné en suivant les méthodes préconisées! Or, dans combien d’au- 
tres cas semblables d'anatomie ne peut-on se résoudre à attendre et à entre- 
prendre toutes les manipulations successives que l’on trouve indiquées dans 
les ouvrages ? 

Je me mis donc à rechercher comment je pourrais m’en sortir sans suivre 
la série de ces opérations ennuyeuses conseillées. Voici le procédé et com- 


RE NOTES ET REVUE. 


ment j'obtiens, et cela dans l’espace de quelques heures, souvent moins, des 
coupes assez belles pour que je puisse dire qu'elles sont trop minces et ne 
permettent plus, si l’on n’y fait attention, de voir les éléments. 

Les Lymnées, bien épanouies, sont brusquement plongées dans une solu- 
tion forte, jaune foncé, d'acide chromique très-chaude. La mort du bord du 
manteau est presque instantanée, et le durcissement ne se fait pas at- 
tendre ; alors, coupant la partie du corps où se trouve le ganglion à observer, 
je le place dans une autre solution d’un jaune très-clair froide, qui imbibe les 
tissus et continue le durcissement pendant que je répète la même opéra- 
tion sur une série d'individus traités de la même manière. 

Dans l’espace d’une heure, on peut préparer ainsi un bon nombre d'animaux ; 
puis, reprenant la première préparation, je fais la dissection du ganglion 
dans l’eau pure qui, changée fréquemment, le dégorge suffisamment de 
l'acide chromique qui l’imprègne. 

Un durcissement aussi rapide et dans des conditions semblables serait un 
procédé déplorable, s'il s'agissait de conserver la préparation ; je suis loin de 
le conseiller. L’acide chromique détruirait, après très-peu de temps, tous les 
tissus, mais, pour un premier examen, surtout pour aller vite, il est précieux 
et rend des services très-grands, comme J'ai eu l'occasion de m'en assurer 
dans une foule d’autres circonstances. Il est d’ailleurs inutile d’ajouter que, 
pour être assuré des résultats et ne point faire d'erreur, je plaçais les Lymnées 
dans des liquides durcissants, faibles et variés, qui me permettaient plus tard 
d'établir des comparaisons avec les résultats que me donnait la méthode rapide. 

Pour les coupes elles-mêmes, voici comment je fais : sous une cloche, où 
je maintiens une atmosphère humide {au bord de la mer ou par un temps très- 
pluvieux, la cloche n’est plus nécessaire), je tiens des plaques de colle à bouche 
de très-belle qualité, bien choisies, de peu d'épaisseur et très-transparentes. 
Dans ces conditions, la colle à bouche devient flexible, se laisse manier, 
et couper ou tailler par le rasoir parfaitement. Dans un petit godet, tenu éga- 
lement sous la cloche, j'ai toujours des fragments de colle à bouche dissous 
dans l’eau à l'état sirupeux très-épais ; enfin, j'ai sous la main du papier géla- 
tine ou papier glace dont se servent les graveurs pour faire leur décalque. 

Quand j'ai un ganglion prêt à être enlevé, dont je puis, sous la loupe, par- 
faitement apprécier la position, et qui ne tient plus qu’à l’aide de quelques 
débris de tissus faciles à rompre par la traction, je prends une des tablettes 
ramollies de colle à bouche, et, sur son extrémité, près de l’un des angles, Je 
mets un peu de la dissolution sirupeuse, sur laquelle je place le ganglion, que je 
place dans sa position même, et j'ajoute sur lui encore un peu de dissolution 
sirupeuse. Alors, cassant un petit morceau de papier à calquer, et le mouil- 
lant, je le pose, quand il est ramolli et souple, sur le ganglion déjà entouré 
par la dissolution sirupeuse. 

Est-il nécessaire de dire toutes les précautions et les attentions qu'on doit 
prendre pour que la pièce anatomique soit très-parfaitement entourée et im- 
prégnée de colle, pour éviter des bulles d’air et des vides entre les prépa- 
rations et les lames de colle à bouche? Elles sont les mêmes, quels que soient 
les procédés employés; chacun, d’ailleurs, peut les prévoir en reconnaissant 
leur utilité. 


NOTES ET REVUE: XLI 


Tout cela se fait aisément, très-vite, et les produits, quand ils sont bien 
. choisis, sont assez transparents pour qu’on distingue parfaitement le ganglion 
et qu’on puisse reconnaître sa position, ses parties et les particularités qui in- 
téressent à connaître, En inscrivant à l'encre, au-dessous de la préparation 
sur la tablette, le renseignement qu'il est utile de ne point oublier, on n’a pas 
à craindre de se trouver dans l'embarras pour savoir plus tard quelle est la 
direction de la coupe qu'on doit faire. 

Après cette première préparation, on en place une seconde tout à côté d'elle, 
et ainsi de suite, en laissant sous la cloche ou à l'air libre, suivant les circon- 
stances hygrométriques, la tablette chargée de trois, quatre, cinq ou six pré- 
parations, selon les besoins. 

Ayant ainsi une série de ganglions placés les uns à côté des autres, à la 
même hauteur, en rang serré et parfaitement enfermés dans la colle, je la 
recouvre d'une bande détachée sur une tablette ramollie, un peu plus mince 
que la tablette elle-même qui porte les préparations et les notes écrites. 

En ne laissant sous la cloche à atmosphère humide que lextrémité de la 
tablette portant les préparations, l’autre restant à l'air libre, on maintient Ja 
première dans des conditions favorables à l’action des instruments tranchants 
tandis que la seconde, durcissant vite, peut être prise et tenue dans la main 
et permettre de faire les coupes. | 

Pour faire celles-ci, tenant la tablette dans la main gauche et la portant 
sous la loupe montée, je fais agir le rasoir, en distinguant parfaitement dans 
quel sens, dans quelle partie du ganglion je dirige la lame. 

Il est inutile également de rappeler quelles sont les précautions nombreuses 
à prendre pour faciliter la marche du rasoir, etc. Il faut d’ailleurs, iei comme 
dans tous les autres procédés, se faire la main et arriver, par le concours 
d'une série de circonstances, à se trouver dans les meilleures conditions 
possible. | 

Le plus difficile est de maintenir la colle à bouche dans un état satisfaisant 
de souplesse ; trop ramollie, elle cède sous le rasoir; trop sèche, elle casse et 
se détache par éclats. Mais ce sont là deux inconvénients faciles à éviter. 

Quand la lame du rasoir a enlevé des lames de la préparation, il suffit de 
les faire tomber dans des verres de montre remplis d’eau pour que la 
colle soit très-vite dissoute, et bien souvent on n’a pas terminé les coupes d’un 
ganglion, que déjà les premières lamelles sont débarrassées et qu'il est pos- 
sible de les examiner au microscope. 

Cet exemple montre combien il est facile d'employer ce procédé, rapide, 
qui permet de se rendre très-vite compte de la structure d’un organe. 

Une invagination de l’épiderme extérieur un peu modifié pénètre dans le 
centre du ganglion et forme un cul-de-sac simple dans les Pulmonés aqua- 
tiques sénestres (Physe, Planorbe), et bifurqué dans les autres (Lymnée de 
différentes espèces). Il s'agissait de faire passer une coupe à la fois par le milieu 
de l’orifice et par le fond des deux culs-de-sac résultant de la bifurcation cen- 
trale de l’invagination. Pour cela il fallait disposer et voir les ganglions avant et 
pendant la coupe. Sans doute, ce n’est pas sans peine qu’on y parvient, mais 
eufin, après avoir englué des ganglions dans la solution pâteuse de colle à bou- 
che, et les avoir placés sur les tablettes dans une position telle que la lame du 


XLII NOTES ET REVUE. 


rasoir, en marchant perpendiculairement à la tablette, pût passer à la fois par 
l’orifice et les deux culs-de-sac, il devenait possible de juger si la lame de 
rasoir passait bien par le plan désiré. Quand on n’a pas exagéré l'épaisseur 
des couches de colle à bouche, la transparence permet si bien de voir le gan- 
glion, que l'on peut diriger sûrement l'instrument tranchant. Mais pour cela 
l'observation sous la loupe à un assez fort grossissement est nécessaire. 

Je dois indiquer quelques inconvénients du procédé, surtout quand il fait 
très-chaud. Si la colle à bouche s’est rapidement durcie, il en résulte une 
compression des tissus, et l’on est tout étonné de trouver la partie enfermée 
dans la lame de colle à bouche méconnaissable par sa petitesse. L'eau lui rend 
bientôt sa grandeur et sa forme. 

Si de mème le temps est très-sec quand la lamelle coupée se détache de la 
masse, au-dessus de la lame de l'instrument, elle se dessèche si vite, qu’elle se 
recroqueville et tombe en se séparant de linstrument. Un peu d'eau et de gly- 
cérine, un tour de main quelconque suffiront pour faire éviter facilement ces 
deux inconvénients légers. | 

Le procédé que je viens d'indiquer m'a rendu les plus grands services dans 
l'étude histologique de l'organe nouveau, dont la description détaillée se 
trouve dans mon travail! Je crois qu'il n’est applicable qu'aux organes de 
petite dimension, dont il importe de bien connaître la position dans les sub- 
stances plastiques destinées à les maintenir et à permettre l’action voulue du 
rasoir. J'ajoute que la colle à bouche est peut-être difficile à maintenir dans 
un état satisfaisant, propre à permettre une action régulière et réglée comme 
il le faut pour les microtomes divers dont on a successivement préconisé 
l'emploi. Je donne mon procédé comme étant surtout expéditif et facile à ap- 
pliquer. | 


XII : 


SUR LE LEPTODISCUS MEDUSOIDES, 
Par M. Richard HERTwIG. 


(lenanische Zeitsch., 2 ter. Band, S. 307.) 


On sait que la petite famille des Noctiluques est demeurée jusqu'à présent 
presque entièrement isolée dans la classe des Flagellés. Le Leptodiscus medu- 
soides, nouvelle forme découverte par l’auteur à Messine, vient se rattacher 
aux Noctiluques par d’étroits rapports, tout en constituant cependant une 
famille distincte, et combler ainsi l'intervalle qui séparait ces noctiluques des 
autres flagellés. 

Ce petit organisme offre, au premier abord, une telle ressemblance avec 
certaines Méduses, qu’elle pourrait aisément induire lobservateur en erreur. 
Comme dans beaucoup d’Encopides et de Trachynémides, le corps a la forme 
d'un disque circulaire régulier d'une extrême délicatesse, de 1,2 millimètres 


1 Voir H. de L. D., Arch. de Zoo!. exp. el gén., vol, I, 1872, 


NOTES ET REVUE. XLIIL 


de diamètre en moyenne, renflé au centre et graduellement atténué jusqu’au 
bord. A l’état de repos, le corps offre la courbure générale d’un verre de 
montre, la face concave tournée en bas. A l'exception d'un point blanc placé 
dans le centre, il a la limpidité et la transparence du cristal, avec un léger 
chatoiement quand on le regarde par sa face convexe. 

Sa ressemblance avec une Méduse est surtout frappante dans le mode de 
locomotion s'opérant par d'énergiques contractions du disque chassant l’eau 
au-dessous de lui. L'énergie et la promptitude des mouvements sont telles, 
que l’être est souvent propulsé au-dessus du niveau du liquide. On comprend 
qu'avec une telle humeur il lui arrive souvent d'aller se cogner contre les 
parois du vase qui le renferme, ce qui explique l'impossibilité de le conserver 
quelque temps en vie. Peut-être aussi ce petit organisme, avec une telle 
activité, a-t-1il besoin, pour sa respiration, d'énormes quantités d’eau. Ceci 
explique comment l’auteur a dû borner ses études à l'examen de la structure, 
et abandonner la partie du développement, qui ne pourra être reconnue, 
toute culture en vase clos étant impossible, que par la comparaison d'une 
série d'états, dont la découverte est subordonnée à une heureuse rencontre. 

Voici les faits principaux de cette structure. Elle comprend : 1° une mem- 
brane recouvrant tout le corps et interrompue seulement en deux points cor- 
respondants au Cytostome et à l’orilice de sortie du flagellum; 2° un réseau 
protoplasmatique étendu à travers la substance fondamentale, et contenant 
dans son sein, en outre de quelques parties plus secondaires, le noyau; 3° un 
Cytoslome ; 4° un flagellum. 

La membrane est mince et sans structure, semble-t-il, sur la face concave 
du corps, plus épaisse et à double contour très-net sur la face convexe, où 
elle paraît en même temps chagrinée. Il faut, en effet, la considérer comme 
parsemée de petits mamelons déprimés à leur sommet, et dont la dépression 
se poursuit peut-être en un fin canalicule traversant l'épaisseur de la mem- 
brane, et par lequel de minces filaments dE AEn pourraient se 
faire jour au dehors. 

La membrane qui revêt le côté convexe a sa face interne tapissée par de 
nombreux corps en bâtonnet placés normalement, et paraissant, vus de haut, 
sous forme de cercles clairs. Ils servent à l'insertion des filaments sarcodiques 
qui traversent toute l'épaisseur du disque, comme nous le verrons dans un 
instant. 

Le corps protoplasmatique du Leptodiscus constitue une masse centrale, 
visible à l’œil nu sous forme de champ blanc, et immédiatement appliquée sur 
la membrane mince du côté concave, d’où elle envoie vers le côté convexe 
d'épais cordons qui se ramifient et se terminent par leurs dernières divisions 
sur la membrane qui revêt cette face du corps. 

Ce protoplasma est pauvre en granules, fortement réfringent, il renferme 
quelques petites gouttelettes de graisse et quelquefois aussi des vacuoles qui 
ne paraissent pas être contractiles. 

Dans l’amas central de protoplasma repose, un peu excentriquement, le 
noyau, qui est ovalaire;'à grand diamètre dirigé suivant le sens d’un rayon 
du disque. Ce nucléus est formé par deux parties, l’une finement granuleuse, 
l’autre homogène, cette dernière occupant la petite extrémité de l’ovale, et 


XLIV NOTES ET REVUE. 


inférieure à l’autre quant à la masse. Ces deux parties, ou plutôt les substances 
qui les constituent, se foncent intensement sous l'action de l'acide osmique, 
et se colorent ensuite fortement par l'emploi ultérieur du carmin. Quand 
l’action progresse lentement, on voit cependant que la partie homogène se 
charge de couleur plus vite que la granuleuse, et que ce n’est que plus tard 
que la différence de teinte disparaît pour faire place à une coloration uniforme. 

Ces deux parties du noyau sont séparées l’une de l'autre par un trait tantôt 
rectiligne, tantôt courbe. La netteté de la délimitation n’est que l'expression 
de la différence des substances, et non celle d’une membrane interposée, 
comme on le pourrait croire. Le nucléus du Leptodiscus offre donc une consti- 
tution identique à celle du noyau du Spirochona gemmipara. 

Cette similitude a inspiré à l’auteur le désir de rechercher s’il retrouverait 
ici les changements qu'il a fait connaître dans la substance du nucléus du Spi- 
rochona aux différentes phases du développement. Mais il n’a pu réussir que 
deux fois à noter quelque écart à la disposition qui vient d’être décrite. 
L'une de ces modifications surtout mérite d'être stipulée : le noyau n’était plus 
divisé en deux substances, mais figurait une vésicule ovalaire et claire, ayant 
seulement un corps rond à l’une de ses extrémités. Celui-ci avait à lui seul déjà 
l'aspect d’un noyau, formé qu’il était d’une substance corticale et d’un contenu 
fluide, au sein duquel nageait un petit corpuscule, comme un nucléole dans la 
cavité d’un noyau. La membrane nucléaire renfermait encore, en outre, trois 
amas de substance nucléaire, deux gros et un petit. C’est une similitude allant 
jusqu'aux détails avec ce qui se passe dans le noyau, se préparant à la divi- 
sion du Spirochona. 

De l’amas central dont nous avons parlé et dans lequel est le noyau, le pro- 
toplasma s'étend sous forme d’un réseau sur la face inférieure de l’ombrelle, 
sans que ce réseau soit le siége, à ce qu'il semble, de courants de granules 
et de contractions changeant la forme de ses mailles. 

De ce réseau naissent des filaments sarcodiques qui se portent verticale- 
ment et vont s'attacher à la face inférieure du côté convexe. Ce côté convexe 
donne ainsi attache et aux rameaux de protoplasma qui émanent directement 
vers lui de l’amas central, et à ceux qui naissent des expansions réticulées 
qui, de l’amas central, s’étalent sur la face concave de l’ombrelle. 

La vivacité des contractions du disque du Leptodiscus a suggéré à l’auteur 
l’idée de rechercher s’il ne trouverait pas là des fibrilles cts analogues 
à celles qui existent chez les Infusoires et chez les Grégarines; et, de fait, 
Hertwig semble avoir trouvé quelque chose de tel dans de fines stries qui, 
prenant leur point de départ à une ligne circulaire placée à égale distance du 
centre et de la périphérie du disque, se dirigent vers le bord de celui-ci, ex- 
trèmement nombreuses et rapprochées les unes des autres. Si ces fibrilles ne 
sont pas les agents de la contraction du disque, il faut reconnaître que 
nulle part ailleurs du simple protoplasma ue possède une pareille énergie 
contractile. ; 

Le Cylostome est situé à l’opposite du noyau et est formé par une invagi- 
nation sacciforme qui mesure environ 0,05 de millimètre de profondeur 
et 0,015 de millimètre de large. L'invagination commence à une assez 
grande distance du centre sur la face convexe, et de là pénètre dans la 


NOTES ET REVUE. XLV 


substance fondamentale, en s’infléchissant vers la face inférieure de l’om- 
brelle et se dirigeant vers son centre. Les parois de la cavité sont tapissées 
par un prolongement de la membrane extérieure, réfléchie à son intérieur, 
sans perdre aucun de ses caractères. 

Le fond du sac semble maintenu en place et rattaché au centre ou environ 
de la face inférieure du disque par un faisceau de fibrilles différenciées, qui 
se colorent fortement dans le carmin, mais ne dénotent, d'ailleurs, jamais le 
moindre mouvement. , 

L'auteur n’a pas vu d’orilice proprement dit, dans le fond de la cavité qui 
nous occupe, et s’il croit implicitement à son existence et désigne, en consé- 
quence, l’invagination tout entière comme cytostome, c’est qu'il a manifeste- 
ment trouvé dans le corps des matières introduites du dehors nécessitant 
une perforation quelque part qui leur ait livré passage, et qu'en nul autre 
endroit il n’y a lieu d'en admettre la présence plus raisonnablement qu'ici. 

Reste encore le Flagellum, situé également sur la face dorsale, dans la moi- 
tié opposée à celle présentant le Cytostome, à une faible distance du noyau. 
Sa ténuité peut aisément le soustraire à la vue; dans l'animal vivant, il est 
en continuel mouvement de battement, de sorte que sa longueur et sa forme 
ne peuvent guère être appréciées, et la chose n’est guère plus aisée, d’ailleurs, 
quand on tue l'animal, puisque le fouet est alors le plus souvent rentré à 
l'intérieur du fourreau placé à sa base. 

Il est environ deux fois aussi long que la plus grande épaisseur du disque 
et dépourvu de ja striation caractéristique de celui des Noctiluques. Il est 
arrondi à son extrémité périphérique et à peu près aussi large en ce point 
qu’à sa base. Le fourreau dans lequel il est susceptible d’être appelé est un 
canal de 0,0035 millimètres de large et de 0,1 millimètre de long, perforant 
la substance de l’ombrelle en direction radiale jusqu’à l’amas central de pro- 
toplasma, où on le perd de vue. Les parois sont constituées par une introflexion 
de là membrane de la surface convexe aäu corps. Le Flagellum peut se réfugier 
tout entier à son intérieur, sans que l’auteur ait pu décider si ce filament 
naissait du fond du canal ou d’un point de sa surface latérale. 

Il est difficile de dire quel peut être le rôle physiologique de ce Flagellum., 
Sur le mouvement, c’est à peine s’il peut avoir une influence, ses effets étant 
nuls à côté des puissantes contractions de la masse générale du corps. Comme 
organe de la préhension des aliments, sa situation est inexplicable à l’opposite 
du Cytostome. Son canal de refuge serait-il lui-même le Cytostome? Mais 
comment alors la lumière en serait-elle si étroite ? 

En ce qui concerne la position systématique du Leptodiseus, la présence du 
Flagellum à l’état parfait lerange parmi les Flagellés, et celle du Cytostome à côté 
des espèces pourvues d’un orifice buccal. Dans ces dernières, enfin, l'existence 
d'une membrane recouvrante, d’une substance fondamentale homogine avec 
cordons sarcodiques ramifiés, le rapproche des Noctiluques. Mais 4a ressem- 
blance avec celles-ci s'arrête là. Le Flagellum du Leptodiscus n’est pas l’équi- 
valent de celui strié transversalement de la Noctiluque, et la similitude des 
noms ne doit pas couvrir la dissemblance des organes. Ainsi c’est une forme à 
part, de transition en quelque sorte, le type d’une nouvelle famille qu’on peut 
ainsi caractériser : les Leptodiscides sont des Flagellés pourvus d’un Cytostome, 


XLVI NOTES ET REVUE. 


d'une membrane enveloppante, comme les Noctiluques, et d'un corps formé 
d'un réseau protoplasmatique étendu à travers une substancé homogène 
fondamentale. 11s se différencient des Noctiluques par l’absence d’un Flagel- 
lum à striation transversale. hifi Bi 


XII 


SUR LA FORMATION DE L'OŒUF ET SUR LE MALE DE LA BONELLIA 
VIRIDIS, ROL. 


Par M. Franz VEspovsxy, docent à Prague. 


Le docteur Franz Vejdovsky, de Prague, vient de publier dans le dernier 
numéro du Zeëtschrift (T. XXX p. 487), les recherches qu'il a faites à Trieste 
sur la Bonellia viridis Rol., dans le but spécial d'étudier le mode de formation 
de l'œuf et l’organisation du mâle planariforme découvert, il y a peu d’an- 
nées, par Kowalewsky, puis par Marion. 

M. de Lacaze-Duthiers (Ann. sc. nat., 4° série, X), a reconnu la véritable 
position de l’ovaire aussi bien que le rôle et les usages de la matrice. Il a 
rectifié les erreurs commises à cet égard par Schmarda, et il a figuré les 
œufs naissant sur la surface du mésentère ovarien dans une sorte de follicule. 
C’est l'examen de la formation de ce follicule que l’auteur reprend de plus 
près. 

Dans la région supérieure du repli mésentérique ovarien, suivant Vejdovsky, 
on remarque de petits amas granuleux bien distincts les uns des autres, et for- 
mant comme autant d’ilots. Plus bas, ces amas se confondent et ne peuvent 
plus être distingués au milieu de la masse racémeuse de l'ovaire. Primitive- 
ment, ils sont formés par un certain nombre de cellules toutes semblables les 
unes aux autres. Bientôt l’une d’entre elles prend, aux dépens de ses sœurs, 
un accroissement prédominant. C’est l’œuf, 

Les cellules qui l’environnent se répartissent autour de lui en ue groupes. 
Les unes, peu nombreuses, forment au-dessus de lui un mamelon d’abord 
compacte, qui fait saillie dans la chambre viscérale et, se creusant par la 
suite d’une cavité, se transforme en une sorte de coiffe déjà représentée par 
M. de Lacaze-Duthiers. 

Le reste des cellules s’étale en une couche mince qui continue la coiffe en 
arrière de l'œuf, et enferme celui-ci dans un véritable follicule qui le relie 
au mésentère. 

L'œuf, encore petit, est donc entouré d’une capsule présentant en un point 
un épaississement celluleux, la coiffe. 11 grandit aux dépens des cellules de 
cet amas, qui diminuent en même temps de volume et finissent par se résor- 
ber tout à fait, pendant que la membrane folliculaire s’est appliquée sur 


NOTES ET REVUE. XLVII 


l'œuf, a perdu sa structure cellulaire et forme maintenant autour du vitellus 
une sorte de chorion. 

Un peu avant que cette résorption des cellules de la coiffe soit achevée, 
l'œuf s’est détaché de l'ovaire, il tombe dans la cavité du corps, où il achève 
de müûrir. 

Bien que l’auteur semble croire que Schmarda seul a reconnu l'existence 
de ce chorion sur l'œuf libre, M. de Lacaze-Duthiers non-seulement l'a vu, 
muis l’a décrit comme étant le reste du follicule, comme on le voit par le 
passage suivant : 

« On trouvera dans la planche 3 la représentation d’un petit paquet d'œufs à 
différents états de développement, et paraissant enfermés dans une poche qui 
est la continuation du mamelon cellulaire, leur point d’origine. La membrane 
vitelline est bien nettement distincte de cette enveloppe extérieure, qui per- 
siste encore quelque temps sur des œufs tombés dans la cavité générale du 
corps. Il m'est arrivé de prendre avec une pipette quelques-uns des œufs qui 
flottaient dans mes cuvettes à dissection, et je trouvais au-dessus d’eux le 
mamelon cellulaire qui, à l’origine, constituait presque tout le grain glandu - 
laire. » (De Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la Bonellie.) 

De la cavité du corps où ils flottent, les œufs sont, comme on sait, amenés 
dans la matrice par le pavillon vibratile. 

Moins heureux que Schmarda, l’auteur n’y a jamais trouvé ni embryons ni 
œufs segmentés. 

La deuxième partie du travail de Vejdovsky est relative au mâle de la Bo- 
nellie. 

Longtemps ce mâle est resté inconnu, et c’est seulement en 1875 que Kowa- 
lewsky, et peu après Marion, ont trouvé dans l’oviducte un ver planariforme, 
profondément différent de la femelle par son aspect et par sa taille, et qu'ils 
n'ont cependant pas hésité à regarder comme le mâle de la Bonellie. 

M. Vejdovsky a trouvé de ces mâles en assez grande quantité, presque sur 
toutes les femelles adultes. Il en fait la description et l’anatomie avec figures 
à l’appui. Extérieurement, c’est un ver aplati couvert de cils vibratiles sur 
toute sa surface et que l’on prendrait, au premier abord, pour un turbellarié. 
Ce qui semble venir encore à l’appui de cette opinion quand on ouvre l’ani- 
mal, c’est la forme du tube digestif, qui se termine en cul de sac, comme 
chez les Rhabdocæles. 

Cependant, il se rapproche de la Bonellie femelle par deux autres carac- 
tères. Le système nerveux est un cordon ventral unique et médian, sans 
renflements ganglionnaires, placé au-dessous du tube digestif. Antérieurement, 
il ne paraît pas présenter de collier œsophagien. 

Les cellules mères des zoospermes naissent sur la surface du mésentère, 
puis tombent dans la cavité du corps, où elles achèvent de mürir. Les z00- 
spermes, devenus libres, sont repris par un pavillon vibratile qui les conduit 
dans un grand réservoir séminal tout à fait comparable à la matrice de la 
femelle. Sur la région antérieure de la face ventrale, Marion a même observé 
deux crochets qui semblent être les homologues de ceux que la femelle porte 
dans le voisinage de l’orifice sexuel, | 


Ainsi, par sa forme extérieure et par son tube digestif, le mâle de la Bo- 


XLVII NOTES ET REVUE. 


nellie ressemble à une planariée rhabdocæle, tandis que son système nerveux 
et ses organes génitaux présentent les traits de ressemblance les plus frap- 
pants avec ceux de la femelle. 

N'ayant jamais rencontré que des mâles adultes dans loviducte de femelles 
adultes, et les organes femelles étant dans le Jeune âge sans communication 
avec l'extérieur, l’auteur s’est demandé où les mâles passaient les premiers 
temps de leur existence, et ce n’est pas sans surprise qu'il les a constamment 
retrouvés dans l’æsophage des jeunes femelles, souvent au nombre de sept à 
huit ‘. J1 suppose qu'ils sont avalés par la femelle avec la vase dont elle se 
nourrit, et dans laquelle il les a fréquemment trouvés. Ce mode d’intro- 
duction lui semble d'autant plus vraisemblable que l’œsophage des femelles 
adultes en contient quelquefois aussi, mais en petit nombre, les autres se 
trouvant dans le vagin. 

Bien que huit ou dix de ces mâles se trouvent ordinairement en même 
temps à l’entrée de la matrice, l’auteur n’a Jamais vu, non plus que Kowalewsky, 
ni œufs segmentés ni embryons. 


Analysé par Lucien Joliet, 
maître de conférences. 


1 Cette observation est bonne à rapprocher de celle faite par M. de Lacaze-Du- 
thiers il y a vingt ans. « Un Helminthe, dit cet auteur, que je n’ai pas déterminé, 
vit en parasite dans le tube digestif de la Bonellie. Il occupe surtout la portion la 
plus voisine de la bouche, et souvent je l’ai vu entrer et sortir par cet orifice, rester 
dans les replis de la trompe, mais sans jamais s'éloigner de l’animal qui lui donne 
asile. Presque toutes les Bonellies présentaient ce parasite et quelques-uns er grand 
nombre. » (Mém. sur la Bonellie, p. 72.) 


Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. 


Le gérant : C. REINWALD. 


ARCHIVES 


DE 


ZO0LOGIE EXPÉRIMENTALE 


ET GENERALE 


PASSAGE DE VÉNUS SUR LE SOLEIL 


(9 DÉCEMBRE 1874) 


EXPÉDITION FRANÇAISE AUX ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM 


LOOULOGIE 


OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA FAUNE DES DEUX ILES 
SUIVIES 


D'UNE DESCRIPTION DES MOLLUSQUES 


PAR M. CH. VÉLAIN 


ÏJ. INTRODUCTION HISTORIQUE. 


Les îles Saint-Paul et Amsterdam, sur lesquelles le dernier passage 
de Vénus sur le soleil vient d'appeler un moment l'attention, sont 
situées, dans l’hémisphère austral, entre le 37° et Le 38° parallèle sud, 
sous le 75° degré de longitude, à l’est du méridien de Paris. 

Perdues au milieu de l’océan Indien, à plus de 500 lieues de toute 
espèce de terre, ces deux îles, absolument désertes, sont connues 
depuis très-longtemps. Leur découverte très-ancienne, attribuée à 
tort tantôt aux Hollandais, tantôt aux Portugais, remonte, en effet, 
au célèbre voyage autour du monde de Magellan; mais jusqu’à pré- 


ARCH. DE ZOOI, EXP. ET GÉN, æ'T. Vi, 1877. { 


2 CH. VÉLAIN. 


sent, elles avaient été, l’une d’elles surtout, peu explorées. Elles se 
trouvent cependant, malgré leur grand éloignement, sur une route 
très-fréquentée, car tous les bâtiments qui passent par le Cap, pour 
se rendre en Australie ou en Chine, poussés par les grandes brises 
d'ouest, qui sont, pour ainsi dire, les alizés de cette région, viennent 
les reconnaître et passent entre les deux. Il est vrai que maintenant 
peu d’entre eux y atterrissent, ces îles n’offrant aucune ressource et 
les mauvais temps, qui règnent presque constamment dans leurs 
parages, rendant souvent leur accès dangereux. Autrefois les naviga- 
teurs, et surtout les Hollandais en se rendant aux Indes, s’y arrêtaient 
volontiers, mais sans jamais y séjourner, de telle sorte que les des- 
criptions qu’ils nous en ont laissées sont toujours peu détaillées, peu 
précises et parfois même fort inexactes, | 

L'histoire de leur découverte est assez complexe et mérite 
d'être rapportée ici. Ce sont les compagnons de Magellan qui, le 
18 mars 1522, pendant leur voyage de retour en Europe, sous les 
ordres de Sébastien del Gano, virent, pour la première fois, la plus 
grande et la plus haute des deux îles, celle que nous appelons au- 
jourd’hui Amsterdam. C’est, en effet, ce qui ressort d’un passage 
remarquablement précis du journal de Francisco Albo, pilote de la 
Victoria, où il est dit qu’à l’époque indiquée plus haut, par 37° 35’, la 
frégate passa en vue d’une île élevée, ayant environ 6 lieues de tour, 
paraissant inhabitée, mais qu’on ne put aborder‘. L'Espagnol del 
Capo ne paraît cependant pas avoir ajouté d'importance à cette dé- 
couverte, car plus tard, dans la commission nommée par le roi 
d'Espagne, pour fixer les nouvelles découvertes géographiques, dues 
à ce voyage célèbre, il n’en fit pas mention. 

Un siècle après, en 1617, un navire hollandais, le Zeewolf, qui 
se rendait du Texel à Bantam, conduit par le capitaine Harwick 
Claesz de Hillegom, vint tout à coup, par un temps brumeux et 
sombre, atterrir sur la seconde des deux îles. « Comme elle ne se 
trouve sur aucune carte, écrivit le capitaine au directeur de la Com- 
pagnie des Indes, nous lui avons donné le nom du Zeewolf (Loup 
marin). » Mais cette dénomination ne fut pas adoptée, car dans les 
instructions pour les navires quise rendaient de la Hollande à Java en 
automne nous voyons, à la date du 7 décembre 4619, qu'il est re- 
commandé de bien veiller, vers le 38° degré de latitude, pour ne pas 


1 Navarerre, Colleccion de Documentos (Journal de F, Albo, t. IV, p. 218). 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 3 


tomber inopinément sur l’île Saint-Paul, peu élevée et presque toujours 
masquée par la brume‘. Sans doute qu'un navire portant ce nom 
l'avait signalée auparavant, comme semble le prouver un portulan 
manuscrit du temps de Henri II, qui l'indique avec cette mention : 
1. Descobrio à nao San-Paulo. 

Mais toutes deux ne furent en réalité bien connues, et leur posi- 
tion ainsi que leur dénomination fixée d’une facon bien précise, 
qu’en 1633. A cette époque, le gouverneur van Diemen, en se rendant 
aux Indes, passa entre les deux et laissa à celle du Nord le nom du 
bâtiment qui le portait, New-Amsterdam, celle située la plus au sud 
étant, dit-il, l’île Saint-Paul. 

Jusqu’alors personne ne les avait encore abordées : le navigateur 
hollandais Willem van Vlaming fut le premier qui les visita en 1696, 
et c’est sans doute à cette circonstance qu'il doit d'avoir longtemps 
passé pour les avoir découvertes, tandis qu'elles étaient bien connues 
avant lui; du reste, 1l avait recu dans ses instructions l'ordre de s'y 
arrêter, avant de se rendre à la Terre du Sud (l'Australie), afin 
d'examiner leur situation et de rechercher s’il n’y existait pas quelques 
traces de l'équipage d’un bâtiment, le Æidderschap van Holland, qui 
s'était perdu en 1695, pendant une traversée du Cap à Batavia ?. 

Le journal de l’expédition de van Vlaming contient peu de ren- 
seignements sur Amsterdam, mais on y trouve des détails très-inté- 
ressants sur l’état de l’île Saint-Paul ; le vaste cratère immergé qui 
occupe sa partie centrale, se trouvait, à cette époque, complétement 
fermé et ne communiquait pas directement avec la mer comme au- 
jourd’hui ; une digue, peu élevée, mais continue, s’étendait en tra- 
vers de l’échancrure du nord-est ; il fallut haler les embarcations à 
terre et les faire passer par-dessus les galets, pour pouvoir explorer le 
lac intérieur. 

La passe étroite et peu profonde qui coupe maintenant cette 
digue en son milieu, ne paraît s'être ouverte que pendant la se- 
conde moitié du dix-huitième siècle, car jusqu'en 1754 les navi- 
gateurs qui s'arrêtent à Saint-Paul signalent toujours, entre les deux 
hautes falaises du nord-est, « une digue de galets, continue, que cou- 
vrent les lions et les chiens de mer» (ofartes). 


1 Uit de Verhandelingen en Berigten betrekkelijk het Zeewerzen en de Zeevaartkunde 
door Jacob Swart, n° 3, 1er Afd., p. 6. 


? R. H., Major esq. : Early Voyages to terra australis, London, printed for the 
Hackluyt Society, 1859, 


4 CH. VÉLAIN. 


Tous les auteurs qui se sont occupés de nos deux îles ont raconté 
le séjour que fit lord Macartney à Saint-Paul en 1793, avec les vais- 
seaux le Lion et l'Hindoustan. Dans les nombreuses relations que 
nous possédons de ce voyage, on trouve, en effet, beaucoup de dé- 
tails qui intéressent à la fois la géologie et la zoologie, car ils nous 
renseignent, et sur les phénomènes volcaniques dont l’île était encore 
le théâtre,’ et sur les nombreux oiseaux qui l’habitaient. Lord 
Macartney et sa suite ne séjournèrent pourtant qu'un jour sur l’île, 
mais ils y trouvèrent un Français, nommé Péron, homme intelligent 
et communicatif, comme ils se plaisent à le raconter ‘, qui leur servit 
obligeamment de guide et put leur fournir des renseignements pré- 
cieux. Péron est un marin français, né à Brest, qui, lâächement aban- 
donné sur Saint-Paul, avec quatre matelots, par un capitaine de la ma- 
rine marchande américaine, y fit un séjour forcé de près de quarante 
mois, du 1°" septembre 1792 au 16 décembre 1795. Pendant ce long et 
douloureux exil, où les privations et les souffrances ne lui furent pas 
épargnées, il consigna Jour par jour avec un soin scrupuleux tous les 
faits qui se passaient autour de lui et jusqu'aux moindres détails de 
son existence misérable. Ses mémoires, publiés en 1824°, sont donc 
fort intéressants à consulter et nous aurons, par la suite, plus d’une 
fois occasion de les citer, surtout à propos des détails curieux qu’ils 
renferment sur les mœurs des animaux qui atterrissaient alors sur 
l’île, aux différentes saisons *. 

Péron, intervertissant les noms des deux îles, appelle Amsterdam 

celle sur laquelle il fut ainsi délaissé ; c’est là une erreur qui s'était 
| accréditée à cette époque et qui doit remonter au voyage du brick 
le Mercury, de la marine anglaise (1789) : elle devint la source d’une 
réelle confusion et par la suite les noms et les traits à la fois si par- 
tüiculiers et si caractéristiques de l’une et de l’autre furent entremêlés 
de la façon la plus singulière. 

I serait maintenant superflu de mentionner toutes les relations de 


1 GEORGES STAUNTON, Voyage à la Chine, par lord Macartney, traduit par J. Cas- 
tera, Paris, Buisson, an VI rép., p. 268 à 298. 

? Mémoires du capitaine Péron sur ses voyages en Afrique, en Arabie, etc., vol. , 
p. 171-228, Paris, Brissot-Thivars, 1824. 

ÿ Les mémoires du capitaine Péron sont encore accompagnés d’une carte remar- 
quablement exacte, qui paraît avoir été levée avec beaucoup plus de soin que celles 
antérieures ou même plus récentes de van Vlaming (1696), de Parish (Relation du 
voyage de Macartney, 1793) et de l'amiral Cécile (Voyage dela frégate l'Héroïne, 
1837). 


RE 


ms té 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 5) 


voyage qui parlent de nos deux îles, pendant la première partie de ce 
siècle : elles sont peu importantes, la plupart n'ont fait que répéter 
ce qu’on en savait, sans rien ajouter aux connaissances déjà acquises. 
Saint-Paul fut alors surtout visitée par des pêcheurs qui, attirés par 
l'abondance extrème du poisson dans ses eaux, tentèrent à diffé- 
rentes reprises d'y fonder des établissements de pêche; ces établis- 
sements prirent même, en 1843, une importance telle, que le gou- 
verneur de la Réunion crut devoir y envoyer, par un bâtiment de 
guerre, quelques soldats d'infanterie de marine pour en prendre 
possession et pour l’occuper. 

Je passe également sous silence les visites plus récentes de deux 
bâtiments de guerre anglais, le Æerald et le Pearl, qui vinrent, le 
premier en 1853, le second en 1873, y faire des reconnaissances hydro- 
graphiques; ces voyages, en effet, furent sans profit pour l’histoire 
naturelle. En réalité, nous n'avions jusque dans ces derniers temps, 
sous ce dernier rapport, que des renseignements peu précis et bien 
incomplets. On connaissait sans doute la nature volcanique des deux 
îles, mais leur faune et leur flore étaient encore absolument incon- 
nues quand la frégate autrichienne la Novara vint, en 1857, au début 
de son beau voyage autour du monde, mouiller devant Saint-Paul. 

La Novara avait à son bord un certain nombre de naturalistes, et 
notamment un savant géologue, M. de Hochstetter, qui furent dé- 
barqués pendant quinze jours sur l’île ; ils y réunirent des collections 
importantes et en donnèrent une description complète, surtout au 
point de vue géologique ‘. Malheureusement il n’en fut pas de même 
pour Amsterdam; le docteur Scherzer et M. de Hochstetter nous 
apprennent en effet que, malgré toutes les ressources dont disposait 
la frégate, après toute une journée de fatigues passée dans les em- 
barcations autour de cette dernière, pour chercher à y débarquer, 
ils ne purent pénétrer dans l’intérieur et durent à leur grand regret 
s'éloigner, après n’avoir fait qu’entrevoir les riches récoltes que leur 
promettait la végétation épaisse et variée qui recouvrait toute sa sur- 
face. Le lendemain, alors qu’ils s'apprêtaient à renouveler les ten- 
tatives de la veille, le mauvais temps chassa la frégate de ces parages 
et leurs observations restèrent incomplètes. 

Amsterdam doit aux difficultés de son accès, d’avoir été bien 


- 1 F. pe HocnsreTter, Dr ScHerzer.…., Voyage de la frégate la Novara autour 
du monde de 1857 à 1859, 11e partie, vol. I, p. 216. 


6 CH. VÉLAIN. 


moins souvent visitée que Saint-Paul; c’est une terre plus impor- 
tante, qui se trouve, pour ainsi dire, défendue de tous côtés par une 
ceinture continue de hautes falaises complétement accores, environ- 
nées de’brisants. Dans le nord-est, sur un espace d’un demi-mille en- 
viron, ces falaises s’abaissent un peu, et le long d’une coulée de laves 
qui s’avance de quelques mètres en mer, les embarcations peuvent 
accoster par les temps calmes. Il est alors possible, avec un peu 
d'adresse, de sauter à terre, entre deux lames; mais là de nouvelles 
difficultés surgissent, une sorte de gros jonc (iso/epis nodosa) de la 
hauteur d’un homme, qui croît par touffes, absolument pressées les 
unes contre les autres, devient un obstacle presque impénétrable, 
qu'on ne peut franchir qu'avec le temps et au prix des plus grandes 
fatigues. Aussi de tous ceux qui, déjà peu nombreux, avaient mis le 
pied sur l’île, un très-petit nombre s'étaient écartés de la côte, et nous 
ne savions rien de sa topographie intérieure; son sommet même, 
presque toujours embrumé et masqué par un chapeau de nuages, 
n'avait été que rarement aperçu du large. 

En 1873, le navigating lieutenant Henri Hosken ne fit que com- 
pléter, à bord de la Pearl, et sous la direction du commodore Goo- 
denough, le tracé de la côte sud et sud-ouest, levé sous voiles par 
Beautemps-Beaupré en 1792, en l’étendant au nord et à l’est. La 
carte publiée en mars 4874 sur ses indications, par les soins de 
l’amirauté anglaise, nous montre l’île sous forme d’un quadrilatère, 
orienté du nord-nord-ouest au sud-sud-est, présentant en son centre 
une montagne régulièrement conique, haute de 2760 pieds, qui 
s'incline de tous côtés régulièrement vers la mer et supporte une 
série de petits cônes d’une assez grande élévation. 

Tel était l’état de nos connaissances au sujet des deux îles, quand 
l'attention du monde savant se reporta de nouveau sur elles, en 
1874, à l'occasion du passage de Vénus sur le soleil. Elles se trou- 
vaient, en effet, parmi les pays les plus avantageusement situés pour 
l'observation de ce phénomène rare et important qui n'avait pas été 
vu depuis 1769, et l’Académie des sciences, malgré tout ce qu'on 
savait de leur peu de ressources et des mauvais temps qui règnent 
dans leurs parages, avait résolu d’y risquer une expédition. 

L'île Saint-Paul n’a pas une lieue de largeur ; pour aller s’expatrier 
pendant plusieurs mois sur un pareil rocher, pour tenter d'y débar- 
quer tout un matériel d'installation, des instruments de précision 
délicats, difficiles à manier à cause de leur poids et de leur volume 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 7 


considérable, il fallait un homme énergique et dévoué à la science : 
l’Académie sut trouver dans notre vaillante marine un officier savant 
et courageux qui voulut bien accepter cette belle, mais périlleuse 
mission. M. le commandant Mouchez, membre du bureau des longi- 
tudes, fut désigné comme chef de cette station astronomique ; on lui 
adjoignit pour les observations astronomiques M. Turquet de Beau- 
regard, lieutenant de vaisseau, et M. Cazin, professeur au lycée Fon- 
tanes, pour les opérations photographiques. En outre, la commission 
chargée de préparer les instructions relatives à l'observation du 
passage, désirant donner à celles des expéditions qui devaient 
atteindre des régions lointaines et peu connues le caractère de véri- 
tables campagnes scientifiques, décida que des naturalistes seraient 
attachés à chacune d'elles; M. Gaston de l'Isle, en qualité de bota- 
niste, fut désigné pour accompagner la mission de l’île Saint-Paul. 

D'un autre côté, M. le docteur Rochefort, médecin de première 
classe de la marine, qui devait également faire partie de l’expédition, 
avait été appelé de bonne heure à Paris, sur la demande du com- 
mandant Mouchez, et s'était mis au courant des meilleures mé- 
thodes pour la recherche et l’étude des animaux marins. « Quand 
M. Mouchez m'écmvit de me préparer à ce travail, nous dit M. Ro- 
chefort dans un rapport sur le voyage et les résultats de la mission, 
publié en 1875, dans les Archives de médecine navale, je dus lui 
répondre que j'étais, jusque-là, demeuré fort étranger à ce genre 
d'études, mais on me persuada que je pouvais aisément être mis au 
courant des procédés de recherche et, par suite, devenir capable de 
rendre des services, en recueillant des objets d'étude. C'est surtout 
de la part de M. H. de Lacaze-Duthiers, membre de l’Institut, que je 
trouval un accueil si encourageant ; il m'ouvrit avec tant de bien- 
veillance, à deux reprises différentes, pendant la saison d'été, son 
laboratoire de Roscoff, que je pus espérer ne pas rester trop au-des- 
sous de la tâche que l’on me donnait à remplir. M. de Lacaze voulut 
bien, négligeant parfois les beaux travaux qu’il poursuit, me guider 
lui-même dans la recherche des animaux et dans leur étude. Si les 
soins que je me suis imposé à Saint-Paul portent plus tard quelques 
fruits, c'est à lui qu’ils seront dus et je tiens beaucoup à lui en ex- 
primer toute ma reconnaissance. » 

D’après la description que M. de Hochstetter en avait donnée, on 


1 T. XXIV, juillet 1875, p. 1 à 19. 


8 CH. VÉLAIN. 


savait que l’activité volcanique de l’île Saint-Paul se manifestait actuel- 
lement par des sources thermales et des fumeroles abondantes. 
M. Rochefort avait encore accepté le soin d'étudier ces différentes 
émanations ; il était venu dans le laboratoire de géologie du Collége 
de France, pour apprendre auprès de M. Fouqué le maniement des 
appareils destinés à ces recherches délicates. Je terminais alors, dans 
ce même laboratoire, l'étude des roches volcaniques que j'avais re- 
cueillies dans un voyage sur la côte d'Afrique, où j'avais déjà accom- 
pagné le commandant Mouchez en 1873, et nous recûmes ensemble 
les leçons si précieuses de ce maître bienveillant. C’est certainement 
à cette circonstance que je dois d'avoir fait partie de la mission. Tout 
d'abord, je n’avais pas cru devoir accepter l’offre qui m’en avait été 
faite par M. le commandant Mouchez ; mais, à la fin de juillet, en 
voyant toutes les belles observations qui restaient à faire non-seule- 
ment à Saint-Paul, mais dans chacune des escales du voyage et sur- 
tout à la Réunion, cédant aux conseils pressants de M. Fouqué, à 
ceux de mon excellent maître M. Hébert, je me décidais enfin à par- 
tir. C’est dans les premiers jours du mois d'août, peu de jours par 
conséquent avant l’époque fixée pour le départ, sur les instances de 
M. de Lacaze-Duthiers, que je ne saurais trop remercier à cette 
occasion, que M. le ministre de l'instruction publique voulut bien 
m'adjoindre à la mission de l’île Saint-Paul en qualité de géologue ‘. 

Nous étions donc, désormais, trois naturalistes attachés à cette 
expédition ; chacun de nous représentant l’une des branches de l’his- 
toire naturelle, les rôles se trouvaient par cela même bien indiqués : 
M. le docteur Rochefort devait s'inquiéter de la zoologie, M. de l'Isle 
de la botanique, la géologie m'était réservée. Je n'ai pas besoin de 
dire que ces distinctions n’eurent rien d’absolu et que très-souvent 
les rôles furent intervertis. Chacun de nous concentra, sans doute, ses 
efforts sur les sujets d'étude qui lui étaient chers, sur ceux pour les- 
quels il était mieux préparé, mais la plupart des travaux et des re- 
cherches furent exécutés en commun. 

Pendant la traversée, le peu de temps dont nous disposions à 
chaque escale ne nous permit pas d'étendre beaucoup nos recherches, 
qui se trouvèrent ainsi limitées à quelques points, malheureusement 
trop restreints, des côtes que nous abordions; mais notre séjour aux 


1 Sur la proposition de M. de Lacaze-Duthiers, le conseil de l'Association fran— 
çaise pour l’avancement des sciences m'avait généreusement voté, de son côté, une 
somme de 1 500 francs, pour subvenir aux frais de cette mission. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 9 


iles Saint-Paul et Amsterdam se prolongea assez pour que nous 
n’ayons pas été obligés de nous borner là à des investigations rapi- 
des et superficielles. Nous avons pu les explorer, la première surtout, 
d’une facon complète et y rassembler des collections importantes, qui 
nous permettront de décrire, jusque dans les moindres détails, leur 
constitution géologique, leur faune et leur flore. 

L'étude de la distribution des êtres organisés à la surface des îles 
éloignées des continents constitue une des questions les plus intéres- 
santes de la zoologie géographique : nos deux îles, en raison de leur 
grand isolement, se recommandaient donc tout d'abord sous ce rap- 
port à notre attention. Il était également important d'examiner avec 
un soin minutieux la faune des eaux qui les environnent, et notam- 
ment celle du cratère de l’île Saint-Paul, afin de savoir de quelle pro- 
vince marine on pouvait la rapprocher; les naturalistes de la Vovara, 
par suite des mauvais temps quiles avaient assaillis pendant leur court 
séjour sur cette dernière, n'avaient, en effet, obtenu que peu de docu- 
ments au sujet de cette faune et s'étaient bornés à la signaler comme 
très-pauvre, composée qu'elle était d'espèces peu variées, riches en 
individus et de dimensions presque microscopiques. 

Ces recherches, dans les circonstances exceptionnellement favo- 
rables où nous allions nous trouver, pouvaient devenir fécondes 
en résultats ; aussi, profitant de toutes les occasions pendant les 
trois mois que nous sommes restés sur Saint-Paul, non-seulement 
nous avons parcouru le littoral à chaque marée, exploré les pro- 
fondeurs avec la drague, employé tous les moyens de pêche, mais 
nous avons surtout cherché à suivre séparément chaque espèce, afin 
de déterminer sa distribution en surface et en profondeur, ses mœurs, 
son organisation, en un mot toutes les particularités de son histoire. 
Ces études ont été l’objet des préoccupations constantes de M. le doc- 
teur Rochefort, qui s’est encore attaché à figurer les animaux sur le 
vivant, notamment ceux qui ne pouvaient se conserver dans les li- 
queurs alcooliques, sans perdre leurs formes et leurs couleurs, en 
devenant méconnaissables. 

A notre retour nous nous sommes empressés, Rochefort et moi, de 
remettre entre les mains de M. le professeur de Lacaze-Duthiers la 
majeure partie des collections que nous avions recueillies, heureux de 
pouvoir lui témoigner ainsi notre reconnaissance ; c'était à lui que 
nous devions, tous deux; d’avoir pu entreprendre ces recherches et de 
les avoir menées à bonne fin. Cet hommage lui était donc bien dû. 


10 | CH. VÉLAIN. 


Tous ces matériaux ont été, depuis, distribués par ses soins entre 
divers naturalistes qui ont alors accepté d'étudier et de décrire, sous 
sa haute direction, les nombreuses espèces de mammifères, d'oiseaux, 
de poissons, de crustacés, d’annélides et de zoophytes dont se 
compose la faune des deux îles, et d'en faire l’objet de monogra- 
phies distinctes qui paraîtront successivement à cette place. 

Dans toutes les questions relatives à la facon dont les îles se sont 
peuplées d'êtres vivants, 1l faut tout d’abord remonter à leur origine 
et rechercher si elles résultent de l’affaissement d’un continent, ou si 
elles ont surgi directement du sein de l'Océan par la seule action des 
forces volcaniques ; 1l était donc important d’esquisser à grands traits 
l'histoire géologique des îles Saint-Paul et Amsterdam, et de préciser 
la date de leur émersion, avant de commencer la description de leur 
faune. C’est ce que je ferai maintenant pour chacune d'elles, en 
insistant à dessein sur la nature des produits volcaniques qui les 
constituent, afin de montrer quelle influence la composition des 
roches exerce sur la distribution des mollusques, dont je donnerai 
ensuite une étude détaillée. 

Le présent travail ne doit donc être considéré, que comme une 
introduction aux descriptions, qui vont suivre, des diverses espèces 
dont se compose la faune des deux îles, descriptions qui seront dues 
au zèle désintéressé des nombreux savants qui ont bien voulu nous 
accorder leur collaboration. En essayant de donner aujourd’hui un 
premier aperçu de cette faune, en mentionnant les conditions d'ha- 
bitat, les mœurs de quelques-unes des espèces les plus nombreuses, 
ou les plus remarquables, j’ai cherché surtout à faire connaître nos 
procédés d'investigation, nos moyens de recherches, afin que le lec- 
teur puisse juger du degré de confiance qu'il doit accorder à nos 
observations. 

J'ai tenu à le précéder d’une relation rapide de notre traversée, 
afin d'exposer quelques faits relatifs à l’histoire naturelle recueillis 
dans chacune de nos escales. 


Il, RELATION DU VOYAGE. 
De Marseille à la Réunion. — La presqu'ile d'Aden. 


Dans la matinée du 2 août, nous embarquions à Marseille sur un 
des magnifiques paquebots de la compagnie des Messageries mariti- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. ii 


mes, l’Amazone, qui partait pour la Chine et devait nous laisser à 
Aden. Vers dix heures, nous quittions le port de la Joliette : les 
vertes collines, les maisons, les bateaux du port disparaissaient rapi- 
dement, et bientôt nous perdions la côte de vue. Notre traversée s’an- 
nonçait sous les plus heureux auspices; une nappe aplanie d’un beau 
bleu s’ouvrait docilement sous la proue de notre vaisseau ; jamais la 
Méditerranée ne s'était montrée plus belle. 

Le 4, au petit jour, nous étions en rade de Naples ; à neuf heures 
du soir, nous passions à toucher, devant le Stromboli en pleine érup- 
tion, et cinq jours après nous entrions dans le canal de Suez. 

L'Amazone, avec ses quatorze nœuds de vitesse, eut bientôt franchi 
les 400 lieues de la mer Rouge; aussile jeudi 13, après avoir reconnu 
les feux de Perim, nous franchissions le détroit de Bab-el-Mandeb 
(la porte du Deuil) pour entrer dans le golfe d’Aden, et le lendemain, 
de bonne heure, notre bâtiment venait s’amarrer devant Steamer- 
Point, à côté du Dupleix. C'était là le paquebot de la ligne auxiliaire 
des Messageries ; c'était aussi celui que nous devions prendre pour 
gagner la Réunion. Toute la matinée fut donc occupée au transbor- 
dement du matériel considérable qu'il nous fallait emporter. 

Le Dupleix ne partant que le 16, nous avions deux jours à dépenser 
sur la presqu'île. C'était bien peu, sans doute, d'autant plus que, 
sous ce ciel de feu, il paraît établi qu'on ne peut sortir qu'après ou 
avant le coucher du soleil : la vie doit s'arrêter de midi à quatre 
heures; mais nous arrivions fraichement d'Europe, et les chaleurs 
torrides de la mer Rouge nous avaient, en quelque sorte, préparés à 
celles de cette fournaise ardente ; aussi, bien décidés à les braver, 
alors que le thermomètre, sous les doubles tentes du Dupleix, mar- 
quait encore plus de 40 degrés, nous descendions à terre, et nos deux 
jours d’escale furent ainsi employés, soit à des ascensions dans les 
hautes montagnes arides et dénudées du Djebel-Shamshan, soit à 
des recherches sur le littoral aux heures des marées. 

La presqu'île d’Aden, située à 118 milles à l’est du détroit de Bab- 
el Mandeb, vers l'extrémité sud-ouest de la péninsule Arabique, est 
baignée par cette partie de l'océan Indien qu’on appelle le golfe 
d'A den ; elle circonscrit, avec une pointe voisine, Jibbel ou Djebel- 
Hussan, une baie profonde ouverte au sud-est (Bunder Toowye), qui 
constitue un port excellent, où par tous les temps les navires de fort 
tonnage peuvent trouver un abri assuré. Aussi les Anglais, qui se 
sont emparés de ce point en 1858, comprenant toute son importance, 


12 CH. VÉLAIN. 


surtout depuis le percement de l’isthme de Suez, en ont fait une 
station maritime de premier ordre. 

La vie abonde dans toute cette rade d'Aden. Bien abritées, peu pro- 
fondes, ses eaux présentent un ensemble de conditions très-favorables 
au développement des animaux marins. Aussi les mollusques pullu- 
lent sur ses plages et dans le fond de la baie ; les coraux doivent être 
abondants, si l'on en juge par les débris en nombre considérable qui 
se trouvent rejetés et roulés par la mer sur le littoral!. 


Sur toute la côte ouest, depuis Ras-Tarshaine jusqu'à Hedjorff, 
règne une ceinture de rochers calcaires, fréquemment interrompue 
ou mieux recouverte en maints endroits par des sables calcarifères 
souvent assez épais et très-étendus; ces calcaires, de formation 
actuelle, empâtent les coquilles des nombreux mollusques qui vivent 
sur le littoral. 

À droite de la route qui conduit à Aden, près des docks de char- 
bon, et plus loin vers les distilleries et les fabriques de glace, on les 
voit s'élever jusqu’à 2 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer 


1 Les petites cases éparpillées sur cette terre sablonneuse et brûlée, au pied des 
hautes montagnes volcaniques, bizarrement déchiquetées, qui donnent à toute cette 
presqu'ile un relief si particulier, sont le plus souvent construites en madrépores 
énormes, qui servent encore à fabriquer une chaux d’assez mauvaise qualité, que les 
indigènes recherchent pour blanchir leurs maisons. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 13 


et venir s’adosser contre ce sombre entassement de roches volca- 
niques stériles qui forme à lui seul toute la presqu'île ; ils témoignent 
ainsi d’un exhaussement manifeste de toute cette partie de la côte 
depuis le commencement de la période actuelle. 

Des preuves de cet exhaussement se retrouvent encore non-seule- 
ment au fond de la grande plage, qui fait face aux récifs de Sawayih, 
mais surtout aussi vers ces murailles, aujourd'hui en ruine, qui limi- 
tent dans le sud-est le territoire d’Aden. Tout ce massif, entièrement 
volcanique, qui doit son origine à une longue suite d’éruptions tra- 
chytiques et basaltiques, relié aujourd’hui à la côte d'Arabie par une 
étroite langue de terre, n’était autrefois qu’une île élevée, très-rap- 
prochée de terre. 

Parmi les formes les plus abondantes qui se trouvent empâtées 
dans ces calcaires, je puis citer : 


Circe intermedia, Reeve. 

Circe peclinata, Linné. 

Tellina Pharaonis, Hanley. 

Nassa arcularia, Lam. (?) 

Nassa pulla, Linné. 

Purpura hippocastanum, Lam. 

Planaxis Menkeanus, Dunk. 

Conus tesellatus, Brug. 

Conus acuminatus, Brug. 

Milra Pharaonis, Génè. 

Turbonilla nitidissima, Issel. 

Cerithium (?).. Triton (?)... Triforis(?).. Ostrea (?) 

Des fragments de la Tridacna elongata, Lam. et du Cardium magnum, 
Chem. 


Toutes ces espèces vivent actuellement dans la baïe; nous les y 
avons recueillies avec des Planaxis (2. griseum et Menkeanus), des 
Nérites (NW. albicilla et Longi), des Nasses (N. arcularia, pulla, etc.), 
des Pourpres, des Turbos (7. Hemprichi et noduliferus), particulière- 
ment abondants sur la côte au niveau du balancement des marées. 
Leurs coquilles peuvent encore se recueillir facilement sur le littoral, 
sans que la mer soit au plus bas, car:des Bernards-l’ermite, de plus 
d'une espèce, les habitent, et se chargent de les apporter; mais elles 
sont alors en assez mauvais état. 

Plus loin, en face des distilleries et des fabriques de glace destinées 
à approvisionner d’eau la ville d’Aden et les paquebots, autour d’un 
petit îlot, l’ilot Flint, sur lequel on passe à pied sec aux grandes ma- 


14 | CH. VÉLAIN. 


rées, on peut signaler une belle station de Cônes. En moins d’une 
heure, j'ai recueilli là dix-sept exemplaires de ce genre, comprenant 
les neuf espèces suivantes : 


Conus arenatus, Brug. 1 exemplaire. 

Conus nemocanus, Brug. À exemplaire. 

Conus quercinus, Brug. 4 exemplaire. 

Cons tesellatus, Brug. 3 exemplaires. 

Conus gubernator, Brug. 1 exemplaire, variété peu colorée et élancée. 
Conus lividus, Brug. 2 exemplaires. 

Conus litteratus, Lin. 6 exemplaires (jeunes et adultes). 

Conus læniatus, Brug. 1 exemplaire de petite taille. 

Conus textile, Lin. 1 exemplaire. 


Sur la côte rocheuse de Ras-Marbât, sous les batteries anglaises, 
avec les coquilles littorales précédemment citées se trouvaient de 
grands Chitons très-abondants qui, non contents de tapisser com- 
plétement les rochers, se recouvraient encore les uns les autres; il en 
était de même dans l’ouest de la grande jetée de la Poste. Sur le re- 
vers nord-est de cette jetée, près des escaliers où les embarcations 
viennent accoster, de nombreux Monodontes (Clanculus Pharaonis), 
se détachant en rose sur les tons verts desalgues, produisaient le plus 
gracieux effet. 

En résumé, la liste des mollusques que nous avons recueillis ainsi, 
dans trois excursions sur le littoral ouest de la presqu'île, comprend 
quarante-cinq espèces : c’est assurément bien peu, en comparaison 
de l’extrème richesse de cette station intéressante; j'ai tenu cepen- 
dant à la reproduire ici, parce que jusqu’à présent il n’a rien été 
publié de spécial sur les mollusques de la baie occidentale d’Aden, et 
surtout aussi parce qu'elle renferme quelques espèces qui ne m'ont 
pas paru avoir encore été signalées dans le golfe. 

. “Strombus lentiginosus, Lin. I. Flint; de petite taille 1. 

. Murexæ(?).. Littoral de Steamer-point, sur les roches, 

. Ranella granifera, Lam. Littoral de Steamer-Point; sur le sable. 

. Fasciolaria trapezium, Lam. I. Flint. 

. *Turbinella rhinoceros, Lin. L. Flint; dans le sable. 

. Buccinum(?). I. Flint; littoral de Steamer-Point ; sur le sable, 

. Eburna (?;, sp. ind. Cet échantillon incomplet était roulé sur la plage. 
. Nassa arcularia, Lam. Littoral de Steamer-Point. 

. Nassa pulla, Lin. Très-abondants ; de partout. 


OR ON 2 


© © =1 O5 


1 Les espèces précédées d’un astérisque sont celles qui n’ont pas encore été 
signalées dans le golfe d’'Aden. 


10. 
1E. 
12. 
43. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 15 


Nassa afra, Phil. Assez rare, littoral de Steamer-Point. 

*Nassa semistriata, Adams; très-rare, littoral de Steamer-Point, 
*Purpura persica, Lam. Ilot Flint (un seul individu). 

Purpura hippocastanum, Lin. Très-abondant, entre le niveau de la 


haute et basse mer; de partout. 


14. 


Planaxis griseum, Broch. (Planaxis Savignyi, Desh.) Très-abondant 


entre le niveau de la haute et basse mer ; de partout. 


15. 


Planaxis Menkeanus, Dunk. Moins abondant que l’espèce précédente ; 


mèmes gisements. 


16. 
LÉ 
18. 
19. 
20. 
M. 
22. 
23. 
24. 


Magilus antiquus, Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage. 
Magilus (2)... Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage. 

Conus arenatus, Brug. À la basse mer; I. Flint. 

Conus nemocanus, Brug. A la basse mer ; [. Flint. 

Conus quercinus, Brug. A la basse mer; I. Flint. 

Conus textile, Lin. À la‘ basse mer; I. Flint. 

Conus tesellatus, Brug. À la basse mer ; L. Flint. 

*Conus gubernator, Brug. À la basse mer ; I. Flint. 

Conus lividus, Brug. Entre le niveau de la haute et basse mer; I. Flint 


et littoral de Steamer-Point. 


25. 
26. 

Point. 
21. 

. Conus Hebrœus, Lin. Ras-Marbât. 

. *Mitra ambigua, Sw. Littoral de Steamer-Point. 

. Mitra mosaïca, Issel. [. Flint; dans le sable. 

. Cypræa arabica, Lin. I. Flint ; dans le sable, 

2. Cerithium (?)... Littoral de Steamer-Point. | 

. Nerita albicilla, Lin. Sur les roches; littoral de Steamer-Point. 

4. *Nerila Longi, Recl. Sur les roches; littoral de Steamer-Point I. Flint. 

3. Turbo Hemprichi, Trosch. Très-abondant ; littoral de Steamer-Point. 

. Trochus noduliferus, Lam. I. Flint et littoral de Steamer-Point. 

. Clanculus Pharaonis, Lin. Sur les algues ; littoral de Steamer-Point. 

. Bulla ampulla, Lin. Sur le sable, I. Flint ; à 1# basse mer. 

. *Bulla (Athys) naucum, Lin. Sur le sable, I. Flint ; à la basse mer. 

. Arca (?) fixée par son byssus aux rochers sous les algues ; I. Flint. 

. Chama (?) adhère aux rochers ; I. Flint. 

42. 


Conus lilteralus, Lin. Jeunes et adultes ; I. Flint. 
*Conus achatinus, Schem,. Avec un Bernard-l’ermite, littoral de Steamer- 


Conus abbreviatus, Nutt. Ras-Marbât. 


Cytherea Savignyi, Jonas (Circe peclinata, Lin.) Dans le sable ; littoral 


de Steamer-Point. 


43. 


Circe intermedia, Rve. (Circe pectinata, Lin.) Très-nombreuses variétés 


de forme et de couleur; littoral de Steamer-Point. 


A4, 
Point. 
45. 


Tellina (Fellinella) Pharaonïis, Haxl. I. Flint et littoral de Steamer- 


*Tellina spectabilis, Haxley ! I. Flint. 


1 Cette espèce n’est pas complétement identique à l’espèce d’'Haxley : les côtes, par 
exemple, sont beaucoup plus flexueuses, 


16 CH. VÉLAIN. 


On a tout lieu de s’étonner que la faune conchyologique du golfe 
d’Aden soit encore si peu connue, maintenant surtout que ce point 
est devenu d’un accès facile. Sa richesse, véritablement exception- 
nelle, mériterait assurément beaucoup mieux que d’autres moins 
intéressantes, les honneurs d’un catalogue particulier. Ce qu’on en 
sait indique un mélange plus ou moins intime d’espèces propres à la 
mer Rougé avec d’autres appartenant à l’océan Indien, et parmi ces 
dernières, ce sont surtout celles des îles Philippines qui dominent. 
La liste, que Je viens de donner des mollusques que nous avons re- 
cuelllis autour de la presqu’ile, n’a d'intérêt que parce qu’elle ajoute 
quelques faits nouveaux à cette analogie déjà grande : ainsi, parmi 
les dix espèces qui sont citées ici pour la première fois, sept sont 
abondantes aux Philippines (Sfrombus lentiginosus, Purpura persica, 
Mitra ambiqua, Conus qubernator, Conus achatinus, Bulla naucum , 
Tellina spectabilis), deux sont de l’océan Indien (Tuwrbinella rhinoceros, 
Nerita Longr), enfin la dernière (Nassa semistriata) serait une espèce 
méditerranéenne. 

On a beaucoup contesté la présence de coquilles méditerra- 
néennes dans la mer Rouge ; pour la ÂNVassa semistriata, il ne peut 
y avoir le moindre doute : l'identité est absolue. Cependant, c’est 
là un fait dont il ne faut pas s’exagérer l’importance. L’unique 
échantillon de cette espèce recueilli par nous, sur le littoral de 
Steamer-Point, y avait peut-être été introduit accidentellement ? Sans 
parler des paquebots dont la vitesse s’oppose, sans doute, à ce qu'un 
mollusque, comme les Nasses, puisse rester fixé à leurs flancs, le canal 
et la mer Rouge sont maintenant traversés par un grand nombre de 
voiliers qui viennent mouiller à Aden avant de continuer leur route 
et qui peuvent apporter des coquilles au milieu des algues adhérant 
à leur coque. À moins de supposer que cette espèce résulte d’une 
communication ancienne entre les deux mers, il est impossible de 
recourir à d'autre hypothèse, pour expliquer sa présence en un lieu si 
éloigné de sa véritable station. Maintenant que cette communication 
existe, il est bien probable qu’un certain nombre de mollusques émi- 
greront de l’une dans l’autre mer ; mais le percement de l’isthme de 
Suez est de date trop récente, et d'autre part les moyens de déplace- 
ment des Nasses sont trop faibles pour que l’on puisse admettre que 
l'espèce en question soit dans ce cas. 

Un autre fait important qui résulte de nos recherches à Aden, c’est 
la découverte à l’état vivant autour de l’ilot Flint de la Mitra mosaica. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDANM. 17 


Cette petite espèce, établie tout dernièrement par M. Issel (Description 
de la faune malacologique de la mer Rouge, pl. HE, fig. 7), n'avait encore 
été citée qu’à l’état subfossile dans les plages soulevées de la mer 
Rouge, et n'était même encore connue que par un échantillon unique 
conservé au musée de Pise. 

Maintenant que l'esprit est porté vers toutes les études relatives à 
la distribution des êtres vivants dans les mers actuelles, il faut espérer 
qu'une station malacologique aussi intéressante ne restera pas plus 
longtemps inexplorée. Quelles riches récoltes, quelles belles obser- 
vations pour un naturaliste qui viendrait séjourner quelque temps 
dans ces parages ! Nous aurions bien désiré que notre séjour, malgré 
ce climat horrible, pût se prolonger. Malheureusement le temps 
nous était compté, et le 17 septembre, à Fheure dite, le Dupleix le- 
vait l’ancre pour gagner la haute mer, 


Deux jours après, en sortant du golfe d’Aden, nous passions presque 
subitement du calme aux mauvais temps. Devant le cap Guardafui, 
la mer, en effet, était énorme, et le navire fatiguait extrêmement, sa 
machine luttant difficilement contre un vent violent et contraire. Les 
grandes brises de la mousson du sud-ouest qui s'étaient établies, nous 
obligeaient alors à dévier vers l’est et à faire un long détour, afin de 
prendre obliquement le vent et la mer. 

Cette navigation fut des plus pénibles, jusqu’à l'Equateur. Enfin 
le 29, les hautes terres de la Réunion nous apparurent au lever du 
jour. À mesure que nous approchions, l’île embrumée tout d’abord 
se dégageait presque complétement ; les cimes élevées du Piton des 
Neiges et du grand Bernard se découvraient peu à peu, en même temps 
que, dans le bas, la côte semblait s'élever au-dessus des vagues. 
Nous accostions par la partie du vent : c’est celle où la végétation 
est de beaucoup la plus riche, et le spectacle, sous ce ciel splendide, 
absolument pur, était vraiment admirable. Les grandes et profondes 
coupées qui sillonnent tout ce puissant massif volcanique, défilaient 
successivement devant nous ; bientôt non distinguions au milieu des 
champs de canne les maisons blanches qui étincelaient au soleil le- 
vant. Vers huit heures, le cap Bernard était en vue; encore quelques 
tours d’hélice et l'ancre tombait enfin devant Saint-Denis. 

La première partie de notre traversée, la plus longue, mais aussi la 
plus douce, était terminé. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. vI. 1877. 2 


18 CH. VÉLAIN. 


De la Réunion à l'ile Saint-Paul. — L'ile Maurice. 


Un navire de l'État, la Dives, nous attendait sur rade pour nous 
porter aux îles Saint-Paul et Amsterdam. Mais ies approvisionne- 
ments qui restaient à faire pour notre séjour sur les deux îles déser- 
tes, et surtout les renseignements que notre commandant voulait ob- 
tenir des pécheurs qui, dans la belle saison, de novembre à février, 
partent de la Réunion pour gagner les deux îles, devaient retarder 
notre départ jusqu’au 6 septembre. 

Nous employâmes ces quelques jours à faire l'ascension du volcan 
actif qui désole dans l’est toute cette région nommée «le grand pays 
brûlé». Ce volcan venait, en effet, d’avoir eu une éruption et nous espé- 
rions arriver encore assez à temps pour assister à quelques-unes des 
dernières manifestations de l’activité volcanique. Malheureusement 
l'éruption avait été de courte durée, et quand, après plusieurs jours de 
marche et de fatigues, de nuits passées dans des cavernes froides, hu- 
mides, ou même en plein air, sur un sol gelé, il nous fut donné d’at- 
teindre le sommet de la montagne volcanique (2635 mètres), tout 
était silencieux ; les laves refroidies formaient au fond du cratère 
comme une croûte noire, fendillée et vitreuse, d’où s’échappaient 
seules quelques fumeroles composées d'acide chlorhydrique ou de 
vapeur d’eau et douées encore d’une température de 72 degrés centi- 
grades. 

Le dimanche 6 septembre, dans la matinée, nous nous retrouvions 
à bord de la Dives après une petite expédition qui nous avait demandé 
huit jours,et qui nous avait été des plus profitables, car elle nous avait 
permis d'étudier, dans tous ses détails, l’appareil du volcan. 

La Dives appareillait tout aussitôt, et mettait en route pour 
gagner l’île Maurice. Le personnel de la mission s'était alors augmenté 
d’un nouveau membre, M. Lantz, conservateur du muséum de la 
Réunion, qui, sur la demande du gouverneur, s'était joint à nous 
pour recueillir des collections destinées à augmenter les richesses déjà 
grandes du musée de notre colonie. 

Le Dupleix avait dù porter à Port-Louis de Maurice toutes les 
caisses d'instruments que le mauvais état de la mer, au moment de 
notre arrivée à Saint-Denis, n'avait pas permis de débarquer dans cette 
rade ouverte. Pendant que s’opérait.leur transbordement et leur arri- 
mage à bord de la Dives, nous fimes quelques excursions à terre. Des 
fouilles faites, il est vrai, un peu à la hâte, en raison du peu de temps 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19 


et des faibles ressources dont nous disposions, dans les tourbes de la 
Mare aux Songes, cet ossuaire fameux d'où sont sortis le dronte, 
le dodo, l’aphanaptrix,..….:. toute une fâune d'oiseaux singuliers, 
aujourd'hui disparus, demeurèrent sans résultat ; mais nous fûmes 
plus heureux dans nos recherches sur le bord de la mer. 

Depuis la publication du catalogue de la collection Lienard, par les 
soins de M. H. Crosse, directeur du Journal de conchylologte, la riche 
faune malacologique de Maurice est maintenant trop connue pour 
qu'il soit utile de donner ici la liste des espèces que nous y avons re- 
cueillies ; elle n’ajouterait rien à ce travail important. Je désire seule- 
ment mentionner les récoltes abondantes que nous avons pu faire 
dans cette station si intéressante, et si souvent visitée, qu’on nomme 
l’ilot Barkly. 

Cet îlot n'est autre chose qu’un récif à fleur d’eau, peu étendu, si- 
tué près du rivage, à l’entrée de la rade de Port-Louis. Sa formation, 
de date toute récente, a été généralement attribuée à un amoncelle- 
ment énorme de coraux et de madrépores dans un haut-fond, causé 
par un violent ras de marée, à la suite d’un cyclone, en 1868. En 
réalité, il y a eu là une oscillation du sol des plus manifestes, suivie d’un 
exhaussement dont on retrouve les traces sur toute la côte voisine. 
Tout cet espace qui se découvre aujourd’hui à chaque marée, restait, 
avant l’époque indiquée, constamment submergé. On y a recueilli, 
surtout dans les premières années qui ont suivi son apparition, un 
nombre considérable de mollusques, et en particulier des gastéro- 
podes spéciaux qui ne se sont point retrouvés sur d’autres points de 
Ja zone littorale. Maintenant, ce riche gisement est considérablement 
appauvri, et la plupart de ces espèces spéciales qui le rendaient in- 
téressant, s’accommodant mal des nouvelles conditions d'habitat qui 
leur sont faites, ne s'y retrouvent plus. Il en est ainsi, par exemple, 
d’une petite espèce de Mitre, dont M. H. Adams a fait le type du genre 
Mouritia (Mauritia Barcklayi, H. Ad., Proceed. of Zool. Soc., 1869, 
pl. XIX, fig. 5), qui en a pour ainsi dire disparu. 

En outre de quelques-uns des mollusques dont la présence a déjà 
été signalée sur l’ilot, nous y avons trouvé les espèces suivantes, qui 
ne sont indiquées, dans le catalogue de la collection Lienard, que des 
autres régions de Maurice : 

Strombus gibberulus, Lin., 


Strombus mauritianus, Lam., 
Turbinella cornigera, Lam., 


20 CH. VÉLAIN. 


Harpa minor, Rump., 
Oliva maura, Lam., 

Conas cernicus, H. Adams., 
Cypræa annulus, Lin., 
Cypræa caput serpentis Lin. (jeunes et adultes), 


et de plus un jeune individu de la Cypræa arabica, Chemnitz. Cette 
dernière espèce est une nouvelle acquisition pour la faune de Mau- 
TIC: % 

Enfin, le jeudi 10 septembre, à quatre heures de l'après-midi, par un 
temps nuageux, la Dives quittait Port-Louis, et bientôt emportés 
par une belle brise d’est-sud-est, nous perdions l’île de vue. 

Ce ne fut pas sans émotion que nous vimes disparaître cette der- 
nière terre loin derrière nous. Nous commencions à nous éloigner de 
plus en plus, pour accomplir une mission qui devait demander bien 
des mois. Nous allions nous engager bien avant dans l'hémisphère 


sud, pour gagner des régions désertes, inhospitalières, à la recherche 
de l'inconnu. 


Le bâtiment couvert de toile, légèrement couché sous la brise, filait 
avec une moyenne de 40 à 50lieues par jour, et la traversée commen- 
çait ainsi sous les meilleurs auspices ; au-delà du tropique, nous 
fûmes assaillis par des calmes, qui devinrent pour notre commandant, 
pressé d'arriver au but, un sujet d'ennui, mais qui furent une bonne 
fortune pour nous, Car ils nous permirent de laisser traîner à l’arrière 
du vaisseau, alors que le loch n'accusait plus qu’un nœud de vitesse, 
une drague de surface, qui nous ramena en nombre considérable 
des crustacés, avec des ptéropodes et quelques médusaires. 

Dans l'après-midi du 13 septembre, la brise fraichit un peu ; quel- 
ques grains accompagnés de grêle, puis de fortes rafales, vinrent 
nous avertir que c'en était fini avec les beaux temps. 

Dès ce moment, en effet, les coups de vent se succédèrent sans 
relâche, menaçant de nous emporter au-delà des deux îles et de tout 
compromettre, car il nous eût été bien difficile de la regagner contre 
vents et marées, avec la machine insuffisante de la Dives. 

Le mercredi 23, après une accalmie, la brise prit subitement une 
allure irrégulière ; un banc de brumes persistant dans l’est formait 


1 Je dois encore signaler comme espèce nouvelle pour cètte île une belle janthine 
très-voisine de la Janthina arabica, Reeve (pl. IL, fig. 8), què nous avons prise entre 
l’ilot Barkly et la côte. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 21 


à l'horizon une énorme tache fixe, se détachant en noir épais sur le 
ciel nuageux. A cet indice, nous apprenions que notre but allait 
être bientôt atteint; les feux étaient alors poussés activement, et 
vers midi, à travers une éclaircie dans la brune, nous découvrions l’île 
Saint-Paul droit devant nous. 

À mesure que nous approchions, sa silhouette indécise se déga- 
geait de plus en plus ; nous distinguions d’abord sa forme surbaissée, 
puis ses falaises noires, les coulées de laves qui couvrent ses pentes et 
les cônes réguliers de scories qui s’en détachent. Des troupes innom- 
brables de pétrels venaient nous reconnaître, en poussant leurs cris 
aigus, et tourbillonnaient autour de nous. Enfin, après avoir doublé la 
pointe nord, la Dives arrivait au mouillage et laissait tomber l'ancre 
par 28 mètres de fond, devant les hautes et sombres falaises qui 
dominent au nord-ouest l’entrée du cratère. 

Rien ne saurait donner une idée du sauvage tableau que nous 
avions alors sous les yeux : le temps était tout à fait menacant, et la 
mer soulevée brisait avec violence. Deux falaises noires, compléte- 
ment à pic sur plus de 200 mètres de hauteur, se dressaient devant 
nous, laissant entre elles un large espace, une échancrure profonde 
dans le fond de laquelle on distinguait, de temps en temps, au travers 
des nuages, les parois intérieures du cratère, remarquablement 
abruptes. 

Entre ces deux falaises s'étend le cordon de galets, autrefois con- 
ünu, qu'un coup de mer violent a depuis longtemps bouleversé, 
ouvrant ainsi en son milieu une passe étroite qui met maintenant en 
communication directe le bassin intérieur avec la haute mer. Mais 
les vagues déferlaient avec rage dans cette passe, que les embar- 
cations légères seules peuvent franchir ; il était donc impossible de 
songer à débarquer. Une énorme frégate anglaise, la Megæra, échouée 
en travers dans cet étroit chenal, venait encore en défendre l'entrée, 
et des épaves de toute nature, couvrantles deux jetées, semblaient nous 
indiquer le sort réservé aux navigateurs téméraires qui se hasardent 
dans ces parages inhospitaliers ; c’étaient là de sinistres présages. 

Le lendemain, au point du jour, la passe étant devenue praticable, 
notre commandant put franchir la barre entre deux lames; il vint 
débarquer au pied de la falaise nord et détermina l'emplacement de 
son futur observatoire. Le débarquement commença aussitôt avec 
une fiévreuse activité, à l’aide des embarcations du bord et de celles 
provenant des bâtiments naufragés, qui avaient été trouvées en bon 


22 CH. VÉLAIN. 

état sur l'île. Déjà une partie des vivres et du matériel astronomique 
avait été portée à terre à travers mille difficultés, quand le 25 un coup 
de vent se déclare et met notre bâtiment en péril ; une première ancre 
cède dans la matinée. | 

Le lendemain 26, la tempête redouble ; toute communicationavec la 
terre devient impossible. La mer, qui la veille était très-forte, se couvre 
d’écume et semble aplanie sous les rafales. La Dives, mouillée sur 
deux ancres, résiste encore au vent, mais dans la nuit deux fortes 
secousses, ressenties à un quart d'heure de distance, nous avertissent 
de la rupture des chaînes ; le bâtiment tombait immédiatement en 
dérive, perdait l’abri de l'île en quelques minutes, et nous devenions 
le jouet des vagues, par la plus effroyable des tempêtes. 

Les journées du 26 et du 27 se passèrent dans des transes terribles ; 
le 28 le temps parut s'améliorer, mais la mer était toujours énorme. 
Profitant de cette légère accalmie, notre commandant fit pousser les 
feux et virer de bord pour regagner le mouillage, à l’aide 'd’un lou- 
voyage serré, à la voile et à la vapeur. Alors ce fut une lutte terrible. 

La Dives, avec son hélice mutilée et son gouvernail cassé, fatiguait 
horriblement. Les lames envahissaient le faux pont, noyant les ani- 
maux que nous devions débarquer à Saint-Paul pour notre appro- 
visionnement, et les coups de roulis, atteignant leur amplitude ex- 
trème, amenaient, de chaque bord, les vergues dans la mer. 

‘nfin le 30 septembre à une heure nous apercevions de nouveau 
l’île, que nous avions cru un instant perdue, et le lendemain à neuf 
heures du matin {a Dives mouillait sa dernière ancre devant le Nine-Pin. 
Un changement notable s'était fait dans la passe pendant notre ab- 
sence forcée ; la Megæra, soulevée par les lames, avait été rejetée 
dans le cratère, où elle s'était engloutie en partie; on n’apercevait 
plus que ses bastingages de bâbord derrière, émergeant à peine au- 
dessus de l’eau. 

L'entrée n’en était donc que plus praticable ; aussi toutes les em- 
barcations chargées de colis furent mises à la mer ; le débarquement 
reprit avec une fiévreuse activité, et le lendemain tout était à terre. 
Les lourdes caisses d'instruments el de vivres, les barriques de biscuit, 
la machine distillatoire, le matériel de campement, tout était entassé 
pêle-mêle au milieu des galets sur la jetée du Nord, et ce fut heu- 
reux, Car le lendemain un nouveau coup de vent forçait encore la 
Dives à quitter le mouillage et la jetait loin de notre île. Son ab- 
sence fut de courte durée cette fois ; deux jours après, le 4, elle 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 23 
revenait pour compléter le débarquement, puis levait l'ancre une 
dernière fois et disparaissait avant la nuit, nous laissant ainsi livrés 
pour trois mois à nos propres ressources ; Car elle retournait alors à 
la Réunion pour réparer ses avaries, et ne devait venir nous chercher 
qu'en décembre, après l’observation du phénomène. 

C'est sous la pluie et la grêle, au milieu des coups de vent qui 
parfois nous empêchaient de nous tenir debout, qu'il nous fallut con- 
struire avec les débris des navires naufragés les premiers abris né- 
cessaires. Tout le monde sans exception se mit avec ardeur à la 
tâche, et bientôt les constructions grossières dues aux pêcheurs et 
aux naufragés qui nous avaient précédés sur l’île, mais que les vents 
avaient en partie détruites, étaient réparées, couvertes de toiles et 
convenablement aménagées. 

Les quatre cents hommes composani l’équipage de la Megæra, qu'un 
naufrage avait jetée sur l’île en juin 1871, avaient dû y séjourner 
trois mois avant de pouvoir être secourus. Ils en étaient parts alors 
bien précipitamment, car de tous les côtés, sur le revers intérieur des 
falaises, gisait pêle-mêle, et dans un état imdescriptble, tout ce que 
les pêcheurs n'avaient pu enlever de la cargaison, du gréement et de 
l'armement du navire. C'était l’image d’un pillage absolu : rien n’avait 
dû être sauvé dans ce grand désastre. Les débris du bâtiment, dé- 
tachés par le vent et la mer, entraînés par les courants, s'étaient ac- 
cumulés au fond du cratère: cet entassement de bois et de ferrures 
fut une de nos plus précieuses ressources. 

Dans la première reconnaissance que nous avions faite de lile 
Saint-Paul, le 24 septembre, nous avions vu de suite tout le parti 
quil était possible de tirer du matériel considérable abandonné là 
par les naufragés, et, choisissant, pour installer notre laboratoire, une 
vaste construction en assez bon état, située à mi-côte sur le revers de 
la haute falaise du nord-ouest, notre principale préoccupation fut tout 
d’abord d'en faire un magasin, en réunissant tout ce qui pouvait nous 
être de quelque utilité. Pendant toute la journée l'ile fut donc 
fouillée dans tous les sens, et vers le soir, quand vint l’heure de re- 
gagner le bord, nous avions entassé là tout un arsenal : une échelle, 
des chaises, des barriques, des coffres de toute espèce; des tables et 
des bancs d'équipage, deux petites bibliothèques, ou du moins ce 
qu'il en restait, enfin et surtout des caillebottis et de nombreux 
panneaux. Le lendemain nous avions refait la toiture et redressé tout 
un côté ; c'était une besogne dont nous avions le droit d’être fiers, 


24 CH. VÉLAIN. 


car, pour des ouvriers inhabiles, les réparations à faire à la toiture 
présentaient assurément de grandes difficultés. | 

Hélas ! tout ce premier travail devait être anéanti. A notre retour, 
après la tempête que l’on sait, le vent avait fait son œuvre destruc- 
tive ; de notre toiture, il ne restait plus traces, nos réserves mêmes 
n'avaient pas été épargnées et se trouvaient complétement disper- 
sées; quatre tronçons de mâts croisés deux par deux, avec une 
grande vergue jetée en travers, formant comme un chevalet gigan- 
tesque, indiquaient seuls la place de la construction qui nous avait 
tant séduits et qui nous avait déjà coûté tant de peines. 

Il fallut donc se remettre à l’œuvre : nous le fimes avec ardeur, et 
tandis que, sur la jetée du Nord, les matelots édifiaient à grand’'peine 
les cabanes destinées à recevoir les instruments astronomiques, 
nos coups de marteau retentissaient joyeux et précipités, au fond 
du cratère. Aussi, en moins de quinze jours, nous étions en pos- 
session d’un vaste local qui, peut-être, manquait d'élégance, mais 
qui était bien approprié pour nos recherches spéciales. 

Construit tout en planches, il est vrai, mais suffisamment solide 
et calfaté avec soin, notre laboratoire d'histoire naturelle se com- 
posait d’une grande pièce rectangulaire longue de 20 mètres environ 
sur 40 mètres de large, d’une petite soupente sur un des côtés,qui de- 
vait nous servir de magasin pour les caisses et les objets encombrants. 
À gauche, en entrant, se trouvait l'emplacement où M. Lantz de- 
vait préparer l'immense collection de peaux d'oiseaux et d’otaries 
qu'il destinait à la Réunion. Plus loin les presses et les tables de 
M. de l'Isle ; en face, sur le côté exposé à l’est, que nous avions eu 
le soin de vitrer dans toute sa longueur, courait une longue rangée 
de tables réservées, à l'entrée, pour le classement et l’arrangement 
général des collections, et supportant ensuite des aquariums ali- 
mentés par un réservoir d’eau de mer placé en dehors; enfin nos 
deux microscopes avaient une place d'honneur, bien exposée, au 
centre ; c'était aussi celle qu’occupait le docteur Rochefort. Un petit 
laboratoire de chimie venait ensuite, puis des rayons en grand 
nombre, disposés pour recevoir les collections de géologie. Enfin 
dans le fond on retrouvait, avec des casiers, une grande table et la 
bibliothèque. Nos réserves d'alcool (deux barriques) étaient placées 
à l'entrée sous les tables : au-dessus de nos têtes, les cadres des lits 
des officiers de la Megæra, suspendus solidement et disposés en deux 
séries, formaient comme une sorte de grenier où vinrent s'emmaga- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 25 


siner el sécher les peaux d'oiseaux et les collections de plantes. Bien 
des perfectionnements y furent introduits par la suite, mais l’essen- 
tiel était fait ; aussi, dès la seconde quinzaine d'octobre, chacun de 
nous commençait ses études et ses collections. 


TITI. L'ILE SAINT-PAUL. 
1° Description zoologique. 


Saint-Paul est une île essentiellement volcanique. Sa forme, tout 
à fait caractéristique, l'avait indiqué depuis longtemps, car bien avant 
les descriptions si précises de M. de Hochstetter, dont j'ai parlé en 
commençant, on la regardait déjà comme le type de toutes ces îles 
volcaniques dont le cratère se trouve envahi par les eaux marines : 
Santorin dans l’Archipel grec, l’île de la Déception dans les New- 
South-Shetland, l’île de Palma, Barren-Island, etc. Elle se présente 
sous deux aspects bien différents suivant qu’on l’aborde par le sud- 
ouest ou par le nord-est, Dans la première de ces deux directions, elle 
apparait comme une terre assez surbaissée, courant du nord-ouest au 
sud-est, arrondie à chacune de ses extrémités et terminée à sa partie su- 
périeure par une arête rectiligne, de telle façon que, vue de loin, elle 
représente assez bien un gigantesque tronc de cône très-étalé. Dans 
le bas, en s'approchant, on distingue une ceinture de falaises noires, 
très-uniformes, contre lesquelles la mer brise sans cesse : l’île est 
inabordable de ce côté. Rien de semblable sur le revers opposé : là, 
en effet, deux grandes falaises triangulaires, complétement à pic sur 
toute leur hauteur, courent à la rencontre l’une de l’autre, et laissent 
entre elles une échancrure étroite au travers de laquelle on aperçoit 
un vaste bassin circulaire, entouré par des murailles de 200 mètres 
de haut. C’est là un ancien cratère de volcan, dans lequel la mer a 
pénétré par suite d’une large brèche qui s’est ouverte dans sa paroi, 
vers le nord-est. 

Sa forme générale est si particulière, que toutes les cartes publiées, 
même les plus anciennes et les plus imparfaites, en donnent une idée 
exacte. On peut se la représenter suffisamment en imaginant un 
triangle isocèle, traversé en son milieu par un cercle d’un rayon de 
600 mètres, inscrit tangentiellement à la base. Elle ne s'élève guère 
que de 250 mètres en moyenne au-dessus de l’eau, et son contour 
extérieur n’a pas plus de 5 milles marins. Ses dimensions sont donc 


26 CH. VÉLAIN. 
bien restreintes, par rapport à l'immense étendue des eaux qui l’en- 
tourent. 

Livré maintenant sans défense à l’action destructive d'une mer 
sans cesse agitée, ce rocher isolé est assurément destiné à dispa- 
raître, si les forces éruptives qui l'ont fait surgir ainsi, au milieu 
d’un vaste océan, ne se remettent en jeu. Chaque année, en effet, 
pendant la mauvaise saison, de mars à novembre, les grandes lames 
qui, soulevées et poussées par les vents, se propagent en toute liberté 
au travers des 2 000 lieues qui séparent l'Afrique et l'Australie, ne 
rencontrant que cet ilot comme obstacle, viennent déferler contre 
lui avec une violence inouïe et leurs effets ne sauraient mieux se 
comparer qu'à ceux d’une formidable artillerie. Sous ces efforts ré- 
pétés, les longues alternances de laves et de scories qui constituent 
ses falaises, déjà fissurées dans tous les sens, se dégradent facilement, 
et des éboulements considérables se produisent : la forme primitive 
de l’île se trouve être ainsi déjà bien modifiée. 

Ce devait être autrefois une haute montagne très-étalée, s’élevant 
régulièrement du sein de l'Océan profond, et percée à son sommet 
d’un vaste cratère qui la traversait pour ainsi dire, de part en part : 
son arête supérieure très-régulière, complétement à pic vers l’inté- 
rieur, S’abaissait au contraire de tous côtés vers l’extérieur, sous des 
pentes de 12 à 15 degrés ; sa base était alors de forme rectangulaire. 
Une large fissure qui se produisit, presque suivant une des diagonales 
de ce rectangle, du nord-ouest au sud-est, détermina plus tard laf- 
faissement de toute la partie du nord-est et l’île prit la forme trian- 
gulaire que nous lui connaissons. 

Le relief sous-marin, autour de l’île, accuse encore très-nettement 
cette forme primitive : en effet, tandis que du nord au sud, en pas- 
sant par l’ouest, les grands fonds sont très-rapprochés de terre, on 
remarque, au contraire, dans l’est un vaste plateau qui doit son exis- 
tence à la partie maintenant affaissée sous les eaux. 

Les hautes falaises, taillées à pic, qui terminent brusquement l’île 
dans cette direction, doivent être considérées comme la lèvre orien- 
tale de cette cassure ; l'enceinte du cratère était encore continue au 
moment où elle se produisit, mais l’arête de rochers qui seule pro- 
tégeait encore la bouche volcanique contre l’envahissement des flots, 
impuissante pour résister aux efforts répétés des vagues, s’effondra 
bientôt à son tour, et ses débris emportés et roulés par la mer vin- 
rent s’accumuler en travers de l’échancrure ainsi formée. Les forces 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. ar 
volcaniques ne s’y traduisaient plus déjà à cette époque que par des 
sources thermales que nous avons tout lieu de supposer plus abon- 
dantes que celles qui sont encore si nombreuses à l'époque actuelle, 
et ce cratère, que remplissaient autrefois seules les laves incandes- 
centes, devait alors donner l'image d’un lac profond et tranquille, 
sans communication directe avec la mer : c’est là, du moins, ce que 
laissent à penser les descriptions des anciens navigateurs qui du dix- 
septième au dix-huitième siècle, ainsi que nous l'avons déjà dit, vin- 
rent souvent atterrir sur l’île. L'un d’eux, Godlob Silo, par exemple, 
en 1754, après avoir décrit, entre les deux falaises qui bordent 
l'échancrure, une digue formée de galets et de blocs accumulés, 
large de 60 pas, haute de plus de 25 pieds, mentionne au delà un 
lac d’eau saumätre, rempli de poissons. Cette existence d’une grande 
digue continue, séparant complétement l’intérieur du cratère de la 
mer qui l'entoure, avait été du reste affirmée plus d’un siècle aupa- 
ravant par van Vlaming, qui fut obligé de faire passer ses embarca- 
tions par dessus, pour pouvoir explorer un lac intérieur, dont la 
merveilleuse beauté l'avait séduit. 

Plus tard, vers 1780, un coup de vent d'une extrème violence, sou- 
levant la mer, rompit la digue en son point le plus faible et, rejetant 
les galets dans l’intérieur du cratère, mit ainsi en communication le 
lac avec l'extérieur. Depuis l’époque oùelle s’est ainsi produite, cette 
passe ne semble pas s'être modifiée : sa profondeur est toujours restée 
la même, et les courants violents qui s’y produisent au moment du 
flux et du reflux semblent impuissants pour la creuser davantage. 
Tous les sondages, même les plus anciens, y accusent en effet iInva- 
riablement la même profondeur, c’est-à-dire moins d’un mètre aux 
basses eaux. 

Mais il n’en est pas de même pour les falaises qui limitent cette ou- 
verture, car elles se dégradent sans cesse et la distance qui la sépare 
s'augmente annuellement. Nous avons été témoins pendant notre sé- 
jour des éboulements nombreux qui s’y produisent par les gros temps, 
et qui permettent de prévoir que, dans un avenir plus ou moins éloi- 
gné, ses pointes étant abattues, l’île prendra la forme d’une sorte de 
fer à cheval ouvert à l’est : puis, le travail de désagrégation et de dé- 
mantèlement s'accentuant de plus en plus, il ne restera plus que des 
débris informes de cette cavité si vaste, si régulière, et l'île, n'étant 
plus représentée que par un rocher inaccessible, reviendra ainsi à sa 
forme primitive jusqu’à ce que ce dernier témoin disparaisse à son tour. 


28 | CH. VÉLAIN. 


L'histoire géologique de ce volcan nous le montre, en effet, émer- 
geant d’abord, à la suite de violentes éruptions sous-marines, sous 
forme d’une montagne trachytique irrégulière que viennent bientôt 
recouvrir des ponces et de nombreuses projections; puis ce premier 
massif s’est entr'ouvert et des filons de dolérite sont arrivés au jour ; 
enfin, des laves apparaissant, l’île prit l'aspect cratériforme qu'elle a 
conservé. Telles sont les phases qui se sont succédé, pour constituer 
tout ce massif dont l’origine n’est pas très-ancienne. 

M. de Hochstetter (op. ctf., p. 54) n’a pas manqué de mentionner 
tout l’intérêt que présente, à ce point de vue, l'étude des falaises qui 
se développent dans le nord-est en face de cet îlot isolé, qu’on nomme 
le Nine-Pin. Là seulement on peut voir dans leur ordre de succession 
tous les produits de ce centre éruptif. C’est dans le nord de la petite 
baie, où viennent en foule accoster les manchots, et, plus loin, dans 
une suite de petites criques d’accès difficile, même par les temps 
calmes, à cause du ressac continuel, que se trouvent les roches les 
plus anciennes, celles qui ont marqué le début des éruptions, et qu’on 
peut appeler, en quelque sorte, fondamentales. Ces roches sont de 
nature trachytique; ce sont des rhyolithes grisâtres ou de couleurs 
claires, à texture compacte, absolument adélogènes, qui tantôt se 
présentent en masses énormes irrégulières, sans délit apparent, et 
tantôt prennent, au contraire, une disposition zonée, une structure 
schisteuse telle, qu’au premier abord on serait tenté de leur attribuer 
une otigine exclusivement sédimentaire. L'analyse microscopique y 
décèle, au milieu d’une pâte amorphe très-développée, quelques 
cristaux clair-semés de feldspath et de pyroxène, avec de la silice 
libre, amorphe (opale) ou cristallisée (tridymite), en proportion 
notable. Ces roches, très-siliceuses, épanchées en grande partie sous 
les eaux, portent maintenant la trace d’altérations énergiques qui se 
sont faites, non-seulement au moment de leur émission, mais même 
depuis leur solidification complète, car elles ont été traversées dans 
tous les sens, depuis leur formation, et par des émanations gazeuses 
qui se sont fait jour à travers de nombreuses fissures, et par des sources 
geysériennes, dont le principal effet a été d'augmenter encore, dans 
une proportion considérable, leur teneur en silice ; si bien que, sur les 
parois des conduits véritables qui ont livré passage à tous ces dégage- 
ments, la roche trachytique a fait place à un véritable silex molaire 
compacte ou légèrement caverneux, tous les alcalis ayant compléte- 
ment disparu. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 29 


Ces rhyolithes, grâce à des oxydations multiples, se teintent par- 
fois des couleurs les plus vives, variant du jaune pur au rouge vif; 
elles affleurent sur tout le littoral, depuis l'extrémité de la baie des 
Manchots jusqu'au grand éboulis du Nord, c’est-à-dire sur une lon- 
sueur de 700 à 800 mètres. Les galets, les sables des plages, au pied 
de leurs affleurements, sont presque uniquement formés de leurs 
débris ; elles donnent également lieu en mer à ces petits îlots isolés, 
très-rapprochés de terre, qu’on nomme les îlots du Milieu, mais nulle 
part ailleurs on ne les voit en place. 

Ces roches ainsi cantonnées s'élèvent peu dans les falaises, dont 
elles ne forment pour ainsi dire que la base ; à une hauteur moyenne 
de 10 à15 mètres, on les voit recouvertes par des amas ponceux, aux- 
quels succèdent, sur une épaisseur considérable, des couches de 
trass feldspathiques pulvérulents d’un blanc éclatant quand ils sont 
intacts, mais nuancCés le plus souvent de couleurs bariolées. Là encore 
les altérations que je viens de signaler se retrouvent très-profondes, 
très-manifestes, surtout dans les parties supérieures. La roche tufa- 
cée, qui, primitivement, était incohérente, onctueuse, douce au tou- 
cher, devient par places rude, résistante et passe, par des variétés 
compactes, à de véritables silex zonés à cassures conchoïdes, dans les- 
quels on peut encore retrouver les lignes de stratification des trass. 
Ce sont là au premier chef des produits d’éruptions sous-marines. 

Ainsi, autour des dykes de rhyolithes qui avaient surgi du fond de 
l'Océan, et qui émergeaient à peine, des projections de matériaux 
pulvérulents s’effectuaient lentement, sans violence, et s’étalaient en 
nappes continues au-dessus de ces îlots primitifs qu'elles finissaient 
par recouvrir. 

Puis les projections devinrent tumultueuses et changèrent alors de 
nature : aux trass blancs succédèrent de nouveaux tufs ponceux, 
différant des précédents et se présentant sous forme de conglomérats, 
où les fragments de ponces se trouvent être accompagnés de boules 
d’obsidienne (marékanite et perlite) et de fragments plus ou moins 
volumineux des roches primitivement formées, rhyolithes et trass 
silicifiés. Ces tufs forment maintenant tout le fond de la baie des Man- 
chots ; on les voit là, sur une épaisseur de 40 à 50 mètres, donner lieu 
à une longue série de couches régulièrement stratifiées, adossées 
contre les rhyolithes et s’inclinant vers le sud-est sous un angle qui 
varie de 40 à 25 degrés. Quant aux trass, ils forment pour ainsi à eux 
seuls la plus grande partie de l’abrupte des falaises qui font face aux 


30 CH. VÉLAIN. 


îlots du Milieu, et leur accès n’est pas facile; c'est seulement par les 
sommets qu'on peut les atteindre, en s’exposant toutefois aux plus 
graves dangers, car ces roches friables, taillées à pie, s’éboulent 
à chaque instant et l'abrupte n'a pas moins de 100 mètres de hauteur. 

Ces roches, riches en acide silicique, et dans lesquelles les éléments 
feldspathiques dominants se trouvent être la Sanidine et V'Albite, 
c’est-à-dire ceux qui de tous les feldspaths sont eux-mêmes les plus 
siliceux, constituent à elles seules ce qu’on peut appeler le massif 
ancien de l’île. Toutes les roches éruptives qui se sont fait jour 
ensuite, sont de nature et de composition très-différentes ; ce sont 
des roches basiques, dans lesquelles dominent des feldspaths cal- 
ciques (labrador et anorthite). 

La première d’entre elles se trouve être une dolérite très-cristal- 
line, qui paraît s'être fait jour au travers de larges fissures qu'elle 
a remplies, mais sans s'étendre beaucoup au delà. Elle forme main- 
tenant, au travers des tufs ponceux de la baie des Manchots, deux 
dykes remarquables, larges de 10 à 12 mètres, qui traversent la falaise 
de part en part, du nord-est au sud-ouest, et se retrouvent dans l'in- 
térieur du cratère, au bas des escarpements, depuis les établisse- 
ments de pêche jusqu'aux espaces chauds dont nous parlerons tout 
à l’heure. 

Cette éruption particulière, qui a marqué ainsi le début d’une nou- 
velle phase éruptive, a été accompagnée, puis suivie par de nom- 
breuses projections, qui se sont accumulées au-dessus des tufs pon- 
ceux précédemment cités, en donnant lieu à des tufs compactes, 
argiloïdes, généralement verdâtres, disposés en couches épaisses de 
plusieurs mètres, où se rencontrent des fragments souvent assez volu- 
mineux de dolérite. 

Mais toutes ces éruptions se faisaient encore en grande partie sous 
les eaux; de nouvelles projections de matériaux meubles, lapilli, 
cendres et scories, en s’'amoncelant autour de leur orifice de sortie qui 
devint peu à peu subaérien, édifièrent ensuite un monticule conique 
que terminait une dépression cratériforme, et de véritables coulées 
de lave apparurent pour la première fois. C’est alors que commence 
la grande phase d'activité du volcan : l'appareil était, au début, peu 
élevé au-dessus de l’eau, et les flots de temps à autre s’engouffraient 
encore dans le cratère; mais les éruptions, en se succédant fréquem- 
ment, l'exhaussaient peu à peu et bientôt empêchaient toute commu- 
nication directe avec la mer. En même temps la cavité centrale s’a- 


ms 


. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 31 


grandissait et atteignait les dimensions que nous lui connaissons 
actuellement. La lave incandescente devait alors la remplir compléte- 
ment : elle venait de temps à autre se déverser tranquillement à l’ex- 
térieur, couvrant ainsi les pentes du cratère d’une nappe continue et 
uniforme. 

Tels sont les derniers phénomènes qui, se succédant avec une 
extrème régularité pendant de longues années, donnèrent à l’île son 
relief actuel. | 

Les laves qui se sont épanchées, durant toute cette période, 
sans projections violentes, sans dégagements tumultueux de gaz, 
ainsi que l’attestent la forme et la nature des coulées, n'ont pas tou- 
jours conservé la même composition. Des influences particulières ont 
amené des modifications profondes dans la composition du magma 
fondu sous-jacent, et les produits épanchés témoignent de ces varia- 
tions. C’est ainsi que l’élément feldspathique dominant, après avoir 
été l’anorthite, a été ensuite remplacé par le labrador. Ces deux laves 
extrêmes, qui sont les unes, celles à anorthite, les plus anciennes, et 
les autres, celles à labrador, les plus récentes, ont à peu près les 
mêmes caractères physiques. Toutes deux, en effet, donnent lieu à 
des roches grisâtres, criblées de vacuoles, à ce point qu’elles prennent 
souvent un aspect spongieux et se présentent rarement en coulées 
compactes. Les premières se voient dans les hautes falaises du 
nord, directement au-dessus des dolérites et des roches qui com- 
posent le massif ancien ; de là elles passent en écharpe dans les fa- 
laises intérieures du cratère, en s’abaissant sensiblement vers le sud- 
est, où elles affleurent au niveau de la mer ; elles y sont souvent 
masquées par les éboulis et par la végétation. Les secondes occupent 
toujours le haut des escarpements, soit du cratère, soit des falaises 
extérieures, et recouvrent ainsi toute l'ile d’un manteau uniforme. 
Elles sont en général plus cristallisées et de couleur plus claire que les 
précédentes ; les cristaux de feldspath y sont de grande dimension 
et atteignent souvent 0,04 à 0,05 de côté; on y distingue en outre des 
péridots altérés qui donnent à certaines parties de la roche un aspect 
tout à fait irisé. 

Les laves à labrador, telles que je viens de les définir, n’ont pas 
directement succédé, et sans transition, aux laves à anorthite; entre 
les deux, on remarque des coulées nombreuses et puissantes de laves 
noires, Compactes, fortement magnétiques, et d’une grande densité, 
qui occupent ainsi la partie moyenne des parois intérieures du cra- 


32 CH. VÉLAIN. 


tère et se retrouvent à la base des falaises à l'extérieur. Ces laves, qui 
représentent une phase bien distincte dans la période d'activité dn 
volcan, sont encore à base de labrador et d’augite ; elles ont la com- 
position habituelle des roches basaltiques et prennent, quand elles 
sont en coulées épaisses, leur mode de division prismatique. A la base 
du Nine-Pin Rock, on peut en voir un exemple ; mais ces colonnades 
basaltiques sont encore beaucoup plus nettes dans l’ilot du Nord, qui 
appartient tout entier à une de ces coulées, aujourd’hui démantelée. 


Fic, 2. — L'ilot du Nord. 


C’est encore aux plus compactes de ces laves qu'il faut rapporter 
les rochers pittoresques, aux formes élancées, qui se dressent isolés, 
près de la pointe Hutchison, dans le sud-est, el sous la pointe des 
Phoques à l’autre extrémité de l'ile. Leurs coulées résistantes et 
tenaces pouvaient seules fournir des aiguilles aussi découpées, ca- 
pables de braver les violences d’une mer sans cesse agitée. 

Avec les laves basaltiques apparurent, sur les pentes extérieures, 
des cônes de scories, sortes de petits volcans adventifs d'où sortirent, 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 33 


avec de nombreuses projections scoriacées, quelques coulées lavi- 
ques peu étendues. Ges foyers secondaires, aujourd’hui compléte- 
ment inactifs, et qui se voient, les uns isolés et rejetés pour ainsi 
dire à chacune des extrémités de l’île, les autres disposés en ligne 
continue sur le pourtour du volcan principal, fonctionnèrent et s’ac- 
crurent pendant tout le reste de la période active, et peut-être même 
longtemps après ; les documents historiques nous indiquent, en effet, 
que ces centres éruptüfs n'étaient pas encore refroidis, alors que le 
cratère principal, éteint depuis longtemps, avait déjà revêtu sa 
forme actuelle. Ainsi, quand lord Macartney, s’en allant en Chine, 
vint toucher à Saint-Paul en 1793, les quatre cônes de la pointe Ouest 
donnaient encore des symptômes de chaleur, des vapeurs s’en déga- 
geaient de toutes parts et le docteur Gillian, médecin de l'expédition, 
raconte qu'il était impossible d'y tenir le pied. Rien de semblable 
aujourd’hui, et tous les dégagements de vapeurs signalés, non-seule- 
ment vers ces cônes, mais dans beaucoup d’autres points, par de nom- 
breux navigateurs, n’existent plus maintenant que dans l’intérieur du 
cratère. 


Après avoir suivi une marche régulière, l’action volcanique s'était 
ralentie ; les éruptions, longtemps continues, s'interrompaient et ne 
se manifestaient qu'après de longues périodes de repos; le volcan 
allait en s’épuisant graduellement. Puis les laves restèrent définitive- 
ment refroidies au fond du cratère, et des émanations gazeuses abon- 
dantes, avec des eaux geysériennes, témoignèrent seules d’une acti- 
vité à son déclin. C’est à cet état de solfatare, qui sert de tran- 
sition à l'inactivité complète, qu'on doit rapporter toutes les 
altérations si nombreuses qui se sont produites dans les diverses roches 
de ce massif volcanique, et notamment tous les dépôts de silice qui, 
sous forme de calcédoine ou d’opale, sont si abondants, soit dans le 
cratère même, soit dans les deux grandes falaises du nord-est. Les 
laves, dans tous les points où se sont faits les dégagements, ont été 
profondément altérées, kaolinisées par places, silicifiées dans d’au- 
tres. Tous ces phénomènes, qui paraissent en voie de ralentissement 
graduel, n’ont pas encore cessé tout à fait. Ils semblent s'être loca- 
lisés dans l’intérieur même du cratère, et se manifestent maintenant 
encore par des sources thermales et de nombreuses fumerolles. 

Les sources thermales se voient exclusivement au bas des escarpe- 
ments, dans le nord, à partir de la jetée, et se font jour entre les 


ARCH, DE ZOOI. EXP, ET GÉN.=T, vI, 1877, 3 


34 CH. VÉLAIN. 


galets et les éboulis du rivage, un peu au-dessous du niveau du ba- 
lancement des marées : elles ne peuvent donc s’observer facilement 
qu'à mer basse. Leurs eaux, qui sont plus ou moins abondantes, 
sont fortement alcalines et ferrugineuses, elles sont en même temps 
gazeuzes, car des torrents d'acide carbonique et d’azote avec de la 
vapeur d’eau s’en dégagent constamment. 

Les proportions relatives de ces différents gaz, et surtout la tem- 
pérature, varient avec chacune d'elles. Ainsi les eaux qui sourdent 
du milieu des sables, entre les roches du littoral, au fond du cratère, 
sont traversées par de véritables courants d’azote, et leur tempéra- 
ture avoisine 400 degrés, tandis que sur le revers opposé du cratère, 
à l'angle de la jetée du Sud, d’autres sources tout aussi abondantes, 
mais moins chaudes (78 à 80 degrés), sont accompagnées d'acide car- 
bonique gazeux. Fr 

Leur composition est aussi loin d'être fixe, il en est une, par 
exemple, qui dans l'Ouest, non loin de celle que les pêcheurs ont 
aménagée pour pouvoir y prendre des bains, est à peine minéralisée 
et devient potable, tandis que les autres contiennent jusqu’à 
20 grammes d'éléments salins (chlorures de sodium, de magnésium, 
de calcium ; sulfate de soude...) par litre. 

Ces sources résultent évidemment de la pénétration des eaux ma- 
rines dans les profondeurs du massif volcanique : elles reparaissent 
au jour par une sorte de distillation naturelle, après avoir acquis une 
température élevée et dissous certains principes minéraux. 

En outre de ces diverses fumerolles, des dégagements de même 
nature, mais peu abondants, s'effectuent encore directement sous 
la mer, non-seulement dans l’intérieur du cratère et notamment près 
de la jetée du Nord, mais même à l’extérieur, par les fonds de 45 à 
20 mètres. 

L'ancienne activité volcanique de Saint-Paul ne se borne pas à ces 
seules manifestations, il est encore des points où le sol, à la surface, 
donne des signes d’une thermalité élevée. A l'angle de la jetée du 
Nord, par exemple, autour et même bien loin au-delà des sources 
dont je viens de parler, un thermomètre couché sur le sol, entre les 
galets, indique rapidement 40 degrés; enfoncé, il atteint successive- 
ment 60 et 72 degrés et tout indique que ce n’est pas là une limite, 
mais que la température va ainsi en progressant de plus en plus. 
J'ignore à quelle profondeur elle reste stationnaire et quelle est 
alors sa limite maximum : il était en effet impossible de creuser bien 


2 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 35 


profondément et je manquais des moyens nécessaires pour entre- 
prendre des recherches qui eussent été sans doute d’un puissant in- 
térêt. À plus de 4 mètre, la chaleur devenait insupportable à ce 
point que la main ne pouvait plus tenir les instruments. La forge et 
la boulangerie avaient été établies au-dessous de nos campements, 
immédiatement au commencement de la jetée : les marins, en la dé- 
gageant des énormes blocs qui l’encombraient, pour rendre plus 
facile l'accès de leurs constructions, et surtout aussi celui des cabanes 
de l’observatoire qui se dressaient un peu plus loim, furent souvent 
obligés de se mouiller les mains et de prendre beaucoup de précau- 
tions pour remuer ces roches, à Cause de la température élevée de 
celles qui reposaient directement sur le sol. 

Cette haute température se retrouve encore dans toute une zoné 
itrès-remarquable, large de 200 mètres environ, qui traverse un peu 
obliquement les parois intérieures du cratère dans l'Ouest, en s’éle- 
vant depuis la mer jusqu’au sommet ; toute cette bande se laisse faci- 
lement distinguer, même de loin, à cause dela végétation particulière 


qui la recouvre et qui se compose surtout de Sphaignes {Sphagnum 


lacteolum) et de Lycopodes (Lycopodium cernuum), dont les colorations 
tendres, jaune pâle ou vert glauque tranchent sur le ton sombre 
des Graminées et des Cypéracées qui tapissent le cratère aux alen- 
tours. 

Ces plantes, qui sont exclusivement cantonnées dans ces espaces 
chauds, y forment, soit au-dessus des roches éboulées sur la pente 
dans le bas de la falaise, soit et surtout vers le haut, au milieu des 
escarpements verticaux, qui rendent le sommet du cratère absolu- 
ment inaccessible, des tapis épais, au travers desquels s’échappent et 
disullent les vapeurs qui de partout se dégagent du sol sous-jacent. 
Malheur à qui s’aventurerait sur ces manteaux de mousse, car ils 
n offrent aucune résistance, et sous ces tapis trompeurs, suspendus 
pour ainsi dire au-dessus des rochers, la température s’élève à 50 et 
60 degrés. Le sol argileux sous-jacent est lui-même sans consistance, 
et cède sous la moindre pression ; une tige de fer s’y enfonce avec la 
plus grande facilité et acquiert alors une température telle, qu'on 
éprouve en la touchant une vive sensation de brûlure. De distance 
en distance quelques orifices béants laissent échapper des jets de 
vapeurs chaudes, et tout autour la végétation est absolument déco- 
lorée et flétrie. | 


Dans le bas du cratère, à quelques mètres au-dessus du niveau de 


36 CH. VÉLAIN. 


la mer, on peut facilement aborder cette bande chaude par son ex- 
trémité inférieure. Le sol, formé d’une argile molle, bariolée, résul- 
tant d'une décomposition complète des roches du voisinage, et tout 
imprégné de silice gélatineuse dans les points où s'effectuent les 
dégagements, résiste suffisamment pour qu'on puisse y marcher, 
sans Courir le risque d’enfoncer, mais on ne peut cependant tenir 
longtemps à la même place. Un thermomètre enfoncé y atteint rapi- 
dement le point d’ébullition de l’eau et semble s’y maintenir. Cette 


température n’est cependant pas fixe : j'ai constaté que, dans cer- 


taines conditions particulières, elle pouvait dépasser 212 degrés. 

Le moindre coup de pioche occasionne immédiatement un jet de 
vapeurs brülantes, qui se dégagent souvent avec bruit et se compo- 
sent surtout de vapeur d’eau, entraînant de notables proportions 
d'acide carbonique avec un peu d’azote. 

Anciennement cette bande, qui se trouve aujourd’hui limitée au 
revers intérieur du cratère, était plus étendue. M. de Hochstetter, 
en 1857, la décrit comme serpentant à travers le plateau supérieur 
de l’île, vers le nord-nord-ouest; en faisant même remarquer que tout 
le revers ouest de ce plateau présentait ainsi des traces manifestes 
de chaleur, « comme si les torrents de lave sous-jacents n’étaient pas 
encore refroidis, » et il ajoute que « la chaleur se fait surtout sentir 
vers le bord ouest de la partie est du plateau sur des pentes de 20 à 
25 degrés », en prenant soin de dire qu'il faut bien se garder d’y 
poser le pied, car le sol enfonce à chaque instant et la température, 
à quelques centimètres de profondeur, atteint déjà 109 degrés. Nous 
n’avons plus rien trouvé de semblable en 4874; des Sphaignes et des 
Lycopodes indiquaient seuls la place de ces anciens espaces chauds, 
que l’on pouvait traverser impunément : le sol, sous ces mousses, 
était toujours humide ; dans quelques points très-clair-semés, le ther- 
momètre accusait parfois quelques degrés au-dessus de la tempéra- 
ture ambiante, des vapeurs d’eau s’y faisaient encore Jour, mais len- 
tement et d’une façon intermittente. 

De tous ces faits et de beaucoup d’autres, qu'il serait, sans doute, 
trop long d’énumérer ici, il résulte que l’île est en voie de refroidis- 
sement graduel, et tout porte à croire que peu à peu tous ces phéno- 
mènes de chaleur, toutes ces sources thermales, toutes ces émana- 
lions gazeuses disparaissant tour à tour, les forces volcaniques, qui 
semblent exhaler maintenant leur dernier souffle, s’éteindront défi- 


nitivement, Ù 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 37 


Pour le moment, ces espaces suréchauffés sont certainement une 
des particularités les plus intéressantes de l’étude de Saint-Paul. 
Sans parler des observations importantes qu’on peut y faire au point 
de vue de la théorie chimique des volcans et du rôle que vient jouer 
la mer dans ces grands phénomènes naturels, on peut encore y 
trouver quelques exemples curieux de l'influence exercée par les 
causes physiques locales sur la distribution relative des animaux et 
des plantes à la surface des îles éloignées des continents; c’est ce que 
je vais essayer de faire ressortir dans le chapitre qui va suivre. 

29 Distribution des espèces animales et végétales à la surface 
de l'ile Saint-Paul. 


L'ile Saint-Paul, à l'inverse des îles éloignées de la terre ferme, 
qui toutes se font remarquer par un nombre souvent considérable de 
formes organiques spéciales, ne possède pas de faune terrestre qui 
lui soit particulière. Toutes les espèces qui se rencontrent à sa surface 
ont été introduites accidentellement ou volontairement par l’homme, 
soit par toute autre cause de dissémination, par les oiseaux, les 
vents ou les courants..…., et se montrent alors identiques avec des es- 
pèces connues et situées dans les régions les plus diverses. C’est là 
une conséquence de son isolement, de son peu d’étendue et surtout | 
de son peu d'ancienneté. De la description géologique qui précède, il 
ressort, en effet, que cette île, d’origine volcanique, s’est édifiée par 
suite d'éruptions sous-marines. La date de son apparition n’est pas 
très-ancienne : les trass et les tufs ponceux, qui ont marqué le début 
de ces éruptions, ne contiennent, sans doute, aucun débris de corps 
organisés qui puisse nous fournir quelque indication à cet égard, 
mais les roches qui se sont ensuite épanchées de ce centre éruptif, 
nous ont apporté, pour ainsi dire en puissance avec elles, l'indication 
de leur âge. On peut ainsi affirmer que les Rhyolithes ont dû appa- 
raître à la fin de cette période tertiaire, qu’on nomme Wiocène. 
L'ile était donc déjà émergée à l’époque pliocène, mais les éruptions 
de laves basiques, qui devaient alors s'y manifester d’une façon 
presque continue, empêchaient que la vie organique ne püût s’y éta- 
blir. Plus tard, quand les coulées, devenues intermittentes, furent sé- 
parées par de longs intervalles de repos, quelques graines apportées 
par les vents vinrent se fixer à leur surface, qui, décomposée par les 
agents atmosphériques, se couvrit d’un sol argileux, sur lequel les 


38 CH. VÉLAIN. 


plantes prospèrent rapidement. Ces anciennes surfaces terrestres se 
voient surtout dans le nord-ouest, vers la pointe nord, où elles alter- 
nent avec les dernières coulées des laves à labrador. Elles présentent 
quelques lits de tourbe calcinés, dans lesquels les empreintes végé- 
tales sont parfois assez nettes pour indiquer que la flore de ces an- 
ciens sols se composait d'espèces identiques à celles qui vivent en- 
core dans ces mêmes lieux. 

Ce qu’on sait maintenant sur la distribution géographique des ani- 
maux dans l’hémisphère austral, laisse à penser que toutes les îles 
qui se voient dans l’océan Indien, entre Madagascar et la Nouvelle- 
Zélande, peuvent être considérées comme les points culminants d’un 
continent très-étendu, ou mieux, d’un groupe de grandes îles aujour- 
d'hui submergées, par suite d’un affaissement récent du sol. Cette 
hypothèse d’une communication terrestre, qui aurait existé ancien- 
nement entre des points séparés aujourd'hui par de grandes étendues 
d’eau, se trouve encore appuyée par les découvertes fréquentes, soit 
aux îles Mascareignes, soit à la Nouvelle-Zélande, d’ossements nom- 
breux indiquant, aux deux extrémités de la région océanique dont 
nous parlons, toute une faune de grands oiseaux, aujourd’hui dis- 
parus. Il était donc naturel de rechercher si les îles Saint-Paul et 
Amsterdam avaient été en connexion avec ces terres antarctiques an- 
ciennes ; aussi M. Milne-Edwards, doyen de la Faculté des sciences, 
dans des instructions rédigées pour les naturalistes qui devaient 
accompagner les expéditions astronomiques envoyées dans les mers 
du Sud, eut-il le soin d’insister sur l’intérêt que présenterait la décou- 
verte de témoignages de ce genre dans l’une ou l’autre de ces deux 
îles, en recommandant d'explorer attentivement le sol tourbeux, dont 
on les savait recouvertes. ; 

C’est ce que nous n’avons pas manqué de faire, d’après ces indica- 
tions, mais malgré des fouilles nombreuses, aussi bien sur Saint- 
Paul que sur Amsterdam, nous n'avons pas trouvé un seul débris, 
pouvant se rapporter à ces faunes anciennes. Au sommet du cratère 
de l’île Saint-Paul, et sur les pentes extérieures, les tourbes superti- 
cielles, surtout dans de petites cavernes creusées sous les laves, con- 
tenaient souvent des ossements nombreux d'oiseaux, de chèvres ou 
de pores, mais qui tous appartenaient à des espèces actuelles, vivant 
encore, pour la plupart, aujourd’hui sur l’île. Ces faits s'accordent 
ainsi avec les précédents pour nous convaincre que l’île a directe- 
ment surgi du milieu de l’Océan et qu’elle est entièrement due à 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 39 
l’action des forces volcaniques. Nous allons voir que la distribution 
des espèces animales et végétales, à sa surface, concorde encore bien 
plus avec cette hypothèse qu’avec celle d’une extension continentale ; 
l’absence complète de mammifères indigènes et de coquilles terres- 
tres en deviendra la preuve la plus directe. 


La vie décroît sur les petites îles en raison de leur éloignement des 
continents ; il est donc naturel de voir l’île Saint-Paul, qui se trouve 
être le point le plus isolé du globe, recouverte d’une végétation mai- 
gre et peu variée. La flore ne se compose guère que de végétaux her- 
bacés, de Mousses et de Lichens qui se répartissent ainsi : Ombelli- 
fères, 4 ; Composées, 1 ; Plantaginées, 2; Cypéracées, 2; Graminées, 6; 
Lycopodiacées, 1; Fougères, 2. Les Mousses et les Lichens, beaucoup 
plus nombreux, sont représentés par 35 à 40 espèces". Toutes ces 
espèces sont loin de se trouver en proportion égale, une Cypéracée, 
Isolepsis nodosa, avec deux ou trois Graminées (Poa Novaræ Spar- 
tina…), sont seules abondantes et croissent par hautes touffes dis- 
tinctes, qui souvent semblent croître chacune, sur un petit monticule 
tourbeux particulier, Gette dernière circonstance rend, sur toute la 
surface de l’île, la marche extrêmement pénible; le pied n'étant ja- 
mais sûr, on n’avance en certains points qu’à la suite d’une série de 
chutes, qui, pour n’être pas dangereuses, n'en sont pas moins très- 
fatigantes. 

A cette liste il faudrait ajouter quelques plantes cultivées, comme 
la Pomme de terre (Solanum tuberosum), la Carotte (Daucus carotta), 
le Persil (Petroselinum sativum), l'Ache odorante (Apium graveolens), 
le Chou (Brassica oleracea), l'Oseille (Æumea acetosella), le Mourron 
des oiseaux, qui évidemment introduites par les pêcheurs et semées 
par eux dans les jardins entaillés au bas des escarpements, au fond du 
cratère, se sont disséminées à peu près dans toute l’île; mais elles y 
sont en réalité rares, chétives, comme rabougries et ne jusüfient en 
rien cette réputation de fertilité qu’on a faite au sol de l’île Saint- 
Paul, dans différents rapports publiés au sujet de la fondation des 
établissements de pêche. De 1843 à 1849, au moment où ces établisse- 


1 Cette liste diffère notablement de celle donnée par les novaristes, qui n'avaient 
signalé à Saint-Paul que 11 Phanérogames, 2 Fougères, 1 Lycopode, 2 Mousses et 
4 Lichens. Elle m'a été obligeamment communiquée par M. 3. Poisson, aide-natu- 
raliste au Muséum. 


40 CH. VÉLAIN. 


ments étaient florissants, quelques essais de culture en céréales de- 
meurèrent infructueux, et de même les arbres (chênes, pommiers, 
müûriers, etc.) qui furent alors plantés, ne purent y résister. En 1857, 
le jardinier-botaniste de la frégate la Novara, M. Jellinck, prit soin 
de semer sur l’île quelques légumes européens’ avec un certain 
nombre d’espèces d’arbres choisies parmi celles qui pouvaient s’ac- 
commoder de ce climat marin, comme le Pinus maritima, des Casua- 
r'inees, etc., dont les graines furent placées dans différentes eXpOsI- 
tions. Toutes ces plantations, qui seraient devenues un rare bienfait 
sur l'ile, sont malheureusement restées infructueuses, nous n’en 
avons pu trouver traces lors de notre séjour. 

Parmi les plantes importées ainsi à dessein et qui ont persisté, le 
Chou mérite une mention spéciale; on le trouve abondant sur le 
versant extérieur du cratère, dans le haut des falaises, en face des 
rochers du Milieu, où il tend à prendre la forme et les dimensions 
arborescentes, qui rendent si singulière la même espèce dans l’île 
de Jersey. 

L'arête supérieure du cratère ne s'élève en moyenne que de 
250 mètres au-dessus de l’eau; ce n’est pas là une altitude suffisante 
pour que des zones de végétation bien distinctes puissent se produire; 
aussi les Graminées et la Cypéracée dont je viens de parler, trouvant 
partout les mêmes conditions climatériques et la même nourriture, 
puisque la composition du sol superficiel ne varie pas, couvrent aussi 
bien les parois à pic des falaises intérieures du cratère que les pentes 
de son versant extérieur. Dans cette dernière situation, l'exposition, 
surtout vers le sommet, est cependant bien différente, elles y sont 
alors plus chétives, constamment courbées sous les vents violents, 
qui règnent presque continuellement et se tiennent littéralement 
couchées sur le sol. Ce n’est que plus bas, sur le petit plateau faible- 
ment incliné qui aboutit aux falaises de la côte, qu’elles reprennent 
la station droite et les dimensions qui leur sont habituelles sur le 
revers intérieur du cratère. Il importe cependant de signaler quel- 
ques stations spéciales, une des fougères, par exemple, Zomaria 
alpina, n'habite que les parties élevées; une autre, Phegopteris bives- 
Hta, ne se trouve que dans les fentes et les cavernes du sommet, sans 


1 Voici les noms des espèces semées : Brassica napus, Brassica oleracea, Brassica 
capilata, Brassica rapa alba, Brassica rapa flora, Raphanus sativus, Lepidum sali- 
vum, Apium graveolens, Cochlearia officinalis. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. A 


doute parce qu’elle y est mieux abritée. Mais ce sont là de vérita- 
bles exceptions. 

Toutes ces plantes, dépourvues de fleurs colorées, formaient 
comme un tapis d’un vert monotone à cause de son uniformité, 
elles portent toutes l'empreinte d’une latitude froide. Parmi celles 
qui ne sont pas spéciales, les unes sont européennes, comme 
l'Holcus lanatus ; d’autres, comme l’Aprèum australe, n'étaient connues 
que de Tristan d’Acunha. Il n'en est pas de même dans les espaces 
chauds du fond du cratère; la végétation y revêt un caractère tout à 
fait particulier et diffère totalement de la précédente en se mettant 
en harmonie complète avec les caractères physiques de cette petite 
région. Le climat, en effet, au lieu d’être froid et même rigoureux 
comme dans tout le reste de l’île, y devient chaud et uniforme par 
suite d’un reste d'activité volcanique. La vapeur d’eau qui se dégage 
continuellement du sol, y entretient une humidité constante, bien 
favorable au développement des Sphaignes et des Cryptogames vas- 
culaires, aussi ne trouve-t-on là que ces végétaux, presque à l’exclu- 
sion de tous les autres. Saint-Paul présente ainsi deux végétations 
bien distinctes, l’une s'étendant à toute l’île et constituée par la 
réunion de quelques espèces venues d’un peu partout, prospérant là 
parce qu’elles s’y trouvent dans des conditions favorables à leur dé- 
veloppement, avec un certain nombre de types spéciaux ; l’autre beau- 
coup plus restreinte, puisqu'elle n’occupe qu’un espace de 200 
à 300 mètres carrés, mais des plus intéressantes et ne se composant 
que de formes toutes tropicales. Les Sphaignes, par exemple, qui 
jouent là le rôle important et forment au-dessus des rochers un feu- 
trage épais, une sorte de sol accidentel, sur lequel d’autres végétaux 
viennent se développer, sont dans ce cas ; il en est de même du Zyco- 
podium cernuum des régions équinoxiales, qui se trouve là et qui ne 
dépasse les tropiques que pour vivre autour des sources thermales, 
comme aux Acores, par exemple, et d’une Graminée, Digitaria 
sanguinalis, qui, comme toutes les Panicées, appartient à la zone 
torride. 

Je pourrais multiplier ces rapprochements, mais c’est là un sujet 
qui m'entrainerait trop loin et qui sera d’ailleurs traité prochaine- 
ment avec beaucoup plus de compétence par les savants botanistes 
du Muséum d'histoire naturelle qui se sont chargés d’étudier les 
belles collections recueillies par M. G. de l'Isle. J’ai voulu seulement 
l'indiquer en passant, afin de bien faire ressortir entière et complète 


42 CH. VÉLAIN, 


harmonie qui existe entre le caractère général de la faune et de la 
flore de cette petite région, etses Caractères physiques. 


Ce que je viens de dire à propos des espèces végétales peut tout 
aussi bien s'appliquer aux espèces animales qui vivent actuellement 
à la surface de l’île, Elles y sont également peu variées, mais nom- 
breuses en individus : toutes ont été introduites par les mêmes 
causes accidentelles ou volontaires et se groupent en deux catégo- 
ries très-distinctes, répondant aux deux conditions d'habitat si diffé- 
rentes que présente l’île : les unes, de provenances très-diverses, 
se trouvent indifféremment dans toutes les parties de l'ile, les autres 
sont exclusivement cantonnées dans les espaces chauds. 

Ces dernières espèces seules ont une véritable signification : 
comme les plantes sous lesquelles elles s’abritent, elles appartien- 
nent toutes à des types spéciaux aux contrées tropicales et ne se re- 
trouvent sous une latitude aussi basse que par suite de circonstances 
exceptionnelles, Amenées de Maurice ou de la Réunion, par les pe- 
tites goëlettes qui descendent presque tous les ans de l’une ou l’autre 
de ces deux îles, en novembre, pour faire la pêche, elles ne pour- 
ralent vivre longtemps à Saint-Paul et disparaïitraient certai- 
nement par les grands froids des mois de mai et de juin, si les 
dégagements de chaleur du fond du cratère ne venaient, autour des 
points où ils s'effectuent, contre-balancer les effets d’un climat rigou- 
reux : elles trouvent là l’ensemble des conditions d'existence qui leur 
sont habituelles et s’y maintiennent, par conséquent, en produisant 
une descendance féconde. Leur persistance en ces points est absolu- 
ment liée à la production et à la durée des dernières manifestations 
d’une activité volcanique à son déclin. 

Trois grands Myriapodes, Zulus corallinus, Scolopendra Borbonica, 
Geophilus insularis, une Blatte, l’ignoble Cancrelat, Æakerlac amert- 
cana, et peut-être aussi un Grillon', tels sont, avec une belle ara- 
néide, Æpetra inaurata?, et d'assez nombreux eloportes, Oniscus 


1 J'ai trouvé un jour, en effet, sous une roche, l'abdomen et les pattes d’un indi- 
vidu de grande taille appartenant au genre Gryllus, mais nous n’en n'avons jamais 
vu de vivants; il est d’ailleurs peu probable que cette espèce puisse se propager 
au milieu d'un grand nombre d’aussi redoutables adversaires. 

2 C’est en janvier, quelques jours seulement avant notre départ, que nous avons 
vu l’Epeire dorée, elle avait tendu ses fils jaunes et soyeux entre deux gros blocs de 
laves couverts de lichens, éboulés sur la pente, et livrait aux mouches une guerre 
acharnée. Deux autres toiles, à tissu lâche et de couleur grise, bien différentes de 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 43 


asella, qui s'écartent peu du littoral, les hôtes désagréables de ces 
régions, heureusement très-circonserites et peu étendues, de telle 
sorte qu'ils ne peuvent en réalité y prospérer beaucoup; d’autant 
plus que très-souvent les jets de vapeur chaude, qui s'élèvent brus- 
quement du sol en certains points, les atteignent et les détruisent 
en masse. On reconnaît encore maintenant les orifices par où se sont 
faits ces dégagements accidentels aux nombreux cadavres de ces 
animaux qui gisent aux alentours, au milieu d’une végétation flétrie. 

C’est assurément l'instinct de la conservation qui a poussé tous ces 
insectes carnassiers à se réunir là : ils s’y nourrissent surtout de cada- 
vres d'oiseaux abandonnés par les Stercoraires ou par les Chats,et ne 
se font pas faute de se dévorer entre eux. Leur importation dans l’île 
est de date beaucoup trop récente, les voyages des pêcheurs à Saint- 
Paul n’ayant guère commencé qu'avec ce siècle, pour que, sous l’in- 
fluence de conditions nouvelles, quelques modifications se soient faites 
dans leurs caractères originels; mais sur chacun d'eux cependant on 
remarque déjà les effets de la température élevée et de l'humidité 
constante, au milieu de laquelle ils sont obligés de vivre. Les Cancre- 
lats, que le chaleur rend ordinairement si agiles, sont devenus lents 
et ne peuvent faire usage de leurs ailes : en même temps, ils parais- 
sent comme décolorés et leur enveloppe chitineuse est amollie. 
Tous les myriapodes sont dans le même cas. C’est là une lutte enga- 
gée, dans laquelle ils succomberont peut-être ; mais, s'ils triomphent 
et surtout si les espaces où ils vivent ne se refroidissent pas de long- 
temps, ils devront bien certainement s’écarter de leur type primitif 
pour prendre des caractères nouveaux, imposés par les conditions 
d'existence qui leur sont faites. 

Sur les côtés de ces espaces chauds, la température du sol va gra- 
duellement en s’affaiblissant, et ce fait est encore accusé non plus par 
des différences essentielles dans la flore, mais par une végétation 
véritablement plus vigoureuse que dans aucune autre partie de l'ile. 
Une Houlque européenne, Æolcus lanatus, forme là comme un feu- 


celles des Epeires, se trouvaient, un peu plus loin, jetées au-dessus des houlques, 
mais leurs propriétaires étaient absents et nous n’avons pu les découvrir. Ces arai- 
guées étaient, en réalité, très-peu nombreuses, représentées, au plus, par trois ou 
quatre individus de chaque espèce ; mais, étant donné leur fécondité remarquable, 
en particulier celle de l’Epeire, d’une part, et de l’autre, la nourriture abondante que 
les mouches et les moucherons, très-nombreux sur le littoral, peuvent leur assurer, 
je ne doute pas qu'on ne les retrouve quelque jour beaucoup plus communes. 


44 CH. VÉLAIN. 


trage épais d’un beau vert, surtout quand elle a atteint toute sa crois: 
sance. Ces zones assez étendues de chaque côté de la bande prinei- 
pale, et notamment vers le sud, sont précieuses pour tous les 
mammifères qui vivent sur l’île ; ils viennent s’y réfugier pendant la 
saison froide, alors que la neige couvre les sommets, et peuvent y 
trouver un climat plus doux avec une nourriture assurée. 

Ces mammifères appartiennent à la première catégorie d’espèces 
dont j'ai parlé en commençant, c’est-à-dire qu'ils habitent indiffé- 
remment toute l’île et qu’ils y sont venus d’un peu partout. Ce sont 
principalement des animaux domestiques qui, abandonnés là par 
l’homme, sont revenus à l’état sauvage. 

Les naufrages, les passages fréquents de navires devant Saint-Paul, 
cette île se trouvant sur la route directe des bâtiments à voiles qui 
vont en Australie et en Chine !, et surtout les tentatives de colonisation 
qui y ont été faites à différentes reprises par des négociants de la 
Réunion, telles sont, sans aucun doute, les origines multiples de ces 
animaux et en particulier celle des Chèvres, qui s’y sont maintenant 
propagées partout. Elles vivent en troupeaux nombreux, aussi bien 
dans les champs de Spartina à l'extérieur, que sur les pentes, assez 
roides, des falaises intérieures du cratère. On peut cependant remar- 
quer qu'elles se tiennent de préférence à l'extrémité sud-est de l’île, 
entre les quatre cônes de la pointe ouest et la pointe Hutchison. Ce 
fait s'explique facilement : elles se retirent là pour échapper, autant 
que possible, aux baleiniers et aux pêcheurs, qui viennent souvent leur 
faire la chasse et qui les déciment. 

Vers la fin de notre séjour, quand, par hasard, le chapeau de nuages 
quise formait toujours au-dessus de nos têtes, vers le soir, n’avait pas 
encore masqué la crête du cratère, nous voyions ces Chèvres, au cou- 
cher du soleil, défiler lentement sur cette arête en longues et inter- 
minables files : leurs silhouettes, se découpant en noir sur un ciel 
rougeâtre, éclairé par-dessous, prenaient des formes tout à fait fantas- 
tiques. C’était la rentrée des troupeaux, moins le pâtre et moins les 
clochettes : elles venaient chercher dans l'Est, presque en face de nos 
habitations, quelques-uns des petits couloirs par où la descente était 


1 Des pêcheurs qui ont séjourné plusieurs années de suite à Saint-Paul, pour 
garder les établissements de pêche, évaluent à plus de cent le nombre des bâtiments 
qui s’approchent ainsi de l’île en une année. Pendant nos trois mois de séjour, nous 
en avons vu fréquemment qui passaient au large, deux seulement se sont approchés 
assez près pour communiquer. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 45 


possible dans ces escarpements abruptes et gagnaient ensuite les alen- 
tours des espaces chauds pour y passer la nuit. 

Ces animaux étaient craintifs et fuyaient à la moindre approche ; 
l’un d’eux, sans cesse en éveil au moindre danger, donnait l’alarme 
à ses compagnons, et tout le troupeau détalait alors avec une vitesse 
et une agilité déjouant toute poursuite. Ils avaient repris toutes les 
allures de l’état sauvage et paraissaient rebelles à toute tentative nou- 
velle de domestication. Ainsi, quelques-unes de ces Chèvres que nous 
avions prises et que nous avions parquées dans un large enclos avec 
leurs Chevreaux, les éventrèrent, au lieu de les allaiter, et refusèrent 
pour elles-mêmes toute nourriture. Elles poussaient constamment des 
cris lamentables, devenaient furieuses et se seraient laissées mourir 
d’inanition, si on ne les avait pas relâchées. Un petit Chevreau, sauvé 
d'un de ces massacres par notre cuisinier etsoigné par lui, se montra 
pourtant très-reconnaissant et resta près de nous pendant tout notre 
séjour. [Il errait en liberté dans l’île, mais revenait toujours aux 
heures des repas : le cuisinier avait l'habitude, soir et matin, de 
frapper sur un énorme chaudron, pour nous avertir quand l'heure 
était venue; les sons discordants de cet instrument bizarre reten- 
üssaient jusqu’au fond du cratère : nous arrivions alors chacun de 
notre côté, et la petite Chèvre noire était toujours la première au 
rendez-vous. 

Quelques troupeaux de Porcs furent aussi lâchés sur l’île autre- 
fois ; les novaristes, au moment de leur séjour à Saint-Paul, en no- 
vembre 1857, en virent encore quelques-uns ;, mais, en 1874, ils 
avaient entièrement disparu. La végétation, essentiellement herhacée 
et peu succulente que l’on connaît, ne pouvait sans doute leur fournir 
une nourriture suffisante. Peut-être était-ce en partie pour y suppléer 
que des pommes de terre avaient été plantées en différents points 
du cratère, comme nous avons trouvé des traces jusque vers le 
sommet, dans des endroits à peine accessibles; mais elles n’y 
avaient pas réussi. Les pêcheurs racontent que les Porcs fouissaient 
le sol pour s'emparer des petits Pétrels bleus qui vivent en colonie au 
fond de grands terriers dans toute la partie ouest des falaises inté- 
rieures, et qu'ils en faisaient leur principale nourriture : il est douteux 
que ces animaux se soient longtemps accommodés d’un pareil repas, 
si peu conforme avec leur régime habituel, et je croirais volontiers 


qu'en défonçant ainsi la toùrbe, c'était plutôt les œufs de ces oiseaux 
qu'ils recherchaient. 


46 CH. VÉLAIN. 


Parmi les animaux que les naufrages seuls ont pu jeter sur l’île, il 
faut citer en première ligne les Chats, les Souris et les Rats. Ces 
animaux, que le malheur a réunis, vivent là en parfaite intelligence 
entre eux et semblent même habiter les mêmes retraites. Ainsi, près 
des escarpements d'une dolérite schisteuse que les pêcheurs ont sou- 
vent exploitée pour construire des abris grossiers, nous avons vu 
souvent en décembre, alors que le ciel était devenu plus clément, un 
gros Chat noir couché en travers sur le bord d’une petite excavation 
exposée en plein soleil, qui regardait nonchalamment les jeux de cinq 
ou six gros Rats courant et se roulant autour de lui; à la moindre 
alerte, les artistes et le spectateur disparañSsaient d’un seul bond dans 
le même trou. 

Les Chats vivaient surtout de poissons et d'oiseaux : les petits Pétrels 
bleus dont je viens de parler sont absolument décimés par eux ; plus 

rarement on les voyait errer sur le Httoral, au fond du cratère, pour 
happer quelque poisson à l’occasion. 

Les Rats surtout paraissent avoir pullulé à Saint Paul et vivent, eux 
aussi, aux dépens des oiseaux, dont ils mangent les œufs. Ils étaient 
nombreux et familiers. La nuit, dans nos cabanes, on les entendait 
trotter et grignoter partout. Parfois ils y faisaient en troupes de véri- 
tables descentes ; et le matin, à la suite de ces visites nocturnes, le 
plus grand désordre régnait dans nos affaires : tous les menus objets 
de toilette, les papiers qui n'avaient pas été soigneusement serrés, 
avaient été emportés ou disparaissaient à moitié à travers les inter- 
stices des panneaux du navire qui nous servaient de plancher. Nous 
en avons reconnu deux espèces : le Rat d'Alexandrie et le Surmulot ; 
ce dernier était de beaucoup le plus abondant. Tous deux ne se ren- 
contrent que dans l’intérieur du cratère ! sur le Httoral ; mais ils se 
tiennent de préférence autour des habitations, où ils deviennent un 
véritable fléau. Quant aux Souris, elles étaient aussi très-nombreuses 
dans les mêmes points : elles firent de grands dégâts dans nos pro- 
visions. 

À cette liste d’hôtes incommodes, il faut ajouter un petit Cloporte, 
Oniscus asella. qui se trouve littéralement partout. Dans le bas du 
cratère, 1l serait impossible de soulever une pierre sans déranger un 
nombre incalculable de ces petits crustacés qui vivent là côte à côte 


1 J'ai cependant vu un Surmulot dans le grand effondrement des falaises du Nord, 
à l'extérieur; comment avait-il pu arriver jusque-là ? ! 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 47 


avec des Talitres, Gammarus locusta, tout aussi nombreux. Cette 
curieuse association continue ainsi jusqu'à 35 ou 40 mètres au-dessus 
du niveau de la mer ; puis les Talitres disparaissent peu à peu et les 
Cloportes persistent seuls pour se retrouver encore, mais moins nom- 
breux, jusqu'au sommet (265 mètres). 

Les Talitres ne pénétraient pas volontiers dans nos habitations; 
mais les Cloportes en quelques jours avaient tout envahi. Tous nos 
efforts pour les en chasser demeurant inutiles, il fallut bientôt en 
prendre notre parti et supporter leur présence jusque dans nos lits. 

Quelques Puces..., des Mites complétaient ce tableau, auquel il faut 
encore ajouter des Mouches de deux espèces. La petite Mouche noire 
commune qui suit l'homme partout, Musca domestica, et la Mouche 
bleue de la viande, Musca (Calliphora) vomitoria, qui se trouvent sur 
tout le littoral en innombrables légions ; les hauteurs seules en sont 
préservées. 

Les naturalistes de la frégate autrichienne de la Vovara, après avoir 
mentionné la présence à Saint-Paul de ces hôtes désagréables dont 1ls 
eurent aussi fortement à se plaindre, parlent ensuite d’un petit Co- 
léoptère coureur, Delphas hemiptera, qu'ils trouvèrent très-abondant 
au milieu des touffes d'herbes. Mais nous avons cherché longtemps en 
vain ce petit insecte : importé sans doute par quelque navire, après 
avoir pris subitement une grande extension, il avait pour ainsi dire 
complétement disparu, car nous n'avons pu en découvrir, vers la fin 
de notre séjour, qu'un seul individu caché sous un bloc de lave dans 
le fond du cratère. 

Les mêmes naturalistes signalent comme un fait étonnant l'absence 
des Hyménoptères et des Lépidoptères des représentants de chacun 
de ces deux ordres se trouvaient sur l’île en 1874. En décembre, nos 
matelots nous apportèrent, en effet, une belle Noctuelle, qu'ils avaient 
prise au matin dans la cabane qui abritait la forge, et, peu de jours 
avant notre départ, une Abeille d'Europe, Apts mellfica, vint se pren- 
dre dans un des flacons de notre laboratoire. Cette capture d’une 
compatriote nous combla de joie et de tristesse tout à la fois, en nous 
rappelant la patrie absente; nous étions depuis si longtemps sans 
nouvelles ! 

L’Apis mellifica se trouve maintenant naturalisée au Cap, en Aus- 
iralie, à la Nouvelle-Zélande, etc.; il est donc à supposer qu’un coup 
de vent violent avait enlevé un de ces insectes d’une de ces terres 
d'adoption, de la première plus vraisemblablement, et l'avait ainsi 


48 CH. VÉLAIN. 


transporté sur notre île. L'espace à franchir, d’un côté comme de 
l’autre, est sans doute considérable; mais ce transport n’a rien d’in- 
vraisemblable, car on sait que des vents violents soufflant pendant 
longtemps dans la même direction peuvent ainsi colporter à des dis- 
tances immenses des insectes et des graines légères. Ce sont là des 
agents de transport presque sans limites, qui contribuent puissam- 
ment à introduire la faune et la flore des continents dans les îles 
volcaniques isolées au milieu des océans. 


Les Coquilles terrestres font absolument défaut à l’île Saint-Paul. 
C’est là un fait qui n’a rien de surprenant, quand on songe aux diffi- 
cultés insurmontables que doivent rencontrer ces animaux à respira- 
tion aérienne pour traverser de grandes étendues d’eau ; les moyens 
et les occasions de transport qui rendent la diffusion des insectes et 
des plantes en réalité facile leur sont refusés. Il eût fallu l’interven- 
tion de l’homme. Des oiseaux terrestres auraient encore pu apporter 
des œufs de ces mollusques avec quelques parcelles de terre attachées 
à leur pied; mais la distance qui sépare Saint-Paul de la terre, même 
la plus voisine, est encore trop grande pour que ces oiseaux aient la 
facilité d’y atterrir. Aussi la faune ornithologique de l’île n’en pré- 
sente aucun. Le docteur Scherzer, dans sa relation du beau 
voyage de la Vovara, parle bien d’un petit oiseau de muraille (Cyp- 
selus), qu’il trouva voltigeant et poussant des cris aigus devant les 
hautes falaises de l'extérieur où il semblait protéger une femelle en 
train de couver. Lors de notre séjour, il n’en existait plus trace. 


Si l’île Saint-Paul ne possède aucun oiseau terrestre, par contre 
elle regorge d'oiseaux de mer. Plusieurs espèces d’Albatros, des Pé- 
trels, une Hirondelle de mer, un Stercoraire et d'innombrables Man- 
chots fréquentent ces parages et viennent surtout y atterrir au moment 
de la ponte. 

Les grands Albatros blancs (Dromedea exulans) qui nous avaient 
apparu pendant notre traversée, dès le 20° degré de latitude sud, 
un peu avant le tropique par conséquent, se voient assez souvent 
au large de l’île et s’en approchent même volontiers; ils sont alors 
toujours isolés, et ne viennent jamais à terre. Les pêcheurs qui se 
trouvaient en même temps que nous sur l'ile en rapportèrent sou- 
vent, surtout en novembre, C’est même seulement à partir de cette 
époque qu'ils firent leur apparition. Ils les prenaient alors, au-des- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 49 


sus des bancs de poissons, avec la facilité et les appâts grossiers que 
l'on sait. J'ai remarqué qu'ils étaient presque tous jeunes ; leur plu- 
mage était uniformément gris ; deux ou trois seulement, parmi tous 
ceux qui furent pris (vingt-cinq à trente environ), avaient la blancheur 
éblouissante et la livrée de l'adulte. Au dire des anciens navigateurs, 
ces oiseaux étaient autrefois beaucoup plus nombreux à Saint-Paul; 
ils se tenaient souvent sur les falaises, et se précipitaient de là avec 
voracité sur les cadavres d’Otaries que la mer apportait fréquemment : 
mais ils n'y faisaient cependant pas leurs nids. 

Plusieurs Pétrels (Ossifraga gigantea, Procellaria capensis, Procel- 
laria hæsitata) et des Alcyons (Puffinus æquinoctialis) sont dans le 
même cas, c’est-à-dire qu’ils se voient fréquemment autour de l'ile, 
mais ne viennent pas y atterrir. 

Le Pétrel géant était très-abondant et se trouvait là en tout temps ; 
mais il n’en était pas de même du Pétrel gris (Procellaria cinerea), qui 
ne vint qu'en décembre, par petites troupes toujours assez rares, et 
n'apparaissant que le soir. Les Alcyons (Puffinus æquinoctialis) étaient 
également peu nombreux. Tout ces oiseaux, s’il faut en croire les ré- 
cits des anciens navigateurs, et quelques-uns sont fort précis et fort 
instructifs à cet égard, se voyaient tous autrefois sur l’île et ne s'en 
écartent maintenant que parce qu'ils ont appris à y connaître le dan- 
ger. Les pêcheurs, et surtout les baleiniers américains qui presque 
tous les ans viennent passer quelque temps sur l’île pour y chercher 
des vivres frais, des chèvres et quelques mauvais herbages, en profitent 
chaque fois pour la mettre au pillage ; ils semblent se faire une fête de 
tuer et de détruire tous les oiseaux. Quelques espèces, comprenant 
que l’homme est un animal dangereux pour elles, ont alors déserté 
complétement un séjour aussi désastreux; c’est ainsi que nous n'a- 
vons pas vu sur l’île un seul Satanite, et pourtant ce petit Pétrel 
couvrait encore les falaises de ses nids en 1820. 

Quelques Damiers, les pigeons du Cap (Procellaria capensis), vinrent 
exceptionnellement se poser dans l’intérieur du cratère ; ils étaient 
alors exténués de fatigue et tellement épuisés, qu'ils se laissèrent 
chaque fois prendre à la main. Dans notre traversée de la Réunion à 
Saint-Paul, nous vimes pour la première fois ces jolis oiseaux au 
plumage agréablement tacheté de noir et de blanc, vers le tropique. 
Leur nombre augmentant de jour en jour, à mesure que nous nous 
enfoncions dans le Sud, ils devinrent nos compagnons fidèles 
jusqu’à Saint-Paul. Is se tenaient loujours par petites troupes au- 


ARCH, DE ZOO. EXP, ET GÉN, — T, VI. 1877. 4 


= 


5 |; ES CH. VÉLAIN. 

dessus du sillage de notre bâtiment, suivant toutes les ondulations 
des vagues et se précipitant avidement sur la moindre proie qui appa- 
raissait à la surface. Par les temps calmes, alors que la vitesse de /a 
Dives s'était ralentie, nous les prenions souvent à la ligne avec une 
épingle tordue cachée dans un morceau de lard ; d’autres fois encore, 
ils se prenaient d'eux-mêmes en s’embarrassant dans les cordages. 
Amenés sur le pont, ils se trainaient alors péniblement, sans pouvoir 
s’envoler, cherchaient à fuir ou à se cacher et dégorgeaient, sitôt 
qu'on les avait touchés, une huile visqueuse ei verdâtre par suite d’un 
sentiment de frayeur bien justifiée. | 

Deux petites espèces d’Albatros {Diomedea melanophrys et chloro- 
rhyncha), que les pêcheurs appellent des #Walamochs, se tiennent à 
Saint-Paul en haut des falaises qui dominent la baie des Rhyolithes 
et celle des Manchots, sur un petit plateau légèrement incliné, situé 
presque au sommet de la montagne à 250 mètres environ d’alti- 
tude. Une série de petits escarpements défendaient ce plateau ; mais 
en prenant par le sommet, puis en se laissant glisser au travers des 
touffes d’Isolepis et de Poa, il était encore assez facile d'y aborder. 

Darwin, dans le récit de sa campagne autour du monde, à bord du 
Beagle, parlant du défaut de timidité de certains oiseaux, raconte ! 
qu'aux îles Galapagos les oiseaux se laissaient prendre à la main avec 
la plus grande facilité et venaient même se percher auprès de lui; 
quoique souvent pourchassés, ils n'étaient pas devenus pour cela 
très-sauvages, de telle sorte qu’un fusil devenait là une arme presque 
inutile. Il en était de même à Saint-Paul pour les Malamochs, qui se 
montraient peu farouches et ne s’effrayaient nullement à notre appro- 
che ; ceux qui arrivaient de la haute mer venaient sans hésitation se 
poser à côté de nous, lorsque nous étions assis au milieu de leur camp, 
et se contentaient de manifester parfois leur étonnement en faisant 
claquer leur long bec d’une façon qu'ils s’efforçaient de rendre me- 
naçante. 

Ces oiseaux ne sont pas guerriers, malgré leur taille et leur bec 
tranchant ; ils restent même sur la défensive devant les Pétrels qui 
viennent en mer les harceler pour leur faire lâcher une proie qu'ils 
ont déjà en partie avalée. Notre botaniste, qui leur rendait de fré- 
quentes visites, les prenait à la main en les saisissant simplement par 
le bec, mais de côté et rapidement, afin d'en éviter un coup dange- 


1 Voyage d’un naturaliste, trad, franc. par Barbier, p. 427. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. o1 


reux, leurs mandibules étant suffisamment fortes et coupantes pour 
enlever un doigt. 

Tous ces oiseaux assistaient impassibles au massacre de leurs sem- 
blables, sans chercher ni à se sauver ni à se défendre, ce qui nous 
permettait de choisir tout à notre aise nos victimes; l'instinct de la 
conservalion était sans doute peu développé en eux, ou dans tous les 
cas il était étouffé par une étonnante voracité, car je les ai vus se pré- 
cipiter jusque sous nos pieds pour déchirer à coups de bec et dé- 
vorer ceux des leurs que nous venions de sacrifier. Mais cette audace 
leur était peu profitable, car nous n'avions qu’à étendre la main sur 
les pillards pour réparer à leurs dépens le dommage qu'ils nous 
avaient causé. 

A notre départ de Saint-Paul, les Malamochs n'avaient pas encore 
commencé leur ponte ; mais un autre Albatros au plumage sombre, 
l'Albatros fuligineux (Diomedea fuliginosa), fit son nid en décembre 
dans les escarpements à pic qui avoisinent les espaces chauds, au fond 
du cratère et vers le haut des falaises extérieures, dans l'Ouest, entre 
les quatre cônes et la pointe enragée. C'était un bel oiseau de la taille 
des précédents, d’une couleur uniformément grise ou d’un noir de 
suie, Ce qui lui avait valu de la part des pêcheurs le nom de Cordon- 
nier. Ses yeux noirs bordés de blanc, son bec également noir et mar- 
qué aussi d’une ligne blanche lui donnaient comme un air de deuil, 
Son cri, qu'il faisait entendre continuellement, rappelait à s'y mé- 
prendre certaines des intonations de la poule, lorsqu'elle annonce 
qu'elle a pondu un œuf, ce qui nous fit longtemps croire qu’en plus 
des troupeaux de chèvres que nous avions aperçus avec joie dès les 
premiers jours dans l'intérieur du cratère, notre île possédait une 
bande d'oiseaux de basse-cour que nous aurions fort appréciés, mais 
que nous avons cherchés en vain. 

Pendant que les femelles couvaient, chacune avec la plus grande 
ténacité, deux œufs de forme oblongue, d’un blanc légèrement vio- 
lacé et marbré de petites taches brunes, sur un semblant de nid 
formé de deux ou trois brins d'herbe posés dans les anfractuosités 
des laves, les mâles décrivaient en planant constamment au-dessus 
d'elles dans le haut des falaises mille courbes gracieuses et faisaient 
entendre, comme pour les charmer, leur chant trompeur. Ces nids, 
dans ces remparts à pic, n'étaient pas d’un accès facile; les pêcheurs 
qui se trouvaient en même temps que nous à Saint-Paul, eurent 
seuls l'audace et l'adresse nécessaires pour les atteindre ; c'est à eux, 


32 CH. VÉLAIN. 


par conséquent, que nous devons d'avoir pu en rapporter des œufs 
à différents degrés d'incubation. Il leur fallait chasser l'oiseau à 
coups, de pierres pour l’écarter du nid, s’accrocher d’une main au 
rocher et lutter de l’autre avec lui, car il défendait courageusement 
sa Couvée. 

- Sur les pentes extérieures du cratère se tiennent des Stercoraires 
(Stercorarius antarcticus), véritables oiseaux de proie d’une voracité 
sans égale, qui exercent sur tous les habitants emplumés de l’île une 
terreur justifiée. Les pêcheurs leur donnaient le nom de Poule mauve. 
On les voyait presque continuellement planer, comme des faucons, 
au-dessus du plateau occupé par les Manchots, tantôt avec de lents 
mouvements d’ailes, tantôt en décrivant des courbes sinueuses et ra- 
pides, puis fondre avec une rapidité furieuse sur la proie qu'ils avaient 
sans doute voulu fasciner ; d’autres fois, ils se jetaient avec avidité 
dans l’intérieur du cratère sur les débris de poissons qui flottaient 
souvent autour des salines : c'étaient de véritables vautours de la 
mer, avides et pillards comme ces derniers. 

L'esprit d'association est peu développé chez eux ; c’est là, du reste, 
un fait commun à tous les animaux doués d'une certaine supériorité 
physique, qui ont le sentiment de leur force. Ils vivaient iso- 
lément ou par couples séparés, sans jamais se réunir en troupes 
nombreuses, comme les Albatros dont je viens de parler. Leurs 
allures étaient, en outre, bien différentes et rappelaient tout à fait 
celles de certains rapaces diurnes, dont ils avaient aussi le plumage. 
Ils s’envolaient de terre avec la plus grande facilité, emportant souvent 
leur proie entre leurs ongles, véritables serres longues et acérées. 
Malgré leur vol puissant, ils s'écartaient rarement au large et ne s’éloi- 
gnaient guère à peine de 3 ou 4 milles; il est vrai de dire que c'était 
alors l’époque de la ponte ; mais les pêcheurs qui ont séjourné une ou 
plusieurs années sur Saint-Paul pour garder les établissements de 
pêche, racontent qu’il en est toujours ainsi et que le Stercoraire est 
un des rares oiseaux qui n’abandonnent pas l’île, quand leurs petits 
sont en état de tenir la mer, et peut-être le seul qui n’émigre pas dans 
la mauvaise saison, quand, en mai ou en juin, la neige blanchit les 
sommets du cratère. 

Ces Stercoraires avaient placé leur nid sur le versant extérieur du 
cratère, dans un endroit généralement très-découvert, au pied d’une 
touffe d'Isolépis : sur la tourbe tassée, quelques brins d'herbes et de 
mousses fanées en faisaient tous les apprêts. Le mâle et la femelle 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 53 


couvaient à tour de rôle avec une grande sollicitude ; ils s'avancaient 
à la rencontre de l’importun qui passait près du nid, l’entouraient 
de leurs cercles capricieux et poussaient des sifflements bizarres 
afin d'attirer son attention et de l’éloigner de leur nichée. Ces nids, 
assez rares, très-disséminés, ne possédaient qu'un seul œuf, assez 
gros, d'un blanc verdâtre, marqué de petites taches allongées grises 
ou brunes, | 

Les jeunes, qui vinrent au commencement de novembre, portaient 
un duvet assez épais ; au bout de très-peu de jours ils étaient déjà 
vigoureux et quittaient leur nid, mais sans s’en écarter bien loin. 

L'audace des Stercoraires, qui n’hésitaient pas à fondre sur nous 
quand nous approchions ainsi d'une touffe d'herbe où se tenait 
soigneusement caché leur petit, servait précisément à nous l’indi- 
quer. 

Dans une excursion faite avec MM. Rochefort, de l'Isle et Lantz, 
nous eümes la bonne fortune de trouver trois de ces jeunes, que 
j'emportai dans mon sac. Pendant longtemps les couples de Sterco- 
raires, qui déjà avaient voulu défendre courageusement leur couvée, 
nous poursuivirent en nous entourant de leurs cercles rapides. Ils 
s'élevaient en l’air en poussant de grands cris et fondaient ensuite 
obliquement sur nous avec une telle rapidité, qu’il fallait nous baisser 
pour éviter un coup de bec sur la tête. Cet acharnement devait leur 
être fatal, car nous dûmes en abattre plusieurs pour disperser les 
autres. À 

Les jeunes, qui n'avaient pas encore deux semaines, étaient cou- 
verts d’un duvet gris-pâle, long et soyeux; leur corps, en forme 
d'œuf, monté sur de longues pattes grêles que terminaient de larges 
pieds palmés, avait un aspect bien singulier. Ils étaient déjà très- 
voraces, aussi fut-il très-facile de les élever avec de la viande et du 
poisson haché. Ils se montrèrent très-attachés, et nous suivaient par- 
tout dans l’île. 

On rencontrait pour ainsi dire à chaque pas dans l’île les restes 
mutilés d’un petit Pétrel bleu (Prion vittatus), que les Stercoraires 
poursuivaient avec acharnement aussi bien le jour que la nuit, et 
dont ils ne dévoraient que les entrailles. Ce petit oiseau, au bec 
bleuâtre et dilaté, est par exception plus nombreux à Saint-Paul qu’à 
Amsterdam, sans doute parce qu’il recherche la température relati- 
vement élevée de son sol. Il se creuse, en effet, à l’aide de 
son large bec et de ses ongles crochus, dans les tourbes des parois 


4 CH. VÉLAIN. 

intérieures du cratère près des sources thermales et des espaces 
chauds, de longues galeries étroites qui s’entre-croisent dans tous 
les sens avant de se terminer en cCui-de-sac par des chambres assez 
spacieuses. C’est là qu'ils se réunissent en familles nombreuses pour 
y faire leurs nids, et ne pondent qu'un seul œuf d’un blanc jaunâtre 
et de la grosseur d’un œuf de pigeon”, comme l'oiseau des tempêtes 
(Thalassidrômes), qu'ils semblent du reste représenter dans l’hémi- 
sphère sud. D’après les pêcheurs, la ponte s RÉeGinepS deux fois par 
an, en septembre et en décembre. 

Ces labyrinthes souterrains, qui ressemblent plutôt à des terriers 
qu’à des nids d'oiseaux, rendaient souvent nos excursions pénibles. 
Dans toute la paroi ouest du cratère, le sol, déjà spongieux par sa 
nature tourbeuse, percé dans tous les sens par ces oiseaux, cédait, 
en effet, à chaque instant sous les pas, nous y enfoncions souvent 
au-delà du genou, et les chutes continuelles ainsi occasionnées, sans 
être dangereuses, ne laissaient pas que de devenir absolument désa- 
gréables et fatigantes. 

C'est dans le fond du cratère, sous un éboulis considérable de do- 
lérites et de basaltes, que les Prions se tenaient en plus grand 
nombre. La température sous ces roches amoncelées excédait tou- 
jours de 10 à 12 degrés celle de l’air ambiant ; il s’en dégageait avec 
des vapeurs légères une odeur forte qui nous fit d'abord croire à des 
dégagements d'acide chlorhydrique; mais elle tenait aux oiseaux, 
qui exhalaient par eux-mêmes cette odeur désagréable fortement 
chlorée, dont on ne pouvait se débarrasser quand on les avait tou- 
chés. Ils étaient difficiles à saisir dans ces crevasses, sous ces blocs 
énormes qui défendaient l’entrée de leurs demeures; mais, dans 
d’autres points des parois du cratère, au-dessus des sources ther- 
males, où leurs terriers étaient simplement creusés dans la tourbe, 
on pouvait très-facilement les prendre en enlevant les touffes d'herbes 
qui recouvraient le sol. Là 1ls se décelaient par des gloussemenis 
continuels, qui tout d’abord nous intriguèrent vivement. En défon- 
cant le sol, nous arrivions bien vite à nous emparer des chanteurs, 
d'autant plus que, se sentant perdus chaque fois qu’on attaquait ainsi 
leurs retraites, ils se blottissaient au fond des couloirs sans chercher 
à s'envoler. Une fois pris, leur tenue exprimait le plus profond abat- 
tement, ils avaient peine à se tenir debout et n’essayaient même pas 
de se servir de leurs ailes, couchés sur le ventre et glissant plutôt que 
marchant sur leurs tarses repliés, ils cherchaient à se cacher dans 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 55 
quelque coin pour éviter la lumière, qui paraissait les impressionner 
vivement. 

Ges Prions semblent, du reste, semi-nocturnes et sont aussi actifs 
Ja nuit que le jour. Après le coucher du soleil, ils arrivaient en grand 
nombre dans le cratère, voltigeant pendant bien longtemps en rasant 
le sol au-dessus de leurs demeures, et faisaient jusqu’au jour un va- 
carme étonnant. Si les oiseaux pélagiens ont en général un vol plus 
gracieux, aucun ne se meul avec autant de vivacité ; considéré 1s0- 
lément, il vole très-haut, en zigzag, avec force battements d’ailes, 
en exécutant une série de crochets rapides et de culbutes comme 
ces singuliers pigeons domestiques qu’on nomme fournants et culhu- 
tants. 

Ils se tenaient au large toute la journée, aussi bien par les temps 
calmes que par les tempêtes, planant sur la mer en troupes nom- 
breuses, tournoyant dans toutes les directions avec une puissance de 
vol remarquable et sans se reposer. Leur nourriture consistait sur- 
tout en mollusques et en petits crustacés pélagiens, qu'ils prenaient 
facilement sur la crête des vagues avec leur large bec. 

Enfin, je dois signaler un oiseau de passage, le Courlis cendré, que 
nous avons été étonnés de rencontrer là, à plus de 500 lieues de 
toute espèce de terre. C’est en novembre que nous avons vu à 
différentes reprises cet oiseau cosmopolite qui se tenait craintif et 
rusé, comme d'habitude, près des cônes de scories de la pointe Hut- 
chison, dans le Sud-Est, 

De tous les oiséaux de Saint-Paul, le plus gracieux c’est, sans con- 
tredit, une hirondelle de mer (Sferna melanoptera), que les pêcheurs 
désignent tantôt sous le nom d'oiseau d'argent, à cause de son joli 
plumage gris-perle, tantôt sous celui de goëlette blanche. Ge dernier 
nom lui convient bien; sa finesse, ses allures vives et dégagées ne 
peuvent en effet mieux se comparer qu'à celles du plus coquet des 
navires. Son bec effilé et ses pattes courtes sont d’un rouge vif; sa 
tête porte comme un capuchon d’un beau noir de velours. Elle vol- 
tigeait au-dessus du cratère du lever du soleil à son coucher pour y 
chercher les petits poissons dont elle faisait sa pâture ; aussitôt 
qu’elle en avait aperçu un, elle s'élevait un peu en jetant un cri aigu, 
puis, fermant les aïles, elle se laissait tomber obliquement dans l’eau 
avec ia rapidité d’une flèche pour reparaître presque aussitôt, tenant 
dans son bec l’objet de sa convoitise, qu'elle se hâtait d’avaler avant 
qu'il ne lui soit disputé, car les autres hirondelles, qui avaient 


96 CH. VÉLAIN. 


entendu son cri et suivi son mouvement, étaient arrivées à tire- 
d’aile. 

Malgré ces luttes incessantes, elles paraissaient très-sociables et se 
rassemblaient toujours en petites troupes surtout à l'extérieur, près 
des falaises où se trouvaient leurs nids, qu'elles avaient soin de pla- 
cer dans les parties abruptes les plus inaccessibles. Elles étaient 
méfiantes, craintives, et ne se laissaient pas volontiers approcher ; 
pourtant elles étaient curieuses et le moindre bruit les attirait. 

Les Stercoraires paraissaient les épargner, ou du moins elles sa- 
vaient les éloigner en se rassemblant pour prendre l'offensive et leur 
donner la chasse. Très-rares à notre arrivée en octobre, elles ne de- 
vinrent nombreuses qu’en décembre ; c’est l’époque de leur ponte. 
Comme elles étaient élégantes alors quand, par les rares rayons de 
soleil, elles venaient en petites troupes se poser soit sur les embarca- 
tions mouillées dans le cratère, soit sur les épaves de la Megæra qui 
émergeaient dans la passe ! Elles nous charmèrent par leur vivacité 
et leurs gais caquetages, en apportant un peu de grâce au milieu de 
cette nature si sévère et si triste, où nous étions condamnés à vivre. 

Il ne me reste plus maintenant, pour terminer cette description ra- 
pide, qu’à parler des Gorfous (Æ£udyptes chrysolopha), dont le nombre, 
aussi bien à Saint-Paul qu'à Amsterdam, était incalculable. Ces sin- 
guliers animaux n’ont de l'oiseau que le nom. Leurs ailes, en effet, 
cessant d’être utiles au vol, ont subi une atrophie ou une tranforma- 
tion complète, et sont devenues de véritables nageoires, qui ne peu- 
vent tout au plus leur servir que de balanciers quand ils sont à terre, 
pour les maintenir en équilibre dans leur marche vacillante. Leur 
corps, garni de plumes dures et très-courtes, appliquées fortement 
contre la peau qu'ils ont épaisse, est comme recouvert d’une cuirasse 
écailleuse et luisante. Enfin, ce qui leur donne surtout une physiono- 
mie singulière, c’est qu’ils se tiennent debout sur leurs tarses élargis 
et sur leurs pattes, qu’ils ont beaucoup plus en arrière qu'aucun autre 
oiseau. 

Autant ils sont agiles dans l’eau, leur véritable élément, où ils se 
meuvent avec une rapidité surprenante, autant ils sont gauches et 
maladroits quand ils sont à terre : ies attitudes grotesques, les allures 
bizarres qu'ils prennent quand on les approche d’un peu près, les 
ont fait souvent qualifier de stupides; pourtant ils ne le méritent 
guère, Car on ne doit pas attribuer à la stupidité ce qui n’est qu'une 
conséquence naturelle de leur conformation, qui ne leur permet 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. D7 


pas de se soustraire avec assez de rapidité à des dangers que d’ail- 
leurs ils connaissent peu dans leurs habitations désertes. 

Tous les navigateurs qui ont touché à Saint-Paul n’ont pas manqué 
de citer dans leurs relations ces oiseaux étonnants. Les officiers de 
la frégate autrichienne la Novara, en faisant l'hydrographie de l’île, 
en 1857, ont même désigné, sous le nom de baie des Pingouins, une 
petite crique de l'extérieur où ces oiseaux accostent volontiers. 
Nous avons vécu au milieu d’eux, avec eux pour ainsi dire, en 
parfaite intelligence, ce qui nous a permis d’étudier leurs mœurs 
singulières, et cette étude nous a procuré la plus vive satisfaction. 
Ce fut notre distraction de tous les instants; il n’est pas un de nous 
qui ne regrette les longues heures passées au milieu de ce que nous 
appelions leurs villages ; nous allions y faire provision de gaieté. 

Les Gorfous n’atterrissent à Saint-Paul que d'août en mars, la ponte 
se fait en septembre. IIs forment alors deux colonies distinctes, qui 
se réunissent aux mêmes places, L'une s'établit à l'extérieur, dans les 
falaises situées par le travers des quatre cônes, un peu avant la pointe 
Ouest, c'est-à-dire dans la partie du vent. L'autre vient chercher 
un abri près du sommet de la haute montagne qui domine la jetée 
du Nord, et se trouve ainsi presque sous le vent. La première de ces 
deux colonies était de beaucoup la plus importante : elle se com- 
posait d’un nombre incalculable d'oiseaux qui vivaient entassés lit- 
téralement les uns sur les autres, sur une sorte de talus incliné, 
large de plusieurs centaines de mètres au niveau de la mer et terminé 
en pointe vers le sommet de la falaise. Ils étaient là par milliers, leur 
poitrine blanche uniformément tournée vers la mer, occupant toutes 
les saillies, les pies, les corniches, les moindres anfractuosités des 
laves. Chaque pierre était habitée. Aussi tout cet espace se voyait 
du large çomme une tache blanche qui tranchait d'une facon bien 
remarquable sur le ton noir des falaises extérieures. Leur agitation 
était continuelle, et le bruit qu'ils faisaient étourdissant. [1 eût été 
bien difficile de les atteindre, à cause de la position abrupte des 
falaises qui les dominaient. 

La colonie du Nord était heureusement d’un accès plus facile ; 
c'était aussi la plus intéressante des deux. Divisés par groupes de deux 
ou trois cents, les Gorfous formaient dans cette partie de l’île comme 
autant de camps ou de villages, échelonnés sur un plateau situé à 
200 mètres d'altitude environ et jusque sous les escarpements du 
sommet (254 mètres). Leurs nids, au lieu d’être irrégulièrement dis- 


58 CH. VÉLAIN. 

séminés dans les anfractuosités des laves, étaient au contraire grou- 
pés avec une certaine symétrie et paraissaient comme alignés le long 
de couloirs, de sentiers tracés au milieu des hautes herbes qui recou- 
vraient le sol tourbeux de la montagne. Chacune de ces surprenantes 
agglomérations d'oiseaux fut hientôt baptisée par nous d’un nom spé- 
cial : une des plus nombreuses devint, en raison de son importance, 
Pingouinville. C'était bien, en effet, la plus singulière charge de petite 
ville qu’on puisse imaginer: les rues, les impasses, les carrefours ani- 
més d’une foule turbulente, les places publiques où les oiseaux se 
réunissaient comme pour conférer entre eux avant de descendre à la 
mer par petites troupes, rien n’y manquait, pas même les commères 
caquetant et se querellant autour des nids. 

Il est assurément difficile d'expliquer pourquoi des oiseaux à qui la 
marche est réellement pénible sont allés chercher, pour établir leurs 
nids, un point aussi élevé qu'ils ne peuvent atteindre qu'au prix des 
plus grandes fatigues, d'autant plus qu'il leur faut traverser avant d’y 
arriver plusieurs plateaux tout aussi découverts que celui qu'ils ont 
choisi, dont l’exposition est identique et qui auraient au moins l’avan- 
tage d’être d’un accès plus facile. La rude ascension qu'ils se croyaient 
ainsi obligés de faire ne leur demandait pas moins d’une demi-jour- 
née ; mais ils étaient loin de descéndre tous les jours à la mer : ils 
savaient revenir, après chaque excursion, avec une provision de nour- 
riture qui leur servait presque pour une semaine. La quantité d’ani- 
maux qu'ils avaient ainsi ingérés était telle, que souvent ils étaient 
obligés d’en dégorger en arrivant à terre. Leur nourriture consiste en 
mollusques, en poissons, et surtout en Calmars, qui pullulent autour 
de Saint-Paul ; il en est dans l’estomac desquels nous avons trouvé 
jusqu'à vingt becs d'Ommastrèphes. 

fs accostent dans la baie qui fait face au Nine-Pin, au milieu 
d'énormes galets, avec la plus grande adresse. On les voyait arriver 
de loin par petites troupes, bondissant sur les vagues à la manière 
des Bonites. Le cou tendu en avant et faisant force de rames avec 
leurs ailes, leur vitesse était réellement surprenante et ne pouvait se 
comparer qu’à celle devenue proverbiale des Marsouins. Au large, ils 
se tenaient parfois au repos, nageant comme des canards, leur corps 
couché, émergeant à moitié et les ailerons repliés contre les flancs : 
ils plongeaient alors fréquemment, sans effort et sans bruit, et res- 
taient fort longtemps sous l’eau. 

J'ignore à quelle profondeur ils peuvent ainsi descendre. Lorsque 


; 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 61 


la Dives était amarrée devant Saint-Paul, ceux que nous avons 
lâchés le long du bord se sont toujours enfoncés presque à pic 
avec une rapidité telle, qu’en un instant ils étaient hors de vue, malgré 
la transparence de l’eau, et nous ne les voyions jamais reparaître. Ils 
peuvent ainsi se tenir plongés pendant huit ou dix minutes, et la dis- 
tance qu'ils fournissent doit être considérable : nous en avons vu qui, 
lâchés sur le bord du cratère, reparaissaient vers le milieu du lac 
intérieur en moins d’une minute ; ils avaient alors parcouru d’une 
seule traite plus de 600 mètres. La réputation de plongeur qu'on a 
faite au Gorfou est donc parfaitement justifiée ; il semble se trouver 
chez lui dans toute l'étendue de la vaste mer, et dans les circonstances 
normales on peut dire qu’il passe sa vie au milieu des flots. Pendant 
cinq mois en effet, de mars en juillet, ces oiseaux quittent les deux 
îles d’une façon absolue et ne se montrent même pas au large. 

La ponte une fois terminée et leurs couvées étant en âge de prendre 
la mer, il leur reste à traverser une époque difficile : celle de la mue. 
C'est en décembre qu’ils commencent à perdre ces longues et co- 
quettes plumes jaunes qui, partant des sourcils, s'étendent en pana- 
che de chaque côté de la tête : ils perdent en même temps toute leur 
vivacité et se tiennent au pied des falaises ou sur les jetées, toujours 
au bord de la mer dans tous les cas, tantôt par petites troupes, pres- 
sés les uns contre les autres, tantôt, et le plus souvent, isolés et 
comme cachés sous les rochers, dans une immobilité presque com- 
plète. Debout, ou mieux assis sur leurs pattes repliées, ils regardent 
avec tristesse leurs plumes tomber une à une tout autour d'eux, et 
restent ainsi près d’un mois sans bouger dans une sorte de somno- 
lence, de torpeur qu’ils ne peuvent secouer que lorsqu'un nouveau 
plumage les met en état de reprendre la mer. Ils se réunissent alors 
de nouveau par bandes nombreuses, et partent en masse pour ne re- 
venir qu'à la saison suivante. Saint-Paul et Amsterdam sont trop iso- 
lées pour qu'on puisse supposer qu’ils émigrent vers d’autres terres, 
le moindre voyage qu'il leur faudrait faire serait de 500 lieues. Ils 
descendent probablement un peu plus au sud, et restent constam- 
ment à la mer. (C’est là du moins l'opinion des baleiniers qui viennent 
souvent faire la pêche dans ces parages et à cette saison.) Ils se tien- 
nent à la surface de l’eau pour se délasser et pour dormir; dans notre 
traversée de Saint-Paul à Amsterdam sur le Fernand, nous en avons 
rencontré ainsi pendant la nuit des bandes qui semblaient immobiles, 
chaque oiseau flottant comme un bouchon, 


62 CH. VÉLAIN. 


Pour accoster au pied des falaises, ils se laissaient apporter par la 
lame au milieu des galets ; puis, sitôt qu'ils avaient touché terre, ils 
se hâtaient de sauter de roche en roche pour éviter d’être repris par 
la lame suivante ; cet exercice, déjà difiicile par les temps ordinaires, 
devenait dangereux par les gros temps malheureusement trop fré- 
quents : il leur fallait beaucoup d’opinitreté, beaucoup d'adresse 
pour arriver, et bien souvent violemment jetés contre les rochers, ils 
n’en sorlaient que tout meurtris et couverts de sang. Une fois hors 
d'atteinte des vagues, on les voyait s'arrêter avec un air de satisfac- 
tion tout à fait comique ; puis, après s’être secoués un peu, com- 
mencer un brin de toilette en prenant pour graisser et lisser leurs 
plumes les poses les plus grotesques. C'est ainsi qu'ils s’attendaient 
afin de ne commencer leur pénible ascension que quand ils se trou- 
vaient réunis en nombre suffisant. | 

Le sentier qu'ils se sont tracé dans la falaise débute par un plan 
incliné fort roide, formé de tufs et de conglomérats volcaniques ébou_ 
lés, sur lequel nous n'avons pu tout d'abord nous risquer qu'à l’aide 
de cordes solides. En s’y accrochant avec le bec, puis en se hissant 
sur leurs ailerons et leurs pattes, ils arrivaient jusqu’à un premier 
plateau qui couronnait immédiatement la falaise ; mais souvent une 
pierre se détachait et les entraînait jusqu’au bas ; ils ne se découra- 
geaient pas pour si peu, et tant que leurs forces ne les trahissaient 
pas, on les voyait recommencer l'escalade avec une persistance véri- 
tablement surprenante. Un sentier frayé par eux, entrecoupé d’obsta- 
cles, les conduisait ensuite jusque dans leurs demeures, où ils n’arri- 
vaient qu'après une série de sauts et de chutes continuels. C'était 
vraiment un spectacle bien curieux que de les voir ainsi, tantôt sauter 
de roche en roche avec une certaine vivacité, tantôt marcher à petits 
pas, le dos courbé et les ailes portées en avant. Matin et soir 1l se fai- 
sait dans le sentier un mouvement considérable, les uns descendaient 
tout guillerets, tandis que les autres montaient péniblement en lon- 
gues files, s'arrêtant fréquemment et se rangeant pour laisser passer 
les premiers. 

A notre arrivée en octobre, ils étaient en train de couver. Chaque 
couple, étroitement uni, avait deux œufs assez volumineux, presque 
ronds, d’un blanc sale et marqués parfois de quelques petites taches 
rousses. Le mâle et la femelle partageaient les soias de l’incubation et 
se relayaient sur le nid, où ils se tenaient couchés sur le ventre, comme 
tous les autres oiseaux. Chacun d’eux descendait alternativement à la 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 63 


mer, et revenait fidèlement à sa couvée qu'il savait retrouver au mi- 
lieu de tant d’autres qui, pour nous, se ressemblaient toutes. Celui 
qui, demeurant à une extrémité, devait traverser tout le camp pour 
gagner son nid, ne pouvait le faire qu'après d'interminables querelles 
qui se renouvelaient presque devant chaque couple et qui lui valaient 
bon nombre de coups de bec et de coups d’aile. Ces oiseaux sont, 
en effet, peu tolérants, querelleurs et même sournois entre eux. Notre 
arrivée dans les villages était saluée par des cris étourdissants ; mais 
bientôt le calme renaissait, et chaque oiseau vaquait à ses affaires, 
sans plus s'inquiéter de notre présence. L’incubation doit durer cinq 
semaines. Les jeunes vinrent à la fin d'octobre ; couverts d’un duvet fin 
etépais, ils ressemblaient alors à des pelotes de laine grise, mais ils ne 
jouirent pas longtemps des douceurs du nid. Bientôt, en effet, tous 
ceux d’un même village furent réunis par groupes sur la place publi- 
que ; tassés contre les hautes touffes d'herbes, ils étaient là, soigneu- 
sement gardés à vue par de graves personnages qui ne leur épargnaient 
guère les corrections, quand l’un d’eux tentait de s’écarter : plusieurs 
fois par jour, sous l’œil sévère de leurs mentors, ils recevaient leur 
pâture, et de violents coups d’aile venaient châtier celui qui, trop 
pressé ou trop gourmand, cherchait à devancer son tour. C’étaient là 
de véritables écoles, où les enfants étaient élevés en commun avec la 
plus grande sollicitude ; sur ces rochers incultes, nous recevions ainsi 
des leçons de sociabilité. 

Les parents s’oubliaient pour ne penser qu’à leurs petits; nous en 
avons vu qui, meurtris, blessés, soit en accostant sur les galets de la 
plage, soit par les avalanches de pierres qui les assaillaient dans la 
montée, avaient encore le courage de recommencer l'escalade pour 
parvenir jusqu’au campement, où ils n’arrivaient que couverts de 
sang. Les jeunes se développèrent rapidement; au moment de notre 
départ, un certain nombre d’entre eux avaient déjà revêtu leur livrée, 
ou pour mieux dire leur cuirasse, et se trouvaient en état de tenir la 
mer. 

Vers la fin de novembre, il se fit une seconde ponte ; mais les œufs 
étaient fort petits, et les couveuses souvent dérangées à cause de l’a- 
gitation extrême qui se faisait dans les pingouinières ; aussi je doute 
fort du bon résultat de cette seconde couvée. 

Tous nos efforts pour éleyer de jeunes Manchots ont été inutiles. 
Les oiseaux, tenus en captivité et arrivés à un certain âge, refusaient 
de prendre toute espèce de nourriture. Au moment de notre départ, 


64 CH. VÉLAIN. 


nous en avons embarqué à bord de la Dives plus de cent, que nous 
avions choisis parmi ceux qui commençaient à muer ', espérant 
profiter pour leur faire faire la traversée de ce qu'ils ne prennent 
à cette époque aucune nourriture pendant près d'un mois; mal- 
heureusement aucun d'eux ne put résister aux chaleurs torrides de 
la Réunion. 


30 Remarques sur la faune marine de l'ile Saint-Paul. 


Des faits qui précèdent il résulte donc que la faune et la flore ter- 
restre de l’île Saint-Paul sont toutes deux fort pauvres. Si mainte- 
nant, de cette terre stérile, nous portons nos regards vers la mer, 
nous y verrons affluer la vie ; autant la première nourrit peu d’es- 
pèces, autant la seconde en regorge pour ainsi dire. Au large, les Cé- 
tacés, les Otaries, les Poissons surtout, sont d’une abondance extrème 
et tous les ans attirent dans ces parages de nombreux équipages de 
pêche, qui viennent y chercher, malgré les dangers, une; récolte 
prompte et un gain assuré. Les Mollusques pélagiques, les grands 
Céphalopodes n'y sont pas moins fréquents ; les Crustacés nageurs, 
les Ptéropodes avec des Médusaires s’y rencontrent en véritables 
légions. 

Les côtes abruptes de l’île, qui de tous côtés tombent brusque- 
ment sous la mer, battues sans paix ni trêve par des vagues furieuses, 
se prêtent mal, sans doute, au développement des animaux marins, 
aussi toute la zone littorale extérieure se montre-t-elle relativement 
peu riche ; mais dans l’intérieur du cratère les conditions sont toutes 
différentes et les eaux fourmillent de vie. C’est là comme une sorte 
d’Atoll d'un nouveau genre, dont la lagune, bien abritée, sert de re- 
fuge aux embryons de toute nature, qui, drainés par les Courants à 
la surface d’un océan immense, viennent y fonder une colonie pros- 
père. 

En débarquant pour la première fois dans le cratère, nous avions 


1 Pendant la mue, ces oiseaux sont couverts d’un duvet très-épais et fort singu- 
lier, qui, de loin, leur donne l’aspect d'une grosse pelote de laine. Ce duvet, blanc et 
soyeux comme celui du cygne, est formé par l'extrémité des plumes qui se trouve 
toute décomposée. Dans cet état, il leur serait impossible de tenir la mer, leur plu- 
mage tout entier faisant l'office d’éponge. Ceux que nous avons contraints de se 
jeter à l’eau, alors qu’ils étaient ainsi en pleine mue, y paraissaient lents, mala- 
droits, se tenaient toujours à la surface, et cherchaient à regagner la terre le plus 
tôt possible, 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 65 


été vivement impressionnés par l’aspect sauvage et désolé de cet im- 
mense amphithéâtre naturel au fond duquel nous allions nous éta- 
blir pour plus de trois mois. Tout nous parut mort dans cette solitude 
effrayante que rien ne venait animer; nos sentiments devaient bien- 
tôt changer. Ainsi, quand plus tard, à la marée basse, il nous fut 
donné de voir, sur tout le littoral, le nombre considérable des ani- 
maux invertébrés qui s’y trouvaient répandus à profusion, notre en- 
thousiasme et notre joie devinrent grandes. 11 me sera sans doute 
facile d'indiquer individuellement chacune des formes qui attirèrent 
notre attention, mais ce que je ne pourrai rendre, c'est notre 
étonnement à la vue de ce monde nouveau qui se révélait à nous. 
Tout ce sombre entassement de roches volcaniques noires, éboulées 
sur le littoral, nous avait paru absolument stérile ; rien, en effet, ne 
trahissait à la surface la beauté du spectacle qui nous attendait sous 
toutes ces pierres amoncelées. IL était absolument impossible à la 
basse mer d’en retourner une, sans trouver sa face inférieure abso- 
lument couverte d’un nombre incroyable d'animaux les plus variés. 
Tous les points du sol sous-marin qui se trouvaient à l’abri de l’ac- 
tion directe de la lumière, étaient dans le même cas. De nombreux 
Zoanthes, des Spongiaires, des Bryozoaires... et surtout des Ascidies 
simples, sociales ou composées, s’y disputaient absolument l’espace 
et, se recouvrant littéralement les uns et les autres, ne formaient 
qu'une même masse vivante, au milieu de laquelle s’agitait tout un 
monde de Crustacés, de Mollusques, d'Echinodermes et de Zoophytes. 
Chaque fragment de lave devenait ainsi un véritable musée vivant, 
et transporté dans un de nos aquariums, il suffisait amplement à le 
peupler. 

Les Ascidies composées dominaient de beaucoup dans cet ensem- 
ble : elles y déployaient une prodigieuse fécondité, et présentant les 
formes les plus variées, les colorations les plus vives, elles s’étalaient 
partout en une sorte de tapis continu, aux couleurs voyantes, d’où 
s’échappaient, comme d’élégants arbustes, des colonies de Sertulaires, 
des Bryozoaires arborescents et surtout de nombreux tubes d’Anné- 
lides. De petites Actinies, des Cornulaires rouges ou violacées, des 
Alcyons, de gracieuses Serpules émaillaient de fleurs tous ces par- 
terres d'un nouveau genre. 

Il faudrait tout un long mémoire pour décrire leurs variations 
nombreuses de formes et de couleurs. Les unes blanches, incolores 
et transparentes ou simplement marquées de quelques taches, for- 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — T. VI. 1877. 5 


66 CH. VÉLAIN. 

maient comme un bourrelet épais, qui tantôt s’étalait en un disque ré- 
gulier et tantôt se renflait en une sorte de boule pédonculée presque 
pyriforme ; les autres, au contraire, d'aspect lichenoïde, comme les 
Didemnum et les Leptalinum, très-aplaties, jetaient partout leurs bran- 
ches ramifiées ; d’autres encore, et des plus nombreuses, couvraient 
de larges surfaces sous leur cormus velouté, épais, très-résistant, 
nuancé des couleurs les plus diverses. Presque toujours lisses, l’une 
d'elles cependant, assez rare et qui à l’inverse des précédentes vivait 
sur le sable, se couvrait de villosités, supportant chacune un petit dé- 
bris de roche ou de coquille. 

Quand des espèces semblables, situées l’une près de l’autre, ve- 
naient à se rencontrer par suite de leur accroissement rapide, toutes 
les parties en contact se soudaient fréquemment ; la ligne de suture 
restait toujours distincte, elle devenait légèrement jaunâtre, comme 
ocracée, dans les espèces incolores, ou simplement blanche dans les 
espèces colorées. C'était là une sorte de greffe par approche qui don- 
nait naissance aux formes les plus singulières. Sur le revers intérieur 
de la jetée du Nord, les Synascidies étaient remarquablement vigou- 
reuses ; il n’était pour ainsi dire pas possible de soulever une pierre 
sans déchirer plusieurs colonies ainsi réunies, qui formaient alors une 
seule nappe, s'étendant sur plusieurs roches à la fois, et dont la lon- 
gueur pouvait excéder 50 centimètres. Elles recouvraient absolument 
tout ; en soulevant au couteau leurs plaques épaisses, on découvrait, 
avec une foule de parasites, des coquilles mortes de Fissurelles et de 
Patelles, des Bryozoaires, etc., qu’elles avaient étouffés. Une petite 
Ascidie simple, qui vivait isolément enfoncée dans le sable, ou le plus 
souvent fixée par petits groupes sous les rochers, était parfois recou- 
verte par un Botrylle charnu qui s’étalait au-dessus d'elle, en respec- 
tant toutefois ses orifices branchiaux : elle se trouvait alors obligée 
d’exhausser graduellement ses siphons pour arriver à la faire émerger 
à la surface. Les Spongiaires aussi se trouvaient fréquemment dans 
ce Cas et laissaient ainsi dépasser leurs larges oscules qui venaient 
s'ouvrir au sommet de prolongements coniques, sous forme de petits 
cratères très-singuliers. 

Toutes ces Ascidies, subissant à leur tour la loi commune, de- 
venaient la proie d’un grand nombre d’autres animaux qui les atta- 
quaient 2ntus et extra. Des Nématoïdes, des Annélides nombreuses et 
jusqu’à des Crustacés, s’introduisant dans leurs colonies, y causent 
des dégâts sensibles. Un petit Prosobranche incolore (Fryerra ?), deux 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 67 


espèces de Doris se tenaient constamment à leur surface, vivant sans 
aucun doute à leurs dépens : de même des Ophiures, de petits gasté- 
ropodes, et surtoutun Asteriscus (A. exiguus, Lam.) semblaient en 
faire leur nourriture favorite. 

D’autres paraissaient y vivre surtout en commensaux, et ne ve- 
naient y chercher qu'un refuge. Un crustacé, par exemple, de la 
famille des Dromies, se creusait souvent, soit dans les masses les 
plus compactes des Ascidies charnues, soit dans les Spongiaires, des 
retraites profondes, au fond desquelles il se retirait au moindre 
danger. Il eût été bien difficile de le découvrir dans cette situation, 
car il prenait la précaution, pour se dissimuler d’une façon complète, 
de porter constamment sur son dos une petite Ascidie ou une éponge 
identique à l'espèce dans laquelle il avait élu domicile. 

Parfois, sur les parois du cratère, d'énormes blocs de laves plus ou 
moins sCoriacées ou Caverneuses, en s’accumulant les uns au-dessus 
des autres, formaient, à quelques mètres de profondeur, une sorte 
de voûte sous laquelle les rayons de lumière ne pouvaient guère pé- 
nétrer. Aux plus basses eaux, dans les grandes marées, ces petites 
grottes sous-marines, qui se trouvaient alors à peine recouvertes, 
étaient d’un accès facile, ou tout au moins par les temps calmes, 
quand l’eau du cratère était bien transparente, l’œil pouvait y péné- 
trer, et ce spectacle était vraiment splendide. Dans le bas, des Flori- 
dées au feuillage finement découpé, mariaient leurs colorations vives, 
rouges ou violacées, à celles plus douces et verdâtres des Laminaires 
et des conferves ; de gracieux Nudibranches, des Kolidiens surtout, 
glissaient sur ces algues, avec des Planaires. De tous côtés, les parois 
des roches étaient tapissées par des Ascidies, des Spongiaires d’un 
rouge orangé, des touffes d’Actinies versicolores, ou par les expan- 
sions lamelliformes des Eschares ; de la voûte descendaient les lon- 
gues branches ramifiées d’un bryozoaire (Pugula) qui jetaient sur l’en- 
semble des tons d’un bleu d'azur‘. Ces grottes, qui formaient comme 


1 Ces bryozoaires arborescents prenaient immédiatement dans l’alcool une teinte 
bleu de Prusse très-accusée ; la liqueur dans laquelle ils étaient ainsi plongés, se co- 
lorait alors très-rapidement et devenait en quelques jours d’un bleu si foncé, que la 
lumière ne pouvait plus la traverser. Ces animaux étaient, en outre, admirablement 
phosphorescents. Un soir que la bougie qui m’éclairait dans notre laboratoire s’était 
éteinte, et que je m'en allais à tâtons en quête de quelque allumette, j'en vins à 
heurter l'aquarium dans lequel Rochefort conservait quelques-uns de ces élégants 
animaux, une vive lumière traversa le vase; étonné, j'agitai l’eau et je vis immédia- 
tement toutes les branches des bryozoaires s’illuminer des couleurs les plus vives, 


68 CH. VÉLAIN. 


autant d’aquariums richement peuplés, étaient, à vrai dire, peu 
communes. Il en est une seulement que je tiens à signaler, parce 
que nous avons été fréquemment l’admirer et qu'elle nous a fourni 
nos plus précieuses récoltes; elle se trouve un peu au sud des han- 
gars où les pêcheurs préparent leurs poissons, sous un énorme bloc 
de dolérite, entouré d'une chaîne de fer, où les goëlettes viennent 
s’amarrer, et sur lequel on voit encore gravés des noms de naufragés 
ou de marins : Pallefournier Emile, Mazarin Desnoyarez, Grenoble — 
Canton de Sassenage — Département de l'Isère, 1844. 

Le diamètre du lac intérieur, parfaitement circulaire, est de 
1 200 mètres en moyenne; son relief sous-marin, tel qu'il résulte 
des nombreux sondages effectués par les officiers de {a Dives, indique 
que les fonds tombent de tous côtés brusquement jusqu’à la profon- 
deur de 20 à 25 mètres, puis descendent graduellement par une sorte 
de plateau régulièrement incliné jusqu’à 50 mètres; à cette profon- 
deur ils se relèvent ensuite légèrement de partout, de manière à des- 
siner une petite éminence conique haute de 5 à 6 mètres, dont le 
centre est occupé par une dépression, où la sonde accuse 69 mètres. 
C’est là le point de profondeur maxima de la lagune. Les parois du 
cratère, tombant ainsi presque à pic sous les eaux, surtout dans Je 
Sud, ne laissent à découvert, à chaque marée, qu'une zone peu éten- 
due ; les marées sont, du reste, assez faibles, elles oscillent en gé- 
néral entre 0,80 et 1 mètre et atteignent rarement 2 mètres aux 
syzygies. 

La montée de l’eau est en dépendance absolue avec la force et la 
direction des vents, avec l’état de la mer et provoque, dans l’étroit 
chenal qui fait communiquer la baie avec l'extérieur, un courant 
violent qui peut atteindre 3 et 4 nœuds de vitesse au moment du 
reflux. 

Notre première excursion zoologique eut pour objet une recon- 
naissance générale de la faune littorale et de la richesse plus ou 
moins grande des différentes stations. Cela fait, nous divisèmes le 
cratère en un certain nombre de sections qui furent toutes explorées 
successivement avec un soin minutieux. Aux époques des grandes 
marées, chacun de nous laissant en suspens ses recherches person- 


variant instantanément, en passant avec une promptitude étonnante du rouge au 
vert, ou au bleu d'azur ; mais le phénomène durait peu et cessait dès que l’eau n’é- 
tait plus troublée. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 69 


nelles, nous nous réunissions tous trois pour explorer les espaces 
découverts en nous attachant, dans la récolte des animaux marins, 
à déterminer leur distribution par rapport à la profondeur, leurs 
stations principales et les conditions d'habitat propres à chacun 
d'eux. 

La vie, si abondante sur tout le littoral, cesse pour ainsi dire subi- 
tement dès la profondeur de 20 à 23 mètres ; on nerencontre guère 
au delà que quelques rares Spongiaires d’un beau rouge avec des As- 
cidies, qui descendent jusque par les fonds de 30 à 35 mètres, mais dans 
les parties plus profondes la drague ne ramène plus que des vases 
grises sableuses, remplies de Foraminifères le plus souvent morts et 
de nombreuses coquilles brisées. De la sorte, tous les organismes vi- 
vants sont, pour ainsi dire, condensés dans une bande étroite, large 
de 25 à 30 mètres, qui forme comme un anneau au pourtour du bas- 
sin (fig. 4). La causeenest,suivanttouteévidence, dans les dégagements 
nombreux d'acide carbonique et d’azote qui s'effectuent encore au 
fond de ce cratère, ainsi que l'attestent les nombreuses bulles qui, 
par intermittences assez rapprochées, viennent en différents points 
et notamment vers le centre, éclater à la surface. L’eau°se surcharge 
d'acide carbonique et la proportion du gaz dissous augmente rapide- 
ment avec la profondeur, comme on en peut juger par le tableau 
suivant : 


Composition du gaz dissous dans l'eau du cratère. 


TT an 
A la surface. A 25 mètres. A 47 mètres. 


Acide carbonique..... 2.16 8.40 12:58 
D'AVANT see 14.38 8.94 6.99 
Azolesrs.. MM Se 83.46 82.64 80.42 

100.00 100.00 100.00 


Les nombreuses coquilles que les courants amènent dans ces 
vases et qui appartiennent aux différentes espèces de mollusques vi- 
vant actuellement soit dans l’intérieur, soit à l'extérieur du cratères 
portent toutes la trace des actions chimiques exercées par ces éma- 
nations acides qui les traversent; complétement décolorées, souvent 
même corrodées, elles ont perdu toute consistance et sont devenue, 
si fragiles, qu’elles se réduisent en poussière quand elles sont sorties 
de l’eau et qu’elles sont sèches. On conçoit aisément que les animaux 
ne puissent se propager dans un pareil milieu. 

L'influence funeste de ces gaz délétères peut encore se constater 
dans divers points de la zone littorale, où les dégagements sont alors 


70 CH. VÉLAIN. 


accompagnés de sources thermales abondantes, qui se font jour entre 
les galets au niveau du balancement des marées. Tous les espaces 
où se produisent ces dernières traces d’une activité volcanique à son 
déclin sont absolument dépouillées de toute végétation marine, les 
algues si belles et si nombreuses (Floridées, Phæosporées.…..) qui par- 
tout ailleurs tapissent toutes les roches, ne les franchissent pas et 
tracent ainsi des limites fort nettes en dedans desquelles le sol n’est 
plus recouvert que d'une couche ocracée ferrugineuse, déposée par 


MT: 
Lef} lat Cr 


SÉANLE 
EX < Qt = 


22 \\ Le 507 


Fic. 4. — Coupe du cratère du nord-ouest au sud-est. 


les sources, et de quelques conferves filamenteuses. La thermalité de 
ces sources, assez variable, n’est en moyenne que de 40 à 45 degrés, 
mais elle peut atteindre et même dépasser 90 degrés ; à l'angle, que 
fait intérieurement la chaussée du Nord avec la paroi du cratère, des 
fumerolles abondantes possèdent une température de 78 à 80 degrés 
centigrades, et dans le fond du cratère, en face de la passe, sur de 
petites plages de sable qui découvrent à marée basse, des sources 
thermales atteignent presque le point d’ébullition de l’eau. À marée 
haute, au-dessus des orifices de ces divers dégagements, la tempéra- 
ture de la mer est surélevée de 4 à 5 degrés environ à la surface, et 
s'élève même jusqu’à 20 degrés sur le littoral, tandis qu’au milieu du 
bassin le thermomètre n’accuse que 14 à 15 degrés. Il était intéres- 
sant de rechercher l’influence de ces eaux échauffées sur la distribu- 
tion des animaux marins; en général on y constate encore un ap- 
pauvrissement de la faune, les Ascidies composées, les Annélides, les 
Bryozoaires, évitent ces régions. Au contraire, diverses espèces d’Ac- 
tinies, et surtout des spongiaires particuliers, aiment à se trouver au 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 71 


voisinage des petits courants d’eau chaude qui résultent du mélange 
de l’eau des sources avec celle de la mer. Certaines espèces parais- 
sent même pouvoir résister à une assez haute température, nous 
avons fréquemment trouvé, par exemple, de petits crustacés et no- 
tamment un Sphérome (Spher. tuberculata, Br.), très-abondant dans 
toute la zone littorale, sous des pierres que nous avions peine à 
retourner, à mer basse, tant elles étaient chaudes. 

Cet anneau dont je parlais tout à l'heure et dans lequel les animaux 
sont obligés de se condenser et de se disputer l’espace, se trouve 
donc interrompu en plusieurs points dans l'Ouest; dans le Sud et 
dans l'Est il reste au contraire continu, tous les phénomènes volca- 
niques ayant complétement cessé de ce côté. On peut y distinguer 
deux zones distinctes, représentant chacune une association particu- 
lière d'espèces : 1° la zone du littoral comprise entre les limites du 
marnage de la marée ; 2° la zone descendant jusqu'a 20 mètres au-des- 
sous du niveau des plus basses mers ; c’est de beaucoup la plus riche 
aussi bien en plantes marines qu’en organismes de toute nature, sur- 
tout dans son premier tiers supérieur. La zone profonde qui vient 
ensuite et qui s'étend des fonds de 25 à 30 mètres jusqu’à ceux de 
profondeur maxima, se trouve, à l’inverse des deux précédentes, 
caractérisée par son aridité absolue et ne comprend pas d'espèces 
spéciales, à l’exception de quelques foraminifères, car les spon- 
giaires et les ascidies qui se tiennent encore à sa partie supérieure 
sont surtout abondants dans la deuxième zone. 

Je ne puis aujourd’hui entrer dans le détail des diverses faunes de 
ces deux premières zones, préférant revenir plus tard sur ce sujet; 
il ne me sera possible, en effet, d'établir la liste des espèces qui re- 
viennent à chacune d'elles que quand toutes les collections rappor- 
tées auront été étudiées. Je signalerai seulement, comme une des 
plus belles espèces spéciales à la deuxième zone, une grande Culcite, 
d’un beau rouge orangé, que M. Ed. Perrier, professeur au Muséum 
d'histoire naturelle, se propose de décrire prochainement sous le 
nom de Culcita Veneris. 

La zone littorale peut elle-même se subdiviser en deux parties, 
dont la supérieure comprend toutes les espèces qui vivent entre le 
niveau de la haute mer et la limite extrême atteinte par les eaux aux 
grandes marées. De ce nombre sont des Marinules (Marinula nigra, 
Philippi) qui abondent surtout dans le nord du cratère, et un petit 
acéphale appartenant au genre Zasæa, identique à l'espèce euro- 


72 CH. VÉLAIN. 


péenne ZLasæa rubra, Montagu, qui se trouve par milliers dans toutes 
les crevasses, dans toutes les anfractuosités des laves, au niveau 
moyen des eaux. 

La seconde partie de la zone littorale est peu étendue, à cause de 
la forme de la côte, complétement accore ; elle est extraordinaire- 
ment riche, sinon en espèces, du moins en individus, qui se mon- 
trent là par une sorte de compensation en nombre prodigieux; les 
conditions d'habitat peuvent s’y définir ainsi : fond rocheux exposé 
à la lumière, pression faible, température moyenne de 13 à 14 de- 
grés, à peu près constante, agitation de l’eau presque nulle, végéta- 
tion marine abondante. 

L'exploration de cette zone, dans toute son étendue, n’est pas tou- 
jours facile, le littoral se présentant partout sous forme d’un talus 
d’éboulement, à pente rapide, sur lequel on a souvent peine à se 
tenir debout, par suite de l’extrême mobilité des blocs de laves dont 
il se compose. C’est ainsi que, sur le revers intérieur de la chaussée 
de l'Est, on ne pouvait bouger une roche, sans déranger tout l’édi- 
fice qui s’écroulait avec fracas et roulait à la mer. Toute cette chaus- 
sée est, du reste, remarquablement pauvre, elle se termine, à son ex- 
trémité ouest, par une petite plage sableuse, dans laquelle nous 
n'avons jamais rien trouvé’. La paroi du cratère, qui lui fait suite, 
à l’extrémité opposée, étant complétement à pic, ne peut s’explo- 
rer qu'avec une embarcation, mais bientôt les grands fonds s'écar- 
tent un peu de terre, et l’on se trouve en présence d’une des plus riches 
stations du littoral. Un Brachiopode, de la famille des Terebratulidæ, 
Kraussina Davidsoni, y abonde et recouvre littéralement les roches 
au niveau de la basse mer, avec de beaux Bryozoaires étalés apparte- 
nant aux genres Lepralia et Cellepora.' Un Siponcele et des Annélides 
(Eunices, Néréis, Terebelles, Sabelles, etc.) atteignent là une taille 
considérable ; c’est encore là le gisement principal d’un bel £chinus. 

Tout le reste de la côte, jusqu'aux premières fumerolles, ne pré- 
sente plus rien de remarquable ni de particulier. Pour trouver une 
station comparable, il faut ensuite gagner le voisinage des belles 
sources thermales du Nord, au-delà des espaces chauds. Là tous les 
mollusques, Pourpres, Rissoelles, Margarita, Fissurelles, Patelles, 
Chitons,.… qui seront décrits plus loin, sont très-nombreux, avec 

1 Ces plages sableuses sont assez rares dans l’intérieur du cratère, il en existe 


encore quelques-unes, de peu d’étendue, dans le voisinage des jardins (no 7 de la 
carte) qui ne nous ont jamais rien fourni, malgré des fouilles fréquemment répétées. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 73 


des Ophiures de deux espèces et un Asteriscus (Asé. exiquus), dont 
le principal gisement se trouve près des saleries de poissons. Un peu 
après celle de ces sources désignée généralement sous le nom de 
source du Bain, parce que les pêcheurs, qui ont une certaine con- 
fiance dans l'efficacité de ces eaux thermales pour la guérison des 
blessures, l’ont aménagée de telle façon qu'on peut s’y baigner à 
marée basse, quand elle est encore suffisamment mélangéé d’eau de 
mer pour que sa température soit supportable, — on peut remarquer, 
sous des blocs de laves, disposés de manière à former des grottes 
semblables à celle que j'ai signalée plus haut, toute une forêt de 
Serpules, d’Annélides tubicoles et de beaux Bryozoaires bleus arbo- 
rescents (Bugula), qui abritent plusieurs petits bivalves (Æochstet- 
teria, Rochefortia.), avec de nombreuses Holothuries blanches et 
de fort belles Actinies. Plus loin encore, en face du petit col qui 
précède le plateau habité par les Manchots, à l'endroit précis où le 
sentier qui conduit aux sources s'infléchit jusqu au niveau de la mer, 
les Æraussina Davidsoni se retrouvent en extrême abondance et se 
tiennent là, de préférence, sous les roches alternativement recou- 
vertes et découvertes à chaque marée; la côte y découvre plus qu'en 
aucun autre point. Les Ascidies composées sont moins nombreuses 
peut-être que dans les stations précédentes, mais dans les parties 
sableuses, entre les roches, les Actinies abondent et c’est là que nous 
avons recueilli les plus beaux individus du Sphérome tuberculeux. 

Il ne me reste plus à signaler qu’une station importante, le revers 
intérieur de la chaussée du Nord. Toutes les espèces de la zone litto- 
rale se sont, pour ainsi dire, donné rendez-vous dans ce petit espace : 
le niveau inférieur de la zone littorale est surtout d’une richesse 
inouïe. C’est là où on peut recueillir les plus belles Ascidies compo- 
sées, avec ce petit Dromien, qui paraît vivre en commensalisme 
avec elles. L’exploration de l’extrémité de cette jetée, vers la passe, 
nous à fourni plus d’un fait curieux ; on doit y signaler un mélange 
de la faune littorale du cratère, avec celle que nous trouverons plus 
tard à l’extérieur ; quelques espèces paraissent en outre cantonnées 
là et ne se retrouvent point ailleurs. Il en est ainsi d’une petite Pha- 
sianelle blanche (P. Munieri), par exemple. Une nouvelle espèce de 
Murex, que J'ai dédiée à M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers, 
Murex Duthiersi, un Trophon (7. tritonidea; avec un petit acé- 
phale, Æochefortia australis, toujours rares dans l'intérieur du 
cratère, sont ici assez fréquents. Enfin le Purpura Dumasi, qui ne se 


74 CH. VÉLAIN. 


tient généralement qu’à l'extérieur, dans les brisants, arrive jusque-là, 
mais ne pénètre pas plus avant et ne franchit pas la passe. Aux 
époques des grandes marées, cette pointe découvre beaucoup, sur- 
tout par les temps calmes, et la profondeur de l’eau dans la passe 
atteint à peine 4 mètre. Toutes les roches disparaissent, pour ainsi 
dire, sous les algues, qui recèlent alors une quantité d’Isopodes et 
de petits Mollusques (/rssoa, Rissoella, Phasanrelle, Trophon.… etc.). Il 
suffisait de ramasser quelques poignées de ces plantes et de les 
plonger dans un vase rempli d’eau de mer pour en voir sortir toute 
une population des plus variées. Un petit Isopode particulier, qui em- 
prunte à une floridée, sous laquelle il vit, sa couleur rouge-lie de 
vin, ne peut s’obtenir que là. 

Puisque je parle des Crustacés, il est juste maintenant que je 
signale une belle Langouste rouge, de grande taille, Palinurus La- 
landei, M. E., qui se trouve en telle abondance dans le cratère, qu'il 
suffisait, pour ainsi dire, de plonger sa main dans l’eau pour en prendre 
une. Tous ceux qui ont passé sur l’île en ont parlé et n’ont pas man- 
qué, près des eaux thermales, alors que la mer commence à baisser, 
de les amener en les tirant par les antennes, sans les faire sortir de 
l’eau, jusque dans les sources chaudes pour les en retirer cuites à 
point, en quelques instants. La même espèce se retrouve dans toutes 
les eaux, autour de l’île, en nombre prodigieux. 

J'aurai donné les traits les plus caractéristiques de la faune du 
cratère, quand j'aurai signalé le nombre également considérable de 
petits Crustacés pélagiques et de Ptéropodes que les courants y 
amènent, et que nous prenions la nuit, en promenant un filet de 
mousseline à la surface de l’eau, au milieu du bassin ; dans le jour, 
ces mêmes pêches étaient beaucoup moins productives. Ces Ptéro- 
podes, et notamment les Limacines et les Spirialis, doivent se trouver 
réunies en nombre immense autour de Saint-Paul, si on en juge par 
l'énorme quantité de leurs coquilles, qui couvraient littéralement 
la chaussée de l’est après les coups de vent. 

L'île Saint-Paul présente à l’extérieur une faune toute différente 
de celle que nous venons de décrire dans l’intérieur du bassin, et 
c'est là, bien certainement, un des traits les plus importants de son 
histoire zoologique. Les différences qu'on observe consistent non- 
seulement dans la présence de formes nouvelles, mais encore dans 
les variations qu'y prennent les espèces communes avec celles de la 
faune précédente. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 1 


Ses lignes de côtes droites, complétement abruptes, exposées à 
toutes les violences d’une mer sans cesse agitée, sont, comme je l'ai 
dit au commencement de ce chapitre, peu favorables à la vie sous- 
marine : la zone littorale se montre donc remarquablement pauvre. 
On y voit encore au niveau de la haute mer, en extrème abondance, 


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Fig. 5. — La pointe Hutchison dans le Sud-Est. 


les Lasæa et surtout les Marinules du cratère ; elles sont alors accom- 
pagnées d’une Siphonaire (Sphonaria Macgillivrayi), qui se tient de 
préférence dans les falaises, à la limite des embruns. L'influence des 
marées se fait là peu sentir, à cause de l’état de la mer, et la zone 
qui découvre est pour ainsi dire nulle; sous les gros blocs de laves 
accumulés au pied des falaises, une Patelle (Patella depsta), qui 
n'existe guère qu'à l’état jeune dans le cratère ; des Pourpres et deux 
espèces de Troches (Margarita Lacazei et M. nigricans) sont à peu 
près les seuls mollusques abondants. Le Purpura Dumast, qui se trou- 
vait déjà sur la chaussée du Nord, pullule ici, tandis que le P. Ma- 
gellani, si fréquent dans le cratère, y devient rare, presque incolore 
et prend une forme courte, avec un test épais. Il est vrai de dire que 
nos explorations dans cette seconde partie de l’île ont été forcément 
restreintes à quelques points isolés, la majeure partie de cette côte 


76 CH, VÉLAIN. 


étant absolument inaccessible et défendue par une ligne continue de 
falaises à pic, hautes de 20 à 25 mètres, dans lesquelles on ne peut 
descendre qu’en deux ou trois endroits ; à la pointe Nord, par exemple, 
et vers les îlots des Deux-Frères, sous la pointe Hutchison, en se 
laissant glisser dans de profondes crevasses, en se suspendant aux 
‘ coulées de laves faisant corniche et disposées en gradins, on arrive 
jusqu’au rivage. Mais là de nouvelles difficultés vous arrêtent : un : 


Fig. 6. — L'ilot du milieu (Rhyolithes). 


ressac continuel et souvent des lames énormes, qui viennent déferler 
presque jusqu’au pied des falaises, rendent les recherches sur le lit- 
toral presque impossibles. Par des temps exceptionnellement calmes, 
nous avons pu voir, dans l’est de la première de ces deux pointes, de 
petits bassins creusés dans des nappes de laves s'étendant sous les 
eaux, qui contenaient quelques-unes des Actinies du cratère, avec la 
même Holothurie blanche, le petit Sphérome tuberculeux, des Ser- 
pules et de nombreux Spirorbes. La pointe Hutchison, dans le Sud- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 77 


Est, se signale par un riche gisement de la Fissurella australis ; c'est 
le seul point où nous ayons rencontré des Balanes. 

Les petits îlots qui se voient dans le Nord, à peu de distance de la 
côte, sont constitués les uns par les roches acides du massif ancien 
(rhyolithes), les autres par des laves basaltiques et doléritiques : on 


Fic. 7. = Nine-pin Rock (laves basaltiques). 


peut y constater une preuve des plus manifestes de l'influence exercée 
par la composition des roches sur la distribution des animaux. Aïnsi 
les îlots rhyolithiques, exclusivement siliceux, ne sont entourés, au 
niveau du balancement des marées, que d’une couronne d'algues et 
de nullipores, tandis que ceux basaltiques sont en même temps cou- 


# 


78 CH. VÉLAIN. 


verts de Patelles (P. depsta, Reeve), sans doute parce que ces ani- 
maux trouvent, dans les feldspathes calciques (labrador et anor- 
thithe) dé dolérites ou des basaltes, les éléments calcaires dont ils 
ont besoin. Le plus remarquable de ces îlots, et par ses dimensions 
et par sa forme singulière, qui lui a valu le nom de Vine-Pin ou celui 
plus significatif encore de Pain de sucre, situé presque en face de la 
baie des Manchots, n’est séparé de la côte que par un chenal peu 
profond, où les Venus antarctica sont assez abondantes. Les sables fins 
qu'on drague au fond de ce chenal et qui sont semblables du reste 
à ceux de la baie des Manchots, renferment une collection complète 
de tous les minéraux dont se composent les roches volcaniques de 
l’île; ils sont également riches en Foraminifères. 

Les chiffres de sondages placés sur la carte (pl. 1) indiquent com- 
bien les fonds sont rapprochés de terre dans toute cette partie de 
l’île, qui s'étend du nord au sud-est en passant par l’ouest. Les faibles 
moyens dont nous disposions pendant notre séjour, ne nous ont pas 
permis d'y promener la drague : on se rappelle que le bâtiment de 
guerre qui nous avait portés sur l’île n'avait pu y séjourner, il ne 
nous avait laissé d'autre embarcation qu'une grande baleinière non 
pontée. Nous avions trouvé en outre, échoué sur l’île, un petit canot 
qui provenait de la Wegæra, et qui nous fut d’un grand secours dans 
l’intérieur du bassin, mais il se trouvait hors d’état de tenir la mer à 
l'extérieur. 

Le 5 de janvier, à notre départ de Saint-Paul, deux coups de 
drague, donnés dans l’est par les fonds de 90 mètres, ramenèrent au 
milieu de sables noirs grossiers, résultant de la trituration des roches 
volcaniques des falaises, les espèces dont les noms suivent : 


Murex Hermani, 98 individus dont 5 vivants. 
Triforis isleanus, 2 individus dont 1 vivant. 
Triton (sp.)? 2 individus jeunes. 

Erycina alba, 14 individus vivants. 
Holothurie, À individu vivant. 

Annélides, 5 individus vivants. 

Polypiers (Turbinolides), 4 individus morts. 


avec quelques valves isolées de Venus antarctica, des fragments de 
balanes et des tubes de serpules. 

Ces polypiers, qui sont encore assez fréquents par les fonds de 50 
et 60 mètres, au-delà du banc Roûre, dans le Nord-Est, sont de petite 


à 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19 


taille et appartiennent à la famille des Turbinolides, dans laquelle ils 
devront constituer deux genres nouveaux se rapprochant, l’un des 
Turbinolia, l'autre des Desmophyllum, et comprenant chacun deux 
espèces. Le premier de ces deux genres présente cette particularité 
curieuse, que tous les individus se trouvent accouplés deux par deux, 
soudés base à base, dans l’une comme dans l’autre espèce. | 

Dans le Nord-Est, la portion de l’île que nous avons dit s’être 
affaissée sous les eaux par suite d’une grande faille, dirigée sensible- 
ment du nord-ouest au sud-est et dont la lèvre orientale, restée 
debout, forme maintenant les grandes falaises de l'entrée du cratère, 
donne lieu à un vaste plateau sous-marin, faiblement incliné, au-delà 
duquel les fonds tombent brusquement, comme autour des côtes 
ouest et sud. Une nappe assez épaisse de sables volcaniques fins 
recouvre cette surface et abrite toute une petite faunule de Gastéro- 
podes et d’Acéphales, dont les dimensions sont tout à fait réduites et 
qui souvent sont en nombre prodigieux. M. Rochefort, à l’aide des 
officiers de la Dives, a complétement exploré cette région en y effec- 
tuant de nombreux draguages, surtout vers le banc Roüre, où elle 
paraît le plus riche. 

C’eût été un travail considérable que de tirer à la loupe, au milieu de 
sables ramenés par la drague, les petites coquilles, les foraminifères 
nombreux qui s’y trouvaient en proportions variables. Mais en soumet- 
tant chaque échantillon de ces sables, provenant d’une profondeur dé- 
terminée, à l’action d’un électro-aimant puissant, mis en marche par 
6 grands éléments de Bunsen, qui s'emparait immédiatement de toutes 
les particules ferrugineuses attirables, fragments de roches volcani- 
ques, pyroxène, péridot, etc., il devint facile d’en séparer tous les dé- 
bris de corps organisés, qui restaient comme résidu après chaque trai- 
tement avec quelques fragments incolores de feldspath. Je signale cette 
application d’un procédé ingénieux imaginé par M. Fouqué, profes- 
seur au Collége de France, pour l'analyse médiate des roches ‘, parce 
qu'il m'a permis d'obtenir d’une façon complète toutes les petites 
espèces rapportées par chaque coup de drague ? et de déterminer ainsi 
avec une grande exactitude leur répartition suivant la profondeur. 


1 Fououé, Mémoires des savants étrangers. Acad. des sciences. 

2 Chaque échantillon de sable examiné était du volume de 500 centimètres cubes. 
La proportion des coquilles s’y élevait, surtout par les grands fonds, jusqu’à 
80 pour 100; mais dans quelques points peu rapprochés de la côte, elle descendait 
jusqu’à 1 + pour 100; enfin quelques coups de drague ne contenaient, par les 


80 CH. VÉLAIN. 


Dans toute cette étendue, qui figure un triangle dont la base 
aurait 5 000 mètres et la hauteur 2 000 mètres, on peut ainsi distin- 
guer, à partir de la zone littorale, quatre zones qui ont chacune leurs 
habitants propres et qui sont les suivantes : 

1° Zone des fonds de 40 à 25 mètres : Æissoa subtruncata, Lacuna 
Heberti, Venus antarctica ; 

2 Zone des fonds de 25 à 50 mètres : Lacuna parvula, Rissoa 
Lantzi, R. Cazini, Paludestrina Duperrei, Phasanella breuis, Schis- 
mope Mouchezi, Hochstetteria crenella, H. modolina. 

La Lutetina antarctica se trouve en égale abondance dans ces deux 
zones. 

3° Zone des fonds de 50 à 80 mètres : T'urbonilla scalaris, T. Perou, 
Magilina serpuliformis ; 

4° Zone de 80 à 100 mètres : 7riton...(?) Persicula Crosser, Triforis 
isleanus, Gadus Divx, Murex Hermanni, Lachesis Turquetr. 

L’ÆErycina veneris ‘se trouve à la fois dans les trois dernières zones. 

Autour de l’île Saint-Paul, aussi bien que dans son lac intérieur, 
l’Algue gigantesque, Macrocystis pyrifera, croît sur chaque roche de- 
puis le niveau de la basse mer jusque par les fonds de 60 mètres, où 
elle arrive encore à gagner la surface. Sur toute la côte ouest, par 
les fonds de 30 mètres, elle forme de véritables bancs sur une éten- 
due et une épaisseur considérables. Il se fait là, par cette puissante 
végétation sous-marine, des échanges gazeux considérables, l’eau se 
charge d'oxygène à ce point, qu’elle en contient 10, 12 et jusqu'à 
15 pour 100 en volume, aussi les animaux y pullulent de nouveau. 
Darwin, dans son voyage célèbre à bord du Zeagle!, cite sur ces 
mêmes algues, à la Terre de Feu, une prodigieuse quantité d’Asci- 
dies, de Mollusques nus ou testacés et de Zoophytes, qui couvrent 
les tiges et les feuilles ; ici, à vrai dire, rien de semblable : quelques 
Mollusques, des Rissoa fixés par un réseau de fils extrêmement ténus, 
des Bryozoaires, quelques Anatifes s'y rencontrent seuls, mais ces 
véritables forêts aquatiques abritent tout un monde de Crustacés, 
de Céphalopodes et de Poissons. Parmi les Céphalopodes, je dois 
citer, comme particulièrement abondants, deux espèces d'Ommas- 
trèphes, qu’on voyait de temps à autre s’élancer hors de l’eau, par 


fonds de 925 à 30 mètres, que huit à dix petites coquilles de 2 à 3 millimètres, 
il est bien évident que, sans l’électro-aimant, je n’aurais même pas pu soupçonner 
leur présence, 


! Voyage d'un naturaliste, p. 258. 


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LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 83 


troupes, comme autant de flèches ; ces animaux forment la nourri- 
ture habituelle des oiseaux, principalement celle des Manchots. 
Dans le cratère un Poulpe de petite taille, le Poulpe commun, Octo- 
pus vulgaris, dont l’aréa est ainsi très-étendue, n'est pas rare, Îles 
pêcheurs lui donnent le nom d’Owrite et s’en servent, de temps à 
autre, comme d'appât. 

Ces mêmes pêcheurs signalaient É AT presque tous les ans, 
au milieu des bancs de poissons, d’une Ourite gigantesque, dont les 
dimensions excédaient celle de leurs embarcations, et qui s’avançait 
en lançant hors de l’eau, jusqu’à une grande distance, deux longs 
bras garnis de ventouses ; ils en craignaient l'approche et rentraient à 
force de rames dans le cratère, dès qu'ils l’avaient aperçue. Nous 
n’ajoutions qu’une foi médiocre à leurs assertions, quand le 2 de 
novembre, à la suite d’un raz de marée d’une violence inouïe, un de 
ces céphalopodes monstrueux vint s’échouer à l'extrémité de la 
chaussée du Nord, 11 ne mesurait pas moins de 7,15 de l'extrémité 
du cornet à celle des bras tentaculaires. Son corps, qui commençait 
à se décomposer, n’était malheureusement plus en état d’être con- 
servé, et nous n’avons pu en détacher que les bras, la plume, le 
bulbe avec le bec. M. Cazin, vint immédiatement le photographier 
dans l’état où la mer l'avait jeté au milieu des galets ; c’est cette pho- 
tographie qui se trouve reproduite dans la figure ci-jointe (fig. 8). 

Dans un premier rapport, adressé à l’Académie des sciences !, aus- 
sitôt notre retour, j'avais mentionné ce grand céphalopode, en le 
rapportant au genre Architeuthis, de Steenstrup ?. Ses dimensions, ses 
ventouses circulaires, garnies d’un cercle corné finement denticulé, 
leur disposition sur les bras, semblait motiver ce rapprochement, 
mais certains autres caractères l’en éloignent; en particulier, la forme 
singulièrement écourtée des bras, qui paraissent tronqués brusque- 
ment au lieu de se terminer en une pointe effilée, comme dans tous 
les céphalopodes, ainsi que la terminaison inférieure, toute diffé- 
rente, de l’osselet dorsal. Il devra certainement constituer, parmi les 
ommastrèphes gigantesques, un genre nouveau que je m'empresse 
de dédier au commandant Mouchez, heureux de pouvoir ainsi 
attacher son nom à l’une de nos plus importantes découvertes. 

Les grands Cétacés sont aussi fort nombreux autour de l’île, et 


Compt. rend. hebd., t. LXXX, p. 1002 ; séance du 19 avril 1875. 
STEENSTRUP, Om colossale Cephalopoder, in Mém. Acad. Copenhague, 1877. 


1 
2 


84 CH. VÉLAIN. 


tous les ans, au printemps, des baleiniers américains descendent 
pour leur faire la chasse. D’après leur dire, deux espèces de baleines, 
la Baleine franche et la Baleine noire, avec des Cachalots, fréquente- 
raient ces parages, attirés par des bancs considérables de Ptéropodes 
et de Crustacés. Les Cachalots sont de beaucoup les plus fréquents, 
ils se montrent ordinairement deux par deux, et par groupes, tandis 
que les Baleines noires sont isolées et que les Baleines blanches arri- 
vent par petites troupes. 

Pendant notre traversée, c'est au-delà du tropique du Cairtatlés 
que nous avons commencé à rencontrer ces bandes de Cachalots, qui 
de loin se laissaient reconnaître aux gerbes d’eau lancées par leurs 
évents; ils nageaient droit, le corps à demi hors de l’eau, et plon- 
geaient rapidement, sans exécuter ces courbes gracieuses que déeri- 
vaient lentement les Baleines, qui parfois s’approchaïent aussi de 
nous, pour venir se jouer dans le sillage de la Dives. 

A Saint-Paul, je ne crois pas avoir fait une seule excursion sur les 
pentes extérieures du cratère, sans apercevoir au large quelques-uns 
de ces énormes animaux. Des Baleinoptères, bien reconnaissables à 
leurs allures vives, à leur taille ainsi qu’à leurs évents considérables, 
et surtout à leur grande nageoire dorsale, venaient encore souvent 
faire la chasse dans les bancs de poissons. Il en est une qui, pendant 
deux jours, se tint constamment à quelques encablures de la passe, 
se laissant porter par les lames presque jusque sur les galets, à ce 
point que nous pensions à chaque instant, et non sans effroi, qu’elle 
allait s’échouer sur l’une ou l’autre des deux jetées. Elle l'aurait 
presque entièrement couverte de son énorme masse et serait venue 
empester notre séjour déjà si peu favorisé. 

Plusieurs espèces d’Otaries, avec des Phoques, se voyaient autrefois 
à Saint-Paul en troupeaux innombrables : tous les témoignages des 
anciens navigateurs s'accordent pour affirmer le fait. Ainsi, en 1696, 
van Vlaming, le premier, avons-nous dit, qui ait mis le pied sur 
l'ile, trouve la jetée couverte de ces animaux et remarque, au mi- 
lieu d'eux, un animal de grande taille (20 pieds de long) pourvu 
d'une crinière, qu'il désigne sous le nom de Zion marin. En 1754, le 
Hollandais Godlob Silo est, de même, obligé de se frayer un passage 
à travers les loups marins, pour arriver jusqu’au cratère. Non-seule- 
ment ils envahissaient le bord de la mer, mais ils occupaient encore 
toute l’île jusqu’à une assez grande hauteur, car le même navigateur 
les cite tout aussi nombreux, jusqu'à près de 400 mètres d’altitude. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 85 


En faisant l’ascension de la grande falaise qui domine la jetée du 
Nord, il les retrouve, par exemple, blottis dans les herbes, jusque 
sur le plateau occupé aujourd’hui par les Manchots. Des navires des- 
cendaient alors de Chine, où leur fourrure était très-estimée, pour 
leur faire la chasse, et c'est par centaines que se compte le nombre 
des victimes qui tombèrent chaque jour pendant les années qui sui- 
virent. 

C'est ainsi que le capitaine Peron, en 1799, trouva devant Saint-Paul 
un bâtiment le Voo/ka, qui venait de Canton pour reprendre sept hom- 
mes occupés depuis dix-septmois à faire une cargaison de ces peaux, et 
lui-même, pendant le séjour forcé qu'il fut obligé de faire sur liîle 
avec quatre matelots, n'eut d'autre ressource que de se livrer à cette 
chasse. En février 1793, quand les vaisseaux le Lion et l’Hindoustan, 
qui portaient en Chine l'ambassadeur anglais, lord Macartney, vin- 
rent mouiller près du Nine-Pin, ils avaient déjà préparé près de 
8000 peaux. Peron n'eut pas à se louer de la visite des bâtiments 
anglais; pendant qu’il conduisait dans l’île lord Macartney et les 
officiers de sa suite, son magasin était pillé, bouleversé, et l'équipage 
du Zion lui enlevait une partie du produit de sa chasse. 

Il nous a laissé, dans ses Mémoires, d'intéressants détails sur les 
mœurs de ces animaux, au milieu desquels il fut obligé de vivre pen- 
dant plus de trois ans. «On n'en voit presque pas, nous dit-il, pen- 
dant les mois de septembre et de novembre; ils commencent à se 
montrer en décembre et dans les mois suivants ils arrivent plus 
nombreux. Ils abordent alors au rivage, en grandes troupes, souvent 
par centaines, quelquefois en nombre moindre et même un à un... 

« L'instinct de la reproduction et le besoin de la mue sont les mo- 
tifs qui expliquent l’arrivée, à époques fixes, de ces monstres à l’île 
Saint-Paul. La mue est pour eux une crise violente; plusieurs n’y 
résistent qu'avec peine, et surtout les gros mâles, qui, pendant toute 
sa durée, se retirent dans les cavités des rochers; ils n’en sortent 
même pas pour aller à la mer, à moins qu'il n'y ait nécessité pour 
eux de se soustraire à un danger imminent... Les femelles sont vivi- 
pares ; elles portent onze mois et mettent bas ordinairement dans les 
mois de mars et d'avril ; elles ne font qu'un petit. » 

Après avoir longuement mentionné la tendresse de ces animaux 
pour leurs petits, Peron continue : « Les femelles ne quittent l’île 
que lorsque les petits ont assez de force pour les suivre dans de nou- 
veaux parages; leur émigration a lieu au mois d'août, et même elle 


86 CH. VÉLAIN. 


aurait lieu plus tard, si elles n'étaient harcelées par les chasseurs, 
qui préfèrent leur fourrure à celle des mâles. Les petits ne vont à 
l’eau que vers l’âge de deux mois ; pour leur début ils choisissent les 
lieux où la mer ne porte que l'extrémité de ses vagues ; ils s’avancent 
peu à peu et finissent par s’aventurer davantage. À quatre ou cinq 
mois, ils ne le cèdent à leurs parents ni en adresse ni en courage, 
et entreprennent gaiement avec eux le grand voyage vers des con- 
trées lointaines... Les gros mâles ont généralement 7 pieds de 
largeur, les femelles ont de 4 à 5 pieds ; la couleur des uns et 
des autres est d'un gris plus ou moins clair, lorsqu'ils ont plus 
d'un an. La couleur des petits est d’un beau noir d’ébène. » La des- 
cription et le dessin qu'il donne ensuite d’un éléphant de mer, dont 
la taille atteindrait en moyenne 18 pieds de long, se rapportent, 
sans aucun doute, à ce phoque à trompe ou à museau ridé, dont 
Cuvier fit! autrefois le type du genre Macrorhinus?. Enfin, sous le 
nom de 7gre de mer, il indique encore un véritable Phoque, de la 
taille des plus gros Otaries (Sfenorhynque leplonix), et dont la peau, 
dit-il, n'a d'autre mérite que celui d’être tachetée de brun et de noir 
sur un fond blanc. 

Aujourd'hui tous ces animaux, traqués par les pêcheurs, ont aban- 
donné l'île. 

Les Lions marins (Arctocephalus Hookeri), les Eléphants de mer (Ha- 
crorhinus?) et les Phoques, ne se voient plus que d’une facon tout à fait 
exceptionnelle et se tiennent toujours prudemment au large ; ils ne 
dépassent guère les bancs épais de Macrocystis, sur lesquels ils ai- 
ment à se reposer. Un Otarie de taille médiocre (Ofaria Forsteri) per- 
siste seul à se montrer au milieu des brisants, sur la côte extérieure, 
_par petits groupes de cinq ou six, mais ne pénètre plus jamais dans 
le cratère. Ces animaux, autrefois si confiants, sont devenus très- 
craintifs et n’accostent sur les galets qu'après mille précautions, 
C'est le matin qu'ils s’approchent du rivage pour venir s’y reposer; 
les pêcheurs qui les guettent, se tiennent blottis au haut des falaises 
et se cachent avec soin, car ils savent que les Loups marins, dont la 
vue est très-subtile, inspectent longtemps les falaises avant d’atterrir, 


1 F, Cuvier, Dicl., t. XXIX, p. 552. 

? C’est encore à cet Eléphant marin qu’il faut rapporter la grande espèce vue par 
Mortimer et Cox, sur Saint-Paul, en 1791 (Obs. and Rem. during a Voy. to the Isl. of 
Amslerdam, etc., 1791, p. 11), et que Desmarest a décrite sous le nom de Phoca 
Coæxii (Nouv. Dict. d'hist. nat., 2e édition). 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 87 
et qu’ils reprennent le large pour plusieurs jours dès qu'ils soup- 
connent le moindre danger. Une fois sur les galets, ils prennent 
leurs ébats, mais toujours d’un air inquiet, et finissent par s'endor- 
mir ; la difficulté est alors de les surprendre, c’est-à-dire de venir se 
placer entre eux et la mer, pour les frapper avant qu'ils se soient 
réveillés. | 

Les Otaries sont très-courageux : surpris, ils essayent de se dé- 
fendre en se dressant de toute leur hauteur d’un air menaçant et se 
jettent sur le chasseur, qui peut être grièvement blessé, s’il n’a pas 
assez d'adresse pour les éviter ou pour les frapper. Un seul coup de 
bâton, bien appliqué sur la tête ou même sur le museau, suffit alors 
pour les étourdir, et même pour les abattre. 


Les Poissons fourmillent sur les côtes de l’île Saint-Paul ; presque 
tous les ans la pêche s’y fait par un certain nombre de petites goë- 
lettes de 50 à 80 tonneaux, qui descendent en novembre des îles 
Mascareignes, de Maurice et surtout de la Réunion, et reviennent en 
février avec les alizés du sud-est. Ils sont, les uns sédentaires, les 
autres errants ou seulement de passage, c’est-à-dire que certaines 
espèces séjournent dans ces parages, tandis que d’autres n’y arrivent 
qu'à des époques déterminées. Tous vivent en troupes nombreuses, 
non point isolés, mais par bancs, et sont pour le pêcheur d’une cap- 
ture facile. 

Trois espèces bien distinctes forment à elles seules le fond de cette 
pêche. La première, Cherlodactylus fascialus, est de beaucoup la plus 
abondante ; elle ne s'approche des côtes que pendant la saison 
chaude de novembre, en mars ou avril, et disparaît, soit qu’elle 
s'éloigne, soit qu'elle s'enfonce dans les profondeurs tout le reste 
de l’année. Cette espèce se tient très-près de la surface, elle flotte, 
disent les pêcheurs; souvent, en effet, par les temps calmes elle laisse 
dépasser son corps à demi hors de l’eau ; d’autres fois elle s’élance 
et saute à la manière des Bonites; c’est un joli poisson, long de 
90 à 75 centimètres en moyenne, d'une forme svelte et élégante. 
Quand il vient d'être pris, sa robe sur un fond gris-verdâtre est 
marquée sur les flancs de bandes longitudinales, alternativement 
noirâtres, jaunes et bleu-clair. Ces couleurs, dont la disposition et 
l'intensité varient extrêmement, s’effacent pour ainsi dire de suite 
sous l'influence de la lumière et surtout de la sécheresse. Une heure 
après la sortie de l’eau, elles ont disparu presque entièrement et 


88 CH. VÉLAIN. 


le poisson ne paraît plus revêtu que d’une teinte d’un gris de fer 
uniforme. 

Cette. espèce très-vorace, très-vive, mord avec avidité à toute 
espèce d’appât. Elle fournit une huile abondante, que les pêcheurs 
estiment beaucoup et dont ils se servent pour la cuisine. 

La seconde, Latris hecateia, qui est la plus grosse, car il n’est pas 
rare d’en rencontrer du poids de 120 livres, accompagne la précé- 
dente, c’est-à-dire qu’on peut la prendre dans les mêmes points; 
mais elle se tient toujours dans les profondeurs, où elle se nourrit 
principalement de mollusques (Céphalopodes) et de crustacés (Lan- 
goustes). Elle est d’une coloration grise assez uniforme; les pêcheurs 
lui donnent le nom de Cabot ou celui de Porsson de fond. 

Enfin la troisième, Wendosoma elongatum, beaucoup plus petite et 
moins abondante que les deux premières, se désigne sous le nom de 
Poisson bleu. 

Parmi les poissons qui vivent stationnaires au fond de la mer, il 
faut encore citer là une sorte de Zazard d’une belle couleur azurée, 
dont le corps argenté peut atteindre jusqu’à 4 mètre de long. Celui-là 
est peu estimé à cause de sa chair sèche et peu savoureuse. 

Enfin plusieurs Squales et notamment lAcanthias vulgaris, qui se 
trouve dans toutes les mers, sont là encore fort répandus et redoutés 
des pêcheurs, car ils coupent leurs lignes ". 

À Saint-Paul, les goëlettes de pêche entrent dans le cratère en 
franchissant la passe avec la marée, et viennent s’amarrer à quai, 
contre les falaises, dans l'Ouest. Tout l'équipage, qui se compose gé- 
néralement de quatre à cinq matelots et d'une quinzaine de pêcheurs, 
nègres ou créoles, est alors débarqué et s’installe dans des cabanes, 
sur le revers nord de la baie. 

La pêche se fait le matin, de six à onze heures généralement, à 
l’aide d’embarcations non pontées, de petites chaloupes ou de balei- 
nières, montées par cinq ou sept hommes, qui sont armés chacun de 
plusieurs lignes de main. Trois à quatre heures suffisent ainsi pour 
que ces embarcations, quand le poisson donne bien, reviennent char- 
gées à couler bas. La voracité du poisson rend le choix de l’appât 
peu important ; au départ, chaque patron d’embarcation prend sur le 
littoral quelques Langoustes qui serviront comme telles, des Poulpes, 


1 Ces Squales atteignent une taille considérable, il en est un dans l'estomac du- 
quel les pêcheurs trouvèrent deux Manchots. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 89 


s’il s'en trouve sous sa main ; puis, quand cette provision est épuisée, 
un Poisson bleu, ou tout autre, coupé par morceaux, remplit le 
même office. 

Les embarcations se rendent sur les bancs, qui sont faciles à re- 
connaître, puisque le poisson flotte. Elles sont mouillées, soit avec 
un grappin, soit à l’aide d'une simple pierre, et les pêcheurs jettent 
leurs lignes à l’eau : ces lignes sont faites d’une forte corde, armée 
de trois grands hameçons assez espacés et munis d'un plomb pesant 
de 200 à 300 grammes. Chaque homme, indépendamment de celles de 
rechange, est muni de trois de ces lignes, dont l’une se tient à la 
main, tandis que les autres sont amarrées au genou. Il est constam- 
ment occupé à les retirer pour en détacher le poisson, à les amorcer, 
et à les jeter de nouveau. Gette pêche est ainsi très-expéditive. 

Au retour des embarcations, le poisson est immédiatement compté 
et porté à terre, où on le prépare en détachant d’abord la langue, qui 
se met à part, puis en coupant la tête, qui se rejette à la mer. On le 
porte ensuite sur de grandes tables, dressées devant les hangars qui 
servent de saleries, et là on le désosse, c’est-à-dire qu’on le fend en 
deux de la tête à la queue, pour lui retirer la colonne vertébrale et 
les viscères. Ces derniers sont encore mis de côté, plus tard on en 
détache le foie avec d'énormes paquets de graisse! pour en retirer 
une huile blanche qui sert pour l’éclairage. Le poisson ainsi préparé 
est soigneusement frotté de sel?, puis rangé en piles dans les saleries 
sur un plancher garni de paille ; chaque lit de poisson alterne avec 
une épaisse couche de sel. Les tas ont en général 1",50 de large, 
2 mètres de haut et courent tout le long des parois du hangar. 

Après l’avoir laissé ainsi dégorger pendant huit ou dix jours, on le 
change de sel, c’est-à-dire qu’on le place sur une nouvelle pile, en le 
séparant par de nouvelles couches alternatives de sel. Puis, quand on 
le juge suffisamment imprégné, on le porte sur l’une ou l’autre des 
deux jetées pour le laver à la mer et le faire sécher, en l’étendant 
sur les galets pendant plusieurs jours de suite. C’est après cette der- 
nière opération, qui demande beaucoup de soin et une grande sur- 
veillance, car il faut à chaque instant retourner les poissons et les 
couvrir, ou même les reméttre en pile si le soleil est trop ardent, 


1 Cette graisse, adhérente aux entrailles et surtout aux parois de l'estomac, est 
surtout développée dans le Cheilodactylus. 

? Les gros cabots sont découpés par morceaux, et de larges incisions sont encore 
pratiquées dans ceux qui sont particulièrement gras. 


90 CH, VÉLAIN. 


qu’on les embarque en les tassant à fond de cale et en les recouvrant 
de sel. 

L'évaluation exacte du produit de cette pêche par année n’est 
guère possible, à cause de l'irrégularité du nombre des bâtiments qui 
y sont employés; tout ce qu’on peut dire, c’est qu'une goëlette ar- 
mée de vingt hommes, avec quatre embarcations, peut faire son 
chargement en deux mois; elle embarque alors, en moyenne, 
20 000 poissons. 

Les poissons cités plus haut, qui font l'objet principal de cette 
pêche, ne sont pas les seuls qui se foient autour de l'ile. Dans les 
grandes prairies d'algues de la côte ouest, en particulier, les espèces 
sont assez nombreuses; on en rémarque en outre quelques autres, 
dans l’intérieur du cratère, qui sont spéciales et viennent accentuer 
encore les différences que nous avons déjà signalées entre la faune 
de ce bassin et celle de l'extérieur. 

Tels sont, par exemple, ces beaux Labrichtys, L. Lantzu et L,. islea- 
nus, aux Couleurs vives, décrits tout récemment par M. Sauvage‘. 
D’après les collections envoyées au Muséum par M. Lantz, et qui, 
pour lui, seraient représentatifs d'espèces du sud de la Nouvelle-Hol- 
lande, avec deux poissons côtiers, particulièrement intéressants, Zo- 
vichtys psychrolutes et Motella capensis, qui tous deux appartiennent 
à des formes essentiellement caractéristiques des régions froides et 
proviennent du Cap de Bonne-Espérance. 


Lite) 


IV. L'ILE AMSTERDAM. 


Los 


Après deux mois de coups de vent et de mauvais temps continuels, 
le ciel s'était montré un jour clément. Le 9 décembre, dans la mati- 
née, au moment où le passage de Vénus sur le soleil allait avoir lieu, 
une des plus violentes tempêtes que nous ayons jamais essuyées et 
qui durait depuis deux jours, cessait tout à coup ses fureurs : le 
rideau de nuages épais, chargés de pluie et de grêle, qui nous mas- 
quait l'horizon, se déchirant comme par enchantement, le soleil ap- 
paraissait radieux. Le phénomène, alors que tout paraissait compro- 
mis et que nous n'avions plus conservé la moindre lueur d'espoir, 
put donc être suivi dans toutes ses phases, grâce à cette accalmie 
providentielle qui n’eût que bien juste la durée nécessaire, car la 


1 Compt. rend. hebd., t. LXXXI, p. 989, 1871. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 91 


dernière observation était à peine faite que le ciel se couvrait de 
nouveau : la tempête, loin d'être terminée, n'avait été que suspendue 
pendant les cinq heures du passage, elle devait encore se prolonger 
pendant trente-six heures. 

Notre commandant, en présence d’un pareil succès, qui venait le 
récompenser de tant de peines et de fatigues, d’une facon inespérée, 


FiG. 9. — L'ile Amsterdam au sud quart sud-ouest à 2 milles de terre. 


voulut encore rester un mois sur l'ile pour attendre une lunaison et 
compléter les observations qui lui étaient nécessaires pour obtenir 
de la longitude une détermination rigoureusement exacte. C'est alors 
qu'il nous fut possible de partir pour l'île Amsterdam, M. de lIsle, 
M. Lantz et moi, avec deux matelots, sur une petite goëlette de pêche, 
le Fernand, commandée par un capitaine de la marine marchande, 
M. Hermann, qui était venu faire la pêche à Saint-Paul, et qui s’of- 
frit pour nous porter sur l’île; nous emportions quinze jours de 
vivres, et la Dives devait venir nous chercher vers la fin du mois. 
L'ile Amsterdam est située à 42 milles dans le nord-ouest de Saint- 
Paul : notre traversée, qui ne devait être que de quelques heures, 
dura quatre jours. Ce furent des journées terribles. A peine étions- 
nous hors de vue de Saint-Paul, qu'une tempête se déchaînait sur 
nous, et notre frêle esquif, prenant la cape, devenait le jouet des 
vagues. Le coup de vent fut de courte durée, il fit place à une légère 
brise du nord, insuffisante pour gonfler les voiles, qui battaient le 
long des mâts; mais la mer était encore démontée, et la goëlette, 
n'étant pas appuyée, flottait comme un bouchon, La brise elle-même 
vint à céder, et nous restâmes enveloppés dans des bancs de brume 


92 CH. VÉLAIN. 


si épais, qu'il devint impossible de faire le point et de savoir où nous 
avait portés la tempête. Notre petit bâtiment, balancé par une longue 
houle, était donc entraîné par les courants, quand, dans la matinée 
du 13, notre attention fut éveillée par un bruit singulier : celui de la 
mer déferlant à peu de distance; à n’en pas douter, nous marchions 
vers des brisants. Fort heureusement, alors que notre inquiétude 
était à son comble, une petite brise de terre vint déchirer le manteau 
de brumes qui nous enveloppait, et qui, se retirant comme un ri- 
deau, nous laissa voir à quelque cents mètres de nous les hautes et 
sombres falaises de la côte ouest d'Amsterdam. Quelques minutes 
plus tard et c'en était fait de nous! La goëlette se couvrit de toile et 
mit tout un jour à faire le tour complet de l’île pour trouver un 
mouillage. Enfin le 16, vers quatre heures du matin, une embarca- 
tion nous mettait à terre dans le Nord, sur une pointe de laves que 
couvraient de nombreux otaries, au milieu desquels il fallut nous 
frayer un passage à coups de bâton. 

Amsterdam est, comme Saint-Paul, d’origine absolument volca- 
nique, mais sa forme est toute différente. C’est une terre haute, pré- 
sentant dans l’ouest des falaises verticales de 500 à 600 mètres, 
tandis qu’elle s’infléchit au contraire vers l’est sous une pente peu 
rapide. Sa base dessine un rectangle dont toutes les pointes seraient 
émoussées, sauf celle du nord-ouest, dite de la Recherche, qui se com- 
pose de coulées de laves compactes, disposées en gradins successifs. 
Dans l’ouest, un éboulement a séparé de l’île un rocher abrupt, 
formé de grandes colonnades basaltiques : ce roc, le d'Entrecasteaux, 
encore relié à la côte par une langue de terre peu élevée, circonscrit 
une petite crique dont l’accès est malheureusement défendu par des 
lignes de brisants qui s'étendent assez loin au large. 

Des falaises à pic, hautes souvent de plus de 100 mètres, règnent 
tout autour de l'île; ces falaises, formées de laves basaltiques alter- 
nant avec des scories, la rendraient complétement inaccessible, si 
elles ne s’abaïissaient sensiblement dans le Nord-Est, sur un espace de 
300 à 400 mètres; une des dernières coulées, s'étendant de 15 à 
20 mètres en mer et ne s’élevant guère que de 4 à 2 mètres au-dessus 
de l’eau, constitue une sorte de jetée naturelle, dont les embarca- 
tions peuvent s'approcher par les temps calmes. C'est là qu'il nous 
fut facile de sauter à terre et de pénétrer dans l’intérieur. 

Amsterdam peut avoir cinq fois l’étendue de Saint-Paul; sa hau- 
teur est en même temps plus considérable et doit atteindre près de 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 93 


900 mètres ; par les temps clairs on l’aperçoit de 20 lieues, au large, 
sous forme d’un tronc de cône dont un des angles de la base aurait 
été abattu. Son sol, extrèmement tourmenté, et surtout la végéta- 
tion épaisse qui le recouvre, sont autant d'obstacles sérieux qui ren- 
dent son exploration bien difficile. Depuis le sommet des falaises, 
c’est-à-dire depuis 30 mètres environ d'altitude jusqu’à plus de 
100 mètres, des Isolepis (Z. nodosa) atteignant parfois la hauteur d’un 
homme, et si serrés les uns contre les autres qu'on à peine à les 
écarter, forment, en effet, une large bande presque infranchissable. 
« La marche y est aussi difficile que dans la plus épaisse forêt vierge», 
nous dit M. de Hochstetter, qui ne put atteindre qu'avec peine un 
petit cône situé à 20 pas du point où il avait débarqué.—Il nous fallut 
tout un jour pour la traverser et pour gagner une deuxième zone de 
végétation composée de grandes fougères et de graminées, où se 
trouve surtout groupé par petits bouquets un arbre de la famille 
des Rhamnées, le Philica arborea, qui devait se trouver autrefois 
beaucoup plus abondant, mais que les pêcheurs et les marins ont 
en partie détruit, en mettant le feu sur l’île. Les traces de ces incen- 
dies, qui parfois ont embrasé toute l'île et se sont perpétués pen- 
dant plusieurs mois, alimentés par la nature tourbeuse du sous-sol, 
se voient surtout dans cette seconde zone; à chaque pas on y ren- 
contre des troncs carbonisés de Philica, qui souvent sont littérale- 
ment entassés les uns au-dessus des autres. 

Au delà, on ne rencontre plus dans les dépressions, dans les sillons 
des laves et souvent même jusque sur les pitons, que des Mousses, 
des Sphaignes avec des Lycopodes (Z. cernuum, L. trichiatum), el des 
Fougères variées ; une Rosacée (Ancistrum repens), avec une Fougère 
velue (Acrostichum succisæfolium), marquent le début de cette nou- 
velle zone. La végétation prend ensuite un caractère tout à fait tour- 
beux qu’elle conserve jusqu’au sommet. 

La flore d'Amsterdam, identique à celle de Saint-Paul dans les 
parties basses de l'île, devient ainsi toute différente et beaucoup plus 
variée à mesure qu'on s'élève. Avec un grand nombre d’espèces spé- 
ciales, elle présente un singulier mélange de plantes subtropicales, 
européennes et de la Terre de Feu. L’Ancistrum repens, par exemple, 
vient des Andes du Pérou, tandis qu’au contraire une Callitriche et 
une Renoncule, qui croissent au sommet, proviennent évidemment 
d'Europe. 

Dans toute la partie de l'Est, les pentes d'Amsterdam sont formées 


94 CH. VÉLAIN. 


de grandes coulées de laves poreuses, très-feldspathiques, qui se 
creusent de longues galeries, effondrées par places, et donnent lieu 
à une succession de cavernes profondes, des plus pittoresques, dont 
les voûtes peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres d’élévation. Ces 
grottes, ou mieux ces sortes de éunnels sous les laves, sont tapissées 
et souvent comblées par de grandes Fougères, Aspidium, Blechnum, 
Lomaria, 'Gleichenia, etc., qui croissent là dans une humidité entre- 
tenue constante par suite de l’infiltration des eaux pluviales à tra- 
vers les laves. Vers le sommet pourtant, cette végétation s’appauvrit, 
et dans le fond de ces cavernes on ne trouve plus guère que des Dia- 
_tomées, qui sont alors en nombre prodigieux : elles en tapissent les 
parois, remplissent toutes les anfractuosités et recouvrent le sol 
d’une couche de plus de 4 mètre d'épaisseur. 

Toute cette région se signale encore par de grandes fissures qui 
prennent la montagne en écharpe et sur lesquelles viennent s’étager 
des cônes de scories remarquablement bien conservés, d’où sont 
sorties des coulées de laves basiques, tordues et mouvementées, 
qui semblent consolidées de la veille. Ces coulées, que ne recouvre 
aucune végétation, facilitent beaucoup l'ascension ; malheureuse- 
ment elles ne sont jamais très-étendues. 

Toutes ces fentes si remarquables se traduisent, du large, par des 
lignes obscures se détachant en noir sur le ton plus clair de la végé- 
tation qui recouvre l'île, et semblent converger vers un cône de 
scories tout à fait remarquable, situé à 690 mètres d'altitude, qui 
termine presque régulièrement les pentes de la montagne et qu’on 
avait toujours pris jusqu'à présent pour le sommet de lile; c'est 
qu'on n’en avait pas encore fait l'ascension et que le sommet véri- 
table, presque toujours masqué par les nuages, ne peut que très- 
rarement s'apercevoir de la mer. 

Derrière ce cône, on remarque encore trois grandes chaussées 
basaltiques, qui donnent lieu à autant de plateaux marécageux, par- 
semés de petits lacs d’eau douce, supportant eux-mêmes de nou- 
veaux cônes de scories et creusés de vastes cratères d’explosion; 
un de ces cratères, découpé dans le sol comme à l’emporte-pièce, 
véritable précipice béant large de 300 mètres, profond de plus de 100, 
faillit nous être fatal, à M. Turquet! et à moi, dans une première 


1 M. Turquet, qui devait dresser la carte de l’île, tandis que nous l’explorions, 
avait été amené par la Dives le 20 décembre. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 95 


ascension faite avec M. de l'Isle, le 22 décembre; des bancs de 
brumes tellement épais, que nous ne pouvions distinguer qu'avec 
peine le sol tourbeux dans lequel nous enfoncions jusqu’au genou, 
un vent d’une violence telle, que même à quelques pas de distance 
nous ne pouvions nous appeler, mirent alors sérieusement nos 
jours en danger. Ces plateaux, dont l'altitude varie entre 720 et 
138 mètres et qui peuvent avoir 1200 mètres de large sur 1 500 à 
1 800 de long, sont dominés au sud et à l’ouest par les restes d’un 
vaste cratère central, qui devait autrefois couronner l’île et dont les 
portions restées debout en forment maintenant les points les plus 
élevés. J’ai laissé le nom du Fernand à celui de ces deux sommets 
(829 mètres) situé le plus à l’ouest et celui de /a Dives au second, qui 
se trouve être le plus élevé (910 mètres). 

C’est aux incendies dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui sont mal- 
heureusement trop fréquents, qu’on doit rapporter ces flammes et 
ces colonnes de fumée, qui, vues de loin par les navigateurs et signa- 
lées par eux comme des feux de volcan, firent croire un instant 
que l’île était encore actuellement en pleine activité volcanique . 
En réalité tous les volcans, tous les cratères qui la constituent 
sont depuis longtemps complétement éteints; nulle part nous n’y 
avons même trouvé traces de ces fumerolles et de ces phénomènes 
volcaniques qui sont encore si manifestes à Saint-Paul. Je suis 
cependant porté à croire cette île plus récente que sa voisine; 
les éruptions de tufs ponceux et le massif rhyolithique de cette der- 
nière l’avaient déjà fait émerger, quand les laves basaltiques d’Am- 
sterdam sont apparues *. 

Malgré leur proximité, ces deux îles sont, au point de vue géolo- 
gique, aussi différentes que possible ; elles appartiennent à deux 
foyers éruptifs complétement distincts, qui ont fonctionné isolé- 
ment, et ne se sont jamais trouvées réunies. C’est là ce qui explique 
les différences que présentent leurs flores. 

La faune terrestre d'Amsterdam paraît être moins pauvre que celle 
de Saint-Paul. Les mêmes troupeaux de Chèvres s’y rencontrent, dans 


1 Le professeur Fuchs, par exemple, dans son Traité classique sur les volcans, cite 
l’île Amsterdam parmi les volcans actuels. 

? Toute faune ancienne y fait également absolument défaut ; les tourbes épaisses 
qui recouvrent les laves soit à la surface, soit dans les cavernes, ne contiennent, en 
effet, que des ossements d'oiseaux appartenant tous à des espèces actuelles: ceux 
du Stercoraire sont particulièrement abondants. 


£6 CH. VÉLAIN. 


le Sud, vers la pointe Vlaming, et dans le Nord-Ouest, vers celle de 
la Recherche, moins nombreux cependant; mais, par une sorte de 
compensation, quelques Porcs et deux ou trois Bœufs se tiennent 
dans les petits bois de Philica, sur le revers oriental de l’île. Ces 
derniers, en souvenir de l’étable sans doute, ont élu domicile dans 
une grande hutte en assez bon état, dressée par les pêcheurs dans le 
Nord, à quelque cent mètres du point où l’on débarque. 

Les mêmes espèces d'oiseaux pélagiens, à l'exception peut-être 
du Prion, viennent également y chercher un refuge, surtout dans 
l'ouest, vers la pointe d'Entrecasteaux, dans tous les points en un 
mot où les falaises sont inaccessibles. Les Manchots, les grands Alba- 
tros et les Malamochs se trouvent là en nombre prodigieux et se réu- 
nissent par troupes de plusieurs milliers. De son côté, le Stercoraire 
n'est pas moins abondant ; on le voit partout, isolé ou par couples, 
depuis le littoral jusque sur les hauts plateaux. 

Quelques insectes, des Hémiptères,.….….. se tiennent au milieu des 
herbes. Enfin une petite espèce d’'Hélice, appartenant à ces formes 
insulaires, minces et fragiles, qui se trouvent dans toutes les îles vol- 
caniques, vit dans les falaises, sur les mousses, le long des petites 
sources qui en découlent. J'ai tout lieu de soupconner qu’il existe 
aussi sur l’île un petit mammifère de la taille et de la forme d’une 
Belette. Je crois l'avoir vu; mais, dans tous les cas, ses traces sont 
incontestables : de petits couloirs pratiqués sous les herbes, et de 
nombreuses déjections, indiquent la présence d'un petit rongeur 
insectivore. On en trouve encore la preuve dans le journal de Vla- 
ming, qui dit, en parlant d'Amsterdam, que ses matelots y prirent 
une petite Belette et deux Ziévres gris. 

Quant à la faune marine, elle se trouve identique, et cela se con- 
coit, avec celle que nous avons signalée dans les eaux qui entourent 
l'île Saint-Paul. Dans les grandes prairies de Macrocystis, qui se 
retrouvent sur la côte nord et dans l'Ouest, les poissons sont encore 
en abondance extrême ; ils appartiennent aux mêmes espèces que 
précédemment, et les pêcheurs estiment qu’à l’aide des moyens que 
nous avons indiqués, huit hommes de bonne volonté peuvent en 
prendre, dans une journée, le chargement d’un bâtiment de 10 ton- 
neaux. 

J'ai déjà dit qu’en débarquant, des Otaries couvraient tout le lit- 
toral : ces animaux, traqués à Saint-Paul, se réfugient maintenant 
sur Amsterdam, où l’on vient moinsles déranger à cause de son accès 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 97 


difficile. Quatre pêcheurs, laissés en même temps que nous sur l'ile 
par le capitaine Hermann, pour leur faire la chasse et préparer quel- 
ques peaux, pouvaient se procurer quinze à vingt de ces animaux 
par jour, sur les petites plages de galets qui se trouvent directement 
en face de la hutte dans le nord. Ils appartiennent tous à l'espèce de 
Saint-Paul ; une espèce de plus grande taille, probablement lArcto- 
cephalus Hookeri, vient souvent se jouer dans les brisants, mais nous 
ne l’avons jamais vu atterrir. | 

La faune de la zone littorale est identique à celle de l’île Saint-Paul ; 
les conditions, du reste, sont là les mêmes. Certaines espèces parais- 
sent seulement plus nombreuses et souvent plus fortes : ainsi les Ra- 
nelles et le Purpura Dumast sont certainement beaucoup plus abon- 
dants. La petite Marinule, AZ. nigra, y atteint une grande taille et se 
trouve accompagnée d’une espèce plus petite, A. Maindronti, qui 
paraît spéciale. Enfin, dans les sables entre les galets, de nombreuses 
petites coquilles rejetées par la mer indiquent que dans les profon- 
deurs, on retrouve la plupart des petites espèces dont j'ai signalé la 
répartition dans les fonds de 10 à 90 mètres, autour de l’île Saint-Paul. 

Notre séjour sur cette île, si intéressante à tous égards, fut malheu- 
reusement trop court pour que nous ayons pu la parcourir dans toute 
son étendue. Nous n'avons en réalité exploré que son revers oriental, 
de la pointe Vlaming à la pointe Goodenough, soit les deux tiers de 
sa surface. | 

Le 4 janvier, après avoir quitté l’île Saint-Paul, la Dives vint de 
nouveau Jeter l'ancre devant Amsterdam. Le commandant désirait y 
faire quelques sondages, en dresser la carte et nous débarquer de 
nouveau, afin que nous puissions compléter nos observations. Nous 
étions plus nombreux cette fois, car M. Rochefort, qui n'avait pu nous 
accompagner à notre premier voyage, par suite des exigences de son 
service, était descendu à terre avec nous. Mais la pluie et le mauvais 
temps se mirent de la partie et nous tinrent enfermés pendant trois 
jours consécutifs dans une caverne humide et froide, creusée sous les 
laves. Désespéré d'attendre une éclaircie, que rien ne faisait pres- 
sentir, et ne pouvant d’ailleurs retarder davantage l’époque du retour, 
le commandant fut alors obligé de donner le signal du départ défi- 
nitif. Dans la matinée du 8, la Dives levait l'ancre et bientôt nous 
perdions l’île de vue, en lui jetant, avec regret, un dernier adieu. 


———— 2 "mm, 


ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, = T, vi, 1877, 7 


DESCRIPTION DES MOLLUSQUES 


I. GASTÉROPODES. 


GENRE ROSTELLARIA, LAMARCK,. 
4. Rostellaria (sp. ind.) 


Dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, nous avons trouvé, 
au niveau des plus basses eaux, sous les algues et surtout à la surface, 
des Bryozoaires, de très-jeunes individus appartenant au genre Ros- 
tellaire ; malheureusement nous n'avons jamais pu nous procurer 
cette espèce à l’état adulte, de telle sorte qu’il est impossible de l’in- 
diquer autrement que d’une facon générique. Tous les exemplaires 
recueillis ont au plus 2 millimètres et demi de long sur 4 millimètre 
de large ; ils possèdent quatre à cinq tours de spire : les deux pre- 
miers embryonnaires, lisses et arrondis, les suivants plus allongés, 
marqués de côtes longitudinales nombreuses et fortes. Les carac- 
tères du genre sont déjà bien indiqués. 


GENRE MUREX, LINNÉ. 


9, Murex Duthiersi, C. V., pl. IL, fig. 4-2. — Comptes rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille médiocrement épaisse, assez allongée, fusiforme, de cou- 
leur grise. Spire composée de cinq à six tours anguleux et carénés : 
les trois premiers embryonnaires, lisses et étroits, le quatrième et le 
cinquième : 4° présentant à leur partie supérieure des côtes transver- 
sales (au nombre de huit ou neuf par tour), saillantes, assez épaisses 
et croisées par deux côtes longitudinales assez fortes, entre lesquelles 
se montre une troisième côte un peu plus faible ; 2 ne portant plus 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 99 


à ieur base, qui fait un angle assez prononcé avec la partie supé- 
rieure, que des stries transversales d’accroissement très-fines. Der- 
nier tour très-grand, et présentant, au-dessus des côtes longitudinales 
déjà indiquées sur les autres tours, huit ou neuf côtes longitudinales 
alternativement plus fortes et plus faibles, tendant à devenir plus 
larges et plus espacées, en même temps que plus effacées en se rap- 
prochant de la partie supérieure du canal. Péristome mince, assez 
tranchant. Canal assez étroit et court. Bord columellaire presque 
droit. 

Hauteur : 8 millimètres ; diamètre : 4 millimètres et demi. 

Habitat. — Te Saint-Paul. Sous les pierres, sur le littoral du cra- 
tère à mer basse, assez rare. Un peu plus abondant à l'extrémité de 
la jetée du Nord. 

Observations. — Cette petite espèce appartient à cette section des 
Murex qui ne présentent des côtes transverses que sur la partie supé- 
rieure des tours de spire. En la dédiant à M. H. de Lacaze-Duthiers, 
j'ai voulu rendre hommage au talent et à la science élevée du savant 
professeur à qui on doit de si nombreux et si excellents travaux sur 
les mollusques. 


3. Murex Hermani, C. V., pl. IT, fig. 3-4. — Comptes rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquiile d’un blanc mat, assez épaisse, subfusiforme, plus courte 
que la précédente ; spire composée de six tours; les trois premiers, 
embryonnaires et lisses, les trois derniers, subanguleux, présentant : 
1° des côtes transversales espacées, assez épaisses, descendant jus- 
qu’à la suture, devenant anguleuses à leur partie inférieure ; 2° des 
sillons longitudinaux bien indiqués et ne paraissant pas franchir les 
côtes transversales; vers la partie supérieure du dernier tour, les 
côtes transverses s’atténuent et tendent à disparaître complétement; 
ouverture subpyriforme ; canal court et étroit ; bord libre épaissi et 
présentant à l'intérieur cinq ou six petites denticulations un peu 
allongées. 

Hauteur : 62,75; diamètre : 4 millimètres. 

Habitat. — Entre les îles Saint-Paul et Amsterdam, en abondance 
à la profondeur de 80 mètres. 

Observations. — Cette petite espèce diffère essentiellement de la 
précédente, et se distingue encore nettement de ses congénères par 


100 CH. VÉLAIN. 


la disposition des denticulations de son bord libre. Dans les dragua- 
ges faits entre les deux îles, nous en avons recueilli, à la profondeur 
indiquée, huit individus vivants, avec un grand nombre d’autres 
morts, dont la coquille était même en assez mauvais état, absolu- 
ment roulée, comme elle aurait pu l'être sur une plage. Ce qui 
semblerait indiquer qu'elle existe encore à une profondeur moindre, 
et que les courants sous-marins en apportent les coquilles dans les 
bas-fonds. À moins qu’on n’admette que les grandes lames de l'océan 
Indien (nous en avons mesuré qui avaient 15 mètres de hauteur) 
puissent encore remuer les fonds à la profondeur déjà grande d’où 
nous l'avons ramenée. 

J'ai dédié cette espèce au capitaine Hermann, pour le remercier 
des services considérables qu'il nous a rendus pendant notre séjour à 
Saint-Paul, en mettant à notre disposition ses embarcations et ses 


pêcheurs, et surtout aussi en souvenir de notre traversée sur le Fer- 
nand. 


GENRE RANELLA, LAMARCK. 


SOUS-GENRE BURSA, BOLLEN, 
SOUS-GENRE APOLLON, MONTFORT ET GRAY. 


4. Ranella (Apollon), proditor, Frauend., pl. EL, fig. 5.— Frauendfeld. Novara, 
exped. zoologischer Theil. Bd. II, Mollusken. 


Dans son étude sur les mollusques rapportés par l'expédition au- 
trichienne de la Vovara, le chevalier de Frauendfeld a donné une 
description exacte et une bonne figure de cette espèce. Elle est sur- 
tout très-abondante sur toute la côte d'Amsterdam ; les cadavres des 
otaries abandonnés sur les roches, à la basse mer, par les pêcheurs, 
étaient à la marée suivante littéralement couverts de langoustes et 
de ces ranelles. A Saint-Paul, nous ne les avons vues apparaître dans 
le cratère que vers la fin de notre séjour, c’est-à-dire en décembre : 
elles se tenaient dans les zones profondes et se montraient pourtant 
vers le soir, à peu de distance de la surface ; on les prenait facilement 
en laissant séjourner pendant toute une nuit, sur le bord du cratère, 
par 10 ou 15 mètres de fond, le corps d’un oiseau ou d’un poisson, 
qu'on relevait ensuite, sans trop de secousses, au petit jour. Leurs 
habitudes semblent ainsi nocturnes. Les pêcheurs nous ont affirmé 
qu’on n’en trouvait aucune dans le cratère pendant la mauvaise sai- 
son, d'avril en septembre. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 101 


Les nombreux individus que nous possédons de cette espèce se 
groupent dans deux formes assez distinctes : l'une, grande, élancée, 
ayant en moyenne 90 millimètres de haut sur 50 millimètres de 
large, et se rapportant bien au type figuré (pl. Il, fig. 5); l’autre, 
plus courte, plus ventrue, ayant en même temps une ouverture plus 
grande et dont les dimensions moyennes donnent 76 millimètres de 
haut sur 45 millimètres de large. 


GENRE TROPHON, MONTFORT. 


5. Trophon tritonidea, C. V., pl. IL, fig. 6-7. — Comptes rendus de l’Aca- 
démie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille brune, assez mince, subfusiforme, croissant assez rapide- 
ment ; spire composée de six tours subanguleux ; les deux premiers, 
embryonnaires, portant deux côtes longitudinales ; les trois suivants, 
présentant ces mêmes côtes régulières et fortes, garnies de tuber- 
cules par lesquels passent des plis ou des côtes transverses, plus ou 
moins accusés ; sur le deuxième etl e troisième les côtes longitudi- 
nales, rejetées à la partie supérieure, laissent à la base une surface 
déclive, assez étroite, tandis que vers l'extrémité du troisième elles 
tendent à devenir submédianes, et présentent de chaque côté des 
parties déclives, inégales ; le dernier tour porte à sa supérieure deux 
nouvelles côtes longitudinales et subtuberculeuses, au-dessus des- 
quelles se montrent encore des indices de trois ou quatre autres 
côtes semblables, mais à peine marquées et croisées par des stries 
transverses d’accroissement, très-nettes; ouverture grande; canal 
court, assez large, profond et légèrement recourbé; péristome 
simple, non épaissi. 

Hauteur : 4 à 5 millimètres ; diamètre : 22,95, 

Habitat. — Ile Saint-Paul. Assez commune, dans le sable, sous les 
pierres, et surtout sous les pieds des algues à l'extrémité de la jetée 
du Nord, au niveau le plus bas des grandes marées. Très-rare par- 
tout ailleurs. 

Observations. — L'espèce figurée qui a servi de type, provient de 
l'intérieur du cratère ; les individus qui se trouvent plus abondants à 
l'extrémité de la jetée sont un peu différents : ils sont généralement 
plus courts, moins colorés et leurs ornements sont toujours peu ac- 
cusés. Je dois aussi faire remarquer que, chez les adultes, les côtes 
longitudinales, les tubercules et les plis transverses deviennent plus 


102 CH. VÉLAIN. ‘ 


effacés vers l’extrémité du dernier tour, tandis que les stries d’accrois- 
sement s’accusent au contraire bien davantage. 


GENRE TRITON, LAMARCK. 
6.-7, Triton (sp. ind.) 


Nous avons recueilli dans un sondage, par 80 mètres, entre les îles 
Saint-Paul et Amsterdam, deux jeunes individus de ce genre, qui in- 
diquent la présence, à cette profondeur et dans cette région, d’une 
espèce d'assez grande taille et très-ornée; mais l’état des deux seuls 
échantillons que nous possédons ne permet pas de la déterminer. 

Une autre espèce, plus allongée, est encore indiquée par un indi- 
vidu jeune, trouvé dans l’intérieur du cratère. 


GENRE PURPURA, LAMARCK. 


8. Purpura Dumasi, C. V., pl. IL fig. 12. — Comptes rendus de l'Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


1° Type de l'espèce. — Coquille épaisse, d'un blanc mat, turbinée, 
subfusiforme, aiguë à sa base, très-dilatée vers sa partie moyenne et 
acuminée à sa partie supérieure; spire composée de cinq ou six 
tours, croissant très-rapidement et très-inégaux; le premier, em- 
bryonnaire, lisse; les trois suivants, plus ou moins scalariformes, 
portant de deux à cinq côtes d’abord assez fortes, puis s’atténuant, 
si bien que le cinquième tour tend à devenir lisse et que le sixième 
et dernier l’est tout à fait ; ce dernier tour est, en outre, souvent sub- 
anguleux ; ouverture grande, subpyriforme; bord lisse, épaissi et 
présentant des plis dentiformes qui s'enfoncent à l'intérieur; canal 
assez grand. * 

Hauteur : 27 millimètres ; diamètre : 18 millimètres. 

Habitat, — Tes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la 
zone littorale. 

20 Var. Multistriata, fig. 13. — Goquille bucciniforme, plus allon 
gée que la forme précédente, présentant des tours plus étroits, peu 
convexes et non anguleux : les premiers portent des côtes plus ou 
moins fortes ; les derniers sont couverts de sillons, rapprochés et 
comme ponctués. 

Observations. — Cette variété, qui n’est représentée que par un très- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 103 


petit nombre d'individus, est remarquable par sa forme buccinoïde ; 
elle prend quelquefois une coloration pâle d’un rose violacé. 

Hauteur : 20 millimètres; diamètre : 40 millimètres. 

3° Var. Semaicostata, fig. 14.— Spire un peu moins allongée que dans 
la variété précédente, composée de six à sept tours inégaux ; les pre- 
miers, anguleux, ne présentent que deux fortes côtes longitudinales, 
traversées par des stries d’accroissement peu dévelôppées ; le dernier 
tour ne conserve plus vers la partie opposée à l'ouverture que des sil- 
lons longitudinaux, régulièrement interrompus par de petites rides 
transversales. 

Hauteur : 148 millimètres; diamètre : 9 millimètres. 

4° Var. Céncta, fig. 15. — Spire composée de six tours, s’accrois- 
sant plus rapidement que dans les variétés ci-dessus; Les premiers pré- 
sentent deux côtes très-fortes, séparées par un sillon très-accusé; le 
dernier tour montre six à huit côtes très-accentuées vers la partie su- 
périeure du tour de spire, et qui présentent entre chacune d’elles une 
autre côte surbaissée, peu accusée; surface ornée de lames d’ac- 
croissement un peu irrégulières, espacées et croisant les côtes longi- 
tudinales. 

Hauteur : 18 millimètres ; diamètre : 41 millimètres. 

Observation. — Dans cette dernière variété, les côtes restent tou- 
jours très-nettement accusées sur toute la surface des tours de spire 
et ne s’effacent légèrement, qu'en se rapprochant du bord libre. 

Ces descriptions et surtout les figures qui les accompagnent, indi- 
quent combien cette espèce est polymorphe. Elle appartient au 
groupe du lurpura Lapillus et se rapproche aussi du Purpura pateus, 
H. ét Jacq. (Voyage de l’Astrolabe, pl. 292, fig. 1 et 2), qui paraît 
présenter les mêmes particularités de formes. J’ai limité ses nom- 
breuses variétés à quatre types principaux assez faciles à distinguer 
entre eux quand on les observe isolément, mais passant sans transi- 
tion de l’un à l’autre, quand on examine un grand nombre d’indivi- 
dus. Ces variations sont encore plus grandes dans le jeune âge et 
s’affaiblissent à mesure que l'espèce devient adulte. Les côtes qui 
existent toujours dans le jeune et qui sont surtout visibles sur les 
premiers tours, persistent dans la variété cencta, elles se transfor- 
ment en sillons sur les deux derniers tours de la variété mullistriata, 
s’atténuent encore plus dans celle semiscostata, et finissent par dispa- 
raître complétement dans les grands individus qui m'ont servi de type. 

Je dois appeler aussi l'attention sur la variété mullistriata, qui pré- 


104 CH. VÉLAIN. 


sente des tours beaucoup plus étroits que les autres, ce qui donne à 
la coquille l’apparence d’un buccin : cette variété est celle qui 
s'éloigne le plus du type, c’est en même temps la seule qui soit un 
peu colorée; elle se confond alors, surtout quand elle est jeune, avec 
l'espèce suivante, P. Magellani, avec laquelle elle se trouve, du reste, 
dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, tandis que le type de 
l'espèce et ses autres variétés se tiennent toujours à l’extérieur et ne 
dépassent jamais l'extrémité des deux jetées. 

Je prie M. Dumas, secrétaire perpétuel, président de la Commis- 
sion du passage de Vénus, de vouloir bien me permettre d’attacher 
son nom à cette Jolie espèce, une des plus importantes et des plus 
caractéristiques de la faune de Saint-Paul. 


. 9, Purpura Magellani, C. V., pl. IL, fig. 8-9 et 10-11. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille épaisse, turriculée, bucciniforme et plus ou moins allon- 
gée, d’un violet généralement grisâtre, marquée parfois de taches 
brunes, très-accusées vers le sommet; spire élevée, composée de 
huit tours croissant régulièrement et en général assez convexes ; les 
deux premiers, embryonnaires, ordinairement lisses et le plus sou- 
vent brisés dans l’adulte ; le troisième et le quatrième, présentant des 
côtes transversales assez accusées, qui s’effacent plus ou moins sur 
le cmquième tour et qui tendent à disparaître presque complétement 
sur le dernier; dernier {our très-grand, élevé, portant : 1° à sa base 
de cinq à six côtes longitudinales assez larges et surbaissées, séparées 
chacune par une petite côte longitudinale, semblable à celles des 
tours précédents, mais plus étroite ; 2° à sa partie supérieure, douze 
à quatorze autres côtes assez larges entre lesquelles n'apparaissent 
plus en général les petites côtes signalées plus bas ; 3° du côté opposé 
à l'ouverture et contre le bord libre, un bourrelet transverse, obtus, 
plus ou moins accusé, quelquefois nul; bord collumellaire arqué, 
légèrement évidé vers son milieu et présentant quelquefois à sa base, 
près du bord libre, une petite callosité, simulant une dent ou un pl 
surbaissé rudimentaire ; canal courbe, bien accusé ; bord libre, tran- 
chant, s’épaississant à l’intérieur, où il présente des petits plis, assez 
marqués vers leur extrémité, qui s’enfoncent assez profondément 
dans l’intérieur du dernier tour. 

Hauteur : 35 millimètres ; diamètre : 18 millimètres. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 105 


Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la 
zone littorale. 

Observations. — Cette espèce assez voisine du Purpura Walbergr, 
Krauss (Sd. Moll., p. 118, pl. 6, fig. 15), qui habite le Cap, en diffère 
par son ouverture plus allongée, son mode d'ornementation et sur- 
tout par sa base élargie, et non rétrécie en un canal court, comme 
dans l'espèce sud-africaine ; elle est en même temps moins ventrue. 

Elle présente quelques modifications peu importantes, mais qu’il 
est bon cependant de noter ; ainsi, chez certains individus, les côtes 
transverses des premiers tours persistent assez longtemps. Le pli 
columellaire que j'ai signalé, de même que les bourrelets près de 
l'ouverture, n'existent pas chez tous et ne se montrent même que 
sur les échantillons tout à fait adultes. 

Ces Pourpres sont aussi abondants à l'extérieur qu’à l’intérieur du 
cratère, mais en général il est toujours facile de distinguer les exem- 
plaires qui proviennent de l’une ou l’autre de ces deuxstations; ceux 
du cratère sont plus colorés et de forme plus élancée, leur bord libre 
est mince et tranchant et les tours embryonnaires presque toujours 
visibles (fig. 8-9). C'est au contraire sur la côte extérieure que se 
rencontrent les individus à test épaissi, portant tous un bord libre, 
calleux, marqué intérieurement de bourrelets et de plis (fig. 10-11). 
Sur la côte nord-est d'Amsterdam, ils présentent ces derniers ca- 
ractères d’une facon pour ainsi dire exagérée, mais ils m'ont paru 
moins nombreux qu'à Saint-Paul, à l’inverse du P. Dumasi, qui se 
trouve au contraire presque sur toutes les roches. 

Je dois encore faire remarquer, en terminant, que cette espèce pa- 
raît se rapprocher par certains caractères des Muricides et notam- 
ment des genres Pisania, Bivon, ou £'uthria, Gray, mais les caractères 
tirés de la dentition et celui de lopercule sont exactement ceux des 
Pourpres. 


GENRE MAGILINA, €. V. 1876. 


Coquille embryonnatre, libre, petite, mince et transparente ; surface 
lisse et brillante ; coloration d’un brun rouge foncé; spire non sail- 
lante formée par un seul tour, plus large que haut, rendu subgib- 
beux par une légère compression, une faible coudure ayant lieu dans 
le sens du plan de l'ouverture. Ouverture grande, ovalaire. Bord 
libre, très-fortement arqué et sinueux, se prolongeant en rostre. 


106 CH. VÉLAIN. 


Bord columellaire simple et arqué. Péristome fortement sinueux, 
donnant naissance à un tube irrégulier qui s’épaissit assez rapide- 
ment. | 

Coguille adulte, formant un tube subcireulaire ; très-irrégulière- 
ment enroulé et fixé aux corps sous-marins par une surface plus ou 
moins considérable; la partie supérieure de ce tube pouvant quel- 
quefois se détacher et se redresser ; incolore ou légèrement grisatre ; 
ouverture plus ou moins ovalaire ; péristome simple et sinueux. 

Distribution. — Jusqu'ici je ne connais que deux espèces qui ap- 
partiennent à ce nouveau genre. La première, qui est décrite ci- 
après, est très-répandue autour des deux îles par les fonds de 50 à 
80 mètres. La seconde, qui a été découverte par M. Munier-Chalmas, 
dans les faluns de Gaas, vivait dans les mers du miocène inférieur. 

Rapports et différences. — Les Magilina, par la forme et la structure 
de leur test, se rapprochent des Magiles, malgré la grande différence 
de leurs tailles respectives. 

Ces derniers, comme on sait, vivent dans l’intérieur de certains 
coraux. Ce caractère les éloigne des Magilina, qui présentent toujours 
une surface d’adhérence plus ou moins considérable et vivent fixés, 
comme les Serpulorbis et les Vermets, à la surface des corps sous- 
marins. Enfin, parmi les particularités qui les distingue encore des 
Magiles, je dois citer surtout la forme de leur coquille embryonnaire 
qui est tout à fait caractéristique. 

Malgré tous nos soins, il nous a été impossible de nous procurer 
l'animal des Magilina, qui devait posséder un opercule voisin de celui 
des Magiles. 

Je dois ici faire remarquer que très-probablement on découvrira 
par la suite, dans les mers actuelles et dans les dépôts tertiaires, d’au- 
tres espèces du même genre qui doivent avoir été jusqu’à présent 
confondues avec des Serpules. Si l’on ne possède, en effet, ou si l’on 
ne remarque pas les coquilles embryonnaires, il est presque impos- 
sible de distinguer le long tube qui termine cette coquille dans la- 
dulte de celui d’une de ces annélides. 


10. Magilina serpuliformis, ©. V., pl. I, fig. 16-17. — Comptes rendus de 
. l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille embryonnaire, très-petite, fortement colorée en brun 
rouge, assez intense, mince et brillante (fig. 17, a-b). 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 107 


Coquille adulte, d'un blanc grisâtre, épaisse, de petite taille et très- 
irrégulièrement enroulée ; tube devenant libre et redressé à sa partie 
supérieure sur une longueur souvent assez considérable, par rapport 
à la dimension générale de l'espèce ; test orné extérieurement de 
plis ou de rides d’accroissement transverses, bien accusés ; ouverture 
ovalaire ou subeirculaire; péristome fortement sinueux {fig. 16). 

Coquille embryonnaire : hauteur, un quart de millimètre; dia- 
mètre, { millimètre. 

Coquille adulte : hauteur, 3 à 4 millimètres; diamètre, 4 milli- 
mètre un quart. | 

Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se trouve 
en abondance extrême avec une foule de petits Lamellibranches ap- 
partenant aux genres Z'urquetia et Hochstetteria, par les fonds de 
50 à 80 mètres autour de l’île Saint-Paul et surtout près du banc 
Roure, dans l’est du cratère. Dans les nombreux draguages que nous 
avons faits dans l'intérieur du cratère, nous n’en avons jamais ra- 
mené que des fragments et encore peu nombreux. On la retrouve à 
Amsterdam dans la même situation qu'à Saint-Paul : les coups de 
sonde donnés sur le Fernand, à quelques encäblures de la côte dans 
le sud-ouest, nous en ont fourni quelques exemplaires, et dans les sa- 
bles rejetés par la mer au milieu des galets de la chaussée des Otaries, 
ils sont très-nombreux. 


GENRE PLEUROTOMA, LAMARCK. 
SOUS-GENRE LACHESIS, RISSO. 


114. Lachesis Turqueti, C. V., pl. IE, fig. 18-19. — Comptes rendus de l'Aca- 
démie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille fusiforme, petite, assez étroite, d’un brun jaunâtre assez 
uniforme ; spire composée de cinq tours peu convexes, croissant assez 
rapidement ; le dernier tour occupant environ les deux tiers de la 
hauteur totale de la spire; test orné de côtes assez larges, courbes, 
régulières, séparées par des intervalles assez profonds et croisés par 
des sillons longitudinaux, également espacés et bien accusés ; suture 
très-peu profonde; ouverture ovale, allongée, assez étroite ; canal 
largement ouvert et court; bord libre, légèrement épaissi et simulant 
une fausse troncature à sa jonction avec le bord columellaire senst- 
blement droit et simple. 

Hauteur : 4 millimètres un quart ; diamètre : 2 millimètres. 


108 CH. VÉLAIN. 


Habitat. — Xe Saint-Paul, très-rare ; un seul individu vivant de 
__cétte espèce a été recueilli par 80 mètres de profondeur dans l’ouest 
de l’île en face de la pointe des quatre cônes. 

Observations. — Cette petite espèce, qui rappelle un peu les formes 
européennes connues, appartient au groupe assez restreint des Pleu- 
rotomes qui ne présentent plus le sinus caractéristique du genre, à 
la base du bord libre. Je dois faire remarquer que tout en se rappor- 
tant bien aux Lachesis par sa forme générale, l’espèce de Saint-Paul 
a plusieurs traits de ressemblance avec le genre £'tallonia proposé 
par M. Deshayes pour deux Gastéropodes des terrains éocènes infé- 


rieurs et moyens du bassin de Paris (£'tallonia prisca et cytharella.) 


L’analogie entre ces trois formes est réelle, et je crois qu'il est im- 
possible de conserver au genre Æ£{allonia la place que lui a assigné 
M. Deshayes. Le savant conchyliologiste, dont nous déplorons encore 
aujourd’hui la perte, le plaçait entre les Bulla et les Reingicula, tout 
en faisant remarquer qu'il se rapproche aussi, par sa forme, des 
Buccins et des Pleurotomes. Cette position ne peut être adoptée, et 
c’est dans la famille des Conidæ, à côté des Pleurotomes et des La- 
chesis, qu'il faut maintenir le genre £'tallonra. 

Les Lachesis vivent en général dans les eaux peu profondes; l’es- 
pèce de Saint-Paul vient déroger à cette loi. 


GENRE MARGINELLA, LAMARCK, 
SOUS-GENRE PERSICULA, SCHUM. 


12. Persicula polyodonta, C. V., pl. WUL, fig. 1-2. — Comptes rendus de l’Aca- 
démie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille assez mince, blanche, subconique, très-acuminée à sa 
partie supérieure et fortement élargie à la base ; spire à peine visible 
et à peine saillante, composée de trois tours croissant très-rapide- 
ment, le dernier étant presque seul visible ; ouverture très-étroite et 
allongée. Bord libre, présentant un bourrelet à sa partie intérieure, 
fortement recourbé et arrondi à sa jonction avec la spire qu'il dé- 
passe légèrement. Columelle présentant deux plis très-développés ; 
bord columellaire portant à sa partie supérieure un pli rappelant les 
deux autres déjà décrits, au-dessous duquel se montrent une série 
de neufou dix plis, simulant de petites denticulations qui descen- 
dent presque jusqu’à la base. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 109 


Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 4 millimètre et demi. 

Habitat. — Ye Saint-Paul, très-rare ; au milieu des Ascidies com- 
posées, sous les pierres, dans l’intérieur du cratère, au niveau des 
plus basses eaux. 

Observations. — Cette espèce se trouve placée à la limite des Per- 
sicula et des Erato ; si son bord libre avait présenté de réelles denti- 
culations, c’est dans ce dernier genre qu'il aurait fallu la ranger. 


43. Persicula glandina, C. V., pl. ILE, fig. 3-4. — 1877. 


Coquille mince, subovoïde, d’un blanc mat, également acuminée 
à sa base et à sa partie supérieure; surface externe brillante et lisse ; 
spire à peine saillante, peu visible, composée de trois tours très-em- 
brassants : le dernier portant, à sa partie supérieure, du côté opposé 
à l'ouverture, un petit sillon oblique rappelant celui des Ancillaires ; 
ouverture étroite, allongée, descendant presque jusqu'à la base du 
dernier tour; canal largement ouvert; bord columellaire portant à 
sa partie supérieure deux plis assez forts, au-dessous desquels se 
montrent trois plis beaucoup plus petits, allant en décroissant ; bord 
libre, mince, tranchant régulièrement arqué et présentant à l’exté- 
rieur un petit bourrelet longitudinal peu indiqué, subdenticulé, qui 
franchit le canal pour venir rejoindre le bord columellaire ; test por- 
celainé. 

Hauteur : 2 millimètres trois quarts; diamètre : 1 millimètre et 
demi. | 

Habitat. — Mème habitat que la précédente. 


14. Persicula Crossei, GC. V., pl. LIL, fig. 5-6. — 1877. 


Coquille mince, subconique, plus étroite à sa partie antérieure 
qu'à sa base ; spire à peine saillante et peu visible, composée de trois 
tours très-embrassants et croissant très-rapidement ; ouverture assez 
étroite s’agrandissant régulièrement ; bord libre, presque droit, non 
tranchant, assez épaissi ; bord columellaire présentant quatre à cinq 
plis inégaux, le premier plus développé, le cinquième rudimentaire 
ou nul. 


Hauteur : 4 millimètre et demi; diamètre : trois quarts de milli- 
mètre. 


Habitat, — A la profondeur de 80 mètres, entre les îles Saint-Paul 
et Amsterdam. 


110 CH. VÉLAIN. 


Observations. — Cette nouvelle espèce que je dédie avec plaisir à 
M. Crosse, le savant directeur du Journal de Conchyliologie, se dis- 
tingue nettement des deux précédentes, par la forme de son bord 
libre ét de sa columelle. 


GENRE CHEMNITZIA, D'ORBIGNY. 


SOUS-GENRE TURBONILLA, RISSO. 


15. Turbonilla (Chemnilzia), scalaris, €. V., pi. TE, fig. 7. — 1877. 


Coquille mince, entièrement blanche, très-étroite, allongée et for- 
tement scalariforme. Spire composée de huit tours. Les deux pre- 
miers embryonnaires, les autres se rétrécissant à leur partie supé- 
rieure et présentant une base qui surplombe fortement les tours 
précédents, portant à leur partie inférieure une petite bande circu- 
laire et étroite qui fait un angle droit avec le reste de leur surface; 
test orné de côtes saillantes, un peu courbes et régulièrement espa- 
cées ; espaces intércostaires assez étroits, profonds, présentant des 
petits sillons longitudinaux assez rapprochés et réguliers, mais ce- 
pendant peu marqués; ouverture ovale, arrondie à sa partie supé- 
rieure. Columelle simple, arquée; bord libre, légèrement courbé ; 
coquille embryonnaire senestre et très-mince, ayant une spire peu 
saillante, composée de deux tours en partie recouverts par le pre- 
mier tour de la spire adulte. 3 

Hauteur : 3 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre. 

Habitat. — Ve Saint-Paul, à la profondeur de 50 à 60 mètres; 
assez rare. 


16. Turbonilla (Chemnitzia), Disculus. A V., pl. LL fig. 8. — Comptes rendus 
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille incolore, étroite, allongée, assez épaisse; spire composée 
de neuf tours; les deux premiers embryonnaires, les autres à peu 
près convexes et faisant légèrement saillie, les uns au-dessus des au- 
tres. Surface ornée de côtes ou de plis plus ou moins marqués et lé- 
sèrement sinueux ; le dernier tour subanguleux et présentant à sa 
partie supérieure une surface discoïdale, presque lisse, contre la- 
quelle viennent se terminer brusquement les côtes transversales; ou- 
verture subquadrangulaire ; columelle droite; bord libre, mince et 
légèrement sinueux. Coquille embryonnaire, ayant une spire com- 


- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 111 


posée de deux tours, à peine saillants et recouverts par le premier 
tour de l'adulte. 

Hauteur : 3 millimètres ; diamètre : trois quarts de millimètre. 

Habitat. — Ile Saint-Paul, dans les vases du fond du cratère. (Nous 
n'avons pas pu obtenir cette espèce à l’état vivant.) 

Observations. — La surface discoïdale tout à fait comparable à celle 
des Scalaires qui se trouve à la partie supérieure du dernier tour, 
rend cette espèce tout à fait remarquable et facile à distinguer. 


17. Turbonilla (Chemnitzia), Peroni, C. V., pl. IL, fig. 9. — Comptes rendus 
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille d'un blanc grisâtre, étroite, mince et allongée ; spire com- 
posée de sept tours ; le premier, embryonnaire, lisse, les autres éle- 
vés, convexes, ornés de rides ou de plis transverses irréguliers, plus 
ou moins marqués ; ouverture ovale, allongée, arrondie à sa partie 
supérieure ; columelle simple, peu arquée ; bord libre; légèrement 
courbe; coquille embryonnaire senestre, à spire non saillante formé 
par un tour unique, en partie recouvert parle premier tour de l'adulte. 

Hauteur : 2 millimètres trois quarts; diamètre : trois quarts de 
millimètre. 

Habitat. — Ile Saint-Paul ; quelques exemplaires vivants ont été 
recueillis dans les sondages à l’extérieur par 65 mètres de fond. Les 
courants en amènent de nombreuses coquilles mortes dans les fonds 
vaseux du cratère. 

Observations. — En dédiant cette espèce nouvelle au capitaine 
Peron, je saisis avec plaisir l’occasion de rendre hommage à la mé- 
moire d'un brave officier de la marine marchande française, qui fut 
lâchement abandonné sur Saint-Paul en 1791, et y vécut misérable- 
ment jusqu’en décembre 1793. On lui doit, avec une très-bonne carte, 
des renseignements précieux sur les animaux qui fréquentaient l’île 
à cette époque. 

Il règne encore une certaine confusion dans le genre Chemnitzia, 
d'Orbigny y ayant introduit un certain nombre de Gastéropodes qui 
appartiennent à des familles bien différentes. Si, à l'exemple de M. de 
Folin, on admet les deux genres Chemnitzia et Turbonilla, on doit 
limiter le premier aux espèces qui sont dépourvues de plis à la colu- 
melle. Les trois espèces ci-dessus décrites deviendraient alors des 
Chemnitzia. 


412 CH. VÉLAIN. 


GENRE TRIFORIS, DESHAYES. 


48. Tr HS isleanus, C. V., pl. IL, fig. 10. — Comptes rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille jaunâtre, très-allongée, étroite et turriculée. Spire com- 
posée de quatorze ou quinze tours peu élevés, à peine convexes, por- 
tant trois côtes longitudinales tuberculeuses ; la première, plus 
étroite et souvent subtuberculeuse ; les deux autres présentant des 
tubercules opposés, bien développés ; dernier tour à peine plus grand 
que l’avant-dernier et présentant à sa partie supérieure trois côtes 
longitudinales, inégales et simples; la dernière étant plus faible que 
les autres. Ouverture assez surbaissée et presque quadrangulaire ; 
canal court, presque complétement clos. 

Hauteur : 9 millimètres ; diamètre : 2 millimètres un quart. 

Habitat. — Recueil dans les sondages entre les îles Saint-Paul et 
Amsterdam par 100 mètres de profondeur ; peu abondant. 

Observations. — Depuis la création du genre Triphoris par 
M. Deshayes, le nombre des espèces, soit vivantes, soit fossiles, qu'il 
renferme, s'est considérablement accru. Aussi faut-il des recherches 
bibliographiques assez considérables pour arriver à une détermina- 
tion spécifique exacte. Il n’existe malheureusement aucune mono- 
graphie du genre, et le seul travail d’ensemble publié à ce sujet, dû 
à M. Hasper Pease, n’a pas été accompagné de figures, de telle 
sorte qu'il est souvent difficile de suivre l’auteur dans ses descrip- 
tions d’espèces nouvelles, qui sont trop courtes pour rendre une 
identification possible. 

Le Triphoris que je viens de décrire sous le nom d’ésleanus appar- 
üent au groupe qui renferme actuellement le plus grand nombre 
d'espèces, ce sont celles qui ne présentent pas ces trois ouvertures, 
qui servaient autrefois à caractériser le genre : il s'éloigne assez des 
espèces actuelles, et se rapproche davantage par sa forme générale 
et par la nature de ses ornements, de celles connues à l’état fossile. 
Il ne se distingue notamment de deux espèces du Terrain tertiaire 
parisien (7°. munutus et ambiquus, Desh.), que par sa première côte 
longitudinale, beaucoup plus petite que les deux autres, et qui reste 
presque toujours subtuberculeuse. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 113 


GENRE LACUNA, TURTON. 
19. Zacuna parvula, C. V., pl. HE, fig. 11-12. — 1877. 


Coquille paucispirée, épaisse, assez large, peu élevée et subperfo- 
rée; spire composée de trois tours, le premier à peine visible; le se- 
cond présentant souvent une carène plus ou moins indiquée, située 
près de la base; le dernier occupant environ les deux tiers de la sur- 
face totale et portant deux ou trois carènes ou côtes longitudinales 
espacées el assez saillantes, situées à peu près vers le tiers inférieur, 
Ces côtes s'effacent du côté opposé à l’ouverture en se rapprochant 
du bord libre; ouverture assez grande, semi-lunaire; péristome 
épaissi à l’intérieur; bord columellaire fortement arqué et épais; 
fente ombilicale étroite, allongée. 

Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre. 

Habitat, — Te Saint-Paul ; par les fonds de 30 à 45 mètres autour 
du banc Roùûre; assez rare. 

Observations. — Cette espèce se trouve être la plus petite des La- 
cuna connues ; elle présente quelques variations ; certains individus 
sont à la fois plus étroits et plus élevés, d’autres présentent deux ca- 
rènes au lieu de trois, la troisième disparaissant complétement ou 
à peine indiquée. 


20. Lacuna Heberti, C. V., pl. IT, fig. 13. — 1877. 


Coquille mince, turbinée, paludestriniforme et subconique ; spire 
composée de trois tours très-convexes, subscalariformes, croissant 
rapidement ; le dernier tour très-grand ; surface lisse, assez brillante ; 
ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à sa partie supé- 
rieure; bord externe, mince et presque droit, présentant à sa base 
une fente ombilicale très-faiblemeut accusée ; coloration : gris brun 
ou gris Jaunâtre. 4 

Hauteur : 4 millimètre trois quarts; diamètre : 4 millimètre. 

Habitat. — 11e Saint-Paul ; sous les algues dans l’intérieur du cra- 
tère, à une profondeur de 19 à 45 mètres. 

Observations. — Cette espèce, que je dédie à mon savant maître, 
M. le professeur Hébert, appartient à un petit groupe de Lacunes 
qui renferme déjà un grand nombre d'espèces vivantes et fossiles ; il 
y aurait certainement lieu de les réunir et de créer pour les désigner 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — T, VI. 1877. 8 


114 CH. VÉLAIN. 


un sous-genre nouveau qui prendrait place à côté des Z£'pheria, dont 
elles diffèrent surtout par l'absence de cette fente ombilicale, large- 
ment ouverte, qui caractérise ce dernier genre, 


GENRE RISSOA, FRÉMINVILLE. 


91. Rissoa Lantzi, C. V., pl. I, fig. 14. — Comptes rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille blanche, assez épaisse, turriculée, un peu acuminée à sa 
partie inférieure ; spire composée de cinq tours, croissant assez ré- 
gulièrement ; les trois ou quatre premiers partagés souvent par un 
angle obtus, submédian, bien indiqué; surface couverte de petits 
sillons longitudinaux équidistants, réguliers et serrés. Ouverture 
oblique, grande, ovalaire, ne présentant à sa partie supérieure que 
les indices de la dépression subcanaliforme caractéristique des Ris- 
soina ; bord libre assez épais, fortement déclive, présentant quelque- 
fois à l'extérieur un léger renflement marginal. 

Hauteur : 2 millimètres ; diamètre : 4 millimètre. 

Habitat. — 1e Saint-Paul; par les fonds de 35 à 45 mètres autour 
de l’île Saint-Paul. Nombreuses coquilles mortes dans les vases du 
fond du cratère. 

Observations. — Dans ce Rissoa la dépression subcanaliforme qui 
caractérise les Rissoines, est si peu indiquée, qu’on ne peut rapporter 
l’espèce à ce second genre. Chez certains individus cet indice d’une 
dépression paraît même manquer. 


22, Rissoa Cazini, G. V., pl. I, fig. 15. — Comptes rendus de l'Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille blanche, épaisse, subconique, assez étroite et peu acu- 
minée ; surface externe lisse et brillante, ne présentant que quelques 
stries d’accroissement à peine visibles ou aulles; spire composée de 
cinq tours arrondis et peu convexes ; le dernier tour beaucoup plus 
grand et plus convexe que les autres; ouverture ovalaire, assez 
orande et légèrement oblique ; bord libre, assez fortement déclive, 
peu arqué, très-fortement épaissi à l’intérieur. 

Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : À millimètre. 

Habitat. — Te Saint-Paul. Mêmes gisements que l'espèce précé- 
dente ; se trouve, en outre, assez souvent sur les frondes du Wacro- 
cystis pyrifera. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 115 


Je suis heureux de pouvoir dédier cette espèce à M. le professeur 
Cazin, en souvenir de notre séjour commun à Saint-Paul. 


23, Rissoa sublruncata, C. V., pl. I, fig. 15-17, — 1877. 


Coquille paucispirée, épaisse, solide, subtronquée à sa base et non 
perforée ; spire composée de trois tours, le premier à peine visible, 
le deuxième surbaissé et étroit, le troisième présentant quelquefois 
un renflement médian; ce dernier occupe à peu près les deux tiers 
de la surface totale de la coquille et montre à sa partie inférieure une 
petite dépression longitudinale située près de la ligne de suture ; sur- 
face extérieure lisse: ouverture subcirculaire, relativement étroite ; pé- 
ristome très-6paissi à l'intérieur; columelle simple, arquée et épaisse. 

Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : deux üers de millimètre. 

Habitat. — Te Saint-Paul. Assez rare, vit sous les frondes des 
Macrocystis, fixées comme par un réseau de petits fils, aussi bien à 
l'intérieur qu'à l'extérieur. 

Observations. — Cette espèce devient la plus petite des Rissoa con- 
nues. Quelques-uns de $es caractères s’écartent un peu de ceux 
habituels du genre; mais, après un examen attentif, il m'a été im- 
possible de l'en séparer; elle présente du reste plus d'un trait de 
ressemblance avec l’espèce précédente (Z. Cazini), qui appartient 
bien au genre en question. 


GENRE PALUDESTRINA, D'ORBIGNY. 


94, Paludestrina Duperrei, GC. V., pl. I, fig. 18-19. — 1877. 


Coquille brune, petite, paucispirée, paludiniforme, assez épaisse 
pour sa taille; spire courte, composée de trois à quatre tours con- 
vexes, croissant régulièrement ; surface lisse et légèrement brillante ; 
ouverture assez grande, ayant une tendance à devenir subanguleuse 
à la jonction du bord libre avec le bord columellaire; bord libre 
sinueux et présentant une légère dépression vers sa partie supé- 
rieure; bord columellaire simple, présentant à sa base une petite 
fente ombilicale peu accusée ; périsitome droit, simple et tranchant. 

Opercule mince, strié, enfoncé dans le dernier tour de spire. 

Animal noirâtre, sortant .à peine de sa coquille pendant la pro- 


gression ; tentacules assez allongées, très-mobiles ; dessous du pied 
blanchâtre. 


416 CH. VÉLAIN. 


Hauteur : 1 millimètre un quart; diamètre : trois quarts de milli- 
mètre. 

Habitat. — Ie Saint-Paul; dans l’ouest du banc Roûre, par les 
fonds de 35 mètres à 0 mètres. 

Observations. — Toutes les Paludestrines connues vivent exclusive- 
ment dans les eaux saumâtres, les étangs salés, les canaux, etc.; l’es- 
pèce de Saint-Paul est au contraire franchement marine ; je lui ai 
consacré le nom d’un officier distingué de notre marine, M. Le Bour- 
guignon-Duperré, qui commandait la Dives. 


GENRE RISSOELLA, GRAY. 


SOUS-GENRE JEFFREYSIA, ALDER. 


95, Rissoella Sancti-Pauli, C. V., pl. UE, fig. 20. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille grise, mince, subconique, turriculée, peu acuminée à sa 
partie inférieure ; spire composée de quatre à cinq tours, convexes, 
croissant très-régulièrement, ornée de sillons longitudinaux, assez 
serrés, régulièrement espacés et croisés par des stries d’accroissement 
extrèmement fines, qui dessinent à sa surface comme un réseau fine- 
ment quadrillé; ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à 
sa partie supérieure ; bord libre, mince, tranchant, décrivant un léger 
sinus à sa jonction avec le dernier tour ; bord columellaire présentant 
quelquefois à sa base un indice de fente Smbilicale ; opercule semi- 
lunaire. 

Hauteur : 2 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre un quart. 

Habitat. — Te Saint-Paul. Sur les algues, au niveau de la basse 
mer, dans tout l’intérieur du cratère. Les coquilles mortes se retrou- 
vent nombreuses dans les vases du fond du cratère. 


GENRE PHASIANELLA, LAMARCK,. 


26. Phasianella Munieri, C. V., pl. IV, fig. 1-2. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille assez épaisse, d'un blanc mat ou légèrement verdâtre, 
turbinée, courte et croissant assez rapidement; spire peu saillante 
surbaissée, composée de quatre tours très-inégaux ; les premiers, 
étroits, arrondis et convexes; le dernier, très-grand, occupant plus 
des deux tiers de la surface générale de la coquille, surbaissé à sa 
partie supérieure ; surface lisse ou présentant vers l'extrémité supé- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 217 


rieure du dernier tour quelques stries d’accroissement irrégulières ; 
ouverture obliquement ovalaire, un peu plus large que haute ; bord 
columellaire assez épais et fortement concave. 

Opercule calcaire d’un blanc bleuâtre, fortement convexe, et lais- 
sant apercevoir par transparence une spire latérale composée de trois 
tours. Animal d’un beau noir, à longs tentacules ciliés: pied très- 
allongé en arrière et tout à fait acuminé. 

Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres trois 
quarts. 

Habitat. — Ve Saint-Paul; cette petite espèce, assez rare, que Je 
dédie à mon collègue et ami, Munier-Chalmas, pour le remercier des 
conseils qu'il a bien voulu me donner et qui m'ont été si utiles dans 
le présent travail, habite dans les racines des algues et sous les 
pierres, sur le revers intérieur de la jetée du nord. 


27. Phasianella brevis, C. V., pl. IV, fig. 3. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille naticiforme, assez mince, d’une jolie coloration rose car- 
minée; surface présentant souvent des rides ou des stries transverses 
d'accroissement plus ou moins espacées et assez irrégulières; spire peu 
saillante; dernier tour moins déprimé que dans l'espèce précédente; 
ouverture moins oblique, presque circulaire ; bord libre, mince, 
tranchant ; bord columellaire peu épaissi. Opercule moins calleux que 
dans l’espèce précédente. Animal de couleur grise, moucheté de noir. 

Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres. 

Habitat. — 1e Saint-Paul. Abondante autour du banc Roûre, par 
les fonds de 20 à 45 mètres; très-rare dans la zone littorale de l’inté- 
rieur du cratère. 

Observations.— Cette petite espèce, ainsi que la précédente, semble 
s'éloigner un peu des véritables Phasianelles; toutes deux, la pre- 
mière surtout, ont de grands rapports avec la Phasianella neritina, 
Dunker (in Menke’s Zeischr., 1846, p. 110), qui habite le Cap. Ces 
trois espèces, caractérisées par leur forme déprimée, par leur colu- 
melle légèrement dilatée à la base, enfin par leur physionomie parti- 
culière rappelant tout à fait celle des Néritines, pourraient former 
une petite section particulière, à côté des Phasianelles. Si je ne l’ai 
pas fait, c’est que l'animal de la P. Munierr est bien celui des Phasia- 
nelles, et que, dans les trois espèces, la forme et la position de l’oper- 
cule sont tout à fait typiques. 


118 CH. VÉLAIN. 


GENRE MARGARITA, LEACH. 


28. Margarita Lacazei, C. V., pl. IV, fig. 4-6. — Syn.: Margarita Lacazei, 
C. V. (type). Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 4876. 


— Margarita nigricans, G. V, (var. A). Comptes rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille peu élevée, subcirculaire, à peine ombiliquée ; test assez 
épais, muni d'un épiderme très-mince; ouverture oblique, nacrée 
intérieurement ; opercule corné à tours nombreux; spire composée 
de cinq tours, croissant rapidement, présentant : 4° un méplat un 
peu convexe, situé à la base ; 2° des côtes longitudinales assez fortes 
et inégales, entre lesquelles se montrent, suivant la place qu’elles 
occupent, deux ou trois côtes secondaires, assez faibles; 3° des stries 
transverses très-fines, très-régulières et très-rapprochées, croisant les 
autres côtes; bord libre, tranchant, arrondi, mince; ouverture 
oblique, subcireulaire et nacrée intérieurement; opercule corné; 
mince, sensiblement circulaire et concentrique; ombilic petit et le 
plus souvent caché par une extension du bord columellaire. Colo- 
rationn : la coquille, d’un blanc grisâtre, présente des reflets rosés 
ou verdâtres; quelquefois les côtes principales sont légèrement nuan- 
cées de rose pâle. 

Hauteur : 5 millimètres trois quarts ; diamètre : 7 millimètres. 

Var. nigricans, CG. V., pl. IV, fig. 6. — Cette variété, dont J'avais 
cru pouvoir faire une espèce particulière, se recommande par sa 
taille plus petite que celle de la précédente, par ses côtes beaucoup 
plus fortes et surtout par sa Coloration d’un noir tantôt très-accentué 
ou tantôt un peu atténué. 

Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 6 millimètres un 
quart. 

Habitat.—Cette jolie petite espèce est une de celles qui se trouvent 
en plus grand nombre, aussi bien dans l'intérieur du cratère qu’à 
l'extérieur. Elle habite en général sous les pierres, entre le niveau 
de la haute et basse mer, et descend encore un peu plus bas. Les deux 
variétés se trouvent côte à côte, mais en proportions inégales : la 
variété nigricans est de beaucoup la moins abondante. Les individus 
qu'on trouve à l'extérieur sont toujours de grande dimension et pa- 
raissent plus vigoureux que ceux du cratère. Ils paraissent aimer les 
eaux agitées, car c’est toujours près des brisants, à la pointe Hut- 
chison, à la pointe Enragée, par exemple, qu'on les trouve très-nom- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 119 


breux : c’est là leur véritable station. C'est également ce qui se passe 
à Amsterdam, où ils m'ont semblé encore plus abondants qu’à Saint- 
Paul. 

Observations. — Cette espèce se rapproche, comme taille, du Har- 
garita antipoda, H. et J., citée des îles Auckland par Hombron et Jac- 
quinot dans le voyage de l’Astrolabe ; mais elle s’en distingue par un 
grand nombre de caractères. C’est la seule qu'on puisse lui opposer. 


GENRE SCHISMOPE, 


29, Schismope Mouchezi, G. V., pl. IV, fig. 7-8. — Comptes rendus de 
l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


1° Type de l'espèce. — Coquille mince, fragile, surbaissée, ombili- 
quée et subcirculaire, d'un blanc grisâtre; spire composée de trois 
tours inégaux croissant rapidement : le premier, embryonnaire, 
presque lisse; le deuxième, portant des côtes transverses, en gé- 
néral très-accusées; le troisième, très-grand et rendu anguleux par 
la bande de la scissure qui la divise en deux parties inégales ; partie 
inférieure plane ou peu convexe, portant des côtes peu saillantes ou 
des stries qui sont quelquefois croisées par des côtes longitudinales 
rudimentaires ; partie supérieure, correspondant à la surface moyenne 
et supérieure du dernier tour et présentant des côtes ou des stries 
croisées par des côtes longitudinales rapprochées et bien indiquées; 
bord de la scissure bien marqué, apparaissant un peu après le commen- 
cement du dernier tour et aboutissant à une petite ouverture ovalaire, 
légèrement pyriforme et parfaitement close ; ombilic assez large. 

Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre. 

2° Variété À, 

Tours de spire plus élevés; le dernier, moins surbaissé, à peine 
anguleux, présentant à sa partie supérieure une surface beaucoup 
plus convexe que dans le type; côtes longitudinales nulles ou presque 
nulles; côtes transverses en général peu indiquées sur le dernier tour. 

Hauteur : 1 millimètre et demi à 2 millimètres; diamètre : trois 
quarts de millimètre à 4 millimètre. 

Habitat. — Ne Saint-Paul; très-rare, sous les pierres dans l’inté- 
rieur du cratère, au niveau des plus basses eaux; plus abondante à 
l’intérieur par les fonds de 30 à 45 mètres. 

Observations. — Cette jolie petite espèce, que je suis heureux de 


120 CH. VÉLAIN. 


pouvoir dédier au commandant Mouchez, varie beaucoup ; mais les 
deux formes extrêmes dont je viens de donner la description présen- 
tent entre elles tous les passages, de telle sorte qu'il est impossible 


de les'séparer pour en faire deux espèces distinctes. J'ai observé sur 


un individu provenant de l’intérieur du cratère des squammes rudi- 
mentaires, qui se produisaient à l'intersection des côtes longitudi- 
nales et des stries transverses. 

Le genre Schismope, longtemps confondu avec les Scissurelles, ne 
renferme actuellement que cinq ou six espèces vivantes, toutes des 
mers chaudes ou tempérées, et trois espèces fossiles. 


GENRE JANTHINA, LAMARCK. 


30. Janthina Balteata, Reeve. — Reeve, Conch. icon., pl. IL, fig. 11 a et 11 b. 


Cette espèce, que Reeve a citée du cap de Bonne-Espérance, se 
recommande surtout par sa forme surbaissée et par le grand dévelop- 
pement de sa columelle ; elle est très-abondante autour de l’île Saint- 
Paul; à la suite des coups de vent d'est, la jetée du sud en était par- 
fois couverte. Nous en avons trouvé de même quelques rares coquilles 
brisées, entre les galets de la chaussée des Otaries, à Amsterdam. 


GENRE FISSURELLA. 


31. Fissurella australis, Krauss., pl. IV, fig. 9-10. — Kraus, Sud-Afr. Mol., 
tab. IV, fig. 10. 


Coquille subconique, ovalaire, très-élevée, d’un blanc cendré ou 
grisâtre, revêtue d’un épiderme très-mince ; sommet fortement rejeté 
en avant et entamé par une échancrure, peu allongée, subcirculaire 
et relativement petite; région dorsale postérieure, arrondie, courbe 
et fortement convexe; région dorsale antérieure, concave et moins 
arrondie; surface ornée : 4° de côtes longitudinales squammeuses 
assez fortes, disposées assez régulièrement et séparées par trois 
petites côtes également squammeuses ; 2° de lames transversales 
rapprochées coupant les côtes précédentes en donnant lieu à des 
squammes à chaque intersection; ouverture ovalaire, régulière, à 
bords horizontaux, montrant sur son pourtour interne de petits plis 
réguliers et rapprochés ; callosité interne de l’échancrure présentant 
en arrière une petite dépression. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 121 


Longueur : 24 à 25 millimètres ; largeur : 15 millimètres; hauteur : 
11 millimètres. 

Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Abondante sur les 
pierres et sous les algues, commence un peu au-dessus du niveau de 
la basse mer. (Cap de Bonne-Espérance, Krauss.) 

Observations. — Gette espèce, qui est identique avec celle citée de 
Port-Natal par Krauss, dans sa description des Mollusques du sud de 
l'Afrique, présente quelques variations. Sans parler des formes tou- 
jours plus trapues, à test épaissi, beaucoup plus squammeuses, qui 
se trouvent sur les côtes des deux îles, exposées directement aux vio- 
lences de la mer, on remarque encore, parmi celles qui habitent l’in- 
térieur du cratère, des formes assez étalées, chez lesquelles les orne- 
ments tendent à s’atténuer. 


32. Fissurella Mutabilis, G.-B. Sow., pl. IV, fig. 11-12. — Syn. : Non. 
F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Proceed. Zool. Soc., 1834, p. 127. — 
Syn. : Non. F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Conch. illust., fig. 67-70. 
— F. Mutabilis, Sow. — Reeve, Conch. iconica, fig. 43 a. 


Coquille ovale, peu élevée, souvent irrégulière; sommet submé- 
dian et largement entamé par une grande échancrure ovale, très-large 
à ses deux extrémités; test médiocrement épais, muni d’un épiderme 
très-mince ; surface ornée de côtes plates, un peu irrégulières, assez 
larges et très-surbaissées ; région dorsale antérieure un peu rétrécie, 
à peine concave ; région dorsale postérieure large, à peine convexe ; 
bord convexe, relevé aux deux extrémités ; ouverture présentant à 
l'intérieur sur son pourtour quelques petits plis irréguliers, corres- 
pondant aux côtes externes; coloration généralement cendrée, sou- 
vent avec des bandes longitudinales assez vives, comme celles figu- 
rées par Reeve (fig. 43 a). 

Longueur : 19 millimètres; largeur : 11 millimètres; hauteur : 
6 millimètres. 

Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam ; mêmes gisements que 
l'espèce précédente ; à Saint-Paul, elle est plus abondante dans l’inté- 
rieur du cratère qu’à l'extérieur. Krauss, dans sa description des 
Mollusques du sud de PAfrique, l’a citée du Cap et de Port-Natal. 

Observations. — L'espèce des îles Saint-Paul et Amsterdam est 
identique à la figure de la F. mutabilis, Sow., donnée par Reeve 
(Conch. iconica, fig. 43 a); mais elle diffère par un certain nombre 
de caractères, et notamment par la forme du foramen, des figures de 


199 CH. VÉLAIN. 


la même espèce données par G.-B. Sowerby (Proceed. Zool, Soc., 
1834, p. 216; Conch. illust., f, 67 à T0). 


GENRE PATELLA, LINNÉ, 


33, Palella depsta, Reeve., pl. IV, fig. 13-15. — Reeve, Conch, iconica, 
pl. XXXI, fig. 85 et 86. 


Coquille conique, assez élevée, large et dilatée à la base, qui est ova- 
laire et le plus souvent rétrécie en avant ; apex aigu, toujours porté 
vers le bord antérieur ; région dorsale antérieure tombant assez brus - 
quement et légèrement concave près du sommet ; région dorsale pos- 
térieure un peu arquée et convexe ; test mince, transparent dans le 
jeune, souvent très-épaissi dans l’adulte ; surface externe présentant : 
1° des côtes longitudinales rayonnantes, étroites et inégales, assez 
accusées sur le bord, s'atténuant au contraire vers le sommet; entre 
ces côtes principales s’interposent une ou plusieurs petites côtes 
semblables, souvent à peine accusées; % de petites lames circu- 
laires, transverses, serrées et peu saillantes, très-apparentes dans les 
jeunes individus, où elles deviennent un peu squammeuses en croi- 
sant les côtes longitudinales; chez les adultes, ces côtes disparais- 
sent ou ne se traduisent plus que par de légères stries d’acecroisse- 
ment, surface interne revêtue d'une légère couche mince, bleuâtre 
et opalescente chez les jeunes, d'un blanc jaunâtre dans l'adulte, sur 
laquelle tranche une tache blanche assez grande, dont le contour est 
limité par l'impression musculaire; bord mince et tranchant, orné 
intérieurement de plis irréguliers plus ou moins accusés s'étendant 
peu et correspondant aux petites côtes de la surface externe; impres- 
sion musCulaire bien marquée et présentant chez les adultes, vers 
l'extrémité inférieure de sa terminaison gauche, une dépression très- 
marquée, qui s’évase vers le bord de la coquille. Coloration : varie 
beaucoup avec l’âge des individus : les jeunes sont ornés de bandes 
brunes rayonnantes assez larges alternant avec des bandes, ou mieux 
avec des taches blanches ou jaunâtres, allongées et traversées par de 
jolies petites lignes d’un bleu azuré (fig. 18); puis ces bandes claires 
disparaissent, les petites lignes azurées persistent seules, surtout 
vers l’apex, et la coquille devient uniformément rousse; enfin elle est 
d'un brun marron dans l'adulte, avec un sommet blanchâtre ou tout 
au moins plus clair de ton. 

Longueur : 47 millimètres ; largeur : 38 millimètres; hauteur : 


J 
. 
! 
| 


{ 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 123 


13 millimètres. Maximum observé (île Amsterdam) : longueur : 
55 millimètres ; largeur : 43 millimètres ; hauteur : 22 millimètres. 

Var. gtbbosula. PI. IV, fig. 16-17.— Cette espèce présente une variété 
intéressante, qui se trouve être plus régulièrement ovalaire et presque 
aussi haute que large; les côtes secondaires y deviennent presque 
égales aux côtes principales ; la coquille se trouve en même temps 
toujours ornée de bandes foncées d'un brun roux, au nombre de 
vingt-six à trente, qui alternent très-régulièrement avec des zones 
claires, blanchâtres, assez larges près de la basé, mais se réduisant à 
de simples lignes vers le sommet. 

Longueur : 31 millimètres; largeur : 42 millimètres et demi; 
hauteur : 41 millimètres. 

Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam. Très-abondantes sur 
toute la côte à l’extérieur, où elles se tiennent à la face inférieure 
des gros blocs de lave éboulés. Elles ne s'élèvent pas heaucoup 
au-dessus de la zone littorale et se cantonnent même au niveau du 
balancement des marées. Les coquilles sont en général remarquable- 
ment nettes, l'agitation continuelle des eaux empêche sans doute les 
algues de venir se fixer à leur surface ; le contraire a lieu cependant 
à l’extrémité de la jetée du nord. Dans l'intérieur du cratère, les 
jeunes individus de cette espèce sont abondants et toujours brillam- 
ment colorés, tandis que les adultes y sont entièrement rares et ne 
se rencontrent guère que sur le revers intérieur des deux jetées. A 
Amsterdam, elles paraissent plus abondantes encore et de plus 
grande taille qu'à Saint-Paul. 

Observations. — Cette espèce, caractérisée par sa coloration rousse, 
qui est peu habituelle chez les patelles, a été citée par Reeve de 
Macao et de File Saint-Paul. L'échantillon figuré (pl. 31, fig. 85) est 
petit et provient évidemment de l’intérieur du cratère ; l'interruption 
branchiale n’est pas indiquée. 


GENRE CHITON. 


34. Chiton Bergoti, C. V., pl. IV, fig. 19-20. — Comptes rendus de 
l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Test allongé, assez étroit, ovalaire, convexe et subanguleux sur la 
ligne médiane: sensiblement plus rétréci à sa partie antérieure et 
coloré uniformément en brun grisâtre assez foncé ; valves inégales, 


124 CH. VÉLAIN. 


assez larges, ornées de lignes transverses, imprimées dans l’épaisseur 
du test, subimbriquées, très-accusées en avant et sur les parties laté- 
rales, où elles sont généralement au nombre de trois ou de quatre, 
s’effaçant au contraire vers la partie supérieure, qui paraît lisse ou 
marquée seulement de ponctuations irrégulières; valves terminales, 
semi-launaires, portant des stries imprimées comme les autres, mais 
plus nombreuses, plus accusées et concentriques; valve antérieure 
beaucoup plus étroite et plus anguleuse que celle postérieure ; valves 
intermédiaires inégales avec des aires latérales étroites, peu indi- 


quées ; aires dorsales élargies, finement ponctuées; limbe du man- 


teau jaunâtre, peu développé, sans écailles ni épines, marqué seule- 
ment de fines granulations. 

Longueur : 15 millimètres; largeur : 7 millimètres; hauteur : 
4 millimètres et demi. | 

Habitat. — Me Saint-Paul; sur les pierres de la zone littorale ; rare, 

Observations. — Nous n'avons trouvé cette espèce que dans l’inté- 
rieur du cratère de l’île Saint-Paul, où elle paraît assez rare ; sa sur- 
face est généralement corrodée, couverte d'incrustations calcaires et 
de serpules. Je lui ai donné, de même qu'à l'espèce suivante, le nom 
d’un des matelots qui furent débarqués sur l’île avec nous, 


35. Chiton Constanti, C. V., pl. IV, fig. 21-22. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Test oblong, assez mince, surbaissé, incolore ou d’un blanc jau- 
nâtre, également obtus à ses deux extrémités; valves terminales 
inégales, semi-lunaires, l’antérieure plus aiguë au sommet que la 
postérieure ; ornées toutes deux de stries concentriques, comme dans 
l'espèce précédente ; valves intermédiaires, étroites et égales ; aires 
latérales, allongées, assez développées, mais peu proéminentes et peu 
distinctes ; surface externe peu convexe, avec un angle médian, plus 
ou moins accusé, paraissant lisse, mais cependant ornée de fines 
granulations très-régulièrement sériées, visibles avec une forte loupe ; 
limbe du manteau, étroit, blanchâtre ou gris, et légèrement squam- 
meux. 

Longueur : 8 à 9 millimètres; largeur : 4à 5 millimètres ; hauteur : 
2 millimètres et demi. 

Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam ; sur les pierres entre le 
niveau de la haute et de la basse mer. 

Observations. — Cette espèce, de taille médiocre, est, à l'inverse de 


SPP 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 125 


l'espèce précédente, abondante sur tout le littoral des deux îles; 
dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul notamment, certaines 
pierres en sont couvertes, 


GENRE HELIX, LINNÉ. 
36. Helix (sp. ind.)? 


Le seul individu appartenant à ce genre, que nous ayons pu ren- 
contrer, vivait sous les mousses, le long d’une des petites sources, 
qui découlent nombreuses, dans les falaises de l’île Amsterdam. Get 
exemplaire, malheureusement unique, est trop jeune pour pouvoir 
être déterminé d’une facon rigoureuse ; il indique une espèce d’as- 
pect insulaire, appartenant aux formes minces, fragiles, intermé- 
diaires entre les Hélix véritables et les Zonites. Tout à fait différente 
des Hélices citées du Cap par Krauss, elle se rapproche un peu, par 
sa forme générale et la minceur de son test, des Æelix Lovent et œænea, 
Krauss, qui vivent sur le littoral de Port-Natal, et, plus encore peut- 
être, de l’Æ. electrina, H. et Jacquinot ( Voyage de l'Astrolabe, pl. VI, 
fig. 37-40), recueillie à l’île de Guam, dans le voyage au pôle sud de 
l’Astrolabe et de la Zélée. Mais c’est aux rares espèces rapportées des 
Açores par M. Morelet qu'elle ressemble surtout ; son facies est 
européen. 

GENRE MARINULA, 


L4 


37. Marinula nigra, Philippi, var. minor, G. V., pl. IV, fig. 25. — Kuüst, 
Auricula, p. 24, pl. UL, fig. 4 et 5. 


Coquille assez mince, peu élevée; spire conique, composée de 
quatre tours inégaux et peu convexes ; le dernier très-grand, allongé, 
ovalaire, présentant, auprès de la suture, une petite dépression lon- 
gitudinale ; surface lisse, ne montrant que des stries transverses 
d'accroissement ; ouverture. grande , allongée, sub-semi-lunaire, et 
arrondie à sa partie supérieure ; bord libre, mince, arrondi, avec une 
sinuosité vers la base ; bord columellaire portant : 1° à sa partie su- 
périeure, un pli rudimentaire épais, situé au-dessus d’une dent ho- 
rizontale, étroite et bien développée ; 2° à la base une seconde dent 
oblique, dirigée en avant, plus saillante que la précédente. Coloration : 
la coquille est d’un violet très-foncé ou d’un noir brun, le bord colu- 
mellaire est de teinte peu claire, et les quatre dents columellaires 
blanches. 

Hauteur : 7 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètres et demi. 


126 CH. VÉLAIN. 


Maximum observé : hauteur : 9 millimètres; diamètre : 5 milli- 
mètres et demi. l 

Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se tient en 
très-grande abondance sous les roches, au niveau de la haute mer, 
et descend rarement plus bas. Dans l’intérieur du cratère, on la ren- 
contre surtout vers la pointe de la jetée du nord, et dans tout le ca- 
dran nord-est ; en face des hangars des pêcheurs et devant les saleries 
de poisson par exemple, il est impossible de retourner une roche sans 
en trouver des centaines d'individus; de même, un peu plus loin, 
autour de la source du bain, mais là les coquilles sont en partie dé- 
colorées, salies par des oxydes de fer, et profondément corrodées par 
les dégagements continuels d'acide carbonique; la spire est, en par- 
ticulier, presque toujours détruite. A l'extérieur, nous en avons 
recueilli de beaux individus dans la grotte de la baie des Manchots; 
elles pénètrent assez profondément dans les laves poreuses des fa- 
laises; mais après les fortes marées, et surtout après les coups de 
vent, quand la mer,soulevée en tempête, s'élève beaucoup plus haut 
que de coutume, elles sortent alors de leurs retraites et remon- 
tent dans les falaises jusqu’à la hmite extrême des embruns. Nous 
avons vu parfois les bancs de laves en corniche, qui forment la partie 
supérieure de la pointe Enragée, disparaître, pour ainsi dire, sous les 
Marinules, qui venaient se réfugier jusque-là, quand la mer avait été 
très-forte. 

À Amsterdam, elles sont également très-abondantes et générale- 
ment de taille plus grande qu’à Saint-Paul ; lexemplaire figuré en 
provient. 

Observations. — Cette Manriule est identique à celle décrite de 
l’île de Tristan d’Acunba, par Philippi, sous le nom de #7. nigra, mais 
elle est de taille beaucoup plus petite, et doit être considérée comme 
une variété minor de cette espèce. 


38. Marinula Maindroni, C. V., pl. IV, fig. 26. — 1877. 


Coquille mince, courte et globuleuse, semi-transparente et colorée 
en brun clair ; surface lisse et brillante ; spire petite, très-acuminée, 
masquée presque complétement par le dernier tour, qui est arrondi 
et très-développé; ouverture grande, dilatée vers la base; bord colu- 
mellaire non épaissi, marqué de plis beaucoup plus aigus que dans 
l'espèce précédente; bord libre mince et tranchant, non sinueux. 

Hauteur : 4 millimètres ; diamètre : 3 millimètres un quart. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 127 


Habitat. —- Ile Amsterdam; dans les vacuoles des laves, au pied 
des falaises, assez rare. 

Observations. — Cette petite espèce, qui paraît spéciale à l'ile Am- 
sterdam, se distingue très-facilement de la précédente par sa colora- 
tion particulière, sa spire aiguë et sa forme globuleuse, 


GENRE SIPHONARIA, SOWERBY. 
39. Siphonaria Macgilliwayi, Reeve, pl. IV, fig. 27-29. — Reeve, Conch. 
iconica, fig. 25. 

Coquille d'un noir grisâtre, brune par transparence, capuliforme, 
assez surbaissée, légèrement contournée, ovalaire et dilatée à la base ; 
crochet presque terminal, recourbé et rejeté fortement à droite ; test 
peu épais, muni d'un épiderme simple, mince, orné de côtes rayon- 
nantes, assez larges, obtuses, à peine indiquées, mais en général plus 
accusées sur le côté antérieur ; côté antérieur arrondi et fortement 
convexe ; CÔté postérieur convexe, peu élevé et très-peu développé; 
ouverture assez grande, présentant sur son bord externe une légère 
sinuosité, qui correspond à une gouttière à peine indiquée ; face in- 
terne lisse, d’un beau noir brillant; impression musculaire assez 
profonde, divisée, sur le côté droit, par un large espace longitudinal, 
peu déprimé, correspondant à la gouttière siphonale. 

Longueur : 42 millimètres; largeur : 8 millimètres; hauteur : 
6 millimètres. 

Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam: sur les blocs isolés, au 
pied des falaises et dans toutes les parties exposées aux embruns, 
jusqu'à 5 ou 6 mètres au-dessus du niveau de la mer. A Saint-Paul, 
les Siphonaires se trouvent surtout sur la petite pointe qu’il faut 
contourner à marée basse, pour se diriger de la jetée du nord vers 
la baie des Manchots; sur les rochers de la pointe Enragée et sur ceux 
des Deux Frères, sous la pointe Hutchison, partoutenfin où la mer brise 
avec violence. Ils vivent par petites colonies, pressés les uns contre les 
autres, et s’introduisent dans toutes les fissures, dans toutes les va- 
cuoles des laves. Nous n’en avons pas vu un seul individu dans l’inté- 
rieur du cratère. 

À Amsterdam, cette espèce (pl. IV, fig. 30) est généralement plus 
déprimée, plus dilatée à la base et de plus grande taille qu’à Saint- 
Paul; les coquilles sont en même temps moins foncées; au lieu 
d’être uniformement noirâtres, elles sont brunes et traversées par des 
bandes rayonnantes jaunâtres, assez nombreuses. 


198 CH. VÉLAIN. 


Observations — C’est Reeve qui, le premier, a fait connaître cette 
espèce et l’a citée de l’île Saint-Paul ; elle s'éloigne des véritables 
Siphonaires par un certain nombre de caractères tirés de la coquille, 
qui correspondent à des modifications importantes dans l’organisa- 
tion de l’animal, et devront, certainement, nécessiter la création d’un 
genre nouveau, ainsi que je me propose de l’établir prochainement. 


GENRE BULLA. 


40. Bulla fragilis, C. V., pl. IV, fig. 31. — Comples rendus de l’Académie 
des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille courte et subcylindrique, tronquée à la base, mince, 
translucide et de couleur grise; ornée de petites stries longitu- 
dinales, très-rapprochées à la surface; ouverture très-embrassante, 
allongée, étroite et subanguleuse vers sa base, qui dépasse la spire ; 
plus dilatée et arrondie vers sa partie supérieure ; columelle droite, 
élevée, à peine contournée;, bord columellaire inférieur fortement 
convexe vers son milieu ; ombilic petit, circulaire, étroit et profond. 

Hauteur : 2 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètre. 

Habitat. — Ile Saint-Paul : sous les pierres, au niveau des plus 
basses eaux, dans l’intérieur du cratère ; très-rare. 


II. SOLENOCONQUES. 
GENRE GADUS, RANG. 
41. Gadus Divæ, C. V., pl. V, fig. 1-2. — 1877. 


Coquille mince, blanche, transparente, allongée, médiocrement 
arquée ; légèrement renflée près du tiers supérieur; surface lisse et 
brillante, montrant, à un grossissement suffisant, quelques stries 
d’accroissement inégalement espacées ; ouverture antérieure parfaite- 
ment circulaire, non oblique, contractée, à bord mince et tranchant; 
ouverture postérieure assez large, simple, oblique, entière, sans lobes 
ni fissures latérales. | 

Hauteur : 4 millimètres ; diamètre supérieur : trois quarts de mil- 
limètre ; diamètre inférieur : 4 demi-millimètre. 

Habitat. — Ye Saint-Paul; à la profondeur de 90 mètres, dans l’est 
du cratère ; très-rare. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 129 


Observations. — Le genre Gadus n’est encore représenté dans les 
mers actuelles que par un très-petit nombre d’espèces, qui toutes 
habitent à de grandes profondeurs, dans les régions chaudes ou tem- 
pérées. Notre espèce se distingue facilement de ses congénères par 
son bord postérieur entier. Je lui ai donné le nom du bâtiment de 
guerre, la Dives, qui nous à portés à Saint-Paul. 


III. ACÉPHALES. 


LAMELLIBRANCHES. 


GÈNRE HOCHSTETTERIA, C. V., 1871. 


Coquille équivalve, inéquilatérale, aviculiforme ou modioliforme, 
fixée aux corps sous-marins par un byssus ; byssus assez court et pas- 
sant par une légère fente située près de l'extrémité supérieure du 
bord palléal antérieur ; bord antérieur et bord postérieur très-iné- 
gaux ; le premier beaucoup plus court que le second ; bord palléal, 
très-courbe et convexe, présentant, vers sa partie antérieure ou pos- 
térieure, des crénelures disposées comme celles des Crenelles ; région 
cardinale, presque droite et assez large, présentant : 1° sur toute sa 
surface des petites stries ou des sillons transverses, plus ou moins 
accusés, assez rapprochés ; 2° une cavité interne, partant des crochets 
et dirigée plus ou moins obliquement, de droite à gauche; deux im- 
pressions musculaires très-imégales ; l’antérieure, très-petite et à 
peine indiquée, est située à l'extrémité du bord palléal, presque sous 
le côté antérieur ; l'impression postérieure, qui est mieux développée, 
se trouve placée sur le bord palléal opposé, bien au-dessous du côté 
postérieur ; impression palléale simple. 

Distribution. — 1] existe aux îles Saint-Paul et Amsterdam trois es- 
pèces appartenant à ce genre. L’une d’elles (H. aviculoides) habite ex- 
clusivement la zone littorale, les deux autres (H. crenella et modiolina) 
se tiennent autour des deux îles, à la profondeur de 30 à 43 mètres. 

Observations. — Ces trois espèces rappellent par leur forme géné- 
rale, et surtout par les détails de leur organisation interne, les Avi- 
cules, les Mytilus et les Crenelles. Elles possèdent toutes, en effet, un 
ligament semblable à celui des Avicules, mais la présence de deux 
impressions musculaires bien nettes les rapproche davantage des 
Mytilus. C’est donc dans la famille des Mytilidæ qu’il faut placer cette 
nouvelle coupe générique. 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == 1T, VI. 1877. 9 


130 CH. VÉLAIN. 


Hochtetteria aviculoïdes est la seule des trois espèces qui ait été re- 
cueillie avec l’animal : elle vit fixée aux corps sous-marins par un 
byssus assez résistant. Son test est revêtu d’un épiderme brunûtre, 
qui forme des lamelles concentriques, portant des digitations sem- 
blables à celles que l’on peut observer dans deux des genres précités. 

L'étude de la disposition relative du ligament chez les Iochstette- 
ria, démontre que dans les espèces qui constituent ce genre, il existe 
des modifications très-accusées. Ainsi dans À. Crenella ce ligament 
est situé dans une cavité triangulaire et médiane située sous les cro- 
chets, tandis que dans les deux autres espèces cette cavité tend à 
devenir de plus en plus étroite et oblique. Malgré ces variations, sa 
position reste toujours la même : il est toujours logé dans une fos- 
sette interne creusée dans la région cardinale, entre le côté antérieur 
et le côté postérieur. Ce dernier caractère est tout à fait distinctif. 
Cans les trois genres Avicula, Mytilus et Crenella, qui sont les seuls 
avec lesquels les Hochstetteria ont quelques rapports, le ligament se 
trouve toujours placé, en effet, dans une petite cavité étroite, lon- 
geant le côté postérieur. En outre de la fossette ligamentaire, chez les 
Hochstetteria, la région cardinale porte encore un très-grand nombre 
de petites stries ou de petits sillons transverses qui ne se voient qu’à 
un fort grossissement; ces sillons contribuent à donner au mode 
d’articulation des valves une grande solidité. 

Ce genre est jusqu'à présent tout à fait spécial au petit groupe des 
îles Saint-Paul et Amsterdam, il y est des plus abondants. En lui 
donnant le nom de M. Ferdinand de Hochstetter, j’ai voulu rappeler 
que les premières notions précises sur ces deux îles désertes, sont 
dues à ce voyageur courageux et à ce savant géologue. 


42. Hochstetteria aviculoides, G. V., pl. V, fig. 3-4. — Comptes rendus 
de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille aviculiforme, assez épaisse et très-inéquilatérale, d’un 
brun jaunâtre peu foncé; crochets peu saillants et sensiblement ter- 
minaux ; bord droit et bord gauche formant chacun, avec le bord 
palléal, un angle très-accusé. Epiderme épais, donnant lieu à de pe- 
tites côtes transversales, subrayonnantes, partant des crochets et 
croisées par de petites lamelles concentriques, étroites, qui présen- 
tent dans leur intersection avec ces dernières de petites expansions 
plus ou moins dentiformes; région cardinale assez épaisse, droite, 
présentant quelques petits sillons ou des stries transverses peu accu- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 431 
sées ; cavité cardinale triangulaire, située très-près du bord droit et 
formant un triangle oblique ; bord antérieur très-court; bord posté- 
rieur beaucoup plus développé; bord palléal présentant seulement à 
l'extérieur, et à sa jonction avec le bord postérieur, trois ou quatre 
petites crénulations. 

Diamètre antero-postérieur : 2 millimètres ét demi ; diamètre um- 
bono-marginal : 3 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 milli- 
mètre. 

Habitat. — Ne Saint-Paul ; cette espèce, très-abondante dans toute 
la zone littorale du cratère, se fixe par son byssus au pied des algues, 
sous les pierres et surtout autour des bryozoaires arborescents (Pu- 
gula) ; elle aime à se cacher et souvent comme sa teinte brunâtre se 
confond avec celle des roches sur lesquelles elle se trouve, on la re- 
marque difficilement. | 


43. Hochstelteria modiolina, G. V., pl. V, fig. 7-8. — Comptes rendus 
de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille blanche, modioliforme, très-inéquilatérale; crochets peu 
saillants, subterminaux ; épiderme inconnu ; surface lisse ou finement 
costellée ; bord postérieur très-court, faisant un angle très-accusé 
avec le bord palléal ; bord antérieur arrondi et déclive; région car- 
dinale oblique assez épaisse, présentant de petits sillons transverses, 
plus ou moins accusés; cavité du ligament étroite et fortement obli- 
que ; bord palléal, quelquefois légèrement sinueux vers sa partie 
antérieure, et présentant seulement sur sa partie postérieure deux ou 
trois crénelures assez accusées. Le 

Diamètre antéro-postérieur : 4 millimètre trois quarts; diamètre 
umbono-marginal : 2 millimètres et demi ; épaisseur des deux valves : 
trois quarts de millimètre. 

Habitat. — Te Saint-Paul ; au-delà du banc Roure, par les fonds 
de 35 mètres. Entre les roches de la chaussée des Otaries à Amster- 
dam, on en trouve de nombreuses coquilles roulées. 

Observations. — L'obliquité du ligament et la forme oblongue du 
test, rendent cette petite espèce facilement distincte. 


44. Hochstelleria crenella, C. V., pl. V, fig. 5-6. — Comptes rendus de l'Aca- 
démie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille modioliforme, inéquilatérale, d’un rose carmin assez in: 
tense ; crochets subterminaux et un peu plus saillants que dans les 


132 CH. VÉLAIN. 

deux autres espèces ; épiderme inconnu; bord antérieur un peu plus 
grand que dans l’Æ. modiolina et légèrement arrondi à sa jonction 
avec le bord palléal ; bord postérieur presque droit et très-développé ; 
région cardinale très-oblique et présentant de nombreux petits sil- 
lons transverses ; cavité cardinale régulièrement triangulaire, non 
oblique et située directement sous les crochets ; bord palléal présen- 
tant : 1° vers sa partie postérieure cinq à six crénelures qui vont en 
diminuant sensiblement de bas en haut; 2 vers sa partie antérieure, 
trois ou quatre crénelures semblables aux autres ; impression palléale 
bien développée et semi-lunaire, mais peu marquée. 

Diamètre antéro-postérieur : 1 millimètre ; diamètre umbono-mar- 
ginal : { millimètre et demi; épaisseur des deux valves : un demi- 
millimètre. 

Habitat.— Iles Saint-Paul et Amsterdam (même habitat que Æ. mo- 
diolina). 

Observations. — (Cette espèce se distingue nettement des deux pré- 
cédentes par sa forme particulière et surtout par la disposition de 
ses crénelures qui sont placées sur le côté interne et postérieur du 
bord palléal, comme dans beaucoup de Crenelles. 


GENRE ROCIEFORTIA, C. V. 1876. 


Coquille assez épaisse, transverse, inéquivalve, inéquilatérale ; sur- 
face externe munie d’un épiderme simple; crochets peu saillants, 
non proéminents et submédians ; valve droite présentant à l'inté- 
rieur : {° une cavité ligamentaire triangulaire, située directement 
sous le crochet et peu oblique, montrant à sa partie supérieure une 
sorte de petite dent rejetée contre la dent latérale antérieure ; 2 deux 
dents latérales inégales présentant entre elles et le bord des valves, 
deux cavités longitudinales, étroites, destinées à loger les deux dents 
latérales, situées sur la valve opposée ; valve qauche portant : 1° une 


cavité ligamentaire, triangulaire, située entre deux dents cardinales 


divergentes, un peu inégales ; 2 deux petites cavités, plus ou moins 
trigones, séparant les dents cardinales et les dents latérales ; 3° deux 
dents latérales marginales peu saillantes, la dent antérieure plus 
longue que la dent postérieure ; impression palléale simple et assez 
large ; deux impressions musculaires presque égales et assez fortes, 
opposées, à peu près comme celles des Crassatelles. 

Distribution. — He Saint-Paul ; zone littorale ; une seule espèce. 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDANM. 133 
Observations. — J'ai dédié ce nouveau genre à mon ami M. le doc- 
teur Rochefort, qui s'est attaché d’une facon toute spéciale pendant 
toute la durée de notre séjour à la recherche et à l’étude des animaux 
marins ; 1l est facile de voir que par la position de sa cavité ligamen- 
taire, il se rapproche de ceux dont le ligament est interne ; mais 
parmi ces derniers, le genre Crassatella seul présente avec lui quel- 
que analogie lointaine. La disposition et le nombre des dents cardi- 
nales exclut, en effet, tout rapprochement avec les Montacuta, Ery- 
cina, Tellimya, Scintilla, ete. I règne, du reste, parmi tous ces petits 
genres une assez grande confusion : dans les Scintilla, par exemple, 
un grand nombre d'espèces dont le ligament est externe, doivent se 
ranger dans les Sportelles. 


45, Rochefortia australis, C. V., pl. V, fig. 9-11. — Comptes rendus de 
l'Académie des sciences, 24 juiliet 4876. 


Coquille subtrigone, crassatelliforme, transverse, presque équi- 
valve; valves inéquilatérales et peu convexes ; test assez épais, recou- 
vert d’un épiderme brun verdâtre ; surface présentant des stries con- 
centriques d’accroissement, plus ou moins visibles et irrégulièrement 
marquées ; impression palléale, assez large, située assez loin du bord 
des valves; impressions musculaires très-accusées ; l'impression pos- 
térieure plus accusée que l’antérieure ; tous les autres caractères con- 
formes à la description générique. 

Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres ; diamètre umbono-mar- 
ginal : 2 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 millimètre. 

Habitat. — 1e Saint-Paul; sous les racines des algues, dans l’inté- 
rieur du cratère et notamment à l'extrémité de la jetée du Nord entre 
le niveau des hautes et basses eaux. 

Observations. — Cette espèce présente quelques variations dans sa 
forme générale ; certains individus sont plus courts, d’autres plus 
étroits et moins trigones ; d’autres présentent à leur surface quelques 
stries d’accroissement plus fortes les unes que les autres. 


GENRE ERYCINA. 


46. Erycina Veneris. C. V., pl. V, fig. 12-14. Syn. : Erycina alba, C. V. 
Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille blanche, épaisse, brillante, presque équilatérale et sensi- 
blement aussi haute que large; surface extérieure, lisse, ne portant 


134 | CH. VÉLAIN. 

que des siries à peine indiquées ou même nulles; valve gauche pré- 
sentant à l’intérieur deux dents cardinales latérales, saillantes et 
presque égales, la dent postérieure un peu plus haute que l’anté- 
rieure ; valve droite munie également de deux dents cardinales, bien 
développées, qui viennent s’insérer dans deux fossettes longitudinales, 
situées derrière les dents latérales de la valve opposée ; ligament in- 
terne s'insérant dans une dépression transverse, triangulaire, mé- 
diane et assez profonde ; impression palléale, simple, bien marquée 
et située assez loin du bord externe; impressions musculaires assez 
profondément imprimées. 

Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres et demi ; diamètre um- 
bono-marginal : 2 millimètres trois quarts; épaisseur des deux valves : 
2 millimètres. 

Habitat, — Très-abondante dans le nord de l’île Saint-Paul, à la 
profondeur de 80 mètres; se trouve encore, mais plus rarement, par 
les fonds de 35 mètres. 

Observations. — Dans la première liste que j'ai donnée des mol- 
lusques testacés de l’île Saint-Paul (C. rendus, séance du 24 juil- 
let 1876), j'avais désigné cette espèce sous le nom de Zrycina alba, 
mais ce nom ayant été employé antérieurement par Lamarck, pour 
une espèce toute différente, j'ai dû lui en assigner un autre. 


GENRE TURQUETIA, C. V., 1876. 


Coquille mince, transverse, équivalve et très-inéquilatérale ; cro- 
chets peu saillants ; côté antérieur bien développé; côté postérieur 
très-court et subtronqué; charnière étroite et peu développée; valve 
droite présentant : 1° une seule dent cardinale rudimentaire et arron- 
die ; 2 une cavité ligamentaire, interne, allongée, très-étroite, creu- 
sée dans l’épaisseur du bord postérieur et située au-dessous de la 
dent cardinale; valve gauche portant : 1° une seule dent cardinale 
très-courte, en avant de laquelle se montre une dépression plus ou 
moins profonde, destinée à loger la dent cardinale de la valve op- 
posée ; 2 une cavité ligamentaire semblable à la précédente; liga- 
ment interne étroit et allongé ; deux impressions musculaires mé- 
diocres, à peine visibles; impression palléale simple et très-peu 
accusée. 

Distribution. — Tes Saint-Paul et Amsterdam ; une seule espèce. 


ASP EEE RER RE ns 


SE + 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 135 


Observations. — Les Turquetia appartiennent encore à ces genres 
peu connus dont j'ai parlé à propos des Æochefortia; la position du 
ligament logé dans une fossette allongée et étroite, placée sur le 
bord postérieur, semble les rapprocher des Erycinidés, mais la forme 
du crochet et la disposition des dents cardinales les en éloignent. Je 
dois faire remarquer en outre que dans ce nouveau genre, que je 
suis heureux de dédier à mon ami M. Turquet, capitaine de frégate, 
le côté postérieur est de beaucoup plus court que le côté antérieur ; 
c'est généralement le cas inverse chez les Acéphales. 


47. Turquetia fragilis, C. V., pl. V, fig. 15-17. 1876. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille blanche ou légèrement jaunâtre, assez convexe, très- 
inéquilatérale ; côté antérieur allongé et assez régulièrement arrondi ; 
côté postérieur très-court, présentant deux plis transverses, peu accu- 
sés, correspondant aux deux légères sinuosités du bord postérieur ; 
surface présentant des stries d’accroissement inégalement mar- 
quées et en général peu accusées. Les autres caractères conformes 
à ceux de la description générique. 

Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts; diamètre 
umbono-marginal : 4 millimètre trois quarts ; épaisseur : trois quarts 
de millimètre, | 

Habitat. — He Saint-Paul; très-abondante dans les sables, à la 
profondeur de 45 à 65 mètres, en face de la jetée du Sud. Quelques 
valves isolées au milieu des galets, sur la côte de l’île Amsterdam. 

Observations. — Cette espèce, très-abondante, varie beaucoup de 
taille ; son caractère le plus apparent réside dans l’allongement très- 
marqué de son côté antérieur. 


GENRE LASÆA, BROWN. 


48. Lasæa rubra, Montagu. Syn. : Cardium rubrum, Montagu, Test, Brit., I, 
P. 83, 1803? — Lasæz rubra, Forbes et Hanley, Brit. Moll.s 
pl. XXXVI, ko. 5 et 7. — Lasæa rubra, Jeffreys, Brit. Conch., 
pl. XXXIT, fig. 4... etc. 


Cette petite espèce, qui se trouve dans toutes les mers d'Europe, 
dans l'Atlantique (Forbes et Hanley), dans les mers du Japon (Car- 
penter), dans le Pacifique (Carpenter), au détroit de Magellan (Phi- 
lippi), au sud de l’Afrique (Bornia seminulum, Krauss, Sudaf. Moll., 


136 CH. VÉLAIN. 
p. 2), etc., a été également recueillie, en 1874, sur la terre de Ker-. 
guelen, par M. J.-H. Kidder, naturaliste attaché à l'expédition astro- 
nomique américaine. C’est assurément une des espèces qui possèdent 
l’aréa le plus étendu. 

Elle se trouve à l’île Saint-Paul en nombre prodigieux et présente 
deux variétés qui correspondent à deux stations bien distinctes. Les 
unes, très-convexes, arrondies et fortement colorées en brun, se tien- 
nent sous les racines des algues, entre le niveau de la haute et basse 
mer, dans l’intérieur du cratère, et notamment à l’extrémité de la 
jetée du Nord; les autres, de taille souvent un peu moindre, plus 
allongées dans le sens transversal, presque incolores ou plus rare- 
ment colorées en rouge intense et méritant bien alors leur nom spé- 
cifique, se cachent plus ou moins profondément sous les roches, au 
niveau de la haute mer, dans les points qui ne sont recouverts que 
dans les grandes marées. Ces dernières, fixées les unes aux autres 
par une sorte de byssus, sont souvent si nombreuses, qu’elles rem- 
plissent entièrement les vides que laissent entre eux les blocs de laves 
superposés. En face des établissements de pêche, dans le nord-est, on 
peut littéralement les ramasser par poignées. Des Planaires, des An- 
nélides, des Nématoïdes nombreux vivent au milieu d’elles et à leur 
détriment. Je n’ai pas cru devoir séparer ces deux variétés, à cause 
des nombreuses formes intermédiaires qu’elles présentent. 

Sur la côte de l’île Amsterdam, ces ZLasæa m'ont paru beaucoup 
moins nombreuses qu’à Saint-Paul. 


GENRE LUTETINA, C. V., 1873. 


Coquille assez épaisse, équivalve, inéquilatérale, plus ou moins 
ovalaire; crochets peu saillants; surface lisse ou bien ornée de petits 
sillons concentriques ; ligament interne; valve droite présentant à 
l'intérieur : 4° une dent cardinale assez bien développée, au-dessus 
de laquelle se montre une autre dent étroite, allongée et recourbée 
en forme de V, se reliant plus ou moins intimement avec le commen- 
cement du bord antérieur ; 2 une dent latérale postérieure, bien dé- 
veloppée, laissant entre elle et le bord postérieur une petite cavité 
longitudinale, destinée à loger la dent latérale de la valve opposée ; 
3° une cavité ligamentaire située sous le crochet, entre la partie supé- 
rieure de la dent latérale et le bord postérieur de la dent en forme 
de V; valve gauche présentant à l’intérieur : Le une dent latérale assez 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 137 


développée, appliquée contre le bord postérieur ; 2° une dent cardi- 
nale légèrement coudée, circonserivant une petite cavité destinée à re- 
cevoir la dent simple de la valve opposée ; 3° une cavité ligamentaire 
disposée comme sur l’autre valve ; impression palléale simple ; impres- 
sions musculaires semblables à celles des Vénus et des Cythérées. 

Distribution. — Yes Saint-Paul et Amsterdam; une seule espèce. 

Observations. — Le genre que je propose sous le nom de ZLufelina 
offre une assez grande analogie avec le genre Lutetia, créé par M. Des- 
hayes en 1871, pour deux espèces éocènes du bassin de Paris : Zutetia 
parisiensis etumbonata (Deshayes, Descript. des anim. s. vert., t. 1, p.787 
et suiv.). Depuis cette époque, la distribution de ce petit genre s’est 
un peu étendue : M. Munier-Chalmas, après en avoir découvert deux 
espèces nouvelles dans des terrains tertiaires plus récents (faluns de 
la Touraine et de Bordeaux), vient en effet de le retrouver à l’état 
vivant dans un sondage de la mer des Indes. J’ai eu entre les mains 
les cinq espèces de Lutetia connues actuellement, toutes conservent 
intacts.les caractères génériques assignés par l'éminent conchyliolo- 
giste; aucune d'elles ne présente de dents cardinales latérales. Ce 
dernier Caractère existe au contraire dans l’espèce de l’île Saint-Paul 
que je décris plus loin, en même temps que le ligament y devient 
interne. Ge sont là les deux raisons qui m'ont déterminé à la séparer 
des Zutetia, pour en faire le type de ce genre nouveau que je viens 
de décrire sous le nom de Zutetina. 


49. Luletina antarctica, C. V., pl. V, fig. 18-20. — Comptes rendus de 
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille d’un blanc mat, subcirculaire ou ovalaire ; surface bril- 
lante; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que le 
côté postérieur, qui se trouve légèrement dilaté ; crochets petits, 
submédians ; test assez épais, orné de petites côtes concentriques peu 
marquées et quelquefois presque nulles ; dent cardinale simple; dent 
latérale très-développée sur la valve droite; les autres caractères con- 
formes à ceux de la description générique. 

Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts ; diamètre 
umbono-marginal : 1 millimètre trois quarts; épaisseur : 1 milli- 
mètre. 

Habitat. — Ie Saint-Paul; les valves détachées de cette petite 
espèce sont très-nombreuses dans les vases du fond du cratère ; on la 


138 CH. VÉLAIN, 


trouve vivante dans les sables ramenés par la drague entre les fonds 
de 45 mètres à 70 mètres, en face de l’entrée du cratère. 

Observations. — Cette espèce présente deux variétés très-accusées ; 
les unes sont en effet régulièrement circulaires, les autres au con- 
traire ovales; mais, entre ces deux types extrèmes, il existe tous les 
intermédiaires possible, de telle sorte que je n’ai pas cru devoir en 
faire deux espèces distinctes. 


GENRE VENUS, LINNÉ. 


50. Venus (Caryathis) antarctica, C. V., pl. V, fig. 21-22, — Comptes rendus 
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876. 


Coquille presque circulaire, aussi haute que large, un peu inéqui- 
latérale ; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que 
le postérieur; valves convexes, ornées de côtes concentriques régu- 
lières, équidistantes et comme striées ; crochets peu saillants, mais 
très-indiqués cependant; lunule ovale, large, peu enfoncée, nette- 
ment délimitée par un petit sillon; charnière large et subtrigone ; 
valve droite portant trois dents cardinales, à peu près équidistantes : 
les deux premières divergentes, assez fortes, un peu inégales, la troi- 
sième plus courte et surbaissée; valve gauche portant quatre dents 
cardinales : la première allongée, étroite, située contre la nymphe 
du ligament, les deux médianes divergentes et bien développées, la 
quatrième rudimentaire, peu indiquée, placée près du bord cardinal 
interne; impression palléale étroite, présentant un sinus peu pro- 
noncé : impressions musculaires très-marquées ; légère coloration 
jaunâtre, avec quelques taches brunes irrégulièrement disséminées ; 
une large tache noire sur le côté antérieur, près des crochets, 

Diamètre antéro-postérieur : 27 millimètres; diamètre umbono- 
marginal : 25 millimètres ; épaisseur : 18 millimètres. 

Habitat. — Ye Saint-Paul, en face des jetées à l'extérieur, et sur- 
tout devant la baie des Manchots, par les fonds de 15 mètres; nous 
avons fréquemment trouvé des valves séparées de cette espèce dans 
les vases stériles de l’intérieur du cratère ; elles étaient alors complé- 
tement décolorées et souvent altérées jusqu’au point de devenir 
friables. 

ol, AvicuIe = 02: Peclen 4 


Dans les sondages autour du banc Roure, quelques fragments très- 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 139 


incomplets indiquent encore la présence de deux petites espèces ap- 
partenant aux genres Avécula et Pecten, mais nous n'avons jamais pu 
nous les procurer entières. 


IV. BRACHIOPODES. 


TEREBRATULIDÉES. 


GENRE KRAUSSINA, DAVIDSON. 


52. Kraussina Davidsoni, C. V., pl. V, fig. 23-26. 1877. — Syu.: Kraussina 
pisum, Lam. sp., CG. V. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 
24 juillet 1876. — Kraussina pisum, Frauendfeld, Verh, der K.K. 
Zool. bot. Gesellschaft in Wien, 1865, p. 893. 


Coquille subordiculaire, de taille médiocre, transverse, inéquivalve, 
rarement symétrique, divisée en deux par une dépression longiludi- 
nale peu profonde, située sur la petite valve ; ornée de côtes rayon- 
nantes nombreuses et régulières qui, très-développées dans le jeune, 
ne se voient plus que sur leitiers supérieur de la coquille chez l’aduile, 
tout le reste montrant seulement des lamelles concentriques d'ac- 
croissement plus ou moins accusées; ligne cardinale sensiblement 
droite, très-peu développée ; crochet peu ou moins saillant, caréné 
latéralement, tronqué par un large trou, irrégulier, qui le traverse 
en son entier et entame parfois légèrement le crochet de la petite 
valve; charnière solide; tubercule cardinal peu indiqué; septum 
médian assez prononcé, mais cependant peu élevé, composé de deux 
lamelles imparfaitement soudées, qui se séparent vers le milieu de la 
petite valve, et s'élèvent, en divergeant, jusqu’au deux tiers de lépais- 
seur des valves (fig. 24). Ces lamelles sont élargies et montrent, vers 
leur sommet, une petite dent courbe, dirigée en dedans ; une autre 
dent semblable, mais dirigée en sens inverse et plus accusée, se voit 
encore à la base; surface interne d’un beau blanc nacré, marquée de 
tubercules perforés, disposés en lignes rayonnantes, et très-accusés 
sur la petite valve ; surface externe couverte d’une sorte d’épiderme 
noirâtre, très-mince ; ligne de commissure des valves sinueuse; pé- 
doneule musculaire très-développé et très-résistant; coloration 
gris jaunâtre terne. 

Hauteur : 7 millimètres ; largeur : 8 millimètres; épaisseur des 
valves : 3 millimètres. 

Habitat. — Ve Saint-Paul ; dans l’intérieur du cratère, sous les ro- 


140 | CH. VÉLAIN. 


ches, depuis le niveau de la basse mer, et même un peu avant, jus- 
qu’à la profondeur de 10 mètres, très-abondants. 

Var. oblonga. PI. V, fig 26. — Coquille oblongue, globuleuse, plus 
haute que large, symétrique ; valves régulièrement bombées, ne pré- 
sentant, même dans le jeune âge, que des rudiments de côtes rayon- 
nantes sous les crochets ; stries d’accroissement très-nombreuses et 
très-fines ; sillon médian à peine indiqué ; crochet de la grande valve 
très-allongé, non comprimé, traversé dans toute son étendue tantôt 
au centre, tantôt sur le côté, suivant la position de la coquille, par un 
large trou, qui laisse passer un pédoneule musculaire très-développé. 

Hauteur : 8 millimètres et demi ; largeur : 8 millimètres; épaisseur 
des deux valves : 4 millimètres et demi. 

Cette forme remarquable, qu’on serait tenté de prendre pour une 
espèce distincte, n’est en réalité qu'une modification du type précé- 
dent, en rapport avec des conditions d'habitat assez particulières ; 
elle ne se trouve, en effet, qu’au milieu des Ascidies composées. En- 
veloppé par un cormus épais, souvent coriace etrésistant, le brachio- 
pode ne peut pas s’étaler librement ; 1l est obligé de s’accroître déme- 
surément en longueur, pour lutter contre le développement rapide de 
l’Ascidie. 

Observalions. — Frauenfeld, dans les Comptes rendus de la Société 
royale de botanique et de zoologie de Vienne (janvier 1865, p. 893), 
a cité cette espèce sous le nom de ÆAraussina pisum. C’est également 
sous ce nom que je l'avais indiquée dans mes premières notes au 
sujet de la faune malacologique des deux îles. Je ne connaissais alors 
de la À. pisum que la figure insuffisante (fig. 34) donnée par Reeve dans 
sa monographie des brachiopodes. Mais depuis, à la suite d’un examen 
plus attentif, et surtout en comparant l'espèce de Saint-Paul avec de 
bons exemplaires de la Æ. pisum, provenant du cap de Bonne-Espé- 
rance, j'ai reconnu qu'elle en différait complétement. L'espèce afri- 
caine, décrite pour la première fois, par Lamarck, sous le nom de 
Terebratula pisum (An. s. vert., t. VI, p. 245), est, en effet, de plus 
grande taille, assez étalée, marquée de petites côtes, fines, nom- 
breuses et régulières, et colorée en jaune pâle, ou en rose. La Zere- 
bratula natalensis, Krauss, de Port-Natal, que Reeve réunit à cette 
espèce, serait même remarquablement ornée, sur un fond jaunâtre, 
de bandes longitudinales d’un rose vif. 

L'espèce de l’île Saint-Paul se rapproche davantage de la Æ. La- 
marchiana, Davids (Reeve, Conch. icon. brach., fig. 36), qui habite 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 141 


l'Australie et la Nouvelle-Zélande ; mais elle s’en distingue encore 
facilement par sa forme générale et ses côtes peu étendues, non bi- 
furquées. Elle doit, en réalité, constituer entre ces deux espèces une 
forme intermédiaire, suffisamment caractérisée par la complication 
de son appareil apophysaire, par la forme de son crochet et par son 
mode d'ornementalion spécial. | 

Je l'ai dédiée au savant naturaliste anglais, qui à tant contribué à 
l'étude des brachiopodes vivants et fossiles !. 

M. H. Dall, dans sa révision générale des Térébratulidées, publiée 
dans le journal américain de conchyliologie (4871, p. 140), a cité de 
l'île Saint-Paul une Æraussina picta ; mais on ne trouve nulle part la 
description de cette espèce : cette citation doit être le résultat d’une 
erreur. 

J'ai signalé, dans un chapitre précédent, les conditions d'habitat si 
particulières de la Araussina Davidsont avec suffisamment de détails, 
pour n'avoir pas besoin d’y revenir ici. Cette espèce, que j'ai pu étu- 
dier sur plusieurs centaines d'individus, varie beaucoup avec l’âge. 
D'abord très-élevée, avec un crochet saillant, droit, presque tubulaire, 
elle ne s’élargit latéralement qu'assez tard ; sa ligne cardinale de- 
vient droite (pl. V, fig. 26), les angles latéraux sont aigus, et la pe- 
tite valve prend une forme tout à fait semi-lunaire; les côtes 
rayonnantes sont alors très-accusées et s'étendent du sommet jus- 
qu'au bord de chaque valve. Plus tard, ces angles latéraux s’arron- 
dissent, la plus grande largeur de la coquille se trouve être, non pas 
au sommet, mais au milieu de la petite valve; les ornements ne per- 
sistent pas et font place à des stries d’accroissement de plus en plus 
accusées dans l’adulte; enfin, le crochet tronqué devient fortement 
caréné latéralement. 

Fixées, parfois assez profondément, dans les vacuoles des laves 
cellulaires, ces coquilles ne peuvent s’y développer en toute liberté ; 
elles se moulent alors sur les parois de la cavité qu'elles occupent, 
et s’allongent en prenant les formes les plus extraordinaires. Les bras 
spiraux sont très-peu développés, mais fortement ciliés; ils ne sortent 
jamais de la coquille qui s’entr’ouvre peu. Quand les valves étaient 
bien entr’ouvertes, on apercevait parfois sur les côtés l'extrémité 
des cils, qui s’agitaient d’un mouvement assez vif. 


1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1874 et 24 juillet 1876. 


142 CH. VÉLAIN. 


REMARQUES AU SUJET DES MOLLUSQUES. 


Des descriptions qui précèdent, 1l résulte donc que la faune mala- 
cologique de l’île Saint-Paul, qui n’était connue jusqu’à présent que 
par quatre ou cinq espèces, Zanella (Apollon) proditor, Patella depsta, 
Siphonaria Macgillivrayr, et la petite Kraussina, désignée par Frauen- 
feld sous le nom de Æ. pisum, — en comprend cinquante-trois, répar- 
ties dans trente-sept genres, dont vingt-cinq appartiennent aux Gas 
téropodes, neuf aux Acéphales, un, seulement, aux Brachiopodes. 
Considérée dans son ensemble, elle est tout à fait spéciale, puisqué 
sur ses Cinquante-trois espèces, quarante-six se sont trouvées nou 
velles, soit une proportion de 90 pour 100. Cette proportion, vérita- 
blement énorme, qui ne s'explique que parce que les faunes australes 
sont encore peu connues, lui donne un grand caractère d'originalité, 
surtout si on ajoute que, parmi les genres, on en compte également 
plusieurs qui sont nouveaux : le Wagilina, par exemple, chez les Gas- 
téropodes, qui représente, à cette latitude, les Magiles des mers 
intertropicales, etles Æochstetteria, Rochefortia, Turquetia et Lutetina 
chez les Acéphales *. 

Parmi les genres déjà connus, le plus grand nombre provient des 
mers chaudesettempérées, Ranella, Triton, Lachesis, Triforis, Rissoella, 
Phasianella, Fissurella, Gadus, Bulla, où même des mers tout à fait 
chaudes, Æostellaria, Persicula, Schismope ; d’autres, au contraire, ap- 
partiennent aux mers froides, /#issoa, Lacuna, Siphonaria, Trophon et 
Margarita, tandis que les Murex, Purpura, Turbonilla, Patella, Chiton, 
Venus et Lasæa, sont de toutes Îes mers. 

Cette association, tout à fait exceptionnelle, de formes tropicales, 
comme #ostellaria, Persicula..., avec d’autres exclusivement bo- 
réales, 7rophon, Margarita, à une latitude relativement assez élevée, 
qui correspond, à peu près, à celle de Lisbonne dans notre hé- 
misphère, s'explique par ce qu’on sait du régime climatérique des 
deux îles ; la température moyenne de l’année y paraît être, en effet, 
dé 7 degrés ; elle s’abaisse de quelques degrés seulement au-dessous 
de zéro en hiver, et ne s'élève guère au-dessus de 17 degrés dans Ja 
saison chaude. La température de la mer, pendant toute la durée de 
notre séjour, s’est maintenue entre 43 et 14 degrés, alors que celle de 
l'atmosphère a oscillé entre 1 et 7 degrés. 

1 Je rappellerai ici que le Siphonaria Magillivrayi doit également constituer le 
type d’un genre particulier. , | 


LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 143 


Un fait digne de remarque, c’est que la majeure partie des genres 
particuliers aux mers chaudes ou tempérées (7rrton, Lachesis, Trifo- 
ris, Gadus, elc.), ne se trouvent 1à qu’à des profondeurs assez grandes 
(de 60 à 80 mètres), tandis que ceux, au contraire, qui dénotent un 
climat peu froid, sont cantonnés dans la zone littorale. On serait 
alors tenté de supposer que la température est plus élevée dans ces 
profondeurs qu'à la surface, mais nous l’avons toujours trouvée plus 
basse de quelques degrés. 

Cette faune tout à fait particulière, peut être regardée comme 
une dépendance de celle du Cap de Bonne-Espérance. Ses seules 
affinités sont, en effet, pour la faune sud-africaine, avec laquelle 
elle présente quelques espèces communes, Fissurella mutabiles, 
F. australis, Marinula nigra, ou des formes très-voisines, comme 
le Purpura Magellani, qui représente à Saint-Paul le 2. Walhergi de 
Port-Natal. Déjà la flore des deux îles nous avait fourni de pareils 
rapprochements; lApium australe de l'île Saint-Paul et le Philca 
arborea de l'ile Amsterdam se retrouvent, en effet, à Tristan 
d’Acunha, de l'autre côté du Cap. Enfin je rappellerai que parmi fes 
poissons côtiers, et ceux-là seuls ont une véritable signification au 
point de vue qui nous occupe, le Bovichtys et la Motelle du cratère 
de l’île Saint-Paul, sont encore deux espèces de la même provenance. 
Ces faits s'expliquent tout naturellement par la direction des courants 
et des vents généraux, qui portent tous de l'Ouest vers l'Est. 

Elle se signale encore par les dimensions remarquablement petites 
des espèces qui la constituent, et qui, souvent, n’atteignent que quel- 
ques millimètres, la Ranelle faisant seule exception. Parmi celles qui 
sont représentées par un grand nombre d'individus, il convient de 
citer les Æochtetteria aviculoides, crenella et modiolina, la Lasæa 
rubra, la Turquetia fragilis et la Lutetina antarctica chez les Acé- 
phales. Les trois espèces de /rssoa, les Purpura Dumasi et Magelluni, 
les Fissurella australis et mutabilis, la Patella depsta, le Magilina Ser- 
puliformis, la Marinula nigra et la Siphonaria macgillivrayi, parmi les 
Gastéropodes. | 

Les Ærssoa, qui généralement ont leur maximum d'espèces dans la 
zone littorale, se tiennent au contraire à Saint-Paul à des profondeurs 
relativement grandes : ils sont particulièrement abondants par les 
fonds de 30 mètres. 


Et om 


PE D PS 


25. 
26. 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE I. 
CARTE DE L'ILE, SAINT PAUL 
PLANCHE Il. 


Murex Duthiersi, C. V. 

Murex Hermanni, C. V. 

Ranella proditor, Fr. 

Trophon tritonidea, C. V.? 

Purpura Magellani, G. V., zone littorale du cratère (type). 
Purpura Magellani, var. C. V., zone littorale de l’extérieur, 
Purpura Dumasi, C. V. (type). 

Purpura Dumasi, var. multistriata, C. V. 

Purpura Dumasi, var. semicostata, C. V. 

Purpura Dumasi, var. cincta, C. V. 

Magilina serpuliformis, C. V. (coquille adulte). 


. Magilina serpuliformis (coquille embryonnaire). 
. Lachesis Turqueti, C. V. 


PLANCHE Ill. 


Persicula polyodonta, C. V. 
Persicula glandina, C. V. 
Persicula Crossei, C. V. 
Turbonilla scalaris, C. V. 
Turbonilla disculus, C. V. 
Turbonilla Peroni, C. V. 
Triforis isleanus, C. V. 


. Lacuna parvula, C. V. 


Lacuna Heberti, C. V. 
Rissoa Lantzi, C. V. 
Rissoa Cazini, C. V. 


. Rissoa subtruncata, C. V. 
. Paludestrina Duperei, C. V. 


Rissoella Sancti-Pauli, C. V. 
PLANCHE IV. 


Phasianella Munieri, C. V. 

Phasianella brevis, C. V. 

Margarita Lacazei, C. V. 

Margarita Lacazei, var. nigricans, C. V. 
Schismope Mouchezi, C. V. 

Fissurella australis, Krauss. 


. Fissurella mutabilis, Reeve. 
. Patella depsta, Reeve. 

. Chiton Constanti, C. V. 

. Chiton Bergoti, C. V. 
23-94. 


Helix.... (sp)? 
Marinula nigra, Ph. 
Marinula Maindroni, C. V. 


. Siphonaria Macgillivrayi, C. V. 


Siphonaria Macgillivrayi, var. lata, C. V., île Amsterdam. 
Bulla Divæ, C. V 


PLANCHE V. 


Gadus divæ, C. V. 
Hochstetteria aviculoïdes, C. V. 
Hochstetteria crenella, C. V. 
Hochstetteria modiolina, C. V. 
Rochefortia australis, C. V. 


. Erycina Veneris, C. V. 

. Turquetia fragilis, C. V. 

. Lutetina antarctica, C. V. 

. Venus Antarctica, C. V. 

. Kraussina Davidsoni, C. V. 


SUR LE COMMENCEMENT DE L'HÉNOGENIE 
CHEZ DIVERS ANIMAUX 


BARPLBR DOCTEUR HERMANN FOL: 


Les premiers phénomènes du développement de l’œuf, assez né- 
gligés dans les vingt dernières années, sont de nouveau l’objet 
d'investigations assidues. Je n’insiste plus sur le mérite que j ’ai pu 
avoir dans le réveil de cette branche d’ histologie, de crainte de pa- 
raître réclamer plus que la très-modeste part qui m'en revient. Le 
temps ne manquera pas d'amener un jugement impartial à cet 

gard. Après s'être portée en premier lieu sur les phénomènes du 
fractionnement, l'attention des auteurs les plus récents s’est adressée 
aussi aux processus encore plus importants de la maturation de 
l'ovule et de la fécondation. Ce sont surtout Bütschli et O. Hertwig 
qui ont fait faire des progrès notables à nos connaissances sous ce 
rapport. Mais malgré les efforts de ces observateurs et de beaucoup 
d’autres, deux points importants restaient encore obscurs, à savoir le 
sort de la vésicule germinative et l’histoire de la pénétration du 
Zoosperme. 

C’est pour éclaircir ces deux points que j'ai entrepris en janvier, 
février et mars 1876, une série de recherches complétées pendant les 
premiers mois de 1877. Des extraits de mes résultats ont été publiés 
dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences du 5 et du 19 fé- 
vrier et du 2 avril 1877. Puis ces extraits réunis en un seul article 
ont été publiés avec des figures explicatives dans la livraison du 
15 avril des Archives des sciences physiques et naturelles de (Genève. 


1 Hæckel a créé récemment deux nouveaux termes pour désigner le développe- 
ment individuel et ie développement historique ou paléontologique d’un être; il 
les nomme Ontogénie et Phylogénie. J'accepte son idée, ainsi que le second de ces 
mots nouveaux. Quant au premier, je ne puis l’adopter, car sa signification étymolo— 
gique est en opposition avec le sens que lui prête son inventeur. Onto-génie veut 
dire la formation de l'être en tant qu'être abstrait, « Das werden des seins ». Pour dési- 
gner le développement individuel, il est indispensable de remplacer le mot grec èvrée 
qui signifie l’être abstrait par le mot £y; qui désigne un être individuel, un individu. 
Les mots d’ontogénie et d'ontogénèse devront donc faire place aux termes plus ratiou- 
nels d’hénogénèse et d’hénogénie. 


ARC, DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — T. vi. 4877. 10 


146 | HERMANN FOL. 


Cet article est reproduit maintenant sans changements, mais avec 
l’addition de quelques notes. 

En même temps que moi, O. Hertwig se livrait de son côté à une 
série de recherches sur les mêmes sujets. Une première série fut exé- 
cutée en 18176 et parut au commencement de 1877. La seconde série 
fut faite à Messine pendant l'hiver de 1876-77, et un extrait des ré- 
sultats obtenus a paru vers la fin d'avril 14877. On trouvera plus 
bas la traduction que j'ai faite de ce dernier article d’O. Hertwig. 
Ces recherches parallèles méritent d'autant plus d'être comparées 
entre elles qu’elles sont absolument indépendantes l’une de l’autre. 
Hertwig n’a eu aucune connaissance de mes résultats avant que ses 
dernières recherches fussent terminées, et j'étais dans la même igno- 
rance à l'égard des deux derniers travaux de Hertwig lorsque je ré- 
digeai le mémoire qui va paraître dans les Mémoires de la Société de 
physique de Genève, et dont le présent article n’est qu'un extrait. 


ÏJ. DE LA STRUCTURE DE L'OVULE. 


* 


L'ovule, encore contenu dans l'ovaire, mais approchant de la ma- 
turité, se compose, chez les animaux que j’ai étudiés sous ce rapport, 
d’un vitellus plus ou moins granuleux, plus ou moins chargé de glo- 
bules lécithiques, d’une vésicule germinative et d'une ou plusieurs ta- 
ches de Wagner. La vésicule germinative se compose d’une membrane 
et d’un contenu. Sans entrer pour le moment dans une discussion sur 
la question de savoir si cette membrane appartient, philosophique- 
ment parlant, au vitellus ou à la vésicule, je me contenterai de dire 
que ce n’est pas une membrane dans le vrai sens du mot, mais sim- 
plement une couche limitante piastique. La membrane vitelline 
proprement dite fait encore défaut ; la surface du vitellus est formée 
seulement par une couche de sarcode compacte. 

Le contenu de la vésicule diffère du vitellus, non-seulement par 
son pouvoir de réfraction qui est beaucoup moins grand, mais 
encore par ses propriétés chimiques. J'ai pu y discerner, dans Ja 
plupart des cas que j'ai observés, un réseau de filaments sarcodiques 
anastômosés et suspendus dans une substance plus claire. C’est 
cette disposition découverte récemment et qui a été décrite dans 
les noyaux des cellules les plus diverses. Le nucléole est suspendu 
dans ce réseau de sarcode. 

Si la composition de l’ovule ovarien est au fond assez uniforme 


| 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 147 


dans le règne animal, il n’en est pas de même dé l’ovüle au moment 
de la ponte. | 

Chez l'Oursin, d’après les observations de Derbès, d'O. Hertwig et 
les miennes, l’ovule, au moment de la ponte et même auparavant, 
ne possède plus de vésicule germinative, mais seulement un pronu- 
cléus femelle. Après fécondation, cet œuf se développe sans lexpul- 
sion préalable de sphérules de rebut. Cette absence des globules po- 
laires semble constituer un cas exceptionnel pour le règne animal. 
Nous verrons Cependant que l'exception est plus apparente que réelle. 

Dans la majorité des cas, l'ovule mûr possède une grande vésicule 
germinative qui ne disparaît que peu avant la ponte (Sagitta, divers 
Cœlentérés) ou peu après ce moment (Péerotrachæa, Asterias), Cette 
vésicule germinative est aussitôt remplacée par un système de fila- 
ments sarcodiques arrangés en double étoile. J’ai décrit ces étoiles 
pour les Ptéropodes, et Bütschli les a étudiées avec plus de précision 
chez Nephelis, Succinea, Limnæus, etc. Je donnerai désormais à ces 
étoiles doubles reliées entre elles le nom d’amphiaster. L'amphiaster 
qui se forme aux dépens de la vésicule germinative, au moment où 
celle-ci disparaît, ressemble tout à fait à celui qui se forme dans une 
cellule en voie de division, seulement il est situé près de la surface 
du vitellus. Nous donnerons à ce premier système étoilé le nom 
d'amphiaster de rebut, parce qu’il donne naïssance aux sphérules de 
rebut. L’aster périphérique sort alors du vitellus pour constituer une 
première sphérule de rebut qui peut se diviser après sa sortie. Puis 
la moitié interne de l’amphiaster, restée dans le vitellus, devient un 
amphiaster complet. 

Ce second amphiaster de rebut se sépare comme le premier, de 
telle sorte que son aster périphérique constitue le second globule 


polaire. La substance expulsée de la sorte provient en majeure partie 


de la vésicule germinative, avec un peu de protoplasma vitellin. 
L'opinion d’Oellacher sur Porigine de ces globules chez la truite 
trouve dans ces faits une confirmation éclatante. La dernière étoile qui 
reste dans le vitellusse ramasse pour constituerle pronucléus femelle. 

Quant à la tache de Wagner, elle disparaît en général avant la vé- 
sicule germinative; tel est le cas des Gastéropodes que j'ai observés. 
Elle peut manquer déjà avant la maturité de l'ovule (Sagitta); ou 
bien encore, elle peut se dissoudre en même temps que la vésicule 
germinative, ainsi que cela à été observé chez Asterias par R. Greef, 
E. van Beneden et moi-même. 


148 HERMANN FOL. 


Nous sommes donc en présence de deux cas en apparence dis- 
tincts. Dans l’un, celui de l’Oursin, l’ovule au moment de la ponte 
est déjà dépourvu de sa vésicule germinative et ne possède qu’un 
pronucléus femelle ; s’il vient à être fécondé, il se développera sans 
expulsion de globules polaires. Dans l’autre cas, qui est celui de la 
grande majorité des animaux, l’ovule pondu possède encore une vé- 
sicule et souvent une tache germinatives qui disparaissent pour faire 
place à l'amphiaster de rebut, ou bien il ne possède déjà plus sa vé- 
sicule germinative, mais bien un corpuscule qui devient un am- 
phiaster. Un des premiers phénomènes qui suivent la ponte dans ce 
second cas est l'expulsion des sphérules de rebut. 

Pour comparer avec fruit ces deux cas, il importait d'examiner si 
l'expulsion des matières de rebut doit être considérée comme une 
suite de la fécondation, ou simplement comme un phénomène de 
maturation. Puis il fallait étudier le premier développement d’un 
animal voisin de l'Oursin, mais dont l’œuf possédât encore sa vési- 
cule germinative au moment de la ponte; l’Asferias répond à ces 
conditions. Enfin il importait de connaître exactement les phéno- 
mènes de maturation de l’ovule chez l’Oursin. (C’est dans ce but que j’ai 
étudié à nouveau ce sujet à Messine en janvier et février 1876 et 1877. 

En passant en revue l’opinion des auteurs anciens et récents sur 
la première de ces questions, on ne rencontre que peu d’observa- 
tions propres à nous renseigner. Je cilerai l'opinion de Bischoff qui 
arrivait déjà, en 1844, à la conclusion que la disparition de la vésicule 
germinative et la sortie des globules polaires sont des processus in- 
dépendants de la fécondation. Les belles recherches publiées par de 
Quatrefages en 1848 sur le développement d’une Æermella semblent 
trancher la question dans le même sens, mais n’établissent pas net- 
tement la limite entre les phénomènes normaux du développement et 
les phénomènes pathologiques de la décomposition de l’œuf. D’après 
les observations faites par de Lacaze-Duthiers sur Dentalium en 1857, 
les sphérules de rebut opèrent ici leur sortie chez des œufs soigneuse- 
ment mis à l'abri de toute possibilité de fécondation. Ges œufs se dé- 
composent ensuite. Ransom arrivait pour les poissons, en 1867, à la 
conclusion que la vésicule germinative disparaît chez l'œuf mûr, mais 
non fécondé. Fritz Ratzel trouva en 1869, dans l’ovaire de Tubifexr, 
les œufs les plus mûrs déjà dépourvus de vésicule germinative et il 
décrit fort bien la sortie des globules polaires chez les vitellus non 
fécondés. Pour la truite, Oellacher trouve, en 1870, que l'expulsion 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 149 


des globules polaires a lieu sans fécondation préalable et les considère 
comme n'étant que la vésicule de Purkinje expulsée du vitellus. Eimer 
arrive, l’année suivante, à des conclusions analogues pour les rep- 
tiles, ainsi que Kleinenberg, en 1879, pour l’Æydra. En 1874, Metsch- 
nikoff soutenait avec raison, contrairement à l'opinion de Hæckel, 
que le vitellus des Siphonophores, arrivé à parfaite maturité, mais 
non fécondé, est dépourvu de sa vésicule germinative. Dans son 
travail sur le développement des Naïades, W. Flemming arrive (1875) 
à la conclusion que la disparition de ja vésicule germinative et l’ex- 
pulsion des cellules polaires est indépendante de la fécondation, et 
Gœtte publie la même année son bel ouvrage sur le développement 
du Bombinator, où il arrive aux mêmes conclusions. Hensen publie 
aussi, en 4875, ses recherches sur le développement du lapin et du 
cobaye, qui établissent bien nettement l'indépendance de ces deux 
phénomènes. Enfin, d’après E. van Beneden et R. Greef, la tache et 
la vésicule germinatives disparaissent dans l’œuf pondu, mais non 
fécondé d’Asterias ; le dernier de ces auteurs vit ces œufs se dévelop- 
per ensuite par parthénogénèse. 

La question, malgré tout cela, n’était pas résolue, car, à ces opi- 
nions d'hommes si compétents, on peut en opposer d’autres toutes 
contraires qui font dépendre la disparition de la vésicule de Purkinje 
d’une fécondation préalable. Bütschli lui-même, dans son dernier 
ouvrage, se fait encore le défenseur de cette manière de voir ; il 
admet bien que l’expulsion des globules polaires peut avoir lieu sans 
fécondation préalable, mais il considère ce processus comme un com- 
mencement de développement parthénogénétique et point du tout 
comme un phénomène de maturation. C’est une question sur la- 
quelle on pourrait discuter longtemps et sans grande utilité. Je crois 
cependant que les observations que je vais rapporter sont de nature 
à ébranler l’opinion de Bütschli. 

L'Asterias (Asteracanthion) glacialis que je viens d'étudier de nou- 
veau à Messine, pendant le mois de janvier 1877, se prête parfaite- 
ment à ce genre d'études. L’ovule mûr possède une grande vésicule 
germinative et une tache germinative très-nette et assez fortement 
réfringente. Cette tache est suspendue dans un réticulum de fila- 
ments sarcodiques qui occupe tout l’intérieur de la vésicule de 
Purkinje. Le vitellus est granuleux, dépourvu de membrane vitelline, 
mais enveloppé d’une couchè mucilagineuse à la surface de laquelle 
adhèrent des cellules pavimenteuses et des fibres qui proviennent du 


450 HERMANN FOL. 


stroma de l'ovaire. Dès que l’ovule se trouve dans l’eau de mer, cette 
couche irrégulière de cellules se détache.fLa vésicule germinative se 
ratatine ensuite, et perd la netteté de ses contours en changeant 
souvent de forme, Elle finit par ne plus se montrer que comme une 


FiG. 1. — Ovule mür d'Asterias glacialis, grossi 
300 fois. A l'extérieur les cellules et fibres du 
stroma de l'ovaire; puis la couche muqueuse à 
stries radiaires, le vitellus granuleux, la vésicule 
germinative très-claire et la tache germinative 
réfringente et renfermant quelques vacuoles. 


tache claire très-irrégulière sans 
limites définies. Néanmoins 
l'emploi des réactifs fait réap- 
paraître la membrane de la 
vésicule repliée sur elle-même, 
de telle facon qu'il est impos- 
sible de dire si elle est encore 
complète ou si elle est déchirée 
ou dissoute en partie. Finale- 
ment la vésicule se fond en 
quelque sorte dans le vitellus. 
Jamais son contenu n’est ex- 
pulsé hors de sa membrane, 
comme l'a cru E. van Beneden. 
Je ne peux m'expliquer l'erreur 
dans laquelle est tombé le sa- 
vant naturaliste, qu'en admet- 


tant que les œufs qu’il a observés étaient comprimés par le couvre- 
objet ; ce n’est que dans ces conditions-là que j'ai jamais observé des 
faits analogues à ceux que van Beneden a décrits. 


Fic. 2. — Le vitellus d'Asferias après quel- 
ques minutes de séjour dans l’eau de mer. 
La vésicule germinative se ratatine, sa mem- 
brane se plisse, Les enveloppes de l’œuf ont 
été laissées de côté, ainsi que la moitié nu- 
tritive du vitellus. 300/1. 


FiG. 3. — L'hémisphère formatif du vitellus 


au moment où la vésicule germinative se 
disperse. La tache germinative, de forme 
très-irrégulière, est à peine visible. 800/1. 


La tache germinative perd aussi ses contours nets, pâlit, change 
souvent de forme, diminue progressivement, soit par simple disso- 
lution, soit par la perte de morceaux qui s’en détachent, et finit 


par se dissoudre. 


On ne voit plus maintenant dans le vitellus que deux taches 


| 
| 
À 
ÿ 
\ 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 151 


claires, dont l’une très-mal définie et de forme irrégulière occupe 
encore la place où se trouvait la vésicule germinative, tandis que 
l’autre, de forme ovoïde, se rapproche de la surface (fig. 4). En em- 
ployant les réactifs, on distingue dans la tache ovoïde lamphiaster 
de rebut. Cet amphiaster se forme 
aux dépens de la vésicule germina- 
tive, par des processus sur lesquels 
j'insiste ailleurs. Qu'il me suffise de 
dire qu'il se forme dans la vésicule 
serminative ou dans ce qui reste de 
cet élément, mais qu'il geçupe dès F1@G, 4. — Hémisphère formatif du vitellus au 
l'abord une position excentrique. Moment el la ous taie so dise en une 
Ge premier amphiaster de rebut je proto de 1 mue, el une put 
(fig. 5) présente souvent dans son 
plan neutre des corps de formes irrégulières que l’on pourrait consi- 
dérer comme des résidus de la membrane de la vésicule germinative. 
Le dernier reste de la tache germi- 
native est encore visible à une cer- 
taine distance de cet amphiaster de 
rebut, montrant clairement que ce 
n'est pas aux dépens de ce nucléole 
que se forme l’amphiaster. Je n’ose- 
rais pourtant affirmer qu'aucun frag- 
ment de la tache germinative ne 
puisse jamais entrer dans la com- 
position de l'amphiaster. be a a is 
Ce premier amphiaster ne donne  ena son plan neutre. Un peu plus bas ve 
Das chez: l'Hioileda,mmer;, directes | Jéonvait le vésienle germisative et un cor 
ment naissance aux corpuscules po-  Pamauye. Préparation à l'aide pioriene. 
laires. Si l’on traite un œuf parles °77"5semens TU 
réactifs, peu de minutes après le moment représenté sur la fi- 
gure 5, l’on ne trouve plus un amphiaster, mais un corps compacte à 
contours étoilés. Ce corps répond-il à l’amphiaster tout entier ou 
seulement à l’une de ses moitiés ? résulte-t:l d’une condensation de 
l’'amphiaster ou de sa division? La seconde supposition semblerait 
plus probable à priorr; mais comme je n’ai jamais réussi à voir à côté 
de ce corps étoilé un autre aster, je préfère m'en tenir à la pre- 


. 


mière supposition. 
Quoi qu'il en soit, le vitellus ne présente bientôt plus qu'une tache 


152 HERMANN FOL. 


assez réfringente, située près de la surface, et qui se résout en un 
amphiaster. Celui-ci se divise par les procédés que je décrirai à propos 
du fractionnement, et de telle facon que l’aster périphérique, y com- 
pris ses filaments vitellins et ses filaments avec varicosités de Bütschli, 
constitue le premier corpuscule de rebut (voyez fig 6). Puis l’aster 
intérieur se change en un nouvel amphiaster 
de la manière suivante : les filaments de 
Bütschli (que l’on peut aussi nommer fila- 
ments bipolaires), au lieu de se retirer 
vers le centre de l’aster, s’allongent à nou- 
veau, et les varicosités disparaissent en 
ë s’étirant. Ces filaments constituent de nou- 
Fig. 6. — Petite portion d'un vitel- veau un fuseau (fig. 7), dont l’une des 


lus avec son enveloppe muqueuse ne 

et la première sphérule de rebut extrémités se trouve au centré de l’aster 
en train de se détacher. L'am- .  . : | l 

phiaster de rebut est divisé en intérieur, tandis que l'autre pont de con- 
deux moitiés, dont l’une constitue ; : 

le globule polaire et n'est plus vergence des filaments répond au point de 
reconnaissable que par une’série . ; 

de grains verticaux, et l'autre, Contact du vitellus et du premier corpus- 
encore complète. reste dans Île | Fe 

ed Va à l'acide pi- cule polaire. Au milieu de ces filaments 
crique. : 


bipolaires se forment de nouvelles varico- 
sités, et le second amphiaster de rebut ainsi constitué se divise exac- 
tement comme le premier et donne naissance au second corpuscule 
polaire. Il ne reste après cela dans le vitellus 
que laster intérieur du second amphiaster 
(voyez fig. 11); je reviendrai bientôt sur ses 
transformations ultérieures. 
Jetons encore un coup d'œil sur ces pro- 
cessus tels qu’ils se présentent lorsqu'on les 
étudie sans l'emploi des réactifs. Les formes 
D OR A ù que prennent les corpuseules en train de se 


moment où le premier globule 


polaire est détaché et où les détacher ont été décrites par tant d'auteurs 


filaments de Bütschli de l’aster Ê ‘s : 

interne s'allongent à nouveau Ct tout particulièrement par Robin, que 

pour former le second amphias- . : - : . 

ter de rebut. Préparation à l'a- Je PUIS ME dispenser d ÿV ITEVERMIE: On se 

cide picrique. 800/1. 

rendra compte, du reste, de ces formes en 

ce qui concerne l’Astertas, en considérant les figures 8, 9 et 10. 
Ces mêmes figures montrent aussi les aspects sous lesquels se pré- 


sente Ja tache ovale qui renferme l’amphiaster. Les filaments bipo- 


lires de ce dernier se voient déjà, quoique peu nettement, chez 
l'œuf vivant. Vers le moment où le premier corpuscule polaire com- 
mence à se détacher, la surface du vitellus forme des plis disposé 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE, 153 


comme les rayons d’une étoile dont le centre est représenté par le 
pédoncule qui relie encore le corpuscule avec le vitellus (fig. 10). 
Ces plis vont en s’accentuant à mesure ‘que le corpuscule se détache 
pour commencer à s’effacer une fois qu'il est complétement détaché. 
Les mêmes phénomènes se repro- 
duisent lors de la sortie du second 
corpuscule. Cette formation de plis 
radiaires ainsi que bien d’autres dé- 
tails de la sortie des corpusecules 


polaires s'expliquent facilement si 
, : FiG. 8. — L'hémisphère formatif du vitellus 
l'on admet que la couche la plus au moment où le premier globule polaire 


superficielle du vitellus est douée ÿ,Prpare à srlr, Où distingue les 
HUné vonsistance plus grande que Vs ag ter eme, Œuf 
le vitellus lui-même. Cette couche 

limitante ne constitue pas une véritable membrane à contours dou- 
bles, mais sous bien des rapports elle se comporte à la manière d’une 
membrane. Les corpuscules soulèvent 
en sortant une partie de cette couche 
qui, en cet endroit-là, devient une 
pellicule distincte, recouvrant les deux 
corpuscules (voyez fig. 12). Beaucoup 
d'auteurs ont déjà remarqué ce fait 
chez divers animaux et l’ont toujours 
interprété comme donnant la preuve 
de l’existence d’une membrane vitelline. C’est une conclusion à la- 
quelle je ne saurais souscrire. La véritable membrane vitelline ne se 


FiG. 9. — Le même que le précédent, un 
peu plus avancé, œuf vivant, 300/1. 


soulève qu'après la fécondation. Chez 
des œufs fécondés après la sortie des 
globules polaires, l’on voit ces globu- 
les enfermés entre deux membranes, 
dont l’une, extérieure, très-mince, 


n’est que la pellicule dont nous ve- 
nons de parler, landis que l'autre, Fe Pa men Ve qe 
interne, beaucoup plus forte, répond ane et lee plis radiaires formés par 
à la membrane vitelline (1). Je rap- "Our put 9007 002 De 
pellerai que j'ai décrit des plis radiaiï- 
res à la surface de l’œuf fraichement pondu des Geryonides, 


1 Il est important de noter que, chez les œufs fécondés avant la sortie des sphé- 
rules de rebut, ces dernières se trouvent en dedans de la membrane vitelline. Rien ne 


154 HERMANN FOL. 


plis qui prennent sans doute naissance de la même manière que 
chez Asferias. 

L’ pair qui reste dans le vitellus après la sortie des deux corpus- 
cules est situé tout près de la surface 
(fig. 11). Il ne tarde guère à s’effacer et 
à se changer en une ou deux petites 
taches claires de forme irrégulière et qui 
prennent, par l’action des réactifs, l’as- 
pect de jeunes noyaux (fig. 12). Ces taches 
Fig. 11. — Petite portion du SA vont en croissant à mesure qu’elles s’en- 

matif du vitellus avec les deux glo- : 

bules polaires déjà formés el la foncent dans le vitellus ; elles se fusion- 
es Une e elles nent entre elles. D’autres taches claires 

Préparation à l'acide pierique. 600/1. : ts g 

apparaissent sur les côtés de la première, 

avec laquelle elles se soudent à leur tour; et de la sorte la tache aug- 
mente rapidement, tout en marchant vers le centre du vitellus, et se 
ckange en un véritable noyau muni d’un ou deux nucléoles. La suite 
du développement montre que ce noyau doit 

encore recevoir un élément mâle ; nous pou- 
vons donc, avec E. van Beneden, lui donner 
le nom de pronucléus femelle. Ce pronucléus 
femelle s'arrête dans sa marche centripète à 
peu près au tiers du diamètre du vitellus 

F6 He ne HOME BA AUS k (fig. 43). Les stries radiaires, peu accentuées 


lobules polaires sont tout à 
ED étcbés el où l'aster in. du reste, que l’on remarque autour du pro- 


terne du second amphiaster de 


rebut se change en de petites nucléus en voie de croissance s’effacent, et 

taches qui ont l'aspect de petits ., . 

noyaux irréguliers. Prépara- l’ovule entre maimtenant dans une nouvelle 

tion à l'acide picrique. 600/1. ue 2 nues 

période d'inactivité. 

Toutes les modifications que le vitellus de l'Étoile de mer a éprou- 
vées jusqu'ici ont été occasionnées par le simple contact de l'eau de 
mer, san$ aucune fécondation re Une fécondation préalable 
ne change rien à ces processus ‘ ; ils restent exactement les mêmes, 
que l’œuf soit fécondé ou qu'il ne le soit pas. 

Ces faits étant acquis en ce qui concerne l'Étoile de mer, il était 
permis de supposer que chez l’Oursin les choses se passeralient d’une 


manière analogue ; et comme l’ovule de l’Oursin est pondu au point 


peut mieux démontrer que cette membrane ne prend naissance ou ne se solidifie 
qu'au moment de la fécondation. 
1 Ils sont pourtant un peu accélérés par la fécondation. 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 155 


que celui de l'Étoile de mer n’atteint qu'après un séjour plus ou 
moins prolongé dans l’eau de mer, il était permis de se demander si 
les mêmes phénomènes ne se retrouveraient pas chez lovule de 
l'Oursin dans l’intérieur de l'ovaire. 

On sait que Derbès et O. Hertwig considèrent le pronueléus femelle 
de l’œuf mûr de l’Oursin comme iden- 
tique à la tache de Wagner de l’ovule 
avant sa maturité. D’après O. Hertwig, 
la vésicule germinative arriverait à 

la surface et serait éliminée 2x globo. 
La tache germinative seule resterait 
dans le vitellus et deviendrait le pro- 
nucléus femelle. Ces deux éléments 
histologiques seraient du reste tout à 
fait identiques et la différence que 
l’on remarque dans leurs propriétés 
optiques proviendrait de ce que le fic. 13. — L'ovule entier, sans ses enve- 
p : RES loppes, avec ses globules polaires, retenus 
nucléole si fortement réfrmgent de par une mince pellicule, et son pronu- 
l’'ovule est situé dans le contenu pres- SL à 
que liquide de la vésicule germina- Le: aa RE 
tive, tandis que plus tard ce nucléole se trouvant au milieu des 
granulations vitellines apparaîtrait comme une tache claire. Hertwig 
a fait ses observations sur des œufs placés dans le liquide de la 
cavité du corps de l’Oursin, liquide qu’il considère comme un li- 
quide indifférent pour l’ovule, en d’autres termes comme son men- 
struum naturel. = 

Examimant à mon tour les ovules mal müûürs du même animal dans 
les mêmes conditions, je ne pus retrouver aucune des images déerites 
par Hertwig, En revanche, chez ceux des ovules qui avaient atteint 


presque leurs dimensions normales, tout en conservant encore leur 
vésicule germinative, je vis au bout de deux ou trois heures la vésicule 
se ratatiner, être remplacée par un grand amphiaster très-facile à voir, 
et j'observai enfin la sortie d’un globule polaire. Tout cela concordait 
assez exactement avec le processus que j'avais observé chez l'Étoile 
de mer, avec ces seules petites différences que : 4° chez l’Oursin le 
globule polaire ne soulève en sortant aucune pellicule, aucune por- 
tion de membrane, en sorte qu'il se détache et se perd aussitôt après 
sa sortie ; 2 que je n’ai vu chez l’Oursin qu’un seul globule polaire. 
Toutefois, Je dois remarquer que mes observations ne portent que 


156 HERMANN FOL, 


sur un très-petit nombre de cas. Pour trouver ces phases de la matu- 
ration de l’ovule, il faut passer en revue des centaines d'œufs, et le 
fruit de tant de patience est souvent perdu par le fait que le liquide 
de la cavité du corps de l’Oursin s’altère au bout de peu d’heures el 
que les ovules commencent alors à se décomposer au lieu de mürir. 
C’est pour ces motifs que je n’attribue pas une grande importance au 
fait que je n’ai pu voir qu'un globule polaire. Il est fort possible 
qu'il s’en forme deux et qu'ils m’aient échappé, puisqu'ils ne sont 
retenus par rien et se séparent de l’ovule aussitôt formés. 

Mes observations étaient donc en contradiction complète avec les 
résultats d'O. Hertwig ‘, et concordaient au contraire parfaitement 
avec les résultats obtenus chez l'Étoile de mer. Mais cela ne pouvait 
suffire ; il fallait encore trouver la cause de l'erreur commise par 
Hertwig, et 1l importait de savoir si les processus observés dans le 
liquide du corps se retrouvent bien les mêmes dans le sein de l'ovaire. 
En étudiant des ovules mal mürs, placés toujours dans le même 
liquide, mais légèrement comprimés, je vis parfois, au bout de quelque 
temps, la vésicule germinative arriver à la surface et crever. C’est 
donc exactement la même cause qui avait déjà induit E. van Beneden 
en erreur ; ces deux auteurs ont pris un processus artificiel] pour un 
phénomène normal. 

Placant ensuite des ovaires entiers de l’Oursin dans l'acide acétique 
ou picrique suivi d'alcool dilué et les dilacérant dans de la glycérine, 
je réussis, après une longue recherche, à trouver quelques ovules qui 
présentaient un amphiaster de rebut bien accentué, semblable à 
celui que j'avais vu se produire chez des œufs plongés dans le liquide 
du corps. Dès lors mes derniers doutes étaient levés. Il est vrai que 
je n'ai pas observé la formation du pronucléus femelle ; mais je 
doute d’autant moins que son mode de formation soit le même 
que chez l’Asterias, que ce pronucléus n’a, dans des préparations à 
l'acide picrique, aucune ressemblance avec la tache de Wagner. Ces 
deux éléments ne se ressemblent que par leurs dimensions, mais 
point par leur structure et leur composition. 

La principale différence entre ces deux cas consiste donc dans : 
l’époque précoce ou tardive de la disparition de la vésicule germina- 
tive et de la formation des globules polaires. Si ces globules ne sont 

1 Herlwig est arrivé depuis lors, en même temps que moi, à des résultats qui 


s'accordent assez bien avec les miens, dont il n'avait à ce moment-là aucune con- 
naissance, 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 157 


pas expulsés chez l’Oursin après la ponte, c’est que leur expulsion à 
eu lieu déjà au sein de l’ovaire. 

Ces différences deviennent bien moins frappantes encore si nous 
jetons un coup d’œil sur l’époque de disparition de la vésicule ger- 
minative chez divers animaux. J’ai déjà rappelé ci-dessus quelques 
données que les auteurs nous fournissent à cet égard, et Je vais en 
ajouter quelques autres que j'ai recueillies moi-même sur nature. 
Chez la plupart des Méduses, l’ovule, étudié aussitôt après la ponte, 
n'a déjà plus de vésicule germinative. Chez Phallusia, cette vésicule 
disparaît vers l’époque où l’ovule passe de l’ovaire dans l’oviducte, 
où il paraît séjourner un certain temps. Chez Sagitta, les œufs que 
renferme l’oviducte sont généralement dépourvus de vésicule germi- 
native et c’est exceptionnellement que des ovules peuvent être pondus 
avant cette disparition de la vésicule. Chez Phallusia, j'ai découvert 
un singulier processus par lequel prennent naissance les cellules si 
particulières à ces animaux et qui enveloppent l’œuf. Je les ai vues 
se former dans l’intérieur de l’ovule très-jeune au contact du noyau 
et voyager ensuite jusqu’à la surface du vitellus'. Mais ce processus 
ne peut, en aucune façon, se comparer à celui de la formation des 
corpuseules polaires. L’Oursin est donc le seul animal, à ma connais- 
sance, chez lequel les sphérules de rebut se forment et se détachent 
dans l’intérieur de l’ovaire. 


ÎI. DE LA FÉCONDATION NORMALE. 


Un pas très-important vient d’être fait dans la connaissance de ce 
phénomène primordial. O0. Hertwig a montré, dans son beau travail 
sur le premier développement de l’'Oursin, que le Spermatozoaire 
pénètre dans l’œuf et entre dans la composition du noyau de l’œuf 
fécondé. J'ai répété les observations du savant allemand et puis en 
garantir l'exactitude à quelques détails près qui ressortiront de ma 
propre description. 

Hertwig n'a pas observé la pénétration du Zoosperme dans le vitellus. 


1 J'entends parler ici des cellules dites folliculaires, qui enveloppent l'œuf de 
toutes parts. Les cellules jaunes se forment plus tard par un bourgeonnement de la 
surface du vitellus. Ce sont probablement ces cellules folliculaires voyageant de l’in- 
térieur vers la surface que Kowalevsky a prises pour des cellules qui seraient pé- 
nétrées dans le vitellus et qui donneraient ensuite naissance aux cellules jaunes. 
L'erreur ne peut reposer que sur une observation très-superficielle. 


158 HERMANN FOL. de 


Il conclut à l’existence de cette pénétration pour divers motifs qui 
ne me paraissent pas tous également justes. Mais sa conclusion est 
parfaitement exacte; j'ai observé nombre de fois ce processus qui 
avait échappé aux recherches de Hertwig et je puis en conséquence 
fournir la preuve directe, qui manquait encore, de l’origine de ce 
qu'il nomme le noyau spermatique. Le premier Zoosperme qui arrive 
au contact de la couche muqueuse qui enveloppe l’ovule, s’y implante 
aussitôt et sa pointe arrive au contact du vitellus généralement dans 
l’espace d’une seconde ou deux. Les mouvements de la queue se 
ralentissent alors et le corps du Spermatozoaire s’allonge et entre 
dans le vitellus. La queue reste visible pendant quelques instants ; 
puis on cesse de la voir et à sa place on distingue un cône de matière 
transparente très-pâle. Ce cône s’allonge et change de forme à chaque 
instant ; il prend les formes les plus diverses et disparaît enfin après 
plusieurs minutes. 

Le corps du Spermatozoaire, une fois entré dans le vitellus, paraît 
se fusionner avec le protoplasme vitellin pour constituer une petite 
tache claire qui devient le centre d’un système de stries radiaires. 
L'alcool absolu ou l’acide osmique suivi de bichromate de potasse 
changent cette tache en un globule très-réfringent. J’adopie pour 
cette tache le terme de pronucléus proposé par E. van Beneden et la 
nommerai le pronucléus mâle. Ce pronucléus mâle traverse le vitellus 
pour se mêler intimement au pronucléus femelle dont nous connais- 
sons déjà l’origine. Nous savons aussi que ce pronucléus femelle se 
trouve dans une position excentrique ; eh bien ! le point de pénétra- 
tion du Zoosperme n’a aucune relation constante avec la position de 
ce premier pronucléus. De la fusion de ces deux pronucléus résulte 
le nucléus de l’œuf fécondé qui se fractionne ensuite suivant des pro- 
cédés que Je décrirai plus loin. 

J'ai toujours parlé du Zoosperme au singulier ; C'est que dans des 
conditions normales il ne pénètre qu'un élément mâle dans chaque 
vitellus. Pour expliquer ce fait, je dois revenir en arrière dans ma 
description et noter quelques détails que j'avais laissés de côté. A 
peine le contact est-il établi entre le corps du Spermatozoaire et le 
vitellus, que l’on voit déjà une mince membrane se détacher de ce 
dernier et se soulever irrégulièrement dans la région où le contact 
a eu lieu. Cette membrane s'étend de là sur toute la périphérie du 
vitellus et se soulève avec une rapidité que l’on a de la peine à se 
représenter lorsqu'on n’a pas été témoin de ce phénomène; c’est 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 159 


ainsi que les Zoospermes qui continuent à arriver à travers la couche 
muqueuse, sont exclus du vitellus. [1 ne faut pas confondre cette 
première membrane avec celle qui se différencie ensuite et qui reste 
accolée à la surface du vitellus. La fécondation faite dans des condi- 
tions normales a lieu à l’aide d’un seul Zoosperme par œuf; ce fait 
est de toute évidence chez l’Oursin. En revanche, les ovules d’indi- 
vidus qui ont souffert en captivité sont modifiés; la formation de la 
membrane ést plus lente et il entre souvent deux ou trois Zoospermes 
dans chaque vitellus. Mais de tels œufs ne produisent que des larves 
monstrueuses. Je n’insiste du reste pas sur ces phénomènes que j'ai 
étudiés avec plus de détail chez Asterias que chez les Oursins. 

Nous avons déjà vuide quelle manière l’ovule de l’Asferias glacialis 
est modifié par un séjour dans l’eau de mer. La période qui s’écoule 
depuis la formation du second amphiaster de rebut jusqu’à la forma- 
tion du pronucléus femelle et la première heure après que ce dernier 
état a été atteint, sont le moment le plus favorable pour la fécon- 
dation. Si l’ovule n’est pas fécondé, il restera, sans changement, 
pendant quelques heures, puis commencera lentement à se décom- 
poser. Je ne l’ai jamais vu se développer par 
parthénogénèse, comme l’a observé R. Greef. 
Toutefois, je me hâte d'ajouter que je ne 
considère pas ce résultat négatif comme 
suffisant pour infirmer les conclusions si 
précises du savant professeur de Marburg. 
Laissant pour le moment de côté les cas 
anormaux qui se produisent lorsque l’œuf 
est fécondé avant ou après le moment favo- 
rable, ou qu'il est altéré d’une manière ou 


de l’autre, passons en revue les phénomènes "16: 4. — Petite portion de la 


de la fécondation normale. 

Les Spermatozoaires, arrivant au contact 
de l’œuf, restent avec le corps empâté dans 
l'enveloppe muqueuse de ce dernier. Bien- 
tôt l’un d’entre eux est parvenu à se frayer 
un chemin à travers la moitié de l’épaisseur 
de cette couche, et aussitôt le vitellus pré- 


surface du vitellus de l’Asterias 
glacialis avec l'enveloppe mu- 
queuse et les Zoospermes. arrê- 
tés à la surface de cette der- 
nière. Un Spermatozoaire à 
traversé à peu près la moitié de 
l'épaisseur de cette couche. A la 
surface du vitellus se voit un 
bord ombré qui est hyalin en 
nature, et vis-à-vis du Zoosperme 
une bosse formée par cette sub- 
stance hyaline. Préparation vi- 
vante. 800/1. 


sente des modifications extrèmement remarquables. Avant qu'aucun 
contact ait eu lieu entre le Zoosperme et le vitellus, le protoplasme de 
ce dernier s’amasse du côté qui fait face au Spermatozoaire le plus 


160 HERMANN FOL. 


rapproché et y constitue une mince couche hyaline qui recouvre le 
vitellus granuleux (fig. 14). Cette couche ne doit du reste pas être 
considérée comme distincte de la substance vitelline ; elle est en 
continuité avec le réseau de sarcode qui tient en suspension les gra- 
nules de protolécithe. Ce bord transparent se soulève à son centre 
en une bosse qui s’avance à la rencontre de l'élément mâle. La bosse, 
d’arrondie devient conique, et bientôt on voit un mince filet de pro- 
toplasme établir la communication entre le sommet du cône et le 


Fc. "15. Fi. 16. Fiss iT. 


F1G. 15. — La même que sur la figure 14, au moment où la communication entre le Zoosperme et 
le vitellus est établie à l’aide d’un filament très-ténu partant du sommet de la bosse hyaline 
changée en cône. Préparation vivante. 800/1. 


F1G. 16. — La même que sur la figure 15, prise au moment où le cône se raccourcit, le corps du 
Zoosperme diminue et la couche limitante se différencie en une membrane vitelline. 800/1. 
F1G. 47.— La même que sur la figure 16, prise au moment où le Zoosperme est très-réduit, le 


cône hyalin presque rentré dans le vitellus et où la membrane vitelline présente un cratère. 800/1. 


corps du Zoosperme. Ge dernier s’allonge, s’étire et pénètre dans le 
vitellus par un procédé qui ressemble tout à fait à l'écoulement 
d'un liquide visqueux. Les formes que prend successivement ce 
corps étiré varient beaucoup d’un cas à l’autre et changent rapide- 
ment. En général, on distmgue encore pendant quelques instants 
le corps du Zoosperme qui diminue de plus en plus; puis il ne 
reste qu’un fil présentant quelques varicosités (fig. 18) et surmonté 
par la queue, disons plutôt le cil vibratile devenu immobile. Quel- 
ques secondes plus tard, le cil vibratile a disparu à son tour et l’on 
ne voit plus à sa place qu’un cône très-pâle, allongé ou même effilé, 
à base assez large (fig. 19). Faut-il considérer ce cône comme résultant 
d’une transformation du eil vibratile ou bien comme le produit d’une . 
exsudation du vitellus? Ces suppositions pourraient être justes toutes 
deux. L'existence d’une exsudation sortant du vitellus au point de 
pénétration ne fait pas pour moi l’objet d'un doute ; mais il se pourrait 
fort bien que le cil vibratile raccourci et en voie de décomposition 
contribuât pour sa part à la formation de ce cône. La forme effilée 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 16] 


qu’il présente ne semble pas pouvoir s'expliquer autrement. Ce cône 
d'exsudation reste visible pendant plusieurs minutes et prend, pen- 
dant ce temps, les formes les plus diverses qui rappellent les tlammes 
d’un feu de paille, sans être aussi rapides. Tantôt il est simplement 
conique, tantôt bosselé, flanqué de barbules, de languettes (fig. 20). 
Enfin, il se dissipe et disparait, 


FIcii1e; Free 49: Fi. 20, 


Fic. 18. — La mème que sur la figure 17, prise au moment où il nê reste pour ainsi dire plus 
rien du corps du Zoosperme en dehors du vitellus, où la membrane avec son cratère se 
sépare de la surlace du vitellus laissant apercevoir le filament par lequel le cil du Zoosperme 
est attaché au vitellus qui présente en ce point une petite tache claire. 800/1. 

Fi1G. 19. … La même que sur la figure 18, prise au moment où l'on n’aperçoit plus à la place du 
cil du Zoosperme qu'un cône etfilé, large, mais très-pàle, communiquant avec le vitellus par 
l'ouverture présumable du cratère de la membrane vitelline. 800/1. 


TER : , k ; 
D: £ La même que sur la figure 19, prise un peu plus tard, lorsque le cône d'exsudation 
. formes irrégulières et changeantes. La tache claireexiste toujours dans le vitellus, 
unmédiatemen -dessc Ô É s peti rai réfring cuf 
fivant. 800/! t au-dessous du cône et présente quelques petits grains réfringents, OEuf 


Pendant que ces phénomènes se succèdent, la couche hyaline 
superficielle, que nous avons vue se former au point où le contact 
allait se produire, commence à s'étendre depuis le point de pénétra- 
üon et finit par envelopper tout le vitellus. Au moment où la ecom- 
munication avec le Zoosperme est établie, cette couche se différencie 
très-nettement, prend un double contour et commence à se détacher 
de la surface de l’œuf ; elle devient une véritable membrane vitelline. 
La différenciation de cette membrane gagne tout le tour de l'œuf en 
commençant par le point de fécondation, où il reste un petit en- 
foncement en forme de cratère. Au-dessous de cet enfoncement de 
la membrane se trouve, à la surface même du vitellus, un autre 
enfoncement à bords relevés et un autre cratère. Ces deux petits 
cratères ne restent visibles que pendant quelques minutes et disparais- 
sent sans laisser de traces. : 

Chez un œuf arrivé au point favorable de son évolution, avant 
d'être fécondé et chez un œuf qui n’a pas été altéré, tous ces pro- 


ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GÉN.— T. VI. 1877, Ë 11 


162 HERMANN FOL. 


cessus se succèdent avec une rapidité telle, que l'accès du vitellus est 
barré à tout Zoosperme qui serait de peu de secondes en retard sur 
le premier. 

Je suis d'avis que la fécondation normale de l'Étoile de mer se fait 
à l’aide d’un seul Zoosperme par œuf; ceci vient confirmer la conclu- 
sion à laquelle O0. Hertwig et moi sommes arrivés avec un degré de 
certitude encore plus grand en ce qui concerne l'Oursin. Nous verrons 
que les œufs qui ont recu plus d'un Spermatozoaire se développent 
d’une manière anormale et monstrueuse. Les sexes étant distincts 
chez ces animaux et en nombre à peu près égaux, il est clair que, 
parmi les œufs fécondés et se déve- 
loppant normalement, les uns de- 
viendront des mâles, les autres des 
femelles. La production des sexes ne 
peut dans ce cas-ci être déterminée 
par le nombre des Zoospermes in- 
troduits dans le vitellus. 

Je dois encore noter que la péné- 
tration a lieu en un point quel- 
conque de la surface du vitellus, tan- 
tôt dans le voisinage des sphérules de 
Fi. A. — Le vitellus d'Asferias glaciatis Tebut, tantôt au pôle opposé, tantôt 

entouré de sa membrane vitelline dans NA Ê : 

laquelle sont logés les globules polaires. SUT les côtés. La direction du frac- 

Rue ER. dl tionnement étant constante par rap- 

pronucléus mäle dans son centre, OEuf > PE 

vivant. Grossissement, 300/1. port à la position des globules po- 

laires, il en résulte que la situation 

du point par lequel le Zoosperme vient à s’introduire n’a aucune 
influence sur cette direction des divisions cellulaires. 

Le point de pénétration devient le centre d’une étoile ou aster 
mâle; dans le milieu de l’aster se trouve un amas ou pronucléus 
mâle qui va se fusionner avec le pronucléus femelle d’une manière 
tout à fait conforme à ce qui s’observe chez l’Oursin. Pendant les 
premiers instants après la fécondation, l’on ne voit qu'une petite 
tache claire assez indistincte au bord du vitellus. Les rayons de 
l’aster mâle ne commencent à se montrer nettement que plusieurs 
minutes après la fécondation, et lorsque la tache claire s'est déjà 
avancée un peu vers l’intérieur du vitellus. Quelques-uns de ces 
filanients radiaires s'étendent du centre de l’aster au point de la sur- 
face du vitellus où le contact à eu lieu, point qui est encore re- 


3 En. 


À. COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 163 


connaissable grâce à la présence d’une petite cicatrice. Ce sont, je 
crois, ces filaments que O. Hertwig a pris chez l’Oursin pour une 
partie de la queue du spermatozoaire. Les rayons de l’aster mâle 
deviennent toujours plus longs et plus marqués à mesure que le 
pronucléus mâle se rapproche du pronucléus femelle. Ce dernier, 
jusque-là immobile, ne commence à se déplacer à l'encontre de 
l’autre pronucléus qu'au moment où les rayons de l’aster mâle ar- 
rivent à le toucher. Les deux noyaux se rapprochent alors rapi- 
dement l'un de l’autre et se soudent en prenant successivement, 
mais en ordre inverse, ces formes que l’on attribuait autrefois aux 
noy aux en voie de division (voy. fig. 22, 93 et 24). 

Si nous Comparons entre eux ces processus intimes de la féconda- 


Fic. 22. Fic. 93. Fic. 24. 
Trois phases successives de la réunion des deux pronucléus mâle et femelle. 
D'après le vivant. 300/1. 

ton chez l'Oursin et chez l'Etoile de mer, nous sommes frappés de 
voir deux cas en apparence bien distincts et qui pourtant ne sont que 
des variations d’un même type fondamental. Cette comparaison nous 
permettra de comprendre les phénomènes observés chez d’autres 
‘animaux où la pénétration du Zoosperme n’a pu être suivie pas à 
pas. 

Bütschli a observé le premier la formation de deux noyaux dans le 
sein du vitellus d’un Nématode du genre Æhabditis. T1 a vu ces noyaux 
marcher à la rencontre l’un de l’autreet se souder entre eux. Auerbach 
confirme ce fait chez un autre Nématode, mais sans s’apercevoir que ce 
phénomène n'a lieu qu'après la sortie des corpuscules polaires qui exis- 
tent pourtant chez l’espèce qu'il a étudiée. Bütschli décrit ensuite ces 
Processus avec plus de soin chez divers Nématodes, chez d’autres Vers 
et chez quelques Gastéropodes d’eau douce. 11 montre que la dispari- 
tion de la vésicule germinative et la sortie des globules polaires pré- 
Icèdent la formation de ces deux noyaux ; il indique fort bien que les 
Moyaux ne prennent pas toujours naissance aux deux pôles Opposés 
du vitellus et que parfois il s’en forme plus de deux. Enfin cet habile 


164 HERMANN FOL. 


observateur suppose avec justesse que la formation et la réunion 
de ces noyaux sont des phénomènes liés à ceux de la fécondation, 
mais il n’en fournit pas la preuve directe. Une confusion regrettable 
subsiste dans sa description entre ces pronucléus qui prennent 
naissance indépendamment l’un de l’autre et les petites vésicules qui 
se forment au-dessous des globules polaires pour se réunir bientôt en 
un pronucléus femelle. O0. Hertwig assigne enfin à ces deux pronu- 
cléus, chez l’Oursin, leur véritable signification, mais sans fournir 
encore de preuve directe à l'appui de son opinion. Cette preuve est 
faite maintenant. E. van Beneden a retrouvé ces deux pronucléus 
dans l’œuf du Lapin et les interprète de la même façon. 

Chez Sagitta, l’ovule au moment 
de la ponte est généralement déjà 
dépourvu de sa vésicule germinative ; 
les deux globules polaires sortent 
peu de temps après. La fécondation 
a lieu peu d’instants après la ponte. 
Il est assez difficile d'obtenir des 
œufs pondus et non fécondés; tou- 


à | 


tefois j'ai réussi parfois à en obtenir 


SR 


et j'ai remarqué que la sortie des 
globules polaires est bien plus lente 
Fra. 25. — Le même que sur la figure 21, €t plus tardive que chez l'œuf fé- 


après la réunion des deux pronucléus en 


un noyau central complet entouré de condé. Chez ce dernier, on voit une 
stries radiaires. 300/1. 


tache claire se former près des sphé-. 


rules de rebut et une seconde tache prendre naissance à la péri-« 


phérie du vitellus, le plus souvent dans l'hémisphère opposé à 


celui dont les globules polaires occupent ie sommet. Cette dernière | 
tache s’entoure aussitôt d'une étoile de filaments protoplasmiques 
etse meut dans la direction de l'endroit où se trouve l’autre pro-\l 
nucléus que, par analogie, nous pouvons nommer le pronucléus À 
femelle. Pendant ce mouvement de translation, on voit très-net- 


tement que le centre de l’étoile se trouve en avant de la tache claire 


et que celle-ci est entrainée d’une manière passive. Arrivée près du 
pronucléus femelle, jusqu'alors immobile, cette étoile se meut plus 
rapidement, le pronucléus est attiré vers la tache claire et ces deux 
éléments se fusionnent pour constituer le nucléus de l’œuf fécondé. 
La tache claire avec son étoile ressemblent trop à l’aster mâle de 
l’Oursin et de l'Étoile de mer pour que nous hésitions à les classer 


D Po A 


1 
a 


1 
{ 
1 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 165 


dans la même catégorie ; toutefois je ne puis fournir la preuve directe 
en ce qui concerne la Sagitta. - 

Chez les Hétéropodes, la fécondation a lieu dans l’oviducte, en sorte 
que les œufs pondus sont déjà fécondés depuis un certain temps. 
Néanmoins ils possèdent encore, sauf de rares exceptions (##roloides), 
leur vésicule germinative. La tache germinative a déjà disparu et il 
est rare que l’on en trouve encore des fragments suspendus dans la 
vésicule germinative au moment de la ponte. Il est encore plus rare 
de rencontrer à ce moment-là une tache de Wagner restée intacte. 

Bientôt apparaissent les deux centres d’attraction aux deux extré- 
mités de la vésicule ou plutôt dans une position un peu excentrique. 

Leur existence est annoncée par l’apparition de deux asters dont 
Jes rayons s'étendent en partie en dehors et en partie en dedans de 
la vésicule. Ces derniers se rencontrent et se soudent entre eux en 
commençant par ceux du milieu et constituent ainsi les filaments 
bipolaires. Je n’insiste pas davantage pour le moment sur ces phéno- 
mènes que je décrirai avec plus de détails dans un mémoire qui ne 
tardera pas à paraître. L'un des asters sort ensuite sous forme de 
globule polaire ; puis il se forme un second globule et Les renflements 
de Bütschli du dernier aster réunis à son amas central constituent un 
noyau. C’est au moment où la seconde sphérule de rebut se forme 
qu'apparaît le pronucléus mâle. Il est très-petit, fortement réfringent 
et situé à la surface du vitellus dans une position très-variable par 
rapport à celle des globules polaires. Il chemine ensuite vers le 
centre du vitellus tout en grossissant rapidement et en perdant son 
aspect réfringent. Les modifications qu'il éprouve sont exactement 
parallèles à celles qui surviennent dans le pronucléus femelle. Dans 
tous deux on trouve à un certain point de leur croissance un petit 
nucléole. Ils se rencontrent au centre de l’œuf et se soudent en un 
noyau unique. Le fait que le pronucléus mâle n’est devenu visible 
qu'au moment de la sortie du second globule ne doit pas nous 
étonner, puisque nous savons que chez l'Étoile de mer l’aster mâle 
reste à l’état latent Jusqu'à ce moment-là. Le mode de croissance 
du pronucléus mâle montre bien que ce noyau est un produit de 
fusion et non pas simplement le corps d’un Zoosperme. 

Ces quelques exemples des principales variétés qui ont été observées 
pourront suffire à montrer que les deux pronucléus ont été trouvés 
partout où on les à cherchés et que le pronucléus mâle est avec cer- 
ütude dans certains cas, avec probabilité dans les autres, un résultat 


166 HERMANN FOL. 

de la fusion du Zoosperme avec une certaine quantité de protoplasma 
vitellin. Enfin que le noyau de l’œuf fécondé n’a qu'uné liaison très- 
éloignée avec la vésicule germinative et se gigi par la fusion des 
deux pronucléus. 


IIÏ. DE QUELQUES CAS DE FÉCONDATION ANORMALE. 


J'ai décrit ci-dessus les modifications que subissent les œufs mûrs 
de l’Asterias qlacialis lorsqu'on les place simplement dans l’eau de 
mer et les phénomènes d’une fécondation artificielle faite avec des 
œufs non altérés, mais débarrassés de leurs matières de rebut. Es- 
sayons maintenant de féconder ces œufs immédiatement après leur 
sortie de l'ovaire, ou, tout au moins, avant l'expulsion de la pre- 
mière sphérule de rebut, et pour plus de sécurité, prenons-les à un 
individu qui a déjà vécu quelques jours en captivité. 

Les détails de la pénétration du Zoosperme dans le vitellus sont, 
à peu de chose près, les mêmes que dans le cas normal ; ces pro- 
cessus sont seulement plus accentués et surtout bien plus lents. La 
différence principale est que la membrane vitelline ne se forme et ne 
se soulève que très-lentement autour du point où la pénétration a 
lieu ; au lieu de gagner rapidement le tour du vitellus, elle ne s'étend 
qu'à une fraction de la périphérie. Cette lenteur dans la formation 
de la membrane a une conséquence très-importante, à savoir que 
d’autres Spermatozoaires ont tout le temps de pénétrer successi- 
vement en différents points de la surface de l’ovule et continuent à le 
faire jusqu’à ce que le vitellus soit complétement enfermé dans une 
membrane qui leur est imperméable. 

L’étendue et la rapidité de formation des portions de la membrane 
qui se différencient autour de chaque point de pénétration sont très- 
variables et d'autant plus faibles que l’on s'éloigne davantage des 
conditions normales. En pareil cas j'ai compté jusqu’à quinze Zoo- 
spermes dans un seul vitellus; c’est-à-dire qu'il a fallu quinze céntrés 
de formation de la membrane vitelline pour que celle-ci fût com- 
plétée. Plus on se rapproche des conditions normales et plus le 
nombre des Spermatozoaires qui pénètrent est restreint. 

Le corps du Zoosperme coule dans le vitellus de la manière que 
j'ai décrite plus haut, seulement avec plus de lenteur, en sorte que 
l’on peut bien plus facilement observer tous les détails du processus. 


Une tache claire entourée de filaments radiaires se forme à la péri- 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 167 
phérié du vitellus au point de pénétration ; c’est l’aster mâle. Ces 
asters mâles, partant de divers points de la surface, cheminent len- 
tement dans la direction du centre du vitellus (fig. 26). Sauf pour le 
nombre des asters, tout ceci est conforme au cas normal. $i la fécon- 
dation a lieu avant la disparition de la vésicule germinative, les asters 
mâles restent assez longtemps à l’état latent, et ce n’est qu’au moment 
où le premier globule polaire commence à sortir, parfois même déjà 
au moment où l’amphiaster de rebut est constitué, que les asters 
mâles se montrent, chacun à une petite distance de l’endroit où un 
Zoosperme a pénétré. 

Les asters mâles gagnent en netteté à mesure qu'ils s’'éloignent du 
bord du vitellus, et dans leur centre l’on voit un petit amas de pro- 
toplasme réfringent que nous pouvons nommer un pronucléus mâle. 
Celui de ces noyaux mâles qui se 
trouve le plus près du pronucléus 
femelle se soude à ce dernier, qui 
devient aussitôt le centre d’un sy- 
stème de filaments radiaires. Puis ce 
noyau combiné se réunit encore à un 
second et même parfois à un troi- 
sième pronucléus mâle (fig. 26). Les 
centres mâles ne se réunissent ja- 
mais entre eux; ils paraissent se 


repousser mutuellement et sont, au 


7E 


contraire, attirés par le centre fe- pie. 4. OEut d'Asterias glacialis prove- 
nant d'une mère malade, le vitellus a recu 


melle jusqu'au moment où ce der- plusieurs Zoospermes. On distingue à la 


lu. LED . be fois cinq asters mâles isolés et deux autres 
nier à été complétement neutralisé qui se réunissent simultanément au pro- 


par sa réunion à deux ou trois cen- SO FTP RU aRISsAS iront 
tres mâles. 

Le fractionnement ‘de ces œufs est très-irrégulier, Lorsque les 
centres mâles sont nombreux, le vitellus forme du coup autant de 
bosses arrondies qu’il renferme d'asters mâles, chaque bosse ayant 
un aster dans son centre. Puis ces bosses se détachent les unes des 
autres et deviennent autant de sphérules qui continuent ensuite à se 
diviser par dichotomie. Il en résulte une biastosphère très-irrégulière 
et une larve monstrueuse. 

Dans les cas où le nombre des centres mâles est très-restreint, le 
pronucléus femelle peut se répartir en deux ou trois noyaux. Cette 
division du noyau femelle n'a, du reste, jamais lieu au moment où 


168 HERMANN FOL. 


ce pronucléus est tout à fait formé et arrondi ; elle ne se produit que 
dans les cas où ce pronucléus à l’état naissant, c’est-à-dire composé 
d’une agglomération de taches claires, est sollicité à la fois par deux 
ou trois asters mâles équidistants. Où voit alors ces taches claires 
se séparer les unes des autres pour se réunir aux centres mâles res - 
pectifs et constituer autant de noyaux. Au moment du premier frac- 
tionnement, chacun de ces noyaux se transforme ‘pour son compte 
en un amphiaster et le vitellus se divise .du coup en quatre ou six 
sphérules. 

Je n’ai pas suivi le fractionnement chez les œufs dont le nucléus 
unique est le résultat de la combinaison du pronucléus femelle à 
plusieurs asters mâles. C'est probablement ici qu'il faut rapporter 
ces œufs que j'ai rencontrés assez souvent, chez lesquels le noyau se 
résout du coup en un tétraster, c'est-à-dire en quatre asters reliés 
entre eux en carré. | 

Un vitellus qui a reçu äeux Zoospermes, peut-il se développer d’une 
manière normale ? Je n’oserais le nier absolument, mais j'ai toujours 
observé le contraire. Chaque fois que j'ai suivi un de ces œufs, je 
l'ai vu produire un nombre double de sphérules de fractionnement 
et devenir ensuite une larve monstrueuse. Ce fait n'est-il pas propre 
à nous mettre sur la trace de l’origine de toute une catégorie de 
monstres doubles ? De Lacaze-Duthiers nous a fait connaître l’origine 
de monstres doubles par soudure de deux individus distincts ; n’au- 
rions-nous pas maintenant la contre- FA à savoir l'explication des 
monstres par dédoublement ? 

Les phénomènes que Je viens de décrire se présentent non-seu- 
lement chez des œufs fécondés avant la maturité où altérés par un 
trop long séjour dans l'eau ; 1ls se trouvent encore et surtout chez 
des œufs même müûrs à point, mais provenant d'animaux qui ont 
souffert de la captivité. Ayant fécondé des œufs provenant d'une mère 
très-malade, je vis les Zoospermes pénétrer en nombre dans chaque 
vitellus et leurs corps se conserver intacts au milieu de Ja substance 
vitelline, bien qu'ils fussent parfois entourés de quelques lignes rayon- 
nées mal accentuées. Ils cheminèrent tous un peu dans la direction 
de Ja vésieule germinative qui disparut très-lentement ; puis ces œufs 
se décomposèrent. À tort ou à raison, l’on ne peut s'empêcher de 
rapprocher ces faits de la soi-disant survie d’un Zoosperme dans 
l'œuf d’un mammifère, décrite par Campana. 

À cette exception près, je n'ai jamais réussi à discerner le corps 


COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 169 


du Zoosperme dans l’intérieur du vitellus. Le corpuscule assez ré- 
fringent qui occupe le centre de chaque aster mâle, ne me parait 
répondre exactement au corps du Zoosperme, ni par ses dimensions, 
ni par son aspect, ni par sa forme. Le corps du Spermatozoaire ne se 
reconnaît d’une manière incontestable que dans les premiers instants 
après la pénétration, avant la formation des stries radiaires. Je ne 
pense pas que le Spermatozoaire persiste comme tel; je crois bien 
plutôt que le pronucléus mâle est le produit de la fusion du corps de 
l'élément mâle avec du protoplasme vitellin, en proportions très-va- 
riables suivant les espèces. 

L'affinité qui existe entre le Zoosperrae et le sarcode vitellin et 
plus particulièrement le pronucléus femelle, ainsi que Pattraction 
qu’il exerce sur ces substances, me paraissent mises hors de doute 
par les observations que J'ai rapportées. La répulsion mutuelle des 
centres mâles me paraît être un coroilaire de leur attraction pour 
le centre femelle, de même que la répulsion qu'exercent l’un sur l’autre 
les deux pôles d’un amphiaster est le corollaire de l'attraction que 
ces pôles exercent sur le protoplasme environnant. 

Dans un mémoire, que j'espère voir bientôt publié, je décris plus 
au long les observations dont je viens de résumer les principaux 
résultats, et j'insiste en particulier sur les phénomènes de division 
cellulaire qui, dans l’état actuel de la‘science, demandent une discus- 
sion approfondie et appuyée de nombreux détails qui ne sauraient 
trouver place dans un extrait. 

Je fais suivre ce résumé de la traduction que j'ai faite du résumé 
que Hertwig nous a donné de ses recherches. Je rappelle que ces 
deux articles ont paru simultanément et que les recherches dont ils 
sont le résultat ont été tout à fait indépendantes l’une de l’autre. Les 
points, peu nombreux du reste, où subsiste un désaccord perdent par 
là de leur importance, et l’accord qui règne sur la plupart des points 
n’en est que plus remarquable. 


osé 


L 
| 


NOUVELLES CONTRIBUTIONS 


À LA CONNAISSANCE DE LA FORMATIUN 


DE LA FÉCONDATION ET DU FRACTIONNEMENT 


DE L'OEUF DES ANIMAUX 


PAR M. LE DOCTEUR OSCAR HERTWIG 


Traduit par HERMANN For. 


Un hiver, passé au bord de la Méditerranée, me fournit l’occasion 
d'étendre à un plus grand nombre d'espèces animales mes observa- 
tions sur les premiers phénomènes de développement de la cellule- 
œuf. Je désirais surtout obtenir de nouveaux éclaircissements sur 
deux points : premièrement, la transformation de la vésicule germi- 
native, et secondement, la question de savoir à quel point les corpus- 
cules de direction sont répandus dans le règne animal. Le vif intérêt 
que ces questions ont acquis ces temps derniers me décide à com- 
muniquer sans retard un extrait de mes résultats. 

Asteracanthion est un objet très-favorable à l’étüde de la métamor- 
phose de la vésicule germinative, ainsi que Greef et van Beneden 
l'ont déjà indiqué. Les œufs de cette espèce approchant de la ma- 
turité, sortis de l'ovaire et placés dans de l’eau de mer, perdent 
bientôt leur vésicule qui se place tout près de la surface du vitellus. 
Les modifications successives qui accompagnent ce processus peu- 
vent être suivies pas à pas sous le microscope chez l'œuf vivant et 
mises ensuite hors de doute par l'emploi des réactifs. 

Le premier signe de la métamorphose est une saillie de proto- 
plasme qui se montre environ un quart d'heure après la ponte et 
pénètre dans la vésicule germinative, au pôle le plus voisin de la 
surface du vitellus. Cette saillie présente dans son sommet un petit 
espace dépourvu de granules vitellins. A ces changements viennent 
bientôt s’en ajouter d’autres qui se produisent dans la tache germi- 
native. Les vacuoles nombreuses que ce corps renfermait disparais- 
sent, et une vacuole plus grande se montre tantôt dans son milieu, 


172 OSCAR HERTWIG. 


tantôt dans une position excentrique, remplie elle-même presque 
complétement par un corpuseule composé de substance nucléaire. 
La substance de ce corpascule diffère de celle du reste du nucléole, 
et ces différences sont appréciables tant à l’état frais qu'après l’ad- 
dition de réactifs. La première est moins réfringente que la seconde 
à l’état de vie; elle résiste mieux aux acides et se colore plus rapi- 
dement et plus vivement par le traitement à l’acide osmique et au 
carmin. La dernière est plus réfringente à l’état frais, elle se coagule 
par l'acide osmique en une masse d’aspect graisseux, elle se gonfie 
plus facilement et plus vite dans l’acide acétique et dans la solution 
ammoniacale de carmin. 

Je crois pouvoir admettre que cette composition de la tache ger- 
minative est sinon généralement répandue, du moins très-fréquente; 
elle se montre plus clairement au stade qui vient d’être indiqué, 
mais existe déjà dans l’ovule mal müûr. Je l'ai retrouvée sous les 
mêmes traits que chez Asteracanthion, aussi chez Sphœrechinus bre- 
vispinosus, Chez Ascidia intestinalis, chez quelques Cœlentérés et chez 
divers Mollusques. Chez ces derniers surtout le fait est très-facile à 
reconnaître et a par conséquent été déjà vu et décrit par divers 
observateurs. Les deux substances que renferme la tache germinative 
font penser à celles qui composent le nucléus et le nueléole des in- 
fusoires et qui présentent aussi des différences dans leurs réactions 
chimiques. 

Chez Asferacanthion, le stade qui vient d'être décrit fait bientôt 
place à un autre stade ; au bout de cinq minutes la saillie de proto- 
plasme, qui s'est rapprochée de la tache germinative, présente une 
petite figure étoilée à côté de laquelle s’en montre bientôt une se- 
conde. Pendant que cette double figure étoilée augmente et s'ac- 
centue on voit diminuer la tache germinative, qui finit par dispa- 
raître entièrement environ une heure après la ponte. En même temps 
la vésicule germinative se ratatine par le fait que le protoplasme en- 
vironnant s’avance de tous côtés contre le centre de cet élément. 
La membrane de la vésicule se dissout et son liquide se mêle avec le 
protoplasme. 

On obtient des renseignements importants sur les détails de ce 
processus par un emploi opportun de réactifs chimiques (acide os- 
mique ou acide acétique à 2 pour 100), On peut ainsi fixer une 
phase très-passagère, dans laquelle le globule que contient la va- 
cuole de la tache germinative est étiré sous forme d’un bâtonnet 


FÉCONDATION DE L'OŒEUF. 173 
allongé. L'extrémité libre de ce bâtonnet s'étend dans la saillie de 
protoplasme et forme le centre de la figure étoilée que l’on distin- 
guait déjà facilement dans l’œuf vivant. L'autre substance qui formait 
la tache germinative et qui constitue la paroi de sa vacuole se mo- 
difie également ; sa surface devient bosselée comme chez un corps 
qui exécute des mouvements amæboïdes. Je l’ai souvent vue en- 
velopper le bâtonnet sur une grande étendue à la manière d’un 
fourreau. 

A la suite viennent se placer d’autres images où l'extrémité libre 
du bâtonnet est entourée de petits grains qui s’en sont évidem- 
ment détachés et forment un cercle. Dans d’autres préparations, 
le bâtonnet a entièrement disparu de la cavité de la tache germi- 
native. 

Les meilleures préparations pour les stades plus avancés sont 
celles que l’on obtient en traitant les œufs avec de l'acide acétique 
à 2 pour 100. Par ce mode de traitement, l’image que forment dans 
l'œuf vivant les deux figures étoilées juxtaposées se complète par 
l'apparition d'un corps fusiforme finement fibreux, qui est placé 
entre les deux étoiles. À quelque distance de ce corps, on aperçoit, 
dans la substance de la vésicule germinative que la coagulation à 
rendue granuleuse, un reste de la tache germinative ; c’est donc une 
disposition semblable à celle que j'ai déjà décrite chez les Hiru- 
dinées, où deux portions de noyau existent simultanément dans la 
cellule-œuf, l’une fusiforme et fibreuse, l’autre homogène et sphé- 
rique. Le reste de la tache germinative diminue seulement à mesure 
que le corps fusiforme grandit et s’accentue; finalement on ne 
réussit plus par aucun moyen à en démontrer le moindre vestige. 
En même temps, les deux figures {radiaires changent de place avec 
le fuseau situé entre les deux; elles s’approchent de la périphérie de 
l'œuf et se mettent dans la direction de son rayon. 

En cherchant à indiquer le sens des faits observés, je ne puis, ce 
me semble, méconnaître une liaison entre l'apparition des systèmes 
rayonnés et la transformation de la tache germinative. Gette liaison 
est que, pendant la dissolution de la vésicule germinative, la sub- 
sance nucléaire pénètre dans le protoplasme vitellin et provoque, à 
l'endroit où elle se rassemble en un noyau fusiforme, la formation 
d'abord d’un, puis d’un second système rayonné. Le rôle principal, 
dans celte transposition des parties actives du noyau, revient au Cor- 
puscule rond que contenait la vacuole de la tache germinative. Mais 


174 OSCAR HERTWIG. 


ce noyau recoit aussi des portions, sinon la totalité de la substance 
nucléaire enveloppante. | 

La formation des corpuscules de direction a lieu chez Asteracan- 
thion pendant la seconde heure après la ponte; elle présente exac- 
tement les mêmes phases que j'ai décrites chez Nephelis vulgaris, et 
se termine dans l’espace d’une heure. Puis le noyau de l’œuf com- 
mence à se former aux dépens de celle des moitiés du fuseau de 
direction qui est restée dans l’œuf. On peut facilement constater 
chez le vivant l'apparition d’un certain nombre de petites vacuoles 
dans la partie corticale de l'œuf au-dessous des corpuscules de di- 
rection. Autour de ces vacuoles se voit un système de rayons qui 
devient de plus en plus accentué à mesure qu'il se rapproche du 
centre de l’œuf. Les vacuoles grossissent et se fusionnent entre elles 
tout en se rapprochant du centre, et dans la vacuole unique qui est 
le résultat de leur fusion se différencie, au bout'd’un certain temps, 
un nucléole très-net. 

Malgré des essais répétés et variés, je n’ai pu observer le déve- 
loppement parthénogénétique des œufs d’'Etoiles de mer, tel qu’il a 
été décrit par Greef dans des termes qui ne permettent guère le 
doute. Par contre, la fécondation artificielle ne m'offrit aucune diffi- 
culté, et tous les œufs qui avaient préalablement perdu leur vési- 
cule germinative ont pu être élevés jusqu'à la formation de la larve 
ciliée. 

J'Gpérai la fécondation dans certains cas une heure, dans d’autres 
quatre heures après la ponte, et je déterminai de la sorte quelques dif- 
férences qui ne manquent pas d'intérêt. Dans les deux cas le vitellus 
se retire, quelque temps après l'addition du sperme, assez loin de 
la membrane vitelline, et dans la partie corticale du vitellus se 
montre, au pôle opposé aux corpuscules de direction, une place 
libre de granulations et entourée de rayons. Dans les œufs fécondés 
au bout d’une heure, la figure rayonnée, qui se meut lentement vers 
le centre de l'œuf, reste très-faible tant que la séparation des cor- 
puscules de direction n’est pas achevée. Le plasma, étant régi par la 
division qui a lieu au pôle de direction, ne répond évidemment que 
dans une mesure restreinte à l’excitation qu’exerce le noyau sper- 
matique. Mais dès que le second corpuscule de direction a bour- 
geonné, et que le noyau de l’œuf prend naissance, on voit la figure 
radiaire, qui entoure le noyau spermatique, gagner rapidement en 
extension et en netteté sous les yeux mêmes de l'observateur ; dans 


À à né M A © 


FÉCONDATION DE L'OEUF. 175 


le milieu de cette figure se montre une vaeuole qui continue, de 
même que le noyau de l’œuf, à s’imbiber de suc nucléaire. Le noyau 
de l'œuf et le noyau spermatique atteignent, en marchant à la ren- 
contre l’un de l’autre, les mêmes dimensions, et après s'être fusionnés 
ensemble se changent en un fuseau de fractionnement. 

Les phénomènes sont un peu différents dans le second cas, chez 
des œufs fécondés seulement au bout de quatre heures. Iei le noyau 
spermatique n’atteint qu'un volume plus faible, et se réunit comme 
un petit corps au noyau de l’œuf qui a déjà atteint des dimensions 
considérables. 

Dans le premier cas, la fécondation se passe comme chez les Hiru- 
dinées, les Mollusques, les Nématodes, etc., où les œufs sont déjà 
fécondés au moment où bourgeonnent les corpuscules de direction. 
Le second cas se rapproche des phénomènes que présente le 7oxo- 
pneustes lividus, où un espace de temps plus prolongé intervient 
entre la formation des corpuscules de direction et la fécondation. 
Les différences relatives, que présentent les noyaux de copulation 
chez divers animaux, sont donc occasionnées par une différence dans 
le moment où a lieu la fécondation; chez Asferacanthion, ce fait peut 
être vérifié expérimentalement. 

Lorsque les œufs ont séjourné plus de cinq heures dans l’eau de 
mer avant d’être fécondés, l’addition de sperme provoque chez eux 
une série de processus pathologiques. Pendant l'acte de la féconda- 
tion, le plasma de l'œuf, dont l'énergie vitale est évidemment dimi- 
nuée, sans être encore éteinte, ne se retire et-ne se sépare que fai- 
blement de la membrane vitelline. Dans la partie périphérique de 
l'œuf, au lieu d'une seule figure étoilée, on en trouve plusieurs. Le 
traitement, à l'acide osmique et au carmin, met en évidence dans 
chaque système rayonné un petit grain coloré en rouge. De ces ob- 
servations je conclus que, dans les œufs qui ont perdu de leur 
énergie vitale, il pénètre plus d’un Zoosperme, Le développement 
normal ne se réalise plus dans ce cas. Un processus analogue se re- 
trouve chez des œufs qui n’ont pas encore perdu leur vésicule ger- 
minative au moment où ils sont mis en contact avec le sperme. 

Les résultats obtenus ehez Asteracanthion me décidèrent à étudier 
encore une fois la métamorphose de l'œuf ovarien des Oursins. Pas 
plus que la dernière fois, je ne réussis à découvrir la moindre trace 
de corpuseules de direction chez des œufs pondus, ni à rencontrer, 
dans les nombreuses préparations d’ovaires dilacérés que j'ai exa- 


176 OSCAR HERTWIG. 


minées, les phases de passage de l’œuf mal mür à l’œuf müûr que l’on 
se procure facilement pour l’Asferacanthion. Je fis alors un essai pour 
voir si des œufs d’Oursins, approchant de la maturité, ne continue- 
raient pas à se développer en les plaçant dans l’eau de mer. Je mis 
des fragments d'ovaires dans un verre de montre, et, au bout de 
quelque temps, je passai en revue sous un grossissement faible 
ceux des œufs égrenés qui possédaient encore leur vésicule germi- 
native. L’essai réussit à souhait. Un certain nombre d'œufs continuè- 
rent à se développer. Je les isolai et pus, de la sorte, suivre sur le 
porte-objet la métamorphose de l’œuf vivant chez Sphærechinus 
brevispinosus, et fixer à l’aide des réactifs quelques-unes des phases. 
Je puis donc démontrer que des phases importantes de la métamor- 
phose ont échappé à mes recherches précédentes à cause des mé- 
thodes que j'employais, et que l’inte’prétation que je donnais comme 
probable était erronée. En effei, chez les Oursins la vésicule germi- 
native disparait, et le nucléus de l'œuf prend naissance exactement 
de la même manière que chez Asteracanthion. 11 se forme ici aussi un 
_ fuseau et des corpuscules de direction, comme van Beneden et Stras- 
burger l’ont présumé. Seulement les corpuscules ne restent pas unis à 
l’æuf après avoir bourgeonné ; ils tombent dans le liquide ambiant. 
Cette circonstance jointe au fait que, dans les conditions normales, 
la maturation des œufs à lieu dans l'extérieur de l’ovaire, explique 
comment la présence des corpusules de direction chez les Oursins 
a pu échapper jusqu’à présent à tous les observateurs. 

J'ai su, par une Communication verbale, que M. le docteur Fol, qui 
avait précédemment cherché aussi en vain ces corpuscules chez les 
Oursins, a démontré, indépendamment de moi et en employant une 
autre méthode, que, chez Sphærechinus brevispinosus, 11 se forme des 
corpuscules de direction dans le sein de l'ovaire. 

Afin de véritier l'extension des processus que je n’avais encore 
observés que pour quelques cas isolés, j’ai examiné sous ce rapport 
des exemples tirés des divers groupes du règne animal, autant du 
moins que les occasions s’en sont présentées ; mes observations s'éten- 
dent à présent aux Cœlentérés, aux Vers et aux Mollusques. 

Chez les Cœlentérés, les corpuscules de direction n’ont pas été, que 
je sache, encore décrits, si j'en excepte une donnée de Kleinenberg 
relative à Aydra. J'ai observé ces corpuscules chez quelques Méduses 
(Aeginopsis, Nausisthoe, Pelagia) et chez une Gténophore (Gegenbaurra 
cordata), Chez Aeginopsis, j'ai sorti d’un ovaire et isolé quelques 


= 


FÉCONDATION DE L'OEUF. 177 


œufs qui avaient perdu leur vésicule germinative ; chez deux de ces 
œufs, je vis un corpuscule de direction sortir d’abord du vitellus, puis 
le noyau de l'œuf se former aussitôt au-dessous de son point de 
sortie. Chez Vausithoe et chez Pelagia, lescorpuscules de direction sont 
très-faciles à voir, parce qu'ils sont retenus ici et tenus serrés contre 
le vitellus par la gelée dont l'œuf est enveloppé. Onles trouve en gé- 
néral au nombre de trois, comme chez les Hirudinées. Ce sont de 
grosses sphérules de protoplasme renfermant, comme le démontre 
l’action des réactifs, des portions de nucléus. Dans la partie corticale 
du vitellus, au-dessous de ces corpuscules, on remarque la présence 
d'un noyau de l’œuf. Les corpuscules de direction se forment, chez 
* Pelagia et Nausithoe, peu de temps avant la ponte, au moment où 
les œufs détachés de l’ovaire sont enveloppés d’une couche de gelée. 
J'ai isolé par dilacération des œufs tirés directement de la mère chez 
Nausithoe, et observé de la sorte le bourgeonnement du second cor- 
puscule de direction. Chez Gegenbauria cordata, j'ai pu démontrer, 
à la surface du vitellus d'œufs fraichement pondus, la présence de 
petites sphérules de protoplasme avec des parties nucléaires; en 
sorte que je n'hésite pas à les considérer aussi comme des corpus- 
cules de direction. Dans le voisinage de ces deux corpuscules, j'en ai 
souvent trouvé un troisième, de structure analogue, sur la signifi- 
cation duquel (peut-être est-ce un Spermatozoaire) je n’ai pas pu 
arriver au net. 

Dans le groupe des Vers, j'ai examiné Sagrtta, et j'ai pu, sur cet 
objet, avant la publication de la communication préliminaire de Fol, 
constater, de même que cet observateur, la sortie par bourgeonne- 
ment de deux corpuscules de direction, la formation d’un nucléus 
de l'œuf au-dessous de leur point de sortie, la fusion de ce nucléus 
avec un second noyau (noyau spermatique), qui prend naissance au 
pôle opposé du vitellus. Ce dernier est entouré d’une figure rayonnée 
et constitue une sorte de vacuole qui va ensuite en augmentant. En 
outre j'ai pu démontrer, à l’aide de l’acide acétique, et chez des œufs 
isolés par dilacération de l'ovaire, un fuseau de direction, qui pré- 
sente une structure assez particulière. En effet, il se compose de bà- 
tonnets courts de grosseur égale dans toute leur longueur et réunis 
en un faisceau. 

Dans la classe des Mollusques, j'ai pris pour sujets de recherches 
un Hétéropode (Péerotrachæa), un Gymnobranche (Phyllirhoe buce- 
pholum) et un Lamellibranche (Tellina). 


ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN.— T, VI. 1877, 19 


178 OSCAR HERTWIG. 


Les œufs de Prerotrachæa et de Phyllirhoe sont identiques dans 
leur développement. Fraichement pondus, ils possèdent au centre 
un noyau de la grandeur de la vésicule germinative, et dans lequel 
le nucléole a disparu, En revanche, l’acide acétique fait apparaître, 
au milieu de la substance coagulée de ce noyau, un corps fibreux, 
fusiforme, qui touche de ses deux extrémités aux deux pôles de la 
vésiculé germinative. Autour de ces extrémités, le protoplasme en- 
vironnant est arrangé sous forme de deux figures rayonnées. Chez 
des œufs plus développés, la membrane de la vésicule germinative 
disparaît, et la substance de la vésicule se mêle au protoplasme am- 
biant, si bien que le fuseau se trouve noyé directement dans la sub- 
stance vitelline. Là elle commence à se mouvoir et se dirige vers la 
périphérie de l'œuf. Puis deux corpuscules de direction prennent 
naissance de la manière connue. Au-dessous du point d’où ils sont 
sortis, se forme un noyau de l'œuf de dimensions très-considérables, 
qui reste en place et se copule avec un noyau spermatique qui at- 
teint aussi de fortes dimensions. La formation du fuseau de fraction- 
nement présente certaines particularités ; elle n’a pas lieu aux dépens 
de tout le contenu des deux noyaux vacuoliformes. Tout au con- 
traire, la substance active se rassemble au point où la paroi de 
séparation des noyaux conjugués vient de disparaître par résorption 
et prend la forme d’un corps finement fibrillaire, dont les deux extré- 
mitées sont entourées par un protoplasme à disposition radiaire. Puis 
le reste de la substance corticale de la vacuole disparait à son tour, 
et le suc nucléaire qui reste se mêle avec le protoplasme ambiant. 
Le fuseau, dégagé de ces restes de nucléus, se transporte jusqu’au 
centre de l'œuf, et subit la série des changements qui mènent au 
fractionnement. Le fuseau de fractionnement prend donc naissance 
dans les deux noyaux pleins de suc, de la même manière que le fu- 
seau de direction dans la vésicule germinative. 

Chez Tellina, il est facile de faire la fécondation artificielle des œufs. 
Un fuseau de direction se trouve déjà avant la fécondation dans la 
périphérie de l'œuf, il est remarquable que malgré cela les corpus- 
cules de direction ne bourgeonnent qu'après l’accès du sperme. La 
formation des corpuscules est semblable à celle de Vephelis. Ici aussi 
il est facile d'observer que le noyau de fractionnement résulte de la 
fusion de deux noyaux distincts. 

Les recherches, dont je viens de rapporter les résultats, me four- 
nissent une nouvelle confirmation des vues d'ensemble que j'ai 


PR RE M a. - =. 


mnt 


Memecnenn 


FÉCONDATION DE L'OEUF. 179 


développées dernièrement sur les premiers phénomènes de dévelop- 
pement dans la cellule-œuf, et surtout pour les trois points sui- 
vants: 1° il y a une continuité non interrompue dans les générations 
de noyaux; 2° les corpuscules de direction se forment par un bour- 
geonnement cellulaire ; 3° La fécondation réside en somme dans la 
copulation de deux noyaux. ; 

Par contre je suis arrivé à une autre conclusion sur l’extension 
dans le règne animal de la formation de corpuscules de direction. 
Dans mon dernier travail, en cherchant à me mettre d'accord avec 
les observations faites jusqu'alors, j'ai cru pouvoir admettre que le 
phénomène du bourgeonnement de corpuscules de direction n’était 
pas généralement répandu. C’est une opinion que je ne soutiens plus, 
puisque mes nouvelles recherches faites sur le Toxopnéustes m'ont 
appris que les corpuscules de direction peuvent se former déjà dans 


| l'intérieur de l'ovaire, et qu’en pareil cas le processus de formation 
de ces corpuscules est difficile à démontrer. Je crois bien plutôt 
| pouvoir admettre qu’une concordance générale dans tout le règne 
animal pourra être démontrée aussi pour ce trait de développement. 


RÉPONSE 


A QUELQUES OBJECTIONS FORMULÉES CONTRE MES IDÉES 
SUR LA PÉNÉTRATION DU ZOOSPERME 


PAR 


LE DOCTEUR HERMANN FOL 


Je venais de faire connaître les résultats que j'ai rapportés plus 
haut, par un extrait publié dans les Comptes rendus de cette année 
(t. LXXXIV, p. 359), lorsque M. Perez, après quelques essais faits à 
la hâte dans le but de vérifier leur exactitude, se crut autorisé à les 
combattre. J'ai déjà brièvement répondu aux critiques de M. Perez; 


après la description un peu plus détaillée que je viens de donner des 


phénomènes en question, je me sens plus à l’aise pour rechercher les 
motifs de l’insuccès de cet observateur et pour éclaircir les mésen- 
tendus qui ont été la cause de ce débat. 

Je rappelle ici les principaux points de l’article de M. Perez : 
4° dans un petit nombre d'essais rapidement entrepris et publiés, ce 
naturaliste n’a pas réussi à voir la pénétration du Zoosperme dans 
le vitellus. Ces essais ont porté exclusivement sur les Oursins; 2 si 
M. Perez n’a pas observé la pénétration, 1l a vu, en revanche, sur 
l’ovule de l’Oursin une bosse, et il considère, je ne sais trop pour- 
quoi, cette bosse vitelline comme identique à la protubérance que 
j'ai vue prendre naissance à la surface du vitellus, chez Asterias, vis- 
à-vis du Zoosperme le plus rapproché. Ayant observé, toujours chez 
l’'Oursin, un Zoosperme qui se cachait derrière la bosse vitelline, mon 
savant contradicteur admet sans hésitation que c’est une occultation 
de ce genre que j'aurais prise pour une pénétration véritable, 
3° M. Perez déclare en général que la fécondation, telle que je l’a 
décrite, se heurte contre une impossibilité anatomique, et cela, parce 
que les œufs chez lesquels 1l a vainement cherché à observer la péné- 
tration, étaient entourés d’une membrane, et parce qu'il croit avoir 
retrouvé cette même membrane autour des ovules de l’Oursin encore 
renfermés dans l'ovaire. 

Ce raisonnement repose, comme l'on voit, sur deux prémisses 
fautives, car Ja fécondation chez l'Oursin ne concorde pas avec celle 


| 
| 
| 
| 
! 
| 
| 


RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 181 


d’'Asterias jusque dans les moindres détails, et les phénomènes, dont 
M. Perez a été témoin, ne sont point les mêmes que ceux que J'ai 
décrits. Enfin, quant aux enveloppes de l’ovule, cet observateur a vu 
à la surface du vitellus une couche transparente, à laquelle 1l donne 
sans hésiter le nom de membrane, et qu'il considère comme inerte 
et imperméable, sans s'être assuré par des expériences que celte 
couche possède réellement les propriétés qu'il lui attribue. 

Quant au premier point, le résultat négatif obtenu par M. Perez 
ne m'étonne nullement; J'ai moi-même vainement cherché à ob- 
server la pénétration au printemps de l’année 1876, et ce n’est qu’en 
1877 que je suis parvenu à vaincre les difficultés qui s'opposent à des 
observations aussi délicates de zoologie expérimentale. Pour éviter 
| aux futurs expérimentateurs tous les mécomptes que j'ai eus et l'in- 
| succès de ceux qui ont voulu répéter mes expériences, je vais indi- 
| quer brièvement la méthode que j'ai fini par adopter et les précau- 
tions les plus indispensables. D'abord, 1l convient au novice de 
commencer par les Asterias, qui sont d’une étude bien plus facile que 
les Oursins; pour une première orientation, il fera bien de prendre 
les œufs de femelles gardées en captivité pendant quelques jours. 
La pénétration est ici plus lente, et comme elle a lieu à la fois en 
plusieurs points de la surface de l'œuf, elle est bien plus facile à 
trouver. Il n’aura ensuite pas de peine à revoir ces phénomènes chez 
l'œuf sain. 

Les œufs doivent être parfaitement mûrs, et pour les obtenir, on 
doit choisir des exemplaires dont l’ovaire est arrivé à parfaite ma- 
turité, et ne prendre que les œufs qui s’écoulent par les pores géni- 
taux, lorsqu'on exerce une légère pression sur l'ovaire. Le sperme 
doit être tout frais et très-dilué. Je prends une goutte du sperme qui 
s'écoule d’un bras fraichement coupé à un mâle, et je la disperse 
dans un verre d’eau de mer. Quelques gouttes du liquide opalin ainsi 
obtenu sont prélevées et mélangées à un second verre d’eau de mer. 
Ce dernier liquide reste en apparence parfaitement transparent ; il 
renferme néanmoins un nombre de Zoospermes très-suffisant pour 
l'expérience. Il ne doit y avoir dans le liquide destiné à la féconda- 
tion qu'un très-petit nombre de Zoospermes pour chaque ovule. Si 
l'on opère autrement, les Zoospermes très-nombreux, qui viennent à 
chaque instant s'implanter dans l’enveloppe muqueuse de l'œuf ob- 
servé, détournent l'attention du point important où le premier arrivé 
est en train de pénétrer. Le nombre des éléments mâles devient 


182 : HERMANN FOL. 


bientôt suffisant pour imprimer à l’œuf des mouvements d’oscillation 
qui rendent impossible une observation exacte; puis leur nombre 
augmentant encore, l’image en est obscurcie et l’œuf se met à 
tourner ! 

J’ai indiqué comment Je me procure les produits sexuels, et je 
passe maintenant à l’expérience elle-même. Il est indispensable 
d’avoir un compresseur à lames parallèles. Le modèle dont je me 
sers a été décrit ailleurs (1). Je place une goutte d’eau de mer ren- 
fermant quelques œufs sous le couvre-objet de ce compresseur, et 
une goutte de sperme dilué de la manière indiquée sur le porte- 
objet de l'instrument. Je place le compresseur sous le microscope, 
J'ajuste ce dernier, puis je tourne la vis micrométrique du compres- 
seur jusqu'à ce que les deux gouttes se touchent, et j’observe à l’in- 
stant même. Les Zoospermes s'élèvent en nageant dans la goutte 
d'eau, tandis que les œufs tombent en vertu de leur pesanteur spé- 
cifique; la fécondation commence aussitôt et s'achève pendant que 
l’œuf repose immobile sur le porte-objet. 

Sans toutes ces précautions dictées par une longue expérience, 
on ne réussit à observer que des œufs déjà fécondés; c’est sans 
doute ce qui est arrivé à M. Perez. Un détail servira à montrer com- 
bien ces expériences sont délicates, et combien nous devons attacher 
peu d'importance à un résultat négatif. J'avais d’abord fait mes ex- 
périences en plaçant les ovules sur le porte-objet et le sperme contre 
le couvre-objet. Eh bien! dans ces conditions-là, je n’ai jamais réussi 
à observer la pénétration, tandis qu’en renversant la disposition des 
deux gouttes d’eau je réussis pour ainsi dire à chaque expérience. 

Pour toute réponse au second point de l'argumentation de M. Perez, 


D! 


je me borne à renvoyer le lecteur aux détails que J'ai donnés eci- 
dessus en décrivant le phénomène de la pénétration. Je n’ai pas be- 
soin d'insister sur la différence fondamentale qui sépare les protu- 
bérances hyalines que j'ai décrites de la protubérance observée par 
mon savant contradicteur. Cette dernière sorte de bosses vitellines 
m'est bien connue. Elle se rencontre chez l’ovule ovarien et ne se 
trouve en dehors de l'ovaire que chez des œufs qui en ont été arra- 
chés avant leur maturité. Elle ne peut donc rien avoir de commun 
avec la protubérance que j'ai souvent vue prendre naissance sous 
mes yeux à la surface d'œufs mûrs et ne présentant, par conséquent, 


1 Gegenbaur’s Morphologisches Jahrbuch, 1876, p. 440. 


RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 183 


avant l'expérience aucune protubérance quelconque sur leur sur- 
face. Du reste, la bosse vitelline de l’ovule mal mûr se distingue à 
première vue de la protubérance de fécondation ; la première se 
compose de substance granuleuse et possède des dimensions très-va- 
riables et, le plus souvent, très-considérables; la dernière est formée 
de substance transparente, et présente une grandeur très-inférieure 
à celle de la précédente et en somme assez constante. Enfin la con- 
fusion est absolument impossible dans ces cas pathologiques, où nous 
voyons plusieurs Zoospermes pénétrer à la fois en divers points de la 
surface du vitellus. Ici, en effet, on voit souvent à la fois plusieurs 
protubérances hyalines, tandis que la protubérance ovarienne est 
toujours unique. En outre, on voit sans peine ces bosses hyalines 
prendre naissance et s’accroître sous les yeux mêmes de l’observa- 
teur, chaque bosse faisant face à l’un des Zoospermes qui ont réussi à 
traverser une partie de l'enveloppe muqueuse de l'œuf; et comme 
les Zoospermes n’arrivent que successivement, lorsqu'on a eu la pré- 
caution d'employer du sperme suffisamment dilué, on voit souvent 
à la fois sur la surface d’un seul œuf toutes les phases successives de 
la pénétration. Ces objets-là sont admirablement clairs et instructifs, 
et quiconque en aura vu un exemple sera fixé sur l'attention qu'il 
convient d'accorder à l’objection de M. Perez. 

Je viens de raisonner comme si les observations de M. Perez 
avaient porté sur l’objet même qui a servi de base à ma description. 
Mais il n’en est point ainsi; c'est en s'appuyant sur l'étude de la fé- 
condation chez l’Oursin que M. Perez combat mes conclusions rela- 
tives à l’Asferias. Or ces deux genres présentent, quant aux phéno: 
mènes qui nous occupent,'des différences considérables, qui ont beau- 
coup contribué à amener les mésentendus dont la discussion actuelle 
n’est que la conséquence. En effet, la bosse hyaline, qui s'élève à la 
rencontre du Zoosperme le plus rapproché chez lAsferias, ne se 
rencontre pas chez l’Oursin. Je ne l'ai du moins jamais observée chez 
ce dernier. Cela s'explique par la rapidité beaucoup plus grande du 
processus chez l’Oursin. Ici, le premier Zoosperme qui s'implante 
dans l’enveloppe muqueuse touche presque aussitôt de sa pointe la 
surface du vitellus. Il ne se forme point de protubérance hyaline 
pendant la pénétration, mais seulement une mince couche transpa- 
rente de peu d'étendue dans laquelle pénètre le corps du Zoosperme. 
Ce n’est qu'après la pénétration que se montre, chez ces deux genres, 
une protubérance hyaline que j'ai nommée le cône d’exsudation. 


lee HERMANN FOL. 


Je ne puis donc avoir pris pour une pénétralion la simple occul- 
tation d’un Spermatozoaire derrière une bosse préexistante, et cela 
pour plusieurs raisons : 1° parce que les œufs sur lesquels j'ai opéré, 
étant mürs, ne présentaient aucune bosse quelconque au commen- 
cement de l’expérience ; 2° parce que, chez l’Oursin, il ne se forme pas 
non plus de protubérance pendant l’acte de la pénétration ; 3° parce 
que, chez l’Astérie, j'ai vu la protubérance de fécondation, que j'ai 
nommée cône d'attraction, se former sous mes yeux, vis-à-vis d’un 
Zoosperme très-rapproché, en un point de la surface du vitellus qui, 
auparavant, était parfaitement lisse, et parce que ce cône ne se montre 
jamais ailleurs que dans le voisinage le plus immédiat d’un élément 
mâle ; 4° parce que, chez Asferias, dans des cas pathologiques, j'ai 
vu naître, sous mes yeux, un Cône d'attraction, vis-à-vis de chacun des 
Zoospermes les plus rapprochés du vitellus, tandis que la bosse de 
l’ovule mal mûr est toujours unique ; 5° parce que le cône d’attrac- 
tion est de dimensions très-restreintes et assez constantes, tandis que 
la bosse de M. Perez est granuleuse et de dimensions très-variables, 
mais le plus souvent assez considérables; 6° parce que le Zoosperme 
ne va jamais se placer à côté du cône d'attraction ou derrière ce 
cène, comme ce serait le cas dans une occultation, mais toujours au 
sommet, et qu'il reste au sommet pendant que le cône rentre dans 
le vitellus; on voit alors le corps du Zoosperme s’allonger et 
s’écouler. 

Enfin, quant au troisième point de l'argumentation de M. Perez, 
je suis en état de démontrer par mes préparations que la membrane 
vitelline se forme et se soulève au moment même de la fécondation. 
J'insisté sur ce fait non-seulement à cause de son importance théo- 
rique, mais aussi parce qu'il est facile à établir expérimentalement. 
Voici trois expériences très-imstructives : 

Premiere expérience. — Que l’on prenne des œufs d’Oursin mûrs et 
frais, et qu’on les place dans deux vases pleins d’eau de mer. On pra- 
tiquera la fécondation arüficielle sur la première portion d'œufs, mais 
non pas sur la seconde. Que l’on compare ces œufs sous le micro- 
scope, et l’on s’apercevra aussitôt que les œufs fécondés sont entourés 
d’une membrane réfringente, à double contour, séparée du vitellus 
par un espace clar fort large et à la surface même du vitellus, on 
distinguera une seconde membrane plus épaisse encore et plus ré- 
frmgente, à contours également nets. Chez les œufs non fécondés, 
on ne trouvera ni l’une ni l’autre de ces membranes, mais seulement 


RÉPONSE À QUELQUES OBJECTIONS. 185 


une couche superficielle transparente, moins réfringente que les 
membranes vitellines, et ne présentant, à un fort grossissement, 
pas un contour interne bien défini. Si l’on voulait absolument consi- 
dérer cette couche superficielle de l’ovule comme ‘une membrane 
qui se gonflerait seulement lors de la fécondation, il resterait à ex- 
pliquer comment cette membrane peut se changer tout à coup en 
deux membranes distinctes, séparées par une couche de liquide et 
possédant un pouvoir de réfraction et une épaisseur Lotale beaucoup 
plus considérables que celles de la couche d’où elles proviennent ? 
Mais laissons ce raisonnement ?n absurdum , et passons à d’autres 
expériences plus concluantes. 

Deuxième expérience. — Les œufs d'Asterias s'entourent, à la fé- 
condation, d’une seule membrane qui paraît répondre aux deux 
membranes vitellines de l’œuf de l’Oursin. Plaçons dans l’eau de mer 
un parti d'ovules frais et arrivés à maturité, et divisons-le en deux 


| portions. L'une de ces portions sera fécondée au bout d’une demi- 
Ï 


heure, lorsque la vésicule germinative a disparu, mais avant la sortie 
des globules polaires ; la seconde portion ne sera fécondée qu'après 
la sortie des sphérules de rebut. Tous ces œufs se développeront 
normalement, mais ils présenteront cette différence capitale que, chez 
ceux de la première portion, les sphérules de rebut sont appliquées 
sur la surface externe de la membrane vitelline, tandis que ceux de 
la seconde portion ont ces mêmes globules en dedans de la mem- 


| brane, et accolés à la surface même du vitellus. Nril est évident que 
) jue, 


si la membrane était préexistante, les globules polaires ne pourraient 
sortir du vitellus qu’en la soulevant, et devraient, dans les deux cas 
énoncés, se trouver en dedans de la membrane viteliine. J'ai dit, 
dans une précédente communication, que les globules polaires sou- 
levaient, en sortant du vitellus non fécondé, une partie de la couche 


externe qui devient en cet endroit une membrane distincte. L’ex- 


pression n'est pas suffisamment explicite; mais elle est pourtant 
juste. Les globules polaires ne soulèvent en sortant aucune mem- 
brané, mais simplement un peu de la couche superficielle du vitellus 
qui forme autour d'eux un mince revêtement. Une fois les globules 
détachés, cette couche se différencie en une membrane très-mince. 
Tel est le mode de formation de la pellicule dont j'ai parlé; cela 
n'infirme en rien ce que Je viens de dire sur les relations des glo- 
bules polaires et de la membrane vitelline. Il est clair que la couche 
superficielle du vitellus non fécondé ne peut avoir la consistance que 


186 HERMANN FOL. 


l’on prête en général à une membrane. M. Perez, en particulier, 
considère l'existence d’une membrane vitelline comme un obstacle 
absolu au passage d’un Zoosperme ; or une couche, qui se laisse tra- 
verser par des globules polaires, peut bien aussi être traversée par 
un Zoosperme, et n'est donc pas une membrane dans le sens que 
M. Perez donne à ce terme. En revanche, la pénétration n’est pas ter- 
minée que: déjà l’œuf possède une membrane véritable, une mem- 
brane imperméable aux Zoospermes et aux globules polaires. Lors 
done que la membrane vitelline se gonfle, et que les Zoospermes 
s'appliquent contre cette membrane au lieu d'avancer de pointe, 
c’est un signe certain que l'œuf est fécondé et qu’en cherchant dans 
le vitellus, on y trouvera un aster mâle. Les phénomènes observés 
par M. Perez se rapportent évidemment à des œufs déjà fécondés, 
et la bosse, qu'il a trouvée à la surface du vitellus, correspond peut- 
être dans certains cas au cône d’exsudation. 
Troisième expérience. — Gette expérience est d’une réussite plus 
difficile que les précédentes; mais elle est aussi plus péremptoire, 
si possible; aussi vais-je la décrire avec quelque détail en priant les 
chercheurs qui la répéteront de ne pas se rebuter, si le succès se fai- 
sait un peu attendre. Des œufs d'Oursin bien mûrs sont fécondés 
avec du sperme suffisamment dilué, puis repris aussitôt à l’aide 
d'une pipette et jetés dans un verre contenant de l'acide acétique, 
dans la proportion de deux parties d’acide cristallisable sur cent parties 
d'eau de mer. Dès qu'ils sont tombés au fond, ce qui a lieu en deux 
ou trois minutes, on les reprend avec une pipette, on les lave à l’eau 
de mer et on les place pendant trois minutes dans de l’acide osmique 
à 1 pour 100, puis dans du carmin ammoniacal alcoolisé et enfin dans 
de la glycérine étendue. Par ces procédés, on obtient parfois des 
partis d'œufs dont chacun présente, sur une partie plus ou moins 
grande de sa périphérie, une membrane vitelline soulevée en forme 
de verre de montre, mais ne s'étendant pas au reste de la surface du 
vitellus. La portion de la surface vitelline ainsi recouverte d’une 
membrane est aplatie et au milieu de cette région, on voit le corps 
d'un Zoosperme plus ou moins profondément implanté dans le vi- 
Lellus et souvent encore surmonté de sa queue. Le corps a encore sa 
forme conique ; 1l est implanté de telle sorte que la pointe du cône 
est dirigée vers le centre de l'œuf. La comparaison de ce Zoosperme 
avec ceux qui se trouvent en dehors de la membrane vitelline, et qui 
ont subi l’action des mêmes réactifs, ne laisse aucun doute sur sa 


a 


RÉPONSE À QUELQUES OBJECTIONS. 187 


nature. Des œufs traités de la même manière peu de minutes après 
la fécondation sont déjà tout entourés d'une membrane vitelline; 
le corps du Zoosperme, maintenant tout entier plongé dans le vi- 
tellus, mais parfaitement reconnaissable, est surmonté d'une vésicule 
qui n’est autre chose que le cône d’exsudation gonflé par l'acide acé- 
tique. Enfin des œufs, fécondés depuis huit ou dix minutes, ont un 
vitellus entouré des deux membranes vitellines, et présentent dans 
leur intérieur, outre le noyau femelle, un corpuseule rond ou ovale, 
plus gros qu’un corps de Zoosperme, et situé laniôt plus près de la 
surface, tantôt dans le voisinage du pronueléus femelle. Je possède de 
ces préparations que j'ai déjà eu le plaisir de pouvoir montrer à de 
nombreux naturalistes. Après l’observation du vivant, on ne peut 
imaginer un objet plus instructif, ni plus propre à démontrer la pé- 
nétration du Zoosperme et la manière dont se forme la membrane 
vitelline, au moment de la fécondation, en commencant par le point 
de pénétration et gagnant de là tout le tour du vitellus. 

Je ne puis entrer ici, sur l’histoire de la membrane vitelline, dans 
des développements que l’on trouvera du reste dans un mémoire 
que je publie en ce moment; je me contente de résumer mes con- 
elusions. L'ovule de l’Oursin et celui de l'Etoile de mer sont entourés 
d'une couche molle que l’on peut fort bien comparer à la couche 
limitante de beaucoup d’Amibes et de Rhizopodes. L'organisme 
étant tué ou coagulé par les réactifs, cette couche prend lappa- 
rence d'une membrane et peut être soulevée par endosmose. 
L'observation du vivant peut seule nous renseigner sur les propriétés 
de cette couche à l’état de vie, et cette observation nous apprend 
que c’est une couche molle et plastique, perméable et mal définie à 
sa limite intérieure, qui ne devient résistante et imperméable aux 
Zoospermes, en un mot, qui ne prend les propriétés que l’on at- 
tribue en général aux membranes qu'au moment même de la fécon- 
dation. 

-Après la réfutation que je viens de faire des opinions de M. Perez, 
j'ai à peine besoin d’insister sur deux notes que M. Giard à consa- 
crées au même objet, et qui ne font guère que rééditer les objec- 
tions de M. Perez. 

M. Giard a étudié un Oursin et une Etoile de mer de la Manche 
dont la ponte cesserait au mois de mars. Chez les espèces de la Mé- 
diterranée, je puis affirmer que la ponte à eu lieu pendant toute 
l’année, mais que l’évacuation des produits sexuels n’a lieu qu'aux 


188 HERMANN FOL. 


époques de pleine lune. S'il n’y a pas sous ce rapport une différence 
bien improbable entre les espèces de la Méditerranée et celles de la 
mer du Nord, nous serions réduits à admettre que les observations 
de M. Giard n’ont porté que sur un espace de temps bien restreint‘. 

J'ignore pour quel motif les préparations de M. Giard ne se con- 
servent que quelques jours; les miennes se conservent fort bien 
depuis plusieurs mois. | 

M. Giard décrit avec soin la manière dont il opère pour obtenir 
des œufs fécondés, suffisamment hérissés de Zoospermes pour les 
faire tourner sur eux-mêmes. C’est, nous dit-il, en lançant du sperme 
frais et non dilué sur des œufs qu'il porte ensuite sous le micro- 
scone. M. Giard considère ce manuel opératoire comme plus naturel 
que le mien. Il est si naturel, en effet, que c’est celui qui se présente 
le premier à l'esprit d’un commençant. Mais le fait qu’un zoologiste 
aussi savant que M. Giard n’a pu par ce procédé réussir à observer 
la pénétration ne peut que me confirmer dans môn opinion, que ce 
mode opératoire ne répond pas au but de ces expériences, qui est, 
si je ne me trompe, d'observer les détails de la pénétration et non de 
faire des fécondations artificielles dans des conditions identiques à 
celles que présente la nature. Il est évident que de si petites diffé- 
rences dans les conditions extérieures ne sauraient influer sur les 
processus intimes. Du reste, j'ai peine à croire que le manuel opé- 
ratoire de M. Giard soit, comme il nous l’assure, bien « voisin de la 
réalité ». Lorsque les Oursins, dispersés au fond de la mer, lancent 
leurs produits sexuels dans l’élément liquide, ces produits doivent se 
disperser encore bien plus que ce n’est le cas dans les méthodes que 
je recommande. Et la meilleure preuve en est que M. Giard obtient 
dans ses pontes de 10 à 415 pour 100 d'œufs pathologiques, tandis que 


1 Sicet auteur a voulu par là établir une date pour ses recherches, la preuve 
pourra sembler peu concluante. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas superflu de rap- 
peler des faits que l’on semble perdre souvent de vue. Mes recherches ont été faites 
à Messine, en janvier, Kvrier, mars et décembre 1876, janvier et février 1877, et le 
résumé de mes résultats a paru dans les Comptes rendus de l’Académie des 5 et 19 fé- 
vrier et du 2 avril 1877, ainsi que dans les Archives de Genève du 15 avril. La pre- 
mière note de M. Giard a paru dans les Comptes rendus du 9 avril, et les études 
de cet auteur ont été commencées l’hiver dernier et terminées en mars, gêné par 
les cours qu'il donnait ce mème hiver à Lille, il ne semble pas qu’il ait pu con- 
sacrer à des études si importantes tout le temps qu’elles méritaient. On sait, du 
reste, que Greef et E. van Beneden ont étudié le développement d’Asterias en été 
sur les bords de la mer du Nord. La ponte de cette espèce ne cesse donc pas au mois 
de mars, 


RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. | 189 


mes expériences faites avec des œufs mûrs à point ne me donnent 
pas même 4 pour 100 d'œufs anormaux. 

J'ai indiqué les méthodes qu’une longue expérience m'a appris à 
considérer comme les plus pratiques et les plus sûres. C’est assez dire 
que j'ai employé les méthodes les plus diverses, et que mes expé- 
riences, mes observations ont été aussi variées que possible. Si les 
dessins que j'ai donnés pour faciliter l'intelligence de ma description 
se rapportent à une fécondation faite avec du sperme trop épais, 
cela n’infirme en rien ce que j’ai dit. Dans quel but M. Giard vient-il 
donc faire la statistique des Zoospermes que représentent mes des- 
sins ? Veut-il jeter un doute sur la possibilité d'employer la méthode 
que je recommande ? ou bien veut-il nous persuader qu'un œuf hé- 
rissé de Zoospermes, tournant sur lui-même et observé sans l’aide 
d'un compresseur, soit un objet propre à nous renseigner sur les dé- 
tails de la pénétration? ou qu’une telle abondance de Zoospermes 
soit une condition hygiénique pour l’œuf placé dans les conditions 
où 1l doit forcément se trouver si l’on veut pouvoir le regarder au 
microscope? L'opinion que les mouvements des queues des Zoo- 
spermes implantés dans l'enveloppe muqueuse faciliteraient les pre- 
miers phénomènes de développement de l'œuf fécondé, opinion qui 
a été émise en ce qui concerne les Oursins par À. Agassiz, devait 
tomber devant une connaissance plus approfondie des véritables 
processus de la fécondation. Aussi n'est-ce pas sans étonnement que 
nous avons vu M. Giard rééditer cette hypothèse après la publication 
de tant de travaux récents sur la fécondation, et en particulier de 
mes dernières notes sur ce sujet. 

J'ai déjà précisé ci-dessus le sens de mes paroles au sujet de la 
membrane propre des globules polaires. Bien loin de venir à l'appui 
des opimions de M. Giard, mes observations sont en complète opposi- 
tion avec les siennes. Je possède, dureste,ides préparations d'œufs non 
fécondés d’Astéries au moment de la sortie des sphérules de rebut, 
et j'ai pu ainsi convaincre les personnes qui les ont examinées sans 
part pris, de l'absence complète d'une membrane vitelline au moment 
où sortent les globules. Quant aux globules polaires qu'A. Agassiz 
aurait, au dire de M. Giard, décrits chez le Toxopneustes Droba- 
chiensis, je ne puis trouver à cet égard, dans les mémoires de l’émi- 
nent observateur, aucune indication précise. A. Agassiz décrit ces 
globules chez une Asferias ; ayant fécondé les œufs de cette Etoile 
de mer avant la sortie des sphérules de rebut, il trouve ces sphérules 


190 HERMANN FOL. 


situées en dedans de la membrane vitelline, ce qui concorde parfai- 
tement avec mes propres observations. En ce qui concerne Toxo- 
pneustes, Agassiz remarque simplement la position constante des 
globules polaires par rapport à l’axe de fractionnement, et ne dit 
rien de plus, si ce n’est que le premier développement du Toxo- 
pneustes concorde avec celui d’Asterias, remarque évidemment ha- 
sardée. I ne dit en particulier rien sur la position des globules 
polaires de l’Oursin comparée à ses membranes vitellines et ne donne 
aucune figure relative au premier développement des Oursins. 

Je ne concois donc pas comment M. Giard peut, après avoir rap- 
porté son opinion sur les relations des globules polaires et de la 
membrane vitelline, venir nous dire : « À. Agassiz a fait la même ob- 
servation. » | 

Je dois dire, du reste, que la description que nous donne M. Giard 
des globules polaires du Psammechinus miliaris me met dans une 
étrange perplexité. En effet, les globules, chez les Toxopneustes et 
Sphærechinus que j'ai étudiés, ne sont ni petits ni difficiles à voir, 
mais tout au contraire relativement très-gros ét très-apparents. Mes 
dessins en font foi, et mieux encore que mes dessins, les prépara- 
tions que je conserve. Je puis prouver que cés gros corpuscules résul- 
tent de la division d’un amphiaster qui existe dans les œufs non 
fécondés, au moment où ils ne possèdent plus de vésicule ni de tache 
germinatives, et n’ont pas encore de pronucléus femelle. Il n’est 
donc pas possible de douter que ce ne soient bien les véritables sphé- 
rules de rebut ; O0. Hertwig est arrivé en même temps que moi au même 
résultat à cet égard. Or ces globules-là sont constamment en dehors 
de la membrane vitelline. En dedans de la membrane vitelline externe 
d'œufs fécondés, j'ai vu, parfois, il est vrai, des globules pâles et ap- 
pliqués contre le vitellus ; mais ce ne sont pas les véritables sphérules 
de rebut. Seraient-ce des globules de ce genre que M. Giard a vus? Si 
sa description repose sur une erreur de ce genre, j'aurais à retirer 
ce que j'ai dit dans diverses communications orales, à savoir que 
M. Giard serait arrivé à peu près, en même temps que O. Hertwig et 
moi, à reconnaître l'existence des globules polaires de l'Oursin. 
D’autres chercheurs ne manqueront pas d'éclaircir ce point. 

Dans sa première note, M. Giard décrit un cumulus de féconda- 
tion qui se trouverait à la surface du vitellus de l’Oursin ou de 
l'Etoile de mer. Il ne m’a pas été possible de discerner, d’après le 
texte, quel est l'animal auquel se rapporte cette description, car 


RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 191 


M. Giard traite ensemble des phénomènes, pourtant, si différents de 
l'Etoile de mer et de l’Oursin. A en juger par le mode opératoire 
qu'a employé cet auteur, et par ce qu'il nous dit du soulèvement de 
la membrane, ce cumulus ne peut être que le cône d’exsudation. La 
même interprétation me paraît seule admissible en ce qui concerne 
la protubérance hyaline que le même auteur décrit dans sa seconde 
note. J'ai fait une distinction formelle entre le cône d'attraction et 
le cône d’exsudation. Le premier manque chez les Oursins, tandis 
que le second se trouve aussi bien chez l’Oursin que chez l'Etoile de 
mer. Si donc M. Giard a rencontré, chez l’Oursin, une protubérance 
hyaline répondant à ce que j'ai nommé le cône d’exsudation, pour- 
quoi nous donne-t-il ce résultat comme étant en contradiction avec 
les miens? Son attaque injustifiable repose sur une confusion que 
M. Giard eût facilement évitée s'il eût lu mes publications avec 
quelque attention. 

Je relève en passant une erreur importante que renferme la des- 
cription que nous donne M. Giard des phénomènes intimes qui pré- 
sident à la formation des sphérules de rebut. D’après cette descrip- 
tion, l’amphiaster qui résulte de la transformation de la vésicule 
germinative donnerait naissance à deux noyaux dont l'un, se diri- 
geant vers la surface, sortirait pour former les globules polaires, 
tandis que l’autre, marchant vers le centre, serait le pronucléus 
femelle. C’est ‘une manière de voir que j'ai soutenue dans mon mé- 
moire sur l’embryogénie des Ptéropodes, mais que j'avais déjà aban- 
donnée dans mon mémoire sur les Hétéropodes, et que les belles 
recherches de Bütschli et de O. Hertwig ont montré être erronée. Le 
pronucléus femelle ne prend naissance qu'après la sortie des sphé- 
rules de rebut, et en comptant le pronucléus mâle, il n’y a jamais, 
dans le vitellus fécondé normalement, plus de deux noyaux à la 
fois, au lieu de trois, que M. Giard dit avoir comptés. 

Qu'il me soit permis encore en terminant d'attirer l'attention du 
lecteur sur la phrase par laquelle M. Giard commence sa seconde 
note. «Je n’ai pas cru devoir, nous dit-il, comme l'a fait M. Foi, 
m'adresser d'abord à des œufs pondus par des individus malades, et 
considérer comme typiques les phénomènes observés dans de sem- 
blables conditions.» On sait que je n'ai jamais rien écrit de sem- 
blable et que j’ai toujours mis le plus grand soin à faire la distinction 
entre le Cas normal et ces cas anormaux que j'ai signalés le premier, 
et dont j'ai le premier fait comprendre les différences. J’ai toujours 


LL 


192 HERMANN FOL.' 


tenu ces deux ordres de faits à part. Je n’ai jamais dit nulle part que 
je me sois d’abord adressé à des individus malades, et je n'ai jamais 
donné comme typiques les processus observés dans ces cas-là, Et si 
j'ai conseillé à des commençants de choisir les cas anormaux pour 
leurs premières observations, c’est parce que cette étude relativement 
facile est une bonne introduction à l’étude bien plus ardue des phé- 
nomènes normaux. Un peu plus loin je lis cette phrase : «ses dessins 
exécutés sans doute d’après des préparations longtemps conservées. » 
Les dessins en question ont été publiés pour la première fois dans 
un article qui a paru dans le numéro du 145 avril des Archives des 
sciences physiques et naturelles de Genève, et dans l'explication de 
chacune de ces figures se trouvent les mots « préparation vivante ». 
Cet article est connu de M. Giard, puisqu'il en cite des passages. 

Je n’ajoute rien à ces quelques remarques; le lecteur jugera. 


CONTRIBUTIONS 


L'HISTOIRE NATURELLE DES BRYOZOAIRES 
DES COTES DE FRANCE 


PAR M. LUCIEN JOLIET 
Préparateur au laboratoire de Zoologie expérimentale de Roscoff. 


INTRODUCTION. 


Depuis” longtemps déjà, on connaît les « Polypes'à bras ci- 
liés » et l’on à tracé les principaux traits de leur organisation . 
| Depuis plus de quarante ans, la classe des Bryozoaires est consti- 
| tuée. 
| Et cependant l’histoire de ces animaux est aujourd'hui même si 
incomplétement éclaircie, que l’on discute encore pour savoir sur 
quel degré de l'échelle zoologique on doit Les placer *. 
|  L’Angleterre, la Suède, l’Allemagne ont fourni, tant sur leur struc- 
| ture que sur leur synonymie, des travaux remarquables dont quel- 
ques-uns sont de véritables monuments. 


1 Peyssonnel et Bernard de Jussieu reconnaissent, en 1741, la nature animale des 
| flustres. 
_ Trembley, en 1744, décrit son Polype à panache. 
Ellis, en 1755, dans son Hist. nat. des Corallines, décrit un grand nombre de bryo- 
| zoaires et reconnait la nature des corps bruns. 
Pallas, en 1766, dans son Elenchus, en fait connaître de nombreuses espèces. 
Cavolini, en 1785, en étudiant les sérialaires du Pausilippe a eu comme une in- 
| tuition du bryozoaire, il dit que la serlolara lendinosa (serialaria lendigera) diffère 
de tous les hydraires par ceci, que le corps est rattaché à l’ouverture des loges, il 
| parle du tourbillon et de la trépidation que l'agitation des bras cause dans l’eau et 
| de la vicacité avec laquelle ces organes se rétractent. 

En 1827, Grant s'aperçoit que le tube digestif se recourbe en anse. 

En 5828, Milne Edwards et Audouin, aux îles Chausey, constatent pour la pre- 
mière fois la présence de l’anus dans les Flustres. 
| ? Voir ReicnerT, Vergleichende Anatomische Untersuchungen über Zoobotryon pel- 
 lucidus, Abh. Ak. Berl., 1870, p. 233. 


ARCH,. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — T, VI. 1877. 13 


| 


19% LUCIEN JOLIET. 


Après s'être maintenue au premier rang, après avoir énoncé et 
défini les caractères du groupe, la France, il faut en convenir, s’est 
depuis longtemps laissé devancer. 

De 1828 à 1840, M. Milne-Edwards publie ses beaux travaux 
sur les Flustres, les Eschares, les Crisies, les Tubulipores, et dé- 
montrant l'existence, déterminant la position de l’anus dans diffé- 
rents genres des Polypes à bras ciliés, il les sépare nettement des 
autres Polypes et en fait une classe distincte qu'il rapproche des 
Tuniciers. 

Entre 1836 et 1839, M. Paul Gervais, fait paraitre une série de 
notes et un mémoire important sur les Polypes d’eau douce ‘. 

Mais, depuis cette époque jusqu’à ces dernières années, les noms 
français sont bien rares sur la liste des auteurs qui ont ajouté quelque 
chose à l’histoire de ces animaux, et personne ne s’en est occupé 
spécialement. 

Il yalà,ce me semble, une lacune à combler, et c’est avec un 
vif plaisir que je saisis, l’an dernier, l’occasion qui me fut bien- 
veillamment offerte par M. de Lacaze-Duthiers d’y contribuer dans 
des conditions si exceptionnellement favorables au laboratoire de 
Roscoff. Là, deux étés de suite, pendant un séjour total de six mois, 
dans une localité particulièrement riche, j'ai pu observer à loisir la 
nature vivante, ayant à ma disposition, comme tous les travailleurs 
admis dans l'établissement, les embarcations et le personnel du la- 
boratoire, amplement pourvu de tous les moyens d'étude néces- 
saires aux recherches modernes, recevant régulièrement à Paris, 
durant l'hiver même, des envois de sujets vivants, enfin soutenu par 
un maître qui, depuis longues années, a fait tous ses efforts pour 
accueillir libéralement les travailleurs en vue de réunir les éléments 
d'une faune des côtes de France, et qui, après avoir consacré une 
partie de sa vie à en fournir une si large part, n'épargne ni encou- 
ragements ni sacrifices pour ceux qui apportent leurs concours à 


cette œuvre. Que ce travail qui lui est dédié lui soit un témoignage | 


de ma reconnaissance. 

Si la connaissance des différents types qui constituent un groupe 
zoologique est nécessaire à qui veut se former une idée exacte de 
son ensemble, elle n’est pas moins précieuse pour l'observateur 


qui, cherchant à élucider certaines questions relatives à l'anatomie 4 


1 Gervais, Ann. fr. et élr, d'anat., t. III, 1839, p, 129. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 195 


ou au développement, devra s'adresser de préférence à telle ou telle 
espèce qui présente des conditions particulièrement favorables à 
l'étude. 

C’est là une remarque de détail, mais qui a bien son importance 
dans cette classe d’animaux surtout. 

Les loges qui renferment les Polypides au repos sont en effet 
très-souvent opaques, ou tellement chargées d’ornements et d’ap- 
pendices, qu’on ne reconnaît qu'avec la plus grande peine leur 
contenu. 

J'ai vu tel observateur éminent se désespérer de ne pouvoir discer- 
ner, dans une Sérialaire le Polypide complétement masqué par les 
granulations brunes de l’endocyste, tandis qu’au travers des parois 
parfaitement translucides d’une espèce fort voisine, je distinguais 
sans peine tous les détails de l’organisation. 

De même telle espèce, la Vesicularia spinosa, par exemple, très- 
favorable à l'examen anatomique à cause de sa grande transparence, 
se prête mal à l'étude du développement des bourgeons. 

Fixée en effet à une assez grande profondeur d'où on ne la retire 
qu'avec la drague, elle ne s’habitue que difficilement à vivre dans nos 
cuvettes et sous une faible pression. Au contraire, la Bowerbankia 
imbricata, qui s'attache aux fucus et découvre à chaque marée, est 
extrêmement précieuse à ce point de vue. 

J'en ai cultivé longtemps, si je puis m’exprimer ainsi, une branche 
sortie de la mer et amenée à Paris, et dans une cuvette plate que je 
pouvais à tout instant soumettre au microscope ; elle a si bien vécu 
et prospéré durant cinq mois, que j'ai pu, pendant cet intervalle, 
suivre la succession de plusieurs générations de Polypides dans une 
même loge, assister à la formation des corps bruns, et être témoin du 
rôle absolument passif qu'ils jouent chez cette espèce dans le renou- 
vellement du Polypide. 

Ces corps bruns ont bien intrigué les observateurs. Je n’en veux 
pour preuve que les noms multiples sous lesquels on les a dési- 
gnés !. 

Dès 1755, Ellis y a vu les restes des Polypides qui ont successive- 
_ ment habité la loge, Smitt a cru qu’ils renfermaient un œuf, Clapa- 
| rède a prétendu depuis qu'ils n'étaient qu'une sécrétion de l’endo- 


! Corps bruns, dark bodies, mürka kroppar; germ-capsules, grodd-kappslar, 
Keim-kapseln, statoblastes, œufs. 


196 LUCIEN JOLIET. 


cyste, enfin on a soutenu récemment l’ancienne opinion modifiée en 
ce qui concerne le mode de formation de ces corps. 

Quant à leur rôle, on ne s'entend pas mieux à son égard. 

Les uns les ont pris pour des œufs ; pour d’autres, ce sont encore 
des œufs, mais d’une nature particulière, ou bien des sortes de stato- 
blastes, masses de matière nutritive mise en réserve pour servir au 
renouvellement du Polypide (grodd kappslar, Smitt, Hincks). 

Repiachoff ! assure que le corps brun, d’abord distinet du bour- 
geon, finit par être englobé dans l’intérieur du tube digestif en voie 
de développement ; enfin, pour d’autres, ce n’est que le résidu des 
anciens habitants de la loge et rien de plus. 

La question est encore pendante, et, malgré les négations de Nits- 
che, Hincks * défend énergiquement la théorie de Smitt etles « germ- 
capsules ». 

L'œuf prend-il naissance dans l’ovicelle des cheilostomes, ou bien 
y achève-t-il simplement de mürir après être sorti de la zoécie, sui- 
vant l’avis de Huxley *? Les auteurs sont encore partagés d’opinion à 
cet égard. 

Et ces organes problématiques, aux formes si étranges, qu’on 
désigne sous les noms de wbracules et d’aviculaires, dans quel 
but se balancent-ils sans trêve et quelle est leur signification mor- 
phologique ? 

Le Polypide est-il une forme de l'individu ou bien un simple or- 
gane, un Canal digestif (VNahrungschlauch), comme le veut Claparède? 

Que penser de la « métamorphose régressive » décrite avec tant de 
conviction par cet auteur “? 

Je ne puis faire ici l’énumération de toutes les questions d’anato- 
mie ou d’embryogénie qui restent à élucider et dont la détermination 
jetterait certainement de la lumière sur l’histoire de ces animaux, et 
sur leurs affinités avec les groupes auxquels on à essayé de les rat- 
tacher. 

Entre elles toutes, l’une des plus dignes d'intérêt sans contredit est 
celle du système nerveux colonial. 


1 Zur Naturgeschichte der Chilostom Bryozoer (Zeistschrift für wissen. Zool.,t. XX VF, 
1876, p. 139). 

2 Hinoxs, G. J. of micr. sc., t. XITT, 1873, p. 16. 

3 HuxLey, Note on the Reproductive Organs of the Chilostome Polyzoa (Q. J. micr. 
sc., 1856, t. IV, p. 191-199). 

* CraparÈne, Zeitschrift, Bd. XXI. 


| 
| 
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j 
| 
; 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 197 


Qu'est-ce que ce cordon principal, ces filets tant de fois anasto- 
mosés, ce.plexus, ces ganglions? Tout cela constitue-t-1l un système 
nerveux comme le plus grand nombre l’affirme, est-ce un système 
irrigatoire, ou bien n'est-ce rien de semblable, comme on le dit 
d'autre part ? 

Quelle en est enfin la véritable nature ? 

Ce sujet comportant des développements assez étendus, nous le 
réserverons pour la fin de notre travail et nous commencerons par 
étudier la question intéressante et bien limitée du rôle et dela nature 
du corps brun, prenant pour règle de rendre compte des faits avec 
fidélité, de ne les donner que pour ce qu'ils sont, et surtout de ne 
point les confondre avec les interprétations auxquelles on peut se 
livrer sur leur compte. 


CHAPITRE I. 


DU ROLE ET DE L'ORIGINE DES CORPS BRUNS. 


Quand on examine à la loupe une branche d’un de nos Bryozoaires 
marins, d'une Bugule, par exemple, on remarque facilement qu’elle 
est comme piquetée d’une multitude de petits points de couleur 
sombre. 

Vient-on à en porter un fragment sous le microscope et à l’exa- 
miner à un faible grossissement, on reconnaît que cette apparence 
est due à ce que la plupart des loges dépourvues de Polypide contien- 
nent chacune ordinairement un, quelquefois deux petits amas ovoïdes 
d'un brun plus ou moins foncé. 

On à donné à ces corps bien des noms, mais dans l’ignorance où 
l'on est encore de leur véritable nature, on s'accorde à les désigner 
le plus souvent par la simple appellation de corps bruns. 

Le corps brun n’occupe pas dans la loge une place précise ; le plus 
souvent, il se trouve vers le fond, mais on peut le voir sur les côtés 
ou même presque au sommet. Il y a des espèces, telles que l’£ucratea 
chelata, où il est fort rare d'en rencontrer deux à la fois dans une 
même loge. Il en est, au contraire, comme la Powerbankia imbricata, 
dans lesquelles on en peut trouver jusqu’à trois. 

Chez plusieurs, enfin, on ne voit jamais un corps brun dans une 
loge pourvue d’un Polypide, tandis qu'ailleurs la coexistence de l’un 


198 LUCIEN JOLIET. 


et de l’autre dans une même zoécie est chose fréquente et même 
habituelle. 

Le plus souvent, et spécialement chez les espèces où l’on ne trouve 
qu’un corps brun par loge, leseul rapport constantque celui-ci ait avec 
ce qui l’entoure, c’est qu'il est en relation avec les branches de ce 
réseau transparent qu’on à nommé système nerveux colonial. 

Elles lui servent en quelque sorte d’amarres et le maintiennent 
suspendu au milieu de ja loge; ailleurs, et plus particulièrement là où 
plusieurs corps bruns se trouvent dans la même zoécie, il y en a un 
ou deux de relégués contre les parois de l’endocyste et qui ne parais- 
sent plus rattachés au réseau dont je viens de parler 2. 

Relativement à la zoécie, le corps brun est assez volumineux ; à 
l’état parfait, c’est-à-dire comme nousle verrons plus loin, lorsqu'il 
est arrivé à sa taille minima, il peut mesurer jusqu’au quart ou jus- 
qu’au tiers du diamètre transversal de la loge. 

Si nous l’examinons sous un grossissement plus fort (environ 
300 diamètres), il se montre composé d’un amas de petits grumeaux 
de matière granuleuse brune sans structure, enfermés dans une en- 
veloppe générale transparente anhiste dont l'épaisseur augmente 
avec l’âge. 

Par sa présence dans la plupart des loges de la presqu'’universalité 
des Bryozoairés marins et de plusieurs espèces d’eau douce *, le corps 
brun semble avoir une importance considérable. Quelle est donc sa 
nature? Quelle est son origine, quel est son rôle dans l’économie des 
Bryozoaires ? 1 

Je ne sais si cela tient à la difficulté, à la complexité de la matière, 
ou simplement au grand nombre d’observateurs qui se sont occupés 
des Bryozoaires, mais peu de sujets ont été, je crois, l’objet de 

plus de controverses, et, sans avoir sans doute épuisé totalement la 

bibliographie très-étendue qui se rattache à cette question, je n’ai 
pas relevé parmi les auteurs qui l’ont traitée moins de huit opi- 
nions différentes duxquelles je serai bien obligé d’en ajouter une 
neuvième. 


1 PI. .X1, fig: 5, et pl. XI ME: 

2 Nitsche a signalé les corps bruns chez l’Alcyohella fungosa (Zeitschr. f. wissens. 
Zoo!., t. XXII, p. 470). D’autre part, Allman a décrit (Freshwat. Polyz., p. 40) et 
figuré {ibid., pl. IV, fig. 10, pl. VII, fig. 9) des statoblastes « d’une nature particu- 
lière » qui adhèrent à l’endocyste, qu’il n’a pas vu germer et dont l’anneau est sans 
structure, À n’én pas douter cé sont des corps bruns. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 199 


Passons en revue successivement les diverses opinions des auteurs, 
non pas dans l’ordre chronologique, ce qui n'aurait qu’un intérêt 
d'archéologie, mais en groupant ensemble celles qui se ressemblent 
le plus ; nous examinerons ensuite les faits dans la nature même, ils 
motiveront les conclusions que nous aurons à en tirer, enfin nous 
chercherons à discuter les observations de. nos devanciers et à les 
concilier avec notre propre manière de voir. 

Voici d’abord une série d'observateurs qui ont pris les corps bruns 
pour de véritables œufs : 

Thompson ‘,en se fondant sur la position du corps brun (dans la 
Vesicularia imbricata) et sur sa persistance après la mort du Po- 
lypide, croit pouvoir l’assimiler à un œuf ou à un ovaire. 

Farre ? voit d’abord dans ce corps le résidu de la décomposition 
(decay) du Polypide, mais sa structure granuleuse, la membrane qui 
l'enveloppe et sa longue durée sont autant de raisons qui lui font 
penser qu’il a quelque rapport avec les fonctions de reproduction 
et doit être regardé comme un ovaire ou comme un œuf en voie de 
maturation. 

Nordman * y voit aussi un œuf. 

Van Beneden ‘, quia vu dans l’Halodactyle diaphane les véritables 
œufs, est cependant disposé à regarder les corps bruns comme «le 
commencement de l’œuf », et il les figure comme tels. 

Lovén * prétend les avoir vus, dans la Valkeria cuscuta, se trans- 
former en larves ciliées. 

Redfern $ compare les corps bruns aux statoblastes des Bryozoaires 
d’eau douce. 

Allman adopte la même opinion. 

Plus tard, Claparède 7 rappelle cette hypothèse si séduisante et 
regrette de n’y pouvoir adhérer. Ses observations l’ont en effet con- 
duit à regarder le corps brun comme un produit de sécrétion de 


1 Taompson, Zool. Res. and Illustr., mém. V, 1830. 

2 Farre, On the Structure of Ciliobranchiate Polypi (Philos. Transact.,1837, art. 
BowERBANKIA DENSA). 

3 NorpMan, Voyage de Demidoff, 1840, t. III, p. 702, note. 

# Van BENEDEN, Recherches sur les Bryozoaires qui habilent la côte d'Ostende (extr. 
Nouv. Mém. Acad. Brux., p. 36, pl. V, f, 4€ mém.). 

5 Love, Arsberattelse, 1840-49, p. 366. 

6 Reprern, Flustrella Hispida (Q. J, micr. se. t. VI, p.196, 1858). 

T CLaPaRËDE, Beiträge zur Anal, und Eniwickelungeschichle der Seebryozoen 
(Zeitschrift [. wissens. Zool., t, XXI, p. 150 et suiv.). 


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200 LUCIEN JOLIET. 


l'endocyste. Il n’y peut pas voir le principe d’un nouveau Polypide 
et accompagne d’ailleurs ces vues d’une théorie qui lui est toute par- 
ticulière sur la métamorphose régressive des Polypides et sur laquelle 
nous aurons à revenir. | 

Hincks ! soutient que le corps brun, loin d’être le résidu du Po- 
lypide flétri, est une formation toute spéciale produite aux dépens de 
celui-ci par un étranglement survenu vers le milieu du cæcum sto- 
macal, et qui en détacherait l’extrémité inférieure. 

Quant à la destinée ultérieure du corps ainsi formé, le même au- 
teur, soutenant chaudement Smitt contre Nitsche, affirme de la ma- 
nière la plus positive qu'il sert d’origine à un nouveau Polypide. 
Traduisant l'appellation de Smitt, il le désigne sous le nom de germ- 
capsule et essaye d'établir que le renouvellement du Polypide dans la 
zoécie adulte peut s'effectuer de deux manières : 

19 Par formation d’une germ-capsule ; 

9° Par gemmation de l’endocyste. 

L'opinion de Smitt”?, entourée et appuyée par un grand nombre 
d'observations excellentes, a fait école, on peut le dire; beaucoup 
d'observateurs ont adopté les vues de l’auteur suédois, et le mot 
qu'il a créé de groddkapslar, pour désigner les corps bruns, a été tra- 
duit dans toutes les langues. 

Sans bien préciser leur origine, 1l les considère, soit comme de vé- 
ritables corps reproducteurs se transformant directement en de 
nouveaux Polypides, soit comme des amas de matière nutritive mis 
en réserve pour servir au développement d’un œuf qui naîtrait dans 
leur intérieur. Tout en décrivant la gemmation de lendocyste, il 
affirme que dans la plupart des cas (ses observations portent surtout 
sur des cheilostomes et cyclostomes), le Polypide se développe aux 
dépens du corps brun. 

Toute opposée est la manière de voir de Nitsche *, qui ne veut re- 
connaître dans le corps brun que le reste du Polypide flétri, un résidu 
complétement inerte et incapable de nourrir un nouveau Polypide 
ou de lui servir d'origine. Cette opinion est appuyée de preuves 
excellentes et de nombreuses figures; elle avait d’ailleurs été déjà 


1 Rev. Ta. Ifincxs, Nofe on Dr Nitsche's paper (Q.J. micr. se., t. XI, 1871, p. 235, 
t. XIT1,-2873:p.16,pl' IL NEMPA0ErTe) 

2 Suirr, Om Hafsbryozoernas Utveckling och Feltkropar. 

3 Nirscur, Beitræge zur Kentniss der Bryozoen (Zeitschr. f. wissens. Zool., t. XXI, 
p. 464 et suiv.). | 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 201 


avancée par les anciens observateurs, par Grant et même par Ellis. 

Tout récemment enfin, Repiachoff! vient d'introduire dans le débat 
de nouvelles observations et de nouvelles vues. 

Pour lui, le bourgeon naît le plus souvent de l’endocyste, mais il 
finit tôt ou tard par se rapprocher du corps brun ; il l’englobe alors 
dans une cavité qui deviendra plus tard l'estomac, et s’en sert comme 
d'une nourriture pour achever son développement. 

Il figure cet englobement dans la Tendra zostericola et dans une 
espèce de Lepralia. Enfin, il compare le corps brun à une sorte de 
vitellus et ne dit rien d’ailleurs sur son origine. 

Abstraction faite des hypothèses qui ne sont plus admises en au- 
cune manière, je résumerai les différentes opinions qui ont cours au- 
jourd’hui dans le tableau suivant : 

Le corps brun est envisagé : 

1° Quant à son origine : a, comme un produit de sécrétion (Cla- 
parède) ; b, comme une formation spéciale détachée de l’estomac du 
Polypide vivant (Hincks); ec, comme le résidu du Polypide flétri 
[Nitsche); 

2 Quant à sa destinée ultérieure : 4, comme un amas de matière 
inerte, un résidu incapable de vivre; b, comme un corps vivant ser- 
vant au renouvellement du Polypide. 

Nous voyons par là que deux questions sont encore en litige. 

Quelle est l’origine du corps brun ? 

Quelle est sa destinée ultérieure ? 

Commençons par aborder la première. 


8 1. De l’origine des corps bruns. 


Parmi les auteurs dont je viens de citer les opinions touchant l'ori- 
gine des corps bruns, tous n'ont pas, il faut le dire, basé la leur sur 
des observations directes, patientes et suivies, faites sur des animaux 
vivants, et la plupart l'ont plutôt présentée, soit comme une simple 
supposition, soit comme une conclüsion tirée-de faits plus où moins 
éloignés. 

Il me parait impossible qu'un observateur soigneux, s'il s'attache 
à suivre, comme je l’ai fait, jour par jour, pendant une ou plusieurs 


‘ Repracuorr, Zur Naturgeschichte der Chilostomen Bryozoen (Zeilschr. f. wissens. 
Zoo!., t. XX VI, 1876). 


202 LUCJEN JOLIET: 


semaines, Ce qui se passe dans une même loge, n'arrive pas à recon- 
naître forcément que le corps brun n’est pas autre chose que le résidu 
d’un Polypide flétri. | 

Les excellentes observations de Nitsche ‘ et les planches qui les 
accompagnent me semblent avoir déjà établi le fait surabondamment 
pour la Flustra membranacea. 

Cependant comme on a dépuis élevé des objections contre ses 
conclusions, comme on a contesté surtout leur aptitude à s'appliquer 
aux autres bryozoaires, il me paraît nécessaire de les appuyer par de 
nouvelles observations. 

Que l’on veuille donc bien jeter les yeux sur la planche VII qui 
accompagne ce mémoire. 

La première série de figures représente deux loges appartenant à 
un rameau de Pugula flabellata que j'avais apporté de Roscoff en 
automne dernier, qui s’est développé à Paris, dans un petit flacon 
d’eau de mer, vers la fin de l’hiver, et que j'ai rapporté au printemps 
encore vivant dans son pays natal. 

Ces deux loges occupent l'extrémité de la branche, sont par consé- 
quent nouvellement formées et ne contiennent aucun corps brun, 
mais bien deux Polypides E et F, qui sont le 16 janvier en pleine 
vigueur. On les voit fréquemment s'épanouir et surtout dans le Poly- 
pide F qui parait plus âgé, les granules bruns tournent vivement dans 
le rectum sous l’action des cils vibratiles. 

Le 17, E s’épanouit fréquemment, mais F ne sort guère de sa 
loge. 

Le 93, E est encore vivant, mais sa couleur est devenue plus 
foncée. Quant à Fil a disparu, ou plutôt il s’est transformé en une 
masse globuleuse de couleur brune. 

Le 26, le globule brun F a diminué de volume et sa couleur est 
devenue plus sombre; quant à E il s’est réduit en une masse ovoïde 
volumineuse d’un brun clair. 

Enfin, le 4° février, F brunit encore davantage et ne peut plus être 
distingué des corps bruns qui occupent les loges inférieures. E lui- 
même en est presque au même point, et il y est arrivé tout à fait peu 
de jours après. 

Cette observation est, je pense, suffisante pour démontrer que dans 


1 Nirscur, Beitr. zur Keniniss der Bryozoen (Zeilschr. f. wiss. Zool,, t:XXIT, p. 467, 
pl, XXXVI, Ge. 21) 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 203 


la Bugula flabellata, quand le Polypide se flétrit, il passe à l’état de 
corps brun et tout entier à l’état de corps brun. 

J'ai dans mes cartons une série d'observations toutes semblables à 
celle-ci, faites dans les mêmes conditions sur la Bugula avicularia ; 
le défaut de place m'empêche de la publier, elle n’ajouterait d’ail- 
leurs que peu de chose aux résuitats fournis par celle dont je viens 
de rendre compte. Notons cependant en passant un fait relatif au 
mode particulier dont se forment les corps bruns dans les bugules, 
c’est la rapidité avec laquelle dans l’espace d’une nuit un Polypide, 
qui semblait encore vigoureux, se transforme totalement en une 
masse globuleuse de matière amorphe qui passe à l’état de corps 
brun par diminution graduelle de volume. 

Voici maintenant sur la même planche VIIT une deuxième série de 
figures qui représentent les mêmes faits dans la Bowerbanlaia tmbricata ; 
l'explication des planches me dispense d’entrer de nouveau dans le 
détail des transformations. Remarquons toutefois que si le terme 
final est, comme dans les Bugules, un corps brun, le mode suivant 
lequel il est atteint est différent. 

Le premier indice de la décrépitude du Polypide est un certain 
vague que l’on remarque dans le contour des bras, qui auparavant 
étaient nets, rigides et placés parallèlement dans leur gaîne. 

Puis la partie terminale de l’ectocyste de la loge qui était imvaginée 
se déroule lentement; peu à peu la collerette (Borstenkrantz, collare 
setorum) fait saillie jusqu’à ce que sen point d'insertion soit au ni- 
veau de la surface de la loge, elle pend alors au dehors comme une 
sorte de plumet, tandis qu'à l’intérieur les parties se sont désorgani- 
sées lentement et lentement affaissées l’une sur l’autre. Souvent dans 
la Valkeria cuscuta comme dans la Bowerbanka imbricata, alors que 
les bras ont complétement disparu, l'estomac se contracte encore, le 
funicule se rétracte et se détend, les cils vibratiles agitent encore les 
granules bruns dans le rectum ; l'intestin finit enfin par se coller à 
l'estomac et le tout se fond en une masse brune que surmonte une 
tache plus claire, reste des bras et des muscles pariéto-vaginaux. 

Tout cela finit habituellement par se confondre en un tout homo- 
gène ; quelquefois cependant, notamment dans la Zowerbankia im- 
bricata, on reconnaît encore longtemps après dans le corps brun la 
place où les restes du gésier et'des tentacules se sont soudés à ceux de 
l'estomac. 

Je pourrais encore décrire la formation du corps brun dans le Sarco- 


20% LUCIEN JOLIET. 


chitum polyoum, dans le Membranipora membranacea, dans la Leprala 
granifera; mais ce serait presque me répéter, j'aurai occasion de 
revenir sur son mode de production dans la Picellaria cihata. Qu'il 
me suffise de dire pour l'instant que la formation des corps bruns 
dans les nombreuses espèces où je l’ai examinée s’est toujours mon- 
trée à moi sous deux aspects que j'appellerai l’un, l'aspect bugule, et 
l’autre, l’aspect vésiculaire. 

Dans le premier, qui est le moins fréquent, le Polypide perd subite- 
ment toute organisation pour se résoudre en une masse de substance 
amorphe qui n’a plus qu'à diminuer de volume pour devenir un 
corps brun. 

Dans le second la vie ne paraît abandonner que successivement les 
diverses parties, la destruction est plus lente, mais le résultat final est 
le même. | 

Dans tous les cas, le Polypide flétri se résout intégralement en un 
corps brun suspendu comme lui au funicule. 

Que faut-il donc penser de la théorie de Hincks !? 

A diverses reprises l’éminent auteur affirme de la manière la plus 
formelle que le corps brun n’est en aucune manière le reste du Poly- 
pide flétri, «in no true sense the remains of the decaying Polypid », 
mais un corps tout spécial dont la formation se fait d’une manière 
constante et bien définie. : 

Il décrit et représente cette formation de la manière suivante : 

À un certain moment de l’existence du Polypide un étranglement 
se produit en un point du cæeum stomacal et en sépare un corps 
ovoïde creux qui reste longtemps en communication avec lui par un 
étroit canal. Celui-ci devient de plus et plus long et resserré à mesure 
que l’étranglement s’accuse davantage, il finit sans doute par se 
rompre, et le corps ovoïde ainsi séparé du Polypide constitue un corps 
brun. Cette description est appuyée de deux figures dessinées d'après 
la Picellaria cihata et qui seraient absolument démonstratives si, 
comme les observations même qu'elles soutiennent, elles ne prê- 
taient largement à la critique. | 

Notons d’abord que, bien qu'il regarde la séparation du corps brun 
d'avec le Polypide comme un fait positif, Hincks avoue n’en avoir 
Jamais été témoin. Or, comme il me sera facile de le prouver tout à 
l'heure, cette séparation n’a jamais lieu même dans la Zrcellaria 


Hincxs, Q. J. micr. sc., t. XI, 1874, p. 235 ; tbid., t. XIII, 1873, p. 16, pl. IL. 


I. Lu on 


penses 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 205 


céliata que j'ai tenu à observer particulièrement pour me mieux rendre 
compte de la valeur de l'observation de l’auteur anglais. 

En deuxième lieu, après la séparation supposée de ce corps, que 
devient le Polypide dont il dérive et auquel il était relié tout à 
l'heure ? Hincks ne nous en dit rien, et cela serait pourtant nécessaire; 
quand nous savons que la vie du Polypide est de courte durée et qu’en 
mourant il doit laisser dans la loge quelque reste de sa substance. 

Enfin venons au fait. Est-il vrai qu'à un moment donné il se pro- 
duise dans les parois du cæcum stomacal un étranglement véritable 
qui tende à en détacher l'extrémité inférieure ? 

Dans l'immense majorité des Bryozoaires, les Vésiculaires, les 
Flustres, les Lepralia et autres, il n’y a rien, absolument rien de sem- 
blable et le corps brun se forme suivant le mode que j'ai exposé avec 
détail un peu plus haut. 

Si donc le fait que Hincks a décrit est particulier à une ou deux 
espèces il ne peut pas servir de base à une théorie générale sur la 
formation des corps bruns. Mais, d’ailleurs, est-il exact en lui-même ? 
Examinons les espèces mêmes d’après lesquelles Hincks a dessiné ses 
figures et posons-nous cette question : la Bicellaria cihata diffère-t-elle 
à cet égard de toutes les espèces connues ? 

Je l'ai étudiée bien longtemps et bien souvent, je n’ai pas eu de 
peine à reconnaitre dans le cæcum du Polypide cette apparence de 
constriction dont arguë l’auteur anglais, mais je ne puis linterpréter 
de la même manière ni reconnaître pour exacte la figure qu'il en 
donne. 

Il est très-évident et facile à constater que vers le bas du cæcum 
stomacal la matière brune qui remplit la cavité de cet organe semble 
passer à travers une sorte de détroit et qu’en ce point elle est beau- 
coup plus resserrée qu’en dessus et au-dessous ; il est encore vrai que 
la partie inférieure du cæcum ainsi séparée par un défilé de Ja partie 
supérieure ressemble assez à une boule brune qui serait suspendue à 
l'estomac par un canal étroit. 

Cette apparence est d'autant plus frappante que les parois intesti- 
nales étant très-transparentes, on peut croire qu’elles subissent elles- 
mêmes l’étranglement; c’est ce que représente la figure de Hincks que 
je reproduis!. Mais, pour peu qu’on y regarde de plus près, on verra 
que le contour extérieur du cæcum est parfaitement continu, ne subit 


2 PI, VITL fig. 9 et 10. 


206 LUCIEN JOLIET. 


aucun étranglement et que si la matière brune intérieure est res- 
serrée en un point, cela tient non pas à une inflexion, mais à un 
épaississement des parois stomacales à ce niveau, à une sorte de saillie, 
de bourrelet annulaire qu'elles forment à l’intérieur et qui détermine 
à tous les moments de la vie du Polypide et dès son plus jeune âge 
une chambre inférieure séparée du reste du cæcum par une véritable 
valvule. 

I ressort de là que cette chambre inférieure prise par Hincks pour 
un corps spécial, loin d’être suspendue à l’estomac par un canal 
grêle et tendant à se rompre, lui est peut-être plus fortement unie 
qu'aucune autre partie, grâce à l'épaisseur des parois stomacales au 
point de Jonction. 

Il est d’ailleurs complétement inexact que le détroit à travers 
lequel passe la matière brune devienne progressivément plus long et 
plus étroit ; les figures ci-jointes® représentent un même cæcum des- 
siné à la chambre claire à quelques minutes d'intervalle et prouvent 
que l'aspect du canal change irrégulièrement et à tout moment sui- 
vant les contractions de l’estomac. Il m'est souvent même arrivé 
dans un Polypide en voie de résorption de distinguer encore au-des- 
sous des bras flétris l’étranglement en question et de constater qu'il 
n’était n1 plus prononcé ni plus étendu qu’à aucun autre moment de 
la vie du Polypide. 

S1 le mode de formation du corps brun décrit par Hincks ne peut 
être regardé comme correspondant aux faits, comment donc se pas- 
sent les choses dans la Pricellaria ciliata ? 

Là, comme partout ailleurs, ie corps brun est le résidu du Polypide 
flétri et tout le Polypide sert à le former. Quant à la manière dont la 
transformation s'effectue, elle est en quelque sorte intermédiaire 
entre celle en usage chez les Bugules et celle des autres espèces : les 
tentacules commencent par se flétrir et restent distincts pendant un 
ou deux jours, le cæcum où l’étranglement est encore visible se fond’ 
avec l'intestin, puis le tout se confond assez promptement en une 
même masse. 


Après avoir, je crois, mis hors de cause la théorie de Hincks et 
fait rentrer dans la loi commune un exemple que cet auteur me 


1 


paraît avoir faussement interprété, 1l ne me reste plus à discuter 


1,P]. VIA HE 674 40? 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 207 


qu’une opinion sur l’origine des corps bruns, c’est celle de Claparède, 
el je ne m'y appesantirai pas longtemps, car elle est fondée sur un 
si grand nombre d'observations inexactes, qu’elle n’a trouvé que peu 
d’écho parmi les auteurs. 

Claparède ne eroit pas que le corps brun puisse servir d’origine à 
de nouveaux Polypides, et la critique qu'il fait des opinions de Smitt 
est certainement très-judicieuse ; mais quand il veut à son tour for- 
muler une opinion et déterminer le rôle de ce corps, il fait certaine- 
ment fausse route. Pour lui le corps brun ne peut pas être le résidu 
du Polypide, parce qu'il a sur la résorption de celui-ci une théorie 
toute particulière. 

D'après lui le Polypide ne se flétrit pas, ne se désorganise pas, au 
terme de son existence, mais, pour disparaitre, il passe en sens 
inverse par toutes les phases qu’a parcourues le bourgeon pour se 
développer. Il rapetisse et diminue de volume jusqu'à disparaitre, 
tout en conservant jusqu’au bout sa structure et ses proportions. 

Un tel fait, s’il était bien constaté, serait certainement très-sur- 
prenant et d’un haut intérêt pour la biologie ; car je ne sache pas que 
chez aucun être arrivé au terme de sa vie le retour à l’enfance et à 
l’état embryonnaire soit la manière habituelle de mourir. Il ne faut 
toutefois préjuger de rien, et si le fait est constaté il faudra bien 
l'admettre. 

Le malheur est que Claparède n’apporte à l’appui de cette sur- 
prenante théorie que des preuves tout à fait négatives et contestables,. 
L'une des meilleures qu'il propose est ce fait qu'il n’a jamais observé 
de Polypide flétri et en voie de désorganisation. 

Aux extrémités des branches, dit-il, tous les Polypides sont soit à 
l'état de bourgeons, soit adultes, tandis que deux ou trois rangs plus 
bas ils sont tous disparus ; il doit donc s’en trouver dans l'intervalle 
en train de se flétrir, et ceux-là doivent présenter une apparence 
spéciale qui permette de les distinguer des bourgeons. Comme je 
n'ai jamais rien vu de semblable, je dois en conclure que les Poly- 
pides en voie de résorption ressemblent aux bourgeons et que pour 
cette raison je n’ai pu les en distinguer. 

À quoi tient que Claparède n’ait pas vu cet état intermédiaire de 
décrépitude par lequel doit passer et passe en effet tout Polypide 
arrivé au terme de sa croissance ? Je ne le sais; toujours est-il que 
rien n'est plus fréquent, plus facile à observer et mieux reconnu par 
tous les auteurs. 


ht 


208 LUCIEN JOLIET. 


S'appuyant sur sa théorie, le savant génevois concluait que puis- 
que le Polypide, arrivé au terme de la métamorphose régressive, finis- 
sait par se réduire à néant, les corps bruns n’en pouvaient pas être 
les restes et devaient avoir une autre origine. 

La coexistence souvent observée par lui dans une même loge d’un 
Polypide vivant et d’un corps brun était encore un argument qu'il 
mettait eh jeu, et celui-là avait plus de valeur. 

Puisque, disait-1}, il existe déjà un corps brun dans une loge où se 
trouve un Polypide en pleine vigueur, le premier ne peut évidemment 
pas être le résidu du second. Cette observation faite sur une Vésicu- 
laire qu’il appelle à tort la Valkeria cuscuta n’a qu'une valeur appa- 
rente et tombe d'elle-même lorsqu'on sait, ce que nous savons déjà, 
que les Polypides se renouvellent souvent deux ou trois fois dans une 
même loge, et que dans les Vésiculaires leurs restes y demeurent 
relégués contre les parois, situation qui rend assez bien compte de 
l’opinion que Claparède adopte comme conclusion, et d'ailleurs sous 
certaines réserves, à savoir : que le corps brun est une sécrétion de 
l’'endocyste. 

Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’insister davantage sur une théorie 
qui n’a d’ailleurs trouvé que peu de partisans ; il reste donc bien 
établi pour nous que, dans tous les cas, le Polypide arrivé au terme de 
son existence se flétrit, se désorganise, se réduit en une masse globuleuse 
brune et que les corps bruns n'ont pas d'autre origine. 


S 2. Du rôle des corps bruns. 


Passons maintenant à l’examen de la seconde question : quelle est 
la destinée ultérieure du corps brun ? 

Peut-il servir d’origine à de nouveaux bourgeons ou de matière nu- 
tritive pour leur développement ? 

D’après ce que je viens de dire de sa formation, on peut prévoir 
ce que je pense de son rôle. Pour moi, le corps brun n'est qu'un 
résidu, un amas de matière inerte incapable de servir soit de matière 
nutritive, soit de matière plastique. 

A l'appui de cette manière de voir, je présenterai plusieurs preuves; 
les unes seront tirées de la nature même de ces corps et de l’examen 
des matériaux qui les constituent ; les autres ressortiront de la criti- 
que à laquelle je soumettrai les observations de mes adversaires et 


| 
| 


| 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 209 


par laquelle j'espère démontrer que le corps brun n’est pour rien 
dans le bourgeonnement qu’on lui prête. 

Preuves tirées de la nature du corps brun. — Le corps brun, nous 
venons de le voir, est un résidu, le reste de la matière qui constituait 
un Polypide après que celui-ci a subi la désorganisation. 

Peut-être cependant ce résidu est-il composé de matière plastique 
et organisable pouvant servir à un nouveau développement. 

Il n’en est rien; j'ai fréquemment et dans plusieurs espèces de 
Bugules et de Vésiculaires soumis des branches entières à l’ébullition 
prolongée dans la potasse. Après ce traitement, alors qu'il ne restait 
dans toute la colonie aucune partie molle qui ne fût détruite, tous 
les Polypides ayant disparu aussi bien que l’endocyste et le système 
nerveux colonial, les corps bruns étaient encore reconnaissables et 
le plus souvent intacts. Les plus récemment formés avaient, il est 
vrai, perdu leur membrane enveloppe et par suite leur contour, 
mais les granules dont ils se composaient, répandus dans la loge et y 
formant un nuage jaune, étaient parfaitement reconnaissables. Quant 
à ceux plus âgés qui occupaient les vieilles loges de la base, leur 
membrane épaissie et sans doute chitinisée avait le plus souvent 
résisté si bien, que le corps brun n'avait nullement perdu sa forme. 
A l’intérieur de cette membrane la potasse avait dû pénétrer comme 
elle pénètre dans l’intérieur des loges et des tiges; cependant le 
contenu n'était pas altéré. 

Y a-t-1l là en vérité les caractères d’un corps organisable et d’une 
matière plastique ? 

Voici maintenant des arguments d’un autre ordre. 

Nitsche * a produit à l’appui de l'opinion que je soutiens un fait que 
J'ai vérifié et que je suis à même de confirmer. 

Il à figuré un corps brun contenant une Diatomée et a souvent 


_ observé dans l’intérieur des fragments de test de Foraminifères et 


autres particules, restes des aliments dont l’animal se nourrit et qui 


se trouvaient dans son estomac lorsqu'il a commencé à se flétrir. J’ai 


plusieurs fois pu constater l'exactitude de ces faits et observer moi- 


. même des débris de cette nature et je crois inutile d’en donner 


de nouveaux dessins, mais je reproduis un corps brun de Zower- 
| bankia imbricata dans lequel les plaques chitineuses qui revêtaient le 


| 
| 


| ! NirsCHE, Beitræge zur Kentniss der Bryvz. Zeitschr., b. XXI, taf. XXXVI, 
12 


ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. =— T. VI. 1877. 14 


210 LUCIEN JOLIET. 


gésier à l’intérieur sont parfaitement conservées et reconnaissables *. 

On remarque souvent dans le rectum des Polypides en voie de 
développement un stylet hyalin qu'ils rejettent lors de la première 
défécation, quand ils sont devenus adultes et que Smitt a appelé le 


méconium. [1 n’est pas rare de trouver au fond des loges de petits | 


amas de matière granuleuse incolore contenant un de ces corps; on 
peut être certain dans ce cas d’avoir affaire au reste d’un Polypide 
qui s’est flétri avant d’avoir atteint son complet développement. 

Au point de vue de son origine, c’est donc un corps brun, bien 
qu’il n’en présente pas la couleur, ce qui est dû, comme nous le ver- 


rons, à ce que les parois de l'estomac du Polypide n'avaient pas eu 


le temps de contracter la teinte qui caractérise l'adulte. 

En même temps qu’elle fournit un nouvel appui à l’opinion que 
je soutiens sur l’origine du corps brun, la présence au milieu de sa 
substance, de ces corps étrangers, traces de l’alimentation ou restes 


de certaines parties de l'animal même, est certainement peu favo-m 


rable à la théorie qui veut en faire un corps reproducteur ; mais pé- 
nétrons plus avant encore dans l’étude de la structure du corps brun. 

De quoi se compose-t-il essentiellement, à quoi doit-il sa colora- 
tion si intense ? 


Quand un Polypide se flétrit avant d’avoir atteint l’état adulte, 


son résidu incolore finit par se réduire à un très-petit volume etl 


même par disparaitre tout à fait dans la substance du funicule, sous 
réserve cependant du stylet hyalin dont je viens de parler ou autres 
parties dures, telles que les plaques du gésier qui, ne pouvant être 


résorbées, restent inaltérées. Si, au contraire, le Polypide a vécu le | | 
temps ordinaire, s’il s’est nourri, si les parois de son estomac ont eu | 
le temps de prendre cette coloration intense que l’on remarqueM} 
chez les individus vigoureux, quand il vient à se flétrir il ne dis= M 
parait jamais entièrement et laisse toujours un résidu qui n'est (| 
autre qu'un corps brun bien formé qui s'entoure d'une membrané| 


de plus en plus épaisse avec l’âge. 


De quoi donc se compose ce corps brun ? De tout ce que le Poly- | 
pide adulte et vigoureux avait de plus que le bourgeon, c’est-à-dire | 
de particules alimentaires contenues dans l’estomac et par-dessus { 
tout de ces granulations brunes qui surchargeaient les parois de cet | 
organe. Or, que sont ces granulations ? Sont-ce de jeunes cellules | 


1 PI. VILL fig. 43. 


l 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 211 


hépatiques, comme le veut Smitt? Pour le savoir, suivons le dévelop- 
pement d’un bourgeon à l'extrémité d'une branche. Les parois de l’es- 
tomac sont d’abord incolores, puis, un peu plus tard, et dans cer- 
taines espèces, avant même que le bourgeon se soit encore épanoui, 
elles présentent quelques fines piquetures brunes. Si l’on examine 
alors les parois de cet organe sous un fort grossissement et après 
traitement par l’acide osmique ou picrique faible, on reconnaît sans 
peine que ces ponctuations ne sont autres que les contenus de cel- 
lules polygonales qu’à bon droit on peut nommer hépatiques. Si l'on 
suit leur développement dans la Zugula flabellata, où elles apparais- 
sent de bonne heure, et surtout dans les grandes espèces de Pédicel- 
lines où elles sont d’ailleurs absolument les mêmes que dans les 
autres Bryozoaires, on voit que leur contenu brun augmente peu à 
peu de volume jusqu’à leur maturité; elles se détachent alors à la 
manière des celluies épithéliales, crèvent, et versent leur contenu 
dans la cavité de l’estomac. Ce contenu n’est autre qu’un granule 
brun, sans doute environné d’un peu de liquide. Les granules sont 
remués avec les aliments par l’action des cils vibratiles de l’estomac et 
du rectum, dans l'axe duquel ils tournent longtemps d’un mouvement 
très-régulier ‘. 

Lorsque le Polypide se flétrit, son estomac contient donc un 
grand nombre de cellules hépatiques en place sur les parois en même 
temps que des granules sortis des cellules désagrégées. C’est à l’en- 
semble de ces celiules et de ces granules qu'est due la coloration 
des corps bruns, car la plus grande partie de leur substance en est 
composée. 

On voit par là que cette substance, loin d’être constituée par de 
jeunes cellules prêtes à revivre, n’est formée que par des produits de 
sécrétion ou d’excrétion, comme on voudra l’entendre. 


Ainsi, pour nous, par son origine et par sa nature, le corps brun 
est incapable de servir au développement. 

J'ajouterai maintenant que, dans aucun Cas, je ne l’ai vu servir à 
cet usage, bien que je me sois placé dans les mêmes conditions que 
les auteurs qui en ont décrit le bourgeonnement. 

Voici une loge de Bowerbankia imbricata? dans laquelle le bour- 


geon se développe sur les parois à l'extrémité du funicule et fort 


_ 4 PI. VILL fig. 11, et pl, IX, fig. 11 et 19. 
| 2 PL VI, fig. 3. | 


h 
4! 
Ur 
à 
! 


| 
à 
. 


212 LUCIEN JOLIET. 


loin du corps brun préexistant. En voici une autre de Valkeria 
cuscuta, où un Polypide naissant à côté d’un corps brun, mais nul- 
lement à ses dépens, poursuit tout le cours de son développement, 
sans que celui-ci soit altéré en aucune façon . 

J’ai observé un très-grand nombre d'échantillons de Bowerbankia 
imbricata, j'ai suivi le développement de plusieurs branches d’une 
manière Continue pendant plusieurs mois, et je n’ai jamais vu le 
corps brun participer en rien au bourgeonnement. 

À mesure qu'il s’en forme un nouveau, il est relégué dans le fond 
de la loge contre les parois de l’endocyste jusqu'à ce que la loge 
venant à mourir elle-même, il tombe avec elle ou bien en sorte par 
lercor 

Voici un autre fait dont on ne semble pas suffisamment tenir 
compte. 

Une loge ne produit pas un nombre indéfini de Polypides et 
tout le monde sait que la base des Bugules et des Eschares est com- 
posée de cellules mortes ; le dernier venu des Polypides qui se suc- 
cèdent dans une loge produit, comme ceux qui l’ont précédé, un 
corps brun qui ne doit pas être d’une autre nature que les premiers. 
Celui-là, cependant, ne bourgeonne jamais; à quoi cela tient-11°? et 
comment ne tombe-t-1l pas promptement en décomposition ? 

Il finit, 1l est vrai, avec le temps par s’altérer, mais nullement 
comme le ferait un corps organisé ou composé de matière organi- 
sable ; il change de couleur, passe au jaune sale, puis au vert, mais 
sans que son contour soit de longtemps effacé et il est encore recon- 
naissable alors que les branches du Polypier tombent en morceaux, 
comme 1l arrive pendant l'hiver pour certaines espèces. 

Ce sont là, me dira-t-on, des preuves négatives et qui n’ont pas de 
valeur en face des observations précises de Lovén, de Smitt, de 
Hincks, de Repiachoff. Aussi, je ne m'y arrêterai pas plus longtemps 
et j'aborde immédiatement l'examen et la critique de ces auteurs. 

Lovén*?, cité par Smitt, dit avoir observé la transformation des 
corps bruns en larves ciliées dans la Valkeria cuscuta. 

J'ai moi-même observé cette espèce pendant longtemps, j'ai vu les 
corps bruns, j'ai vu les larves et de plus les œufs d’où elles provien- 
nent et qui n’ontrien de commun avec les corps bruns. Ceux-ci, je 


1 PI. VII, fig. 9 et 10; 
2? Arsberaltelse, 1811 49, p. 366. D’après SuirT, Om Hafsbryoz., p 47. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE, 213 


puis l’affirmer, se forment, comme partout ailleurs, aux dépens du 
Polypide en voie de résorption. 

Quant à l'œuf, ilest visible dans la loge pendant la vie du Poly- 
pide et bien avant la formation du corps brun. 

Il se présente d’abord comme un petit amas de protoplasma clair 
primitivement accompagné d’un second, car les œufs naissent par 
paires ; puis il prend une teinte jaune qui devient plus foncée à me- 
sure qu'il grandit et c’est évidemment dans cet état que Lovén l’a pris 
pour un corps brun. 

I! en diffère, cependant, par sa forme régulièrement arrondie aussi 
bien que par son contenu finement granuleux et non grumeleux, 
comme celui des véritables corps bruns. 


Les observations de Smitt et de Hincks peuvent paraître au pre- 
mier abord plus embarrassantes. Smitt! décrit le développement de 
Polypides sur le corps brun même et accompagne sa description de 
figures malheureusement trop petites pour qu’on puisse bien juger 
de la position des parties. 

Quant à Hincks, il s'exprime dans les termes suivants : 

« Sur la surface supérieure du corps brun apparaît une saillie de 
matière grise granuleuse qui est l’origine du bourgeon; ce bourgeon 
se développe en un Polypide dans les parois stomacales duquel se 
fond le corps brun qui lui a donné naissance. Les Polypides nés de 
cette sorte ont les parois brunes, tandis que les autres sont inco- 
lores, » et il appuie cette description d’une figure qui ne laisse sub- 
sister aucun doute. 

Si donc j'ai constaté que, chez deux espèces de Vésiculaires, les 
bourgeons se forment tout à fait indépendamment des corps bruns, 
le plus souvent loin d'eux, je dois convenir qu’il ne m'est plus pos- 
sible, en face des observations précitées, de faire, de ce rôle passif 
du corps brun, une loi générale. S'il est vrai que, dans de nom- 
breuses espèces, le bourgeon naît du corps brun même et finit par 
s’incorporer sa substance, comment ne pas le considérer comme un 
véritable corps reproducteur, et admettre qu'il est apte à bour- 
geonner ? 

Les observations récentes et très-précises de Repiachoff ont jeté 
un nouveau jour sur cette quéstion en complétant celles de Smitt et 


! Om Hafsbryoz. Utveckl. och Fettkrop., pl. V, fig. 17-19. 


214 LUCIEN JOLIET. 


de Hincks et en nous faisant connaître dans le détail ce que ces 
deux auteurs n'ont fait qu'ébaucher : les véritables rapports du corps 
brun et du bourgeon ; elles nous mettront peut-être en bon chemin. 

Pour Repiachoff, il n’y a pas de relation d’origine entre le corps 
brun et le bourgeon; celui-ci peut naître directement sur le corps 
brun aussi bien qu à une certaine distance. Mais, tôt ou tard, il finit 
par s’en rapprocher et par l’englober dans la cavité naïssante de son 
estomac. Comment se fait cet enveloppement ? Repiachoff ne le pré- 
cise pas; il faut bien, dit-il, qu'il y ait perforation des parois de l’in- 
testin et il est probable que cette perforation se pratique dans le 
voisinage des tentacules naïissants qui se résorbent pour repousser 
ensuite. 

Le corps brun entre alors dans l’intérieur du Polypide accompagné 
de quelques granules qui sont le résidu de ces tentacules flétris. Les 
granules servent de nourriture au Polypide, tandis que le reste passe 
dans le rectum pour être probablement évacué par la suite. L'auteur 
russe termine enfin par une conclusion tout à fait inattendue, en 
assimilant le corps brun à une sorte de vitellus. 

Ces observations sont accompagnées de planches dessinées d’après 
la Tendra zostericola et une lepralia indéterminée et bien faites pour 
inspirer la conviction, car elles sont d’un réalisme poussé parfois 
jusqu à l'extrême. 

Je suis à même de confirmer ces données et de les compléter par 
les observations suivantes : 

La figure 4 de la planche IX représente un bourgeon assez avancé 
d'Æucratea chelata, dessiné le 1° juin 1877; l'extrémité inférieure de 
son cæcum stomacal est en quelque sorte confondue avec un corps 
brun. Celui-ci est dès à présent entouré de ces granulations jaunâtres 
que Repiachoff a pris pour le résidu de tentacules naissants et qui 
l’environnent souvent au milieu de la loge bien avant qu'aucun 
bourgeon se voie dans le voisinage *. 

Le lendemain, le corps brun a pénétré dans l’intérieur de l’esto- 
mac, non pas dans le voisinage des tentacules, mais par le fond du 
cul-de-sac dont les parois se sont refermées derrière lui, emprison- 
nant quelques-uns des granules qui Paccompagnaient et qui restent 
comme les témoins de son passage *. 

Le 3 juin, forçant l’entrée de l'intestin, le corps brun, encore en- 


1 PI. VIII, fig. 12. 
2 PI, IX, fig. 2. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 215 


veloppé de sa membrane, est passé dans le rectum refoulant devant 
lui le méconium qui s’y trouvait déjà !. 

L'estomac n'avait conservé d’autres restes du corps brun que les 
quelques granules qui adhéraient à ses parois. 

Je n’ai pu suivre plus loin le sort du corps brun sur le même sujet, 
le Polypide s'étant accidentellement flétri; mais en voici un autre 
qui était, le 7 juin, absolument dans les mêmes conditions que le 
précédent le 3. Son rectum était distendu par un corps brun accom- 
pagné d’un stylet hyalin. Le 8, le Polypide était parfaitement vivant; 
mais il n’y avait plus dans son inteslin aucune trace de l’un ni de 
l’autre, si ce n’est quelques légères granulations brunes. 

Evidemment, le corps brun, encore enveloppé la veille de sa mem- 
brane résistante, n’avait pas été absorbé par les parois du rectum, de 
toutes les parties du tube digestif celles qui sont le moins propres à 
l'absorption ; il avait sans aucun doute été rejeté pendant la nuit à 
travers l'anus en même temps que le méconium. 

Cette observation, jointe à celles de Repiachoff, nous rend 
compte jusqu’à un certain point des faits dont Smitt et Hincks ont 
tiré des conclusions trop hâtives, mais elle n’explique pas encore 
comment ce dernier auteur à pu voir le corps brun se fondre dans 
les parois du tube digestif du Polypide et les rendre distinctes par leur 
couleur de celles des Polypides nés de l’endocyste. Voici quelques 
figures dessinées d’après la ZLepralia granifera qui seront peut-être 
plus démonstratives ?. 

La manière dont l’estomac finit par englober le corps brun est tout 
à fait la même que dans l’£'ucratea chelata. 

Le tissu encore très-plastique dont sont constituées à cette époque 
les parois de l'intestin, s'étend sur la surface du corps brun de 

manière à l'envelopper dans une sorte de poche; les parois internes 
de cette poche, qui ne sont autres que celles mêmes du cæcum 
stomacal, s’amincissent, se perforent; le corps brun passe par cette 
ouverture dans l’estomac ; les parois externes de la poche reviennent 
sur elles-mêmes et servent à boucher l’ouverture, dont il ne reste 
bientôt plus de trace visible. 

Jusqu'ici tout s'est passé comme dans l’ÆZucratea chelata; mais le 
sort du corps brun est, à partir de là, un peu différent. 

1 J’ai été témoin de ce passage, qui se fait par une contraction brusque du cæcum 


coïncidant avec une dilatation énorme du pylore. 
2 PI, IX, fig, 5, 6,7 et 8. 


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216 LUCIEN JOLIET. 


Dans l’espèce qui nous occupe, en effet, son enveloppe, très-mince, 
ne résiste pas à l’action des sucs de l'estomac, non plus qu’au mou- 
vement imprimé par les cils vibratiles et aux contractions des parois 
intestinales ; elle se détruit, et les granules bruns qu’elle contient, 
mis en liberté, se répandent dans l'estomac, y tournoient et sont en- 
suite promptement évacués après avoir passé dans le rectum. 

Pendant leur séjour dans cet organe et dans lestomac, les gra- 
nules leur communiquent leur teinte, et c’est évidemment là l’origine 
de cette opinion de Hincks, que les Polypides qui naissent des corps 
bruns sont seuls colorés. | 

în réalité, cette coloration, qu'on peut dire artificielle, est bientôt 
remplacée par la coloration naturelle, qui résulte, comme nous l'avons 
vu plus baut, du développement de cellules hépatiques qui se fait 
dans les parois intestinales de tous les Polypides, quelle que soit leur 
origine. 

Si maintenant on objecte que cette désagrégation du corps brun et 
cette diffusion de sa substance dans l'estomac ressemblent à une véri- 
table digestion, il sera légitime de répondre que ce n’est qu’une ap- 
parence, puisque les granules sont rejetés peu à peu et imtacts par 
l'anus. Je ne veux pas affirmer qu'il n'existe encore entre leurs in- 
terstices quelques parties assimilables; mais je ne puis ‘pas pour cela 
considérer le corps brun comme destiné spécialement à la nutrition 
du bourgeon, puisque dans d’autres espèces, comme l’£ucratea che- 
lata, je le vois sortir intact du rectum. 11 me semble bien plus croyable 
que cette désagrégalion n’est qu'un mode d'évacuation rendu né- 
cessaire par la trop grande dimension du corps brun, et facile par la 
délicatesse de son enveloppe. 


CONCLUSIONS. 


De toutes ces observations, quelles conclusions devons-nous tirer? 

Nous admettons que, bien que, chez certaines espèces (Vésiculaires 
et autres), les corps bruns soient, à mesure qu’ils se produisent, relé- 
gués en quelque point de la loge, il en est d’autres chez lesquelles de 
nouveaux bourgeons ne naissent pas sans débarrasser la zoécie des 
restes du Polypide qui les y à précédés. Pour ce faire, ils les englo- 
bent dans la cavité de leur tube digestif et les rejettent par l’anus, soit 
en entier, soit après les avoir désagrégés. 

Cette manière de voir, appuyée sur les observations que je viens 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 217 


d'exposer, me paraît rendre compte des faits pour le moins aussi 
bien que celle de Smitt et de Hincks; elle a sur elle l’avantage de 
tenir compte des observations de Repiachoff, qui n'étaient pas encore 
faites à l'époque où ont écrit ces deux auteurs ; enfin, elle est en 
accord complet avec l'opinion de Nitsche, et véritablement avec tous 
les faits qui obligent à ne voir dans le corps brun qu’un résidu, un 
amas de matière inerte. 

Quant à ce qui est de la manière dont le bourgeon se déve- 
loppe à la surface du corps brun, comme Smitt et Hincks, nous recon 
naissons que le bourgeon peut naître sur la surface de ce corps dans 
de nombreuses espèces; mais faut-il conclure de là que c’est aux 
dépens de sa substance même qu'il se développe? Nous ne le croyons 
pas. | 

Pesons bien les paroles de l’auteur anglais : «Sur la surface supé- 
rieure du corps brun, dit-il, apparaît une saillie de matière grise gra- 
nuleuse, qui est l’origine du bourgeon.» 

Remarquons d’abord que le corps brun, quand il hourgeonne, est 
toujours suspendu à l’une des mailles, et ordinairement au cordon 
principal du réseau qu’on nomme système nerveux colonial, et sur la 
nature duquel j'aurai à m’étendre tout à l’heure ! 

La matière de ce réseau, non-seulement le retient par un ou 
deux points, mais l'enveloppe dans une couche protoplasmique, ordi- 
nairement fort mince, aux dépens de laquelle, soit dit en passant, se 
constitue l'enveloppe du corps brun. Il n’est certainement pas tou- 
jours facile de décider si c’est aux dépens du corps brun lui-même ou 
aux dépens de cette couche protoplasmique que se forme cette 
«saillie de matière granuleuse», qui est l’origine du bourgeon. Ce- 
pendant, si on l’examine de près, on verra que cette saillie est tou- 
jours séparée du corps brun proprement dit par la membrane enve- 
loppe de celui-ci; et cela doit être, puisque, dans l’ÆZucratea chelata, 
nous avons vu que le corps brun avait conservé cette membrane in- 
tacte jusque dans l’intérieur même du tube digestif. 

Nous avons par là la preuve directe que ce n'est pas aux dépens de 


la substance inerte du corps brun que le bourgeon se développe, 


mais bien aux dépens de la couche de protoplasme qui l’environne 
et appartient au système nerveux colonial. 


Cette origine, qui me semble démontrée par les faits, pourra pa- 


1 Voir pl. XIII, fig. 1. 


218 - LUCIEN JOLIET. 


raître suspecte au premier abord,à cause du nom même qu’on donne 
à ce tissu depuis Fritz Müller. Ces doutes disparaîtront, j'espère, lors- 
qu'on'saura que le système nerveux colonial, auquel je ne conserve 
ici que provisoirement le nom sous lequel on le connaît, est un tissu 
essentiellement apte aux fonctions reproductrices, et que les bour- 
geons se développent toujours dans sa dépendance. 

En démontrant l’inertie du corps brun, nous faisons rentrer dans 
un Cas déjà connu le développement par germ-capsules (groddkapsel- 
bildning), admis par Smitt et Hincks. Nous diminuons d’autant le 
nombre des origines qu’on donnait aux bourgeons des Bryozoaires, 
nombre que j'espère dans un prochain chapitre ramener à l’unité. 

Pour terminer ce débat, je formulerai sur la nature, le rôle et 
l'origine des corps bruns les conclusions suivantes : 

4° Tout Polypide adulte arrivé au terme de son existence, loin de 
subir une métamorphose régressive, qui le ferait repasser successive- 
ment par tous les états antérieurs, se flétrit, se désorganise et se réduit 
intégralement en une masse arrondie de matière brune, qui est con- 
nue sous le nom de corps brun ; 

2° Le corps brun, résidu d’un Polypide antérieur, se compose prin- 
cipalement des granulations brunes contenues dans les cellules hépa- 
tiques de ce dernier, auxquelles s'ajoutent parfois des débris des 
particules qui ont servi à son alimentation, et les parties dures qui 
entraient dans sa constitution comme dents et plaques du gésier. Le 
tout est enfermé dans une membrane qui s'épaissit avec l’âge, et qui 
est produite par la couche de protoplasme qui l’environne ; 

3° Le corps brun, composé de matière inerte, est incapable de 
servir, soit de point de départ à de nouveaux Polypides, soit de ma- 
tière nutritive pour leur développement, et les bourgeons qui peuvent 
se montrer à sa surface naissent de la couche de protoplasme qui 
l’environne et qui dépend du système nerveux colonial, auquel il est 
suspendu ; 

%° Dans certaines espèces, les nouveaux bourgeons qui naissent 
dans la loge n’entrent jamais en relation avec les corps bruns, qui 
peuvent se trouver au nombre de deux, ou même trois, dans une 
zoécie habitée par un Polypide. 

Chez d’autres espèces, le Polypide naissant commence par déblayer 
sa loge du corps brun qui peut s’y trouver. A cet effet, qu’il se soit 
développé à quelque distance du corps brun ou sur sa surface même, 
il finit tôt ou tard par entrer en relation avec lui. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 219 

Il l'englobe dans sa cavité stomacale, après quoi il le rejette au 

dehors par l’anus, soit en entier avec le méconium, soit par parcelles 
après l’avoir désagrégé. 


CHAPITRE If. 


DU ROLE ET DE LA NATURE DU SYSTÈME NERVEUX COLONIAL DES BRYOZOAIRES, 


S 1. Du système nerveux colonial de la Bowerbantia 
( imbricata Johnst. 


Bien que j'aie, dès le début de mes recherches, examiné le système 
nerveux colonial dans un certain nombre de groupes différents, afin 
d’être bien fixé sur ce que les auteurs désignent sous ce nom, j'ai 
bientôt senti la nécessité de porter mon attention plus spécialement 
sur un type bien choisi, afin de pouvoir, en concentrant mes efforts 
sur un seul point, arriver plus promptement à en posséder une con- 
naissance approfondie, et d’être à même ensuite de le prendre pour 
terme de comparaison. 

Je me suis adressé tout d’abord à la Powerbankia imbricata. 

Son abondance à Roscoff, sa transparence et les autres avantages 
qu'elle offre à l'observateur, et dont J'ai déjà parlé, n’ont pas seuls 
influencé mon choix ; un autre motif plus sérieux m'a surtout engagé 
à prendre ce type comme le premier objet de mes recherches. 

C'est en effet dans une Vésiculaire ou du moins dans un genre 
très-voisin, la Serralaria Coutinhi, Müller (si cette espèce, toutefois, 
peut être bien légitimement déterminée comme Sérialaire), que 
Fritz Müller a décrit, pour la première fois, sous le nom de système 
nerveux colonial, un cordon transparent qui parcourt la tige, renflé 
en ganglions granuleux au niveau des nœuds, et accompagné d’un 
plexus plus ou moins riche ft. 

Ce mémoire du savant allemand a servi de point de départ aux au- 
teurs éminents qui ont trouvé l’analogue de ce système dans les au- 
tres Bryozoaires marins, et notamment dans les Cheilostomes, où il 
est souvent plus difficile à voir. 

Smitt, Claparède, Hincks et la plupart des observateurs, ont été 
d'accord non-seulement pour reconnaître l'existence de ce système 


1 Frirz MuLrer, Archiv für Naturgeschichie, 26° Jahrgang, 1860, p. 310-318, 
pi: XIII. 


220 LUCIEN JOLIET. 


chez les Bryozoaires marins, mais pour affirmer ou admettre sa na- 
ture nerveuse, et, si je mets à part Reichert, qui à émis à ce sujet 
une opinion toute particulière ‘, je ne connais guère que le docteur 
H. Nitsche qui, tout en le décrivant {avec une grande exactitude au 
point de vue anatomique, ne se prononce pas sur sa véritable na- 
ture, mais se refuse tout au moins à le considérer comme un sys- 
tème nerveux ?. 

Je ne m'attacherai pas à discuter les excellents arguments qu’il in- 
voque à l’appui de sa thèse, me réservant d’y revenir plus tard ; mais, 
puisque les auteurs les plus autorisés sont partagés d’opinion sur ce 
sujet, il me semble naturel de remonter au mémoire qui a servi de 
fondement à la théorie du système nerveux colomial, afin de voir, 
en les soumettant au contrôle de nouvelles observations, si les faits 
qui y sont exposés sont bien de nature à légitimer les conclusions 
qu’on en a tirées. 

Fritz Müller a reconnu dans la tige de la Vésiculaire qui fait l’ob- 
jet de son étude : 

1° Un cordon central, qui, parcourant dans sa longueur chacun des 
articles de la tige, se divise à son sommet en autant de branches 
que cet article fournit de ramifications *; 

2 Des ganglions granuleux, qui se trouvent à la base de ces bran- 
ches, aussi bien qu'à la base des zoécies * ; 

3° Un plexus, qui est superposé au cordon central et qui relie 
entre eux les ganglions des branches et ceux des zoécies; 

4° Un nerf, qui se rend du ganglion basilaire des zoécies au bour- 
geon *, et peut-être aussi à l'intestin du Polypide adulte. 

Ces diverses parties sont aussi nettes, aussi faciles à observer dans 
la Bowerbankia imbricata qu’elles peuvent l'être dans la Sercalaria 
Coutinhu. Voyons donc si un examen attentif de leur structure et de 
leurs fonctions nous permettra de les considérer, avec Fritz Müller, 
comme étant! de nature nerveuse. 

A. Funicule. — Prenons d’abord ce nerf qu’il a cru voir (einige 


1 ReicuerT, Vergleichende anatomische Untersuchungen über Zoobotryon pellucidus 
(Abh. Akud  Berl., 1869). 

2 Dr IH. Nrrscue, Reitræge zur Kentniss der Bryozoen (Zeitschrift f. wissens. Zool., 
Band XXI, viertes eft, p. 434-435, et Quart. Journ. of micr. sc.,t. XI, 1871, p. 155). 

3 PL NE MBAMNCNE 

k'PLONE Meg: 

» PI. Mie. 2 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 291 


Mal gesehen zu haben Glaube) se rendre du ganglion basilaire de la 
zoécie à l'intestin du Polypide adulte, et qu'il a « vu avec évidence » 
s'attacher au bourgeon. 

Ce cordon existe manifestement chez l'adulte aussi bien que dans le 
bourgeon ; il rattache l’un et l’autre au ganglion basilaire et, par suite, 
au reste du système. 

Tantôt granuleux, tantôt transparent, et alors fort difficile à voir, 
il n’est reconnaissable, chez l'adulte, que quand l'animal est bien 
épanoui, 

Il ressemble alors à une amarre tendue qui rattache l'estomac au 
fond de la loge, tandis que le lophophore est retenu lui-même par 
les muscles grands rétracteurs. 

Son diamètre estau moins égal au tiers de la largeur de l'estomac. 
Pour un filet nerveux, c’est là, il faut en convenir, une assez belle 
taille. 

Fritz Müller dit n'avoir pas pu constater ses rapports avec le gan- 
glion œsophagien. Cela ne doit pas étonner, puisqu'il n’est pas même 
parvenu à s'assurer positivement de son existence. 

C'est à l’extrémité du cæcum de l'estomac que ce sono vient 
s'attacher, et il se prolonge même, en s’atténuant peu à peu, à une 
certaine distance, sur la face ventrale de cet organe 1. 

Il est extrèmement extensible et contractile, et contribue certaine- 
ment par cette dernière propriété à faire rentrer le Polypide dans sa 
loge, agissant alors, en quelque sorte, comme un troisième muscle 
rétracteur. 

Quand un Polypide se flétrit et meurt, le funicule, car c'est ainsi 
que je l’appellerai maintenant, reste en connexion avec lui, jusqu’à 
ce que, transformé en un corps brun, le zoïde aille se ranger sur les 
parois de la loge, pour faire place à un nouvel individu en voie de 
développement. 

Mais pendant cet intervalle il change fréquemment de forme et 
d'aspect, et, par l'intermédiaire des tissus désorganisés de l’ancien 
habitant de la loge, il contracte souvent avec l’endocyste des adhé- 
rences qui, sous forme de tractus, l’attachent, comme par des 
amarres, en différents points de cette membrane et l'empêchent de 
s’affaisser. 


Lorsqu'un bourgeon se forme à nouveau sur l’endocyste d’une loge 


PI VE Res f. 


222 LUCIEN JOLIET. 


déjà ancienne !, on le voit généralement de très-bonne heure pourvu 
d’un funicule qui atteint alors presque son diamètre ; et depuis même 
que mon attention a été portée sur ce point, je n'ai jamais vu se 
former dans ces conditions aucun bourgeon qui manquât de cette 
attache. Je suis donc porté à croire que les bourgeons se développent 
de préférence sur les points de l’endocyste, où se sont fixées les 
amarres dont J'ai parlé tout à l’heure, et que c’est ainsi que, dès 
leur plus jeune âge, ils se trouvent naturellement pourvus d’un 
funicule 

Si maintenant on veut prendre en considération : l’énorme dia- 
mètre du funicule par rapport à l'estomac de l’adulte et par rap- 
port au bourgeon ; la large surface par laquelle il s'attache à l’un 
ou à l’autre; ses propriétés contractiles; les changements de 
forme qu'il peut subir dans l’interrègne de deux Polypides ; si 
l’on tient compte de sa structure histologique qui nous montre 
dans l'adulte des cellules fusiformes, très-semblables à celles 
que J'ai reconnues dans le cordon central, et qui ne paraissent 
avoir rien de commun avec les éléments d’un tissu nerveux * ; 
si enfin on se rappelle que c’est dans le tissu même du funicule 
que, chez certaines espèces, le testicule se développe comme Van 
Beneden l’a décrit dans le genre Laguncula, il me semble qu'il sera 
difficile de continuer à le regarder comme un simple nerf se rendant 
du ganglion basilaire de la loge à l’estomac, et ayant avec le gan- 
ghion œsophagien des rapports qu’on suppose exister, mais qu’en 
somme on n'a jamais vus. 

B. Ganglions. — Passons maintenant à l’étude des «ganglions » qui 
se trouvent à la base des zoécies et des articles de la tige. 

Il suffit de jeter les yeux sur les figures qui accompagnent le mé- 
moire de Fritz Müller et dont je reproduis l’une sur mes planches”, 
pour s'assurer que cet auteur ne s’est pas fait une idée exacte de 
leur constitution, pas plus que des communications que les zoécies 
ont avec la tige ou que les articles de celle-ci ont entre eux. 

Toutes ses figures, en effet, représentent les troncs nerveux comme 
passant librement et sans obstacle d’un article à l’autre, et se renflant 


PLV RESTE 

2 Cette induction, formée en mars 1877, a été complétement confirmée, comme 
on le verra par la suite. 

8 PL' NE HE ST. 

# PL VITE 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 223 


en ganglions au niveau des articulations. C’est en vain que dans ces 
mêmes planches on chercherait les cloisons transversales qui se trou- 
vent toujours à ce niveau séparant les loges les unes des autres et 
coupant par le milieu ces prétendus ganglions !. 

Il est évident qu'en dessinant ses figures l’auteur n’a pas eu con- 
naissance de ces diaphragmes, il le dit d’ailleurs lui-même dans une 
sorte de post-scriptum intercalé entre parenthèses, p. 313, et dans 
lequel il reconnaît, après avoir examiné d’autres espèces de Cténos- 
tomes, l'existence de séparations entre les articles de la tige ?. 

Cette constatation tardive, et dont Reichert a relevé depuis l’insuf- 
fisance, reste d’ailleurs sans influence sur la description qu'il fait des 
ganglions et sur les conclusions de son mémoire qu’elle aurait dû 
cependant modifier profondément, ainsi que nous allons le voir. 

Comme Reichert l’a déerit, en effet, dans le Zoobotryon pellucidus , 
et comme je l’ai reconnu de mon côté dans la Powerbankia imbricata, 
qu'on les considère, dans la tige ou sur ses côtés, comme articles 
du tronc ou comme zoécies, éléments qui sont d’ailleurs équivalents 
au point de vue morphologique, deux loges adultes sont toujours 
séparées l’une de l’autre par un diaphragme, cloison chitineuse 
comme l'ectocyste, percée en son centre d’une perforation très-fine * 
dont le diamètre n’atteint guère plus d’un centième de millimètre 
et reste toujours inférieur à celui du tronc nerveux et à plus forte 
raison du ganglion. 

Sur chacune des faces de ce disque, le cordon central de la loge 
correspondante s’'épate en se confondant avec l’endocyste et forme 
ainsi un amas de matière granuleuse *. 

La juxtaposition de ces deux amas, qui ne sont séparés que par une 
cloison souvent fort mince, présente assez bien l'apparence d’un 
simple renflement du cordon central qui se continuerait sans inter- 
ruption d’une loge dans l’autre. 


t PI. VIL fig. 1. 

? « Spæterer Zusatz : Nach Beobachtungen an anderen Ctenostomen Bryozoen 
vermuthe ich dass die enizelnen Glieder durch eine von der Hülle ausgehende Quere 
Scheidewand getrennt sind. » 


3 REICHERT, Vergleichende anatomische Uniersuchungen über Zoobotryon pcllucidus 
(Abh. Akad. Berl., 1869). 

* Les diaphragmes du Zoobotryon pellucidus sont percés d’un trou environné de 
plusieurs autres, ce qui constitue ce que Reichert appelle la Rosettenplatle, dans la 
Bowerbankia imbricata, il n’y a qu’une seule perforation. 

SPL NE Cher et 3 9. 


rt 


224 LUCIEN JOLIET. 


Le prétendu ganglion est donc formé de deux moitiés bien dis- 
tinctes, séparées par une cloison etn’ayant entre elles d’autre commu- 
nication qu’une perforation très-fine qui la traverse. 

Il y a loin de là à la structure que représentent les figures de Fritz 
Müller; il y a loin de là aussi à ce qu'on entend généralement par un 
ganglion. 

C. Cordon central et pleæus. — Reste à étudier la partie essentielle 
et fondamentale du système nerveux colonial, c’est-à-dire le cordon 
central avec le plexus qui en dépend et n’en diffère pas d’ailleurs 
pour la structure. 

C'est en vain que l’on chercherait dans le mémoire de Fritz Müller 
des données histologiques propres à légitimer la qualité de tissu ner- 
veux qu'il prête à ce cordon. L'auteur n’a pas cherché à se rendre 
compte de sa structure intime, et l'apparence extérieure du tronc, du 
plexus et des ganglions, jointe à des raisons physiologiques que je 
discuterai en dernier lieu, sont les seuls arguments sur lesquels il se 
fonde pour en faire un système nerveux. 

Quelque obscurs et peu définis que soient les caractères histologiques 
des centres et des cordons nerveux dans les animaux inférieurs, la 
forme des éléments qui le composent est cependant bien un argument 
dont il faut tenir compte quand il s’agit de déterminer la nature d’un 
tissu. 

Histoiogie du cordon central. — Si l’on examine sur le vivant le cor- 
don central, on y reconnaît bien, lorsqu'il est très-transparent, 
quelques striations longitudinales ; on le voit très-souvent dans cer- 
taines parties de la tige, chargé de granulations réfringentes plus ou 
moins abondantes et parfois si serrées, qu’elles le masquent presque 
complétement et ne trahissent que sa direction !. 

Ce dernier fait m'avait, je l’avoue, à lui seul, déjà fortement 
incliné à douter de la nature nerveuse du cordon*?, car je ne sache 
pas qu’un tissu nerveux ait pour fonction ordinaire de servir de 
réserve aux matières nutritives ou plastiques. Mais en somme, par 
l'examen des objets frais, on n'obtient aucune notion précise sur la 
structure intime de ces parties. 

1 PI. VIL fig. 3 cp. 

2 (Ces doutes, fondés sur les mêmes faits, ont été exprimés en 1865 par le professeur 
Giglioli, qui reconnaît que « le anastomosi sono fili di granuli ben differenti nell as- 
petto da veri elementi nervosi » et ne peut se rallier à l'opinion de Fritz Muller : 


« Che dotava animali cosi sempliei di un sisteme nervoso cosi complicato. » (Atli delle 
R. Accad. di Torino, 1866, p. 131.) 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 225 

Il n'en est pas de même si on les traite par un réactif acide. 

L'acide chromique, l'acide picrique réussissent à la longue, mais 
c'est l'acide chlorhydrique faible et lacide osmique très-étendu 
qui m'ont toujours fourni le plus promptement les meilleurs ré- 
sultats. | 

Si l’on à affaire à une branche où le cordon central soit bien trans- 
parent, on voit immédiatement s’accuser avec la plus grande netteté 
des cellules fusiformes accolées, assez allongées, pointues aux deux 
extrémités, plus ou moins renflées au milieu, dirigées toutes dans le 
sens longitudinal‘ et qui ne ressemblent en rien aux prétendus canaux 
dont se composerait le cordon central d’après Reichert. Elles sont 
finement granuleuses, présentent ordinairement quelques granules 
plus gros et très-réfringents, mais je n'y ai jamais vu de noyaux à 
nucléoles aussi nets que ceux que Nitsche et Claparède ont figuré 
dans des parties analogues chez la #lustra membranacea*? et chez la 
Serupocellaria scruposa ?. 

Ces deux auteurs se sont en effet occupés de l’histologie du 
système nerveux des Cheïlostomes. 

Ils ont examiné, le premier un fragment du funicule (funicular 
platte), le second une portion d’un filet pris dans une loge. 

Tous deux ont reconnu daps ces parties des cellules fusiformes fort 
analogues à celles que je présente ici comme appartenant à la Bower- 
bankia, sauf en ce point que les noyaux sont beaucoup mieux accusés 
chez ces Cheïlostomes. 

Si ces deux auteurs s'accordent à peu près sur les faits, ils ne s’en- 
tendent pas aussi bien sur leur interprétation. 

Tandis, en effet, que Nitsche ne voit rien de nerveux dans ce tissu, 
Claparède regrette de ne pouvoir pas décider « si ces cellules fusi- 
formes dont les extrémités semblent s’effacer se continuent par une 
seule fibre ou par un faisceau de fibres". 

Les planches qui accompagnent ce na 5 seront beaucoup plus 
démonstratives qu'aucune explication; dans le cordon je n’ai jamais 
vu les prolongements que Claparède suppose à ces cellules et si des 

1 PI. VIL, fig. 5. 

2 Nirscue, Uber die Anatomie und Entwickelungsgeschichte von Flustra membra- 
nacea |Zeilschrift für wissens. Zool., Band XXI, taf XXX VII. fig. 12). 

__  % CLaparèpre, Beitrage zur Analomie und Entwickelungsgeschichte von der Seebryo- 
| &oen (Zeitschrift für wissens. Zuol., Band XXI, taf. IX, 1 G). 


* Zeitschrift für wissens. Zoo!., Band XXI, p. 159. 
RP VI GS, 8; 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 1877. 15 


226 LUCIEN JOLIET. 


cellules détachées s’atténuent à l’une de leurs extrémités ou sont 
reliées entre elles par des filaments sarcodiques, elles ne ressemblent 
pas pour cela à des cellules polaires. Je ne vois donc pas bien à quelle 
catégorie d'éléments nerveux il serait possible de les rapporter, je 
dois même ajouter qu'elles présentent certains caractères et subissent 
certaines modifications qui paraissent incompatibles avec la nature 
d’un tel tissu. 

Par leur forme, en effet, et par leur contenu, elles diffèrent les unes 
des autres, non-seulement dans deux branches voisines, mais dans la 
même branche, en deux régions d’un même article et sur les deux 
bords d’un même cordon. 

J’ai dit, en effet, tout à l'heure que le cordon central, transparent en 
certains endroits, était, en d’autres, si fortement chargé de granula- 
tons! que sa structure et même sa forme en étaient complétement 
masquées, Même dans les parties les plus transparentes, l’un des bords 
du cordon, celui qui est le plus rapproché des parois de la loge, est 
toujours plus granuleux que l’autre; et si l’on en examine un tronçon 
traité convenablement et sous un grossissement suffisant, on observe 
toutes les transitions entre les cellules fusiformes normales qui occu- 
pent le bord interne et celles qui, se trouvant au bord opposé, ren- 
ferment dans leur longueur toute une série de granules très-réfrin- 
gents. Ces dernières appartiennent bien cependant au cordon central 
et primitivement elles ne différaient pas des autres. 

N’aurait-on pas à invoquer la forme des cellules qui composent le 
cordon central et qui n’est celle d'aucun élément nerveux connu, ces 
variations dans leur aspect et leur contenu non-seulement dans des 
régions différentes, mais sur le même point à différentes époques ne 
sont assurément pas de nature à éveiller l’idée d'un système ner- 
veux. 

Mais, je l'ai dit, ce n’est pas la structure intime qui a servi d’argu- 


ment à Fritz Müller pour motiver sa manière de voir, c’est bien plutôt | 


l'apparence extérieure et notamment celle du plexus. 


Plexus. — Le plexus n’est, dans l'espèce qui nous occupe, rien de# 
distinct au fond du cordon central; c’est un lacis plus ou moins 
compliqué de brides et de tractus qui, se détachant du cordon cen-= 4 
tral ou des ganglions, s’en vont rejoindre soit d’autres parties du | 
système, soit les parois de l’endocyste. La structure histologique en | 


1 PL NID ME" MpI NI Op, 


Ne 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 227 


est toute semblable à celle du cordon principal, sauf peut-être en ceci 
que les granulations y sont souvent plus abondantes. 

C’est un plexus, cela est vrai, et je ne saurais lui donner un autre 
nom, mais est-ce un plexus nerveux? 

Saisissons tout d'abord un aveu que Claparède laisse échapper en 
décrivant le système nerveux colonial de la Bugule : « On ne trouve- 
rait peut-être pas deux loges, dit-il, où le plexus soit semblable à lui- 
même.» 

Quel système nerveux est celui-ci qui affecte des formes aussi va- 
riables ? Ce que l’auteur génevois dit de la Bugule s’applique encore 
plus exactement à notre Vésiculaire. 

Là, en effet, dans nombre de loges iln’y a pas trace de plexusautour 
du cordon central, et là où 1l existe il n'affecte aucune régularité *. 

Ce n’est pas seulement en différents artieles ou en différentes 
branches que sa forme varie, c’est dans le même article à différentes 
époques. Dans l’espace de peu de jours une portion du plexus s’est 
modifiée sensiblement sous mes yeux, puisque j'ai vu un de ses ra- 
meaux s’atrophier et disparaître totalement. Dans une zoécie avant 
la formation d’un nouveau Polypide et surtout pendant sa résorption, 
rien n'est plus changeant que la forme qu'il affecte. 

Terminons enfin cette critique par une dernière observation. Dans 
tous les animaux doués d’un système nerveux, les nerfs ont des rap- 
ports fixes, soit entre eux quand ils s’anastomosent, soit avec les 
organes auxquels ils se rendent et auprès desquels ils sont chargés 
de certaines fonctions, soit motrices, soit sensitives. 

Nous venons de voir que pour leurs anastomoses elles n’ont abso- 
lument rien de constant. En est-il autrement de leurs rapports avec 
les organes ? 

Nullement. Les branches du plexus ne se rendent pas à telle ou 
telle partie du Polypide ou de la zoécie, aux muscles rétracteurs ou 
extenseurs par exemple, mais on les voit au contraire se diriger vers 
des points indéterminés des parois de la loge, où assurément il n’y a 
ni mouvement à déterminer ni sensation à percevoir, et là, contrac- 
tant adhérence avec l’endocyste par une large surface elles s’y per- 


dent, s’y soudent, s’y fondent, mais n’y forment rien qui ressemble à 
une terminaison nerveuse *. 


? CLAPARÈDE, Zeitschr, f. wissens. Zool., t. a pr 158 
il VII, fig. 1 et 2. 


3 PI. XXIV, fig. 2. 


un 


228 LUCIEN JOLIET. 


D. Remarques générales. — Conclusion. — Si l'examen attentif de 
la structure intime du cordon central et de ses dépendances n’a pas 
été favorable à la théorie du système nerveux colonial, nous voyons 
maintenant que la connaissance plus parfaite de ce que j'ai appelé 
les apparences extérieures l’ébranle encore davantage. 

Deux faits anatomiques semblaient en effet surtout militer en fa- 
veur du système nerveux colonial, le plexus et les ganglions. 

Sans parler de sa taille vraiment démesurée, le plexus, nous venons 
de le voir, présente dans sa forme et dans ses rapports une variabilité 
qui n’est véritablement pas compatible avec la notion d’un système 
nerveux et ses branches se rendent le plus souvent aux parties qui ont 
le moins besoin de nerfs. 

Quant aux ganglions, nous savons qu’on ne doit pas leur conserver 
même ce nom, puisque, loin d’être des dilatations du cordon central, 
ils sont presque coupés en deux par un diaphragme qui ne laisse entre 
leurs deux moitiés qu'une étroite communication. 

Enfin, un dernier argument tiré de l’anatomie me reste à opposer 
à la théorie du système nerveux colonial des Vésiculaires. 

Le funicule est tellement semblable au reste de ce système nerveux 
par sa forme, par sa taille, par ses rapports avec le ganglion basilaire, 
que Fritz Müller n'avait pas hésité à le considérer comme une dé- 
pendance de ce système. 

Ce funicule à de plus tout à fait la même structure histologique ‘ 
que le cordon central; il lui est donc à tous égards comparable, 

Or, nous savons qu'il est éminemment contractile. 

Est-ce là une propriété des tissus nerveux ? 

Plusieurs de ces faits et notamment la nature des ganglions et la 
structure histologique du cordon sont $i faciles à observer et moti- 
vent si peu la théorie du système nerveux colonial, je dirai même 
qu'ils ont tant de peine à y cadrer, qu’on est naturellement tenté de 
chercher quel est l'argument puissant qui à fait passer Fritz Müller 
par-dessus ces difficultés. 

Cet argument, il me semble le trouver avec la plus grande évidence 
au début du mémoire du savant allemand et dans la méthode même 
qu'il a suivie pour exposer ses idées. 

Frappé des mouvements simultanés que les divers membres d’une 
colonie de Bryozoaires exécutent souvent simultanément, et dont, 


1 PI. VI fig. 5. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 229 


pour ma part, je verrais facilement l'explication dans une cause 
commune agissant en même temps sur tous, l’auteur se demande si 
ces mouvements d'ordre général et supérieur ne procèdent pas de 
plus haut que des loges individuelles ; il pense qu’il doit exister un 
organe de transmission qui commande tous ces mouvements, en un 
mot, un système nerveux colonial, et il le cherche. 

Il trouve dans la Serialaria Coutinhii un réseau de cordons qui 
relient les individus, un plexus, quelque chose qui ressemble à des 
ganglions ; cela suffit, c'est plus qu'il n’en faut; il s’en empare, il en 
fait un système nerveux, il prédit qu'on trouvera semblable chose 
dans les autres Bryozoaires ; on trouve bientôt en effet quelque chose 
d’analogue dans les Cheiïlostomes, et sa théorie, confirmée d’une ma- 
nière éclatante, est acceptée sans conteste jusqu’à ce que des objec- 
tions très-sérieuses s’élèvent contre elle. 

C'est donc, on le voit, un fait physiologique qui a fait concevoir à 
Fritz Müller, je suis presque tenté de dire & priori, la nécessité d’un 
système nerveux colonial. 


Examinons ce fait, 
Je dois dire que je n'ai jamais été témoin d’aucun de ces mouve- 


ments d'ensemble exécutés par tous les individus d’une colonie, qu’il 
ne me parûl avoir pour cause quelque choc ou quelque accident de 
nature à frapper simultanément tous les individus. 

Mais, quelque opinion qu’on ait à cet égard, reste à déterminer si 
c'est bien par l’entremise du cordon central que se fait la transmis- 
sion des sensations, et si cet organe est réellement capable de rem- 
plir une telle fonction. 

C'est ce dont j'ai essayé de me rendre compte par l’expérience 
suivante : 

Je choisis dans une de mes cuvettes une branche bien vivante de 
Bowerbankia imbricata récemment arrivée de Roscoff. 

Un Polypide était en plein épanouissement à son sommet. 

J'approchai de la branche des ciseaux fins. Le seul mouvement de 
l'eau fit rentrer l’animal dans sa loge. 

Peu de temps après, il sortit à nouveau, je repris mes ciseaux et, 
cette fois, je pinçai avec soin la branche. 

Inquiété par ces mouvements, le zoïde se rétracte, mais bientôt 
il ressort, puis rentre pour s'épanouir encore. 

Enfin, habitué sans doute aux petites secousses que par l’in- 
iermédiaire des ciseaux le tremblement de ma main déterminait 


230 LUCIEN JOLIET. 


dans le rameau, il resta épanoui pendant près d’une demi-minute. 

Je fermai alors doucement mes ciseaux bien aiguisés, la branche se 
détacha, et, en la suivant à la loupe, je pus m'assurer que, ni pen- 
dant que j'en opérais la section, ni pendant qu’elle tombait au fond 
du vase, le Polypide ne s'était rétracté. 

Il demeura au contraire épanoui au fond de la cuvette, témoignant 
bien par là qu'il était resté tout à fait étranger à l'opération qui le sé- 
parait de la plus grande partie de la colonie. 

Je portai ensuite la branche coupée sous le microscope, et je con- 
statai que la zoécie occupée par le Polypide en question recevait bien 
un rameau du cordon central qui avait été sectionné. 

Un organe qui ne transmet pas aux parties auxquelles il se rend le 
sentiment d’une lésion aussi considérable mérite-t-il le nom de sys- 
tème nerveux ? 

Il y aurait encore beaucoup d’arguments à faire valoir contre la 
théorie du système nerveux colonial, mais, comme ils seraient sur- 
tout tirés du rôle et de la nature de ce système, ils trouveront mieux 
leur place dans le prochain paragraphe. 

Pour le moment, me fondant sur les faits tant anatomiques que 
physiologiques que je viens d'exposer, je me borne à déclarer que je 
ne puis, en aucune manière, le considérer comme un système ner- 
veux colonial. 


S 2. Importance, fonctions et attributions du système nerveux colonial 
des Bryozoaires. 


Nous venons de terminer le chapitre qui précède par cette conelu- 
sion que le prétendu système nerveux colonial de la Bowerbankia 
imbricata n'avait rien de nerveux. 

Cette conclusion est-elle applicable aux autres Bryozoaires ? Le 


système nerveux des Cheilostomes est-il homologue de celui de la 


Bowerbankia ? 

A cette demande, tous les auteurs ont déjà répondu affirmativement,. 

Sans doute le système en question ne se présente pas partout avec 
la même forme; dans la plupart des Cheilostomes, il est impossible de 
distinguer un cordon principal, tout s’y réduit à un plexus, mais cela 
tient uniquement au mode de groupement des loges et à l'absence de 
tronc commun. 

En effet, dans les espèces où les loges se succèdent sur une seule 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 231 


file formant quelque chose d’änalogue à un stolon, dans l’Anguinaria 
spatulata, par exemple, on voit ce stolon parcouru par un cordon 
principal duquel se détachent les funicules des Polypides successifs, 
et aux points où deux articles se joignent, le cordon s’épate sur les 
deux faces de la cloison qui les sépare, formant, comme dans la Bo- 
werbankia, une apparence de ganglion. 

L'examen histologique nous démontre encore mieux l’homologie, 
ou plutôt l'identité des deux objets. Dans la Bicellaria, dans la Bu- 
oule !, dans toutes les espèces que j'ai étudiées, j'ai rencontré les 
mêmes cellules fusiformes que dans la Bowerbankia ; il n'y a de va- 
riations que dans la taille des cellules et dans le nombre et la netteté 
de leurs noyaux. — J'aurai occasion de revenir plus tard sur les di- 
verses formes que peut prendre le système nerveux colonial chez les 
différents Bryozoaires ; pour l'instant, je me borne à constater qu’au 
point de vue anatomique et histologique, il n'y a lieu d’établir entre 
elles aucune différence fondamentale. 

Aussi bien, la physiologie nous conduit aux mêmes conclusions. Il 
m'est plusieurs fois arrivé, voyant bien épanouis au fond de mes 
cuvettes des groupes de Cellepora ou d’Alcyonidium, de ‘toucher suc- 
cessivement avec une aiguille la couronne tentaculaire de chacun des 
Polypides. [ls rentraient tous isolément dans leur loge sans qu'il y ait 
eu en rien Communication d'impression; au contraire, ils se rétrac- 
taient simultanément au moindre choc. 


Si ce qu’on à désigné sous le nom de systéme nerveux colonial ne 
mérite pas ce nom, qu'est-ce donc que ce plexus, cet ensemble de 
cordons reconnus chez tous les Bryozoaires, quel est le rôle de ce sys- 
tème, quelle est sa nature, quelle est sa signification morphologique ? 

Pour répondre à cette nouvelle question, il faut reprendre de plus 
près l’étude de la structure intime du tissu qui le compose. 


A. Origine des cellules flottantes (Fettkroppar). — Que l’on examine, 
soit à l’état frais, ou mieux après traitement par l’acide osmique 
faible le cordon principal dans une branche de Bowerbankia im- 
bricata® ou de Vesicularia spinosa; on reconnaîtra avec beaucoup 
de facilité les cellules fusiformes qui le constituent, et, pour peu 


1 PI. XII, fig. 8. 
2 PI, XI, fig. 9. 


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232 LUCIEN JOLIET. 


que l'examen se soutienne et que l’on observe le cordon sur une 
certaine longueur et dans une région où il soit bien transparent, on 
trouvera certainement en quelque point des cellules plus ventrues 
que les autres. Il m’est arrivé plusieurs fois, comme mes planches en 
font foi ‘, de tomber sur des endroits où l’on pouvait observer sur le 
cordon toutes les gradations dans la forme des cellules, depuis la sim- 
ple cellute normale fusiforme et étroite, par la cellule ventrue, jusqu’à 
celles qui, boursoufflées et arrondies, prêtes à se détacher, ne tiennent 
plus au cordon que par une de leurs extrémités. 

Il est impossible de constater ces transitions et de voir la manière 
dont ces cellules arrivent à se déformer et à se séparer du cordon 
sans les comparer aux celiules de même taille qu’on voit flotter dans 
le liquide qui remplit les zoécies ou les articles de tiges et que les 
auteurs anglais désignent sous le nom de floating cells ?. 

Ces cellules, qu’on les considère au moment où elles sont prêtes à 
se détacher du cordon, ou qu’on les prenne libres dans le liquide am- 
biant, se composent d'une membrane mince et transparente affectant 
une forme arrondie ou légèrement ovale et contiennent le plus sou- 
vent un, deux ou plusieurs granules de très-petite tailie et très-ré- 
fringents. 

Cette catégorie de cellules flottantes n’est pas particulière aux Vé- 
siculaires, j’en ai trouvé de toutes semblables dans la Picellaria ciliata* 
la Bugula avicularia et plusieurs autres espèces. 

Ce ne sont d’ailleurs pas là les seuls Corpuscules flottant dans le 
liquide des loges qui tirent leur origine du prétendu système nerveux 
colonial. On rencontre encore dans l’intérieur des articles de tige de 
la Powerbankia imbricata des cellules à peu près comparables aux 
précédentes pour la taille et pour la forme, mais dont la cavité, au 
lieu d'être occupée par un contenu clair ne renfermant que quelques 
granules disséminés, en est au contraire complétement bourrée. Ces 
cellules se forment de la même manière que les précédentes, mais 
dans les régions où le cordon est lui-même surchargé de granules. Il 
arrive souvent que la membrane de ces cellules se déchire et laisse 
échapperles noyaux qu'elle contenait, qui se trouvent de la sorte isolés 
dans le liquide cavitaire et ordinairement collés aux parois de la loge. 


1 PI XI fig. 9. 
PI. Xhiene 
Pl. ie" 10 


1 
| 


|| 
| 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 233 

Voici encore une espèce de corpuseules flottants qui est très-géné- 
ralement répandue chez les Bryozoaires. La Lagenella nutans en à 
ses loges remplies, mais c’est surtout.,chez les Cheilostomes * qu’on 
la rencontre. Ce sont des granules très-réfringents, transparents, qui, 


au lieu d'être arrondis comme ceux que nous venons de voir et ren- 


fermés dans l’intérieur de cellules, sont libres, plus ou moins angu- 
leux et ressemblent à des noyaux de cellules. 

On les voit tantôt flottants, tantôt suspendus à des filaments qui 
dépendent du système nerveux colonial et servent soit à réunir diffé- 
rents rameaux du plexus, soit à rattacher ces mêmes rameaux aux 
parois de la loge. Ces granules sont en quelque sorte un épaississe- 
ment de ces filaments en certains points, une sorte de condensation à 
une place déterminée du protoplasme qui les constitue, et lorsque le 
filament vient à se rompre en dessus et au-dessous, ils deviennent 
libres et flottent dans la cavité générale. D’autres fois 1ls résultent de 
la transformation en place des cellules du cordon ou de ses dépen- 
dances. Toujorers est-il que dans tous les cas, dans les zoécies adultes, 
ils dérivent toujours du prétendu système nerveux colonial. 

Cette espèce de corpuscule flottant est extrêmement répandu chez 
les Bryozoaires; on en trouve de semblables, et se formant de la 
même facon, chez les Bugules, l’£ucratea, V'Anguinaria et bien 
d’autres. 

Nous sommes donc en droit de dire en terminant que plusieurs des 
corpuscules flottants que l’on rencontre dans le liquide cavitaire des 
loges adultes dérivent du système nerveux colonial dont ils ne sont 
que des éléments transformés. 

Smitt? a fait une étude spéciale de ces corpuscules et de leur rôle, 
mais il n'avait pas mis en relief leurs rapports avec le prétendu 
système nerveux dont une des fonctions, nous le voyons par là, est 
de produire des corps qu'on peut assimiler aux globules sanguins des 
animaux inférieurs. | 

B. Développement des éléments reproducteurs. — Le même auteur 
suédois fait entre les granules de Fettkroppar ou corpuscules san- 
guins et les éléments reproducteurs mâles un rapprochement qui à 
été discuté, mais qui se trouve, comme nous allons le voir, parfaite- 
ment fondé. 


+ PIX fiat 
MP. X, fer 0 
5 SMiTT, Om Hafsbryozoemas Utveckling och Feltkroppar. 


234 LUCIEN JOLIET. 


Je prendrai pour premier sujet d'étude la Va/keria cuscuta, qui, à 
cause de sa transparence, se prête à merveille à ce genre de re- 
cherches. « | 

Le bourgeon est à peine ébauché, on commence seulement à 
reconnaître les saillies qui deviendront les tentacules, et déjà dans le 
sein du funicule nettement accusé à cette époque, bien qu’il soit 
souvent encore accolé sur une certaine longueur aux parois de la loge, 
il se fait une prolifération active des cellules qui, à mesure qu’elles 
naissent, s’arrondissent comme les cellules flottantes ordinaires et, se 
repoussant les unes les autres, finissent par s’accumuler et constituer 
autour du funicule une masse framboisée de forme irrégulière . On 
distingue dans chacune d’elles, lorsqu'elles commencent à mürir, un, 
deux ou trois petits noyaux clairs, et c’est seulement lorsque le Poly- 
pide touche à son développement parfait qu’elles se détachent pour 
tomber dans la cavité de la loge et finissent par laisser à découvert le 
tissu central et normalement constitué du funicule. Elles se séparent 
une à une ou plus souvent par paquets et le ou les noyaux qu’on 
apercevait dans chacune d'elles, devenus des Spermatozoïdes par- 
faits, commencent à sortir de la cellule mère en passant d’abord leur 
queue à travers la paroi perforée de leur prison”. L’accumulation de 
cellules mères se fait à peu près également sur toute la longueur du 
funicule ; cependant vers le haut elles sont plus clair-semées, de sorte 
qu'on remarque généralement assez bien tout au sommet et au con- 
tact du cæcum stomacal*? deux cellules qui, comprises dans une 
enveloppe commune, prennent de bonne heure une taille un peu 
supérieure à celle des autres, dont elles n’étaient pas distinctes primi- 
tivement. Elles sont empâtées, pour ainsi dire, dans le tissu du funi- 
cule ; ce sont les rudiments des œufs. | 

Plus d'un observateur a vu avant moi les cellules mères des Zoo-M 
spermes se développer sur le funicule ; Van Beneden les a figurées en | 
184% dans sa belle monographie de la Laguncula repens et tout le 
monde sait que c’est sur le même appendice que se développe le 
testicule des Bryozoaires d’eau douce. Il n’est done pas étonnant que 
j'aie pu voir se former absolument de la même manière les cellules 
mères dans le sein du funicule chez un certain nombre d'espèces 


1,PL Xi eue 
2 Pl. XL, ME.10; 
B Pi, X,U£. 2,07 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 235 


variées, la Zicellaria ciliata, la Bowerbankia imbricata, la Lepralia 
Marty. 

Il est au contraire admis généralement que les œufs se développent 
vers le sommet de la loge sur les parois de l’endocyste, comme cela a 
lieu chez les Bryozoaires d’eau douce. Ils ont été figurés dans cette 
position par Van Beneden chez la ZLaguncula repens', par Nitsche 
chez la Picellaria céliata ?, par Smitt chez la Scrupocellaria scruposa *. 
Il peut donc paraître surprenant que je présente ici les œufs d’une 
Vésiculaire comme se développant dans le sein même du funicule. 
Rien cependant n’est plus exact et je les ai observés maintes fois à 
cette place. J'ajoute que le développement de l'œuf dans le funicule 
n’est pas un fait isolé ni particulier à la Valkeria cuscuta, comme 
on va le voir. 

J'ai observé les œufs dès l’époque où ils ne sont encore qu'indi- 
qués, et suivi leur développement dans les sept espèces suivantes : 
Bowerbankia imbricata, Lagenella nutans, Valkeria cuscuta, Bicellaria 
cihiata, Bugula flabellata, Buqula avicularia, Lepralia Marty, et par- 
tout j'ai pu constater avec la dernière évidence que des œufs nais- 
saient dans le sein même du funicule, à côté des Zoospermes, et 
dans la dépendance du Polypide. 6 

J'ai déjà indiqué comment les choses se passent dans la Va/keria 
cuscuta, où les faits ne permettent aucun doute. Ils sont tout sem- 
blables dans la Powerbankia imbricata* et la Lagenella nutans, et le 
mode d’origine, aussi bien que le mode d'évacuation de la larve, sont 
tellement caractéristiques, comme on le verra plus loin, qu’il est im- 
possible de s’y méprendre { 

Dans la Bicellaria ciliata on remarque presque en tout temps au- 
dessous du cæcum stomacal un corps ovoïde transparent que 
Hincks a même indiqué sans en connaître la signification dans la 
figure que j'ai reproduite (pl. VIIT, fig. 10). Ge corps est une dépen- 
dance du funicule aux dépens de la substance duquel il est constitué. 

Or, ce n'est autre chose que l'ovaire et c’est dans son sein que se 
forment les œufs. La masse se divise en deux tout d’abord, les deux 
moitiés restent longtemps accolées, mais l’une d’elles prend rapide- 


! VAN BENEDEN, Recherches sur les Laguncules, pl. I. 
? Nirsoe, Zeitschrift, Band XX, pk I, fig. 14, ov. 

3 Smirr, Om Hafsbryozoernas Utveckl., pl. VIL fig. 1, o. 
L PI. X, fig. 3, ov. 

RL. X, fe, 1 op: 


e 


236 LUCIEN JOLIET. 


ment un accroissement plus grand et une teinte grise, elle devient 
finement granuleuse et de plus en plus opaque; enfin elle se détache 
du funicule et on la voit cheminer vers le haut de la loge, se rendant 
sans, doute dans l’ovicelle. La masse qui était restée en retard se 
développe à son tour, à moins qu’elle ne subisse une nouvelle divi- 
sion, Car J'ai souvent vu dans une même loge deux œufs en voie de 
maturation indépendamment de l’ovoïde hyalin qui persistait encore, 
Ces œufs ont un vitellus assez fortement granuleux et opaque pour 
masquer la vésicule germinative ; il est cependant impossible de 
douter de leur nature ovulaire quand on en voit, ce qui m’esl arrivé 
souvent, dans l’ovicelle à tous les états de développement, depuis le 
moment où ils ne sont encore segmentés qu’en deux sphères jusqu’à 
celui où, passés à l’état de larve, ils sont prêts à s'échapper. 

Dans la Pugula avicularia, Claparède avait déjà signalé les rapports 
des œufs avec le funicule, la masse ovarienne se développe comme cet 
auteur l’a reconnu de très-bonne heure ; mais, dès le début, c’est 
dans le sein du funicule qu'elle se constitue et tout au sommet de 
cet organe '; c’est à la même place que les œufs se produisent succes- | 
sivement au nombre de deux ou quatre par des divisions successives ?, 
Dans cette espèce les œufs ont de bonne heure une teinte rosée, leur 
contenu est plus clair que dans l'espèce précédente et on distingue 
nettement la vésicule et la tache germinative. 

Dans les deux espèces, le même funicule qui produit à son sommet 
des œufs, développe dans la partie inférieure des Spermatozoïdes. 

Dans la Picellaria ciliata particulièrement les faits sont faciles à 
observer et, tandis que l’œuf se développe vers la partie renflée de 
la loge, c'est dans la région inférieure et étroite que les cellules du 
funicule subissent cette transformation particulière qui en fait des 
cellules mères de Zoospermes *. 

Dans la Leprala Martyr Vovaire, qui est volumineux, se trouve 
précisément à la place où le funicule communique avec le système 
nerveux colonial des zoécies voisines et, ayant observé un très-jeune 


1 Dès 1856, Huxley (Nofe on the Reproduct. org. of Cheilost Polyz., dans Q. J. micr., 
sc.,t. IV, p.191) a décrit la formation de l’œuf et des Zoospermes dans le sein du 
funicule de la Bugula avicularia. L’œuf, d’après lui, est attaché immédiatement au- 
dessous de l'estomac du Polypide et présente deux taches germinatives. On voit par 
là que c’est l’ovaire entier, avec les deux œufs qu'il contient, que l’auteur anglais à 
pris pour un œuf; mais, à part cela, sa description est très-exacte. 

2 PL Xe: Et 6: 

» PL X, fig. d':0m> pL'XL Me tm: 


| 
| 
| 
| 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 237 


ovaire, j'ai pu voir distinctement le funicule se détacher de sa surface 
pour gagner le corps brun à côté duquel se développait un jeune 
bourgeon ?, 

C'est donc encore dans la substance du prétendu système nerveux 
colonial que l'ovaire se développe chez la Lepralia Martyi. Gomme 
dans les espèces précédentes, les œufs y naissent par paires, mais de 
la manière suivante : 

La masse ovarienne primitive se divise en deux portions, l’une 
reste tout d’abord rudimentaire, l’autre au contraire se développe et 
se creuse d’une cavité transparente dans laquelle apparaissent deux 
œufs dont l’un prend un développement très-rapide, tandis que l’autre 
attend pour se parfaire l'entière maturation du premier *. 

Le testicule, dans la même espèce, dont les zoécies sont d’ailleurs, 
j'ai de fortes raisons de le croire, unisexuées, se développe à la même 
place que l'ovaire et aux dépens du même tissu funiculaire; on voit 
nettement à travers les parois transparentes de la loge les Zoo- 
spermes passer leur queue à travers des cellules rondes qui ressem- 
blent absolument aux cellules flottantes du liquide cavitaire *. 

En présence de ces faits, que dirai-je des observations de Van 
Beneden, de Nitsche et de Smitt, qui figurent les œufs au sommet de 
la loge dans trois espèces différentes ? 

Je suis resté longtemps dans le doute au sujet des observations de 
Van Beneden, car une Vésiculaire fréquente à Roscoff, la Lagenella 
nutans, me paraissait se rapporter aux descriptions du savant profes- 
seur de Louvain et J'y avais vu le développement de l'œuf se faire 
d’une manière bien différente. 

Je dois à l’extrême obligeance de M. Ed. Van Beneden, qui a bien 
voulu recueillir et m'envoyer d’Ostende des échantillons de Lagun- 
cules, d’être sorti de ce doute. 

Les Laguncules que j'ai reçues de Belgique conservées dans 
l'alcool étaient en pleine reproduction et j’ai pu constater la parfaite 
exactitude des dessins et descriptions de l’auteur. Les œufs sont dans 
l'adulte sur les parois de la loge, ils sont de fort grande taille et assez 
nombreux, et il semble, lorsqu'on examine l'ovaire dans cet état, 
qu'il ne puisse y avoir le moindre doute, et que réellement les œufs 
se développent sur les parois de la loge et aux dépens de l’endocyste. 

1 PI. XI, fis.3,:fn, ov. 


2 PI, XL, fig. 6. 
3 PI. XI, fig. 40. 


238 LUCIEN JOLIET. 


Les idées changent au contraire si l’on examine le bourgeon. Van 
Beneden croit que les Zoospermes ne se développent que sur le fu- 
nicule du Polypide adulte. Cependant j'ai vu avec la plus grande 
netteté la masse des cellules mères au-dessus du bourgeon à peine 
ébauché, elle est toute semblable à celle qu’on observe dans les autres 


Vésiculaires (fig. 1). 


Fi. 1.— Jeune bourgeon de Laguncula FiG. 2. — Bourgeon plus avancé ; 
repens. V. B. fn, funicule ; em, cellu- les œufs qui deviennent progres- 
les mères des Zoospermes et des œufs sivement distincts des cellules 
non encore différenciés et se dévelop- mères de Zoospermes, s’étalent 
pant dans le sein de ce cordon. sur la paroi de la loge. 


“ 


A cette époque il n’y a pas trace d'ovaire, mais la masse des cel- 
lules mères embrasse presque toute la largeur de la loge et touche 
les parois. 

C’est alors, comme le montre la figure 2, représentant un bourgeon 
plus avancé, c’est alors que les cellules mères les plus rapprochées 
du Polypide prennent un accroissement spécial et une forme particu- 
lière ; il se fait en cette région une prolifération active de cellules, et 
le tissu constitué par leur ensemble s’étale sur les parois de la loge, y 
contracte adhérence, et lorsque le tissu du testicule commence à 
s’atrophier par suite de la fonte de ses cellules et de la mise en liberté 
des Zoospermes, alors seulement il y a discontinuité entre le funicule 
et l’ovaire, qui, comme on le voit, en provient primitivement et n’a 
pas une autre origine que le testicule. 


21 


‘+ 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 239 


Ce cas rentre donc encore dans la loi générale; mais, par le nombre 
de leurs œufs et par le mode d'évacuation que van Beneden a décrit, 
aussi bien que par la constitution de l'appareil operculaire, les Lagun- 
eules n’en constituent pas moins, dans la famille des Vésiculaires, 
un type très-remarquable et tout à fait à part. 1 

Les observations de Nitsche et de Smitt ont un tel caractère de 
précision, qu'il est impossible, quand on a lu les mémoires de ces au- 
teurs, de douter de l'existence d’une paire d’œufs vers le sommet 
de la loge dans la Picellaria ciliata et la Scrupocellaria scruposa. 

J'ai, d’ailleurs, observé le même fait dans la WMembranipora mem- 
branacea. Au mois de mai, les loges étaient bourrées de spermato- 
zoïdes. Sur l'une des parois latérales de chaque loge et vers le bas, 
on observait un amas de cellules à noyaux clairs : c'était le testicule, 
fort semblable d’ailleurs à celui de la Lepralia Martyr. 

Sur l’autre paroi et vers le haut, on distinguait un œuf granuleux 
assez opaque, 

L’ovaire, comme le testicule, était au niveau de ces plaques cri- 
blées, à travers lesquelles passent d'une loge à l’autre les fibrilles du 
système {nerveux colonial, et qui sont à peu près semblables dans 
cette espèce à celles que Nitsche a décrites sous le nom de #osetten- 
platte dans la Flustra membranacea. 

Que dirai-je maintenant des œufs pariétaux de la Picellaria ciliata, 
après avoir décrit comme Je l'ai fait les œufs funiculaires? Pendant 
tout l’été, depuis mai jusqu’en août, je n’ai jamais vu que les œufs 
funiculaires. Je les ai vus à tous les états de développement, depuis 
le moment où ils diffèrent à peine d’une des cellules du funicule 
d’un jeune bourgeon jusqu’à celui où, devenus volumineux et granu- 
leux, ils cheminent vers le haut de la loge, depuis le moment où ils 
sont encore reconnaissables dans l’ovicelle, dès le début de la seg- 
mentation, jusqu’à celui où ils sont transformés en larves ciliées. Je 
n'avais pu trouver aucun œuf pariétal, lorsque en septembre j’eus la 
bonne fortune de rencontrer sur une même branche les deux espèces 
d'œufs”. J’en conserve la préparation. Les œufs pariétaux sont très- 
nets et ressemblent parfaitement à ceux que Nitsche a figurés”. Par 
malheur, l’époque avancée de la saison ne m'a pas permis de pour- 
suivre plus avant l'étude de ces œufs et de leurs transformations. 


1 PI. X1, fg:2, ovp, ovf. 
2 PI. XD te 7. 


ee Re ES pe à 


RE 


240 LUCIEN JOLIET. 


Je ne puis que donner pour ce qu'il est ce fait qui me paraît incon- 
testable; la Pricellaria ciliata produit deux espèces d'œufs; les uns 
dans le sein du funicule, les autres sur les parois de la loge. 

Sous toutes réserves, je proposerai Cependant les considérations 
suivantes : 

Je n’ai jamais vu d'œufs pariétaux au commencement de l'été; j'en 
al, au contraire, observé un certain nombre en septembre. 

Nitsche les donne, de son côté, comme se produisant dans l'arrière 
saison. 

Les Picellaria, d'autre part, sont déjà en pleine reproduction au 
commencement de mai et les ovicelles bourrés de larve. 

Les deux modes de reproduction ne se succèdent-ils pas ? 

En second lieu, j'ai constamment vu que les zoécies contenant des 
œufs pariétaux étaient dépourvues d’ovicelles, bien que plusieurs 
loges fussent adultes et les œufs bien développés. 

Les zoécies pourvues d’un œuf funiculaire développé étaient, au 
contraire, constamment accompagnées d’un ovicelle. Il est curieux 
que, sur la figure de Nitsche, la zoécie où il représente des œufs pa- 
riétaux manque justement seule d’ovicelle !. Est-ce un hasard ? 

Dans la Scrupocellaria scruposa, j'ineline beaucoup à croire qu'il 
existe aussi deux sortes d'œufs, car je n'ai aucune raison de révoquer 
en doute les observations de Smitt, et cependant J'ai bien certaine- 
ment vu des œufs se développer au fond de la loge et au-dessous du 
Polypide au mois de juillet. 

Tout en regrettant de ne pouvoir cette année étudier plus à fond 
cette question, j'insisterai sur les remarques suivantes : 

Ce n’est jamais sur la paroi externe de la zoécie, mais sur celle qui 
est en contact avec la seconde rangée de loges, que se développent 
les œufs, là où, dans la Scrupocellaria, Claparède a démontré l’exis- 
tence de communications nerveuses entre les deux loges adja- 
céntes?. 

Il en est de même dans la Bicellaria, aussi bien que dans la Mem- 
branipora prlosa. 

Les œufs pariétaux paraissent donc avoir quelques rapports avec le 
système nerveux colonial. En l'absence de documents précis, je ne 
puis m'avancer davantage. 


1 NirscxEe, Zeitschrift, Band XX, pl. I, fig. 14. 
2 CLAPARÈDE, Zeitschrift, Band XXI, pl. IX, fig. 1, c. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 241 


Quoi qu'il en soit, de tous les faits qui viennent d’être exposés, je 
suis en droit de tirer les conclusions suivantes : 

Les éléments reproducteurs mâles se développent aux dépens du 
tissu du système nerveux colonial dans les sept espèces suivantes : 

Bowerbankia imbricata, Valkeria cuscuta, Lagenella nutans, Lagun- 
cula repens, Bicellaria ciliata, Lepralia Marty, Membranipora mem- 
branacea. 

Les œufs sont produits dans le sein du même tissu chez les : 

Bowerbankia imbricata, Valkeria cuscuta, Lagenella nutans, Laqun- 
cula repens, Bicellaria ciliata, Bugula avicularia, Bugula flabellata, 
Lepralia Martyr. 

Des œufs pariétaux existent chez la Picellaria ciliata et la Membra- 
nipora membranacea, et sans doute chez un plus grand nombre 
d'espèces. 

On peut déduire de là que les Zoospermes dans tous les cas, les 
œufs très-souvent, peut-être généralement, se développent, comme 
les globules du liquide cavitaire, aux dépens du tissu du prétendu 
système nerveux colonial. 

C'est un argument de plus contre la nature nerveuse de ce tissu. 

C’est une marque de son importance dans l’économie du Bryozoaire. 

C’est en dernier lieu une preuve que la théorie de Ed. van Beneden 
sur la distinction originaire du testicule et de l'ovaire ne saurait être 

appliquée aux Bryozoaires, puisque dans plusieurs espèces, et notam- 
| ment dans quatre vésiculaires, nous voyons que, loin d’être produits 
| par deux feuillets différents, les éléments mâle et femelle se déve- 
| loppent côte à côte et dans le même cordon. 
C. Développement du Polypide. — Nous avons vu dans la première 
partie de ce travail que Hincks, résumant les opinions qu’il partage 
_ avec plusieurs observateurs, admettait que le renouvellement du Po- 
 lypide pouvait se faire de deux manières dans l’intérieur de la loge : 
1° Par bourgeonnement de l’endocyste ; 
: 2° Par développement du corps brun ou germ-capsule. 
_ Il peut paraître invraisemblable 4 priori que le Polypide, toujours 
semblable à lui-même, ait deux origines différentes. Nous savons, 
d’ailleurs, que le corps brun étant incapable par lui-même de bour- 


 geonner, on doit admettre que le bourgeon se forme simplement à 
sa surface!, 


| 
1 Voir plus haut, p. 25. 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. == T, VI. 1877. 16 


242 LUCIEN JOLIET. 


Les figures 1 et 2 de la planche XIIT représentent, l’une, la pre- 
mière ébauche d’un Polypide se développant sur le corps brun dans 
l'£ucratea chelata; la seconde, un bourgeon déjà avancé se dévelop- 
pant sur le funicule dans une loge dépourvue de corps brun. Il suffit 
de les examiner pour se convaincre, en premier lieu, que le prétendu 
bourgeonnement du corps brun dans cette espèce a pour siége véri- 
table le tissu plus ou moins sarcodique qui l’environne et qui dépend 
du système nerveux colonial ; en second lieu, que le bourgeon peutse 
développer directement sur le système nerveux colonial en l’absence 
de tout corps brun et indépendamment de l’endocyste, car le cordon 
principal dans l£'ucratea chelata est suspendu dans la loge et n’est 
relié à ses parois que par des trabécules de même nature. 

Examinons enfin les jeunes loges qui occupent lextrémité des 
branches et dans lesquelles le Polypide n’est encore qu’ébauché; nous 
constaterons les faits suivants 1 : | 

La jeune loge a encore la forme d’une massue ; son endocyste, 
riche en cellules, est encore en pleine activité végétative?. À ce mo- 
ment, le système nerveux colonial est déjà parfaitement reconnais- 
sable : il a la forme d’un cordon de diamètre presque égal à celui de 
la loge à sa base. Il est encore formé de cellules fortement granu- 
leuses ; son extrémité supérieure, qui est arrivée à peu près à la moitié 
de la longueur de la loge, est arrondie. | 

Le sommet de la jeune loge s’élargit; en même temps, un tractusm 
de cellules claires surmonte comme un cône transparent l'extrémité 
du cordon”, c’est l’ébauche de la gaine tentaculaire; puis on voit 
l'extrémité du cordon s'élargir. Son contour, d'abord uniforme, se 


1 Depuis l’époque à laquelle ce texte a été rédigé, a paru dans la Revue scientifique 
du 29 septembre une note de M. Barrois, dans laquelle cet observateur décrit avec 
exactitude ce cas particulier du développement du Polypide dans l’Eucratea chelata. 
Je suis heureux qu’il soit arrivé aux mêmes conclusions que moi, mais je m'étonne 
qu’il prétende que mes observations confirment les siennes. 

Comment aurais-je pu confirmer des résultats qui n’ont été énoncés que quinze 
jours et publiés six semaines après que les miens eurent été communiqués à l’Acaz 
démie et insérés dans les Comples rendus ? 

A l’époque où je fis paraître dans les mêmes Comptes rendus (9 avril 1877) ma 
première note sur le système nerveux colonial, M. Barrois n'avait encore rien pus 
blié sur ce sujet ; il fit, le 24 août, au congrès du Havre, sa première lecture sur les 
rapports du bourgeon avec le tissu endodermique, et dès le 13 j'avais énoncé el 
défini complétement le rôle et les caractères de l’endosarque dans une note à l’Aca: 
démie, qui n’était que le résumé des recherches spéciales que je publie aujourd’hui: 

2 Pl, XI, 8% 

8 PL XL Me. 4, 01 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 243 


creuse de plusieurs échancrures qui déterminent autant de lobes, les- 
quels sont les rudiments des bras. Le développement embryonnaire 
n'a plus dès lors qu’à s'achever. Je n’en poursuis pas le détail. 

Je n'ai jamais vu dans l’£ucratea chelata aucun bourgeon se for- 
mer sur les parois de l’endocyste, et, dans les trois cas que Je 
viens d'exposer, il semble manifeste que le Polypide se forme 
uniquement et exclusivement aux dépens du système nerveux co- 
lonial. 

En est-il autrement chez les autres Bryozoaires et devons-nous 
admettre que le bourgeon se forme tantôt aux dépens de l’endocyste, 
tantôt aux dépens du système nerveux colonial, ou bien aux dépens 
des deux couches? Je ne le crois pas, et j'espère montrer, par les 
exemples qui vont suivre, que le fait que nous venons de constater 
dans l’£ucratea chelata n’est point isolé. 

Dans la Peania mirabilis, qui, à cause de l'isolement et de ja trans- 
_parence de ses loges, se prête à merveille à ce genre d'observations, 
j'ai pu constater, avec autant de netteté que dans l’£ucratea chelata, 
que le Polypide se développait dans les jeunes loges aux dépens du 
| Cordon principal. 


Dans les Membranipora membranacea et pilosa, le bourgeon apparaît 
| toujours à la base de la loge, au-dessus d’une de ces perforations qui 
| mettent en communication les plexus pseudo-nerveux de deux zoécies 
| successives ; dès son plus jeune âge, on voit se détacher de sa parte 
supérieure des tractus de substance sarcodique qui gagnent lextré- 
mité supérieure de la loge et constitueront plus tard la charpente 
| de la gaîne tentaculaire *. Ces trabécules sont diversement anasto- 
| mosés entre eux et forment un lacis que Smitt ou Hincks baptise- 
| aient évidemment du nom de plexus nerveux. 

| C’est donc dans la dépendance du plexus de la loge où il croît, et 
| en communication avec celui de la loge qui précède que le bourgeon 
| se constitue dans cette espèce. 

Dans les Lepralia Martyiet granifera, c’est encore sur le fanicule que 
se développe le jeune bourgeon, soit dans les jeunes loges, soit dans 
celles qui sont déjà pourvues d’un corps brun, et dans toutes les 
| espèces de Cheilostomes que j'ai étudiées, j'ai toujours vu le bour- 
|geon, qu'on prétend naître de l’endocyste, se développer réellement 


| 


1 Voir les figures de Nitsche, dessinées d’après la Flustra memèranacea (Zeitschrift, 
Band XXI, pl. XXXVI, fig. 4 et 6, tsch). 


244 LUCIEN JOLIET. 


sur le système nerveux colonial, aussi bien que celui qui est censé 
provenir des corps bruns. 

Le mode de développement de la gaîne tentaculaire est particu- 
lièrement démonstratif; j'ai montré tout à l'heure comment elle 
apparaissait dans deux espèces de Membranipores comme un en- 
semble de trabécules ressemblant absolument au plexus nerveux des 
auteurs; dans l’£ucratea chelata, nous avons vu qu’elle se présente 
comme un cône de cellules transparentes qui ont absolument l'aspect 
de celles qui composent les extrémités naissantes du prétendu sys- 
tème nerveux ; 1l en est de même dans toutes les autres espèces de 
Cheilostomes et l’on peut poser en principe comme démontré par 
l'étude du développement ce fait, qui résulte aussi bien, d’ailleurs, de 
l’examen de l’adulte, que la gaine tentaculaire est de même nature 
que le funicule, elle se développe de même, est constituée par des 
éléments fort semblables, et comme lui elle est évidemment contrac- 
tile. Cette propriété contractile est facile à constater partout, mais 
particulièrement chez les espèces où le Polypide peut se retirer pro- 
fondément dans sa loge. Dans l’Anguinaria spatulata, par exemple, 
c'est grâce à la contractilité de la gaîne que, de la partie rampante 
de la loge où il se retire parfois, le Polypide peut remonter jusqu'à 
l'entrée de la zoécie. 

La gaine n'est donc pas, à mon avis, une invagination de l’endo- 
cyste; c’est, tant au point de vue de la structure et du développement 
qu'à celui des propriétés physiologiques, une véritable dépendance 
du système nerveux colonial, dans le sein duquel, comme on le voit, 
le Polypide se trouve compris tout entier. 


Je ferai remarquer, en terminant, que l'opinion que je soutiens 
sur l’origine du bourgeon n’est point en contradiction avec celle des 
auteurs, mais qu’elle donne l’explication des dissentiments qui se 
sont élevés entre eux. 

Smitt et Hincks, en effet, ont soutenu longtemps que, dans les 
Cheilostomes, le bourgeonnement s’effectuait uniquement sur la sur- 
face du corps brun et nullement aux dépens de l’endocyste ; ils onb 
donné à l'appui de cette opinion des figures assez démonstratives el y 
n'ont admis, plus tard, le développement aux dépens de l’endocyste; » 
que comme un cas secondaire et beaucoup plus rare que le premier. 

Cette opinion trouve son explication naturelle dans ce fait que + 
chez les Cheïlostomes le corps brun étant toujours suspendu entre | 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE, 245 
les mailles du système nerveux colonial, le Polypide qui se déve- 
loppe aux dépens de ce tissu paraît bourgeonner sur le corps brun 
lui-même. 

Quant au bourgeonnement sur lendocyste, tous les auteurs qui en 
ont parlé ont-ils bien fait, tant dans leurs observations que dans l’in- 
terprétation de ces observations, la distinction entre l’endocyste pro- 
prement dit et le plexus nerveux? Je ne le crois pas, car ce plexus est 
difficile à distinguer dans les jeunes loges, et dans les anciennes, ses 
rapports avec le bourgeon ne sont pas toujours faciles à saisir, et 
peuvent échapper à celui qui ne les observe pas spécialement. 

Nitsche a toutefois parfaitement fait cette distinction‘, et dans son 
étude du bourgeonnement des Flustres, il reconnaît que le Polypide est 
suspendu au funicule et en relation avec le système nerveux colonial 
qu'il désigne sous les noms de Funicularplatte, funiculi laterales, couche 


| fusiforme de l’endocyste, suivant l'endroit où il le considère. Seule- 


ment, il admet que le corps même du Polypide se forme aux dépens 


de l’endocyste proprement dit (£pithelalschicht) sans en donner 
d’ailleurs de preuve. 


Salensky ? a prétendu depuis que le jeune bourgeon se montrait 
composé de très-bonne heure de deux couches et que ces deux cou- 
ches correspondaient l’une, la couche interne à l’épithélium externe 
de la loge ou endocyste proprement dit, et l’autre à la couche in- 


terne de cette même loge, couche qui n’est autre que le système 


nerveux colonial. 


Je ne puis partager cette manière de voir; les observations que j'ai 
pu faire dans plusieurs espèces, spécialement dans l’£ucratea et no- 
tamment la préparation que représente la figure 1 de la planche XIII, 
m'ont toujours montré de la manière la plus nette que le bourgeon 
se formait exclusivement dans le sein du système nerveux colonial et 
n était relié au début à l’endocyste que par des trabécules apparte- 
nant eux-mêmes au prétendu système nerveux. 

Les deux couches se distinguent dès le début dans les bourgeons, 
mais elles proviennent toutes d’un seul et même tissu qui se diffé- 


rencie par la suite et qui n’est autre que le tissu du système nerveux 


colonial. 
Suivons d’ailleurs de près la formation du bourgeon d’une Vésicu- 


Jaire, la Vesicularia spinosa. 


1 NiTsCHE, Zeitschrift, Band XXI, p. 456. 
2 SALENSKY, Zeitschrift, Band XXIV, p. 346. 


246 LUCIEN JOLIET. 


Les figures 44 et 412, pl. XIT, montrent le même stade à deux gros-. 
sissements différents; c’est le premier indice de la zoécie. 

Dans les deux figures, on voit que l’ampoule qui soulève lectocyste 
est doublée intérieurement d’une couche assez épaisse d’endocyste cel-« 
luleux. A l’intérieur sont des granules qui se continuent sans interrup-« 
tion avec ceux du cordon principal de la tige‘auquelils appartiennent. 

Cependant, à mesure que l’ampoule s’accentue, les granules s’ac- 
cumulent à l'intérieur et deviennent de plus en plus nombreux 
(fig. 13). Lorsque la zoécie a pris la forme d’une petite poire, mais 
avant que le diaphragme ne soit apparu, on voit déjà nettement 
(fig. 14) que ces granules se sont réunis en une masse arrondie qui 
n’est autre que l’ébauche du Polypide. Les cellules n’ont plus qu’à 
se multiplier et à se répartir en deux couches pour reproduire las 
figure 45 ; un peu plus tard, apparaît dans la masse la Éfente qui est 
le premier indice de la formation d’une cavité digestive (fig. 17). 

On voit par là clairement que la formation du Polypide dans une 
jeune loge de Vésiculaire ne peut point être regardée comme résultant 
du bourgeonnement de l’endocyste, qui ne participe en aucune ma- 
nière directe à sa production. Lorsqu’ontraite une jeune loge dans ces 
conditions par l'alcool, le bourgeon intérieur se sépare de l’endocyste 
de la manière la plus nette, pour rester uni au funicule (fig. 16). 

Tel est le mode de formation du bourgeon dans une zoécie nou 
velle ; étudions maintenant la manière dont ilapparaît dans une loge 
ancienne lorsque le Polypide se renouvelle, et prenons pour exemple“ 
la Valkeria cuscuta. | 

On pourrait être complétement trompé, si l’on n’examinait qu’un 
bourgeon déjà avancé, tel que celui que représente la figure 3 de la 
planche VI dans la Bowerbankia. A cette époque, en effet, il semble 
attaché à l’endocyste. 

Pour se bien rendre compte des faits, il faut les examiner dès le 
début. 

On constate alors : | 

En premier lieu, que jamais un bourgeon ne naît sur l’endocyste 
d'une loge ancienne, si ce n’est en un point où s'attache quelque 
branche du funicule du Polypide précédent. 

En second lieu, que la première ébauche du bourgeon est due à | 
une prolifération des cellules de ce rameau funiculaire qui forment 
tout d’abord comme une couronne autour d’une cellule centrale *. 


1 PI, XI, fig. 11, 12, 13. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 247 


Cette ébauche est, sans aucun doute, appliquée sur l’endocyste, 
mais cette membrane est à cette époque et sur ce point compléte- 
ment dépourvue de structure; elle ne peut donc pas vraisemblable- 
ment produire les éléments du Polvpide, qui sont au contraire tout 
naturellement fournis par le tissu du funicule. 

Si le bourgeon se développe sur la paroi de l’endocyste, si plus 
tard il contracte momentanément avec cette membrane des adhé- 
rences intimes, cela ne doit pas nous surprendre. 

Il est nécessaire, en effet, dans les Vésiculaires, que le Polypide s’at- 
tache à la paroi et gagne de proche en proche le sommet de la loge, 
puisqu'il faut que ce sommet subisse ce travail particulier, qui a pour 
objet de repercer l’ouverture et de développer la nouvelle collerette. 
Si dans l’£ucratea chelata et dans divers Cheilostomes le bourgeon se 
développe au milieu même du cordon principal, cela se conçoit, car 
le cordon ne fait que traverser la loge, venant de celle qui la précède 
pour aller dans celle qui la suit, le bourgeon peut alors se développer 
à mi-chemin en face l’ouverture. Dans les Vésiculaires, il n’en peut être 
de même, le cordon funiculaire se termine dans chaque loge, son ex- 
trémité doit correspondre à l’ouverture de la zoécie. Il faut donc 
que le Polypide se trouve au sommet en contact avec l’endocyste. 

Je serais presque tenté de généraliser et de dire, pour terminer, que 
dans tous les Bryozoaires! le développement du Polypide se fait aux 
dépens du prétendu système nerveux colonial, si les Pédicellines ne 
constituaient, au dire de Salensky, une très-sérieuse et très-frappante 
exception. 

Cet auteur, dans un récent travail !, vient de chercher à démontrer 
que le bourgeonnement de l'appareil digestif, qu’il assimile au Poly- 
pide, se fait aux dépens de l’endocyste. Je produis ici une figure assu- 
rément fort semblable aux siennes et dans laquelle le bourgeon est 
encore réduit à cinq cellules?, mais ces cellules ne me paraissent pas 
être étroitement liées à celles de lendocyste, et m'ont toujours semblé 
avoir plus de rapports avec les cellules fusiformes du parenchyme. 

Supposant même que l'opinion de Salensky soit fondée, comme 
nous allons voir tout à l’heure que le tissu dit nerveux dérive direc- 
tement de l’endocyste et que dans les jeunes bourgeons de Vesi- 
cularia spinosa les granules, aux dépens desquels se constitue le 
bourgeon, tout en appartenant au systéme nerveux colonial, ne sont 


1 SALENSKY, Entoproctes (Ann. sc. nat., 6e série, t. V). 
2 PI, XIII, fig. 9. 


éme ne 


ER CRT CE Te | 


248 LUCIEN JOLIET. 


que des cellules d’endocyste fraichement détachées des parois, on 
peut dire que les deux cas sont fort voisins. 

Quoi qu'il en soit,.tous ces faits, qui sont d’une constatation fort dé- 
licate, demandent de nouvelles observations; je n'avancerali pas, pour 
le moment, de conclusions trop absolues et dirai simplement : 

Que dans l’£ucralea chelata les bourgeons sont toujours formés 
exclusivement aux dépens du cordon funiculaire. 

Que dans les jeunes loges de Vesicularia spinosa j'attribue au 
même tissu la formation du Polypide. 

Que dans les loges anciennes de Vésiculaire le renouvellement 
du Polypide me parait se faire de même, sans qu'il me soit possible 
cependant d'affirmer que l’endocyste n’y prend aucune part. 

Enfin, que dans les Pédicellines, il reste à décider si le bourgeon 
est une production directe de l’endocyste ou si, comme ailleurs, il 
dérive du système nerveux colonial !. 


S 3. Origine du système nerveux colonal. Ses rapports avec l'endocyste. 


Maintenant que nous possédons quelques notions sur le rôle et sur 
les fonctions du prétendu système nerveux colonial, nous devons 
chercher à connaître son origine et ses rapports avec l’endocyste. 

Pour atteindre ce but, il faut tout d’abord étudier cette dernière 
membrane, qui jusqu’à présent était considérée comme le seul tissu 
fondamental du Bryozoaire, et dont la structure à cependant donné 
lieu à bien des discussions. 


L’endocyste des Bryozoaires d’eau douce présente une structure 


assez complexe sur laquelle j'aurai à revenir un peu plus loin ; il ne 
peut pas être regardé dans son ensemble comme l’homologue de celui 
qui tapisse intérieurement les parois résistantes des loges des Bryo- 
zoaires marins, et qui se réduit à une seule couche. Malgré cette 
simplicité, on a émis diverses opinions sur la structure de l’endocyste 
des gymnolæmes, les uns le regardant Comme une membrane cel- 
lulaire, les autres comme une membrane anhiste. 

Le plus généralement, on admet avec Smitt que l’endocyste des 


Ectoproctes ne présente la structure cellulaire qu'aux extrémités en 


voie de développement. 


‘ Au moment où nous mettons sous presse, nous recevons communication d'un 
travail de Hatscheck (Zeitschrift du 18 octobre) qui traite du bourgeonnement des 
Pédicellines ; mais il ne détermine pas quelle est l’origine du tissu aux dépens du- 
quel se forme le Polypide. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 249 

Je partage complétement cette manière de voir; dans toutes les 
espèces que j'ai examinées, en l’étudiant dans les zoécies adultes, et 
sur les points où il n’y à aucun mélange avec les cellules du tissu dit 
nerveux, je n'ai jamais pu trouver dans l'endocyste proprement dit 
aucune trace de structure cellulaire, quels que soient les réactifs 
employés, acides picrique, chromique, azotique, osmique. — La 
membrane, contractée par les acides, se détache de l’endocyste tout 
d'une pièce et se présente comme une couche de protoplasna homo- 
gène dans le sein duquel l'acide osmique révèle parfois comme une 
sorte d’ornementation réticulée très-délicate qui peut indiquer une 
certaine orientation dans le sarcode, mais quine peut pas être assimilé 
à une structure cellulaire proprement dite. Aux extrémités végétatives, 
l'aspect est fort différent. Examinons par exemple le sommet d'une 
tige de vésiculaire en voie d’accroissement. 

L’ectocyste y est très-mince et doublé intérieurement d’un endo- 
cyste fort épais formant une sorte de calotte et présentant une struc- 
ture cellulaire très-nette *. 

Toute cette calotte sphérique est en effet constituée par des cellules 
juxtaposées qui ont grossièrement la forme de cônes dont les bases 
seraient tournées vers l’ectocyste, formant sous sa surface comme 
une espèce de mosaïque irrégulière, tandis que les sommets se- 
raient dirigés vers le centre. Celles de ces cellules qui sont les plus 
rapprochées du pôle de la calotte sont très-allongées, tandis que 
les autres sont de plus en plus courtes à mesure qu’elles s'en éloi- 
enént. 

Toutes, les cellules centrales surtout, présentent un noyau net et 
sont très-réfringentes. 

Comme les cellules centrales se multiplient sans cesse, celles des 
| bords sont peu à peu repoussées, les unes se résolvent sur place en 
| protoplasme pour former la couche homogène dont est constitué 
| l'endocyste des parties anciennes, les autres se détachent et se trans- 
| forment en corpuseules flottants qui obscurcissent par leur nombre 
| l'extrémité des tiges et y forment une sorte de parenchyme. Enfin il 
| en est d’autres dont le contour s’atténue en arrière au lieu de s’arrê- 
| ter brusquement, et ces cellules se terminent par des prolongements 
| qui s’'anastomosent entre eux et forment la première ébauche du sys- 
| ème nerveux colonial; on voit en effet ces cellules, qui sont d’abord 


1 P]. XIL, fig. 2 et 3. 


250 LUCIEN JOLIET. 


disséminées, se condenser et se rapprocher ! peu à peu jusqu’à con- 
stituer un cordon dont la forme s’accuse de plus en plus nettement à 
mesure qu'on s'éloigne de l’extrémité. : 

Ces faits sont très-faciles à constater dans les Vésiculaires, parce 
que, dans l’article terminal de la tige, aucun Polypide ne vient mas- 
quer la structure ; aussi ai-je choisi cet exemple comme type, mais: 
j'ai pu constater que les choses se passaient de même dans beaucoup 
d'espèces. 

Les prolongements postérieurs des cellules de l’endocyste primitif 
sont par exemple très-remarquables dans la Bicellaria, la Bugula, 
l’Eucratea ?; dans les Membranipores, on ne voit qu’assez tardivement 
les premiers vestiges du plexus. 

Nous devons donc admettre que c’est aux dépens des cellules des 
extrémités végétatives que se forme le système nerveux colonial, de 
est une dérivation de l’endocyste primitif. 


Après avoir montré que le tissu qu’on désigne sous le nom de 
système nerveux colonial n'avait rien de nerveux ; après avoir constaté 
qu'il jouait le principal rôle dans le renouvellement du Polypide, 
dans le développement des éléments générateurs et dans la produc-« 
tion des corpuscules sanguins, il devient véritablement impossible 
de continuer à le désigner par son ancien nom, qui n’a plus aucune 
raison d'être. Il faut lui en trouver un autre. Dès à présent, et dans 
l'étude qui va suivre, j'emploierai le terme endosarque comme syno= 
nyme de système nerveux colonial, me réservant de justifier cette 
appellation comme conclusion de ce chapitre. 


8 4. Morphologie de l’endosarque. 


On n’a jamais signalé le système nerveux colonial que dans les 
Ectoproctes, et, parmi eux, chez les Bryozoaires marins, et nous Li 
ne l'avons encore étudié que chez ces derniers. 

Mais puisque l’endosarque est un tissu si constant dans ce groupe, 
si important à tous égards, n’y a-t-il pas lieu de se demander si dans 
les autres Bryozoaires, dans les Entoproctes, ou dans les Bryozoaires LR 
d’eau douce, il n’y a pas quelque chose d’analogue ? | 


LA 


1 PI. XII, fig. 3. 
2 b]. XII, fig. 8. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 251 


Sur ces derniers, malheureusement, je n'ai pas de recherches per- 
sonnelles à apporter, mais les excellents travaux de Nitsche ! ont 
jeté tant de lumière sur leur structure intime et l'ont décrite avec 
tant de détail et de précision, qu'appuyé par les faits reconnus de 
beaucoup d’observateurs, et guidé par ce que je connais des autres 
groupes, Je puis peut-être avancer quelques propositions que je ne 
donne d’ailleurs que sous réserve de recherches ultérieures. 

Tout le monde sait que les Bryozoaires d’eau douce ont un funi- 
cule, et c’est même chez eux que cet appendice a été tout d’abord 
décrit. Ce funicule est contractile, comme celui des Bryozoaires 
marins, et, comme lui, s'attache à l'extrémité du cæcum du Polypide. 
C'est dans son sein que se développent les statoblastes et aussi les 
spermatozoïdes. 

Est-il possible, en face de tous ces traits de ressemblance, de mé- 
connaître, dans le funicule des Phylactolæmes, l’homologue de celui 
des gymnolæmes, et par conséquent l’une des parties constitutives de 
l’'endosarque ? 

Mais, dira-t-on, le funicule chez les Phylactolæmes n’est pas en 
rapport avec celui des Polypides voisins, il n’y a rien de comparable 
à cet ensemble de cordons et de plexus qu’on avait appelé système 
nerveux colorial ; ici, le fanicule est un simple prolongement de l’en- 
docyste. 

Mais l’endocyste, répondrai-je, l’endocyste des Phylactolæmes est- 
il comparable à celui des Bryozoaires marins? Tous les auteurs s’ac- 
cordent à lui reconnaître une structure beaucoup plus complexe. 

Voici, d’après Nitsche, de quoi il est constitué. 

Il se compose de trois couches : 

Une couche interne composée d’un épithélium ciliaire très-délicat ; 

Une couche externe appliquée contre l’ectocyste et formée de cel- 
lules polygonales ou cylindriques. 

Entre les deux, une couche musculaire formée d’une membrane 
fondamentale homogène, servant de support à des fibres musculaires 
longitudinales et transversales. 

I me semble qu'on peut reconnaître dans la couche externe for- 
mée de cellules cylindriques ou polygonales l'homologue de l’endo- 
cyste proprement dit des autres Bryozoaires. 


1 NirsCHE, Beitræge zur Anat. und Entwick. des Phylact. RricneRT, et pu Bois-Rev- 
MOND, Archiv fur Anat., Physiol. und wissen. Medicin, t. X, 1868, p. 465. 


252 LUCIEN JOLIET. 


Aux extrémités végétatives, nous avons vu, en effet, que l'endo- 
cyste des Bryozoaires marins est formé de cellules cylindriques, et 
nous verrons bientôt que l’endocyste des Pédicellines est une mo- 
saïque de cellules polygonales. 

La couche interne ou épithélium ciliaire ne paraît pas avoir d’ana- 
logue chez les Bryozoaires marins, dont l’organisation est plus simple. 

Quant à la couche moyenne, il me semble y reconnaître des ca- 
ractères communs suffisants pour l’assimiler à l’endosarque des au- 
tres Bryozoaires. 

C’est en effet, d’après Nitsche, de cette couche moyenne que naît 
le funicule, qui n’est formé que par un prolongement de la mem- 
brane fondamentale, contenant quelques fibres musculaires. Les 
connexions sont donc tout en faveur du rapprochement que je pro- 
pose, mails la structure ne l’est pas moins. N’avons-nous pas reconnu 
à l’endosarque, au funicule de tous les Bryozoaires marins, au cor- 
don principal de l'Anguinaria des propriétés contractiles ? La gaine 
tentaculaire, que nous regardons comme une dépendance de l’endo- 
sarque, n'est-elle pas elle-même une membrane homogène parcou- 
rue par des fibres musculaires plus ou moins imparfaites, mais tou- 
jours contractiles ? 

Enfin, n'est-ce pas aux dépens de l’endosarque que se constituent 
tous les muscles, et les fibres dont ceux-ci sont formés sont-elles 
autre chose primitivement qu’une des cellules fusiformes de l’endo- 
sarque ? 

La couche moyenne des Bryozoaires d’eau douce mérite done 
d'être comparée à l’endosarque, tant pour sa nature que pour ses 
rapports avec le funicule. ; 

Bien que je n’aie pas vu ces faits par moi-même, ils ont été si mi- 
nutieusement décrits, qu'il m'a semblé possible de les interpréter, 
tant les conclusions qu’on en peut tirer me paraissent frappantes. 

On sera peut-être surpris de voir l’endosarque qu’on connaît habi- 
tuellement sous la forme de cordon au centre de la loge ainsi appli- 
qué sous forme de membrane sur les parois. Ge n’est, cependant, 
pas là un fait isolé, etvon rencontre l’analogue chez quelques Bryo- 
zoaires marins. 

Nitsche lui-même décrit dans la /lustra membranacea, sous l’en- 
docyste proprement dit, une couche à cellules fusiformes, qui n’est 
autre que ce que tous les auteurs ont décrit sous le nom de plexus. 

Dans le genre Valkeria, le funicule seul se présente sous forme de 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 253 


cordon, comme d'habitude ; mais il n’y à pas dans la tige de cordon 
principal, et l’on distingue nettement les cellules fusiformes de l’en- 
dosarque, qui sont disséminées en plus ou moins grand nombre sur 
les parois internes de l’endocyste et reliées entre elles par des pro- 
longements ; il ne manque en vérité qu'un épithélium ciliaire par- 
dessus pour constituer un endocyste à trois couches, comme celui 
de l’Alcyonelle. 

Venons-en maintenant à l’étude des Entoproctes et commençons 
par les Pédicellines. 

De quoi se compose une tige de Pedicellina echinata ? 

D'un ectocyste ou cuticule sans structure ; 

D'un endocyste formé de cellules polygonales, disposées en mo- 
saique ; 

D'une couche de fibres musculaires longitudinales ; 

D'un parenchyme central. 

Quant au stolon, il est constitué de même, avec cette seule diffé- 
rence que les fibres musculaires y sont rares ou même absentes. 

L'ectocyste est une membrane assez mince, chitineuse, hérissée de 
piquants dans la Pedicellina echinata. 

L'endocyste diffère par son aspect, suivant le lieu où on l’examine. 
A l’extrémité des tiges, au-dessous du diaphragme qui en sépare les 
têtes, l’endocyste est épais, réfringent et composé de cellules très- 
manifestes et serrées l’une contre l’autre. Sur le reste de la tige, on 
ne distingue pas facilement sur l'animal frais la structure cellulaire, 
mais l’acide picrique révèle nettement les contours anguleux de cel- 
lules qui dessinent sous l’ectocyste une véritable mosaïque ‘. Ces 
cellules paraissent, du reste, presque dépourvues de vie; elles sont 
déprimées et pauvres en protoplasma. 

Elles sont également visibles dans les régions anciennes du stolon, 
tandis qu'à l'extrémité les cellules de l’endocyste affectent absolu- 
ment les mêmes caractères et la même disposition qu'à l'extrémité 
des tiges de Vésiculaires. Les cellules qui avoisinent le pôle de la 
calotte terminale sont très-allongées, et celles qui les suivent sont 
de plus en plus courtes ?. 

Passons maintenant à l’étude du parenchyme. C'est dans le stolon 
qu'on peut l’examiner le plus facilement. Là, en effet, il n’est pas 


1 PIAXII fig. 7. 
2 PI. XII, fig. 1. 


254 LUCIEN JOLIET. 


masqué par la couche de fibres musculaires serrées qui, dans la tige, 
forme un revêtement à l'intérieur de l’endocyste. 

La figure 6 de la planche XII reproduit une portion de stolon, eton 
voit que le parenchyme se compose en majeure partie de cellules 
fusiformes qu'il est impossible de ne pas comparer à celles de l’en- 
dosarque des autres Bryozoaires. Ces cellules sont reliées entre elles 
par des prolongements plus ou moins rameux, qui s’entrelacent de 
diverses manières. | 

La manière dont se forme l’endosarque est tout à fait semblable à 
ce que nous avons vu dans la Powerbankia. 

Celles des cellules de l’endocyste terminal qui ne restent pas 
sur les parois tombent dans la cavité du stolon non sans émettre 
des prolongements sarcodiques qui les réunissent entre elles; on 
les voit se déformer et s’allonger peu à peu jusqu’à prendre la 
forme que nous leur avons vue dans les parties déjà anciennes du 
stolon. 

En somme un stolon de Pédicelline est tout à fait comparable à 
une tige de Bowerbankia dans laquelle les cellules de l’endosarque, au 
lieu de rester accolées les unes aux autres et réunies en un cordon 
séparé des parois par un grand vide, seraient disséminées dans toute 
la cavité de la tige, lâchement unies entre elles et formant une sorte 
de parenchyme au sein duquel le liquide cavitaire se trouve ré- 
parti. 

Quelle signification devrons-nous maintenant donner aux fibres 
musculaires de la tige ? 

Nous avons toujours vu jusqu'ici les fibres musculaires se consti- 
tuer aux dépens de cellules fusiformes appartenant primitivement à 
l’endosarque ; il en est de même ici, les fibres de la tige sont des 
ceilules fusiformes transformées; dans les très-jeunes tiges on ne 
trouve encore que du parenchyme au-dessous de l’endocyste, les 
fibres musculaires n'apparaissent que tardivement et on voit tous les 
passages entre elles et les cellules fusiformes. 

Le parenchyme des tiges et des stolons des Pédicellines est donc à 
beaucoup d’égards tout à fait comparable à l’endosarque des autres 
Bryozoaires. Quant à la manière dont ce tissu se comporte dans la 
tête de la Pédicelline qui est pour nous l’homologue de la zoécie, 
quant à ses rapports avec le Polypide qui pour nous est uniquement 
représenté par le canal digestif et ses annexes, je crois devoir appeler 
l'attention des observateurs sur les faits suivants. 


| 


| 


: 
| 


| 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 255 


Nitsche, dans sa belle monographie de la Pedicellina echinata", 
décrit et figure, partant de l'espèce de bouton qui surmonte le dia- 
phragme, deux fibres divergentes qu'il désigne sous le nom de Paren- 
chymstränge nach der Unterseite der Magens, et qu’il regarde comme 
des parties renforcées du parenchyme du corps. 

Ces deux fibres sont représentées sur uné coupe qui sectionnerait 
transversalement le canal digestif. Mais si l’on examine par transpa- 
rence l’une des faces latérales de lanimal, on voit que du bouton 
partent en divergeant un certain nombre de fibres ou tractus qui pas- 
sent sur la surface de l'estomac et vont toutes se terminer vers le 
cul-de-sac qui termine en haut cet organe à côté de l’entrée de l’æso- 
phage. 

Il existe un faisceau de fibres semblables de chaque côté de l’es- 
tomac, qui se trouve ainsi enserré dans une sorte de collier. Parmi 
ces fibres un certain nombre semblent se terminer sur la surface de 
l’estomae, les autres aboutissent aux organes génitaux qui surmon- 
tent immédiatement le cul-de-sac. 

Dans ces faisceaux de fibres qui ressemblent étroitement aux pro- 
longements des cellules du parenchyme de la tige, ne doit-on pas voir 
l’analogue du funicule des autres Bryozoaires ? 

Ce serait, il est vrai, un funicule double; mais il arrive chez plus 
d’une espèce que le funicule principal est accompagné d’un ou deux 
funicules accessoires qui s’insèrent un peu plus haut ou sur un autre 
point de l’estomac; le fait de la duplicité du funicule n'aurait donc 
rien en lui-même d’exceptionnel, et il est certain que ces faisceaux 
présentent dans leurs connexions avec les autres parties des rapports 
frappants avec le funicule. 

Comme le funicule des Ectoproctes, le faisceau des Pédicellines 
part du diaphragme qui est l’analogue de la perforation cloisonnaire 
des Vésiculaires ; comme lui il a des rapports avec les organes de la 
reproduction. Enfin nous allons voir que la partie de l'estomac sur 
laquelle s’insèrent une partie de ses fibres est précisément l’analogue 
du cul-de-sac stomacal des autres Bryozoaires. Qu'est-ce qui caracté- 
térise en effet le cul-de-sac stomacal des Ectoproctes? c’est le grand 
développement des cellules hépatiques ; or, dans les Pédicellines c’est 
précisément dans cette région que les cellules hépatiques sont loca- 
lisées. Cette région supérieure de l'estomac est d’ailleurs le seul 


1 NiTsCHE, Zeitschrift, t. XX, pl. IT fig. 4. 


EME EE RE PE 


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% DEA mL 


256 LUCIEN JOLIET. 


cæcum de l'organe et l’on n’hésiterait pas à le comparer au cæcum 
des Ectoproctes, si sa pointe, au lieu de regarder les tentacules, était 
dirigée vers le fond de la loge. 

Il semble que ce cæcum ait été mis dans cette position par une 
sorte de torsion de l'estomac et ait entraîné dans ce mouvement 
le funicule et les organes génitaux. La position du testicule entre 
l'estomac et les tentacules est en effet un fait tout aussi inusité chez 
les Bryozoaires que la direction du cæcum dans le même sens, et 
c’est un fait remarquable que, malgré ce déplacement, ils conservent 
leurs connexions. 

Dans le Loxosome des Phascolosomes, que M. Carl Vogt a étudié 
l'été dernier au laboratoire de Roscoff!, le savant professeur de Ge- 
nève a décrit un endocyste sous une cCuticule anhiste et au centre de 
la tige un*parenchyme composé de cellules fusiformes et étoilées, 
assez semblable à celui des Pédicellines, quoique un peu plus lâche, 
et auquel je ne puis m'empêcher de l’assimiler. 

Pour toutes ces raisons, il me paraît évident que le parenchyme des 
Entoproctes ne peut être comparé à autre chose qu’à l’endosarque 
des Ectoproctes. 


CONCLUSION. 


Par la première partie de ce chapitre, nous avons démontré que le 
prétendu système nerveux colonial n’a rien de nerveux. 

Dans la seconde nous avons cherché à connaître quels sont le rôle 
et la nature de ce tissu, et nous lui avons donné un nom. 

Enfin, nous venons de voir qu'il est plus généralement répandu 
qu'on ne le pense et qu’il existe sous diverses formes dans plusieurs 
groupes de Bryozoaires chez lesquels on ne l’avait pas signalé, parce 
que là sa forme n’a rien qui rappelle un système nerveux. 

Maintenant que nous l'avons reconnu et étudié dans toutes les 
familles, nous sommes à même d'en donner une définition plus pré- 
Cise: 

Pour nous une loge de Bryozoaire considérée au point de vue 
abstrait, qu'elle soit zoécie ou article de tige, est composée de trois 
couches constitutives, savoir : l’ectocyste, l’endocyste et l’endo- 
sarque. 


1 Carz Vocr, Arch, zool, exp., t. V. 


ns 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 257 


L'ectocyste est une membrane chitineuse ou encroûtée de calcaire, 
anhiste dans tous les cas et sur laquelle je n'ai pas à insister. Ce n'est 
pas un tissu, ce n'est pas non plus un produit de sécrétion, c’est une 
couche de l’endocyste qui s’est différenciée et consolidée et qui 
n'existe même pas chez la larve pendant la période d'activité. 

L’endocyste et l’'endosarque sont au contraire les parties vivantes, 
essentielles et fondamentales du Bryozoaire. 

L’endocyste est une membrane cellulaire, un épithélum ; primiti- 
vement, dans les parties jeunes et actives de la colonie elle ressemble 
à un épithélium cylindrique; dans les Pédicellines elle garde partout 
plus ou moins longtemps cette structure, mais dans la généralité des 
Bryozoaires marins, elle la perd de bonne heure et se réduit à une 
couche de protoplasme amorphe dans lequel il devient impossible de 
reconnaitre aucune cellule. 

C’est donc seulement aux extrémités végétatives que l’endocyste 
est organisé, et, en effet, il est spécialement chargé de l’accroisse- 
ment de la colonie. 

L'endosarque dérive de l’endocyste par différenciation des cellules 
des extrémités végétatives ; il conserve avec lui de nombreux rap- 
ports ; cependant il possède une structure distincte et est générale- 
ment composé de cellules fusiformes, ordinairement sans noyau net 
présentant souvent des prolongements et passant parfois à la forme 
étoilée. 

C'est à lui qu’appartiennent toutes les formations qu’on désigne 
Sous les noms de système nerveux colonial, de funicule, de couche 
fusiforme de l’endocyste. 

C'est lui qui constitue la tunique musculaire des loges des Bryo- 
| zoaires d’eau douce, le parenchyme des tiges et des stolons des Pédi- 
| cellines et du pied des Loxosomes. 

Dans son sein se produisent toujours les Zoospermes et très-fré- 
 quemment, peut-être constamment les œufs. C'est à ses dépens pour 
une part, peut-être exclusivement, que se forme le Polypide. 

Pour toutes ces raisons, je crois qu'il y a lieu de le regarder comme 
| quelque chose de plus qu’une couche particulière de l’endocyste et 
bien comme un tissu spécial ayant un rôle, une structure, une posi- 
tion bien définis et méritant .d’être distingué par un nom à lui 
propre. 

Par opposition au terme endocyste, je lui ai donné le nom d'’endo- 
| Sarque, parçe ce que nom ne préjuge rien, il a l'avantage de n’assi- 


ARCH, DE Z00L,. EXP. ET GÉN, —æ T. VI. 1877. 47 


258 1 LUCIEN JOLIET. 


miler ce tissu à aucun autre avec lequel son homologie ne serait pas 
encore suffisamment établie, soit dans une autre classe d'animaux, 
soit dans l'embryon. C’est donc un nom provisoire qui me paraît bon 
pour le moment et que je serai tout disposé à changer pour un autre 
plus général sitôt que j'aurai vu ou qu'on m’aura montré son homo- 
logie avec l’ectoderme ou l’entoderme des animaux voisins ou de l’em- 
bryon. Je continuerai donc à l’employer dans la suite de ce mémoire. 


CHAPITRE I. 


REPRODUCTION PAR VOIE SEXUÉE. 
$ 1. Origine des éléments reproducteurs. 


Nous avons vu dans un précédent chapitre que, dans plüsieurs 
espèces appartenant à différents groupes, les œufs et les Zoospermes 
naissent aux dépens du funicule, et pour appuyer nos conclusions 
nous avons dû donner du mode de formation des éléments repro- 
ducteurs dans la Valkeria cuscuta une description assez complète qui 
nous dispense d’entrer dans de nouveaux détails. | 

Dans la Bowerbankia imbricata les faits se passent de même ; dès. 
que le Polypide commence à s’ébaucher les cellules mères apparais= 
sent dans la substance du funicule et se multiplient très-rapide= 
ment‘. | 

Dans la Parcellaria ciliata ces cellules se montrent également de 
très-bonne heure dans le sein du même cordon. Elles s’en détachent 
par la suite et s’agitent dans le liquide ambiant poussées de côté et 
d’autre par les battements de la queue du Zoosperme qui en sort | 
graduellement. 

Dans la Lepralia Martyi la masse des cellules mères est volumi- 
neuse, elle masque complétement le funicule dont elle occupe là | 
place, les cellules s’en détachent comme dans les espèces précédentes | 
et les Spermatozoïdes s’y forment et en sortent de la même manière. | 

Nous n'avons jusqu'ici parlé des œufs que pour montrer qu'ils É 
prenaient naissance dans le sein du funicule, mais nous n'avons pas | 
insisté assez sur l'intérêt qu'il y à à les voir naître côte à côte avec les | 
Zoospermes et aux dépens du même tissu. Ce rapprochement origi= | 


1 Pire: 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 259 


naire est cependant un fait incontestable et rien n’est plus facile que 
de le constater tant dans la Bowerbankia imbricata que dans la Val- 
keria cuscuta, la Bicellaria ciliata et la Lagancula repens. 

Dans les deux premières espèces l’ovaire se présente d’abord sous 
la forme d'une cellule unique, située tout au sommet du funicule", 
dans cette région de l’organe qui est appliquée contre les parois 
latérales du cæcum stomacal. C’est dans l’intérieur de cette cellule 
primitive que se produisent les deux œufs. 

Le mode de formation paraît être le même pour l'œuf pariétal de 
la Pricellaria aussi bien que pour l’œuf funiculaire de la même espèce 
et des Bugules. 

Dans la Lepralia Martyi, la formation de l’œuf que nous avons 
déjà indiquée se peut suivre avec une grande netteté. 

On voit très-bien la cellule primitive ou ovaire, souvent accom- 
pagnée d’une ou deux autres plus petites, grandir jusqu’à présenter 
l'apparence d’une grosse masse ovoïde granuleuse dans laquelle se 
creuse une cavité ? où apparaissent deux œufs, qui mürissent l’un 
après l’autre en se nourrissant de la substance de la cellule ovarienne. 
Quand les deux premiers œufs ont quitté la loge, un second ovaire 
entre en fonctions et prend la place du premier, de telle sorte qu'on 
distingue souvent un œuf dans l’ovicelle et deux en train de mürir 
dans la loge. 

On voit par là que le mode de formation des œufs est assez uni- 
forme, et quand on le rapproche de celui des Zoospermes qui se 
développent à côté, il me semble qu'on peut établir un parallélisme 
assez complet. 

L’ovaire me paraît comparable à la cellule mère des Zoospermes. 
Il se développe dans les mêmes conditions et dans le même tissu à 
tel point qu’au début, dans la Valkeria cuscuta, il est difficile de dis- 
ünguer l’un de l’autre. 

Dans l’une il se développe un ou deux Zoospermes, dans l’autre 
toujours deux œufs, dont l’un peut s’atrophier. 

Enfin si l'on considère que dans certaines espèces, telles que la 
Lepralia Martyi, on peut trouver deux ou trois de ces cellules mères 
d'œufs que j'ai appelées des ovaires, on se rendra compte que c'est 
plutôt à l’ensemble de ces paires d’œufs qu'on doit donner le nôm 


1 PI. X, fig. 2 et 3. 
2 PI, XI, fig. 1 et 2. 


mt net 


260 LUCIEN JOLIET. 


d’ovaire, comme on donne celui de testicule à l’ensemble des cellules 
mères de Zoospermes, et qu’il n’y a en effet de différence entre ces 
organes que dans le nombre des éléments, qui est toujours considé- 
rable dans le testicule et réduit à trois, deux ou un dans l'ovaire. 


S 2. Hermaphrodisme. 


Nous avons vu par Ce qui précède que l’hermaphrodisme est la 
règle chez plusieurs Bryozoaires; c’est, en effet, le cas général, et dans 
presque toutes les espèces que j’ai pu étudier à ce point de vue, j'ai 
vu les deux éléments générateurs se produire dans la même zoécie. 

Est-ce à dire qu’il n’y ait pas d'exception à cette loi ? 

Nordmann ! à décrit depuis longtemps déjà des loges mâles et des 
loges femelles dans le Zendra zostericola. Repiachoff?, qui a, dans ces 
dernières années, repris l'étude de cette intéressante espèce, a modifié 
les résultats de Nordmann ; mais il est arrivé à cette conclusion que, si 
dans une colonie quelques loges étaient hermaphrodites, le plus 
grand nombre étaient unisexuées. 

La Lepralia Martyt me paraît être unisexuée. Je n'ai jamais vu 
aucune loge contenir à la fois des œufs et des Zoospermes, et la dis- 
position même des parties me semble incompatible avec les nécessités 
de l’hermaphrodisme. 

En effet, la glande génitale, au lieu d’être, comme dans Iles autres 
espèces, limitée à une certaine région du funicule, paraît l’occuper 
tout entier et s'étendre depuis les parois de la loge jusqu'au Poly- 
pide. En second lieu l'ovaire, qui apparaît de très-bonne heure dans « 
les jeunes loges et avant qu'aucun testicule ait pu déjà se constituer, 4 
fonctionne très-longtemps, puisqu'il peut produire jusqu’à six œufs | 
pendant un temps qui est à peu près celui de la vie de la zoécie. | 

Enfin j'ai toujours vu les loges dans lesquelles se développe un 
ovaire surmontées de très-bonne heure par un ovicelle, tandis que | 
celles qui produisent les Zoospermes en sont dépourvues même à ! 
l’âge adulte. | 


1 NorDMAN, Voyage de Demidoff. 
? REPIACHOFF, Zeitschrift, t, XXV, p. 129, 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 261 


S 3. La fécondation est réciproque. 


Quoi qu’il en soit de ces deux cas exceptionnels, l'hermaphrodisme 
est la règle générale chez les Bryozoaires, en ce sens que dans chaque 
loge se développent à la fois des œufs et des Zoospermes. 

Mais i'hermaphrodisme est-il complet, et les Zoospermes sont-ils 
aptes à féconder les œufs qui se développent à leurs côtés dans la 
même loge ? | 

C’est là l'opinion généralement reçue et cependant, en ce qui con- 
cerne quelques espèces, je suis à même de démontrer le contraire. 
. J'ai même les plus fortes raisons de croire que la nécessité de l'inter- 
vention de Zoospermes appartenant à d’autres loges est nécessaire 
au développement de l’œuf dans la généralité des Bryozoaires. 

Prenons pour premier exemple la Valkeria cuscuta. Nous avons vu 
déjà que les œufs se formaient au sommet, les Zoospermes à la base 
du funicule. 

Le tissu du testicule a déjà pris tout son développement et les cel- 
lules mères commencent déjà à se détacher, la cellule ovarienne n’est 
encore reconnaissable que par sa taille et sa forme ur peu ovale. 

Lorsque les Zoospermes commencent à nager autour du Polypide 
devenu adulte, c'est à peine s1 l’on reconnaît dans l’ovaire une ligne 
qui sépare les deux œufs ; enfin quand toutes les cellules mères étant 
crevées, la zoécie est toute remplie de Spermatozoïdes qui fourmil- 
lent en si grand nombre qu'ils lui donnent une teinte grise, on dis- 
tingue nettement les deux œufs, mais ils ne sont encore qu’ébauchés 
et sont dépourvus de vésicule et de tache germinative !. 

Cependant chaque fois que le Polypide épanoui rentre brusquement 
dans sa loge, on voit un faisceau de Zoospermes sortir de l’ouverture 
de celle-ci et se répandre dans l’eau ambiante où ils vivent à mer- 
veille. | 

C'est au travers du tissu mince et délicat de la gaîne tentaculaire 
qu'ils passent, probablement poussés par la pression que subit le 
liquide cavitaire au moment de la rétraction brusque du Polypide. 

Au bout d'un ou deux jours pendant lesquels le Polypide s’est 
épanoui et rétracté fréquemment, il ne reste plus dans la loge qu’un 
petit nombre de Zoospermes disséminés dans le liquide cavitaire ; 
cependant les œufs ne sont pas encore mûrs. 


1 PI. X, fig. 2. 


262 LUCIEN JOLIET, 


Le Polypide commence alors à se résorber suivant le mode habituel 
et à passer à l’état de corps brun; tous ses organes se flétrissent et 
s’affaissent, se réduisent de plus en plus; il se transforme en un véri- 
table corps brun, qui demeure dans le fond de la loge attaché encore 
au funicule par l'intermédiaire duquel les deux œufs se trouvent fixés 
sur sa surface. Il n'y a plus à ce moment aucun Spermatozoïde dans 
la zoécie; la loge est, par suite de la résorption de son habitant, 
complétement close ; et cependant les deux œufs, qui sont encore à 
peu près de même taille et renfermés dans leur enveloppe commune, 
présentent encore nettement leur vésicule et leur tache germinative!. 
À cette époque l’un des œufs commence ordinairement à prendre un 
développement plus grand que l’autre, qui, comprimé par son aîné, 
finit au contraire par s’atrophier. L’œuf unique grandit alors à l’aise 
et achève de müûrir dans la zoécie hermétiquement fermée, à l’abri 
des Zoospermes. Pendant cette période il double et triple de volume, 
devient granuleux et acquiert une teinte jaune brunâtre qui a causé 
la méprise de Lôven, qui l’a pris pour un corps brun. 

A la maturité il se présente sous la forme d’une sphère assez volu- 
mineuse, jaune, finement et irrégulièrement granuleuse, présentant 
une vésicule germinative très-nette et renfermée dans une enveloppe 
devenue très-mince et qui présente en arrière comme un petit 
noyau, dernier vestige de l'œuf atrophié *?. | 

À ce moment, en un point de la paroi de la loge sur lequel s’at- 
tache quelque branche du funicule, apparaît un bourgeon qui se 
développe rapidement en un petit. Polypide *, Celui-ci gagne le som- 
met de la loge, y développe une nouvelle série de muscles pariéto- 
vaginaux en même temps que deux grands rétracteurs, mais n’atteint 
jamais lui-même son développement complet. Les bras restent à 
l’état de bourgeons, l’œsophage ne se creuse jamais d’une cavité et 
finit par se réduire à un fil, le rectum contient un méconium. Par 
l'intermédiaire de la branche du funicule sur laquelle il s'est déve- 
loppé, le Polypide est en relation avec l'œuf, de sorte que la gaîne 
tentaculaire, le Polypide, son funicule et l'œuf sont alignés sur un 
même cordon. 

La portion du funicule comprise entre le Polypide et l’œuf se rac- 


1 PI. XIII, fig. 5. 
2 PL. XIIL, fig. 8 or. 
3 PL XIII, fig. 5. 


BRYOZOAÏRES DES CÔTES DF FRANCE. 263 
courcit alors beaucoup, tandis que la gaine tentaculaire s’allonge, le 
Polypide arrive ainsi à toucher l'œuf, il glisse alors sur ses côtés et 
le même Polypide que j'avais vu le 48 juillet dans la même loge au- 
dessus de l'œuf était le lendemain passé au-dessous, tandis que l'œuf 
avait pris place dans sa gaîne tentaculaire !. Quelque étonnant que ce 
fait puisse paraitre, Je l'ai observé maintes fois et le donne comme 
positif. 

Le petit Polypide s'atrophie de plus en plus, si bien qu'il ne reste 
plus de lui derrière l’œuf que son méconium?; cependant il a prêté 
à l'œuf ses muscles pariéto-vaginaux et grands rétracteurs?, ceux-ci 
sont insérés au-dessous de l'œuf sur l'enveloppe qui le soutient et qui 
est le résultat hétérogène de la fusion du petit Polypide avec la 
gaine tentaculaire. 

Dès lors, par l'intermédiaire de cette gaine l’œuf est en libre com- 
munication avec l’eau ambiante, par le jeu de ses muscles il peut 
être porté jusqu’à l’entrée de la loge, et c’est évidemment ainsi qu’il 
est fécondé. Je n’ai pas été témoin de l’acte même de la fécondation 
| Jes tissus de la loge, de la gaine, les muscles qui masquent plus ou 
moins l’œuf rendraient l'observation très-difficile; mais j'ai vu très- 
fréquemment les Zoospermes nager autour des loges et arriver jus- 
qu'à l’entrée. Je puis d’ailleurs placer le moment où la féconda- 
tion s'effectue entre des limites très-étroites. J'ai, en effet, vu les œufs 
tant qu'ils sont encore au-dessous du Polypide auxiliaire être toujours 
pourvus de leur vésicule germinative; j'en ai observé un qui était 
passé au-dessus depuis quelques heures seulement et qui n’était pas 
encore segmenté ; un troisième, tout au début de la segmentation, 
était depuis peu dans la gaîne, car le Polypide auxiliaire était encore 
reconnaissable au-dessous; enfin toutes les larves, depuis le commen- 
cement de la segmentation jusqu à celui où elles sont évacuées, sont 
toujours dans ja gaîne tentaculaire, et au-dessous d’elles on recon- 
nait toujours le méconium du Polypide auxiliaire. 

C’est donc toujours après le moment où il a passé au-dessus du 
Polypide que l'œuf est fécondé, c’est-à-dire lorsqu'il est en commu- 
nication avec l’eau ambiante chargée de Spermatozoïdes. 

Lorsque la larve est dans la gaine tentaculaire, elle se comporte 


RPE XML né Get 7. 
2 PI. XILL fig. 8, m. 
> PI, XIII, fig. 8 et 9, mgr. 


264 LUCIEN JOLIET. 


absolument comme ferait un Polypide. Attachée par son funicule au 
fond de la loge, mue en haut ou en bas par ses muscles rétracteurs, 
pariétaux et pariéto-vaginaux, elle peut se retirer tout au fond de la 
loge ou se porter tout à l’entrée en suivant la gaîne qui se déroule; 
c’est même par cette voie qu'elle s'échappe au moment de l’éclosion; 
mais l’œuf suit les mêmes mouvements avant la fécondation, et c’est 
sans doute au moment où il se trouve vers le haut de la loge qu'il 
reçoit le Zoosperme. 

Quoi qu'il en soit, deux faits ressortent incontestablement de ces 
observations. 

En premier lieu l'œuf de la Valkeria cuscuta n’est point fécondé par 
les Zoospermes développés dans la même loge que lui. En second 
lieu, il ne peut être fécondé que par les Zoospermes provenant des 
autres loges et qui sont constamment répandus dans l’eau ambiante. 

Les faits que je viens d'exposer ne sont pas particuliers à la 
Valkeria cuscuta, ils se passent exactement de la même manière dans 
la Bowerbankia imbricata et dans la Lagenella repens. 

J'ai observé à plusieurs reprises dans ces deux espèces la larve se 
développant dans la gaîne tentaculaire, remuée par ses muscles, portée 
jusqu'à l’entrée de la zoécie, et c’est assurément par cette voie que 
l'embryon est évacué. 

Chez les Bugula avicularia et flabellata, dans la Bicellaria ciliata, j'ai | 
vu des œufs encore pourvus de leur vésicule et de leur tache germi-# 
native dans des loges dont tous les Spermatozoïdes avaient déjà | 
disparu. Il est donc certain pour moi que dans ces espèces le concours # 
de Zoospermes étrangers est nécessaire à l’œuf. Reste à déterminer 4 
le moment de la fécondation. | 

Bien souvent j'ai été témoin de l'évacuation des Zoospermes qui 
dans ces espèces se fait, comme dans les Vésiculaires, à travers la | 
gaine tentaculaire; bien souvent j'ai vu les éléments mâles nager 4 
autour des loges et des ovicelles; ils peuvent donc très-bien, à travers 1 
l’eau ambiante aller d’une loge à l’autre. 

Une autre considération me porte à croire qu'il en est de même | 
chez la généralité des Bryozoaires, c’est l'abondance des Zoospermes. | 

Il s’en produit habituellement dans une loge un si grand nombre | 
que celle-ci en est obseurcie. Une telle quantité serait-elle nécessaire | 
pour féconder des œufs contenus dans la même zoécie et qui en sont { 
environnés de toutes parts, et n'est-il pas plus probable que, s’il se fait | 
une si grande production de Zoospermes, c’est qu'il s’en fait une | 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 265 


grande perte et qu'un grand nombre, entraînés par les courants, n'’ar- 
riveront pas à destination ? 

Enfin, puisqu'il existe des Bryozoaires à loges unisexuées, il faut 
bien que les Zoospermes passent des loges mâles aux loges femelles ; 
par où se fait le transport? Sans aucun doute à travers l’eau am- 
biante. 

Cherchons maintenant s'il n’est pas possible de préciser le moment 
où se fait la fécondation ; mais, pour cela, il nous faut aborder une 
nouvelle question qui a fait l’objet de beaucoup de controverses, 
celle des ovicelles. 


S 4. Question des ovicelles. 


Les ovicelles sont des cellules globuleuses qui surmontent les loges 
avec la cavité desquelles elles sont en rapport de diverses manières 
et dans lesquelles on rencontre chez beaucoup de Cheïlostomes des 
larves en voie de développement. Nitsche a fort soigneusement décrit 
leur mode de formation dans la Prcellaria ciliata ; mais leur forme et 
leurs rapports avec la loge ne sont pas partout les mêmes. 

Toujours est-il que Huxley affirme que les œufs naissent dans les 
zoécies et ne passent dans les ovicelles que lorsqu'ils sont mûrs, pour 
y suivre leur développement embryonnaire comme dans une sorte de 
marsupium. Hincks prétend au contraire que les œufs naissent et se 
développent dans l’ovicelle. 

Je n'ai jamais rien vu qui puisse justifier cette dernière manière de 
voir, et tous les faits sont, au contraire, en faveur de la théorie de 
Huxley. 

Nous avons vu à plusieurs reprises que! était le lieu précis du dé- 
veloppement des œufs, nous savons que c’est la zoécie, et dans la zoécie 
le funicule. Nous avons vu l’œuf grandir, se détacher du tissu produc- 
teur et serapprocher de l’ouverturedelaloge ; l'ovicelle est encore vide ; 
à côté on trouve des ovicelles dans lesquels des œufs, tout semblables à 
ces derniers, sont déjà au second stade de la segmentation. On peut 
conclure de là, avec grandes chances de ne pas se tromper, que l'œuf 
passe de la zoécie dans l’ovicelle, et que c’est à ce moment qu'il est 
fécondé. 

Je n'ai jamais assisté au passage dans les bugules ou la Bicellarra, 
mais Jai été témoin au moins des premières phases de ce phénomène 
dans la Lepralia Martyr. 


266 LUCIEN JOLIET. 


Dans cette espèce l’ovicelle surmonte la loge, les-cavités de l’un et 
de, l’autre sont en communication par un large canal, et la lèvre oper- 
culaire, se trouvant sur la ligne de soudure de l’ovicelle avec la loge, 
sert à fermer l’une et l’autre à la fois. 

Je vis le 41 août, à huit heures du matin, un œuf qui avait déjà 
perdu sa tache germinative et avait abandonné l'ovaire pour gagner 
le sommet de la loge; peu de temps après son bord supérieur avait 
dépassé un peu la ligne de charnière de la lèvre operculaire ; à cinq 


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FiG. 3. — Lepralia Martyi. OŒEuf F1c, 4. — Mème loge, dessinée à la cham- 
commençant à s'approcher de bre claire quelques heures après et dans 
l'entrée de l’ovicelle. laquelle l'œuf est déjà fortement engagé 
dans le passage de l’ovicelle, \ 


heures du soir il avait presque atteint la ligne courbe supérieure de 
cette même lèvre; l'œuf était donc fortement engagé dans le canal de 
communication. Je n'ai pu suivre plus avant le phénomène, les condi- 
tions auxquelles j'étais obligé de soumettre mon sujet pour permettre 
l'observation à tout moment ayant fini par le tuer; mais il n'avait 
qu'à se poursuivre pour amener en quelques heures l’œuf entier 
dans l'ovicelle. | 
Fussé-je même privé de cette observation directe, les faits suivants 
me semblent suffisants pour établir le fait de la migration de l’œuf. Si 
à la fin de juillet on examine un rameau bien développé de Zugula 
avicularia ou flabellata, on reconnaît : au sommet, des ovicelles en voie 


1 Dans la Bicellaria et les Bugules l’œuf est accompagné d’un bourrelet particulier 
et souvent coloré de l’endocyste de l’ovicelle, qui semble le séparer de lentrée ; ce 
bourrelet, qui se développe comme une sorte de caduque, a pu faire croire à Hincks 
que l’œuf se produisait derrière lui dans l’ovicelle. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 267 


de formation, puis des ovicelles contenant des larves!, puis une zone 
d'ovicelles vides, puis une nouvelle région où les larves s’y trouvent ; 
si l’on compare l’état des loges à celui des ovicelles, on s'aperçoit que 
les loges surmontées par des ovicelles vides contiennent elles-mêmes 
des œufs presque mûrs, tandis que dans les autres les œufs, s’il y en a, 
sont encore à l’état d’ébauche. 

IL ressort de là nettement que dans les espèces où plusieurs œufs 
se forment successivement dans les loges, ils se succèdent dans les 
ovicelles, et que, lorsqu'une larve vient d’éclore, l’ovicelle reste vide 
jusqu’à ce qu'un nouvel œuf vienne remplacer l’ancien. 

De l’ensemble des observations et des arguments que je viens de 
présenter je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes : 

1° Règle générale, les œufs ne peuvent être fécondés que par des 
Spermatozoïdes étrangers à la loge qui les produit ; 

20 Dans certaines espèces la fécondation par un Zoosperme étranger 
a lieu dans la loge même que l’œuf occupe. Aïlleurs elle a lieu soit 
dans l’ovicelle, soit au moment du passage dans l’ovicelle. 


S 5. Développement de l'œuf. 


Nous avons parlé déjà de l’origine des éléments reproducteurs et de 
la fécondation. Je devrais maintenant traiter la question du dévelop- 
pement de la larve. Un observateur français ! s'occupe aussi de cette 
question sur laquelle il à fait paraître plusieurs notes. Il est néces- 
saire d'attendre la publication complète du travail; car les données 
qui ont été publiées dans des notes succinctes, ne sont pas suffisantes 
pour qu'on puisse se livrer sur leur compte à un examen eritique. 
Je passerai donc cette question sous silence et j’aborde immédiate- 
ment l'étude de la fixation de la larve et de son développement en 
colonie. 


S 6. Métamorphose de la larve. 


Depuis plusieurs années on sait que les larves ciliées des Bryozoaires 
qui possèdent pendant leur vie errante une organisation assez élevée 
la perdent complétement lorsqu'elles se fixent avant de donner nais- 
sance à une nouvelle colonie. 


1 M. Barrois, : ; 


268 LUCIEN JOLIET. 


J'ai pu réunir quelques observations assez complètes qui ne lais- 
sent aucun doute à ce sujet. 

Les larves du Sarcochitum polyoum sont extrêmement abondantes 
à la fin de mai; on peut se faire une idée de leur forme en les compa- 
rant à un champignon dont le pied serait très-court et presque aussi 
large que le chapeau. 

Si l’on examine la larve par la face qui correspond au-dessus du 
chapeau, on voit que le disque est bordé d’une simple rangée de 
grandes cellules cubiques toutes hérissées de cils vibratiles. Au centre 
on distingue une masse grise granuleuse volumineuse qui ne laisse 
entre sa surface et la bordure de cellules qu’un étroit espace occupé 
par un protoplasme clair, mais rempli de cellules rameuses de formes 
diverses. 

Cette masse grise centrale montre à peu près la forme d’un cœur 
de cartes à jouer. Au-dessus de l’échancrure de ce cœuret dans l’es- 
pace qui la sépare de la bordure de cellules ciliées, fse trouve un 
corps ovoïde grisâtre formé de cellules olivaires disposées transversa- 
lement de part et d'autre, d’une dépression ou fente longitudinale 
qui paraît être l’orifice buccal, et est armé de longs cils vibratiles 
constamment en mouvement. 

Ce corps celluleux est très-mobile ; il peut, en repoussant devant 
lui la portion de la bordure de cellules ciliaires qui l’avoisine, pro- 
duire à la surface de l'embryon une sorte de rostre, et l’on voit très- 
fréquemment cette saillie s’accuser nettement. 

Grâce à ses longs cils vibratiles, la larve s’agite vivement dans l’eau, 
en tournoyant de ce mouvement particulier à un si grand nombre de 
Bryozoaires. 

Au bout de douze, quinze, vingt-quatre heures de vie active, habi- 
tuellement la larve commence à se fixer. 

Ses mouvements deviennent plus lents; les cils disparaissent peu à 
peu et leur mode de destruction est aussi facile qu'intéressant à 
suivre sous le microscope. À l’extrémité des cils qui se ralentissent, 
on voit d’abord perler une gouttelette réfringérènte, qui augmente de 
plus en plus de volume en absorbant la substance du cil jusqu’à ce 
qu’elle soit arrivée à la surface de la cellule. Le cil se résout donc de 
l'extrémité à la base en une gouttelette de protoplasme. C'est là le 
premier indice de décrépitude chez la larve, qui reste au fond de la 
cuvette et ne tarde pas à s’y coller. Les cellules de la bordure ciliaire 
se désagrégent alors, perdent leur noyau, puis leur contour, et finis- 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 269 


sent par passer à l'état de granules un peu plus volumineux que Îles 
autres et disséminés dans le protoplasme sous-jacent. Les cellules 
olivaires du corps ovoïde subissent le même sort; la masse centrale 
grise cesse d’être distincte du reste de l’animal, dans lequel on ne 
reconnaît plus qu’une masse homogène de protoplasme granu- 
leux. 

Cette masse ne reste pas sphérique ; elle s'étale sur le fond qui le 
supporte et v prend une forme irrégulière. 

Etant parvenu à faire fixer un certain nombre de larves sur des la- 
melles de verre mince que j'avais déposées au fond de mes cuvettes, 
j'ai pu suivre sur un même individu successivement toutes les phases 
du développement pendant une semaine. 

Le 18 mai, un embryon cilié, semblable à celui que je viens de dé- 
crire, se fixa sur une de mes lamelles vers cinq heures du soir. 

Le 19, à sept heures du matin, il s'était transformé en une masse 
déprimée et à contour irrégulier de sarcode granuleux, au sein du- 
quel on distinguait nettement une sorte de biscuit de protoplasme 
transparent et homogène, ébauche de embryon. 

A six heures du soir, l'embryon avait grandi et une fente longitu- 
dinale, quise voyait déjà le matin, s'était accusée, formant une sorte 
de vide limité par le protoplasme. 

Le 20, à six heures du soir, cet anneau s'était divisé en un certain 
nombre de lobes ébauches des bras. 

Le 21, à huit heures du matin, les lobes avaient grandi et formaient 
une véritable couronne. Au-dessous se voyait l'ébauche d’une cavité 
digestive, et au-dessus une sorte de cloche, premier indice de la gaîne 
tentaculaire. De plus, une fine ligne transversale avait séparé de la 
zO6CIe primitive un segment supérieur destiné à devenir une nouvelle 
loge. 

Le 22, à huit heures du matin, on distinguait dans le Polypide 
l’'æsophage, l'intestin, et même les muscles grands rétracteurs. 

Dans la nouvelle zoécie détachée la veille apparaissait l’ébauche 
d’un Polypide. 

Le 23 mai, à neuf heures et demie du matin, le premier Polypide 
est plus avancé ; le bord antérieur de la zoécie qu’il occupe, qui était 
droit au moment de la production de la nouvelle loge, s’est arrondi et 
percé d’une ouverture. 

Dans le second Polypide, la couronne aux dépens de laquelle se 
formeront les bras est devenue distincte; enfin, sur les côtés, entre 


270 LUCIEN JOLIET. 


l'ancienne et la nouvelle zoécie, apparaissent deux loges latérales qui 
se séparent par des cloisons de la zoécie primitive. 

Le 24%, à une heure de l'après-midi, le premier Polypide s’est para- 
chevé; dans le second apparaissent les lobes rudiments des bras; 
enfin, sur les côtés, dans les loges latérales, deux noyaux clairs an- 
noncent la formation de Polypides. 

Le même jour, à trois heures de l’après-midi, j’assiste au premier 
épanouissement du Polypide, qui, après plusieurs tentatives, finit par 
forcer l'entrée de la loge et ouvrir dans l’eau sa couronne de dix-huit 
tentacules ciliés, recueillant de la nourriture pendant plus d’une 
heure. 

Le 29, ce même Polypide commençait à se flétrir, les trois autres 
continuaient à se développer. 


L’Alcyonidium hispidum de Smitt (Ælustrella hispida de Redfern) suit 
un développement tout à fait analogue, mais la larve est douée d’une 
organisation plus complète et tout à fait comparable au Cyphonautes. 

Entre deux valves transparentes, qui rappellent pour la forme 
celles d’un cypris, se trouve un tissu délicat et transparent dont la 
texture est loin d’être la même sur tous les points!. Vers la partie 
postérieure se trouvent en effet des traînées fortement granuleuses; 
tandis qu’en avant une petite masse de tissu celluleux foncé, dont le 
profil ressemble vaguement à une tête d’oiseau?, s'agite fréquem- 
ment, mue qu'elle est par plusieurs fibres musculaires? très-distinctes, 
qui s’attachent en arrière. Du côté du dos de l’animal, c’est-à-dire 
vers la jonction des valves, se voit une petite saillie * portant des soies 
roides-et qui ressemble à celle des larves de Pédicellines; enfin, du 
côté opposé, sur la face ventrale, les tissus bordent les valves en de- 
dans comme le manteau d’un acéphale, et leur bord libre, constitué 
par de grandes cellules, est couvert de cils vibratiles. On remarque 
une houppe de cils plus actifs au niveau du corps en tête d'oiseau. 

Cette larve, si compliquée avec ses cellules vibratles, son corps 
mobile, ses muscles, se comporte absolument comme celle du Sar- 
cochitum polyoum. Toute la matière vivante se réduit dans l’espace 
de quelques heures en une masse ovoïde de protoplasme amorphe 


{ PI, XIII, fig. 3. 

2 PI. XIII, fig. 3 p. 
5 PI, XIII, fig. 3 m. 
“ PI, XILL, fig. 3 cs. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 271 


qui s'amasse dans l'intérièur des valves à cheval sur la charnière, et 
c'est dans ce protoplasme, constituant une zoécie primitive, qu'on 
voit apparaitre la tache claire qui est le premier indice de l'embryon", 
et que, plus tard, on voit se développer les bras et s'achever l’orga- 
nisation du Polypide, absolument comme dans le Sarcochitum polyoum 
que j'ai pris pour type, parce que ses larves sont extrêmement abon- 
dantes, moins délicates que celles de la Ælustrella hispida, et suppor- 
tent mieux l'observation continue. 

J'ai observé encore avec détail le développement de la Bugula fla- 
bellata, mais Nitsche l’a si bien décrit que je ne puis que renvoyer à 
sa description, dont J'ai pu de tout point vérifier l’exactitude?. 

On croit généralement que la première loge produite par la larve 
des Vésiculaires est une portion de la tige, dans laquelle aucun Poly- 
pide ne se développe, mais sur laquelle bourgeonnent des zoécies. Il 
n’en est rien. J'ai suivi avec soin les métamorphoses de la larve de la 
Bowerbankia imbricata, et voici ce qui est résulté de mon examen : 

La larve de la Zowerbankia a quelque peu la forme d’un melon, 
comme l'a justement fait remarquer M. Barrois; elle est revêtue 
d’une enveloppe ciliaire générale, et sa couleur est d’un rouge brique 
pâle. 

Lorsqu'elle se fixe, elle prend une forme arrondie irrégulière et se 
revêt d'une membrane. On voit alors s’accuser à l’intérieur une 
masse rouge, dont la couleur devient de plus en plus foncée et la 
structure plus granuleuse. Cette masse diminue peu à peu de volume 
et pourrait être au premier abord prise pour un corps brun. L'espace, 
qui grandit de plus en plus entre elle et la membrane externe de la 
larve, se remplit d’un protoplasme légèrement granuleux. Bientôt on 
y distingue un point plus clair; c’est là que le Polypide commence à 
s’ébaucher dans la zoécié primitive; le corps rouge, formé de matière 
nutritive, ne disparait que petit à petit, comme dans la première loge 
des Bugules. 


A l'exemple de Repiachoff”, je ne puis me défendre de comparer 
la désorganisation momentanée de la larve à celle du Polypide dans 
les loges ordinaires. C’est un fait bien remarquable et bien caracté- 


CPIXIIE Ge. 4. 
2 Nirsoue, Zeitschrift, Band XX 
3 Repracnorr, Zeüschrift, 26. 


272 LUCIEN JOLIET. 


ristique des Bryozoaires que cette sorte de rénovation de l’organisme 
obtenue par la destruction et la résorption des parties anciennes, et 
il n’est pas étonnant de trouver dans le développement de la larve un 
exemple de ce qui se voit plus tard constamment chez l'adulte. Je 
suis disposé à comparer au Polypide le corps en tête d'oiseau de la 
Flustrella hispida. C'est avec la bordure de cellules ciliées le seul 
corps organisé qui soit dans la larve, car toute la masse centrale est 
composée de protoplasme plus ou moins granuleux. De plus, on ne 
peut pas voir ses mouvements de protrusion et ses rétractions brus- 
ques sans y reconnaitre les allures d’un Polypide ; enfin, les deux 
faisceaux de muscles qui causent ces mouvements ne sont-ils pas ana- 
logues aux muscles grands rétracteurs ? 

C’est dans ce corps qu'est creusée la fente armée de longs cils 
qu'on appelle {a bouche. Mais, dans cette espèce, elle n’est pas suivie 
d'un tube digestif, comme dans le Cyphonautes, et n’aboutit qu'à une 
dépression en cul-de-sac. 

Je pense qu’on doit lui assimiler le corps celluleux et protrusible, 
également creusé d’une fente buccale du Sarcochitum polyoum, aussi 
bien que la rosette de cellules que Nitsche décrit dans le voisinage des 
flagellums et de la bouche dans la larve de la Bugula flabellata *. I] 
est probable qu'une étude plus complète des différentes larves des 
Bryozoaires amènerait à trouver d’autres analogies et d’autres exem- 
ples des mêmes faits. 


CHAPITRE IV. 


CONCLUSIONS GÉNÉRALES. 


Les observations nouvelles que nous avons présentées dans le cours 
de ce travail, les conclusions particulières que nous en avons tirées 
nous permettront-elles d'aborder les problèmes qui se posent sueces- 
sivement à tous les observateurs depuis cinquante ans sans qu’on en 
ait donné encore une solution satisfaisante ? 

Le Polypide est-il un individu, ou un organe, ou un ensemble 
d'organes ? 

La zoécie est-elle un individu ? Celui-ci consiste-t-il, au contraire, 
dans l’ensemble des zoécies, dans la colonie elle-même ? 


1 Nirscue, Zeilschrift, Band. XX, fig. 1. 


EE 


PR EE RE TR 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 273 


A qui, de la zoécie ou du zoïde, appartiennent les fonctions repro- 
ductrices ? 

Quelle est la place des Bryozoaires dans la classification ? 

Si j'essaye de coordonner et de discuter les idées qui ont été émises 
sur ces différentes questions et de les mettre en harmonie avec les 
observations que j'ai exposées dans le cours dé ce mémoire, si je 
tente enfin de tirer de cet ensemble quelques conclusions générales, 
je ne dois pas oublier que je sors ici du domaine des faits. 

C'est simplement l’opinion que je me suis faite au cours de ces 
études dont je vais donner l'exposé motivé. 

Je ne reprendrai pas l'historique des différentes vues qui ont été 
proposées depuis Peyssonel sur la nature des Bryozoaires. Ce travail 
a été fort bien fait par Nitsche et il est inutile d'y revenir ‘. Je résu- 
merai simplement les principales opinions qui ont cours aujourd’hui. 

Une première théorie est due à Grant, a été adoptée par M. Milne- 
Edwards et Ehrenberg, et est encore soutenue quelquefois. 

La zoécie et le Polypide ne formeraient qu'un même individu, élé- 
ment de la colonie. Le Polypide ne serait qu’un organe de respiration 
| et de digestion, la zoécie serait son enveloppe, son manteau. 
Suivant Allmann, au contraire, la zoécie est un véritable individu, 
_ produisant par bourgeonnement intérieur le Polypide, l'ovaire et le 
testicule, qu'il considère comme trois formes nouvelles d'individus, 
la première très-élevée, les deux dernières très-simplifiées. 

Nitsche adopte la théorie d’Allmann avec des modifications. 

La zoécie est pour lui un individu, mais un individu sexué, Caril 
| ne consent pas à faire de l'ovaire et du testicule deux êtres distincts; 
| ces deux organes font à ses yeux partie intégrante de la zoécie. La 
| zoécie, à qui appartient la reproduction sexuée, est également, d’après 

ce système, chargée de la reproduction asexuée : par bourgeonne- 
| ment extérieur, elle produit de nouvelles loges ; par bourgeonnement 
intérieur, elle produit le Polypide, qui est, lui aussi, un individu, mais 
| asexué, et chargé simplement des rapports avec le monde extérieur. 
Tels sont sommairement les éléments de la discussion. 
La théorie ancienne de Grant est certainement très-simple et très- 
 Séduisante au premier abord ; mais, de l’avis de tous, elle n’est plus 
| en harmonie avec les observations qui ont été faites depuis. 
Conçoit-on en effet qu'un animal, une Ascidie, par exemple, puisque 


1 NirsCne, Leber die Morphologie der Bryozoen (Zeitschrift, Ban XXI, p. 471). 


ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GEN. = T. VI. 1877, 18 


et rm Éd 


274 LUCIEN JOLIET. 


c’est à côté des tuniciers que les auteurs de cette époque s’accordaient 


généralement à ranger les Bryozoaires, conçoit-on qu’une Ascidie - 


perde périodiquement son tube digestif, sa branchie, ses muscles, son 
système nerveux et se réduise momentanément à son manteau pour 
reproduire peu après toutes ces parties essentielles à la vie? C’est 
cependant là ce qui se passerait constamment chez le Bryozoaire 
chaque fois que le Polypide vient à se résorber pour faire place à un 
nouveau bourgeon. 

D'autre part, un appareil qui Comprend : tube digestif, branchie, 
muscles, système nerveux, est assurément plus qu’un organe, c’est 
un individu. I n’est pas possible de voir le Polypide sortir de sa loge 
timidement, y rentrer brusquement au moindre choc, sentir, manger, 
respirer, se mouvoir, sans comprendre qu’il y a là plus qu’un système 
et bien un animal complet. 

Enfin, quand on étudie les Vésiculaires, on est bien forcé de s’ha- 
bituer à séparer la zoécie du Polypide, puisque dans ce groupe de 
Bryozoaires, il existe un stolon composé de véritables loges, possé- 
dant tous les caractères et la constitution des loges normales, mais 
dépourvues constamment de Polypide. 

Il y a mieux. Dans les Pédicellines non-seulement il existe un sto- 
lon comme dans les Vésiculaires, mais il se trouve des loges qui sont 
animées de mouvements fort énergiques, bien qu’elles ne renferment 
aucune trace de Polypide ; les tiges des Pédicellines, entre le moment 
où elles viennent de laisser tomber leur tête jusqu'à celui où elles 
en reprennent une nouvelle, sont en effet aussi contractles qu'avant 
ou après cette période. 

Le Polypide et la zoécie sont donc deux choses tout à fait distinctes. 
Si l’on ne connaît pas de Polypide sans zoécie, on voit tous les jours 
des zoécies sans Polypide. 

La théorie d’Allmann modifiée par Nitsche en ce qu’elle a de trop 
excessif est plus en harmonie avec les observations récentes. Si la zoé- 
cie est un individu, il est naturel qu’elle puisse subsister par elle- 
même et qu'on puisse la trouver dans les Vésiculaires aussi bien que 
dans les Pédicellines, indépendamment du Polypide; il est convenable 
aussi, si on la compare, comme l’a fait Leuckart, à un kyste produi- 


sant des cysticerques, qu’elle bourgeonne des individus d’une autre À 


forme sur sa surface interne ; enfin, il n’est nullement étonnant que 
ces individus, n'ayant qu’une existence éphémère se succèdent dans 
une même loge. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 275 


Cette théorie, qui, comme on le voit, rend bien compte de l’exis- 
| tence de zoécies sans Polypide et du renouvellement du Polypide, 
n'est cependant pas satisfaisante à beaucoup d’égards et notamment 
au point de vue de la reproduction et des homologies à établir entre 
les Entoproctes et les Ectoproctes. 

Il peut paraître en effet singulier que la zoécie cumule toutes les 
fonctions reproductrices, reproduction sexuée et asexuée, reproduc- 
tion des loges, reproduction des Polypides, reproduction des larves, 
tandis que le Polypide, possédant une organisation si complète, n’a 
d'autre rôle que de digérer. 

Puisque nous reconnaissons réellement dans le Bryozoaire deux 
formes d'individus, ce fait de la localisation de toutes les fonctions re- 
| productrices dans une seule d’entre elles est sans analogue ailleurs. 
| D'autre part, il est bien reconnu que, chez les Pédicellines, que 
| Von considère la tête comme une zoécie complète ou comme un 
Polypide, dans tous les cas, la reproduction sexuée appartient à 
| ce dernier. On se trouve donc obligé, ou de se mettre en désaccord 
avec la théorie d’Allmann-Nitsche ou de reconnaître entre les Ento- 
proctes et Les autres Bryozoaires des différences si profondes et d’un 
| ordre si élevé, qu’elles obligeraient presque à placer les premiers 
complétement en dehors du groupe. 

Or, les Entoproctes me paraissent si bien liés aux autres Bryo- 
zoaires, qu’il y a plutôt lieu de se demander, ce me semble, si on ne 
| doit pas rapporter généralement la reproduction sexuée au Polypide 
| plutôt qu’à la zoécie. 

Je sais bien que quand on songe à l’œuf pariétal des Bicellaria se 
| développant sur un rameau de l’endosarque au contact des parois de 
la loge, le rapprochement peut paraître forcé au premier abord ; mais, 
| d'autre part, l’œuf des Vésiculaires naissant directement contre le 
| Cæcum stomacal et même un peu au-dessus de son extrémité, l'œuf 
funiculaire des Bicellaires, des Bugules et de l’Eucratea se dévelop- 
pant immédiatement au-dessous de ce même cæcum sont bien dans 
| la dépendance immédiate du Polypide. Et le testicule, ne se forme- 
til pas toujours au sein du funicule, portion, il est vrai, de l’en- 
 dosarque, mais portion modifiée, appropriée aux fonctions qu’elle 
remplit près du Polypide et véritable annexe de celui-ci, dont elle 


276 LUCIEN JOLIET. 


reproducteurs dans plusieurs espèces, telles que les Flustres ou les 
Membranipores, rend mon opinion insoutenable. Mais sont-ce les 
seuls organes dans ce cas? Quels rapports, par exemple, ont avec le 
Polypide les muscles pariétaux ? 

Ds ne sont nulle part en contact avec lui, la plupart en sont plus 
éloignés que ne sont les organes reproducteurs, et cependant ils se 
développent en même temps que le Polypide, disparaissent avec lui 
et, tant qu'ils existent, restent sous sa dépendance et obéissent à sa 
volonté. A quel titre les distinguerait-on des autres muscles qui tous 
sont et ont toujours été regardés comme appartenant au Polypide ? 

N'est-ce pas là un cas tout à fait semblable à celui des œufs? 

D'ailleurs les éléments, les organes reproducteurs ne sont-ils pas 
liés directement dans leur développement au développement du Po- 
lypide ? 

Dès que s'organise le jeune bourgeon, on voit apparaître der- 
rière lui les cellules mères des Zoospermes et des œufs; les Zoos- 
permes ne vivent pas au-delà de sa vie, 1ls disparaissent avec lui ; les 
œufs, ilest vrai, durent plus longtemps, mais est-ce le seul exemple 
dans la nature d'œufs survivant à la mère? 

Enfin, dernier argument: a-t-on vu jamais des œufs ou des Zoo- 
spermes dans des zoécies privées de Polypide, s’en développe-t-il dans 
les articles de tige des Vésiculaires, s’en forme-t-il dans les zoécies 
avant la naissance d’un bourgeon ou après la destruction du Polypide? 


Pour résumer : 

Il y a de nombreuses espèces d’Ectoproctes chez lesquelles les élé- 
ments générateurs se développent dans le voisinage immédiat du corps 
du Polypide et dans un organe qui en dépend. 

Les œufs et les Zoospermes sont toujours dans la dépendance du 
Polypide, en ce sens qu'ils accompagnent toujours son développement 
et ne se forment jamais sans lui. 

Dans les cas où les éléments générateurs se forment sur les parois 
de la loge et à quelque distance du Polypide, ils appartiennent à ce 
dernier au même titre que les muscles pariétaux. 

Pour toutes ces raisons, je ne puis m'empêcher d'attribuer au Poly- 
pide les fonctions reproductrices par voie sexuée. 

Les conséquences de cette manière de voir sont les suivantes : 


Les Entoproctes, au lieu de constituer un type aberrant, ne sont 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 277 


qu'un type perfectionné et d’ailleurs bien caractérisé, mais rentrant 
dans la loi générale. 

Tout Bryozoaire comprend deux sortes d'individus, la zoécie et le 
zoïde. 

La zoécie est chargée de la reproduction asexuée; par bourgeon- 
nement, elle produit le zoïde. 

Le zoïde est chargé de la reproduction par voie sexuée ; il produit 
la larve. | 

Or, la première zoécie, souche de la colonie nouvelle, n’est pas, 
comme on l’a dit, engendrée par la larve. C’est la larve elle-même 
qui se métamorphose comme la chenille se métamorphose en chry- 
salide, c’est-à-dire en conservant son individualité. On peut donc dire 
que le zoïde produit par voie sexuée et sans intermédiaire la zoécie. 
Cette succession de phénomènes constitue une alternance de 
| formes bien caractérisée, avec cette seule particularité que l'individu 
; de seconde génération reste constamment attaché à celui sur lequel 
| il a bourgeonné. 
Les rapports qui existent entre la zoécie et le zoïde me paraissent 
| pouvoir être comparés très-exactement à ceux qui règnent entre 
_J’anatife et son pied. Dans cet animal, le pied peut produire par bour- 
geonnement plusieurs animaux parfaits, et les organes génitaux, 
tout en appartenant réellement à l’animal parfait, paraissent sou- 
vent se former dans le pied. 
| Dans la plupart des espèces, la zoécie bourgeonne successivement 
| plusieurs Polypides stériles, qui n’ont d’autre objet que de prendre 
| de la nourriture et d'alimenter la colonie jusqu'à ce qu'il s'en pro- 
| duise un sexué ; après quoi, la zoécie meurt. 
_ Au contraire, chez les Pédicellines, dans la zoécie qui constitue la 
| tête, ilne se produit jamais qu'un Polypide. A quoi cela tient-il? A ce 
| que le Polypide des Pédicellines est toujours sexué. Après la reproduc- 
tion, la zoécie meurt avec le zoïde, suivant la loi générale, et tombe. 

Nous allons encore trouver dans cette théorie l’explication natu- 
relle des différences qui existent entre les larves des Entoproctes et 
celles des Ectoproctes. 
_ J'ai décrit plus haut, dans les larves de l’A/cyonidium hispidum et 
du Sarcochitum, un corps que je regarde comme l’homologue d’un 
|Polypide. Pour moi, ces larves, hautement organisées, peuvent être 
| considérées comme le composé d’une zoécie et d’un zoïde, tous deux 
modifiés en vue de la vie errante que doit mener la larve. 


9278 LU = LUCIEN JOLIET. 


Quand celle-ci est sur le point de se fixer, le zoïde qu’elle contenait 
se résout comme ferait celui d’une loge ordinaire, et, en se résolvant, 
entraîne, dans la zoécie qu’il habite, des modifications correspondantes, 
telles que la chute des cils et de l’épithélium ciliaire. 

De même, dans la larve des Pédicellines, on distingue, et même 
plus nettement que partout ailleurs, la zoécie et le zoïde. La zoécie, 
en forme de coupe, ressemble à une tête ordinaire de Pédicelline ; le 
zoïde remue dans sa demeure et, sauf ses deux grands lobes ciliés, se 


rapproche beaucoup de celui des têtes normales. Pourquoi, dans ces 
larves, n’y a-t-il pas désorganisation totale comme dans celles des 


autres Bryozoaires ? 


Parce que dans les Pédicellines, le zoïde, comme nous venons dem 
le voir, ne se résout pas, ne se renouvelle pas, et que la loge suit sa 
destinée. Elle continue à vivre et bourgeonne directement un COM 


mencement de stolon. 


Les larves des Pédicellines sont donc parfaitement comparables, à 
mon avis, à celles des autres Bryozoaires, et l’on peut suivre das 4 


les différents groupes le perfectionnement des formes : 


Dans les larves de plusieurs Zepralia que j'ai examinées, je n’ai pu À 
reconnaître l’analogue de ce corps celluleux que j'assimile au Poly 


pide dans le Sarcochitum et dans la Flustrella. 


Dans le Sarcochitum, il semble réellement jouir d’une certaine in 


dividualité, car on le voit se contracter, exécuter des mouvements 
indépendants de ceux de la larve. De plus, il est pourvu d’une ou 
verture qu’on s'accorde à nommer buccale, et cette ouverture est 
garnie d’un faisceau tout spécial de grands cils. 

Dans la Flustrella hispida, ce corps non-seulement est contractile, 
pourvu d’une bouche et de cils spéciaux, mais il est mu par de vérr 
tables muscles, et il ressemble certainement plus à un Polypide que 
le corps rond des Aviculaires, qu’on s'accorde pourtant généralementà 
considérer comme l’homologue de ce dernier. 

Enfin dans les Pédicellines, la coexistence dans la larve d’une 
zoécie et d’un zoïde n’est plus contestabie. 

On voit par là que les formes larvaires les plus simples sont constis 
tuées uniquement par une zoécie, dans laquelle l’ébauche d’un Po- 
lypide est peu ou point reconnaissable, ce qui confirme encore une 
fois ce que j'avancais tout à l’heure, à savoir que la zoécie est le pros 
duit direct de la génération sexuée. C’est dans la larve que la zoécie 
atteint son organisation la plus élevée, parce qu’elle mène une vie 


; 
’ 


Dal 


BRYOUZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 279 
errante ; son endocyste n'est pas seulement un épithélium cylindrique 
et bien organisé, c’est, au moins par places, un épithélium ciliaire *; 
le Polypide, au contraire, est à l’état rudimentaire et d'autant plus 
rudimentaire que la larve est plus active. Les larves de Sarcochitum 
sont moins agiles que celles des Bugules ; celles de la Flustrella sont 
paresseuses et se traînent au fond des cuvettes ; enfin, celles des Pé- 
dicellines ne remuent que par boutades. 

Que penser maintenant de la théorie de Hæckel, qui veut envisager 
l'individu comme représenté non pas par la zoécie, mais par l’ensem- 
ble des zoécies par la colonie? 

Sans doute, toute la colonie naît d’une même larve ; sans doute, 
dans plusieurs Bryozoaires d’eau douce, les loges ne sont pas dis- 
tinctes, ce qui force à donner à l’ensemble des êtres issus d’une 
même larve un certain degré d'unité. Mais, d'autre part, quand on 
considère que dans les Loxosomes les zoécies, à mesure qu'elles 
bourgeonnent sur la zoécie primitive, s’isolent, se détachent et mè- 
nent une existence séparée, il pourra sembler difficile d'envisager 
comme ne formant qu'un même être les zoécies dispersées qui sont 
issues d’un même parent. 

… De plus, quand on prend en considération les formes variées que 

peut affecter la zoécie, comme Leuckart l'a si justement démontré, 
zoécie, aviculaire, vibracule, épine, article de tige, fibrille radiculaire, 
on ne peut se défendre de regarder, comme une entité particulière, 
un être qui affecte des formes si variées. 

La zoécie reste donc pour nous l’une des deux formes d'individus 
dont l’union constitue le Bryozoaire. 


Abordons maintenant le second des deux problèmes que j'ai posés 
en commencant cette discussion. 

Quelle est la place des Bryozoaires dans la classification ? 

A cette question, je ne puis donner actuellement aucune réponse 
positive. Les matériaux, les éléments que j'ai pu réunir jusqu'ici sont 
encore insuffisants. Il faudrait non-seulement avoir une connaissance 
plus approfondie que celle que j'ai pu acquérir des formes larvaires 
et du développement, mais encore posséder des termes de compa- 


1 La destruction de ses cellules ciliées n’a pas lieu de nous étonner, quand nous 
voyons dans les zoécies des colonies l’épithélium cylindrique des extrémités végé- 
tatives se résoudre en protoplasme amorphe. Cette transformation de l’endocyste ca- 
ractérise partout dans la larve comme dans l’état adulte de la zoécie. 


280 LUCIEN JOLIET. 


raison précis dans les groupes auxquels on peut être tenté de les rap- 
porter. 

Je répète donc que je ne puis fixer la position des Bryozoaires, 
mais je me sépare complétement des auteurs qui veulent avec Rei- 
chert les rapprocher des Hydraires, sous prétexte que leurs éléments 
histologiques sont peu définis. 

Je trouve, au contraire, que les caractères des différents tissus sont 
aussi nettement accusés que chez les animaux les plus élevés. 

L’endocyste des extrémités végétatives dans tous les groupes et ce- 
lui de toute la colonie dans les Entoproctes présente la structure 
cellulaire la plus nette. 

L’endosarque a pour élément type la cellule fusiforme, qui peut se 
modifier et devenir rameuse. 

Dans le Polypide, on distingue une grande variété d'éléments, 
cellules ciliées des tentacules, cellules ciliées du pharynx, cellules 
losangiques du pharyax des lagenella, cellules cihées de lestomac, 
cellules ciliées du rectum, enfin cellules hépatiques, car je ne puis 
considérer autrement que comme des éléments hépatiques les cel- 
lules à granules bruns qui fondent pendant la digestion, mêlent leur 
contenu aux aliments, et sont généralement répandues chez les Bryo- 
zoaires. Un tel tissu, assurément, ne se rencontre que chez des êtres 
possédant une organisation déjà avancée. 

Et les muscles auxquels Reichert n’accorde que le nom de cordons 
contractiles (contractile Strænge), sont-ils si simples, parce que leurs 
fibres sont isolées ? Il suffit d'examiner, dans l'£ucratea chelata, les 
muscles grands rétracteurs, pour se convaincre au premier coup 
d’œil,.et même sans le secours des réactifs, qu'ils présentent la stria- 
tion la mieux accusée. 

Ce sont de véritables fibres striées, et le fait de leur contraction 
brusque est bien en rapport avec cette donnée. 

Si de l'examen histologique on passe à celui de l’organisation en 
général, on n’est pas moins frappé de la supériorité de ces êtres. 

Reichert ? a beau distinguer dans le Zoobotryon pellucidus le gan- 
glon nerveux et le figurer, il ne veut pas le désigner sous ce nom, 
mais il en fait une particule excrémentitielle qui viendrait toujours 
s'accoler à labase des tentacules au sortir de l’anus. 

Jl est cependant impossible de méconnaître son existence dans les 


1 ReicuerT, Abhandlungen, 1870, pl. L fig. 3, de. 


— 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 281 


Entoproctes, après les recherches de Nitsche et de Salensky ! ; dans 
les Bryozoaires d’eau douce, il a été très-généralement décrit; dans 
les ectoproctes marins, il est plus difficile à voir ; cependant, Nitsche 
l’a vu dans les Flustres, et j'ai pu constater que dans l'£ucratea ii 
était fort bien développé. 

Je ne puis done m'associer aux vues des disciples de Reichert, et 
pour moi un type, qui a pour représentant le plus élevé la Pédicelline 
el le Loxosome, est assurément un type très-supérieur aux Cœlentérés. 


CÉHAPIFRETV. 


ESPÈCES RECUEILLIES A ROSCOFF PENDANT LES ETÉS DE 1876 ET 1877. 


Ce n'est point une classification que j'ai l'intention de proposer 
ici, c'est une simple liste des espèces que j'ai trouvées pendant deux 
étés dans la seule localité de Roscoff, c'est-à-dire dans une aire qui 
peut avoir trois lieues carrées. 

On ne s’étonnera donc pas si je les énonce dans un ordre qui n’est 
sans doute pas le meilleur, et si je donne à quelques espèces des 
noms qui pourront paraître surannés. 

Pour dresser un catalogue méthodique et systématique, il faudrait 
avoir entre les mains, non pas les formes d’une seule localité, mais 
celles des régions les plus variées, il faudrait soumettre à une cri- 
tique sévère les déterminations des auteurs dans lesquelles 1l règne 
parfois, j'ai pu le constater spécialement pour les Vésiculaires, une 


_ grande confusion ; il faudrait enfin examiner et comparer un grand 


nombre d'échantillons afin de connaître les modifications que peut 
subir un même type. 

C’est surtout lorsqu'on étudie la division des Cyclostomes qu’on se 
rend compte de la nécessité où l’on se trouve, pour bien comprendre 
un groupe, d’en faire une étude toute spéciale. 

: Rien de plus variable, en effet, dans cette famille que les formes 
que peut affecter la même colonie à deux époques différentes. On a 
fait avec la même espèce des genres différents. La station particuliè- 
rement me parait avoir sur le développement de ces êtres une in- 


1 Nirscue, Beitræge \ Zeitschrift, t.. XX). — SaLexsky, Sur les Bryozoaires ento- 
procles (Ann. sc. nat, 6e série, t. V, p. 11).— Nrrscue, Beilræge (Zeitschr., t. XXI). 


282 LUCIEN JOLIET. 


fluence notable; tel Tubulipore vivant sur les algues filamenteuses 
n’est peut être pas différent de tel autre qui se trouve plus spéciale- 
ment sur les larges frondes des laminaires, ou sur les expansions 
minces des ulves, et auquel cette station fait prendre une physiono- 
mie particulière. 

Toutes ces modifications et variations peuvent faire l’objet d’une 
étude intéressante, mais minutieuse et suivie, que je ne puis songer 
à aborder en ce moment. 

Je me bornerai donc, je le répète, à donner le catalogue des espèces 
de Roscoff, et à relater les conditions dans lesquelles je Les ai rencon- 
trées. C’est un document qu’il ne sera peut-être pas sans intérêt de 
comparer avec ceux que Van Beneden et M. Fischer nous ont déjà 
fournis sur la faune bryozoologique des côtes d’Ostende et de la côte 
ouest de France. AT. 

Il y a deux moyens de recueillir les Bryozoaires, comme d’ailleurs 
la plupart des animaux marins, moyens qui s'adressent ordinaire- 
ment à des espèces différentes et sans l’un ou l’autre desquels la re- 
cherche serait forcément incomplète. 

Le premier consiste à explorer la grève à pied en cherchant à 
tous les niveaux, sur les pierres et sous les pierres, sur les algues et 
parmi les zostères. | 

Le second, à ramener des fonds que les eaux n’abandonnent jamais 
tous les corps qui les tapissent, et à examiner avec soin les pierres, 
les coquilles, les algues, les pieds de gorgones et les débris de toute 
nature que les engins ramènent au hasard. 

Le premier mode est certainement le plus varié, celui qui fournit 
le plus grand nombre d'espèces ; celui aussi qui donne sur leur sta- 
tion, sur les conditions dans lesquelles elles vivent, les renseignements 
les plus précis. 

Je n’ai rien d’ailleurs à en dire de bien particulier, Pour peu qu’on 
fouille la grève attentivement, armé d’un couteau, d’un marteau et 
d’un ciseau pour enlever les espèces encroûtantes, d’une pince fine 
pour détacher sans les écraser les touffes délicates des Bugules ou 
autres espèces rameuses, on se fera promptement à Roscoff une col- 
lection assez étendue. Cependant il y a nombre d’espèces qui se 
tiennent dans des parages nettement circonserits, sans que rien sem- 
ble en apparence motiver ce choix. On n’acquiert qu'à la longue la 
connaissance de leur retraite, connaissance qui est d’un grand prix 
pour l'observateur qui poursuit des recherches suivies. Bien souvent 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 283 


il m'est arrivé, lorsque le besoin se faisait sentir d'échantillons frais, 
d'aller les chercher à coup sûr et à point nommé. Il y a mieux, 
grâce à la connaissance que j'ai acquise des lieux, grâce aux notes 
qui ont été prises tant sur les cartes que sur les registres, je puis 
durant tout l'hiver et j’ai pu dès l’année dernière me faire adresser 
par le gardien du laboratoire telle ou telle espèce qui m'arrive à la 
Sorbonne parfaitement vivante dans les envois que le laboratoire 
de zoologie expérimentale recoit régulièrement de son annexe mari- 
time. 

L’exploration des fonds demande au contraire un outillage spé- 
cial, et c'est dans cette recherche qu’on apprécie les services que peu- 
vent rendre aux chercheurs l’organisation, le matériel et le personnel 
d’un laboratoire. 

Soit que je fisse draguer spécialement pour cet objet, ayant à ma 
disposition, comme tous les travailleurs admis à Roscoff, les embar- 
cations du laboratoire, soit que je me contentasse d'examiner les 
résidus des draguages faits pour la récolte des mollusques, des échi- 
nodermes ou autres animaux de fond, j'ai eu, je puis le dire, pendant 
ces deux étés, plutôt excès de matériaux, et le plus souvent l’étude 
de l’organisation des:types les plus intéressants ne me laissait pas le 
loisir d'examiner tout ce qui m'était apporté. 

Il est donc très-probable que j'ai laissé passer un certain nombre 
d’espèces, surtout parmi les Zepralhia, qui sont si difficiles à distin- 
guer les unes des autres au premier abord. 

Malgré ces lacunes, je suis à même, dès aujourd’hui, de présenter 
une liste de soixante-quatorze espèces recueillies uniquement à Ros- 
coff. C’est un chiffre certainement fort élevé, et le plus élevé qu’on 
‘ait présenté jusqu'ici pour une seule localité. 

La drague m'a rendu de grands services, mais l'instrument qui m'a 
procuré les meilleurs résultats pour la recherche en eau profonde est 
assurément l'engin des corailleurs. 

M. de Lacaze-Duthiers, qui avait été mieux que personne à même 
d'apprécier en Afrique les services qu'il pouvait rendre au naturaliste, 
l'avait à plusieurs reprises employé avec succès dans ses recherches 
à la mer et importé à Roscoff dès la création du laboratoire. Deux 
bras de bois sont liés en croix ; aux quatre extrémités sont attachés 
des paquets de vieux filets, ou mieux des filets de corde peu tordue. 
Un cinquième paquet plus gros que les autres, et que les marins 
appellent la queue du diable, est fixé au centre du système en même 


281 LUCIEN JOLIET. 


temps qu’un plomb d’un poids suffisant pour maintenir le tout au 
fond de l’eau sans toutefois mouiller l’embarcation. 

On attache une corde solide à l'engin, et on le jette par-dessus 
bord ; on abat les voiles et on se laisse dériver lentement au courant, 
traînant la machine au fond de l’eau pendant une heure, une heure 
et demie, jusqu’à ce qu’on ait parcouru un espace de 300 à 400 mè- 
tres. Si le courant n’est pas trop fort, et l’on choisit pour faire cette 
pêche la fin du flot ou du jusant, ou les mortes marées, les filets s’éta- 
lent sur le fond, enveloppent les objets qui le couvrent, les accro- 
chent, les arrachent et les retiennent dans leurs mailles ainsi que 
dans les poches qu’on a eu soin de disposer à cet effet. On obtientpar 
ce moyen, à coup sûr, tout ce que les pêcheurs évitent de ramasser 
ou ne rapportent que par accident, tous les objets qui croissent sur 
les fonds rocheux dangereux pour les filets. | 

Quand on ramène l'engin à bord, il est ordinairement chargé 
d'Oursins, d'Etoiles de mer, d’Alcyons, de Gorgones, d’Ascidies, et 
surtout d'Eschares, de Salicornaria, de Cellepores, de coquilles et 
de pierresisouvent chargées de Bryozoaires, tels que Tubulipores, 
Bugules, Bicellaria, Vésiculaires, Pédicellines. 

Comme sur la grève, il y a dans les fonds des parages spécialement 
favorables à la recherche de telle ou telle espèce. 

Les £schara cervicornis, Cellepora ramulosa et Skeneri proviennent 
presque exclusivement des bancs de l'Ouest, les £schara foliacea, 
Sertalaria semiconvoluta, Bicellaria, Lagenella nutans, Avenella fusca, 
surtout d’Astan et du nord de l’île de Bas. 

Quelques espèces, ailleurs très-communes, font absolument défaut 
à Roscoff; telles sont l’Alcyonidium gelatinosum, les Flustra membra- 
nacea, Buqula neritina, Menipea ternata. | 

En revanche, j'y ai rencontré plusieurs formes qui n'avaient été 
signalées que dans d’autres mers, et quelques autres me paraissent 
entièrement nouvelles. 

La Serialaria semiconvoluta n'avait été signalée jusqu'ici, à ma con- 
naissance, que dans la Méditerranée; j'en ai recueilli plusieurs échan- 
tillons venant des plus grandes profondeurs existant à Roscoff, 
c'est-à-dire de 75 à 80 mètres. 

La Carbasea indivisa est regardée comme propre à la Nouvelle- 
Zélande. 11 m'est impossible de trouver cependant aucune différence 
entre les dessins que Busk donne de cette espèce et celle que j'ai 
rencontrée dans les draguages, et qui ne se rapporte nullement d’ail- 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 255 


leurs à la C'arbasea papyrea, la seule connue jusqu'ici sur nos côtes. 

La Membranipora spinosa (sp. nov.) diffère notablement de toutes les 
membranipores connues dans nos parages, et spécialement de la 
Mewbranipora pilosa dont elle se rapproche le plus. 

Le Loxosoma phascolosomatum découvert par M. Lemirre, ancien 
préparateur du laboratoire, puis étudié et décrit dans les Archives de 
Zoologie expérimentale, par M. Carl Vogt !, est encore une espèce 
propre à Roscoff, jusqu'ici du moins. 

La Lagenella nutans est une fort intéressante Vésiculaire qu'il ne 
m'est possible de rapporter à aucune description. Je l’ai longtemps 
confondue avec la ZLaguncula repens de Van Beneden, jusqu’à ce qu'il 
m'ait été donné, grâce à l’obligeance de M. Ed. Van Beneden, de pos- 
séder quelques échantillons de cette dernière espèce, dont la mienne 
diffère par les caractères les mieux tranchés. 

Enfin la Lepralia Martyr est une belle forme de Zepralia à parois 
transparentes dont Je ne trouve pas l’analogue dans les auteurs. Je me 
fais un plaisir de la dédier au garcon de laboratoire, au patron de 
barque intelligent et dévoué, Charles Marty, qui m'a si constamment 
et si efficacement secondé dans mes recherches à la grève. 


CaVogt. Arch. zool. exp... t..N. 


CATALOGUE DES ESPÈCES 


RECUEILLIES A ROSCOFF EN 1876 ET 1877. 


CYCLOSTOMES. 


Tubulipora patina (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 260). — Très-. 
commun sur l’£'schara folhacea. 

Tubulipora hispida (Johnst., id., p. 268). — Assez fréquent sur 
l'£schara foliacea à Astan. 

Tubulipora serpens (Johnst., 2d., p. 275). — Commun sur les fibrilles 
des Algues dans l’herbier, particulièrement devant l’île Verte. 

Tubulipora flabellaris (Johnst., id., p. 274), — Sur les Ulves et sur 
les Cystoseira depuis les hauts niveaux jusqu’à la zone des Sargasses. 

Tubulipora différent des espèces de Johnston, n’est peut-être qu’une 
forme du Tubulipora hispida. Je n’ose lui donner un nom nouveau. — 
Sur les pierres schisteuses à Rollea-Saint-Pol. 


Alecto dilatans (Johnst., Brit. Zooph., 18#7, p. 281).—Sur les pierres 
à Rollea-Saint-Pol. 

Alecto granulata (Johnst., 2d., p. 280). — Sur les vieilles coquilles de 
pecten, de Lutraires dans les draguages à Astan et dans la baie de Saint- 
Pol. 

Alecto major (Johnst., d., p. 281). — Partout dans les draguages. 


Diastopora obelia (Johnst., 2d., p. 277). — Dans les draguages. 


Pustulipora deflexa (Johnst., 24.). — Sur les pierres et les vieilles 
coquilles. Rollea-Saint-Pof, 


Crisia denticulata (Johnst., 2d., p. 284). — Abondante à la face infé- 
rieure des roches, mais surtout sur les souches du Cystoseira fibrosa, 
qu'elle couvre de touffes épaisses. On la trouve aussi, mais plus rarement, 
dans les draguages. Son maximum de développement est au-dessous des 
Laminaires, dans la zone dite des Sargasses. 

Crisia eburnea (Johnst., p. 283).— Fréquente sur les souches de sar- 
gasses dans le chenal. 

Crisia aculeata (Johnst., p. 285). — Dans les draguages. 


* 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 287 


Crisidia cornuta (Johnst., p. 287). — Sur les souches des sargasses 
et sur divers corps sous-marins, gorgones, vicilles coquilles, à toutes 
les profondeurs. Sa station préférée est la face inférieure des grottes 
tapissées de Cynthia rustica; elle se trouve là extrêmement abondante 
au niveau des basses mers moyennes. 


CHEILOSTOMES. 


Serupocellaria scruposa (Busk, Mar. Polyz., p. 25). — Adhérente 
aux pierres plates dans les draguages et à très-basse mer. Rollea, Caïnou, 
Duslen, Per-Roc’h. Je l’ai trouvée en reproduction au mois d’août. 


Canda reptans (Busk, id., p. 26). — On en trouve à Roscoff deux 
formes assez tranchées correspondant à des stations différentes. 

L'une d’elles est formée de branches grèles, élancées et qui, sorties de 
l'eau, s’affaissent l’une sur Pautre. On la rencontre sous les rochers et 
les grottes à l'abri de la lumière, au niveau des basses mers moyennes. 

L'autre pousse soit sur les feuilles du Baudrier de Neptune, soit sur 
les ramuscules terminaux du Cystoseira fibrosa *, où elle est très-abon- 
dante. Les branches sont de forme plus trapue; elles sont disposées 
comme en éventail et se tiennent assez roides quand on les sort de l’eau. 

Aucune différence appréciable dans la structure des loges ne distingue 
ces deux variétés. 


Salicornaria farciminoides (Busk, id., p. 16). — Sur les Gorgones, 
sur les Eschares par 30 ou 40 mètres de profondeur, surtout dans l’ouest 
sur les basses de Roc’h-Haro, mais aussi à Astan, dans le nord de l’ile de 
Bas et du côté de ia Méloine. 

Je suis complétement d'accord avec Busk pour admettre que les Sati- 
cornaria farcéminoides et sinuosa de Hassall ne sont qu'une seule et 
même espèce. Sur plusieurs échantillons et notamment sur un spécimen 
appartenant à la collection de Roscoff, on voit nettement la forme farci- 
minoides se détacher de la forme sinuosa constituant simplement une 
des branches de la touffe. D'autre part, je ne crois pas que l’une soit la 
forme adulte de l’autre, elles restent toujours distinctes sur des branches 
différentes. Les branches de la forme farciminotides sont plus grèles, plus 
longues que celles de la forme sénuosa, dont les articles sont plus courts 
et plus gros. J'ai toujours vu les cellules élargies vers le haut et à ouver- 


1 Les Algues ont été déterminées à l’aide du riche et bel herbier formé et laissé 
au laboratoire en août et septembre 1876 par MM. Sirodot, doyen de la Faculté des 
sciences de Rennes, et Gallée. : 


288 LUCIEN JOLIET. 


ture subterminale de la forme sinuosa conserver leurs caractères jusqu’à 
l'extrémité des jeunes branches, aussi bien que les cellules losangiques 
des jeunes branches de la forme farciminoides gardent leur aspect jus- 
qu'aux articles basilaires. 


Eucratea chelata (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 289). — En petits 
faisceaux sur les feuilles de la Zaminaria saccharina. Souvent parasite 
sur les Bugules, Commune aux Greyers sur les Algues filamenteuses vertes 
qui pendent sous les roches (Cladophora rupestris). C’est surtout à Rollea- 
Saint-Pol qu'elle est abondante, Elle couvre de ses touffes diverses Algues 
rouges. Zone des filets et des Laminaires. 


Hippothoa divaricata (Busk, Mar. Polyz., p. 30). — Sur l'Ascidia 
sanquinolenta à Per-Roc’h. Rare. 


Anguinaria spatulata (Busk, td., p. 31).—Fréquente sur les branches 
basses des Sargasses, sur les feuilles de Nitophyllum et sur diverses 
Algues rouges à Rollea-Saint-Pol, Duslen, draguages. Cette espèce appa- 
rait au niveau des plus basses mers et descend dans la profondeur. 


Beania mirabilis (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 364). — Cette jolie 
espèce se trouve fréquemment dans les produits des draguages, sur les 
Cynthia glacialis, les Eschares, les toufles de Salicornaria. J'en ai ren- 
contré à très-basse mer sur les pierres à l’ombre à Duslen et au Caïnou. 
En reproduction au milieu d’août, 


Caberea Hookert (Busk, Mar. Polyz., p. 39). — Assez rare. Dans les 
draguages, en grandes touffes sur les vieux fragments d’Eschares. 

Caberea Boryt (Busk, èd., p. 38). — Fréquente sur les £'schara folia- 
cea ; bien distincte de la Caberea Hookeri, elle a toujours ses branches 
disposées en éventail. 


Bicellaria ciliata (Busk, ëd., p. 41). — Commune en petites touffes 
sur beaucoup d’objets provenant des draguages, sur les Cyntlua glacials, 
sur les branches de Vesicularia spinosa, sur les carapaces de divers Par- 
thénopiens, sur les Eschares, sur les Gorgones et quelquefois sur la roche 
vive. 

J'en ai trouvé une belle touffe à Per-Roc’h par une basse marée, mais 
ce fait est exceptionnel. La zone de la Zrcellaria commence au niveau 
des plus basses mers et s'étend jusqu'aux plus grandes profondeurs exis- 
tant dans les parages de Roscoff, c’est-à-dire Jusqu'à 75 ou 80 mètres. 
En reproduction depuis mai jusqu'en octobre. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 289 


Bugula plumosa (Busk, id., p. 45). — Assez fréquente dans les dra- 
guages à Astan et dans l'Ouest. En reproduction en juillet et août. 

Bugula avicularia. — Abondante sous les pierres et les rochers en 
surplomb sous lesquels elle pend. Au niveau des plus basses marées, zone 
des Æymanthalia et des Laminaires. 

Les colonies des Bugules sont annuelles. On n’en trouve pas durant 
l'hiver ou on n’en rencontre que des lambeaux morts et tombant en mor- 
ceaux. C’est vers la fin de mars qu’elles reparaissent et au mois de juin 
elles entrent en reproduction et fournissent jusque vers le milieu d'août, 
parfois jusqu'aux premiers jours de septembre, des larves en abondance. 

Après la reproduction, toutes les colonies meurent et en septembre 
commencent à tomber en pièces. 

Que deviennent les embryons pendant l'hiver ? On les a vus et je les ai 
vus moi-même produire des zoécies dès le moment de leur fixation ; mais 
il est probable que la colonie naissante reste réduite pendant tout l'hiver 

_ à un petit nombre de loges et ne reprend son développement qu'au prin- 
temps. Il arrive souvent aussi que les anciens troncs dégarnis de bran- 
ches se remettent à bourgeonner après l'hiver. J’en avais apporté un à 
Paris au mois d'octobre 1876. Je l’oubliai sur une étagère dans un flacon 
d'eau de mer. A la fin de janvier, je le trouvai regarni d’une dizaine de 
loges en pleine activité végétative. 

Bugula flabellata (Busk, id., p. 44). — Se trouve quelquefois avec la 
Bugula avicularia dans les grandes marées à Per-Roc’h, à Rollea-Saint- 
Pol, mais on la retire le plus souvent avec la drague ou l'engin. Comme 
la Bugula avicularia, elle est annuelle et se détruit après la reproduction 
qui à lieu au mois de juillet et d’août. 


Flustra chartacea (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 343). — Très-rare, 
sur une coquille de Pecten provenant des draguages d’Astan. 


Carbasea indivisa (Busk, p. 53, pl. LVIIL, fig. 3 et 4). — J'hésite à 
_ donner à une espèce de Roscoff le nom d’une forme que Busk signale 
| comme n’ayant été trouvée que dans les mers de la Nouvelle-Zélande. 
Cependant il m'est impossible de trouver aucun caractère différentiel 


| entre mes échantillons et les dessins de l’auteur anglais. D'autre part, 
| ces mêmes échanüllons ne peuvent être rapportés à aucune des espèces 
| de Carbasea qui se trouvent dans nos parages et spécialement à la Car- 
| basea papyrea. 


Membranipora membranacea (Busk, p. 56). — Sur les feuilles du Sac- 
 corhiza bulbosa, où elles forment de belles expansions blanches qui attei- 
_gnent souvent une très-grande taille. 


ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 1877. 19 


290 LUCIEN JOLIET. 


Abondante partout dans la zone des Laminäires , particulièrement 
devant l'écurie de Duon, où on la prend facilement avec la gaffe. 

Le moment de la reproduction est le mois de mai. 

Membranipora pilosa (Busk, p.56).—- Abondante partout sur le Fucus 
serralus et particulièrement sur le Æhodhymenia palinata, où elle est 
facile à observer à cause de la transparence des jeunes feuilles de cette 
Algue. 

Membrantipora spinosa (sp. nov.).— Cette espèce doit être certainement 
distinguée de la Membranipora ptlosa, celle de toutes les Membranipores 
dont elle se rapproché le plus. Elle en diffère par lé corps de la loge, qui 
est plus long, plus grêle et mieux dégagé des loges environnantes. De plus, 
l'ouverture, au lieu d'être simplement garnie de quatre ou cinq courtes 
épines latérales et d’une forte médiane inférieure, est protégéé par huit 
longues dents qui, partant des bords, se rencontrent presque au centre 
et par deux fortes saillies obtuses qui se trouvent de part et d’autre de 
la lèvre operculaire. Le test est criblé de ponctuations semblables à celles” 
de la Membranipora pilosa. 

Sur le Rhodhymenta palmata dans le chenal. 

Membranipora lineata (Busk, Mar. Polyz., p. 58). — Fréquente sur 
les feuilles de la Laminaire saccharine dans l’herbier près l’île Verte. 

Membranipora Flemingii (Busk, id.). — Commune dans les draguages 
à Astan sur l’Æschara foliacea. 


Lepralia Brongniarti (Busk, :d.). 

Lepralia reticulata (Busk, id.), 

Lepralia verrucosa (Busk, #d.). — Commune sur les roches, zone des 
filets. 

Lepralia violacea (Busk, ?d.). — Assez commune sur les pierres à très- 
basse mer. Rollea-Saint-Pol, Duslen. 

Lepralia coccinea (Busk, id.). — Très-commune sur les pierres, sur 
l’Ascidia sanguinolenta et sur les souches des Laminaires, zone des filets 
et des Laminaires. 

Lepralia linearis (Busk, id.). — Commune sur les roches, depuis la 
zone des filets jusques dans les eaux profondes. 

Lepralia céliata (Busk, id.).— Commune sur diverses Algues, notam= 
ment les Chondrus, 

Lepralia variolosa (Busk, id.). 

Leprala nitida (Busk, id.). — Très-commune sur les pierres et sur 4 
l’Ascidia sanguinolenta depuis la zone des filets jusques dans les eaux pro= 
fondes. 

Lepralia Peachi (Busk, id.), == Commune sur les pierres à basse mer 

Lepralia innominata (Busk, 14.) 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 291 


Lepralia fiqularis (Busk, rd.). 

Lepralia pertusa (Busk, d.). 

Lepralia Pallasiana (Busk, d.),—A Ker-Laudi sur une touffe d’Algue 
feutrée (C'allothrix pannorum). 

Lepralia granifera (Busk, id.). — Sur les Moules aux Bisayers. 

Lepralia hyalina (Busk, ëd.).— Sur diverses Algues rouges de la zone 
des Sargasses et sur les Chondrus. 

Lepralia Martyi (sp. nov.). — Je ne puis rapporter cette espèce à 
aucune description. Les loges sont grandes, ovales vers le haut, atténuées 
vers le bas, limitées par une bordure aréolée, transparentes avec deux 
granulations latérales vers le milieu de la hauteur. L'ouverture est semi- 
lunaire à bord inférieur droit. L’ovicelle est gros, globuleux et ponctué. 

Je dédie cette espèce à Charles Marty, garçon du laboratoire de Roscoff 
et patron des embarcations, dont le concours intelligent m’a été précieux 
dans mes recherches à la grève et dans mes draguages. 

Lepralia areolata ? (Busk, Mar. Polyz.). 


Cellepora pumicosa (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 295). — Extré- 
mement commun sur les rochers, où 1l forme de belles croûtes d’un rouge 
de chair. Mes plus beaux spécimens viennent de Rollea-Saint-Pol et de 
Duon ; leur surface, qui est régulièrement convexe dans les petits échan- 
| tillons, est alors ondulée et comme formée de plusieurs mamelons. 

Au niveau des Æimanthalia et plus bas. 

On rencontre dans les eaux profondes une forme qui en diffère peu, 
mais qui, au lieu de s'étendre sur les surfaces en expansions larges, forme 
des nodules entourant des ramuscules d’Algues, de Sargasse, d'Hydraires 
et de Gorgone. 
| Cellepora vitrina (Busk, Mar. Polyz., p. 87). — Sur le Cladophora 
| rupestris à la pointe de Bilvidic (île de Bas). Commun, 
| Cellepora ramulosa (Busk, id., p. 87). — Le faubert ramène cette 
| espèce abondamment de sur les basses de Roc’h-Haro dans l'Ouest. 
Cellepora Skeneï (Busk, ed., p. 88). — Même station que le Cellepora 
| ramulosa. 


Eschara foliacea (Busk, id., p. 89). — Très-commune dans tous les 
draguages à Astan aussi bien que dans l'Ouest et sur tous les fonds ro- 
cheux. 

J'en ai observé deux variétés, l’une rouge, qui est la variété ordinaire et 
Ja plus commune, l’autre blanche, qu'il ne faut pas confondre avec les 
parties anciennes et mortes de la précédente. Les extrémités vivantes en 
sont de couleur très-päle aussi bien que les panaches des Polypides épa- 
nouIs. 


| 


292 LUCIEN JOLIET. 


L'Æschara foliacea sert de support à de nombreuses espèces de Bryo- 
zoaires, notamment au Tubulipora patina, au Membranpora Flemingir, 
à l’Avenella fusca et à diverses Lepralia. 


Eschara cervicornis (Busk, td., p. 92).— Commune sur les basses de 
Roc’h-Haro à 30 ou 40 mètres de profondeur parmi les Cellepora Skenei 
et ramulosa. 


Retepora cellulosa (Busk, id., p. 93). — On drague rarement à Roc’h- 
Haro sans en trouver au milieu des Eschares. 


CTÉNOSTOMES. 


Sarcochitum polyoum (Johnst., Brit. Zooph.,1847, p.365).— Se trouve 
au niveau des basses mers moyennes sur diverses Algues, notamment le 
Rhodhymenia palmata et le Fucus serratus. On le rencontre aussi sur 
les roches et sur les coquilles. Il ne descend qu'exceptionnellement jusqu’à 
la zone des Laminaires. Il se présente sous deux aspects fort différents. 
Dans sa Jeunesse sous forme d’une croûte mince, transparente, à reflets 
faiblement irisés s’étalant sur la surface des Algues. Mais à mesure que 
la colonie viallit, son épaisseur devient plus grande. Il forme alors une 
masse charnue qui encroûte les fucus au point de les déformer compléte- 
ment et même de projeter quelques lobes en dehors de leur surface. 
L'aspect est alors terne, gris et spongieux, Au mois de mai et juin la sur- 
face de la colonie est parsemée de points blancs, quelquefois rosés. Ce 
sont les œufs qui, lorsqu'ils sont passés à l’état de larves, s’échappent en 
nombre immense et vivent assez bien dans les cuvettes. L'époque de la 
reproduction ne se prolonge guère au-delà du mois de juillet, 

Cette espèce est très-commune partout. C'est sur les fucus de la rivière 
de Pensez qu'elle atteint son plus grand développement. 


Cycloum papillosum (Johnst., id., p. 364). — Facile à confondre avec 
le Sarcochitum polyoum, dont il se distingue pourtant à l'œil nu par son 
aspect velouté. Sur le Fucus serratus et quelques autres Algues. À Per- 
Roc’h et aux Greyers, zone des Hymanthalia. 

Flustrella hispida (Redfern, Johnston). Syn. Alcyonidium hispidun 
(Smitt, Bryoz. Mar. Bor. et Artic.). — Très-commune. sur le Fucus 
serratus et sur les souches de Cystoseira. La reproduction a heu en 
juin et juillet. La larve est bivalve et hautement organisée. Au niveau 
des basses mers moyennes. 


Alcyonidium hirsutum (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 360). — À 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 293 


Astan dans les draguages, dans l’ouest et dans le nord de Pile de Bas, 
par 40 à 50 mètres de fond. Dressé, digitiforme ou faiblement lobé. 


Avenella fusca (Smitt, Bryoz. Mar. Bor. et Arthic.). — Gette belle 
espèce ne me parait pouvoir se rapporter qu'à la Vesicularia (Avenella 
fusea de Smitt; elle diffère de l’espèce décrite par Dalyell (Rare and 
Remarkable Animals of Scotland) par l'absence de poils sur la surface de 
la loge. Elle est extrèmement abondante sur les Salicornaria et surtout 
sur les Æschara foliacea qui proviennent des draguages ; elle forme sou- 
vent sur la surface de leurs expansions une sorte de tapis. 


Lagenella nutans (nov. spec.). — Cette intéressante espèce n’est pas 
rare dans les draguages à Astan ou au nord de l’île de Bas. On la trouve 
sur les branches de la Vesicularia spinosa et surtout sur les feuilles des 
Nitophyllum qui croissent dans les profondeurs {Witophyllum hilliæ). 

Elle se compose d’un stolon rampant dépourvu de cordon eentral et 
présentant de distance en distance des nœuds remplis par un paquet de 
fibres transversales comme dans les Valkerra. 

Sur chaque nœud se trouve un groupe de zoécies. Les zoécies sont 
portées sur un pédoncule ordinairement assez court, mais qui dans une 
variété atteint presque la longueur de la zoécie. Ce pédoncule a sa cavité 
en continuité avec celle du stolon et le diaphragme se trouve à son extré- 
mité au point de jonction avec la zoécie. 

La zoécie est de forme prismatique à quatre faces, ses muscles sont dis- 
posés comme dans les Va/keria. Cependant deux groupes des muscles 
pariétaux détournés de leurs usages ordinaires s’in$èrent d’une part sur 
les parois de la zoécie et de l’autre sur le pédoncule, en sorte que par leurs 
contractions ils impriment à la loge des mouvements de nutation très- 
remarquables, surtout dans les variétés à long pédoncule. 

Cette espèce ne pourrait être confondue qu'avec la Laguncula repens 
de Van Beneden (Zagenella repens de Farre), mais, comme j'ai pu le 
constater par l’examen de spécimens reçus de M. Ed. Van Beneden, 
elle en diffère en ce que la loge de cette dernière espèce n’est point arti- 
eulée sur son pédoncule et n’en est pas séparée par un diaphragme et en 
ce que l'appareil operculaire de la Laguncule est bilabié, tandis que celui 

de la Lagenella nutans est construit comme celui des Valkeria. 


Valkeria cuscuta (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 374). — Cette johe 
espèce se trouve en extrême abondance sur les mêmes Cladophora rupes- 
tris habités par les Cellépores et les Pédicellines à la pointe de Bilvidic. 

Je ne l'ai encore rencontrée que là sous la forme rampante, et à 
Pempoull sur les Algues qui couvrent les rochers à peu de distance de la 


294 LUCIEN JOLIET. 


chapelle Sainte-Anne. Je l’ai trouvée sous la forme dressée ou libre sur 
un pied de Cystoseira fibrosa, par une très-basse mer, à Rollea-Saint- 
Pol. Là elle se présentait en belles touffes dont les filaments flottant 
librement dans l'eau atteignaient jusqu à 6 et 8 centimètres de longueur. 
Il n’est cependant pas possible de distinguer spécifiquement cette variété 
de la première. 

La Valkeria cuscuta est en reproduction depuis mai jusqu’en septembre, 
mais surtout pendant les mois de juin et juillet, 


Bowerbankia imbricata (Johnst., id., 1847, p. 377). — Sous ce nom 
on doit certainement réunir la Bowerbankia imbricata de Johnston et la 
Bowerbankia densa, qui n’en est que la fornie jeune. : 

Dans la rivière de Pensez cette espèce se trouve en paquets sur le Fucus 
serratus et sur le Fucodium nodosum. Au printemps sur les touffes rases 
de cette dernière espèce d’Algue, on trouve abondamment la forme 
densa de la Bowerbankia composée d’une quantité de loges dressées sur 
la surface de l’Algue et pressées l’une contre l’autre de manière à ne 
former qu'un tapis. Plus tard se détachent de ce groupe des stolons, puis 
des rameaux libres qui poussent des branches et, se garnissant de paquets 
de loges, reproduisent la forme 2mbricata. 

Entre ces deux états on voit toutes les transitions. Les Polypides de la 
forme densa ont habituellement dix bras, ceux de la forme imbricata 
plus souvent huit, ce qui n'empêche pas que le fait contraire se présente 
souvent. On verra là la confirmation de l'opinion de Lovén, qui ne consi- 
dère le nombre des bras que comme un caractère de médiocre valeur 
pour la détermination, 

J'ai encore trouvé la Powerbankia imbricala à |Rollea-Saint-Pol sur 
une tige de Cystoseira fibrosa au milieu de la zone des Laminaires. Ce 
spécimen conservé dans la collection de Roscoff présente ceci de particu- 
lier, que les zoécies, au lieu d’être disposées sur les tiges par paquets bien 
accusés, sont distribuées tout le long des branches, de manière qu'il est à 
peine possible de distinguer les paquets qui se suivent. Sauf ce détail 1} 
est de tout point semblable aux autres échantillons. 

À Per-Roc’h j'ai trouvé la même espèce rampante sur les Bugules, je 
l'ai même rencontrée sur des Vesicularia spinosa provenant d’un draguage 
à Astan, mais ce fait est rare et la station préférée de la Bowerbankia 
imbricata est le niveau supérieur des basses mers, la zone des Fucus 
vesiculosus et serratus et du Fucodium nodosum. C’est dans les eaux légè- 
rement saumâtres et vaseuses de la rivière de Pensez que la Powerbanha 
atteint son plus grand développement. 

J'ai observé dans plusieurs loges des Spermatozoïdes au mois de mars (chez 
dessujets envoyés de Roscoff et conservés vivants à Paris dans nos cuvettes), 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 295 


mais je n'ai jamais vu d'œufs à cette époque. Le véritable moment de la 
reproduction est le mois de juillet avec la fin de juin et le commencement 
d'août. Au mois de juillet, les larves qui occupent toutes les loges donnent 
aux touffes une belle teinte rouge. Elles s’échappent par milliers et dans 
les cuvettes vont se fixer sur les bords du côté de la lumière et à fleur 
d’eau. Là elles se transforment, et les loges qui en résultent et qui s’entre- 
mêlent forment un véritable tapis reproduisant la forme densa. 


Vesicularia spinosa (Johnst., èd., 1847, p. 370). — Très-abondante 
aux environs d'Astan, où elle pousse en belles touffes sur les vieilles co- 
quilles et sur les Cynthia glacialis. On la rencontre un peu partout, mais 
à Astan elle formait l’an dermier de véritables prairies. Le fond s’étant 
engravé depuis, elle y est devenue plus rare. Gette espèce ne découvre 
jamais, je ne l’ai pas recueillie à moins de 20 mètres de profondeur. Elle 
sert de support à plusieurs espèces, notamment les Prcellaria ciliata, 

Lagenella repens, Pedicellina echinata et belgica. 
Serialaria lendigera (Johnst., 2d., 1847, p. 369). —$e trouve à toutes 
| les profondeurs, depuis le niveau de la morte eau sous les murs du labo- 
_ratoire jusques parmi les objets dragués à 20 et 30 mètres de profon- 
deur. Son grand développement est au niveau des basses mers sur les 
 Aloues fibreuses qui se trouvent parmi les zostères. Dans l'herbier vaseux 
de Pempoull elle est extrêmement abondante et forme presque un gazon 


en certains points. 

|  Serialaria semiconvoluta (Lamk, Heller, Pryoz. des Adriat. Meeres, 
p. 127). — Cette espèce, considérée jusqu'ici comme propre à la Médi- 

terranée et à l’Adriatique, n’avait pas encore été signalée dans la Manche. 

Sur une pierre rapportée par un pêcheur du nord de l'ile de Bas, j'en 

| ai trouvé plusieurs pieds ; j'en at recueilli depuis au trou d’Astan. 


ECTOPROCTAÀ. 


Pedicellina echinata (Sars, forma typica). — Les tiges sont hérissées 
b, 
de piquants. Fréquente dans les draguages sur le Vesicularia spinosa, sur 
les tiges d’'Antennularia et sur d’autres hydraires, sur les Bugules aux 
O ) O 

très-basses mers. La zone occupée par cette variété commence au niveau 
RER 

des plus basses marées et s’étend jusqu’à 40 ou 60 mètres. 

Pedicellina echinata (var. glabra). — Cette variété ne diffère de la 

O 

| Pedhcellina echinata typica que parce que sa tige est habituellement dé 

pourvue de piquants. Je ne puis cependant la regarder comme une espèce 

distincte. En effet, il m'est souvent arrivé dans un groupe d'individus 

| glabres d’en trouver un pourvu de piquants ; quelquefois même on en 


296 LUCIEN JOLIET. 


rencontre qui ont des piquants seulement sur une partie de la longueur 
ou sur l’un des côtés de la tige. 

Je considère donc cette forme simplement comme la variété littorale de 
la Pedicellina echinata. On ne le rencontre en effet que dans la zone litto- 
rale depuis les Fucus jusqu'aux Zymanthalia. Sa station préférée est à 
l'ombre dans les flaques d'eau qui ne se vident pas complétement à basse 
mer, sur la Corallina squammata, et surtout sur les touffes vertes de Cla- 
dophora rupestris qui pendent sous les rochers en surplomb. Sur les fila- 
ments de cette Algue on en trouve abondamment de magnifiques colonies. 
A l'extrémité de l'ile de Bas, à la pointe de Bilvidie au milieu d’une 
flaque d’eau nettement circonscrite. À quelques pas en deçà et au delà on 
n'en trouve plus que de rares échantillons. 

J'ai trouvé cette espèce en reproduction tout l'été, de mai à septembre, 
mais surtout en mai et Juin. 

Pedicellina gracilis (Sars). — Cette espèce me paraît plutôt se rap- 
porter à la description de Sars qu'à la Pedicellina belgica de Van Beneden, 
si toutefois celle-ci est réellement distincte de la première. 

Habituellement la tige se compose de deux parties : l’une basilaire, 
épaisse et pourvue de fibres musculaires, l’autre supérieure, grêle, sans 
muscles et servant simplement de hampe ou de support à la tête. Quelque- 
fois la hampe se compose de deux ou même de trois articles séparés par un 
ou deux renflements pourvus de muscles ; la tige est alors très-longue. 

Cette espèce, beaucoup plus petite que la Pedicellina echinata, est très- 
fréquente dans la même zone et ordinairement en sa compagnie sur les 
branches de la Vesicularia spinosa. J'ai observé des larves müres en 
septembre, mais les organes génitaux sont visibles en tout temps. 


Loxosoma phascolosomatum (Carl Vogt, Arch. zool. exp., t. V, p.305). 
— Ce Loxosome, trouvé par M. Lemirre, préparateur au laboratoire de 
zoologie de la Faculté des sciences, sur l'extrémité inférieure du Phasco- 
losoma elongatum, a fait l’objet d'une monographie dont M. C. Vogt 
a réuni les éléments pendant l'été de 1876 au laboratoire de Roscoff et 
qu'il a publiée depuis dans les Archives. 


LISTE PAR ORDRE SYSTÉMATIQUE 


Tubulipora patina. 
— hispida. 
—— serpens. 
—— flabellaris. 
Discoporella..., 
Alecto dilatans. 

—  granulata. 

— major. 
Diastopora obelia. 
Pustulipora deflexa. 
Crisia denticulata. 

— churnea. 

—  aculeata,. 
Crisidia cornuta. 


Scrupocellaria seruposa. 


Canda reptans. 


Salicornaria farciminoides, 


Picellaria ciliata. 
Bugula plumosa. 
—  avicularia. 
— flabellata. 
Flustra chartacea. 
Carbasea indivisa. 


Membranipora membranacea. 


— pilosa. 


— spinosa. 


— lineata. 


— Flemingii. 


Caberea Boryi. 
—  Hookeri. 
Eschara foliacea 
—  Cervicornis. 
Retepora cellulosa. 
Hippothoa divaricata. 
Lepralia Brongniarti, 
—  reticulala. 
—  verrucosa. 


Lepralia violacea. 
—  coccinea. 
—  linearis. 

—  ciliala. 

—  variolosa. 
—  nitida. 

—  Peachi. 

— _innominala. 
—  figularis. 
— _ pertusa. 

—  Pallasiana. 
—  granifera. 
—  hyalina. 

— Martyi. 

—  areolata? 

Cellepora pumicosa. 

— vitrina. 

— ramulosa. 

— Skenei.. 
Eucratea chelata. 
Anguinaria spatulata. 
Beania mirabilis. 
Sarcochitum polyoum. 
Cyeloum papillosum. 
Flustrella hispida. 
Alcvonidium birsutum. 
Avenella fusca. 

Lagenella nutans. 

Valkeria cuscuta. 

Bowerbankia imbricata. 

Vesicularia spinosa. 

Serialaria lendigera. 

Serialaria semiconvoluta. 

Pedicellina echinata typica. 

— = glabra. 
— gracilis. 
Loxosoma phascolosomatum. 


/ 


DISTRIBUTION EN PROFONDEUR 


ESPÈCES 

DE LA ZONE LITTORALE 

découvrant 

aux plus basses marées. 
Alecto dilatans. 
Tubulipora serpens. 

_ flabellaris. 
Canda reptans. 
Eucratea chelata. 
Anguinaria spatulata. 
Bugula avicularia. 
Membranipora membra- 

nacea, 
Membranipora pilosa. 
— spinosa. 

Lepralia verrucosa. 

—  granifera. 

—  hyalina. 

— Marlyi. 
Cellepora vitrina. 
Flustrella hispida. 
Sarcochitum polyoum. 
Cycloum papillosum. 
Bowerbankia imbricata, 
Valkeria cuscuta. 
Pedicellina echinata, var. 

* glabra. 
Loxosoma phascolosoma- 
tum. 


ESPECES 
RÉPANDUES DANS LES DEUX 
ZONES. 


Crisia denticulata. 

—  eburnea. 

— aculeata. 
Crisidia cornuta. 
Scrupocellaria scruposa. 
Hippothoa divaricata. 
Beania mirabilis. 
Bugula flabellata. 
Caberea Hookeri. 
Membranipora lineata. 
Lepralia nitida. 
Cellepora pumicosa. 
Serialaria lendigera. 


ESPECES 
DE LA ZONE PROFONDE 
ne découvrant jamais 


Tubulipora patina, 
— hispida. 
Alecto major. 

—  granulata. 
Salicornaria farciminoides, 
Caberea Boryi. 
Bicellaria ciliata. 
Bugula plumosa. 
Membranipora Flemingii. 
Carbasea indivisa. 
Flustra chartacea. 
Eschara foliacea. 
Retepora cellulosa. 
Eschara cervicornis. 
Cellepora ramulosa. 
Cellepora Skenei. 
Aleyonidium hirsutum. 
Avenella fusca. 
Lagenella nutans. 
Vesicularia spinosa. 
Serialaria semiconvoluta. 
Pedicellinaechinata typica. 
Pedicellina gracilis. 


Ms de 


NN —. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 299 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE VI. 


Fic,. 1. Reproduction de la figure 3, pl. XIII du mémoire de Fritz Müller. 

Fic. 2. Reproduction de la figure 7, pl. XIII da mémoire de Fritz Müller. 

Fic. 3. Oc. 4, Hartnak; obj. 4, Hartnak. Figure destinée à montrer les relations du 
funicule avec un très-jeune bourgeon ; b, bourgeon ; f, funicule surchargé de gra- 
nulations dans sa partie moyenne ; cbr, corps brun relégué sur les parois de l’en- 
docyste; cp, cordon principal chargé de granulations surtout dans sa partie infé- 
rieure ; &, diaphragme ; p, perforation. 

Fic. 4. 4 H./4 H. Région inférieure du corps d'un polypiderattaché au fond de la loge 
par le funicule ; gs, gésier; r, rectum; e, estomac; f, funicule s’attachant vers l’ex- 
trémité du cæcum de l’estomac et se prolongeant un peu sur la face ventrale de 
cet organe. 

Fi. 5. 2 H./9H. Portion du funicule arraché du fond de la loge et encore adhérent 
à l'estomac, traité par l'acide chlorhydrique faible, pour montrer les cellules fusi- 
formes qui le constituent. 

Fic: 6.2 H./5 H. Deux coupes ont été faites en travers de la tige au-dessus et au- 
dessous d’un nœud, de manière à isoler un diaphragme qui est vu de face. p, perfo- 
ration centrale ; à, impression laissée par le ganglion; cp, débris du cordon prin- 
cipal; ec, lambeau de la paroi latérale de la loge rabattu par le poids de la lamelle 
couvre-objet. 

FiG. 7. Rapport des dimensions du cordon nerveux et de la perforation du diaphragme. 

Fi. 8. 2 H./9 H. Deux cellules fusiformes du cordon central isolées, pour montrer 
qu'il ne part aucune fibre de leurs extrémités et traitées par l'acide osmique ; 
gr, amas de granulations et granulations réfringentes isolées. ; 


PLANCHE VII. 


Fic. i. 2 H./5 H. Figure destinée à être mise en parallèle avec celle de Fritz Müller 
pour montrer que les prétendus ganglions ne sont pas, comme l’a figuré cet au- 
teur, des renflements continus des cordons nerveux, mais qu'ils sont divisés en 
deux moitiés par des diaphragmes percés seulement en leur centre d’une fine per- 
foration. g, ganglions; p, perforation d’un diaphragme; cp, cordon principal et 
ses ramifications, 

Fic. 2. 4 H./4 H, Portion de plexus prise au milieu d’une tige et montrant qu’en cer- 
tains points ses branches vont s'attacher largement à l’endocyste. 

Fic. 3. 4 H./4 H. Apparence de ganglion présentée par la juxtaposition des deux 
amas de matière granuleuse résultant de lépatement du cordon central sur les 
deux faces du diaphragme. 

Fic. 4. 4 H./4 H. Perforation d’un diaphragme vue de trois quarts. 

Fic. 5. 2 H.19 H. Tronçon du cordon central de la tige, traité par l’acide chlorhydri- 
que faible pour montrer les cellules fusiformes dont il se compose. ec, ectocyste 
de la loge ; en, endocyste détaché de l’ectocyste par l’action de l’acide. Le côté 
externe du cordon plus rapproché de l’endocyste est plus chargé que l’autre de 
granulations ; ér, trabécules qui rattachent le eordon central à l’endocyste. 

F1G. 6. 2 H./9 H. Tronçcon du cordon central pris dans une région granuleuse pour 
montrer les modifications que ses cellules peuvent subir. Du côté gauche, on voit 


300 LUCIEN JOLIET. 


quelques cellules fusiformes encore reconnaissables, mais du côté externe on ne 
soupçonne leur forme que par la direction des séries de granules refringents qui 
les remplissent. 


PLANCHE VIII. 


Les figures 1, 2, 3 et 4 représentent deux loges de Bugula flabellala, dessinées à 

la chambre claire les 16, 23, 26 janvier et 4er février 1877. 

F1G. 1. 2 H./4 H. 16 janvier. Le polypide E est en train de s'épanouir, il est encore 
de couleur pâle ; le polypide F est plus foncé, des granules bruns tournent dans le 
rectum ; b, jeune bourgeon; à, aviculaire en voie de formation. 

Fic. 2. 2 H./4 H. 93 janvier. E est encore vivant, mais il a bruni; F est presque 
réduit à l’état de corps brun; la loge et le bourgeon b n’ont pas été représentés 
dans cette figure, faute de place. 

Fic. 3, 2 H./4 H. 26 janvier. E s’est tréduit en une masse ovoïde amorphe jaunâire; 
F a diminué de volume. 

Fic. 4. 2 H./4 H. 1er février, E et F, sont devenus de véritables corps bruns. : 
Les figures 5, 6 et 7 représentent une même loge de Bowerbankia imbricata, des- 

sinée à la chambre claire les 5, 6 et 10 juillet 1877. 

Fic. 5. 2 H./4 A.5 juillet. Le polypide, qui était vivant la surveille, est déjà flétri et 
la collerette est presque complétement sortie au dehors. 

Fi. 6. 2 H./4 H. G juillet. La collerette est complétement dévaginée, les restes du 
polypide se réduisent et s’affaissent. 

Fic. 7. 2 H./4 H. 10 juillet. Le corps brun est parachevé et entouré de quelques 
granules plus clairs, gr. 

FiG. 8.2 [1.75 H. Représente le cæcum d’un même polypide de Bicellaria ciliala à 
quelques minutes d'intervalle. En A, le canal c est très-étroit; en B, peu de temps 
après il est agrandi. Ces deux figures doivent être comparées aux figures 9 et 40, 
qui reproduisent les dessins de Hincks; elles montrent nettement que la constric- 
tion qui produit le canal c n’intéresse pas le contour extérieur des parois sto- 
macales. 

Fia. 9 et 10. Extrémité d’un cæcum de Bicellaria ciliata, d'après Hincks (Q. J. micr. 
Ses III pl TT 66 et 7): 

Fi. 11. 2 H./9 H. Epithélium de la région inférieure du cæcum de la Bugula flabel- 
lata. I] est formé de cellules polygonales contenant chacune un ou deux granules 
bruns, 

Fi1G. 12. 2 H./7 H. Corps bruns tiré d’une loge d’Eucratea chelata et environné des 

: granules jaunâtres que Repiachoff regarde comme les restes des tentacules du 
bourgeon gr. 

Fi. 13. 2H./7 H. Corps brun tiré d’une loge de Bowerbankia imbricata et montrant 
au milieu de sa substance plusieurs corps étrangers et un certain nombre des 
plaques dures qui revêtent le gésier du polypide. 


PLANCHE IX. 


Les figures 1, 2 et 3 représentent une même loge d’Eucratea chelata, dessinée à la 

chambre claire le 1er, le 2 et le 3 juin 1877. 

Fra. 4. 2 H./5 I. 4er juin. Bourgeon avancé d’Eucratea chelata dont l'extrémité cæ- 
cale est en rapport avec un corps brun. cb, corps brun ; gr, granules qui l’envi= 
ronnent; f, funicule ; m, méconium; cl, cloison; cp, cordon principal de l’endo= 
sarque. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 301 


Fi. 2. 2 11/5 H. 2 juin. Le corps brun traversant la paroi intestinale est passé dans 
la cavité du cœcum, quelques granules jaunes gr sont restés sur la paroï au point 
où s’est effectué le passage ; plusieurs autres sont déjà dans le rectum. 

Fic. 3. 2 H./5 H, 3 juin. Le corps brun est passé dans le rectum, où se trouvent en- 
core le méconium et plusieurs granules, Il est encore entouré de sa membrane. 
Le polypide s'étant accidentellement flétri, l'évacuation du corps brun n’a pu 
avoir lieu. 

FiG. 4. 2 H./5 H. Polypide qui était le 7 juin absolument dans les mêmes condi- 
tions que le précédent; son rectum était, à cette date, distendu par un corps 
brun ; le 8, il était dans l’état que représente la figure 4, son rectum ne contenant 
plus que quelques granules. 

Fic. 5. 2 H./4 H. Bourgeon de Lepralia granifera se développant sur un corps brun. 

Fi. 6. 2 H./4 H. Le bourgeon entoure le corps brun de sa substance. 

Fc. 7. 2 H./4 Hi. Le corps brun est maintenant dans la cavité stomacale du poly- 
pide; m, méconium. 

Fi. 8. 2 H./4 H, Le corps bruns'est résolu en granules qui sont évacués peu à peu; 
un paquet de ces granules occupe le rectum. 

Les figures 9 et 10 représentent la même loge de Valkeria cuscuta, dessinée à la 
chambre claire le 2 et le 6 mars 1877, dans des positions un peu différentes, ce 
qui fait que les corps bruns ne se présentent pas de même. 

Fi. 9. 2 H./5 H. Jeune bourgeon; m, méconium ; cst, cavité stomacale ; f, funi- 
culc; gt, gaine tentaculaire. 

F1G. 10. 2 H./5 H. Le polypide est presque adulte; le corps brun est resté ce qu'il 
était, n’a pas passé dans la cavité stomacale.el n’a pas pris part au développement. 

Fi16. 11. 2 H./9 H. Cellules détachées de l’épithélium stomacal de la Bowerbankia 
imbricata. Elles sont chargées de granules bruns. 

Fic. 12. 2 H./9 H. Cellules détachées de l’épithélium stomacal de la Bugula flabel- 
lala. 


PLANCHE X. 


F16. 1. 2 H./7 H. Deux loges de Bicellaria ciliata en reproduction ; ov, ov, œufs ap- 
pendus au cœcum stomacal et dépendant du funicule; cm, cm, cellules mères des 
zoospermes développées dans la partie basse du funicule; celles de la loge supé- 
rieure sont déjà müres et laissent passer la queue des zoospermes. 

F1G. 2.2 H./9 H. Loge de Valkeria cuscuta en reproduction. Le polypide n’est pas 
encore adulte, car son rectum contient encore un méconium; {, testicule formé 
par l'accumulation des cellules mères développées dans le sein du funicule; 
Ov, ovaire contenant deux œufs et attaché au sommet du funicule au contact du 
cæcum stomacal, 

FiG. 3, 9 IT 17 H. Loge de Bowerbankia imbricala au moment de la reproduction. Le 
polypide est adulte. ov, ovaire contenant deux œufs et développé dans cette partie 
du fanicule, qui est adhérente au cœæeum stomacal; cm, cellules mères des zoosper- 
mes en petit nombre, encore adhérentes au funicule. 

Fc. 4.2 H./9 IT, Jeune loge de Vatkeria cuscuta, dans laquelle les éléments généra- 
teurs se développent en même temps que le polypide et dans le sein du tissu fu- 
niculaire, Les œufs ne sont pas encore distincts ; cm, cellules mères ; mpv, muscles 
pariéto-vaginaux; gt, gaine tentaculaire ; ç, masse dans laquelle naîtra la collerette. 

F1G. 5. 2 H./7 H. Jeune bourgeon de Bugula avicularia sous lequel on distingue 
dans la dépendance du funicule : qu, un ovaire ; 00, deux œufs déjà formés. 


Fi. 6.2 I1./7 H, Deux œufs appendus au funicule dans la Bugula flabellata, 


302 LUCIEN JOLIET. 


Fic. 7. 2 ÀA./7 H. Granules résultant de la tranformätion des éléments de l’endosar- 
que et prêts à se détacher pour former dés cellules flottantes, dans la Lagenella 
nutans. 

Fra. 8. 2 H./9 H. Cellules flottantes de la Bowerbankia imbricata. 

Fic. 9.2 H./7 H, Mèmes granules dans la Bugula avicularia. 

Fic. 10. 2 H./9 H. Cellules flottantes de la Bicellaria ciliata. 


PLANCHE XI. 


Fra. 4. 2 H./5 H. Loge de Lepralia Martyi avec son ovicelle. La loge renferme un 
jeune polypide en voie de développement et contenant dans son estomac un corps 
brun. À côté se trouve un ovaire dans lequel se voient deux œufs : l’un presque 
mür, d'un rouge vif; l’autre beaucoup plus petit et encore incolore. Tous deux 
sont pourvus de la vésicule germinative. Dans l’ovicelle se trouve une larve ciliée 
prête à s'échapper. 

Fic. 2. 2 H./7 H. Représente une loge de Bicellaria ciliata, dans laquelle se trouvent 
simultanément un ovaire funiculaire ov, f appendu au cœcum du polypide et un 
ovaire pariétal ov, p, accolé à la paroi interne de la loge. Dans le sein du funicule : 
et au-dessous de l'ovaire funiculaire on remarque des cellules mères de zoo- 
spermes, Cm. 

Fic. 3. 2 H./7 H. Très-jeune ovaire de Lepralia Martyi, accolé à la paroi de la loge 
dans la région inférieure, De sa surface se détache le funicule fn qui se rend au 
corps brun. 

Fic. 4. 2 H./7 H. Jeune loge d’Eucratea chelata dans laquelle se développe, exclusi- 
vement aux dépens de la substance du funicule fn, un jeune polypide p; en, en- 
docyste celluleux ; fn, fn, endosarque traversant la cloison entre les loges ; gt, gaine 
tentaculaire en voie de formation. 

Fig. 5. 2 H./7 H. Loge de Valkeria cuscula déjà pourvue de trois corps bruns, et 
dans laquelle bourgeonne un nouveau polypide dans le sein du funicule et à dis- 
tance appréciable de l’endocyste. 

Fic. 6. 2 H./7 H. Formation des œufs dans la Lepralia Martyi. ov, premier ovaire; 
ov, second ovaire ou cellule mère d’œufs. Le premier est creusé d'une cavité dans 
laquelle se voient deux œufs. Le second est encore rudimentaire. 

Fic. 7. 2 H./9 H. Ovaire pariétal de la Bicellaria ciliata, vu sous un plus fort gros- 
sissement. 

Fic. 8. 2 H./7 H. Ovaire funiculaire de la Bicellaria ciliatc. 

Fic. 9. 2 H./9 H. Cordon principal de Bowerbankia imbricata montrant les cellules 
boursouflées dont l’une est prête à se détacher pour devenir une cellule flottante. 

Fic. 10. 2 H./9 H. Zoosperme de Lepralia Martyi en train de se débarrasser de sa 
cellule mère. 

Fic. 11. 2 H,/7 H. Première ébauche d’un bourgeon de vésiculaire sur la paroi d’une 
loge ancienne au contact du funicule. On voit un paquet de cellules résultant de 
la prolifération des éléments du funicule. 

Fic. 12. 2 H./7 H. Les cellules se répartissent en deux couches et s’étalent pour 
former une sorte de couronne de gros éléments disposés autour d’un tissu central 
plus fin. 

Fic. 143. 9 H./7 H. Etat plus avancé du même bourgeon, Au centre se voit la fente 
qui indique la cavité digestive. 

FiG. 14, 2 H./7 H. Zoosperme de Bowerbankia imbricata formé d’une grosse tête en 
massue et d'une longue queue filiforme et flexueuse. 


BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 303 


PLANCHE XII. 


FiG. 1. 2 H./9 H. Extrémité végétative d’un stolon de pédicelline montrant les cels 
lules cylindriques de l’endocyste se raccourcissant graduellement à mesure qu'on 
s'éloigne du pôle de la calotte, et au contre, les cellules détachées et encore arron- 
dies dans cette région, qui constituent le parenchyme. 

Fic. 2. 2 H./9 H. Extrémité végétative d’un stolon de Bowerbankia imbricala mise 
en parallèle avec celle de la pédicelline pour montrer la similitude du dévelop- 
pement. 

FiG. 3.2 H./7 H. Même extrémité sur une plus grande longueur et sous un plus faible 
grossissement, pour montrer comment le cordon principal se forme aux dépens 
des cellules de l’endocyste terminal. 

Fic. 4. 2 H./9 H. Extrémité d’une tige de Pedicellina gracilis, pour montrer au- 
dessous de la couche celluleuse de lendocyste les cellules fusiformes du paren- 
chyme. 

Fig. 5. 2 11./7 H. Extrémité végétative d’un stolon d’Eucratea chelata, pour montrer 
que l’endosarque accolé au bord interne de la loge se forme aussi aux dépens des 
cellules de lendocyste terminal. 

Fi. 6.2 H./9 H. Portion moyenne d’un stolon de Pedicellina echinata, pour montrer 
les cellules fusiformes anastomosées dont est constitué son parenchyme. 

F1G. 7. 211./9 H. Endocyste de l'extrémité d'une tige de Pedicellina gracilis. 


| Fr. 8. 2 H./9 H. Structure de l’endosarque de la Bugula avicularia. 


Fi. 9.2 H./7 H. Jeune tige de Pedicellina echinata au sommet de laquelle, avant 
l'apparition du diaphragme, un polypide, encore réduit à six cellules, bourgeonne 
aux dépens de l’endocyste. | 

FiG. 10. 2 H./7 H. Bourgeon plus avancé; les premiers linéaments du diaphragme 
commencent à se dessiner. 

Fic. 11. 2 H./9 H. Première ébauche d’une zoécie dans la Vesicularia spinosa. Ce 
n’est encore qu'une ampoule soulevant la surface de l’ectocyste et doublée inté- 
reurement d’une couche d’endocyste celluleux, à l’intérieur on reinarque une 
traînée de granules appartenant à l’endosarque. 

* Ki. 12. 9 H./7 H. Les granules internes deviennent plus nombreux. 

F1G. 13. 2 H./7 H. Ils se groupent au milieu de l’ampoule. 

Fic. 14. 2 F./7 H. Ils se réunissent en un amas central qui est nettement en con- 
linuité avec l’endosarque du stolon, 

F1G. 15. 2 H./7 H. Les cellules se sont multipliées et sont devenues plus fines, le 
bourgeon ressemble à ce moment à une masse de sarcode homogène. Le dia- 
phragme est apparent. 

Fic. 16.2 H./7 H. Même stade après traitement par l'alcool, le bourgeon est nette- 
ment séparé de l’endocyste et relié au funicule, dont il est comme une dilatation. 

Fic. 17.2 H./7 H. Apparition de la fente digestive. 


PLANCHE XIII. 


Fic. 1. 2 H./7 H. Loge d’Eucratea chelata montrant nettement un jeune bourgeon 
qui se développe dans le sein de l’endosarque au-dessus du corps brun. 

F1G. 2. 2 H./5 H. Polypide d'Eucratea développé sur le funicule indépendamment 
du corps brun et de l’endocyste. 

FiG. 3. 4 H./2 H. Larve de Flustrella hispida représentée de profil ; p, ébauche du 
polypide; mr, muscles rétracteurs; c s, bouton pourvu de soies, 


304 LUCIEN JOLIET. 


Fic. 4. 4 H./2 H. La larve s’est désorganisée et est représentée de face à cheval 
sur ses deux valves et réduite à une masse de protoplasma granuleux dans lequel 
apparaît un bourgeon de polypide. 

Fic. 5. 2 H./5 H. Loge de Valkeria cuscula renfermant deux œufs o encore at- 
tachés aux restes cb du polypide qui les a produits. Sur la paroi, au contact du 
funicule, se développe un bourgeon de polypide. Les œufs présentent leur vési- 
cule germinative. La loge est complétement close et ne renferme plus de sper- 
matozoïdes. 

Fi. 6. 2 H/5 H. Loge de Valkeria cuscuta observée le 18 juillet. Elle ne contient 
qu’un œuf arrivé à son développement complet et montrant encore sa vésicule 
germinative ; dans le haut de la tige, se voit un petit polypide qui a développé un 
nouvel appareil operculaire et ouvert la loge, 

FiG. 7. 2 H./5 H. Même loge le 19 juillet. L’œuf qui était hier au-dessous du po- 
lypide auxiliaire est maintenant au-dessus. Il à pris place dans sa gaîne tenta- 
culaire et perdu sa tache germinative ; m, méconium. L’œuf est maintenant en 
communication avec l’intérieur, 

Fi. 8.2 H./5 H. Le polypide auxiliaire est atrophié, mais on reconnaît encore son 
méconium m, et ses muscles rétracteurs subsistent au- The de lui, l’œuf fécondé 
s’est segmenté en huit sphères. 

Fig. 9. 2 H./5 H. La larve a poursuivi son développement et est maintenant pres- 
que adulte ; elle est toujours renfermée dans la gaine tentaculaire et mue par 
les muscles rétracteurs mgr et le funicule, elle monte et descend dans la loge, se 
portant souvent jusqu’à l'entrée. Au4dessous d’elle, on aperçoit encore le mé- 
conium m du polypide auxiliaire. | 

F1G. 10, 2 H./7 H. Larve close de Valkeria cuscula. Au centre, une masse grise 
plus fortement ciliée que le reste au niveau de l’échancrure. Autour, zone de cel- 
lules rayonnantes en éventail; plus en dehors, zone de protoplasme granuleux 
limitée par un épithélium ciliaire général. ‘ 


NOTE PRÉLIMINAIRE 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES PLIES 


PAR ALEXANDRE AGASSIZ1. 


La manière dontles yeux de la Plie viennent se placer tous les deux 
sur un même côté du corps a fourni aux théories un champ fertile. 

Je n’ai pas pour but actuellement de discuter les explications qui 
ont été proposées pour rendre compte des faits, mais simplement de 
donner les résultats d'observations faites en étudiant le développe- 
mént d’un certain nombre de Plies communes sur nos côtes. 

Chez cinq de ces espèces, le passage de l’œ1l d’un côté à l’autre 
n’est pas, comme Malm l’a avancé, une simple tendance de l’œil du 
« côté aveugle » (celui sur lequel repose la Plie) à se tourner vers 
la lumière et à entraîner avec lui les parties de la tête qui l’envi- 
ronnent. 

L’œil primitivement placé du côté aveugle symétriquement par 
rapport à celui du côté opposé, chemine à partir de cette position 
en haut et en avant, résorbant les tissus sur sa route, tandis qu'il 
s’en forme de nouveaux derrière lui. Ce mouvement de translation est 
suivi d’une certaine quantité de torsion de toute la région frontale 
de la tête, torsion qui commence d’ailleurs seulement après que 
l'œil du côté aveugle a presque atteint le bord supérieur de ce côté, 
en avant de sa première position, d’une certaine distance. 

Cette torsion s'effectue naturellement de très-bonne heure, à un 
àge où toute la charpente osseuse du crâne est encore cartilagineuse, 
et c’est elle qui finit par porter l'œil du côté opposé. Dans quatre de 
ces espèces de Plies la nageoire dorsale à cette époque ne s’étendait 
pas jusqu’au bord postérieur de l'orbite. 

Dans une autre espèce, après que l’æœ1il eut été, par le même pro- 
cédé de translation et de torsion, porté d’un côté à l’autre, la na- 

1 M. A. Agassiz m'ayant adressé la note qu'on va lire ave: une série de dessins 
originaux, j'ai cru qu'il serait agréable aux lecteurs des Archives de suivre les détails 
des modifications morphologiques intéressantes des pleuronectes, à l’aide des figures 


du savant auteur américain. J’ai prié M. Joliet de donner la traduction de la note 
et j'ai fait ajouter les dessins. (Note du Directeur.) 


ALOHAEDN ZOO Le EX PHUDIMIGEN EE CNT IS 77: 20 


306 ALEXANDRE AGASSIZ. 


geoire dorsale s’étendit graduellement au-delà du bord antérieur de 
l'orbite de cet œil. 
Cette jeune Plie présentait ainsi de bonne heure un état dans 


22 
LD 


ie 222 
IIS 


FUN 


Fire. 1. Fic. 2 


F1G. 1.— (Plagusia, Steenstrup), Bascania, Schiodte vu de face. 


FiG. 2. — Le même, de profil, les yeux placés symétriquement des deux côtés. 


lequel l’œil du côté aveugle semblait avoir passé à travers la tête 
entre le frontal et la base des rayons antérieurs de la nageoire dorsale. 


Fic. 3. — Tête de la figure 2, un peu plus agrandie. 


Comme j'avais toutefois suivi tout le développement sur des spéci- 
mens vivants, je connus par cette observation que le mode de trans- 
port de l’œil droit avait été identique à celui de l’espèce précédente. 
Ces observations confirment jusqu'ici dans ce qu'elle a d’essentiel 


DÉVELOPPEMENT DES PLIES. 307 


l'explication que Malm a donnée du développement des jeunes Plies 
symétriques vers l’état plus avancé sous lequel on les connait si 
bien. 

Ce fut donc à mon grand étonnement que je pris un Jour un cer- 
tain nombre de Plies ayant environ un pouce de long, proches alliées 


FIG. 4, À Fi. 5. | Fi&. 6. 


F1G. 4. — Premier signe du changement de place de l'œil du côté droit, que l’on aperçoit du côté 
gauche (à travers le corps transparent), au-dessus de l'œil droit. 

F1G. 5. — Partie supérieure de la tête, vue du côté droit, montrant l'œil du côté gauche 
déjà passablement déplacé et avancé vers le haut de l'os frontal. 

FiG. 6. — Même vue ; l'œil du côté droit est enfoncé profondément dans les chairs entre l'os fron- 


tal et la base de la dorsale, ne communiquant plus à l'extérieur que par une petite ouver- 
ture nasale. " 


des Plaqusiæ de Steenstrup, celles qu’on nomme Basconia de Schiodte. 
Elles étaient si parfaitement transparentes, qu’elles avaient l'air d’une 


Hiee7. RIG::S: 


FiG. 7. — Vue de la tête d'an poisson à peu près dans le même stade ; vu du côté gauche, l'œil de 
droite paraît à la surface du côté gauche, mais communique encore avec l'extérieur du côté droit 
par une petite ouverture vide (voir fig. 8), qui est l'œil du côté droit vu du côté droit. 

FiG. 8. — Voir l'explication de la figure 7. 
F1G. 9. — L'œil du côté droit s’est fait jour du côté gauche, et les deux yeux maintenant 
regardent du côté gauche. 


simple pellicule sur le fond du vase de verre dans lequel elles étaient 
conservées. Elles étaient encore complétement symétriques, ies yeux 
se trouvaient à une certain distance du museau et la nageoire dorsale, 


308 ALEXANDRE AGASSIZ. 


s'étendant presque jusqu'aux narines, dépassait de beaucoup le bord 
antérieur des orbites. 

Je les considérai naturellement tout d’abord (à cause de leur 
taille) comme appartenant à une espèce dans laquelle sans doute les 
yeux restaient toujours symétriques et je me préparai à surveiller 
leur développement ultérieur. Ce fut avec un grand intérêt que je 
remarquai quelques jours après qu'un des yeux, le droit, s'était 
quelque peu déplacé vers la partie supérieure du corps, de sorte que, 
quand le jeune poisson était couché sur le côté, la moitié supérieure 
de l’œil droit pouvait très-bien être vue se projetant au-delà de l'œil 
gauche à travers le corps parfaitement transparent. L’œil droit, étant 
(comme c’est le cas pour toutes les Plies) capable, dans le sens ver- 


AN 


F1G. 10, — L'œil droit est entièrement placé sur le côté gauche; il ne reste plus aucune trace 
de communication avec l'extérieur du côté gauche, 


tical, de mouvements très-étendus et embrassant un arc de près de 
180 degrés, pouvait alors presque se retourner pour regarder à travers 
le corps, et par-dessus l’œil gauche, voir de ce côté, l’œil droit élant 
naturellement utile sur son propre côté tant que le poisson était 
placé sur le flanc. 

Il faut noter ici que cette jeune Plie, longtemps après même que 
l'œil droit fut venu se placer sur le côté gauche, continua fréquem- 
ment à nager verticalement et cela pendant longtemps. 

Cette légère tendance de l’œil droit à se déplacer vers le haut con- 
tinua en même temps qu’un mouvement de translation vers la partie 
antérieure de la tête jusqu’à ce que l'œil, vu du côté gauche à travers 
le corps, fût devenu entièrement distinct de l’autre et se trouvât ainsi 
placé quelque peu en avant et au-dessus de lui, mais encore entière- 


DÉVELOPPEMENT DES PLIES. 309 
ment en arrière de la base de la nageoire dorsale qui s'étendait pres- 
que jusqu'à l’origine du museau. Quel ne fut pas mon étonnement 
le jour suivant, lorsque je retourna la jeune Plie sur son côté gauche, 
de trouver que l'œil droit avait maintenant pénétré dans les tissus 
de la tête dans l’espace situé entre la base de la nageoire dorsale et 
l’os frontal, de telle façon que les tissus qui environnaient l'orbite 
s'étaient ensuite rapprochés derrière l'œil de manière à ne plus 
laisser qu’une ouverture elliptique plus petite que la pupille et à 
travers laquelle 1l pouvait encore regarder pendant la natation verti- 
cale ! Pendant que la jeune Plie était sur le flanc, l'œil droit était 
constamment employé à regarder à travers le corps et pouvait évi- 
demment très-bien voir ce qui se passait du côté gauche. Le jour 
suivant l'œil avait continué sa route plus avant, de telle sorte qu’on 
voyait maintenant vis-à-vis, sur le côté gauche, une petite ouverture 
à travers laquelle l’œil droit pouvait voir directement, l’ouverture 
primitive du côté droit étant maintenant complétement fermée. 
Bientôt après cette nouvelle ouverture de gauche augmenta progres- 
sivement, l’œil droit s’approchant de plus en plus de la surface, et 
finalement regardant au dehors à gauche aussi librement que l’œil 
gauche lui-même. L'ouverture du côté droit s'était définitivement 
oblitérée. J'ai été ainsi à même de suivre sur un seul et même spéci- 
men le passage de l'œil du côté droit au côté gauche à travers les 
téguments de la tête entre la base de la nageoire dorsale et l’os fron- 
tal. Cette observation conduit à des conclusions quelque peu diffé- 
rentes de celles de Steenstrup, qui pensa pouvoir prouver (d’après 
l'examen d'échantillons conservés dans l'alcool) que l’œil du côté 
droit passait sous l'os frontal. Ce n'est évidemment pas le cas ici, 
l'œil le contournant simplement, tandis qu'il n’y a encore à cette 
époque qu’une très-légère torsion du frontal. 

Bien que, au premier coup d’œil, ce mode de transport de l'œil 
puisse paraître différer radicalement de celui que j'ai décrit plus 
haut, cependant, si la nageoïire dorsale ne s’était pas étendue au-delà 
du bord postérieur de l'orbite droit, le processus eût été le même, 
comme il est facile de s’en rendre compte. 

J'espère donner bientôt d’amples détails, avec planches à l’appui, 
sur le mode de transport de l’œil à ses différentes phases dans un 
mémoire que je prépare sur le développement de quelques-uns des 
poissons osseux de nos côtes. 

Mais si j'ai pu ainsi décrire stade par stade sur des spécimens 


310 DÉVELOPPEMENT DES PLIES. 


vivants le transport de l’œil d’un côté à l’autre, je ne puis donner 
aucune explication de la cause qui détermine les Plies à se coucher 
sur un côté. Celles qu’on donne habituellement ne sont pas satisfai- 
santes. Le grand diamètre vertical du corps, la position des nageoires 
dorsale et ventrale, la natation par ondulation, toutes ces conditions 
sont propres à rendre ces poissons plus capables de nager dans un 
plan vertical. Par le fait, dans leur jeune âge ils nagent toujours 
dans cette position alors que cependant leur aptitude à se tenir ver- 
ticalement est infiniment moindre que lorsqu'ils commencent à se 
mettre sur le côté. 

La rapidité avec laquelle les jeunes Plies mettent leur couleur à 
l'unisson de celle du fond est merveilleuse. Dans une espèce, les cel- 
lules à pigment rouge, jaune et noir sont amenées à la combinaison 
convenable avec tant de rapidité qu’il semble à peine croyable que 
le même poisson puisse prendre des teintes si différentes dans un 
temps si court. La taille et le nombre de ces cellules à pigment rend 
à peine compte de ce phénomène. 

Le jeune de cette Plie transparente ne se couche pas invariable- 
ment sur le côté droit, son choix ne semble déterminé que par le 
hasard. Sur quinze individus huit se couchèrent sur le côté gauche 
et tous moururent sans avoir pu accomplir en quoi que ce soit le 
mouvement de transfert de l'œil gauche vers le côté droit, bien qu’ils 
aient vécu aussi longtemps que les sept autres qui, s'étant tournés 
du bon côté, eurent presque le temps d'achever le mouvement in- 
verse. Cette incapacité rend compte de la rareté des formes sénestres 
dans les Plies et vice vers. 

Dans les autres espèces mentionnées plus haut tous les jeunes que 
j'ai eu occasion de prendre vivants tournèrent sur le côté favorable. 

Je dois aussi noter ici qu'à une certaine période de sa croissance 
notre Ctenolabrus montre une tendance très-marquée à pencher du 
côté droit, on retrouve même un reste de cette disposition chez 
l’adulte dans la position oblique particulière que prennent quelque- 
fois les individus lorsqu'ils approchent un obstacle. Li d: 


LABORATOIRE DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE 
DE ROSCOFF 


COMPTE RENDU DES AMÉLIORATIONS ET DES TRAVAUX 
DE 14874 A 1878 


PAR 


H. DE LACAZE-DUTHIERS, 


Directeur, membre de l’Institut de France. 


I 


Dans le troisième volume des Archives j'ai publié, en 1874, une des 
lecons d'ouverture de mon cours de zoologie à la Sorbonne, où, après 
avoir indiqué le but de la création des laboratoires de la station ma- 
ritime de Roscoff, je faisais connaître quelle avait été l’organisation 
de ces établissements à leur origine. 

Depuis cette époque, tous les ans à l'ouverture de mon enseigne- 
ment, comme dans les rapports de fin d'année adressés à M. le Mi- 
nistre de l’Instruction publique, j’ai présenté un compte rendu des 
progrès faits par mes laboratoires, et résumé les travaux entrepris ou 
publiés par les savants venus à Roscoff. 

Bien que les lecteurs des Archives connaissent la plupart de ces tra- 
vaux, il paraît utile de rendre compte des recherches et des améliora- 
tions qui ont été faites pendant les trois dernières années, dans l’éta- 
blissement, on pourra reconnaître ainsi que ses progrès sont constants, 
et que son développement a pris une heureuse extension. 

Des étrangers sont venus pour visiter la station, les uns ont fait des 
rapports, les autres ont écrit des articles qui, peut-être, ne donnent 
pas une idée exacte des services que Roscoff a rendus et peut rendre 
aux naturalistes. 

D'ailleurs, à l’époque où je me décidais à fonder les laboratoires de 


| zOologie expérimentale, javais un but bien défini, que j'ai dû modi- 


fier depuis sans l’abandonner cependant complétement. A l’origine, 
je désirais, en effet, transporter de localité en localité le labora- 


312 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS 


toire, après avoir publié une faune de chacune d'elles. Alors je 
croyais pouvoir compter sur le concours de zélés collaborateurs qui 
semblaient avoir accepté la tâche importante et utile, mais lourde, 
d’une semblable publication. Tout n’a pas marché à souhait dans 
cette voie. 

En outre, la position que le laboratoire a prise dans le monde scien- 
tifique a conduit l’administration à faire une plus large part à sa do- 
tation et'à acquérir une grande et belle propriété, ce qui a rendu 
définitive l'installation sur la côte bretonne. 

Il m'a paru nécessaire de faire connaître cette modification de mes 
projets primitifs, et de dire ce que sont aujourd’hui, après sept années 
d'existence, l’organisation et le travail dans la station zoologique de 
Roscoff, désirant montrer par là que les progrès et les améliorations 
ont été continus. 


Il 


Tandis que par un concours de circonstances indépendantes de ma 
volonté, l’idée que j'avais eue de déplacer les laboratoires de zoologie 
marine devait être presque abandonnée par moi, dans un autre pays 
elle était mise en pratique dans la plus large des mesures. 

Les lecteurs des Archives liront-ils avec intérêt le résumé d’un mé- 
moire hollandais, premier rapport sur la station zoologique de la So- 
ciété zoologique dre Hollande, que M. le docteur Léon Fredericq, de 
Gand, a bien voulu analyser en étant à Roscoff, et auquel il a ajouté 
son impression sur son séjour auprès de nous. Je publie ici sa note 
telle qu’il l’a remise. 


PREMIER RAPPORT ANNUEL 


sur la station zoologique de la Société zoologique des Pays-Bas (avec un croquis 
du laboratoire établi sur la digue de mer du Helder et une carte des environs 
(extrait du Journal de la Société zoologique des Pays-Bas. La Haye et Rotterdam, 
1876). 


Analyse par le docteur Léon Frrperico, de Gand. 


« Sur la proposition de M. le professeur C. K. Hoffmann, la Société 
zoologique des Pays-Bas vota à l'unanimité, dans sa séance du 4 dé- 
cembre 1875, la création d’un établissement zoologique national sur 
les bords de la mer du Nord, Une commission, composée de MM. Hoff- 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 313 


mann, Hoek et Hubrecht, se mit immédiatement à l'œuvre; elle étudia 
les environs de Schiermonnikoog, Ameland, Texel, Nieuwe Diep, 
Pettew et le Hoek van Holland, mais ne trouva nulle part de local 
propre à l'installation d’une station zoologique. La Société se décida 
alors à faire construire elle-même un laboratoire. Il fut admis en 
principe que le bâtiment serait entièrement en bois et pourrait se dé- 
monter, de façon à être transporté à volonté d’un point à l’autre de la 
côte. | 

« Les ressources de la Société ne lui permettaient pas de s'engager 
seule dans une pareille entreprise. L'appel qu'elle fit à la générosité 
de l'Etat, des Sociétés scientifiques du pays et des particuliers, fut 
couronné de succès. Une somme de 10 000 francs se trouva souscrite 
en peu de temps. La construction du local coûta environ 3 500 francs; 
puis il fallut meubler le nouvel établissement, acheter des instruments, 
des réactifs, des vases, des engins de pêche, etc. Cela fit un total de 
7 000 francs en chiffres ronds, y compris un millier de francs pour 
frais d'exploitation pendant les mois de juillet et d'août 1876. 

« On choisit pour la campagne de 1876 la petite ville du Helder, 
située à l’extrémité septentrionale de la province de Noord-Holland, 
en face l’île de Texel. Les Etats députés de la province donnèrent 
l'autorisation d'établir le laboratoire au sommet de la digue de mer, 
et le ministre de la marine consentit à mettre, deux fois par se- 
maine, une chaloupe à vapeur à la disposition des travailleurs. 

« Tout cela fut poussé avec une telle activité, que le matériel com- 
_ plet de la station zoologique, chargé sur un fourgon à bestiaux, arri- 
| vait au Helder dans la soirée du 3 juillet 1876. Dès le lendemain, le 
| bâtiment se trouva sous toit au sommet de la digne, et deux jours plus 
tard, l'aménagement de la station zoologique était terminé. 

« En voici la description d’après le rapport : 


_ «La station zoologique est entièrement construite en bois et pré- 
| sente une forme rectangulaire allongée. A droite de l’entrée se trouve 
| une chambrette communiquant par une porte avec la salle principale. 
| Le bâtiment a 8 mètres de long sur 5 mètres de large. La chambrette 
_ mesure 2 mètres de côté. Les murs ont 3 mètres de haut. Le faîte du 
| toit s'élève à 4,50. Le bâtiment principal jauge 150 mètres cubes. La 
charpente du toit est en bois recouvert d’une double couche de nattes 
| de jones. L’une des faces offre quatre fenêtres, l’autre trois, chacune 
de 1°,50 carré de superficie. En regard de chacune de ces fenêtres se 


314 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


trouve une table fixée à la charpente de l'édifice. Dans la chambrette 
il y a également des tables pour les aquariums temporaires. Autour 
de l’entrée règnent des tablettes destinées aux 1ivres, instruraents, 


flacons, bocaux, etc. Au milieu du local se trouvent plusieurs tables | | 


carrées de { mètre de côté; d’autres plus petites, de 4 demi-mètre, 
sont distribuées çà et là. Un pupitre, des tabourets et quelques chaises 
pliantes en fer complètent l’ameublement. Les fenêtres sont pourvues 
de rideaux noirs, et une grande toile carrée forme une espèce de vé- 
randa du côté opposé à la porte. Une clôture en fil de zinc galvanisé 
protége la station contre les indiscrets et délimite tout autour un ter- 
rain propre à exécuter quelques opérations en plein air, telles, par 
exemple, que la dissection de grands animaux. 

« Le laboratoire fut ouvert aux membres de la Société pendant les 
mois de juillet et d’août 1876, de six heures du matin à cinq heures 
de l’après-midi. Dix personnes y travaillèrent successivement et s’y 
livrèrent surtout à des recherches zootomiques dont le rapport ne 
donne pas le détail. Le laboratoire leur fournit gratuitement les ani- 
maux et les objets nécessaires à leurs études, à l’exception des appa- 
reils d'optique (microscopes et loupes) et des instruments de dissec- 
tion en acier que chacun dut apporter. 


« Les travailleurs trouvèrent un auxiliaire précieux dans la per- 
sonne du pêcheur Louis Vermeulen, qui remplit les fonctions de 
garcon de laboratoire. À marée basse, on explorait les grosses pierres 
dont la digue est garnie du côté de la mer, la plage qui s’étend au 
pied de la digue vers le sud-ouest, puis les pilotis et les pieux dans le 
Nieuwe Diep. 


« De même que sur toute l’étendue des côtes néerlandaises, le fond 
de la mer est ici principalement constitué par des masses de sables mo- 
biles où l’on ne peut guère s'attendre à rencontrer ces formes anima- 
les fixes, sessiles, qui contribuent tant à la richesse zoologique des 
côtes rocheuses. La végétation marine est généralement fort pauvre, le 
Helder est le seul endroit des Pays-Bas où l’on trouve des Laminaires. 


« Les chiffres suivants donneront une idée de la faune du Helder; 
ils représentent le nombre d’espèces de chaque groupe recueillies pen- 
dant les deux mois de juillet et août 1876 : 

« Cœlentérés, 17; 


| LABORATOIRE DE ROSCOFF. 315 


« Echinodermes, 9 ; 

« Vers turbellariés, 29 ; 

« Bryozoaires, 8; 

« Annélides, 9; 

« Crustacés, 27, dont 3 Cirrhipèdes, 3 Copépodes, 7 Amphipodes, 
5 Isopodes, 1 Schizopode et 8 Décapodes ; 

« Pycnogonides, #4 ; 

« Tardigrades, 4. 

« Mollusques lamellibranches, 10; 

« 1d. Gastéropodes, 8; 

« Zd. Gymnobranches, 4. 


« Parmi les poissons, on remarque Centronotus qunellus BI. et Sy- 
| phonostoma typhle Kp. Le rapporteur considère les chiffres de cette 
| liste comme fort incomplets. 


« Les plus belles captures se firent dans les excursions en mer, soit 
avec la chaloupe à vapeur, soit en canot à deux et quatre rames. La 
| chaloupe à vapeur mesurait 10 mètres de long, 3 mètres de large, 
avec une machine de 10 chevaux et 6 hommes d'équipage. Grâce à 
elle, les zoologistes hollandais purent exécuter un certain nombre de 
draguages. 

« La plus grande profondeur atteinte fut 30 et 40 mètres, deux 

grandes dragues pesant *espectivement 25 et 31 kilogrammes (modèle 
 Wyville Thompson), et deux plus petites, prêtées par le laboratoire 
| d'Utrecht, furent employées; on eut beaucoup à se louer de l'appareil 
que M. de Lacaze-Duthiers a mis en usage déjà depuis longtemps 
dans ses recherches ou dans son laboratoire de Roscoff, et qui se 
compose, comme on sait, de deux traverses de bois assemblées en 
croix et garnies de paquets de filasse qu’on traîne sur le fond, et dans 
lesquels les animaux marins restent accrochés. C’est l'engin des co- 
railleurs. Le tilet pour la pêche pélagique avait été construit comme 
ceux qu'emploie M. Marion, ils sont formés d’une nasse de gaze fine, 
terminée, à sa partie postérieure effilée, par un bocal de verre sou- 
tenu par un flotteur. » 
En somme, le rapport se montre satisfait des débuts du laboratoire 
| mobile : les résultats atteints ont pleinement répondu à l'attente. Sauf 
| quelques critiques de détail, l'expérience a montré que l’organisation 
en était fort pratique. 


316 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


« Le 29 août 1876, on commença à démonter le local et à embal- 
ler le matériel, et le 30 août au soir, tout ce qui appartenait à la sta- 
tion zoologique se trouvait chargé sur un fourgon à bagages de la 
compagnie des chemins de fer hollandais et roulait vers Leyde, où les 
vastes greniers du laboratoire zoologique lui serviront de quartiers 
d'hiver. 


« Je ne puis résister au plaisir de dire ici un mot du laboratoire 
où Je viens de passer quelque temps; il est à la portée de la Hol- 
lande et de la Belgique : je veux parler du laboratoire de zoologie 
expérimentale établi à Roscoff, par M. le professeur de Lacaze-Du- 
thiers. 

« Roscoff est une petite ville de Bretagne, située à l'extrémité sep- 
tentrionale d’une pointe granitique qui s’avance dans l'Océan, vis-à- 
vis de l’île de Batz. La côte y est fort découpée et la mer semée d’un 


archipel d’ilots et de rochers servant de retraite à une faune des plus 


riches. 

« À marée haute, la vague vient battre la jetée qui protége le port 
ainsi que les murs des maisons de la ville : on voit passer les barques 
de pêche sous ses fenêtres. Quand l’eau se retire, ce n’est plus la mer 
avec ses innombrables récifs qu'on retrouve au pied de Roscoff, c’est 


une grève immense, s'étendant à perte de vue, parsemée de pierres, 


de rochers, de monticules de granit, tout Couverts de goëmen ou 
plantes marines. Il ne reste plus alors qu'un étroit chenal entre l’île 
de Batz et le continent. Telest le cadre que M. le professeur de Lacaze- 
Duthiers a choisi pour ses laboratoires de zoologie expérimentale. 


« L'établissement est au bord la mer, la façade tournée vers l’in- 
térieur de la ville. Le corps de logis principal comprend un rez-de- 
chaussée et trois étages. A droite, en entrant, se trouve le salon, dont 
les murs sont tapissés de cartes marines ou départementales utiles à 
consulter pour les excursions; sur la table, les publications scien- 
üfiques les plus récentes, une lorgnette marine et une excellente 
longue-vue, un baromètre; au premier est la bibliothèque, renfer- 
mant surtout des ouvrages spéciaux de zoologie marine f. 

« Lereste de l'établissement est occupé par les chambres de travail, 


1 Tout ce qui suit se rapporte au laboratoire tel qu’il était au mois d’août 1866. 
L'acquisition récente d’un vaste terrain et d’une maison va lui donner une extension 
considérable. 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 317 


qui servent en même temps de Chambres à coucher, car la station z00- 
logique de Roscoff présente l'avantage inappréciable de loger les tra- 
vailleurs. L'on peut, au saut du lit, reprendre une observation inter- 
rompue la veille. Chacun a là, sous la main : microscopes, avec 
accessoires, loupes montées, instruments et baquets de dissection, 
réactifs, petits aquariums et cuvettes, papier, crayons, couleurs, etc., 
jusqu’à des enveloppes et du papier à lettres; le tout libéralement 
fourni par le directeur du laboratoire. 
« Au bâtiment fait suite un jardin avec une terrasse qui domine la 
_ grève et dont un vaste hangar vitré (100 mètres carrés) occupe le 
fond. C’est là que se trouvent les grands aquariums ; d’autres, plus 
petits, garnissent les tables. Chacun a, de cette façon, deux places 
de travail à sa disposition : une dans sa chambre, l’autre au grand 
aquarium. 


x 


_ «Deux réservoirs, qu’on remplit d'eau à marée haute, occupent 
| les angles au fond du hangar : ils alimentent un système de canaux 
qui renouvellent, jour et nuit, l’eau dans les aquariums. Entre eux, 
| est une terrasse abritée d’où la vue s'étend au loin sur la mer et les 
iles. C’est l'endroit où l’on se réunit de préférence après dîner, pour 
| causer, jusqu’au crépuscule, lorsque le temps ne permet pas de faire 
une promenade en mer ou dans les environs. 

« Le laboratoire possède un outillage de pêche des plus variés : 
filets, dragues, engins des corailleurs, pelles, pioches, etc., et deux em- 
barcations, une chaloupe à voiles, le Pentacrine, et un canot à rames, 
la Molgule, dont les noms rappellent une trouvaille heureuse et une 
| découverte embryogénique faites à Roscoff par M. de Lacaze-Duthiers. 
. «Outre le directeur et son préparateur, M.Joliet, le personnel du 

laboratoire comprend trois matelots-garçons de laboratoire, aussi 
habiles à mettre un microscope au point qu'à naviguer vent debout 
au milieu des rochers et surtout chose précieuse qu’à faire mettre 
la main sur les objets demandés pour les études. | 
| «La faune de Roscoff est d’une richesse dont nos côtes sablonneuses 
de la mer du Nord ne peuvent donner aucune idée. 

« Je me rappellerai toujours l'impression que je ressentis lorsque 
| je pénétrai, pour la première fois, dans une de ces cavités naturelles 
| que la mer venait de quitter; une grotte tapissée d’Ascidies aux cou- 
leurs les plus vives, où les Cynthia, les Botrylles, les Amaronques, les 
Glavetines, les Eponges et les Mollusques rivalisaient d'éclat et de 
| beauté. I] suffit de feuilleter les ‘Archives de zoologie expérimentale, où 


318 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


se publient les travaux du laboratoire, pour se faire une idée des ri- 
chesses zoologiques accumulées ici sur un espace restreint. 

« Comme on tient note des localités et des trouvailles, les nouveaux 
venus profitent de l'expérience acquise et gagnent ainsi un temps 
précieux. 

« Désirez-vous des Pentacrines, on vous conduira à l’endroit où 
vous êtes sûrs d'en rencontrer; vous faut-il une Térébratule vivante, 
ou bien telle Holothurie, ou telle Ascidie nécessaire à vos études, on 
saura vous en trouver à point nommé. On vous indiquera la place où 
se déterre le rare Chétoptère, en compagnie de la Myxicole, à l’élé- 
gant panache. 


« Deux fois par mois, pendant les trois ou quatre jours pendant 
lesquels se font sentir les grandes marées de nouvelle lune et de 
pleine lune, on organise une série de longues expéditions, auxquelles 
prennent part tous ceux qui n’ont pas un travail pressé sur le métier. 

« Dès le matin, le Pentacrine transporte alors toute la colonie sur 
quelqueîlot lointain. Aussitôt arrivés, l’on se met à l’œuvre, fouillant 
chaque recoin avec ardeur, s'aidant du levier et du pic pour ren- 
verser les grosses pierres, suivant le flot à mesure qu'il se retire. L'on 
atteint ainsi la zone des Hymantalias et celle des Laminaires aux 
proportions gigantesques. C’est dans celles-ci que se font les plus 
belles trouvailles ; maïs il faut se hâter. Déjà la marée monte, 
reprend possession de son domaine et force à battre en retraite. On 
se rembarqua chargé d’un riche butin. L’estomac reprend alors ses 
droits, et un déjeuner solide vient clore gaiement l'expédition. 


« J’ajouterai que le séjour de Roscoff est fort peu coûteux : on n’a 
qu'à payer sa pension à l'hôtel, quand on est admis au laboratoire. 
C’est à peu près la seule dépense à faire, grâce à l’organisation si 
libérale que M. de Lacaze-Duthiers a tenu à introduire et tient à con- 
server dans son établissement, fout est absolument gratuit dans le la- 
boratoire de la station de Roscoff. 

« Enfin, les communications ne sont guère difficiles. Roscoff est à 
20 kilomètres de la station de Morlaix, sur la ligne de Paris à Brest. 
Le trajet de Paris à Morlaix se fait en treize heures. Il existe, d’ailleurs, 
un service régulier de bateaux à vapeur entre Morlaix et le Havre. 
Une goëlette belge vient, tous les huit jours, d’Ostende, prendre à 
Roscoff un chargement de homards. Aux amateurs du pittoresque, 
je puis recommander ce dernier moyen de locomotion, pour en avoir 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 319 
fait l'expérience et être rentré de Roscoff en Belgique, après avoir 
traversé la Manche par un temps superbe. » 


« LEON FREDERICO. » 


La note qu'on vient de lire montre qu’il n’y a aucune analogie 
entre l’organisation de la station hollandaise et celle de Roscoff. 

L'idée d’un déplacement aussi complet et rapide ne m'était point 
venue dans la pensée et, incontestablement, les conditions offertes, 
par la localité même, ainsi que les facilités de transports, ont seules 
déterminé une installation aussi provisoire. 

Si l’on en juge par l'aperçu publié dans la brochure dont on vient 
de lire l’analyse, la localité n'offre pas une richesse comparable, je 
ne dirai pas à celle de Roscoff, qui est exceptionnelle, mais à bien 
d’autres localités françaises, et l’on comprend très-bien que sur une 
côte semblable une construction et une installation définitives n’é- 
taient guère possibles, car les dépenses qu'elle eût entraïnées eussent 
été considérables. 

Revenons maintenant à l’objet de ce compte rendu. 


LI 


AQUARIUM ET LOGEMENT. 


Ainsi que le savent les lecteurs des Archives et surtout les per- 
sonnes venues les premières à Roscoff, la disposition de l’aquarium 
était, dès l’origine des laboratoires, à la fois trop primitive et trop 
insuffisante. 

Lors de la première visite de M. Bogdanow, de Moscou, et de 
MM. Hermann Folet C. Vogt, de Genève, il n’y avait encore qu’un 
hangar ouvert élevé le long du mur du jardin donnant sur la mer. 

Les grandes cuves à parois de glace manquaient; le service de la 
pompe se faisait à l'extérieur; condition fâcheuse pendant les mau- 
vais temps, et le réservoir d’eau n’était pas suffisant. 

Pendant les beaux jours tout allait pour le mieux sous cet abri 
simple; mais, pour peu que la brise fraîchît et que le temps devint 
humide et brumeux, ce qui est fréquent en Bretagne, la température 
s’abaissait tellement, que le travail devenait pénible, difficile et même 
impossible dans ces conditions. 

Cette installation insuffisante et provisoire a cessé, L’administra- 


320 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


tion, en accordant un crédit spécial destiné à couvrir une partie du 
jardin, de 100 mètres carrés de surface, où l’abri est complet et où 
l'observation est possible par tous les temps, a rendu par cette amé- 
lioration considérable le plus grand service aux travailleurs. 

Actuellement, la disposition de l’aquarium est tout autre; elle est 
commode, quoique des plus simples. Je ne pouvais songer à établir 
sur une propriété louée des constructions définitives; il fallait pré- 
voir un déplacement prochain que le développement même des études 
indiquait à l'avance. À part quelques frais de démolition et de recon- 
truction, tous les matériaux serviront sur la nouvelle propriété à la 
construction de l'aquarium définitif. 

En donnant ces détails, qui paraîtront peut-être inutiles, je veux 
expliquer d’abord que rien n'a été sacrifié à l'élégance, que la com- 
modité seule a été recherchée. Je veux montrer surtout avec quelle 
prudence et quelle économie j’ai dû marcher pendant les premiers 
moments de cette fondation, pour laquelle j'ai consacré beaucoup 
de temps et presque épuisé mes forces. 

Aujourd’hui, deux grandes cuves, bâties sur la terrasse dominant 
la mer, dans l’intérieur même de l'aquarium, sont remplies deux fois 
par jour, et fournissent une quantité d’eau suffisante pour établir 
des courants dans les bacs à parois de glace, ayant 1 mètre cube en- 
viron, et que j'ai pu enfin installer sur les pourtours de l'enceinte. 

La pompe, aménagée très-commodément et à couvert, n’a qu'à 
être manœuvrée à marée haute pour fournir toute l’eau désirable. 

Un système de conduits, établi à la hauteur du niveau supérieur 
des cuves, court dans le haut de la construction et permet, quand 
celles-ci sont pleines, de déverser leur trop-plein aussi longtemps 
qu'on le désire, dans les grands bacs, et d’y établir un jet de 1 mètre 
de haut qui, en renouvelant l’eau, l’aère parfaitement. 

Les bacs, munis de siphons s’amorçant eux-mêmes quand un cer- 
tain niveau est atteint, se vident dans un ensemble de tuyaux, for- 
mant un véritable drainage sous le sol de l’aquarium. 

Les façades nord, ouest et sud du bâtiment sont vitrées et la lu- 
mière est, à l’intérieur, très-belle et plus que suffisante. 

Chaque travailleur peut avoir, à sa disposition, s’il le demande et 
s’il en a besoin, un grand bac, et les tables nécessaires pour le dessin 
ou les observations. Il peut y disposer ses cuvettes et ses petits aqua- 
riums portatifs, dans lesquels, il faut bien le dire, se font les plus 
nombreuses observations. 


| 


| 


LABORATOIRE DE ROSCOFF, 321 


Les anciens hangars ouverts n’ont pas été détruits ; ils servent, au 
contraire, beaucoup; on y fait les grosses dissections de poissons, de 
marsouins ; on y remise les engins de pêche, et souvent, un travail- 
leur, désireux de faire des injections, vient s’y installer et éviter ainsi 
à sa chambre le désordre et la saleté qui accompagnent toujours, on 
le sait, ces pratiques anatomiques. 

Dans l’aquarium, les habitants du laboratoire se réunissent sou- 
vent, ainsi que M. Fredericq l’a indiqué dans la note qui précède, et 
un tableau noir, fixé au mur, sert bien souvent aux indications et dé- 
monstrations que se donnent les uns les autres les travailleurs. C’est 
aussi là que l’on s’assemble pour le départ des excursions et que l’on 
trouve les instruments, les vases, en un mot, tout ce qui est nécessaire 
à la recherche des animaux. 

On le voit, il y a eu une amélioration très-grande dans l'aménagement 
des locaux destinés à l'observation et à la conservation des animaux. 


L'un des visiteurs étrangers du laboratoire n’a pas approuvé l’ha- 
bitude que, dès l’origine, j'ai tenu à établir, et à laquelle j'attache la 
plus grande importance. Je veux parler du logement donné aux sa- 
vants ou élèves qui viennent travailler à Roscoff. 

« Il serait mieux, me disait-il, de transformer toutes les chambres 
en pièces de travail, en vrais laboratoires et, comme dans les villes, 
de les ouvrir et de les fermer à des heures fixes. En supprimant le 
logement, l'étendue des laboratoires proprement dits y gagnerait 


beaucoup et chacun vivrait et s’arrangerait comme il l’entendrait. » 


Non-seulement je ne me suis point rendu à cette opinion, mais je 
ne puis et ne pourrai accepter une pareille modification. Je sais trop, 
par expérience, combien il est difficile et pénible, en arrivant dans 
une localité pour faire des recherches, d’avoir à commencer par pour- 
voir à son logement et à son installation matérielle. 

Il est des moments où, à Roscoff, on trouve difficilement à se loger, 
el je sais, d’ailleurs, qu’on commence à se préoccuper justement de 
la question du logement dans quelques grandes villes où sont des 
laboratoires maritimes très-importants, organisés comme me l'in- 
diquait le visiteur haut placé dans la science dont j'ai rappelé l’o- 
pinion. 

Dans les conditions actuelles, un savant qui arrive à Roscoff, 
pourvu qu'il en ait fait la demande en temps utile, peut se faire des- 
cendre par la voiture publique à la porte du laboratoire et être, abso- 


ARCH,. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, - T. VI. 4577. Ai 


322 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


lument parlant, installé quelques instants après son arrivée. 11 n’a 
plus qu'à choisir le restaurant où il ira prendre ses repas, et, à Ros- 
coff, le choix n'est pas grand. 

Sans doute, cette vie presque en commun, dans une même maison, 
peut n'être pas du goût de tout le monde. Il est certain que, tout en y 
jouissant d’une liberté que je tiens pour absolue, puisque chaque 
travailleur a sa chambre séparée entièrement indépendante, et 
recoit en: arrivant une clef qui lui permet de sortir de la maison ou de 


‘rentrer quand il lui convient, on y est lié cependant par le respect 


de la liberté d'autrui et les égards que l’on se doit réciproquement ; 
or, sauf le bruit et le mouvement, qui ne sont guère compatibles avec 
le travail d’un laboratoire, l’on n’est gêné en quoi que cela soit à la 
station de Roscoff. 


- Si donc, dans une maison servant à la fois au logement et aux. 


études, on n’est pas absolument comme dansun hôtel où l’on ne 
connaît personne, en revanche on y trouve une commodité de travail 
incomparable. 

Combien de travailleurs, combien de fois moi-même, ne sommes- 
nous pas descendus dans l’aquarium, le soir à la lumière, pour faire 
des observations ou pour veiller aux bonnes conditions hygiéniques 
de nos animaux, chassés ou pêchés péniblement dans la journée! 
combien de personnes ne se sont-elles pas louées de cette condition, 
qu'on ne rencontre, je crois, que dans bien peu de stations zoologi- 
ques, si même on la trouve ailleurs qu'à Roscoff! 

Dans la soirée, par les mauvais temps, l'aquarium devient le rendez- 
vous des habitants du laboratoire, et la bibliothèque, où chacun peut 
aller, comme dans sa chambre même, n’est jamais fermée. 

Je trouve si peu d’inconvénients dans cette vie en commun, où 
chaque individualité est d’ailleurs entièrement indépendante et sépa- 
rée, en les comparant aux avantages, que je persiste à conserver le 
logement à ceux qui le désirent et le demandent. 

Il n’y a certainement que les caractères malfaits et difficiles qui 
puissent redouter cette vie; pour les autres, au contraire, il y a un 
charme réel à vivre dans l'intimité. Il s’est passé des années, des cam- 
pagnes charmantes où l’accord entre tous n’a jamais cessé, et où tout 
le monde n’a eu qu’à se louer de n’avoir à s'occuper ni de son ser- 
vice, ni de ces mille petits soins de la vie, qui ne sont certes pas faits 
pour activer le travail. Aussi, n’ayant point modifié mon opinion, Je 
puis annoncer que lorsque, avec la nouvelle maison, les réparations 


LARORATOIRE DE ROSCOFF. 323 


qui s’accomplissent seront terminées, il sera possible de recevoir 
facilement quinze ou seize travailleurs, et en se gênant un peu dans 
une excursion, par exemple de quelques jours, pour des élèves, vingt 
personnes pourraient aisément recevoir l'hospitalité aux laboratoires, 
tels qu'ils seront organisés en 1878, si l’aménagement est achevé. 


IV 


SERVICE DU LABORATOIRE. — RECHERCHE DES ANIMAUX. 


L'organisation du service dans une station maritime ne laisse pas 
que d'offrir quelques difficultés tenant à la diversité des désirs des tra- 
vailleurs, car ces désirs sont souvent peu compatibles les uns avec les 
autres, et surtout bien fréquemment peu en rapport avec les condi- 
tions particulières qu'impose la mer. 

Les travailleurs venus jusqu'ici à Roscoff appartiennent à plusieurs 
catégories : ou bien ce sont des savants déjà experts dans l’art des 
recherches originales, ou bien ce sont des jeunes gens encore élèves 
du laboratoire de la Sorbonne venant se familiariser avec la faune 
marine et cherchant à constater de visu ce qu’ils ont appris dans les 
cours théoriques ; ou bien ce sont des licenciés faisant des recherches 
destinées à leur servir de thèses pour le doctorat ès sciences. Enfin, il 
y a aussi les naturalistes voulant faire des collections. 

Incontestablement les besoins de chacune de ces catégories de 
personnes sont différents, et dans l’organisation d’un laboratoire où 
tout est gratuit, et dont les charges sont par conséquent considéra- 
bles, il faut dans une juste mesure tenir compte de ces différences, 
afin d'éviter des pertes de temps regrettables, des abus ou des récla- 
mations qui ne manqueraient pas de s'élever aussi bien du côté du 
personnel que du côté des travailleurs. 

Voici comment est ordonné le service : 

. Trois marins, anciens matelots de l'Etat, sont embarqués régulière- 
ment à bord des bateaux, et leur temps est partagé de la façon sui- 
vante quand ils ne sont pas à la mer : 

L'un d’eux, le patron, est chargé du magasin, des instruments et 
des engins de pêche, il surveille les embarcations, car il a la barre; 
un autre entretient l'aquarium, et va dans les chambres pour le ser- 
vice du travail; enfin le troisième soigne la pompe, les embarcations 
et aide à remplir les cuves, À la mer ou à la grève, ces trois hommes 


324 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


manœuvrent les embarcations, la drague, l'engin des corailleurs, ou 
aident à la recherche des animaux, quand les travailleurs vont eux- 
mêmes faire la chasse à marée basse, sur les plages. 


Ce qui est le plus difficile, quand le laboratoire est au complet, 
c'est de concilier toutes les demandes et tous les besoins. 

Voilà plusieurs années que les mêmes matelots sont embarqués à 
bord du Pentacrine, et ils ont fait le service à la satisfaction de tous, 
bien que quelquefois des exigences personnelles se soient manifestées, 
et aient causé, sinon le trouble, du moins des irrégularités dans les 
manœuvres, Ce qui conduit à des pertes de temps et à des embarras. 

Par exemple, concoit-on comment il serait possible, tout en cher- 
chant à satisfaire les diverses demandes, d’aller le même jour et pen- 
dant la même marée, dans plusieurs directions opposées ? Cela n’est 
pas possible : il faut explorer une localité, et s’en tenir là. 

Il est donc nécessaire que les ordres soient ponctuellement donnés 
et exécutés. 

Quand ce sont des élèves qui viennent pour leur éducation zoolo- 
gique, la chose marche toute seule, mais quand c’est un savant habi- 
tué aux recherches, il y a bien plus de difficulté : il est souvent arrivé 
qu’oubliant ou ne tenant pas compte des conditions forcées qu’impose 
toute une organisation, et une mer avec marée, on demandait des 
choses qu'il était absolument impossible de trouver, alors qu’il eût 
été si facile de les avoir en grande abondance les jours précédents, ou 
un peu plus tard. Or, quand on vient pendant un temps limité et dans 
un but spécial, on ne voit pas sans déplaisir s'écouler quelques jours 
dans l'attente et sans travail. 

Au bord de la mer, les recherches ne peuvent être poursuivies 
comme dans les laboratoires ordinaires : il faut les soumettre à des 
conditions forcées nouvelles, et quand on n’a pas une longue pratique 
de ces conditions particulières, 1l n’y à qu’à se mettre à apprendre à 
les connaître ; il faut en un mot faire son éducation. 

C’est pour éviter ces pertes de temps, que dans chaque chambre se 
trouvent un Annuaire des marées avec une carte marine à grand 
point de la grève des environs de Roscoff, et que je recommande in- 
stamment d’avoir soin, en arrivant, de dresser un tableau de la hau- 
teur et des heures des basses mers, pour le temps qu'on veut passer 
au laboratoire. On a alors à chaque instant sous les yeux la limite 
des excursions que l’on pourra ou voudra faire chaque Jour. 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 325 


C’est là un travail d’une utilité telle, que moi-même, malgré ma 
grande habitude de la localité, puisque voilà dix années que Je l’ex- 
plore ou la visite, je fais toujours, à mon arrivée, ce tableau. Aussi, 
à telle date, je puis dire quinze jours à l'avance, un mois, que J'aurai 
ou n'aurai pas tel ou tel animal. 

I m'est arrivé, en plus d’une occasion et à heure fixe, de conduire 
l’un des savants venus au laboratoire pour chercher et trouver un 
Hydraire, ou une espèce de Lucernaire, ou telle autre chose ; et cepen- 
dant il avait batlu déjà souvent la grève sans rien y trouver de ce 
qu'il désirait, et cela parce que, ne tenant pas compte de la hauteur 
des eaux, il ne pouvait aller dans les lieux où se trouvaient ces ani- 
maux. 


L'étude des cartes marines et la connaissance des heures des marées, 
ainsi que de leur hauteur, sont indispensables, je ne saurais trop le 
répéter, et de leur combinaison résulte une économie de temps mcon- 
testable. 

Il me souviens qu'étant au travail à Roscoff, je partis pour aller à 
Portrieux, chercher, sur la roche dite des Argurllettes, des objets dont 
j'avais grand besoin, et que je savais sûrement se trouver sur ces 
roches. Je consultai la carte, je vis quel niveau atteindrait, à un 
jour donné, la marée basse. Connaissant l’heure du bas de l’eau, il 
me fut aisé de savoir quel train je devais prendre à Morlaix, pour ar- 
river à Saint-Brieuc et me rendre en voiture à Portrieux. Je n’ai pas 
perdu un instant dans cette excursion rapide. 

Ce travail bien simple n’est pas du reste différent de celui que fait 
un Capitaine qui doit arriver dans un port de marée. Il faut bien 
qu'il sache quelle hauteur d’eau existera ou n'’existera pas à son arri- 
vée, afin de savoir s’il pourra ou ne pourra pas entrer et mouiller 
sûrement. Comment éviterait-il les écueils s’il n’agissait de la sorte? 

La carte marine m'indiquait la hauteur de l’eau aux plus basses 
mers sur le banc de sable qui unit les Aïguillettes au rivage. Con- 
naissant par l’annuaire pour un jour donné jusqu'où descendrait l’eau 
et voyant sur la carte à quelle heure émergeait le banc de sable, il 
m'était facile de faire une excursion sans me tromper, sans craindre 
de revenir n'ayant point exploré le rocher, et mon excursion s’accom- 
plit en effet comme je me proposais de la faire longtemps à l'avance. 

Ge qui est vrai pour une distance assez grande l’est de même pour 
chacune des stations des animaux aux alentours de Roscoff, et ce fait 


326 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


montre avec quelle précision on peut se guider sur les grèves, en 
combinant l’examen du tableau que je conseille de faire à l’avance et 
les indications des profondeurs des eaux notées sur les cartes admi- 
rables de précision de la marine. 

Il est même très-utile de pousser la chose encore plus loin et de 
faire un tableau comparatif des heures et des hauteurs des pleines 
mers, Car si l’on désire faire des pêches pélagiques, pour l’embarque- 
ment et le débarquement, il faut forcément tenir compte de l’état de 
la mer. Sans cela, on distribue mal son temps, et l’on a des mé- 
comptes, car il faut tenir les embarcations à flot. 


Un jour un savant, qui voulait rechercher des Ptéropodes, en pro- 


menant, le soir, des filets de mousseline à la surface de la mer, de- 
mandait à sortir du port au moment même, sans s'être plus que cela 
enquis de la hauteur de l’eau. 

Il eût fallu, pour satisfaire sa demande, aller s’embarquer fort 
loin ; la mer s'était retirée, et puis, n'ayant point été avertis, les ma- 
telots avaient laissé s’échouer les embarcations, et il n’y avait aucun 
moyen de les mettre à flot : l'eau manquait. 

L’impossibilité la plus absolue s’opposait à l'excursion, ce qui ne 
laissa pas que d'impatienter celui qui l'avait projetée, absolument 
comme s'il avait été sur les bords de la Méditerranée, ou qu'il se fût 
agi d’une promenade à terre. Rien de cela ne serait arrivé si l’on eût 
consulté l’Annuaire, ou tout au moins prévenu le patron à l’avance. 

Si J'insiste, en les indiquant, sur ces minuties du service, c’est que 
bien souvent on n’y pense pas, et que, tout insignifiantes qu’elles parais- 
sent, cependant, si on les néglige, elles font perdre un temps précieux 
à ceux qui n’en tiennent pas compte. Pour tout homme habitué à la 
mer, ces recommandations semblent inutiles et même naïves : eh bien! 
c'est à chaque instant que quelques-uns des habitants du laboratoire 
ont des mécomptes pour ne pas suivre ces conseils bien simples. 

Il y à encore une distinction à établir entre les recherches qu’on 
peut faire dans l'Océan et dans la Méditerranée. 

Un savant habitué aux études et aux chasses marines dans l'Océan 
est complétement dérouté quand il arrive dans la Méditerranée, et 
réciproquement. Ici les marées lui manquent à peu près, et il ne peut 
plus chercher en examinant les fonds qui ne découvrent pas. Si le 
vent trouble la transparence de la surface de la mer, il ne distingue 
rien ; il lui faut une drague ou un filet de mousseline, pour avoir 
les animaux de fonds ou les animaux pélagiques ; il a, il est vrai, à 


EN OR I 


LABORATOIRE DE ROSCOFF, 327 


toutes les heures de Ja journée, une embarcation à sa disposition ; 
l'heure du jour, l'époque du mois, rien ou presque rien ne modifiera 
ses courses : le mauvais temps seul peut les contrarier. 

Dans l'Océan, c’est tout le contraire : il faut tenir jour par jour note 
de la hauteur différente de l’eau; la partie de la grève qui découvre, 
de quelque étendue qu’elle puisse être, sera pour ainsi dire différente 
chaque jour, car ses limites varient incessamment avec la différence 
du niveau. Tel animal qu’on trouve aujourd’hui à profusion par une 
certaine hauteur d’eau, ne peut plus être retrouvé le lendemain, car le 
lendemain la mer descendra d’un décimètre de moins, et l’on ne verra, 
l’on ne trouvera rien de ce que l’on désire. En rentrant, on consul- 
tera son tableau des marées, et l’on verra avec le plus grand regret que 
. la grande marée prochaine descendra de deux ou trois décimètres de 
moins que la marée qui vient de passer. C’est donc un mois toutentier 
qu'il faudra attendre pour pouvoir se procurer ce qu'on désire. 

Cette interruption se passe-t-elle au moment de la ponte de l'animal 
dont on étudie l’'embryogénie ? Les mécomptes peuvent être bien plus 
grands encore. La grande marée arrive enfin, mais quelle déception 
n'a-t-on pas, la ponte vient de finir. Ce n’est plus un mois qu’il faudra 
attendre cette fois, c’est une année entière. 

Je parle de ces déceptions avec connaissance de cause : j’étudiais 
en 1868, pour la première fois les Molgulidées de Roscoff; au mois 
d'août, je remettais la recherche de ces animaux à la grande marée 
de septembre; non-seulement je ne pouvais revoir la ponte, mais les 
animaux eux-mêmes avaient entièrement disparu ! 

Que les naturalistes n’ayant pas encore travaillé au bord de la mer, 
se pénètrent bien de l’idée que, faute par eux de régler, pour ainsi 
dire, leurs habitudes sur les mouvements de la marée de la localité, 
pendant tout le temps de leur séjour, ils perdront beaucoup de 
temps et manqueront des observations, si même ils ne manquent le 
but de leur campagne complétement. 


Encore une observation d’un ordre secondaire, mais qui a son im- 
portance ; la vie matérielle, pour l'observateur, est liée, aux bords 
de l'Océan, aux mouvements du flux et du reflux. 

Aïnsi à Roscoff, les grandes basses marées ne permettent de faire des 
recherches fructueuses qu’à partir de huit heures et demie du matin. 
Suivantle point de la grève qu'on doit explorer,c’est donc à huitheures, 
huit heures et demie, neuf heures au plus tard qu’il faut songer à sortir, 


328 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


et si l’on reste à la grève pendant trois heures, temps nécessaire à de 
bonnes excursions, On voit que l’heure du déjeuner n’est plus l’heure 
habituelle; or, comme la marée retarde à peu près de trois quarts 
d'heure par jour, et que la grande marée dure de cinq à six jours, 
c'est toute une période pendant laquelle l’économie des repas est en- 
tièrement modifiée. — Les batailles, dit-on, ne marchent bien que 
lorsque le ventre des soldats est satisfait. À la mer cela est aussi 
vrai, etle proverbe : « Ventre affamé n’a point d’oreilles » est absolu- 
ment Juste. Toutes les excursions matinales ne marchent bien qu'à 
la condition d’avoir pourvu aux conditions d'alimentation avant le 
départ ; il faut à l’avance combiner toutes les conditions de l’exis- 
tence, du repos, des vêtements, de l'alimentation. La course, l’exer- 
cice forcé qu’on prend sur les grèves, l’air vif qu’on y respire, tout 
concourt à exciter, à stimuler l’économie; il faut prévoir tout cela 
etse prémunir d'avance. | 

Et ces indications, purement du ressort de l’ordre matériel, ont une 
valeur plus sérieuse qu’on ne le pense. Si l’on ne se prépare bien pour 
une excursion, faute d’être bien renseigné, l’on ne réussira pas, et 
j'ai vu de longues courses fort pénibles manquées complétement 
parce que l'on avait eu à souffrir du froid et de la faim. | 

Aux yeux de quelques personnes, les recommandations que j'in- 
dique paraîtront puériles, je le sais, mais je répondrais par un fait : 
qu’on observe les habitudes des habitants des côtes, ils vont tous plus 
ou moins et pour des motifs divers à la grève, toute l’économie de leur 
existence est pour ainsi dire enchaînée aux mouvements de la marée. 
Pourquoi donc le naturaliste ne ferait-il pas comme eux? Il lui suffit 
de quelques heures pour être au courant et suffisamment instruit. 

Nos matelots eux-mêmes ne sont-ils pas liés à ces heures variables 
de jour en jour, ne sont-ils pas obligés, aux périodes de la morte-eau, 
de venir faire le service de la pompe pendant la nuit et à des heures 
qni varient chaque nuit ? 

Pour toutes ces raisons et pour que le service du laboratoire soit 
convenablement réglé, il faut que quelque temps à l'avance l’on soit 
prévenu des désirs particuliers, sans cela comment tenir les embar- 
cations à flot, comment organiser les excursions de la façon la plus 
fructueuse pour tous ? Or, l’on ne songera à tout cela que si l’on est 
bien au courant des marées pendant toute la durée de son séjour. 


Encore une remarque. Elle se présente naturellement à l'esprit, et 


a 


—_—_û————— — 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 329 


des savants ayant fréquenté d'autres stations maritimes. ont eu l'oc- 
casion de me la faire. : 

On dit : quand on n’a qu’à chercher certains faits anatomiques, his- 
tologiques ou zoologiques bien définis, pourquoi se préoccuper des 
conditions de la marée, de la plage? Il suffit que le personnel du la- 
boratoire s'occupe de fournir et de rapporter des objets nécessaires 
aux études. Cela est vrai, mais, disons-le, seulement pour une catégo- 
rie de travailleurs ; on n’a pas oublié que déjà j'ai dit que les per- 
sonnes venant dans les stations n'avaient pas toutes le même but. 

Quand on arrive avec un sujet de travail limité, précis et choisi 
d'avance, quand on n’a qu’un temps limité pour accomplir ce travail, 
il est, en effet, inutile d’établir un tableau et de s’enquérir des heures 
et des hauteurs des basses et des pleines mers. Dans ce cas, les marins 
sont chargés de procurer tout ce qui est nécessaire. 

C’est ainsi que, pour son travail sur le Loxosome, mon excellent 
ami C. Vogt n'avait pas à se déranger, l'un des hommes désignés et at- 
taché à son service allait fouiller la grève et lui rapportait presque 
tous les jours une quantité suffisante de Siponcles loxosomés. De 
même pour M. le docteur Léon Fredericq, son travail sur le système 
nerveux des Oursins ne nécessitait pas des courses à la grève, et l’engin 
des corailleurs, parfaitement manœuvré par mes matelots, rapportait 
des provisions suffisantes de magnifiques et nombreux individus. 

Mais encore faut-il que la chose soit connue, faut-il que le service 
général n'en souffre pas. Or, ces cas, sans aucun doute, forment l’ex- 
ception. Le plus souvent en arrivant les savants désirent voir d’abord 
les ressources que leur fournira la grève, et ensuite ils choisissent 
le sujet de leurs études; ils vont donc en excursion. 


Pour les jeunes gens qui veulent devenir de vrais naturalistes, il 
est nécessaire qu'ils aillent à la mer, qu'ils parcourent les plages 
eux-mêmes; je puis leur dire que je n’ai pour mon compte jamais 


| fait une course à marée basse, sans avoir observé et appris quelque 


chose de nouveau sur les mœurs, sur les stations, sur les positions, 
les gîtes des êtres que je trouvais. 

Je désire, à Roscoff, du moins en ce qui concerne les élèves de mon 
laboratoire de la Sorbonne, faire des naturalistes, et je crois qu'il est 
impossible d'arriver à ce résultat en s’enfermant dans un laboratoire 
où l’on apporte les animaux désirés. Le vrai naturaliste doit ap- 


prendre à chercher, à trouver lui-même ; bientôt il prendra l'habitude 


RP 


Br 


330 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


de voir, de découvrir, ce qui n’est pas le fait du premier venu, il sera 
forcé, à la grève même, de recueillir, de soigner les animaux, pour 
les apporter vivants, et ilreconnaîtra toujours quelques conditions bio- 
logiques propres à lui en favoriser l’observation dans les aquariums, 

Sans doute, dans quelques stations, on n’a qu’à demander pour 
obtenir un nombre déterminé d'animaux de telle ou telle espèce, et 
l'on dit qu’en y payant on a tout ce que l’on veut, qu’on y achète 
même des collections faites à de très-bonnes conditions, pas trop 
cher; je sais aussi que les soins des aquariums y sont confiés à des 
personnes fort habiles ; mais qu’en résulte-t-il, c’est que le natura- 
liste qui a fait les études d'anatomie ou d’histologie ne sait pas même 
quelquefois où et comment on rencontre les objets sujets de ses re- 
cherches. à 

Je n'ai jamais, pour mon compte, eu à regretter d’aller moi-même 
à la recherche de mes objets d’études. Bien loin de là, après des tra- 
vaux pénibles de l'esprit et de longues observations microscopiques, 
les courses sont tout à la fois nécessaires et très-utiles, et les condi- 
tions de la marée, revenant périodiquement, favorisent l’alternance 
de ces périodes de l'exercice corporel et du travail de l’esprit. 

Deux fois par mois reviennent ce qu’on appelle sur les côtes les 
grandes mers et les mortes-eaux, correspondant d’une part aux nou- 
velles et pleines lunes ou syzygies, d'autre part aux quadratures. 

La période des grandes marées est la période d'activité pour les habi- 
tants du laboratoire, car les excursions sont quotidiennes pendant 
quatre, Qnq et six jours de suite et elles durent de quatre à cinq heures. 

La veille du jour où commencent les courses, on les organise de 
facon à favoriser le plus grand nombre et à satisfaire autant que 
possible tous les besoins ; mais du moment que des études spéciales 
bien conduites, donnant déjà des résultats, sont en bonne voie, elles 
leur sont surtout consacrées. 

Pendant cette période, souvent fort pénible, les journées sont à 
peu près passées entièrement en excursions à la grève ou dans l’aqua- 
rium. À la grève, les matelots nous accompagnent, l’un d'eux main- 
tient les embarcations à flot, en suivant la marée, de la sorte il peut 
nous porter de roche en roche non abordable à pied sec, pour y faire 
la chasse. 

Quand on rentre à l'aquarium, chacun s’empresse de déposer dans 
ses cuvettes les produits de ses pêches accumulés dans les flacons. I 
faut renouveler l’eau, isoler les échantillons précieux. C'est à peine si 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 331 


l’on a eu le temps de songer à son hygiène personnelle, et la soirée 
arrive sans qu'on ait rien fait du travail de jaboratoire proprement 
dit. Le lendemain la même chose recommence,mais encore plus tard, 
ét le travail de la soirée se trouve par cela encore plus incertain.Quatre, 
cinq ou six jours se passent ainsi de suite, alors on va pouvoir se re- 
poser des fatigues des excursions en se livrant aux recherches de cabi- 
net ; les provisions ont été faites abondantes et doivent durer jusqu'à 
la prochaine grande marée, et chacun surveille et soigne ses aqua- 
riums. Dans ces conditions encore, le jeune naturaliste apprend tou- 
jours beaucoup, et c’est en cela que je crois l’organisation du labo- 
ratoire, telle que je viens de la faire connaître, fort utile. 


Les excursions sont très-variées à Roscoff. Les plages qui décou- 
vrent à marée basse sont immenses. Les parcourir à pied serait sou- 
vent trop pénible et trop long. Aussi les embarcations sont, dans ce 
cas, de la plus grande utilité et à la disposition de tous dans les li- 
mites du possible. 


La faune est aussi fort variée. Pour apprendre à la connaître, il 
faut se transporter dans des points fort divers, souvent fort éloignés 
et dans des directions opposées. 

Dans le canal, entre l’île de Batz au nord et la terre ferme au sud, 
les animaux, protégés contre les fortes houles du nord, se multiplient 
beaucoup ; c’est là que les récoltes seront encore longtemps les plus 
abondantes, mais la chasse y est pénible, il faut tourner les lourdes 
pierres qui cachent des trésors zoologiques, il faut la pioche à la 
main fouiller les herbiers, il faut enfin se coucher sous les blocs de 
granit amoncelés pour trouver les êtres qui se réfugient sous eux à 
Vabri de la lumière. Quand on aura passé toute une matinée à explo- 
rer, soit au nord de l’île Verte et des Bourguignons, surtout le banc de 


| Bistard, soit à l’ouest les îlots de Rolea, du Loup, ou Carec-ar-Bleiz, ou 


bien à l’est Carec-zu, Meinanet et Ben-ven, on rentrera au laboratoire 
chargé d’une riche moisson ; mais après quelles peines et quelles fa- 
tigues pour se diriger au milieu des roches limoneuses, couvertes de 
guémons (fucus)! surtout si l’on ne s’est éloigné de la zone des Ay- 


 manthalia laurea nommés filets dans le pays, car les recherches y sont 
| presque dangereuses, tant cette espèce est glissante, longue et diffi- 


cile à abandonner quand on s’est une fois laissé enlacer dans ses im- 
menses lanières ; le nom vulgaire de filet donné à En algue dans le 


| pays est bien justifié. 


332 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


A l’est, du côté de la rivière de Morlaix, on doit, pour faire bonne 
pêche, être porté en bateau assez loin sur les îlots de Duons, des By- 
zaiers, etc., encore faut-il, pour ces excursions, un beau temps. Ce 
n’est qu’en se dirigeant au sud et assez loin, qu'on trouve les grandes 
plages s'étendant et découvrant jusqu’à Pempoul, port de Saint-Pol- 
de-Léon, où l’on fait de riches récoltes d’Annélides. 

A l’ouest et au sud du fortin de Per’haridi, la grève est immense 
et parsemée d'innombrables îlots de rochers qui émergent tous aux 
grandes marées. On pourra les explorer à pied sec, mais les distan- 
ces à parcourir sont si considérables, que plusieurs journées ne suff- 
raient pas pour y faire des excursions déstinées à en donner une idée 
suffisante. 

C’est certainement l’un des points de la côte, dans les environs de 
Roscoff, qui jusqu'ici a été par nous le moins exploré. 

La mer, quand elle est établie de l’ouest y est terrible, et les con- 
ditions biologiques y sont tout autres que dans le canal. On y fera 
certainement d’abondantes récoltes quand on se mettra à explorer 
attentivement tous les abris placés derrière les rochers, et les plages 
de sables qui nourrissent sûrement de nombreux animaux. 

Quant à la partie nord de l'île de Batz, la côte y recoit directement 
la houle de la pleine mer, le ressac y est toujours très-fort, et les ro- 
ches empilées, formant des ilots ou des massifs remplis de découpures, 
sont trop exposées à la lame pour y être couvertes de richesses 
extérieures zoologiques faciles à avoir. Cependant il faudrait les 
explorer avec soin en arrivant du côté de la pleine mer avec les 
bateaux. Déjà j'y ai rencontré des choses curieuses, mais pour, cela 
il fallait tourner ou déplacer et enlever d'énormes quantités de 
pierres. Il faut faire de véritables puits en suivant la marée qui 
descend ; alors, après des peines, des fatigues très-grandes, on arrive 
à trouver dans les anfractuosités, abritées sous les pierres amonce- 
lées, des éponges calcaires ou autres superbes fort curieuses, et des 
êtres fort variés : Mollusques, Hydraires, Coralliaires et Annélides. 

Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte marine des environs de 
Roscoff placée dans chacune des chambres du laboratoire, pour se 
convaincre de l’impossibilité d’avoir pu jusqu'ici parcourir les innom- 
brables échancrures ou roches isolées des environs de la station. 

Je serais heureux que ces quelques notes pussent décider les zo0- 
logistes qui viennent à Roscoff à fouiller les nombreux points curieux 
que je signale, et qui sont encore presque inexplorés. 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 333 


Il est rare que les nouveaux venus, après les premières excursions, 
et après avoir pris un premier aperçu de la faune, ne manifestent 
des désirs tout différents et souvent incompatibles les uns avec les 
autres. 

Le collectionneur surtout, demanderait à se déplacer tous les jours. 
L'anatomiste, qui a trouvé, au nord de l’île de Batz, un animal qui l’in- 
téresse, veut y revenir pour faire une provision destinée à ses études 
pendant la morte-eau. Celui qui a besoin des êtres recueillis à Duon, 
demande à y faire une nouvelle excursion. Tel autre veut aller à 
l'ouest sur les roches du Loup ou dans le canal, à Per-roch. Enfin 
celui-ci parle de Ti-zaozon, où il est sûr de trouver ce qui lui est né- 
cessaire. | 

A moins d’avoir un grand nombre d’embarcations et un personnel 
considérable, il est impossible de pouvoir satisfaire toutes ces de- 
mandes. Aussi, à l'approche des grandes marées, le service est-il ré- 
glé, et chaque jour successivement l’un des savants est chef de l’ex- 
Cursion, qui est faite pour lui, les bateaux sont à ses ordres. Ceux qui 
veulent le suivre, et il est rare que ce ne soit pas tout le laboratoire, 
peuvent l'accompagner, mais tout est subordonné à ses intérêts; le 
lendemain c'est au tour d’un autre, et ainsi de suite. 

De la sorte on évite les difficultés, et chacun a eu souvent plus qu’il 
n'a pu faire pendant l'intervalle de deux grandes marées, tout en 
étant allé à l’opposé de l'endroit qu'il voulait explorer. 

La plage de Saint-Pol-de-Léon fournit en abondance certaines An- 
nélides, Myxicoles et Sabelles, des Chœtoptères et beaucoup d’Acé- 
phales, des Gastéropodes, des Hydraires, et on y trouve une faune 
différente à bien des égards de la faune de Roscoff. Il est bien rare 
que tout le laboratoire ne suive l'excursion faite pour l’un de ses ha- 
bitants sur la plage de Pempoul.Mais c’est une journée entière qu'il faut 
nécessairement pour l’accomplir, que l’on prenne une voiture ou que 
l’on y aille avec les bateaux. 


J'en aurai dit assez pour montrer quelle est l’organisation du labo- 
ratoire, et comment on y trouve les moyens de travail, si j'ajoute 
quelques mots sur les draguages. 

C’est surtout pendant les mortes-eaux ou les petites mers, que les 
matelots sortent pour chercher les animaux de grands fonds. 

Le personnel du laboratoire est aujourd’hui fort au courant de ces 
sortes de recherches, et de la nature des fonds dans un périmètre 


334 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


assez étendu, mais qu'a limité cependant le faible tonnage du Pen- 
tacrine. 

La drague, sur les fonds de sables ou de gravier et de débris coquil- 
liers, rapporte des Bryozoaires fort intéressants et nombreux, des 
espèces d’Ascidies variées, quelques Coralliaires, des Étoiles de mer, 
Cribelles et Palmipes, des Holoturies, des Mollusques, Acéphales et 
Gastéropodes nus, des Crustacés fort communs et réputés rares, enfin 
l’'Amphioxus, que j'ai pu avoir vivant par douzaines, à mes leçons de 
la Sorbonne, car il est vivace et supporte parfaitement le voyage. 

Avec la drague on fuit les roches de fond, avec l’engin des corail- 
leurs qui sert journellement depuis longtemps dans mon laboratoire 
on les recherche, et l’on fait avec lui des récoltes superbes d’Oursins 
magnifiques, d'Étoiles de mer variées, de Mollusques nus charmants, 
de Bryozoaires, de Gorgones et”’de Caryophyllies, d'Ascidies fixés aux 
objets divers. 

Pendant les mortes-eaux, ce sont les matelots qui cherchent, mais 
ceux des travailleurs qui désirent les accompagner dans les draguages 
vont au large faire leur apprentissage dans ce rude métier. 


Une amélioration considérable va être apportée dans cette partie 
du service des laboratoires, et je suis heureux de l’avoir obtenue. 

Une embarcation d'un tonnage beaucoup plus considérable que 
celui du Pentacrine, est construite en ce moment pour moi. Elle 
sera munie d’un cabestan, et pouvant tenir la mer par des temps 
bien autrement mauvais que ceux qui forcent le Pentacrine à rentrer, 
elle permettra d’aller au large à la recherche des animaux nouveaux, 
et d'apprendre à connaître la faune par de plus grands fonds que 
ceux explorés jusqu'ici. | 

Avec ce nouveau bateau, une étude qui n’a pu être encore qu’es- 
sayée dans de très-modestes limites, celle des animaux pélagiques, 
pourra être entreprise dans de bien meilleures conditions. 

Un fait m'a toujours étonné beaucoup à Roscoff.On n’y voit querare- 
ment de grandes Méduses, telles que Pelagies, Aurélies, Rhysosto- 
mes, etc. Il semblerait par là que la localité n’est pas très-riche en 
animaux de haute mer. Dans le voisinage du laboratoire, dans le ca- 
nal particulièrement, les pêches pélagiques ont fourni beaucoup d’Ap- 
pendiculaires, beaucoup de larves de Crustacés et d'Annélides, etc., 
des Beroés toujours fort petits, quelques Ptéropodes assez rares, 
et de petites Méduses, jamais de grandes. Au large trouverait-on 


LABORATOIRE DE ROSCOFF, 330 


des amimaux différents et vraiment pélagiques? Cela est probable. 

En 1875, M. le comte de Gourgeau était venu à Roscoff avec le 
yacht de plaisance l’Hébé, de M. le marquis de Cambefort, pour nous 
aider à faire des excursions au large. Après quelques sorties, il fut 
rapporté au laboratoire de magnifiques Physalies, que je n’ai jamais 
vues venir à la côte de Roscoff. Il est donc probable qu'on trouverait 
dans les courants qui sillonnent la Manche, à son entrée, des siphon- 
phores, dont l'existence n’a pas été signalée encore tout près de la 
côte. Cette année même, M. Joliet a pu avoir en dehors de lile de 
Batz quelques Biphores. C’est un fait intéressant. 

Notons toutefois que la pêche pélagique, essayée d’abord et sur- 
tout par M. H. Fol à Roscoff, et ensuite par M. G. Vogt, est loin d’a- 
voir fourni des résultats comparables à ceux que ces savants natu- 
ralistes avaient obtenus dans la Méditerranée. 

Cependant il y a sans doute de l'intérêt à connaître à Roscoff ce 
que peut donner ce mode de recherche. 

Mais il faut bien le dire, il n’y a pas à comparer la richesse des eaux, 
dans les environs de Roscoff, à celle que présente la Méditerranée. 

Les calmes si favorables à cette pêche sont relativement rares sur 
les côtes de Bretagne. On ne doit pas manquer l’occasion, quand ils se 
présentent, de rechercher surtout au nord de l’île de Batz, dans les 
endroits où les échancrures forment des abris. 

J'ai trouvé et pêché, dans cette localité, des Ptéropodes, de jeunes 
Atalantes, des Méduses curieuses ; mais J'étais là par hasard et pen- 
dant un calme merveilleux bien rare dans le pays. 

Je me trouvais, il y a quelques années, à Port-Vendres, en septem- 
bre, par un fort coup de vent de nord-est. La mer entraiït en plein 
dans le port, elle venait dans la direction même de la passe. Dans 
un certain point au bas des bâtiments militaires, l’eau était littérale- 
ment épaisse de Criséis à tous les états de développement, de pontes 
et d’embryons de divers Mollusques, de Diphyes, d’Apolémies, etc., 
je cite au hasard, et ce fait n’est pas exceptionnel. Durant mes voya- 
ges en Espagne, en Afrique, en Corse, à Cette, à Banyuls-sur-Mer, j'ai 
vu souvent, la mer ayant été comme écrémée, par des coups de vent, 
et les criques, les baies et les plages de sable fin couvertes d'animaux 
pélagiques d'espèces variées et bien conservées. 

S'il n’en est pas ainsi à Roscoff, il faut cependant reconnaître que, 
dans certaines localités de la Manche, les grandes Méduses abondent 
et couvrent les plages après des coups de vent, 


336 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Des courants dus à des conditions de configuration des côtes doi- 
vent exister, et par eux les animaux sont entraînés dans certaines loca- 
lités seulement. Il y aura donc de l’intérêt quand ma grande embarca- 
tion sera prête, à s'éloigner des côtes et à rechercher non-seulement 
dans les profondeurs, mais encore à la surface, quelles sont les diffé- 
rences des faunes côtières et pélagiques. 


y 


ÉTABLISSEMENT DÉFINITIF DU LABORATOIRE. 


La propriété acquise sur ma demande, en 1876, par le ministère de 
l'instruction publique, est la mieux et la plus heureusement placée 
de Roscoff. 

Comme la maison louée qu’occupent encore les laboratoires, elle 
est située sur la place de l'Eglise ; elle serait isolée entre la prome- 
nade appelée le Vi, la mer et la place de l'Église, si les écoles pri- 
maires de garçons ne se trouvaient à côté d’elle. 

Incontestablement l'extension toujours croissante et les progrès 
futurs certains conduiront la ville de Roscoff et l'administration cen- 
trale à s’entendre et à adjoindre au laboratoire les bâtiments de l’é- 
cole primaire. Alors il y aura un vaste et magnifique emplacement 
admirablement situé, où les aménagements les plus convenables se- 
ront faciles à établir. 

Le jardin est très-grand, entouré de murs élevés qui l’isolent avan- 
tageusement, et les travailleurs y trouveront un lieu de délassement 
bien autrement abrité que celui de la maison occupée en ce moment; 
sa position est précieuse. Il est moins élevé que celui où est l’aquarium 
actuel, mais il a une grande étendue; il est contigu à une petite anse 
ou petit havre, dans lequel les embarcations du laboratoire pourront 
mouiller en toute sécurité, et se trouver toujours sous la main. 

Dans la partie du Jardin voisine de la mer, l’espace nécessaire 
à l’édification du nouvel aquarium est parfaitement approprié, et 
lorsqu'on fera cette construction il sera facile de ménager une sor- 
tie, comme elle existe en ce moment, pour permettre de descendre 
directement dans les bateaux lors des excursions au large ou sur la 
grève, quand on voudra aller faire des recherches à marée basse. 

Avec quelques dépenses sans importance, le quai actuel pourra 
revenir pour ainsi dire le quai de l'aquarium et du laboratoire. 


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LABORATOIRE DE ROSCOFF, 337 


On chercherait en vain, je crois, sur nos côtes une position plus 
favorable ! Le port actif de Roscoff est à l’est, le petit havre ou refuge 
du Vil est à l’ouest, celui-ci est donc éloigné du mouvement. Seuls les 
bateaux faisant la traversée de la terre ferme à l’île de Batz viennent 
accoster au Vil, où la tranquillité sera très-grande. 

Les services du laboratoire, de l'aquarium et ceux des embarcations 
se trouveront alors réunis, et par leur rapprochement aussi simplifiés 
que possible; enfin, d’un autre côté, ils seront absolument indépen- 
dants du mouvement de la ville et des curieux, ce, qui est encore un 
véritable avantage. 


La maison, telle qu'elle a été achetée, ne pouvait guère servir avec 
son aménagement intérieur sans être modifiée; une somme suffisante 
pour les premiers besoins du moment est employée à faire des mo- 
difications, à réparer les appartements et à les meubler. 

Le nombre des pièces à donner suffira en temps ordinaire, et les 
travailleurs pourront se livrer à leurs études plus commodément et 
avec autant d'indépendance que dans l'habitation louée actuelle. 

Pour les mois de juillet, août et septembre, les demandes d’admis- 
sion au laboratoire sont nombreuses, et comme elles arrivent à 
peu près toutes en même temps pour ces époques, il peut devenir 
difficile de pouvoir les accueillir toutes à la fois. Aussi serait-il heu- 
reux que ce ne fût point toujours à la même époque que les travail- 
leurs se donnassent rendez-vous à Roscoff. 

Il est arrivé que des savants venus à Roscoff sans prévenir à l'avance, 
ont dù séjourner quelque temps hors du laboratoire et attendre qu’une 
place fût libre. C’est ce qui eut lieu lors de l’arrivée de M. le profes- 
seur J. Murie; avant de s'installer au laboratoire, il dut attendre à 
l'hôtel qu’une chambree devint libre. 


À ce propos, je ferai une observation : mon excellent ami C. Vogt, 
a publié dans la Æevue scientifique un article sur les stations mari- 
ümes, dans lequel il a parlé de Roscoff comme d’un établissement 
ouvert seulement pendant les vacances. 

Je ne puis comprendre cette affirmation de la part de mon ami, qui, 
deux années de suite, a passé à Roscoff les mois de juin, juillet, août 
et septembre, et qui a pu constater que pendant tout ce temps le la- 
boratoire était non-seulement ouvert, les embarcations armées. mais 
encore la maison entièrement occupée par les travailleurs. Il savait 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == T. VI. 1877. 22 


338 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


que moi-même deux années de suite, en 1874 et 1875, j'avais séjourn 
aux laboratoires du 20 mars au commencement d’octobre. 

Le laboratoire n’est jamais fermé pour un travailleur qui demande 
à s’y installer ; cela est si vrai, que M. Patrick Geddes, jeune natura- 
liste écossais, qui n'avait été recommandé par M. le professeur Hux- 
ley, a passé tout dernièrement une partie des mois de mars et d'avril 
à faire au laboratoire les recherches. 

Mais il'est une condition forcée qui fait que Roscoff est plus habité 
dans la belle saison que dans l'hiver ; son climat ne ressemble pas à 
celui de Villefranche, de Nice ou de Naples et d'Afrique. La pluie y 
est très-fréquente, et les brouillards de la Bretagne, l’état de la mer 
presque toujours grosse et houleuse, rien n’est fait pour rappeler le 
beau ciel de la zone méditerranéenne. Roscoff, pour n'avoir pour 
ainsi dire Jamais de neige, de froid ou d’hiver proprement dit, 
n’en est pas moins assez triste durant les mois où l’on songe à aller 
au bord de la Méditerranée chercher le beau climat du Midi, et 
non les brumes du Nord. Son climat est constant, les camélias y vien- 
nent magnifiques en pleine terre, mais le ciel y est souvent couvert 
et l'humidité très-grande. Dans l'été jamais les chaleurs n’y sont 
fortes, et c’est là une des meilleures conditions pour un bon entre- 
tien des aquariums, Comme aussi, pour le travail, jamais on n’y est 
énervé par ces chaleurs accablantes des bords de la Méditerranée. 
Toutes ces conditions expliquent commeñt c’est surtout en été et 
non en hiver qu'on demande à y venir travailler. 

D'ailleurs, mon ami C. Vogt semble oublier qu’à part de rares ex- 
ceptions, presque tous les savants qui s'occupent de zoologie sont ou 
professeurs ou élèves, et que les premiers sont retenus par leur en- 
seignement, les seconds par les cours qu’ils doivent suivre. C’est là ce 
qui explique comment les demandes d'admission arrivent presque 
toutes en même témps et sont toujours plus nombreuses à l’époque 
des vacances. Mais il n’en résulte pas pour cela que le laboratoire soit 
fermé en dehors de cette époque. 

En définitive, comme les laboratoires seront ouverts, même pen- 
dant l’hiver, à tous ceux qui le demanderont; mon ami G. Vogt pour- 
rait s’y installer, s’il le désirait, à partir du 1° octobre et pour le 
temps qu’il voudrait, à moins que lui-même n’ait à compter avec ses 
fonctions, comme la plupart des zoologistes, et peut-être aussi avec 


le mauvais temps. 
Je tenais à établir que la durée du travail a été, depuis la fonda- 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 339 


tion de l'établissement de Roscoff, plus longue que les lecteurs de 
l'article de mon excellent ami n’ont pu le supposer. 


Du reste, pour connaître par moi-même les conditions de travail 
qu’on rencontrerait pendant l’hiver, je suis allé, à trois reprises diffé- 
rentes dans les mois de novembre, décembre et février, en 1873, 1876 
et 1877, à Roscoff et à Brest; j'ai fait des excursions à la grève, et je 
me suis convaincu que, contrairement à ce que l’on aurait pu sup- 
poser, il serait facile de trouver alors de curieux sujets d'études, et d'y 
faire d’intéressantes recherches. Les animaux non fixés, non séden- 
taires sont différents à ces époques. 

Mais combien à ces moments les recherches à la grève sont péni- 
bles, et j’ajoute, aujourd’hui que j'en ressens les effets, dangereuses 
pour la santé. 

Que de fois dans mes excursions, non pas seulement en décembre 
ou en novembre, mais en mars ou avril, j’ai été assailli par des grains, 
dont la pluie, poussée par un vent glacial, pénétrait jusqu'aux os; 
que de fois en avril, la pluie alternant par rafales avec des giboulées, 
m'a forcé à quitter la grève, car il est impossible de chercher avec 
fruit dans ces conditions. 


Quand'il pleut, et mêmé quoiqu'il ne fasse pas assez froid pour aban- 
donner la grève, on trouve peu, les animaux ne manifestent pas leur 
présence dans ces conditions. Est-ce l’eau non salée dont ils sont 
inondés qui les fait contracter ? Cela est possible; mais on doit 
croire aussi que leur corps tout ruisselant se laisse moins facilement 
reconnaître. Pour ceux qui $’ensablent, il est inutile de chercher : la 
pluie détruisant à chaque instant les traces de leur gîte, il devient 
impossible de les trouver. 

Je citerai quelques exemples; ils pouront être utiles aux natura- 
listes encore peu habitués aux recherches de la grève. 

_ M. Hesse, de Brest, le savant naturaliste, bien connu des zoolo- 
gistes, m'avait depuis bien longtemps indiqué la présence de l’'Am- 
phidetus ovatus où Æ£chinocardium sur les grèves de Morgate, près de 
Crozon, dans la mer de Douarnénèz. Pendant une grande marée, vers 
le 15 d'août, j'allai à la recherche de ces animaux, en suivant les indi- 
| cations si précises que le zélé et savant naturaliste brestois m'avait 
| données. Une pluie fine qui ne s’opposait point en apparence à l’ex- 
ploration des grèves, ne cessa de tomber pendant la durée de la basse 
| mer. Je ne rencontrai pas un seul individu, et si je n’avais eu pleine 


340 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


confiance dans les indications de M. Hesse, si, d’ailleurs, les nom- 
breux débris du test de ces animaux rejetés à la côte, avec les épaves 
diverses qui montrent toujours plus ou moins la nature de la faune 
du lieu ne m'avait indiqué sa présence, je n’aurais pas Continué mes 
recherches, j'aurais supposé que l’Amphidetus n’existait pas dans 
cette localité. 

Le lendemain le temps était superbe ; comme il arrive si souvent 
sur les côtes de Bretagne, le changement était complet; la plage de 
sable, inondée de soleil, s’égouttait rapidement, et bientôt l’on pou- 
vait reconnaître la place des très-nombreux individus qui habitent 
dans toute l'étendue de la plage sablonneuse, située entre le village 
de Morgate et les roches où se trouvent les grottes, à l’est du petit 
fort situé au nord de l’anse. 

Il en est de l’'Amphidetus comme de tous les animaux vivant sous 
le sable, tels que Dentales, Pandores, nombreux et divers Acéphales, 
Annélides, Phylines, Sipuncles, Synaptes, etc., etc., etc. Tous décè- 
lent leur présence par des signes caractéristiques et particuliers à 
chacun d’eux. Il faut avoir l'habitude de la grève pour reconnaître la 
vérité de ce fait. Qu'on suive les pêcheurs, et l’on verra s’ils se trom- 
pent. Là où le naturaliste inexpérimenté n’a rien vu, le pêcheur a 
prestement enfoncé son fil de fer pointu, formant un léger crochet et 
ramené un Solen. 

En principe, qu’on ne l’oublie pas, pour tous les animaux qui s’ensa- 
lent, la recherche sera d'autant plus fructueuse qu’elle sera faite plus 
tard, c’est-à-dire le plus longtemps possible après la retraite de l’eau. 
Aussi c’est presque toujours quand la marée monte et chasse de la 
grève que l’on fait les trouvailles les plus belles. Cela s'explique : à ce 
moment l’eau manque aux animaux, qui instinctivement se déplacent 
pour la chercher; ainsi les Solen ou Couteaux, qui habitent un trou 
vertical quelquefois de plus de 4 pied de profondeur, remontent à ce 
moment et tombent sur le sable à côté de leur trou. 

Sur les plages des environs de Saint-Malo, et pour préciser, aux He- 
biens, sur la grande plage de sable appelée {a Colombiere, qui est si 
riche, j'ai vu souvent, au moment où la mer montante allait m'at- 
teindre, de magnifiques Sipuncles (Sipunculus nudus) sortant d’un 
trou que, certes, je n’avais pas remarqué en arrivant à la grève. 

La Phyline, dont le corps est aplati et qui rampe comme une limace, 
mais sous le sable, cherche l’eau dès que celui-ci est sec, et, en 
avançant, elle laisse derrière elle une dépression dans laquelle le 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 34 


sable, ridé et plissé, représente les ondulations de soc corps pendant 
la reptation. 

On sait que la Pandore rostrée a l’une de ses valves plane et l’au- 
tre bombée ; de là l'impossibilité pour elle d'avancer en ligne droite, 
elle suit une résultante qui est la conséquence de la différence des ef- 
forts que produisent ses deux valves de forme opposée sur le sable 
à déplacer. Aussi qu’on laboure avec le doigt, les sillons courbes, 
presque en demi-cercle, qu'on rencontre sur la grève et l’on reti- 
rera à Coup sùr une Pandore dont la valve convexe est du côté de la 
concavité du sillon. 

Le Dentale, dès que l’eau s’est écoulée, se déplace pour la cher- 
cher; il gonfle son pied, l’enfonce dans le sable, et dans les efforts 
qu'il fait pour avancer, relève le sommet de sa coquille et semble 
alors piqué dans la grève. Au moment où l’eau baisse, en suivant le 
bord ou la lisière qui descend je trouvais bien, mais rarement, quelques 
individus roulés par la mer, tandis que lorsque la marée était tout 
à fait basse, j'en prenais toujours en quantité dans les mêmes endroits 
que j'avais parcourus pour en voir il n’y avait que quelques instants 
en suivant l’eau. Jamais je n’ai fait la chasse du Dentale à mon arrivée 
sur les grèves. Ce n'était qu'à la fin du bas de l’eau que je commen- 
çais mes recherches, et littéralement je me laissais chasser par la 
marée montante, car alors j'en trouvais beaucoup. 

De même pour l’Amphidetus, les renseignements que m'avait donnés 
M. Hesse, et qu'il a fait connaître déjà à plus d’un naturaliste, étaient 
très-exacts. « Quand la marée monte, me disait-il, on les voit sortir 
du sable ; » quelques-uns, en effet, finissent par abandonner leur gîte, 
mais il faut pour cela que la mer descende beaucoup, car ils s’enfon- 
cent assez profondément : 10 à 45 centimètres, et à cette profondeur 
l’eau ne leur manque qu’assez tard. Pour les trouver plus sûre- 
ment, il faut apprendre à reconnaître leur présence dans la grève par 
les orifices qu'ils y produisent et qui sont la conséquence de leurs 
mœurs et de leur alimentation. 

Ils se gorgent de sable, comme l’examen de leur tube digestif le 
montre, et c'est même à cette particularité qu'il faut attribuer la dif- 
ficulté qu'on a à les faire voyager en bon état, leur test est tellement 
délicat et fragile, qu'il ne résiste pas aux chocs intérieurs produits 
par les mouvements imprimés au tube digestif lorsque le liquide de la 
cavité générale s’est écoulé. Les particules de sable sont amenées dans 
l'intestin par un courant d’eau actif qui le traverse de la bouche à l’a- 


342 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


nus et qui cause en même temps la formation de deux trous corres- 
pondant à chacun des orifices du tube digestif. 

Ces deux trous diffèrent d'aspect et ne sont éloignés que d’une dis- 
tance égale à la longueur du grand diamètre de l'animal. On ne les 
voit pas dans la partie de la grève abreuvée de liquide, il ne faut les 
chercher que dans les parties d’où l’eau s’est déjà écoulée. C’est ce 
qui fait qu'il est nécessaire que la mer descende beaucoup plus qu'aux 
marées moyennes pour trouver l’Amphidetus. 

Les orifices reconnus, il faut enfoncer sur leurs côtés une houlette 

et la relever avec précaution, car l’on court risque de briser l’animal 
en voulant le retirer trop rapidement. Il est même mieux d’enlever 
avant, au-dessus et sur les côtés un peu de sable. 
. Ces exemples, pris au hasard et qu’il serait facile de multiplier à 
l'infini, suffisent pour faire comprendre comment il se fait que, dès 
que la pluie tombe, elle efface et détruit ces sillons, ces plissements 
et ces pertuis formés par les différents animaux, et comment dès 
lors les recherches par les} temps pluvieux deviennent tout à fait 
nulles. 

Ce n’est qu’en allant souvent à la grève que les jeunes naturalistes, 
ils doivent en être bien persuadés, apprendront par eux-mêmes à 
connaître les gîtes, les mœurs et les conditions biologiques propres 
aux différents êtres qu'ils veulent étudier. 


Je résume ce paragraphe déjà bien long. Roscoff peut fournir des 
sujets de travaux fort intéressants à toutes les saisons. 

Dans l'hiver, quiconque voudra y faire des recherches pourra aller 
y travailler; mais la pluie, plus fréquente à cette époque, sera défa- 
vorable aux explorations de la grève ; la mer, plus houleuse et sou- 
vent très-grosse, permettra moins qu’en été les draguages, les études 
des fonas ; enfin les pêches pélagiques y seront à peine possibles. Pour 
toutes ces raisons, comme aussi pour celles qui tiennent aux condi- 
tions de l’enseignement, le laboratoire est moins ou peu fréquenté en 
hiver. Ce qui est tout à fait l'opposé dans les établissements de la 
Méditerranée. 

Cependant ceux qui auront la santé et le courage assez robustes 
pour aller s’isoler et travailler durant l'hiver, rencontreront à ce mo- 
ment, d’après ce que j'ai pu voir par moi-même, des sujets de recher- 
che qu'ils ne retrouveront pas en été, et voici pourquoi. Jusqu'au mois 
de mai, les règlements relatifs à la récolte du guémon s'opposent à 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 343 


ce qu'on coupe et recueille certaines espèces, au milieu desquelles 
pullulent en particulier des Nudibranches et quelques Éponges. Dès 
que le mois de mai arrive, les paysans bretons s’abattent sur les'grèves, 
qu’ils dévastent et ravagent pour récolter les fucus ou guémons dont 
ils font des engrais. Les Fucus vesiculosus et serratus sont entièrement 
enlevés, et avec eux les nombreux animaux qui les habitaient. Les 
courants et la lumière agissent alors plus directement sur les grèves 
ainsi dénudées, et les animaux qui restaient encore disparaissent. 


M1 


SERVICE D'HIVER ET DES ENVOIS. 


La nécessité d’un personnel toujours présent sur les lieux était deve- 
nue évidente; elle était la conséquence de l'ouverture des laboratoires 
dès les premiers beaux jours ainsi que de l’acquisition de la maison 
et de l'installation définitive. I était d’ailleurs devenu urgent de pour- 
voir à une surveillance efficace de la propriété et des instruments, 
du matériel et surtout des embarcations. 

A l'origine, les moyens mis à ma disposition étaient trop restreints 
pour qu'il fût possible de songer à prendre, sur le crédit destiné à 
couvrir les frais des travaux ou des dépenses courantes du labora- 
toire (réactifs, abonnements aux revues périodiques, indemnités de 
voyage, etc., etc.), la solde d’un marin pendant tout l'hiver. 

Une première fois je m’adressai à l'Association scientifique, qui mit 
à ma disposition une somme de 600 francs. Cette somme, bien que 
faible, a suffi pour conserver armé le Pentacrine pendant un hiver et 
pour garder l’un des matelots embarqué pendant le même temps. 

L'avantage de cette mesure était évident; d’abord, en conservant 
des matelots embarqués pendant la mauvaise saison, on devait espérer 
qu'ils s’attacheraient à un établissement destiné, dans l’avenir, à leur 
assurer une solde dans le moment où la pêche donne le moins de 
bénéfice. Mes prévisions n’ont point été trompées ; l’un des hommes 
a même préféré rester attaché au laboratoire que de prendre une 
place de garde-pêche, qu'il avait d’abord demandée, et qui lui était 
offerte. 

La surveillance et l'entretien des embarcations et de tout le matériel 
qui, aux bords de la mer, s’avarient ou se perdent si facilement quand 
les soins manquent, se trouvaient ainsi assurés. 


344 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 

Mais aussi ce qui était d’une grande importance, c'est que le pê- 
cheur qui avait déjà fait son éducation en nous suivant à la grève, 
qui avait dragué sous notre direction, connaissant les objets néces- 
saires ou intéressants, pouvait, avec un service relativement peu 
chargé, recueillir et envoyer pour nos recherches ou nos cours tout 
ce que nous lui demanderions. 

C'était un essai que les fonds alloués par l'Association scientifique 
permettaient de faire, et dès la première année les résultats obtenus 
étaient tels, qu’il semblait désormais impossible de supprimer ce ser- 
vice d'hiver et des envois. 

Ma santé, profondément altérée, ne m'avait pas permis de me ren- 
dre au congrès du Havre et d'exposer tous les avantages et les progrès 
dus à l’allocation que l’Association avait attribuée à l’établissement de 
Roscoff. Aussi je pouvais craindre que, pendant l’année qui allait sui- 
vre, les ressources, quelque minimes qu'elles fussent, manquant, il 
ne me füt plus possible de continuer, n’ayant point été présent pour 
faire connaître l’emploi des fonds alloués et pour démontrer l’utilité 
d'une nouvelle allocation. 

Heureusement, mon collègue et ami M. Julien, professeur à la 
Faculté des sciences de Clermont-Ferrand, vint passer deux mois à 
Roscoff. Il fut tellement frappé de l'utilité et de la nécessité de ce 
service des envois, qu’il demanda à en faire profiter la Faculté de 
Clermont. Connaissant les craintes que j'avais sur la possibilité de 
continuer cette importante innovation, n’écoutant que son enthou- 
siasme et son ardeur si vive pour les sciences naturelles, il m’adressait 
spontanément, au commencement de l'hiver, un billet de 500 francs, 
qui me permettait de continuer et de renouveler l'essai. 

Ai-je besoin d’ajouter que j'avais déjà envoyé mes remerciments à 
l'Association scientifique ? 

Mais que dire d'un jeune professeur de nos Facultés du centre de 
la France, qui dispose d’un mois de ses appointements pour les 
consacrer à l'amélioration d’un établissement qu'il n'avait visité 
qu'une fois, et qui n’est pas même dans la spécialité de ses études. 

Que mon collègue et ami recoive ici mes vifs remerciments pour 
son dévouement à la science et pour l'aide qu’il m'a donnée en me per- 
mettant de pouvoir fournir une preuve nouvelle à l'appui de mes de- 
mandes incessantes pour obtenir une amélioration aussi utile que 
nécessaire. 

Un maître peut avoir eu des déceptions bien vives et bien poi- 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 345 


gnantes en voyant la conduite indigne tenue par quelques-uns de ses 
élèves ; mais un sacrifice aussi spontané que celui dont M. Julien s’est 
imposé la charge, est bien fait pour faire oublier les peines et les 
chagrins que d’autres ont pu causer en dénigrant par jalousie, même 
à l'étranger, un établissement qui les avait accueillis et pour lequel 
leur maître avait tant sacrifié. 


On pourra juger, par les quelques faits qui vont suivre, quels ser- 
vices ont rendus et peuvent rendre les envois faits par le garcon-gardien 
demeurant à Roscoff. | 

Pendant deux années des envois ont été adressés à mes collègues 
des Facultés des sciences de Poitiers, de Clermont-Ferrand, du Mu- 
séum, enfin à mes laboratoires de la Sorbonne. 


M. Schneider, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, a 
recu vivants et dans un état parfait, lui permettant de continuer ses 
études sur les Grégarines, des Machiles nombreux ; plus tard il a eu 
les objets qu'il a demandés, Annélides, Crustacés, Éponges, etc. 


M. le professeur Julien a pu montrer à la Faculté des sciences de 
Clermont-Ferrand des Annélides, des Amphioxus, des Céphalopodes 
même (Sépioles) et beaucoup de Mollusques, acéphales et gastéro- 
podes vivants. Il a commencé une collection d'animaux invertébrés 
qui n'existait pas à sa Faculté. 


M. le professeur Ed. Perrier a eu pour son cours, pendant deux 
années de suite, tous les huit jours, un envoi de Mollusques ou d’Hel- 
minthes, aussi a-t-il pu faire régulièrement de nombreuses démons- 
trations et des conférences sur les Mollusques nus et les Helminthes 
des oiseaux de mer ou. des poissons de grèves, en ayant à sa disposi- 
tion, non plus ces Helminthes confits dans l’alcool, ou ces Nudibran- 
ches déformés, décolorés, ratatinés et méconnaissables des collections, 
mais en présentant à ses auditeurs un grand nombre d’espèces vi- 
vantes qui n'avaient, je crois, jamais été montrées dans les cours pu- 
blics à Paris, et qui, chose curieuse, n'étaient, dans cet état, pas même 
reconnues par ceux qui les connaissaient fort bien, mais seulement par 
les spécimens des musées. Par suite de ces envois réguliers et intel- 
ligemment faits, l'intérêt du cours a certainement augmenté, car ces 


340 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Mollusques nus ou autres animaux ont fait, on peut le dire, l’admi- 
ration des auditeurs du cours de malacologie du Muséum. 


A la Sorbonne, où de nombreux élèves sont admis dans le labora- 
toire de zoologie expérimentale, les uns en première année, les autres 
en seconde, ceux-ci préparant leur licence, d'autres enfin commencant 
des recherches originales pour leur thèse, les envois ont surtout été 
fort utiles. 

Le garçon-gardien de Roscoff a, d’une manière régulière et 
constante, expédié des animaux qui ont suffi aux besoins de ces trois 
ordres de travailleurs durant deux semestres d’hiver consécutifs. 

Les élèves ont pu ainsi voir et déterminer des Annélides vivantes, 
des Crustacés, des Mollusques acéphales ou gastéropodes, des Our- 
sins, etc. Ce ne sont plus les uniques et perpétuels limacons, huîtres, 
écrevisses ou sangsues qu'ils ont eu à disséquer. Ils avaient des Li- 
gies, des Galathées, des Myes, des Oursins, des Ascidies, des Bryo- 
zoaires, des Actinies, etc., etc., même des Brachiopodes, tous vivants 
et dans le meilleur état désirable. 

M. Joliet, après avoir fait, pendant la belle saison, une première 
étude des Bryozoaires de Roscoff, avait dû rentrer à Paris. Il a pu, pour 
ses travaux particuliers à la Sorbonne, continuer ses observations ab- 
solument comme s’il eût été aux bords de la mer. Il recevait, en effet, 
à l’époque des grandes marées, des espèces qu'il désignait d'avance 
et dont il avait montré la station au gardien. 


M. Cosmovici, licencié ès sciences naturelles, qui a commencé une 
thèse sur l’organisation des Annélides, à de même reçu les espèces 
qui lui étaient nécessaires; ainsi que des embryons quand il en 
voulait. 


M. Batelli, de Florence, inscrit pour suivre les travaux du labora- 
toire durant toute l’année scolaire à la Sorbonne, a étudié l’anatomie 
et l’histologie de l’Aplysie. Il a recu pour cela .tous les individus vi- 
vants qu'il a désirés. 


Pour le cours public de zoologie ou les conférences du laboratoire, 
les envois ont rendu les plus grands services. C’est ainsi que, dans 
l’amphithéâtre des cours, les auditeurs ont pu voir vivants et dans un 
état absolument naturel, des Comatules (Antedon rosaceus), des Asci- 
dies diverses, surtout de nombreuses variétés de Cynthia aux couleurs 
éclatantes, donnant des têtards ; des Amphioxus par douzaines. Le 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. , 


nombre des animaux recus était tel, que, à plusieurs reprises, des 
distributions d’Ascidies et d'Oursins ont été faites dans l'auditoire aux 
personnes qui ont demandé ces objets. 

Quelle idée peut-on avoir des animaux invertébrés quand on les 
étudie seulement dans les bocaux, où ils sont toujours profondé- 
ment défigurés par l'alcool? Pour les Cynthia, par exemple, presque 
toutes les espèces se ressemblent quand elles ont été mises dans les 
liquides conservateurs. On ne peut en avoir aucune idée juste, si on 
ne les a vues vivantes, car on ne peut reconnaître l’ornementation 
caractéristique de leurs orifices. 

Sans aucun doute, les envois faits intelligemment comme ils l'ont 
été par le garcon-gardien Ch. Marty, m'’auraient permis, sans l’état 
de ma santé, de continuer mes recherches commencées à Roscoff, 
tout comme si j'avais été sur les lieux mêmes, et sûrement ils ren- 
dront les plus grands services aux zoologistes qui voudront en profi- 
ter, soit pour leurs travaux personnels, soit pour les démonstrations 
aux élèves ou aux cours. 


Après un second essai, et en présence des résultats obtenus, lPuti- 
lité de ce service n’était plus à démontrer, et l'administration de l'in- 
struction publique, faisant enfin droit aux justes réclamations que je 
lui adressais depuis déjà longtemps, nommait comme gareon-gardien 
du laboratoire le marin Charles Marty, patron de mes embarca- 
tions. 

Attaché à la Faculté des sciences, mais en résidence à Roscoff, il 
a maintenant la charge de la surveillance des laboratoires et des em- 
barcations pendant là saison d'hiver, où peu de personnes demandent 
à travailler. En outre, il recherche et expédie les animaux néces- 
saires qui me sont demandés, et reçoit les personnes autorisées à 
aller séjourner au laboratoire. 

Son dévouement, depuis qu’il est engagé au laboratoire, son zèie 
à exécuter fidèlement les consignes qui lui sont données, devaient le 
faire désigner pour occuper ce poste de confiance. Je suis heureux 
que l'administration ait ratifié mes propositions, car j'en suis 
convaineu, il continuera à donner des preuves de son attachement à 
la prospérité de l'établissement qui, malgré les difficultés de toutes 
sortes que J'ai rencontrées dès l’origine de son organisation, marche 
d'amélioration en amélioration et de progrès en progrès. 


ét-cupe. 


348 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Est-il nécessaire d'ajouter que la gratuité absolue étant le principe 
qui préside à l’organisation de la station de Roscoff, tous les envois 
sont faits à la charge du laboratoire ? 


AA 


AMÉLIORATIONS DEMANDÉES ET PROJETÉES. 


Ce compte rendu montre certainement au lecteur combien les 
améliorations successives ont été lentes à se produire et ont demandé 
de persévérance pour être obtenues. 

On à vu qu'une embarcation déjà d’un assez fort tonnage était en 
construction, que je l’ajouterai au Pentacrine, véritablement trop 
petit pour aller au large et tenir la mer par un temps un peu gros. 
C'était une amélioration très-désirée, très-demandée ; elle est sur le 
point d’être réalisée. Faut-il songer dès maintenant à demander une 
chaloupe à vapeur pour remplacer le Dentale, qui va être lancé? 

Sans aucun doute, si les ressources du laboratoire étaient suffi- 
santes, Je n’hésiterais pas à le faire. 

Mais combien une pareille embarcation serait coûteuse à entre- 
tenir. Ce ne seraient plus alors de simples matelots pêcheurs qu'il 
faudrait embarquer, ce seraient un mécanicien et un chauffeur, indé- 
pendamment de l'équipage. 

Le grand bateau qui va m'être livré et qui m’a été donné personnel- 
lement, suffira encore longtemps aux besoins des recherches dont 1l va 
étendre beaucoup le cercle, et il serait bien plus utile pour le moment 
de pourvoir à d'autres améliorations. Cependant je n’entends point 
dire que, pour sortir et rentrer rapidement, une machine à vapeur 
ne fût de la plus grande utilité; mais l’hélice, en plus d’une occasion, 
pelotonnera les Æymenthalia laurea ou filets qui flottent dans le canal. 
Il y aura là un inconvénient sérieux dans l’usage d’une chaloupe à 
vapeur, à moins que l’on ne sorte et l’on ne rentre durant les pleines 
mers, ce qui n’est pas le cas le plus habituel. 


Avant de demander ces dépenses très-grosses, il en est d’autres 
qui doivent être faites le plus tôt possible. 

L'une d'elles, la moins coûteuse, serait destinée à la création d’un 
parc sur la grève, en face du laboratoire. 

En obtenant de l’administration de la marine la concession d’une 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 349 


surface de quelque étendue, et en l’entourant d’un gros et large mur 
en pierres sèches, comme les parcs aux huîtres sur certains points de 
la côte, il serait possible de mettre en réserve, de parquer des ani- 
maux qu'on n’a qu'au large et qui meurent vite dans les aquariums, 
.si on ne leur fournit une énorme quantité d’eau et même une ali- 
mentation; quelques Oursins, certaines Étoiles de mer, des Ascidies, 
des Bivalves, etc., des Gastéropodes meurent certainement faute 
d'aliments; or, rien ne rend coûteux et difficile l'entretien des aqua- 
riums, comme les matières que l’on donne aux animaux pour leur 
nourriture; la décomposition des résidus entraîne très-rapidement 
après elle la putréfaction de l’eau, et il faut alors un renouvellement 
qui occasionne de grands frais. 

Il serait facile dans un parc de ménager des anfractuosités entre de 
grosses pierres amoncelées, et au-dessous desquelles on verrait pullu- 
ler les animaux de la grève environnante, ce qui obvierait à l’incon- 
vénient de leur disparition, qui est la conséquence de ce qui se passe 
à chaque grande marée. Les paysans bretons viennent retourner leg 
pierres pour chercher au-dessous d’elles des congres ou autres pois- 
sons, ou enlever les fucus. | 

Un fait montrera, entre bien d’autres, l'utilité de la construction 
que je demande. 

Les Oursins qui servaient aux recherches de M. le docteur Frede- 
ricq étaient de deux espèces : l’£chinus sphæra, très-beau, que l’engin 
rapporte facilement, et le Zoxopneustes lividus, fort abondant surtout 
sur les roches Duon et Byzaïiers. Ces deux espèces meurent très-vite 
dans les aquariums. Leur mort ne peut être attribuée seulement à 
Pinsuffisance du renouvellement de l’eau. Ces animaux sont voraces, 
et on les voit occupés, en se déplaçant, à détacher avec leurs dents 
ia Couche d'algues recouvrant les roches. Leur tube digestif est 
bourré de ces matières végétales. Sortis de la mer, ils perdent très- 
rapidement leur vigueur, et M. Fredericq, dans ses expériences sur 
le système nerveux, se trouvait assez fréquemment embarrassé par la 
différence des résultats que lui fournissaient l’excitation électrique 
ou les vivisections faites sur des animaux nouvellement pêchés, ou 
sur Ceux vivant déjà depuis quelque temps dans les réservoirs. 

On plaça alors, au-dessous du laboratoire, dans les roches, de nom- 
breux individus, comme s'ils eussent été dans un parc. Les enfants de 
Roscoff, qui là, comme partout sur les bords de la mer, sont toujours 
à battre les grèves, enlevèrent les Oursins et vinrent nous en proposer 


350 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


l'acquisition au laboratoire. Dans un parc, devenu propriété particu- 
lière, la chose n’eût point été possible”. 

Dans une foule de recherches, on a besoin d’avoir sous la main les 
animaux frais tout prêts quand on le désire. Or il est difficile, pour 
beaucoup d’entre eux, de pouvoir réussir à les faire vivre longtemps 
dans les bacs. Cela déterminerait des dépenses considérables. Quant 
à se les procurer au moment même, il n'y faudrait pas compter à 
Roscoff. Pour sortir, aller draguer ou se rendre à Duon, aux Byzaiers, 
il faut un beau temps, et la mer de Roscoff est fort inconstante. Ce 
qui réussit un jour devient impossible le lendemain. Aussi j'appelle de 
tous mes vœux cette création nouvelle, où des espèces pourraient être 
apportées, acclimatées et mises en réserve, elle sera l’une des amélio- 
rations prochaines des plus nécessaires, Car encore en se plaçant à 
un autre point de vue, elle rendrait les plus grands services ; pour les 
envois de l’hiver, elle permettrait d’avoir toujours sous la main une 
réserve où les objets demandés et nécessaires seraient pris au fur et 
à mesure des besoins, et, en hiver, on le sait, la pêche est souvent fort 
difficile, sinon impossible. 


L’acquisition de la propriété qui longe le petit havre du Vil per- 
mettra aussi de réaliser un autre projet, dont l’exécution sera d’une 
grande utilité, mais demandera de bien plus fortes dépenses que la 
construction d’un parc. 

Il est des animaux qui ne vivraient jamais dans les bacs et les aqua- 
riums sans des installations et des dépenses qui prennent des propor- 
tions énormes pour suffire au renouvellement de l’eau. Il faut, en effet, 
de toute nécessité fournir à l'alimentation de quelques-unes des 
espèces ; or, les résidus laissés déterminent toujours des conditions 
d'infection fâcheuses pour l’état des aquariums, à moins que les cou- 
rants d’eau ne les enlèvent. Mais là est la cause même de la grosse 
dépense. | 

Il faudrait donc construire un bassin à flot, un réservoir qui, établi 
dans le havre longeant le chemin au nord du jardin de la station, 
put être rempli ou vidé à l’aide de vannes à l’époque des grandes 
marées. 


1 Ce fait pourrait paraître sans importance dans les localités comme sur les bords 
de la Méditerranée, où les Oursins sont si abondants, maïs il n’en est point ainsi à 
Roscoff. On n’y trouve d’Oursins que par les draguages ou aux marées basses fortes, 
ou enfin sur des rochers fort au large. 


| 
| 
| 
| 
| 
À 
| 
J 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 351 


Ce réservoir, véritable vivartum, servirait à conserver des animaux 
ne vivant que difficilement dans les aquariums ou les parcs. Il fournirait 
d’ailleurs le moyen d’avoir l’eau nécessaire à tout instant pour les 
petits aquariums ; le jeu de la pompe constamment amorcée pourrait 
n'être plus assujetti aux heures des marées, ce qui simplifierait beau- 
coup le service, puisque pendant plusieurs jours périodiquement, il 
faut que les hommes de l’équipage viennent pendant la nuit veiller 
et remplir les cuves. 

* Dans un vivier, après bien peu de temps, des algues de nature di- 
verse se développeraient et serviraient tout naturellement à l’aéra- 
tion de l’eau et à l’alimentation des animaux herbivores qui, à leur 
tour, deviendraient la proie des carnassiers. 


Il suffit d’avoir signalé les services que pourrait rendre un vivarium 
placé à côté du laboratoire, pour espérer que l’administration fera 
avant peu droit à ma demande. 


Enfin une construction dont l'exécution ne peut et ne doit plus 
être différée, c'est celle de l’Aqguarium définitif dans la partie de la 
nouvelle propriété qui longe la mer. 


Ce compte rendu montre, ainsi que le premier, publié dans les Ar- 
chives et datant de 1874‘, avec quels moyens, restreints d’abord, j'ai 
dù agir pour la création de la station, et comment ce n’est que peu 
à peu que les dépenses sérieuses ont été faites. En 1876 et 1877 le 
ministère de l'instruction publique vient enfin de commencer à faire 
de sérieux sacrifices, ils doivent faire espérer que dans un avenir pro- 
chain la station sera dotée d’un aquarium important, en rapport avec 
les progrès qui se font partout, et que la France ne peut être la der- 
nière à voir se réaliser. 


VIII 


VISITES ET TRAVAUX FAITS A LA STATION DE 1874 A 1878. 


Depuis l’origine de la station, tous les ans un compte rendu des 
travaux a été adressé au ministre de l'instruction publique et inséré 
| 
! Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. I, 1874, p. H. ne Lacaze-Durutens, 


352 | HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


aux rapports officiels sur l'École pratique des hautes études. La repro- 
duction de ces comptes rendus intéresserait peu les lecteurs des Ar- 
chives, qui connaissent le plus grand nombre des travaux faits à Ros- 
coff, puisqu'ils ont été publiés dans les Archives. Il suffira de les 
résumer en les réduisant pour ainsi dire à la citation de leur titre. 


1874 


Le laboratoire a été ouvert du mois de mars au mois d'octobre. 


M. A. Schneider a étudié les Grégarines et les Psorospermies des 
animaux marins. 


M. Rochefort, chirurgien de la marine, qui devait accompagner le 
commandant Mouchez à l’île Saint-Paul pour l'observation du passage 
de Vénus, est venu à deux reprises différentes pour se familiariser 
avec les procédés mis en pratique au laboratoire pour la recherche 
et la conservation des animaux invertébrés. 


M. Ed. Perrier’, encore maître de conférences à l’École normale su- | 
périeure à cette époque, a fait, pendant deux voyages successifs, des 
recherches sur : 4° la régénération des bras des Comatules ; 2° la circu- 
lation des Oursins. | 


M. A. Villot?, préparateur, a décrit des Nématoïdes libres et fait 
quelques observations sur leur histologie et leur système nerveux. 


M. le docteur Hermann Fol, de Genève, a étudié quelques faits 
d’embryogénie des Céphalopodes, et étudié les animaux pélagiques. 


M. Viault ‘, alors interne des hôpitaux de Paris, et licencié ès scien- 
ces naturelles, avait, dans cette année, entrepris des recherches sur le 
système nerveux des poissons, qu'il n’a terminées et publiées que plus 
tard. 


MM. Bogdanow et Korotneff, de Moscou, sont venus visiter le labo- 


1 Voir E. PERRIER, Arch. de z00l. exp. et gén., vol. II, p. 39. 
2 Noir A WVarzor, td. vol. AV p/M50: 

% Voir H. Fou, id., vol. III, Notes et Revue, xLix. 

# Voir VIAULT, id., vol. V, p. 499. 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 303 


ratoire, pour constater quelles ressources il offrait, se proposant d’y 
revenir et d'y entreprendre des études suivies. 


M. Carl Vogt, recteur de l’université de Genève, après avoir assisté 
au congrès de l'Association scientifique tenu à Lille, a voulu se rendre 
compte de l’état de l'installation du laboratoire et de la richesse de la 
grève pour venir, plus tard, passer plusieurs mois à Roscoff. Il à 
habité alors quelques jours seulement le laboratoire. 7 


Qu'il me soit permis de remercier ces deux savants professeurs 
étrangers des paroles encourageantes et élogieuses qu’ils ont inseri- 
tes, après leurs visites, sur les registres du laboratoire. 


1875 


Le directeur s’est installé à Roscoff à partir du 20 mars, pour y 
faire exécuter la construction nouvelle de l'aquarium, et le labora- 
toire n’a été fermé que le 4% octobre; il y a continué ses recherches 
sur la faune locale. 


M. A.Schneider est revenu une seconde fois pour terminer sa thèse 
de docteur ès sciences sur les Grégarines. Ce long et remarquable tra- 
vail est connu des lecteurs des Archives. 


M. Villot, préparateur, s'est occupé des Helminthes endoparasites, 
et plus particulièrement des migrations de quelques Trématodes. 


M. Korotneff?, candidat de l’université de Moscou, est revenu, 
comme il Favait annoncé l’année précédente; 1l a pu compléter et 
terminer sa thèse sur les Lucernaires qui abondent à Roscoff, sous les 
murs mêmes de Paquarium. 

Il à aussi fait une étude histologique de la structure intime des or- 
ganes des sens des Actinies. 


M. le professeur James Murie, de Londres, arrivé le 15 d’août, ac- 
compagné de M. Bartlett, directeur-superintendant du Jardin zoolo- 


? Voir Arch. de z0ol. exp., vol. IV, p. 250. 
à Voir id.; vol: IV, p: 15. 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 4877, 23 


304 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


gique de Londres, qui n’est resté que quelques jours, a habité pendant 
un mois le laboratoire, s’occupant des Lépadogasters et des Éponges ; 
il m'avait fait espérer qu'il reviendrait et publierait dans mes Archives 

le résultat de ses recherches. | | | 


M. le professeur et excellent ami C. Vogt, qui avait déjà jugé, dès 
son premier voyage, quels avantages les naturalistes pouvaient 
trouver à Roscoff, et qui depuis lors avait un vif désir de s’y instal- 
ler pour quelque temps, arriva au commencement de juillet, avec 
toute sa famille, M. Monnier, attaché à son laboratoire de zoologie de 
Genève, et quelques autres personnes. Il avait fondé colonie auprès 
du laboratoire. | 

I s’est occupé des Crustacés parasites, des Helminthes et de quel- 
ques Bryozoaires. Il a eu jusqu’en octobre à sa disposition les bateaux, 
l'aquarium et le personnel, comme tout ce dont il a eu besoin dans le 
laboratoire. 


M. Soyez, licencié ès sciences naturelles, élève du regretté profes- 
seur Baudelot, a habilé pendant deux mois le laboratoire, et s’est oc- 
cupé de la recherche des Hydraires. 


Le congrès de l'Association scientifique, ayant eu lieu en 1875 à 
Nantes, a valu de nombreuses visites au laboratoire, parmi lesquelles 
je citerai MM. Hesse, de Brest; Sirodot, doyen de la Faculté de Ren- 
nes ; Charles Martins, de Montpellier, etc., etc. 

Des élèves du laboratoire de la Sorbonne, et M. Bonafy, chirurgien 
de marine, ont également, en 1875, habité le laboratoire et complété 
quelques études théoriques relatives à leurs examens. 

Dans cette année encore, sur les instances de mon confrère et ami 
l'amiral Mouchez, M. le marquis de Cambefort avait mis à ma dispo- 
sition, pendant une dizaine de jours, son yacht de plaisance l’Hébé, 
que M. le comte de Gourgeau avait conduit à Roscoff. Aïnsi aidés, 
nous avons pu aller faire des draguages bien plus au large avec l’Hébé 
qu'avec le Pentacrine, et rapporter des animaux que nous n’avions Ja-« 
mais eus encore. 

J'ai adressé et j’adresse de nouveau mes plus vifs remerciments à 
ces Messieurs. 

1876 


La station n'a été ouverte qu’à la fin de mai. Personne n’ayant de- 
mandé à y travailler avant cette époque, je n’y suis arrivé que peu 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 359 


de temps avant mon illustre ami Garl Vogt, qui s'y est établi de 
nouveau au commencement de juin. Sa famille est venue le joindre 
en juillet. 

Il à continué ses études sur les parasites des poissons, surtout les 
Crustacés, et terminé l’histoire du Zoxosoma phascolosomatum, publiée 
dans les Archives. 

J’ai été heureux de mettre, comme l’année précédente, tous les 
moyens de travail qu'offre le laboratoire à ‘sa disposition. 


M. L. Joliet, nommé préparateur, a commencé le dénombrement 
des espèces de Bryozoaires habitant les côtes de Bretagne, se proposant 
ensuite de vérifier les assertions qu’on trouve dans Ja science sur le 
prétendu système nerveux de ces animaux et sur les corps assez énig- 
matiques qu'ils renferment, et qu’on désigne sous le nom vague de 
corps bruns. 


M. le docteur L. Fredericq, attaché à l’université de Gand (Belgique), 
a fait d’intéressantes recherches sur l'anatomie et les fonctions du 
système nerveux des Oursins. 


M. le docteur Viguier, ayant commencé dans les collections du 
Muséum d'histoire naturelle des études morphologiques sur les pièces 
du squelette des Stellérides, a demandé à poursuivre ses recherches 
sur les animaux vivants. Il a habité le laboratoire pendant un mois 
et demi, et eu à sa disposition les espèces de Stellérides qu’on peut 
avoir dans la localité. 

Ces travaux doivent lui servir de thèse pour obtenir le titre de doc- 
teur ès sciences. 

M. Sirodot, doyen de la Faculté des sciences de Rennes, profes- 
seur de botanique dans cette Faculté, qui s'occupe avec grand suc- 
cès de l’étude des Cryptogames, est venu à Roscoff accompagné de 
M. Gallée, et a recueilli, avec lui, toutes les espèces d’Algues qui habi- 
tent les eaux de la côte. 

Ces messieurs, pendant les deux mois qu’ils ont habité le labora- 
toire, ont fait un herbier considérable, dont ils ont laissé un exem- 
plaire au laboratoire. 

Les naturalistes qui viendront à Roscoff pourront souvent avoir 


356 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


besoin de consulter cette collection, s’ils veulent rechercher les rela- 
tions qui existent entre la faune et la flore de la côte. 


M. l’abbé Soreau, professeur à Nantes, a habité le laboratoire : il 
s’est surtout occupé de recueillir des Foraminifères, ainsi que des Dia- 
tomées et quelques Hydraires. 


1871. 


Lastation a été ouverte à la fin d'avril, et quatre élèves des labo- 
ratoires de la Sorbonne, MM. Cosmovici, Delage, Joyeux-Laffüie et 
Vasseur, désignés, par suite de leur travail assidu pendant l’hiver, 
pour aller à Roscoff, ont passé les mois de mai, de juin, d'août, de 
juillet et de septembre au laboratoire et employé leur temps à faire 
pour la station des collections d’Annélides, de Crustacés, d’Actiniaires 
et de Mollusques, qui seront fort utiles aux savants qui, à leur arri- 
vée, désireront d’abord prendre un aperçu de la faune. 

Ce travail, déjà demandé, se trouve dès maintenant commencé; il 
se continuera désormais, et sera très-utile. 


M. E. Perrier, professeur au Muséum, qui avait déjà étudié l’orga- 
nisation et la reproduction des bras de la Comatule (Antedon rosaceus) 
dès la première année de l'ouverture du laboratoire, est revenu pour 
éclairer quelques points particuliers de cette organisation donnant 
encore lieu à des interprétations diverses. 


M. Julien, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Cler- 
mont-Ferrand, a passé deux mois au laboratoire pour faire des obser- 
vations générales d'anatomie comparée, en vue de ses études de 
paléontologie. 

J doit revenir et terminer la carte géologique de la grève et des 
environs de Roscoff, qu'il a commencée et qui servira plus tard à étu- 
dier les relations existant entre la distribution des espèces botaniques 
ou zoologiques et la constitution du sol des grèves. 

On a vu plus haut que M. Julien a fourni au laboratoire le moyen 
de continuer le service des envois si heureusement inauguré l’année 
précédente. 


M. le professeur C. Dareste est venu rechercher s’il lui serait pos- 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 397 


sible, à Roscoff, de trouver ou de faire des monstres chez les Pois- 
sons, et de comparer les résultats tératogéniques qu'il avait obtenus 
chez les Oiseaux avec ceux qu'il pourrait obtenir dans une autre classe 
du règne animal. 


M. Poirier, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, a com- 
mencé le dénombrement des Hydraires qui habitent les côtes, espé- 


.rant ensuite se livrer à des observations originales relativement à 


quelques points encore obscurs de l’histoire de ces animaux, C’est la 
première étude sérieuse qui ait été commencée sur ce groupe. 

Le nombre des espèces trouvées est considérable. Trois collections 
ont été faites : l’une reste à la station, l’autre est destinée à la Sor- 
bonne, la troisième va combler un vide regrettable dans les riches 
collections du Muséum, qui n’ont pour ainsi dire aucune des espèces 
de nos côtes, 


M. le docteur J. Joliet ‘, préparateur, a terminé les recherches indi- 
quées plus haut sur quelques points de l’histoire des Bryozoaires. 
Il a présenté le résultat de ses études à la Faculté des sciences de 
Paris, pour l'obtention du grade de docteur ès sciences naturelles, 
et après la collation de ce grade, il a été proposé pour occuper la 
place de maître de conférences près du laboratoire de zoologie expé-. 
rimentale. 


Depuis l’origine de mes excursions à Roscoff ou de la fondation 
du laboratoire, j'ai moi-même fait ou terminé les travaux suivants : 

Histoire des Otocystes chez les (rastéropodes”?; 

Histoire du système nerveux chez les Gastéropodes pulmonés *; 

Histoire d'un organe nouveau d’innervation chez ces animaux *; 

Lois du développement des tentacules chez les Actinies *; 

Lois du développement des Polypes à polypiers‘; 

Description de la forme embryonnaire chez l'Asteriseus"; 


1 Voir Arch. de zool. exp., vol. V, p. 400. 
2 Voir id., vol. I. 

3 Voir #4, vol. I. 

* Voir id, vol. I. 

Voir id.;vol: II. 

Voir d-svol. III. 

T Voir id., vol. IV. 


358 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 

Découverte de l'absence d'un embryon à forme de tétard dans un groupe 
d’Ascidies, les Molqules !; 

Histoire anatomique. et embryogénie d’un type de la famille des Mol- 
gulidées ?; 


Historre descriptive des Ascidies simples des côtes de France, première 


famille des Molgqulidées, qui paraît dans le présent volume. 


Les travaux dont l'indication précède ont été publiés dans les Ar- 
chives de zoologie expérimentale, fondée à mes risques et périls, et 
dont l'existence, assurée aujourd’hui, n’en a pas moins été pour moi, 
dès le début, une cause de lourds sacrifices, de même que l’organisa- 
tion des laboratoires. 


VIIT 


ADMISSION DANS LE LABORATOIRE. 


Pour être admis à jouir des avantages et des moyens de travail que 
la station offre aux naturalistes, il suffit d’en faire la demande au 
directeur, qui, ainsi que cela se pratique partout, reste seul juge de 
l'autorisation à accorder. 

L'égalité la plus absolue existe pour tous les habitants du labora- 
toire, dans lesquels on ne voit que des travailleurs. 

Les étrangers ont les réactifs, les instruments d'optique, de dissec- 
tion, les embarcations et le personnel à leur disposition, dans la 
même mesure que les Français. Chaque nouveau venu dresse, en 


arrivant dans sa chambre, la liste des objets dont il croit avoir besoim 


et qui lui sont immédiatement remis. Les magasins sont aujourd'hui 
suffisamment garnis pour qu'il soit refusé bien peu de choses ; et dans 
le cas où des objets, instruments ou livres importants, ne s’y trouve- 


raient pas, le directeur se fait toujours un grand plaisir et, j’a-M 


joute, un devoir de les faire arriver immédiatement. 

Du moment qu'ils y recoivent l'hospitalité, le professeur, le savant 
ou l’élève, sont tous traités de même, et ils n’ont rien, absolument 
rien à dépenser dans l'établissement. Le service personnel des cham- 
bres, de l'aquarium, des bateaux, est fait par des personnes payées 
sur les crédits de la station. 

Les élèves des laboratoires de Paris que leur assiduité et leur tra- 
vail ont fait désigner pour venir passer quelque temps à Roscoff et les 


1 Voir Arch. de 20ol. exp., vol. V. 
2 Voir id.. vol. VI. 


LABORATOIRE DE ROSCOFF, 359 


travailleurs français n’occupant pas une position qui leur donne des 
appointements importants, sont indemnisés des frais de voyage, aller 
et retour, de Roscoff à Paris et même plus loin. 

La gratuité est donc complète, absolue, dans la station. 

Peut-être en faisant payer certains frais, en imposant certaines 
cotisations, comme c'est l’usage dans quelques pays, les dépenses 
eussent été moindres, et le luxe du matériel de la station y eût trouvé 
un grand avantage, Mais, quoique tout soit simple à Roscoff, ceux-là 
qui y sont venus une première fois y trouvent une si grande facilité 
de travail, qu'ils y reviennent. Il n’est d’ailleurs pas dans les habi- 
tudes françaises de faire payer dans les laboratoires, depuis l'entrée, 
c’est-à-dire l'air qu’on y respire, jusqu’à la petite plaque de verre 
destinée à recouvrir les préparations microscopiques. 

Chacun jouit de toute sa liberté, et l'indépendance des chambres, 
où l’on s’installe comme on l'entend, est une des meilleures condi- 
tions pour que le travail ne soit point troublé. 


! 


Il est utile et naturel cependant que le directeur d’un laboratoire 
soit tenu au courant de ce qui se fait dans l'établissement dont il a 
la charge. Aussi, à la demande d'admission, doit être jointe l’indica- 
tion de la nature du sujet des recherches qu’on veut entreprendre. 

Cela est nécessaire à plus d’un égard. D'abord il le faut pour pou- 
voir donner les renseignements nécessaires à la recherche des animaux, 
ensuite pour éviter des froissements inévitables qui se présenteraient 
si plusieurs savants s’occupaient au même moment d’études sem- 
blables sur un même sujet. On sent en effet que, lorsque deux per- 
sonnes chercheraient à la fois à résoudre une même question, l’on se 
trouverait en face des deux alternatives suivantes forcées : ou bien le 
résultat obtenu par les deux auteurs serait identique, et alors il est 
évident qu'il eût beaucoup mieux valu que l’un des deux eût traité 
un sujet différent ; ou bien il serait opposé, et dans ce cas une discus- 
sion inévitable s’établirait entre des hommes ayant travaillé dans un 
même laboratoire, ayant vécu côte à côte. 

Dans les deux cas, la science ne tirerait aucun bénéfice, et l’effet 
d’une discussion ne pourrait être que défavorable à l'établissement 
d’où elle serait sortie. | 

Et je ne parle pas des tiraillements, des récriminations de toutes 
sortes, qui se produiraient inévitablement dans le laboratoire, pen- 


Le LUE ES NN TE 


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TE 


\ 


360 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


dant le séjour des travailleurs, pour la recherche et la conservation 
des animaux. | 

Qui n’a vu avec regret, après quelques années d'expérience, des 
faits de cette nature se produire ? 


Il est une autre disposition réglementaire qui me paraît légitime. 
Si les moyens dont peut disposer le laboratoire sont employés par les 
travailleurs à rechercher et à recueillir des animaux, et s’ils condui- 
sent à faire trouver soit des espèces, soit des êtres nouveaux, ou des 
collections intéressantes, il faut au moins qu'il reste à la Sorbonne et 
à la station des traces de ces découvertes et de ces collections. On ne 
peut pas admettre pour le laboratoire le rôle ridicule de fournir tout 
ce qui est nécessaire pour trouver des choses rares et nouvelles, et de 
voir celles-ci emportées à l'étranger ou dans des musées particuliers, 
sans que la Sorbonne ou la station conservent au moins quelques 
échantillons ainsi recueillis. 

Cette condition imposée à tous les travailleurs est aussi dans leur 
intérêt, Car il est certain qu'un zoologiste de passage à Paris ou à 
Roscoff, voulant se rendre compte des recherches publiées par les au- 
teurs des découvertes, demanderacommunication des espèces décrites. 

I faut bien le dire : personne ne refuse d’abord d’acquiescer à cette 
demande, mais souvent elle est oubliée. 

En règle générale, les collections des deux établissements doivent 
matériellement bénéficier de toutes les recherches sans exceptions 
faites dans la station. 

De trop fâcheux abus se sont glissés dans quelques circonstances, 
pour qu'aujourd'hui, avec la libéralité dont fait preuve en tout la 
station, il ne soit nécessaire de veiller à ce que les collections de la 
Sorbonne et celle de Roscoff ne prennent un utile et légitime accrois- 
sement, Il ne peut donc être fait de collection sans autorisation ; et, 
dans le cas où cette autorisation est donnée, une part doit revenir à 
la faculté ou au laboratoire. 

Je serais d’ailleurs heureux d'établir avec les différents musées des 
relations d'échange pour le musée de la Sorbonne, et de faire con- 
naître la faune de Roscoff, en envoyant les objets décrits et bien dé- 
terminée. 

Il en est de même pour la publication des résultats obtenus par 
les recherches faites au laboratoire. 

En fondant les Archives de zoologie expérimentale, mon but était 


LABORATOIRE DE ROSCOFF. 361 
d’avoir pour la station un recueil périodique où seraient reproduits 
les travaux faits à Roscoff, et en demandant que les résultats des re- 
cherches favorisées, aidées par mes laboratoires, soient publiés dans 
mes Archives de zoologie expérimentale, il n’y a rien qui puisse paraître” 
dépasser les droits de l'hospitalité reçue. 

Quand elle est faite cette demande, elle est toujours accompagnée 
de promesses formelles ; — mais je dois cependant le dire, j'aurais été 
heureux de voir publier dans mon recueil des travaux qui ont été 
aidés par le laboratoire de Roscoff et qui ont été donnés à des recueils 
étrangers. 

N'’est-il pas naturel de désirer que ce recueil périodique devienne 
en même temps les archives de la station de Roscoff? 

Cette demande, on le sent bien, n’a rien qui puisse éloigner même 
les savants étrangers, car il leur est toujours loisible de publier dans 
leur langue les travaux dont ils m’auront au moins donné les 
extraits. 

On le voit, ces exigences pour l’admission ne sont pas excessives, et 
si quelques naturalistes les ont considérées comme incompatibles 
avec leur indépendance personnelle, je ne puis que leur souhaiter 
de trouver ailleurs plus de libéralité et plus de moyens ou de facilités 
de travail. 


Je termine : 

Les lecteurs des Archives qui voudront bien relire les dernières 
pages du compte rendu de la première installation de la station dans 
le troisième volume de 1874, y verront combien, à cette époque, ma 
confiance dans l’avenir de mon pays était grande. Je n'avais même 
pu m'empêcher, lors de la publication du premier volume des A7- 
chives, de manifester en 1872 toute l'énergie de mon espoir dans 
notre relèvement qu’on voit s’accomplir et s’affirmertous les jours 
davantage. 

Empruntant à l’histoire des animaux inférieurs un exemple de la 
lutte pour la vie, et en faisant une application aux peuples malheu- 
reux vaincus dans les guerres, j’exprimais l'espoir que, de même que 
chez les animaux qui avaient été écrasés par l’expansion de ceux dont 
la force l’emportait momentanément, la France reprendrait le dessus 
et deviendrait de nouveau robuste et florissante. 

Qui peut nier aujourd’hui ce retour chez nous à des jours meilleurs 
et à un accroissement de nos forces morales et matérielles ? 


362 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Nous touchons à peine à la sixième année, depuis l’époque néfaste 
où, succombant sous le nombre de nos ennemis héréditaires, après 
des luttes intérieures effroyables, nous semblions être une nation qui, 
arrivée au terme de son évolution, n’avait plus qu’à descendre rapi- 
dement Ja courbe et la pente qui la conduisaient à la décadence, et 
de la décadence à la perte de la place qu'elle avait eue dans le concert 
des nations. 

Jamais je n’ai voulu me résoudre à reconnaître cette décadence, 
et là où tant d’autres en trouvaient la preuve, je ne voyais qu’une 
période passagère, qu’une époque de malheur. 

Aujourd'hui, quand les peuples luttent encore avec acharnement 
autour de nous, notre pays, tranquille et rendu à lui-même par l'excès 
de ses malheurs, renaît et donne au monde l’exemple d’une fortune 
nouvelle dont les exemples sont rares dans l’histoire. 

Que la jeunesse de notre époque, en voyant devant elle un avenir 
meilleur, se lance donc sans crainte dans les études théoriques et 
scientifiques qui, de quelque nature qu’elles soient, conduisent tou- 
jours à la civilisation et élèvent ceux qui s’y livrent. Aujourd’hui les 
grandes assemblées de la France et l'administration de l'instruction pu- 
blique semblent d'accord pour reconnaître qu’à l'instruction publique 
sont indissolublement liés tous les progrès indistinctement. Aussi les F 
encouragements et les efforis pour améliorer la position des jeunes 
travailleurs qui se destinent aux sciences pures deviennent de jour en 
jour plus nombreux; et c’est avec un véritable bonheur qu'on peut 
déjà constater combien est grande la différence qui existe entre les 
moyens d'études mis à la disposition de la jeunesse de nos Jours, et 
ceux que les chercheurs pouvaient espérer, il y a à peine quelques 
années. Alors il était difficile de songer à travailler aux progrès d’une 
branche de la science, sans avoir à se préoccuper d'un avenir que 
rien n’assurait. Disons-le bien haut, maintenant la jeunesse labo- 
rieuse qui aura travaillé et donné des preuves de sa valeur, n'aura 
plus autant à tenir compte des préoccupations, et à un degré aussi 
grand qu’autrefois, de son existence matérielle. 

En ce moment l’attention est trop vivemement portée vers les en- 
couragements des études sérieuses, abstraites ou théoriques, pour 
qu'avant un temps qui n’est pas éloigné, espérons-le, on ne rencontre 
plus en France de ces exemples déplorables d’efforts généreux 
faits par dévouement pour la science, et restant privés de la récom- 
pense légitime qui leur est due. 


SUR LES ORGANES REPRODUCTEURS 


DE 


QUELQUES TREMATODES MARINS ECTOPARASITES 


PAR CARL VOGT. 


(Zeitschrift für wiss. Zoologie, t. XXX, supplément, p. 306-342, pl. XIV-XVI.) 


Les recherches dont nous allons donner ici une analyse détaillée 
ont été faites par le savant professeur de Genève pendant les étés 
de 1875 et 1876, à Roscoff, avec l’aide des ressources du laboratoire 
de zoologie expérimentale qu'il a demandées et qu’a mises libérale- 
ment à sa disposition le directeur, M. H. de Lacaze-Duthiers. Elles 
sont extraites d’un grand travail monographique et ont été publiées 
dans le volume supplémentaire que les collaborateurs de la Zertschrift 
für wissenschaftliche Zoologie ont composé pour fêter le cinquan- 
tième anniversaire du doctorat de l’illustre fondateur de cette revue, 
M. de Siebold. 


|. PHYLLONELLA SOLEÆ (VAN BENEDEN ET HESSE) 


. 
J 


Recherches sur les Bdellodes et les Trématodes marins (Méem. de l'Acad. de Bruxelles, 
t. XXXIV, p.30,pl. V, fig. 1-8). 


Les organes de la génération, situés dans la région antérieure du 
corps, se voient déjà à La loupe. Le GERMIGÈNE, placé exactement au 
milieu du corps, a la forme d’un sac ovale rempli de germes sphé- 
riques composés de deux vésicules concentriques. Du côté dorsal, le 
sac se prolonge en un tube replié qui se termine par un canal fort 
étroit et très-contractile. Les germes, en s’y engageant, prennent une 
forme ovoïde. L'auteur a vu ce germiducte (Keimgang) agité de 
mouvements péristaltiques, qui lui ont permis de constater l'existence 
de fibres longitudinales. Les derniers replis de ce germiducte sont 
appliqués sur le sac vitellin, où le canal s'ouvre dans le réservoir Com- 
mun ou ootype. L’orifice offre une structure fibreuse rayonnante, et 
est peut-être muni de cils vibratiles. Cet orifice se contracte de temps 
en temps par un mouvement comparable à celui de la déglutition, 
d'où l’auteur lui a donné le nam d’orifice dégluteur. 

De cette ouverture part un canal à parois délicates qui, après avoir 


304 CARL VOGT. 


décrit un coude à droite, vient en apparence se terminer près de 
utérus. Mais il est plus que probable qu'il existe une liaison entre 
cet oviducte et l'utérus, liaison qui aura été détruite par l'effet du 
compresseur. 

L’utérus, à l’état vide, a la forme d’un corps aminci à droite et 
pourvu de parois jaunes très-épaisses. Ces parois sont absolument 
homogènes et susceptibles d’une très-grande extension. Dépourvues 
de fibres, elles paraissent s’allonger à la facon d’un sac de caoutchouc. 
L'ouverture par laquelle l’utérus communique avec l’oviducte a la 
forme d’un goulot de bouteille plissé. La cavité se prolonge en un 
canal à parois jaunes épaisses, de même nature que celles de l’uté- 
rus, avec de nombreux plis transversaux, et vient enfin s’ouvrir au 
dehors sous la forme d’un cloaque, après s’être réunie avec le canal 
déférent de la capsule séminale, 

Le vitellogène distribue ses délicates ramifications dans toutes les 
parties du corps, excepté la tête et la ventouse postérieure. Après avoir 
formé de nombreuses anastomoses, il se termine dans la région mé- 
diane du corps par deux troncs transversaux de peu de longueur, qui 
viennent s’ouvrir dans un sac situé entre le germigène et l'utérus. 
Dans les ramifications et les culs-de-sac, on ne voit qu’une masse 
amorphe remplie de granulations opaques, avec des gouttelettes grais- 
seuses; dans les grands canaux vitellins, ces masses se sont différen- 
ciées et forment de vraies cellules; dans le réservoir en forme de 
sac, la masse est de nouveau amorphe. Le sac vitellin est en commu- 
nication avec l’ootype, dans lequel viennent déboucher aussi le germi- 
ducte et le canal déférent séminal. C’est là que les germes reçoivent 
l’imprégnation mâle et s’enveloppent du vitellus. La coque de l'œuf 
se forme dans l'utérus, sans que l’auteur ait pu, cependant, y re- 
connaître l’existence de glandes. La coque a une coloration jaune- 
brunâtre et une forme pyramidale triangulaire, pourvue à l’un de ses 
angles d’un long filament corné. Le côté de la pyramide opposé à ce 
pédoncule est un opercule. Cette coque est très-opaque et ne permet 
pas de distinguer l'embryon à l’intérieur. 

Les testicules, situés au commencement du tiers postérieur du 
corps, ont la forme de deux corps ovales entourés chacun d’une fine 
enveloppe spéciale et d’une membrane fibreuse commune. L’auteur 
y à vu quelquefois des spermatozoaires. De chacun d’eux part un 
conduit spermatique qui vont se réunir ensemble près du germigène. 
Le canal unique ainsi formé, après s'être infléchi à gauche, passe 


| 


| 


| il faut encore mentionner les vésicules séminales. L'auteur en a vu 


| 
| 


| 


| 


TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 365 


au-dessous de l’ootype, et, après avoir touché la première vésicule sé- 
minale, forme un coude marqué à convexité tournée à droite et court 
le long du bord inférieur de l’utérus jusqu’à la région où le col de 
l'utérus passe dans le vagin. Iei il forme un nœud plus ou moins 
compliqué, et se détourne ensuite vers la capsule séminale. En août 
et en septembre, on trouve toujours ce canal rempli de spermato- 
zoaires, depuis le testicule jusqu'à la capsule qui, elle-même, en est 
toujours peuplée, et varie beaucoup de forme suivant la masse de 
son contenu. La paroi est épaisse, diaphane et sans structure. Elle 
est encore enveloppée d’une fine membrane qui se prolonge jusqu’à 
l'utérus. 

Le canal séminal, après s'être replié au-dessus de la face dorsale 
de l’utérus, donne naissance au pénis, et, après plusieurs replis, 
vient s’ouvrir dans le canal copulateur. Dans tout son parcours, il est 
formé des mêmes parois que la capsule séminale. Arrivé en ce point, 
le savant observateur ne décrit qu'avec quelques doutes le parcours 
ultérieur. J'ai vu, dit-il, un orifice très-net à l’extrémité du pénis, 
et en outre, il m'a semblé que de cette extrémité partaient des con- 
tours comme si un canal se recourbe vers l’utérus et débouche dans 
sa cavité. Le pédoncule encore court d'un œuf pénétrait avec son 
extrémité dans cette partie du canal, qui relierait le pénis avec l’uté- 
rus. Mais comme ce semblant de canal n’était pas rempli de sperma- 
tozoaires, et que les canaux des Trématodes à l’état de vacuité sont 
très-difficiles à distinguer, les contours observés pourraient bien 
n'être que l'effet d'un repli de la gaine du pénis. Quoi qu’il en soit, 
le canal copulateur se réunit avec le vagin, près de l’orifice sexuel. 

L'auteur nomme glande du pénis un autre organe de nature équi- 
voque placé entre la capsule séminale et l’utérus, et qui apparaît sous 
la forme de masses séminales renfermées dans une enveloppe très- 
mince. Il lui a été impossible de se rendre compte des corrélations 
de cet organe, et peut-être même faudrait-il seulement le considérer 


| comme un accident causé par le compresseur. 


Indépendamment des organes mâles qui viennent d’être décrits, 


une fois trois, mais leur nombre ordinaire est deux. Elles ont une 
forme sphérique, sont enveloppées d’une membrane fibreuse com- 


| mune, et formées d’une capsule solide. A leur intérieur, on trouve 


des spermatozoaires qui nagent dans un liquide clair, et sont entrai- 
nés avec des gouttelettes graisseuses dans un mouvement circulaire, 


366 CARL VOGT. 


sans repos, par les cils d’un épithélium vibratile. Les deux pédoncules 
de ces capsules se réunissent pour constituer un canal unique à pa- 
rois minces qui décrit une courbe en forme d’S à gauche et en avant, 
passe sous le coude droit du canal déférent, et vient avec l’oviducte 
s’ouvrir près de l’orifice dégluteur. Dans tout ce parcours, on voit de 
longs filaments spermatiques. 

Près de l’orifice dégluteur, vient encore se terminer un corps glan- 
dulaire dont l’auteur n’a pu voir clairement le débouché, et à l’inté- 
rieur duquel il a constaté la présence de spermatozoaires. Get organe 
n’est pas visible sur tous les exemplaires. 

Testicules, canal séminal, capsule séminale, pénis et les autres ac- 


cessoires, paraissent à l’auteur disposés pour la fécondation d’un autre « 


individu par un accouplement avec intromission du pénis dans le 
vagin. Il n’a vu ni en avant ni en arrière de l’utérus de communica- 
tion entre les organes mâles et les organes femelles. Si cette manière 
de voir est exacte, les vésicules séminales doivent servir de réservoir à 
la semence étrangère éjaculée dans le vagin.Cette semence arriverait 
par l'utérus dans l’oviducte, de celui-ci dans le réservoir commun de 


Ba 2? 


l’ootype, et, en passant par l'orifice dégluteur, pénétrerait aans 1e 


canal des vésicules, les glandes et les vésicules séminales elles-mêmes,” 


d’où, par un mouvement inverse, elle reviendrait dans le réservoir. 

Le germigène ne produit que l’ovule primitif sous la forme de deux 
vésicules concentriques. Ces germes, ainsi que les cellules vitellines 
et spermatozoaires, se réunissent dans l’ootype, et, sous la forme 
d'œuf sans enveloppe, passent dans l’utérus, où la coque est formée 
et l'œuf complétement achevé. 


Van Beneden, dans son Mémoire sur les vers intestinaux, à 
donné une description d’£pibdella hypoglossi, qui est presque 1iden:- 
tique avec celle de Phytlonella soleæ. Les différences portent seulement 


sur les vésicules séminales qui, dans Zpibdella, seraient au nombres | 


de cinq, et dont le germiducte très-long est replié; mais M. Vogt res 
marque que le nombre des vésicules séminales peut fort bien n'être 


pas constant, et croit que le savant professeur de Louvain pourrait fort 4 
bien avoir confondu et réuni ensemble les divers canaux des organes 


sexuels; s'il en était ainsi, les deux espèces seraient identiques. 


| 


| 


TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 367 


Il. DIPLECTANUM ÆQUANS (DIESING). 


(Van Beneden et Hesse, loc. cit., p. 122, fig. 9-22.) 


Ce petit ver, d’à peine un demi-millimètre de longueur, a été ob- 
servé par Hesse, en avril, sur les branchies du Bar (Labrax lupus), et 
M. Vogt l’a retrouvé en juillet et août en exemplaires mesurant jus- 
qu'à 4 millimètres. Malgré les recherches les plus patientes, le 
savant professeur de Genève n’a pu parvenir à élucider tous les pro- 
blèmes d'organisation de ce petit être. Il divise donc les résultats 
auxquels il est arrivé en Les groupant sous les deux chefs d'organes 
évacuateurs et organes embryogènes. La distinction des faces dor- 
sales et ventrales lui est demeurée aussi indécise. 

Organes évacuateurs. — Immédiatement en arrière du pharynx, on 
aperçoit un orifice presque toujours fermé, très-contractile, ayant la 
forme d’une tête de flèche. L'auteur lui donne le nom d’ortfice du 
cloague. Il conduit dans un espace en forme de canal dans lequel 
viennent s'ouvrir trois organes : le canal de copulation, l'utérus et la 
poche du pénis avec le pénis. 

La poche du pénis a les parois épaisses composées de fibres dispo- 
sées en spirale, convergeant vers ses deux orifices antérieur et posté- 
rieur. Le plus souvent la cavité est vide; quelquefois seulement on 
y voit des masses granuleuses jaunâtres. Le pénis est composé de 
deux filaments cornés fixés aux deux lèvres de l’orifice postérieur de 
la poche. Un de ces deux spicules est plus long et se recourbe en 
crochet à son extrémité. Ils sont renfermés dans un fourreau à parois 
minces dans lequel la glande du pénis vient déboucher par un long 
canal déférent. 

L’utérus, d’une longueur égale à celle du pénis, est situé à côté de 
ce dernier. Il commence par un canal étroit légèrement recourbé, 
l'oviducte, près de l’ouverture du pénis, et va en élargissant ses parois 
épaisses, composées de fibres disposées en spirale ; il prend ainsi l’as- 
-pect d’un long réceptacle de forme ovoïde ; il existe toujours un seul 
œuf dans ce sac. Cet œuf, de forme oblongue, est arrondi en arrière 
et, en avant, au contraire, s’étire en un long filament corné. 

À gauche de ces deux ouvertures se trouve la troisième, ou orifice 
de la copulation. Elle conduit dans un canal à parois épaisses, muscu- 
leuses et très-contractiles. Ce canal se dirige vers l’extrémité du pénis, 
où il décrit un coude très-prononcé, à convexité en avant. Immédia- 
tement en arrière de ce coude, vient déboucher le canal des vésicules 


308 CARL VOGT., 


séminales et du vitellus. Au delà, le canal copulateur se prolonge 
avec quelques contours, en demeurant dans la ligne médiane du 
corps, et va s'ouvrir dans le cône copulateur claviforme (Begattungs- 
keule). 

Près du coude du canal, on trouve la capsule séminale qui, sous 
forme d'une cornue, vient s'ouvrir immédiatement au-dessous du 
coude. Sur le col de la cornue, viennent s’insérer l'extrémité de 
l'utérus et le canal vitellin. Les vitellogènes se distribuent dans 
toutes les parties du corps à l’exception de la tête et de l'extrémité 
postérieure. Le col de la cornue et le coude du canal copulateur 
forment le nœud ou ootype proprement dit, dans lequel les di- 
verses parties de l’œuf se rencontrent pour passer ensuite dans l’uté- 
rus et s’y revêtir d’une coque. 

Le canal copulateur se rétrécit en passant dans le cône copulateur. 
Ce dernier est un organe singulier, dirigé obliquement et en avant. Il 
commence par un renflement sphérique au centre duquel s'ouvre le 
canal copulateur, et dont la masse est composée de fibres muscu- 
laires rayonnantes. L'intérieur de cette cavité, ainsi que du canal qui 
en part, est lapissé par un épithélium vibratile. Le canal cylindrique, \ 
dirigé obliquement en avant, et muni d’une ouverture au dehors, 
sur la face ventrale, est très-contractile et composé de fibres lon- 
gitudinales et transversales. 

Organes embryogènes. — Le germigène est placé sur le côté droit 
du corps et au niveau du cône copulateur. De forme allongée, 1l se 
rétrécit en avant en se continuant dans le germiducte, qui se replie 
en forme de crochet. Celui-ci se termine en un large sac dont l’au- 
teur n’a pu déterminer exactement tous les contours. En avant, il est 
en communication avec un orifice dégluteur fendu en forme de 
boutonnière, muni de lèvres en forme de papilles constamment agi- 
tées de contractions, qui ouvrent l’orifice, allongent et retirent les 
lèvres et augmentent ou diminuent la cavité interne. L'auteur n'a 
pu suivre aucun germe dans son trajet et voir la route qu’il parcourt 
à partir du germiducte. Existe-t-il un canal entre ce point et l’ootype, 
ou bien les germes passent-ils directement de l’orifice dégluteur à 
l'ouverture interne placée près du cône copulateur ? | 

Les germes, dans la région postérieure du germigène, sont com- | 
posés des deux vésicules concentriques habituelles; mais, dans la À 
région antérieure, ce sont de véritables œufs avec vésicule et tache | 
germinatives, ainsi que le vitellus de formation. 


’ TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 369 

Les testicules, en nombre multiple, ont la forme d’ampoules pé- 
donculées, situées près de la capsule séminale et du germigène. Or- 
dinairement ils sont disposés en deux groupes. L'auteur n’a pu suivre 
les canaux déférents de ces ampoules et bien préciser le point où ils 
viennent se relier avec l'ootype. Certaines de ces ampoules conte- 
naient des spermalozoaires, d’autres des amas de matière sans gra- 
nulations, d'autres enfin, des corpuscules graisseux brillants. Les 
parois de quelques-unes étaient d’une finesse extrême, tandis que 
d'autres en avaient d'assez épaisses. Les ampoules à parois épaisses 
sont destinées à être expulsées au dehors avec leur contenu. L'auteur 
en à observé une au moment où elle venait d'être rejetée et où elle 
se vidait. Elle avait une forme ronde avec un long cou, à l'extrémité 
duquel se trouvait un amas de granulations entourées de nombreux 
Spermalozoaires. A côté, on voyait une substance diaphane comme 
de l’albumine, qui en se gonflant avait sans doute contribué avec 


 l'élasticité des parois de l'ampoule à l'émission de la masse sperma- 


tique. Les ampoules séminales doivent donc être considérées comme 
des espèces de spermatophores destinés à être rejetés au dehors par 
le canal copulateur. L'auteur n’a pu pousser ses observations plus 


loin, et déclare que bien des choses attendent encore une explication, 


par exemple, le rôle du pénis et du canal Copulateur antérieur. 


IIT. DACTYCOTYLE POLLACHIT 


(Van Beneden et Hesse, Recherches sur les Bdellodes et les Trématodes marins, 
p. 110, pl. XI, fig. 23-30.) 


Edouard van Beneden à donné dans le Bulletin de l'Académie de 


Bruxelles, 37° année, 2° série, 1868, p. 22, pl. I, des figures de cet 
_ animal beaucoup plus exactes que celles des auteurs précités. Il s’est 
_OCCupé aussi de l'anatomie, mais les résultats auxquels :1l est arrivé 
diffèrent un peu de ceux du savant professeur de Genève. L'animal 


mesure 6 à 8 millimètres, et est des plus difficiles à étudier. 
Le pénis, enfermé dans une poche ronde, se trouve immédiate- 


ment en arrière du pharynx, et est composé d’une masse musculaire 


Sur laquelle s’insèrent douze spicules courts et épais, un peu re- 


| 


 Courbés à l'extrémité dirigée en avant et munis d’une base élargie. 


L'ouverture de la poche est située près de son bord postérieur. Le 


Canal séminal est un large tube presque droit, placé au milieu du 


ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GÉN.— T. VI 1877. 24 


3170 CARL VOGT.. 


corps au-dessus de l’oviducte. On le suit aisément jusqu'au milieu 
de la longueur du corps, point où se trouve près de lui à droite tne. \ 
grande capsule séminale avec laquelle il communique par un canal. : 
court ; au delà le spermiducte se divise en deux branches. Celle de 
gauche est facile à distinguer, lorsqu'elle est pleine de spermato- 
zoaires, jusque sur la moitié gauche du germigène, mais n’a pu être 
suivie au delà. l’auteur présume qu’elle sert de canal déférent aux 
ampoules séminales. La branche droite se replie en arrière, sur 
l’ootype jusqu’au voisinage de l'appareil dégluteur, et s’ouvre indu- 
bitablement dans l’ootype. ù 

Les vitellogènes sont distribués dans toutes les parties du corps, 
depuis la poche du pénis jusqu’à l'extrémité postérieure; la tête et . 
le pédoncule de la ventouse en sont dépourvus. Ils forment d’abord 
deux branches longitudinales principales qui, immédiatement en 
arrière de la capsule séminale, émettent en dedans deux rameaux, 4 
les vitelliductes. Ceux-ci se réunissent ensuite dans le sac vitellin, 4 
Les corpuscules vitellins au voisinage de l’ootype sont munis tantôt 2 
de noyaux très-apparents, tantôt en sont dépourvus. En s’approchant 
de l’orifice dégluteur, le sac se rétrécit, recoit le germiducte et va 
s'ouvrir dans l’ootype. Dans ces dernières parties il est tapissé d’un 
épithélium vibratile. 

Le germigène a la forme d’un bissac dont les deux moitiés sont 
réunies en avant. De la moitié gauche part le germiducte, qui, après 
avoir décrit quelques sinuosités entre la capsule séminale et le ger- 
migène, se replie en arrière pour aller, presqu'en ligne droite, se 
réunir avec le viteliducte. Cette partie du germiducte est fort dif 
ficile à suivre et apparaît sous l’aspect d’un canal très-mince tapissé 
de cils vibratiles très-vifs. 

L’ootype a la forme d'un œuf avec le pôle aigu en arrière. L'auteur 
n’a pu suivre bien exactement ses contours qu’en arrière. L'appareil 
dégluteur vient s'ouvrir à l'extrémité postérieure et est entouré de 
plis avec une disposition étoilée. Le canal commun du germiducte 
et du vitelliducte, ainsi que la branche droite du spermiducte, débou 
chent dans l’ouverture circulaire de cette rosette, tandis que love 
ducte lui sert de prolongement et se dirige en avant pour aller se 
terminer à l'orifice femelle externe, en arrière de la poche du pénis” 
Cet oviducte à l'état vide est très-étroit; mais lorsqu'il est rempli 
d'œufs, il s'élargit et devient un véritable utérus qui forme une tache 
brune ovoïde visible à l’œil nu. 


TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 371 


Les œufs, de forme oblongue, sont munis en arrière d'un filament 
corné très-long, terminé par un élargissement en entonnoir. Les em- 
bryons sont très-faciles à voir dans les œufs nouvellement pondus. La 

coque est composée de plusieurs pièces qui se forment peut-être dans 
diverses régions de l'organe générateur. Elle est encore munie d’un 
opercule et l'œuf s’ouvre sans doute par la suture de cet opercule 
lorsque les jeunes Dactycotyles éclosent. Les filaments terminaux 
des œufs n’ont aucune ouverture extérieure par laquelle l’eau puisse 
pénétrer dans l'œuf; mais ils sont percés d'un canal interne qui se 
prolonge dans la cavité qui renferme l'œuf. 


IV. MICROCOTYLE. 


D'après M. Vogt les deux genres Microcotyle et Axine, créés par 
MM. van Beneden et Hesse (loc. cit., p. 119 et 116), sont identiques. 
L'organisation est la même et les différences indiquées par ces au- 
teurs sont insignifiantes. En outre de l'espèce typique, M. Vogt en a 
encore trouvé une seconde, le #icrocotyle mugilis, sur les branchies du 
Mugril cephalus. Ce petit vers atteint une longueur de 10 millimètres. 
Il se distingue du Wicrocotyle labracis (van Beneden et Hesse p. 112) 
par sa longueur double, le corps plus large et la position des or- 
ganes femelles placés un peu en avant du germigène. 

L'auteur à trouvé Microcotyle labracis sur les branchies du Bar 
(Labrax lupus) en juillet, avec Diplectanum et Lernanthropus. La 
description qui va suivre se rapporte à cette espèce. 

L'orifice sexuel mâle est situé un peu en arrière du pharynx et a 
la forme d’un melon avec des côtes fortes el d'aspect chitineux. Il 
conduit dans un sac sphérique à parois épaisses, la poche du pénis, 
à l'intérieur duquel on aperçoit le pénis lui-même. Celui-ei est tou- 
jours armé de trois rangées de crochets courbés en $. Suivant leur 
position, on les voittantôt complétement droits, tantôt avec la base re- 
courbée et disposés de dehors en dedans sur trois séries arquées. — 
Le spermiducte sort immédiatement de la poche du pénis et se dirige 
en arrière sur la ligne médiane du corps en décrivant de fortes si- 
nuosités. Il est toujours rempli de spermatozoaires et, arrivé près du 
| germigène, il passe au-dessus de cet organe et va rejoindre en ar- 
rière le réservoir commun de l’ootype au voisinage duquel ses parois 
S'épaississent avec des plis transversaux et un épithélium vibratile 
 rès-vif. 


4 


312 CARL VOGT. 


L'orificesexuel femelleest, chez M. Labracis, encore dansla cinquième 
partie antérieure du corps un peu en arrière de la poche du pénis, 
tandis que chez M. Mugilis, ilse trouve au commencement du second 
tiers, un peu en avant du germigène. Chez les deux espèces, il est 
circulaire, à bords épais, renflés avec des côtes en étoile et conduit 
dans un sac destiné à recevoir le pénis. Au fond de ce sac se trouve 
un second orifice armé de petits crochets qui conduit dans l'oviducte. 
Celui-ci se dirige en arrière vers l’ootype. L'auteur n'a pu voir dans 
ce canal que des éléments vitellins à réfringence brillante. L'’oviduete 
s'ouvre sur le côté droit de l’ootype. Au voisinage immédiat du ré- 
servoir, on voit le germigène, le vitelliducte et les testicules anté- 
rieurs tellement enchevêtrés ensemble, qu'il est difficile de bien dis- 
tinguer leurs connexions. Sur le côté ventral s'ouvre, en partant de 
droite, le spermiducte, ensuite le germiducte et enfin l’oviducte; sur 
le côté dorsal les orifices des vitelliductes. 

Le germigène est relativement petit, ovoïde et dirigé à droite. Il 
se continue dans le germiducte, qui après un trajet très-court s’ouvre 
dans le réservoir de l’ootype. Les œufs y sont munis d’une membrane 
vitelline, d’une vésicule germinative et d’une tache germinative. — 
Les vitellogènes sont richement ramifiés dans toutes les parties du 
corps et se réunissent finalement dans deux troncs, qui viennent s’ou- 
vrir dans le réservoir de l’ootype par un orifice situé à la face dor- 
sale de ce dernier organe. Les corpuscules viteilins sont gros et con- 
tiennent des gouttelettes graisseuses. 

L’ootype chez A. Labracs est clairement limité seulement en ar- 
rière, la région antérieure étant occupée par les orifices mentionnés 
plus haut. Près du fond se trouve l’appareil dégluteur, qui est agité 
des contractions habituelles de cet orifice. — Chez #. Mugilis le ger- 
migène passe dans le germiducte qui vient s’ouvrir dans le réservoir, 
après avoir décrit quelques sinuosités. L’oviducte court sur le côté 
ventral du germigène, s’infléchit en S, et après un coude vient dé-= 
boucher dans l’appareil dégluteur. Celui-ci forme une rosette plissée 
en étoile. Les contractions de cet organe étaient les plus énergiques 
que l’auteur ait vues chez aucun autre Trématode. Elles lançaient les 
éléments vitellins comme des balles et les projetaient jusqu'au-delà 
du coude du canal. 

Les testicules sont très-nombreux chez les deux espèces, et par leur 
enchevêtrement constituent une sorte de tissu aréolaire qui s’étend 
entre les vitellogènes jusqu’à la ventouse du pied, L'auteur, dans ses 


L 22 


maman ame 


——— 


es am cree 


TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES, 373 


observations, les a toujours trouvés vides d'éléments spermatiques et 
n'a pu reconnaître la position et les connextions des canaux défé- 
rents. 

Les œufs ont une forme très-allongée. En arrière la coque se pro- 
longe en un filament mince et creux, mais fermé à son extrémité; 
en avant un pédoncule un peu plus espacé et terminé par un élargis- 
sement en forme d’ancre à deux branches recourbées. Ce pédoncule, 
quoique creux, est complétement fermé et n'offre aucun orifice par 
où l’eau pénètre. On voit aisément la vésicule germinative à l’inté- 
rieur de l’œuf au milieu des globules vitellins. 


V. UDONELLA LUPI. 


(Van Beneden et Hesse, loc. cit., p. 92, pl. VIII, fig. 11-14.) 


P.-J. van Beneden, dans son premier mémoire sur les vers inlesti- 
naux, à donné une description de #. Caligorum. Plus tard en colla- 
boration avec Hesse, il a reconnu que sous cette espèce unique ïl en 
existait plusieurs parfaitement distinctes, parmi lesquelles celle que 
M. Vogt a retrouvée à Roscoff sur les Caligus qui habitent le Bar 
(Labrax lupus). Ces Udonelles vivent uniquement de mucus et de 
sécrétions, sans attaquer ou sucer leurs hôtes. Ed. van Beneden, dans 
ses recherches sur la composition et la signification de l'œuf (p. 37, 
pl. I, fig. 1-11), s'est occupé de la composition et du développe- 
ment des œufs d'Udonelle. 

L'appareil sexuel des Udonelles se distingue par sa grande simpli- 
cité. A la face ventrale se trouvent, d'avant en arrière, les orifices 
sexuels, l'utérus, l'ootype, le germigène et Ie testicule, tous dans ia 
moitié antérieure du corps. 

Le spermiducte et l’oviducte viennent s'ouvrir dans un sac commun 
placé immédiatement en arrière du pharynx. On y voit le plus sou- 
vent un œuf dont le filament postérieur, après avoir décrit de nom- 
breuses sinuosités, se prolonge jusqu'à l’orifice postérieur de l’utérus. 
L'auteur a eu beaucoup de peine à distinguer un orifice antérieur 
unique el commun pour le sperme et les œufs. Van Beneden en 
décrit deux. Le filament de l'œuf pénètre dans un orifice qui conduit 
dans le réservoir commun de l’ootype, où viennent s'ouvrir le vitel- 
liducte et ie germiducte. L’orifice de ce dernier est situé un peu en 
arrière et représente l’appareil dégluteur des autres Trématodes, 


eo om 


374 CARL VOGT. 


bien que l’auteur n’ait pu y constater ni contractions, ni mouvement 
ciliaire. 

Le germigène est sphérique et rempli de grandes et belles cellules 
protoplasmiques qui contiennent un noyau clair muni d’un nu- 
eléole volumineux. L’auteur a toujours constaté la présence d’un 
œuf beaucoup plus gros que les autres, et placé près de l'entrée du 
germiducte. A côté de l'œuf se trouvait un amas de granulations que 
l’on aurait pu prendre pour un corps vitellin, n’eût été l'impossibilité 
de sa présence dans le germigène. L’œuf lui-même était enveloppé 
d’un sac formé de cellules granuleuses avec noyaux brillants. Les 
granules des cellules de ce sac, comparées avec celles de l’amas men- 
tionné plus haut, permettent de croire que le sac résulte du dévelop- 
pement de ce dernier. L’œuf était libre dans le sac, la membrane: 
vitelline nettement limitée et le vitellus finement nuageux. Dans le 
vitellus on voyait la vésicule et la tache germinatives. 

L'auteur a observé des changements de forme lents, mais constants 
de la vésicule germinaiive. On ne pouvait pas les suivre à l'œil; mais 
en observant à des intervalles distants, la vésicule apparaissait tan- 
tôt ronde, tantôt ovoïde, tantôt même renflée sur un côté. Les con- 
tours eux-mêmes changeaient de netteté à la suite de ces modifica- 
tions de formes. Ces mouvements se produisaient uniquement dans la 
vésicule sans que les autres parties de l’œuf y prissent aucune part. 
Les contours du sac de la membrane vitelline et de la tache vitelline 
demeuraient absolument invariables. La formation d’un follicule se- 
condaire autour de l’œuf à l’intérieur du germigène, ainsi que les 
mouvements de la vésicule, sont des phénomènes fort curieux et nou- 
veaux. L'auteur ne connaît dans la littérature scientifique que les 
changements de formes analogues, constatés par d’autres auteurs 
sur le vitellus et les sphères de segmentation, ainsi que ceux de la 
vésicule germinative au moment de la fécondation. 


En résumant ces observations avec celles qui ont déjà été publiées 
par Hiller sur Polystomum Integerrimum, et par Wierzejki sur | 
Calicotyle Kroyeri, on peut établir les faits suivants : 

Organes femelles. — Le germigène est toujours simple. Tantôt sim- 
plement sphérique, tantôt plus allongé et replié sur lui-même, il 
constitue toujours un organe unique, à l'extrémité postérieure du- 
quel les germes naissent. Le développement de ces germes, avant 
qu'ils ne pénètrent dans lootype, est très-différent. Chez quelques 


/ 


TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES, 379 


espèces, on n’y aperçoit qu'une vésicule et une tache germinative ; 
chez d’autres, il existe en plus une zone de protoplasma clair; chez 
d’autres, une membrane vitelline ; Udonelle, enfin, a un œuf com- 
plet enveloppé d'un follicule secondaire. 

Les vitellogènes, avec les vitelliductes, sont disposés partout de la 
même manière, se ramifiant dans le corps et aboutissant à l’ootype 
par un tronc unique. 

L'ootype est le point de réunion où les germes, les masses vitellines 
et le sperme se rencontrent: il a tantôt la forme d’un sac, tantôt 
celle d’un vaisseau. 

L'appareil dégluteur est un organe fort singulier et qui attire 
beaucoup l'attention de l’observateur par son mode d'activité, qui 
consiste à lancer les germes et les corps vitellins, comme le ferait un 
jongleur avec ses balles. 

L’oviducte et l’utérus sont composés d’une facon assez uniforme. Ils 
peuvent varier de longueur et de largeur, sans quele type ensoitaffecté. 

De très-grandes différences, au contraire, se montrent dans l’ap- 
pareil femelle de copulation, Polystomum et Cañicotyle possèdent deux 
orifices de copulation parfaitement distincts de l’oviducte et de l’uté- 
rus, par lesquels les œufs mûrs sont évacués. Chez Phyllonelle, 
Epibdelle, Dactycotyle, Microcotyle et Udonelle, l’oviducte sert aussi 
de canal copulateur. Diplectanum a un canal de copulation particu- 
lier, séparé de l’oviducte et de l'utérus, et n'ayant de commun avec 
ces organes que l’orifice externe. 

Organes mûles. — Udonelle a un seul testicule; Phyllonelle et 
Epibdelle en ont deux ; les autres genres en possèdent un grand 
nombre, tantôt dispersés dans le parenchyme, tantôt rassemblés sur 
la ligne médiane. | 

Les canaux efférents de la semence, chez Phyllonelle, Epibdelle, 
Udonelle et Calicotyle, n’ont aucune communication avec les organes 
femelles, et aucune fécondation intérieure ne peut se produire chez 
ces animaux. Chez Dactycotyle, il existe un canal qui part du point 
de réunion du canal de la capsule séminale avec une branche du 
spermiducte, et qui conduit dans l’ootype. Ce canal contient du 
sperme et permet ainsi qu'une fécondation intérieure se produise 
dans l’ootype. Il peut en être de même chez Microcotyle, où les tes- 
ticules débouchent directement dans l’ootype. Le sperme doit donc 
passer par cet organe, soit qu'il serve à un accouplement, ou bien à 
une fécondation intérieure. 


ua 


— 


mi 


376 CARL VOGT, 


Les organes secondaires, capsules séminales, glandes séminales, 
vésicules séminales, pénis, poche du pénis et glande du pénis, varient 
avec chaque espèce. 

L'organisation de Diplectanum reste encore fort énigmatique. La 
signification du pénis et de l’utérus ne donne lieu à aucun doute; 
mais il n’en est pas de même du canal copulateur et du cône copu- 
lateur. Ce dernier doit très-probablement être considéré comme-le 
canal efférent mâle. La connexion des testicules postérieurs avec cet 
organe et l’éjaculation de ces testicules devenus de véritables sperma- 
tophores, ne permettent aucun doute à cet égard. Mais, si cette opi- 
nion est exacte, l’auteur se trouve embarrassé pour expliquer l’iso- 
lement du pénis en relation uniquement avec un orifice par lequel les 
œufs doivent prendre leur route. En tout cas, il est des plus pro- 
bable que la fécondation interne peut se réaliser parallèlement avec 
l’accoupiement ; mais comment ce dernier acte a-t-il lieu ? C’est ce 
dont l’auteur avoue ne pouvoir se rendre compte. 


Analysé par M. Mavras, 
Sous-bibl. à Alger. 


OBSER VATIONS 


SUR LA DÉGLUTITION ET LA VITALITÉ 


GARYOPHYLLIES DE SMITH ET BALANOPHYLLIE ROYALE 


PAR 


HENRI DE LACAZE-DUTHIERS 
De l'Institut de France. 


Quelques individus de Balanophyllies et de Caryophyllies, trouvés à 
Roscoff, ont vécu longtemps dans de très-petits aquariums. 

Leur observation a duré quatre années consécutives, et il m'a 
paru de quelque intérêt de dire leur histoire. 

Ces animaux, pêchés en 1873, ont été en partie présentés à l’A- 
cadémie des sciences en 1874, ainsi que dans mes cours à la Sor- 
bonne ; ils ne sont morts qu’en 1877. Les uns restés à Roscoff, les 
autres apportés à Paris ont été alternativement observés à des 
époques diverses et dans des conditions de température différentes, 


Les individus laissés en 1874 à Roscoff, avaient été mis dans un 
placard fermé et, par conséquent, privés de lumière plus de six mois 
de suite pendant deux années consécutives ; à mon retour, au mois 
de juin 1876, les ayant retrouvés vivants avec leur couleur, c’est- 
à-dire deux années après leur sortie de la mer sans aucune proie à 
saisir, je voulus leur donner des aliments. Après les avoir enlevés 
des vases où ils avaient séjourné déjà si longtemps dans la même 
eau, je les plaçai dans des coupes convenablement disposées pour 
l'observation et remplies d’eau fraîche. Je les vis s'épanouir, quoique 
modérément. 

La base du polypier était en bas et la bouche en haut, je laissai 
tomber doucement, sur leur péristome, une parcelle d’un mollusque 
vivant quelconque pris à la grève, de la Purpara lapillus, par exem- 
ple, et je suivis sous la loupe, avec un assez fort grossissement, exac- 
tement ce qui se passait. - 

Au commencement de l’expérience, la couronne tentaculaire de 


378 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


la Caryophyllie s’était entièrement rétractée ; elle se manifestait à 
peine par une rangée ovale que formaient les têtes ou boutons de ses 
tentacules. Le péristome, fort mince, était transparent et laissait voir 
les septa et les palis. La bouche, ovale, entr’ouverle comme une fente 
longitudinale, offrait très-exactement vingt-quatre légers festons et 
avait un centimètre de longueur. 

Le calyce du Polypier était de belle taille et mesurait, dans son 
grand diamètre, deux centimètres et demi. Les bords de sa muraille 
avaient été rendus irréguliers par les Balanes qui y avaient fixé 
leurs valves, et qui avaient fini par être incrustés et recouverts de 
productions calcaires. 

Dans le fond de la fosse formée par la bouche entr’ouverte, se 
voyait très-nettement le sommet de la columelle centrale, chicoracée, 
si caractéristique pour MM. Milne-Edwards et Jules Haime, et au- 
dessus de laquelle deux entéroïdes ? passaient en sautoir. 

La partie encore vivante d’une Pourpre de très-petite taille (la 
tête et le bulbe lingual), placée sur le péristome tout près de l’une 
des commissures de la bouche sans être assez près cependant pour 
masquer celle-ci, resta dans cette place quelque temps sans être 
prise ou poussée par les tentacules, qui demeurèrent entièrement 
inactifs pendant tout l'acte de la déglutition. 

Ainsi, dans ce cas, comme je l'avais déjà vu, en donnant à d’autres 
Caryophyllies fraîchement pêchées des embryons d’Actinies qu'elles 
digérèrent fort bien, les tentacules ne prirent aucune part à la saisie 
de la matière alimentaire. 

Voici comment s'opéra la chute de la proie dans la cavité générale: 

Le bourrelet péristomique, limitant la bouche et représentant les 
lèvres, renferme des fibres circulaires formant un véritable sphincter 
destinées à clore l’orifice ; du bourrelet buccal partent des fibres ra- 
diées s'étendant dans le péristome, dont le raccourcissement produit 
l'ouverture de la fente buccale. C’est en grande partie par le jeu de ces 
fibres que la déglutition se produisit sous mes yeux, car je pus con- 
stater, avec la dernière évidence, les faits suivants : incontestable- 
ment dans le point sur lequel reposait la proie, les fibres circulaires 


{ J'ai donné le rom d’entéroïdes aux cordons pelotonnés qui bordent les lames 
molles rayonnant de l'extérieur à l’intérieur de la cavité viscérale des polypes; ap- 
pliquant celui de mésentéroides à ces lames mêmes, Voir Histoire du développement des 
Aclinies et des Polypes à Polypiers, H. de Lacaze-Duthiers (Archives de 300l. exp., 
1872 et 1873). 


DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 379 


se relâchaient, tandis que les fibres radiées se contractaient dans le 
reste de l’étendue du péristome. Les bords de la bouche chan- 
geant d'état, peu à peuil se forma un vide sous la proie, qu'alors 
on vit descendre lentement par son propre poids, aidée sans doute 
aussi par les mouvements des cils vibratiles qui tapissent les tissus. 

Ce ne fut qu'après vingt minutes environ que la matière alimen- 
taire arriva au fond du gouffre qui s'était ouvert et formé sous elle. 

La bouche ne s'était pas modifiée ; elle restait ouverte et plus lar- 
gement béante dans le point seulement où s'était produite la déglu- 
tition. Le corps de l’animal, pas plus que les tentacules, n'avaient 
changé de forme ou de position. 

Il fut facile de pouvoir continuer l'observation dans l’intérieur 
de la cavité par suite de cette condition, car la bouche ne s'étant guère 
qu'un peu refermée une demi-heure après, ou restant toujours entre- 
bâillée, on voyait s’accomplir ce premier temps de la digestion. 


La question que je cherche à résoudre, en ce moment, est celle 
que j'ai plus d’une fois traitée en me séparant en cela de quelques 
auteurs qui ont écrit sur ce sujet. 

Je ne crois pas que le tube qui, de la fente buccale éxiénititrds 
descend dans le milieu de la cavité générale, soit un estomac ; je le 
considère, avec les anciens naturalistes, comme un œsophage. 

Voici pourquoi : 

Un estomac est un organe qui retient les aliments et les digère. 
Or, ici, que voit-on? Non-seulement l’orifice profond de ce tube ne 
peut se contracter, mais le tube lui-même entre dans un tel état de 
raccourcissement, que, en le regardant normalement d’en haut, on 
ne le voit plus, il semble s'être appliqué en dessous du péristome et 
ne plus former avec lui qu’un gros bourrelet. 

Mais bien plus, la proie n’a pour ainsi dire pas été en contact avec 
lui, car il semble se retirer devant elle, et quand elle est arrivée dans 
la partie profonde, je l’ai vue reposer directement sur la columelle, 
et bientôt après les entéroïdes, se AUEMANE être au-dessous d'eux et 
des mésentéroïdes. 

Or, pas un auteur, que je sache, n’a décrit la columelle ou les en- 
téroïdes et les mésentéroïdes comme étant dans l'estomac, quand 
ils considèrent, comme tel, ce que je nomme œsophage, c'est-à-dire 
le tube qui, de la bouche, descend dans la cavité générale ? Et, dès 
lors, avec les conditions qu’on vient de voir, il n’est pas possible de 


TT 


PUUS USE ques FE Rp LU. 


380 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


considérer comme estomac un tube qui se dilate pour laisser péné- 
trer la matière alimentaire au-dessous de lui et qui ne la conserve 
point dans son intérieur, puisqu'elle ne fait que le traverser. 

Pour la Balanophylla regia, l'observation n’a pas été en tout iden- 
tique à celle-ci. Les tentacules étaient épanouis et la bouche fer- 
mée ; le péristome, moins transparent, ne laissait pas voir le polypier 
au-dessous de lui. 

Les tentacules, en se reployant, avaient évidemment poussé la 
proie déposée comme dans le cas précédent, non loin de la commis- 
sure, puis le vide s'était fait par le même mécanisme que celui qui 
vient d’être indiqué, et la petite masse alimentaire avait semblé glis- 
ser avec assez de rapidité vers le fond de la cavité formée au-dessous 
d'elle. Incontestablement, l’action des cils vibratiles était pour beau- 
coup dans ce déplacement. 

À mesure que le morceau pénétrait plus profondément, les lèvres 
de la bouche s’appliquaient contre lui et se refermaient. Il a donc 
été impossible de voir à l’intérieur de la cavité aussi longtemps que 
chez la Caryophyllie. Mais, un peu plus tard, ayant donné une se- 
conde proie, J'ai distinctement apercu par transparence, au travers 
de l’ouverture qui se formait, une tache blanche placée assez bas, cor- 
respondant au premier morceau de mollusque avalé, et, de la sorte, 
il a été possible de constater que le premier bol alimentaire n’avait 
point été retenu dans l’æsophage. 

La matière alimentaire donnée à ces deux polypes était-elle con- 
venablement choisie, et des faits qui précèdent est-il possible de tirer 
quelques conséquences certaines ? 

Si les proies ont été choisies d'assez belle dimension, elles n’avaient 
rien qui füt disproportionné avec la taille de l’animal, puisque 
l'on voit des Actinies avaler des coquillages et des poissons presque 
aussi gros qu'elles. D'ailleurs, j'avais vu en d’autres circonstances des 
embryons d’'Actinies, beaucoup plus gros que ces proies, être avalés 
de même par des Caryophyllies de taille semblable à celles en expé- 
rience. 

Après la déglutition, les deux animaux ont semblé avoir repris de 
la vigueur ; ils se sont gonflés, et la Balanophyllie a épanoui un peu 
plus ses tentacules, mais cela n’a pas été de longue durée, et une 
heure environ après, l'animal, contractant et rapprochant quelques- 
uns de ses Lentacules, gonflait son corps encore davantage. Alors, lui 
ayant donné un second morceau, il l’a englouti lentement comme 


DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 381 
le premier ; puis, dans la soirée, les deux morceaux ont été rejetés, 
l'animal avait pour cela lentement ouvert son péristome et rejeté la 
matière par un mouvement inverse du premier. 

La matière avait un peu changé d'aspect et était entourée de glaire 
et de mucosité, mais ne semblait pas entièrement digérée. Ensuite le 
polype s'était dilaté et était devenu très-proéminent au-dessus de 
son polypier. 

Les jours suivants, l'animal s’est épanoui beaucoup plus et beau- 
coup mieux qu'il ne le faisait avant l'expérience. Il paraissait donc 
difficile de douter qu'il n’eût absorbé et pris quelque chose à la ma- 
tière qu’il avait avalée. 

Même chose à peu près s’est produite pour la Caryophyllie. 

Ces observations confirment en tous points celles que j'ai rappor- 
tées en décrivant l’organisation des Coralliaires, dont j'ai fait l'his- 
toire. C’est dans la cavité générale que s’accomplit l'acte de la diges- 
tion et non dans le tube qui, de la bouche, conduit dans cette cavité. 
Ce dernier est donc un œsophage. 


Les Caryophyllies ayant servi à ces observations ont donné la 
mesure d’une vitalité vraiment étonnante et dont les particularités 
pourront intéresser. 

Les trois individus que j'ai conservés dans deux flacons de 2 déci- 
mètres de hauteur et de 4à 5 centimètres de diamètre, et dont j'ai parlé 
dans mes leçons et dans mes communications à l’Académie, étaient 
encore en partie vivants au 45 avril 4877, c’est-à-dire quatre ans 
après être sortis de la mer et avoir séjourné dans la même eau, 
dont l'évaporation n'avait été guère plus d'un demi-centimètre, le 
bocal étant bouché presque complétement et le bouchon n'’offrant 
qu une légère fissure, permettant tout au plus un léger renouvelle- 
ment de l'air. | 

Il va sans dire que, pendant toute cette longue durée de temps, les 
animaux n’ont pu avoir d'autre nourriture que les êtres organisés, in- 
finiment petits, qui pouvaient s'être développés dans les bocaux. 

J'avais aussi un bocal renfermant des Corynactis que j'observais 
pareillement ; cette espèce est restée épanouie pendant près de deux 
ans. Les plus petits avaient 1 centimètre de diamètre quand on les avait 
pèchés, et lorsqu'ils ont fini par disparaître, ils n'avaient guère plus que 
la grosseur d’une tête d'épingle. Ils s'étaient pour ainsi dire atrophiés 
ou rapetissés lentement, sans périr brusquement. Certainement, il 


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382 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


eût été curieux de les remettre dans leurs conditions normales, et de 
voir s'ils grandiraient et reprendraient leurs proportions naturelles; 
mais la chose ne me fut point possible. | 

Pourles Caryophyllies, un phénomène analogue s’est produit; maïs, 
comme elles ont un polypier, les choses ont marché un peu dif 
féremment. Ainsi, le polype a paru avoir d’abord un péristome 
moins étendu, ses bords extérieurs étaient plus rapprochés du centre, 
car ils avaient abandonné la bordure du polypier; les tentacules for- 
maient, par conséquent, une couronne plus petite ne correspondant 
pas à la muraille. | 

La teinte des parois du corps était tellement légère et délicate, 
qu’en dehors des tentacules on voyait la muraille et le commence- 
ment des cloisons, Comme si ces parties eussent été à nu et non re- 
couvertes par un tissu vivant. | 

Plus tard, le polype abandonnaïit complétement la muraille et ne 
formait plus qu’une petite masse au-dessus de la columelle et des palis. 

il eût été facile de croire à sa mort, et cependant il n’en était rien : 
lorsque quelques changements de temps arrivaient, on voyait encore 
les tentacules s'épanouir un peu et le polype, quoique fort petit, de- 
venir de nouveau très-reconnaissable. 

Un jour, quelle ne fut point ma surprise quand je ne vis plus l’ani- 
mal, ainsi réduit, au centre du calyce du polypier, que j’observais 
depuis quatre ans ; il était au fond du vase, parfaitement vivant en- 
core, et ressemblant alors absolument à une très-petite Actinie. 

H s'était donc détaché de son polypier et l’avait abandonné. 

Replacer cet être dans des conditions naturelles eût été certes 
plus que pour le Corynactis plein d'intérêt, car on peut se demander 
s’il n'aurait pas de nouveau séecrété son polypier. 

Chez ces animaux, du reste, la vie s’accomplit dans ses phéno- 
mènes intimes d'une façon qui nous est encore bien peu connue, 
comme on en peut juger par les faits suivants. 

Quand, pour la première fois, j'avais trouvé la Carvophyllie de 
Smith, comme la difficulté pour la séparer du rocher, où elle adhère, 
est assez grande, j'avais cassé maladroitement plusieurs individus, 
dont quelques-uns avaient été partagés en deux moitiés par les mar- 
teaux et les ciseaux à froid servant à les enlever du roc de granit. 

Ces moitiés d'individus, dont la cavité générale était largement 
béante, dans laquelle on voyait les mésentéroïdes et leurs entéroïdes 
s'étendre et se contracter, tout en flottant dans l’eau ambiante, ont 


| 


DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 383 


vécu deux mois, et la partie de la couronne qui leur restait s'épa- 
nouissait de temps en temps, comme celle des animaux entiers et 
n'ayant eu aucunes blessures. 

Comment, dans un être ainsi ouvert, peut se faire la réparation des 
pertes conséquences de la continuation de la vie? 

Y a-t-il digestion entre les replis mésentéroïdes, et l'absorption se 
fait-elle dans les points mêmes du corps qui sont en contact avec 
la matière alimentaire qui se dissout? 

Ce sont là des conditions qui ne ressemblent guère à celles qu’on 
est habitué de rencontrer dans les animaux, et la physiologie expé- 
rimentale trouvera là sans doute des observations bien intéressantes 
à faire ? 


Une dernière remarque. 

J'avais reçu à Paris une douzaine de Caryophyllies de différentes 
tailles et dont les tissus offraient la coloration admirable à reflets 
métalliques que présente l’espèce. Le péristome était glacé de 
cette teinte verte brillante, mêlée à des nuances de jaune bistre 
qui rendent quelques individus si beaux sous certaines incidences 
de lumière. Ces individus avaient été recueillis par la drague, mais 
leur couleur était semblable à celle des animaux trouvés dans le 
Canal aux rochers de Duslen ou de Meinanet. J’avais placé dans un 
grand bocal ces animaux, qui s’'épanouissaient magnifiquement, et le 

bocal avait été descendu à la cave. 

Ils étaient ainsi soustraits à l'influence directe d’une vive lumière et 
aux variations de la température. 

Ils ont vécu un an superbes et sans le moindre changement dans 
leur couleur. Ceux au contraire que j'avais laissés à Roscoff dans 
l'obscurité absolue pendant plus de six mois, s'étaient décolorés 
comme ceux qui avaient vécu quatre ans et qui dans mon appar- 
tement, tantôt inondés d’une vive lumière, tantôt plongés dans l'ob- 
securité, avaient été d’ailleurs soumis à des variations extrêmes de 
température : dans l'hiver le froid s'était fait vivement sentir, pendant 
mon absence, dans la pièce où ils étaient, et dans l'été, deux années 
de suite, les chaleurs avaient été très-fortes. 

Dans les produits des draguages faits au large avec l’Aébé, on avait 
rapporté d’une assez grande profondeur deux Caryophyllies dont le 
calyce, plus régulier que celuide l'espèce de Roscoff, était presque cir- 
culaire et peu profond ; dont le pourtour de la bouche était d’un violet 


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384 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 

rosé très-délicat et très-vif qui se dégradait et se perdait sur le péri- 
stome. Les tentacules eux-mêmes présentaient cette teinte dont le ton 
des plus agréables allait en se dégradant du sommet à la base. Ces 
animaux vécurent dans l’aquarium et furent très-soignés, l’eau frai- 
chement puisée à la mer et renouvelée ne leur manquait pas, ils 
s’épanouissaient parfaitement, mais après peu de temps ils étaient 
complétement blancs et décolorés. La lumière avait donc eu une 
influence évidente; loin d’être favorable au développement de la 
couleur, elle l’avait arrêté et l’avait fait disparaître. 

La lumière très-faible, comme dans une cave, ne peut la dimi- 
nuer ; mais quand elle manque absolument, les animaux se décolo- 
rent, comme le montrent les exemples des Caryophyllies conservées, 
soit dans l'obscurité absolue dans le placard de Roscoff, soit dans 
mon appartement de Paris. 

Il faut ajouter que la couleur de la Balanophyllie semble moins 
délicate que celle de la Caryophyllie et moins impressionnable à 
l'influence de la lumière. 

Quand on cherche à se rendre compte de la place occupée par ces 
animaux dans la mer, on voit qu'ils ne sont pas habituellement ex- 
posés aux rayons directs du soleil, que toujours ils habitent sous des 
rochers, ou dans leurs anfractuosités. Ainsi à Morgate, dans les grottes 
de l’Autel et dans la tour du Diable, on voit les Balanophyllies en 
grande quantité, tandis que sur les roches environnantes exposées à 
la lumière, on n’en trouve pas à la même profondeur. 

Souvent en Afrique, à propos des indications que me donnaient les 
corailleurs sur la position du corail, j'ai pu vérifier pour l’Astroides ca- 
lycularis ‘ la préférence que ce zoophyte accordait pour sa station 
aux lieux abrités des rayons du soleil: ainsi aux environs de Bone, 
à l’ouest sous le cap de Fer, les fentes et les crevasses assez profondes 
des côtes sont toutes tapissées d’une bordure de ces animaux, tandis 
qu’en dehors on en voit moins. 

Mais comme une règle est rarement sans exception, j'ai trouvé 
bien souvent à Mahon, vivement colorée, une superbe Balanophyllie 
sur les schistes du côté nord du port, et par conséquent exposée 
aux rayons directs du soleil, car cette partie du port regarde en 
plein le Midi, 

1 Voir, pour plus de détails, l'Histoire du développement des Polypes à polypiers, 
1873, vol. III, Arch. de zool. exp., H. de Lacaze-Duthiers. 


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RECHERCHES COTIÈRES 


PAR CARL VOGT. 


« Depuis quelques années, les naturalistes se sont occupés avec 
un empressement extrème de l'étude des Crustacés inférieurs et 
parasites. 

« En France, l’un des savants les plus infatigables dans cet ordre de 
recherches, M. Hesse, de Brest, ancien commissaire de marine, bien 
connu de tous les carcinologues, empioie tous les instants de liberté 
que lui a donnés sa retraite à fouiller le port, l’entrée du goulet ou 
les côtes des environs de Brest, dans l'Océan ou la Manche. 

«€ Il n’est pas de naturaliste qui se soit adressé à lui et qui n'ait 
obtenu quelques bons renseignements. Je suis heureux de dire que 
moi-même, toutes les fois que j'ai vu le savant et zélé zoologiste à 


Brest, il a été d’une complaisance sans bornes, et que je lui dois plus 


d’une indication précieuse. 

« Déjà M. Hesse a publié des travaux fort nombreux. Ceux qui lui 
restent en portefeuille sont plus considérables encore ; J'ai pu m'en 
assurer en parcourant ses albums, remplis de si remarquables et si 
intéressants dessins. 

« Cette abondance de matériaux tient à ce que le savant brestois 
explore, avec une patience et une persistance continues, une loca- 
lité qu'il connaît très-bien, et parce que aussi, la richesse de la 
faune est très-grande dans toutes les parties, des côtes du Finistère. 

« Mais, ainsi qu'il arrive pour toutes les branches de la zoologie, 
M. Hesse a laissé bien des choses à faire. Sans doute il a pu se mé- 
prendre sur quelques points ; à qui cela n'est-il pas arrivé ? mais il 


n'en reste pas moins l’un des naturalistes ayant trouvé le plus de 


formes nouvelles, curieuses, de relations importantes inconnues entre 
des êtres qu’on croyait distincts, et qui appartiennent au même type 
dans les groupes aberrants des Crustacés. 

«Quand mon excellent ami C. Vogt est venu à Roscoff pendant trois 


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380 CARL VOGT. 


années consécutives, et qu'il s’y est occupé des Crustacés parasites, 
il ne pouvait manquer de faire une ample moisson, tout en se ren- 
contrant souvent, ce qui devait avoir lieu, sur le même terrain que 
M. Hesse, qu’il a souvent critiqué très-vivement, en reconnaissant tou- 
tefois scrupuleusement les nombreuses découvertes faites par lui. 

« Les lecteurs des Archives savent que je tiens beaucoup à ce que 
ce recueil renferme les travaux faits ou aidés dans la station marine 
de Roscoff. 

« Ils connaissent déjà une des études de mon excellent ami C. Vogt 
sur le Loxosome. 

« Mais, les travaux du savant et illustre professeur de Genève sur 
les Trématodes et sur les Crustacés parasites, ayant paru dans des 
recueils étrangers, et la station de Roscoff ayant, dans une certaine 
mesure, Concouru à lui fournir des moyens de recherches ou des fa- 
cilités d'observations, comme il le reconnait lui-même en commen- 
çant ses descriptions, j'ai cru devoir soit faire analyser ses mémoires 
publiés en allemand, soit reproduire en grande partie ceux écrits 
en français : : 

« Ces analyses et ces reproductions partielles m'ont paru légitimes ; 
j'ai voulu cependant les expliquer. 

« Les présents mémoires en français, dont il va être donné de 
“longs extraits, ont été publiés à la typographie Ziégler et C°, rue du 
Rhône, 32, à Genève, en 4877. Gr. in-4°, avec planches. 

« Is sont seulement précédés de ces quelques mots : 

« CES MÉMOIRES SONT DÉDIÉS A UN COUPLE INCONNU QUI, PAR SA GÉNÉRO - 
& SITÉ, M'A FACILITÉ MES SÉJOURS AU BORD DE LA MER. » 

« Ils ont une pagination distincte, sans indication de -volumes ; 
mais les planches appartiennent à un volume XII. 

« Telles sontles indications bibliographiques que présente l’exem- 
plaire que mon excellent ami a bien voulu m'adresser personnelle- 
ment, ainsi que celui qu’il a offert à la bibliothèque de la station de 
Roscoff. 

« Le directeur des Archives, 


« H. DE LACAZE-DUTHIERS. » 


RECHERCHES COTIÈRES. 387 


DE LA FAMILLE DES PHILICHTHYDES 


ET EN PARTICULIER DU LÉPOSPHILE DES LABRES (LEPOSPHILUS LABREI 
HESSE). 


M. Hesse a donné, dans les Annales des sciences naturelles ( cin- 
quième série, t. V, p. 265 et suiv., pl. IX, 1866), la description d’un 
Crustacé parasite singulier, qui habite les écailles d’une Vieille (Za- 
brus Donovani) dans son jeune âge, et qu'il appelle Léposphile des 
Labres. 

Après avoir donné la description de la femelle, dont le mâle lui est 
resté inconnu, M. Hesse expose les conditions dans lesquelles se 
trouve ce parasite... 

M. Hesse pense que l'embryon « s’introduit en pénétrant, par la 
base de l’écaille, entre les deux lames qui forment ses deux faces in- 
férieure et supérieure, qu'il écarte lentement, de manière à les dé- 
doubler ». Les premiers envahissements de ce parasite « se bornent 
à un simple conduit long et vertical, ampuliforme, qui s’élargit en- 
suite à sa base » ; le parasite a même le pouvoir « de perforer les 
écailles en plusieurs endroits avec facilité » et d’y faire des trous, 
qui sont comme « percés à l’emporte-pièce et arrondis avec un 
alésoire ». 

Ayant trouvé sur une jeune Vieille une tumeur semblable à celle 
décrite par M. Hesse, et qui recélait en effet un parasite, je fis ramas- 
ser, pendant ma campagne de 1876, à Roscoff, plusieurs centaines de 
ces Labres, ce qui se fait assez facilement, vu qu'ils se tiennent aux 

mêmes endroits que les crevettes et que les pêcheurs les gardent 
pour servir d’amorces. Les pêcheurs connaissent, du reste, très-bien 
ces tumeurs, et croient que les poissons qui les portent sont des 
mâles. Cette croyance est erronée ; le parasite se trouve également 
sur les deux sexes, mais jamais sur une autre espèce que le Labrus 
| Donovani, qui est facilement reconnaissable, dans son jeune âge, par 
| une tache noire, arrondie, qu’il porte à la racine de la nageoire 
caudale. 


Mon ami M. H. de Lacaze-Duthiers ayant mis un aquarium à ma 
disposition dans son laboratoire, si favorablement installé pour les 


388 CARL VOGT. 


études, je pouvais y nourrir une certaine quantité de ces poissons 
léposphilés, et suivre le parasite à loisir. 

Le parasite n’a Jamais été recherché depuis M. Hesse. Je crois pou- 
voir apporter quelques rectifications au travail de cet observateur. 


HABITATION ET CONDITIONS D'EXISTENCE. 


J'ai examiné plusieurs centaines de jeunes Labres, dont le plus 
petit léposphilé avait 6 centimètres de long. Parmi ce nombre, j'ai 
trouvé seulement deux poissons attaqués des deux côtés; chaque 
tumeur contenant un parasite. Les autres étaient piqués tantôtà . 
droite, tantôt à gauche, mais de préférence à droite. J’ai trouvé, sur 
cent Vieilles jeunes, en moyenne quarante-trois individus léposphilés, 
vingt-sept à droite, seize à gauche... 

La tumeur se voit, en effet, comme le dit et dessine M. Hesse, 
toujours au premier tiers de la longueur totale du poisson, mais éou- 
jours sur la ligne latérale. 

Il y a lieu, ici, de rectifier une erreur commise par M. Hesse dans 
le travail cité. Le parasite ne creuse point un canal entre les deux la- 
melles superposées d’une écaille quelconque ; il s’introduit tout sim- 
plement dans le canal des écailles de la ligne latérale, toujours de la 
même manière, en se glissant dans la partie évasée de ce canal, qui 
est tourné vers le bord antérieur de l’écaille. On verra, par consé- 
quent, en faisant la préparation avec soin, le parasite toujours dans 
la même position; savoir : la tête tournée vers le bord libre de 
l'écaille, et la queue tournée du côté de la tête du poisson. 

M. Hesse a parfaitement dessiné, dans la figure 20 de sa planche, 
une écaille ayant un canal simple ; il ne s’est, seulement, pas aperçu 
que toutes les écailles de la ligne latérale ont absolument la même 
structure, et que le canal ainsi que les trous « à l’emporte-pièce », 
qu'il attribue au travail du parasite, sont dans la structure normale 
des écailles de la ligne latérale !. 

Mais ce ne sont que les très-jeunes femelles, n’ayant point encore 
de progéniture, qui se trouvent ainsi logées dans une seule écaille à 
canal normal et intact. Les mouvements du parasite, son accroisse- 


1 JDans son travail sur la Colobomate (Annales des sciences naturelles, 5° série, 
vol. XVII), M. Hesse a rectifié en passant l’erreur commise sur l'habitat des Lépos- 
philes, Mais le dessin qu’il donne de la tumeur dans son mémoire primitif, montre 
cette tumeur placée au-dessus de la ligne latérale (loc. cit., pl. IX, fig, 47). 


| 


RECHERCHES COTIÈRES. 389 


ment et ses progrès d'une écaille à l’autre déterminent, sans doute 
une sorte d’inflammation chronique de la membrane qui tapisse le 
canal, et, par suite, une dégénérescence de l’écaille, que je crois pou- 
voir comparer à une exostose, tout en convenant que nous n'avons 
pas ici affaire à un véritable tissu osseux. La membrane du canal 
s’épaissit, en effet, et devient opaque par suite d'une sécrétion puru- 
lente qui remplit le canal et entoure le parasite, lequel, évidemment, 
se nourrit de cette sécrétion. Les parois du canal s’épaississent en 
même temps, s'élèvent et forment une espèce de voûte, que M. Hesse 
a très-bien comparée à la valve d’une Anomie. On voit facilement que 
cette voûte semi-circulaire, semblable à un turban irrégulièrement 
ouvert au sommet (tab. IT, fig. 10), est de la même substance que 
l’'écaille ; on y trouve les mêmes stries d’accroissement. Cette voûte 
est posée sur la face externe de l’écaille et s’en détache assez facile- 
ment. Elle ne semble retenue que par la membrane épaissie qui ta- 
pisse le canal, et se continue dans la poche cutanée de l’écaille même. 
En même temps les cellules pigmentaires rouges, qui se trouvent 
toujours en petite quantité dans la poche cutanée renfermant l’écaille, 
augmentent en nombre, et font disparaitre les cellules pigmentaires 
jaunes, brunes et vertes qui $ y trouvent, à tel point que toute la 
tumeur parait d'un rouge vif, et même d'un rouge brun foncé. 

La première écaille attaquée ne reste pas seule. La femelle, en 
grandissant, se porte évidemment dans une seconde et même une 
troisième écaille latérale, toujours en avançant d'avant en arrière ; 
mais je n'ai jamais trouvé plus de trois écailles garnies de voûtes 
morbides. J’ai dessiné un cas pareil dans la figure 11, pl. I. On 
trouve alors, dans la voûte de l’écaille postérieure, la femelle très- 
grossie, avançant son post-abdomen dans la voûte de l’écaille du mi- 
lieu, et, dans la troisième écaille antérieure, se rencontrent presque 
toujours deux paquets d’œufs déposés par elle, et, dans des cas assez 
rares, le mâle microscopique. 

La modification morbide ne se borne pas seulement aux écailles de 
la ligne latérale. Les écailles non canaliculées des séries qui bordent 
immédiatement la série d’écailles canaliculées, éprouvent, par la 
pression qu'exerce sur elles le soulèvement des voûtes parasitiques, 


| une résorption lente ; leur bord tourné vers la tumeur s’échancre en 
| 


forme de demi-lune. On trouve ordinairement deux, rarement trois 


écailles échancrées de la sorte, dans les deux séries attenantes à la 


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390 CARL VOGT. 


J'ai trouvé de grosses tumeurs dans lesquelles il n’y avait plus ni 
parasite ni œufs. On peut suivre sur les Labres la cicatrisation de 
la tumeur, après la sortie du parasite. Les voûtes ne tiennent plus so- 
lidement au plat de l’écaille ; elles se détachent comme un anneau ; 
plus tard, elles deviennent friables, tombent en morceaux, s’émiet- 
tent, et sont sans doute détruites par le frottement des poissons contre 
des pierres. La tumeur doit en effet provoquer une sorte d’irritation, 
car on voit fréquemment les poissons léposphilés se frotter, avec le 
côlé malade, contre les parois et le fond de l'aquarium, comme 
s'ils voulaient enlever ainsi quelque chose qui leur cause du dés- 
agrément. 

Nous pouvons donc nous résumer en disant que le Léposphile des 
Labres habite toujours le canal, dit muqueux latéral du poisson, 
dans sa partie antérieure, et qu’il y produit, par l'inflammation des 
parois, une tumeur exostotique. | 


MALE. 


Il faut admettre, en thèse générale, lorsqu'il s’agit de déterminer 
les affinités des Crustacés parasites, que les mâles ont conservé de 
préférence les caractères propres à cette détermination. Les femelles 


sont toujours plus avancées en parasitisme, toujours plus soumises à 


cette rétrogradation, due à l'influence de l'adaptation à cette vie 
particulière, d’un côte, et aussi par le développement de la progéni- 
ture, dans lequel se résume finalement leur travail économique pres= 
que entier. Il en est autrement du mâle. Celni-ci est toujours plus 
libre dans ses allures ; ses organes des sens, ses appareils locomoteurs 
sont toujours mieux conservés que dans la femelle, et, comme les af 
finités des Crustacés se jugent de préférence par le développement de 
leurs appendices : antennes, pattes-mâchoires, pieds, etc., il est elair 
que l’étude du mâle peut souvent nous révéler des rapports dont nous 


chercherions vainement la trace chez les femelles. Les mâles des 


Crustacés parasites ont en outre le privilége qu’ils présentent le plus 
souvent des traits larvaires dans leur organisation, propres encore à 
jeter du jour sur les affinités qui peuvent les rapprocher, d’autres 
formes larvaires semblables, Chez le Léposphile, en tout cas, on se 
trouverait entièrement livré au hasard pour en déterminer les af 
finités, si on ne connaissait le mâle, entièrement différent de la fe- 


PEN ES SP EE | 


RECHERCHES COTIÈRES. 391 


melle, et, pour le dire de suite, entièrement inconnu à M. Hesse, qui 
n’a étudié que la femelle, 

Ceci n’est guère étonnant. J'avais déjà retiré une vingtaine de femel- 
les de leurs tumeurs, lorsque je trouvai, pour la première fois, dans le 
mucus entourant les paquets d'œufs, un pelit être filiforme, transpa- 
rent, long d’un demi-millimètre, qui n'était visible, à la loupe, que 
par ses mouvements agités. L'ayant examiné au microscope, je 
croyais d’abord avoir devant les yeux une forme larvaire, et je fus 
d'autant plus confirmé dans cette opinion erronée, que je découvris 
en même temps dans la femelle un réservoir rempli de zoospermes, 
qu'on pouvait envisager comme un testicule. J'étais donc persuadé, 
peñdant quelque temps, que le Léposphile était hermaphrodite, ce 
qui aurait constitué une exception dans le groupe dont il fait partie, 
et que l'individu presque microscopique que j'avais sous les yeux était 
une forme larvaire, intermédiaire entre le Léposphile adulte et le 
Nauplius. Ce n’est que plus tard, lorsque je trouvais un autre individu 
ayant la même forme et la même grandeur, mais qui avait le corps 
rempli de zoospermes, que je reconnus mon erreur. 

Le mâle est assez rare. Dans la seconde moitié du mois de sep- 
tembre et les premiers Jours du mois d'octobre, où j’examinais jour- 
nellement une dizaine de Vieilles, ‘je ne l’ai trouvé que huit fois. 
Sept fois, il était seul ; une seule fois, j'ai rencontré le mâle dans la 
voûte vers laquelle s’étendait la queue de la femelle, etouse trouvaient 
aussi les œufs déposés par celle-ci; une fois, le 48 septembre 1876, 
J'ai examiné un mâle qui n'était pas encore arrivé à son développe- 
ment entier. La plupart des mâles rencontrés avaient entièrement 
vidé leurs organes génitaux; mais le 41% et le 4 octobre j'en ai 
examiné deux, qui avaient les organes remplis de machines sémi- 
nales et de zoospermes. Je suppose, en me fonaant sur quelques dé- 
tails que je rapporterai plus loin, que le mâle entre dans la loge de Îa 
femelle sous une forme larvaire, qu’il y change de peau, s’accouple 
et meurt bientôt après; tandis que la femelle continue à vivre et à fé- 
conder ses œufs au moyen des zoospermes contenus dans le réservoir 
spermatique. 

La forme du mâle est assez singulière. Il se présente ordinai- 
rement, sous le microscope, couché sur le côté, la tête et le tho- 


rax inclinés, sous un angle de 39 degrés à peu près, vers la face 


ventrale. Les principaux mouvements consistent en de violentes mu- 
tations de la partie inclinée. Il étale aussi de temps en temps ses pat- 


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392 CARL VOGT. 


tes natatoires, et rampe avec assez de célérité. L’intestin est toujours 
en mouvement, comme celui de la femelle ; il exerce des contrac- 
tions comme un Corps de pompe, et je ne doute pas que ces mouve- 
ments ont quelques rapports avec la respiration, comme c'est le cas 
chez beaucoup de Crustacés inférieurs. 

Le corps entier est composé d’une tête en forme de bouclier, por- 
tant les traces d’une division transversale en deux anneaux, de deux 
anneaux thoraciques et de huit anneaux abdominaux. 

La surface dorsale du bouclier céphalique est presque plane, les 
côtés latéraux un peu recourbés en dedans, de sorte que le tout pré- 
sente, vu d'en haut, la forme d’une ellipse coupée transversalement 
au milieu. Vue de côté, la tête se présente comme un dé à coudre, 
dont on aurait enlevé la moitié par une coupe horizontale et longitu- 
dinale suivant son axe. Au milieu de la longueur, un peu en avant 
d’une ligne de séparation chitineuse intérieure, se trouve, enchâssé 
profondément dans les tissus, l’œil rouge central, formé de deux 
moitiés confondues dans la ligne médiane, et présentant, sur chaque 
moitié, deux éminences (cristallins ou cornées) transparentes, ayant 
un reflet nacré en bleu, et dirigées l’une en avant, l’autre en 
arrière. 

La tête n’est pas assez transparente pour qu’on puisse étudier conve- 
nablement les organes qui se trouvent dans son intérieur. De puis- 
sants muscles, se rendant depuis la cloison intérieure indiquée vers 
les deux paires d'antennes, les pattes-mâchoires et vers les anneaux 
thoraciques, couvrent, du reste, les organes, tels que le système ner- 
veux, qui doivent être logés dans le voisinage de l'œil, mais que je 
n'ai pu délimiter clairement. 

À la face ventrale du bouclier sont attachées quatre, sinon cinq 
paires d’appendices latéraux et un appendice impair, la lèvre su- 
périeure. 

La première patre d'antennes est fixée près du bord frontal, mais 
sur la face inférieure du bouclier. Elle se compose de six articles, 
dont les trois premiers sont plus effacés, et forment une sorte 
de grosse tige, tandis que les trois derniers, plus accentués, mais 
diminuant graduellement de volume, forment la terminaison. Toute 
l'antenne est garnie de courtes soies roides. 

La seconde paire d'antennes, plus puissante, est insérée immédiate- 
ment derrière la première, et se trouve composée de trois articles. 
Les deux premiers sont massifs, dégarnis d'épines; le troisième porte 


Li 


RECHERCHES COTIÈRES. 393 
quatre épines articulées et courbées, qui peuvent s'opposer de façon 
à agir comme des pinces. L'animal les porte ordinairement recour- 
bées, de manière à rapprocher les épines de la bouche. Ces organes 
servent sans doute à accrocher la femelle. 

A la base de ces antennes et du côté interne, se trouvent, très-ca- 
chés et difficilement visibles sur l’animal vivant, deux fort petits ap- 
pendices mobiles, formés par un article basilaire presque globulaire 
et un crochet terminal très-mince, transparent et à peine courbé. 
Faut-il considérer ces organes comme une #rorstème paire de membres 
et les faire dériver, par conséquent, de la troisième paire des appen- 
dices du Nauplius ? Je ne le pense pas; je suis tenté plutôt de les 
rapprocher de ces fouets ou filaments, probablement tactiles, que 
l’on rencontre à la même place chez beaucoup de Nauplius, par 
exemple, ceux des Cirrhipèdes. Ils ne me semblent pas, en tout cas, 
provenir de la transformation ultérieure de la troisième paire d’ap- 
pendices primitifs du Nauplius, tandis que les deux premières paires 
d'antennes sont bien des transformations de ces membres primitifs et 
larvaires. Peut-être aussi pourrait-on considérer ces appendices comme 
l’une des branches devenue libre et indépendante de la seconde 
paire d'antennes du Nauplius, laquelle est, comme on sait, toujours 
biramée..……. 

L'appareil buccal, dont font partie les deux paires de membres sui- 
vantes, s'élève au-dessus du plan général de la face inférieure du bou- 
clier céphalique..…… 

En avant... se trouve, profondément encaissée entre les deux pre- 
mières pattes-mâchoires, la /êvre supérieure, sous forme d'une lamelle 
mince, attachée par son bord droit antérieur, et présentant en arrière 
un bord semi-circulaire nettement accusé. Au-dessous de ce cham- 
branle se cache l'ouverture buccale... 

Sur cette lèvre et en arrière d’elle, se croisent deux énormes cro- 
chets fortement recourbés en dedans, allongés et pointus, dont les 
doubles contours, légèrement jaunis, annoncent une très-forte consti- 
tution chitineuse, et qui sont articulés, par des ginglymes puissants, 
sur un article basilaire très-épais, garni de muscles épais, et soutenu 
par une forte charpente chitineuse. C’est /a première paire de pattes- 
mâchoires ou les mandibules, résultant évidemment de la troisième 
paire transformée des membres larvaires du Nauplius, dont la partie 
basilaire est presque sans exception utilisée, dans le développement 
ultérieur de l'animal, comme instrument de mastication, tandis que 


394 CARL VOGT. 


les extrémités, primitivement garnies de soies natatoires, sont reje- 
tées dans la suite des transformations. 

Un peu en arrière de cette première, se trouve une seconde paire de 
paites-mâchotres, les mâchoires proprement dites, composées d’un arti- 
cle basilaire cylindrique et d’un second article muni de deux faibles 
crochets, dont la convexité est tournée en avant. 

Ces deux paires d’appendices buccaux sont toujours infléchis vers . 
la ligne médiane, de manière à se croiser sur la bouche. 

Les deux articles thoraciques (2 et 3), qui suivent après le bouclier 
céphalique, peu mobiles entre eux, mais assez indépendants dans 
leurs mouvements d’un côté de la tête, et encore plus de l’abdo- 
men portent, à leur face ventrale, deux patres de pattes. natatoires 
de structure identique. Chacune de ces pattes est composée d'un 
article basilaire arrondi, de forme ovalaire, et de deux branches. 
terminales aplaties, formées chacune de deux articles. La branche 
antérieure porte à son extrémité trois forts crochets articulés, en 
forme de griffes, tandis que la palette terminale de la seconde branche 
est garnie sur tout son pourtour de fortes soies courbées, qui aug- 
mentent en longueur d’arrière en avant, et sont garnies de fins cils 
natatoires. Le premier article de cette branche porte même, à la 
première patte, quelques courtes pointes sur son bord extérieur, 
et c’est là le seul détail par lequel les pattes diffèrent entre elles. 

Ces deux pattes servent de préférence à la locomotion. L'animal 
peut les étendre latéralement, de manière que les branches terminales 
dépassent les bords de son corps ; ordinairement il les porte repliées 
sous le ventre. Il rampe, mais jamais je ne l’ai vu nager... 

Le second article thoracique porte encore, sur la face dorsale, 
deux appendices particuliers. Vus de profil, ces appendices dorsaux se 
présentent sous la forme de deux ailes aplaties, fortement crochues, 
dont l'extrémité courbée est tournée en avant, tandis que leur base 
est attachée, sous le bord du second article thoracique, à la mem- 
brane qui relie cet article avec le premier article abdominal. Lors= 
qu’on voit l’animal de dos, les deux ailes se présentent sous forme de 
deux lames étroites, appliquées étroitement au corps. 

Ces deux appendices aliformes rappellent, sous quelques points de 
vue, les appendices dorsaux des jeunes Notopterophorus, parasites des 
Ascidies, etils sont évidemment homologues aux élargissements tho- 
raciques qui se développent chez la femelle pour héberger les œufs. 
Je ne leur ai jamais vu de mouvements... 


RECHERCHES COTIÈRES,. 395 


Sur la face ventrale des deux articles thoraciques et dans la ligne 
médiane se trouvent encore des pièces chitineuses, terminées en 
pointe mince en arrière. 

Nous avons dit que l’abdomen était composé de huit articles. Cha- 
cun de ces articles est construit de la même manière, en ce sens que 
tous sont reliés ensemble par des membranes très-làches, et qu'ils 
sont des cylindres évasés en arrière, de manière qu'ils peuvent être 
rentrés et sortis comme les pièces composant une longue-vue. Le 
premier, second et dernier article offrent seuls des particularités de 
structure. 

Quant au premier, on y trouve, rapprochées de son bord posté- 
rieur, deux pattes rudimentaires, dont les articles basilaires s'élèvent à 
peine au-dessus de la peau, et portent, sur leur bord libre, trois soies 
écartées, mais courtes. 

Sur le second article, on voit, lorsque l'animal est posé de profil, 
l’orifice génital, de forme circulaire. 

Le dernier article est très-long, conique, et se termine par deux 
branches semblables presque aux fausses pattes d’une chenille. Cha- 
cune de ces branches porte cinq soies, dont deux très-longues et 
dirigées, avec deux soies plus courtes, en arrière, tandis qu’une cin- 
quième soie, plantée plus avant sur l’article, est dirigée obliquement 
en avant. 

Quant aux dispositions anatomiques des organes internes, nous 
n'avons que très-peu à dire. L’entestin, rempli ordinairement de suh- 
stances fécales brunâtres, se dessine depuis la partie postérieure du 
bouclier céphalique jusqu’à l'extrémité postérieure, comme un boyau 
droit appliqué à la face ventrale, et ne présentant qu’à son extrémité 
postérieure, avant de passer au rectum, un faible élargissement en 
forme de poire. L’intestin buccal, incolore, ne se laisse que très-diff- 
cilement apercevoir à l'endroit de son insertion, vers l'extrémité anté- 
rieure du boyau droit, avec lequel il forme un angle obtus. Son 
commencement, vers la bouche, est caché sous les muscles et écha- 
faudages chitineux épais des pattes-mâchoires. Le rectum est atta- 
ché, comme d'habitude, par quelques fibres musculaires aux parois 
du corps ; l’anus se trouve, sous forme de fente linéaire et plutôt du 
côté dorsal, entre les branches terminales du dernier article. 

Les organes génitaux sont formés de deux grands boyaux, très- 
transparents, qui remplissent tout l'abdomen et présentent des ren- 
flements successifs, dépassant la ligne médiane en alternant de droite 


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396 CARL VOGT. 


à gauche. On voit, dans leur intérieur, des pelotes ondulées de z00- 
spermes et des machines spermatiques. Vers l'extrémité postérieure, 
ces boyaux présentent au bout quelques petits renflements circulai- 
res ; ce sont, sans doute, ces élargissements qui jouent le rôle de tes- 
ticules, comme c’est le cas aussi chez les Branchipus. On peut suivre 
les conduits spermatiques très-élargis jusque vers le premier anneau 
thoracique, où ils se terminent probablement en cul-de-sac. L’orifice 
génital se trouve sur le second anneau thoracique... 

Les zoospermes, tantôt réunis en groupes stellaires par leur 
queue, tantôt libres dans la partie supérieure de ces boyaux, 
sont emprisonnés, dans la partie postérieure dans des machines 
spermatiques semblables à celles du Cyelope castor. J’ai pu faire sortir, 
par une pression modérée, une de ces machines. Elle est en forme de 
bouteille très-allongée et à cou étroit; au fond fermé postérieur se 
trouve une accumulation de substance plus opaque et grenue, qui 
gonfle, sans doute, par absorption de l’eau ; la bouteille elle-même 
est remplie de zoospermes, qui s’agitaient vivement et qui s’en al- 
laient par le goulot. À près quelques minutes la bouteille s'était vidée 
complétement. 

Les zoospermes sont très-longs et minces, diminuant sensiblement 
vers la queue, par laquelle beaucoup d’entre eux étaient réunis ensem- 
ble en groupes stellaires ou en faisceaux. On les retrouve sous la même 
forme dans le réceptacle de la femelle. Ils paraissent un peu aplatis 
en rubans, de manière que dans leurs ondulations on aperçoit sou- 
vent comme des nodosités passagères. 

Je ne dois pas oublier que j'ai trouvé une seule fois un mâle, tout 
semblable, du reste, aux autres, sur lequel je ne comptai que six ar- 
ticles abdominaux au lieu de huit. Pour tout le reste, il était absolu- 
ment conformé comme les autres. Je me suis bien assuré du fait, qui 
m'a beaucoup frappé. Mais comme je trouvai, dans le mucus dont ce 
mâle était enveloppé, quelques dépouilles mutilées, entre autres un 
morceau d’une palette mince, garnie de soies très-longues et sem- 
blable à la palette dite respiratoire des pattes des Daphnies, je me 
crois en droit de conclure que le mâle entre dans la retraite de la fe- 
melle sous une forme larvaire différente, et qu’il doit y subir une ou 
plusieurs mues, pendant lesquelles le nombre de ses articles abdomi- 
naux augmente sous l'influence du développement des organes géni- 
taux. Ce mâle raccourci ne contenait, en effet, aucune trace de z00- 
spermes, et je me suis vainement efforcé d’y distinguer, entre les 


RECHERCHES COTIÈRES. 397 


muscles puissants qui relient les anneaux, les vestiges des organes 
génitaux non encore développés. 


FEMELLE. 


La femelle adulte est, sauf le Nauplius, la seule forme connue jus- 
qu’à présent et décrite par M. Hesse... 

La tumeur une fois reconnue, la femelle n’échappera guère à l’ob- 
servateur muni d’une loupe. On enlève, par quelques coups de ciseau, 
la partie de la peau dans laquelle se trouve la tumeur et après l’avoir 
étalée sur une plaque de verre, on arrache les écailles du voisinage, 
et enfin celles qui prennent part à la tumeur. Le parasite se fait aisé- 
ment connaître par la couleur toujours foncée, dans la plupart des 
cas entièrement noire, de son intestin; le plus souvent, il reste re- 
tenu dans la voûte de l'écaille arrachée, qu’il habite, dont on l’enlève 
facilement avec un pinceau; ou bien il glisse, par la secousse de 
l'arrachage, dans la cavité produite où il s’agite vivement. 

Il est plus difficile de le trouver sur des poissons conservés à l’es- 
prit-de-vin. La couleur rouge de la tumeur y disparaît souvent en 
entier; lesécailles tiennent plus fortement... Le hasard m'a fourni un 
moyen expéditif pour trouver le parasite facilement. Voulant étudier 
les pièces chitineuses de la bouche, j'avais traité quelques exem- 
plaires à la-potasse caustique, et je m’aperçus qu'ils étaient extrème- 
ment résistants à ce réactif. Une cuisson prolongée pendant une 
demi-heure dans une solution de potasse caustique à 1 pour 100 
n'avait pas encore entamé la structure de l’animal. J’eus l’idée de 
profiter de cette expérience. On fait cuire, pendant quelques mo- 
ments, le morceau de peau contenant la tumeur, dans une solution 
de potasse caustique de la force indiquée. Après dix minutes, les 
écailles sont désagrégées, les tissus fibreux dissous et le parasite mis 
à nu et facilement reconnaissable. 

La femelle adulte peut atteindre 6 millimètres de longueur — je 
n'en ai jamais vu, à Roscoff, de 10 à 12 millimètres de long, comme 
celles trouvées à Brest par M. Hesse. — Les jeunes femelles portent 
toujours la tête inclinée vers la face abdominale et l’abdomen relevé 
vers le dos, de manière à former une courbure semblable à celle 
d'un S. Les femelles adultes montrent cette courbure moins pro- 
noncée..….. 

M. Hesse compte six anneaux abdominaux et cinq anneaux thora- 


PS. D lee UE AS ES ET I I 


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398 CARL VOGT. 


ciques outre la tête, et si l’on n'avait connaissance que de la femelle, 
cette manière de compter serait assez exacte. Mais en vue de la con- 
formation du mâle, il faudra envisager les anneaux autrement par 
rapport à la distribution générale du corps. 

La tête, en forme de cône tronqué et arrondi en avant, porte à peu 
près au milieu l'œil rouge, conformé comme dans le mâle; elle porte, 
à sa face ventrale et dans une position reculée, les antennes très- 
petites et cachées dans une anfractuosité profonde entre la partie 
avancée de la tête et l'appareil buccal, lequel constitue une espèce de 
trompe large et courte. 

Après cette tête, dont la division prinitive en deux anneaux n’est 
plus indiquée comme dans le mâle, suit un anneau cylindrique à 
pêéine plus large que la base de la tête et qui porte chez la jeune 
femelle une soie très-courte sur la face abdominale, reste évidem- 
ment d'un pied larvaire rudimentaire. Cet anneau est séparé de la 
tête par une ligne peu marquée et souvent effacée. Mais en revanche, 
la séparation d’avec l'anneau suivant est bien marquée. 

Cet anneau représente, suivant ma manière de voir, le premier an- 
neau thoracique du mâle. 

Vient ensuite une partie du corps, considérablement élargie et 
composée de trois segments, qui ne sont indiqués, dans la femelle 
adulte, que par trois plis légers sur la face ventrale. En voyant la 
femelle adulte de profil, on voit cette partie gorgée d'œufs placés les 
uns à côté des autres et cachant entièrement la continuation du 
canal intestinal, très-visible comme un ruban noir dans les deux 
anneaux qui précèdent. En plaçant cependant la femelle un peu de 
trois quarts, on s'aperçoit que cette partie élargie n’est pas une tumé- 
faction générale du corps, mais qu’elle est composée plutôt de deux 
expansions larges et épaisses, au milieu desquelles on voit un centre 
d’attaches pour des fibres musculaires, qui rayonnent dans toutes les 
directions. En plaçant la femelle sur le ventre, on voit que l'intestin, 
considérablement élargi sous forme de füseau, occupe le centre du 
corps, tandis que les œufs sont accumuiés dans les expansions latérales. 

Cette structure s'explique par l'étude des jeunes femelles, chez les- 
quelles les organes génitaux ne sont pas encore développés et où les 
œufs, réunis en paquets énormes, n’obstruent pas encore toute cette 
partie du corps. On voit alors distinctement que le premier anneau 
de cette partie porte deux expansions latérales arrondies, membra - 
neuses, aliformes, et que ces expansions sont {séparées par une pro- 


RECHERCHES COTIÈRES. 399 


fonde incision, d’expansions semblables, plus hautes et plus larges, 
qui occupent, sans division appréciable, la face dorsale de ces deux 
derniers anneaux. Le jeune animal rapproche et étale ces expansions 
absolument comme un papillon venant d’éclore essaye ses ailes à 
demi étendues. On ne voit, dans ces expansions, que des traînées de 
substance non encore différenciées, entourant des espaces plus clairs 
comme des vacuoles. Chacun de ces deux anneaux porte-ailes est 
muni, à la face ventrale, d’une soie très-courte, rudiment d’un 
membre. 

A la suite de cette partie élargie viennent six anneaux, dont les cinq 
premiers sont semblables entre eux; ce sont des courts cylindres 
tronqués, diminuant graduellement et pouvant s’emboîter comme 
les anneaux correspondants du mâle. 

Le second de ces anneaux porte des deux côtés, mais rapproché 
de la face dorsale, l’appareil chitineux qui entoure l’orifice sexuel. 

Le dernier anneau de l'abdomen forme, comme chez ie mâle, un 
cône tronqué, lequel se termine en arrière par deux mamelons très- 
courts et portant chacun une courte soie. C’est l’analogue des appen- 
dices à longues soies du mâle. 

Or, si je compare cette distribution des anneaux à celle si appa- 
rente du mâle, je me crois en droit de dire que la femelle a huit an- 
neaux* abdominaux comme le mâle, mais que les deux premiers de 
ces anneaux portent, par suite du développement des organes géni- 
taux, des expansions aliformes, comme le second anneau thoracique, 
lequel est muni d’expansions analogues chez le mâle, et que, chez la 
femelle pleine, les expansions aliformes du second anneau thoracique 
et celles des deux premiers anneaux abdominaux se confondent 
ensemble dans une seule expansion membraneuse servant de récep- 
tacle incubateur. La partie élargie du corps de la femelle adulte 
serait donc composée du dernier anneau thoracique et des deux pre- 
Mmiers anneaux abdominaux. 

En envisageant les femelles de cette manière, qui me semble impo- 
sée par l'étude des jeunes, il faudrait done dire que le nombre des 
anneaux est le même dans les deux sexes, et que le Léposphile est 
composé de deux anneaux céphaliques toujours confondus ensemble, 
de deux anneaux thoraciques libres chez le mâle, dont le dernier 
porte des expansions aliformes chez les deux sexes et de huit articles 
abdominaux dont les deux premiers portent, chez la femelle, des 
expansions aliformes qui se confondent avec celle du dernier anneau 


400 CARL VOGT. 


thoracique. J'ai numéroté les articles de la jeune femelle, suivant 
cette manière de voir, en concordance avec le mâle. 

La tête de la femelle est fortement recourbée vers la face abdomi- 
nale et présente en arrière, à peu près en dessous de l'œil rudimen- 
taire et profondément enchâssée dans les tissus, une forte échancrure 
dans laquelle est placée l’antenne, formée par un moignon presque 
globulaire garni de quelques soies très-courtes. M. Hesse, qui a bien 
vu cette antenne, lui donne « deux ou trois articles» ; je n’en ai 
jamais vu qu’un seul... Ces antennes paraissent entièrement immo- 
biles. Quelques-unes des courtes soïes qui la garnissent, portent un 
petit renflement globulaire au bout — ce sont sans doute des soies: 
tactiles par excellence. 

Immédiatement derrière les antennes se place, au milieu de la face 
ventrale, l'appareil buccal, composé d’une trompe courte et circu- 
laire, que l’animal peut pousser vivement dehors ou faire rentrer 
complétement. 

L'analyse des pièces chitineuses, qui se trouvent placées dans la 
circonvallation de cette trompe, est extrêmement difficile et certes 
une des tâches les plus ardues de la microscopie. M. Hesse dit qu'il 
n’est parvenu à cette analyse qu'après avoir rendu transparent un 
individu par un jeûne prolongé pendant plus de quinze jours. J'ai 
essayé de ce procédé; j'ai gardé des Léposphiles en vie pendant trois 
semaines, Ce qui, en effet, avait évacué l’intestin complétement, mais 
je n'ai pas trouvé les environs de la bouche plus transparents qu'ils 
n'étaient le premier jour. J’ai ensuite essayé le traitement par la 
potasse caustique, et comme Jje l’ai déjà dit, parmi les nombreuses 
espèces de Crustacés parasites et autres que j'ai traitées de cette 
manière, Je n'ai trouvé aucune aussi rebelle à l’action de ce réactif 
puissant que le Léposphile. Plusieurs femelles adultes ont résisté, 
pendant plus d’une demi-heure, à une cuisson soutenue dans une so- 
lution de 4 pour 100; les jeunes commencèrent à s’éclaireir à dater de 
ce moment-là. Mais, malgré l'emploi de ces procédés, je n’ai pu voir 
les choses de la même manière que M. Hesse. 

Cet auteur dessine, en effet, trois paires d’appendices situées en de- 
hors du rostre, deux paires en avant et une paire en arrière; il dessine 
et décrit en outre deux paires de pattes-mâchoires et une paire 
de palpes mandibulaires placées dans l’intérieur de la trompe; ce 
qui ferait en tout six paires d’appendices dont la bouche serait 
armée. 


RECHERCHES COTIÈRES. 401 

Malgré les procédés indiqués, je n'ai pu retrouver ce luxe de pièces, 
dont aucun Copépode n'offre un exemple. 

Sauf les antennes, je n'ai vu aucun appendice en dehors du rostre 
ni chez les jeunes femelles, chez lesquelles, comme je lai dit, se pré- 
sentaient encore quelques soies comme derniers rudiments des pieds 
thoraciques et abdominaux, ni chez les femelles adultes. 

Le pourtour du rostre est formé par une lamelle chitineuse, très- 
mince et transparente, mais dont les contours sont visibles avec la 
plus grande netteté lorsque l’animal est placé de profil. On peut aussi 
en voir la base lorsqu'on observe le rostre depuis la face ventrale, et 
on peut se convaincre qu’elle est complète en arrière, mais qu’en 
avant, elle se confond avec l’échafaudage chitineux qui soutient ici 
le rostre. 

Cet échafaudage est construit par plusieurs fortes pièces chiti- 
neuses enchâssées dans les muscles. Deux pièces, renflées et un peu 
crochues à leur extrémité interne, partent obliquement des angles 
supérieurs et externes du rostre ; deux autres, placées un peu plus en 
arrière, se dirigent à angle droit vers la face dorsale de l'animal. Ces 
pièces sont reliées entre elles par deux barres transversales en avant 
et deux pièces latérales, de manière que vu de champ le rostre se 
présente comme un sac porte-manteau à fermeture droite supé- 
rieure, aux angles supérieurs de laquelle seraient attachées deux 
pièces solides. 

Toutes ces pièces chitineuses sont enchâssées dans les muscles; 
elles n’ont rien de commun avec des membres modifiés; elles for- 
ment les points d’attache des muscles qui servent à mouvoir ce 
que je considère comme /a lèvre supérieure. 

Vue de côté, celle-ci se présente en effet souvent comme un fort 
crochet latéral articulé et placé sur une forte base renflée. Mais Lors- 
qu'on examine le rostre de champ, on voit que la lèvre est compo- 
sée d’une seule masse, épaissie sur le pourtour de son insertion, 

 tranchante sur le bord libre, qui est un peu recourbé en dedans et 
marqué au milieu par une forte rainure médiane, ou plutôt une 
échancrure qui divise la lèvre, en deux moitiés. La partie tranchante 
antérieure est articulée sur la base comme un chambranle, et lorsque 
la bouche se ferme, cette partie s’engrène avec les appendices posté- 
rieurs, comme les dents incisives d’un Scare ou d’un Coffre. 

| En arrière de cette lèvre, on voit deux appendices articulés, dont 
la signification mandibules, mâchoires ou pattes-mâchoires, ne pourra 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = T. VI. 4877. 26 


402 | CARL VOGT. 


être fixée que lorsqu'on aura suivi le développement de l'animal de- 
puis le Nauplius. Ce sont deux membres très-courts, infléchis en 
dedans, se croisant devant l’orifice buecal et dont le dernier article 
est terminé par deux courts crochets. On voit rarement ces deux 
appendices symétriques s’écarter ou se rapprocher; ils travaillent de 
concert contre la lèvre supérieure et, lorsque le rostre se retire, 1ls 
se replient de manière que la lèvre cache en partie leur bord libre. 

En dedans de ces deux membres et très-rapprochés de la ligne 
médiane, on voit deux séylets presque droits portés sur une base com- 
mune en forme de mamelon. La pointe de ces stylets est tournée 
vers la bouche ; ils se placent dans l’espace libre entre les deux man- 
dibules, mais leur position est tellement reculée vers l’intérieur de 
la cavité buccale, que je n'ai jamais pu les voir distinctement en 
examinant la femelle de profil. On peut les considérer comme les 
rudiments des méchowres ou pattes-mâchoires de la seconde paire qui 
existent chez le mâle. 

L'appareil buccal du Léposphile femelle est donc, suivant mes ob- 
servations, très-rudimentaire ; mais je crois qu’on pourrait facilement 
le déduire de la structure observée chez le mâle, tandis que la des- 
cription donnée par M. Hesse ne peut être mise en rapport avec cette 
structure semi-larvaire. 

Quant à la structure des différents organes de la femelle, nous de- 
vons dire que le «limbe transparent, qui entoure, suivant M. Hesse, 
le corps dans toute son étendue et sur tout son périmètre » et auquel 
M. Hesse attache une telle importance, qu’il le mentionne dans la 
caractéristique de la famille et du genre, n’est autre chose qu’une 
couche de mucosité durcie provenant du mucilage dans lequel vit le 
parasite. Gn n’a qu'à tenir ce dernier pendant quelques jours dans 
l’eau, pour voir disparaître ce limbe.…….. 

Les organes intérieurs sont difficiles à apercevoir. Le corps est peu 
transparent; les pigments jaunes ou couleur de rouille qui sont accu: | 
mulés dans le tissu sous-cutané, m'ont empêché de voir le système | 
nerveux et de suivre distinctement les faisceaux musculaires qui se ! 
rendent, depuis le milieu de la tête, vers les antennes et les organes 
buccaux. Dans le reste du corps, ce sont les œufs de couleur olivâtre 
foncée ainsi que le canal intestinal noir qui empêchent l’analyse mi- | 
Croscopique par transparence. | 

Le canal intestinal se laisse facilement apercevoir. Îl est rempli ordi: | 


. RECHERCHES COTIÈRES. 103 


nairement d'une substance sirupeuse noire, bien décrite par M. Hesse 
et sécrétée sans doute par des glandes noires qui forment des petites 
taches sur toute son étendue. Il s’élargit considérablement entre les 
expansions aliformes, présente une seconde ampoule beaucoup plus 
petite en arrière de ces expansions et se continue en ligne droite vers 
l'extrémité postérieure, où le rectum et l’anus présentent les dispo- 
sitions ordinaires. Les mouvements de pompe qu'il exerce sont con- 
tinuels et durent pendant toute la vie. Nous n'avons vu aucune trace 
de lobes du foie, pas plus ici que dans tous les autres Copépodes; 
mais les organes de la génération sont très-apparents. 

Les ovaures, en effet, sont contenus dans la partie élargie du corps 
et situés des deux côtés de l'intestin du côté dorsal. À mesure que les 
œufs se développent, des prolongements en chapelets, comme le dit 
fort bien M. Hesse, sont poussés par les tubes ovariens dans les expan- 
sions aliformes, qu’ils remplissent petit à petit presque entièrement, 
s'étendant encore des deux côtés de l'intestin vers la face ventrale, 
de manière à l’envelopper complétement. Arrivés à ce point de dé- 
veloppement, les œufs assez gros, de couleur olivâtre et entourés 
chacun d’une enveloppe résistante, forment deux masses aplaties en 
dedans, bombées en dehors, qui s'étendent encore jusque dans le 
premier article derrière l'élargissement et entourent, par leur extré- 
mité, le fond en cul-de-sac des réservoirs spermatiques. 

Depuis cette extrémité, un canal très-large, mais formé de parois 
très-minces et difficiles à apercevoir, l’oviducte, se rend obliquement 
vers la face dorsale à l’orifice génital situé dans le second article 
apparent de l'abdomen, où il s'ouvre en communauté avec la poche 
spermatique. 

Arrivées à maturité, ces masses d’œufs sont sans doute expulsées 
en entier, Car on trouve communément, dans l’écaille antérieure de 
la demeure du parasite, deux paquets d'œufs ovoïdes, bombés d’un 
côté, creux sur l’autre face et entourés par une large zone d’une 
mucosité transparente et assez résistante. 

Le vitellus est entièrement opaque, paraissant noir à la lumière 
transmise. je n’ai donc pu suivre le développement de l’œuf. Mais on 
trouve des Nauplius qui se détachent sous les yeux de l’observateur. 

Une seconde partie importante des organes génitaux est le réservorr 
Spermatique. On le trouve le mieux en se guidant sur les orifices 
génilaux. 

Ceux-là ne se trouvent point, comme l'indique M. Hesse, sans 


404 CARL VOGT. 


cependant les figurer, « à la base du dernier anneau thoracique », mais 
sur la face dorsale du cinquième anneau, en comptant depuis l’ex- 
trémité postérieure du corps, lequel est, pour M. Hesse, le deuxième 
et pour nous le quatrième anneau abdominal ou le septième segment 
du corps entier. En plaçant le foyer du microscope très-haut, de ma- 
nière à examiner la surface même du corps, on aperçoit dans l’angle 
entre les bords postérieur et dorsal de cet anneau, un échafaudage 
- chitineux très-fin, formant dans son ensemble un demi-cercle et 
constitué par plusieurs baguettes courbées, savoir, deux baguettes du 
côté dorsal, superposées, deux semblables, mais plus courtes, du côté 
ventral, et deux baguettes médianes posées en angle droit sur le 
demi-cercle formé par les quatre autres baguettes. C’est évidemment 
une charnière entourant l’orifice en fente qui, de cette manière, peut 
s'ouvrir avec des dimensions considérables. | 

Avec ces orifices situés, je le répète, sur la face dorsale et près de 
la ligne médiane, est en rapport le réservoir spermatique, dont la 
forme rappelle exactement celle d’une culotte courte. Deux canaux 
gros et courts, dans lesquels débouchent, près de l’orifice, les ovi- 
ductes, se rapprochent dans la ligne médiane et forment un sac à 
parois assez épaisses, ovalaire, arrondi au bout antérieur et terminé 
quelquefois en deux mamelons émoussés, témoins de la coalition 
primitive du sac par deux moitiés. 

Lorsque je trouvais pour la première fois cette poche avec ses deux 
conduits remplis de zoospermes.... je fus conduit naturellement à 
l’idée que le Léposphile était hermaphrodite. Je fus confirmé dans cette 
idée, par le fait que M. Hesse n'avait point trouvé de mâle et que je 
n'avais pas non plus réussi dans cette recherche. Comme je l’ai dit 
en parlant du mâle, les premiers individus trouvés de ce sexe avaient 
les testicules complétement vides et devaient ainsi me fortifier encore 
dans mon opinion. Je croyais donc avoir trouvé dans ces mâles vides 
des formes larvaires. Ce n’est que lorsque j'avais trouvé un mâle à 
organes générateurs pleins et que je m'étais convaincu de l'identité 
absolue des zoospermes qu'il contenait, avec ceux grouillant dans 
le réceptacle de la femelle, que je reconnus la signification véritable 
de cet organe. 

Il me reste à parler du Nauplius, qui se présente assez souvent sor- 
tant de l’œuf ou grouillant dans la mucosité qui enveloppe les coques 
vides. Son corps a la forme d’un ovale allongé, sans indication au- 
cune de divisions transversales. Le vitellus, d’une couleur d'olive 


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RECHERCHES COTIÈRES. 405 


brunâtre et contenant beaucoup de gouttes graisseuses, remplit le 
corps presque en entier et ne laisse reconnaître que la couche proto- 
plasmique qui tapisse à l’intérieur l’épiderme transparent et solide. 
Dans la partie antérieure se voit un œil de moyenne grandeur en 
forme de croix de Saint-André, c'est-à-dire composé de deux moitiés 
en forme de croissant et réunies par leur convexité. En arrière, se 
trouvent deux soies et sur les côtés les trois paires ordinaires d'ap- 
pendices, lesquels sont, comme M. Hesse a vu très-bien, uniramées 
pour la première paire et biramées pour les deux autres. Ces mem- 
bres, comme les soies qui les garnissent, ne sont guère allongés, aussi 
le Nauplius nage-t-il avec peu de vitesse... 

Nous ne pouvons cependant pas mettre en doute que le Nauplius 
quitte la demeure de ses parents pour se transporter sur d’autres 
poissons de la même espèce. Il est probable, comme cela résulte des 
observations relatées plus haut, qu'après s’être introduit dans le canal 
de la ligne latérale, il y subit encore plusieurs mues. Le mâle, évi- 
demment, n'a qu’une existence assez passagère vis-à-vis de celle de 
la femelle; il est probable qu’il meurt après l’accouplement, lequel 
sert, par le réceptacle spermatique, à féconder tous les œufs que 
produit successivement la femelle. 


CLASSIFICATION, 


M. Hesse s'attache à prouver que le Léposphile doit être placé à 
côté des Lernéidiens..….. 

M. Hesse ayant décrit et figuré le Nauplius du Léposphile, on au- 
rait cru qu'il serait impossible de mettre en doute qu’il n’appartint 
pas aux Copépodes. Nous lisons cependant dans l’ouvrage récent de 
M. P. Van Beneden, sur les commensaux et les parasites dans le règne 
animal, le curieux passage suivant : 

« Sur les côtes de la Bretagne, parmi les nombreux Labres qui se 
distinguent par la vivacité et la variété de leurs couleurs, se trouve 

une petite espèce (Labrus Cornubiensis), sur laquelle on voit com- 
munément un /sopode qui n’est pas moins curieux; il est habituelle- 
ment cramponné aux flancs de ce poisson, non loin de la tête, au 
fond d’une cavité creusée sous les écailles. Les naturalistes connais- 
sent ce curieux acolyte par les travaux de M. Hesse. Ce Leposphile, 
c'est le nom qu'on lui a donné, sans qu’il aime les écailles plus que 
les autres organes, se taille une loge dans les flancs de ce petit Labre 


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406 CARL VOGT. 


et s’y installe avec sa famille. On ne peut dire que c’est sans esprit 
de retour que le Léposphile a choisi ce refuge, puisque les deux sexes 
conservent leurs organes de locomotion. » 

Il est surprenant certainement combien les observations de 
M. Hesse, seules connues à l’époque où parut le livre de M. Van 
Beneden, ont été défigurées dans ce passage. Non content de faire un 
Isopode d’un animal se propageant par des Nauplius et rangé parmi 
les Lernéens par celui qui l’a découvert, M. Van Beneden conserve à 
la femelle, seule connue à cette époque et dépourvue de pattes, «ses 
organes de locomotion », tanüis qu'il en dote prophétiquement le 
mâle, que M. Hesse n'avait pas réussi à découvrir! 

On ne peut douter que notre animal appartient à la grande section 
des Copépodes parasites. À défaut d’autres caractères, la conforma- 
tion des Nauplius apporterait une preuve sans réplique pour cette 
assertion. Mais de quel groupe de ces Copépodes faut-il rapprocher 
notre Léposphile ? 

J'ai déjà fait remarquer qu'il est absolument impossible de se pro- 
noncer sur les affinités de beaucoup de Crustacés parasites, si l’on 
ne connaît pas les mâles. Il se trouve, il est vrai, des genres et des 
familles où le mâle ne diffère que peu de la femelle dans l’organisa- 
tion de ses membres, de ses appendices et dans les allures de son 
corps, tels par exemple les Caligus et les Lernanthropus; mais dans 
la plupart des cas, le corps des femelles est tellement déformé par le 
parasitisme prononcé de ces dernières, par la production des œufs 
et des organes incubateurs, que les formes primitives sont entière- 
ment effacées. Les antennes, les mâchoires, les pattes des femelles 
disparaissent ou sont transformées en des appendices inarticulés; 
les anneaux du corps s’effacent ou se confondent ensemble et less 
organes des sens, les yeux surtout, disparaissent complétement. Et il 
faut convenir que dans des espèces, très-rapprochées du reste les 
unes des autres, on trouve les déformations tellement discordantes, 
que seule la ressemblance des Nauplius et des mâles peut nous don: 
ner la clef des relations de parenté qui existent entre elles. Les. 
mâles, au contraire, conservent encore des membres bien conformés; 
des anneaux en général distincts, des organes des sens bien dévelop-" 
pés et, en montrant des caractères plus tranchés et plus rapprochés 
de ceux des formes larvaires, ils laissent apercevoir plus facilement 
les relations de parenté qui peuvent exister, soit avec d’autres para- 
sites, soit avec les genres ou familles voisines vivant en liberté. 


RECHERCHES COTIÈRES. 407 


Le Léposphile des Labres fournit un exemple frappant de ce que 
nous avançons. En considérant seulement la femelle, on pourrait 
être tenté de la rapprocher des Lernées, comme l’a fait M. Hesse, 
tout en convenant qu’un appareil buccal proboscidiforme entouré de 
pattes-mâchoires rudimentaires et auxiliaires ne suffit guère pour 
établir une parenté véritable, vu que tous les Siphonostomes sont 
plus ou moins dans ce cas, et que l’annulation complète de l’abdo- 
men éloigne le Léposphile considérablement des Lernées proprement 
dites. Mais les appendices si manifestement réduits ou effacés de la 
femelle ne peuvent conduire à une comparaison serrée, et il faut 
s'adresser au mâle à segmentation distincte et à membres développés, 
pour trouver la parenté du singulier genre qui nous occupe. 

En parcourant la longue liste des Copépodes parasites connus et en 
comparant soigneusement les descriptions et les dessins des mâles 
donnés par les auteurs, j'ai été agréablement surpris de trouver un 
Crustacé, ayant un habitat analogue, dont le mâle offre tous les traits 
caractéristiques du mâle de notre Léposphile, mais dont la femelle 
diffère considérablement. 

C’est le Phlahchthys Xiphiæ, qui habite les dilatations des canaux 
muqueux de la tête de l'Espadon (Xipluas gladius). M. Steenstrup 
avait le premier trouvé ce parasite, dont M. Bergsoe a fait une étude 
détaillée (Phzhichthys Xiphiæ. Monographisk Fremstillet of Y. Bergsoe, 
in-8°, Kjobenhavn, 1864, 1 pl.). Les Annales des Sciences naturelles, 
cinquième série, tome [, p.213 et 252, ont donné le résumé en latin 
de cet ouvrage et ont reproduit la planche gravée par M. Bergsoe 
même. Je donne ici la traduction de ce résumé de M. Bergsoe. 

« Le mâle est grêle, allongé, graduellement atténué en arrière. Le 
corps très-distinctement annelé, avec des anneaux libres et mobiles 
qui portent des antennes et des pieds de structure et de forme variées. 
Le céphalothorax est en forme de bouclier, indivis. L’abdomen a deux 
anneaux, dont le premier inerme, tandis que le second est armé en 
arrière de deux fortes épines. La queue a huit anneaux et devient 
plus mince vers la pointe; le dernier article porte deux appendices 
caudaux. Les téguments sont plus durs que ceux de la femelle et 
cornés. La bouche est fermée; l'anus distinct. La couleur, sauf une 
petite tache de couleur rouge entre les premières antennes, est ma- 
nifestement blanchâtre. Longueur constante : 4 millimètres. 

« Le céphalothoraz est faiblement convexe, formé d’un cône tron- 
qué ; sa longueur égale celle’ des trois articles suivants ensemble; 


108 CARL VOGIT. 


son bord antérieur tronqué, postérieur droit, côtés arrondis en avant, 
un peu sinueux en arrière; les angles de la base un peu avancés et 
tronqués. | 

« Les antennes de la première paire sont grêles, à six articles peu 
distincts, égalant en longueur à peu près la moitié du céphalothorax 
et posées sur le bord frontal. 

« Les antennes de la seconde paire sont manifestement biarticulées 
et préhensiles, à peine plus longues que celles de la première paire. 
Le premier article subconique, le second plus large et un peu plus 
long, armé de deux crochets courbes et grêles au bout. 

« Les pattes de la première paire sont grandes, sans articles, placées 
à la partie postérieure du céphalothorax sur les côtés et munies de 
deux forts crochets avec lesquels le mâle se cramponne à l’orifice 
génital de la femelle. 

«Les paltes de la seconde paire sont très-petites, biarticulées en 
forme de palpes. Le premier article est doublement plus long que le 
second, lequel est pointu et porte deux soies au sommet; la soie 
intérieure a deux fois la longueur de l’extérieure. 

« L’abdomen a deux anneaux et porte deux paires de pattes nata- 
toires. Le premier anneau abdominal est aussi large que la base du 
céphalothorax, mais trois fois plus court; son bord antérieur est au 
milieu, légèrement sinueux, le postérieur droit à bords arrondis. Le 
second anneau est plus étroit, mais d’un tiers plus long, avec des 
bords droits et les côtés presque droits. Ces derniers divergent un 
peu en arrière par une épine forte et mobile dont le sommet se 
recourbe en haut. 

« Les pattes abdominales de la première paire sont courtes, nata- 
toires, biramées. 

« La branche externe est à deux articles : le premier petit, muni 
d’une épine courte, maïs forte, le second trois fois plus long et armé 
de trois fortes épines et de quatre soies natatoires. 


« La branche interne est sans articles, plus grêle que l’extérieure, : 


garnie de deux épines et de cinq soies natatoires. 

« Les pattes abdominales de la seconde paire sont semblables aux 
précédentes quant à la forme. 

« La branche interne sans articles, plus mince que l’externe, garnie 
de trois épines longues et grêles et de deux soies natatoires. 

« Les épines des pattes abdominales, surtout les courtes, ont les 
bords en forme de scie. Les soies natatoires ont des fins eils. 


RECHERCHES COTIERES. 409 


« La queue a huit anneaux libres, distincts, diminuant vers l’extré- 
mité et dépourvus de pieds. Le quatrième anneau, à partir de la base, 
a de chaque côté une soie sensitive et le huitième des appendices 
terminaux. 

« L’anneau génital (premier segment caudal) est de moyenne gran- 
deur ou même petit, d’un cinquième plus étroit et d’un tiers plus 
court que le second anneau abdominal ; le bord antérieur droit, le 
postérieur arrondi, les côtés un peu divergents en arrière. La partie 
inférieure montre une aire membraneuse entourée par les bords plus 
durs du segment et qui porte l’orifice génital. 

« Le second anneau est presque aussi large que le précédent, mais 
quatre fois plus long, les côtés droits, divergents en avant, puis 
convergents subitement en arrière. 

« Le troisième, le quatrième et le cinquième anneau ont la même 
formé que le second. De l’angle postérieur du quatrième anneau 
part une soie sensitive assez longue, épaisse d’abord, puis présentant 
une tige hyaline grêle et finissant en une soie très-fine. 

«Le sirième et Le sephième anneau ont les côtés légèrement arrondis ; 
le sixième est un peu plus court et presque carré. 

« Le huifième anneau est un peu plus étroit que le septième, mais 
de longueur double ; il a les côtés un peu arrondis, le bord postérieur 
incisé et porte aux angles de sa base les appendices caudaux. 

« Les appendices caudaux sont longs, sans articles et portent à l'ex- 
trémité deux soies très-fortes et deux petites. 

« Le rudiment de la bouche est placé, si je ne me trompe, à la partie 
inférieure du céphalothorax entre les pattes-mâchoires de la seconde 
paire. 

« L'anus se trouve entre les appendices caudaux et perfore le som- 
met du huitième anneau caudal sous forme d’une fente longitudinale. 

« Les orifices génitaux sont fort petits, entourés d’un bord corné 
jaune et apparaissent au milieu d’une aire membraneuse blanchâtre. 

« Je n'ai point trouvé de capsules séminales en examinant le mâle 
peu de temps après l’accouplement. » 

J'ai tenu à donner cette description mot pour mot parce qu’elle 
correspond, abstraction faite de la manière de désigner les différentes 
parties du corps, aux détails que j’ai consignés pour le mâle du Lé- 
posphile. M. Bergsoe appelleten effet céphalothoraz le bouclier cépha- 
lique ou la tête; il désigne le thorax à deux articles sous le nom 
d’abdomen et l'abdomen sous le nom peu scientifique de queue 


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410 CARL VOGT. 


(cauda), à laquelle il ftrouve huit anneaux comme nous. Mais, sauf 
ces différences de dénomination, M. Bergsoe décrit les deux paires 
d'antennes, les deux paires de pattes-mâchoires (mandibules et mâ- 
choires) attachées au bouclier céphalique, ainsi que les deux paires 
de pattes natatoires, exactement comme nous, sauf des différences 
spécifiques, comme par exemple la structure de la seconde paire 
d'antennes, qui dans le Léposphile est plus puissante que la première, 
tandis que dans le Philichthys c’est le contraire. Le mâle des Phi- 
lichthys porte à la même place, comme celui des Léposphiles, les 
deux appendices recourbés, que M. Bergsoe appelle des épines, tan- 
dis que je les compare, à cause de leur aplatissement, à des ailes ru- 
dimentaires. La seule différence essentielle que je puis constater 
quant à cette partie antérieure dn corps, se rapporte à la constitu- 
tion de la bouche, que M. Bergsoe appelle rudimentaire, tandis que 
j'ai pu très-bien constater l’existence d’une lèvre supérieure. Les 
fouets, sensitifs probablement, placés à la base des antennes posté- 
rieures, ne sont pas non plus signalés par M. Bergsoe. 

Les différences sont plus grandes quant à la constitution de l’ab- 
domen. Je trouve une paire de pattes rudimentaires au premier 
article et l’orifice génital au second. M. Bergsoe voit l’orifice génital 
au premier article et une soie sensitive au quatrième. Sauf ces diffé- 
rences qui seront peut-être effacées par des observations ultérieures, 
le nombre des anneaux abdominaux ainsi que la structure du dernier 
anneau sont absolument identiques. 

Je me crois donc en droit de conclure que l’on rangerait les mâles 
du Léposphile et du Philichthys dans le même genre, en leur recon- 
naissant seulement des différences spécifiques, si on ne connaissait 
que les mâles. 

Mais les femelles sont tellement différentes, que l’on pourra bien 
conserver la distinction générique. 

Je ne traduirai pas ici #n extenso la description de la femelle telle 
que la donne M. Bergsoe; il suffira de dire qu'elle est distinctement 
annelée sur toute son étendue et porte, sur la tête comme sur le 
corps, une quantité d’appendices mous, inarticulés, de formes très- 
variées, qui la font ressembler aux femelles de certains Chondra- 
canthes. Suivant M. Bergsoe, il n’y a aucun rudiment d’appendices 
articulés ni à la tête, où le Léposphile femelle porte encore des an- 
tennes rudimentaires, ni à la bouche, où nous avons décrit quelques 
rudiments de mâchoires., En outre, la femelle du Philichthys porte 


RECHERCHES COTIÈRES. 411 


deux paquets d'œufs en forme de boudins, extérieurement entre les 
appendices, ce qui la rapproche des femelles du C'hondracanthus Zer, 
où les sacs ovigères sont placés aussi sous le ventre, entre les appen- 
dices non articulés. 

Il y a donc une différence notable entre les femelles des Philich- 
thys et du Léposphile, nonobstant la grande ressemblance des mâles. 
Chez les Léposphiles, les seuls vestiges des appendices latéraux nom- 
breux que montrent les femelles des Philichthys, sont constitués par 
les expansions latérales dans lesquelles sont logés les œufs. Tandis 
que chez le Léposphile femelle il existe encore des appendices tra- 
hissant la structure articulaire primitive, tout vestige de cette arti- 
culation a disparu chez les Philichthys. En revanche, l'articulation 
du corps est encore mieux conservée chez ce dernier, de sorte que la 
rétrogradation des appendices, due sans doute au parasitisme, est en 
partie rachetée par cette conservation de la segmentation. 

La comparaison entre les Philichthys et les Léposphiles apporte 
donc un puissant argument en faveur du principe énoncé plus haut, 
savoir qu’il faut examiner et comparer les mâles des Crustacés para- 
sites, lorsqu'il s’agit de déterminer leurs relations. 

Si, maintenant, enhardis par cette comparaison, nous recherchons 
les Crustacés qui pourraient être voisins des deux genres analysés, 
nous arrivons aux Colobomates signalés par M. Hesse en 1873 (Annales 
des sciences naturelles, cinquième série, vol. XVII, art. n° 44, 
pl. xx1v). M. Hesse a décrit deux femelles de ce curieux genre, l’une 
trouvée sur le Squale nez (Lamna cornubica), Yautre sur un Labre 
(Labrus Bergylta). I n’a eu, de chaque espèce, qu’un seul individu, 
ce qui explique suffisamment la description assez incomplète qu'il 
en donne... | 

Or, le Colobomate du Bergylta se trouvait absolument dans les 
mêmes conditions que le Philichthys, savoir dans un Conduit mu- 
queux élargi de la tête. M. Hesse, il est vrai, en reconnaît encore 
dans son article sur les Colobomates la vraie nature des canaux mu- 
queux de la tête et de leurs orifices, et tout en réparant l'erreur faite 
à propos du Léposphile, qu'il voit maintenant dans les écailles de la 
ligne latérale, tandis que dans son mémoire sur les Léposphiles il ne 
s'était pas encore rendu compte de cette disposition, M. Hesse paraît 
croire encore que le Colobomate se fore son trou dans la peau, et la 
multitude de trous qui se trouvent à la surface de la tête des Labres, 
lui semble prouver que ces parasites ne restent pas toujours à la 


412 CARL VOGT. 


même place. Les orifices des canaux muqueux placés sur la tête des 
Labres constitueraient donc autant de points d'attaque de l’infati- 
gable parasite. | 

Quoi qu'il en soit, il est facile à voir, par les descriptions de M. Hesse 
lui-même, que le Colobomatus Bergyltæ habite les canaux muqueux 
de la tête du Labre et on pourra en conclure que celui du Squale a 
le même habitat. Les femelles, en outre, tiennent, quant à leur forme 
générale et à celle des appendices de leur corps, le milieu entre les 
Léposphiles et les Philichthys. Elles ont trois paires d’appendices 
mous et non articulés à la partie moyenne du corps, des appendices 
élargis, mous également au front (peut-être les antennes modifiées) 
et deux appendices terminaux; le milieu de leur corps est élargi, 
comme chez le Léposphile, et c’est dans cet élargissement que se dé- 
veloppent les œufs; dans les environs de la bouche paraissent se trou- 
ver encore des membres chitineux comme chez ce dernier. Vu l’ha- 
bitat et la forme du corps avec ses appendices mous et non articulés, 
je me crois en droit de prétendre que ces femelles appartiennent au 
même groupe'que les genres étudiés par M. Bergsoe et moi, et que les 
mâles des Colobomates, si on les trouve un jour, auront une forme 
rapprochée des mâles des Léposphiles et des Philichthys. 

M. S. Richiardi a donné dernièrement (Atfi della Società Toscana 
de Scienze naturali, vol. IT, fasc. 2) un mémoire sur deux Crustacés 
habitant les canaux muqueux des poissons et qui se rapportent à la 
même famille que nos Léposphiles et Philichthys. L’une de ces espèces 
est rangée par M. Richiardi, dans le genre Philichthys même, sous 
le nom de Ph. Sciænæ. Le Crustacé à été trouvé sur la ligne latérale 
de la nageoire caudale du Maigre d'Europe (Sciæna umbra) dans des 
conditions identiques à celles de l'habitat du Léposphile, dans les 
voûtes des écailles, et M. Richiardi décrit très-exactement les deux 
sexes. La femelle ressemble beaucoup plus, dans ses formes, au 
Colobomatus de M. Hesse qu'au Philichthys Xiphiæ ; elle a, en effet, 
un corps élargi au milieu, trois paires d’appendices inarticulés sur 
les côtés, une paire d’appendices caudaux et une paire d’appendices 
frontaux. Mais elle diffère par sa forme plus ramassée, par un appen- 
dice frontal médian et par le port des ovisacs, lesquels sont, comme 
chez le Philichthys, portés entre les appendices postérieurs le long 
du corps. M. Richiardi voit, sur la femelle, des antennes très-petites, 
à deux articles et trois paires d’appendices fort rudimentaires autour 
de la bouche, ce qui diffère assez des descriptions données par 


RECHERCHES COTIÈRES. M3 


MM. Bergsoe, Hesse et moi pour les autres genres. Quant au mâle, 
M. Richiardi lui trouve, avec raison, une ressemblance étonnante 
avec celui du PA. Xiphiæ, et par conséquent aussi avec celui du Lé- 
posphile décrit par moi. C’est la même forme, le même nombre de 
segments avec les mêmes appendices dorsaux en forme d'ailes et la 
même disposition fondamentale des appendices buccaux, antennes et 
pattes. En y regardant de près, on trouve cependant des différences 
dignes d’être notées. Le mâle décrit par M. Richiardi a, en effet, les 
secondes antennes plus grosses et des pattes rudimentaires au pre- 
mier article abdominal comme le Léposphile ; mais cette patte rudi- 
mentaire, qui fait défaut au PA. Xiphiæ, ne porte qu’une soie chez le 
Ph. Sciænæ, tandis que dans le Léposphile, elie en porte trois. M. Ri- 
chiardi signale en outre trois paires de pattes-mâchoires autour de la 
bouche, tandis que nous ne trouvons, M. Bergsoe et moi, que deux 
paires chez nos espèces. Ces pattes-mâchoires diffèrent du reste, pour 
la forme, de celles signalées par nous, la seconde paire de ces appen- 
dices portant deux soies au sommet, tandis que dans lespèce de 
M. Richiardi, toutes les trois paires sont à simples crochets. M. Ri- 
chiardi ne fait pas mention de l'œil ni chez le mâle, ni chez la 


femelle; il doit donc manquer, car si cet organe avait seulement 


l'éclat de celui de la femelle du Léposphile, il n'aurait certes pas 
échappé à un observateur aussi consciencieux. 
Le second Crustacé mucicole décrit par M. Richiardi est appelé 


par lui Sphærifer cornutus et trouvé dans les canaux mucipares de la 


tête du Maigre (Sciæna aquila) ainsi que du Corb (Corvina nigra). 
M. Richiardi identifie avec raison ce Crustacé, dont il n’a pas encore 
trouvé le mâle, avec le Sphærosoma Corvinæ, décrit d’une manière 
très-incomplète par M. Leydig {Archiwv für Naturgeschichte von 
Troschel, XVIe Iahrg. vol. [, 4851, p. 259). Le nom donné par 
M. Leydig devrait être changé, comme faisant double emploi avee 
un genre de Coléoptères. 

La forme de la femelle diffère entièrement de celle des autres mu- 
cicoles. Une fort petite tête à peine marquée en forme de bwwu#on, 
un cou long inarticulé, une partie sphérique moyenne dont pærtent 
deux longs appendices mous en forme de sabre et cinq articles abdo- 
minaux dont le dernier est muni de deux longs appendices, consti- 
tuent cet être singulier, qui porte ses ovisacs presque globulaires 
attachés aux orifices génitaux du second article abdominal, donc 
exactement à la même place où se trouvent, chez le Léposphile, les 


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. 


A4 CARL VOGT. 


organes génitaux. L'animal à un œil rouge, suivant Leydig. M. Ri- 
chiardi décrit les membres attachés à la tête : deux paires d'antennes, 
dont la première à trois articles et à soies terminales, tandis que la 
seconde porte une pince terminale ; il dessine la lèvre supérieure et 
trois paires de pattes-mâchoires : la première palpiforme, la seconde 
plus interne, avec des petites dents formant une scie, et la troisième 
externe très-grande, avec de formidables erochets au bout. Cette 
dernière paire d'appendices, déjà décrits par Leydig, donne aux 
organes buccaux un caractère tout à fait particulier. 

Il y à loin de cette conformation bien développée à l'extrême ré- 
duction dans laquelle se trouvent ces mêmes appendices chez les 
autres femelles mucicoles. Mais, même en faisant abstraction de l'or- 
ganisation des femelles, il me semble difficile de réduire ces appen- 
dices sur ceux que portent les mâles. On retrouverait, il est vrai, le 
même nombre de paires chez le Philichthys Sciænæ, mais quelle dif- 
férence dans le développement des différentes paires,- dans les 
secondes antennes et surtout dans la dernière paire des pattes- 
mâchoires ! 

51 donc, malgré ces différences, le Sphærifer devait être rapproché . 
des autres mucicoles, 11 faudrait attendre de l'examen du mâle, in- 
connu jusqu’à présent, la solution des énigmes que nous pose l’or- 
ganisation des organes buccaux de la femelle. 

En résumant ses descriptions, M. Bergsoe s'exprime en ces termes: 
« Le Philichthys Xiphiæ est un Crustacé parasite appartenant à la 
section des Copépodes. Il ne vit pas, comme les autres Copépodes, 
attaché à son hôte, mais il habite en liberté les canaux dilatés de sa 
tête. De 1à sa peau molle, la réduction de ses membres articulés et 
de son canal alimentaire, de là l'œil indistinct. Différent par ces ca- 
ractères et par la forme singulière du mâle de toutes les familles de 
Copépodes parasites connus jusqu’à présent, il constitue une nouvelle 
famille, qui contiendra des genres adaptés et accommodés d’une manière 
semblable pour habiter les canaux muqueux des poissons.» 

M. Richiardi dit en terminant : « Heller met le Philichthys dans la 
famille des Chondracanthes, mais il me semble que ce rapproche- 
ment n’est nullement naturel; il est vrai que le corps des uns comme 
des autres est généralement muni d’appendices inarticulés, et ce 
caractère constituerait une affinité entre eux; mais l'existence de 
prolongements cylindriques ou foliacés est très-commune chez les 
Crustacés parasites inférieurs, et cette particularité ne peut avoir, 


RECHERCHES COTIÈRES. | 5 


par conséquent, une grande importance. Pour rechercher les affinités 
de la plupart de ces Crustacés, on ne doit pas seulement tenir compte 
de l’un des sexes, mais de tous les deux, et dans ce cas les mâles des 
Philichthys, qui conservent presque tous les caractères des Crustacés 
libres et subissent peu de changements vis-à-vis de ceux des Chon- 
dracanthes, donnent aux espèces une telle supériorité incontestable, 
qu'ils ne peuvent être placés avec ceux-ci dans la même famille, mais 
doivent en constiluer une à part, dans laquelle trouveront place proba- 
blement toutes les espèces qui vivent dans les sinus el canaux dits muci- 
pares des poissons. » 

Nous sommes parfaitement d'accord avec ces deux auteurs et nous 
proposons la famille des Phiichthydes dénommée d’après le genre le 
plus anciennement connu. 

Dans cette famille prendraient place les Phiichthys Xiphiæ et 
Scienæ, avec cette réserve cependant que, pour cette dernière espèce, 
il faudra probablement créer un genre nouveau, les Léposphiles, les 
deux espèces de Colobomates et le Sphærifer cornutus, tous habitant 
les canaux dits mucipares des poissons. Nous devons réserver quel- 
ques doutes vis-à-vis des deux genres Colobomatus et Sphærifer, 
dont les mâles ne sont pas encore connus. 

Nous pouvons donc caractériser la famille des Phihchthydes comme 
suit : | 

Mûles distinctement articulés, portant deux paires d'antennes, deux 
paires de pattes-mâchoires, dont la première transformée en crochets 
puissants et deux paires de pattes natatoires biramées. Appendices 
cutanés dorsaux au deuxième article thoracique. Quelquefois une 
paire de pattes abdominales rudimentaires. 

Femelles plus ou moins articulées, dépourvues de membres loco- 
moteurs articulés, mais munies souvent d’appendices latéraux mous 
et non articulés. Antennes et pièces buccales plus ou moins rudi- 
mentaires. | 


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LR ET LL EL 


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“. 


416 CARL VOGT. 


PREMIÈRE SECTION 
DE LA FAMILLE DES LERNÆOPODIDES. 


GENRE BRACHIELLA. 


Ce genre, établi par Cuvier dans son Æ#eègne animal, vol. I, est 
rangé par Milne-Edwards (Hist. nat. des Crustacés, vol. HI, p. 492 
et 512) dans la famille des Lernéopodiens, caractérisée par les 
femelles fixées sur leur proie à l’aide d’une paire d’appendices tho- 
raciques brachiformes très-grands et réunis entre eux vers le bout. 
Les Brachielles appartiennent avec les genres Achtheres, Basanistes, 
Tracheliastes et Lernæpoda à la section de cette famille ayant des 
bras très-longs, et se distinguent des Lernéopodes par uné tête allon- 
gée, tandis qu'elles ont en commun avec ce genre le manque d’ap- 
pendices à la base des bras et les pattes-mâchoires postérieures pla- 
cées très-près des antérieures. 

M. Nordmann (Wikrographische Beitrage, Meft IF, p. 90 et suiv.) a 
étudié très en détail la Brachielle du Thon (Pr. Thynni Cuv.), l’es- 
pèce connue par Cuvier, celle de l'Égrefin, nommée par lui Br. impu- 
dica, une autre très-voisine, Br. bispinosa, provenant aussi proba- 
blement d’un Gadoïde, et il a mentionné une quatrième espèce, 
Br. malleus, trouvée à Rimini, par Rudolphi, dans la bouche d’une 
Forpille marbrée. Il caractérise cette espèce par la forme de son 
abdomen sans appendices, qui est étroit en avant et s’élargit en 
arrière de manière à ressembler à un cône renversé. Les bras, longs 
et réunis au bout, portent au-devant de l'organe cartilagineux un 
disque rond par lequel ils sont réunis. Les épines postérieures des 
autres espèces manquent, suivant Nordmann. Le mâle, profondé- 
ment enfoncé dans une ouverture vaginale, ne pouvait être extrait 
sans mutilation. 

Ce sont là, si je ne me trompe, toutes les données que nous pos- 
sédons jusqu'à présent sur le Brachiella malleus. 

J'ai trouvé, le 25 juin 1876, un assez grand nombre d'exemplaires 
de cette espèce dans la cavité buccale d'une grande Torpille marbrée, 
pêchée à Roscoff et que mon ami, M. de Lacaze-Duthiers, avait mise 
à ma disposition avec sa complaisance habituelle. Je n'ai pu les con- 


RECHERCHES COTIÈRES. MT 
server en vie que pendant quelques jours, mais J'ai cherché à com- 
pléter l'étude par des préparations faites au moyen de la potasse 
caustique bouillante, qui éclaireit en quelques minutes les corps en 
détruisant toutes les matières organiques, sauf les organes chitineux. 
C'est un moyen excellent pour étudier ies appendices des Crustacés 
inférieurs et qu'on ne devrait jamais négliger. 


BRACHIELLA MALLEUS (RUDOLPII) 


MALE. 


M. Nordmann a trouvé, le premier, les mâles des Brachielles impu- 
diques fixés sur les orifices génitaux des femelles, mais quelquefois 
aussi sur les bras ou sur les sacs ovigères. Je ne les ai Jamais rencon- 
trés qu'à l’orifice femelle et n’en ai point vu sur les femelles jeunes 
qui ne portaient pas encore des sacs ovigères. 

On ne peut indiquer d’une manière exacte la taille du mâle, puis- 
qu'il est toujours courbé plus ou moins en arc de cercle ; en s'éten- 
dant, il peut arriver à une longueur de 2 millimètres. Il ne se détache 
pas facilement pendant la vie ; cependant il ne tient point avec autant 
de ténacité que les mâles des Chondracanthes, qu'on trouve même 
attachés encore après une cuisson prolongée dans la potasse. 

On peut considérer le corps du mâle comme composé de deux 
parties : une antérieure plus large et plus grosse indivise, mais qui 
montre l'indication d'une division en deux segments, et une posté- 
rieure plus allongée, nettement divisée en deux segments qui dimi- 
nuent successivement de largeur. Le dernier segment porte deux 
appendices caudaux assez longs et courbés en forme de sabre. 

La partie antérieure, que nous nommerons la tête, porte les an- 
tennes et l’appareil buccal ; les deux anneaux suivants sont munis 
chacun d’une paire de pattes très-volumineuses et préhensiles, 
l’'avant-dernier segment montre un petit appendice qui porte l’orifice 
sexuel et doit être considéré comme pénis. 

La tête est plus renflée en arrière, diminuant vers l’extrémité an- 
térieure, qui se montre légèrement arrondie lorsqu'on voit le mâle 
d'en face. Dans la vue de profil, elle a la forme d’une poire dont le 
contour dorsal est convexe et présente un léger angle sortant environ 
au milieu de sa longueur, tandis que le contour ventral montre en 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, = T. VI. 1877, 27 


418 CARL VOGT. 


arrière un pli rentrant. Une ligne transversale et oblique se porte de 
l’angle dorsal vers ce pli et sépare ainsi la tête en deux comparti- 
ments, dont le postérieur contient les testicules. 

Sur la face ventrale de la tête sont placées, dans un enfoncement 
bordé de lignes chitineuses, les antennes antérieures où internes, for- 
mées de trois articles qui diminuent d'épaisseur et dont les deux 
derniers sont garnis de quelques épines courtes. J’ai compté trois 
épines placées à l'extrémité et une fixée sur l'extrémité antérieure du 
second article. En tout, l’antenne «n’a guère le quart de la longueur 
totale de la tête. 

On remarque, lorsqu'on examine l’animal placé sur le dos, une 
sorte de chambranle à bord postérieur libre et arrondi entre. les 
racines des deux antennes. Est-ce la levre supérieure? On ne peut en 
douter, lorsqu'on considère que cette lamelle impairé et mobile 
couvre l’entrée du rostre à l’œsophage et que son pourtour est garni 
de fins poils microscopiques. 

Immédiatement derrière les antennes est placé le rostre avec deux 
paires d’appendices latérales. 

Le rostre a, dans son état d'extension la plus grande, environ la 
moitié de la longueur de la tête. C’est un cylindre creux, attaché 
sous la lèvre supérieure, où l’on voit distinctement, dans les prépa- 
rations faites à la potasse caustique, lé Comméncement de sa cavité 
qui est protégée des deux côtés par deux forts bâtonnets chitineux 
longitudinaux. Il est manifestement composé de deux parties : une 
supérieure, laquelle, vue de profil, se présente comme une pièce 
courbée ayant quelques soies au bout, et une inférieure plus large, 
creusée en gouttière profonde. Ces deux parties se séparent seule- 
ment au dernier tiers dé la longueur où se voit une espèce d’articu- 
lation, marquée par un sillon circulaire et entourée d’une multitude 
de petites pièces chitineuses encastrées dans l'enveloppe. L’extrémité 
de la partie inférieure du rostre est garnie par une fine membrane 
chitinéuse semblable à un voile circulaire et protégée, à la base, par 
une Couronne de poils courts et roides, moins fins que ceux qui gar- 
nissent le bord de la lèvre supérieure. 

On voit rentrer et sortir le rostre pendant la vie et on aperçoit 
aisément des grands faisceaux musculaires partant du diaphragme 
céphalique mentionné plus haut, qui mettent en mouvement l’appa- 
reil dans son ensemble. On peut se convaincre alors qu’en rentrant 
le rostre s’invagine dans le commencement de l’æsophage, qui pré- 


RECHERCHES COTIÈRES. 419 


sente alors des élargissements contournés semblables à un pharynx 
globuleux. 

Nous disions que des deux côtés du rostre étaient attachées deux 
paires d’appendices. 

La première de ces paires représente, sans doute, les anlennes pos- 
lérieures où externes et résulte de la transformation de la seconde 
paire d’appendices du Nauplius, dont l’article basilaire s'est seul con- 
servé. Ces antennes postérieures ont en effet la forme de deux masses 
épaisses arrondies, un peu aplaties, soutenues par de fortes côtes 
chitineuses et qui portent à leur extrémité libre une sorte de pinces 
très-courtes, mais fortes, constituées par deux crochets Courbes dont 
la pointe est tournée en dehors. Le crochet intérieur, plus long, est 
simple, le erochet extérieur a une petite saillie à la base. Dans la vue 
de profil, ces appendices masquent entièrement le rostre lorsqu'il 
n’est pas parfaitement développé. 

En arrière de ces grosses masses, se trouvent deux appendices 
allongés, minces, à trois articles, ayant une petite branche interne à 
l'extrémité du second article et terminés par deux soies assez fines. 
Ces appendices sont placés très-profondément, presque sous l’ex- 
trémité libre du rostre, auquel ïls sont attachés par leur base. 
Nous pouvons les appeler les pa/pes, sans préjudice de leur signifi- 
cation. 

Je n'ai pas vu, dans l'intérieur du rostre, des pièces chitineüses 
semblables à celles que j'ai rencontrées dans le rostre de la femelle 
des Anchorelles. 

Les deux articles suivants, que nous appellerons les segments tho- 
raciques, portent chacun une paire de pattes ancreuses très-diffé- 
rentes quant à la forme. 

La première paire de pattes ancreuses est insérée au bord antérieur 
de son segment. Soutenue par une tige arrondie, chacune de ces 
pattes présente un seul article pyriforme, rempli de faisceaux mus- 
culaires très-puissants qui se rendent en Convergeant vers l'extrémité 
libre de l’article. Là est articulé un très-fort crochet dont la pointe 
est tournée en dedans de manière à pouvoir se fermer sur un rebord 


chitineux interne immobile. Vues de face, ces pattes ancreuses se 


montrent réunies au milieu par une forte pièce chitineuse transver- 
sale, tandis qu’à la base d’autres bâtons chitineux les lient à l’article 
même. Le jeu de ces pattes est donc très-borné ; mais, vu l'extrême 
solidité de toutes les pièces 'chitineuses et la forte constitution des 


420 CARL VOGT. 


parties musculaires, les pinces constituées par les crochets doivent 
serrer et retenir l'animal avec une force considérable. 

La seconde paire de pattes ancreuses est encore plussolide..…... chacune 
de ces pattes semble composée de deux parties parallèles formant un 
corps antérieur plus épais et arrondi et une expansion postérieure 
plus transparente dans laquelle courent des faisceaux musculaires 
parallèles qui sè rattachent à la face dorsale du segment. L'article 
libre de la patte ressemble, dans cette position, si bien à un peloton 
globulaire fortement chitinisé, que je pouvais croire, au premier mo- 
ment, que les deux pattes étaient réunies ensemble au bout d’une 
manière semblable aux bras réunis de la femelle. Mais l'examen de la 
face ventrale dissipa bientôt cette erreur d'optique... On voit alors 
que l’article terminal libre a presque la figure d’une semelle humaine, 
arrondie en arrière comme un talon, élargie en avant et portant ici 
une petite pince formée par un crochet épais et mobile extérieur et 
une éminence intérieure en forme de massue. L'échafaudage chiti- 
neux de la base de ces pattes est extrêmement fort et on y remarque 
surtout deux colonnes droites qui se portent en arrière et arrivent 
jusqu’au bord postérieur du segment suivant. 

Le premier segment abdominal, renflé en arrière comme le second 
segment thoracique, ne porte point d’appendices. 

Le second segment abdomainal, plus allongé que le premier, est sur- 
tout renflé vers sa face abdominale et porte ici un petit appendice en 
forme de mamelon mou, qui représente le pénis. 

Le troisième segment abdominal, très-court, conique, à extrémité 
arrondie, porte deux appendices mous, en forme de sabre, entre les 
bases desquels se trouve l’orifice anal. 

Quant à l’organisation anatomique, j'ai pu très-bien suivre le canal 
intestinal et le système générateur, et J'ai indiqué, en outre, dans 
mon dessin, la disposition des principaux faisceaux musculaires. Les 
autres organes ne se sont pas montrés avec assez de netteté et l'étude 
ne pouvait être poussée plus loin à cause de la prompte mort du 
petit nombre d'exemplaires que j'avais à ma disposition. Une masse 
grenue peu transparente, quise trouvait derrière l’antenne et au-dessus 
de l’œsophage, contient, sans doute, le système nerveux central, que 
je n’ai réussi à définir éxactement,; je puis affirmer seulement que le 
Brachiella mâle n’a point d'œil et que cet organe, si visible cependant 
dans les mâles des Chondracanthes, fait ici absolument défaut. Il man- 
que, du reste, non-seulement aux femelles, mais aussi au Nauplius..… 


tt tt ed à mn 


RECHERCHES COTIÈRES. 491 


On suit, en revanche, très-bien l'intestin, qui dans son cours imite 
la courbure générale du corps. Derrière le rostre, on voit la partie 
élargie de l’æœsophage, dans laquelle Ie rostre peut rentrer et à laquelle 
fait suite une partie étroite qui s'ouvre dans l'estomac élargi, lequel 
en diminuant de volume se continue vers la partie postérieure. Les 
parois de l’estomac, boursouflées en petits cœcums très-courts el 
mamelonnés, présentent un aspect presque floconneux, dû évidem- 
ment au développement des glandes qui tapissent leur face interne. 
L'intestin contient des substances granuleuses et exécute les mouve- 
ments de pompe habituels aux Copépodes. 

Les organes génitaux commencent par deux testicules faisant suite 
l’un à l’autre, de forme globuleuse et occupant, avec ceux de l’autre 
côté, toute la partie dorsale du compartiment postérieur de la tête 


‘au-dessus de l'intestin. Je n'ai pu suivre avec exactitude les canaux 


déférents dans le premier segment thoracique ; ils étaient évidemment 
vides et imperceptibles sur l'intestin opaque ; mais ils reparaissaient, 
sur la face ventrale de l'intestin, dans le second segment thoracique, 
sous forme d’un Canal droit, et s’élargissaient, dans le premier article 
abdominal, en une ampoule peu considérable, à parois épaisses et 
placée sur le côté de l'intestin. De cette ampoule, le canal déférent 
forme à l'extrémité postérieure du segment un crochet et aboutit, 
dans le troisième segment abdominal, en une large ampoule réni- 
forme à parois très-épaisses, qui est sans doute le réservoir des sper- 
matophores. Dans mes exemplaires, toutes ces parties étaient entiè- 
rement vides ; le mâle avait évidemment déjà fécondé les œufs, et 
l'aspect grenu des testicules démontrait qu’une nouvelle fournée de 
zoospermes était en préparation. Le réservoir du côté gauche avançait 
avec son extrémité arrondie Jusqu’au bord du segment, en corres- 
pondance avec le pénis déjà mentionné, dont je ne pouvais voir, du 
reste, la perforation. 


LL} . L] . . , L2 L L2 L L L1 L1 . LL L L e . LL 


FEMELLE, 


La femelle est accrochée, solidement, par une paire d’appendices 
réunis en forme de bras, au tissu de la muqueuse buccale, laquelle 
présente, à l’endroit de fixation, une intumescence blanchâtre. Sa 
longueur varie considérablement, de 5 millimètres à 140 millimètres, 


422 CARL VOGT. 


en mesurant séparément les deux moitiés repliées sur elles-mêmes. 
Les sacs ovigères également varient beaucoup; j'en ai trouvé qui 
mesuraient autant en longueur que l’animal sur lequel ils étaient 
fixés, tandis que d’autres montraient la forme d’un sac court et 
arrondi, 

On peut distinguer, dans Ja femelle, deux parties : la partie anté- 
rieure, portant les appendices articulés, y compris les bras, et la par- 
tie postérieure, ayant la forme d’une pyramide allongée et aplatie. 
La partie antérieure est très-mobile dans tous les sens, tandis que la 
partie postérieure montre à peine quelques faibles contractions. En 
le mettant sur le porte-objet, l'animal se place invariablement la par- 
tie antérieure renversée en arrière, faisant la Continuation des bras 
et se montrant de profil, tandis que la partie postérieure se place de 
champ, montrant la face dorsale ou ventrale. Les faces dorsale et 
ventrale étant parfaitement désignées par l’emplacement des appen- 
dices, la partie antérieure de l’animal est donc tordue, dans la posi- 
tion où on le voit toujours, de 90 degrés autour de l'axe. 

La partie antérieure est'toute d’une venue, cylindrique ou plutôt 
en massue légèrement renflée en avant. On remarque cependant, en 
arrière de la première paire de pattes ancreuses et correspondant à 
la base de celles-ci, un faible resserrement indiquant une séparation 
segmentaire, La tête, abstraction faite du renflement dû aux pattes 
ancreuses, se termine en mamelon arrondi et porte à son extrémité 
même l'appareil buceal avec les appendices qui l'entourent, 

Ce qui frappe d’abord, ce sont deux appendices très-forts en lames 
aplaties et arrondies, qui s'appliquent des deux côtés sur le rostre et 
cachent entièrement les parties qu'ils protégent. On ne peut mieux 
les comparer qu'aux abat-jour que l’on met aux chevaux, Leur bord 
antérieur et presque tranchant, garni d’une forte bordure chitineuse, 
montre une incision courbe, rappelant la constitution en pince des 
organes correspondants du mâle. Ils sont articulés, en arrière, sur un 
article pyramidal très-épais, garni de fortes pièces chitineuses et cette 
charpente se continue encore-en arrière sur les côtés du corps. Lors- 
qu'on les regarde dans la position où l'animal montre la face ven- 
trale, on aperçoit sur le bord postérieur, mais à la face interne de 
l’appendice, une courte branche épaisse portant une petite épine. 

Par leur position comme par leur forme, cependant un peu modi- 
fiée, ces appendices correspondent aux antennes postérieures où exté- 


RE 


RECHERCHES COTIÈRES. 423 


rèeures du mâle, Ils sont plus aplalis, mais ils conservent encore la 
tendance de former une pince. 

En dedans et un peu en dessus, vers la face dorsale, sont placées 

les antennes antérieures ou 2nternes. Elles sont formées de deux parties 
distinctes : l’une, supérieure et réunie à la base de l’antenne, présente 
une lamelle très-transparente en forme de pouce; placée sur la face 
dorsale du rostre, elle ne montre aucune trace d’articulation ; la 
branche inférieure de l’antenne est composée de trois articles, dont 
le dernier porte quelques poils au bout; cette branche se dirige obli- 
quement en bas et se trouve si bien enchâssée entre le chambranle 
de l’antenne extérieure et le rostre, que je ne réussissais, pendant la 
vie, qu'à voir son extrémité, qui dépassait un peu le bord du cham- 
branle. La potasse, en rendant transparente l’antenne extérieure, fai- 
sait aussi apercevoir les contours de cette branche. 
. La lamelle basale transparente manque chez le mâle; l’autre 
branche à trois articles est plus développée chez ce dernier et la posi- 
tion de l’organe entier est différente. L’antenne interne de la femelle 
a glissé sur les côtés du rostre et se trouve ainsi en dedans de l’an- 
tenne externe, qui la couvre presque entièrement, tandis que chez le 
mâle elle est placée en avant et par suite aussi, en dehors de l’antenne 
externe. 

Je n’ai pu apercevoir, chez la femelle, la lèvre supérieure... 

Le rostre est beaucoup plus court que chez le mâle et toujours 
dirigé en avant, tandis que chez le mâle il s'applique plutôt sur la 
face ventrale en arrière, En le voyant de côté, il est presque entière- 
ment couvert par l’antenne externe; en plaçant l’animal sur le dos, 
on voit que son orifice circulaire est entouré sur les trois quarts pos- 
térieurs de sa circonférence par une lamelle chitineuse à plis rayon- 
nants, lesquels finissent en courts poils roides. Cette lamelle circu- 
laire est incomplète en avant et en haut, elle est remplacée sur cette 
partie par un fort bâton chitineux courbé, qui se continue sur les 
bords du rostre et montre, vers la ligne médiane, comme deux petits 
crochets qui se rencontrent... 

Le rostre est entouré, à sa base, par une ceinture de bâtons chiti- 
neux eourbés et l’échafaudage se continue encore, en arrière, par 
d’autres pièces, dont les postérieures, droites, sont placées le long de 
la ligne médiane, | 

À la base du rostre et très-rapprochés de la ligne médiane, se 
trouvent les palpes, beaucoup plus développés chez la femelle que 


424 CARL VOGT. 


chez le mâle. Ils portent à la base une branche qui se dirige en dehors, 
se termine par deux épines un peu courbées en angle, et porte en 
avant et sur la face dorsale encore une épine à étages superposés. La 
branche principale s’applique sur le rostre même, elle est à deux ar- 
ticles et le dernier article porte plusieurs épines avec une large soie 
courbée, pour la forme desquelles je renvoie au dessin. 

On retrouve donc, sur la bouche de la femelle, toutes les pièces, 
sauf la lèvre supérieure, que nous ‘avons signalée chez le mâle, avec 
des modifications dans la forme comme dans la position, mais qui 
laissent aisément déterminer les homologies. 

Il en est de même pour les autres parties. 

La première parre* de pattes ancreuses est allongée et placée près 
de la bouche. En s'étendant, les crochets dont elle est armée peuvent 
atteindre jusqu’à l’orifice du rostre, mais, dans la position ordinaire, 
l'animal porte toujours ces membres repliés et croisés sous le ventre. 
À la base, ces pattes sont confondues ensemble par un échafaudage 
chitimeux très-considérable, qui se termine par des pièces transverses. 
De cette partie confondue s'élèvent les premiers articles allongés et 
articulés, par un ginglyme très-compliqué, et sous un angle aigu, 
avec l’article terminal, qui s’amincit graduellement et se termine par 
un fort crochet courbé, ayant une petite éminence à sa base. Ces 
pattes... correspondent à la seconde paire de pattes ancreuses 
du mâle. 

Les bras, qui résultent sans doute de la transformation de la pre- 
mière paire de pattes ancreuses du mâle, et qui, dans la larve, sont 
placés en avant de la paire précédente, sont fixés, chez la femelle, 
bien en arrière, sur la courbure que présente toujours le corps avec la 
partie antérieure. Ge sont deux cônes chitineux creux très-allongés, 
parcourus dans leur intérieur par de forts muscles rétracteurs longi- 
tudinaux, et munis, en outre, de muscles circulaires transverses. Ils 
s’allongent, se courbent, se contractent dans tous les sens. Dévelop- 
pés, ils ont à peu près la même longueur que la partie antérieure de 


1 Je les désigne ici et dans les descriptions suivantes comme première paire 
d’après la position qu’e:les occupent dans l'animal adulte. Morphologiquement et 
suivant les observations de Claus sur Achtheres et de Steenstrup et Lutken sur Ler- 
næopoda, ce sont les pattes de la seconde paire qui ne gardent leur place larvaire 
que dans Tracheliastes, mais qui dans les autres genres glissent, pendant la période 
larvaire, en avant et viennent se placer près de la bouche. Je leur donne, du reste, 
dans les figures, les lettres qui correspondent morphologiquement à celles employées 
chez le mâle. 


RECHERCHES COTIÈRES. 4925 


l'animal. A leur extrémité, amincie, ils sont réunis ensemble par un 
renflement élargi, sur lequel est posé, par un col assez étroit, un go- 
det évasé. Toutes ces parties sont constituées par des masses chiti- 
neuses très-épaisses, qui se clarifient à peine par l’action de la po- 
tasse. Le godet est fixé, comme une ventouse, sur le périoste des os 
qui entourent la cavité buccale, et la membrane muqueuse est serrée 
autour de la tige du godet, de manière que le disque rougeûtre se pré- 
sente comme un bouton placé sur la muqueuse, qui paraît un peu 
injectée el gonflée. 

La partie abdominale de la femelle a, comme nous l'avons déjà dit, 
la forme d’une pyramide aplatie, dont le sommet tronqué est tourné 
en avant. On remarque, sur la partie étroite, deux lignes transver- 
sales indiquant une séparation en segments, tandis que la moitié élar- 
gie en arrière ne présente aucune trace de segmentation et se montre 
toute d’une venue. C’est dans cette partie non segmentée que sont situés 
les ovaires. A l'extrémité postérieure du corps se voient, des deux côtés 
de l’anus médian, deux courts appendices plats et pointus, qui s'ap- 
pliquent sur les ovisacs et ont probablement échappé, pour cette 
cause, à l'investigation de M. Nordmann. A la base de ces appendices 
se.trouvent les orifices génitaux, protégés, comme toujours, par un 
échafaudage chitineux assez compliqué. | 

Les ovisacs sont simples ; les œufs s’y trouvent entassés sans ordre 
apparent... 

Aucune des femelles à ma disposition n'avait des Nauplius dans ces 
ovisacs. Mais il y en avait une chez laquelle les œufs étaient assez dé- 
veloppés pour pouvoir s'assurer que le corps du Nauplius, rempli, du 
reste, par ‘un vitellus grenu, mais sans grandes vésicules huileuses, - 
était presque rond, seulement un peu allongé dans l'axe longitudinal, 
qu'il portait les deux paires de membres habituels, la première à une 
branche et à soies très-longues, l’autre suivante biramée, et qu’il 
avait, en outre, un court appendice caudal, replié sous le ventre et 
terminé par deux forts stylets. Ce qui m’a frappé dans ces Nauplius, 
c'était l’absence totale d’un œil... 

Je n’ai pu voir distinctement, chez les femelles, des organes inté- 
rieurs, que le canal éntestinal et les ovaires. Le premier, tout d’une 
venue, à peine un peu élargi dans la partie céphalique, se porte direc- 
tement, en suivant la ligne médiane, vers l’anus. Les ovaires se trou- 
vent dans la moitié élargie de la partie abdominale ; ils sont toujours 
| bourrés d'œufs, et sont composés d’un large canal longeant le con- 


426 CARL VOGT. 


tour extérieur, sur lequel sont placés, en angle droit, des cœcums 
tortueux, Ils sont entourés d’un espace clair, dans lequel on voit des 
contours floconneux, dus probablement à l’oviducte, très-transpa- 
rent. Je n'ai pu suivre ces oviductes jusque vers les orifices 
sexuels... | 

Espèces connues du genre Prachiella; voir Milne-Edwards (Æuse. 
nat. des Crustacés, vol. HT) : | 

4. Br. Thynni, Cuv. Mâle et femelle (Milne-Edwards, vol. IE, 
p. 512. Steenstrup et Lütken : Æ. danske Vedenskabernes Selskabs \ 
Skrifier. Femte Rackke. Femte Bind., p. 420, tab. XV, fig. 36). Sur le 
Thon (7’hynnus vulgaris). Branchies. 

2. Br. impudica, Nordm. Mâle et femelle (Milne-Edwards, vol. IH, 
p. 513). Sur l’Egrefin (Gadus æglefinus). Branchies. | 

De AT. bispinosa, Nordm. Femelle (Milne-Edwards, vol. IT, p. 514). 
Sur un Gadoïde. 

4, Pr. rostrata, Kroyer. Femelle (Milne-Edwards, vol IT, p. 544). 
Mâle (Kroyer, Snyltekrebsene, p. 290, tab. XVII, fig. 8). Sur les Flé- 
tans (/Zippoglossus maximus et pinquis). Branchies. 

5. Br. Lophi, Milne-Edwards. Femelle (Milne-Edwards, vol. I, 
p. 514, pl. XLI, fig, 4). Sur la Baudroie (Lophius piscatorius). Bran-" 
chies. 

6. Br, Malleus, Rudolphi. Femelle et mäle (Nordmann, Wikro- } 
graphische Beitræge, IX, p. 95). Sur la Torpille (Torpedo marmorata). 
Bouche. 

7. Br. appendiculata, Stp. et Ltk. Mâle et femelle (Sieenstrup et 
Lütken, loc, «t., p. 419, tab. XV, fig. 35), Sur le Séromateus paru, 4 
Branchies. 

8. Br. pastinacæ, Van Ben. Femelle (Van Beneden, Ann. Science. 
natür., 3° série, vol. XVI, p. 118, pl. IV, fig, 8 et 9). Sur le Zrygon 
pastinaca. Narines. 


Je me bornerai à deux remarques. Si mon observation de la lèvre | 
supérieure chez le mâle est juste (et je n’ai aucune raison d'en douter, 
l'ayant vue dans toutes mes préparations), le rostre ne peut être un | 
développement de cette lèvre, et doit être considéré comme une for: | 
. mation à part. Il serait possible que le rostre fût seulement un déve- | 
loppement ultérieur de la tunique pharyngéale interne, poussée en 
permanence au dehors, et auquel la lèvre supérieure, si puissante | 


en général chez les Nauplius, vient se souder à la suite ; c’est ce que |, 


RECHERCHES COTIÈRES. 427 


d’autres observations devront élucider. Mais, je le répète, on ne peut 
plus, après cette observation positive, croire que la lèvre supérieure 
soit un élément nécessaire et indispensable pour la formation du 
Siphonostome. Il y aura donc, à mon avis, quelque chose à retran- 
cher de l’assertion absolue de M. Claus, qui dit (Zeitschr. f. wissensch. 
Zool. von Siebold u. Kælliker, vol. XXV, 1875, p. 835.) : « On ne peut 
douter aussi peu du fait que le rostre allongé des Siphonostomes est 
résulté d’une réunion des lèvres supérieure et inférieure, qu’on ne 
peut douter qu'il y a des rostres incomplets et courts, constitués 
principalement, dans leur conformation différente, par la lèvre su- 
périeure. » 

Ma seconde remarque a une portée particulière, à mon avis, pour 
la classification. 

Je l’ai déjà dit dans le mémoire précédent :  Jes mâles, étant moins 
modifiés par le parasitisme, doivent surtout être pris en considéra- 


tion, lorsqu'il s’agit de déterminer les relations et les affinités des 


Crustacés parasites. Les femelles ne viennent qu’en seconde ligne, 
à cause de leur déformation plus considérable, due au parasitisme. 

Or, nous connaissons un certain nombre de genres où les mâles 
sont plus affectés par le parasitisme, où ils vivent fixés sur les fe- 
melles et présentent des formes singulières, combinées avec une pe- 
titesse extrème. Les « mâles pygmées et bossus » sont devenus fami- 


_liers aux naturalistes. 


Ces mâles présentent donc quelques caractères communs, faciles à 
saisir, et indiquant, sans doute, une certaine parenté. 

Mais, en les examinant bien, on finit par trouver des caractères 
plus intimes, résultant du nombre, de la position et de l’arrangement 
des appendices articulés, lesquels, à mon avis, doivent être pris en 
considération pour distinguer deux familles, au moins parmi les 
Crustacés Siphonostomes à mâles pygmées. 

Chez les uns, la bouche est antérieure, placée à l’extrémité cépha- 
lique du corps. Les antennes, les pattes-mâchoires sont excessive- 
ment rapprochées et comme emboîtées les unes dans les autres, et les 
antennes de la seconde paire ne sont jamais transformées en organes 
de préhension. 

Je cite ici, parmi les mâles connus, les genres Charopinus, Bra- 
chiella, Achtheres, Lernæopoda, Lernæonema, et Anchorella. 

On peut appeler ce groupe la famille des Lernæpodides. 

Un second groupe a la bouche placée, en arrière, sur la face ven- 


428 CARL VOGT. 


trale, souvent fort éloignée des antennes, qui n’entrent, en aucune 
facon, en combinaison avec les pièces buccales. Ce sont les secon- 
des antennes qui constituent l'organe de fixation. 

On connaît, dans ce groupe, les mâles des genres Chondracanthus, 
Blias, Trichthacerus et Medesicaste. 

Nous l’appellerons la famille des Chondracanthides, et nous nous 
en occuperons dans la seconde partie de ce mémoire. Ici, il ne sera 
question que de la famille des Zernæopodides. 

D’après la conformation des mâles, on peut établir une série des- 
cendante dans la famille des Lernæopodides, dans laquelle les C'ha- 
ropinus occupent la place la plus élevée, montrant encore la trace de 
membres natatoires, tandis que les mâles des Anchorella présentent 
les modifications rétrogrades les plus considérables. Je place donc ici, 
immédiatement, la description des Anchorelles, dont j'ai pu observer 
une espèce. 


GENRE ANCHORELLA. 


Nous avons trouvé une espèce de ce genre, établi par Cuvier, en 
assez grande quantité, sur les branchies du Lieu (Gadus pollackius). 
C'est sans doute l'A. uncinata, connue déjà de 0. F. Mulier, et qui se 
trouve assez communément sur diverses espèces de Gades. Nos exem- 
plaires se rapprochent le plus de la variété figurée par Nordmann 
(Mikrogr. Beitr. Heft IT, tabl. X, fig. 4 et 5), et trouvée par lui sur 
les branchies de l’Egrefin (Gadus æglefinus). La femelle se fixe non- 
seulement sur les branchies, mais aussi, et presque de préférence, 
sur les épines qui garnissent les arcs branchiaux sur leur face interne. 
Les mâles de notre espèce, ainsi que ceux de différentes autres es- 
pèces, ont été décrits et figurés par presque tous les auteurs qui se 
sont occupés des Crustacés parasites. Nous pouvons donc être court | 
dans la description. 


MALE. 


Je ne l’ai trouvé que très-rarement sur les exemplaires recueillis à ! 
Roscoff. 11 a, comme les mâles des autres espèces, l'habitude de s'at- ! 
tacher à d’autres parties du corps qu'aux orifices génitaux, où je l'ai | 
toujours vainement cherché... 

Ce qui frappe avant tout, dans les mâles des Anchorelles, c’est, ou- 
tre l'extrême petitesse, la réduction complète de l'abdomen. L’A. unct- | 
nala et rugosa n’en montrent aucune trace, tandis que dans l'A. emar- | 


RECHERCHES COTIÈRES. 429 


ginata on voit encore un petit mamelon mou, qui en montre au 
moins la place. Le corps est globulaire et même étiré en haut dans 
l'A. rugosa, si, toutefois, le dessin de Van Beneden est exact. Ces 
mâles ont donc plutôt l'apparence d’un Acarien, comme l’a justement 
fait remarquer M. Nordmann. Tout en étant placé sur la partie anté- 
rieure du corps, le rostre du mâle se trouve très-rapproché de la pre- 
mière paire de pattes ancreuses, comme celle-ci est, à son tour, pres- 
que contiguë à la seconde paire. Les divers appendices qui entourent 
la bouche sont, malgré ce rapprochement et nonobstant leur réduc- 
tion, assez espacés et placés les uns derrière les autres, et non en 
dedans les uns des autres, comme chez les Brachrella. 

Les antennes de la première paire, placées sur le front, mais à la face 
ventrale, sont très-courtes, à deux articles, et portent à l'extrémité 
quelques soies courtes. 

Celles de la seconde patre sont bien plus considérables et à trois ar- 
ticles, le dernier aussi pourvu de soies courtes. 

Immédiatement à la suite de ces deux paires d'antennes se place 
un appendice très-gros, massif, biramé au bout, avec un puissant ar- 
ticle buccal. Les deux branches terminales sont inégales de force, 
mais semblables de forme, et portent quelques fortes soies courbées 
en crochet. Ces appendices touchent la première paire de pattes an- 
creuses. Ils doivent correspondre, morphologiquement, aux palpes 
du Brachiella et à la troisième paire de membres du Mauplius. 

Le rostre est gros, conique, et avancé autant que les pattes. Il est 
entouré de fortes pièces chitineuses, qui se courbent en arrivant sur 
le bord, de manière à simuler des mandibules en crochet. Le pour- 
tour de l'ouverture buccale est garni, comme d'habitude, par des 
fines soies roides. 

La première paire de pattes ancreuses a un article basal énorme, 
pyramidal, avec un fort crochet mobile, tourné en arrière, et qui 
peut se fermer sur un rebord anguleux. 

La seconde paire de pattes ancreuses est plus allongée, cylindrique, 
el porte au bout des pièces chitineuses petites, mais fortes, qui 
forment une pince très-exiguë, portée sur une plaque rudimentaire 
en semelle. 

Les deux paires de pattes ancreuses sont soudées ensemble dans 
la ligne médiane, par leur base. | 


Je n'ai point fait d'observations sur la structure anatomique des 
mâles. | 


430 CARL VOGT. 


FEMELLE. 


Le caractère essentiel des Anchorelles consiste dans l'allongement 
considérable de la partie thoracique, appelée ordinairement le cou. 
CR . . ‘ . 126 . ‘ : 0 . ë , . . {d . . ‘ ‘ . : sé s VP0UAFI 
L’œil a complétement disparu, comme, du reste, aussi chez le mâle ; 
je n’ai pu voir dans l’intérieur que des trainées de muscles, la matrix 
de l'enveloppe chitineuse et Pintestin très-dilaté. L’abdomen est large, 
un peu aplati sur là face ventrale, bombé sur la face dorsale, de 
forme quadrangulaire à coins arrondis, aussi large que long, On y 
voit, sur la face ventrale, deux forts faisceaux musculaires, qui par- 


tent des boutons d'attache, se touchent dans la ligne médiane, et s’in- 


sèrent sur la partie postérieure, près de l’anus. Vis-à-vis de ces bandes 
musculaires et sur là face dorsale se voit l’entestin droit, qui se ter- 
mine au-dessus d’un court appendice caudal médian, en forme de 
bourse élargie et arrondie. L'intérieur de l'abdomen est entièrement 
rempli par les boyaux ovigères, aboutissant, des deux côtés, à deux 
oviductes courbés, courant le long du bord extérieur de l'abdomen, et 
s’ouvrant aux orifices génitaux, entourés d’un fort échafaudage chiti- 
neux. C'est à ces orifices que sont attachés les sacs ovigères allongés, 


cylindriques, et remplis d'œufs disposés sans ordre. Dans aucune de | 
mes femelles les œufs n'étaient arrivés à terme ; je n’ai done pu ob-® 


server le Vauplius. 

Quant aux appendices qui entourent la bouche, je dois dire que, 
malgré toutes les peines que je me suis données, je n’ai pu réus- 
sir à les débrouiller complétement sur le vivant .... J'ai pu, en re- 


vanche, les étudier convenablement sur des préparations faites à 4 


la potasse, 
Le rostie est assez large, court, conique, et fermé, à la face ventrale 
et sur les côtés, par une membrane chitineuse ferme, garnie de plis 


saillants. Le cercle n’est pas complété sur la face dorsale, où il existe # 
une large échancrure. Dans l’intérieur du rostre se voient deux piè: | 


ces chitineuses allongées, articulées en arrière sur une forte char- 
pente, dont les prolongements soutiennent le pourtour du rostre, et 
portant, en avant et sur leur face interne, une série de quatre ou cinq 
dents, ce qui donne à ces pièces l'aspect d’une scie à manche. Sont-ce 
les mandibules ? 

En dehors du rostre et sur les côtés, mais assez rapprochés de la 


| 
| 
| 


RECHERCHES COTIÈRES. 431 


ligne médiane, se voient deux appendices antenniformes, fort petits 
et très-cachés, qui ne montrent guère d’articulation, et ont deux 
courtes soies au bout. Derrière ces appendices se voient deux autres, 
à trois articles, qui deviennent par la potasse très-transparents, et 
dont le dernier article ne semble pas fermé au bout. I] y avait là, 
comme j'ai pu m'en assurer sur le vivant, quelques courtes baguettes 
transparentes et probablement sensitives. 

En dehors de ces appendices se placent deux membres gros, épais, 
aussi longs et larges que le rostre lui-même, articulés sur quelques 
pièces chitineuses énormes, en forme de poutres, qui se prolongent 
fort en arrière daps le corps, et forment une puissante articulation là 
où l’appendice se détache du corps. Ils sont à deux articles : le pre- 
mier presque cylindrique, le second placé un peu obliquement, et 
garni d'un disque incomplet chitineux, à éminences mousses. Ces 
membres ont quelque ressemblance éloignée, quant à la forme du 
dernier article, avec la seconde paire de pattes ancreuses du mâle. 
Ils protégent des deux côtés le rostre, et peuvent l’enfermer com- 
plétement. 

Derrière l'appareil décrit surgit la première paire de pattes an- 
creuses, courbées, épaisses, soudées à la base, et portant un fort cro- 
chet acéré au bout. ; 

Comment les organes placés autour du rostre Correspondent-ils à 
ceux du mâle ? On est, à la vérité, embarrassé. Les gros membres ex- 
ternes étant, si l’on compare les Anchorelles aux Brachielles, les se- 
condes antennes, on doit envisager les petits appendices comme les 
premières antennes, et Ceux à trois articles comme les palpes, déjà as- 
sez gros chez le mâle. Il y aurait donc homologie avec le mâle, sauf 
les pièces cachées dans le rostre, que nous n’avons pu constater chez 
le mâle. Mais il y a dans le rostre du mâle des pièces chitineuses sans 
dents, qui correspondent, par leur position, aux scies à manche de la 
femelle, et, si l’on retient cette homologie, toutes les pièces se trou- 
vent également chez les deux sexes. 

Les espèces connues d’Anchorelle sont très-nombreuses ; il yen a, 
cependant, seulement un petit nombre dont on connaît bien les mâles. 

Milne-Edwards cite, dans son troisième volume de l’Æistoire na- 
turelle des Crustacés, p.518 et suiv., toutes les espèces décrites 
Jusqu'en 1840; parmi lesquelles se trouvent celles observées par 
Nordmann et par Kroyer dans le Vafurhistorik Tidsskrift, vol. I et IT. 
Ce sont les suivantes : 


432 | CARL VOGT. 


4. Anchorella emarginata, Kroyer. Femelle. Sur l'Alose finte (A/osa 
finta). 
2. A. ovalis, Kroyer. Femelle. Sur le Grondin (7rigla qurnardus). 
3. À. rugosa, Kroyer. Femelle. Sur le Loup (Anarrhichas Lupus). 
4. A. uncinala, O.-F. Muller. Mâle et femelle. Sur divers Gades. 
D. À. brevicollis, Milne-Edwards. Femelle. Sur le Dorset (Gadus 
callarias). | 
Plus tard, M. Van Beneden (Ann. des Scienc. nat., 3° sér., vol. XVI, 
DL 113 et suiv.) s’est occupé des À. uncinatla, emarginata, rugosa, et : 
a ajouté une nouvelle espèce, 6. À, paradoxa, trouvée sur le Maque- 
reau (Scomber scombrus). M. Van Beneden décrit et figure les mâles . 
des À, rugosa et emarginala. | 
En 1863, Kroyer décrit une foule d’espèces nouvelles dans son | 
ouvrage (Pidrag til Rundskab om Snyltekrebsene, p. 291 et suiv.). 
Ce sont : 
7. A. angulata, d'une espèce de Mugil de l'Amérique centrale. 
8. À Lizæ, du Mugil Lizæ de la Nouvelle-Orléans. 
9. A. Pagelli, d’une espèce de Pagellus de la Méditerranée. 
10. A. Denticis, du Dentex arqgyrozona. 
A1. À. Bergyltæ, du Labrus Bergylta. 
12. A. Shichaci, du Stichacus punctatus. 
13. À. agelis, du Gadus agilis. 
14. À. Pagri, du Pagrus vulgaris. 


15. À. dilatata, d'une espèce de Cheilodactylus du Cap. 
16. A. Urolophi, de l’Urolophus Oerstedr. 
17. A. appendiculata, d'un poisson pris près Valparaiso. 
48. A. appendiculosa, d’un poisson indéterminé, pris à la Nouvelle! 
Orléans. 
19. A. laciniata, de l’Acanthurus chirurgus. 
20. À. stellata, de la Merluche (Gadus merluccius). 
Sur ces vingt espèces, nous connaissons les mâles des espèces sui- ; 
vantes : 
A. uncinata, décrit par Nordmann. 
A.emarginata, décrit par Van Beneden. 
A. rugosa, décrit par le même, 
A. appendiculata, décrit par Kroyer. 


RECHERCHES COTIÈRES. 433 


FAMILLE DES LERNÆOPODIDES. 


Le Lernæopoda Dalmani, trouvé dans le Raja batis, décrit d’abord 
par Retzius et cité depuis par tous les auteurs, est devenu, pour 
M. Kroyer (Snyltekrebs., 1863, p. 280 et suiv.), le type d’un nou- 
veau genre, C’haropinus, dans lequel M. Kroyer place une seconde 
espèce, Ch. ramosus, trouvée sur les branchies du Æaja clavata. Les 
mâles des deux espèces ont été trouvés et figurés par M. Kroyer, 
tabl. XIV, fig. 5 et 6. Voici comment M. Kroyer caractérise son nou- 
veau genre. e 


CHAROPINUS. 
FEMELLE. 


Tête médiocre, subconique ou subelavellaire, cou nul ou court. Les 
pieds de la première paire subchéliformes, et ceux de la paire posté- 
rieure (les bras), attachés au dos de l'animal ; les bras au moins dou- 
bles de la longueur de la tête, point armés d'une sphère cornée, mais, 
à sa place, munis de deux lames très-grandes et cartilagineuses, de 
forme variée. Abdomen presque nul ou rudimentaire, la partie géni- 
tale invaginée en avant, mais pourvu de deux grands appendices 
caudaux. 


MALE, 


Partie antérieure épaisse, courbée, subpyriforme, portant les an- 
tennes et le rostre ; partie postérieure droite, mince, pointue, à six 
segments, jointe à l’antérieure sous un angle presque droit, portant 
quatre paires de pattes et des appendices caudaux très-longs, presque 
en forme de soies. Les pieds de la première et seconde paire sont 
très-grands, très-épais, chéliformes ou subchéliformes ; ceux de la 
troisième et quatrième paire rudimentaires, imitant des soies ou des 


| épines. 


Il me semble que le genre Charopinus a conservé plus que les 


| autres que nous connaissons, les caractères primitifs développés 
sans doute dans les larves. Les mâles ont un segment de plus dans 
| l'abdomen que les mâles des Brachiella ; il y a en effet, entre le seg- 


ment génital, qui porte aussi un pénis, et les segments à grandes 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — T. VI. 1877. 28 


434 : CARL VOGT. 


pattes ancreuses, deux segments portant des pattes rudimentaires 
réduites, il est vrai, à des simples soies, mais pourtant reconnais- 
sables. Quant aux appendices antérieurs, je trouve le même nombre 
de pièces que chez les Brachiella, dans la même position, avec cette 
différence cependant, que les antennes de la seconde paire ont gardé 
leur forme primitive et ne sont pas converties, comme chez les Bra- 
chiella, en lames épaisses couvrant le rostre latéralement. La forme 
générale du corps des mâles est absolument la même que celle des 
Brachiella. Quant aux femelles, elles diffèrent seulement par les par- 
ties des bras servant à la fixation... 

Le genre Achtheres a été fondé par Nordmann ( Wikrographische 
Beitræge, XL, p.%6., pl. IV et V), et l'espèce, A. Percarum, que l’on 
trouve assez communément dans la cavité buccale de la Perche flu- 
viatile, décrite d'une manière magistrale. Je dois pourtant dire que 
je l’ai cherché vainement jusqu’à maintenant sur les Perches du lac 
de Genève. Depuis, M. Claus a étudié le développement de cette es- 
pèce (Zeëtschr. f. wissensch. Zool. von Siebold u. Kœlliker, vol. IT, 1862, 
p. 287) et M. Kroyer (Snyltekrebs., p. 222) a décrit deux espèces 
nouvelles provenant, l’une du Pimelodus maculatus et l’autre du Perca 
Laca, tous les deux originaires de l'Amérique du Nord. 

Ce qui est remarquable dans la constitution du Nauplius, c’est, en 
premier lieu, l'existence d'un organe frontal de fixation très-parti- 
culier, consistant en un long tube étroit, enroulé en spirale et rempli 
d’une substance agglutinante, qui ne devient libre que plus tard et 
avec lequel la larve se fixe, et en second lieu le développement tardif 
de la troisième paire de pattes primitives, laquelle ne devient libre 
qu'après une mue, de sorte que le Nauplius quitte l'œuf muni seule- 
ment de deux paires d'antennes natatoires. Il est vrai que cette phase 
ne dure, suivant M. Claus, que quelques heures et que la seconde 


phase, où la larve possède non-seulement la troisième paire primi- ! 


tive, mais aussi quelques membres de plus, se laisse déjà apercevoir 
sous l'enveloppe première du Nauplius sortant de l'œuf. 


Pendant la vie larvaire, les bras sont attachés au poisson par un | 
long filament glaireux, comme l’a décrit M. Claus. La phase larvaire {| 
correspondante avait déjà été décrite et figurée par MM. Steenstrup ! 


et Lütken (oc. cif., tab. XV, fig. 37 a) sur le Lernæopoda elongata. 


Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que l’Achtheres femelle con- | 


serve dans l'annulation distincte de son abdomen et dans la consti- 


tution d’un céphalothorax bien limité, des caractères larvaires que ! 


| 
| 
| 
| 


RECHERCHES COTIÈRES. 435 


la plupart des autres genres ont complétement perdus. Le mâle, en 
revanche, ne montre point une segmentation aussi prononcée que 
les mâles des Charopinus et des Brachiella. Chez ces derniers, les 
deux segments thoraciques qui portent les pattes ancreuses, sont 
nettement délimités, tandis que chez les Achtheres ces deux segments 
sont confondus avec la partie céphalique. La partie abdominale du 
mâle est, au contraire, franchement annelée. 

Le genre Lernæopoda à fourni le sujet d'une étude détaillée par 
M. G. S. van Beneden (Ann. se. nal., 8° sér., vol. XVI, 1851, p. 119, 
pl. IL.) faite sur le Lernæopoda Galet, qui se trouve sur la peau de 
plusieurs espèces de Plagiostomes (Galeus vulgaris, Scyllium canicula, 
Mustelus vulgaris, Trygon pastinaca). Le mâle est attaché sur le tho- 
rax de la femelle à droite ou à gauche et relativement assez volumi- 
neux, Car il atteint, d’après les dessins, environ un tiers de la lon- 
gueur de la femelle. 

Sauf la forme trapue du céphalothorax, le mâle présente la plus 
grande analogie avec celui des Achtheres; mais, suivant Beneden, il 
possède encore le rudiment d’un œil, lequel, du reste, existe aussi 
dans les Nauplius des deux genres... La femelle se rapproche davan- 
tage des Brachiella ; elle montre deux prolongements mous sur le front 
et seulement des indications fort rudimentaires de la segmentation 
dans la partie antérieure de l'abdomen. Les Nauplius n’ont, suivant 
le même auteur, que deux paires d’appendices natatoires, tous les 
deux biramés (?), ainsi qu’un œil médian. Comme je l’ai déjà dit, ces 
observations sur les Nauplius demandent encore une étude sérieuse. 

Quant aux organes de la bouche, je leur trouve une très-grande 
analogie avec ceux des Achtheres..…. 

En 1861, MM. Steenstrup et Lütken ont donné des dessins, accom- 
pagnés d'une courte description, qui se rapportent au développement 
du Zernæopoda elongata, dont la femelle se fixe sur l'œil des requins 
(loc. cit., p. 422; tab. XV, fig. 37). 

Nous n'avons que peu à dire sur le genre Lernæonema, établi sur 
un parasite trouvé sur les branchies du Mustelus vulgaris par van 
Beneden (Ann. se. nat., 3 série, vol. XVI, p.195, pl. VI, fig. 11 et 19). 
La femelle, effilée et filiforme, manquerait de toutes espèces d’ap- 
| pendices articulés... Tout en présentant une forme très-insolite par 
| un céphalothorax arrondi et un abdomen mou globuleux au bout, 
| terminé par deux mamelons, ce mâle présente les deux paires de 


436 CARL VOGT. 


pattes ancreuses, la trompe antérieure et une paire d'antennes au- 
dessus... 

Parmi les genres dont les mâles sont inconnus, il y en a plusieurs 
qui doivent rentrer sans doute dans la famille des Lernæopodides. 

Je place ici en premier lieu le 7racheliastes polycolpus, trouvé par 
Nordmann sur les nageoires del’Aland (Cyprinus Jeses.) (loc. cit. p.95, 
pl. VII). La femelle, seule connue, se rapproche dans toute son orga- 
nisation des Brachiella et on la rangerait sans doute dans ce genre, 
si la première paire de pattes ancreuses ne se trouvait reléguée fort 
en arrière entre les bras, au lieu d’être rapprochée des organes buc- 
Caux En outre, les Nauplius observés par Nordmann (fig. 7 et 8), 
non-seulement au moment de leur sortie de l'œuf, mais après la pre- 
mière mue, où ils ont gagné quelques paires de pattes de plus, ont. 
une ressemblance étonnante avec les Nauplius des Achtheres et pos- | 
sèdent, comme ces derniers, l’organe d’attache frontal en spirale. 

Je dois faire remarquer ici que le Nauplius du Lernæo Poda Gale, 
figuré par van Beneden (/0c. cit. pl. V, fig.19 et 13), montre aussi seule- 
ment deux paires d’appendices natatoires, comme les Nauplius des 
Achtheres et des Tracheliastes ; de sorte que ce caractère d’un Nau- | 
plius à deux paires de pattes natatoires primitives pourrait bien être 
général pour toute la famille des Lernæopodides. Un doute est cepen- 
dant permis sur l'exactitude des observations de M. van Beneden, 
qui dit expressément que les appendices sétifères « antérieurs sont 
biramés », tandis que Nordmann soutient, au contraire, que cette pre- | 
mière paire est uniramée chez les Nauplius et que la seconde paire | 
seulement est divisée à son extrémité. Or, comme c'est une loi géné- ! 
rale, que la première paire des appendices du Nauplius soit uniramée, | 
tandis que les deux suivantes sont biramées, on peut croire qu'il y à | 
ici une erreur d'observation, commise par van Beneden. | 

Le genre Thysanote, dont la seule espèce connue (7h. Pomacanthi) | 
habite les branchies du Pomacanthus Paru, des mers de l'Inde, a été | 
établi par Kroyer (Snyltekrebs., p. 288, tab. XV, fig. 1). Le mâle | 
étant inconnu, on peut rester d'autant plus dans le doute sur sa posis { 
tion dans la famille, que la femelle offre des caractères singuliers... | 


Nous pouvons constater les faits suivants : 


RECHERCHES COTIÈRES. 437 

4° Une paire d'antennes antérieures, placées presque immédiate- 

ment sous le rebord frontal du bouclier céphalothoracique et gardant 

sa fonction sensitive démontrée par ses soies. Ces antennes antérieures 
sont toujours plus développées chez le mâle que chez la femelle; 

2 Une paire d'antennes postérieures, placées à la suite ou en de- 
hors des antennes antérieures et transformées en organes de protec- 
tion pour la trompe. Ges antennes postérieures sont toujours plus déve- 
loppées chez les femelles, où elles deviennent des lames très-épaisses, 
arrondies et crénelées sur leur bord libre ou présentant même une 
espèce de pinces. Chez les mâles, au contraire, elles sont toujours 
beaucoup plus faibles et gardent même, comme chez les Anchorelles, 
leur forme primitive sétacée et cylindrique ; 

3° Une paire de palpes, ordinairement bifides au bout, avec une 
petite branche, portant une soie, à la base et placée à la base de la 
trompe près de la ligne médiane ; 

4° Une paire de pattes ancreuses, ayant toujours le caractère pré- 
hensile..... Dansles femelles, cette paire de pattes reste en général très- 
svelle, avec des crochets minces, tranchants et courbés au bout, et 
se rapproche tellement des organes buccaux, que les crochets peuvent 
se croiser devant la base de la trompe. Il n’y a que le genre Trache- 
liastes où cette paire de pattes reste refoulée en arrière et garde sa 
place larvaire..……. 

5° L'autre paire de pattes ancreuses subit les modifications les plus 
considérables. Très-forte et très-épaisse, franchement préhensile, 
| elle offre chez les mâles moins dégénérés une structure très-compli- 
_quée, mais peut aussi se rabougrir et disparaître complétement chez 
|_ quelques mâles... 

Chez les femelles, au contraire, cette paire de pattes ne reste jamais 
articulée. Elle glisse presque toujours en arrière à l’âge adulte, se 
| transforme en bras ou en bouton et est adaptée entièrement à la 
fixation à demeure de l’animal..…. 
Quant à la trompe, nous devons dire qu’elle est formée essentiel- 
lement par la lèvre inférieure, tandis que la lèvre supérieure n’y 
| prend qu'une part plus ou moins restreinte et reste complétement en 
dehors dans les mâles des Brachiella, Le bord de l’orifice de la trompe, 
entouré de soies roides, est toujours complet du côté ventral, tandis 
| qu’il reste plus ou moins incomplet du côté dorsal. La trompe est 
| plus longue et plus étroite chez les mâles que chez les femelles et on 
peut distinguer dans l’intérieur de cette trompe chez quelques 


* 


438 CARL VOGT. 


femelles (Anchorella) des lames en forme de soies chitineuses, que 
je n’ai pas pu voir chez les mâles ni chez les femelles des Brachiella. 

Maintenant il sera plus aisé de caractériser cette famille. 

LERNÆOPODIDES : Cinq paires d’appendices articulés composés de 
deux paires d’antennes, une paire de membres buccaux (palpes) et 
de deux paires de pattes thoraciques ancreuses. La trompe, formée 
principalement par la lèvre inférieure et munie quelquefois de pièces 
chitineuses internes, est placée à l'extrémité antérieure du corps. Les 
antennes ne deviennent jamais préhensiles, la seconde paire d’an- 
tennes est transformée en pièces protectrices de la trompe. 

Mûles. Corps le plus souvent articulé, quelquefois confondu en une 
seule masse. Antennes antérieures toujours développées. Pattes an- 
creuses toujours articulées et préhensiles. (La seconde paire peut 
disparaître (Anchorella rugosa ?). | 


Femelles. Corps le plus souvent non articulé. Première paire d’an- 
tennes, moins développée. Première paire de pattes ancreuses non 
articulée, transformées en bras ou en boutons. Seconde paire de 
pattes ancreuses articulée, le plus souvent crochue et rapprochée de 
la bouche. 

Genres dont les mâles sont connus : Charopinus, Brachiella, Ler- 
næopoda, Lernæonema, Anchorella. 

Genres dont les mâles sont inconnus : 7racheliastes, Basanistes, 
Thysanote. 


SECONDE SECTION 


FAMILLE DES CHONDRACANTHUDES 


GENRE CHONDRACANTIIUS. 


Ce genre, établi par Delaroche (Bull. Soc, philomatique, 1811), est | 
aujourd’hui un de ceux qui comptent le plus d'espèces. Dans ses | 
Snyltekrebs (4863), M. Kroyer en énumère qualorze espèces, aux À 


quelles il faudrait encore ajouter peut-être deux, énumérées en 


partie par M. Kroyer lui-même dans sa première publication, et f 
adoptées par Milne-Edwards, lequel, dans son troisième volume, en | 
décrit huit espèces seulement (1840). Une des espèces comprises au- | 


| 
| 
| 
| 


RECHERCHES COTIÈRES. | 439 


trefois dans le genre Chondracanthe fait aujourd'hui le type du genre 
Diocus (2. Gobinus). 

J'ai pu examiner trois espèces différentes, trouvées à Roscoff : le 
Ch. cornutus (0.-F. Muller), très-commun sur plusieurs espèces de 
Pleuronectides, surtout la Plie et la Limande; le Ch. gibbosus (Kr.), 
abondant sur la Baudroie (Lophius piscatorius), et le CA.Zei (Dela- 
roche), assez commun sur la Poule d’eau (Zeus faber), où il se fixe 


non-seulement sur les feuillets branchiaux, comme les deux autres 


espèces, mais aussi sur les arcs branchiaux eux-mêmes, ainsi que sur 
les dentelures de ces arcs. 


L . 0 . . L 0 . . e. . é . . 0 L3 . 0] e. L . . . . . LU e. . . . LA 


MALE, 


Les mâles des Chondracanthides tiennent à leurs femelles avec 
beaucoup plus de fixité que ceux des Lenæopodides. Sur les fe- 
melles des trois espèces observées, je n'ai jamais trouvé qu’un seul 
mâle... 

Je prends comme type le mâle du Ch. gibhosus, examiné déjà par 
Rathke (PBeitræge zur Fauna norwegens, Nov. Act. Acad. natur. curios., 
vol. XX, 1848, tabl. V) et Claus (Ueber den Bau und die Entwicklung 
parasitischer Crustaceen, 4°, Cassel, 1858, p. 3 et tabl. I). Les rap- 
ports entre les volumes du mâle et de la femelle ne peuvent pas être 
déterminés exactement, la grandeur de la dernière variant dans des 
limites très-considérables. Tandis que le mâle a toujours la même 
grandeur et atteint tout au plus la longueur de 1 millimètre, les fe- 
melles portant des mâles peuvent varier de 1 centimètre à 2 et même 
davantage. 

Le corps du mâle à, dans son ensemble, la forme d’une poire assez 
allongée et courbée au milieu. Les segments sont très-effacés ; on 
remarque, cependant, une ligne de démarcation assez sensible entre 
le céphalothorax, très-renflé, et le thorax et des ondulations indi- 
quant des segments postérieurs. Chez le mâle du CA. cornutus, au 
contraire, les segments sont beaucoup mieux accusés ; on en trouve, 
derrière le céphalothorax, deux portant des pattes natatoires rudi- 
mentaires, et trois formant l'abdomen, terminé par une double 
fourche caudale. 

Le céphalothorax, très-renflé, porte, à son extrémité antérieure, 
les deux paires d'antennes. 


440 CARL VOGT. 


La première paire d'antennes est cylindrique, recourbée un peu 
en dehors dans son milieu, et composée de trois articles, dont 
le terminal est le plus allongé. Les deux derniers articles sont gar- 
nis de deux courts poils forts, mais pointus au bout et sans bouton 
terminal. 

La seconde paire d'antennes est transformée en organe d’attache. 
C'est un crochet énorme, très-fort et très-acéré, recourbé et formé 
d'une chitine très-épaisse, lequel est articulé sur un article moyen, 
de forme presque carrée, et reposant sur un article basal appuyé par 
un échafaudage chitineux, lequel est soutenu encore par une poutie 
chitineuse transversale, très-forte et allant presque d’un côté à l’au- 
tre. Les deux crochets peuvent se croiser avec leurs bouts, qui se 
montrent toujours enfoncés dans la peau de la femelle, 

Outre un œil médian, placé profondément dans les tissus et per- 
ceptible seulement lorsque l’animal se présente en profil, je n’ai pu 
voir, dans l'intérieur du céphalothorax, très épais et peu transpa- 
rent, que des forts muscles striés, dont les faisceaux se dirigent, 
en général, depuis le point culminant de l’anneau céphalothoraci- 
que, vers les différents appendices articulés en rayonnant sous 
forme d’éventail. Ces masses musculaires empêchent de distinguer 
avec précision le commencement de l'intestin, ainsi que le système 
nerveux central. 

La bouche est reculée très en arrière sur la face ventrale. Je n’ai pu 
y voir qu'une trompe excessivement courte... Dans le Ch. cornutus, 
cette trompe, dégarnie de tout stylet intérieur, se laisse encore plus 
facilement voir que dans le C’k. gibbosus, où elle est ordinairement si 
bien retirée, qu'elle se cache sous une /évre supérieure, arrondie en 
demi-cercle et garnie de poils très-fins. 

On trouve, des deux côtés de la bouche, trois paires d’appendices 
articulés, dont la forme est assez différente chez les différents mâles 
examinés. : 

Chez le Ch. gibbosus, les trois pattes-mächoires, comme nous les 
appellerons, ont une structure semblable. Chaque patte-mâchoire 
est composée de trois articles : un article basal court et renflé, 
un article médian plus long et moins épais, et un fort crochet 
courbé en lame de sabre, dont la convexité est tournée en arrière. 

Les trois paires ne se distinguent que par la grandeur : la pre- 
mière est la plus petite, la troisième la plus longue ; tous les cro- 
chets sont finement crénelés à leur bord convexe, et la troisième 


RECHERCHES COTIÈRES. al 
porte, en outre, de fines crénelures semblables sur le bord interne 
de son second article. Cette dernière patte- mâchoire peut s’abais- 
ser de manière qu'elle semble quelquefois ne pas prendre son in- 
sertion sur le céphalothorax..…. 

Chez le Ch. cornutus, les mêmes trois paires de pattes-mâchoires 
existent, mais, tandis que les deux paires postérieures ressemblent 
assez à celles du Ch. gibbosus, sauf qu’elles sont plus allongées, 
plus grêles, et leurs crochets moins forts et non dentelés, la première 
paire est transformée en une large plaque, fortement dentelée sur 
son bord libre qui, dans certaines positions, a plutôt la forme d’une 
roue de rencontre semi-circeulaire..…. 

Derrière le céphalothorax se trouvent deux articles fort diminués, 
nettement accusés dans le Ch. cornutus, faiblement indiqués chez le 
Ch. gibbosus, qui portent chacun une paire de pattes natatorres rudi- 
mentaires, très-rapprochées de la ligne médiane. Ces pattes, courtes 
etmassives, sont composées de deux articles et portent à leur sommet 
deux soies, d'égale grandeur chez le C'h. cornutus, différentes chez le 

Ch. gibbosus, où l’une est longue et grêle, tandis que l’autre a plu- 
{tôt l'air d'une courte épine. 

A ces segments, munis de pattes rudimentaires, se joignent trois 
segments diminuant rapidement de volume, et terminés par une fur- 
cule peu considérable... 

La structure intérieure des mâles n’est pas facile à étudier. Ils sont 
très-peu transparents, et les muscles épais, développés dans le cépha- 
lothorax, cachent les organes intérieurs de cette partie. On distingue 
cependant facilement l'œil par son pigment noir: Il semble double 
chez le Ch. cornutus, simple, mais entouré d’un halo transparent, 
chez le CA. gibbosus.…… 

Il en est de même de l’œsophage, qui monte, sans doute, depuis la 
bouche, directement en haut, pour s’aboucher à angle droit avec l'in- 
testin, toujours rempli de substances opaques paraissant noirâtres 
sous le microscope. Je crois, cependant, avoir vu assez distinctement 
l'æœsophage dans le CA. gibbosus. L’estomac, situé en grande partie 
dans le céphalothorax chez le Ch. cornutus, commence par une large 
poche pyriforme, dont les parois sont parsemées de points glandu- 
laires opaques ; il se termine en queue, à la hauteur du premier seg- 
ment apode. Les derniers segments sont parcourus par le rectum, très- 
transparent et difficile à apercevoir, pour se terminer à la base de 
la furcule. 


442 CARL VOGT. 


Des deux côtés de l’estomac et plutôt sur la face dorsale, se.trou- 
vent les festicules, larges sacs vésiculaires remplis de zoospermes en 
voie de formation. De l'extrémité de ce sac testiculaire sort le canal 
déférent, à parois épaisses, que j'ai vu droit chez le Ch. cornutus, 
mais tordu sur lui-même sur le Ch. gibbosus, où M. Claus le figure 
aussi comme descendant en ligne droite vers la queue. Dans l’avant- 
dernier segment, le canal s’élargit en un large réservoir, lequel, cepen- 
dant, m'a paru composé de retours entortillés du canal chez le 
Ch. gibbosus, et de ce réservoir il se porte vers l'extrémité de la 
queue, pour s'ouvrir près de l’anus, entre les furcules. 

C’est ainsi, au moins, que je l’ai vu chez le Ch. cornutus. Chez 
un mâle du Ch. gibbosus, j'ai vu un pénis mince et grêle sortir 
de l’orifice séminal. Ce pénis était terminé en bouton, et ce bouton 
portait des épines très-petites, mais nombreuses. Il n’était pas 
perforé... 


FEMELLE. 


Les femelles des Chondracanthes se signalent surtout par les 
appendices plus ou moins nombreux qui se présentent sur leur 
corps et qui résultent en partie de la transformation de pattes, 
tandis que les autres sont des expansions de l'enveloppe chi- 
tineuse. 

Le type le plus simple est représenté par le CA. cornutus, chez 
lequel ce sont les pattes natatoires transformées seules qui con- 
stituent ces appendices, tandis que les deux autres espèces pré- 
sentent encore dés expansiens cutanées, qui deviennent tellement 
nombreuses chez le Ch. Zei, qu’elles donnent à cet animal l'aspect 
du porc-épic. | 

Chez le Ch. cornutus, on peut aisément distinguer quatre par- 
ties distinctes du corps : le céphalothorax, arrondi, presque glo- 
bulaire, portant les antennes et les pattes-mâchoires ; le thorax, 
composé de deux anneaux fusionnés ensemble et portant les deux 
paires de pattes transformées ; l’abdomen, composé de deux seg- 
ments dans lesquels se développent les ovaires et qui se termine 
par deux appendices latéraux coniques, et enfin le post-abdomen, 
composé de deux segments également ayant une forme de trèfle de 
carte et contenant les orifices des oviductes, et l'anus au milieu. C'est 
sur cet appendice que se fixe toujours le mâle. On parvient encore 
à distinguer ces différentes parties chez les jeunes femelles des deux 


RECHERCHES COTIÈRES. 443 


autres espèces que j'ai étudiées ; mais lorsque ces femelles sont adul- 
tes, les segments correspondant au thorax el à l'abdomen se confon- 
dent en s’effacant sous le développement des appendices cutanés. On 
ne peut alors distinguer que le céphalothorax d’un côté et le post- 
abdomen de l’autre. 

Le Ch. cornutus représente donc, dans l’état adulte, les deux autres 
espèces à l'état jeune. En effet, en comparant les femelles du 
Ch. cornutus avec les dessins de jeunes femelles du C4. gibbosus don- 
nés par M. Claus (loc. cit., pl. I, fig. 3 et 4) ou celui du CA. Zei, on 
constatera aisément qu'il n'y a guère de différences à signaler, et 
que l’on pourrait rattacher ces jeunes femelles au CA. cornutus, si on 
les trouvait seules et sans connaître le poisson dont elles pro- 
viennent. 

Il me semble que c’est là un fait important à constater et qui parle 
fortement en faveur du transformisme des espèces et de leur descen- 
dance d’une forme originaire commune. Comment s'expliquer autre- 
ment, en effet, cette ressemblance des espèces dans leurs jeunes 
âges, qui deviennent si différentes plus tard ? Le Ck. cornutus reste, 
quant aux formes, à cet état quasi-larvaire, en développant seule- 
ment ses organes génitaux ; les deux autres espèces dépassent cet 
état en dépensant quelques efforts économiques à la formation de ces 
expansions cutanées dont elles sont hérissées. 

Les premieres antennes, placées à fleur du front et séparées seule- 
ment par une échancrure médiane peu considérable, sont fort diffé- 
rentes de celles du mâle. Elles sont larges et aplaties, ayant la 
base élargie en forme de lamelle dont le bord extérieur est arrondi, 
tandis que le dernier segment, beaucoup moins large, se recourbe 
un peu vers l’intérieur. .…. 

La seconde paire d'antennes est transformée, comme chez le mâle, 
en deux crochets très-forts en chitine, d'une couleur jaune-bru- 
nâtre, implantés sur de larges bases circulaires, très-courbés et poin- 
tus, et qui peuvent se croiser sur la ligne médiane. C’est avec ces 
crochets que l'animal est fixé très-solidement:..… 

Les parties latérales de la tête sont renflées, le plus fortement, 
chez le Ch. cornufus, de manière à former des joues, et présen- 
tent ainsi une certaine ressemblance avec la tête des Lernanthro- 
pus, où ces joues, constituées par le rebord de la tête, sont très- 
fortement prononcées. 


444 CARL VOGT. 


La bouche, située très en arrière, sur le segment du céphalothorax, 
est entourée, comme chez le mâle, de trois paires de pattes-mâchotres. 
On ne peut pas parler d’une trompe ou suçoir, lequel est déjà si insi- 
gnifiant chez le mâle... 

Chez le CA. cornutus, on voit manifestement une lèvre supérieure, 
sous forme d’une lamelle transversale large, un peu évasée au mi- 
lieu de son bord libre. Cette lèvre est encore bien visible chez le 
Ch. gibhosus, où elle présente, sur son bord libre et sinueux, des 
fines aspérités chitineuses, qui lui donnent un aspect granuleux. 
Chez le Ch. Zei, cette lèvre paraît remplacée par quelques émi- 
nences Calleuses, au nombre de cinq, dont la médiane et les deux 
voisines se terminent par des boutons arrondis et associés ensemble, 
tandis que les deux éminences externes, un peu plus reculées, ne 
montrent qu'un seul bouton. Chez cette même espèce, les articles 
terminaux des deux paires de pattes-mâchoires antérieures sont 
dentelés en peigne sur leurs bords postérieurs, tandis que la troi- 
sième paire, plus épaisse et plus rapprochée de la ligne médiane, 
porte seulement un petit crochet lisse au bout... Chez le CA. cornu- 
tus, enfin, les pattes-mâchoires, surtout celles de la troisième paire, 
sont beaucoup plus minces et allongées, et les deux premières por- 
tent des dentelures assez fortes, en peigne. L'article médian de la 
troisième paire porte, chez cette espèce, une large épine peu 
solide. 

J'ai vu, sur des préparations à la potasse, un appendice très-ca- 
ché entre les bases de la première et de la seconde paire de pattes- 
mâchoires, chez les Ch. gibbosus et cornutus. Court et trapu, cet 
appendice est simple au bout chez les Ch. gibbosus, trifide chez le 
Ch. cornutus. Peut-on le désigner comme palpe ? Je n’ai rien vu de 
semblable chez le Ch. Zeï. | 

Les appendices cutanés du CA. cornutus correspondent, comme 
l'a très-bien fait remarquer M. Claus, aux deux pattes thoraciques 
rudimentaires du mâle. Ils sont bifides, mais dépourvus de toute 
articulation, qui se trouve seulement indiquée par des étrangle- 
ments peu apparents. 

Le post-abdomen présente des différences considérables chez les 
trois espèces. Tandis que chez le CA. cornutus c’est un simple moi- 
gnon arrondi, à la base duquel se trouvent les orifices génitaux 
entourés d’un fort échafaudage chitineux, il présente, chez le Ch. Ze, 
deux appendices séparés, articulés et terminés en pointe, entre les- 


RECHERCHES COTIÈRES. 445 


quels on voit fort distinctement la fente anale longitudinale, très- 
petite, il est vrai, et terminant le rectum transparent. Chez le 
Ch. gtbbosus, enfin, c’est un appendice rhomboïdal à angles émoussés, 
entouré par un fortrebord chitineux, et dont la pointe est tournée en 
arrière. Aux deux angles latéraux du rhomboïde sont attachés deux 
appendices courts, composés de trois segments, dont le premier est 
presque globuleux, tandis que le troisième est constitué par un cro- 
chet faible et courbe. — Chez cette même espèce se voit encore une 
autre particularité, que je n’ai pas retrouvée chez les deux autres es- 
pèces : au-dessus des orifices génitaux, et attachés au contour de 
l'édifice chitineux qui les entoure, se voient deux mamelons coni- 
ques, composés par des fortes cellules chitineuses, qui sont placées 
les unes à côté des autres, comme un épithélium composé de cellules 
coniques, dont la base serait tournée en dehors... 

Je n’ai que peu de chose à ajouter à ce qu'ont dit les observateurs 
antérieurs sur l’anatomie des Chondracanthes femelles. L'œil, si visi- 
ble encore chez le mâle, manque absolument aux femelles. L'intes- 
tin est assez différemment constitué. M. Claus conteste qu'il y ait 
une ouverture anale ; il combat, sous ce point de vue, les observa- 
tions antérieures de Rathke. 

Je dois vous dire que j'ai vu l’orifice anal, aussi clairement qu'il 
est possible de le voir, chez le Ch. Zei.….. 

L’intestin est tout droit et très-étroit, sans diverticules latéraux, 
chez le CA. cornutus, où j'ai pu l’étudier avec facilité sur une jeune 
femelle, dont la transparence, non encore troublée par le développe- 
ment des ovaires, laissait même parfaitement apercevoir les deux 
couches interne et musculaire dont il se compose. Chez le CA. gtbbo- 
sus, 1l présente des diverticules peu apparents dans le Jeune âge ; 
chez le Ch. Zei, il montre des cœcums latéraux très-gros, qui se ra- 
mifient et entrent, conjointement avec les boyaux ovariques, dans les 
appendices cutanés. 

M. Claus ayant mis en question la nourriture des Chondracanthes, 
je me crois obligé d’en dire quelques mots. Je n’ai jamais vu, chez 
aucun des nombreux Crustacés parasites observés par moi, des élé- 
ments sanguins dans lintestin, pas plus chez les Chondracanthes que 
chez d’autres. J’y ai toujours vu des masses plus ou moins granuleu- 
ses, plus ou moins liquides, et parfaitement incolores ou grisâtres au 
début, dans le voisinage de l’œsophage, qui se coloraient petit à pe- 
tit en brun noir en parcourant l’intestin. Cette coloration est évidem- 


446 CARL VOGT. 


ment due aux sécrétions qui se font dans l'intestin et aux transforma- 
tions chimiques qu’y subissent les aliments... Je dirai encore qu’un 
grand nombre de ces parasites habitent des endroits où ils ne peuvent 
pas se procurer du sang, tels, par exemple, les Caliqus, qui se promè- 
nent sur la surface extérieure des écailles. Je suis donc convaincu 
que, malgré leur fixation sur les lamelles branchiales, ces animaux se 
nourrissent, dans la grande majorité des cas, des mucosités et de 
l’épithélium, si abondant partout où ils se trouvent. Les mâles pyg- 
mées, fixés sur leurs femelles, qui certes ne peuvent sucer du sang 
des poissons, ont dans leurs intestins absolument la même substance 
grumeleuse que les femelles. 

Il est vrai qu'on voit assez souvent des ecchymoses, des sugillations 
de sang là où ces parasites sont fixés, que, souvent, comme la fait 
remarquer Nordmann, les feuillets branchiaux sont tuméfiés, blan- 
châtres et même entièrement déformés. Mais ces phénomènes me 
paraissent être la conséquence nécessaire des blessures faites par les 
organes de fixation, et on ne les voit qu'’autour de ces crochets, plu- 
mets, boutons, etc., par lesquels les animaux sont fixés. C’est ainsi 
qu’on les voit autour des boutons avee lesquels les Brachielles et les 
Anchorelles sont fixés, et non pas à portée de leur tête, où se trouve 
cependant la bouche avec ses instruments. Si ces animaux su- 
çaient réellement le sang circulant dans les branchies, après avoir 
blessé ces organes au moyen de leurs pattes-mâchoires ou styles, il 
ne leur serait pas indifférent, comme c’est pourtant le cas pour PAn- 
chorella uncinata, de se fixer sur un feuillet branchial riche en sang 
ou sur une dentelure osseuse de l'arc branchial, dans laquelle on 
trouve à peine quelques vaisseaux guère perceptbles. Sauf quelques 
exceptions, ces animaux me paraissent donc plutôt rechercher les 
branchies, les arcs branchiaux et, à l’extérieur, les bases des na- 
geoires, parce qu'ils y trouvent toujours un renouvellement de l’élé- 
ment ambiant. Si l’on considère que la production de courants et 
de tourbillons dans l’eau qui circule entre les œufs est une con- 
dition essentielle pour le développement des œufs de la plupart 
des Crustacés, on se dira peut-être que c'est là le mobile qui fait 
rechercher, par le parasite fixé, les localités indiquées à grand cou- 
rant d’eau. Mais quoi qu’il en soit de cette considération, ce que je 
tiens à constater comme un fait acquis par l'observation, c'est que 
j'ai encore à trouver une espèce de Crustacé parasite, dans l'intestin 
de laquelle se retrouveraient les élements du sang de l'espèce qu'elle 


RECHERCHES COTIÈRES. 447 


habite. Je n'ai pu même en découvrir dans l'intestin des Lernanthro- 
pes, dont, cependant, toutes les lacunes vasculaires et la cavité abdo- 
minale sont remplies par un liquide nourricier rouge et transpa- 
rent, maintenu en circulation par les mouvements de pompe de 
l'intestin. 

Je conclus, en conséquence, que les Crustacés siphonostomes ne 
sont point suceurs de sang, comme on l’a admis-Jusqu'ici, mais man- 
geurs de mucosilés. 3 | 

J'ai pu examiner les Vauplius des Ch. gibbosus et Zer, qui se res- 
semblent à tel point qu’on pourrait les confondre. Ils diffèrent, en 
revanche, beaucoup des Vauplius des Lernæopodides, et se ratta- 
chent davantage aux formes ordinaires. Ils quittent en effet l'œuf 
avec les trois paires d’appendices habituelles, les antennes antérieures 
simples, avec une soie natatoire longue et une épine au bout, les 
deux paires des membres suivants bifides, à quatre soies natatoires au 
bout de chaque bras. L’œil rouge est manifestement composé de deux 
moitiés, et au-devant de lui se trouvent deux points circonserits 
brillants, enfermés comme l’œil dans un espace circulaire transpa- 
rent. Le corps du Vauplius est ovalaire, très-renflé lorsqu'on le voit 
de profil, et tronqué verticalement en avant, tandis qu'il se termine 
en arrière par deux soies courtes. Il y a une grosse lèvre abdominale 
faisant saillie, d'un aspect granulé et nettement arrêté dans ses con- 
tours antérieurs. J’ai vu une segmentation indistincte chez le C4. Zer, 
que je n'ai pu apercevoir chez le Ch. gibhosus. On ne voit, dans l’in- 
térieur du corps, que les grands muscles obliques, qui se rendent de- 
puis le sommet dorsal de la carapace vers les membres, un paren- 
chyme granuleux, accumulé surtout sur les côtés et composé de 
grandes cellules à parois très-minces et lâches, et la masse vitel- 
laire, accumulée au centre et formant de grosses bulles oléagineuses 
d'une couleur brune-rougeâtre..……. 

Je n'ai pas besoin d’insister sur la différence fondamentale entre 
les Nauplius des familles étudiées. Ici nous n’avons aucune trace de 
cet organe de fixation transitoire, placé dans le front des Nauplius 
des Lernæopodides ; nous ne voyons pas non plus le retard exception- 
nel apporté dans le développement de la troisième paire des mem- 
bres ; tandis que les Nauplius des Lernæopodides se distinguent en- 
tre tous, ceux des Chondracanthides rentrent dans le type ordinaire 
des Copépodes libres. 

Les Nauplius du Ch. Zeï.étaient d’une vivacité peu commune 


448 CARL VOGT. 


parmi les Crustacés parasites. Ils nageaient avec rapidité et se por- 
taient, dans le bocal, de suite vers la partie éclairée, où ils grouil- 
Jaient pendant deux jours, pour mourir ensuite, sans avoir subi une 
transformation... 

Les genres et espèces que nous devons rapporter aux Chondra- 
canthides, suivant les caractères des mâles connus, sont les suivants : 

Blias (Aethon) Prionoti Kollar. (Kroyer, Snyltekrebs., p. 262, 
tabl XI fig5)$ 

Trichthacerus Peristedii Kr. (Kroyer, tbid., p. 264, tabl. XIV, fig. 7); 

Hedesicate Triglarum, Kr. (Kroyer, ibed., p. 312, tabl. XVIE, fig. 4); 

Silentum Polynoës Kr. (Kroyer, ibid., p, 329, tabl. XVII, fig. 6); 

Diocus gobinus Kr. (Kroyer, Tydskr., vol. IT, p. 280. Steenstr. et 
Lütk., p. 424, tabl. XV, fig. 39). 

Les femelles sont très-différentes et ont été rangées en partie 
parmi les Lernæides ou les Lernæocerides, mais les mâles portent 
tous les caractères des Chondracanthes mâles. Un des genres, Sile- 
nium, à été trouvé sur des Annélides (Polynoë cerrhata et scabra) du 
Groënland ; les autres habitent des poissons. 

Les diagnoses que nous donnons sont toutes traduites du latin de 
M. Kroyer. 

Diocus (Snyltekrebs., p. 262). « Genre très-voisin des Chondra- 
canthes, mais de forme plus monstrueuse, ayant des téguments sub- 
cornés. Antennes de la première paire, longues chez les mâles et les 
jeunes femelles, minces, à sept articles, comme composées d’un 
manche et d’un fouet; celles des femelles adultes plus courtes et 
plus épaisses, avec des articles moins distincts. Antennes postérieu- 
res des femelles petites, mais très-robustes, indistinctement articu- 
lées, composées d’une partie basale orbiculaire et d'un crochet courbé 
extérieurement ; celles du mâle munies d’un palpe (?), à trois articles 
portant des soies à l’extrémité. Le reste comme dans le genre C'hon- 
dracanthus. » 

Ne Ajoutons que la troisième paire de pattes-mâchoires paraît être, 
suivant le dessin de MM. Steenstrup et Lütken, proportionnellement 
beaucoup plus longue que chez les Chondracanthes, et les deux paires 
de pattes natatoires réduites paraissent manquer complétement. H y 
aurait donc, sous ce rapport, une rétrogradation évidente vis-à-vis 
des Chondracanthes. 

Blias (loc. cit., p. 264). « Genre voisin des Chondracanthes, mais 
sans prolongements latéraux, à tête, thorax et abdomen distincts, 


RECHERCHES COTIÈRES. 119 


antennes antérieures courtes, coniques, indistinetement divisées en 
deux ou trois articles ; antennes postérieures crochues ; bouche située 
à la partie postérieure de la tête, formée entièrement comme dans 
les Chondracanthes ; deux paires de pattes thoraciques, formées 
d'une seule branche articulée et préhensile; abdomen biarticulé, 
armé de deux soies terminales courbées. — Mâle à peine différent 
de ceux des Chondracanthes, mais remarquable par sa taille. » 

Le mâle à, en effet, un quart de ligne en longueur, environ le tiers 
de la femelle... 

Trichthacerus (loc. cit., p.266). «Femelle de forme robuste, consti- 
tuée par une tête et une partie génitale, mais ne montrant point 
un abdomen appréciable. Tête courte, dilatée, armée en avant de 
deux cornes en forme de massue et trifides (par lesquelles le parasite 
est attaché à sa proie), portant deux antennes articulées petites et en 
dessous les organes de la bouche peu visibles. Corps (partie génitale) 
épais en forme de sac, non articulé, mais portant en dessous quatre 
paires de pattes, dont la première grande, épaisse, subchéliforme ; 
les autres presque rudimentaires, non nataloires, mais de forme va- 
riée. Ovaires externes grands et gros, à plusieurs séries d’œufs.— Mâle 
assez grand, du reste très-rapproché en tout aux mâles des Chondra- 
canthes. » 

Le mâle porte en effet, d’après le dessin de M. Kroyer, deux paires 
d'antennes, la première sétiforme, la seconde crochue à fleur du 
front ; la trompe, courte, est très-reculée en arrière sur le céphalo- 
thorax, qui montre trois paires de pattes-mâchoires. Deux paires de 
pattes natatoires rudimentaires sont fixées aux deux anneaux thora- 
ciques..……. 

Medesicaste (loc. cit.,p. 314), « Femelle à tête très-petite; cou long, 
mince, pourvu d'ailes latérales déprimées et arrondies, ainsi que 
d'une bulle cornée très-petite à peine pétiolée, ne portant point de 
pattes ; partie génitale large, déprimée, disciforme, noduleuse ; queue 
rudimentaire à deux- anneaux, ovaires externes grêles, sacciformes, 
avec des œufs très-petits en plusieurs séries. Mâle peu différent dans 
son aspect du genre Chondracanthe ; céphalothorax à deux anneaux, 
l’antérieur plus petit portant les antennes, le postérieur portant le 
rostre et deux paires de pattes préhensiles ; deux anneaux libres après 
le céphalothorax portant des pattes non préhensiles de formes diffé- 
rentes ; deux anneaux libres enfin sans pieds, le dernier muni d’appen- 
dices terminaux sétiformes. » 


ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, = T. VI, 1877. 29 


450 CARL VOGT. 


Suivant M. Kroyer, le mâle aurait près de la trompe deux paires de 
palpes plus ou moins fendus et deux paires de fortes pattes préhen- 
siles. Dans les cas où ces deux paires de palpes ne représentaient 
qu'un seul appendice {ce qui me paraît du reste assez probable, 
d’après le dessin que M. Kroyer en donne), le mâle aurait absolument 
la même formule d’appendices articulés que celle des Chondracanthes, 
savoir : Deux paires d'antennes, la postérieure crochue; trois paires 
de pattes-mâchoires, la première divisée en deux branches fendues, 
et deux paires de pattes thoraciques rudimentaires. 

Silenium (loc. eit.). « Femelle d’une forme très-simple, n’ayant ni 
antennes, ni rostre, ni pattes distinctes, mais seulement un corps 
globuleux ou sacciforme avec un bouton pétiolé, par lequel elle est 
fixée. Ovaires externes très-grands et très-épais. 

«Mâle PRE assez semblable à un Cyclops, avec un céphalo- 
thorax large ; à quatre articles antérieurement étirés en une pointe, 
auquel sont fixées quatre paires de pattes nataloires; queue à trois 
articles grèles, terminée par des appendices sétiformes. » 

J'avoue que je n’inscris ce genre qu'avec doute dans la famille des 
Chondracanthes. La partie antérieure du mâle n’est point décrite... 

D’après ce qui précède, nous pouvons donc caractériser la famille 
des Chondracanthides comme suit : 

Deux paires d'antennes, les premières tactiles, les secondes pré- 
hensiles et transformées en crochets par lesquelsles animaux se fixent. 

Rostre très-court ou nul, situé très en arrière sur la face ventrale 
du céphalothorax et entouré de trois paires de pattes-mâchoires de 
formes diverses. 

Primitivement deux paires de pattes natatoires thoraciques qui 
sont devenues rudimentaires ou se sont transformées en appendices 
cutanés. | 

Mâle. Céphalothorax très-grand, bossu, portant les antennes et les 
organes buccaux. Thorax et abdomen articulés. Les deux anneaux 
thoraciques le plus souvent portant deux paires de pattes natatoires 
rudimentaires, lesquelles peuvent être réduites entièrement. 

Femelle. Céphalothorax petit, constitué, quant aux appendices, 
comme chez le mâle. Thorax et abdomen souvent confondus, garnis 
souvent d’appendices cutanés de formes diverses. Ovisacs à œufs 
multisériaux. 

Nauplius sortant de l'œuf a avec les trois paires d’appendices ordi- 
naires et des formes semblables à celles d’un Cyclops. 


RECHERCHES COTIÈRES. 451 


Pour rechercher les affinités de la famille des Chond racanthides, 
l'on doit se guider surtout par les mâles moins transformés que les 
femelles et plus rapprochés encore des formes larvaires primitives. 
Mais en appliquant ce principe général, il ne faut pas perdre de vue 
que le dimorphisme des sexes, si prononcé dans les Chondracanthes 
proprement dits, diminue considérablement, au moins par rapport 
à la taille, chez d’autres genres de la même famille, tels que Blias et 
Trichthacerus. Il est vrai que la forme du corps des deux sexes est 
_encore très-différente, mais ce fait montre au moins que la pelitesse 
relative des mâles est le résultat d'une adaptation des femelles plutôt 
que d’une dégénérescence des mâles. Le mâle du Blias a le tiers de 
longueur de la femelle, et cette dernière, en vieillissant, devient tou- 
jours, chez les Chondracanthides, de plus en plus colossale par rap- 
port au mâle... 

Le dimorphisme des sexes, combiné avec la taille amoindrie des 
mâles, est donc sans doute un point très-important, mais il ne peut 
pas être, à mon avis, élevé au rang d’un caractère dominant tous les 
autres, et si nous voulons rechercher les affinités de la famille, nous 
devons le faire en meltant ce dimorphisme au second rang et en 
plaçant au premier l’organisation des appendices du céphalothorax, 
des antennes et de la bouche. 

Ces faits nous montrent, il me semble, sans réplique, qu'en par- 
tant d'organisations primitives assez différentes, les séries des trans- 
formations peuvent se rapprocher pour constituer des formes, sinon 
identiques, du moins similaires... 

Lernæopodides et Chondracanthides partent en effet de oies 
très-différentes déjà dans les Nauplius, aussi dissemblables dans les 
deux familles que le comporte le type fondamental de tous les Copé- 
podes et cette différence se maintient, quant aux principaux appen- 
dices, à travers toutes les phases successives que parcourent les deux 
sexes et par lesquelles, à la fin, les femelles deviennent semblables 
quant aux formes extérieures et les mâles par leur petitesse relative 
vis-à-vis de leurs femelles. La différence se prononçant déjà dans les 
Nauplius, elle doit être d’ancienne date dans le sens phylogénique 
et les animaux libres, qui étaient sans doute les prédécesseurs de nos 
parasites, doivent avoir montré déjà des PA notables dans 
l’arrangement de leurs appendices. 

Il est sans doute permis de rechercher, non ces ancêtres, mais des 
Copépodes libres actuels, qui présentent des arrangements de mem- 


452 CARL VOGT. 


bres tels que nous pouvons les rapprocher de ceux que peuvent avoir 
eus ces ancêtres. Il est permis aussi de rechercher, parmi les parasites 
connus, des formes qui se rapprochent de celles des familles, dont 
nous nous sommes occupés et qui constituent peut-être, par diverses 
conformations, des formes de passage entre les parasites accomplis 
et les souches libres supposées. 

Ce qui peut nous guider dans les recherches, touchant ce dernier 
point, c'est sans doute la conformation dés pattes natatoires. Tous 
les Copépodes libres en ont un nombre plus ou moins considérable, 
conformés généralement sur le même type; il est done probable que 
les prédécesseurs libres avaient des pattes natatoires aussi, déve- 
loppées à la face ventrale des anneaux thoraciques. Nous pouvons 
dire que cette conclusion est affirmée péremptoirement par le fait, 
que les mâles des Chondracanthes, Blias, etc., possèdent deux paires 
de pattes natatoires rudimentaires, qui disparaissent, à ce qu'il paraît, 
dans d’autres genres. | 

Or, si nous trouvons parmi les Crustacés parasites des formes qui 
s'accordent avec les Chondracanthes par l’arrangement des antennes 
et des pattes-mâchoires, mais qui en diffèrent par un dimorphisme 
moindre ou nul des deux sexes et par un développement plus consi- 
dérable des pattes natatoires, ne devons-nous pas les considérer 
comme des proches parents des Chondracanthides, parents moins 
avancés en parasitisme et plus rapprochés des formes primitives libres? 
S'il est vrai que les métamorphoses, auxquelles donne lieu l'adaptation 
à la vie parasitique, se rapportent d’abord aux organes locomoteurs, 
qui s’amoindrissent, se transforment en organes de fixation et finis- 
sent par devenir complétement rudimentairés ou nuls, il est évident 
que des formes telles que je viens de les esquisser doivent être prises 
en grande considération, lorsque l’on recherche les affinités des fa- 
milles parasitiques. 

Je réserve encore, pour le moment, la recherche des affinités des 
Lernæopodides ; quant aux Chondracanthides, je ne mets pas en 
doute que les Ergasilides, tout en différant par la segmentation plus 
prononcée du corps, par le nombre des pattes natatoires plus consi- 
dérable, etc., ne nous présentent ces formes intermédiaires entre les 
parasites accomplis et les ancêtres supposés libres des Chondracan- 
thides. Les Ergasilides sont, à mon avis, des Chondracanthides moins 
avancés en parasitisme, moins modifiés par l'adaptation à la vie para- 
sitique, mieux pourvus d'organes locomoteurs. 


| 
: 
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RECHERCHES COTIÈRES. 53 


J'ai pu examiner à Roscoff une espèce d’'Ergasilus, fort petite et 
assez rare, qui se trouve attachée aux branchies du Mullet (Mugil 
cephalus). Les femelles que j'ai trouvées n'avaient guère qu'un milli- 
mètre de long, mais elles étaient adultes, comme le prouvaient les 
sacs ovigères qu'elles portaient... 

Malgré la grande dissemblance qui existe entre mes dessins et ceux 
de M. Hesse, je penche à croire que l'espèce trouvée par cet auteur 
sur le Muglil capito, et qu'il a décrite comme type d’un nouveau genre 
( Megabrachinus suboculatus, Ann. se. nat., 5° série, vol. XV, second 
article, 1872), est la même que celle trouvée par moi à Roscoff... 

Je crois donc que le genre Megabrachinus est à rayer des cadres 
zoologiques. 

Je trouve, chez l’'£rgasilus mugihis, le céphalothorax presque 
pyramidal ou en cône tronqué en avant, bossu en arrière et por- 
tant, près de son bord postérieur, les organes buccaux, tandis que 
sur le front tronqué sont placées les antennes. Après le céphalotho- 
rax suivent quatre segments, dont le premier égale presque en lar- 
geur et épaisseur le céphalothorax, tandis que les trois autres dimi- 
nuent rapidement; ces quatre segments portent, sur la face ventrale, 
quatre paires de pattes natatoires biramées à palettes terminales, gar- 
nies de longues soies pinnées. Après viennent quatre segments du 
post-abdomen..…….. | 

Le port général du corps rappelle celui des mâles des Chondracan- 
thes et à voir les figures que donne M. Kroyer (Snyltekrebs., tab. XI, 
fig. 2, a et b) de la femelle de l'£rgasilus gasterostei, on ne peut s’empê- 
cher d’y trouver une ressemblance encore plus grande avec les mâles. 

51 nous examinons les détails, nous trouvons les antennes et les 
organes buccaux conformés sur le même type. Les premières antennes 
sont cylindriques, garnies de soies courtes, recourbées comme les 
antennes des Chondracanthes mâles. Il est vrai que les Chondracanthes 
femelles ont des antennes élargies à la base en lamelles comprimées, 
assez semblables aux antennes des Caliqus. Mais c’est évidemment 
une transformation ultérieure, puisqu'elle n’existe point chez les mâles. 
51 donc M. Claus invoque, comme une raison pour la séparation des 
Chondracanthes, « que leurs antennes supérieures sont dépourvues 
de segments et considérablement élargies », nous ne pouvons accep- 
ter la valeur de cet argument, contre lequel protestent les antennes 
antérieures des mâles. 

Les antennes postérieures des Zrgasilus sont des bras à crochets 


454 CARL VOGT. 


terminaux très-longs et très-aigus, tandis que les mêmes antennes 
se présentent, chez les Chondracanthes, sous forme de crochets courts 
et massifs. Je ne pense pas que cette différence de forme puisse être 
invoquée comme motif de.séparation ; c’est un Caractère trop sail- 
lant pour ne pas être employé pour la distinction des genres, mais 
pas assez important pour la séparation en familles diverses. L’organe 
est morphologiquement le même, transformé dans le même sens ; les 
proportions seulement des différentes pièces qui le composent sont 
changées ; les articles sont courts, trapus chez les uns, longs et min- 
ces chez les autres. Nous ne mettons pas non plus les Anchorelles et 
les Brachielles dans des familles différentes, quand même les bras 
d'attache sont réduits, chez les premiers, à un simple bouton. 

Les organes de la bouche sont infiniment moins développés chez 
les £rgasilus que chez les Chondracanthes, mais ils sont formés sur le 
même type. M. Kroyer décrit et figure ces organes chez l’'£rgasilus 
gasterostei (Snyltekrebs., p. 235, tabl. XI, fig. 2, d) : il y voit trois 
paires d’appendices, dont le premier porte un crochet courbé très- 
fin, le second un article terminal finement dentelé en scie, ou plutôt 
épineux sur le bord, tandis que le troisième, plus court, se termine 
par quelques soies. La trompe est courte et massive, à terminaison 
ronde. C’est là, à quelques modifications de détail près, la confor- : 
mation typique des organes buccaux des Chondracanthes. La bouche 
est placée, comme chez ces derniers, très en arrière, sur le cépha- 
lothorax, près de son bord extérieur. 

Les différences deviennent plus prononcées lorsqu'il s'agit de la 
moitié postérieure du corps. Les Chondracanthes mâles, pygmées et 
dimorphes, n’ont que deux anneaux thoraciques, munis de deux 
paires de pattes rudimentaires, et trois segments abdominaux ; les 
Ergasilus mâles, très-semblables aux femelles, et les femelles ont 
quatre paires de pattes natatoires bien formées, et autant de seg 
ments abdominaux. 

Ces différences sont-elles fondamentales ? Je ne puis le croire, 
lorsque je vois, dans toutes les autres séries de Crustacés parasites, 
le dimorphisme se créer par la métamorphose successive rétrograde, 
surtout des pattes et des segments du corps, dans des genres, du 
reste, absolument semblables. Je ne vois aucune raison pour qu’on re- 
fuse d'appliquer aux Krgasilides et aux Chondracanthides le prin- 
cipe de la rétrogradation successive des anneaux et des appendices 


RECHERCHES COTIÈRES. 455 


que l’on admet, sans sourciller, même pour les différents sexes de la 
même espèce. Si les femelles, plus parasites que les mâles, perdent 
les appendices qui permettent à ces derniers encore une locomotion 
bornée ; si certains membres locomoteurs des Nauplius deviennent 
organes de préhension ou de mastication, si les pattes natatoires des 
larves subissent des métamorphoses rétrogrades à mesure que les 
animaux adultes deviennent plus immobiles, il est permis, sans 
doute, de conclure que le passage de l'animal libre au parasite doit 
se faire de la même manière, et que la rétrogradation doit affecter, 
en premier lieu, les pattes natatoires proprement dites. 

Or, les Zrgasilus ont encore des pattes natatoires biramées parfai- 
tement en état de fonctionner, et je ne doute pas que, malgré leur 
fixation assez solide au moyen de leurs grands bras crochus, ils peu- 
vent quitter un feuillet branchial pour aller se fixer à un autre. Cela 
résulte de la présence de ces pattes natatoires mêmes, qui seraient 
sans doute réformées si elles ne servaient plus ; cela résulte aussi du 
fait que l’on ne trouve jamais les mâles et les femelles ensemble, atta- 
chés côte à côte sur le même feuillet branchial. Or, les mâles des 
Ergasiliens étant, sauf quelques détails de proportion, très-sembla- 
bles aux femelles, il s'ensuit que les mâles, au moins, doivent chan- 
ger de place pour aller à la recherche de la femelle, et, cette faculté 
étant reconnue aux mâles, on ne voit pas pourquoi on la refuserait 
aux femelles, qui ont une structure identique par rapport aux or- 
ganes locomoteurs. 

Si, en partant de ces principes, je cherche les Copépodes libres qui 
offrent la plus grande d’affinité avec les Ergasilides, et par conséquent 
aussi avec les Chondracanthides, je ne puis m'empêcher de trouver 
cette affinité dans la famille des Corycæïdes, telle qu’elle a été éta- 
blie par M. Claus (Die frei lebenden Copepoden. — Leipzig, Engel- 
mann, 4863). C'est surtout dans la section de cette famille, qui se 
distingue par un corps étroit, cylindrique, et qui contient les genres 
Corycæus, Antaria et Lubbockia (loc. cit., 1849), que nous rencon- 
trons les formes les plus rapprochées. Dans toute cette famille, les 
secondes antennes sont transformées en organes préhensiles très-puis- 
sants; les organes buccaux conformés d’après le type des Chondra- 
canthes, avec la dernière patte-mâchoire plus longue et plus cro- 
chue, et l'abdomen, très-étroit par rapport au corps et incomplet 
quant à sa segmentation, garni de quatre paires de pattes natatoires 
biramées. 


456 CARL VOGT. 


À pe voir que la structure générale du corps et l’organisation des 
appendices, on pourrait croire que le genre Corycæus ne diffère 
guère du genre £rgasilus. La ressemblance est complète ; elle s'étend 
même jusqu'à l'œil impair, très-petit et si bien caché dans la profon- 
deur des tissus, que la masse cérébrale, sur laquelle il est situé, sem- 
ble très-rapprochée de la face ventrale. Je me hâte cependant d’ajou- 
ter que l’organisation des deux yeux à fortes cornées cutanées et à 
cornets pigmentaires excessivement allongés des Corycæus présen- 
tent un caractère différentiel de la plus grande valeur. Mais, si nous 
rappelons que l’œil impair gagne déjà une plus grande importance 
que dans le genre Copihia, que les yeux pairs deviennent fort petits 
dans le genre Antaria, et que le genre Lubbockia est entièrement 
privé d’yeux, tandis que dans le genre Pachysoma l'œil médian porte 
trois globes réfracteurs de la lumière, dont celui du milieu correspond 
à l'œil médian primitif, tandis que les deux autres appartiennent aux 
yeux latéraux, développés incomplétement, nous devons convenir, 
comme du reste M. Claus l’a déjà fait sentir, que le développement 
puissant des yeux latéraux chez les Sapphirina, les Corcycæus et au- 
tres, n’est qu’un caractère secondaire en relation avec la vie de ces 
animaux, qui se plaisent dans les courants et dans les eaux agitées. 
Nous pouvons ajouter encore que le développement de ces yeux laté- 
raux, d'après tout ce que nous pouvons savoir, n’est qu’un fait post- 
embryonnaire, que les Vauplius ne les possèdent pas, et qu'ils n’ap- 
paraissent que pendant les phases postérieures, à la suite de plusieurs 
mues. Le développement des Pranchipus, Artemias et autres Phyllo- 
podes, que j'ai suivi en détail, démontre cette proposition d’une fa- 
con tout à fait péremptoire. Nous savons, d’un autre côté, que l’adap- 
tation au parasitisme comporte, en premier lieu, la disparition des 
yeux, évidemment par non-usage de ces organes. 

Tous ces faits nous autorisent donc à conclure que les Corycæïdes 
sont les formes libres correspondant aux formes parasitiques des 
Ergasilides moins rétrogradés, et des Chondracanthides, chez les- 
quels la métamorphose rétrograde est arrivée à son maximun, sur- 
tout chez les femelles. De cette manière ces trois familles, que 
l'on peut bien distinguer par des caractères secondaires, ne consti- 
tueraient, en réalité, qu’une seule série non interrompue, laquelle 
reflète, dans ses transformations successives, les phases qu'ont dû 
parcourir les Copépodes, ancêtres analogues, dans leur passage de 
la vie libre à la condition parasitique. 


HISTOIRE DES ASCIDIES SIMPLES 


DES COTES DE FRANCE 


, PAR M. LE PROFESSEUR H. DE LACAZE-DUTHIERS 


MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE. 


DEUXIÈME PARTIE 


ÉTUDES DES ESPÈCES 


AVANT-PROPOS. 


En commençant la révision des espèces d’Ascidies simples des côtes 
de France, je rappelle que la description d’un type longuement étu- 
dié, et formant comme une introduction, doit nous servir de terme 
de comparaison ; et qu'’ainsi, dans plus d’une circonstance, je ren- 
verrai à cette étude. Ce terme de comparaison a été longuement dé- 
erit volume III des Archives, année 1874. 

Le type Ascidie, qui a de nos jours si fortement appelé sur lui l’at- 
tention des zoologistes, présente des modifications intérieures à la 
fois nombreuses et difficiles à saisir. De même que chez la plupart 
des êtres inférieurs, quelques-uns de ses représentants ont la pro- 
priété blastogénétique développée au plus haut degré; de là des 
modifications souvent des plus considérables. 

Pour quiconque a fait des études générales sur les animaux infé- 
rieurs, il est évident que la blastogenèse se présente à des degrés très- 
différents, même dans des genres voisins, et que, si elle fournit quel- 
quefois des caractères d’une importance absolue, parfois aussi sa 
valeur est tout à fait relative et secondaire. 

En disant donc Aistoire des Ascidies simples des côtes de France, je 
n'entends nullement dire histoire des Ascidies formant un groupe 


458 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


entièrement distinct, nettement tranché et séparé des Ascidies com- 
posées. 

Il ya déjà longtemps que j'ai commencé l'étude de ces animaux; 
je l'ai dit dans l'introduction (voir vol. IT, année 1874). Nous vou- 
lions, avec Jules Haime, en faire une histoire générale et descriptive, 
et nous avions pendant notre voyage en Espagne un échange trop 
journalier de nos impressions sur les faits relatifs aux différences 
multiples que cause le bourgeonnement, dont il étudiait les modi- 
fications dans le groupe des Polypes, pour qu’il pût me venir dans 
la pensée de trouver dans l’Ascidie composée un type distinct de 
l’Ascidie simple. À cette époque, déjà ancienne, il devait étudier 
les Ascidies composées et moi les Ascidies simples. IT faudrait n'avoir 
vu ni un Pérophore, ni une Claveline, pour avoir la pensée de sépa- 
rer des choses aussi voisines, et j’ai trouvé dans la Méditerranée, dès 
cette époque éloignée déjà, des espèces inédites qui reproduisent tout 
à fait l’Ascidie simple de tel ou tel type, et qui forment des colonies 
dont les individus ne sont unis que par un simple trabecule fili- 
forme. | 

L’illustre doyen de la zoologie française, M. Milne-Edwards, en 
créant la division des Ascidies sociales, avait parfaitement fait com- 
prendre l'impossibilité de séparer nettement ces deux groupes. 

Il n’y aura donc pas un naturaliste honnête et consciencieux qui 
puisse m'attribuer la pensée de vouloir isoler morphologiquement et 
z0ologiquement les Ascidies simples des Ascidies composées. Bien 
longtemps encore, on décrira séparément celles des Ascidies qui res- 
tent toujours isolées et ne jouissent pas de la propriété blastogéné- 
tique, de même qu’on continuera à appeler les Didemnum, les Ama- 
rouques, etc., par opposition aux premières, des Ascèdies composées. 


Rien n'est difficile et confus comme la spécification des Ascidies. 
On en verra bientôt la cause, surtout dans l'histoire particulière des 
Cynthiadés. En placant en tête de cette monographie une phrase tirée 
du livre de Savigny, on ne pouvait mieux indiquer quelles étaient les 
raisons qui font que souvent il est, à la simple vue, d'après les carac- 
ières extérieurs, absolument impossible de reconnaitre une espèce 
d’une autre quand elles ont pour ainsi dire même ornementalion, 
même apparence, même port et même station. | 

Il faut dire plus encore : avec les descriptions données isolément 
d’après l'extérieur, il est parfaitement impossible dans quelques cas 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 459 


de pouvoir reconnaitre plutôt telle ou telle espèce d’une autre cepen- 
dant toute différente. 

C'est ainsi qu’en prenant l'ouvrage des Mollusques d'Angleterre, de 
Forbes et Hanley, on arrive forcément à la diagnose de la Molgula 
tubulosa pour l'espèce qui a été décrite si longuement dans la pre- 
mière partie ; et, qu’on ne l’oublie pas, cette diagnose est celle don- 
née par l’auteur même qui a créé le genre Molqula. 

Or, MM. Alder et Hancock aÿaient fait justement le genre Zu- 
gyra pour l'animal type de l'espèce Molgula tubulosa de Forbes, et 
c’est là ce qui a jeté la confusion dans les esprits quand j’ai attribué 
à la Molqula tubulosa (Forbes et Hanley) un embryon anoure, alors que 
M. Hancock affirmait que la Molqula tubulosa, devenue d’abord la 
Molqula arenosa, ensuite l'£'ugyra arenosa, avait un embryon urodèle, 

Depuis lors, j'ai reçu de M. Bradey des échantillons authentiques 
de cette espèce, et, sans nul doute, après comparaison, l’espèce que 
J'avais étudiée, et dont j'ai donné l’histoire, n’était point la Molqula 
tubulosa correspondant à l’£ugyra arenosa. 

Ce qui m'est arrivé pour cette espèce arrivera à chaque instant 
pour beaucoup d’autres ; car,sauf quelques exceptions pour lesquelles 
il n'y a point de doute possible, une description, même détaillée, 

mais isolée, prise dans un ouvrage, peut se rapporter à l’une des es- 
pèces que l’on recherche, qu’on à sous la main, mais qui n’a point 
été connue de l’auteur ayant fait les descriptions. 

Ce qu'il faut évidemment, c’est la description ou le dessin de la 

partie ou des parties fournissant la caractéristique; car alors on 
pourra établir des comparaisons, ce qui est bien difficile à faire au- 
jourd’hui avec les descriptions seules telles qu'elles sont données. 
On en verra plus d'un exemple. 
… 1] faudrait évidemment aussi, pour pouvoir faire une description 
| générale, avoir des exemplaires des espèces décrites, afin de les rap- 
procher de ceux qu'on veut déterminer et faire connaître comme 
nouveaux. Mais la chose n'est pas toujours possible, et si je dais à 
Pobligeance de M. Bradey la communication de quelques individus 
d'£ugyra, ce dont je suis heureux de le remercier, il lui a été impos- 
sible de satisfaire mon désir pour d’autres espèces, «car souvent, 
km écrivait-il, les échantillons relatifs aux descriptions des auteurs 
| anglais sont uniques ». 


Répétons donc encore l'idée de Savigny et sa phrase : 


460 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


« Les Ascidies ont l’organisation variée et l'aspect uniforme. La 
« configuration qui leur est affectée ne permet pas que des différences 
«intérieures se manifestent en dehors par des signes fort sensibles. 
« Aussi, les distinctions nécessaires à la parfaite connaissance des 
« espèces sont-elles difficiles à tracer. » 


Il faut nécessairement indiquer l’organe et voir la partie montrant 
le vrai caractère, sans cela 1l est impossible d'affirmer la vraie simili- 
tude dé l'individu décrit et de celui qu’on détermine par la considé- 
ration seule de l’extérieur. 

Pour ces raisons, il se pourra très-bien que j'appelle d’un nom 
nouveau des espèces et des genres peut-être déjà connues de quel- 
ques naturalistes. Je ne parle que des travaux sérieux. 

Je serai prêt à rectifier moi-même, après comparaison des indi- 
vidus, les dénominations que j'aurai données; mais, du moins, si 
j'ai été conduit à donner des noms nouveaux à des espèces déjà 


décrites, on saura que c’est parce que les descriptions premières ne 


sont pas suffisantes pour qu’on puisse arriver à la diagnose. 

Dès les premiers pas que nous ferons dans l’étude de la famille des 
Molgulidées, nous trouverons la preuve bien évidente de ce qui 
vient d’être dit. 


Dans l'exposé et l’énumération des espèces des côtes de France, 
celles qui se rencontrent à Roscoff seront décrites d’abord. J'y ajou- 
terai quelques-unes de celles que J'ai trouvées, soit non loin de cette 


localité, soit ailleurs ; me réservant cependant, lorsque la faune asci- \ 


dienne de cette localité sera faite, d'ajouter des suppléments où 


seront décrites les espèces qui auront été trouvées dans des explora- : 


tions des autres points de nos côtes. 


Je passerai successivement en revue les familles suivantes : 
MOLGULIDÉS ; 

CYNTHIADÉS ; 

ASCIDIADÉS ; 

PHALLUSIADÉS, 


Dans l’énumération des espèces qu'il a trouvées à Roscoff, M. le : 
professeur Grube, de Breslau, a appelé comme moi la Molgulide qui ! 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 461 


nous à servi de type, la WMolqula tubulosa ; il a indiqué de plus le 
genre Pelonaia, que je n'ai point trouvé moi-même. 

Si, au lieu d’une simple énumération des espèces de Roscoff, le 
savant Allemand, que j'avais si amicalement accueilli, c'était en 1869, 
et qui à indiqué dans la relation de son voyage de Roscoff ce genre, 
mais qui ne me l’a jamais montré ou indiqué pendant son séjour, 
avait fait connaître la localité où il l'avait recueillie, j'aurais pu la re- 
trouver peut-être si elle existe ; je l’ai cherchée et fait chercher en 
vain. 


On a l'habitude aujourd’hui de reprendre tout ce qui a été écrit, 
fait ou indiqué sur les groupes dont on va donner l'histoire. Ces longues 
bibliographies ont sans doute de grands avantages ; elles facilitent les 
recherches de ceux qui font une étude des mêmes objets; elles four- 
nissent surtout à l’auteur le bénéfice d'étendre son travail et de don- 
ner quelquefois des proportions considérables à des mémoires en 
eux-mêmes fort peu remplis de faits nouveaux. 

Il ne me paraît nullement utile de reproduire ici tous les titres des 
mémoires publiés, et je ne m'étendrai point ici sur l’histoire des 
Ascidies en donnant le résumé de ce qui a été publié, j'aurai trop de 
citations, et de trop longues citations, à faire, pour qu’il soit néces- 
saire de faire ce fastidieux travail. 

Je me contenterai de rappeler quelques-unes des dernières publi- 
cations où sont faites ces énuméraltions et ces descriptions d’espèces. 


En Amérique, plusieurs naturalistes se sont particulièrement oc- 
| cupés des Ascidies : Stimpson, en 1854'; Gould et Binney, en 1870*°; 
Telkampf, en 1871%. 

Verrill, en 1871 “et en 18725. 


1 Voir STIMPSON, Proceedings of the Boston Society of Nat. Hist., vol. IV, 1854, 
| p. 298. 
| 2? Gourn, Invertebrata of Massachusetts, édité par Binney, 2e édition. 
| 3 Notes on the Ascidia manhatlensis de Kay (Ann.of Lyc. of Nat. Hist., N.V., vol. X, 
 P. 83, plate II. 
| # Voir Brief Contribution to Zoology from the Museum of Vale College X° X, — 
| Descriptions of some imperfectly Known and new Ascidians from New-Engiand, — by 
| VeRRiLL, 1871 (the American Journal of Science and Arts, third series, vol. I, janvier 
à juin 1871). 
® Voir id., Recent Addilions to the Molluscan Fauna, of New-England, loc. cit., 
third series, vol, III, 18792, p. 288. 


462 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


Enfin, dans le rapport de la Commission des Pêcheries des Etats- 
Unis, par M. Spencer f. Baird, les principales espèces d’Ascidies si- 
gnalées en Amériqué se trouvent indiquées. Ge rapport a été imprimé 
en 1873". | 

Nous aurons naturellement à revenir sur les spécifications des 
auteurs que nous venons de citer, et quelques autres dont les noms 
seront soigneusement indiqués. 

Il y aura, en effet, de l'intérêt à comparer les espèces qui se trou- 
vent dans nos parages avec celles des mers de l'Amérique. 


En Europe, des travaux doivent être signalés. L'un date de 1874, 
1875 et 1877 ; il est du professeur Camil Heller, d’Innsbruck?. 

Les trois premières parties de ce travail se trouvent dans les Mé- 
moires de l’Académie des sciences de Vienne, et renferment les des- 
criptions des Ascidies simples de la mer Adriatique. 


La commission allemande chargée d'étudier la mer du Nord, sur- 
tout dans le voisinage de Kiel, à publié un grand ouvrage dans lequel 
M. le professeur Kuppfer a fait une revue des Ascidies simples de la 
mer du Nord. 

Les Molgulidés y sont représentées par un nombre assez grand 
d'espèces, et leur comparaison avec celles que la Manche nous pré- 
sente a, on le comprend, un intérêt tout particulier. 


En Angleterre, l'on s'occupe aussi beaucoup des Ascidies. Le rem 
gretté et savant naturaliste Hancock avait recueilli les documents 
nécessaires à l'histoire des Tuniciers d'Angleterre; tout porte à croire 
que ces documents ne seront point perdus et qu’ils seront publiés: 
Je n’ai pas besoin d'ajouter que les descriptions d’espèces parues 
dans les recueils anglais seront particulièrement recherchées et in- 
diquées, car le voisinage de nos côtes et de celles d'Angleterre ne 
peut manquer de nous fournir des espèces, communes pour le plus 
grand nombre. 


1 Uniled-Slates Commission of Fish and Fisheries, Part 1.— Report on the Condilion 
of the Sea Fisheries of the South Coast of New-England in 1871 and 1872, by SPENCER 
Fr. BaIRD, commissioner. Washington, 1873. 

2 Untersuchungen über die Tunicalen des Adrialischen Meeres (Denkschriften der 
Kais. Akad. der Wiss., XXXIV Band, 1874, 1 Abtheïilung ; id., 1875, 2e Abtheilung; 
3e, 1877. 

3 Nordsee Expedition, 1872, p.187, VIL.—Tunicala bearbeitet, von G. Kuprrer (Hierzu 
Lafein, IV mwN:1) 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 463 


Le dernier travail qui arrive à ma connaissance est celui de 
. M. Usoff. Il est écrit en russe et a paru à Moscou en 1876. Il a pour 
objet le système nerveux des Tuniciers. Il n'offre rien de relatif à la 
spécification, du moins si j'en juge par les planches qui l’accompa- 
gnent ; mais on y trouvera, de la page 12 à la page 20, une énumé- 
ralion de ce qui a été écrit sur les Ascidies depuis Aristote jusqu’à 
Korvalewsky, en 1874, et aux pages 55, 56 et 57, un supplément d'in- 
dications bibliographiques. Je crois donc qu'il est à peu près inutile 


d’encombrer la publication présente d’une édition nouvelle de ce qui | 


a été écrit sur les Ascidies, puisqu'on le trouvera dans cet ouvrage. 


Dans l’état actuel de nos connaissances ascidiologiques, les familles 
dont les noms ont été précédemment cités sont faciles à caractériser 
par l'apparence extérieure comme par quelques caractères intérieurs. 

Les deux premières familles qui seront étudiées ici, les MoLGuripés 
et les CYNTHIADÉS, répondent aux deux genres primitifs, Holqula et 
Cynthia; j'en rappellerai les caractères en commençant l’histoire de 
chacune d'elles. 

Nous allons donc prendre ces deux types, qui se trouvent large- 
ment représentés sur les côtes de France. 


.  MNofa. — Dans le présent travail, il n’est question que des carac- 
tères des Ascidies adultes. | 

Îl y a déjà longtemps que j'étudie ce groupe et l’on comprendrait 
difficilement qu’un nombre considérable de faits m’eût échappé rela- 
tivement au développement des jeunes. Afin de ne point mêler à un 
travail purement zoologique, comme on le fait un peu trop souvent 
IMaujourd'hui, des études de développement, j'aurai un travail spécial 
"à publier plus tard sur les transformations embryogéniques des 
| jeunes animaux. 


464 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


FAMILLE DES MOLGULIDÉS. 


I 


GÉNÉRALITÉS. 


S Ac. 


Caractères généraux. 
» 


Cette famille se présente tout naturellement la première, puisque 
c’est elle qui a fourni l'exemple précédemment décrit et servant de 
terme de comparaison. Sans indiquer ici toutes les particularités de 
l’organisation de ce type, il est cependant nécessaire de rappeler en 
quelques mots comment 1l doit être compris, et comme conséquence, 
quelle est la valeur des termes employés dans les descriptions. 

Du reste, ce résumé très-succinct sera facilement complété par le 
lecteur, lorsqu'il le désirera. Il n’aura qu’à consulter la longue mo- 
nographie anatomique et embryogénique, remplie de détail, et ser- 
vant d'introduction au travail actuel, qui a été publiée en 1874, 
vol. HI des Archives. 


Pour qu’il soit plus facile de s’entendre ou d'interpréter les carac- 
tères et surtout afin de ne point faire de confusion en comparant les 
descriptions qui vont suivre avec celles qu’on trouvera dans les 
auteurs, je reproduirai d’abord les trois figures schématiques dont 
les dessins ont été déjà publiés dans l'introduction !. On aura ainsi 
immédiatement sous les yeux la position de l’Ascidie telle qu’elle est 
assignée par les auteurs les plus accrédités et celle que je lui donne. 

Voici donc comment je crois qu'il faut poser l’Ascidie en ad- 
mettant, comme je le fais, qu’elle est un mollusque et qu'il est pos- 
sible de la comparer à l’Acéphale. Les orifices étant en bas et l’ori- 
fice anal étant en arrière, on fixe le haut, le bas, la droite, la gauche, 
l'avant et l'arrière sans aucune incertitude possible. 

On remarquera aussi la désignation des orifices; elle a été faite 
d’après leurs fonctions. En effet, l’orifice branchial est bien réellement 


1 Voir Hi. DE Lacaze-DurTuiers, vol. III des Archives de zool. exp., 1874. — Pa- 
ges 142 et suiv., j'ai cherché à montrer et à résumer comment les auteurs posaient. 


J'Ascidie. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 465 
inspirateur, et l’orifice postérieur correspondant à l'anus est sans 
CPAS . | 
aucun doute un orifice expirateur. 
Ce que tous les auteurs ont placé en haut se trouvera donc dans 
nos descriptions placé en bas, comme dans la figure ci-dessous. 


N 
| 


[= 
D 
53 
E3 
El 


[1 
. 
Ciel 
su 
1 
(EE 


Fig. 1. Position de l’Ascidie dans ce travail. 


Les côtés droits et les côtés qauches pour Savigny et Hancock reste- 
ront aussi pour moi les côtés droits et qauches. 


HAUT 


oi 


Fig. 2. Position de l’Ascidie pour Savigny et Hancock. 


Mais ce qui sera ici le cté droit est pour M. Milne-Edwards le côté 
| gauche, et réciproquement. En plaçant les dessins de notre illustre 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN, —T, VI. 1877. 30 


RS 


466 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


doyen au bas d’une glace, et en regardant leur image, on les su- 
perposera facilement sur ceux qui se trouvent ici. 

M. Kupffer me parait poser l’Ascidie comme M. Milne-Edwards 
(fig. 3.) 


AVANT 
PALTT. 


ra. end 


Fig. 3. Position de l’Ascidie pour M. Milne-Edwards. 


M. Verrill et les auteurs américains semblent de même placer les 
Ascidies comme elles sont posées dans la figure 3. Je dis: me parais- 
sent, parce que, dans les descriptions des espèces, il est assez peu 
parlé de la position, des animaux ou des parties. 


Une Ascidie ainsi posée offre les dispositions suivantes : 

D'abord en enlevant avec soin la première enveloppe, c’est-à-dire 
la tunique, mince, transparente, de nature épidermique, souvent. M 
couverte de villosités, on arrive sur le manteau, qui, d’une délicatesse. | 
fort grande, laisse voir par transparence facilement les organes qu'il 
loge dans son épaisseur ou bien qu'il recouvre. 

Sur le milieu, en haut et en arrière, un peu au-dessus de la base 
du tube expirateur qui occupe le plus souvent le milieu dela longueur 
du grand axe du corps, on voit une glande d’un jaune-brnnâtre, 
bistre ou verdâtre. C’est le foie, ayant ordinairement quatre lobes, 
trois à gauche, un à droite, séparés par l'estomac, que l’on distingue 
souvent parfaitement au travers des tissus. 

Je donne à l’ensemble des parties de cette région importante le 
nom de masse viscérale. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 467 


A droite de cette région, en haut paraît l’origine de l’entestin lequel 
décrit une anse dont les deux moitiés sont contiguës dans le plus grand 
nombre des espèces. — Cette anse (anse intestinale) toujours très-facile 
à reconnaître, a souvent une couleur plus ou moins Jaunâtre tenant 
aux bols excrémentitiels en forme de vermicelle qu’elle renferme et 
dont la teinte est due à la sécrétion du foie. 

Sur le côté droit on voit encore, en arrière de l’anse intestinale, 
une masse grandulaire de couleur variable avec l’état de développe- 
ment, c’est la masse glandulaire génitale droite, habituellement plus 
colorée au centre, qui répond à l’ovatre et presque toujours blan- 
châtre à la circonférence où est le éesticule. 

Le côlé gauche présente deux parties glandulaires, l’une, la plus 
postérieure, est encore un ensemble de glandes génitales, offrant, 
comme précédemment, la même réunion des deux glandes sexuelles. 
L'autre, d’une couleur le plus souvent rougeâtre-vineuse, est cylin- 
drique, arrondie à ses deux bouts, un peu courbe à concavité posté- 
rieure embrassant le bord antérieur de la glande génitale, c’est le rein. 

Ces deux glandes rénales et génitales se rapprochent et viennent 
presque toujours au contact suivant leur longueur. Cependant elles 

_ sont séparées par une cavité close que tapisse une membrane mince. 
| C’est le péricarde, dans l’intérieur duquel on voit le cœur. 

Il est utile de remarquer que l'extrémité supérieure de ces deux 
glandes se rapproche souvent beaucoup de la masse viscérale dans 
le point où le foie présente trois lobes et est bien plus développé de 
ce côté qu’à droite. | 
| En avant sur la ligne médiane, comme un méridien de l’ovoïde 
représentant le corps de la Molgule, on observe une ligne plus ou 
| moins transparente, quoique de teinte foncée, se dessinant toujours 
| très-nettement : c’est l’endostyle des auteurs, que nous désignons par 
| le nom de raphé antérieur, enfin on trouve les orifices inspirateurs et 
| expirateurs, l’un en bas et l’autre en arrière. Le premier, qu'on nomme 
encore branchial, est à l'extrémité du grand axe de l’ovoide, quel- 
quefois un peu porté en arrière de cette extrémité. Le second, souvent 
désigné par l’épithète d’anal, est toujours, à quelque différence près, 
placé vers le milieu de la longueur du corps. 

Les rapports de ces orifices, leur constitution musculaire, leur 
couleur, leur ornementation, tout en eux est intéressant à étudier; 
entre eux se trouve une partie plane sous laquelle est le ganglion 
Mmerveux. Cette région, que je désignerai souvent pat le nom de Ré- 


en me 


A68 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 
gion des orifices où région interosculaire, mérite toute l'attention, car 
elle offre des différences fort intéressantes chez quelques espèces. 

Que par une dissection délicate on enlève le #nanteau, c’est-à-dire 
la couche même de tissu qu’on a sous les yeux, après avoir débarrassé 
l'animal de sa funique ou couche extérieure, et on aura en même temps 
enlevé les glandes génitales, l’anse intestinale et le rein, mais on n'aura 
pu, en raison même de ses adhérences, le séparer de la masse viscé- 
rale, ni des orifices ni de la région interosculaire; une grande modi- 
fication-sera produite ainsi dans la nouvelle physionomie de l'être, qui 
n'aura pas très-sensiblement diminué de dimension, et surtout qui 
aura peu changé de forme. 

Il restera encore un corps ovoïde d’une apparence uniforme dans 
toute son étendue, et d’une structure extrêmement délicate et tou- 
jours très-élégante, c’est la branchie. 

La cavité de l'organe respiratoire est immense, comparée à la 
grandeur totale du corps; elle prime tout dans l’économie de l’ani- 
mal. Sa composition, difficile à décrire, mérite cependant la plus 
grande attention, en raison même des dispositions curieuses et 
variées qu’elle offre souvent. 

Elle n’adhère véritablement au manteau que dans les points sui- 
vanis : 

4° Dans toute l'étendue du raphé antérieur ou endostyle, sur la ligne 
médiane en avant ; 

2° Dans la région des orifices et à la base de l’orifice inspirateur ou 
inférieur dans tout son pourtour ; 

3° Enfin à la face antérieure de la masse viscérale. 

D’après cela, si on cherche à détacher le manteau de la branchie, on 
voit qu'il faudra couper, suivant deux lignes parallèles, sur chacun des 
côtés du raphé antérieur, en bas, au pourtour de la base de l’orifice 

ranchial, et enfin en haut, au pourtour de la masse viscérale. Ainsi 
isolée, la branchie sera entière, mais on aura dù couper, pour arriver 
à ce résultat, en haut, à droite, à la fois les points d'origine et de ter- 
minaison de l’anse intestinale. Tout le reste des organes sera intact. 

En dehors de la branchie se trouve denc, entre elle et le manteau, 
un espace périphérique très-étendu et très-étroit, divisé antérieure- 
ment sur la ligne médiane par les adhérences du manteau et du 
raphé antérieur. 

Cest la cavité péribranchiale. En arrière, dans la partie correspon- 
dant à l’orifice postérieur, elle est plus large que sur les côtés et qu’en 


| 
. 
. 
| 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 469 


avant, et, comme dans ce point viennent s'ouvrir, 4° sur la ligne mé- 
diane, en haut, tout contre la branchie et au-dessous de la masse 
viscérale, le rec{um, % sur les côtés, les glandes génitales dont les 
conduits restent adhérents au manteau, quelques auteurs ont appelé 
cette région de la chambre péribranchiale la chambre cloacale, nom 
peu juste, car, dans cette immense cavité qui entoure la branchie, on 
ne trouve point les caractères qui appartiennent à un vrai cloaque. 

L'anus est situé sur la ligne médiane, au-dessous immédiatement 
de la masse viscérale, toujours très-près d’elle, et souvent accolé ou 
uni au dos de la branchie. 

La surface extérieure de la branchie est très-régulièrement par- 
courue dans le sens du grand diamètre de l'ovoïde par des bandes 
parallèles, larges, creusées de séries de dépressions profondes. 

J'ai appelé méridiens branchiauc les séries longitudinales de dépres- 
sions faisant saïllie dans l’intérieur de la cavité branchiale, et 2nfun- 
dibulum, chacune de ces dépressions prises isolément,. Les uns et les 
autres correspondent à ce que les auteurs nomment phs branchiaux. 

L'idée qu'il faut se faire, en effet, de la branchie, est celle-ci : c’est 
une membrane mince, délicate, toute criblée de fentes en bouton- 
nière, éréma (trous), ployée de dehors en dedans, et pénétrant ainsi dans 
l'intérieur de la cavité branchiale, en y faisant saillie pour y former 
ces plis ou méridiens branchiaux. Dans sa dépression, cette membrane 
mince ne forme pas un angle dièdre continu d’un bout à l’autre 
d'un méridien; elle est comme arrêtée de loin en loin par des bandes 
transversales de tissus, de sorte que le méridien, loin d’être formé 
par le ploiement d’une membrane, comme on le dit et comme ce serait 
si l’on ployait une feuille de papier, est Le résultat de nombreux enfon- 
cements régulièrement espacés et produits suivant une direction lon- 
gitudinale. Ce sont ces enfoncements que je nomme des infundibulum. 

Il suffit d'une préparation bien faite, après durcissement dans 
l’acide chromique et coloration au carmin ou à l’éosine, pour recon- 
naître que les 2nfundibulum sont parfaitement distincts les uns des 
autres, et que les figures de leurs bases, plus ou moins voisines d’un 
cercle ou d’un quadrilatère à angles arrondis, placées à la suite les 
unes des autres, couvrent la surface extérieure de la branchie de 
bandes régulières et méridiennes. 

Je ne connais qu’un exemple où les infundibulums soient simples, 
c'est l’Æugyra. Dans toutes les autres espèces décrites dans ce tra- 
vai}, les infundibulums se divisent une, deux, trois ou quatre fois, à 


470 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


mesure que leur sommet s'approche plus près du bord libre du pli 
méridien. 

Enfin la membrane fondamentale présente, entre les plis méridiens, 
des bandes longitudinales, vrais fuseaux interméridiens, où la disposi- 
tion des trémas est souvent très-différente de celle qu’on observe dans 
les infundibulums. Elle est fort délicate, soutenue par des baguettes 
renfermant des vaisseaux qui, en nombre variable, se voient du côté 
de la cavité intérieure de la branchie, soit sur les fuseaux interméri- 
diens, soit sur les méridiens eux-mêmes. Ces baguettes, qui ont 
reçu la dénomination de céfes, ne sont point interrompues d’une 
extrémité à l’autre d’un pli, et méritent d’être examinées dans les 
descriptions spécifiques. 

La branchie se termine en haut, à la bouche, vers laquelle con- 
vergent tous ses plis; mais, comme la bouche n’occupe pas une 
des extrémités de l’ovoiïde, qu’au contraire elle est à la face anté- 
rieue ou un peu en bas de la masse viscérale, vers le milieu presque 
de sa longueur, il s'ensuit que les méridiens antérieurs devant arri- 
ver jusqu à la bouche sont beaucoup plus longs que les postérieurs. 

Le nombre des méridiens ne dépasse pas sept de chaque côté, quel- 
quefois il est moindre. Dans cette différence, il y a un caractère im- 
portant qu'il ne faut pas omettre de constater. 

Le raphé antérieur est une gouttière à deux lèvres de nature glan- 
dulaire, qui commence non loin de la couronne tentaculaire, en bas, 
près de l’orifice antérieur, et se termine à peu près vers la limite su- 
périeure de la masse splanchnique. Là, les deux lèvres se réunissent, 
forment un eul-de-sac d’où part un filet qui passe au côté gauche de 
la bouche en affectant des rapports constants avec l’extrémité de 
chacune des têtes des méridiens gauches. 

Ces têtes offrent souvent des caractères distinctifs utiles qu'il ne 
faut pas laisser de côté. 

Celles du côté droit sont en rapport avec l'extrémité du raphé 
postérieur, lame orale de Hancock, qui remonte du sommet de l’angle 
supérieur de la couronne voisine du ganglion nerveux et de l’organe 
olfactif. Ge raphé n’est formé que par une lame simple qui offre en- 
core de bons caractères, et qui passe à droite de la bouche pour unir 
plus ou moins directement les têtes méridiennes de ce côté. 

L'orifice branchral est fort intéressant à étudier, car sa coloration est 
due tantôt à la couleur même des tissus, lantôt à des amas de corpuscu- 
les, dont la nature a été étudiée dans la monographie servant d’in- 


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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. AT 
troduction. Des caractères varient avec les espèces et fournissent de 
bons renseignements dont il faut cependant savoir mesurer l’im- 
portance. À cette coloration se rapporte l’ornementation, qui, dans 
les Molgulidés, n’a pas une aussi grande fixité que dans les Cynthiadés 
par exemple. 

La présence des points oculiformes placés entre les dents du feston 
marginal de l’orifice, n’a pas une valeur caractéristique aussi grande 
qu’on pourrait, au premier abord, le penser. 

La forme des festons et les particularités qu'ils peuvent présenter 
ont, au contraire, une importance réelle. 

Un bourrelet profondément placé précède la couronne tentacu- 
culatre, dont chaque élément ou {entacule peut offrir Les indica- 
tions au point de vue spécifique. 

Au-dessus de cette couronne, entre elle et la série des fées infé- 
rieures des méridiens, se trouve un sillon circulaire que limitent deux 
lames. L'une, inférieure, fait le tour complétement du tube bran- 
chial, l’autre, supérieure, se continue en avant, à droite et à gauche 
avec la lèvre correspondante de l’endostyle ou raphé antérieur, et 
en arrière, remonte à droite jusqu'à la bouche en se confondant 
avec la lame du raphé postérieur, tandis qu'à gauche elle remonte 
un peu à côté de la lame droite et s’épuise rapidement. Ces deux 
lames, en se dirigeant ainsi vers la bouche, forment un angle assez 
aigu, doublé au-dessous par la lamelle inférieure, et dans lequel se 
voit l'organe olfactif ou organe vibratile, qui ressemble à un cornet 
doublement contourné. 

Dans un plan sous-jacent à cet angle et à cet organe, se trouvent 
la glande olfactive et le ganglion nerveux. 

Il est impossible, on le sent bien, de faire la description d’une 
espèce sans donner des détails sur chacune des parties de cet orifice 
important. 

L'orifice expirateur, anal ou. postérieur, est beaucoup plus simple, 
et je n'aurais qu'à répéter les détails qui précèdent sur la coloration 
et l’'ornementation des quatre festons qui le caractérisent. 

Mais, quand on l’examine plus profondément, on voit qu'il pré- 
sente un bourrelet circulaire homologue à celui de l’orifice antérieur, 
bourrelet saillant qui, de même qu’en avant, est la limite d’une expan- 
sion épidermique venant de l’extérieur et recouvrant la première 
partie intérieure de ces tubes. 

Dans le tube expirateur, ce bourrelet prend quelquefois des pro- 


472 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 
portions telles, qu'il forme comme un obturateur, comme un da- 
phragme ou valvule circulaire percé d’un trou central. 

Certaines espèces présentent cette valvule plus développée, les unes 
que les autres ce qui fournit un caractère. 

Pour compléter ces détails, il est nécessaire d’indiquer et de 
décrire une préparation qui, dans plus d’une planche, a été repro- 
duite. Si l’on prend une Molgule débarrassée de sa tunique et si 
on la place devant soi la branchie en avant et l’orifice inspirateur 
en haut, l’on a le côté gauche à sa droite. Si alors on détache le 
manteau tout autour de la base de l’orifice inspirateur, dans la ré- 
gion placée entre les tubes musculaires, et si on dirige l’incision à 
droite et à gauche aussi près que possible de la limite de la branchie, 
en la conduisant vers le raphé antérieur, on obtient une grande par- 
tie du manteau correspondant à la limite médiane et postérieure de 
la chambre péribranchiale, qui est fort intéressante à étudier au 
point de vue descriptif. 

La préparation est longue, difficile et très-délicate, en raison 
même des nombreux trabécules qui, de la branchie, vont au manteau. 

Quand on a dépassé à gauche le corps de Bojanus ou corps rénal, 
et à droite le sommet de l’anse intestinale, on peut rabattre vers soi 
les lambeaux et on a sous les yeux la cavité dite cloacale, ou mieux 
la partie postérieure de la chambre péribranchiale. 

L'intérêt qui s'attache à cette préparation est celui-ci: on n’a dé- 
rangé aucun des rapports les plus importants à constater dans la 
spécification, soit ceux du rectum et de l’anus, soit ceux des glandes 
génitales et surtout ceux des conduits de celles-ci; soit enfin de l’o- 
rifice interne du conduit expirateur. 

Quand, ainsi qu’on est tenté de le faire, on ouvre tout simplement 
cette partie postérieure et médiane de la chambre péribranchiale en 
pénétrant par l’orifice postérieur, on déplace les choses et surtout 
on ne voit plus l'entrée du tube expirateur. 

Dans toutes les espèces, j'ai fait cette préparation et j'ai été frappé 
de l’avantage qu’elle présente. Elle montre, avec la plus grande 
facilité, des caractères spécifiques d’une si grande valeur que, sans 
des raisons particulières, on pourrait les regarder comme étant d’un 
ordre générique. 

Les glandes génitales, soit du côté droit, soit du côté gauche, 
montrent ainsi les conduits simples ou multiples du testicule, lovi- 
ducte, dont la direction et la terminaison, à la surface du manteau, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 473 
fournissent un excellent caractère permettant seul, dans quelques 
cas, de faire une diagnose. 

Quand il a été question, en commencant cet exposé, de la posi- 
tion relative des deux glandes sexuelles, on à vu que le testicule en- 
toure l’ovaire plus ou moins globuleux ou allongé, or, le plus sou- 
vent, c’est sur la face interne de ce dernier que se rendent les conduits 
spermatiques, et c’est là, à part quelques exceptions, qu’il faut en 
chercher les orifices. 

Telles sont les dispositions organiques qu'il m'a semblé utile de rap- 
peler avant d'apprécier la valeur relative des caractères fournis par 
les différentes particularités que ces dispositions présentent. | 


$ 2. 


Du genre et de la famille. 


La question de savoir s’il faut conserver l’ancien genre Molqula ou 
s’il faut en faire une famille, doit d’abord être examinée. 

Pour quelques auteurs, le groupe des Ascidies ne doit pas être di- 
visé en familles. A leurs yeux, il ne renferme que des genres. 

Il me paraît d’abord évident que le genre primitif ne peut pas 
exister tel qu’il avait été créé, quand on ne connaissait que deux ou 
trois espèces. Il faut aujourd’hui l’étendre ou le restreindre.Dans l’un 
et l’autre cas il faut le transformer ou le démembrer en le partageant 
en plusieurs genres ; et d’un autre côté on ne peut guère admettre, par 
exemple, que le genre Molqula et le genre £ugyra soient des genres 
aussi distincts et aussi éloignés entre eux que le sont le genre Ascidia 
et le genre Cynthia, ou l’un de ces deux genres et le genre Molgqula. 

Si donc le groupe, d’abord caractérisé comme l’avait fait Forbes, 
correspond à un type offrant des modifications secondaires de valeur 
que je crois générique, est subdivisé, il faut bien admettre une fa- 
mille pour réunir l’ensemble de ces subdivisions. 

Primitivement, le genre, tel qu'il fut créé pour une ou deux espèces, 
par Forbes, était caractérisé comme il suit : 

« Corps plus ou moins globuleux, fixé ou libre, avec tunique mem- 
braneuse habituellement recouverte par des matières étrangères, 
orifices sur des tubes très-contractiles et nus ; le branchial à six (6) 
_ lobes, l’anal à quatre (4) !. » 


1 Voir Britisch Moll., vol. I, p. 36, ForBes et HANLEY. 


474 - HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Ces caractères, quoique fort succincts, étaient très-suffisants à l’6- 
poque où il s'agissait de distinguer les Molgules des autres Ascidies, 
alors qu'on n'en connaissait que très-peu d'espèces, une ou deux. Ils 
doivent maintenant être complétés, car ils se réduisent en effet à un 
seul, à celui tiré du nombre des dents des festons des orifices. Les 
autres n'ont rien qui puisse permettre de distinguer une Molgule 
d’une autre Ascidie. Car ce n’est point la contractilité des tubes des 
orifices, la présence des corps étrangers sur la tunique, la forme 
globuleuse de l’animal et l’état de fixité ou de liberté du corps qui 
permettraient de distinguer une Molgulide. 

Le nom n'indique pas, du reste, un caractère spécial, car il vient 
de Mcycs : un sac de peau, et si, en effet, quelques Molgules ont une 
tunique un peu mince, plus membraneuse que la plupart des Ascidies, 
il en est d’autres qui l’ont un peu épaisse et même coriace. 

Du reste, cette observation avait frappé déjà plusieurs auteurs. 

En particulier, J. Alder, qui a fait la même remarque et quiajoute 
même que, bien quele caractère tiré du nombre des dents des oscules 
ait peu de valeur physiologique, les genres qui ont été formés avec 
lui n’en restent pas moins fort naturels. 

Il dit catégoriquement que ce genre est intermédiaire aux genres 
Ascidie et Cynthie, qu'il est même plus voisin de ce dernier que des 
autres, et après quelques considérations sur la difficulté des détermi- 
nations et la valeur des caractères, il en donne la diagnose. 

Il propose de définir ainsi le genre Molqula : 


« Animal — généralement libre ou seulement légèrement attaché 
par des filaments glandulaires. 


« Test — mince et membraneux, souvent couvert de sable ou de 
fragments de coquille très-légèrement attachés au manteau, excepté 
aux deux ouvertures. 


« Ouverture branchale. — À six lobes ; anale, à quatre lobes. 

« Ocelles. — Invisibles ou visibles. 

« Tentacules. — Rameux. 

« Sac branchial. — Avec des plis longitudinaux ; mailles plus ou 
moins convolutées, sans papilles. 

« Ovaires. — De chaque côté du corps; celui du côté droit en 
dehors de l’inflexion de l'intestin. 


« Æstomac et intestin. — Latéraux et dextres. Ce dernier se cour- 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 475 


bant vers le haut comme dans les Ascidies, mais avec une courbure 
plus comprimée. » 

La même observation que précédemment se phésdaté ici. Ces 
caractères ne suffisent plus en tant que caractères génériques, et 
ils ne répondent évidemment qu’à la diagnose de la famille des Mol- 
gulidés. 

Dans ce travail, J. Alder signale l'espèce Molqula arenosa, qui corres- 
pond à la Molqula tubulosa de Forbes et Hanley, et l’on y comprend 
déjà que la diagnose générique pourrait être avantageusement mo- 
difiée ; ce qui à été fait plus tard par Hancock. 


Le travail de ce dernier savant ascidiologue anglais a été publié 
à propos de ma communication sur l’embryogénie de la Molgulidé 
ayant servi de type. Il avait été communiqué à l’Association britan- 
nique, aux réunions qui se tinrent à Liverpool en septembre 1870*. 

Nous aurons naturellement à revenir sur cette publication impor- 
tante. 


Voyons donc quels sont les caractères généraux appartenant aux 
animaux de l’ancien genre Molqula. Juger de leur valeur relative et 
discuter leur importance est chose utile avant de créer de nouvelles 
divisions, car il est nécessaire de bien préciser quelles sont les dispo- 
sitions particulières qui doivent motiver l’existence de ces nouvelles 
coupes. 

Est-ce la présence sur la tunique des filaments propres à fixer, en 
les agglutinant, les corps étrangers? Est-ce la présence des plis méri- 
diens de la branchie ? Est-ce le nombre des festons des orifices ? 
Est-ce enfin les ramifications des tentacules qui ont le plus d'im- 
portance ? 

A s’en tenir aux caractères indiqués par les auteurs, un seul pour- 
rait s'appliquer exclusivement à la famille, c’est celui tiré du nombre 
des dents des orifices, tous les autres se rencontrant, à des degrés 
différents il est vrai, dans les autres Ascidies ; mais je ne vois indi- 
qué nulle part qu’il existe des Ascidiadés ou des Cynthiadés présen- 
tant ces deux nombres constants : 6 et 4. 


1 Voir Ann. and Mag. of Nat. Hist., vol. XL, Third series, p. 158. J. FPT On the 
British Tunicata. 
2 Voir the Ann. and Mag. of Nat. History, Fourth series, vol. VI, p. 353, 1870. 


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476 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


En examinant les dispositions organiques, on va voir que quel- 
ques-unes d’entre elles ne se présentent que dans les Molgules et 
viennent s'ajouter heureusement au caractère fondamental du nombre 
des dents des orifices. 

La tunique globuleuse ovoïde, souvent couverte de villosités d’une 
épaisseur uniforme, ordinairement peu considérable, plus ou moins 


coriace, mais ne présentant jamais cette dureté, cette épaisseur et 


cette consistance qui la fait ressembler à un cartilage épais, fournit 
un Caractère d’une incontestable valeur pour le plus grand nombre 
des cas. Cependant, il est des espèces où les villosités manquent; où 
la tunique, sans être très-épaisse, ressemble à une lame de cartilage, 
et où la diagnose ne pourrait être faite par la considération seule de 
l’envéloppe extérieure ; car, d’une autre part, il y a des Cynthiadés 
dont le corps est globuleux, dont la tunique, excessivement villeuse, 
se recouvre d'innombrables petits corps étrangers, particules de vase, 
sable, etc., et ne présente pas une épaisseur et une résistance analo- 
gues à celle des autres espèces de ce groupe. 

Bien des fois, je m'y suis pris, et, au premier examen, j'ai con- 
fondu des Cynthiadés villeuses avec des Molgulidés provenant des 
mêmes draguages. 

La position, la longueur, la contractilité des tubes des orifices ne 
peuvent rien faire reconnaître, car dans la famille des Cynthiadés, on 
trouve à ce point de vue des apparences tellement semblables avec ce 
qui s’observe dans les Molgulidés, que l’on est obligé d'attendre 
l'épanouissement des orifices pour être fixé; alors les nombres 6 + 4 
pour les Molgulidés, et 4 + 4 pour les Cynthiadés, ne laissent plus de 
doute. 

Les points oculiformes concourant à l’ornementation des orifices 
sont dans les échancrures des dents des festons. Habituellement, ils 
sont limités ; mais ils ne sont constants ni dans les genres, ni même 
dans les espèces. Ils sont quelquefois remplacés par des traînées de ma- 
tière colorante ; mais alors l’ornementation produite par eux ou parla 
matière disséminée régulièrement en bande, ne rappelle pas celle que 


montrent les Cynthiadés. L'analogie serait au contraire, dans quel-" 


ques cas, fort grande avec les dispositions qu’on voit chez les Ascidies 
proprement dites. 

La matière colorante pigmentaire sur la face interne des tubes 
inspirateurs et expirateurs ne dépasse pas le repli circulaire, sail- 
lant dans les deux tubes où l’on a vu s'arrêter la couche épidermique. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 477 


Ce repli peut acquérir un assez grand développement dans le tube 
postérieur pour rappeler une valvule circulaire et nous avons déjà 
dit que dans la grandeur et la forme de cette valvule on trouve un 
caractère spécifique de quelque valeur. 

La couronne tentaculaire, dont les éléments rameux et arbores- 
cents sont ordinairement au nombre de douze, fournit de bons carac- 
tères, mais non pas d’un ordre élevé. Le tronc des tentacules, habi- 
tuellement gros et volumineux, est couvert sur l’une de ses faces par 
les bouillons d’une membrane mince, qui lui donnent une physionomie 
particulière. Aussi pourrait-on, dans quelques cas, reconnaître la fa- 
mille par l'examen des tentacules. Bien qu'il soit difficile d’assigner 
précisément les caractères qui les différencient de ceux des Cynthia- 
dés, cependant, on peut dire que les pinnules secondaires et ter- 
tiaires sont ici plus nombreuses, plus irrégulières de grandeur, moins 
effilées à leur extrémité, et que les axes sont plus volumineux et dif- 
férents surtout sur l’une de leur face; mais ces caractères ne sont 
pas de première valeur. 

Je n'ai rien trouvé dans le nombre des tentacules qui permiît d’as- 
signer à la couronne un caractère de famille. On doit seulement 
remarquer qu’en voyant des tentacules pinnées, l’on ne pourrait con- 
fondre une Molgulidé qu'avec une Cynthiadé; or la branchie et les 
autres organes suffiraient pour faire éviter l’erreur. 

On a vu que les deux lèvres du raphé antérieur se réunissent en 
baut pour former l’origine d’un filet grêle qui, après s'être uni aux 
têtes des méridiens de gauche, arrive au-dessous de la bouche et se 
perd vaguement dans son repli inférieur en forme de croissant. 
1 ne faut jamais négliger d'observer cette disposition, car elle peut 
fournir quelques indications aux diagnoses. 

Le raphé postérieur, qui remonte à droite de la bouche, en formant 
une lame unie aussi à la tête de chacun des méridiens du côté droit, 
offre là par ses variations, ses proportions, etc., plus d'importance 
que la terminaison à gauche du raphé antérieur. 

S1 l’on considère comme une région le pourtour de la bouche, c’est- 
à-dire l’espace correspondant à la face antérieure du foie, de l’esto- 
mac, ou de la masse viscérale, et au centre duquel on voit les deux 
croissants limitant l’orifice buccal, tandis qu'autour de lui viennent 
se ranger circulairement toutes les têtes des méridiens unies à droite 
à l'extrémité montante du raphé postérieur, à gauche, à l'extrémité 
descendante du raphé antérieur, on pourra trouver dans la disposi- 


278 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


tion de l’ensemble de cette région quelques caractères d’une certaine 
valeur qui ne permettraient pas de confondre une Molgule avec une 
Ascidie ou avec une Cynthia. 

La posilion du tube digestif présente une grande valeur, car elle 
fournit un caractère qui ne fait jamais défaut. 

L’anse de l'intestin, toujours régulière et n’offrant que de très- 
petites variations, s'insinue entre les deux lames du manteau et ne 
paraît pas se disposer de la sorte dans les autres types d’Ascidie. Il ne 
m'est jamais arrivé de faire erreur et de me tromper de groupe en re- 
connaissant l’anse de l'intestin bien limitée sur le côté droit, dégagée 
des autres organes et facile à reconnaître. C’est même à la vue de 
cette disposition de l’anse intestinale, qu’à la grève et dans les excur- 
sions, par un rapide examen, j'ai toujours reconnu les Molgulidés 
dont la tunique était assez transparente. 

Il y a donc là dans cette disposition un caractère d’une valeur gé- 
nérale réelle et incontestable. 

Le rectum, toujours très-court, abandonne le manteau et décrit 
une courbe rapide pour venir au dos de l’æsophage et au-dessus de 
la bouche s'unir à la branchie. Il s'ouvre par un anus peu variable 
dans ses rapports, mais modifié dans sa forme. Sa disposition géné- 
rale, sa régularité de sa position médiane en face de la bouche, etc., 
sont particulières aux Molgulidés. 

Mais quant aux variations de forme de l’anus, qui a ses lèvres tan- 
tôt découpées, tantôt libres dans toute leur étendue, tantôt adhé- 
rentes à la branchie par la partie antérieure, elles n’offrent que des 
caractères de valeurs tout au plus spécifiques. 

Les glandes génitales forment toujours (à une exception près ce- 
pendant), deux masses latérales symétriques : l’une droite, l’autre 
gauche, situées entre les deux lames du manteau, plutôt en arrière 
qu'en avant, fort limitées, et dans lesquelles testicule et ovaire sont 
réunis sans se confondre; elles fournissent des caractères de deux 
ordres. 

D'abord leur position est à peu près caractéristique du groupe ; elle 
rapproche, il est vrai, les Molgulidés des Cynthiadés; mais, dans ces 
dernières, 1l existe une différence si grande dans les rapports des 
deux espèces de glandes, dans les positions, soit des glandes mêmes, 
soit surtout de leurs conduits et de leurs orifices, que la confusion ne 
peut avoir lieu un instant. Dans les Cynthiadés, la position générale 
des glandes génitales de l'un et l’autre sexe est la même que dans 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 479 


les Molgulidés ; mais, tandis qu'ici le nombre des ovaires est limité, 
et que les testicules sont toujours invariablement groupés autour du 
sac d’un des côtés de la glande femelle ; là, les glandes ressortent 
pour ainsi dire du manteau et font saillie dans la cavité péribran- 
chiale, pendues par un pédoncule; elles tapissent ainsi la paroi ex- 
terne de cette cavité péribranchiale d’une multitude de masses pé- 
donculées qui ont reçu le nom d’endocarpe, nom qui à mes yeux n’est 
pas justifié et n’a aucune valeur. Ici jamais pareille disposition ne se 
rencontre. | 

Ensuite si l’on considère les détails relatifs à la position des ori- 
fices, à leur forme, à leurs rapports, on reconnaît des caractères 
d'une importance spécifique telle, qu’il est possible bien plutôt de 
reconnaître quelques espèces par la forme de la papille qui termine 
son oviducte que par les dispositions de sa branchie. 

Les embryons, tantôt urodèles, tantôt anoures, ne me paraissent 
fournir qu’un caractère générique. Nous aurons à revenir sur la 
valeur de ce caractère. 

L'observation du ganglion nerveux ne donne pas d'indications gÉ- 
nérales utiles à la classification ; mais il n’en est pas de même de la 
glande olfactive située à côté de lui; elle présente avec les espèces 
des variations dans son volume, sa direction, etc., qu'il ne faut point 

négliger, pas plus que celles que donne l’organe olfactif lui-même, 
dont les formes sont quelquefois importantes à noter, car elles sont 
très-différentes. 

La branchie, dans toutes les Molgulidés observées jusqu'ici, a 
présenté de six à sept plis méridiens symétriques et semblables 
de chaque côté. Cette constance fournit un caractère de grande 
valeur, car les Cynthiadés ont aussi des méridiens ; mais, dans ce 
groupe, le nombre et la symétrie sont infiniment variables. 

Dans toutes les espèces de Molgulidés, les caractères des plis méri- 
diens, formés par une série de dépressions de la membrane fondamen- 
tale qui loge les capillaires, mais qui n’est pas formée exclusivement 
par eux, comme on l’a dit à tort, la disposition des infundibulums, 
leur grandeur, leurs bifurcations répétées deux ou trois fois, suivant 
les espèces, fournissent quelques bons renseignements qu’il faut 
utiliser *. Mais, sans revenir sur leur description donnée plus haut, 
j'ajoute que ces méridiens sont très-variables dans les détails de leur 


1 Voir H. DE LACAZE=DUTHIERS, Arch, de s0vl,eæp., vol. III, 1874. 


480 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


composition, et que les variations qu'ils présententne m'ont pas paru 
fournir des caractères propres à déterminer des coupes génériques, 
ainsi qu'on le verra plus loin. 

J’accepterai cependant le genre que Hancock a basé sur la dispo- 
sition de la branchie, et j'en dirai les raisons en étudiant le genre 
Eugyra; mais je crois que si l’on se laissait aller à admettre les ca- 
ractères tirés de quelques-unes des différences nombreuses qu'offrent 
les infundibulums et les tremas comme ayant une valeur générique, 
on serait conduit à multiplier beaucoup trop les genres. 

Pour discuter avec fruit la valeur du caractère général que four- 
nit l’organe de la respiration, dans la détermination la famille il 
serait utile de connaître et de comparer les différences que présente 
le même organe dans la famille des Cynthiadés, ce qui sera fait 


plus tard à propos de cette famille. 
Disons donc que, dans les Molgulidés, toujours des plis méridiens, 


saillants, formés d’infundibulums ou dépressions de la membrane 
fondamentale, s’obserwent à la face interne de la cavité branchiale, 
que leur nombre varie peu, ainsi que leur composition, que très- 


rarement ils sont un peu asymétriques ; que presque constam- 


ment des côtes en nombre fort variables avec les espèces, soutiennent 
leurs infundibulums du côté de la cavité branchiale, qu’enfin ces 
côtes, formant comme une cage, peuvent être extrêmement réduits en 
nombre et en grandeur. De l’ensemble de ces particularités découlent 
des différences saillantes qui ne frappent que lorsqu'on voit la bran- 
chie bien préparée surtout bien colorée par les imbibitions et qu'il est 
important de signaler dans les descriptions spécifiques. 

Ce plan d'organisation de la branchie ne manque jamais dans la 
famille, 1l se reproduit des deux côtés du corps très-symétriquement. 


De l’ensemble des faits qui viennent d’être rappelés il est possible 
de résumer quelques caractères à l’aide desquels il est facile de re- 
connaître la famille des Molgulidés. 

Il faut mettre en première ligne le nombre des festons des orifices. 
Dans les études descriptives des Ascidies, nous le représenterons par 
cette formule : 6 + 4; le premier chiffre se rapportant aux dents de 
l’orifice antérieur, le second à celles de l’orifice postérieur; ici cette 
formule est invariable. En seconde ligne vient ensuite la position de 
l’anse intestinale dans l'épaisseur du manteau, position que je ne vois 
semblable dans aucun autre groupe. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE 481 


Cette anse, visible à droite même au travers de la tunique débarras- 
sée des corps étrangers, fait vite reconnaître une Molgulide. 

Un autre caractère fort important et d'une grande valeur est celui 
que l’on peut tirer de l'existence du corps rénal, très-nettement 
circonserit, dont la position à gauche au-dessus et en avant du cœur 
est constante. 

La couleur et la nature des concrélions que renferme le sac de 
Bojanus mettent tout de suite sur la voie dela diagnose de la famille. 

Son existence et sa position ont une valeur de premier ordre, 
mais les différences secondaires qu'il présente dans sa couleur et 
dans son contenu donnent tout au plus des caractères spécifiques, et 
encore sont-ils peu importants. Aussi les genres qu’on a voulu éta- 
blir d’après eux ne mériteront pas même de nous arrêter. 

Les glandes génitales des deux sexes, toujours rapprochées sans 
être confondues, toujours logées dans l'épaisseur du manteau, à droite 
dans la concavité de l’anse intestinale, à gauche, en arrière et en 
dessous de la glande rénale, offrent encore par leur position un carac- 
tère général excellent. 

Il est vrai de dire que si dans les Cynthiadés cette position est la 
même, toutes les autres dispositions ainsi que le nombre des orifices 
génitaux et des masses glandulaires, sont entièrement différents ; d’un 
autre côté, ces glandes n’ont ici jamais de rapports avec l'estomac 
et les glandes hépatiques, ce qui éloigne les Molgules des Ascidies 
proprement dites. 

La branchie, à méridiens saillants, formés d’infundibulums dont 
les trémas sont coordonnés circulairement autour des centres defigures 
de la base des infundibulums, fournit un caractère général encore 
fort important, mais pour que la valeur de ce caractère soit plus com 
_ plète, il faut ajouter qu'il se répète très-régulièrement dans tous les 
| méridiens, qui eux-mêmes sont symétriques et très-semblables des 
| deux côtés. 

L’arborescence des tentacules ne manque jamais, mais elle n’est 
pas l’apanage exclusif de cette famille. 

Le foie offre toujours le même plan, il est formé par des plis nom- 
| _breux se couvrant d’une couche de nature cellulaire et glandulaire, 
ayant à l'extérieur l’apparence des cæœcums d’une glande en grappe, 
etentourant l'estomac. Dans les Cynthiadés tout un groupe d’espèces 
présente une disposition analogue, mais non semblable. 

La forme globuleuse du corps est la plus fréquente; mais tandis que 


ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GÉN. —= , vil. 1877. 31 


482 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


quelques rares espèces de Molgulidés sont aplaties, on trouve dans des 
familles et des genres différents une forme aussi entièrement globu- 
leuse. Beaucoup de Molgules sont libres, mais un grand nombre sont 
adhérentes, il n’est donc pas possible de voir dans ces deux manières 
d’être, liberté et forme arrondie, un caractère d’une valeur égale à 
celle de ceux qui viennent d’être signalés. 

Quant aux villosités de la tunique, elles fournissent, ainsi que sa 
transparence et son peu d'épaisseur, des indications d’une valeur 
réelle, mais non absolue, car on les rencontre dans les Cynthiadés, 
assez rarement 1} est vrai; mais enfin, à ne s’en rapporter qu'à elles, 
on peut à première vue tomber dans l'erreur, et c’est ce qui m'est 
arrivé en plus d’une occasion, bien que je fusse déjà averti, ayant 
reconnu une première méprise. 


Quand on établit la distinction des espèces, il semble impossible, 
de ne pas reconnaître que des caractères, moins généraux que Ceux 
qui précèdent n’appartenant pas indistinctement à toutes les es- 
pèces connues, doivent cependant réunir un certain nombre d’entre 
elles, et par conséquent servir à établir des divisions d’un ordre 
moins élevé que celui des familles, alors et par cela même, l'on est 
conduit à faire des divisions intermédiaires aux espèces et au groupe 
pris dans son ensemble. 

n se trouve donc forcé ou bien à admettre un seul genre qu'il 
faut subdiviser en sous-genres pour grouper les espèces, ou bien à 
faire de l’ancien genre Molqula, tel qu'il vient d’être caractérisé, une 
famille divisée en genres dans lesquels les espèces viennent se ranger. 

C’est cette dernière opinion que j’adopte. 


Avant d'indiquer les divisions de la famille des Molgulidés, il 
faut encore reproduire ici l’une des diagnoses du genre la plus éten- 
due qui ait été donnée. L’auteur, M. le professeur Küpffer', ne. 
pense pas qu'il soit nécessaire de faire même des familles dans le groupe 
des Ascidies. Cela paraît ressortir de l’ensemble du travail où je trouve 
cette diagnose, la plus développée qui certainement soit dans la 
science. Voyons donc si elle renferme des raisons suffisantes pour 
conserver le genre Molgula et ne pas admettre une famille pour lui. 

Voici cette diagnose : 


1 Voir loc, cit., p. 293, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 483 


« Tunique mince et membraneuse, mais résistante, le plus souvent 
couverte sur sa surface de forts filaments agglutinants, auxquels 
s'attachent des particules de sable ou de gravier. 

« Orifice oral à 6 angles; orifice cloacal à 4, point d’ocelles sur la 
marge de l’orifice oral. 

« Tunique museculo-cutanée, à musculature faiblement dévelop- 
pée, jamais en couches continues ; elle comprend des éléments mus- 
culaires de deux ordres : d’abord des fibres tubuliformes, de calibre 
uniforme, longues et fines, lesquelles sont communes d’ailleurs aux 
autres genres; et, en second lieu, des éléments fusiformes et courts. 
Ces derniers constituent par leur groupement des muscles courts à 
corps individualisés terminés aux extrémités par de longs tendons. 

« Couronne tentaculaire à tentacules composés, ramifiés. 

« Le ganglion nerveux central forme un corps fusiforme, indivis, 
sur lequel on n’observe aucune tache pigmentaire. 

« Le sac branchial offre dans sa constitution des dispositions très- 
variables, mais toujours pourtant les fentes branchiales sont courbes 
et disposées concentriquement autour de divers centres, disposition 
que suivent aussi naturellement les capillaires branchiaux courant 
entre les fentes branchiales ; les côtes longitudinales de la branchie 
ne portent pas de papilles. 

« Le sillon vecteur de la ligne médiane est bordé d’un repli sur 
un ou sur les deux côtés. 

« Il n’y a pas d’endocarpe dans le cloaque. 

« L’intestin se trouve à gauche de la branchie, l'estomac est situé 
ou sensiblement sur la ligne médiane au pôle inférieur ou également 
divisé à gauche. A droite du sac branchial se trouvent accolés l’un à 
l’autre, le rein et le cœur. Le rein est une vésicule simple, allongée, 
étroitement adhérente au péricarde, renfermant des concrétions 
granuleuses de couleur jaune verdâtre, donnant manifestement la 
réaction de la murexide. L’extrémité supérieure du cœur s'appuie 
sur l'estomac, l'inférieure sur l'extrémité postérieure du sinus sanguin 
hypobranchial. 

« Les organes génitaux sont réunis en une ou deux glandes com- 
binées. 


« Il n’y a pas de cavité du corps. » 


Il y a plus d'une observation à faire à cette diagnose. 
L'existence des paquets fusiformes, due à la réunion de l'élément 


ER MS Dee PRE 1 


__—— 


PR 


484 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


musculaire en quelques points, comme on le voit dans mes descrip- 
tions, se rencontre en effet dans les Molgulidés et même dans quel- 
ques espèces la disposition est telle, que sur les préparations sans éti- 
quettes que j'ai conservées, il m'est facile de reconnaître l’espèce à 
cette disposition. Est-il bien exact de dire cependant que les fibres qui 
terminent ces paquets fusiformes sont des tendons ? Pour en affir- 
mer la nature, il serait peut-être nécessaire de donner les carac- 
tères différentiels de ces fibres musculaires et de ces longs fila- 
ments délicats qui terminent les paquets fusiformes !. 

Je ne parlerai point des caractères exacts et vrais, tels que tenta- 
cules arborescents, ganglion nerveux central, oscules sans tache pig- 
mentaire, Car ils ne sont point spéciaux aux Molgules. 

À propos des courbes des fentes de la branchie, « que suivent na- 
turellement les capillaires branchiaux courant entre les fentes bran- 
chiales », il eût été nécessaire de distinguer : 

Dans la branchie, ainsi que je l'ai montré dans l’étude du type 
pris comme terme de comparaison, il y a trois ordres de vaisseaux 
capillaires ; les uns terminent les vaisseaux cardio-branchiaux et 
constituent les côtes longitudinales des méridiens et les subdivisions 
perpendiculaires de celles-ci; les autres, ou bien occupent l’axe même 
des baguettes circonscrivant les trémas branchiaux, et il n’est pas éton- 
nant que ceux-ci suivent les courbes des fentes branchiales, ou bien 
croisent, au contraire, en directions diverses, ces trémas au-dessus 
desquels ils sont jetés comme des ponts; enfin un troisième ordre 
de capillaires se trouve à la face postérieure de la branchie, et dépend 
de la terminaison des vaisseaux branchio-splanchniques. 

On pourra constater ces faits en parcourant les différentes planches 
où des portions de branchies ont été dessinées. 

La valeur de ce caractère n’est pas applicable au genre, et la dis- 
position des éléments constituants de la branchie doit tout au plus 
être signalée dans la description des espèces. 

« Les côtes mêmes de la branchie ne portent pas de papilles. » I 
ne faudrait pas croire que l’absence totale de papilles fût un caractère 
absolu, car quelques espèces, au contraire, se distinguent des autres 
facilement par la présence de quelques saillies papilleuses irréguliè- 
rement disséminées. 

« Il n’y à pas d’endocarpe dans le cloaque. » Ce n’est point là un 


Voir H.pe Laëaze-Duruixrs, Arch, de zool. eæp., vol, IIL. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 485 


caractère qui permette de reconnaître le groupe des Molgulidés. Il 
faudrait d’ailleurs définir nettement ce qu’est l’endocarpe. Evidem- 
ment, ce mot sert à désigner ces grappes ou corps pédonculés pendant 
sur les parois palléales de la chambre péribranchiale, et qui sont 
les glandes génitales, pour lesquelles je ne vois nullement la néces- 
sité d'admettre ici un nouveau nom, d'autant plus que ce qui est un 
endocarpe dans une espèce ne l’est pas dans une autre, tout en res- 
tant cependant morphologiquement identique. 

« L'intestin se trouve à gauche. » Cette position est la même 
que celle que nous avons indiquée, seulement il faut se rappeler, 
pour la bien juger, que le professeur Kupffer place en haut ce que 
nous plaçons en bas; en un mot, qu'il redresse l’Ascidie, tandis que 
nous la renversons; aussi est-il tout naturel que, dans la suite de la 
description, nous voyions : « à droite du sac branchial se trouvent, 
accolés l’un à l’autre, le rein et le cœur. » 

Il ne m'est pas possible de partager l'opinion suivante : « L’extré- 
mité supérieure du cœur s’appuie sur l’estomac, l’inférieure sur l’ex- 
trémité postérieure du sinus sanguin hypobranchial. » 

__ L’extrémité viscérale du cœur est toujours séparée de la masse 
splanchnique ou viscérale par un vaisseau aortique, quelquefois très- 
court, mais qui existe constamment, et par lequel il m’a toujours été 
possible de faire des injections, en introduisant dans son intérieur la 
canule de la seringue. J'ai nommé ce vaisseau aorte splanchnique. 

Quant au sinus sanguin hypobranchial, je ne l’admets point, et, 
dans les injections nombreuses que j’ai eu l’occasion de faire, j'ai 
toujours irouvé une aorte cardio-branchiale parfaitement limitée et 
distincte, comme le prouvent les figures que j'ai publiées. 

« Les organes génitaux sont réunis en une ou deux glandes com- 
binées. » Ce n’est point là exclusivement un caractère n’appartenant 
qu'au genre Molgule. Ce qui est particulier, c’est la position rela- 
tive des deux glandes, et surtout leur position dans l'épaisseur du 
manteau, sans former ce que l’auteur appelle un endocarpe. 

Je remarque encore cette affirmation : «n’y a point de cavité du 
corps. » Elle confirme ce que j'ai avancé dans l’histoire du type, et 
que déjà depuis longtemps j'ai professé et publié. 

En somme, il y a dans cette diagnose une énumération de carac- 
ières et de faits un peu plus étendue que dans les auteurs précédents, 
mais il n’y a pas d'indications spéciales précisant plus nettement 
qu'on ne l'avait fait la valeur de quelques caractères particuliers. Cela 


486 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


est naturel, puisqu'il ressort, avec toute évidence, des descriptions 
qu’on trouve dans ce travail, que, pour l’auteur, ce genre appartient 
à un groupe général non divisible en familles, et qu’enfin l'on n'yvoit 
pas énumérées les raisons s’opposant à faire une famille des espèces 
qui, incontestablement, doivent se répartir dans plusieurs divisions 
secondaires génériques. 


Examinons donc maintenant cette question. Faut-il laisser le 
groupe des Molgules sans le subdiviser ? 


si 


Divisions du groupe. 


La nomenclature gagnerait certainement en simplicité si l’on 
conservait, sans le diviser le genre tel qu’il avait été admis ; mais cette 
considération ne suffit pas pour faire laisser dans une même division 
des espèces fort distinctes offrant, en définitive, des différences d’un 
ordre assez marquées. 

Il m'a paru, d’ailleurs, que la facilité de la spécification gagnait 
beaucoup à la création de quelques coupes génériques nouvelles, on 
en jugera. 

Voici les motifs qui m'ont conduit à la création de deux genres 
nouveaux : 

Le premier caractère qui se présente, dont il est impossible de ne 
pas tenir compte, et qui forcera bien certainement tous les zoolo- 
gistes à partager les espèces de Molgules en deux groupes, est celur 
qui se tire de l'absence ou de la présence d’une nageotre caudale chez 
la larve ou l'embryon. 

La forme anoure que j'ai découverte, le premier, est tellement 
différente de la fonme urodèle, que l’on connaissait exclusivement 
avant mes travaux, qu’il me paraît impossible de ne pas en tenir 
compte dans la distinction des animaux, et cela est si vrai, qu'avec 
l'importance excessive que l’on attache aujourd’hui à la connaissance 
des formes embryonnaires, on serait tenté, si l’on admettait aveuglér 
ment toutes les innovations prétendues nouvelles, de séparer les As- 
cidies urodèles des Ascidies anoures. 

Mais on doitse demander si l'importance attribuée aujourd’hur 
par quelques zoologistes aux faits embryogéniques, a bien sa raison 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 487 


d’être en face de la différence extrême que nous rencontrons entre 
deux espèces qui, à d’autres points de vue, sont absolument voisines. 

Voici un fait incontestable: 

On trouve à côté l’une de l’autre des espèces de Molgules offrant 
une telle ressemblance dans l’ensemble de leurs caractères, que je 
crois impossible de dire, sans une observation continuée, sans la 
connaissance de l'embryon, si l’une est anoure si l’autre est urodèle. 

J’ai cherché si cette forme anoure était accompagnée d’un caractère 
corrélatif, et s’il y avait dans l’organisation quelques dispositions ca- 
pables de faire reconnaître cette différence. Je n’ai pas encore réussi, 
malgré cependant quelques indices propres à mettre sur la voie. 

Or, à en croire des zoologistes, la forme embryonnaire est tout 
dans la classification, opinion qui n’est pas aussi nouvelle qu’on 
feint de le croire ou de vouloir le faire croire. 

Pour moi, l'étude de l’adulte a plus de valeur qu’on ne le pense 
aujourd’hui. Dans l'emploi exclusif des caractères de l'embryon, il y 
a une exagération momentanée dont les zoologistes reviendront. Il a 
paru plus simple sans doute de s’en tenir à l’étude de la forme em- 
bryonnaire, et, de fait, la chose l’est; mais comment est-il possible 
de mettre de côté toutes les conditions organiques que présente 
l'animal parfait, l’animal adulte ? Cela est inadmissible. 

Il n’est pas douteux qu’en ne prenant que la forme embryonnaire 
seule pour criterium, la position dans les cadres zoologiques de quel- 
ques êtres, les plus voisins à l’état adulte, devrait être profondément 
modifiée, et que, d’un autre côté, en ne donnant à la forme de l’em- 
bryon qu’une valeur secondaire, on arriverait à diminuer l'importance 
exagérée que l’on a attribuée dans ces derniers temps aux caractères 
embryogéniques. 

Il n’est certainement pas un naturaliste qui, voyant pour la première 

| fois la naïssance d’un têtard actif et vagabond, d’une Ascidia, d'une 
| Cynthia, d’une Phallusia et l'embryon sédentaire, sans queue, à mou- 
.vements lents et presque amæboïdes à sa sortie de la'coque de l’œuf de 
| quelques Molgulidés, ne rapportât ces deux êtres à des parents dont 
| il supposerait les différences organiques considérables. 
Or, il existe entre les animaux des genres cités plus hautinfiniment 
| plus de différences qu'il ne s’en trouve entre deux Molgulidés, l’une 
| anoure, l’autre urodèle. Il y a dans ce fait une preuve incontestable 
de l’exagération donnée à la valeur caractéristique tirée des formes 
| embryonnaires. 


nn one NÉ 


188 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Il en est des caractères fournis par l’embryon comme de tous lés 
caractères que l’on obtient par la considération des autres organes. 
Is n’ont et ne peuvent avoir une valeur absolue. Cette valeur est tou.- 
jours corrélative; elle doit être appuyée, pour prendre toute son im- 
portance, sur des faits déduits de l'observation dans toutes les condi- 
tions organiques. C'est pour ne point tenir compte de cette vérité que 
les auteurs de théories, je ne parle pas des plagiaires français, ont 
exagéré l'importance de quelques faits qui, si on les admettait sans 
réserve, conduiraient aux interprétations les plus exagérées. 

La présence ou l'absence de la nageoire caudale de la larve nous 
servira donc tout au plus à établir une distinction de sous-famille, 
dans laquelle des espèces offrant d’ailleurs la plus grande ressem- 
blance, et étant par cela même les plus voisines, formeraient un 
genre. 11 était, d’une part, impossible de ne pas tenir compte d'un 
caractère aussi remarquable, et, d'autre part, on ne pouvait lui don- 
ner une valeur supérieure à celle qui conduit à une sous-famille. 

Je diviserai donc les Molgulidés en deux sous-familles : 


Le 
MOLGULIDÆ ANURÆ. 
MOLGULIDÆ F- 


MOLGULIDÆ URODELÆ. 


Dans la famille des Anoures, un seul genre me semble jusqu'ici 
devoir être admis. Il sera nommé ANURELLA. 

J'ai trouvé cinq espèces dans ce genre. C’est d’abord celle qui a été 
si longuement décrite, et que j'appellerai Anurella Roscovita, l'ayant 
d’abord trouvée et étudiée à Roscoff. C’est ensuite une espèce facile 
à diagnoser, fort abondante dans la rivière de Saint-Pol, où je l'ai 
eue en grande quantité; c’est la plus grande de toutes. Sans doute 
possible, c’est la Aolqula oculata de Forbes et. Hanley. Je la range 
à côté de la précédente, on verra pourquoi. 

Deux autres espèces, trouvées à Roscoff, doivent-elles être rap- 
portées aux deux espèces déjà décrites sous les noms de Molqula 
simplezæ et macrosiphonica? C’est ce qu’il faudra discuter. Elles sont 
rares et m'ont été fournies seulement par les draguages. 

Enfin l’Anurella Bleizi, espèce intéressante, fixée à la voûte des 
grottes, au milieu des Cynthia rustica qui y forment une couche 
dense et serrée. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 489 


Ainsi cinq espèces dans le genre caractérisé par la non-existence 
d’un têtard et par l'absence des caractères spéciaux suivants, qui ont 
conduit aux deux autres genres de la deuxième sous-famille. 


Une disposition organique que je ne vois signalée par aucun des 
auteurs dont il a été question, mais que M. Heller a indiquée comme 
caractérisant une espèce de la mer Adriatique, a une valeur assez 
grande pour servir très-utilement dans la distinction des genres, 
c’est celle que présentent dans certains cas les bords libres des lobes 
des festons des orifices. 

On pourrait tout aussi bien prendre ce caractère que le précédent 
en premier lieu et diviser les Molgulidés en deux grandes divisions, 
suivant que les dents de leurs oscules sont simples ou dentelées. 

Ce caractère extérieur est souvent difficile à voir, surtout sur les 
animaux conservés et par conséquent contractés. C’est là sans 
doute la raison qui l’a fait méconnaître. Je n’ai pu le constater d’a- 
bord que sur des espèces en parfait état, et surtout sur les ani- 
maux vivants ; plus tard, les préparations spéciales m'ont permis de 
le reconnaître. 

C’est sur une grande et magnifique espèce de [a Méditerranée que 
j'ai vu les bords des festons découpés et laciniés en dents de peigne. 
Ce caractère, une fois bien établi, j’ai pu le reconnaître sur d’autres 
espèces, ainsi que je l’ai fait sur une charmante petite Molgulide de 
Roscoff et sur une autre, assez belle de taille, rencontrée à Morgate, 
près de Brest. 

Ces trois espèces, que je réunis en un seul genre sous le nom de 
CTENICELLA, et qui, certainement, ne sont pas seules, ont toutes 
des embryons urodelles. 


Enfin un troisième groupe, ayant encore des embryons à queue et 
urodèles, n’offrant du reste qu’un ensemble de caractères négatifs aux 
deux points de vue qui viennent de nous occuper, se distingue par 
conséquent facilement du premier genre ANURELLA par ses têtards, et 
du genre CTENICELLA par les lobes non pectinés de ses orifices. Je con- 
serve à cette division le nom primitif et générique de A/0Z2GuULA, parce 
que, d’une part, elle offre les caractères positifs du groupe tel qu’il a 
été formé primitivement ; ensuite parce qu’elle ne présente aucun des 
_ deux caractères nouveaux non encore employés par les ascidiologues. 
Ici je n’ai eu que trois espèces. L’une est extrèmement abondante 


490 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


dans toutes les anfractuosités des rochers des Sables d'Olonne ; on la 
trouve aussi dans la rade de Brest, elle m'a paru très-rare à Roscoff 
et à Bréha; c'est la Molqula socialis ; l'autre est très-fréquente à Ros- 
coff, à côté de l’Anurella Bleizi; sous les grottes à Cynthia rustique, 
je l'appelle Molqula echinosiphonica; enfin, la dernière a été décrite 
comme une Ascidie par le professeur van Beneden père. Je la nom- 
merai Molqula ampulloïdes, avec Hancock et le professeur Küpffer. 


Mais il nous reste encore une espèce fort intéressante, celle qui a 
servi de type à Hancock pour former le genre £'UGyRA. 

L’embryon est urodèle et les lobes des orifices ne sont point la- 
ciniés. C’est à la disposition de la branchie, très-différente de celle 
qu’on observe dans le genre Molqula proprement dit, limité comme 
il l’est ici, que l’auteur anglais a demandé la caractéristique du 
genre, dont le nom indique bien la disposition régulière des trémas. 

Le professeur Verrill et autres naturalistes américains, ainsi que 
les ascidiologues anglais, acceptent le genre £ugyra ; nous ne voyons 
pas de raisons suffisantes pour ne pas le conserver, car il y a à nos 
yeux toujours un grave inconvénient à modifier ce qui est bien établi 
quand des raisons importantes n’y conduisent pas. Le professeur 
Küpffer n'accepte pas ce genre, mais néanmoins divise ses Molqula en 
deux sections, suivant que la branchie est plissée ou ne l’est pas. 

Sans nous étendre sur les caractères de l’organe respiratoire de ce 
type, ce qui sera fait en son lieu, il faut reconnaître que les infun- 
dibulums des méridiens sont ici d’une simplicité telle, qu’il n’est pas 
un autre genre offrant des dispositions semblables; et l’on doitajouter 
que les côtes des méridiens sont réduites à une seule, qui n’a d’at- 
taches que de loin en loin, ce qui caractérise la simplicité des méri- 
diens. Ceux-ci existent, et il ne me semble point juste de dire que la 
Molqula arenosa à une branchie dépourvue de plis (nicht gefältet, 
comme le dit le professeur Kupffer), et je ferai observer même que 
si l’absence des plis était admise, elle suffirait à elle seule pour justi- 
fier l'admission du genre, d’après la diagnose même de l’auteur, celle 
qu’on à vu plus haut. 


Ceci nous conduit naturellement à revenir sur la valeur des carac- 
tères que peut fournir la cage branchiale. 

Incontestablement, la branchie est l’organe dominateur dans 
l'organisme ascidie ; incontestablement aussi, elle peut fournir des 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 491 


caractères de premier ordre quand il y a lieu de déterminer quelques 
grandes divisions; mais une fois ces caractères établis, lorsqu'il s’agit, 
comme dans la famille des Molgulidés, de descendre aux divisions gé- 
nériques, il ne me semble plus possible de se servir des dispositions de 
cetorgane, ou mieux, de leur donner une haute valeur caractéristique. 

A l’appui de cette remarque, je ne prendrai qu’un exemple, la Cte- 
nicella Lanceplaint. 

Dans la même localité, sous la même pierre, avec la même taille, 
la même couleur, les mêmes caractères extérieurs pour les orifices, 
et même pour les organes intérieurs, on trouve des individus dont la 
branchie offre des érema d'une brièveté remarquable, tandis que d’au- 
tres ont une disposition inverse; el enfin, une troisième variété pré- 
sente des trémas tournant avec une élégance admirable entre les 
bases des infundibulums . 

J’ai cherché à trouver d’autres différences qui me permissent de 
satisfaire mon désir de faire trois espèces, n'ayant pas réussi, j'ai 
reculé, tant la similitude des organes profonds était grande. 

En mainte occasion, j'ai montré à des naturalistes travaillant à 
Roscoff les dessins et les préparations de la branchie de ces trois va- 
riétés de la Ctenicella Lanceplaini, et constamment il m'a été dit : 
« Mais ce sont des espèces différentes ;» et l’on ajoutait : «Même des 
genres distincts. » Donner une valeur générique à ces dispositions seu- 
les, à ces arabesques élégantes découpant les membranes branchiales, 
m'a paru excessif et je ne les utilise que pour faire des variétés. 

Nous reviendrons sur ces distinctions à propos des genres et des 
espèces de Ctenicell. 


$ 4. 
Espèces décrites par les auteurs. 


Voici l’énumération des espèces décrites et publiées. 

Peut-être eût-il été utile de reproduire en même temps ici les prin- 
| cipales parties des descriptions, afin de faciliter les comparaisons; 
mais il sera temps de faire ces citations au cours de l'énumération des 
| caractères; citations nécessaires, ainsi qu’on l’a vu en commençant ; 
car, jele répète encore, rien n’est difficile et confus comme la détermi- 
| tion des Ascidies, et cela parce que, d’abord, les descriptions ont été 


1 Voir les trois figures de la planche relative à cette espèce. 


ha fins 


492 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


faitesisolément à chaque fois qu’on a trouvé de nouvelles espèces sans 
que des comparaisons aient été établies, et qu'ensuite elles renfer- 
ment à la fois presque toujours réunis les caractères spécifiques et les 
caractères génériques. 


Forbes et Hanley décrivent dans leur histoire des Mollusques d’An- 
gleterre! les Molgules suivantes : 

Molqula oculata, E. Forbes. 

Molqula tubulosa, Rathke (sp). 

J. Alder, dans son Mémoire publié en 1863°, a repris les carac- 
tères du genre Molqula, et indiqué les nouvelles espèces suivantes : 

Molgula socialis. (n. sp.). 

Molgula arenosa, Alder et Hancock. 


Albany Hancock, en 1870, revint sur la diagnose des Ascidies et … 


publia un extrait d’un travail général qu’il préparait, et que sa mort 
regrettable a malheureusement interrompu. Il fait connaître plu- 
sieurs Ascidies nouvelles, et en particulier : 

Molqula simplex, Alder et Hancock. 

À propos de cette espèce, il dit formellement que l’Ascidia ampul- 
loides de van Beneden est une Molgule (which is undoubtedly a 
Molqula). 

Molgqula inconspicua, Alder et Hancock. 

Molqula complanata, Alder et Hancock. 

C'est dans ce mémoire aussi que Hancock établit définitivement le 
genre £'ugyra pour la Molquia arenosa, ancienne Molqula tubulosa de 
Forbes et Hanley. 

Il décrit aussi une nouvelle espèce de ce genre, dont le nombre se 
trouve dès lors porté à deux: 

Eugyra arenosa, Alder et Hancock. 

Eugyra globosa, Hancock. 


En Amérique, beaucoup d'espèces ont été indiquées. 
En 1854, Stimpson décrivit * : 


1 Loc. cil..@.36,.vol. il, pl: D, 6É-6:.pl.C.fe:e. 

2 Ann. and Mag., 3° sér., vol. XI, p. 153, — Observation on the British Tunicala, 
with Descriptions of several New Species, by Joshua AzDer, pl. VII. 

3 Voir A. Hancock, Ann. and Mag., 4° série, vol. VI, 1870. -— On the Larval State 
of Molgula: with Descriptions of several New Species of Simple Ascidians. 

# Voir Proc. of the Bost. Soc. of Nat. Hist., 1854, IV, p. 228. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 493 


Molqula sordida, Stüimpson. 

Molqula producta, Stüimpson. 

Molqula arenosa, Stimpson. 

La description de ces espèces a été reproduite en partie dans 
l'ouvrage de Gould, édité par Binney'. 

En 1871, le professeur Verrill, dans le American Journal of Sciences 
(Silliman, etc.), a publié Brief Contributions to Zoology from the Mu- 
seum of vale College ; Description of some imperfectly known and new 
Ascidians from New England?, où l’on trouve les espèces suivantes : 

Molqula manhattensis, Verrill (fig. 1). 

Molqula pannosa, Ver. n. sp. (fig. 2). 

Molqula retortiformis, Ver. n. sp. (fig. 3). 

Molqula littoralis, Ver. n. sp. (fig. 4 a). 

Molqula papillosa, Ver. n. sp. (fig. 4 a 6). 

Molqula pilularis, Ver. n. sp. (fig. 4 c). 

Dans un supplément publié en 1872, Æecent Additions to the Mollus- 
can Fauna of New England”, l'on trouve du même auteur : 

Molqula pellucida, Vernil (pl. VIE, fig. 2); 

Et l’£ugyra glutinans, Verrill, que l’auteur américain donne 
comme étant la Cynthia glutinans, Mæller’s species, etc. 


Dans les rapports des Pêcheries américaines, les espèces que nous 
venons d’énumérer se trouvent également indiquées", et cela par le 
professeur Verrill lui-même, qui a rédigé et signé la partie du travail 
relative aux invertébrés, 


M. le professeur Kupffer * a donné la description des espèces sui- 
vantes : 

Molqula ampulloides, van Beneden. 

Molqula occulta, Savigny. 

Molqula macrosiphorica, Küpffer. 

Molqula nana, Küpffer. 


® Gould’'s invertebrala of Massachusels, édited by Binney, 1870. 

2 1871. Third series, vol. I, p. 54. 

| % Loc. cit, Third series, vol. IIL, p. 288 et suiv. 1872. 

* Unites States Commission of Fish and Fisheries, Part I, Report on the Condition of 
the Sea fisheries of the South Coast of New-England in 1871 and 1872, by SPENCER F. 
| BaIRD, commisioner, 1873. 

+ Loc./cit., p.293,.ph: IV et V. 


494 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Molqula arenosa, Alder et Hancock. 


Cette dernière étant la même que celle qui était devenue pour Han- 
cock l’£ugyra arenosa. 


La publication la plus récente est celle de M. Camil Heller'; elle 
est datée de 1877. 


L'un des genres sans valeur créé pour l’Ascidia ampulloides de van 
Beneden après que Hancock avait eu dit que cette espèce était une 
Molgule, et dont je ne parlerai pas, puisqu'il n’a pas de valeur, a 
été admis par M. C. Heller ; on ne sait vraiment trop pourquoi, car 
l'absence de villosités sur la tunique ne peut certainement pas ser- 
vir et fournir les caractères d’un genre, pas plus que l’état plus 
ou moins concret des produits inorganiques renfermés dans le rein. 
Les genres basés sur de pareils caractères n’ont pas d'importance. 

Il a décrit : 

Molgula ampulloïdes (Gymnocystis, genre qui n'existe pas, taf. VI, 
fig. 4 à 13, p. 265-925). 

Molqula occulta, Küpffer (taf. VI, fig. 14-15, p. 27-267). 

Molqula impura, C. Keller. n. sp. (taf. VII, fig. 8-13, p. 268-928). 

Molgqula appendiculata, G. Heller n. sp. (taf. VIL, fig. 1-7, p. 269-29). 


Telles sont les espèces connues. 


Dans la description et la détermination des caractères qui vont être 
passés en revue, il sera fait une comparaison détaillée des diagnoses 
des espèces qui viennent d’être citées avec celles qu’on trouve à Roscoff. 


IT 


DESCRIPTIONS DES GENRES ET DES ESPÈCES DE LA FAMILLE DES MOLGULIDÉS.. | 


S 1. 


Tableau synoptique des genres. 


il est possible de résumer fort brièvement et en quelques mots les 
caractères des quatre genres, qui, pour les raisons données plus haut, 
nous paraissent devoir être admis. 


1 XXXVII Band der Denkschriften der mathematisch-naturwissenschaftlichen 
Classe der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, p. 265, et du tirage à part, p. 25, 


Untersuchungen über die Tunicaten des Adriatischen und Mittelmeeres, LIL (1), Abthei= 
lung, 


ASCIDIES SIMPLES DES CÔTES DE FRANCE. 495 


Tableau des sous-familles el genres de la famille des MorGuLipÉs. 


y IS. fam. à mouvements amæboïdes à leur nais- 
MOLGULIDÆ Ÿ sance. Les méridiens branchiaux sont 1 
ANURÆ complexes, les infundibulums compli-{ G. ANURELLA. 
sans queue qués et les trémas courts, 
2 
| complexes, soutenus les simples, G. MoLGuLa. 
par des icôtes nu | bords 
K tiples à infundibn- | .des 
festons 


II S. fam. lums compliqués à { es 
MOLGULID Æ | trémas relativement À orifices | 3 
URODELÆ courts et variables. ? Sont: | Jaciniés, G. CrENICELLA. 
avec une queue ; 
les méridiens simples, à peine soutenus par une seule 
brachiaux sont : # côte, peu adhérente ; infundibulum sim- k 
pie; tréma longs et circulaires, spiraux 
autour du sommet de l’infundibulum qui 
est leur centre. 


I. MOLGULIDÆ. Les emtryons sont : 


G. EucyrA. , 


Il sera facile, à l’aide de ce tableau, en constatant la série de ca- 
ractères simples et positifs qu’on vient de voir, de déterminer les 
genres qu’on trouve à Roscoff. 


& 2. 
1% Genre ANURELLA! (nov. gen., H. pe L.-D.). 


Un seul caractère conduit à la distinction de ce genre, c’est celui 
qui ena déterminé la formation, c’est-à-dire la condition si anormale 
dans les Ascidies de l’absence d’un têtard; elle nous à paru suffisante 
. pour légitimer la réunion des espèces qui la présentaient. 

Sans doute, il est toujours désavantageux en zoologie de prendre, 
pour obtenir le criterium, une partie difficile à reconnaître et profon- 
dément placée dans l’économie; il est encore plus fâcheux d’être obligé 
de prendre un état transitoire et passager comme celui de l'embryon. 
Je le reconnais, et en plus d’une circonstance j'ai critiqué des classi- 
fications basées sur des caractères tels que ceux que je viens d’indi- 
quer ; mais ici on y est bien forcé et, à moins de ne pas faire de genre 
et d'établir une section des Molgules anoures, ce que déjà on est bien 


1 Etymologie : «, privatif; obsa, queue, sans queue, 


496 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


obligé de faire, et si on le fait il faut bien constater le caractère, je 
ne vois jusqu'ici assez clairement aucun caractère extérieur spécial 
et corrélatif permettant de reconnaître des animaux dont les em- 
bryons sont sans queue. 

Quelques espèces présentent un papillé à forme caractéristique, ou 
des plis du bourrelet à l’orifice de l’oviducte, mais il en est d’autres 
qui n'offrent pas ce caractère précieux au point de vue de la spécifi- 
cation. 

On a beau chercher, on en revient toujours à ce fait : un seul ca- 
ractère domine tous les autres, c’est l’absence du têtard, et l’on ne 
peut s'empêcher d’être frappé de l'importance d'une différence aussi 
grande qui dans un groupe aussi homogène que celui des Molgulidés, 
ne peut conduire qu'à une distinction générique. 

Sur les cinq espèces de ce genre, trois sont de petite taille et leur 
branchie, comme le système nerveux, l'organe vibratile et la glande 
voisine du système nerveux, sont très-semblables; les deux autres, 
de grande taille, ont les dispositions des branchies et des organes 
nerveux ou glandulaires assez différentes. jf 


Au sujet du caractère que j'ai le premier signalé, je dois faire une 
remarque. 

Je n’ai point à revendiquer la priorité de la découverte des em- 
bryons anoures dans le groupe des Ascidies, cette priorité n’a été 
mise en doute par aucun des naturalistes honnêtes qui jugent les tra- 
vaux avec équité, car les dates précises sont là pour la prouver. 

Toutefois, une observation venant d'Amérique a été présentée en 
France comme devant m'enlever cette découverte. 

Il est des attaques personnelles injurieuses qui se reproduisent à 
mon adresse de temps en temps. Jusqu'ici je n’ai répondu que par 
le plus profond mépris; mais comme dans quelques séances du 
congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences les 
faits ont été présentés sous une forme aussi calomnieuse que mal- 
veillante, je dois montrer, en citant des dates, quelle est la vérité sur 
la priorité de cette découverte. 

Le docteur Tellkampf a fait connaître dans une note qu’il annonce 
devoir être suivie d’un mémoire détaillé, une condition de la repro- 
duction des Molgules fort anormale. 

Suivant lui, la Molqula manhattensis donnerait naissance à un être 
du genre Mammaria de Lamarck, et celui-ci produirait les tétards 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 497 


qui, à leur tour, ramèneraient à la forme molgule ; en un mot, il y au- 
rait génération alternante et production d'un être intermédiaire 
entre deux formes molgules. 

Quand on considère les dessins comme la date qui accompagnent 
la note, courte du reste, du docteur Th. Tellkampf, faut-il n'être que 
surpris qu'on ait pu avoir l’idée de m'enlever la découverte des em- 
bryons anoures ? Le lecteur va en juger. 

Ce que l'observateur américain cherche en effet à prouver, c’est que 
les œufs de la Mo/gula Manhattensis deviennent des Mammaria, et l'on 
ne voit pas une figure, pas un seul mot dans la note indiquant l’exis- 
tence d’un embryon sans queue. Au contraire, si dans une figure 1l y'a 
quatre œufs (je dis quatre œufs et non embryons) bien dessinés et re- 
connaissables à leurs parties constituantes, unis par une matière vis- 
queuse représentée dans les figures par des granulations (the viscid 
fluid, p. 89 et figure o, pl. X), à côté, on voit aussi cinq embryons à 
queue ou têtards à différents états de développement (He 0, 0; 
e, d, e), qui, évidemment, ont appelé vivement l'attention de l’au- 
teur ; enfin, quant à la figure du Mammaria renfermant aussi un 
iêtard (fig. 4), elle ne prouve évidemment rien en faveur de la 
priorité de la découverte. 

Du reste, je n’analyserai pas moi-même le travail du docteur Tell- 
kampf; je préfère emprunter à son compatriote, le professeur Verrill, 
le résumé suivant : 

Qn Molqula Manhattensis there, is according to the observations of 
Dr. Theodore A. Tellkampf, an alternation of generations. He states 
that the minute yellow ova were discharged july 18, invested in a 
viscid yellowish substance, which become attached be the exterior 
of many specimens. In a few days the « viscid substance » had chan- 
ged its appearance and became contractile ; the ova became larger, 
round, and of different sizes, « after two or three days the largest 
protruded somewhat above the surface of the common envelope, and 

_ presented a circular or oval aggregation, like that of the Mammaria 
_ found a year ago »; on the 11th day, the round ova had increased 
| in size, with a central round or oval orifice through which the mo- 
| tion of the ciliæ of the branchial meshes were visible. « The orifice 
| bad approached on the 1st of august more or less to one apex ; in 
Some specimens, which were now Oval, it was terminal. » In this 
| Stage he names it Mammaria Manhattensis, regarding the Mammaria 
| a$ à « nurse » ; Within each of the Mammarræ, at the end opposite 


ARCH. DE ZOOT. EXP. ET GÉN.=— T, VI, 1877, 32 


498 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


the branchial orifice, there was seen a mass of cells, which ultimately 
developed into a tadpole-shaped larva, similar to that of the other 
ascidians. He observes that the Mammariæ increas after the discharge 
of the larvæ, and that gemmation takes place within the common 
envelope {. 

«These observations, if correct, are very interestingand important, 
but they need farther confirmation. The development of the larvæ 
form the Mammariæ into Molqula was not traced; neither did he 
witness the actual discharge of the ova, which produced the Mam- 
maricæ, from the Molqula. The may possibly have no relation with 
one another ?. » 

Le travail du docteur Tellkampf n’a d'autre but que de prouver 
l'existence de la génération alternante dans les Ascidies, en ratta- 
chant la Molgule des îles Manhattes au Mammaria ; observations qui, 
si elles sont vraies, méritent, comme le dit fort justement M. Verrill, 
d'être vérifiées. | 

Du reste, les auteurs d'Europe qui se sont occupés de l'embryo- 
génie de la Molgule, n'ont pas cité ce travail plus que moi-même. 

Hancock et M. le professeur Kupffer n’en parlent pas”, cela 
est tout simple. Ces naturalistes n'ont fait de recherches et de 
publications qu'après ma communication à l’Académie, et à son 
occasion ; à l’époque surtout où écrivait Hancock, il lui était impos- 
sible, tout comme à moi, de connaître les études du docteur Tell- 
kampf. Cela est absolument mis hors de doute par les dates. Il suffit 
de les citer pour en être convaincu. 

La note On the larval state of Molgula a été présentée par M. Han- 
cock at the meeting of British association held at Liverpool, en sep- 
tembre 1870 *. 

Cette note a été publiée à l'occasion de mon travail, dont le 
résumé se trouve dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences 
de Paris du 30 de mai 1870. 

Or, le travail de Tellkampf a été lu le 23 de mai 1871, et publié dans 
les Annals of the Lyceum of Natural History of New-York, pour 1874, 


4 Voir Annals of the Lyceum of Natural History of New-York, vol. X, p. 83, 1871. 

2 Voir United Stales Commission of Fish and Fisheries — rapport pour les an- 
nées 1871 et 1872. Invertebrate animals, etc., p. 445. 

3 Voir KUPFFER, loc. cit. 

* Voir Ann. and Mag. of Nat. History, 4e série, vol. VI, n° 35, novembre 1870, 
p. 353. On y trouve les observations et les descriptions de Hancock. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 499 


vol. X, pl. IT, Donc, il est incontestable, d’après les dates mêmes, que 
ma publication est d’un an antérieure à celle du savant américain. 

Il est bien vrai que le docteur Tellkampf dit que ses observations 
de la génération alternante remontent à 1850, 1851 et 1856 (p. 84, 
loc. cit.). Mais est-il possible d'accepter ces dates et de les interpréter 
comme cela a été fait, puisqu'elles n’ont pu être connues des natu- 
ralistes que par cette même publication de mai 1871? 


D'ailleurs, si la découverte du docteur américain était bien anté- é 
rieure à la mienne de plus de vingt ans, on peut vraiment se F 
demander, comment, dans son travail de 1871, ce naturaliste n’a ; 
point réclamé la priorité. En effet, il pouvait et devait connaitre alors : 
non seulement les faits contenus dans ma communication à l'Aca- L 
démie, mais surtout ceux publiés par Hancock. : 

Cela s'explique. Il ne cherchait qu'à prouver l’existence d’un cas 
d’alternance de la génération. ï 

Il a sans doute pu avoir sous les yeux des œufs de la Molqula 
Manhattensis, mais on peut affirmer que pas un des dessins publiés É 


en 1871 par lui ne montre des embryons anoures. Il ne veut prouver 
qu'une chose, la transformation des œufs en Mammaria. 
En résumé, le travail américain, n'ayant été publié qu'un an, 
mois pour mois, après le mien, ne peut m’enlever la priorité. : 
Le lecteur peut juger maintenant, non seulement la valeur del'accu- à 
sation de plagiat qui m'a été adressée au congrès de Lille (3° session, 
vol. de 1874, p. 444), mais encore la nature des sentiments qui l'ont 
dictée. | 


2 Ÿ1 


Sr à 


LR CE 


Ar ESPÈCE. 
ANOURELLE ROSCOVITE /ANURELLA ROSCOVITA) (N. SP., H. DE L.-D.). 


Arch. de Zool. exp. et gén., vol. III, pl. III, IV, V, V bis, X, XI, XIX, XX, XXI, 
XXII: HE XIV, XX VER VE XX VIL. 


___Ilest fort remarquable qu’une espèce aussi abondante et dont la 
| station paraît être très étendue dans la Manche, n'ait pas été décrite. 
_ Si l'on cherche à appliquer à sa détermination les différentes 
descriptions des espèces connues, on ne peut en trouver une ren- : 
| fermant tous ses caractères, et c'est pour cela que, ne prenant 
| d’abord que les caractères si généraux du genre et de l'espèce 

Molgula tubulosa, de l'ouvrage de Forbes et Hanley (British Mollusca), 


LET Un LP CET TER LA 2 ‘Ce LAPS] 2 


300 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


j'avais donné ce nom à cette espèce. Mais, en y regardant de plus 
près, il m'a été bientôt démontré qu'il fallait indiquer une nouvelle 
diagnose et imposer un nouveau nom. 

Comparons avec cette Anourelle les différentes espèces décrites et 
nous verrons d’une part quels sont les caractères communs qui 
leur appartiennent, d'autre part quelles sont les différences qui les 
éloignent. 

Il faut mettre d’abord de côté les Molgules urodèles, ainsi que 
celles à lobes osculaires laciniés. Ces deux Caractères les séparent 
complètement. 

Il reste alors cinq espèces anoures, dont quatre ont des caractères 
tellement nets et tranchés, qu'il est impossible de les attribuer 
" à l'A. Roscouita. 

Ce sont : 

D'abord la M. oculata, de Forbes et Hanley, qui, vivant libre dans 
le sable et se couvrant d’une couche épaisse de débris sous-marins, 
peut présenter, à la première vue, quand elle est de petite taille, 
quelque analogie de forme et d'aspect général avec l’A. Roscovita. 
Mais il suffit d'en étudier les oscules ! et la région interosculaire 
pour être immédiatement convaincu de la grande différence qui les 
distingue. 

La région interosculaire dans la M. oculata est nue et sans fila- 
ments agglutinants. Que l'on compare les figures représentant ces 
espèces, et l’on verra tout de suite quelle énorme dissemblance les 
sépare. L'erreur n'est pas possible. 

L’A. Bleizi est à peu près nue, de petite taille et fixée. Par son 
apparence extérieure, elle ne pourrait être confondue avec l’es- 
pèce que nous étudions; mais, de plus, si on ouvre sa chambre 
péribranchiale, on voit de chaque côté du rectum deux grosses 
papilles, à forme tellement spéciale, que là encore il ne serait pas 
possible de faire de‘confusion. 

Il suffit de comparer la figure 4, pl. IT, vol. II, et la figure 1 de la 
planche XVIII, vol. VI, pour juger de la différence extérieure. Quant 
au caractère de l’orifice génital femelle, la figure 2, pl. XXIV, vol. I, 
et la figure 9, pl. XVIII, vol. VI des Archives, montrent tout de suite 
sa valeur. 


1 Voir Arch. de Zool, exp., vol, VI, pl. XIV, fig. 4, et comparez à fig. 4, pl. Il, 
vol, III, id, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 901 


Restent les deux espèces, M. simplez et M. macrosiphonica, où du 
moins deux espèces, trouvées à Roscoff, qui ressemblent à celles 
décrites sous ces noms, et dont il faudra discuter la synonymie; pour 
le moment il nous suffit de dire qu’on ne peut les confondre avec 
l'A. Roscovita, car leurs diagnoses données par les auteurs ne peu- 
vent, en aucune façon, s'appliquer à celle-ci. 

L’A. solenota! et la Molqula macrosiphonica du professeur Kupffer 
offrent une telle différence par la longueur du siphon, par le peu de 
complication des infundibulums relativement simples, par les trémas 
grands et circulaires, par l'unique orifice de chaque testicule s’ou- 
vrant au sommet d’une papille placée au centre de l'ovaire, par la 
tunique à peu près nue et par l'absence des ocelles, qu'il n’est pas 
possible dela confondre avec l'A. Roscovita; tout au plus pourrait-on 
la prendre, par sa physionomie extérieure, pour l’A. Bleizi ou pour 
l'A. sèmplex. 

Celle-ci, du moins à en juger d’après les individus auxquels j'ai 
attribué ce nom, a une branchie, à quelques égards, plus rapprochée 
de celle de l'A. solenota; mais les organes reproducteurs, mais les 
tentacules sont fort différents, et l’anse intestinale, très recourbée, 
remonte en arrière, tant elle est longue; d’ailleurs, elle n’a que six 
méridiens branchiaux de chaque côté ?. 

Voilà pour les espèces qu’on trouve à Roscoff. 

Comparons maintenant les espèces décrites par les auteurs. L’A, 
Roscovita peut-elle être la Molgula Manhattensis? Ce n'est point 
admissible. M. Kupffer considère celle-ci comme étant la même que 
la Molqula macrosiphonica * ; il l'indique dans la synonymie, cepen- 
dant avec un point de doute. En acceptant cette identité, quoique 
admise un peu dubitativement par le naturaliste allemand, il n’y 
aurait qu'à répéter ce qui vient d’être dit plus haut à propos de la 
différence des espèces. 

En outre, il n'y a qu'à consulter les dessins donnés par le docteur 
Tellkampf, fig. 1,2 et 3, pour voir des différences si grandes, et sur 
lesquelles, du reste, il sera nécessaire de revenir, qu'il n'y a pas lieu 
d'insister en ce moment. 

Peut-on l’assimiler à la M. arenata, de Stimpson? Il est difficile 


# Voir Arch. de Zool. exp., vol. VI, pl. XVI, fig. 1, 2 et 3. 
3 Voir id., id., vol. VI, pl. XVII. 
3 Voir Kuprrer, loc. cit., Nordsee Exp., p. 224. 


502 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


de le dire. La description donnée par cet auteur est trop courte, 
comme du reste on va en juger: 

« Body somewhat comprimed laterally, test thin, uniformly cove- 
red withe coarse sand, which adheres very strongly. Apertures small, 
on very short tubes, far removed from each other. Length, thee 
fourths of an inch !. » | 

La figure qu’en donne le professeur Verrill (Am. Journ. sc., 3° sér., 
vol. IE, pl. VIIL, fig. 5) ne peut guère, plus que la description pré- 
cédente, fournir une idée d’un caractère particulier distinctif. Cette 
description ne peut en rien servir à une détermination précise, car 
elle se rapporte indifféremment à toutes les espèces libres, globu- 
leuses et couvertes de sable. 

Serait-ce la Molqula pannosa, du même naturaliste ? ? 

La description de la tunique et du revêtement fibreux de cette 
espèce est applicable à notre Anurella; toutefois le tube anal étant 
plus long que le tube buccal, il y aurait là une légère différence. 
Mais où la description américaine ne paraît plus concordante, c’est 
dans la forme de l'orifice buccal. « The branchial tube is about the 
same in size, but a little shortes, subcylindrical, scarcely tapering, 
with six, smalle prominent, acute lobes or papillæ; alternating with 
these are six much smaller ones. » 

Du reste, rien dans les caractères profonds n'est indiqué qui per- 
mette de pousser plus l6in la comparaison. 

Ce n’est point la Molqula retortiformis du même auteur”. La forme 
extérieure l'indiquerait seule. 

Ce ne peut être davantage la M. liftoralis, qui est fixée et nue ou 
papilleuse, ni les M. papillosa, M. pilularis et encore moins M. pel- 
lucida. Geci ne peut faire de doute par les caractères et les formes 
du siphon et de la tunique. 

On verra plus loin, à propos des deux espèces M. 2nconspicua et 
M. complanata, que cette dernière, petite, fixée, en partie nue (Alder 
et Hancock), est probablement une C'fenicella; que la première ne 
peut être notre A. Roscovita, puisque Hancock # dit expressément 
ceci : « Branchial sac with six folds on each side, the meshes very 
slightly convoluted or almost linear, » et que notre espèce présente 


1 Voir Proc. Bost. Soc., n° IV, 1852. 

2 VerriL, loc. cit., p. 55, fig, 2, 

3 Voir id. id., p. 56, fig. 3. 

* Ann, and Mag., 1870, p. 306, vol, VI, 4e sér. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 503 


toujours sept plis ou méridiens de chaque côté du sac branchial. 
Cette espèce n'est pas d'ailleurs de grande taille, puisqu'elle n'a qu'un 
diamètre de trois dixièmes de pouce anglais. 

Parmi les cinq Molgules décrites par le professeur Kupffer, ce ne 
peut être la M. arenosa, qui est l'£ugyra d'Hancock, la 47. nana, la 
M. macrosiphonica et la M. ampulloïdes, dont les diagnoses sont cer- 
taines ; serait-ce enfin la A. occulta de l’auteur allemand? 

La description de cette espèce s'approche le plus de celle de notre 
Anourelle, aussi vais-je la reproduire en entier : 

Molgula occulta, 1, p. 224, loc. cit., Nordsee Exp., Kupffer : 

« Forme générale ellipsoïde dans son ensemble, quelque peu 
aplatie de droite à gauche, atteignant jusqu'à 3 centimètres de lon- 
gueur, 2 centimètres de large seulement, couverte de sable fin ou 
de débris de couilles, reposant librement dans le sable; les deux 
orifices portés par deux siphons courts, complètement rétractiles : 
l'oral en avant, mais dirigé du côté dorsal; le cloacal au milieu 
ou au-dessous du milieu de, la longueur, également dorsal. Au pour- 
tour des deux orifices, une accumulation de pigment brun, mais 
non sous forme de points délimités et régulièrement répartis. » 

Observons ici une différence avec ce qui s'observe dans l'A. Ros- 
covita. La station fait varier évidemment la coloration, et dans les 
individus venus de quelque profondeur, tout comme dans ceux 
pêchés à Roléa, Per’haridi, etc., etc., on trouve des échantillons 
ayant des points oculiformes ". 

« Le revêtement des particules étrangères adhérant à de nom- 
breux filaments, agglutinants, simples ou ramifiés, couvrant toute la 
surface à l'exception du siphon. » 

Ceci se rapporte tout aussi bien à l’'Anurella oculata, ainsi qu'on 
le verra. 

« Tunique finement membraneuse, mais résistante. 

: « La masse interne du corps flasque, avec une faible muscula- 
ture ; sur les siphons se trouvent une couche interne formée de fibres 
circulaires, et une externe formée de faisceaux longitudinaux de 
fibres longues et déliées; c'est le cas de presque toutes les Molgu- 
lides. Ces fibres, ces faisceaux longitudinaux, se renflent soudaine- 
ment en devenant ventrus à leurs extrémités internes. Dans tout le 


1 Voir H. de L.-D., Histoire des Ascidies simples des côtes de France (Arch. de 
Zool. exp., vol. III, 1874, pl. III, fig. 6 et 7). 


904 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


reste de la tunique cutanée, musculeuse, se trouvent seulement de 
courts muscles ayant un corps distinct avec de longs tendons. Ils 
sont assez clairsemés et s'offrent avec le plus de régularité sur les 
deux côtés des lignes médianes verticales dorsales, à l'exception des 
taches pigmentaires déjà signalées; toute couleur plus saïillante man- 
que et le ton général est d’un jaune ou brun mat. 

« Il y a environ douze tentacules ramifiés plus gros et autant de 
plus faibles. 

« La paroi de la fossette vibratile s'ouvre à droite. » 

Tous ces caractères n'offrent rien de particulier à une espèce quel- 
conque. 

« Le sillon vecteur est bordé d'un seul repli dont la marge est régu- 
lièrement dentelée. » 

Ici se rencontre un caractère positif que nous mettrons à profit dans 
la description de quelques espèces du genre Ctericella ; car je ne l’ai pas 
vu manquer dès qu'une première fois j'en ai constaté l'existence. Or 
jamais d’un autre côté notre espèce n’a présenté de dentelures! sur 
le bord de cette lame, que le professeur Kupffer appelle la marge du sil- 
lon vecteur, partie que nous avons nommée dans l'introduction et que 
nous nommons dans les descriptions qui suivent le raphé postérieur. 

Je ne crois donc pas que, ce caractère étant donné comme posi- 
tif, l’A. ARoscovita puisse être confondue avec la Molqula occulta de 
M. Kupffer. 

Continuons la description : 

« Sac branchial avec quatorze replis symétriquement répartis, cha- 
cun portant à sa surface quatre à six côtes longitudinales rappro- 
chées les unes des autres. 

« Les fentes branchiales courbes et les capillaires situées entre 
elles sont disposées par groupes en systèmes concentriques chacun 
autour de son centre respectif situé sur les replis longitudinaux. 
Plus on s'approche du centre et plus régulier devient l’arrangement, 
et chaque système s'élève en un cône pénétrant dans le repli. Les 
cônes se divisent encore à leur sommet en un double cône. Sur 
chaque cône se trouvent deux vaisseaux sanguins spiraux COMMUNI- 
quant au sommet. Les replis longitudinaux paraissent même déjà à 
l'œil nu, par cette disposition des cônes placés en série simple les 
uns au-dessous des autres, comme découpés en segments. 


1 Voir H. de L.-D., loc. cit., vol. IIL, pl. IV, fig. 8, Rp. 


« 
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 505 

« L'estomac est étroit et à peine séparé de l'intestin. Celui-ci figure 
une circonvolution allongée et par sa branche récurrente s’accole de 
nouveau à l'estomac. 

« Sur l'estomac est une glande colorée en grisâtre, composée 
d'utricules allongées ; dans l'estomac il n’y a pas de papilles. 

« La glande génitale gauche est située du côté dorsal de la branche 
récurrente de la circonvolution intestinale. À droite se trouvent 
étroitement accolés les uns sur les autres, le rein, le cœur et la se- 
conde glande génitale. Le rein renferme des concrétions jaune brun. » 

Il n'y a dans tout ce qui précède absolument que des caractères 
généraux se rapportant à plusieurs espèces, et ne pouvant servir à 
établir la comparaison d'espèce à espèce. 

Reste le dernier paragraphe. Il est intéressant : 

« Get animal a des rapports étroits avec la Cynthia Dione (Savigny), 
mais il manque du recouvrement fibrilleux des orifices siphonaires 
que Savigny décrit et figure, et la forme générale du corps n'est pas 
concordante, sphérique dans la C. Dione, elle est ici latéralement 
comprimée et allongée. Enfin Savigny dit expressément pour la €. 
Dione, que l'orifice buccal n’a aussi que quatre festons!. » 

Il me paraît bien évident, en considérant la figure que Savigny a 
donnée, pl. VII, figure 4, que tous les caractères divers de la Dione 
sont ceux d'une Molgulide. Position de l’anse intestinale et des glan- 
des génitales dans la courbe de cette anse, couronne de tentacules 
branchus, position et forme du foie, disposition régulière des infun- 
dibulums, tout est d'une Molgulide ; mais reste la difficulté tenant 
au nombre des lobes des orifices. Nous ne connaissons point de 
Molgulide bien observée ayant quatre lobes à l’orifice branchial in- 
spirateur. 

Mais supposons qu'en raison de la contraction des animaux deux 
des lobes de l’orifice inspirateur aient échappé à Savigny, ce qui est 
possible, il est bien difficile qu'un observateur aussi éminent ait 
décrit et dessiné les filaments qu'il indique sans qu'ils eussent existé 
réellement. Voici la diagnose qu'il donne : 

« Corps sphérique, uni, blanchâtre, communément sablé à sa sur- 
face. Orifices prolongés en tubes cylindriques, divergents, s’ouvrant 
en quatre festons frangés par de petits filets » (p. 453). 

Dans la description page 93, il dit : « Gette espèce a deux orifices 


1 Voir Kuprrer, Nordsee Expedition, 1872. p, 224. 


906 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


extérieurs découpés en quatre lobes ; des filets tentaculaires bran- 
chus et comme bipinnés ; quatorze plis flottants au sac branchial ; 
estomac enveloppé dans un foie cannelé verdâtre; les ovaires au 
nombre de deux, un dans l'abdomen et contigu à l'intestin, quoique 
non Compris dans son anse; l’autre du côté opposé. Z£lle semble donc 
partager la conformation des précédentes, et devrait en effet leur être 
réunie, st elle ne présentait des caractères par lesquels elle se distingue, 
non seulement de ses congénères, mais encore de toutes les Ascidies sim- 
ples et composées qu? me sont connues. 

« Le premier consiste en de petits filaments qui boï doit les festons 
de ses oscules, et qui la font reconnaître pour l'espèce gravée dans 
Forskaol, à laquelle on trouve ces singulières franges de filet. Le 
second et le plus important de ces caractères réside dans la disposi- 
tion du tissu branchial, qui n’est pas continu sur les plis, mais inter- 
rompu à des distances égales, et de manière à dessiner une suite de 
festons très irréguliers. » 

Cette description est à coup sûr fort remarquable et l’on y voit ce 
coup d'œil sûr du zoologiste sans égal qui sentait dans sa Cynthia 
Dione une espèce appartenant à un tout autre genre qu'à celui des 
Cynthia. 

Mais comment le sébroisons Kupffer a-t-il pu vouloir assimiler la 
Molqula occulta à la Cynthia Dione de Savigny, après avoir reconnu 
l’absence de ces filaments qui bordent les festons de la {ione ? Pour 
nous qui savons que ces filaments n'existent pas, nous ne pouvons 
confondre les deux espèces. 

Ces filaments ont une importance certaine; ils auraient pu 
échapper à l'observation, mais non être ajoutés. Leur présence à 
frappé Savigny. Ils prouvent incontestablement que si la Molqula 
occulta est la même que la Cynthia Dione de Savigny et si celle-ci est 
une Molgule, ce qui semble bien probable, elle est une Ctenicella et 
non une Molqula proprement dite, pas plus qu'une Anurella. 


En résumé, pour les raisons qui viennent d'être successivement 
données, il est impossible de rapporter aux espèces et aux genres 
déjà décrits l'animal qui a servi de type, et c'est pour cela que j'en 
fais une espèce nouvelle à laquelle je donne le nom spécifique de 
Roscovita, en souvenir de sa découverte faite à Roscoff et de la facilité 
avec laquelle il est possible de se la procurer dans cette localité; 
je la rapporte au genre ANURELLA. 


| 
| 


‘ 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 507 


Cette discussion d'espèce a été un peu longue. Elle était néces- 
saire, d'ailleurs plus loin elle évitera de nouvelles comparaisons de- 
venues désormais inutiles. 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — Le corps est ovoïde, très régulier, quand il est con- 
tracté et qu'il vient d’être pêché. L'animal est libre dans la grève 
ou adhérent exceptionnellement aux corps qui sont dans son voi- 
sinage. Laissé longtemps dans des vases à fond plat, sa partie infé- 
rieure s’aplatit, faute de soutien ; dans la position normale le grand 
axe est horizontal. 


Orifices et siphons. — Sans avoir une grande longueur, les siphons 
sont habituellement saillants au-dessus de la surface de la grève, et 
les orifices présentent une teinte grisâtre que relèvent souvent des 
points oculaires colorés, ou des bandes interrompues de granulations 
orangées, jaunâtres, bistres ou même blanchâtres. 

Il y a de grandes variations quant à cette coloration, variations qui 
sont en rapport avec la nature des fonds habités. 

Dans le voisinage et tout près des orifices les tubes ou RACE 
ne sont pas couverts de grains de sable. 

Les dents du feston sont larges, mais dans leur épanouissement 
le plus complet elles sont rejetées légèrement en dehors et deviennent 
un peu pointues. 

La valvule diaphragmatique du tube expirateur est peu développée 
et n'offre rien de particulier. 

Quand les animaux sont tracassés, les siphons disparaissent entiè- 
rement, car ils sont complètement rétractiles. Ils sont placés sur 
la face postérieure de l'ovoïde et le branchial remonte même un 
peu en arrière. 


Tentacules. — Ils sont deux fois pinnés et les plus grands trois fois. 
Les divisions tertiaires sont petites, leur face en dessous est couverte 
d'une couche de granulations blanc jaunâtre, dont la teinte fait des- 
siner leurs arborescences sur le fond obscur de la cavité branchiale. 

Quand les animaux sont bien épanouis, le grillage qu'ils forment en 
se rabattant sur l'entrée de la branchie est peu serré et leurs rami- 
fications grêles et libres laissent entre elles des espaces obscurs qui 


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508 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


permettent de les voir nettement. Ils ne s’entrecroisent que peu 
et seulement par leurs extrémités. 

La couronne est formée de douze à quatorze tentacules alterna- 
tivement grands et petits entre lesquels, sur les grands individus, on 
trouve en outre des petits bourgeons intermédiaires à forme tenta- 
culaire ". 


Branchie. — Elle est très grande, très régulière et d’un blanc 
jaunâtre. 

Ses méridiens ? sont au nombre de quatorze, sept de chaque côté, 
tous bien développés, même les derniers en avant au voisinage du 
raphé antérieur, et les deux premiers en arrière auprès du raphé 
postérieur. Relativement aux autres ceux-ci sont très courts. La ter- 
minaison supérieure des cinq antérieurs, au voisinage de la bouche, 
est creusée en un godet duquel partent des filaments qui vont s’unir 
à la ligne terminale supérieure du raphé antérieur et du raphé pos- 
térieur. 

Le nombre des côtes est de cinq à six. Elles sont toujours bien 
accusées. | 

Les trémas ou fentes branchiales sont longs et mesurent à peu près 
dans leur plus grande étendue la moitié de la longueur de la base 
des infundibulums, quelquefois plus”. 

Les énfundibulums présentent une première et profonde bifurcation 
à partir de la deuxième côte comptée en partant de la base et une 
dernière ou quatrième correspondant à l’avant-dernière côte‘. 

Un peu au-dessus de leur base ils sont bossus sur leurs côtés et 
comme étranglés. 

La largeur des bandes interméridiennes n’est pas exagérée et les 
plis méridiens sont saillants, non couchés, sans être, dans l’extension 
extrême, appliqués par l’une de leurs faces sur cette bande inter- 
médiaire. 

Les vaisseaux équatoriaux ou perpendiculaires aux méridiens sont 
très marqués, de sorte que la branchie vue postérieurement paraît 
souvent partagée en carrés dont les côtés sont d’une part les pre- 


1 Voir Arch. de Zool. exp., pl. XX, fig. 11 et pl. V bis, fig. 5, vol. IJI. 
2 Voir id., id., pour la description, vol. III, pl. V et V bis. 

S Voir #1; #4, pl. W. 

Noir #4, M4. pliV Mig, M5: 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 509 


mières côtes de la base des méridiens, d'autre part les vaisseaux 
branchio-cardiaques. 


Raphés. — Le raphé antérieur ou endostyle, limité comme tou- 
jours par deux lames minces formant un canal, n'offre rien de parti- 
culier. Il n’est pas très développé. Sur les animaux dénudés de 
leur revêtement de sable et ayant conservé l’eau qui les gonfle, 
l'endostyle paraît comme une bande hyaline, transparente, sur le 
milieu de laquelle court une ligne blanche. 

Le raphé postérieur remonte à droite de la bouche et, avant de 
se souder aux têtes des méridiens, à la hauteur de la lèvre inférieure, 
prend un assez grand développement, ce qui le rend saillant, ondulé ; 
mais il n’est jamais dentelé sur son bord. 

Quant à sa partie gauche, elle s'arrête très peu après avoir formé 
l’angle dans lequel est logé l'organe vibratile ; elle ne remonte guère 
que jusqu'à la hauteur du premier vaisseau transversal inférieur ou 
parallèle voisin de l’orifice branchial *. 


Tube digestif. — La bouche, formée par l’embrassement de deux 
croissants très visibles dans cette espèce, est placée entre les deux 
extrémités des deux raphés. 

Sur les animaux tués en état d'épanouissement, on voit à droite, 
en bas vers son entrée, un bourrelet qui plonge dans l’æsophage. 

L'estomac, grand et phissé en long, fait suite à un æœsophage bien 
appréciable, courbe et relativement assez long. 

Le foie présente toujours des lobes d’un jaune bistre, brun, verdâtre, 
variable dans la teinte avec les stations des animaux. Le quatrième 
lobe, petit, entre l’æœsophage et le rectum à droite, est toujours bien 
développé. Remarquons en passant que la teinte des planches du vo- 
lume IT est pour le foie beaucoup trop jaune, elle devrait être jaune- 
verdâtre. 

L’anse intestinale ne descend que jusque vers le milieu de la lon- 
gueur du grand diamètre et ne se recourbe? que peu ou pas en arrière. 

Ce caractère est important, car souvent il suffit de constater la 
disposition de l’anse intestinale pour reconnaître l'espèce. Ainsi dans 
le dessin de la #. Manhattensis, donné par le docteur Tellkampf, 


1 Voir Arch. de Zoo!. exp., pl. IV, fig. 8, et pl. X, fig. 25. 
2 Voir id., id., pl. II, fig. 5. 


510 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


l'intestin se recourbant fortement en haut vers le foie et l’anus permet 
de reconnaitre que notre espèce ne peut être l'A. Roscovita. 

Le rectum est ici fort court et s’accole à la face postérieure de la 
branchie jusqu'en face de la bouche, mais un peu en dessous d’elle. 

L’anus, très fortement taillé en bec de flûte, a sa lèvre adhérente, 
longué, pointue, courant assez bas sur le dos du sac branchial. Il 
correspond au dos du raphé postérieur ; il est toujours béant et sou- 
vent on voit dans sa profondeur les vermicelles excrémentitiels qui 
se déroulent et forment des filaments flottant dans la chambre péri- 
branchiale *. à 

Dans l'intérieur de l'intestin, au travers des parois, on voit aussi 
les paquets de matière fécale très nettement disposés en filaments, 
surtoutau-delà du manchon de couleur jaunâtre, de matière glandu- 
laire, qui est sur l'intestin après la courbure. 


Manteau. — Le tissu du manteau est légèrement coloré en jaunâtre, 
et la vivacité de sa coloration varie beaucoup avec la station et 
l’état de développement des animaux. 

Les individus pris à la drague ou dans les marées les plus basses 
sont plus vivement colorés. Cela est encore vrai pour les animaux les 
plus âgés. 

Les muscles sont disséminés en petits faisceaux fusiformes qui 
n'offrent rien de particulier comme dans quelques autres espèces. 

Autour des orifices, à la base des siphons, les fibres circulaires et 
les fibres longitudinales sont fortes, mais dans leur disposition n’of- 
frent rien de spécial à l'espèce. 


Tunique. — Elle est modérément épaisse et malgré cela assez résis- 
tante, et sa transparence permet, quand on l’a dépouillée de son 
revêtement de sable, de voir au travers les organes qu'elle recouvre. 

Ses filaments extérieurs sont très nombreux et en même temps fort 
longs. Ils atteignent certainement dans beaucoup d'individus la 
longueur d’un centimètre. Aussi, ayant une grande puissance adhé- 
sive, retiennent-ils beaucoup de sable et augmentent-ils considéra- 
blement les diamètres. 


Il faut remarquer à ce propos que la nature du fond donne une 
apparence tellement variable aux individus et à la coloration des 


1 Voir Arch. de Zoo!, exp., vol. II, pl. IV, fig. 9. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 511 


oscules que l'on a malgré soi une tendance à croire au premier abord 
à l'existence d’espèces différentes. Sans l'anatomie interne on a sou- 
vent de la difficulté à reconnaître les individus d’une même espèce 
pris dans des stations différentes. 


Le ganglion nerveux n'offre aucune particularité caractéristique. 

La glande prénervienne, arrondie, est placée en arrière, à gauche du 
ganglion. 

L’organe vibratile a son pavillon en fer à cheval ouvert le plus 
souvent en haut, mais quelque peu tourné à gauche, souvent même 
tout à fait de ce côté. Il est fortement recroquevillé!. 


Le rein où corps de Bojanus est jaunâtre sur les jeunes individus 
en juin ; mais à la fin de la croissance, vers la fin d'août, sa couleur 
devient plus foncée, surtout à mesure que le volume de sa masse 
inorganique se concrète au centre : alors il devient d’un rouge 
noirâtre, obscur, un peu bistre *. 
Sur les animaux qui ont été brossés pour les débarrasser du sable, 
le corps de Bojanus mesure un peu moins du tiers de la longueur to- 
tale du grand axe du corps et son grand diamètre courbe n'est 
. pas tout à fait parallèle à ce grand axe. Son extrémité inférieure est 
un peu plus antérieure que son extrémité supérieure. Dans tous 
les cas, les deux extrémités sont peu éloignées en avant du raphé 
antérieur, en arrière de la masse hépatique. 

Sa courbe postérieure embrasse exactement le bord antérieur des 
| glandes génitales. 
La fosse cardiaque et le cœur étant logés dans la courbe posté- 
 rieure que forme l'organe rénal de Bojanus, il s'ensuit que leurs 
rapports sont les mêmes que ceux de cet organe. Il y a donc un 
| certain éloignement entre le cœur et les viscères : ce qui conduit à 
l'existence d’une aorte splanchnique. Cet éloignement dans l’espèce 


| 


est très marqué. 


Glandes génitales. — Elles sont placées, à droite, en arrière de la 
courbe postérieure de l’anse intestinale, à gauche, de même en arrière 
de l'organe de Bojanus: celle du côté droit, un peu moins élevée que 


1 Voir Arch. de Zool. exp., vol. IIL, pl. X, fig. 25 et 27. 
® Voir id., id., pl. III, fig. 4, b. 


912 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


celle du côté gauche, n’est pas entourée de tous côtés par l'intestin, 
caractère important à noter. 

La masse des deux glandes est ovale ; en juin, leur milieu est d'un 
beau jaune d’or: c’est l'ovaire; le pourtour est blanc mat: c’est Le 
testicule. Plus on avance vers le mois d'août et l'époque de la 
maturité, plus la teinte des œufs se fonce, plus les testicules se gon- 
flent et débordent au-dessus de l'ovaire. 

L'oviducte' s'ouvre du côté de l’orifice expirateur, non loin du dia- 
phragme ; il se dirige par conséquent de bas en haut et d'avant en 
arrière ; 1l est adhérent à la face interne du manteau, et son orifice 
est bordé par un bourrelet en fer à cheval dont la partie rentrante 
commence à former une papille. Il ne faut point oublier que la posi- 
tion et la forme de l’orifice de l’oviducte fournissent de très bons 
caractères spécifiques. 

Les testicules, groupés autour de l'ovaire, s'ouvrent aussi autour 
de lui par un nombre variable d’orifices ; les canaux déférents de 
chacun d'eux ? s'élèvent en formes de papilles. Il n’y a donc aucun 
rapport entre l'oviducte et les spermiductes : c’est un caractère 
qu'il est utile de signaler. 


L'embryon naît anoure, et en sortant de la coque cellulaire de l’œuf » 


se fixe immédiatement à tout ce qui est en contact avec lui. 

Je ne sais si, dans la nature, les embryons sont formés et nés 
avant leur sortie de la chambre péribranchiale; mais dans les 
nombreuses expériences et les observations répétées très fréquem- 
ment et longtemps suivies que j'ai faites, des œufs rejetés hors 
de cette chambre se sont fractionnés et ont suivi toutes les phases 
du développement sans aucun trouble. L’incubation a-t-elle lieu 
dans la chambre péribranchiale? Cela est possible, mais non abso- 
lument nécessaire. 


STATION. 


J'ai trouvé cette espèce près de Saint-Malo, à l’île Ago, à Portrieux 
et Saint-Quay, aux îles Bréha, à la grève de Saint-Pol de Léon et à 
Roscoff. Je pense que dans une foule d’autres localités de la Manche 
elle doit exister. 

Elle se rencontre toute l’année, seulement du mois de septembre 


1 Voir Arch. de Zool. exp., vol, III, pl. XXIV, fig. 1, 2, 0’ vw’. 
2 Voir id., id., fig. 1, 2 et 7. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 913 


plus ou moins tard, suivant les années, au mois de mai, elle est à 
l'état microscopique et il faut savoir où elle stationne à l’état adulte 
pour la trouver. J'ai montré que l'Anourelle pond en juillet et en 
août, puis qu’elle meurt, et fait place à une nouvelle génération qui 
ne s'accroît d'abord que très lentement. 

À partir du commencement de mai et de juin elle prend peu à 
peu des proportions plus considérables et il est très facile alors de 
l'avoir. Il suffit, dans les grèves abritées contre les grands Courants, 
derrière les rochers, de fouiller un peu pour s’en procurer des quan- 
tités prodigieuses; dans quelques-unes des localités citées, il suffit 
d'enfoncer la main dans le sable pour la ramener, sil y en a, par 
poignées. 

Les limites de la station au point de vue de la profondeur sont 
faciles à préciser à Roscoff. Quand les marées ne descendent que 
jusqu’à 15 décimètres, indication de l'annuaire des marées, on peut 
trouver quelques échantillons, mais bien peu, à moins qu'un mou- 
vement inaccoutumé de la houle n'ait déplacé le sable des grèves et 
entrainé les individus en même temps. 

Au-dessous de 15 décimètres, de 8 à 10 par exemple, les pèches 
commencent déjà à être très fructueuses. 

Sans répéter ici toutes les indications données dans l’introduc- 
tion (1874), je rappellerai qu’à Roscoif, pour trouver sûrement /’Anu- 
rella Roscovita, il faut aller fouiller les grèves entre le fortin de Per’- 
haridi et les roches de Les-Lédanet et du Loup (carrec ar Bléiz), qu'à 
l'est du petit massif de Roléa, au-dessous de la chaussée de sable qui 
s'étend vers le sud, on trouvera toujours dans les ruisseaux d’écou- 
lement des grèves d'immenses quantités de cette espèce. 

En quittant Roléa et se dirigeant vers l'ouest, on rencontre, avant 
d'arriver à la roche du Loup, un grand banc de sable entourant une 
fosse profonde qui n'assèche que pendant les plus fortes marées ; 
dans cette fosse et surtout dans le bas du ruisseau d'écoulement 
des eaux, longeant le côté est des roches Les-Lédanet, l'Anurella 
Roscovita est extrèmement abondante. Les sables, dans cette localité, 
Sont très fins et propres ; aussi les individus y ont une physionomie 
très différente de ceux qu’on trouve sous le fortin même de Per’- 
haridi. 

En continuant les excursions toujours à l'ouest et laissant à la 
droite Les-Lédanet on arrive sur une grève de sable mouvementé, à 
gros grains, formé de petits noyaux granitiques; on a devant soi à 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, = T, vI, 1877, 33 


D14 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


gauche, au sud-sud-ouest, le fort de Per’haridi; à droite, au nord- 
ouest, la roche nommée Z'oufa-bian. On appelle dans le pays cette 
grève les Sabrinières ; un ruisseau d'écoulement la parcourt du sud 
au nord à peu près; il prend son origine dans un point au-dessous du 
fort, où l’eau séjourne. C’est dans ces parties, qu’on reconnaîtra fa- 
cilement sur les cartes marines, car il y à un gros Caillou au centre 
qui est indiqué, que j'ai toujours trouvé les plus beaux échantillons. 
Cette station est aussi celle où l’on trouve l’Anurella Roscovita à la 
plus grande hauteur, entre 14 et 15 décimètres. Il faut entrer toute- 
fois dans l’eau pour trouver des individus, mais enfin dans ces condi- 


tions de marée les pêches commencent à être possibles, quoiqu'avec 


quelque peine. 

Sur les plages de Pempoul, à l’est de Saint-Pôl de Léon, au bas 
des grandes eaux, on trouve aussi cette Anourelle à profusion ; mais 
avec une physionomie un peu différente, due à la nature des fonds. 

Dans les bancs de sable qui assèchent autour de l’île de Batz, au 
nord de Roscoff, j'ai aussi rencontré de beaux et nombreux indi- 
vidus, mais nulle part avec l'abondance extrême que je viens de si- 
gnaler à l’ouest dans le canal. 

La drague l’a rapporté au nord-est de l’île de Batz, dans les pa- 
rages de la Basse-d’Astan et dans la rivière deSaint-Pol, au voisinage 
des cailloux appelés la Vache, le Cordonnier, les Fourches; maïs ici, 
les échantillons ont une physionomie toute particulière, due à la 
nature des fonds, qui sont composés de débris de nullipores et de co- 
quilles, exploités par les pêcheurs pour l’agriculture, sous le nom 
de merle. 

La physionomie extérieure est telle sur les individus de cette loca- 
lité, que j'avais dessiné bon nombre d’oscules croyant qu'ils apparte- 
naient à une espèce différente. 

Ces échantillons, pêchés à une trentaine de mètres de profondeur, 
ont une coloration vive. Les points oculiformes sont, dans quelques 
cas, d’un rouge carmintrès beau. 

Souvent aussi les points oculiformes latéraux sont doubles sur 
l'orifice expirateur. Mais ce caractère, qui avait d’abord attiré mon 
attention, ne m'a pas paru avoir d'importance spécifique; car, en exa- 
minant de nombreux échantillons, j'ai bientôt remarqué que les 
points colorés même de l'orifice inspirateur pouvaient être tous 
régulièrement doubles. 

Les tentacules dans ce cas semblent aussi moins développés, 


| 
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 515 


surtout moins rameux et plus grèles ; ce qui fait qu'ils se détachent 
comme des filets blancs sur le fond noir de la cavité générale et 
qu'ils paraissaient très délicats. 

Enfin, le diaphragme épidermique de l’orifice anal a présenté un 
pincement sur la ligne médiane en avant; mais ceci peut bien tenir 
à l'état de la préparation. 

Les échantillons pêchés au Portrieux, dans la grève, à l’ouest de 
l'Aiguillette, ont les caractères de ceux de Roléa, près Roscoff. 

Autant que mes souvenirs me le permettent, je crois me rappeler 
que les individus de File Ago, près de Saint-Malo, avaient une couleur 
très foncée. 

Dans une excursion, au mois de mai, à Bréha, les individus nom- 
breux que j'ai pêchés dans l’ouest de Roch-Louet et des Roho, à cette 
époque de l’année avaient déjà une assez jolie taille, et exactement les 
caractères de ceux dragués à Astan et dans la rivière de Saint-Pol 
de Léon. 

L'organe vibratile m'avait paru avoir son échancrure en fer à che- 
val fort étroite et presque circulaire. 

J'ai aussi remarqué des papilles saillantes sur un point de la bran- 
chie, près de la bouche ; malheureusement, quand j'ai observé cette 
particularité le nombre des échantillons nécessaire aux préparations 
n’était plus suffisant, et je ne puis que l'indiquer sans oser affirmer 
qu'elle se rapporte bien à cette espèce. 

On peut donc considérer cette Anourelle des fonds un peu pro- 
fonds comme une variété de celle des plages se découvrant dans 
les grandes mers. 


Variété à. — Les points oculiformes sont vivement colorés, en 
nombre le plus souvent doubles, et les tentacules blancs sont très 
grêles avec des branches latérales peu étendues. 

Cette différence de coloration pourrait s'expliquer peut-être par 
le fait que, dans les fonds habités par cette variété, se développent 
un grand nombre de Melobésies et de Nullipores colorés en rouge, 
qui, à l’état de particule, doivent évidemment être absorbés par ces 
animaux et leur donner la couleur. 


916 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


9° ESPÈCE. 
ANOURELLE OCULÉE (ANURELLA OCULATA) (H. de L. D.). 


Arch. de 2001. exp., vol. VI, pl. XIV et pl. XV. 
Molgula oculata E. Forbes. 
Molgula oculata Forbes et Hanley, British mollusca, vol. I, pl. D, fig. 6. 


Cette magnifique espèce est la plus grosse que j'aie rencontrée ; 
elle mesure de 5 à 6 et 7 centimètres dans son plus grand diamètre, 
et 5 dans son plus petit. 

Son revêtement de sable et de graviers n’est pas très-épais ; et, 
quand on l’en débarrasse, elle ne perd que peu de ses dimensions. 

On ne peut l’obtenir à Roscoff qu'avec la drague; aussi est-1l dif- 
ficile de savoir comment elle est dans la grève ; lorsqu'on vient de la 
sortir de la mer, elle est parfaitement ovoïde, mais bientôt, dans les 
aquariums ou les cuvettes le poids de son enveloppe de sable la fait 
affaisser sur elle-même et elle s’aplatit. Il est probable, toutefois, 
qu'elle vit enfoncée et dans une position analogue à celle de l’es- 
pèce précédente, alors, étant soutenue, elle doit être entièrement 
ovoide. 

Ayant pu me procurer ces grosses et belles Molgulides avec autant 
de facilité que je l’ai fait, je suis étonné de voir que pas un auteur 
Américain ou Anglais, pas même M. le professeur Kuppfer, qui a 
eu tous les produits des draguages de la mer du Nord, ne la signalent 
de nouveau après Forbes. 

Elle a une physionomie très spéciale ; aussi est-ce une espèce très 
facile à reconnaître, tant elle est bien définie. Il n’y a pas de doute 
à avoir pour sa détermination. 


CARACTÈRES, 


Extérieur. — L'enveloppe extérieure offre une particularité remar= 
quable. Lorsque l'animal se contracte, les bords de la région oscu- 
laire s'infléchissent en dedans vers le centre, suivant une ligne pa- 
rallèle au grand axe de l'ovoïde. Alors, les graviers et les débris 
formant le revêtement suivent le mouvement, et, à la place des 
orifices contractés, limitent une fente longitudinale. Dans la plan- 
che XIV, fig. 2, cette disposition a été représentée. 

Dès que l’animal adulte va s'épanouir un peu, sans même ouvrir 


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| 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 517 


complètement ses orifices, on aperçoit une zone gris-jaunâtre lisse, 
présentant deux centres colorés en rouge vineux obscur qui corres- 
pondent aux oscules. 

Cette zone a la forme d’un biscuit à la cuiller ; elle est dépour- 
vue de filaments ou villosités, et elle est tellement caractéristique, 
qu'il est impossible à première vue de ne pas reconnaître en la 
voyant la Molqula oculata. Forbes avait parfaitement vu et indiqué 
ce caractère. 

Les plus beaux échantillons adultes que j'aie pu étudier étaient re- 
vêtus d’une foule de débris de merle et avaient été ramenés par 
les dragues des pêcheurs de cet engrais calcaire. Le dessin figure 1, 
pl. XIV, vol. VI, rend l'apparence des animaux à moitié épanouis. 

Siphons et orifices. — Ils sont placés sur la face postérieure de 
l’ovoïde représentant le corps. C’est là un caractère constant. 

Quant à la longueur des tubes qui les portent, il doit y avoir une 
grande différence entre les animaux épanouis dans leur station na- 
turelle et ceux qu'il est possible d'étudier dans nos aquariums de 
laboratoire; car quelques individus observés très peu de temps après 
leur sortie de la mer montraient dans les premiers instants de leur 
épanouissement des tubes inspirateurs et expirateurs bien plus longs 
que ceux des animaux ayant vécu quelques jours hors des conditions 
naturelles. 

Il ne semble donc pas exact de dire, avec Forbes, que les tubes 
sont très courts. Ils le sont en effet dans nos cuvettes, mais ils ne 
doivent pas l'être dans l’état de nature. 

La différence, quant à l'allongement des siphons, est encore très 
grande chez les adultes et les jeunes. Elle est si tranchée, qu'à l’ori- 
gine de la recherche des espèces j'avais dessiné de jeunes individus 


|_ avec des tubes très saillants, fort transparents et délicats, ayant la 


taille à peu près de l’Anurella Roscovita, croyant avoir affaire à une 


| espèce distincte et nouvelle t. 


Mais il a été ensuite facile, par l'étude des organes profonds, et 


| plus particulièrement des glandes génitales, de voir qu'il s'agissait 


de jeunes individus dont les tissus, encore peu colorés, étaient d’une 


Le pli osculaire formé pendant la contraction est très variable avec 
l'âge et le fond sur lequel ont vécu les animaux. Chez les jeunes, il 


| 
| grande transparence. 


| 


| * Voir Arch. de 3ool. exp. et gen., vol. VI, pl. XIV, fig. 2, 3, 4, 5., 


DT HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


m'a semblé plus marqué. Sur les individus de la basse d’Astan, les 
graviers, plus gros que sur ceux de la rivière de Saint-Pol', s’oppo- 
sent, quand ils sont fixés sur les bords de la zone glabre, au rap- 
prochement immédiat des lèvres de la fente, qui, alors, s’accuse 
fortement, tandis que, dans le cas inverse, quand les graviers du 
revêtement sont petits, elle paraît peu profonde, ses deux lèvres 
pouvant aisément se rejoindre. 

La région osculaire, si caractéristique avec sa forme en 8 de 
chiffre, dont les boucles sont occupées par les orifices, offre une co- 
loration toute particulière et une ornementation un peu différente 
avec les individus et avec l’âge. 

Une des particularités importantes qu’elle présente est due à la dis- 
position des fibres musculaires qu'on y rencontre. Il en sera ques- 
tion à propos du manteau. Mais signalons ici l'apparence toute spé- 
ciale que donne à cet espace interosculaire une bande transversale 
de fibres musculaires fortes, qu’on reconnaît par transparence au- 
dessus de la tunique, et dont les contractions causent le rapproche- 
ment des lèvres du pli°. 

Les tubes sont parsemés de taches d’un rouge vineux sombre, dont 
l'intensité peut paraître très dissemblable avec les individus, sans 
qu'au fond il y ait une grande différence. Car ici, comme chez 
toutes les ascidies, il faut tenir grand compte de l’état d’'épanouisse- 
ment ou de contraction qui écarte ou rapproche les granulations 
colorantes. 

Le fond général de la teinte est un jaune verdâtre, sur lequel 
sont semées les taches irrégulières rougeâtres. Ces taches sont plus 
serrées et finissent par se confondre au milieu de l'intervalle qui 
sépare les dents des oscules et quand on regarde normalement un 
orifice bien épanoui, on voit quatre ou six bandes rougeâtres des- 
cendre dans le fond du tube, suivant que l’on considère l’orifice expi- 
rateur ou inspirateur ?. 

Cette bande colorée est très variable avec les individus car en 
s'allongeant pour descendre jusqu’au voisinage de la couronne ten. 
taculaire elle s’interrompt, reparaît, s’interrompt plusieurs fois, et 
devient quelquefois tout à fait irrégulière. Elle correspond en tout 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 2. Jeune À. oculata d’As- 
tan. La fig. 1 représente un adulte de la rivière de Saint- Pol. 

2 Voir id., id., pl. XV, fig. 12 et 13 (ab). 

$ Voir id., pl. XIV, fig. 6. Orifice inspirateur. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 519 


cas aux points ou taches oculiformes. Son irrégularité est d'autant 
plus grande que les animaux sont plus développés. 

La tunique autour des tubes, sur le bord des orifices comme dans 
la région osculaire, est très transparente et semée de taches jaunà- 
tres ; elle laisse voir les parties colorées, mais en les voilant un peu, 


__et mêlant sa teinte à celle des parties qu'elle couvre. 


Il suffit de jeter les yeux sur les différentes figures des oscules dans 
la planche XIV, pour reconnaître les dispositions qui viennent d’être 
indiquées. | 

Les dents des festons sont médiocrement développées à l’un et à 
l'autre orifice. Quand le tube devient très saillant en s’allongeant 
beaucoup elles forment, surtout à l'orifice expirateur, de petites 
pointes à base assez étroite laissant entre elles un espace où l’échan- 
crure habituelle se traduit à peine. A l'orifice inspirateur la base des 
dents est plus large, plus analogue à ce qu'on trouve dans l’A. Ros- 
covita, qu'à l'orifice expirateur. 

Dans quelques cas on voit le bord de la tunique limitant l’espace 
entre les dents de l'orifice, tout hérissé de très petits et fins appen- 
dices serrés, qui ressemblent à des cils délicats". 

Enfin dans les animaux de la plus belle taille, les tubes sont char- 
nus, épais, et les dents du feston ne forment que de petites pointes 
à peine saillantes ?. 

Tentacules. — Ces appendices sont dans cette espèce tout à fait 
caractéristiques. 

Très rameux et touffus ils s’avancent fort avant dans la lumière 
de l'orifice qu'ils obstruent presque complètement ; aussi quand on 
regarde normalement l'orifice inspirateur bien épanoui, reconnaîit- 
on facilement, avec une loupe, les dispositions suivantes : 

Les ramifications très nombreuses se répètent trois, quatre et cinq 
fois. Les dernières pinnules, au lieu d’être grêles et déliées comme 
dans la plupart des espèces, sont épaisses, courtes et rapprochées. Le 
grand développement des tentacules joint à ces caractères, fait que 
lorsque ces organes se rabattent sur la lumière de l'orifice, ils 
l’obstruent presque complètement. Ce dont il est facile de s'assurer 
quand on regarde avec une loupe un oscule inspirateur bien épa- 
noui. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig, 8, b. 
3 Voir id., id.Mfig. 7. 


020 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


De plus ces ramifications sont transparentes, mais leur milieu est 
occupé par une bande de matière colorante rouge brun-olivâtre, qui 
se fait seule distinguer très nettement. 

Une ramification de quatrième ordre d’un gros tentacule a été 
représentée dans la figure 14. Elle donne une idée exacte de la dis- 
position serrée des derniers ramuscules et de leur couleur. 

Lorsque l'A. oculata est de taille moyenne et non encore à l’état 
adulte, 1l peut se faire que le pli de sa région osculaire, n'ayant rien 
de bien marqué, cache cependant cette région si caractéristique et 
empêche de la reconnaître. En observant un animal vivant, il suffit 
de jeter un coup d'œil sur les tentacules épanouis, pour recon- 
naître sûrement l'espèce dont il s’agit. Dans aucune autre, en effet, 
on ne trouve l'orifice branchial aussi complètement occupé par les 
arborescences des tentacules ayant l'apparence qui vient d’être in- 
diquée. 

Ainsi voilà trois caractères, volume du corps, nudité avec forme 
spéciale de la zone osculaire, et nombreuses ramifications serrées, 
épaisses et touffues des tentacules, qui par l’observation extérieure 
seule des animaux ne permettraient pas à Roscoff de méconnaiître la 
M, oculata de Forbes, notre Anurella oculata. 


Branchie. — Les méridiens sont au nombre de sept de chaque 
côté. Ils sont grands, s’avancent dans le milieu de la cavité bran- 
chiale et présentent des caractères nets qui doivent nous arrêter. 

Les côtes, en effet, sont très nombreuses. On en compte sur une 
face jusqu’à onze ; sur l’autre, il en existe un moins grand nombre. 
Neuf seulement. 

Quand on fend la branchie sur la ligne médiane près du raphé an- 
térieur et qu'on l’étale, on voit les méridiens qui se laissent tomber 
sur la paroi de la cavité ouverte, reposer sur elle par leur face posté- 
rieure, et présenter leuf face antérieure. On voit aussi entre les 
méridiens les fuseaux interméridiens. 

C’est sur cette face antérieure du méridien qui dans la préparation est 
devenue supérieure par la position de l’animal, que l'on peut compter 
neuf côtes, et si l’on relève le méridien, c’estsur la face inférieure dans 
cette position de la préparation qui en réalité est postérieure, que l'on 
peut en compter onze. Sept sont sur la face du méridien, une est 
à sa limite vers la base, trois sont sur la partie voisine du fuseau. En 
un mot, il semble qu'à la face postérieure des replis branchiaux les 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. o21 


côtes descendent et avancent sur l'espace interméridien, tandis qu'en 
avant elles s'arrêtent exactement à la base du repli!. 

Les trémas sont étroits, peu circulaires dans les espaces interméri- 
diens et à la base des infundibulums. Leur longueur est médiocre ; 
elle n’atteint jamais la longueur de la base des infundibulums. Leur 
direction est dans ces points parallèle aux côtes et aux méridiens, 
cependant on voit de loin en loin des centres ou ce parallélisme est 
remplacé par des circonvolutions. Dans les sommets des infundibu- 
lums les trémas se redressent et deviennent fort obliques, irréguliers 
dans leur marche comme on peut le voir dans la figure 16 de la 
planche XV. 

Un caractère de la branchie de cette espèce est très accusé; il 
consiste dans une richesse extraordinaire du réseau des vaisseaux 
capillaires couvrant la membrane fondamentale percée de trémas, sur 
sa face intérieure, dans les méridiens aussi bien que dans les bandes 
interméridiennes. On trouve une disposition tout à fait analogue chez 
une autre grosse Molgulide de la Méditerranée. Les vaisseaux prin- 
Ccipaux qui rampent à la surface de ces membranes sont surtout très 
évidents entre deux infundibulums, et l’on en voit à droite et à 
gauche partir des vaisseaux secondaires qui se résolvent rapidement 
| en capillaires nombreux. Ce caractère, qu’on reconnaît très vite, ne 
laisse pas cependant que d’embarrasser un peu, quand on cherche à 
| bien déterminer la disposition et la grandeur des trémas; car presque 
| toujours, dans les préparations les plus naturelles, c'est par la face 
| qui correspond à la cavité branchiale que l’on observe les lambeaux 
| de branchies portées sous le microscope ; mais, dès que l’on est 
| averti de cette disposition anatomique, on y trouve au contraire une 
grande facilité pour la détermination. 

Les enfundibulums sont très larges à leu: b:se, très nettement 
| séparés les uns des autres par les bandes équatoriales dues à la 
saillie des gros vaisseaux transversaux dont il vient d’être question. 
| Gette séparation est fort tranchée, et la cloison qui les partage 
en deux ne l'est pas moins. Il en est de même de la cloison secon- 
 daire les subdivisant en quatre. Enfin, celle qui les partage en huit 
1 Voir Arch. de %0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 15. Portion de branchie, 
. montrant en Ca la côte basilaire du méridien, lequel devrait être à droite, mais qui 
n’a pas été représentée, 

C1, C?, C5, sont les côtes descendues sur le fuseau interméridien. 


_ Cfest la côte longeant la base du méridien de gauche vers l’origine de son in- 
- fundibulum. 


| 


522 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


n'arrive guère qu'à la hauteur de la deuxième ou troisième côte lon 
gitudinale. Vers le bord libre du méridien, l'extrémité du cul-de-sac 
infundibulaire est un peu arrondie, et on distingue vers son milieu 
comme une très petite dépression qui indiquerait le commencement 
d'une cinquième subdivision, ce qui au fond des infundibulums porte 
le nombre des culs-de-sac terminaux à seize !. 

Les vaisseaux capillaires qui recouvrent ces infundibulums sont 
eux-mêmes très nombreux et très riches; enfin, les fentes branchiales 
sont très différemment orientées dans les diverses parties d’un même 
infundibulum : tantôt parallèles aux côtes, tantôt obliques, elles leur 
deviennent quelquefois perpendiculaires, de sorte qu'à côté l’une de 
l’autre on retrouve des calottes du fond des infundibulums, parais- 
sant formées les unes d’une spirale régulière, les autres d’une spirale 
oblique, les autres de trémas parallèles dans leur direction à l'axe 
de l’infundibulum, c’est-à-dire perpendiculaires au méridien*. 

La terminaison des plis méridiens au voisinage de la bouche porte 
un petit godet à bords libres et irréguliers. 

En effet, la membrane partant du raphé postérieur et unissant les 
extrémités buccales du méridien forme en face de chacun d'eux le 
petit godet qui est loin d’être aussi grand, toutes proportions gar- 
dées, que dans l’espèce précédente ÿ. 


Rien de particulier à signaler pour le raphé antérieur et le raphé 


postérieur. 


Tube digestif. — La bouche offre la disposition ordinaire, l’æsophage 
est relativement assez long; le foie est volumineux; les deux lobes 
gauches inférieurs sont surtout développés, aussi occupent-ils une 
place assez grande sur la face correspondante du corps“. 

L’intestin descend assez bas, presque verticalement, jusqu’au niveau 
de la hauteur de l’orifice branchial. Cette position doit être normale, 
car la couche extérieure de gravier agglutiné autour du corps 
s'oppose à une contraction des tissus ÿ par les liquides durcissants 
et les préparations ne peuvent pas modifier beaucoup les rapports 
des organes. 


1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 15 et 16. 
2 Voir id., id., fig. 16. 

3 Voir id.,id., fig. 9, 17, y, godet terminal, 

k Voir id., id., fig. 19, f?, fà 

5 Voir id.,id., fig. 13, ai. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 523 


On sait que la disposition de l'intestin fournit un caractère impor- 
tant qu'il est utile de ne pas négliger dans la détermination des 
espèces. Ici donc, à part une légère inflexion presque insignifiante, 
on peut considérer l’ensemble du tube digestif comme parallèle à 
l’axe ou au grand diamètre de l’ovoïde. Le rectum et l'anus n'offrent 
rien de particulier; les bords du dernier sont adhérents à la face pos- 
térieure de la branchie, tout comme dans l'espèce précédente. 

La masse viscérale formée par le foie, l'estomac et l’œsophage n’est 
point distincte de la partie supérieure de la branchie, comme on le 
verra dans d’autres espèces. 

Enfin, les vermicelles intestinaux sont volumineux, colorés en jau- 
nâtre, peu serrés‘. 


Enveloppes. — La tunique n’est pas très épaisse relativement au 
volume de l'animal, elle serait même plutôt mince; ses villosités sont 
courtes, mais puissamment adhésives. 

Ce qui vient d’être dit de la surface extérieure n’est point appli- 
cable aux orifices et aux tubes qui les portent, non plus qu’à l’espace 
qui les sépare; car au pourtour des siphons, et surtout entre eux, la 
tunique est lardacée et relativement fort épaisse. 

Le manteau est mince et transparent. Il laisse voir les organes au- 
dessous de lui; mais ici encore, il faut comme pour la tunique excep- 
ter les tubes, les orifices et la partie intermédiaire à ces derniers. 

En effet, si le manteau est dans presque toute son étendue transpa- 
rent et mince, il est remarquablement épais dans la région oscu- 
laire. Les tubes présentent des paquets de fibres musculaires radiées 
fort distinctes, très blanches, qui s’avancent jusqu'aux limites des 
glandes génitales et de l'intestin. Sur le tube même la couche de 
fibres musculaires est très puissante, ce qui donne au manteau dans 
ces parties une force considérable ?. 

Dans toute l'étendue du reste de la surface on voit de petits 
paquets de fibres disséminées au hasard, sans ordre, et que rendent 
très bien quelques hachures placées à côté les unes des autres, ainsi 
que cela a été fait dans les deux figures 12 et 13 représentant les ani- 
maux dépouillés de leur tunique. 

En outre, entre les deux tubes et en dehors des couches muscu- 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., pl. XV, fig. 13, 
2 Voir id., id., fig. 12 et 13, fm et ab. 


524 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


laires ordinaires, il y a une large bande de fibres transversales évi- 
demment surajoutées, qui ont pour but de tenir rapprochés, pendant 
les contractions, les bords latéraux de l'aire des oscules. Quelques 
individus jeunes et couverts de gravier, de débris de coquilles assez 
gros, se contractent de façon à imiter ce qu'on voit aussi chez des 
Cynthias, et qui, à mon sens, est un passage, un acheminement à 
la forme bivalve si remarquable des Chevrelus. 

Je considère cette bande musculaire transversale, surajoutée ou 
mieux très développée, comme fournissant un caractère qui permet- 
trait à lui seul de reconnaître l'A. oculuta parmi les Molgulides 
de Roscoff, car l’on comprend bien maintenant que l'absence des 
filaments de la tunique dans toute la zone qui entoure les oscules 
permet, lorsque ce muscle se contracte, le rapprochement des deux 
bords de la tunique couverts de grains de sable. 

Il y a, on le voit, un ensemble de particularités qui permettent de 
formuler avec précision la caractéristique de cette belle espèce. 


L'organe vibratile a les deux extrémités de son pavillon assez for- 
tement recroquevillées pour décrire deux tours de spire. Il est placé 
tout à fait dans le sommet de l’angle d’origine du raphé postérieur, 
et l'ouverture de son fer à cheval est directement tournée en haut 
et à gauche !. 

Rien de particulier pour la glande prénervienne, qui est très volu- 
mineuse, et le ganglion nerveux, qui occupe la position habituelle. 


Corps de Bojanus. — Le rein est allongé. I1 égale presque la 
moitié du grand diamètre du corps; sa courbure est à peine marquée; 
il est un peu rejeté vers la partie antérieure, et sa direction étant 
sensiblement parallèle au grand axe du corps, on peut dire qu'il est 
longitudinal. Je prie le lecteur de comparer les figures du côté gauche 
des différentes espèces de Molgulides, et il reconnaîtra facilement 
combien la direction de l’organe de l’excrétion est variable, combien 
son volume est différent, bien qu'en somme sa forme et sa position 
générales soient toujours les mêmes. 

La couleur est foncée, elle se rapproche d’un violet obscur, un 
peu jaunâtre, souvent d’un rouge lie de vin rabattu de noir. 

Dans l’intérieur on voit des lamelles solides, mais je n’y ai jamais 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 11, V. 


ASCIDIES SIMPLES DES CÔTES DE FRANCE. 525 


rencontré de concrétions cristallines comme dans l'A. Æoscovita; 
il ne faut pas oublier que chez ces animaux, ceux du moins qui 
disparaissent dans l'hiver et qui sont arrivés à leur plus grand déve- 
loppement vers le mois de septembre, l’état des concrétions du corps 
de Bojanus est différent de celui qu’on observe dans le jeune âge. 


Circulation. — La position du cœur est, comme on le sait, la con- 
séquence du rapport constant que cet organe affecte avec l'organe de 
Bojanus et la glande génitale du côté gauche; en effet, la fosse péri- 
cardique étant entre les deux, le cœur a forcément une direction 
semblable à celle du rein ; il est donc ici à peu près vertical. L’aorte 
viscérale est assez longue et étendue, puisque entre le foie et l’extré- 
mité de l’organe rénal il y a un certain espace *. 

Les veines pallio-branchiales sont volumineuses et relativement 
peu nombreuses, si on les compare à celles qu’on observe sur les 
Molgulides de petite taille. 

Les vaisseaux de la tunique ne présentent rien de particulier ; leurs 
origines sont semblables à celles qu’on observe dans l’A. Roscovita. 

Les globules du sang ont une teinte jaune verdâtre très marquée, 
et dans les individus plongés dans l'acide chromique ils deviennent 
d'un bistre ferrugineux. 


Organes de la reproduction. — Dans leur ensemble, les glandes géni- 
tales forment une masse allongée mesurant plus d’un tiers de la 
longueur de l'animal; elles sont peu courbées, cela est la consé- 
quence du peu d'inflexion des organes de Bojanus et du tube digestif, 
à la face postérieure desquels elles se placent. 

Du reste, il est facile de les distinguer, car au travers du manteau 
leur teinte, souvent très vive, les fait aisément reconnaître. 

Néanmoins, cette teinte varie beaucoup avec l’état du développe- 
ment, surtout pour l'ovaire, qui, d’abord jaunâtre, devient d’un très 
beau violet, très riche de ton, lorsque les œufs sont mürs°. Le testi- 
cule, entourant l'ovaire, est aussi un peu jaunâtre, mais le fond de 
sa teinte est le blanc laiteux sale $. 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 19, R, corps de Bojanus. 

2 Voirtd.,td.:-fie. 19 et 13, CT, T. 

8 Voir id., id., fig. 13. Animal dont l'ovaire est mur et violet, tandis que celui de 
ia figure 12 a son ovaire encore jaune, 


226 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


L'ovaire est creusé, dans toute sa longueur, d’une large cavité 
centrale qui se continue en un tube. Celui-ci se dégage de la partie 
glandulaire vers la partie supérieure, pour se recourber en bas, 
courir sur la face interne du manteau et venir, non loin de la val- 
vule de l’orifice expirateur, s'ouvrir entre deux paquets de fibres 
radiées. | 

L'oviducte se décèle facilement quand il est rempli d'œufs mûrs, 
la couleur violette de ceux-ci aide l'observation ; car la transparence 
du tube empêche de le distinguer aisément. 

Non loin de sa courbure en crosse, l’oviducte éprouve un premier 
étranglement, puis à son orifice 1l se renfle en une sorte de papille, 
peu saillante, mais qui présente la forme très exactement d’un fer à 
cheval, dont la fourchette est arrondie ?, non pointue à son sommet. 

La fente, qui est l’orifice réel, représente la sole de l'organe au- 
quel nous le comparons. 

Cette disposition rappelle celle qu’on a vue dans l’orifice de l’ovaire 
de l’Anurella Roscovita; mais elle est ici bien plus accusée, et on la 
verra portée à un degré exagéré dans l’A. Blerzi. 

A la seule vue de l’orifice génital femelle, il est possible de distin- 
guer ces trois espèces. 

Le testicule n’est pas formé d’une seule glande, il est constitué par 
une série de petites masses glandulaires groupées autour de l'ovaire 
et venant s'ouvrir chacune au dehors par un petit canal, long, sail- 
lant, absolument comme l’a dessiné M. van Beneden dans son Ascidia 
ampulloides, et comme je l'avais vu moi-même dans l’Anourelle de 
Roscoff 5. 

Je ne peux m'empêcher de remarquer ici que la Molqula ampul- 
loides (Ascidia ampulloïdes, van Ben.), l’Anwrella Roscovita et l'Anurella 
oculata sont à très peu près fort semblables relativement à la dispo- 
sition de leurs glandes génitales, et cependant l'une est urodèle et 
les deux autres sont anoures. Ge fait confirme ce qui a été dit précé- 
demment, savoir que les différences organiques ne correspondent 
pas aux différences des formes embryonnaires. 

L’A. oculata pond dans le mois de juillet; sa ponte se fait comme 
chez l'A. Roscovita. L'animal se contracte vivement et lance un Jet 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 9, o, fig. 10, o. 

? Voir id., fig. 10, 00 papille, o premier renflement. 

8 Voir id.,id., pl. XIV, fig. 9. T, testicule extérieur ; O, ovaire central ; d, d, sper« 
miductes saillants, 


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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 527 


d'œufs. La fécondation doit s'accomplir dans la cavité péribran- 
chiale. Mais elle peut aussi avoir lieu en dehors, car j'ai vu souvent 
lancer par les animaux des jets de liqueur blanche séminale. 

Il m'est difficile de dire si les œufs sont incubés dans la cavité 
péribranchiale ; jamais je n'ai rencontré des amas d’embryons déjà 
avancés dans leur développement dans la cavité péribranchiale, 
comme nous le verrons d’une façon constante dans quelques autres 
espèces. | 

Les plus gros échantillons deviennent plus rares à la fin de la 
belle saison, mais il n’est pas probable que tous les individus dispa- 
raissent chaque année; car j'ai pu recueillir, à la drague, surtout 
dans l'ouest de Roscoff, beaucoup d'exemplaires de la grosseur 
d’une petite noix, en septembre et octobre, chez qui les glandes 
génitales étaient à peine accusées par un commencement des 
culs-de-sac sécréteurs. 


STATION. 


Cette espèce, la plus belle que je connaisse dans les mers d’Eu- 
rope, abonde dans la rivière de Saint-Pol. 

Je ne l’ai jamais rencontrée au niveau des plus basses mers, les 
draguages seuls me l’ont procurée; je l'ai eue tantôt avec mes ba- 
teaux du laboratoire, tantôt avec les bateaux qui sont occupés à dra- 
guer ce qu'on appelle dans le pays le merle, engrais dont on fait 
un véritable commerce à Morlaix, au Penzay, etc., etc., pour fournir 
au sol granitique de ces contrées l’élément calcaire qui lui manque. 
Ce sable, ou mieux ce gravier, retiré du fond de la rivière de Saint- 
| Pol, dans les parages avoisinant les roches de Duon et des Bysayers, 
est composé de Mélobésies, de Nullipores mêlés à des débris de co- 
quilles ; il offre exactement la même nature que celui que l’on pêche 
avec non moins d'ardeur et de soin au Portrieux, dans les parages 
| des roches de Saint-Quay, autour des îles Harbours. Les circon- 
| stances ne m'ont pas permis d'aller à bord des dragueurs de merle du 
| Portrieux; retenu à Roscoff depuis que j'ai entrepris cette mono- 
graphie des Molgulides, je n’ai pu constater si l’A. oculata se trou- 
vait dans cette localité, mais tout me porte à le croire ou à le sup- 
poser: peut-être quelque naturaliste explorant ces contrées pourra 
| trouver là des échantillons de cette belle espèce que j'ai eue à pro- 


228 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


fusion, et que Forbes et Hanley ne semblent avoir décrite que d’après 
un seul individu fixé dans la coquille d’un Cardium. 

Les dragueurs de merle exploitent un fond qui paraît être assez 
meuble, si l’on en juge d’après les manœuvres dont j'ai été témoin 
étant à leur bord ; ils ont deux dragues, l’une est hissée pendant 
que l’autre est lancée et le temps qui est mis à remonter la première 
suffit à remplir la seconde. Il est donc certain que cet amas de 
coquilles et de débris de Nullipores est très mouvant et très facile à 
pénétrer par la drague. 

Les Anourelles oculées s'enfoncent-elles? sont-elles roulées à la 
surface du fond? Il est très probable qu'il en est d'elles tout à 
fait comme de l’A. Æoscovita, dont la véritable station est dans 
la couche superficielle de la grève. Les dragues, en effet, remon- 
tent souvent des paquets qui semblent indiquer une soudure par 
les filaments soit de plusieurs individus, soit d'éléments empruntés 
à ce fond. 

Sur la basse d’Astan, cette espèce s'est aussi présentée avec les 
mêmes caractères, les mêmes dimensions et avec autant d’abon- 
dance. | 

Il y a une relation zoologique qu'il est utile d'indiquer. 

C’est en cherchant, au milieu de ces produits de draguages, que 
l’'Amphioxus, le Polygordius, V'Eugyra, la Cynthia glacralis et quelques 
types d’Annélides très intéressants se rencontrent. 


SYNONYMIE. 


Rappelons une dernière fois que Forbes faisait de cette espèce 
une Molqula, mais qu'en considérant comme caractère générique la 
forme anoure de l'embryon, il nous a semblé plus rationnel de la 
ranger dans le genre Anurella. 

La diagnose de Forbes et Hanley (Voir Brit. Mol. For. et Hanl.) est 
tellement précise, qu'avec 1e dessin quil'accompagne il n'est pas pos- 
sible de ne pas arriver à la détermination. Aussi n’a-t-il pas été 
nécessaire de changer le nom spécifique. 

Nous l'avons en plus d’une occasion répété, il faut que les déter- 
minations des Ascidies soient faites par comparaison ; aussi nous 
reproduirons, en terminant l’histoire de l’A. oculata, le passage de 
l'ouvrage anglais relatif à cette espèce, afin de permettre au lecteur 
d'établir lui-même cette comparaison. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 329 


1. Molqula oculata, E. Forbes. 


British. Mollusca. Forb. et Hanley (plate D, fig. 6, vol. I, p. 36). 


« Body globose, adhering by base, test closely encrusted with 
sand, shells, and gravel, except a smooth, oblong, reniform, regu- 
larly bounded, depressed space, within which the very short but 
rather wide orifices project. This space is very tender, translucent, 
bluish or purplish, mottled with orange; the orifices are short tubes 
similarly coloured, the one 6-lobed, the other 4-lobed ; lobes acute. 
Two inches and à half across. 

« This curious species, the orifices of which seem like dark eyes 
| within a spectacle-formed frame, was dredged off Plymouth, adher- 
ing to a scallop, in twenty-five fathoms (1846), R. M'Andreu and 
LE. F5» 

Cette citation ne peut laisser de doute sur la similitude de l’es- 
| pèce que l'on trouve à Roscoff avec celle décrite par E. Forbes. 


3° ESPÈCE. 
ANURELLE SOLENOTE. ANURELLA SOLENOTA (N. SP., H. DE L. D.). 


Arch. de zool. exp., vol. VI, pl. XVI. 


non : Molgula Macrosiphonica, Kuppfer, loc. cit. 
non : Molgula Manhattensis, Verrill, Tellkampff, loc. cit. 


Cette espèce n’a été trouvée dans les environs de Roscoff qu'avec 
| la drague, et surtout dans la station d’Astan ; mais elle existe ailleurs. 
| Elle n’est pas abondante, si l’on en juge par le peu d'échantillons 
| obtenus, alors que, dans la même localité, on pouvait avoir de 
| très nombreux spécimens des An. Roscovita et An. oculala. 

| Toutefois il faut ajouter que cette espèce, petite, délicate, n’est 
pas toujours facile à reconnaître à première vue et que sa re- 
| cherche au milieu des produits de la drague est difficile; son appa- 
| rence extérieure ne la fait guère soupçonner et elle peut échapper 
| quelquefois. 

A certains égards elle se rapproche beaucoup de la Molgula macro- 
| siphonica du professeur Kuppfer. On pourra peut-être même la 
considérer comme identique, mais les descriptions très courtes 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T. VI. 1877. 34 


330 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


qu’en a données le professeur prussien, et que n’accompagnent pas 
des dessins suffisamment détaillés, ne permettent guère d'établir 
l'identité des deux et, comme on le verra plus loin, il y a au contraire 
de fortes raisons pour les séparer. | 

Afin de faciliter la comparaison et la discussion des caractères, je 
reproduirai d'abord la dernière description du savant de Kiel. Celle 
qu'il a donnée dans l'ouvrage descriptif des produits des draguages 
de la mer du Nord est la plus complète. 


Molqula macrosiphonica Kupffer ‘. 


« Sphéroïdale, atteignant 2 centimètres de diamètre, couverte de 
débris de végétaux marins, de limon ou de sable, reposant libre- 
ment sur le sable ou fixée aux plantes marines. 

« Les deux siphons sur le côté libre (dorsal), longs; le cloacal le 
plus long atteignant presque, à l'état d'extension, le diamètre du 
corps ; il est en même temps courbé ou coudé. Le siphon buccal, un 
peu plus court, est droit. Les deux siphons ne peuvent être complè- 
tement rétractés, mais seulement au tiers de leur plus grande 
largeur. Toute la surface de la tunique les siphons exceptés, est 
revêtue de filaments agglutinants, auxquels adhère le revêtement 
de particules étrangères ou qui sont enroulées autour des tiges de 
zostères. 

« La couleur générale est, après l'enlèvement des corps étrangers, 
d'un gris brun mat, sur ce fond se détachent du côté droit 
quelquefois les concrétions rouges du rein. Généralement les orifices 
des siphons sont sans oscelles et même’sans pigment. On n'’aperçoit 
les quatre ou six festons petits et triangulaires des siphons qu'après 
qu'on à détaché de ceux-ci la tunique. 

« La tunique est finement membraneuse, transparente, formée 
d'une masse fondamentale homogène renfermant de nombreuses 
petites cellules et des fibres délicates. 

« La masse interne du corps est flasque et pauvre en muscles; on 
trouve, en outre des longs rétracteurs, des sphincters et des siphons, 
des muscles courts et ventrus assez irrégulièrement distribués dans 
l'enveloppe musculo-cutanée. 


1 Voir KuprrEer, Arch, f, Mikroskop. Anatomie, B, VIII, p. 362, pl. XVII et 
Nordsee Expedition, Taf, V, fig. 12, p. 294, } 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 531 


« La couronne tentaculaire comprend 42 à 145 tentacules, dont 
les branches, ramifiées en touffe, sont assez régulièrement opposées. 

« La paroi extérieure de la fossette vibratile est presque fermée, 
la fente se trouve en avant et un peu tournée à droite. 

« Le long de la ligne médio-dorsale de la branchie est un repli (ou 
sillon vecteur) sans côtes et denticulé sur sa marge. 

«Le sac branchial, courbé, offre douze plis symétriquement dis- 
posés ; sur chaque pli courent trois côtes en manière de bourrelet. 

«Les côtes transversales, également proéminentes en bourrelets, 
limitent avec les plis longitudinaux des espaces à peu près carrés 
avec les fentes branchiales courbes et concentriquement disposées. 
Les centres des différents systèmes concentriques sont placés sur les 
plis longitudinaux. L’arrangement des fentes est a peu près le même que 
dans Molqula ampulloides, de telle sorte que la disposition concentrique 
apparaît moins nettement que dans les autres espèces. L'aspect est 
encore rendu plus irrégulier par ce fait que des vaisseaux situés 
dans les côtes transverses se détachent des rameaux superficiels, qui 
s'étendent en sens divers sur les fentes branchiales. 

« L'orifice du pharynx est à l’extrémité inférieure de la ligne 
médio-dorsale l'estomac et l'intestin sont du côté gauche. 

« L’estomac est extérieurement lisse ; en dedans faible et plissé 
irrégulèrement. Il présente deux ou trois gros cœæcums sinueux avec 
des épaississements de nature glandulaire de leur paroi. 

« [ls ont une teinte verte. L'intestin a la forme habituelle, il 
décrit une double circonvolution en S ; la branche récurrente re- 
gagne l'estomac et celle qui achève le trajet est étroitement appli- 
quée contre l'estomac et l'æœsophage. 

«L'orifice anal est à bord lisse, l'intestin est parcouru par un 
repli. 

« Deux glandes génitales reunies (kombinirte), la gauche reposant 
entre la première et la deuxième branche de l'intestin ; la droite en 
avant du cœur. Le rein contient des concrétions rougeâtres donnant 
manifestement la réaction de la murexide. 

« Le développement de la #. macrosiphonica mène directement 
à la forme adulte, sans qu'il y ait une phase urodèle. Les œufs sont 
expulsés après la fécondation et se développent dans le milieu 
extérieur. » 

On remarquera combien les caractères spécifiques proprement dits 
sont peu précisement indiqués. Cette citation, comme celles qui ont 


32 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


déjà été faites ou celles qui le seront encore, est destinée à montrer 
toute l'utilité d’une étude détaillée des espèces, étude qui manque 
encore. La plupart des paragraphes ne renferment que des détails 
et des indications qui ne conduisent qu'à la famille ou au genre. Ce 
qui a trait à la forme, à la fixation, à la masse interne du corps, à la 
couronne tentaculaire, à l'existence des côtes de la branchie, à 
l'orientation des tréma, à la bouche, à l'estomac, aux glandes 
génitales, au rein, est applicable à toutes les molgules. 

Les caractères spéciaux sont ceux qui se rapportent à la proportion 
relative des deux siphons, aux dentelures du raphé postérieur, au 
nombre des méridiens branchiaux et à l’absence de tétard. Nous 
devons chercher s'ils suffisent à eux seuls pour conduire à une 
diagnose irrécusable de l'espèce. C’est ce qui sera fait plus loin. 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — La forme est globuleuse comme celle de toutes les 
Molgulides, mais les deux tubes sont si particulièrement disposés 
et allongés, que, sur les animaux vivants bien épanouis, on a de la 
peine à préciser à la fois la taille et la forme exacte. 

Les plus beaux individus observés avaient de 4 centimètre et demi 
à 2 centimètres dans leur plus grand diamètre. 

Quelques-uns des animaux étant petits et ayant été surtout rap- 
portés des basses d’Astan et du nord de l'ile de Batz, où les débris 
de roches et de coquilles forment un fond différent des plages 
sablonneuses, avaient fixé des portions d'algues, de gros graviers, et 
étaient ainsi masqués par des Corps étrangers *. Dans ces conditions, 
la détermination par l’examen de l'extérieur ne peut avoir aucune 
rigueur. 

La teinte est d’un jaune verdâtre. 


Les siphons ou tubes sont placés à l'extrémité du grand axe du 
corps, ce qui modifie beaucoup l'apparence externe. 

Le tube branchial est très court, comparé à l’autre, qui peut 
atteindre une longueur presque égale, si ce n’est même supérieure 
au grand diamètre de l'animal. Les deux sont fort rapprochés à leur 


1 Voir Arch. de 2001. exp. el gén, vol. VI, pl. XVI, fig. 1. Animal de grandeur 
naturelle dessiné vivant. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 533 


base et, dans le dessin 1, on croirait que le plus grand est la conti- 
nualion de l'axe longitudinal. 

Cette particularité fait que, au milieu d'un groupe de Molgulides 
bien épanouies et non contractées, on reconnaît très vite l'espèce 
dont il s'agit ici, car le tube anal dépasse de beaucoup la longueur 
du tube branchial; il est d'ailleurs toujours recourbé en avant et 
présente une convexité marquée en arrière. 

Orifices. — Il y a peu de chose à dire sur les orifices extérieurs. 
Cependant on doit remarquer que, tandis que les tubes sont lisses 
et nus comme une partie du corps, au voisinage des dents des oscules 
il y a toujours des petits paquets de matières étrangères fixées ?. 

Aussi la forme, la grandeur, la teinte des dents, des festons ne 
sont-elles pas faciles à bien voir dans les animaux épanouis; toute- 
fois, on peut très bien juger du nombre des festons et constater leur 
existence. Il n’en est donc pas de notre espèce comme de la 47. ma- 
crosiphonica, dont les dents, d’après M. Kuppfer, ne pourraient être 
vues qu'après l'enlèvement de la tunique. 

La position des tentacules arborescents, dans la lumière de l'ori- 
fice inspirateur, ne peut guère être observée pendant la vie, bien que 
l'épanouissement soit complet ; en effet, le tube expirateur vient, en 
se courbant en avant, masquer l’orifice inspirateur et s'opposer à 
son observation. 

Tentacules. — Leur observation n’a pu être faite que sur les ni 
maux préparés *. 

Ils sont peu ramifiés, leurs subdivisions ne dépassent pas le troi 
sième ordre, même sur les plus grands. 

Leur face godronnée a une grande profondeur, elle est transpa- 
rente et fort développée relativement à l’autre. Celle-ci n’a été vue 
que préparée, elle conserve encore après l’action des réactifs une 
teinte bistre-jaunâtre pâle; elle présente une bande à bords limités, 
remplie de granulations colorées comme ïl vient d'être dit, qu 
s'étendent régulièrement sur les faces correspondantes des pin 
nules ou divisions secondaires et tertiaires, lesquelles sont toutes 
claviformes. 

Le nombre des tentacules est six grands et six intermédiaires plu: 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol, VI, pl. XVI, fig. 1. 
8 Voir id., id., fig. 3, À. et B. 

3 Voir KupPprEer, loc. cit. 

# Voir Arch. de 3001. exp. et gén. vol, VI, pl, XVI, fig. 7. 


534 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


petits. Les deux voisins de l'organe vibratile, qui occupent la place 
des petits, sont fort développés et égalent à peu près les plus grands 
par leur taille. 


Branchie. — Get organe est fort délicat et charmant à étudier, 
surtout lorsqu'on l’imbibe et le colore en rose. 

Les infundibulums sont assez simples, les trémas grands et les 
méridiens réguliers; en sorte qu'on a sous les yeux un organe don- 
nant une idée fort nette de l’une des plus simples dispositions de la 
branchie dans le groupe des Molgulides. 

Les méridiens sont assez saillants et faciles à compter; j'en ai vu 
sept de chaque côté ‘. 

M. Kuppfer n’en indique que six dans la WMolqula macrosiphonica ; 
il y a donc là une différence d’une grande valeur, montrant, je crois, 
que nous n'avons pas étudié la même espèce. 

La terminaison supérieure des méridiens est, dans notre espèce, 
fort caractéristique et facile à reconnaitre ?. 

Une excavation membraneuse, peu étendue, offrant un bourrelet 
épais sur son bord libre, se creuse en godet au point d'attache du 
méridien. Le bourrelet, qui semble faire suite aux dernières côtes du 
bord libre du méridien, se continue avec un cordon qui descend du 
côté gauche du raphé antérieur, et pour le côté droit du raphé posté- 
rieur. C’est une disposition analogue à celle qui s’observe dans les 
deux espèces précédentes, An. Roscovita et An. oculata, mais qui, chez 
elles, est réduite à sa plus simple expression. C'est là un caractère 
important et qui doit être constaté. 

La terminaison inférieure du méridien n'offre rien de particulier. 

Côtes®. — Les côtes sont régulièrement espacées, leur nombre est 
de quatre. Leur partie libre est saillante ; elle représente un bour- 
relet régulier ; la membrane qui les unit aux infundibulums et aux 
parallèles est bien nette quoique mince. M. le professeur Kuppfer, 
dans sa À. macrosiphonica *, n'indique que trois côtes. C'est encore 
une différence à noter. 

Trémas. — Les fentes branchiales sont grandes, longues, et mesu- 


1 Voir Arch. de 200. exp. et gén., pl. XVI, vol. VI, fig. 4, qui montre en haut la 
coupe de la branchie perpendiculairement au grand axe de l’organe. On y peut 
compiler de chaque côté 7 méridiens. 

2 Voir id., id., fig. 6. 

> Voir id, 14, Me. 

# Voir Kupprer, loc. cit, et la description reproduite plus haut. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 535 


rent le plus souvent toute la largeur de la base des infundibulums 
dans la bande interméridienne. Gomme elles sont parfaitement 
orientées, par rapport à un centre qui est au sommet de chaque 
infundibulum, il s'ensuit que celles des deux méridiens voisins sont 
tangentes vers le milieu de la bande interméridienne. 

Une remarque est utile : la préparation et le séjour des ani- 
maux dans les liquides durcissants contractent quelquefois beau- 
coup les individus, aussi les bandes qui séparent les trémas sont par 
suite fort rétrécies, ce qui fait que l'apparence des faisceaux inter- 
méridiens devient fort différente. Ainsi, dans quelques individus, j'ai 
trouvé, et c'est l'un de ceux-là qui a servi au dessin de la planche, 
les côtes extrèmement minces el délicates. 

Infundibulums *. — Les dépressions de la membrane fondamentale 
sont très régulières, elles forment des cônes dont le sommet est plutôt 
une voûte bombée qu'une pointe aiguë; elles sont toujours simples 
et on n’en rencontre qu’une enire les parallèles. Toutefois dans 
les méridiens les plus antérieurs * on peut remarquer deux infundi- 
bulums entre deux parallèles principaux, tandis que les méridiens 
postérieurs n'en présentent qu'un; une séparation formée par une 
légère cloison s’y montre, et représente comme l'origine d’un paral- 
lèle secondaire ?. 

Dans l'infundibulum même, les trémas sont assez régulièrement 
orientés, et si quelques-uns se redressent un peu ou se courbent, en 
somme la spirale qu'ils décrivent en s'élevant vers le sommet est 
relativement régulière. 

Mais leurs caractères importants sont là simplicité, une grande 
étendue et la netteté de leurs limites. 

Dans les préparations bien imbibées, on remarque aussi très aisé- 
ment que vers les angles de jonction des bords qui limitent les 
trémas il existe un petit amas de tissu dense retenant plus facile- 
ment la couleur et qui paraît en se détachant comme un point vive- 


ment coloré *. 
Tout concourt à rendre la branchie de l'An. solenota simple et facile 


1 Voir Arch. de zool. eæp. et gén., vol. VE, pl. NE, fes 6e LS EU 

2 Voir id., id., M', [". 

3 Voir id., id., fig. 5. La partie supérieure de la figure présente un méridien 
antérieur M, avec deux infundibulum entre deux parallèles. 

# Voir id., id. Il na été représenté qu'un petit nombre de ces points dans la 
figure 5 de la planche XVI. 


536 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


à analyser. Le réseau de capillaires, que l’on a vu si riche et 
si chargé dans l'An. oculata, n’est représenté ici que par quelques 
rares vaisseaux perpendiculaires à la direction des méridiens et qui 
descendent du sommet des infundibulums * en croisant les trémas. 

Il est utile de comparer les dessins des branchies des deux pre- 
mières espèces? avec celui de l’espèce qui nous occupe en ce moment; 
on verra bien alors combien les différences que présente l’organe de 
la respiration sont grandes, et combien il serait exagéré de les 
prendre pour caractériser des coupes génériques. 

Remarquons encore que la description de la branchie de l'An. s0- 
lenota ne peut évidemment pas concorder avec celle de la W. macro- 
stphonica du professeur Kuppfer, puisqu'il dit : « L’arrangement des 
fentes està peu près le même que dans la W. ampulloïdes, de telle façon 
que la disposition concentrique apparaît moins nettement que dans 
les autres espèces. L'aspect est encore rendu plus irrégulier, par ce 
fait que des vaisseaux situés dans les côtes transverses se détachent 
des rameaux superficiels, qui s'étendent en sens divers sur les 
fentes branchiales*. » 

Que l'on compare, d'une part, le dessin de la branchie de notre 
An. solenota à celui que donne M. Kuppfer de la Molqula ampul- 
loides *, et d'autre part ce dernier à celui qu'on trouvera planche XX 
du volume VI des Archives, et l’on verra s’il est possible de confondre 
les espèces. | 

Raphés.—Ils n’offrent aucune particularité caractéristique, comme 
cela se voit dans quelques autres espèces ; seul, le raphé postérieur 
se fait remarquer par son peu de hauteur et par son bourrelet ter- 
minal vers son extrémité supérieure, où il se confond avec les bour- 
relets formant les godets déjà décrits et terminant les méridiens. 

Ici encore, une différence à signaler entre l'An. solenota et la M. ma- 
crosiphonica du professeur Kuppfer: dans la première, le bord du 
raphé est lisse et continu; dans la seconde, il existe « le long de la 
ligne médio-dorsale de la branchie un repli (ou sillon vecteur) sans 
côtes et denticulé sur sa marge ». 


Tube digestif *. — La bouche présente la disposition ordinaire, et 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, fig. 5. 

2? Voir vol. III des Arch., pl. V et V bis, et vol. VI, pl, XV. 
3 Voir Kup»rEr, loc. cil., p. 295. 

* Voir 14 7pl. AV, Gg. 3: 

ÿ Voir Arch. de 30ol. exp. gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 2 et4. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES. DE FRANCE. d37 


ce qui a été dit de la terminaison des méridiens et des raphés 
suffit. 

L'œsophage est court, l'estomac qu'on aperçoit entre les quatre 
lobes du foie paraît séparé par un étranglement de la première 
partie de l'intestin ; celle-ci, d'un diamètre un peu plus grand que 
l'intestin proprement dit, est ordinairement vide et transparente; le 
foie est d'un vert brunâtre, l'intestin est très peu courbé et ne descend 
pas très bas; si l'on mène‘une ligne horizontale tangente au sommet 
de l’anse, en posant l’animal comme cela a toujours été fait, on voit 
que le sommet de l’anse intestinale ne descend guère plus bas que le 
niveau du point d'insertion supérieur du siphon expirateur!; les 
vermicelles qui remplissent l'intestin sont relativement volumineux, 
par rapport au diamètre de l'intestin, qui est évidemment peu déve- 
loppé et un peu étroit dans cette espèce. 

Anus?. — Il est assez bas sur le dos: de la branchie, circulaire et 
bordé par un bourrelet que précède un léger étranglement; son bord, 
par conséquent, est libre et ne présente plus cette sorte de pro- 
longement en pointe se continuant sur le dos du raphé postérieur, 
ainsi qu'on l’a vu dans les deux espèces précédentes. Ses rapports 
médiats avec la bouche diffèrent donc un peu aussi de ceux que l’on 
observe dans les deux premières espèces. 

La masse viscérale*, formée par l'union du foie, de l’estomac et de 
la branchie au pourtour de la bouche, offre encore ici une différence 
avec les espèces précédentes; en effet, on voit à gauche de la bran- 
chie l'organe hépatique s'insinuer entre les lames du manteau; par 
conséquent, cette masse viscérale, qu'on a vue dans les deux pre- 
mières espèces si nettement limitée par des adhérences, ne l’est pas 
ici. 


Corps de Bojanus *. — L'’organe rénal occupe une position presque 
horizontale ; il est très élevé sur le côté gauche et se trouve à peu 
près dans le tiers supérieur du corps. Son extrémité postérieure se 
rapproche beaucoup du foie. Sa teinte, sur les animaux conservés, 
est d'une couleur boïs sale; je n’ai point trouvé dans son intérieur de 


1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 2. 

2 Voir id., id., fig. 4, a. Anus. 

3 Voir id., id., f, indique le foie qu’on voit dans l'épaisseur du manteau et non 
adhérent à la branchie. 

* Voir id., id., fig: 3, R. 


538 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


concrétions comme dans quelques espèces. Mais, en raison du petit 
nombre d'échantillons que j'avais, J'ai été conduit pour en faire 
l'étude à les préparer avec de l'acide chromique, et peut-être cette 
condition a-t-elle fait disparaître les concrétions. 

Circulation. — Ici, rien de bien particulier à signaler; les globules 
du sang sont jaunes verdâtres, assez abondants pour remplir les ca- 
pillaires et en démontrer aisément l'existence ainsi que les réseaux 
qu'ils forment. Les veines pallio-branchiales sont peu nombreuses 
et réduites à cellesiqui viennent des principaux organes logés dans 
l'épaisseur du manteau. 

Le cœur est rapproché en arrière du foie, l’aorte viscérale est donc 
courte. 


Ganglion nerveux !.—T est petit, allongé et placé sur le côté droit de 
l'organe vibratile, sous la lamelle droite d’origine du raphé postérieur. 

Organe vibratile ?.— Très régulièrement constitué en un croissant, 
dont l'ouverture est à gauche et par conséquent la convexité à 
droite; les extrémités de ses cornes ne sont pas du tout recroque- 
villées; il se détache très nettement du sillon sustentaculaire. 

C’est encore ici une différence à signaler avec la M. macrosiphonica, 
dont «la paroi extérieure de la fossette vibratile est presque fermée.» 

La glande voisine des organes précédents est assez éloignée d'eux, 
elle paraît presqu'en dehors à gauche et en haut de l'angle formé par 
l'origine du raphé postérieur. C’est là un caractère. 


Tunique “. — Elle est transparente, peu villeuse, très médiocrement 
épaisse; elle ne semble avoir de filaments et de papilles adhésives 
qu'en très petit nombre et, du côté opposé aux tubes inspirateur et 
expirateur, la partie voisine de la base de ces tubes est aussi nue, et 
l’on n’y voit de loin en loin que quelques fragments adhérents. Il y 
a encore à ce point de vue une différence entre cette espèce et la 
M. macrosiphonica. 

Le manteau offre une particularité curieuse; ses fibres musculaires 
sont réunies en paquets courts et fusiformes, comme cela se voit, 
mais à un degré moindre, dans l'£'ugyra. De chacune des extrémités 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, fig. 8, N. 
2 Voir id., id., V. 

5 Noir’ i14,,44., G. 

* Voirtd.,14., fig. 1. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 239 


de ces paquets naît un filet très grêle et très long qui les unit aux 
paquets voisins, de sorte que dans le manteau, lorsque l’on a fait 
des imbibitions bien réussies, on croirait voir, sous un faible gros- 
sissement, des nodules reliés entre eux par des fibres grêles *. 

La musculature de l’orifice postérieur, ou même de son tube, est 
très forte, comme on devait s'y attendre. 

On voit les fibres longitudinales s'épanouir régulièrement autour 
du diaphragme limitant l'ouverture interne dans la chambre péri- 
branchiale?. Ces fibres s'arrêtent à une distance égale du centre de 
l'orifice, et forment un cercle tout autour de lui. 

Le diaphragme est fort peu développé et fait à peine saillie dans 
le chambre péribranchiale. 


Organes de la reproduction. — Les masses glandulaires génitales 
sont doubles et situées l’une à droite, l’autre à gauche, comme d’ha- 
bitude. | 

A droite elles sont en arrière de.l'intestin, et à gauche en 
arrière du corps de Bojanus. Comme ces organes sont à peu près 
horizontaux, les masses glandulaires génitales elles-mêmes sont 
presque perpendiculaires au grand axe du corps, toutefois un peu 
plus inclinées à droite *. 

On ne rencontre pas ici la disposition indiquée dans la M. macrosi- 

phonica, par M. Kuppfer, qui dit que la glande génitale « gauche 
repose entre la première et la deuxième branche de la circonvolu- 
tion intestinale #. » 
_ Les rapports des glandes de la reproduction et de l'intestin four- 
nissent des caractères d’une importance très grande et qui ne 
varient pas quand ils sont bien établis dans une espèce, de telle sorte 
que souvent on peutreconnaitre qu'on a affaire à telle ou telle espèce 
d'après la considération seule de ces rapports, d’où il est permis de 
conclure que les choses n'étant pas semblables dans les deux cas, 
les deux espèces dont nous nous occupons sont différentes. En effet, 
dans l’An. solenota la glande est en arrière de l'intestin et non entre 
les deux branches de la circonvolution. 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 9. 4, le fuseau; b, les fibres: 

? Voir id., id., fig. 3. Va, valvule de l’ouverture interne ; Te, tube anal ; m, mus- 
cles longitudinaux du tube. 

3 Voir id., id., fig. 2 et 3. 

4 Voir KuPPrER, loc. cit., p. 225. . 


540 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


L'ovaire est jaunâtre, mamelonné, quand il est rempli d'œufs. 

Les oviductes, accolés au manteau, se portent en arrière et vien- 
nent s'ouvrir un peu au-dessus, mais très près de la limite supé- 
rieure des fibres musculaires longitudinales du tube expirateur, en 
dedans des branches du V que forment par leur écartement les der- 
nières fibres postérieures médianes, par conséquent l'ovaire s'ouvre 
très en arrière, non loin et au-dessus du diaphragme de l’orifice 
expirateur, et assez près de la ligne médiane 1. 

Les œufs ont paru très transparents, très peu colorés, mais on 
sait qu'au moment de la maturité leur couleur se fonce rapide- 
ment. 

Les testicules ne forment qu'une seule glande de chaque côté; ils 
représentent une grappe très délicate, très régulière, qui couvre tout 
l'ovaire, soit de ses lobules, soit de ses culs-de-sac isolés et de ses 
canaux arborescents excréteurs. Les sommets des culs-de-sac secré- 
teurs dépassent les limites de l'ovaire et se dessinent clairement par 
leur blanc mat sur le jaune de la glande femelle ?. 

Les spermiductes s'anastomosent en se rapprochant du centre de 
la masse glandulaire et s'ouvrent tous dans un canal déférentunique, 
saillant, qui s'élève perpendiculairement à la surface. Il n'y à donc 
qu'un seul orifice *. 

À ce point de vue, cette espèce diffère entièrement des espèces 
précédentes. 

Ce caractère a une valeur spécifique certaine. Ilest bien regrettable 
que M. Kuppfer n'en ait rien dit dans la description de sa M. macro- 
Siphonica. 

La ponte n'a point été observée, mais des embryons rencontrés 
dans la chambre péribranchiale montraient, à n’en pas douter, que 
l'espèce est anoure. 


STATION. 


On a vu que cette espèce n’a été trouvée qu'avec la drague, qu'elle 
n’a jamais été rencontrée à la grève, même dans les plus grandes ma- 
rées des équinoxes. 

C'est au nord de l'île de Batz et à l’est de cette île que la drague 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 4, 00, 00. 
2 Voir id. 50., fig. 4, T.T. 
è Voir td.,id.,.fg. 4/04, oû. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 541 


l'a rapportée. Elle doit incontestablement se rencontrer dans d’au- 
tres parages. 

La nature des fonds où je lai cherchée et trouvée, en particulier 
sur la basse d’Astan, est la même que celle où l’on rencontre les An. 
oculata et quelques Cynthia, telle que la glacialis, ainsi que l'£ugyra. 

Les draguages se faisaient à une trentaine de mètres et même 
moins. 

La physionomie varie évidemment, comme celle des autres espèces, 
avec la nature des fonds; car, suivant que les débris de coquilles 
sont plus ou moins grands, ainsi que les grains de sable, les animaux 
paraissent à la première vue tout à fait différents. 

Elle est assez capricieuse et son épanouissement complet ne dure 
pas longtemps. Il m'a paru difficile de la faire vivre. 


SYNONYMIE. 

Après avoir signalé les différences certaines que l’on vient de voir 
en comparant la description de l’auteur allemand avec celle que nous 
avons donnée, il semble bien difficile d’assimiler l'Anurella solenota 
avec la Molqula macrosiphonica. Deux caractères cependant leur 
sont communs, ce sont la longueur du siphon anal et l'absence de 
tétard. 

D'un autre côté, le nombre des méridiens, toujours fixe dans les 
mêmes espèces, est différent dans les deux; le raphé postérieur est 
dentelé dans un cas, lisse dans l’autre; la position de la glande 
génitale n’est pas semblable dans les deux. 

Ces raisons ont paru suffisantes pour distinguer les deux espèces. 

Dans la synonymie de la M. macrosiphonica, l'auteur prussien place 
la M. Manhattensis toutefois avec un point de doute (?). 

Il ne semble y avoir aucune similitude entre notre espèce et la 
M. Manhattensis, si du moins on en juge par la description du docteur 
Tellkampf et les figures placées à la suite de son mémoire. 

Le professeur Verrill ne donne pas une description suffisante des 
organes internes de cette espèce, et les caractères qu'il indique sont 
trop généraux pour quil soit possible d'établir une discussion appro- 
fondie. Quant à la figure publiée‘, elle ne pourrait qu'éloigner les 


1 Voir VERRILL, loc, cil., p. 54, fig. 1. 


D42 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


deux espèces, car elle montre les deux siphons comme étant diver- 
gents, ce qui est l'inverse dans notre espèce. 

Les dessins du docteur Tellkampf ne peuvent laisser un seul 
instant de doute; en effet, l’anse intestinale est représentée telle- 
ment courbée, que du côté de l’orifice postérieur elle arrive jusqu’au 
contact avec le rectum, de sorte que la deuxième partie de l'intestin 
décrit une circonférence complète, dans laquelle est enfermée la 
glande génitale ; ce caractère seul ne permet pas de confondre M. Man- 
hattensis avec An. solenota. 

Mais, bien plus, dans cette figure on voit à l'extrémité d’un rectum 
très long, l'anus placé juste dans la lumière même de l’orifice 
postérieur ! : 

Ce caractère, s’il existe, ne s’est présenté non seulement jusqu'ici 
dans aucune espèce de Molgule, mais encore de Cynthia ou d’Ascidie. 
Il y à là évidemment ou une erreur ou une disposition organique qui 
ne permet pas une assimilation entre l'An. solenota et la M. Man- 
hattensis, et par conséquent si celle-ci est considérée par le professeur 
Kuppfer comme étant la même que la M. macrosiphonica, il y a là des 
raisons suffisantes pour conduire à la création d’une espèce nouvelle. 

Répétons, en terminant ces observations, que l’on voit'ici une fois 
de plus une preuve bien évidente de l'insuffisance des descriptions 
zoologiques des Ascidies. 

Ces descriptions, faites le plus souvent isolément et d’après l’appa- 
rence extérieure ou les caractères généraux, ne permettent en 
aucune manière de discuter les relations des espèces, et le contrôle 
des spécifications devient difficile, sinon impossible. 


4° ESPÈCE. 
ANOURELLE SIMPLE. ANURELLA SIMPLEX (n. DE L.-D.). 


Molgula simplex, Hancock, loc. cit., 
non : Ascidia ampulloïdes, Van Beneden, 
non: Molgula ampulloïdes, Kupffer, loc. cit. 


En cherchant des Pentacrines sur les algues du canal entre l'île 
de Batz et Roscoff, mes matelots trouvèrent, en 1874, une petité 
Ascidie d’un blanc de lait, très légèrement rosée, qu'il fut aisé de 
reconnaître pour une Molgulide. 

Is ne purent en retrouver d’autres exemplaires dans cette localité, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D43 


Ce ne fut que plus tard, en 1875, que je vérifiai la valeur des carac- 
tères que j'avais reconnus sur cet individu unique, et que j'avais dès 
la première époque rapporté à l'espèce que M. Hancock avait décrite 
sous le nom de Molgula simplex, dans son mémoire de 1870°. 

La discussion des caractères et de la synonymie est importante, 
car une certaine confusion a été introduite par M. Kuppfer dans 
l'histoire de cette espèce. Nous commencerons d’abord par donner 
les caractères, sauf à rapprocher ensuite les diagnoses des auteurs 
de celle que l’on va trouver ici. | | 


CARACTÈRES. 


Extérieur ?. — Le corps est globuleux, mais bien plutôt sphérique 
qu'ovoide. 

La teinte lactée, très légèrement rosée de l'individu trouvé dans 
le canal, lui donnait une physionomie que n’eurent pas les échan- 
tillons recueillis plus tard au large avec la drague, ou dans une grande 
marée à Bréha. Ceux-ci étant grisâtres, sans teinte particulière, 
nous ne pouvons pas considérer la couleur blanche comme étant 
caractéristique. 

La taille est celle d’une petite noisette ronde, elle atteint de 19 à 
15 millimètres de diamètre. 

L'animal vit fixé et semble adhérer par son côté gauche, c'est du 
moins sur ce côté que l’adhérence aux corps étrangers est la plus 
fréquente et la plus grande. Mais la position des organes n'indique 
nullement une disposition organique sénestre. 

Siphons et orifices. — Les dents des festons des orifices sont 
simples. Gela résulte nettement des préparations faites avec le plus 
grand soin. Leur observation sur le vivant n’a pu être complète, les 
individus s'étant à peine épanouis, aussi n'est-il pas possible de dire 
si les orifices dans l’état d’épanouissement offrent des caractères 
particuliers. Ils ont des traces de coloration variables avec la station. 
Ainsi, l'individu blanc du canal, fixé sur un guémon brun noirâtre, 
avait sur l'extrémité des mamelons résultant de la contraction de ses 
tubes des taches d’un rose assez vif, qui semblaient bien correspondre 


1 Voir Hancock, Ann. and Mag. of Nat. Hist., vol. VI, p. 365, 4e série, 1870. 
2? Voir Arch. de 300. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. ;1, Anurella simplex, 
grandeur naturelle, fixée sur une tige de Cystoseris, 


D44 \ HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


aux échancrures des festons de l’orifice. Toutefois on sait qu’en gé- 
néral les préparations destinées à faciliter l'étude des organes ne font 
pas disparaître toutes les traces des points oculiformes et de la livrée 
des animaux vivants. N’en ayant pas rencontré sur les animaux dis- 
séqués et dont la préparation avait fourni les caractères, il est pro- 
bable que les points oculiformes sont ou peu accusés ou n'existent 
pas. 

Le diaphragme de l’orifice postérieur n’est représenté que par 
une petite-bandelette circulaire, autour de laquelle viennent mourir 
les terminaisons des fibres musculaires longitudinales du siphon 
postérieur. | 

Les tentacules? de l’orifice inspirateur sont nombreux et bien 
développés. Chez les animaux tués par l'acide chromique, l’orifice 
interne du tube inspirateur paraît fermé par eux, car ils se sont 
rabattus sur sa lumière. 


On en compte facilement onze grands, alternant avec un nombre 


égal de plus petits. 

Ils sont quatre fois pinnés, mais les dernières divisions sont peu 
nombreuses et peu développées, les secondes au contraire sont 
assez longues. 

Le dos est largement godronné et très gonflé. La face infé- 
rieure est nettement limitée et d’une teinte jaunâtre bistre ferrugi- 
neuse (on n'oublie pas qu'il s’agit toujours des animaux conservés et 
préparés dans l'acide chromique faible). Le milieu du rachis médian 
et de l’axe des premières divisions présente une coloration brunâtre 
foncée. 

Quoique la taille de l'An. simplex soit à peu de chose près égale à 
celle de l’An. solenota, ses tentacules sont beaucoup plus grands que 
dans cette dernière ; ils sont aussi plus touffus et plus compliqués. 


Branchie*. — Cet organe offre dans sa disposition générale quelque 
ressemblance avec celui de l'An. solenota. Il en diffère cependant par 
le nombre des méridiens, qui ici est de six de chaque côté. On doit 
même y regarder assez attentivement pour ne pas faire erreur et 
ne pas croire qu'il n’en existe que cinq. En effet, le premier méridien 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. 4, Va. 
2 Noir 4d;14., fig: 7: 
5 Voir id., id., fig, 5. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D45 


antérieur, c'est-à-dire le plus voisin du raphé antérieur !, est réduit à 
une petite bandelette dont les infundibulums sont à peine accusés. 

Si le nombre des méridiens n’est pas le même que dans l’An. s0- 
lenota, les infundibulums sont à peu près constitués dans l’une 
et l’autre sur le même modèle. Ils sont pour ainsi dire simples ?, 
s’élevant en cônes à sommet remplacé par une calotte sphérique ; 
ils sont un peu moins profonds que dans l'espèce précédente et ils 
présentent une faible division ou une petite dépression tout près 
de leur sommet. C’est Ià le commencement de ces divisions et sub- 
divisions profondes qu'on a vues si marquées dans les deux premières 
espèces. | 

Les trémas sont grands et circulaires, ils décrivent presque une cir- 
conférence complète autour de là base des infundibulums, et ceux des 
méridiens voisins deviennent tangents vers le milieu à peu près des 
deux fuseaux interméridiens. [ls sont très régulièrement orientés par 
rapport au centre de l’infundibulum supposé placé au fond de la dé- 
pression. 

Il faut toutefois signaler une disposition très particulière de ces 
fentes, entre les derniers méridiens et le raphé antérieur; elles 
s’enroulent tantôt en crosse, simple ou double, imitent tantôt des $, 
et sont fort différentes * par cela même des trémas voisins, qui sont 
parfaitement réguliers et circulaires. 

Les méridiens, dans cette espèce, sont fortement penchés, ou in- 
clinés sur leur face postérieure, par conséquent dirigés en arrière *; 
de là résulte une disposition particulière dans la grandeur etle mode 
de distribution des côtes. 

Celles-ci, en effet, n'existent que sur la face antérieure des méri- 
diens face Libre qui, en définitive, regarde l’intérieur de la cavité de 
la branchie. 

Dans le premier méridien antérieur il n’y a que trois côtes, comme 
dans les deux suivants. Mais à partir du quatrième, en s’avançant 
vers le raphé postérieur, on en compte quatre, dont une sur le bord 
| libre et trois autres sur la face antérieure *. Les méridiens postérieurs 
| étant plus élevés leurs côtes sont aussi plus espacées. 


1 Voir Arch. de 200. exp. et gén., vol, VE, pl XVII, fig. 5, Met I. 

2 Comparez la figure 5, pl. XVII avec la fig. 5, pl. XVI. 

Voir 40, fig. 5, pl. XVI, 6, é. 

Voir it, td, fie. #, M. 

5 Voir id., id., fig. 5 et fig. 6. Celle-ci représente une coupe perpendiculaire des 
méridiens afin de montrer les cotes C. C. C. C. de la face antérieure. 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, == T, VI, 1877, 30 


546 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les capillaires qui rampent sur la face interne des fuseaux inter- 
méridiens et qui descendent du sommet des infundibulums, sont 
et plus nombreux (trois, quatre, cinq) et plus accusés que dans l'An. 
solenota*. 

Raphés. — L'antérieur présente une particularité. Le filet, qui le 
termine près de la bouche, c'est-à-dire en haut, est extrêmement 
long. Ce qui revient à dire que le raphé antérieur s’arrête en tant 
que gouttière fort loin de la bouche. 

Enfin il est, toutes proportions gardées relativement à la taille de 
l'animal, fort profond et développé. 

Le raphé postérieur est simple. Il remonte sur les extrémités des 
méridiens postérieurs, et, en s’unissant avec eux, forme une lamelle 
d’abord saillante, qui s’atténue puis devient un simple cordon. 


Tube digestif. — 1] offre les caractères généraux que l’on voit 
dans la famille. L'œsophage est court; le foie a les quatre lobes 
habituels, mais fort peu séparés et distincts?. On ne voit pas sur 
le côté droit les cæcums hépatiques. Il semble que la glande soit 
beaucoup plus rapportée à gauche dans cette espèce que dans les 
autres. Elle se sépare un peu de la masse viscérale et de la branchie 
par son bord-gauche et s’insinue entre les deux lames du manteau”. 
Il n'est pas impossible qu'il n'existe une relation entre cette dispo- 
sition, celle qu'on va voir dans l'intestin et l’adhérence constante de 
l'animal sur le côté gauche. 

L'intestin présente des caractères qu'il est utile de bien préciser. 
Ils sont importants et d'une grande valeur pour la discussion de la 
synonymie. 

Le foie étant reporté fortement du côté gauche, l’æsophage, l’esto- 
mac et la première partie de l'intestin le suivent. Aussi celui-ci 
remonte-t-il tout près du raphé antérieur * et suit-il le bord supérieur 
de l’ovoide pour descendre et s'élever ensuite au-dessus du niveau 
de la base du siphon postérieur, puis, en s'accolant à lui-même, 
descendre d’abord de nouveau, enfin remonter vers son point de 
départ et arriver au rectum. 


1 Voir Arch. de zoo, exp. et gén., vol, VI, pl. XVII, fig. 5, où on remarque ces 
capillaires fortement colorées passant en sautoir sur les trémas qu’ils croisent per- 
pendiculairement, 

2 Voir id.,id., fig. 3, f. et fig. 2. 

8 Voir id., id., fig. 4,f. 

k Voir id., td., fig. 2: 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 547 


La conséquence de cette marche est qu'un espace circulaire se 
trouve limitée de toute part, en arrière de l’anse jntestinale, chose 
bien différente de ce que l’on a vu dans l'An. solenota. La glande 
génitale droite est enfoncée dans cet espace; nous verrons là un 
caractère important, toujours très utile à constater dans la spéci- 
fication. 

Au travers les parois minces de l'intestin paraissent les vermi- 
celles, qui, quoique petits, n’en sont pas moins bien nettement con- 
tournés. | 

Le rectum, par suite de la marche de l'intestin, remonte haut près 
du foie, et redescend aussi assez bas en courant sur le dos de la 
branchie. 

L'anus! n’a pas sa marge complètement libre ; elle adhère, en 
avant, au dos de la branchie, mais elle est, dans ce point d’adhé- 
rence, taillée carrément; elle ne descend pas en pointe le long du 
dos du raphé postérieur, comme on l’a vu dans l'An. foscovita. Toute 
la partie non adhérente du pourtour de la marge anale est découpée 
en festons, dont les dents sont courtes, arrondies et sans un grand 
développement. 


Tunique. — Elle est transparente, assez épaisse et résistante, aussi 
bien sur les échantillons de Bréha que sur ceux des Sables-d'Olonne ; 
elle se laisse déchirer, mais par lambeaux lamellaires, sans qu’on 
arrive du premier coup et par les premières tractions dans sa cavité. 

Sa surface est couverte de rares appendices courts, qui rappellent 
plutôt des poils ou des papilles que des villosités. Ces prolonge- 
ments sont peu adhésifs ; ils fixent bien quelques grains de sable ou 
de vase vers la base, surtout dans le voisinage de la surface d’adhé- 
rence, mais c'est peu de chose. 

Vers l'orifice branchial, quelques-unes de ces papilles s'allongent, 
deviennent épaisses, coniques et rappellent une disposition, mais de 
très loin, qu’on trouvera plus tard dans une Molgule proprement dite. 

Dans quelques échantillons d’Astan, la tunique est épaisse au voi- 
sinage des orifices et, en cherchant à la déchirer dans ce point, on 
voit qu'au-dessous des lamelles superficielles, avant d'arriver au 
manteau, il existe une couche de tissu lâche ayant la transparence 
d'un tissu infiltré. 


1 Voir Arch. de 3001. exp. ei gén., vol. VI, pls XVI, fig. 4, a. 


D48 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Manteau. — 11 est mince, faiblement musculaire, et sans carac- 
tères bien accusés. Les fibres longitudinales des siphons forment des 
paquets distincts et isolés qui donnent à l'organe, dans son ensem- 
ble, une apparence striée fort marquée. 

Lorsqu'on sépare le manteau de la tunique sur des animaux bien 
préparés, on voit, surtout dans le voisinage et la région du raphé 
antérieur, une série de papilles abandonner la tunique et rester 
fixées au manteau, dont elles dépendent évidemment. 

I y a là un fait très intéressant. J'ai présenté à l’Académie, et 
publié à la fin de l’histoire de l’An. Roscovita, cette opinion, que les 
vaisseaux sanguins de la tunique ne lui appartenaient pas en propre, 
mais élaient une dépendance du manteau qui les envoyait dans l'in- 
térieur de l'enveloppe externe. 

Ce qui empêche de pouvoir donner une démonstration facile de 
cette manière de voir, c'est en général le grand allongement des vais- 
seaux, qu'on ne peut à cause de cela arracher de la tunique. Quand 
on suit le développement des embryons, et qu’on assiste au passage 
de l’état de larve à l’état d'animal parfait, on peut observer bien 
manifestement que les prolongements du manteau, d’abord en 
forme de petits tubercules, s'allongent peu à peu et pénètrent avec 
les vaisseaux qu'ils renferment jusque dans les profondeurs du tissu 
épidermique de la tunique. 

Dans le cas actuel, les papilles palléales sont si courtes qu'il est 
possible de les arracher, et quand on sépare la tunique du man- 
teau, chacune des deux parties reprend ou rend ce qui lui ap- 
partient et ce qui ne dépend pas d'elle. 


Le ganghon nerveux est, relativement aux parties qui l’'accompa- 
gnent, toujours très volumineux !. La glande prénervienne est petite 
et globuleuse, placée à la gauche du ganglion et exactement au- 
dessus du pavillon de l'organe vibratile, qui se trouve de même à 
gauche du système nerveux central. 

Le caractère tiré des rapports de ces trois organes n’a, dans aucune 
autre espèce, une ressemblance complète avec ce qu'on observe ici. 

L'organe vibratile ? est assez éloigné de l’angle du raphé postérieur. 
Il est en croissant ellipsoïde et ouvert tout à fait directement à 
gauche. 

4 Voir Arch, de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. 8. N, ganglion; G, glan 


prénerveuse. 
? Voir id., id., fig, 8, V, organe vibratile, Rp, raphé postérieur, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D49 


Organe de Bojanus. — L'organe rénal est ordinairement coloré et 
rempli de concrétions inorganiques minérales que les liqueurs con- 
servatrices modifient profondément. Comme je n'ai eu qu'un petit 
nombre d'échantillons, je ne les ai point disséqués et examinés 
frais, aussi ne m'est-il pas possible d’assigner la couleur et l'appa- 

rence de l'organe sur le vivant; une légère teinte rougeâtre, grise, uni- 
forme, est celle de la poche rénale préparée par l’acide chromique. 

La position est fort remarquable, et j'engage le lecteur à com- 
parer la figure représentant le côté gauche du corps des diverses 
Molgulides ; il pourra s'assurer de l'utilité d’un caractère spécifique 
tiré de la direction de l’axe du sac de Bojanus. Aïnsi, pour ne citer 
que deux cas extrêmes, que l’on compare la figure 13, pl. XV, repré- 
sentant le côté gauche de l'An. oculata, avec la figure 3 de la plan- 
che XVII, et l'on verra que la direction du corps rénal est, dans les 
deux cas, absolument différente; et, si par la pensée l’on superpose 
les deux figures, les deux reins seront perpendiculaires l’un à l’autre. 

Ici donc, l'animal étant placé dans la position ordinaire, on peut 
dire que le rein est horizontal, ce qui certamement est un caractère 
de l'espèce. 

Déjà dans l'An. solenota, on a vu cet organe se relever fortement et 
perdre tout parallélisme avec le plus grand axe du corps. 


Circulation. — Le cœur, qui suit toujours l'organe rénal et la 
glande génitale, présente une position tout à fait analogue à celle 
de ces organes; il est donc ici horizontal. La conséquence de cette 
position est que l'aorte cardio-splanchnique doit faire un coude 
pour remonter vers le foie et la masse viscérale. 

Rien de particulier, du reste, quant aux organes secondaires de La 
circulation. On a vu à propos de la branchie quelques détails sur 
les capillaires de cet organe ; nous n'avons pas ici à revenir sur 
eux. 


Reproduction. — Lies descriptions qui précèdent suffisent presque 
pour caractériser la position des deux glandes génitales. 

A droite, la masse glandulaire occupe la concavité de la courbe 
si complète que décrit l’anse intestinale. Il faut remarquer, et 
c'est un caractère, que la glande droite, dans sa totalité pour ainsi 
dire, est enfermée dans la courbe intestinale. 

Ce caractère se retrouvera extrèmement marqué encore dans la 


590 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Molgqula socialis, qui cependant présente d’autres dispositions orga- 
niques bien différentes dans un grand nombre des parties. 

Ce caractère est très utile ; il suffit pour conduire rapidement à la 
diagnose d’un certain nombre d'espèces, par la simple inspection 
du côté droit des animaux, même au travers de la tunique quand 
elle est assez transparente après la chute des corps étrangers. 

On remarquera de plus, lorsque la masse glandulaire droite est 
ainsi entourée de tous côtés par l’anse intestinale, que les deux 
parties de l'intestin sont accolées l’une à l’autre, Il semble que dans 
cette disposition il y a refoulement de la partie postérieure de l’anse 
intestinale, qui va jusqu'au contact de la partie antérieure *, 

La couleur des glandes n’a pu être constatée sur le vivant et à 
l'époque de la reproduction. Aussi le testicule et l'ovaire ont-ils été 
représentés dans les dessins par une teinte grisâtre uniforme aux deux 
sexes. | | | 
Le testicule est sur la face interne et l'ovaire est sur la face ex- 
terne. 

Les orifices, on l’a vu, offrent souvent des rapports et des disposi- 
tions caractéristiques ; c’est ici le cas, l’oviducte et les canaux 
spermatiques sont séparés et distincts. 

La masse glandulaire porte à sa face interne quelques papilles, 
deux à gauche, trois à droite, percées d’un petit orifice à leur som- 
met. Ce sont les canaux déférents, par où s'échappe la liqueur sémi- 
nale. Ces canaux, libres, indépendants de l’oviducte, se présen- 
tent vers le milieu de la longueur de la glande ou près de l’origine 
de l’oviducte ?. 

On a déjà vu des cas à peu près semblables dans les deux premiè- 
_res espèces d'Anourelles; le testicule est donc formé ici, comme dans 
ces autres espèces, de plusieurs glandes secondaires. ( 

L'oviducte se dégage de l'extrémité interne et postérieure de la 
masse ovoïde allongée de l'ovaire *. 

Il se porte d’abord horizontalement, se courbe ensuite un peu en 
bas et arrive très près de l'orifice interne du siphon postérieur, à peu 
près à la hauteur du diamètre horizontal de cet orifice *. 


1 Voir dans les planches diverses la figure du côté droit des animaux. On remar- 
quera très facilement par cet examen, l’écartement des deux parties de l'intestin 
quand la courbe n’enferme pas la masse glandulaire génitale. 

2 Voir pl. XVII, fig. 4, od, od, od, à droite comme à gauche, 

3 Voir id., fig. 2 et 3, mais surtout 4, o. 

* Voir id., la fig. 4. Si dans cette figure on tire une ligne horizontale passant par 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. Jo1 


Il faut insister sur ce caractère, car en ne considérant que la phy- 
sionomie extérieure des animaux vivants, si l’on ne constate les moin- 
dres détails, on peut se méprendre et confondre l'An. simplex avec 
la Wolqula socialis ‘. 

Quoique la ponte n'ait point été vue, il ne peut rester de doute 
sur le caractère anoure de l'espèce, car de très jeunes larves trou- 
vées dans les replis de la branchie ont montré aussi nettement que 
possible l'absence complète de l'appendice caudal ou nageoire. 

D'ailleurs, lorsque le professeur Kuppfer a publié ses études em- 
bryogéniques confirmant ma découverte, et qui n’ont paru qu'après 
la note de M. Hancock publiée elle-même à propos de ma com- 
munication, il a donné la diagnose d'une Molgule anoure qu'il a 
rapportée à la Holqula simplex de Hancock. 


STATION. 


Cette espèce a été trouvée d’abord par mes matelots entre l'île 
de Batz et Roscoff, pour préciser davantage, au lieu dit les Pierres 
aveugles, à peu près au milieu du triangle formé par les roches 
nommées Piguet, Ti-zaozon et Duslen, L’exemplaire était fixé sur 
une grosse tige de cystoseris. Il ne m'a pas été possible de la retrouver 
de nouveau dans le canal, où elle doit être fort rare. 

Au mois de juin 1875, ayant exploré l'archipel Bréha, j'avais re- 
cueilli sur les pierres, à une basse mer des grandes marées, trois 
espèces de Molgulides dont l’une était l'An. simplex. 

On ne peut dire que cette espèce soit rare à Bréha. Les excursions 
sont si pénibles dans cette localité qu'avant de pouvoir la connaître 
il faudrait avoir passé bien du temps à l'explorer dans tous les sens. 
On doit remarquer qu’elle n'a été obtenue à Roscoff même qu'à 
l’aide de la drague, tandis qu'à Bréha c’est à marée basse qu'elle a 
été trouvée, ainsi qu'aux Sables-d'Olonne, où elle est fréquente et 
mêlée aux Molgules sociales, dont la station sera décrite avec soin 
dans l'histoire de cette espèce. 


le diamètre transverse de la valvule Va, on tombe certainement sur les deux ori- 
fices des oviductes qui sont très rapprochés de la valvule, 
1 Voir plus loin la planche et la description de la Holgula socialis. 


092 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


SYNONYMIE, 


On doit maintenir le nom spécifique imposé par Hancock, tout 
en rapportant l'espèce à un autre genre. Si donc les raisons données 
plus haut ne suffisaient pas aux yeux des zoologistes pour légiti- 
mer la création du genre Anurella tel qu’il a été établi, ce serait la 
Molqula simplex de Hancock qui aurait été décrite. 

M. le professeur Kuppfer, dans l’un de ses travaux‘, a rapporté une 
des espèces qu'il a étudiées à la Molqula simplex de Hancock, tandis 
que dans l'autre ? il place à la colonne : Artname und Litteratur, avec 
un point d'interrogation toutefois, la Molqula simplex (Hancock) ainsi 
que l’Ascidia ampulloides de Van Beneden, et il nomme la Wolqula 
correspondant à cette espèce À]. ampulloides. 

Cependant il dit formellement dans son travail embryogénique : 
« La description de la A. simplex de Hancock concorde si bien avec 
les caractères de cette espèce norwégienne (celle qu'il a étudiée) que 
je ne vois aucune raison de les séparer. » 

Pour que la synonymie puisse s'établir par comparaison et plus 
facilement, nous citerons tout au long les descriptions données par 
les deux auteurs. Il sera dès lors plus facile d'établir la diagnose. 

Voici d'abord la description donnée par Hancock * : 

« Molqula simplex, Alder et Hancock. — Corps globulaire, subpellu- 
cide, presque lisse, libre ou très légèrement fixé. — Orifices presque 
terminaux, peu séparés, légèrement tubulaires et rétractiles. — Tu- 
nique (appelée par l’auteur anglais fest), plutôt molle, mais flexible, 
généralement plutôt peu revêtue de fibrilles linéaires, lesquelles sont 
rarement ramifiées, et quelquefois avec quelque peu de sable ou de 
coquille leur adhérant. — filaments tentaculaires branchus, irrégu- 
lièrement tripennés. Ils sont au nombre de onze, avec quelques pe- 
tits interposés entre eux. — Sac branchial avec six plis de chaque 
côté, les réseaux distinctement, mais irrégulièrement convolutés. — 
Repli ventral lisse, large en dessous. — /ntestin formant deux anses 
(oops) placées dans la moitié supérieure du sac. — Organes repro- 


1 Voir C. Kupprer, Zur Entwickelung der einfachen Ascidien (Arch. f. mikroskop. 
Anatomie, Band. VIII, pl. XVII, p. 368). 

2 Voir id., Nordsee-Expedition, 1872, p. 293, pl. IV, fig. 3 et 6, 4 et. 

3 Voir Kupprer, Arch. f. mik. An. Band, VIII, p. 368. 

# Voir Hancock, loc. cit., vol. VI, p.365, année 1870, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D93 


ducteurs formant une masse légèrement arquée de chaque côté avec 
des marges divisées en lobes irréguliers et nombreux qui du côté 
droit sont en dedans de la seconde anse (/00p) ‘de l'intestin. — Dia- 
mètre : 1/2 à 2/3 de pouce. » 

« Gette espèce a une grande ressemblance avec l'Ascidia ampul- 
loides de van Beneden, qui indubitablement est une Molqule, laquelle 
paraît plus grande que la M. simplez et a des tubes plus étendus. Sa 
tunique est décrite comme solide et épaisse, ce qui n’est pas le cas 
pour notre espèce. » 

Voici maintenant les descriptions du professeur Kuppfer : 

« La seconde espèce qui m'offrit des œufs mûrs, je l’ai rencontrée, 
ainsi qu'il a été dit, dans le port d’Arendal, où elle abonde sur le 
limon sableux qui forme le fond. L'animal est à peine moitié aussi 
gros que l’espèce précédente (Molqula macrosiphonica), sphérique avec 
des siphons courts et coniques parfaitement rétractiles, sans ocelles. 
La branchie porte également six plis marqués de chaque côté. Tube 
digestif et organes génitaux comme dans la précédente, si ce n’est 
que ces derniers ont ici un aspect lobulé et que dans l’autre espèce 
leur surface est suffisamment unie. Revêtement de sable fin. La des- 
cription de la M. simplex d'Hancock concorde si bien avec les carac- 
tères de cette espèce norwégienne que je ne vois aucune raison de 
l'en séparer. 

« Sur les œufs que me donnèrent à la fin de l'été et à l'automne 
ces deux espèces, les traits fondamentaux du développement s’ac- 
cusèrent d’une façon satisfaisante, conforme pour les deux espèces 
avec les données de Lacaze-Duthiers en ce qui touche leurs côtés 
négatifs, l'absence d’une queue et d’un axe squelettique chez la 
larve. » 

Dans une publication ultérieure ?, la synonymie indiquée par le sa- 
vant de Kiel porte un trouble réel dans le rapprochement des 
espèces, d'autant plus que la discussion et la concordance des 
caractères ne sont pas établies. 

Est-ce la fin du passage de Hancock, où il est dit que la M. simplex 
a une grande ressemblance avec l’Ascidia ampulloïdes de van Beneden 
qui a conduit à faire le rapprochement laissé douteux par le point 
d'interrogation? Les raisons n'en sont pas données. 

1 Voir ce mot dans les Dictionnaires anglais-français, où il est traduit par le mot 


bride de boutonnière ou trou. 
? Nordsee-Expedition, 1872, p. 223, première espèce, 


004 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Citons encore les passages relatifs à la Molqula ampulloïdes, afin que 
ces descriptions mises à côté les unes des autres puissent être mieux 
appréciées : 

« Molqula ampulloides (Kuppfer). — Forme générale allongée d'un 
tonneau, offrant à l’une de ses extrémités les orifices à quatre et à 
six festons des deux siphons courts. Le siphon cloacal légèrement 
un peu plus long. Les deux siphons inclinés d’une quantité à peu 
près égale sur l’axe du corps. L’extrémité opposée est enfoncée libre- 
ment dans le sable ou adhérente à quelque corps plus volumineux 
par une surface de peu d’étendue. Longueur, 2,5 centimètres à 
3 centimètres. 

« La tunique est passablement épaisse à l'extrémité postérieure, 
elle à jusqu'à 2 millimètres d'épaisseur ; d’une consistance cartilagi- 
neuse, en avant très mince, couverte sur sa surface de sable fin adhé- 
rant aux filaments agglutinants médiocrement longs, ne dépassant 
pas en largeur l'épaisseur de la tunique. Dans sa structure, cette tuni- 
que est formée d’une masse fondamentale hyaline, avec corpuscules 
brillants disséminés, et de toutes petites cellules fusiformes. Dans les 
filaments agglutinants pénètre un double vaisseau avec une termi- 
naison en massue. 

« La masse interne du corps est arrondie, flasque, sans muscles 
ayant un corps distinct. 

« À la couronne tentaculaire douze à quinze tentacules branchus. 

« Sillon vecteur limité par deux replis, dont le droit est le plus fort. 

« Orifice buccal au milieu de la ligne dorsale médiane. 

« Le sac branchial occupe toute la longueur de la masse interne 
du corps et présente douze plis aplatis, symétriquement disposés, 
dont chacun porte trois côtes plates longitudinales. Les côtes trans- 
versales délimitent avec les plis longitudinaux des champs rectangu- 
laires. Les fentes branchiales, et avec elles les capillaires branchiaux, 
sont ordonnés concentriquement autour de centres placés sous les 
plis longitudinaux (pl. IV, fig. 3). 

« L’estomac est petit et placé comme tout l'intestin à gauche. 
L'intestin décrit une circonvolution courbe dont les deux branches 
sont étroitement appliquées l’une à l’autre. Pas de crête dans l'in- 
testin. 

« Deux glandes génitales, composées chacune d’une partie mâle et 
d’une partie femelle, la gauche reposant sur la branche récurrente 
de la circonvolution intestinale. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, D09 


« Concrétions jaunes dans le rein. » 

On doit bien le reconnaître, la plupart de ces caractères appartien- 
nent à toutes les Molgules et ils ne peuvent vraiment pas s'appliquer 
dans leur partie spécifique d’une part à la Molqula simplex et d'autre 
part à la Molqula ampulloides. 

Pour moi, le doute n'est pas possible. Grâce à l’obligeance de 
M. le professeur van Beneden, ce dont je le remercie cordialement, 
j'ai pu vérifier sur des échantillons bien authentiques les caractères 
de son Ascidia ampulloides et il m'a été facile de comparer les deux 
espèces et de reconnaître leurs différences profondes. 

Il faut donc séparer absolument et définitivement la Molqula 
(notre Anurella) simplex de la Molqula ampulloides *. 

Il y a d’ailleurs un fait positif avancé par M. Kuppfer lui-même. 
L'’embryon est anoure chez la M. simplex, et d'un autre côté nul ne 
met en doute l'observation des têtards de la A. ampulloïdes faite par 
van Beneden. 

Si donc ces deux espèces sont réunies en une seule, on doit dire 
si l’une et l’autre ont des têtards ou bien si l'une seule en a tandis 
que l’autre n’en a pas. 

On verra bien plus clairement, après la description de la M. ampul- 
loides, que pour beaucoup d’autres raisons il faut séparer ces deux 
espèces. 

La description de Hancock est celle qui concorde le plus exacte- 
ment avec celle que nous avons donnée de l’An. simplex. Gependant, 
en y regardant de bien près, il n’y a réellement dans cette diagnose 
que bien peu de caractères positifs, celui du nombre et de la forme 
des tentacules, qui sont 2rréqulièrement tripennés. La position de la 
glande dans la courbure forcée de l’anse intestinale et le nombre 6 
des méridiens branchiaux, avec la nudité presque complète de la 
tunique, sont des caractères communs à l'An. simplex et à la A. am- 
pulloïdes, et ce sont eux qui, certainement, ont conduit à une confu- 
sion que le caractère embryogénique a pu seul faire disparaître. 

Mon désir n’est pas, on peut en avoir ici la preuve, de multiplier 
le nombre des espèces. Mais on le reconnaîtra certainement, c’est 
sur une donnée bien faible et bien secondaire que j'identifie mon 


1 Le lecteur sera convaincu de cette distinction dès qu’il aura jeté les yeux sur 
les planches XVII (4. Simplex) et pl. XXII (Molgula ampulloïdes) et qu’il aura com- 
paré la branchie, etc., ete. Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI. 


996 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


À. simplex avec la M. sièmplex de Hancock. Sans l'étude des moindres 
détails de l’organisation, surtout sans les observations embryogé- 
niques, enfin sans une comparaison entre les animaux bien authen- 
tiquement déterminés, j'aurais pu, de même que les auteurs anglais 
et allemands, être conduit à la confusion qui, je l'espère, ne sera 
plus possible maintenant. 


Dee" ESPÉCE. 


ANOURELLE DU LOUP. ANURELLA BLEIZI 1 (n. sp., H de L.-D.). 


Cette dernière espèce des Anourelles, que nous avons à étudier, 
est l’une des plus distinctes par l’ensemble de ses caractères pro- 
fonds et en même temps l’une des plus difficiles à reconnaitre à 
la grève par une observation superficielle. 

On la rencontre assez fréquemment au milieu des CGynthias rusti- 
ques qui abondent au-dessous des gros blocs de granit empilés à la 
Roche du Loup (en breton, Carec-ar-Bleiz), ou à Roléa dans les 
mêmes conditions. 

Elle existe aussi à Bréha et dans l'Océan, à Morgate et aux Sables- 
d'Olonne, où elle a une physionomie tellement différente, que je l'ai 
trouvée parmi les échantillons des espèces que j'avais rapportés en 
grand nombre de ces localités, sans me douter que je l’avais recueillie. 

Mais elle offre des caractères profonds tellement précis et essen-" 
tiels, qu'il n’est pas possible de la confondre avec les autres Molgu- 
lides, au milieu desquelles elle vit et avec lesquelles elle se confond 
par son apparence extérieure. 

Comme il a été impossible de la rapporter à l’une quelconque des 
espèces décrites, j'ai dû en faire une espèce spéciale à laquelle j'ai 
donné le nom de la roche ou de la localité où elle avait été décou- 
verte par moi pour la première fois, dès mes premières études des 
Aseidies simples de Roscoff. | 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — La forme est plutôt sphérique qu'ovoïde; si cette 
dernière apparence se présente, c'est que les deux siphons naissent 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVIII, fig. 1. Groupe de Cynthia 
ruslica sur lequel est fixée une Anurella Bleizi de fort belle taille. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 997 


sur l’une des extrémités du grand axe du corps et, par leur base, 
semblent l'allonger. 

La taille des échantillons, exceptionnellement très développés, ne 
dépasse pas 2 centimètres ; ces proportions sont même rarement at- 
teintes. 

La couleur est d’un jaune verdâtre très léger et très délicat, elle 
paraît plutôt par transparence que directement, car elle est due en 
partie à la couleur de l'ovaire, vue confusément au travers de la 
tunique, et à laquelle s'ajoute la teinte aussi très légère d’un vert 
Sale résultant d'un dépôt de matière extérieure n’appartenant pas 
plus au corps qu'à la tunique. 

Il ne faut jamais perdre de vue, quand on veut caractériser la cou- 
leur d'une Ascidie transparente, que sa teinte dépend de trois choses : 
de la couleur des organes profonds, de celle de la tunique même, et 
enfin des dépôts de matière extérieure; les trois nuances se super- 
posant se mêlent et forment une teinte nouvelle par leur combi- 
naison. Ainsi, l’on voit dans l’une des figures", sur le siphon branchial 
dilaté et grossi, des taches isolées d’une teinte rouille ferrugineuse, 
qui, à la simple vue, semblent se confondre et donner au tube une 
couleur brunâtre rouille. Gette couleur est indépendante de la tu- 
nique. On peut dès lors s'expliquer comment des individus pris dans 
des localités différentes peuvent offrir des aspects et une physiono- 
mie souvent si divers. 

Siphons et orifices. — Les orifices sont portés par des siphons ou 

tubes assez longs, qui, vers leurs extrémités, diminuent un peu de 
volume, puis se renflent en un léger bourrelet qui porte les dents ca- 
ractéristiques. Les dents des festons sont blanches et transparentes 
dans les échantillons recueillis à Carec-ar-Bleiz ou à Roléa; mais 
sur des échantillons trouvés dans d’autres localités elles sont légè- 
rement rougeûtres; elles sont très séparées et fort aiguës pendant 
l'épanouissement complet?; l’échancrure qui les sépare est à peu 
près effacée, et l’on ne voit pas entre elles de points oculiformes. 
* Enfin, en regardant l’intérieur des orifices bien épanouis, on croi- 
rait voir leurs parois comme lavées d’un glacis de rouge; dans ce 
cas, il faut se demander si la teinte d'un rouge si vif des Cynthia 
rustica, sur lesquelles les échantillons des environs de Roscoff sont 
fixés, ne cause pas ce reflet de la couleur. 


3 Voir Arch, de 3001, eæp. et gén., vol, VI, pl. XVIII, fig. 4, 
? Voir id. id, 


558 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Le siphon anal m'a toujours paru plus long que le siphon bran- 
chial!, et un peu courbé à son extrémité du côté antérieur. 

Tentacules. — Is n’ont rien de particulier. Is sont médiocrement 
divisés et subdivisés. Les deuxièmes divisions sont extrêmement 
petites, relativement aux premières, et souvent simples ; quand elles 
portent des subdivisions tertiaires, ce sont comme des tubercules 
latéraux. La bandelette colorée, jaunâtre, de leur face antérieure, 
est nettement limitée et, comme dans l'exemple précédent, la face 
godronnée est profonde et très développée. 

On compte ordinairement dix grands tentacules, mais on sait 
que ce nombre n’est pas d'une assez grande fixité pour qu'on puisse 
lui attribuer un caractère de première valeur. 

Le diaphragme de l’orifice expirateur est remarquable; son éten- 
due est grande, aussi sur presque tous les individus il est saillant et 
très facile à observer. Mais sa largeur diminue beaucoup sur la ligne 
médiane en avant, où il parait comme échancré; en arrière, au 
contraire, si une dépression semble se faire sur le milieu, c’est qu'un 
abaissement, dû sans doute au grand développement en ce point, 
produit en arrière un pli qui s'abaisse postérieurement et forme 
comme un petit godet sur la ligne médiane. 

Il y à là un caractère qu'il ne faut point négliger et qui ne se 
retrouve pas indifféremment dans toutes les espèces ?. 


Branchie. — Cet organe offre des caractères très nets, comparés à 
ceux des espèces qui lui ressemblent par la physionomie extérieure. 

On trouve quatorze méridiens, sept de chaque côté, symétrique- 
ment semblables. 

Deux, les plus voisins du raphé antérieur, sont très peu déve- 
loppés ; aussi pourraient-ils passer inaperçus si l'attention n'était 
portée particulièrement sur eux. 

Leur terminaison supérieure où buccale s'accomplit, à droite, par 
la réunion du raphé postérieur et des têtes des trois méridiens pos= 
térieurs du même côté. Les autres se terminent par des godets, ainsi 
qu'il a été dit pour quelques espèces précédemment étudiées. A gau= 
che, des godets semblables à ceux du côté droit se forment également, 
puis un filet passant par les dernières têtes se continue avec le filet 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén, vol, VI, pl, XVII, fig. 2 et 3, 
2? Voir id.,4d., fig. 9, Va, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 999 


terminal du raphé antérieur sans présenter de particularité spéciale. 

Les côtes, au nombre de trois, sont larges et bien accusées sur les 
branchies imbibées1. On peut étudier avec la plus grande facilité 
leurs rapports et leur constitution; elles sont bien dégagées de la 
membrane fondamentale et de la base des infundibulums. 

Les trémas sont très réguliers dans les fuseaux interméridiens ; ils 
semblent aussi nettement orientés et circulaires, par rapport au 
centre de l’infundibulum. Leur étendue est grande, souvent elle 
égale le pourtour de la base tout entière des orifices extérieurs des 
infundibulums. 

Les parallèles sont bien évidents, ils imitent des séries transver- 
sales de dépressions de la membrane fondamentale, assez différentes 
suivant qu'on les considère en avant et en arrière. 

Les infundibulums ? correspondant à ces dépressions sont tou- 
jours profondément divisés à leur sommet en deux par une cloison 
qui, du bord libre du méridien, descend jusqu’à la hauteur du milieu 
de l’espace qui sépare la première et la seconde côte vers la base. 
Cependant, plus le méridien que l’on considère est antérieur, et 
plus la division ou bifurcation du sommet des infundibulums est 
peu profonde. 

Cela peut s'expliquer de la façon suivante. La longueur du méri- 
dien est beaucoup moindre en arrière qu'en avant. On à vu dans les 
généralités que cela tenait à la position de la bouche, qui n’est pas 
à l’un des pôles de la sphère branchiale, mais bien un peu plus bas 
en arrière. L'espace laissé libre entre deux parallèles est donc bien 
plus grand en avant qu’en arrière, si l'on admet, ce qui est vrai, que 
le nombre des parallèles est le même en avant et en arrière. Cela 
se voit clairement sur le segment de branchie représenté au bas 
de la planche XVIIL, fig. 7. La partie postérieure est en bas et la 
partie antérieure en haut, et les deux parallèles qui limitent ce seg- 
ment, à droite et à gauche, forment un angle ouvert en haut. On 
peut y remarquer que, tandis qu'au sommet il n'y a place que pour 
un infundibulum, à sa base, entre les deux côtés, il peut facilement 
en loger deux. 

On pourrait donc considérer la cloison qui termine en arrière la 
bifurcation des infundibulums comme l'origine de la séparation 


1 Voir Arch, de z0o1. eæp, et gén., vol, VI, pl. XVIII, fig. 7, portion de branchie 
imbibée, 
® Voir id , id. fig. 7,1. 


560 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


plus grande et même complète de deux infundibulums antérieurs, 
entre les deux parallèles. 

Il suffira d'observer la figure indiquée plus haut, pour bien con- 
stater les caractères des infundibulums, qui, dans des espèces 
fort semblables d'apparence extérieure, sont aussi fort analogues, 
mais qui cependant ne suffisent pas pour établir des rapprochements 
soit génériques, soit spécifiques. 

Sur les infundibulums, les trémas s’enroulent tantôt régulière- 
ment autour de l'axe, tantôt plus ou moins obliquement; il n'y a 
rien de caractéristique dans la direction et la forme de ces fentes. 

Ce qui semble plus particulier ici dans l’espèce, c’est le rétrécis- 
sement et la terminaison en pointe mousse du sommet de l'infun- 
dibulum. 


Tube digestif. — La bouche n'offre pas de Caractère particulier. 

L'intestin est fort long, il descend très bas en formant son anse et 
arrive au niveau de la base du siphon antérieur ou branchial. Il est 
à peu près vertical, sans courbure sensible et parallèle au bord anté- 
rieur du corps; aussi, la partie ascendante et la partie descendante 
sont-elles séparées au sommet de la boucle par un espace assez 
grand. 

Toutes proportions gardées, l'anus est plus éloigné de la bouche 
dans l’An. Bleizi que dans les autres espèces. Cela tient à ce que le 
rectum court un peu plus loin sur le dos de la branchie. Sa marge 
est tout à fait libre! et détachée en avant du dos du sac branchial; 
il est aplati d'avant en arrière et, par suite de cette disposition, 
semble être bilabié. Son bord ne présente aucune découpure. 

La masse viscérale présente une particularité inverse de celle qu'on 
a observée dans les deux espèces précédentes ; chez celles-ci, les 
lobes gauches du foie s’insinuaient entre les deux lames du manteau 
et se séparaient de la branchie?; ici, au contraire, dansJa prépa- 
ration ayant pour but de montrer la paroi postérieure de la chambre 
péribranchiale, on voit? les lobules gauches du foie rester adhérents 
à la paroi branchiale. 

Les matières fécales forment des vermicelles irrégulièrement dis- 
posés, sans caractère, | 


1 Voir Arch. de 5o0l. eæp. et gén., vol. VI, pl, XVIIL fig, 9, a, 
2 Voir id., id. pl. XVI et XVII, fig. #4, 4. 
8 Voir td., td, pl. XVIIL, fig. 9, f. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 961 


Organe de Bojanus'. — La glande rénale est assez grande et peu 
courbée en arc; sa coloration est rosée. Il faut remarquer qu'étant 
assez éloignée de la masse viscérale, le cœur, qui est accolé à sa face 
postérieure, se trouve lui-même éloigné de la masse splanchnique ; 
par conséquent, ici l'aorte splanchnique doit être relativement longue. 
Il faut enfin observer que le corps de Bojanus est peu oblique et dans 
la position la plus habituelle, qu'il est presque vertical. 


La tunique est lisse, sans villosités, assez-épaisse ; elle n’a, comme 
ila été dit, qu'une très légère teinte jaunâtre, analogue à celle du 
manteau sous-jacent. C’est certainement, avec la M. ampulloides, 
l'un des exemples dont la tunique est la plus transparente et à la 
fois la plus glabre et la plus épaisse. 

Le manteau, mince, très peu musculaire dans sa plus grande éten- 
due, est aussi d’une teinte lavée de faible Jaune verdâtre. Ses fibres 
musculaires éparses et ses paquets fusiformes de même nature isolés 
sont peu nombreux et bien peu accusés. 

Par contre, les tubes sont très musculeux. L'antérieur, quand il se 
contracte violemment sous l’action des acides, offre une côte sail- 
lante longitudinale correspondant à chaque dentelure ?. 

Pour le tube inspirateur, la terminaison des fibres longitudinales 
ne dépasse pas beaucoup le point d'union de la branchie et du man- 
teau, et dans ce point les fibres circulaires s'’accusent comme un 
cercle bien accentué. 

Les fibres longitudinales du tube postérieur, qui est beaucoup plus 
long et un peu courbé en avant à son extrémité libre, se portent 
bien plus loin du côté antérieur, tout le tour de la base, dans le man- 
teau que dans le tube inspirateur %. Quand dans la même figure on 
. compare les bases des deux tubes, on est frappé de la différence de 
_ ces deux modes de terminaison des fibres longitudinales. Il y a une 
sorte de dissociation de celles-ci et on les voit s’étaler en éventail 
tout autour de l'insertion du tube. 


Le ganglion nerveux dépasse beaucoup en haut et à Do l'angle, 
au sommet duquel naît le raphé postérieur’. 


La glande prénervienne est extrêmement PE à et se loge en haut 


1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol, VI, pl, XVIH;.fig. 8,.R 
2 Voir id., id., fig. 2, B. 

8 Voir Fr id,, fig. 3, À. 

# Voir id., id., N. ee nerveux, Rp, raphé Robe 


ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GËN,=— T, VI. 1877, 36 


562 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


et à gauche du ganglion, elle répond tout à fait au sommet de 
l'angle d’origine du raphé postérieur". 

Quant à l'organe vibratile ?, il est fort petit et répond au tiers infé- 
rieur du côté gauche du ganglion nerveux. L'ouverture de son crois- 
sant est tournée à gauche, et ses angles sont fortement contournés 
en dedans. 

Il y a, comme on le voit, dans l’ensemble des caractères des trois 
parties qui se trouvent dans la région prénervienne plusieurs traits 
caractéristiques de l'espèce d'Anurelle qui nous occupe. 


Organes de la reproduction. — On trouve ici des caractères positifs 
d'une grande valeur. 

Les glandes génitales sont placées en arrière à droite de l’anse 
intestinale, que l’on a vue être presque verticale, et à gauche en ar- 
rière du Corps rénal, qui est fort peu incliné; elles sont allongées et 
leur grand diamètre est presque vertical. 

Leur volume ne m'a jamais paru très grand ; on ne rencontre pas 
d'époques où elles soient démesurément gonflées, cela s'explique 
très probablement par des pontes nombreuses et successives que 
prouvent les amas d’embryons qu'on rencontre presque toujours 
pendant la Belle saison dans la cavité péribranchiale. 

L'ovaire est au centre du côté externe de la masse glandulaire ; il 
représente une bandelette allongée, peu lobée, dont le milieu est oc- 
cupé par un canal longitudinal qui se dégage de la masse glandu- 
laire vers le sommet de l’extrémité supérieure. 

Le testicule est blanc grisâtre et représente une glande fort nette- 
ment en grappe distique *. 

Dans äucune autre espèce on ne trouve les deux glandes plus net- 
tement distinctes, quoique superposées et accolées l’une à l’autre. 

L'oviducte continue un moment la direction générale de l'ovaire. 
Il ést libre vers le haut de la cavité péribranchiale. Il se recourbe en 
crosse, puis redescend un peu, mais sans arriver cependant jusqu'à 
Ja ‘hauteur de l'anus, de sorte qu'il s'arrête des deux côtés dans 
l'angle dièdre formé par lé manteau et la branchie, bien loin encore 
de l'orifice interne et de la valvule de l’orifice expirateur*. 


1 Voir Arch, de 300keæp. et gén.ÿ vol, WE, pl. XVIII, fig. 5, G. 
2 Noir td tds, 0e 

8 Voir id., id., fig. 8. O, ovaire ; T, testicule, 

# Voir id.,1d., fig. 8 ét) 074 €! 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 563 


L'extrémité inférieure de l'ovaire ne descend pas jusqu’à la boucle 
inférieure de l’anse intestinale. La glande femelle représente une 
bandelette jaune à bords un peu lobulés que dépasse notablement 
le testicule, formé d’une dizaine de lobules. 

Le canal excréteur de la glande mâle suit le milieu de la glande 
femelle, en recevant à droite et à gauche les conduits secondaires 
des lobules latéraux. Il arrive à la limite supérieure de la masse glan- 
dulaire, s’accole à l’oviducte et le suit jusqu'à sa terminaison, où se 
trouve son ouverture. | 

L'orifice femelle est ouvert dans une grosse papille terminale de 
l’oviducte. Cette papille volumineuse se fait remarquer à la fois par 
son volume relativement énorme et par sa forme. 

Elle est immense, comparée aux proportions de l’oviducte‘; elle 
représente très exactement un cœur de carte à jouer renversé, dont 
le sommet ou la pointe se continue avec l’oviducte, tandis que la 
base est un peu échancrée. 

Sur la face répondant à la cavité générale on voit une ligne noire 
répétant la forme du cœur, dont le sommet allongé remonte jusqu’à 
l'origine de l'oviducte, et dont la base se recroqueville sans que ses 
deux parties latérales se rejoignent sur le milieu. Gette ligne est une 
fente qui correspond à l’ouverture même de l’oviducte et par laquelle 
s’accomplit la ponte. 

Qu'on se reporte à la description de la papille terminale de l'ovi- 
ducte dans l’An. oculata?, qu'on la compare à celle-ci et l'on verra 
que la fente large et béante de la première est devenue ici linéaire 
ou très étroite, que la fourchette entrant dans le fer à cheval s’est 
transformée en une valvule cordiforme. 

Dans le point où l’oviducte se dégage des lames du manteau 
entre lesquelles il est logé, se trouve l’origine de la pointe de la 
papille, qui, elle, est libre et saillante. 

L'état de contraction fait beaucoup varier la grandeur de la fente 
représentant l'orifice, mais la forme même de la papille est toujours 
sensiblement la même; on pourrait encore la comparer à une poire 
ventrue et aplatie dont l’oviducte serait le pédoncule. 

L'ouverture du canal testiculaire est toujours (sans que j'aie ren- 


\ Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 8 et 9, 00, oo. 
2? Voir id., id., fig. 10, vo, et comparez cet orifice génital femelle à celui de 
l'An. Bleisi, pl. XVIII, fig. 9, 


564 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


contré une seule exception) à l'extrémité de l’oviducte, tout près du 
sommet ou de la pointe de la papille cordiforme et dans le point où 
ce canal se dégage du manteau. 

Les caractères tirés de ces dispositions organiques ont une grande 
valeur dans les déterminations. Il m'est arrivé, en plus d’une occa- 
sion, sans rechercher d’abord l'ensemble des caractères qui viennent 
d'être précédemment exposés, d'observer la papille et de recon- 
naître immédiatement l'espèce dont un examen plus approfondi des 
organes confirmait toujours la détermination. 


La larve est anoure, il est à peine nécessaire de le dire, puisque 
c'est sur ce caractère qu'est basé le genre Anurella; elle se forme 
dans la cavité péribranchiale, car la fécondation et les premières 
périodes du développement s'’accomplissent dans cette cavité. Il est 
peu d'individus pêchés dans la belle saison qui n’aient montré dans 
leur cavité péribranchiale, à droite comme à gauche, vers les deux 
extrémités des glandes, des amas Jaunâtres d'œufs en voie de déve- 
loppementf. 

Quand les embryons sont arrivés à un certain état, ils sont rejetés, 
sans efforts n1 contractions, par la mère, les courants déterminés par 
les cils les entraînent; le moment où ils arrivent au dehors est celui 
où se montrent les papilles adhésives; aussi se fixent-ils à tout ce 
qu'ils touchent, même à leurs voisins sortis avec eux. 

On trouvera dans la planche XVIIL, à la figure 1, la représentation 
d’une sortie de quelques embryons ayant perdu leur couleur jau- 
nâtre et se présentant comme de petits globes blancs et transparents. 

Dans la même station vivent, suspendues aux voûtes de ces petites 
grottes tapissées de Cynthia rustica, plusieurs espèces de Molgulidés 
les unes anoures, les autres urodelles. Leur physionomie, leur exté- 
rieur les font se ressembler souvent beaucoup, et le têtard des unes 
peut venir se fixer sur la coque d'un embryon anoure des autres. 

À première vue on éprouve un grand embarras pour la diagnose et 
la confusion est certaine si l’on n’a des principes positifs de déter- 
mination. Avec les caractères qu’on vient de lire il ne peut y avoir 
de doute; on verra plus loin encore les caractères des espèces quine 
peuvent pas davantage que les précédentes être confondues avec 
l'An. Bleiz. 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl, XVIII, fig. 2 et 3, 6,8, 6, €, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 909 
On remarquera que c'est la troisième espèce anoure qui vit fixée, 
et cela non pas seulement sur des Algues, mais encore dans des con- 
ditions absolument identiques à celles où l'on rencontre des espèces 
urodèles. Ainsi donc si la nageoiïire caudale n'était que la conséquence 
de la nécessité pour l'animal d'aller à la recherche d'une station, on 
ne comprendrait pas bien pourquoi dans la même station vivraient 
côte à côte, dans les mêmes conditions, des espèces à nageoires et 
des espèces privées de cet organe de la locomotion. 


STATION. 


L'Anurella Bleizi est commune à Roscoff dans les parages du Loup 
(Carec-ar-Bleiz), de Roléa et certainement dans beaucoup d’autres 
endroits où les conditions semblables à celles qui viennent d'être 
indiquées se rencontrent aussi. Les draguages au nord-est de l’île de 
Batz l'ont aussi fournie. 

À Bréha, entre Roch” Louet et les Rooho, j'ai, en 1875, recueilli à 
marée basse de nombreux échantillons de Molgulidés. J'étais loin de 
me douter dans ces recherches que je recueillais l'A. Bleizi, Je n'ai 
pu avoir cependant aucune ombre de doute à cet égard, et quand, 
rentré à Roscoff, j'ai cherché à reconnaitre et à déterminer les pro- 
duits de mon excursion, j'ai pu sans hésiter reconnaitre l’ensemble 
des caractères précis qui viennent d'être énumérés. 

De même en explorant Morgate dans le nord de la baie de Douar- 
nenez, non loin de Brest, j'avais recueilli des touffes de Cynthia qui 
portaient plusieurs espèces de Molgulidés. En cherchant à faire leur 
distinction j'arrivai à reconnaître que l’A. Blerzr se trouvait à Mor- 
gate fixée sur des rochers que bat la lame. 

Aux Sables-d'Olonne, dernière station où je l'ai rencontrée, elle 
vit au milieu des groupes nombreux de la Wolqula socialis, qui elle a 
un embryon urodelle, et là encore on trouve absolument dans des 
conditions identiques des animaux fort différents par leurs formes 
premières embryonnaires; on ne peut donc pas admettre que dans 
ces stations les conditions biologiques aient déterminé la forme de 
têtard où la forme anoure. 

Dans la planche XVIIT à été représenté, à la figure 16, un exem- 
plaire de l’A. Bleizi trouvé dans le canal de l’île de Batz au lieu dit 
les Pierres aveugles; ilest fixé sur une tige d’Algue. Sa grandeur a été 


566 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


amplifiée trois fois; sa physionomie est fort différente de celle des 
anourelles des grottes de Cynthia rustica. Ses orifices surtout sont 
fort rejetés sur le côté dorsal. Voilà encore un fait prouvant que 
cette espèce vit fixée, quoiqu'elle soit anoure. 


SYNONYMIE. 


Cette espèce a-t-elle été décrite? 

Je ne le pense pas, si du moins l’on s’en rapporte pour la déter- 
miner aux descriptions données par les auteurs sérieux. 

La Molqula macrosiphonica! du professeur Kuppfer pourrait seule 
offrir quelques ressemblances extérieurement avec l’An. Bleizo. 

Elle est nue, ou à peu près, et globuleuse; ses siphons sont inégaux, 
et le postérieur, comme ici, beaucoup plus long que l’antérieur, est 
courbé en avant. 

Gette apparence extérieure m'a trompé plus d’une fois. J'ai cru, en 
voyant des individus rapportés par la drague et qui s'étaient épa- 
nouis, que j'avais une Ÿ. macrosiphonica (Kup.). L'examen des or- 
ganes internes me prouvait le contraire. 

En effet, dans l’une le nombre des méridiens est de douze; dans 
l’autre il est de quatorze. Dans l'An. macrosiphonica « l'arrangement 
des fentes de la branchie est à peu près le même que dans M. am- 
pulloides, de telle sorte que la disposition concentrique apparaît 
moins nettement que dans les autres espèces *?. » 

On a vu que dans l’An. Blerzi la régularité des trémas était grande. 
D'ailleurs, que l’on compare la figure de la branchie de la M. ampul- 
loides, dont le dessin se trouve planche XXII, et l’on ne pourra un 
instant conserver un doute sur la non-identité des espèces. Enfin, 
dans la macrosiphonica, dont l'extérieur pourrait faire supposer quel- 
que ressemblance, la glande génitale « repose entre la première et la 
deuxième branche de la circonvolution intestinale *. » Rien de sem- 
blable dans l'An. Bleizi, 

Ainsi donc pas un seul caractère spécifique certain n'est là pour 
prouver l'identité. Il est vrai que l'embryon est anoure dans les deux 
cas, mais c'est là un caractère commun à cinq espèces de Molgu- 
ldés. 

1 Voir KuUPPrER, loc. cit., p. 235, 


2 Voir id., id., surtout la figure de la branchie, 
8 Voir &d., td., loc. cit. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 567 


Serait-ce enfin la A. Manhattensis que M. Kuppfer rapproche avec 
doute de la M. macrosiphonica? La discussion des câractères de cette 
espèce a été trop développée précédemment pour être reprise ici. 
Disons seulement que la forte courbure de l’anse intestinale s'oppo- 
serait seule à ce rapprochement. Je prie d’ailleurs de lire la discus- 
sion précédente faite à propos de la synonymie de l'An. solenota. 

Je conserve donc, comme espèce du genre Anurella, l'espèce Lleizi. 


Il est possible maintenant de résumer en un tableau succinct les 
caractères des cinq espèces du genre ANVRELLA, auquel il faut en- 
core rapporter : 

Molqula macrosiphonica (Kuppfer) (voir loc. cit.); 


Molqula Manhattensis (Verrill, Tellkampf, etc. (voir loc. cit.). 
Tableau résumé des caractères des espèces du genre ANURELL A, décrites 
dans ce travail. 

a. de grande taille, villeuses, Are ESPÈCE. 
b. fortcompliquée, Aires, semblables Anuwrella Ros. 
à infundibulums inter et au reste covita, 
plusieurs fois périoscu- du corps. 
sudibvisés. laires : J 29 ESPÈCE. 
UNIES  Amnwrella ocu- 
et lisses, lata. 
a, Animaux 
el a, de petite taille, : | 
b.Branchie: ||. simple  infohss| Gaulle. à peine 3° NA 
dibèlume.* “uno. 6- simples non di-| Sourbée en Anurella sole 
fois ou non sub- visés. ANTIERS: dd 
divisés ; An 
; + intestinale: 
a. Papille génitale, HSE loemant 4S ESPÈCE. 


b. Infundibulums : 


recourbé À 
tan Anurella sim- 
en hautet en 
plex. 


arrière, 


a. cordiforme, très développée. 59 ESPÈCE. 
b. bifides. Anurella Bleizi 


D68 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,. 


l 
MOLGULIDÆ URODELÆ. 


$ 3. 


2 (Genre MOLGULA. 


Le genre Molqula doit être conservé. 

Il répond aux espèces qui sont urodèles, et dont les festons des 
oscules ne sont point laciniés. 

On ne doit pas, avec le professeur Kuppfer, lui joindre les espèces 
dont la branchie, fort simple, a conduit Alder et Hancock à créer 
le genre Æ'ugyra. 

Ainsi réduit, le genre wozGuLA présente l’ensemble des carac- 
tères du genre primitif, moins les trois caractères spéciaux aux trois 
autres genres. 

Embryons anoures Anurella ; 

Lobes des oscules pectinés Cfenicella ; 

Et enfin méridiens tellement simples, qu’une seule côte soutient 
à peine les infundibulums très rudimentaires £'ugyra. 

À Roscoff, une seule espèce de ce genre est nouvelle et non dé- 
crite, c’est la Molqula echinosiphonica. 

Des deux autres indiquées par les auteurs, l’une, fort répandue, a 
été retrouvée aux basses marées, depuis Bréha, Roscoff, Morgate 
jusqu'aux Sables-d'Olonne : c’est la Molgqula socialis. 

La troisième ne m'est connue que par les deux échantillons qu'a 
bien voulu m'envoyer mon savant collègue le professeur van Beneden, 
c'est la Molqula ampulloides. 

J'ai cru devoir reproduire ici quelques détails anatomiques ca- 
ractéristiques sur cette dernière espèce, afin que la comparaison füt 
plus facile et pût fournir ainsi un moyen plus précis de détermina- 
tion. Les dessins représentant les caractères ont été faits d’après un 
échantillon authentique, dont la détermination ne peut laisser place 
à aucun doute. | 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 969 


A" ESPÈCE. 


MOLGULE A SIPHONS ÉCHINULÉS. MOLGULA ECHINOSIPHONICA 
(n. sp. x. de L.-D.) 


Arch. de 30ol. exp., vol. VI, pl. XIX. 


Cette espèce est de petite taille, fixée par son sommet, c'est-à-dire 
par la partie opposée aux siphons ; elle abonde au milieu des tapis 
de Cynthia rustique, dans les environs de Roscoff. 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — La forme! est nettement sphérique. 

Le diamètre égale à peine 4 centimètre dans les plus beaux 
échantillons. 

La couleur est olivâtre fort légère, laissant voir par transparence 
une tache profonde à bords vagues, plus ou moins jaunâtre, bistre 
ou rougeâtre, suivant le côté que l'on considère. 

La surface est lisse, glabre, sauf à l'extrémité du siphon branchial, 
dont le caractère très remarquable à été pris pour la dénomination 
de l'espèce. 

Tubes et orifices. — Il est nécessaire d'observer vivante cette Mol- 
gule pour bien juger de son caractère. 

Cela est facile, car on peut se la procurer sans la toucher, pour 
ainsi dire, en arrachant les groupes de Cynthia qui la portent ; on est 
certain alors de ne l'avoir point blessée. Aussi s'épanouit-elle parfai- 
tement comme dans l’état de nature. 

Les tubes ou siphons n’atteignent jamais une grande longueur, 
leur diamètre est différent à leur base en arrière et en avant, 

La base du tube postérieur est plus large que celle de l’antérieur. 
Tous les deux sont piquetés de quelques taches rouges vineuses, 
profondes, qu'assombrit la teinte jaune verdâtre placée en dessus 
et extérieurement. | 

L'orifice (externe) expirateur est presque quadrilatère, et sur son 
pourtour on ne distingue guère que quatre petits angles saillants 
représentant seuls des lobes formant ordinairement les festons d’or- 


1 Voir Arch. de 2001, exp. et gén.; vol. VI, pl. XIX, fig, 1et4 q. 


570 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


nementation de ces orifices. On ne saurait mieux comparer cet ori- 
fice qu'à ceux de la plupart des cynthiadées f. 

Quant à l’orifice branchial ou antérieur, il est découpé en six lobes 
bien échancrés, pointus et glacés surtout en dedans d’un blanc mat 
qui les rend évidents lorsque l’épanouissement est complet ; ces lobes 
‘ aigus à leur extrémité libre sont penchés un peu en dehors. 

Du reste, il n’y a pas de points oculiformes dans le fond des échan- 
crures. 

Ici se remarque le caractère qui a servi à donner le nom à l'espèce. 
Au-dessus de chaque dent du feston et lui correspondant exactement, 
on voit une série de cinq à six prolongements coniques de la tunique, 
qui, de même que les dents de l’orifice, sont pointus et rejetés en 
dehors et un peu en haut.en manière de erocs. On sent combien de 
différences peuvent présenter les apparences diverses que ces parties 
prennent par suite de la contraction plus ou moins forte du tissu de 
la tunique. Ces crochets, lorsque le tube inspirateur est à moitié con- 
tracté, forment des mamelons, qui hérissent? le siphon. 

Mais pour que cette apparence se présente telle qu’elle vient d’être 
indiquée, il faut que l'échantillon soit propre et dépourvu de ces dé- 
pôts vaseux qui adhèrent presque toujours sur les animaux, ou de 
ces productions d’algucs filamenteuses qui paraissent comme des 
touffes de chevelures et masquent le caractère. 


Tentacules. — Quand ces éléments sont rabattus, la couronne qu'ils 
forment présente l'apparence d’un grillage modérément serré qui 
n’a rien de particulier. 

Leur nombre total est de douze ou quatorze. Le nombre précis 
est difficile à fixer nettement, car il existe beaucoup de variations 
dues à la taille des animaux; mais il n’y a guère que six grands et 
six à huit petits. Il y a encore entre ces principaux éléments 


quelques tubercules ou papilles, comme on le voit dans toutes les 


espèces. 

La face interne des tentacules est blanche; elle est limitée, étroite 
et remplie de granulations qui lui donnent sa couleur. A droite et à 
gauche, elle se prolonge sur quatre ou cinq petits tubercules ou 
languettes également étroites, blanches, et, dans le plus grand 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, 1 «a 4. 
2 Voir id., id., pl. XX, fig. 1, a, et fig. 1 b, B. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 071 


nombre des cas, simples ou tout au plus bilobés. Les branches laté- 
rales du rachis médian sont relativement longues, et les divisions 
de deuxième ordre qu'elles portent, très courtes, L'ensemble de ces 
particularités donne un caratère très marqué à ces tentacules!, 

Dans cette espèce, mieux que dans toutes les autres, on peut voir, 
avec la dernière évidence, les rapports des deux parties composantes 
des tentacules; par une coupe perpendiculaire à leur axe, on recon- 
naît, en effet, que la partie dorsale mince, godronnée, représente 
un cylindre à surface inégale, auquel est tangente en dessus la la- 
melle blanche supérieure granuleuse. 

Le diaphragme ou valvule de l’orifice interne du siphon postérieur, 
présente une forme remarquable, qui m'a paru constante. On peut le 
distinguer au travers du manteau lorsqu'on à enlevé la tunique; il 
est comme échancré sur la ligne médiane, en avant et en arrière, 
par suite de son peu de développement en ce point. Sur les côtés, au 
contraire, il est plus étendu et développé; et en outre, à droite et à 
gauche, il remonte vers Le corps ; de là résulte la formation de deux 
replis semi-lunaires, qui rappellent exactement deux valvules. Il y a 
évidemment là un caractère qu'il ne faut point omettre de constater 
dans les déterminations. 


Branchie. — Elle est grande et régulière. On peut compter dans 
chacune de ses moitiés sept méridiens symétriques. Toutefois les deux 
antérieurs voisins du raphé sont fort petits, à peine accusés ; mais 
on leur trouve toujours de tout petits infundibulums et des côtes. La 
grandeur de ce méridien dépend de la taille et de l’âge des individus. 

Les autres méridiens sont bien développés et très régulièrement 
constitués. Leurs infundibulums se dessinent admirablement. Il n’y 
a pas de Molgulides, à part l’Eugyra, où tout soit d'une simplicité 
aussi remarquable, et chez qui l’on puisse s'assurer mieux de la 
structure de la branchie. 

Voici commentil faut procéder pour arriver à une préparation per- 
mettant une bonne observation. Lorsque les individus sont bien épa- 
nouis et par conséquent parfaitement gonflés d’eau, il faut irriter 
brusquement les oscules afin de les faire fermer rapidement; alors 
on les plonge dans une solution très forte d’acide chromique. La 
tunique est promptement durcie, et le réactif, pénétrant les tissus, 


‘4 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig, 10. 


2 


912 


t 


IHENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


les durcit dans leur position normale. Dès que l’animal a été jeté dans 
le liquide irritant il contracte de plus en plus ses orifices, comme 
pour se défendre, et l’eau renfermée dans sa branchie dilue l'acide 
qui pénètre ; aussi les inconvénients dus à l’action violente de la 
solution concentrée sont par cela même de beaucoup atténués. 

Dans l'espèce qui nous occupe, si l'on réussit bien une préparation 
semblable, les méridiens restent saillants, l’on peut les détacher à 
leur base du reste de la branchie et reconnaître, en les isolant ainsi, 
d'une facon parfaite leur admirable organisation. 

Entre les parallèles fort évidents que limitent les gros vaisseaux, 
les infundibulums sont grands et souvent uniques vers la partie 
postérieure, mais en avant, à partir du troisième, ils sont disposés 
par paires f. 

I ne faut pas l'oublier, l'observation dela branchie est le plus sou- 
vent rendue confuse parce que les lambeaux des méridiens portés 
sous le microscope s’affaissent, les couches de tissus se superposent 
et il devient, dans ces conditions, difficile d'analyser les dispositions; 
tandis que, lorsqu'on à la précaution de détacher à leur base les 
méridiens pour les observer entièrement seuls et isolés, les moindres 
détails de leur organisation deviennent clairement visibles etévidents, 

En considérant de profil un méridien ainsi isolé, on voit chaque 
infundibulum* s’avancer jusqu'au niveau de l’avant-dernier côté vers 
le bord libre, et se terminer en cône circonserit et pointu, qu’un 
filament retient attaché à la dernière côte, les côtes reliées entre elles 
par des baguettes perpendiculaires à leur direction forment une 
sorte de cage à mailles rectangulaires longitudinales, au milieu de 
laquelle sont suspendus les infundibulums coniques, qui sont 
en même temps libres et peu masqués par la charpente qui les 
entoure. 

Les trémas sont grands* et très distinctement circulaires ; aussi 
sur les bords des infundibulums vus de profil ils présentent souvent 
l'apparence d’une échancrure s’avançant du bord libre vers son axe’, 
on en compte dans la hauteur d’un cône de cinq à six, quelquefois 
un peu plus. Ce nombre est faible et prouve la largeur des fentes 
branchiales. 


4 Voir Arch. de z0ool. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 6 et 7. 
2 Voiréd:,"d., 0.7, 1: 

3 Voir id., 1d., fig. 6 et 7. 

+ Voir 14,44, 164614, 


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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 073 


Quand on regarde la branchie par sa face externe ou palléale', on 
reconnait bien vite un caractère dont l'importance, au point de vue 
spécifique, doit être notée. Entre les infundibulums, parallèlement à 
la direction des méridiens, c’est-à-dire sur la membrane interméri- 
dienne, on ne compte guère que deux ou trois trémas. C'est encore 
une preuve de la grande étendue de la lumière de ces fentes bran- 
chiales surtout si on les compare à celles qu’on observe dans les 
autres espèces. 

Enfin, sous la bandelette formant les parallèles ou lignes perpen- 
diculaires aux méridiens, on voit encore (mais on ne peut les distin- 
guer qu'en observant la branchie par sa face externe), on voit des 
trémas, toujours en très petit nombre, perpendiculaires aux méri- 
diens et percés dans les bandes qui séparent les bases des infundi- 
bulums, mais leur existence n’est pas toujours constante ; toutefois, 
quand on les rencontre, ils sont directement perpendiculaires à 
ceux plus ou moins irrégulièrement courbés et terminés en pointe, 
comme des navettes qui occupent la membrane interinfundibulaire *. 

Il est fort difficile d'indiquer un autre trait spécial dans la branchie 
suffisamment caractéristique à lui seul pour justifier une diagnose 
absolue. | 

L'Anurella Bleizi, qui a tant d’analogie de forme, de couleur, de 
taille, avec la M. echinosiphonica, a une branchie dont l’ensemble, 
sous bien des rapports, offre de la ressemblance avec celle-ci. Il faut 
donc considérer attentivement les infundibulums des trois ou quatre 
méridiens les plus postérieurs, pour reconnaître la bifurcation de leur 
sommet, qui est plus accusée dans l’Anourelle que dans la Molgule, 
où ils sont pointus et le plus souvent indivis. | 

Répétons une dernière fois que les infundibulums, pour bien pré- 
sentier leurs caractères, doivent être parfaitement préparés, et que 
l’on s’exposerait à faire des erreurs en voulant distinguer ra- 
pidement ces deux espèces vivant dans la même station si l’on ne 
prenait et examinait qu'avec peu de soin des lambeaux coupés dans 
la branchie et au hasard3. 

Les raphés ne fournissent pas de caractères bien importants; le 


1 Voir Arch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 6. Portion de branchie 
vu par la face externe, 

3 Voir id., id., fig. 6, é. 

8 Voir loc, cil., et comparez la planche XIX, fig. 6 et 7 et la planche XVIII, 
fig, 7. 


074 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


- 


postérieur est saillant et unit les trois premières têtes des méridiens 
postérieurs de droite, en formant une lamelle assez large. 

Les têtes des méridiens sont terminées en godets, comme on l’a 
vu pour d’autres espèces. 


Tube digestif. — 1 fournit quelques caractères qu’il importe de 
remarquer, car ils peuvent guider dans les déterminations. 

Il suffit de bien préparer les animaux pour constater ces carac- 
tères après avoir enlevé la tunique. Que l’on compare les deux 
figures 2 et 3 de la planche XIX avec les figures correspondantes des 
espèces déjà étudiées, et l’on sera frappé de la différence qui existe 
dans l'étendue de la région que j'ai appelée périosculaire. lIei, 
glandes génitales, intestin, tout reste très éloigné! de la base d’in- 
sertion des deux siphons. d 

Les siphons eux-mêmes sont gros et dilatés à leur base. 

Le bas de la courbure de l’anse intestinale est bien plus éloigné 
du siphon que dans les autres espèces, et ne descend pas même au 
niveau du bord supérieur de l’attache du siphon postérieur. L'anse 
ne se recourbe pas en arrière, et entre les deux branches il existe 
un espate assez étendu, car, en changeant de direction, les deux 
parties ascendantes et descendantes ne s’accollent pas l'une à 
l’autre ?. / 

Il y a une grande différence entre cette disposition et celle qu’on 
observe sur l’Anurella Bleizi; il est utile de la signaler, puisque ces 
deux espèces vivent dans la même station et se ressemblent beau 
coup extérieurement. 

Avant d'arriver au sommet de la courbe de réflexion, l'intestin 
porte un manchon glandulaire jaunâtre, très marqué, le plus sou- 
vent renflé 5. 

Enfin, son diamètre est fort petit. 

Le foie présente les lobes habituels bien limités, mais surtout for- 
tement reportés sur le côté gauche‘, où ils sont visibles sous la 
forme de trois petites masses arrondies striées transversalement, 

La conséquence de Ja position du foie a évidemment pour effet 


1 Voir Arch. de 20ol, eæp. el gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 2 et 8. 

2 Voir id., id., fig. 2, i. 

8 Voir id., id., fig. 4, à. 

k Voir id.,id., fig. 3, f. On voit de ce côté les quatre lobes, trois à gauche gros 
_et isolés, un petit à droite. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. d19 


d'allonger l’æsophage ; aussi, sur les individus morts dans de bonnes 
conditions, c'est-à-dire sans être trop contractés, on voit, en regar- 
dant l'animal par le dos, le tube œsophagien se tordre et se porter à 
gauche. La torsion est rendue surtout évidente par le repli qui suit 
l'intestin dans toute sa longueur, et qui est né à la bouche dans les 
terminaisons des bourrelets en croissant que l’on voit du côté de la 
cavité branchiale. 

La dernière partie de l'intestin est caractéristique; on peut en 
observer facilement par transparence la disposition au travers des 
parois du manteau. Depuis le point où l'intestin remonte vers le dos 
de l'estomac et où il commence à redescendre, jusqu’à l’anus, la 
distance est grande; en un mot, le rectum est long. Aussi l'anus 
est-il assez bas et éloigné de la bouche. 

Quant à l'anus, il a aussi un caractère fixe et absolu. On a vu que 
dans l’Anwrella Roscovita, étudiée comme type, le rectum, au voisi- 
nage de l’anus, se renflait en cloche, était béant et taillé obliquement 
en bec de flûte, et que surtout il avait sa pointe inférieure accolée 
au dos de la branchie, en face du raphé postérieur. Ici, les choses 
sont tout à fait différentes : le rectum offre à peu près le même dia- 
mètre dans toute son étendue; mais, arrivé à sa fin, il se détache du 
dos de la branchie, devient libre, s'étrangle circulairement, et se ter- 
mine à l'anus par un bourrelet très marqué‘. 

Que l’on compare la figure de cette partie dans les diverses es- 
pèces, et l’on verra non seulement quelle différence elle présente, 
mais aussi quelle est la valeur du caractère qu’elle fournit, qui, bien 
souvent, permet de ne pas confondre des types à apparence exté- 
rieure semblable. 

La masse viscérale est limitée et le foie, par conséquent, reste 
uni à la base de la branchie et ne pénètre pas entre les lamelles 
constituantes du manteau. 

Les vermicelles excrémentitiels sont très gros, boueux, c’est-à-dire 
| peu délimités et ne s’accusent pas avec la netteté que l’on connaît 
| dans d’autres espèces. 


Organe de Bojanus. — 1] est petit, court, placé très haut et très en 


avant. Son bord antérieur, parallèle aux limites du corps, est forte- 
ment courbé; il est peu oblique sur le grand axe de l’animal. Sa con- 


1 Voir Arch, de 2001, exp, et gén., vol, VI, pl. XIX, fig. 5, Br, branchie, a, anus, 


576 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


crétion, semblable à toutes celles des autres espèces par sa nature, 
est ici le plus souvent bien limitée au centre du sac, et sa teinte plus 
ou moins rougedtre se rapproche de celle de l’ocre rouge terreux {. 

Circulation. — Le cœur est court et fort éloigné de la masse viscé- 
rale. Comme en général il ne dépasse pas les limites du corps rénal, 
il s'ensuit qu'il existe ici une fort longue artère cardio-viscérale, qui 
a certainement au moins une longueur égale à celle du corps de 
Bojanus lui-même. 

Les globules du sang sont gros et d’une teinte jaune verdâtre, ils 
concourent à donner au corps cette teinte légère dont il a été parlé 
au commencement. 


Manteau. — Les organes de la relation ne peuvent fournir que des 
caractères d’une valeur peu importante. Ainsi, ies tissus généraux 
du corps, comme ceux du manteau, présentent dans certains points 
une très légère teinte que la coloration des globules du sang explique 
suffisamment. | 

Le manteau n’a que des paquets de muscles isolés, courts, peu 
développés et disséminés sans ordre. Il est très transparent. Les fibres 
radiées des tubes, tout en étant assez éloignées et distinctes, ne pré- 
sentent cependant pas les caractères ? si accusés qu'on trouve dans 
quelques espèces; on ne pourrait par exemple les compter, leur 
nombre n’est pas fixe. Les muscles circulaires sont de même peu 
développés et ne descendent pas au-dessous de la base ou point 
d'union du tube avec le corps. 

La tunique est nue et présente les caractères de couleur que nous 
avons indiqués plus haut; son épaisseur est assez marquée, eu égard 
à la petite taille des animaux; il faut ajouter que ses vaisseaux sont 
difficiles à voir, mais que cependant leurs gros troncs, peu adhé- 
rents à la tunique même, se détachent d'elle lorsque l’on sépare 
l'animal de son enveloppe et qu'ils restent attachés au manteau. 
Geci vient à l’appui de l'opinion que j'ai émise et qui me paraît 
vraie, à savoir que les vaisseaux de la tunique sont une dépendance 
ou des prolongements du manteau plongeant dans la substance de 
l'enveloppe épidermique externe. 

Remarquons encore que la disposition spéciale du siphon inspi- 


1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig, 3,R, 
? Voir td., id., fig. 3 surtout et 2 aussi, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 577 


rateur, qu'on à vu couvert extérieurement de rangées de pointes ou 
d'épines, est entièrement due à la tunique, et que le manteau ne se 
prolonge pas dans l'intérieur de ces appendices pointus. 

Le ganglion nerveux’, long et fusiforme, est placé à droite de 
l'angle fort aigu que font en arrière les deux moitiés du repli circu- 
laire qui, en se relevant en haut, forment le raphé postérieur. 

Il n’est pas placé, comme cela se voit quelquefois, en arrière de 
l'angle même. 

La glande est peu développée; elle forme une bandelette grise, à 
peu près de la même longueur que le ganglion; mais elle est placée 
perpendiculairement à la direction de celui-ci, qu'elle coupe à la 
hauteur de l'angle d’origine du raphé postérieur ?. 

Enfin, l'organe vibratile (V) est saillant et bombé; il présente la 
forme d’un croissant transparent à convexité tournée à droite, à 
concavité tournée à gauche, et ses deux extrémités se rapprochent 
jusqu'à se toucher presque, mais ne se recroquevillent point en 
dedans. Il est assez bas et éloigné du sommet de l'angle, et au- 
dessous du ganglion; cette région fournit, on le voit, quelques 
caractères qui paraissent constants et qui ne se retrouvent pas dans 
l'An. Bleizi. 1 


Organes de la reproduction. — Ils fournissent des caractères précis, 
surtout pour la comparaison des petites espèces vivant dans la 
même station, et se ressemblant extérieurement assez pour qu'on 
ait pu les confondre, alors qu'on n'avait pas étudié sérieusement les 
caractères tirés des organes profonds. 

En plus d’une occasion, la vue seule des organes reproducteurs 
m'a permis de rapporter sans doute possible les individus mélangés 
chacun à son espèce respective. 

L'ovaire mûr est rempli d'œufs et se présente sous la forme d’une 
poire ou masse ovoïde, petite, circonscrite, d’un jaune orange rou- 
geâtre, dont les limites inférieures dépassent rarement celles du 
corps de Bojanus ou de l’anse intestinale. 

L'oviducte naît du sommet de l'ovaire, se porte d’abord en avant*, 
puis se courbe brusquement en crosse et se dirige presque horizon- 
talement en arrière, pour s'ouvrir à la hauteur du foie dans le som- 


1 Voir Arch. de z0o0l, exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 9, N, 
2 Voir id., id., G. 
Voir did fe: 9, 3 et.8,0, 070. 


ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GENs4 == T, Vi, 1877, 37 


978 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


met de la chambre péribranchiale, bien au-dessus de l'anus, sur les 
côtés du. rectum; de la sorte, l’orifice de l’oviducte se trouve très 
éloigné de l'ouverture interne du siphon postérieur. 

La lumière du canal, d’abord grande, s’effile peu à peu et se ter- 
mine à une ouverture ! toute simple que n’entoure aucune papille. 

I y a là une différence considérable avec ce qu'on a vu dans 
l’'Anourelle du Loup. 

Le testicule est une glande en grappe parfaite reposant sur la face 
intérieure de l'ovaire et la dépassant de beaucoup tout autour ?. 

Les canalicules de ses différents lobules s'unissent et finissent par 
ne former qu'un seul canal, dont l'extrémité porte l’orifice et se 
dresse au milieu de la face interne de l'ovaire en une longue papille 


saillante et unique *. On compte quatre ou cinq lobules autour de 


l'ovaire, assez écartés de lui. Chaque lobe à un canal excréteur, 
résultant de l'union des canaux des lobules. | 

Ici, nous trouvons encore des différences très grandes, s’ajoutant 
à celle que présente l'ovaire et permettant de distinguer l'Anwrella 
Bleizi de la Molqula echinosiphonica : tandis que dans la première 
l'oviducte se porte comme ici en arrière et en haut, mais se termine 
dans le fond de l'angle dièdre que forment le manteau et la branchie, 
par une grosse papille saillante à forme très parüculière, dans la se- 
conde l’oviducte a son orifice tout simple, à peine distinct du tissu 
du manteau dans lequel il est taillé. 

En second lieu, le canal déférent dans la Mo/gula est indépendant 
de l’oviducte; comme sa terminaison est libre, c'est lui qui forme la 
papille. Dans l'Anurella, au contaire, si la glande mâle est aussi une 
glande en grappe, du moins son canal excréteur s'accole à l’oviducte, 
le suit dans toute son étendue et vient s'ouvrir tout près de la grosse 
papille pyriforme terminale de ce dernier. Je le répète encore, si la 
considération de la branchie et certains caractères, comme la colo- 
ration, laissaient dans une diagnose rapide quelques doutes, le mode 
d'ouverture du testicule et celui de l'ovaire suffiraient à eux seuls 
certainement à les lever entièrement. 

Les embryons urodèles restent pendant un assez long temps dans 
la cavité péribranchiale ; on les trouve en petits amas, soit autour de 
l'orifice de l’oviducte, soit vers l'extrémité inférieure de la glande, 


1 Voir Arch, de 20ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 4, 00. 
2 Noir id? 4, GE 4 Me UTe 
$ Voir #0.,1d., od. 


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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D79 


dans la cavité péribranchiale!, du côté du siphon antérieur. Cette 
cavité a de grandes proportions en arrière et sur les côtés; aussi les or- 
ganes, glandes génitales et rein à gauche, glandes génitales et intestin 
à droite, sont-ils fort éloignés de la base des siphons. Ces dilatations 
répondent, à n'en pas douter, aux besoins de l’incubation; celle-ci 
doit être assez longue et faire suite à des pontes nombreuses et suc- 
cessives ayant lieu à diverses époques. 

Cela est prouvé par la présence des embryons, toujours réunis en 
assez grand nombre à peu près à toutes les époques de la belle saison. 

Les embryons sont de grande taille, si on les compare à la 
mère ; on les trouve à peu près à tous les états de développement 
dans la cavité incubatrice, où la fécondation a eu lieu, et où ils ont 
parcouru les premières phases de leur évolutien. Ils sont d’un rouge 
orangé assez vif, ce qui les fait reconnaître dès que la tunique - 
a été enlevée. 

STATION. 

Nous n'avons qu'à répéter ce qui a été déjà dit. C’est sur les C'yn- 
thia rustica et au milieu d'elles que la Molqula echinosiphonica se 
trouve ; elle est tantôt fixée sur cette espèce abondante, et tantôt 
lui fournit des points d’adhérence. | 

C'est surtout dans les petites grottes résultant de l’amoncellement 
des gros blocs de granite qu'on l’aura avec le plus de facilité au 
Loup et à Roléa. 

Je l’ai eue dans les mêmes conditions dans toutes les localités, au- 
tour du fortin de Per haridi, à Toufa-bian, etc. 

Elle existe aussi à Morgate. 

L'époque de l’année où on peut se la procurer n’est pas seulement 
la belle saison. En mars, avril et octobre, elle m'a paru tout aussi 
fréquente qu'en juin, juillet et août, mais dans ces derniers mois 
les glandes génitales sont dans la période d'activité. 


SYNONYMIE. 


L'espèce est nouvelle et ne peut, à cause de ses caractères, être 
confondue avec aucune de celles qui ont été décrites; l'ayant trouvée 
déjà depuis fort longtemps, à l’origine de mes études à Roscoff, j'ai 
dû lui donner un nom, que j'ai tiré de l’un de ses caractères les plus 
saillants ?. 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 2 et8,e,e, e. 
? De éyivos, chargé de piquants, et de cipwy, tube, 


280 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


98 ESPÈCE. 


MOLGULE SOCIALE. MOLGULA SOCIALIS (J. ALDER). 


Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX et XXI. 


Molgula socialis, J. Alder, loc. cit. 


L'une des plus abondantes Molgules aux Sables-d'Olonne me paraît 
devoir être rapportée à l’espèce parfaitement caractérisée que J. Al- 
der, le premier, a décrite sous ce nom f. 

N'ayant trouvé dans aucune publication des dessins permettant 
de constater facilement les caractères indiqués, il m'a paru utile d’ac- 
compagner la description de figures démonstratives afin de faciliter 
la comparaison et la détermination. 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — 1] en est de la physionomie de la A. socialis comme de 
celle des autres espèces ; elle est variable avec les localités, la nature 
des fonds et la position dans lesquelles vivent les animaux. 

Aux Sables-d'Olonne, sous les abris formés par des couches re- 
levées de gneiss et de micachistes, et où arrive un sable fin mêlé de 
vase, les animaux sont-couverts de ces particules, et lorsqu'on les 
voit contractés en place, hors de l’eau, leur apparence est celle de 
petits tas sablonneux ou boueux. Dans l’eau, les filaments nombreux 
de la tunique s’allongent, quoique chargés des éléments de la grève, 
et, les orifices s'épanouissant, l’aspect change complètement ?. 

Les individus que l’on rencontre à Brest, sous les bateaux chalands 
ou autres et sur les algues du port, n’ont plus du tout la même phy- 
sionomie#. On comprend, en effet, qu'étant au-dessous d’un bateau, 
à quelques pieds de la surface de l'eau seulement, les débris vaseux 
et sablonneux peuvent moins les recouvrir et se fixer sur eux; de 
même lorsqu'ils sont fixés sur les tiges élevées des algues. 


1 Voir Ann. and Mag., sér, 111, vol. XI, p. 159. 

2 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 1. Animaux des Sables de 
grandeur naturelle et en place. 

8 Voir id., id., pl. XXI, fig. 1. Individu trouvé dans la rade de Brest fixé sur une 
algue et en tout semblable à ceux observés sous la coque d’un chaland en répara- 
tion dans un bassin de carénage et sous des bateaux abandonnés, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 981 


Le corps est globuleux, adhérent dans une faible étendue de la 
partie opposée aux siphons. 

Ceux-ci sont beaucoup plus longs dans les échantillons de la rade 
de Brest que dans ceux des Sables ; ne faut-il pas voir la cause de 
cette différence dans la position ? Les tubes sont inférieurs chez les 
uns, tandis qu'ils sont supérieurs chez les autres. 

Les villosités, nombreuses et longues sur les échantillons des Sa- 
bles, même sur les siphons jusqu’au bord des orifices, sont plus rares 
sur ceux de Brest. Mais, dans l’un comme dans l’autre cas, des 
algues filamenteuses se développent quelquefois autour des orifices 
et y forment comme une chevelure, indépendante du corps, 
donnant un aspect particulier pouvant au premier examen induire 
en erreur comme cela a eu lieu pour d’autres espèces. 

La teinte générale des animaux vivants est d'un gris jaune-verdà- 
tre fort terne‘; elle change peu dans les animaux conservés quel- 
ques jours dans l’acide chromique faible. 

Mais les individus recouverts de débris vaseux ou sablonneux ont 
la teinte générale de leur revêtement. C'est ainsi qu'aux Sables- 
d'Olonne ils ont une nuance légèrement rougeâtre due aux parti- 
cules très fines de feldspath, agglutinées par leurs villosités?, 

La taille des plus gros échantillons recueillis aux Sables mesure 
au plus 3 centimètres, tandis que celle de ceux de Brest atteint, pour 
le corps seul, 4 et même 5 centimètres dans le plus grand épanouis- 
sement, mais en général elle est au-dessous de ces proportions. 


Siphons et Orifices. — Observés normalement par leur ouverture, 
ils paraissent noirâtres en raison de l'obscurité qui règne dans la 
cavité branchiale, obscurité qui se comprend et qui est la consé- 
quence du revêtement assez épais de particules inorganiques atta- 
chées aux villosités. Cette condition rend dificile, dans l’état naturel, 
l'observation des tentacules. 

La forme des orifices, toujours déterminée par les dents, varie aussi 
un peu avec les stations. 

Quand les animaux sont fixés sur le sol, les dents paraissent être 
plus petites, et souvent alors l'orifice anal, largement béant, rappelle 
la forme carrée d’un orifice de Cynthia. 


1 Voir Arch. de zoo. exp. el gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 4. 
# Voinrd:,.td.,ple XX, fig, 4. 


582 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


Les dents de l'orifice antérieur sont aussi fort peu développées et 
très transparentes, sans couleur spéciale ni point oculiformet, 

Dans les échantillons de Brest, observés suspendus dans la posi- 
tion même donnée à l’Ascidie? dans le présent travail, les deux 
tubes, fort longs, et très différents en cela de ceux des échantillons 
des Sables, étaient renflés tout près de leur extrémité et contractés 
de nouveau au pourtour de l'orifice, tout près des dents. 

Les tentacules sont très remarquables, il suffit de les porter sous 
le microscope pour reconnaître leur caractère important. 

Très grands et très touffus, ils doivent par conséquent obstruer 
pour ainsi dire la lumière de l’orifice branchial quand ils se rabattent 
sur elle. Ce qu'il faut surtout remarquer, c'est la taille du rachis et 
des branches latérales ; celles-ci sont au mombre de dix’, cinq de 
chaque côté. La tige centrale est énorme. Pour se rendre bien compte 
de la différence qu'elle présente avec les autres espèces, il faut com- 
parer les figures des tentacules dans les diverses planches. Le volume 
des premiers troncs secondaires cause un rapprochement des petites 
ramifications de troisième ordre, qui, très nombreuses, forment des 
touffes tant leurs ramifications dernières sont rapprochées. 

Mais un caractère très saillant, et que nous n'avons pas encore 
rencontré, est celui que présente la face interne de ces tentacules, 
celle qui a été si souvent indiquée comme étant imprégnée de ces 
globules paraissant colorés en blanc par réflexion, noirâtres par la 
lumière transmise ; elle ne présente qu’un semis de très petits points 
d’un bistre sans caractère, mais elle n’est pas nettement limitée 
sur les côtés, comme on l’a vu précédemment, et surtout elle est 
hérissée de petites papilles mousses, simples, courtes, rappelant par 
leur grandeur et leur couleur les dernières divisions des pinnules 
de quatrième ou de cinquième ordre. Ge caractère n’est point isolé, 
on va le retrouver dans une autre partie du corps, 

Il faut le remarquer, c’est ici une disposition tout à fait caracté- 
ristique. 

Le diaphragme postérieur est fort petit, peu élevé, et surla ligne mé- 
diane postérieure, loin de présenter une dépression correspondant à 
une échancrure, il offre un prolongement, un petit angle saillant”. 


1 Voir Arch. de z0ot. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 4. 
2 Voir#d.,6d:, pl. XXI Mie-"1. 

3 Voir id.,id., pl. XX, fig. 10. 

» Voir id. 44: pl. XX, ig. 4, Wa. 


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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 583 

Branchie. — Elle est grande, sa cavité est vaste, facile à observer 
dans son ensemble comme dans ses détails. 

Ses méridiens sont symétriques de chaque côté et au nombre de 
six très marqués et bien disposés, il n'y à pas trace d’un septième 
en avant. C'est surtout ce caractère qui, concordant avec celui de 
l'espèce qu'a décrit J. Alder, me conduit à rapprocher l'espèce des 
Sables de la Molgqula socialis de l'auteur anglais. ! 

Les terminaisons supérieures ou buccales des méridiens sont 
arrondies, saillantes, avec une échancrure produisant une sorte 
de crochet du bord libre, mais au bord adhérent elles se terminent 
par un cordon qui court à la surface de la membrane sushépatique, 
et finit avec le cordon descendant de l'extrémité supérieure du raphé 
antérieur. Ge cordon descend à gauche, puis passe au-dessous de la 
bouche f. 

De l'extrémité supérieure du premier méridien antérieur de droite, 
naît également un cordon qui, descendant à droite de la bouche, 
réunit toutes les tètes méridiennes de ce côté et va finalement se 
continuer dans le raphé postérieur ?. NAS 

Ici, iln'y a donc point ces terminaisons en godets, comme nous en 
avons vu dans d'autres exemples. 

Tous les méridiens sont à peu près également développés, non 
quant à leur longueur, qui est forcément différente, mais quant à la 
saillie qu'ils font dans la cavité branchiale. Aussi le premier en ar- 
rière se détache bien de la paroi, ce qui n'a pas toujours lieu ; 
cela tient évidemment à l'écartement des siphons et à la distance 
assez grande qui sépare la bouche de la couronne tentaculaire, ainsi 
qu'au petit nombre de replis, qui, étant moins serrés, ne se gênent 
point réciproquement dans leur développement. 

Il faut remarquer que sur des individus pêchés dans des stations 
différentes on trouve dans la composition des méridiens quelques va- 
riations. 

Voici la description se rapportant à la Molqula socialis des Sables. 

Les espaces interméridiens sont grands et ne présentent point de 
côtes ou stries longitudinales parallèles aux bases des méridiens ; ils 
présentent de dix à douze trémas, et même plus, entre les origines 
des infundibulums. 

Les infundibulums eux-mêmes sont étroits, profonds et bifurqués 


1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol, VI, pl. XX, fig. 6, Ra. 
® Voïr 14. id., fig. 6, Rp. 


DR4 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


assez près de leur base. Ils sont bien dégagés sur leurs côtés de la 
cloison perpendiculaire de séparation, dont l'épaisseur est assez sen- 
sible ‘. 

Ils ont leurs côtés ondulés et bouillonnés, et les fonds des culs-de- 
sac qui les terminent vers le bord libre des méridiens présentent 
une petite dépression-ou un commencement de bifurcation 2. 

Les trémas de la membrane fondamentale sont ordonnés à la base 
par rapport à un centre. Mais, comme ils sont courts, leur disposi- 
tion n’a pas la netteté de celles qu’on a pu observer dans les espèces 
précédentés. Dans les infundibulums eux-mêmes, les trémas conser- 
vent leur position à peu près perpendiculaire à l'axe du cône : 
cependant ils deviennent obliques, et quelquefois se redressent vers 
les extrémités, comme on le voit du reste pour beaucoup d’autres 
espèces. 

Les proportions ne sont point absolument fixes, elles varient, 
mais en définitive elles sont peu considérables, eu égard à celles des 
côtes et de l'animal lui-même. | 

Les côtes % sont au nombre de quatre, très régulières, épaisses et 
lamellaires ; à leur base d'insertion, on voit un cordon à double 
contour comme à leur bord libre. Entre les deux existe une lame 
saillante. 

Une des dispositions fort remarquables qu'on rencontre dans cette 
espèce est due à la richesse excessive du réseau capillaire qui recouvre 
surtout les espaces interméridiens. Ce réseau, en mailles * plus ou 
moins arrondies, circulaires, fort irrégulières de grandeur et de dis- 
position, est tendu comme un filet au-dessus des trémas, dont les 
lumières sont, par conséquent, coupées par les vaisseaux capillaires. 

Ici encore se trouve une disposition spéciale qui est rare et que 
nous rencontrons pour la première fois dans le groupe des Molgules. 
Sur la face interne de la branchie, on voit de nombreuses papilles 
s'élever sur les parois des vaisseaux capillaires constituant les mailles 
du filet. Dans l'étendue du pourtour des mailles, on en compte de 
quatre à cinq ou six. 

L'essai suivant a été souvent fait : une parcelle de branchie prise 


1 Voir Arch. de z00l. exp. el gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 9. 1, infundibulum; 
C, côtes ; P, parallèles ou cloisons séparant les infundibulums. 

2 Voir id., id., pl. XXI, fig. 9, d. 

3 Voirid.,14., g.9, ce: 

# Voir id., id., pl. XXI, fig. 10. C, capille ; p, papille. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 385 


au milieu de Molgulides diverses réunies dans un même vase était 
examinée au microscope et la présence des papilles indiquait la 
diagnose de la AZ. socralis, diagnose que confirmaient très vite les 
autres caractères. | 

Les gros vaisseaux perpendiculaires aux méridiens, et qui ont été 
nommés parallèles, sont ici très marqués, même dans la zone inter- 
méridienne, où ils font quelquefois saillie, comme de petites cloisons. 
Ils fournissent des branches nombreuses au réseau capillaire dont il 
vient d’être question. 

Chez des individus trouvés dans d’autres localités, la branchie 
diffère sensiblement de la précédente par ses infundibulums. Les 
méridiens, beaucoup moins saillants, ont bien encore quatre côtes 1 
mais beaucoup plus rapprochées ; et les infundibulums sont courts 
et très différents d'apparence. 

Les trémas, surtout fort tourmentés, se redressent et deviennent 
même dans les méridiens presque perpendiculaires aux côtes. 

Le raphé antérieur? est médiocrement saillant ; sa terminaison su- 
périeure est relativement fort éloignée de la bouche et, par consé- 
quent, le filet résultant de l’union de ses deux lèvres est très long. 

Le petit cul-de-sac terminant la gouttière est rejeté sur le côté 
droit, tandis que ses deux lèvres sont inclinées à gauche. 

L'extrémité inférieure présente la disposition ordinaire. Ses deux 
lèvres se continuent dans le sillon circulaire supratentaculaire en se 
courbant à droite et à gauche et le repli inférieur du sillon périco- 
ronal couvre la terminaison de la gouttière, qui se continue en un 
cul-de-sac assez pointu et qu'on voit par transparence $. 

Cette extrémité est hérissée de papilles placées sans ordre appa- 
rent, mais parmi lesquelles, cependant, on peut reconnaître quelques 
rangées ou séries transversales. 

Ce caractère a de la valeur, surtout rapproché de quelques autres 
fournis par les organes qui nous restent à étudier. 

Le raphé postérieur est à son origine inférieure “ tout à fait tubu- 
laire. La lame droite et supérieure du sillon péricoronal, se recro- 


1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 8. 

2 Voir id., id., pl. XX, fig. 6. Ra. 

$ Voir id., id., pl. XX, fig. 7, æ, petit cul-de-sac terminant la gouttière du raphé, 
et recouvert par la membrane. 

* Voir pl. XXI, fig. 4. Rp, r, lame supérieure du sillon péricoronal; r’, lame in- 
férieure du même sillon ; ces deux lames courbées limitent un tube parfaitement 
fermé, comme on peut le voir daus la partie supérieure de l’angle sus-olfactif. 


586 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


quevillant fortement, semble le clore et le transformer en un tube. 
Dans le haut, au bas de la bouche, la lamelle est redressée, assez 
élevée et à peine dentelée sur son bord libre. 


Tube digestif. — La bouche est petite, et les deux replis spiraux, 
l'un supérieur, l'autre inférieur, qui la forment, sont très évidents. 

Leur extrémité interne plonge dans la cavité pharyngienne et y 
forme un bourrelet qui se prolonge fort avant dans le tube digestif. 

Le foie, constitué comme toujours, semble formé seulement de 
trois lobes, tant le quatrième, le plus petit, placé à droite au-dessous 
de l’æsophage, est réduit ; sa teinte est bistre jaune-verdâtre, variant 
avec les individus ?. 

Il forme avec l'estomac une masse viscérale petite, bien limitée et 
distincte. à 

L'estomac, recouvert par le foie, fait suite à un œsophage tordu 
assez long. 

L'intestin et l’anse intestinale fournissent un très bon caractère. 
Leur longueur est considérable, aussi le sommet de la courbe qu'ils 


décrivent remonte-t-il au-dessus de la ligne horizontale, passant par. 


le point supérieur de l'insertion du tube expirateur. 

Ce caractère est commun à la Molqula socialis et à quelques autres 
espèces peu nombreuses, par exemple, à l'Anuwrella simplez ; les autres 
dispositions organiques séparent si nettement ces espèces qu'il n’est 
pas possible de les confondre ; mais on peut tirer un grand parti de 
l'observation de ce caractère pour les premières indications néces- 
saires à la détermination; car on reconnait très facilement cette 
courbure excessive de l’anse intestinale, après avoir dépouillé l’ani- 
mal de sa tunique, et on peut approximativement savoir à quelles 
espèces on a affaire. 

À l'intérieur de l'intestin, existe, à partir du foie, un bourrelet 
saillant, très gros, pédonculé, qui s'étend jusqu’au sommet à peu 
près ; là une disposition nouvelle se présente. Le bourrelet s’aplatit 
et s'élève; il est, en un mot, transformé en une lamelle qui, pour 
trouver sa place dans le tube intestinal, est obligée de se recourber * 
et de se recroqueviller ; c'est quelque chose d’analogue à certains 
égards au typhlosolis des Lombriciens. 

1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 6, Bo. È 

2 Voir 4d., id., fig. 4, f, et fig. 2 et 3. 


3 Voir id., id., fig. 2, à, sommet de l’anse intestinale remontant très haut. 
# Voir id., Hi pl. XXI, d’abord fig. 3, puis fig. 2 


PT ee. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 387 


L'anus coupé à peu près perpendiculairement au rectum à son 
côté postérieur soudé au dos de la branchie et sa marge découpée 
en festons dont les dents sont très peu saillantes et pointues". 


Corps de Bojanus. — Fortement courbé, d'une longueur dépas- 
sant la moitié du petit diamètre de l'animal, cet organe est incliné 
sur l'axe vertical du corps d'environ 45 degrés. Sa courbure anté- 
rieure n’est donc pas parallèle au bord antérieur du corps. 

Son contenu est d'un rouge brique très foncé, médiocrement 
développé, paraissant à l’état pulvérulent sur les animaux traités par 
les réactifs, surtout du côté de la concavité de la courbe ?. 

Son extrémité postérieure est assez éloignée de la masse viscérale, 
environ d'une distance égale à la moitié de sa longueur. 

Circulation. — La fosse cardiaque doit, d’après ce qui vient d'être 
dit de la position du corps de Bojanus, être assez éloignée de la masse 
viscérale et l’aorte cardio-viscérale doit être longue. 

Les globules du sang ont les caractères ordinaires et sont blan- 
châtres ou jaunes-verdâtres, mais leur teinte n’est pas intense. 


Tunique. — Cette première enveloppe a de l'épaisseur elle ne 
paraît pas avoir de teinte particulière ; toutefois vers les orifices elle 
est lavée d’un Jaune verdâtre plus accusé; la coloration propre 
de la tunique dans les Molgulides a une médiocre importance, 
car elle dépend soit des globules du sang, soit des couleurs sub- 
jacentes, soit enfin des dépôts de matières extérieures qui n'ont 
rien de commun avec l'organisme. On a vu que sur les échantil- 
lons des Sables les villosités étaient longues et nombreuses, tandis 
qu'elles étaient beaucoup plus petites et rares sur les individus de la 
rade de Brest. 

Manteau. — Peu épaisse, cette seconde enveloppe du corps est 
mince, et ses fibres musculaires, moins régulièrement réunies en 
petits faisceaux fusiformes que dans beaucoup d’autres Molgulides, 
sont peu développées et perdues dans son épaisseur ». 

Autour des tubes, les fibres longitudinales et les fibres circulaires, 
quoique bien évidentes, ne présentent pas ces couches denses et 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol, VI, pl. XX, fig. 4, a. La figure rend mal 
ce caractère. 

2 Noir'id,, 14, (8.3, R. 

3 Voir id., id., fig. 2 et 3, et comparez avec les autres espèces les figures corres- 
pondantes, 


988 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


feutrées qui permettent quelquefois d'en tirer un caractère pour la 
distinction. 


Ganglion nerveux. — Allongé et petit relativement à la taille des 
parties voisines, il est un peu plus éloigné du sommet de l'angle 
d'origine du raphé postérieur que dans le plus grand nombre des 
cas. Il suit dans sa direction la perpendiculaire ! abaissée dé ce 
sommet. 

Glande prénervienne. — Comparée au ganglion, elle est allongée 
transversalément, et forme la base d’un triangle isocèle ? dont les 
deux côtés sont représentés par les origines du raphé postérieur. 

Organe vibratile. — I] est aussi d’une très grande taille comparé au 
ganglion nerveux; sa fente” circulaire est fort accentuée, ses deux 
lèvres sont très distinctes, et ses deux extrémités fortement recro- 
quevillées se touchent, mais laissent en dedans un milieu plan fort 
étendu *. 

L'ouverture du fer à cheval entre les deux extrémités recroquevil- 
lées est tournée directement en haut et même un peu à droite. Mais 
on ne doit pas oublier, avant d’assigner un caractère tiré de la po- 
sition de l'organe vibratile, que son orientation varie quelquefois 
avec le mode de préparation des animaux et surtout avec leur état 
d'épanouissement et de contraction. 


Reproduction. — Les glandes génitales ont une position facile à 
prévoir d’après ce qu'on a vu de la forme et des dispositions de 
l'anse intestinale et du corps de Bojanus. 

A droite, elles occupent le milieu de la courbe de l'intestin, qui 
les entoure complètement; elles sont pyriformes, allongées; leur 
extrémité arrondie, antérieure, occupe le fond de la courbure forcée 
de l'intestin. Son sommet effilé s’avance dans le milieu de l’espace 
peu étendu qui sépare le haut de l’anse et le rectum. 

À gauche, la forme est la même; seulement, tandis qu'à droite la 
masse glandulaire est presque horizontale, à gauche elle est forte- 
ment courbée en arc et presque verticale dans la moitié inférieure. 
Son sommet, effilé, se porte en arrière pour se courber en bas. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 4, N. 

2 Voir id., id., fig. 4, G, glande, r, r’, lamelles droites d’origine du raphé posté- 
rieur. | 

$ Voir td., id., V, organe vibratile, v, sa fente circulaire. 


L 


* Voir id., id., m, milieu. 


ci 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 589 


Si l’on compare les deux côtés du corps‘, on voit très bien que les 
deux masses glandulaires génitales ne peuvent pas avoir la même dis- 
position, car l’une est enfermée dans la circonvolution intestinale et 
ne peut avoir d'autre position que celle qui lui est assignée par la 
circonvolution elle-même. 

L'ovaire est d’un jaune pâle et se gonfle quelquefois beaucoup par 
suite du nombre considérable d'œufs qu'il renferme. Son oviducte 
proprement dit est très court, large, et terminé par un orifice pres- 


que ouvert, en travers, sans papille, avec un bourrelet peu saillant. 


La dernière partie de l’oviducte est souvent dilatée démesurément 
par les œufs ?. 

Le testicule, véritable grappe à lobes et lobules nets et distincts, 
tapisse la face interne de l'ovaire et ne le dépasse que peu ou pas. Sa 
teinte blanche aide beaucoup à le reconnaître. Le fond jaune que 
fait en dehors de lui l'ovaire avec ses œufs müûrs permet de recon- 
naître les contours des lobes et lobules. 

Au milieu règne un canal unique quirecoit sur ses côtés les cana- 
licules secondaires des lobes. 

Le testicule proprement dit ne dépasse pas la moitié antérieure de 
l'ovaire, au delà c'est le canal déférent seul qui continue à se diriger 
vers l'ouverture de l’oviducte. Il suit le milieu de ce canal et arrive tout 
près de sa fente en boutonnière transversale pour s'ouvrir au sommet 
d'une papille qui, bien qu'extrèmement petite, est néanmoins bien 
évidente. : 

Les rapports des deux orifices rappellent ce qu'on a vu dans 
l’Anurella Bleizi. Toutefois il n’y a point ici de grosse papille ova- 
rique et de particularité de forme. Les rapports seuls fournissent 
un caractère toujours utile à constater, car dans les trois espèces du 
genre Molqula proprement dit on trouve des dispositions particu- 
lières à chacune d'elles. 

C'est à peu près à la hauteur de l’anus *, de chaque côté de l’ori- 
fice interne du tube expirateur, qu'on voitles orifices génitaux. Cette 
position peut aisément être fixée quand on regarde les animaux de 
profil, mais elle se modifie un peu quand, ouvrant le manteau, et ne 
conservant que l'anus et l’orifice diaphragmé du tube expirateur, 


1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl, XX, fig. 2 et 3. 

2 Voir id., id., fig. 8. O, ovaire; od, 00, ouverture de l’oviducte; 
8 Voir id., id., fig. 8. T, testicule glande ; d, canal déférent. 

k Voir id., id., fig. 4, pl. XX. 


us A 7 _. 


990 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


on renverse en arrière la préparation, ainsi que cela a été représenté 
pour plusieurs espèces. 

L'embryon est franchement urodèle, cela avait été observé déjà 
par plusieurs auteurs. 


STATION. 


La Molqula socialis est surtout très abondante aux Sables-d'Olonne. 

Quand on se dirige sur la merveilleuse plage sablonneuse de cette 
localité, vers l'ouest, du côté des roches émergeant à marée basse, 
avant d'arriver à l’anse de Cauchette, au-dessous des moulins à vent, 
indiqués sur les cartes marines sous le nom de Moulins des sables, 
on rencontre des arêtes de gneiss et de micaschistes redressées, 
inclinées et laissant entre elles des sortes de tranchées. 

Dans ces tranchées, faciles à explorer, on voit de loin en loin des 
abris enfoncés horizontalement par suite des érosions ; sous ces abris 
formant excavations, l’eau reste encore en petite quantité; et en 
passant la main sur leur fond, en les tàtant, on reconnaît bientôt des 
paquets de bosselures, de petits globes dont la résistance particulière 
fait reconnaître, à quiconque a déjà cherché des Ascidies, la présence 
de ces animaux. En une marée, il sera possible, dans la localité que 
jindique, de faire une ample moisson. 

J'étais tellement certain de rencontrer cette Molgule aux Sables, 
que, le 16 août 1874, je fis un voyage dans ce but, et en une seule 
marée je pus avoir tous les échantillons que je désirais. J'avais 
trouvé, en effet, cette espèce déjà en 1869, au mois de septembre. 
A cette époque, je l'avais aussi rencontrée dans les vieux ports du 
côté de la Cabaude, qui ont fait place maintenant aux bassins à flot, 
où les recherches sont difficiles. 

La hauteur de la marée, quand j'ai cherché en 1874, était, pour la 
nouvelle lune, de 9 décimètres. Ge n'était pas là une grande marée; 
car aux Sables la mer baisse beaucoup plus. Ainsi à la grande marée 
de la pleine lune des équinoxes de septembre de la même année, la 
mer n'avait, au bas de l’eau, atteint que la hauteur de 45 centimètres 
ou 4 décimètre et demi. 

Cependant, avec 9 décimètres, il m'avait été possible de chercher : 
pendant un temps bien suffisant pour obtenir autant d'échantillons 
que je le désirais. 

Cette espèce, dans cette station, ne me semble avoir aucune rela- 
ion zoologique particulière; elle paraît se placer à l'abri de la mer 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 5M 


du large, et c'est surtout dans les anfractuosités du côté de la côte 
que l'on trouve les groupes les plus beaux. 

J'ai eu des échantillons à Bréha et aux environs de Roscoff, fort 
rarement, il est vrai, mais qui offraient les caractères de la #. sociales, 
ce qui doit faire supposer qu'elle existe dans toute la Manche, puis- 
qu'elle avait été aussi trouvée en Angleterre depuis longtemps, et 
que je l'ai eue il y a bien longtemps encore à l'île Ago, près des 
Hébiens, dans les parages de Saint-Malo. 

Enfin dans la rade de Brest elle vit, fixée sur les goëmons, les 
coques des bateaux, surtout des chalands. On la trouve aussi fixée 
contre les quais du port marchand. 

On peut la rencontrer encore aux mois de février et de mars sur 
les quais du Frêt et de Brest dans les tas de goëmons dragués, qui 
y sont déposés pour être vendus comme engrais. 

Lorsque la mer a été très agitée, elle rejette des épaves de toutes 
sortes dans le petit port au-dessus du château de Brest, sur la plage 
au-dessous de Recouvrance ; et, au milieu de ces débris, il est pos- 
sible d’avoir des individus en très bon état. J'ai donné la figure de 
l’un de ceux que j'avais ainsi obtenus f. 


SYNONYMIE. 


La plupart des caractères indiqués par J. Alder* se trouvent appli- 
cables à cette Molgule de la Manche et de l'Océan. Il est utile de les 
rappeler : 

« Corps ovale, couvert de sable fin, adhérent par une base étroite. 
Orifices terminaux, rapprochés, plutôt petits, tubereuleux. Tunique 
verdâtre, mince, molle, couverte de villosités longues, non rameuses, 


plutôt glandulaires. Manteau verdâtre, mou. filaments tentaculaires 
grands, très rameux, tripinnés. $ac branchial avec six plis de chaque 
côté, les mailles irrégulières et imparfaitement convolutées. Gran- 
deur, environ la moitié d'un pouce. Vivant en société serrée. » 

M. Alder devait à M. Bowerbanck ses échantillons, qui étaient 
attachés à une coquille de Pecten maximus. 

« Différente des autres espèces de ce genre, lesquelles sont géné- 
ralement solitaires, cette Molqula est réunie en masses denses, 


Le 


1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 1. 
2 Voir loc. cit. 


992 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


adhérant fortement les unes aux autres, et si intimement que souvent 
elles se pressent sur les côtés et acquièrent une forme hexagonale ; 
les filaments tentaculaires sont grands en proportion de l’animal et 
magnifiquement arborescents ? ,» 

Nous ne ferons qu'une ou deux observations à cette description, 
d'ailleurs fort courte. D'abord la branchie n’y est pas suffisamment 
décrite pour qu'il soit permis de pouvoir trouver dans cette partie 
le moyen de reconnaître une espèce. En second lieu, les individus 


que j'ai moi-même recueillis sur les coques des bateaux de pêcheurs 


ou sur les chalands de la rade de Brest n'offraient pas le caractère 
qui a fait donner le nom spécifique (socialis) par M. Alder. Ces ani- 
maux, dans cette station, étaient isolés. 

En insistant sur le caractère fourni par la forte courbure de l'in- 
testin et faisant remarquer qu'avec ce caractère seul on arrivait à 
reconnaître la M. socialis, on pourrait cependant être conduit à se 
tromper, si l’on {ne constatait les autres dispositions organiques. 
En effet, l’Anurella simplex offre de même six méridiens à sa bran- 
chie et une anse intestinale fortement courbée en arrière et en 
haut, mais il y a de nombreuses différences dans les autres ca- 
ractères. 

Ainsi les tentacules des deux espèces ne se ressemblent pas du 
tout ; très touffus dans l’une, ils sont très peu ramifiés et grêles dans 
l’autre ; les espaces interméridiens dans l’Anurella simplex (Molqula 
simplex, Hancock) ne présentent pas ce réseau capillaire si riche, 
et ne sont coupés que par trois ou quatre vaisseaux droits. Les 
trémas sont infiniment moins nombreux entre les méridiens et 
beaucoup plus grands, les infundibulums bien moins profonds et 


1 Voir J. ALDER, On the British Tunicata (Ann, and Mag. of Nat. Hist., série 3, 
vol. XI, p. 159; 4863). 


Molqula socialis,'x. sp. 


Body ovate,covered with fine sand, adhering by a small base, Apertures terminal, 
approximated, rather small, tubercular. Test greenish, thin, soft, covered with 
longish, unbranched, rather rugged, glandular hairs. Mantle greenish, soft. Tenta- 
cular filaments large, much branched, tripinnate. Branchial sac with six folds on 
each side, the meshes irregular and imperfectly convoluted. Height about half an 
inch. Densely gregarious. 

Unlike the other species of this genus, which are generally solitary, this Molgula, 
is associated in dense masses, firmly adhering to each other, and so closely as often 
to press the sides into a square or hexagonal form. The tentacular filaments are 
large in proportion to the animal, and beautifully arborescent. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 593 


plus larges. Le raphé antérieur, les réseaux capillaires, les tiges prin- 
cipales des tentacules, ne sont pas chargés de ces nombreuses 
papilles ; enfin le canal testiculaire est plus détaché de l’oviducte, le 
plus fréquemment il n’est pas simple. Le testicule lui-même s’avance 
beaucoup vers l'extrémité postérieure de l'ovaire. 

L'organe vibratile, la glande et le système nerveux présentent des 
différences que la comparaison des figures fera immédiatement 
apprécier. 

Enfin et surtout ce qui ne peut laisser aucun doute sur la diffé- 
rence des deux espèces, en supposant que par la considération seule 
de la taille etde la courbure intestinale elles pussent être confondues, 
l'une est anoure, l’autre est urodèle, ce qui les sépare absolument. 

Nous conservons donc la Molqula socialis comme une espèce par- 
faitement nette et caractérisée. 


37° ESPÈCE. 
MOLGULE AMPULLOÏDE. MOLGULA AMPULLOÏIDES (KUPFFER). 


Arch. de zool. eæp., vol. VI, pl. XXIL. 

Ascidia ampulloïides, Van Beneden. 
Non Molgula (simplex?), Alder et Hancock. 

Molgula ampulloïdes, Kupffer. 


Dans son mémoire de 4870, Hancock s'exprime dès cette époque 
très catégoriquement au sujet de cette espèce. En parlant de la 
Molqula simplex, 11 dit : «It has considerable ressemblance to Ascidia 


ampulloïdes, wich is undoubtedly à Wolgqula. That species appears to 


be larger than #. simplex and with more extended tubes !. » 

Il suffit, en effet, d’avoir observé une Molgulide pour en reconnaitre 
le type dans les dessins du professeur van Beneden. 

M. le professeur Kupffer, dans son travail sur la mer du Nord, s’est 
aussi occupé de cette espèce qu'il place dans la première division de 
son genre Molgula, celle renfermant les espèces à sac branchial plissé. 

Voici la description qu'il en donne : « Ensemble du corps allongé 
en forme de tonneau, offrant à l’une de ses extrémités les orifices de 
deux courts siphons à quatre et à six festons. Le siphon cioacal 
légèrement plus long, les deux siphons inclinés d'une quantité à peu 
près égale sur l'axe du corps. L’extrémité opposée est enfoncée libre- 


1 Voir HANCOCK, loc, cit., p, 365. 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GËN, == T, VI. 1877. 30 


594 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


ment dans le sable, ou elle adhère à quelque corps plus volumineux 
par une surface de peu d’étendue. Longueur, 2°,5 à 3 centimètres. 

« La tunique est passablement épaisse à l'extrémité postérieure, 
elle a jusqu’à 2 millimètres d'épaisseur. D'une consistance cartilagi- 
neuse; en avant, très mince, couverte sur sa face de sable fin, adhé- 
rent aux filaments agglutinants, médiocrement longs, ne dépassant 
pas en longueur l'épaisseur de la tunique. Dans sa structure, cette 
tunique est formée d'une masse fondamentale hyaline, avec corpus- 
cules brillants, disséminés, et de rares petites cellules fusiformes. 
Dans les filaments agglutinants pénètre un double vaisseau avec une 
terminaison en massue. La masse interne du corps est arrondie, 
flasque,sa nsmuscles ayant un corps distinct. 

« À la couronne, douze à quinze tentacules branchus. 

« Sillon vecteur limité par deux replis, dont le droit est le plus fort. 

« Orifice buccal au milieu de la ligne dorsale médiane. 

« Le sac branchial occupe toute la longueur de la masse interne 
du corps et présente douze plis, symétriquement disposés, dont cha- 
cun porte trois côtes plates, longitudinales. 

« Les côtes transversales délimitent avec les plis longitudinaux des 
champs rectangulaires ; les fentes branchiales et, avec elles, les capil- 
laires branchiaux sont ordonnés concentriquement autour de cen- 
tres placés sous les plis longitudinaux (pl. IV, fig. 3). 

« Estomac petit et comme tout l'intestin placé à gauche. L’intestin 
décrit une circonvolution courte, dont les deux branches sont étroi- 
tement appliquées l’une à l’autre; pas de papilles dans l'intestin. 

« Deux glandes génitales, chacune composée d’une partie mâle et 
d’une partie femelle, la gauche reposant sur la branche récurrente 
de la circonvolution intestinale. 

« Concrétions du rein jaunes ! ». 

Il est difficile de trouver dans cette diagnose des caractères propres 
à faire distinger la Molqula ampulloides de tout autre Molgule, et c’est 
en présence du peu d’étendue de cette description qu'il m'a paru 
nécessaire de faire connaître quelques détails et de donner des 
dessins devenus indispensables pour pouvoir faire une comparaison 
et des déterminations précises ; en effet, la description primitive de 
M, van Beneden n’est plus suffisante. La voici : 

«Corps globuleux ; tubes garnis à l’intérieur de quatre à huit den- 


1 Voir Kuprren, loc. cit. 


DE 


a nl 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 595 
telures. Test cartilagineux, transparent. On voit de l'extérieur tout le 
canal intestinal et l'appareil générateur. Sac branchial plissé longitu- 
dinalement, ouverture de la bouche au fond du sac. » | 

Dans les considérants qui suivent cette courte diagnose, le savant 
professeur de Louvain fait remarquer que son espèce ne peut être la 
même que celle désignée sous ce nom spécifique par Bruggière, 
puisque celle-ci aurait son test revêtu, couvert d’un fin duvet. De La- 
marck donne de cette espèce, qu'il nomme A. ampulla, la description 
simple que voici, d'après Bruggière (Dict. Æneycl., pl. 63, fig. 1-3) : 
« A, ovala, tomentosa ; orifictis lubulosis, margine punctatis ; des mers 
d'Europe. ») 

On comprend qu'avec aussi peu de précision, les auteurs aient eu 
quelques indécisions. Heureusement, il m'a été possible de n'être 
point dans le mème cas. Grâce à l’obligeance de mon illustre eol- 
lègue de Louvain, qui m'a adressé quelques exemplaires de son 
Ascidia ampulloides, j'ai pu disséquer des échantillons absolument 
authentiques, dont j'ai donné les dessins dans la planche XXIT. 


CARACTÈRES. 


L'extérieur est tel que l’a décrit le professeur van Beneden ; la tuni- 
que est épaisse, surtout à la base; elle est très transparente: je n'ai 
point observé de villosités à sa surface. 

Le professeur Kupffer dit qu'elle repose sur le sable et s'attache à 
quelques corps plus volumineux qui s’y trouvent enfouis. 

Les orrfices présentent bien les caractères du groupe Molgule, etles 
nombres six et quatre, pour les festons, ne font pas de doute. Il faut 
donc que M. van Beneden ait eu en main quelque échantillon anor- 
mal pour indiquer le chiffre de quatre à huit dentelures. 

Les tubes qui portent les orifices sont médiocrement allongés sur 
les individus conservés dans la liqueur. 

Leur position est telle que l’a indiquée M. van Beneden. Le tube 
| inspirateur est dans laxe de l’ovoïde et le prolonge très exactement; 
quant au tube expirateur, il est à peu près vers le milieu de la moitié 
de la longueur du corps. Vu du côté gauche, l'animal paraît par- 
| faitement pyriforme. 

Le diaphragme du tube expirateur est peu saillant?, 


| . 1 Voir Arch. de 200, exp, et gén., vol. VI,, pl, XXII, fig, 9 et 3, 
D = Voir id., id., fig. 4, Va. 


596 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les tentacules! sont semblables à ceux de la Molqula socialis ; ils 
sont très touffus, et leurs branches latérales sont épaisses, grosses, 
coniques comme la tige centrale. Dans un gros tentacule l’on ne 
trouve de chaque côté que trois branches latérales. Les animaux que 
j'ai eus, étant dans l'alcool, avaient des tentacules un peu contrac- 
tés; aussi, les rameaux principaux étant rapprochés, les petites et 
dernières divisions s’entrecroisaient-elles. Sur le corps des gros 
troncs on constate des papilles, mais plutôt à l'extrémité qu’à la base, 

Ce caractère a été incontestablement reconnu par M. van Beneden. 
Il suffit pour s’en convaincre de voir les figures 4 et 5 de la planche 
de son mémoire. Toutefois, il n'en parle pas dans son travail. 


La branchie présente des caractères qui n'ont pas été mis suffisam- 
ment en relief par le professeur van Beneden, et que le professeur 


Kupffer ne me semble pas avoir rendus suffisamment clairs dans sa 


description et ses dessins. 

Elle est grande et facile à observer. 

Les méridiens sont au nombre de douze, six de chaque côté. Le 
professeur van Beneden n'est pas très explicite à cet égard, il dit cinq 
à six, tandis que le professeur Kupffer cite le nombre six, qui est 
exact. Il est curieux de voir que ce chiffre se retrouve dans deux es- 
pèces fort voisines, à mon sens, la 4. socralis et la M. ampulloïdes. 

Les replis branchiaux ne sont pas très saillants?, ils sont massifs, 
arrondis, et parcourus longitudinalement par des côtes peu nom- 
breuses, épaisses, larges, marquées par un double contour. Il ne 
paraît en exister que quatre à chaque méridien. 

La terminaison supérieure des méridiens est simple. Ces quatre 
côtes s'arrêtent tout près du bout, et se soudent à un cordon qui des- 
cend pour se confondre avec celui qui vient soit du raphé postérieur, 
soit du raphé antérieur, comme il sera dit à propos de ces parties. 

Ce qu'il y à de caractéristique et de très remarquable ici, c’est la 
disposition d’une part des trémas*, de l’autre des réseaux capillaires 
branchiaux dans les espaces interméridiens. 

Le professeur van Beneden à évidemment été frappé de l'apparence 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 7 à comparer avec fig. 10, 
pl. XX. 

3 Voir id.,id., fig, 8, M, M. 

8 Voir id., id. fig. 6. 

k Voir id., id., pl. XXII, fig, 8 et 9. On peut remarquer combien le fuseat #m in- 
terméridien est grand, comparé aux côtes, 


M 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 997 
de la branchie de cette espèce. Il suffit de lire ce passage : « Dans 
l'espèce qui nous occupe, dit-il, c'est un lacis vasculaire presque 
inextricable : des vaisseaux se contournent dans tous les sens, et 
quelques-uns semblent vouloir s'enrouler en hélices en s'anastomo- 
sant encore sur tout le trajet!. » 

Le nombre des échantillons (deux) mis à ma disposition si obli- 
geamment n'était pas suffisant pour permettre une étude des infun- 
dibulums comme je l'aurais désirée, en outre les animaux avaient 
été recueillis déjà depuis longtemps, et leurs méridiens étaient forte- 
ment contractés par la liqueur conservatrice. D'après l'observation de 
ces deux animaux, est-il permis d'affirmer que les méridiens sont ar- 
rondis, fort peu saillants ; que les vaisseaux capillaires qui couvrent 
de leur réseau les infundibulums masquent les dispositions que 
ceux-ci présentent; enfin que les trémas ? sont peu étendus, et par 
cela même difficiles à observer? On peut croire que les choses sont 
ainsi, Car on remarque dans les dessins du professeur Kupffer une 
grande indécision des traits et des lignes de contour. 

La partie de la branchie la plus caractérisée ainsi que la plus clai- 
rement lisible est l'espace interméridien. 

Les trémas sont fort irrégulièrement contournés et groupés diver- 
sement. Il n'est pas du tout exact de dire ici qu'ils sont coordonnés 
autour de centres placés soit au sommet, soit à la base des infundi- 
bulums. Ils sont pour la plupart simplement courbés en are, et quel- 
quefois doublement recroquevillés en S ou en croissant à leurs 
deux extrémités ; on voit dans la partie d’un fuseau comprise entre 
deux parallèles, jusqu'à quinze, vingt centres de coordination déter- 
minant autant de tourbillons. | 

On ne saurait mieux comparer l'apparence générale qui résulte de 
cette disposition, qu'à celle que montrent certaines fourrures, dont 
les poils contrariés se tordent en différents sens et forment de petites 
rosettes. Il suffira de comparer les figures de la branchie de 47. am- 
pulloides avec celles des autres espèces, pour voir quelle énorme dif- 
férence s’observe entre les diverses formes. Il est difficile de faire les 
dessins sans que la confusion devienne facilement très grande, car 
des parallèles * partent de gros vaisseaux dont les nombreuses anasto- 
moses couvrent et masquent les trémas. 


1 Voir vAN BENEDEN, loc. cit., p. 27. 
© Voir Arch. de 20ol. exp. et gén., vol. VI., pl. XXII, fig. 8 et 9. 
5 Voir id., id., fig. 8, P, P, parallèles, ©, c, capillaires, 


598 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Entre le dessin donné par le professeur Kupffer ! et celui qu’on 
trouvera ici, la différence est telle, qu'on pourrait presque se deman- 
der si lui et moi avons bien étudié la même espèce. 

Les bandes parallèles équatoriales sont très accusées ; elles ont 
une base large, transparente, et leur milieu se relève en une arête 
étroite ?. La base est occupée par un vaisseau large duquel partent 
de gros troncs s’anastomosant entre eux, comme les gros troncs des 
plexus veineux très développés des animaux supérieurs. Les espaces 
laissés entre ces gros troncs sont plus ou moins arrondis, ovalaires ou 
irrégulièrement allongés et à extrémités courbes. Dans ces espaces 
courent irrégulièrement et en s’anastomosant aussi des vaisseaux plus 
petits nés des précédents, et c’est l’ensemble de ce lacis qui rend 
l'observation de la branchie aussi difficile que confuse. Ces réseaux 
capillaires et les tourbillons divers que forment les trémas manquent 
complètement dans les dessins de M. le professeur Kupffer. 

Il faut noter encore que la lame branchiale, de chaque côté du ra- 
phé antérieur, présente une disposition particulière. L'espace compris 
entre le dernier méridien antérieur et le raphé est plus large qu'un fu- 
seau interméridien, et la membrane fondamentale, percée de trémas, 
ne se termine pas par une ligne droite parallèle au raphé, mais pré- 
sente une série de dépressions qui donnent à cette limite l'apparence 
d'un feston. 

Le raphé antérieur s'arrête assez haut et en avant. Son extrémité 
supérieure est certainement aussi éloignée de la bouche que celle-ci 
l'est de l'organe vibratile. Son cordon terminal, qui descend à gau- 
che de la bouche, passe très près des têtes des méridiens et se soude 
à chacun des petits cordons descendant de ces têtes ; c’est là une 
chose particulière à l'espèce; il ne passe pas du côté droit ? en s’unis- 
sant à la lèvre inférieure, mais il descend à gauche du raphé posté- 
rieur, auquel il reste parallèle au-dessous de la bouche. 

Le raphé postérieur, lame mince‘, saillante, médiocrement déve- 
loppée, s’unit, en arrivant près de la bouche, à la tête du premier 
méridien postérieur droit, en faisant une courbe qui, à première vue, 
laisserait penser que l’un est la continuation de l’autre. Mais au bord 


1 Voir Kuprrer, loc, cit., pl. IV, fig. 3, comparer avec la fig. 8, pl. XXII, Arch, 
vol. VI, 1877. 

2 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 8. 

5 Voir id., 14., 18:76: 

* Voirid,,id., M' 107 méridien post., Rp, raphé postérieur. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 599 


libre de cette courbe vient s'unir le cordon partant des têtes des 
cinq-premiers méridiens de droite. 


Les organes de la digestion fournissent quelques indications propres 
à faire préciser la détermination. 

La bouche n'a point montré, avec cette évidence signalée en plus 
d'une occasion, ces doubles croissants s’embrassant par leur conca- 
vité en pénétrant dans l’æœsophage. On devine à gauche une saillie 
rappelant la lèvre de ce côté; mais l'aire buccale assez petite, infun- 
dibuliforme, présente l'entrée œæsophagienne tout à fait circulaire. 
Il y a donc une différence entre le dessin qui accompagne le présent 
travail et celui qu'a donné le professeur van Beneden, qui montre 
la bouche comme une fente longitudinale. 

L'’estomac et le foie m'ont paru fort petits du reste ; leur disposi- 
tion est semblable à celle des autres espèces, sauf la taille f. 

L'intestin est disposé comme nous l'avons vu dans la #7. social ; 
étant fort long, il se recourbe, et le sommet de son anse se relève 
jusqu'au niveau de la base de l’orifice expirateur. Il fait donc une 
courbe, mais qui ne représente que la moitié d’une circonférence. 
M. van Beneden a parfaitement décrit et figuré cette disposition. 

L'anus reste très élevé contre le dos de la branchie?, il est coupé 
presque perpendiculairement à l’axe du rectum et son bord est fes- 
tonné. Ce caractère m'a toujours paru avoir une certaine valeur 
spécifique. Il n'est point signalé dans les descriptions des professeurs 
Kupffer et van Beneden. 

On à vu dans la Molqula socialis qu'il existe dans l'intestin un repli 
interne très développé. Ici il en est de même, ainsi que je l’ai constaté; 
le professeur van Beneden donne la description suivante : « En 
l'ouvrant (l'intestin), on voit une autre surface intestinale qui fait 
l'effet d’un intestin invaginé et qui s'étend dans toute la longueur de 
la première anse. C'est à peine s'il reste entre ces deux surfaces assez 
d'espace pour le passage des aliments. Ce repli intérieur est creusé 
dans son milieu ; on voit sur son côté une gouttière fort étroite, au 
commencement de son origine; c’est dans cette gouttière que se for- 
ment ces filaments vermiformes qui remplissent toute la partie posté- 
rieure du tube digestif et qui lui donnent un aspect si curieux. » 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén. vol. VI, pl. XXII, fig. 2 et 3, f. 
2 Voir id., id., et fig. 1,a. 


600 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


(Loc. cit., p. 18.) Il est assez difficile de faire accorder cette descrip- 
tion avec celle du professeur Kupffer, qui dit: « Pas de bandelette 
dans l'intestin. » 


L'organe de Bojanus est ce que le professeur van Bencden appelle 
l'organe indéterminé ; fort petit dans l'échantillon que j'ai observé, il 
avait tout au plus un tiers de la longueur totale du diamètre trans- 
versal du corps. Ce faible développement contraste avec celui beau- 
coup plus grand des glandes génitales placées au-dessous, 

Il est peu courbé, et la direction est exactement transversale ou 
perpendiculaire au grand diamètre ou axe vertical du corps. Ce ca- 
ractère est à peu près donné dans les dessins du travail du profes- 
seur van Beneden. Il ne l'est point dans les descriptions du profes- 
seur Kuppfer, qui indique, ce que je n'ai pu constater, la teinte des 
concrétions comme étant jaune (pl. XXII, fig. 3, À). 

Cœur. — La petitesse du foie et par conséquent de la masse viscé- 
rale, ainsi que le peu d’étendue du corps de Bojanus, qui habituelle- 
ment dépasse en longueur l'organe central de la circulation, indiquent 
assez que l'extrémité viscérale du cœur est éloignée de la masse hé- 
patique, et qu'il doit y avoir une aorte viscérale longue ; c'est aussi ce 
qqui existe. 

I ne m'est pas possible de partager l’opinion de mon savant collè- 
gue de Louvain, qui dit : « Je crois qu'il serait impossible de voir ce 
cœur dans les animaux morts » (p.21). La fosse cardiaque, entre 
les reins et les glandes génitales, à, dans l'exemple, une position si 
constante, le cœur a des parois, quoique délicates, si évidentes, qu'il 
est toujours possible de le voir et de le trouver, même sur des ani- 
maux conservés depuis longtemps. 


La tunique, le manteau, le tissu du corps, n'oifrent rien de particu- 
lier qui n'ait été signalé. Au commencement, les caractères de ces 
parties ont été indiqués d'une manière générale. La tunique est peu 
adhérente avec les prolongements des vaisseaux du manteau, aussi 
peut-on arracher ceux-ci facilement sous forme de papilles (fig. 5). 


Le ganglion nerveux” est fort petit et très bas, si bien que l’on voit 
son corps à droite et au-dessous de l'organe vibratile, lequel lui de- 
vient tangent par son extrémité supérieure droite. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 4. N, 


7 


1 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 601 


La glande prénervienne ‘ est démesurément grande comparative- 
ment à ce qu'on l'a vu être dans d’autres exemples. Elle est très al- 
longée transversalement et dépasse à droite et à gauche les bords du 
cercle péricoronal vers l'angle d'origine du raphé postérieur. 

Cet angle mérite à peine ce nom, il n'existe qu'au-dessus, là où les 
deux lèvres supérieures du cercle péricoronal se redressent pour de- 
venir verticales et constituer la lame du raphé postérieur?. 

L'organe vibratile est grand, à peu près circulaire, sa fente est étroite 
et son espace médian descend entre les deux angles de ses extrémités 
un peu plus déprimés que d'habitude. Ses deux extrémités ou cornes 
sont courbées en dedans, mais à peine recroquevillées. L'ouverture 
du fer à cheval est en haut, un peu inclinée vers la gauche, mais 
très peu*. 


Organes reproducteurs *. — Ces organes ont été parfaitement décrits 
par le professeur van Beneden. Il n'y a donc qu à insister sur quel- 
ques points et sur quelques comparaisons. 

L'ovaire, sur les animaux conservés, est d'une teinte bistre foncée, 
son oviducte se laisse voir très facilement. 

Le testicule, d'un blanc mat, occupe une position constante des 
deux côtés, il est très distinctement limité en dessus de l'ovaire; il 
occupe à droite l’espace libre entre l'ovaire et l’anse intestinale, à 
gauche entre l'ovaire et le corps de Bojanus. En général, on l’a vu, 
l'ovaire est recouvert en partie par le testicule, et celui-ci s’avance 
plus ou moins sur sa surface Interne. 

Voilà pour le rapport des deux glandes mâle et femelle ; ajoutons 
que l’on voit s’avancer sur le bord brun de l'ovaire et jusque vers 
son milieu, deux ou trois canaux saillants, quelquefois plus, qui sont 
les terminaisons et les orifices des spermiductes. Tout cela est très 
exactement représenté par le professeur van Beneden, pl. Il, fig. 4 de 
son travail. 

L'oviducte est accolé à la paroi postérieure de la chambre péri- 
branchiale, et vient s'ouvrir à peu près à la moitié de la hauteur de 
l'espace qui sépare l'anus et le diaphragme du tube expirateur. Les 
orifices sont entourés par un tout petit bourrelet, mais ne présentent 
pas de papilles ou autre disposition spéciale. 

1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 4, G. 

2 Voir id., id., Rp. 


Voir d., id, pl. P: 
# Voir id., id., fig. 3, O, ovaire ; T, testicule. 


602 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


La position générale de la masse glandulaire formée par la réunion 
des deux organes est très caractéristique. 

À gauche, de même que l'organe de Bojanus, les glandes sont al- 
longées et leur direction est transversale ; en un mot, elles sont per- 
pendiculairés au grand axe, à l’axe vertical du corps. 

A droite, elles sont logées dans la concavité de la courbure intes- 
tinale; mais comme celle-ci a son sommet un peu relevé en haut, il 
s'ensuit que la masse glandulaire, tout en étant transversale, est ce- 
pendant inclinée d'avant en arrière et de haut en bas, et qu’elle est 
sensiblement la même que l'axe du tube expirateur. 

Embryogénie. — M. le professeur van Beneden à fait connaître le 


têtard de cette espèce et quelques-unes des particularités relatives. 
à son développement. Je n'ai donc qu’à prier le lecteur de vouloir 


bien consulter le mémoire, auquel j'ai souvent renvoyé. 


STATION. 


Conditions biologiques. -— N'ayant point rencontré cette espèce, je 
ne puis que rappeler les faits indiqués par M. van Beneden ; ils doi- 
vent être rapprochés de ceux qui ont été longuement développés re- 
lativement à l’Anurella Roscovita. 

« Ces animaux se fixent en masse sur tous les corps indistincte- 
ment qui se trouvent en mer. Il en existe par myriades en été, de- 
puis le mois de juillet; on en voit peu en hiver. Ils apparaissent tout 
d'un coup en quantité prodigieuse f. » 

N'est-ce pas la répétition de ce qui m'a tant embarrassé d’abord et 
que j'ai expliqué plus tard par l'étude suivie de la reproduction? 

Evidemment les animaux pondent pendant l'été, les larves se fixent 
et passent l'hiver et le printemps à peu près inaperçues, tant leur 
taille est petite. Puis, ainsi qu'il arrive pour l'Anurella Roscovita, ils 
s'accroissent rapidement à partir de juin et abondent en juillet. 


SYNONYMIE. 
Il ne me paraît pas possible d'établir de comparaison entre cette 
espèce et celles de Bruggière, ou celles qu'ont décrites les auteurs 


américains. 


1 Voir vAN BENEDEN, loc. cil., p. 60. 


°2 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 603 


Il faut la distinguer de l’Anurella simplex, car son têtard ne permet 
pas de les confondre. 

Reste la M. socialis, qui offre avec elle de grandes analogies, mais 
qu'il est cependant impossible de ne pas trouver très différente, 
comme espèce, par l'abondance des villosités de la tunique, par les 
papilles qui couvrent son endostyle, et le réseau des capillaires sur les 
espaces interméridiens, surtout par la différence des rapports des 
glandes mâles et femelles. Dans un cas on à vu le testicule s'ou- 
vrir au sommet de plusieurs papilles, dans l’autre le spermiducte est 
unique et accompagne l'oviducte. Enfin la disposition des trémas est 
tellement différente dans les deux cas, qu'il n'est pas possible, en 
comparant les dessins, de pouvoir faire confusion par l'examen même 
le plus superficiel. 


En terminant l'étude de ce genre je donnerai le tableau résumé 
des caractères des espèces du genre MOLGULA proprement dit, décrites 
dans ce travail. | 


/ a, n’entourant pas les glandes génitales. 


PRET 1'e ESPÈCE. 
b, à sept méridiens. 


Ce Molqula 
e, échinulé. + 4 , 
R echinosiphonica. 
d, grêles, peu rameux, 
a, Anse intes- a, superposées. 
tinale. b, unique voisin de : , 
b, Branchie. l’orifice femelle. À OUR 
€, Siphon in- c, parallèles MorGUa S6aUS. 
spirateur. |a, embrassant les a, GlandesŸ aux méridiens. 
d, Tentacules. st BOUT Yénitales. 14, très visibles. 
es. | : 
B ; Svidi b, Orifice 
» s 6 meridiens. les ur 
isse. ‘ 
8 É c, Trémas. s ; Ha + a 
ros etrameux. iples, - 
8 d, dnfun- Re EP Le : 
gnés de l’orifice 3° ESPÈCE. 
dibulums. 
femelle. Molqula 
c, en tourbillons ampulloïdes. 
irréguliers. 


d, peu visibles. 


ae CT 


604 HENRI DE LACAZE-DUTHIE 


& 4. 


3° Genre. CTENICELLA! (NOY.gen., H. DE L.-D). 


Le troisième genre est caractérisé, on l’a vu dans le tableau pré- 
cédemment donné, par les dentelures fines que portentles bords des 
lobes des deux orifices extérieurs. | 

Ce caractère n'a été guère signalé que par M. C. Heller dans une 
belle espèce de la mer Adriatique et de la mer Méditerranée, dont on 
trouvera plus loin la description. 

Si l’on admet que la Cynthia Dione de Savigny soit une Molgule, ce 
serait à propos de cette espèce que le caractère aurait été indiqué 
pour la première fois. 

Le nombre des espèces du genre Ctenicella n’est pas grand; je n'en 
ai recueilli que trois : une à Roscoff, une à Morgate, et une grande 
et superbe, fort abondante dans Les eaux de Banyuls-sur-Mer. 

Les deux premières sont fixées et d'assez petite taille ; la troisième, 
qui atteint les proportions d’une belle noix, est tantôt Libre, tantôt 
fixée sur d’autres individus de son espèce ou sur des Cynthia. 

Si l'on admet le genre ou le groupe des Molgulidés à lobes oscu- 
laires pectinés, on distinguera très aisément les trois espèces dont 
la description va suivre et dont les caractères seront résumés dans 
un tableau synoptique à la fin de leur histoire. 

I n'existe pas, du reste, d’autres caractères généraux que celui des 
dentelures des lobes des orifices, et rien dans la branchie et dans les 
organes ne pourrait conduire à séparer ou à rapprocher ces espèces 
plus que nous ne l'avons fait pour les espèces des deux genres étudiés 
précédemment. 


1"° ESPÈCE. 


CTENICELLE DE LANCEPLAINE. CTENICELLA LANCEPLAINI. 
(n. Sp., H. DE L.-D.). 


Arch. de zoo, exp. et gén., vol, VI, pl. XXIII. 


Cette espèce est la plus petite de toutes celles que l’on recueille à 
Roscoff. Dans quelques stations, on ne la découvre qu'avec beaucoup 
d'attention et de soins, en raison même de sa petitesse. 

Son histoire présente quelques traits aussi curieux qu'importants. 


LIDe: AKSEts peigne: 
3 Voir Arch, de zool, exp. et gén., vol. VI, p. 489, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 605 


CARACTÈRES., 


Extérieur !. — La forme n'est pas aussi régulièrement sphéroïdale 
que dans les espèces vivant libres, surtout quand il y a adhérence aux 
pierres ; alors elle ne représente plus guère qu'un segment de sphère ; 
mais l’ovoide se complète un peu lorsque l'animal se fixe par exemple 
sur les petites tiges de fucus *?. 

Lorsque l’adhérence a lieu sur les pierres, c'est-à-dire sur des sur- 
faces planes, le corps ne représente qu'une calotte sphérique, cor- 
respondant au côté droit, l'animal étant couché sur le côté gauche, 
par lequel il adhère ordinairement. 

L'espèce est toujours fort petite; il est bien rare qu'elle atteigne 
au plus 4 centimètre dans son plus grand diamètre, et cette longueur 
est encore certainement exceptionnelle. On peut, en considérant 
les figures Aa et lc de la planche XXIIT, reconnaître qu'un demi- 
centimètre ou un peu plus est la grandeur la plus habituelle. 

La partie convexe du corps n’est que très rarement couverte par 
des grains isolés de sable. Habituellement?, la surface est lisse et 
brillante ; mais tout autour de la calotte sphérique, représentant le 
Corps, on voit des grains de sable accumulés et formant comme une 
bordure circulaire. Nous reviendrons sur ce caractère à propos de la 
tunique. 

La couleur un peu rougeàtre rappelle celle de l’ocre rouge, légère- 
ment voilée de jaune sale, elle est due aux organes génitaux d'une 
part, à l'organe de Bojanus et au manteau d'autre part ; mais elle 
n'appartient pas à la tunique elle-même. 

Orifices. — Le caractère constant et générique des orifices est dif- 
ficile à constater, en raison de la petite taille des animaux. Il faut, 
pour le reconnaître, observer les individus bien épanouis, et pour 
cela les obtenir en parfait état, chose un peu difficile en raison de 
la large base d’adhérence du corps. Heureusement, quand on n’a 
pas blessé ou déchiré la tunique en recueillant les individus, on 
obtient facilement l’acclimatation dans des cuvettes assez petites 
pour être portées sous le microscope. 


1 Voir Arch. de 20ol, exp. et gén., vol. VI, pl. XXIIL, fig. 1. Grandeur naturelle, 

2 Voir id., id,, fig. 1 et 4 c, expl. fixé sur une tige d’algue. 

5 Voir id.,id., fig. 1 b, individu épanoui et grossi, montrant la tunique lisse dans 
sa plus grande étendue, 


606 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Quand on veut décrire la livrée des Ascidies et leur ornementa- 
tion, on est souvent gêné par le long temps que certaines d’entre 
elles mettent à s'épanouir, l'irritabilité étant pour beaucoup fort 
exagérée. La Ctenicelle de Lanceplaine n'est pas dans ce cas, elle 
s'épanouit volontiers et vit longtemps ; on peut la tourner, la dé- 
placer, elle se contracte bien un moment, mais elle rouvre bientôt 
ses oscules, de sorte qu'il est facile de voir sous le microscope l'a- 
nimal vivant soit de profilt, soit de face ?, et les dents de ses festons 
osculaires. 

Les tubes sont courts et placés assez près l’un de l’autre sur la 
face postérieure. Tantôt on les voit latéraux, quand l'animal est 
sénestre et couché sur le côté, tantôt sur le milieu du disque quand 
il est fixé sur la ligne ventrale. Si les animaux sont bien épanouis, 
les deux tubes paraissent fort gros eu égard à leur taille *. 

La teinte des orifices est rougetre, et d'autant plus vive, que la 
contraction est plus grande. Aussi, la plupart des individus contrac- 
tés montrent-ils deux points rouges correspondant aux oscules qui 
se détachent bien distinctement sur la teinte générale, également 
un peu rougeâtre, du corps *. 

Cette teinte appartient à la couche des fibres musculaires du 
manteau, au-dessus de laquelle la tunique forme comme un vernis 
qui la laisse voir par transparence. Mais tous les individus sont 
loin d’avoir cette coloration aussi marquée, ce qui embarrasse 
dans la diagnose quand ïl s’agit de reconnaître à première vue 
des espèces différentes représentées par des individus de même 
taille. 

Lorsque les animaux se contractent, les fibres se rapprochent et la 
couleur devient plus vive ; en même temps les orifices, clos et comme 
froncés, paraissent avoir des stries concentriques rouges assez 
marquées. 

Les lobes de l’orifice inspirateur * branchial présentent, à leur marge 
libre, trois dents, dont une médiane toujours plus grande que les 
latérales. 

Les lobes de l’orifice expirateur sont bordés de cinq dents ou petits 


1 Voir drch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 6, À. 
2 Voir id., td., fig. 4 et à. 

8 Voir id., id., fig. 1 b. 

k Voir id., id., fig. 1 

ë Voir id., id., pl. XXIIT, fig. 5, B. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 607 


tentacules, dont un médian, le plus grand, et deux plus petits de 
chaque côté tout près de l’échancrure ! séparant les lobes. 

Dans les individus bien caractérisés, chacune de ces dents ou pro- 
longements tentaculaires digitiformes présente le centre plus coloré, 
et l'extrémité quelquefois même d’un rouge assez vif. Mais ce n'est 
toujours pas la tunique qui est rouge, c’est bien le prolongement 
dépendant du manteau. Cela se reconnaît aisément? par l'observation 
microscopique. ' 

Les stries rayonnantes, que l'on voit avec une forte loupe autour 
des orifices contractés, sont précisément dues au rapprochement des 
appendices et à leur couleur. 

Quand on dissèque des animaux contractés ayant déjà séjourné 
dans la liqueur, pour voir les crénelures, il faut enlever avec des 
ciseaux la partie terminale des orifices perpendiculairement à l’axe 
des tubes et la porter sous le microscope. En l’examinant à un très fai- 
ble grossissement, on constate avec certitude le caractère ; toutefois, 
sans Ces précautions, on ne réussit pas à le reconnaître. Mais aussi, 
quand on l’a bien constaté une première fois, on se trouve avoir éloi- 
gné toute cause d'erreur de diagnostic et circonscrit considérable- 
ment le champ de la spécification. 

Les points colorés oculiformes manquent complètement dans cette 
espèce. 

Les fentacules sont médiocrement développés. Ils ne présentent 
point de caractères permettant d'établir des distinctions. 

Le diaphragme de l’orifice expirateur présente de grandes propor- 
tions ; aussi le plus souvent, sur les animaux conservés ou tués dans 
des liqueurs préservatrices, trouve-t-on l’orifice interne du tube 
postérieur fermé par le rapprochement des deux moitiés du dia- 
phragme ressemblant à deux valvules latérales et symétriques. 


Branchie. — L'organe * de la respiration, relativement à la taille de 
l'animal, est grand et très développé. 

Sa cavité est aplatie, comme le corps lui-même; son raphé anté- 
rieur est un peu couché sur le côté gauche, que l’on a vu être celui 
par lequel l'animal adhère le plus souvent. 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol, VI, pl. XXIIL, fig. 4, À. 
2 Voir id.,id, fig. 6, 4, orifice anal vu de profil, 
3 Voir id. id., fig. 8, 9, 10 et 11, 


608 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les méridiens sont au nombre de sept de chaque côté. Le plus an- 
térieur est fort petit et représenté seulement par une seule côte, 
formant comme une ligne saillante f. 

Le nombre des côtes est en moyenne trois ; cependant, dans quel- 
ques variétés, il est un peu moindre. 

La terminaison supérieure de ces côtes est fort remarquable et 
fournit un caractère difficile, il est vrai, à constater, en raison de la 
petitesse des animaux, mais très précis et très important?. Chaque 
côte se dégage de la tête de son méridien et se prolonge en un ap- 
pendice saillant pointu, de sorte que lorsqu'on enlève une branchie 
tout entière, son extrémité supérieure autour de la bouche paraît 
dentée en scie, avec cette disposition particulière, que le cordon 
unissant habituellement ces différentes têtes, depuis celle du méridien 
antérieur jusqu'à l’origine du raphé postérieur, existe toujours. 

Le développement de la partie antérieure du sac branchial est con- 
sidérable, comparé à celui de la partie postérieure ; aussi les deux 
méridiens postérieurs sont-ils fort courts, et les autres d'autant plus 
longs qu'on s'approche davantage du raphé antérieur ; mais comme 
ils doivent, par leurs extrémités, rejoindre en haut la bouche, en bas 
la couronne tentaculaire, il s'ensuit que les plus antérieurs sont 
fort courbés, et que l’une de leurs faces s'applique sur la paroi bran- 
chiale, ce qui cause une certaine difficulté d'observation, par la su- 
perposition des couches du tissu branchial. 

Infundibulums. — Leur disposition n’est facile ni à observer ni à 
caractériser dans les petits individus ; aussi est-il nécessaire de re- 
chercher des animaux de la plus grande taille ; mais surtout une cer- 
taine variété, à laquelle se rapportera, du reste, cette première des- 
cription. | 

Les infundibulums sont courts, trapus et arrondis én cul-de-sac; 
ils sont très peu profonds; cela ressort du petit nombre des côtes et 
du peu de saillie des méridiens. 

On ne voit point sur eux de traces de subdivisions et de bifurca- 
tions. Dans les plus belles préparations qu'il m'a été possible de réus- 
sir, ils ressemblaient à des godets peu profonds. 

Ils sont par paires entre deux parallèles, et c'est de leur séparation 


1 Voir Arch. de 2001. eæp. et gén., vol. VI, pl. XXIIÏ, fig. 9, m’. 
2 Voir id., id., fig. 8, j, portion supérieure ou péribuccale de la branchie droite 
montrant bien les dentelures de l'extrémité des têtes des méridiens. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 609 


que partent les bandes caractéristiques partageant les zones inter- 
méridiennes f. 

Les trémas qu'ils portent sont grands, distincts et décrivent 
perpendiculairement à leur axe des tours de spire, qui mesurent à 
peu près la moitié de leur circonférence totale. 

Leur nombre, depuis la base jusqu’au sommet des infundibulums, 
est de cinq à six; ce qui indique et montre très bien que leur pro- 
fondeur est peu considérable. 

Les fuseaux ou bandes intermédiaires sont larges et découpés par 
des trémas longs, réguliers et courbes. Il est peu d'exemples ? mon- 
trant aussi bien que cette variété l'orientation des fentes branchiales 
par rapport à un centre. Dans la figure 9 de la planche XXIIE, on voit 
que les ovales concentriques décrits par l’ensemble des trémas sont 
coupés suivant leur grand diamètre par les méridiens, de sorte que, 
vers la moitié d’un fuseau intermédiaire, entre deux parallèles, se 
trouve le point où, par leur convexité, deux ovales ou cercles allongés 
produits par les trémas des infundibulums deviennent tangents. 

Le nombre des trémas entre deux méridiens, limitant un fuseau, 
est de six à huit, partagés en deux groupes tangents par leur con- 
vexité et dont les courbures sont en sens inverse. 

Cette disposition des trémas est caractéristique et frappe toujours 
lorsqu'on observe la branchie de cette espèce, car elle est l’une des 
plus régulières que l’on puisse rencontrer. 

Nous verrons, en terminant la description, qu'il y aura à signaler 
des variétés de cette espèce, variétés que l’examen seul des branchies 
et particulièrement de la disposition des trémas intermédiaires pour- 
ront seuls faire reconnaître. 

Raphé antérieur. — La branchie étant fort étendue en avant, le 
raphé a, de ce côté, une grande longueur; de plus, il se porte un 
peu du côté gauche comme s’il était poussé par suite des grandes pro- 
portions que prend la branchie. 

Le raphé postérieur présente un caractère fort important, mais 
aussi difficile à voir que celui des têtes supérieures des méridiens. Il 
est grand, saillant et toujours élevé par conséquent. C’est surtout dans 
le voisinage de la bouche qu'il présente les plus grandes proportions *. 

En arrivant à la région buccale, il se couche un peu et passe sur 


! Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol, VI, pl, XXIII, fig. 9, êm. 
2 Voir id., id., fig. 9. 
$ Voir id., id., fig. 8, Rp. 


ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, = T. vil. 4877. 39 


610 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


les deux ou trois têtes des premiers méridiens postérieurs, en se 
continuant en haut avec le cordon et les parties dentelées qui unis- 
sent les têtes de droite. 

Son bord est profondément dentelé en scie (fig. 8, Rp). | 

I y à, dans cette disposition, un caractère d’une valeur réelle, et, 
bien qu’elle soit difficile à contrôler, bien surtout que sa recherche 
entraine après elle la destruction à peu près complète des échan- 
tillons, il faut néanmoins en tenir compte, afin de donner plus de 
poids à la valeur des autres particularités organiques fournissant les 
caractères. 


Tube digestif. — Xci, rien de bien caractéristique : la bouche est 
fort difficile à voir, mais 1l ne m'a point semblé devoir exister dans 
son voisinage de caractères plus importants que ceux tirés de la ter- 
minaison des raphés et des méridiens. 

L'estomac et le fose * ne paraissent pas sur le côté gauche des ani- 
maux fixés sous les pierres et par conséquent un peu sénestres. 


Les trois lobes supérieurs sont manifestes et celui qui est en dessous, 


entre la première partie de l’æsophage et le rectum, est fort petit. 
L'anse intestinale ne descend guère? que jusqu’à la mi-hauteur 


de l’espace qui sépare la base des deux orifices, et ne s’infléchit que 


très peu en arrière à son extrémité. Aussi, n'y a-t-il point ce erois- 
sant qu'on a trouvé chez quelques espèces, et y a-t-il une assez 
grande distance entre le sommet de l’anse et l’origine du tube inspi- 


rateur, c'est-à-dire la terminaison de la branchie. Nous verrons plus 


loin que cette disposition à une raison d'être. 

L'intestin présente souvent, mais en cela il y a des variations nom- 
breuses, une dilatation avant le sommet de la courbe de l’anse ; c’est 
à la place du manchon glandulaire qui a été signalé à cet endroit, 
que l’on trouve cette sorte de petite varicosité *. 

Les vermicelles de matières fécales ne sont pas toujours bien for- 
més ; le diamètre de l'intestin a toujours paru développé proportion- 
nellement à la taille des individus. | 

L'’anus est assez bas, reporté à droite, et détaché de la face posté- 
rieure de la branchie. Le rectum devient un peu libre, puis s’étrangle 
circulairement, et le bord libre de sa terminaison se renfle en un 


1 Voir Arch. de 300l. eæp. el gén., vol. VI, pl. XXILL, fig. 2, côté droit; f, le foie. 
2 Voir id., id., fig. 2, im. 
8 Voir t4., 44, 0g. 7,1 


ee” 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 611 
bourrelet circulaire. L'orifice s’aplatit un peu et devient bilabié, mais 
ce caractère n'offre en somme rien d'absolument important pour la 
détermination de cette espèce, qui est très suffisamment caractérisée 
par l'ensemble des autres dispositions organiques, 


Corps de Bojanus. — Get organe est allongé, il occupe à peu près 
le milieu de la hauteur du corps". 

La couleur de son contenu, qui occupe à peu près le milieu de 
la cavité, est d’un rouge brique assez intense. Au milieu de la lon- 
gueur, on trouve fréquemment un corps sphéroïdal dur et résistant, 
qui semble être comme le noyau ou le premier centre du dépôt. 

Ses parois sont transparentes et incolores. 

Sa direction est inclinée sur le grand axe du corps, à peu près de 
45 degrés, mais il ne faut jamais oublier que les rapports des parties 
peuvent être modifiés par l’action des réactifs. On ne trouve du reste, 
dans les caractères de l’organe rénal de la Ctenicella Lanceplainr, 
rien qui puisse conduire à une distinction spécifique ou autre quel- 
conque. 

Cœur. — I occupe sa place habituelle, au-dessous et en arrière du 
corps de Bojanus; aussi l’aorte viscérale, dans l'espèce, est-elle très 
longue; on s’en rend facilement compte en jetant les yeux sur les 
figures ?. L’éloignement du rein et de la masse viscérale, représentée 
par le foie et l'estomac, indique suffisamment la longueur de l'aorte 
viscérale. 

Sur beaucoup d'individus, les globules du sang sont d’un rouge 
bistre et remplissent les capillaires, qui alors semblent injectés et 
deviennent très évidents. C'est à ces capillaires que le manteau doit 
en grande partie sa couleur rougeûtre ; néanmoins, le tissu général 
du corps est lavé d'une teinte légèrement jaune rougeûtre. 


Le manteau est mince et ses muscles ne sont pas très forts; néan- 
moins, les tubes sont très résistants, et, quand on les retire de la 
tunique et qu'ils sont contractés, ils offrent une rigidité marquée, 
due aux nombreuses fibres circulaires et longitudinales de leurs 
parois. 

Mais les terminaisons des fibres longitudinales, qui deviennent 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 3, côté gauche, R. 
2 Voir id., fig. 3. 


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612 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


radiées à la base des tubes, se perdent dans le manteau, sans pré- 
senter de disposition spéciale méritant d’être mentionnée. 

Les fibres radiées s'étendent, sans trop se limiter exactement, sur 
la base des tubes, et l’on en voit de longues disséminées dans toute 
l’épaisseur du manteau. ‘4 

La tunique est assez épaisse, transparente ; quand on veut l’enta- 
mer, on trouve qu'elle oppose de la résistance à l'instrument tran- 
chant ; elle n’est point villeuse, seulement à sa base elle présente 
tout le tour de sa surface d’adhérence quelques prolongements 
comme des Tampons, des diverticulums radiciformes de la marge. 
Au-dessous, dans sa partie adhérente, elle est un peu plus mince; 
sa teinte est jaunâtre, mais elle est rendue un peu verdâtre par les 
produits végétaux qui se fixent sur elle. 

On ne pourrait certainement pas distinguer cette Ctenicelle des 
espèces dans le voisinage desquelles elle vit, si l’on n'avait des 
caractères positifs permettant à eux seuls de la reconnaître, surtout 
quand elle n’est pas fixée sous les pierres, où habituellement, comme 
à Per’Haridi, on la rencontre isolément. 


Le ganglion nerveux’ est petit. La glande voisine est assez ar- 
rondie et épaisse. L'organe vibratile, petit, un peu saillant, n’a point 
les extrémités de son croissant fortement recroquevillées et n'offre 
aucun caractère que je puisse signaler, l’observation en étant du 
reste fort difficile. 

Les organes de la reproduction fournissent quelques caractères re- 
marquables sur lesquels il est utile d’insister. 

Les deux glandes offrent des rapports qui m'ont paru constants. 

Le testicule ? est presque toujours supérieur à l'ovaire et assez dé- 
laché de lui; il est formé d’une multitude de petits acinis en cul-de- 
sac, blancs, plus opaques au centre que sur les bords, ce qui est dû au 
contenu ou produit de la sécrétion. Dans son ensemble, il forme une 
charmante glande en grappe, dont les trois ou quatre canaux excré- 
teurs principaux se réunissent à angle aigu en un canal déférent 
unique qu'on voit marcher à la surface de l'ovaire et qui s'ouvre au 
sommet d'un tube un peu saillant vers le milieu de la surface interne 
de la glande femelle. 


1 Voir Arch.de 200. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII. N, ganglion nerveux; 
G, glande ; V, organe vibratile. 
? Voir td., id., fig. 2, 3 et 7; T, testicule. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 613 
À gauche !, le testicule paraît entre l'ovaire et le corps de Bojanus; 
à droite ?, on le voit au-dessous de la courbe supérieure décrite par 
le rectum. 
Qu'on le remarque, le testicule étant supérieur et l'ovaire étant 
inférieur, il résulte de ces positions relatives, puisque lorifice du 
canal déférent est vers le milieu de l'ovaire, que la direction du sper- 
miducte est presque verticale et que la marche de la liqueur sé- 
minale se fait de haut en bas ; mais en considérant de près les choses, 
-on voit que le canal se reporte aussi un peu en avant vers le point où 
il doit s'ouvrir. 


L'ovarre * est jaune mamelonné quand il renferme des œufs mûrs, 
ce qui arrive presque toujours pendant les périodes de l'été; mais 
les œufs mûrs ne sont jamais en très grand nombre, et l'on voit 
constamment une portion supérieure de l'ovaire à l’état glandulaire 
ne renfermant que des germes encore peu développés. 

La glande a la forme d'une poire dont la base serait tournée en 
haut, et la queue représenterait l’oviducte, dirigée en bas et en avant; 
elle se courbe même assez pour dépasser soit l'extrémité inférieure 
du corps de Bojanus, soit le bas de l’anse intestinale*. 

La direction de l’oviducte est la même que celle qu’on a vu prendre 
par le canal déférent tout près de son orifice. Il descend en bas, et loin 
de se porter en arrière, comme on l’a vu dans la plupart des cas 
. précédents, il se dirige en avant en formant une crosse renversée. 
C'est une disposition tout à fait inverse de celle qu’on a vue, par 
exemple, dans l'Anurella oculata ÿ. La conséquence de cette marche 
est que, dans la courbe décrite par l’oviducte et ouverte en avant on 
trouve à droite le sommet de l’anse intestinale, à gauche l'extrémité 
inférieure du corps de Bojanus. 


L'embryon urodèle se développe dans la chambre péribranchiale, 
fort grande, surtout en avant et en bas; aussi, quand on tue les ani- 
maux dans des liquides durcissants, on observe des amas de jeunes 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig.3. T, testicule; O, ovaire; 
R, corps rénal. 

? Voir id., id., fig. 2. T, testicule; O, ovaire; e, masse d’embryons réunis. 

3 Voir id., id., les figures 2, 3 et 7, O. . 

* Voir id., id. fig. 7. O, ovaire; 00, ouverture de l’oviducte revenue en avant et 
au-dessous de l’anse intestinale. 

5 Voir t4., #4., pl. XIV, fig. 9. 


614 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


animaux tenant la branchie éloignée du manteau ét soulevant 
l'intestin même. | 

Les œufs et les embryons se réunissent à droite, en formant une 
bande qui descend d’abord et remonte ensuite en entourant l’extré- 
mité inférieure de l’anse intestinale, enfin ils s'accumulent au- 
dessous des glandes génitales. 

Du côté droit, ils remontent jusqu'au raphé antérieur et parais- 
sent même sur le côté gauche ?, tandis que sur le côté gauche ils ne 
remontent que jusqu’à l'extrémité inférieure de l'organe rénal. 

C'est à cette accumulation et à l’incubation de ces produits de la 
reproduction, qu'il faut attribuer l’écartement très grand qu'on 
observe entre la branchie, d’une part, et le manteau, de l’autre ; d’où 
résulte une chambre péribranchiale très étendue. 

L'incubation des œufs et la gestation des embryons est dont un 
fait constant dans cette espèce, et la taille que prennent les têtards 
dans la cavité branchiale est telle, que, encore enfermés dans la 
coque de l’œuf, ils peuvent mesurer une surface égale au tiers, pres- 
que à la moitié de l'ovaire *. 

La sortie des jeunes s'effectue comme dans les autres espèces : 
la mère se contracte brusquement et lance un jet d’embryons ; mais 
quelquefois aussi, les orifices étant épanouis, les têlards dégagés de 
leur coque sortent d'eux-mêmes en nageant. | 


STATION. 


J'ai trouvé la Cfenicella qui nous occupe dans des stations fort dif- 
férentes. 

Je l'ai rencontrée sous les pierres, sur les fucus flottants, surtout 
sur les Gystoceris du canal, au milieu des Pentacrines, et enfin mêlée 
aux Molqula echinosiphonica et Anurella Blerzi, fixée à la voûte des 
grottes tapissées par la Cynthia rustica, à Roléa et au Loup. 

Cette espèce a été trouvée pour la première fois au milieu des ani- 

“maux sans nombre qui couvrent les grosses tiges de Cystoceris, et où 
je trouvai à profusion, dès 1868, les Pentacrines. 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 2 et 3, e, e, groupes 
d'œufs et d’enabryons incubés dans la cavité péribranchiale. 

2 Voir id., id., fig. 3,e,e. 

3 Voir id., id., loc. cit., pl. XXIII, fig. 7. e, embryon dessiné à la chambre claire 
dans les mêmes conditions que l’ovaire placé au-dessus. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 615 


Les échantillons pèchés sur les Cystoceris sont plus gros que ceux 
qui habitent sous les pierres. Ils sont aussi moins déformés et d’une 
apparence très différente de ces derniers. Ceux qu'on pêche autour 
de Duslen dans lé canal, près des Péerres aveugles, sont brunâtres ! et 
leur tunique, le plus souvent un peu villeuse, agglutine dans toute son 
étendue quelques-uns des grains du sable léger que transporte l’eau. 

On rencontre fréquemment cette petite espèce ainsi couverte com- 
plétement de sable au milieu d’une autre petite Ascidie mais com- 
posée, recouverte également de sable, et qui extérieurement lui 
ressemble entièrement. Quand on a acquis une certaine habitude, 
au toucher seul on ne s'y trompe pas. La Molgulide se contracte et 
offre sous le doigt, à la pression, une résistance que ne présente pas 
l’Ascidie composée. Celle-ci ést extrêmement abondante, tandis que 
la Ctenicelle est relativement rare. 

Aux Pierres aveugles j'en ai trouvé des échantillons fort beaux et 
d'une teinte claire. | 

A Bréha, entre Roc-Louet et les Rooh, elle se trouve aussi sous les 
pierres. | 

Près de Crozon, dans l’anse de Morgate, je l'ai rencontrée avec 
une taille peut-être plus grande que dans toutes les autres localités, 
adhérentes aux roches, dans le voisinage des grottes. 

Sous les pierres de Per’Haridi, il ne m'a point été possible de la 
rencontrer avant les mois de juillet et la fin de juin. Je l'ai cepen- 
dant trouvée à Bréha dans le mois de mai; c’est vers le 15 d'août que 
je l'ai eue à Morgate. 

Elle est loin d’être rare, mais elle est bien moins fréquente sur les 
Cynthia rustica que sur la Molqula echinosiphonica. C'est surtout sous 
les pierres qu'on a le plus de chance de la trouver abondamment; 
pourvu qu'elle habite une localité, elle y est fréquente. 

Sous le fortin de Per'Haridi au sud-ouest, on trouve quelques 
flaques d'eau qui rarement cessent d'exister à marée basse. Aussi, le 
dessous des pierres quis”y rencontrent y est-il couvert d’Ascidies com- 
posées nombreuses et variées, de Botrylles, de Didemnum, d'Eponges 
et de tubes d'Annélides, de Spirorbes, Serpules, Filigranes, etc. 

C'est là que la Céenicella Lanceplaini à été trouvée pour la pre- 
mière fois. Elle n'y est pas rare, seulement il faut savoir la chercher 


Voir Arch. de zool. exp. et gén., pl. XXIIL, fig. 1, c, Ctenicella Lanceplaini atta- 
chée à une tige de Cystoreris. 


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616 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 
pour en avoir des échanüllons, toujours du reste assez difficiles à 
obtenir intacts. 

Après avoir tourné une pierre dans cet endroit propice, on ne dis- 
tingue rien immédiatement. Il faut attendre que la surface de la 
pierre se soit un peu égouttée et que le brillant général que donne 
l'eau se soit éteint; alors, en inclinant légèrement la tête pour 
regarder obliquement, on voit de tout petits points brillants qui 
répondent à la partie lisse et bombée de la tunique de l'animal. L’at- 
tention une première fois éveillée sur cette particularité d’observa- 
tion, on reconnaît bientôt dix, quinze, vingt individus sous une 
même pierre. 

Reste à détacher la Molgulide ; la chose n’est point aisée, Il faut 
gratter le rocher en évitant d'entamer la tunique. 

Le cas le plus heureux pour avoir les échantillons intacts est celui 
où ils se sont fixés sur des Ascidies composées ou autres animaux ; 
alors on est assuré, en enlevant ceux-ci, de respecter ceux-là. C'est 
ainsi que j'ai eu des lames de Botrylles, portant plusieurs Ctenicelles, 
qui s’épanouissaient parfaitement, car elles étaient absolument sans 
blessures. 

Sur les fucus, dans le canal, la Ctenicelle est rare, et sur les Cyn- 
thias elle est difficile à voir. On ne l’y distingue habituellement que 
par les préparations anatomiques; elle est en effet fort difficile à 
reconnaitre par l'examen de l'extérieur seul au milieu des autres 
espèces lorsque les individus ont même taille. 


SYNONYMIE. 


Est-il possible de rapporter la Ctenicella Lanceplaint à l'une des 
espèces déjà décrites par les auteurs ? 

La Mol. nana, du professeur Kupffer‘, a le bord du raphé posté- 
rieur lisse. [ci, c’est un caractère inverse qui se rencontre : la marge 
libre de ce repli est dentelée en scie. Il n’est donc pas possible de 
réunir ces deux espèces en une seule. 

Les espèces américaines signalées dès le commencement de ce 


travail sont toutes de grande taille et ne semblent pas offrir les ca- 


ractères de notre genre et de notre espèce. 
Reste la Mol. complanata, de Hancock, qui, à certains égards, se 


1 Voir KuPrFrER, loc. cit. pag. 294, fig. 10. 


COR ER RÉ nne dé 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 617 
rapproche de l'espèce, mais dont la description me semble insuffi- 
sante pour arriver à réunir les deux. 

On va juger, une fois de plus, combien il est nécessaire d’avoir 
sous les yeux les détails et les dessins des particularités caractéristi- 
ques indiquées par les auteurs pour pouvoir arriver à des détermi- 
nations inattaquables. 

Voici la diagnose donnée par M. A. Hancock : 

« Corps très déprimé, plus long que large, adhérent par toute sa 
longueur, couvert de sable et de petits fragments de coquille. Ouver- 
tures séparées par une petite distance : la branchiale vers la marge, 
l’anale vers le centre du disque. Tunique plutôt mince, couverte de 
longues et simples fibrilles auxquelles le sable est attaché. Surface 
inférieure très mince et unie, avec seulement quelques grains de 
sable. Manteau transparent, faiblement attaché à la tunique ; muscles 
puissants, radiés autour des ouvertures. Filaments tentaculaires sim- 
plement pinnés. Sac branchal avec six plis sur le côté droit et sept 
sur le côté gauche. Les mailles, grandement convolutées. Canal 
intestinal formant une simple et longue circonvolution ; foie d’un 
vert pâle, plissé et laminaire. Organes reproducteurs formant une 
masse oblongue, ovale de chaque côté ; celle du côté droit placée 
immédiatement au-dessous de la circonvolution de l'intestin. L'ovi- 
ducte tourné du côté postérieur. Longueur, 3 dixièmes et demi de 
pouce. 

«Nous avons vu seulement un spécimen de cette espèce très carac- 
térisée. Il était adhérent au-dessous d'une coquille morte de Patella 
vulgata, draguée à Guernesey par M. Jeffreys et le rév. A. Norman 
en 1865. 

« La forme déprimée et la large surface d'attache de cette petite 
Molgula sont des caractères très peu habituels dans ce genre. Une 
autre particularité se remarque dans la position renversée de l’ovi- 
ducte 1.» 

Il n'y a que peu de caractères qui puissent permettre de rappro- 
cher notre Ctenicella Lanceplaint de la Molgula complanata de Han- 
cock. Ge sont : la fixation par une large base et la direction de 
l’oviducte. 

Qu'on ne l’oublie pas, Hancock pose l’Ascidie différemment que 
nous. Ce qu'il dit être postérieur est justement antérieur pour nous. 


! Voir Hancock, loc. cit., p. 366. 


618 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Faut-il reconnaître dans cette direction de l’oviducte un caractère 
exclusif et qui puisse permettre de rapprocher la Mol/qula complanata 
de notre Ctenicelle ? Je ne le pense pas, puisque ces espèces ne sont 
pas les seules présentant ce caractère. 

Le nombre des méridiens offre, d'après l’auteur anglais, une 
particularité qu'il est nécessaire de ne pas négliger. Six plis s’ob- 
servent d'un côté, sept de l’autre, dans la A. complanata, tandis 
qu'ici nous avons donné comme caractères de notre espèce l'existence 
de sept méridiens, l’antérieur étant extrèmement petit et représenté 
seulement par une ou deux côtes. Il y aurait donc entre les deux 
espèces une différence marquée dans la composition de la branchie. 

Mais Hancock ne parle pas des dents, des lobes ou festons des 
oscules. Il n'indique pas davantage comment se terminent les méri- 
diens en haut vers la bouche, où on a vu que chaque côté dépasse 
le méridien et forme une pointe saillante ; enfin, pour les orifices 
mâles, il est encore muet. Cependant, bien souvent, il y a un carac- 
tère important tiré des rapports des orifices mâles et des orifices 
femelles ; et comme nous allons rencontrer une autre espèce offrant 
également l'ouverture de l'orifice génital en avant, cette indication 
relative à la position de l’orifice femelle ne suffit pas. 

Le caractère tiré de la circonvolution des trémas ne me paraît pas 
avoir de valeur, car, dans plus d’une espèce étudiée précédemment, 
on a vu ces fentes branchiales être contournées souvent très gra- 
cieusement autour des bases des infundibulums. 

Jé crois donc qu'on doit faire une espèce pour cet animal et le 
placer dans le genre Cfenicella. Je l'ai dédiée à celui qui, le premier, 
l’a trouvée sous Per Haridi, ainsi qu'au milieu des algues du canal, 
près de Duslen. 

J'ai visité Roscoff pour la première fois en 1868. C’est à cette époque 
que je découvris les embryons anoures des Ascidies. En 1869, j'avais 
commencé àrecueillir les espèces des Ascidies simples, eten 1870, alors 
maître de conférences à l'Ecole normale supérieure, j'avais guidé sur 
les grèves de Roscoff quelques-uns de mes élèves de cette école qui se 
destinaient aux sciences naturelles; je leur avais montré non seule- 
ment comment on cherche les animaux marins, mais encore je leur 
avais fait recueillir la plupart des animaux que je décris aujourd'hui. 
Si les faits que j'indique étaient mis en doute, puis-je eroire quil 
me serait possible d’invoquer les souvenirs et la bonne foi de quelques- 
uns d’entre eux ? 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 619 


Je tiens peu à faire une espèce nouvelle de plus, mais j'affirme 
que les espèces d’Ascidies simples que je décris dans ce travail ont 
été déterminées par moi le premier à Roscoff, je suis donc en droit de 
nommer les espèces que j'ai trouvées dans cette localité. 

Depuis 1860, époque de mes recherches en Afrique sur le corail, 
l’ancien marin Pierre Lanceplaine m'a toujours accompagné dans 
mes voyages, et depuis bientôt vingt ans son dévouement pour moi 
ne s’est jamais démenti un instant. 

Il m'en a donné de nouvelles preuves dans la Méetr et douloureuse 
maladie que j'ai contractée pendant mes recherches à la mer; les 
soins affectueusement dévoués dont il n’a cessé de m'entourer surtout 
pendant les deux cruelles années de maladie, 1877 et 1878, m'ont 
prouvé que, du moins, je puis compter sur quelques attachements 

sincères. 

Je lui dédie cette espèce, parce que le premier il l’a trouvée et je 
suis heureux d’avoir cette occasion de le remercier de son dé- 
vouement. | 


VARIÉTÉS. 


L'étude de la branchie de la Cfenrcella Lanceplaini ne laisse pas que 
de donner quelque embarras. Quand on fait des déterminations on 
trouve en effet trois dispositions qui, au premier abord, paraissent 
caractériser trois espèces. 

Que l’on compare les trois figures 9, 40 et 11 de la planche XXII, 
et l’on remarquera d'importantes différences dans la grandeur, la 
forme et les rapports des trémas. Ces différences me semblent suffi- 
santes pour faire admettre trois variétés. 


Variété a. — C'est la première qui a été décrite; les trémas sont 
circulaires, réguliers, et leur centre de coordination est placé sous les 
méridiens ; mais dans les fuseaux interméridiensils sont interrompus 
par une bande de tissus qui est à égale distance en haut et en bas 
des parallèles, fort distincts, entre lesquels sont enfermés les cercles 
des bases infundibulaires. 

Aussi les trémas ne mesurent-ils que la moitié tout au plus de 
l'étendue qui sépare deux parallèles. 

C'est la forme la plus commune, la plus habituelle et presque cer- 


1 Voir Arch. de zool. exp. ef gén., pl. XXILL, fig. 9. 


620 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


taine chez les plus gros individus trouvés soit sur les Algues, soit au 
milieu des Cynthies des grottes. 

On peut la désigner, sans attacher plus d'importance que n’est 
besoin à cette distinction, par le nom de Cienicella (Lanceplaini) 
intersecla. 


Variété 61. — La deuxième variété est assez fréquente ; son carac- 
tère a été dessiné dans la planche relative à cette espèce : on la re- 
connaît très vite, pourvu que la branchie soit suffisamment étendue 
et bien préparée, car, sur les animaux contractés, ces différents ca- 
ractères ne se reconnaissent qu'avec difficulté. Les trémas sont très 
petits et très éloignés les uns des autres; la membrane fondamentale 
est comme percée çà et là de très petites fentes ou boutonnières ; 
les parallèles sont bien évidents et établissent une démarcation 
entre les trémas divers, qui s'’ordonnent cependant entre eux de 
facon à laisser deviner des courbes dont les centres sont sous les 
méridiens, dans lesquels existent des infundibulums peu visibles. 

Les méridiens sont fort peu saillants et développés ; le dernier sur- 
tout, au voisinage du raphé antérieur, est représenté par une simple 
côte. 

On peut nommer cette espèce, pour la distinguer par une épithète 
simple : Ctericella (Lanceplaint) nacrotema. 


Variété %*. — Enfin, la troisième variété offre une disposition des 
plus élégantes, que je n'ai rencontrée que sur les échantillons fort 
petits, fixés sous les pierres de Per’Haridi. Les trémas, en croissants, 
s’enlacent par leurs extrémités et décrivent des spirales dont les 
sommets se cachent sous les méridiens, qui sont plus grands que 
dans la variété précédente, mais aussi bien plus petits que dans la 
première forme. Ils donnent une apparence générale à la branchie 
fort élégante et très lisible. 

Cette variété mérite bien le nom, d’après cette disposition, de 
Ctenicella (Lanceplaïni) eugyranda ; en effet, ses trémas tournent élé- 
gamment en laissant l'impression d'une vague spirale. | 


Quand on compare ces trois variétés des branchies, on est tenté, 


‘ Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 10. 
? Voir de td. id., fig. 11. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 621 
comme je l'ai été bien des fois, je dois le dire, de faire pour elles des 
espèces distinctes. Mais alors, dans quel genre les placer, si les diffé- 
rences qu'elles présentent avaient une valeur réellement spécifique ? 
Le caractère des dentelures des orifices aurait pris une valeur trop 
grande, etje me serais vu forcé de multiplier les coupes génériques. 
D'ailleurs, il était fort difficile de trouver une distinction assez abso- 
lue entre les différents individus pour pouvoir admettre des espèces. 
Car la disposition particulière de l'ouverture des conduits excréteurs 
de la glande femelle serait devenue un caractère générique, et dès 
lors on se trouverait entrainé beaucoup trop loin par cette sépara- 
tion, et le morcellement des genres en sous-genres n'aurait plus de 
limites. 

Mais il est une question qui se pose d'elle-même. Ces différences 
organiques des branchies ne seraient-elles pas en rapport avec l’âge 
et le degré de développement des animaux? Je l’ai pensé d’abord 
pour les variétés à et'y; car bien des faits relatifs au développement 
de la branchie et à la formation des trémas prouvent qu'à ses diffé- 
rentes phases d'évolution, l'organe respiratoire présente des va- 
riations tout aussi grandes que celles que l’on rencontre entre des 
espèces distinctes. Mais il s’est toujours trouvé que les individus 
offrant les formes caractéristiques des variétés avaient leurs organes 
de la reproduction développés, condition qui peut conduire à penser 
que la forme des branchies appartient à un état voisin de l’état 
adulte, si ce n’est à cet état lui-même. 

Il resterait d’ailleurs cette difficulté que la variété 6, avec ses petits 
trémas (microtrema), atteint souvent la grandeur de la première variété 
et, dans tous les cas, ne présente pas, malgré .encore la petitesse des 
fentes branchiales, d’analogie avec les animaux dont les branchies 
sont mcomplètement formées chez les très jeunes individus. 

D'un autre côté, si l’on acceptait la direction des canaux excréteurs 
de l'ovaire comme fournissant un caractère genérique, on arriverait 
à multiplier, plus qu'il n’est utile, les distinctions des genres, et il 
deviendrait nécessaire alors de donner une importance qu'ils ne me 
paraissent pas avoir à quelques caractères que l’on doit signaler, 
mais qu'on ne peut placer au premier rang. 

En résumé, la Ctenicella Lanceplaint est une espèce parfaitement 
caractérisée, mais ayant dans sa branchie des différences justifiant 
la distinction des variétés. 

Il est enfin incontestable, d'après l'existence mème de ces variétés, 


622 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


que la branchie, dans les différences qu'elle présente, ne peut fournir 
les caractères de premier ordre pour l'établissement des genres dans 
la famille des Molgulidés ; car, dans une même espèce, on rencontre 
incontestablement des différences qui, si elles étaient seules considé- 
rées, prendraient une importance qu'elles n'ont pas quand on les 
rapproche des autres dispositions organiques. 

Il m'est arrivé bien des fois de montrer des préparations très 
réussies des trois variétés que je viens de décrire, et l’on a souvent 
répondu à ma demande, si c'était la branchie d'une seule et même 
espèce, que ces préparations appartenaient à des genres distincts. 

On a, dans l'exemple de cette Ctenicelle, une preuve nouvelle de 
la nécessité de faire intervenir l'étude de tous les organes dans l’éta- 
blissement d’une espèce et surtout d'un genre, et non l’un des or- 
ganes le plus en évidence, comme cela a été fait bien souvent, ce qui 
a conduit à des genres qui n’ont aucune valeur et qui n'existent pas. 


9° ESPÈCE. 
CTENICELLE DE MORGATE. CTENICELLA MORGATÆ (n. SPp., H. DE L.-D.). 


Arch. de 30ol. exp., vol. VI, pl. XXIV. 


Cette espèce est intéressante ; elle est parfaitement caractérisée. 
Je l’ai trouvée à Morgate, où, sans être rare, elle ne m'a pas paru 
très abondante. 

Je dois dire que lorsque je l'ai trouvée au mois d'août, par une 
grande marée, il plut pendant toute l’excursion, et les recherches des 
animaux pendant les rafales et la pluie sont toujours bien moins 
fructueuses que par le beau temps; l'eau douce qui recouvre les ami- 
maux incessamment les fait contracter, et la couche de liquide qui 
les baigne s'oppose à ce qu'il soit possible de les reconnaître aussi 
facilement. Elle pourrait dont être plus fréquente que je ne puis le 
dire après une seule excursion. 


CARACTÈRES. 


Extérieur!.— La forme de cette espèce n’a rien de particulier. Les 
individus vivent rapprochés et fixés par le bord antérieur de leur 
corps; les deux orifices, assez éloignés, sont du côté postérieur. L'ap- 


1 Voir Arch. de 2001, exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig, 41. 


Pau cmt a va 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 623 


parence est celle de toutes les Molgulidées fixées et couvertes de 
sable; elles ont les orifices en haut, et leur couleur générale est celle 
que leur donne le fond sablonneux de la localité où elles habitent. 
La teinte seule des oscules prend un caractère propre. 

L'un des plus grands échantillons recueillis avait suivant son grand 
diamètre 2 centimètres et demi, près de 3 centimètres. 

Orifices. — Les tubes n'ont pas une grande longueur sur les ani- 
maux vivants et bien épanouis ; on voit la couronne des festons s’éle- 
ver à quelques millimètres au-dessus du globe du corps ; le pourtour 
des festons est dépourvu de villosités et par conséquent de sable. 

Observés normalement quand ils sont bien épanouis, les orifices 
sont très régulièrement festonnés et infundibulaires. Les festons, ai- 
gus et bien saillants, sont séparés entre eux par une échancrure an- 
gulaire très nette !. 

Il n'y a pas de points colorés oculiformes dans les angles ; mais 
une bande étroite d’un jaune pâle, jaune de Naples un peu foncé, 
descend vers le fond. Aux deux orifices, les angles ou festons pré- 
sentent cette même couleur, qui diminue en s’avançant vers le fond 
de l’orifice et se continue ainsi en une délicate bandelette. 

Les dentelures caractéristiques du genre sont extrêmement 
faciles à voir et à constater sur les animaux vivants. On en trouve 
trois à chaque feston de l'orifice inspirateur, et sept aux festons 
de l’orifice expirateur. 

Le diaphragme * de l'orifice expirateur est très développé, si bien 
que, dans les animaux conservés dans les liqueurs, on voit deux lobes 
bombés séparés par une fente un peu plissée sur ses bords rap- 
prochés et fermant complètement la lumière du canal. Le repli 
semble échancré en avant, tandis qu’en arrière une petite saillie 
médiane le prolonge sur la face antérieure de ia partie postérieure 
du manteau comme un petit tubercule pointu. 

La longueur des tubes est assez grande quand on les a dépouillés 
de leur tunique. Le postérieur ou expirateur est à coup sûr plus 
long * que l'inspirateur, et, sur quelques individus, il est possible de 
trouver quelque ressemblance avec ce qui a été indiqué chez l'Anu- 
rella solenota. Si l'on ne voit pas le caractère sur l'animal vivant, cela 
tient évidemment à l'épaisseur de la tunique. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 1 ,4et5. 
? Voir id., id., pl. XXIV, fig. 7, Va. 
3 Voirid., id., fig. 2 et 3, animaux dépouillés de leur tunique. 


624 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les {entacules sont, dans les animaux vivants et bien épanouis, très 
longs et grêles; ils sont recouverts, du côté de la cavité branchiale, 
par une matière colorée qui paraît blanc rougeûtre par réflexion et 
noirâtre par réfraction, et qui les fait se dessiner au-dessus du fond 
noir obscur de la cavité !. Comme le diamètre de l'orifice est grand, 
ils s’allongent beaucoup et paraissent comme des filets grêles blancs, 
s’entre-Croisant dans la lumière de l'entrée de la branchie. La tige 
centrale * est longue et doublée sur son dos par une partie membra- 
neuse transparente peu bouillonnée; les filaments latéraux présen- 
tent sur leurs côtés à peine quelques petits tubercules ; entre eux 
s'élèvent, de petites papilles non branchues. On peut donc dire que 
les tentacules sont bipinnés, mais que les pinnules de second 
ordre sont fort peu développés. 

On compte à peu près douze tentacules grands, égaux, et autant 
de petits alternant avec les premiers ; mais deux de ces derniers, les 
plus voisins du raphé postérieur, sont presque égaux aux plus grands. 


Branchie. — La cavité de l'organe respiratoire est grande et bien 
disposée, son observation est facile. 

On y compte sept méridiens de chaque côté, parfaitement symé- 
triques. 

Les deux antérieurs ne présentent que deux côtes et sont bien 
moins développés que les autres. 

Les deux postérieurs offrent une particularité importante à indi- 
quer : ils sont de longueur fort différente ; l’un à droite est beaucoup 
plus court que celui de gauche, et les rapports avec le raphé sont 
bien différents de ce qu'ils sont habituellement, ainsi qu’on le verra 
à propos de ces derniers organes. 

Les énfundibulums sont unis deux par deux et sont très faciles à 
lire. Les côtes, au nombre de trois d’une façon assez constante, 
n’ont pas une grande élévation et limitent, avec les bandes parallèles, 
des espaces carrés assez réguliers au nombre de deux, dans lesquels 
on voit les deux moitiés d'un infundibulum. Dans le carré voisin du 
bord libre se trouve la terminaison de l’infundibulum en forme de 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 4, B. On voit dans le 
fond noir de orifice comme un réseau blanc qui se trouve au-devant du cercle noiï- 
râtre sur lequel ils se dessinent. 

2 Voir id., id., fig. 10. La teinte rouge de l’axe central est un peu trop forcée, 

$ Voir id., id., fig. 12. 


| 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 625 


dôme un peu conique, toujours indépendant au milieu de la cage 
formée par les baguettes ou côtes. 

Les trémas! de la partie interméridienne présentent une disposi- 
tion particulière qui ne peut manquer de frapper, car elle prouve 
combien les formes sont peu corrélatives alors que tout devrait faire 
supposer qu'elles sont en rapport les unes avec les autres. On compte 
environ de huit à dix trémas dans l'étendue d'un fuseau interméri- 
dien entre les bases des infundibulums de deux méridiens voisins; ils 
sont à peu près parallèles entre eux et presque droits, à peine un peu 
courbés vers leurs extrémités, qui s’approchent des bandes ou vais- 
seaux parallèles. 

Mais un caractère constant, bien différent de ce qu'on a déjà vu 
ailleurs, est celui-ci : les trémas ont la longueur de la moitié de la 
base d’un infundibulum et ne sont point divisés, de sorte qu'ayant 
deux méridiens voisins renversés à droite et à gauche devant soi, on 
trouve une série de fentes à peu près d’égale grandeur allant d’un 
infundibulum à l’autre et formant une grille fort régulière, à ba- 
guettes parallèles aux méridiens. Je n’ai vu cette disposition dans 
aucune autre Molgulidé. | 

Les trémas des infundibulums sont, de même, parallèles aux 
côtes et sont, toutes proportions gardées, très grands ; car on n'en 
compte, pour chaque moitié d'un infundibulum, que trois ou quatre ; 
ils ont du reste la même largeur que ceux de la bande interméri- 
dienne, dont ils sont évidemment la continuation. Dans plus d'un 
endroit de la branchie, ils s’inclinent un peu, et devenant presque 
obliques, ils paraissent s'élever vers le sommet en décrivant quelques 
tours d’une spirale oblique et lentement enroulée. 

Les infundibulums sont en définitive doubles, bifurqués ; mais la 
bifurcation est si près de leur base, qu'ils paraissent géminés et rap- 
prochés deux à deux. 

Ce sont les vaisseaux qui produisent les très régulières lignes trans- 
versales que nous nommons les parallèles ; mais une disposition spé- 
ciale à l'espèce et très constante est celle-ci : du sommet même du 
cône de l’infundibulum, près du bord libre du méridien, descend un 
vaisseau placé sur la face postérieure ou externe de la branchie qui 
coupe perpendiculairement les trémas de l’infundibulum et de l’es- 
pace interméridien. On voit ce filament grèle et délicat marcher pa- 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI V, fig. 12. 


ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, æT,. VI. 4877. 40 


626 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


rallèlement et à égale distance des vaisseaux séparant les infun- 
dibulums. L'histoire des têtes supérieures des méridiens se rapporte 
à celle des r'aphés. 

Lé raphé antérieur‘ est bien développé, mais il s'arrête loin de la 
bouche, ét le cordon qui descénd de son sommet pour se rendre 
dans le déssous de l'entrée buccale, décrit une courbe régulière au- 
dessous dé cet orificé ét donné insértion aux six Cordons nés dé la tête 
des six méridiens antérieurs gauches. Ces cordons, terminant les mé- 
ridiens, sont longs et bien détachés ; ils sont d'autant plus longs 
qu'ils sont nés sur les méridiens les plus antérieurs. 

Mais il faut le noter, car c’est un caractère assez rarë pour qu'il 
soit utile d'insistér : la tête du premier méridien postérieur droit 
n'a pas de Cordon, et, par conséquent, ést tout à fait sans rapport 
immédiat avec lé raphé antérieur. 

Le raphé postérieur * n'a pas une disposition moins curieuse, D'une 
taille médiocre cominé hauteur, il s’avance jusqu'auprès dé la bouché 
vérticaléent, puis se porte à gauché ët décrit une courbe à conca- 
vité tournée vers la droite, én laissant parfaitement libre la tête du 
premier méridien postérieur droit, qu'il entoure; son bord se découpe 
en dents dé scie très évidentes, puis sé continue én un Cordon qui 
remonte jusqu à la tèté du prémier méridien antérieur, en rece- 
vant sur son trajet les prolongements des têtes de tous les autres 
méridiens: 

Les têtes de ceux-ci portent à peine quelques épines, une ou deux 
peu accusées, et ne présentent pas la disposition qu'on à vue dans la 
Cienicella précédente. 

Il y a en résumé, et comme on vient de le voir, une série de carac- 
tères très positifs dans l'organisätiôn de là branchié, à laquelle évi- 
demment il faut attacher une grande importance. 

Enfin le fond du raphé antérieur”, tout près de la couronne tenta- 
culäire, présente sur les côtés quelques papilles saillantes comme 
l’on en a vu sur la même partie de la Molqula socialis; 


Tube digestif. — La bouche présente bien le croissant supérieur 


1 Voir Arch. de zool. exp. el gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 6, Région buccale mon- 
trant la termindison dés méridiens et des raphés; Ra, filet descendant du méridien 
antérieur: 

2 Voir id., id., fig. 6, Rp. 

3 Voir id., id., fig. 12. 

# Voir id., id., fig. 3 et 7. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 627 


allant de droite à gauche et de haut en bas, mais le croissant imfé- 
rieur né se reconnait pas aisément. Si dans la description de cet 
orifice on fait rentrer la terminaison des méridiens et des raphés, 
on voit, se rapportant à cette partie, une série de caractères d’une 
indiscutable valeur. 

L'estomac et le foie ne sont pas très développés ; à droite, le foie 
est entièrement détaché de la branchie et s’insinue par conséquent 
entre les lames du manteau. 

L'entestin! est long, et l’anse qu'il décrit descend fort bas, au ni- 
veau de l’origine du tube inspirateur. Le corps de l'animal étant pres- 
que sphérique, l'intestin s’avance très près de la limite antérieure et 
laisse en arrière, entre la base du tube expirateur ét lui, un grand 
espace occupé par les glandes génitales. 

Il faut observer aussi que, vers le sommet de l’anse, les deux par- 
ties de l'intestin ne se touchent pas ?. 

Les vermicelles sont bien formés dans toute la longueur de l’intes- 
tin, et l’on ne voit pas de manchon glandulaire vers la première moi- 
tié de l’anse. 

L'anus* est libre de toute adhérence; habituellement le rectum, 
dans son voisinage, se ressérre et l'orifice paraît entouré d’un bour- 
relet. Ce bourrelet est aplati ainsi que la fente, et l’orifice semble 
bilabié. 


L'organe de Bojanus! est très-différent de ce qu'il est habituelle- 
ment; il est fort petit, court, un peu courbé, et ne mesure guère 
plus que le tiers de la grandeur du diamètre transverse ou petit dia- 
mètre de l’ovoïde ; il est au-dessus de la moitié inférieure du corps 
et incline de 45 degrés sur l'axe vertical. Son extrémité inférieure 
est à peu près au milleu de la surface du corps. 

La grande différence est dans les rapports que présentent le rein et 
l'organe génital. Ordinairement, celui-ci à sa limite supérieure 
convexe, et cette convexité vient se placer dans la concavité de la 
courbe de l'organe rénal, en laissant entre les deux parties une cavité 
destinée à loger le cœur. 


1 Voir Arch. de 2001. exp, et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig, 2, à, 
? Voir id., id., fig. 7, t. 
3 Voir id., id., fig. 7, a. 
#, Vois 44., id., ee 3, À. 


628 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Ici, rien de semblable ne s'observe : l'extrémité inférieure du rein 
est tout simplement tangente au bord convexe de la masse génitale. 

Nous aurons à revenir à propos des organes reproducteurs sur 
cette disposition, qui est exceptionnelle. 

Le contenu du rein est rougeûtre et sa concrétion varie évidem- 
ment beaucoup avec l’âge des animaux. 

Cœur. — Par la position du corps même de Bojanus, on peut voir 
que le cœur est éloigné de la masse viscérale, et, par conséquent, que 
l'aorte splanchnique doit être assez longue. 


Le tissu du corps et le manteau ne présentent rien de spécial. 

Les muscles des deux tubes ou orifices sont forts, et l’on voit les 
fibres circulaires descendre assez bas autour de la base des tubes. 
Les fibres longitudinales sont de même très marquées, et les siphons, 
quand on les observe chez les animaux conservés, paraissent charnus 
et robustes. | | 

La tunique? est épaisse et couverte de fibrilles agglutinantes fixant 
le sable à sa surface ; elle reproduit exactement toutes les disposi- 
tions de la face externe du manteau, et surtout des orifices. La temte 
jaune de ces derniers est dans la couche externe du manteau et 
parait par transparence. 


Le ganglion nerveux est à droite, allongé, parallèle au côté droit 
de l’angle d'origine du raphé postérieur*. Cet angle est aigu et son 
somméêt remonte assez haut. Les lèvres du cercle péricoronal sont 
rapprochées, serrées, et, par leur réunion, forment un cordon demi- 
cylindrique. La lèvre supérieure gauche de ce cordon remonte assez 
haut, de sorte qu'à son origine le raphé postérieur est doublé d’une 
seconde membrane. | 

La glande voisine du ganglion est cachée derrière l'organe vrbra- 
tile*. Celui-ci est à peu près sphérique, arrondi, et tout au plus un 
peu déprimé sur son bord gauche. 

Sa couleur est un peu bistrée et il est tacheté de points rouge- 
brique peu distincts. 


1 Voir drch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI V, fig. 2, R. 

2 Voir id., id., fig. 1. Groupe de trois individus soudés entre eux et fixés sur un 
tube d’Hermelles. Grandeur naturelle, dessiné sur nature à Crozon. 

3 Voir id, id., fig. 8, Rp, raphé postérieur; l'organe a été renversé par erreur et 
n’est pas dans la position qu’on a toujours représentée. 

* Voir #4. ,41.,Me,8.V: 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 629 


Sa fente présente un caractère très particulier. Elle est contournée 
en & placé horizontalement et dans le milieu de la surface. Elle 
est obscure et paraît noirâtre; les bandes ou lèvres qui la limitent 
sont blanchâtres. À 

Si cette disposition n'est pas un effet de la contraction, ce que j'ai 
peine à croire, il y à là un caractère très certain de l'espèce et que 
pas une Molgulide précédemment étudiée n'a encore présenté. On 
ne voit point ici la forme en croissant si habituelle. 


Reproduction. — Les organes de la reproduction ont des rapports 
et des formes toutes particulières. Par l’un de leurs caractères, ils 
ressemblent à ceux de la Cfenicella Lanceplaini. 

L'ovaire et le testicule sont fort distincts l’un de l’autre ; l'ovaire 
est allongé et courbé ; l'arc qu'il décrit présente sa concavité ouverte 
en avant, et sa convexité correspond à peu près à l'intervalle des 
deux siphons, à droite comme à gauche ". 

Le testicule * est antérieur et supérieur à l'extrémité supérieure de 
l'ovaire. Il est arrondi et formé d’une série de petits culs-de-sac unis 
par de forts canaux excréteurs, lesquels se réunissent en un seul 
canal déférent saillant, qui va s'ouvrir à la face interne de l'ovaire 
vers son quart supérieur *. Le canal déférent, en partant du centre du 
testicule, se dirige en arrière et en bas. 

Quant au canal de l'ovaire, il marche justement en sens inverse 
du canal déférent et se porte, en se courbant, d'arrière en avant et à 
peu près à la même hauteur à droite et à gauche. 

A droite, l’'oviducte et son orifice descendent vers le milieu du 
sommet de l’anse intestinale, de sorte que l’on peut se rendre compte 
maintenant de la courbure qu'affecte la glande femelle ; à gauche, 
l'oviducte, pour atteindre presque la même hauteur qu’à droite, doit 
s'éloigner du corps de Bojanus. C'est en effet ce qui arrive ; les rap- 
ports habituels des deux glandes sont profondément modifiés dans 
cette espèce, comme on peut le reconnaître par l'examen des dessins 
qui accompagnent ce travail *. 

Les produits des glandes femelles sont donc rejetés à l'opposé de 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 2 et 3. O, ovaire; T, tes 
ticule. 

2 Voir id., id., T, T. 

3 Voir id., id., fig. 7, T, T, testicule. 

* Voir id., id., surtout la figure 7, où l’on voit bien nettement que les oviductes 
se dirigent en avant, c’est-à-dire à l’opposé de l’orifice expirateur Va. 


630 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


l'ouverture de l'orifice expirateur, qui, on l’a vu, se trouve largement 
diaphragmé. Ces conditions d'ouverture, surtout de la glande femelle, 
peuvent faire prévoir, ce qui existe en effet, une incubation des 
jeunes dans la cavité péribranchiale. 

Les embryons sont urodèles' ; mais déjà, dans la cavité péribran- 
chiale, ils commencent à pousser les prolongements ou villosités 
destinés à les faire adhérer aux corps étrangers ou à leur faire fixer des 
grains de sable. On les voit frétillant encore, ayant de chaque côté 
de leur queue une papille transparente ?. On distingue aussi leur 
point oculiforme noir, qu'ils conservent encore après avoir perdu 
leur queue. Un fait aussi très remarquable, qui prouve combien toutes 
les théories inventées par besoin de démonstration d'opinions erro- 
nées ont peu de valeur, c’est qu'on trouve dans le cloaque de cette 
espèce de nombreux individus dont l’incubation a été assez longue 
pour qu'ils aient perdu complètement leur nageoire caudale, et cela 
avant de sortir. Si donc cet appendice locomoteur avait pour but de 
permettre aux animaux de chercher une place propice à leur fixation, 
on ne comprend pas pourquoi ils perdraient cet appendice avant leur 
sortie du corps de la mère et juste au moment où ils vont en avoir 
besoin, car, rejetés;hors de celle-ci sans leur organe natateur, com- 
ment pourraient-ils aller à la recherche du lieu où ils doivent se fixer? 


STATION. 


J'ai trouvé cette espèce seulement à Morgate, près de Crozon, dans 
la mer de Douarnenez. Je ne l’ai trouvée ni sur les différentes plages 
de Bréha, ni dans mes très nombreuses excursions sur les grèves de 
Roscoff. 

Elle m'a paru vivre assez bas et ce n’est que dans les grandes ma- 
rées, au pied des roches qui sont voisines des grottes remarquable- 
ment belles de la baie de Morgate, que je l'ai trouvée dans le mois 
d'août. C’est au milieu de Cynthia ou de Molgules et d’Anourelles, qui 
ont été décrites plus haut, qu'elle se fixe. On ne peut naturellement 
la reconnaître que lorsqu'elle s'épanouit. Ses orifices, pectinés et 
jaunâtres, la font aisément reconnaître. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 9. 
? Voir id., id., embryon a, on voit de chaque côté de la queue une vésicule v, qui 
deviendra une villosité, déjà grande dans l'embryon €, qui n’a plus de queue. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 631 


SYNONYMIE,. 


Trois caractères rapprochent cette Ctenicelle de celle que nous 
avons étudiée déjà. Ce sont la présence des dents sur les lobes des 
festons des orifices, ainsi que sur le bord libre du raphé antérieur, 
tout près de la bouche; enfin, la courbure et l'ouverture en avant de 
l'oviducte. 

Mais il faut bien reconnaître que la disposition des trémas est en- 
tièrement différente dans les deux cas, et qu'il suffit de voir un lam- 
beau de la hranchie de chacune de ces espèces pour reconnaître 
qu'elles sont distinctes !. 

Parmi les espèces décrites, une seule pourrait à certains égards 
être rapprochée de la Céenicella Morgatæ, c'est la Molqula inconspt- 
cua de Hancock. 

Nous reproduirons iei la description du naturaliste anglais afin de 
faciliter la comparaison : 


Molqula inconspicua (Alder et Hancock”?), 


Corps globulaire assez ferme, couvert de sable et de coquilles ; non 
fixé. 

Ouvertures rapprochées. 

Tunique (test) souple, revêtue de fibrilles linéaires irrégulières. 

Manteau assez épais et musculaire vers la partie supérieure, plus 
mince en dessous ; l'intestin paraissant au travers. 

Tentacules bipinnés. 

Sac branchial avec six plis de chaque côté, les réseaux très légère- 
ment convolutés et presque linéaires. 

Pl ventral lisse. 

Intestin large, s'étendant jusqu'auprès du sommet du sac, deux 
fois replié (/ooped). 

Foie sombre, d’un vert obscur. 

Organes de la reproduction, formant une longue masse elliptique 
courbe de chaque côté, dont le bord est divisé en lobules irréguliers, 
en dedans de la seconde partie (loop) de l'intestin, 


9 
jy de pouce. 


1 Voir Arch, de z0ol. exp., vol. VI, pl. XXIIL et pl. XXIV, et opposer les figu- 
res 8, 9, 10 et 11 de l’une à la figure 12 de l’autre. 
2 Voir Hancock, loc. cil., p. 366. 


TE: -e 


% 


62e‘? HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Un spécimen seulement a servi à établir cette note. Il à été pêché 
par MM. Jeffreys et le Rév. À. M. Norman, à Guernesey, 1865. 

« Cette espèce, moins nettement établie, est remarquable sous le 
rapport de l’arrangement presque linéaire de ses réseaux branchiaux, 
qui, cependant, conservent une courbure suffisante pour présenter 
le caractère du genre auquel elle appartient. Elle est prochainement 
alliée à la M. simplex, dont elle diffère par le caractère du réseau 
branchial, dejà cité, aussi bien que par des filaments tentaculaires 
moins touffus et un intestin plus volumineux *. » 

On ne pourrait trouver dans cette description qu'un seul caractère 
permettant de rapprocher la A. inconspicua de notre Ctenicelle de 
Morgate, ce serait l’arrangement linéaire des réseaux. Ge caractère 
suffit-il à lui seul pour établir le rapprochement et la détermination ? 
Je ne le pense pas. N'y a-t-il pas des caractères qui différencient très 
bien les deux espèces? Ainsi, la A. inconspicua n'a que six méridiens, 
la Ct. Morgatæ en a sept. Son raphé postérieur (central plait) est 
lisse; ici il est dentelé. Ses glandes génitales forment une longue 
masse courbée elliptique; ici nous rencontrons les organes génitaux 
certainement les moins allongés. 

Sans oublier que des caractères importants signalés dans notre 
espèce ne le sont pas dans la description de Hancock, tels que : den- 
ticules des festons des orifices, petitesse du corps de Bojanus et rap- 
ports exceptionnels de cette glande avec les organes reproducteurs ; 
enfin, direction peu ordinaire en avant des oviductes. 

Certainement la somme des différences l'emporte de beaucoup sur 
la somme des analogies qu'on peut trouver entre les deux espèces. 
Aussi, notre Ctenicelle nous paraît-elle nouvelle, et la désignons- 
nous par le nom de la localité où elle a été exclusivement rencon- 
trée jusqu'ici. 

I n’y a donc point de synonymie à établir pour la Céenicella Mor- 
gatæ, car dans les espèces américaines aucune des diagnoses ne 
s'applique à elle. 


1 Voir Hancock, loc. cil., Ann. and Mag., ‘vol. VI, fourth series, 1870, p. 366. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. | 633 


32t ESPÈCE. 


CTENICELLE APPENDICULÉE. CTENICELLA APPENDICULATA 
(H. DE L.-D.). 
Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV et XXVI. 
Molgula appendiculata, C. Heller, loc. cit. 


Cette espèce est superbe. 
- Je l’ai eue en cherchant dans les débris de toutes sortes que rap- 
portent les pêcheurs de poissons plats de Banyuls-sur-Mer, dans 
le Roussillon. C'est en 1866 que je l'ai trouvée pour la première fois. 

Si j'introduis la description de cette espèce dans ce travail sur les 
espèces des environs de Roscoff, c'est qu'elle offre un intérêt véri- 
table et qu’enfin j'espère, après avoir publié les premières recherches 
sur les Ascidies simples des côtes de France dans le Nord, pouvoir 
aborder l’histoire des Ascidies simples des côtes de la Méditerranée. 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — Cette Ctenicelle est bien certainement la plus grande 
des Molgulides décrites, après l'Anurella oculata. Lorsque les pè- 
cheurs la rapportent, elle est à peu près du volume d’un petit œuf 
de poule. 

Sa couleur { est noire, ou d'un gris très foncé ou sépia. Ses villo- 
sités ramassent et retiennent les débris divers du fond de la mer, la 
vase, mais en petite quantité; de sorte que si safcouleur naturelle 
est un peu modifiée par les corps qui la couvrent, cependant on 
peut reconnaître que les premières couches de sa tunique sont d’un 
bistre très foncé, rappelant la sépia colorée. 

J'ai trouvé des individus fixés au dos les uns des autres, en grappe, 
ou bien attachés à des Cynthiadés superbes. Ne les ayant vus que 
peu de temps vivants, ne les ayant point trouvés en place, il me 
serait difficile d'indiquer exactement la position naturelle de l’es- 
pèce ; mais on ne voit pas, sur la surface des individus qui sont rap- 
portés par les filets, de grands espaces indiquant une large base d’at- 
tache; si, de plus, on ajoute que les filets qui les rapportent sont 


1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 1. 


634 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


traînés loin des rochers sur les fonds sablonneux, les prairies ou les 
fonds vaseux où se prennent les poissons plats, on peut supposer 
qu'ils ne sont pas habituellement et seulement fixés aux rochers. 


Siphons et orifices". — Les orifices sont superbes. 

La longueur des siphons est de 2 centimètres pour le tube postérieur, 
de 3 centimètres au moins pour l’antérieur. Ces deux tubes se recour- 
bent habituellement en sens inverse : l’inférieur en avant, le posté- 


. rieur en arrière et en haut; de telle sorte que l'angle qu'ils font entre 


eux pendant un grand épanouissement est égal à un droit ou même 
le dépasse. 

Les siphons sont tous les deux placés assez près, et leur base est 
sur la face postérieure du corps ; le siphon branchial n'est donc pas 
à l'extrémité du grand axe de l’ovoïde. 

À la base, le diamètre du tube antérieur est de 1 centimètre et 
demi; quand le corps est bien gonflé, on voit sur ses côtés une . 
dépression qui part du sommet de l’angle de séparation des deux 
tubes et qui indique leur continuation sous la tunique. 

Avant que les orifices soient arrivés à leur entier épanouisse- 
ment, les tubes sont couverts de sillons longitudinaux ? remon- 
tant jusqu'aux angles, séparant les lobes ou festons des orifices. 
Ces sillons se font reconnaître par leur couleur, qui n'est point 
masquée par les villosités, car les particules vaseuses ou sablonneuses 
qu'elles agglutinent, étant moins nombreuses, laissent voir les par- 
ties transparentes de la tunique et la couleur sous-jacente du man- 
teau. Arrivés au pourtour des orifices”, les sillons s'élargissent beau- 
coup et entourent, en se terminant en pointe, les espaces couverts 
de vase, de corps étrangers qui les séparent. Aussi, vus de face et à 
moitié entr'ouverts, les orifices paraissent-ils formés de deux cou- 
ronnes de festons dont les éléments alternent, les échancrures des 
uns correspondant au sommet des dents des autres. 

La teinte de la partie des tubes non couverte de particules de sable 
ou de vase est différente avec les individus, et il ne paraît pas pos- 
sible de faire des espèces distinctes d’après ces colorations. 


1 Voir Arch. de 3o0l. exp. el gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 1, 2, 3 et 4. 

2 Voir id., id., surtout fig. 1, on voit les tubes inspirateurs comme cannelés. 

3 Voir id., td., surtout fig. 2 et 3, elles montrent les parties dénudées de villosités 
colorées d’un beau jaune, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 635 


Tantôt rouge-brique, tantôt d'un beau jaune, la couleur se mani- 
feste surtout pendant l'épanouissement. 

Les lobes des orifices sont arrondis, peu saillants, mais bordés de 
cirrhes ? longs, grêles, au nombre de cinq à sept pour chaque lobe. 
Ces cirrhes, blancs, transparents, s'avancent en manière de peigne 
au-devant de la lumière de l’orifice quand l'épanouissement n’est pas 
complet. 

Voici donc, pour une grande et belle espèce, le caractère du genre 
Ctenicelle parfaitement établi. 

Les siphons ne m'ont pas paru être complètement rélractiles. 

Il n’a pas été possible de voir les fentacules dans l’état de vie et 
d'épanouissement; la chose se comprend, puisque les tubes sont 
très longs et courhés et que la couronne tentaculaire est à leur base. 

Sur les préparations * les tentacules sont longs et grèles ; leur face 
interne est couverte d'une couche de granulations de teinte bistrée- 
grisàtre ; leur face palléale ou externe est godronnée et son tissu 
transparent très délicat ; mais l'épaisseur du tissu de cette partie n’est 
pas en rapport avec la longueur des tentacules. 

Sur les côtés, les rameaux de premier ordre sont longs, grêles et 
de même couleur que la partie rachidienne centrale dont la taille 
est due à des corpuscules et granules d’un jaune bistré; ils portent 
eux-mêmes de très courts tentacules qui ressemblent autant à de 
petits mamelons qu'à de vrais appendices. Ceux-ci peuvent être four- 
chus vers leur extrémité, mais il ne serait pas exact de dire que les 
tentacules sont trois fois pinnés. 

Il faut aussi remarquer que sur les côtes, entre les pinnules de 
premier ordre, il y a deux rangées de tout petits mamelons de la 
même grandeur que ceux qui bordent les pinnules de premier ordre. 

La ressemblance des tentacules de Céenicella appendiculata avec 
ceux de Ctenicella Morgatæ est assez complète, aux proportions près. 


Le tube postérieur * est muni d’un diaphragme très développé qui 
peut fermer toute sa lumière ; coupé ou inséré obliquement, il s'élève 
en arrière en deux lobes et présente, en avant comme en arrière, 


1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV. La couleur de cette planche 
est assez bien réussie et assez naturelle. 

2 Voir id., id. 

$ Voir id., id., fig. 6, un tentacule isolé après la préparation; sa forme est fort 
caractéristique. 

* Voir id., id., pl. XX VI, fig. 5, Va, 


636 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


une échancrure médiane qui lui donne, en augmentant la hauteur de 
ses lobes, une physionomie toute particulière. 

Il est important de remarquer que le caractère du très grand déve- 
loppement du diaphragme du tube postérieur s’est constamment 
présenté dans toutes les espèces ayant les lobes frangés et apparte- 
nant, par conséquent, au genre C'tenicella. 

Le tube épidermique qui, du pourtour des orifices, s’avance en 
haut et recouvre la valvule, est ici facile à séparer par une macéra- 
tion même peu prolongée. De sorte qu'on peut avoir une fidèle 
reproduction à la fois du siphon et de son diaphragme valvulaire. 
C'est du reste une chose fort constante dans la plupart des groupes 
des Ascidies que la présence de ce revêtement intérieur des tubes 
inspirateurs par une partie dépendant de la tunique et se réfléchis- 
sant à l’intérieur des siphons depuis les festons jusqu'au bas de la 
base des tentacules, en avant et en arrière jusqu’à la valvule. 


Branchie . — La cavité branchiale de cette belle espèce est grande 
et normalement disposée. 

. Les méridiens sont bien développés et régulièrement constitués. 

On en compte sept de chaque côté, et Les premiers, postérieurs ou 
antérieurs, ont des proportions, à peu de chose près, semblables à 
celles des autres, ce qui indique que la bouche est relativement élevée. | 

Les deux premiers ? en arrière sont plus éloignés du raphé posté- 
rieur qu'ils ne le sont des autres, ce qui n’est pas ordinaire, car le 
plus souvent ce sont eux qui sont les plus courts ou les moins dis- 
tincts sur les côtés du raphé et les plus rapprochés de lui. 

Leurs têtes ou terminaisons du côté de la bouche sont saillantes, et 
de leur bord libre, faisant suite au bord libre de toute l'étendue du 
méridien, part un filet qui descend à droite du premier méridien 
antérieur, dont la tête est fort reculée et le filet très long, pour s'unir 
en face de chacune des autres têtes avec un des filets venant des au- 
tres méridiens et enfin se continuer sur laligne médiane avec le raphé 
postérieur. 

Ces têtes présentent d’ailleurs les terminaisons de toutes les côtes 
assez nettement arrêtées; leur nombre est grand et la disposition fort 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV, fig. 7, 5, et pl. XXVI, fig. 1 
et 4. 

2 Voir id., id., pl. XX VI, fig. 5, Rp, le raphé postérieur, que l’on voit naturelle- 
ment très éloigné des deux premiers méridiens symétriques qui lui sont voisins. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 637 
lisible !. On croirait au premier moment qu: !2s têtes supérieures des 
méridiens sont dentelées, mais il n’en est rien. Si l’on incline les par- 
lies de facon à les voir un peu obliquement, on reconnaît que la fin 
de chacune des côtes est légèrement saillante?. 

Les deux premiers’ méridiens antérieurs ont leurs têtes fort éloi- 
gnées de la bouche, et, par conséquent, leurs filets terminaux beau- 
coup plus longs que tous ceux des autres méridiens. 

Les côtes sont très nombreuses, et leur disposition rappelle à 
quelques égards celle qu'on rencontre dans l'Anurella oculata*. 

On trouve six à sept côtes sur la face antérieure comme sur la face 
postérieure; mais sur celle-ci elles semblent descendre sur la partie 
voisine du fuseau intermédiaire et arriver jusqu’au milieu de l’espace 
qui sépare les deux replis *. 

Dans la figure qui représente une portion de branchie, les côtes 
ont été numérotées : CT pour celle qui longe la base adhérente du 
méridien, puis C1, C1, C1, CY pour les quatre qu'on voit sur la 
moitié du fuseau. 

Elles sont fort nettement accusées, mais elles ne sont pas extrè- 
mement saillantes au-dessus de la membrane fondamentale. Elles 
forment, avec les parallèles et les vaisseaux analogues, des quadrila- 
tères fort réguliers sur les deux faces des méridiens. Cette disposi- 
tion constante ferait presque à elle seule reconnaître aisément la 
branchie de la Ctenicelle appendiculée. 

Les enfundibulums * rappellent aussi, par leur longueur, ce que l’on 
a vu dans l'An. oculata. Dans le dessin de la branchie qu'on voit 
planche XX VI, le lambeau a été limité à l'espace compris entre deux 
parallèles, de sorte que ce ne serait qu'un infundibulum qui occu- 
perait tout le segment entre les deux parallèles. Toutefois, vers le 
milieu, descend du côté du fuseau un cordon bien développé qui 
s'arrête à la dernière côte ; mais à égale distance de lui, on en voit 
encore un, de sorte que l’espace est partagé en quatre culs-de-sac 
terminés par une calotte arrondie, près du bord libre du méridien. 


1 Voir Arch. de 3001. exp. el gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 5. On voit sur les têces 
des quatorze méridiens chacune des lignes longitudinales représentant les côtes se 
terminer régulièrement en formant une rangée de traits bien accusés. 

2 Voir id., id., fig: 7. 

3 Voir figure de la branchie. 

* Voir id., id., pl. XXVI, fig. 1. Cette figure représente un segment de branchie 
comprenant deux méridiens et une partie du fuseau intermédiaire; à gauche on voit 
la face postérieure du méridien de gauche. 


638 HENRI DE LACGAZE-DUTHIERS. 


Il faut, je crois, considérer les infundibulums comme divisés en 
quatre subdivisions très profondes et dont les séparations remontent 
jusqu'auprès de la base même. On ne peut voir évidemment, 
dans chacune de ces dépressions, un infundibulum indivis et dis- 
ünct. 

Les {rémas' paraissent régulièrement parallèles aux côtes, au nom- 
bre de trois, quatre ou cinq au plus entre chacune d'elles. De plus, 
leur longueur est aussi régulièrement limitée par les parallèles de 
premier, de deuxième et de troisième ordre. 

Mais, tandis que dans les espaces interméridiens ils sont droits et 
réguliers, dans les infundibulums ils sont, au contraire, un peu 
obliques, surtout vers l'extrémité, où ils suivent les tours d’une spire 
lente et extrêmement régulière ?. Il est difficile de rencontrer une 
disposition offrant plus de régularité que celle dont on voit le dessin 
dans la planche XXVI, qui a été fait à un faible grossissement et à la 
chambre claire. | 

Les réseaux capillaires sont riches et irréguliers sur la partie de 
la membrane répondant au fuseau intermédiaire; mais, sur les 
facés des méridiens, ils sont représentés par un très petit nombre 
de vaisseaux ; ainsi, on n’en voit la plupart du temps qu’un seul des- 
cendant en ligne droite, depuis le sommet de la calotie terminale 
de l’infundibulum jusqu'à la base. On reconnait très clairement 
cette disposition dans la figure grossie de l’une de ces calottés *. 

Ainsi, les trémas semblent coupés perpendiculairement à leur 
direction par une traînée qui partage exactement en deux les quatre 
espaces compris entre deux parallèles de premier ordre. 

Je prie le lecteur de comparer les dessins de la branchie de la 
Ct. Morgatæ, pl. XXIV, fig. 42, et de celle de la Ct. appendiculata, 
pl. XXVL, fig. 4 et 4. Il trouvera la plus grande analogie dans la dis- 
position des infundibulums, qui dans l’un et l’autre cas sont allon- 
gés, et dont les trémas légèrement spiraux sont coupés vers le milieu 
de leur longueur par un vaisseau descendant du sommet du cône 
terminal vers la base. 

Mais on trouvera aussi une grande différence dans la grandeur des 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV, fig. 1 et fig. 4. 

2 Voir id., id., fig. 4. Extrémité d’un cul-de-sac infundibulaire vers le bord libre 
du méridien. À 

3 Voir id., id, fig. 4. P’ est üñ parallèle ét l’on voit le tréma { coupé par un 
vaisseau qui va du sommeten ligne droite à la côte qui est à gauche de l'observateur. 


L 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 639 


trémas, qui, chose curieuse, semblent être d'autant plus courts, 
toutés proportions gardées, qué les animaux sont de plus petite taille. 

Le raphé antérieur est cylindroïde, et sa cavité ou gouttière a ses 
deux lèvres rapprochées"; le filet qui unit son extrémité buccale aux 
filets des méridiens de gauche est bien forméet court; il égale, mais 
né dépassé pas le filet du premier méridien antérieur droit. 

Le raphé postérieur * ne présente pas un développement qui soit en 
rapport avec la grande taille de l’animal ; il est, en bas comme en 
haut, doublé d’une sééonde petite lamelle, et la partie la plus voisine 
dé la bouche, tout près du point où il s'unit avec le cordon, tenant 
én relation intime les têtes des méridiens, est finement dentée en scie. 

Incontestablement, ce caractère est bien moins marqué que dans 
lés deux CE, Morgatæ et CE: Lanceplaint ; mais enfin il est remarquable 
de trouvér, chez les trois Ctenicelles que je décris, un raphé postérieur 
dentelé. Il semblerait y avoir une corrélation entre cette disposition, 
la présence de la valvule anale et la disposition des lobes des orifices. 


Tube digestif. — Les organes de la digestion présentent quelques 
caractères importants. 

Considérés dans leur ensemble, ils n’offrent pas une grande éten- 
due, eu égard à la taille considérable des animaux. En examinant 
les figures 2 des différentes planches, on verra bien qu'ici l'étendue 
qu'occupe l'intestin est bien plus limitée que dans les autres es- 
pèces, surtout celles de grande taille; aussi la masse viscérale est- 
elle reportée sur le côté droit ?. 

Le /ore n'offre pas les quatre lobes habituels bien distincts ; mais 
il forme une masse jaune-verdâtre un péu au-dessus de la base du 
lobule du tube expirateur. | 

I se détache de la branchie et insinue ses cæcums entre les deux 
lames du manteau ; et comme il est reporté sur le côté droit assez 
bas, c'est à droite de la branchie qu’on l’apercoit dans là préparation 
qui à été souvent indiquée et dessinée *. 

La bouche * n’est pas très grande; elle présente les dé croissarnits 
s'embrassant, comme il a été dit. 


1 Voir Arch. de 200/. exp. et gén., vol. VI, pl: XX V, fig. 5. Ra, extrémité buccale 
du raphé antérieur. 

3 Voir id., 14, fg.5,. Rp, et fig. 7, Rp. 

$ Voir id., id., pl. XX VI, fig. 2, f, foie. 

# Voir id., id., fig. 5, f. 

4 Noir sd., id., pl: XX, fig. 5, Bo. 


640 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Le croissant de droite remonte, en passant à gauche sous l’extré- 
mité supérieure et droite du croissant gauche. Il est bombé et cylin- 
drique ; le gauche offre aussi cette forme, et il est parcouru par une 
petite gouttière facile à reconnaîte, car elle est très visible. 

L'anse intestinale décrit une demi-circonférence à concavité posté- 
rieure, dont l’extrémité inférieure arrive jusqu’à la hauteur de l’in- 
sertion du siphon branchial, lequel, on l’a vu, remonte sur le côté 
dorsal du corps. 

La courbure de l'intestin est donc ‘dans cette espèce assez mar- 
quée. En général, dans ce cas, les deux moitiés du tube sont étroi- 
tement accolées l’une à l’autre; cependant ici il n’en est pas tout à 
fait ainsi. L'on voit en effet entre les deux branches un espace assez 
étendu au sommet même de la courbe, dans le point où le tube in- 
testinal remonte pour suivre une direction inverse de celle qu'il 
avait d’abord. 

L'anus ‘ est libre et non soudé au dos de la branchie. Sa marge 
présente un bourrelet sans dentelures. Il est un peu aplati d'avant 
en arrière, Ce qui le fait paraître comme bilabié. 

En avant de lui et à sa gauche paraît l’œsophage, qui est, dans 
l'espèce, mieux défini que dans la plupart des Molgulides. 

Toutes ces conditions, ajoutées à celles qu'on a vues à propos du 
foie, font que le sac branchial est libre, parfaitement limité et nette- 
ment isolé dans la chambre péribranchiale ?. 


L'organe rénal* est petit, vu la grande taille des animaux. Il est 
porté très en avant et fort éloigné de la masse viscérale. Il y a certai- 
nement entre son extrémité postérieure et la limite dorsale du corps 
une étendue égale à celle que mesure sa propre longueur. On doit 
remarquer que, bien que l'espèce ait une taille presque aussi grande 
que l’Anurella oculata, 1 y a une grande différence entre les deux 
pour la grandeur du corps de Bojanus, dont le développement, on le 
voit, n’est pas en rapport avec celui du corps”. 

Il est assez fortement arqué, et sa direction est à peu près inclinée 
de 45 degrés par rapport à l'axe longitudinal. 


‘ Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VI, fig. 5, L’anus, a. 

2 Voir la figure précédente, La branchie Br est parfaitement isolée du foie et des 
autres organes. 

3 Voir id., id., fig. 3, R, organe rénal, côté gauche du corps. 

# Comparez Arch. de 3001, exp. et gén., vol. VI, pl. XV et pl. XXVI, le côté gau- 
che des animaux, fig. 3. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 641 


La partie concrète centrale est d'une teinte rougeâtre-vineuse peu 
intense; elle ne m'a pas semblé offrir de noyaux et de cristaux; mais 
il faut remarquer que les observations ont été faites sur des animaux 
conservés dans de l’alun ou de l'acide chromique, conditions peu 
favorables à la conservation des parties inorganiques. 

Cœur. — Il suffit de jeter les yeux sur la figure représentant le 
côté gauche du corps pour reconnaitre que, la fosse cardiaque étant 
très éloignée de la masse viscérale, l'aorte splanchnique doit être 
fort longue ; elle a une longueur qui, certainement, dépasse la moitié 
du diamètre transversal du corps !. C’est surtout en de pareilles cir- 
constances que l’on reconnaît bien quelle doit être la longueur de 
l'aorte viscérale ; le corps rénal étant à gauche et le foie se trouvant à 
droite, l’artère splanchnique doit passer au-dessus de la branchie 
pour rejoindre la région hépatique. 


Tunique. — L'’enveloppe externe est en dehors d’une teinte très 
sombre, brunâtre, lavée de terre de Sienne brülée ou de sépia 
colorée. 

Elle est résistante et l’on a de la peine à la déchirer avec des 
pinces. Ce caractère, quoique bien moins marqué, est l’analogue de 
celui qu’on trouve chez les Cynthia. Il faut ajouter que la tunique 
en dedans est blanche et nacrée, encore comme dans le groupe des 
Cynthiadés. 

La surface extérieure est couverte de villosités peu longues, mais 
adhésives, qui peuvent former un revêtement de particules, surtout 
vaseuses, ou de débris légers de végétaux sous-marins; mais, dans 
aucun cas, Je n'ai trouvé ce revêtement d’une grande épaisseur, de 
sorte que le volume de l’animal n’est pas très augmenté par la fixation 
des corps étrangers. 

Le manteau est assez épais et renferme de fort nombreux petits 
faisceaux musculaires, semés dans tous les sens et dont les direc- 
tions n’ont aucune orientation. 

Les fibres longitudinales des siphons sont épaisses, résistantes et 
nombreuses ; aussi les tubes restent-ils longs et saillants après avoir 
été dépouillés de la tunique. 

Malgré leur puissante musculature, les siphons ne sont pas entiè- 


1 Voir Arch. de 300l, exp. et gén., vol. VI, pl. XX VI, fig. 3. 


ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN.-= T,. VI. 1877, AI 


642 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


rement rétractiles, et les animaux conservés les présentent avec les 
caractères les plus déterminés, les plus saillants !. 


Le système nerveux”? n'offre rien de bien spécial; il occupe à très 
peu de chose près la direction de la bissectrice verticale de l'angle 
formé par les origines du raphé postérieur. Son extrémité supérieure 
arrive presque au sommet de l'angle. 

La glande prénervienne* est énorme, toutes proportions gardées ; 
elle représente un ovoïde, dont le grand diamètre transversal dépasse 
de beaucoup la longueur du ganglion nerveux. 

L'organe vibratile* est fort singulièrement contourné. Il représente 
une $ capitale retournée, mais verticale ; il forme comme un repli 
saillant au devant du système nerveux, mais nn peu à la gauche et 
au-dessous de la glande, où sa fente suit toute la longueur de son 
repli et des extrémités recroquevillées. 


Reproduction. — Les deux glandes génitales sont très distinctes, 
et rappellent par leur forme, leur position et leurs rapports ce que 
l'on à vu dans la C#. Lanceplainr. | 

Elles sont placées, à droite, dans la concavité de la courbe du 
croissant ou de la demi-circonférence formée par l’anse intestinale ; 
à gauche, dans la courbe du corps rénal. Leur direction est à très 
peu de chose près horizontale et par conséquent perpendiculaire au 
grand axe du Corps”. 

Elles sont formées de deux parties parfaitement distinctes et 
faciles à reconnaître dès qu'on a ouvert la chambre péribranchiale. 

Le testicule est antérieur et-l'ovaire postérieur. Chacun d'eux forme 
une masse globuleuse, le testicule surtoutf. Il est plus détaché que 
d'habitude; ses lobes et lobules ne sont pas délicats et formés de 
culs-de-sacs aussi distincts que dans la Ctenicella Lanceplaini. 

Le canal déférent se dégage en arrière de la masse glandulaire, et 
arrive en se redressant vers le milieu de la longueur de l'ovaire, où 
il s'ouvre par un seul orifice au sommet d'une papille sans caractère 
particulier autre qu’un peu de saillie. 


1 Voir Ar ch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, les figures 2 et 3 de la planche FEU 


2-Voir dt, he. 1, 10. 
" 3-Voir id. id., G,G. 
À Noir 14 20,07. 
5 Voir 44., id., fig. 2 et 3, T et O. 
8 Voir id., id., la figure 5, Æ, T. 


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| 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 643 


Sur les animaux conservés le testicule est blanc. 

Dans les mêmes conditions l'ovaire est jaune. Il est pyriforme et 
sa partie glandulaire accompagne son oviducte, qui n’est dégagé que 
dans une très faible étendue. Celui-ci se détache du manteau et se 
redresse un peu, offrant un orifice allongé et bordé d’un petit 
bourrelet. 

La position des orifices femelles peut être fixée d’une façon pré- 
cise !. Si l’on prend sur la ligne médiane, d’une part l’orifice interne 
du tube expirateur dans la chambre péribranchiale, et d'autre part, 
au-dessus de l’anus, le point d’adhérence du manteau et de la bran- 
chie vers la bouche, on peut avoir avec les orifices génitaux les 
quatre angles d’un losange, dont les sommets des angles aigus 
latéraux seraient occupés par les orifices femelles. Les orifices 
mâles seraient plus en dehors, et par conséquent représenteraient 
les angles encore plus aigus d’un losange plus allongé. 

En d’autres termes, les orifices se trouvent à égale distance à peu 
près de l’orifice à valvule et de l'anus. 

On doit observer que, si dans les deux premières espèces de Cteni- 
celles les conduits excréteurs de la reproduction sont dirigés en 
avant en contournant l'extrémité inférieure du corps de Bojanus et 
de l’anse intestinale, dans cette troisième la direction des canaux 
est inverse puisqu'ils se portent directement en arrière. 

Ne voit-on pas ici une preuve nouvelle du peu de fixité qu'ont la 
plupart des caractères quand on veut leur donner une importance 
générique, et combien il est difficile de prendre plutôt la disposition 
des glandes génitales que celle de tout autre organe : branchie, in- 
testin, rapports de l’anse intestinale et des glandes génitales, etc. ? 
C'est là ce qui, pour séparer quelques genres, nous a forcé à prendre 
les caractères dont nous avons cru devoir essayer l'emploi. 

En effet, la disposition, la forme, les rapports du testicule sont 
absolument semblables dans la C€. Morgatæ et la CE. appendiculata ? ; 
et cependant, l’oviducte et de la masse glandulaire, dont les carac- 
tères sont si importants à considérer dans les spécifications, ont une 
direction tout à fait différente : on trouve encore là une preuve de 
l'incertitude et du peu de valeur de certains caractères. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 5. 
2 Voir id., id., pl. XXVI et pl. XXV,T,T, 


644 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


STATION. 


Cette espèce doit être très répandue dans la Méditerranée. Je l’ai 
vue surtout sur les côtes du Roussillon, elle habite certaine- 
ment dans la plus grande étendue du golfe de Lyon, car j'ai pu en 
constater aussi la présence à Cette dans les débris apportés par les 
bateaux, mais sans pouvoir en recueillir en assez grand nombre pour 
en faire l'étude. Je n'ai fait qu'une détermination par la vue de l’ex- 
térieur. Elle existe dans le reste de la Méditerranée, puisque 
M. C. Heller l'y indique et la fait connaître dans ses études des Asci- 
dies de la mer Adriatique. 

Je ne l'ai point trouvée à Mahon, où J'ai fait de nombreuses recher- 
ches, mais où aussi mon attention n’était pas particulièrement portée 
sur elle. Par contre, j'ai souvenir d’avoir recueilli dans le port de 
Palma de Mallorca une Molgulide dont les caractères extérieurs 
étaient ceux de la C’. appendiculata. J'avais trouvé ces animaux entre 
les pierres de la jetée qu'on avait faite au nord du port de la capitale 
de Majorque. Mais je n'oserais affirmer en ce moment l'exactitude 
de cette détermination. 

Sur les côtes du Roussillon, à Port-Vendres, à Collioure, à Banyuls- 
sur-Mer, on ne la trouve point dans les parties qu'il est possible d’ex- 
plorer sans draguer. Elle paraît donc habiter dans ces parages à une 
profondeur moyenne, à celle que les pêcheurs avec bateaux-bœufs 
exploitent pour la pêche des poissons plats. 


SYNONYMIE. 


Il me paraît incontestable que l'espèce qui vient d’être décrite doit 
être rapportée à la Molqula appendiculata, décrite dans le travail de 
M. C. Heller ‘. 

: Voici les traits de ressemblance, qu'il est facile de saisir, entre les 
deux : 

D'abord, les siphons et leurs orifices sont indiqués absolument 
avec les caractères, sauf peut-être la couleur. Nous l’avons donnée. 
Je n'ai jamais pourtant rencontré les sillons que j'ai signalés, avec 
la forme aussi accusée que l’a dessinée M. Heller dans sa planche VII, 


1 Voir C. HeLLER, Untersuchungen über die Tunicaten des Adriastichen und Mittel- 
meeres, loc. cit., p. 296, et pl. VIL, fig. 1-7. 


» 


+ nn A 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 645 


fig. 4 et 4. Les appendices pectinés caractéristiques des festons des 
oscules me paraissent aussi fort exagérés dans leurs proportions. 

La disposition (même planche, fig. 7) des infundibulums des bran- 
chies me semble encore prouver l’analogie des deux espèces. Il suf- 
fira de comparer cette figure à celle que j'ai donnée, pl. XXVI, 
fig. 7, pour retrouver le même aspect dans les deux dessins, surtout 
dans la présence du petit vaisseau qui, du sommet d’un cône infun 
dibulaire, descend jusqu à la base. 

Mais la forme des trémas est fort différente et me paraît être mal 
représentée dans le travail du savant viennois, si du moins l’on iden- 
tifie les deux espèces. On ne voit point, en effet, de boutonnières, 
ainsi qu'elles sont dessinées dans la planche de M. Heller, et la ten- 
dance à la marche spirale n’est pas du tout représentée. 

Les parallèles y manquent aussi complètement, ainsi que les par- 
ticularités relatives aux côtes. 

Un autre caractère qui semble devoir faire rapprocher nos espèces 
est celui qu'on peut tirer de la forme et des relations des organes 
génitaux. Dans le dessin que donne M. Heller, fig. 5, et qu'on peut 
eomparer à celui que nous donnons nous-mêmes, pl. XXVI, fig. 5, 
les glandes génitales ont bien la même position dans leur ensemble, 
et les ouvertures de chacune d'elles, comme leur position relative, 
sont absolument semblables ; seulement, M. Heller dessine les ori- 
fices des oviductes tout près et en face de l'ouverture intérieure de 
l'orifice expirateur, ce qui ne nous parait pas exact, du moins si 
nos deux espèces sont la même. Ajoutons encore que la valvule si 
marquée qui entoure cette ouverture manque complètement dans 
le dessin de M. Heller. 

En résumé, il me semble qu'il faut identifier la Wolqula appendicu- 
lata de M. Heller avec ma Ctenticella, que je dois appeler dès lors appen- 
diculata. J'avais trouvé cette espèce en 1866 et en 1872 ; déjà en 1876, 
mon travail étant terminé, je l'avais dédiée à l’un des savants étran- 
gers qui, à ce moment, étaient à Roscoff, M. de Korotneff, de Moscou; 
elle était incontestablement inédite à cette époque; mais le travail de 
M. Heller est arrivé depuis, et la publication de mes recherches ayant 
éprouvé, par suite de mes longues maladies, des retards considéra- 
bles, j'ai modifié le nom spécifique que j'avais d’abord imposé; 
bien qu'occupant le volume correspondant à 1877, ma monographie 
des Molgulides ne paraît que dans le milieu de l’année 1879; ma 
maladie a été cause d’un retard absolument involontaire, et l’em- 


646 | HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


pressement que je mets à signaler là Molqula appendiculata, décrite 
bien longtemps après; me permet de croire qu'il n’est pas un na- 
turaliste qui puisse penser que mon dessein à été d’ antidater des 
recherches que j'ai montrées en 1876 et dont tous les dessins et 
le manuscrit étaient achevés bien avant 1877. 

Il est possible de grouper les espèces du genre CTENICELLE décrites 
dans cette monographie et de les distinguer facilement d’après 


leurs principaux Caractères, que je résume dans le tableau succinct 
suivant : 


Tableau résumé des espèces du genre CTENICELLA décrites 
dans ce travail. 


a. courbes peu nom- | 1re ESPÈCE. 
breux dans les Ctenicella. 
fuseaux  inter- Lanceplaini. 
médiaires. 

b. à bords recroque- 
villés. 

a. Trémas À beu lisibles. 
branchiauæx: 
b. Corps : 
vibralile: a. de 3 à 4. 2e ESPÈCE. 
c. 'Infundi- b. horizontal. Ctenicella 
bulum : 


- c. dirigé en avant. Morgatæ. 
a. presque droits, à, Côtes : 


très nombreux HE, S, wibra- 
dans lesespaces  jje : 
intermédiaires, 
| b. en forme S. 
c. très lisibles. 


c. Oviducte : Ja. 11 sur la face pos- 3°ESPÈCE. 
térieure du mérid. Ctenicella 

b. vertical. appendi- 

c. dirigée en arrière.  culata. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 647 


4° Genre. EUGYRA (ALDER et HANCOCK). 


Les opinions des auteurs relatives à ce genre ont été assez longue- 
ment discutées au commencement, pour n'y point revenir. 

Nous rappellerons seulement que, créé par Hancock pour la Mol- 
gula tubulosa de Forbes”, il n’a pas été accepté par M. Kupffer, qui 
n’admet qu'un seul genre pour le type Molgulide, le genre Molgqula. 

Il nous a semblé y avoir un véritable inconvénient à rejeter le par- 
tage du genre primitif en plusieurs genres secondaires. Aussi accep- 
tons-nous le groupe de Hancock, qui le caractérise ainsi que suit : 

« Corps, globulaire, non fixé, couvert de fibrilles glandulaires et 
d'un revêtement plus ou moins complet de sable fin. 

« Ouverture branchiale à six lobes (6), l'anale à (4), portés par des 
tubes minces, presque invisibles quand ils sont contractés. 

« Filaments tentaculaires rameux. 

« Sac branchial sans plis, mais avec des bandes ou lames longitu- 
dinales. Réseaux régulièrement convolutés et s’avançant en petits 
cônes, chacun étant composé d’une double corde spirale de vais- 
seaux dont les spires, tournant en sens inverse, se rencontrent au 
sommet. 

« Organes reproducteurs en une seule masse placée sur le côté 
droit, en dedans de la boucle intestinale. 

« La Molqula arenosa diffère tellement des autres Molgules, qu'il 
est nécessaire de la placer dans un genre à part. Îl ÿ a déjà longtemps 
que cela est fait dans notre manuscrit et que le genre est caractérisé 
comme ci-dessus ?. » 

Parmi ces caractères, les uns, tels que ceux tirés de la forme du 
corps et des tentacules, du nombre des lobes des orifices, sont de 
famille ; mais quelques autres sont véritablement suffisants pour faire 
distinguer les Zugyra des autres Molgulidés, ce sont ceux que four- 
nissent le sac branchial et les organes de la reproduction ; dans nulle 
autre espèce ou genre, on ne rencontre un arrangement aussi parti- 
culier des méridiens branchiaux * et une simplicité aussi grande des 


1 Voir Forges, Brith. Moll., et Hancock, Ann. and Mag., vol. VI, 4e série, p. 354 
et 355. 

2 Voir Hancock, Ann. and Mag. of Natural History, 4e série, nov. 1870, vol. VI, 
p: 367. 
3 Voir Arch, de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVII fig. 5 et6. 


648 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


infundibulums; dans aucune autre encore, on ne trouve qu’une seule 
glande génitale et d’un seul côté‘. 

Du reste, M. Hancock, dans le dernier travail qu'il a publié en 1870, 
confirme, on peut le dire, l'existence de ce genre par la description 
d'une seconde espèce, l'£ugyra globosa ?. 

Les auteurs américains ont, eux aussi, admis ce genre et décrit 
l'espèce d'Angleterre. 

J'ai pu, ainsi que Je l’ai dit, constater, sur des échantillons déter- 
minés par Hancock lui-même, la valeur des caractères sans erreur 
possible, grâce à l'obligeance de M. Brady, ami du regretté ascidio- 
logue anglais. 

Je n'ai rencontré qu'une seule espèce à Roscoff ; elle doit être très 
répandue, puisque Forbes, Hancock et M. Kupffer l’ont trouvée dans 
la mer du Nord, sur les côtes anglaises de la Manche, et qu'enfin 
elle existe à Roscoff. M. C. Heller, qui a accepté avec tant de faci- 
lité des genres qui n'existent pas, ne semble pas avoir trouvé l'£u- 
gyra dans la Méditerranée. 


1"° ESPÈCE. 
EUGYRE ARENACÉE. ÆUGYRA ARENOSA (HANCOCK). 


Arch. de 300. exp. et gén., Vol. VI, pl. XX VII. 


Molqula tubulosa (Forbes et Hanley). 
Molgula arenosa (Alder et Hancock). 
Eugyra arenosa (Alder et Hancock). 
Molgula arenosa (Kupffer). 


Cette espèce habite les fonds à de faibles profondeurs, mais on ne 
peut l'avoir à Roscoff qu'avec la drague, à une trentaine de brasses, 
et jamais je ne l'ai rencontrée à marée basse. 

Elle vit en compagnie de trois autres espèces de Molgulidés, dont 
il est fort difficile de la distinguer à première vue quand elles ont la 
même taille ; mais cela devient possible si elle épanouit quelque peu 
ses oscules. 

Parmi les caractères qui vont suivre, plusieurs appartiennent au 
genre Molqula ; néanmoins, il me paraît utile de ne pas négliger 
de les indiquer, aucune particularité n'étant à négliger dans les 


1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén, vol. VI, pl. XX VII, fig. 2 et fig. 4, T et ovaire. 
? Voir HANCOCK, loc. cit. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 649 


descriptions, souvent trop succinctes et ne portant pas toujours sur. 
les détails qu'on peut croire sans importance mais qui servent 
beaucoup dans les diagnoses. l 


CARACTÈRES. 


Extérieur. — I faut encore répéter ce qui a été déjà si souvent 
dit : que la physionomie des animaux diffère complètement avec 
les localités où ils sont pêchés. Aussi ai-je donné la figure d’un indi- 
vidu dragué à la Basse d’Astan, et qui, véritablement, ne mérite guère 
le nom spécifique d’arenosa ; il serait tout aussi naturel de le nom- 
mer conchilega. Je n’en ai jamais rencontré cependant qui n’eussent 
toujours la plus grande partie de leur surface, tout le tour des ori- 
fices dépourvus de grands débris de coquilles, de gros graviers. Il 
semble donc que l'animal adhère le plus ordinairement par sa partie 
antérieure, laquelle, devenant la plus lourde, force la région oscu- 
laire à se trouver toujours en haut. 

Cette condition permet l'observation directe des orifices sur le 
vivant ; mais je dois reconnaitre que les animaux sont le plus sou- 
vent fort capricieux et boudeurs ; qu'ils ne s’épanouissent qu'un 
moment de temps en temps, et restent quelquefois obstinément 
fermés. ( 

La grandeur de l’animal peut être jugée d’après la partie supé- 
rieure dans la position naturelle. Les plus beaux échantillons ne 
m'ont guère paru dépasser 2 centimètres dans leurs plus grandes 
proportions ; ceux que j'avais reçus de M. Brady avaient une taille 
moindre, mais ils étaient dans l'alcool depuis longtemps. 

La couleur est brunâtre ; c'était aussi celle des échantillons con- 
servés. Les oscules, presque constamment contractés, sont d’un 
blanc grisàtre, parsemé de quelques points d’un rose-carmin vif. 

Siphons et orifices!. Je ne saurais dire si les siphons sont longs. 
Je n'ai jamais rencontré d'individus étendant beaucoup ces parties. 
Cependant, après les préparations et l'enlèvement de la tunique, les 
siphons ont une étendue qui n'indique pas une brièveté grande. 

Ce qu'il est toujours facile de constater, c'est que les festons des 
orifices sont aigus et bien marqués, que les siphons sont très rap- 
prochés à leur base, et que le siphon branchial ou inférieur est 
aussi très remonté sur le côté postérieur de l’ovoïde: enfin, les 


1 Voir Arch. de zvol. exp. cet gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 1, 2 et 3, 4. 


650 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


points oculiformes mont paru constants et être d’un rouge-carmin 
vif, et très appréciables même sur les animaux tenant les orifices 
presque complètement fermés ou simplement entrebâillés. 

Les tentacules' sont peu développés. On peut en juger par les des- 
sins que Je donne dans la planche relative à l'£ugyra. Is portent 
tout au plus de chaque côté du rachis deux rameaux ayant eux- 
mêmes sur les côtés de petits tubercules secondaires. Ils sont donc 
et peu étendus et peu ramifiés. La partie externe, qu'on sait être 
couverte par des bouillons ou godrons d’une membrane mince et 
incolore, est à peine visible. | 

La valvule? de la partie interne de l'orifice expirateur n'existe pas. 
Le siphon postérieur est largement ouvert, comme un vaste enton- 
noir, en face de l'anus. 


PBranchie. — L'organe de la respiration offre les caractères impor- 
tants qui ont conduit les auteurs anglais à créer le genre Æ'uGyrRA 
(edyvoés, bien arrondi), expression qui se rapporte aux trémas de 
la branchie. 

Dès qu'on a enlevé la tunique, on peut réconnaître l'£ugyra à une 
multitude de petits points obscurs ou sombres, qui sont semés régu- 
lièrement en quinconces et qu'on aperçoit au-dessous du manteau. 

Il m'est arrivé de réconnaitre à cette seule disposition un ZUGYyRrA 
que je ne savais pas être parmi les individus indéterminés venant 
des dragages d’Astan. 

En dépouillant l'animal de son manteau, on à alors sous les yeux 
l'organe de la respiration, qui offre une régularité et une disposition 
des plus élégantes *. 

On compte d'avant en arrière huit bandes longitudinales formées 
de petits centres obscurs entourés de circonférences concentriques, 
toutes fort lisibles. Sur chacune de ces bandes elles-mêmes, on ne 
trouve en général que six centres obscurs ainsi entourés de circon- 
férences. 

Il n’est pas difficile de reconnaître dans cette disposition celle qui 
caractérise la face extérieure des branchies des Molgulidés, sur la- 
quelle on voit toujours très nettement l'ouverture des bases des 
infundibulums. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVIL, fig. 9, y, tentacule impair 
placé en face de l'organe vibratile, fig. 10. 

2 Voir id., id., fig. #4, À. ; 

3 Voir id., id., fig. 4, La branchie est vue par le côté droit. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 651 


Si l’on ouvre la cavité branchiale, on reconnait très facilement la 
raison de l'apparence dont il vient d'être question ; on voit, en effet, 
des bandes de pétits cônes, tantôt penchés d'un côté, tantôt de 
l’autre, et l'on constate que la teinte foncée dés points désignés 
comme centre est due à ce que les éléments constitutifs se sont 
rapprochés. Il ne me semble pas que ni Alder! ni Hancock? aient 
donné une description ou des figures suffisantes de cette disposition. 
Il n’est pas absolument exact de dire en effet avec M. Hancock : « sac 
branchial sans plis, mais avec des bandes ou lames longitudinales » 
(loc. cit.), ou bien de dessiner les petits cônes comme se touchant 
par leur base, ainsi que le fait Alder *. 

Pour moi, il existe des méridiens parfaitement caractérisés ; seu- 
lement, ce sont des méridiens réduits à leur plus simple expression. 

Je n'avais pas encore eu à ma disposition le genre Z’uGYRA quand 
je décrivaisla branchie de l’Anurella Roscovita, et que je cherchais par 
une Comparaison à faire comprendre la formation et la structure des 
branchies et de leurs infundibulums. J'indiquais* qu'en incisant une 
feuille de papier suivant de nombreuses lignes concentriques par 
rapport à un centre, on pouvait, en plaçant un corps pesant sur ce 
centre et élevant les bords de la feuille, imiter absolument un infun- 
dibulum et se rendre un compte parfaitement exact de l'organisation 
de cette partie constituante d'un méridien. Il est impossible de trouver 
un exemple servant à une Comparaison plus exacte et dont le plan 
d'exécution soit plus conforme à cette indication théorique que la 
branchie de l'£ugyra*. 

Ces infundibulums sont véritablement types de l’organisation la 
plus simple, les côtes destinées à soutenir les méridiens sont aussi fort 
simples. Iei la côte, car il n'y en a qu'une, n’est unie qu'aux paral- 
lèles parfaitement nets et laisse libre le sommet de l'infundibulum. 

Dans la partie de préparation dessinée, l'infundibulum, ressemblant 
à un petit mamelon, s'incline à droite et la côte retombe à gauche ; 
aussi reconnait-on très bien l'indépendance de l'un et de l’autre. 


1 Voir ALDER, Ann. and Mag., vol, IT, pl. VII, fig. 8. 

2 Voir HANCOGK, id., id., p. 335. 

3 Voir ALDER, loc. cit., pl. VII, fig. 3. 

* Voir H. DE L.-D., Arch. de 2001. exp. et gén., vol. III, 

5 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI. pl. XX VII, fig. 5. On voit en 1 un som- 
met d’infundibulum entouré des trémas larges et circulaires qui seraient repré- 
sentées par les incisions circulaires du papier. 

6 Voir id:, id,, C. 


652 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Les côtes et les parallèles, se coupant à angle droit, limitent les 
bases des infundibulums et les rendent quadrilatères. Ce n’est qu’en 
s’approchant de la base du mamelon infundibulaire que les trémas 
deviennent tout à fait circulaires. 

I n’est pas possible de ne pas admettre la présence des méridiens, 
réduits à une simple côte et à un petit cul-de-sac ou infundibulum. 

On comprend maintenant la cause bien évidente de l'apparence 
que présente la face externe de la branchie : les bandes de points 
obscurs suivent le grand axe correspondant aux méridiens, et les 
bandes transversales correspondent aux espaces laissés libres par les 
parallèles, quienferment des séries d’infundibulums perpendiculaires 
aux premières. 

Rien n'est plus facilement lisible que cette disposition organique, 
surtout si l'on imbibe la branchie, après l'avoir durcie pour en main- 
tenir les parties écartées. 

Pour cette espèce mieux peut-être que pour les autres, la solution 
d'acide chromique, un peu forte, rend les plus grands services. Le 
mode de préparation peut expliquer la grande différence qui existe 
entre les dessins d’Alder et ceux que je donne moi-même.Dans aucun 
cas, les cônes ne sont aussi gros, aussi rapprochés à leur base, etles 
baguettes qui les forment, d'un aussi grand diamètre, par rapport au 
volume des cônes, que les ont représentés les auteurs anglais. 

Les frémas sont exceptionnellement longs, car ils vont de la base 
jusqu'au sommet de l'infundibulum. On pourrait dire qu'il n'y à que 
deux trémas, marchant en sens inverse, mais enroulant leur spirale 
d’une facon telle qu'on serait porté à croire qu'il n’y en à qu'un 
seul. C’est au sommet ‘ seulement qu'on reconnaît et la direction 
et la séparation des deux trémas formant les infundibulums. 

Cette disposition a été non seulement bien indiquée, mais aussi 
parfaitement dessinée par les auteurs anglais. Ils n'ont pas non plus 
laissé de côté les capillaires, qui sont fort remarquables ; mais il 
ne serait pas exact de dire que les fentes branchiales se rejoignent 
au sommet : elles y sont absolument distinctes. 

Les trémas, aussi longs qu'on les a vus, ne permettraient guère 
aux baguettes qui les limitent de se maintenir dans une posi- 
tion fixe. L’infundibulum pourrait devenir d’une longueur extrême 


1 Voir Arch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 6. On reconnait un som- 
met ; {, tréma, venant de gauche à droite, et {', allant de droite à gauche. 


"ei. : 


ce 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 653 


et se dérouler pour ainsi dire. La nature à remédié à cet incon- 
vénient en-faisant descendre du sommet de linfundibulum six, 
sept ou huit vaisseaux capillaires qui coupent les trémas perpendi- 
culairement à leur direction et qui, en rayonnant ainsi vers la circon- 
férence, passent en sautoir sur les baguettes en s’unissant à elles et 
en les maintenant dans leur position respective. 

Dans l’ensemble des caractères offerts par la branchie, il n’est pas 
possible de ne pas trouver des raisons suffisantes pour admettre le 
genre £'UGYRA. Car il n’y a pas seulement des variétés dans la dispo- 
sition qu'on vient de voir, il y a des modifications profondes de l’or- 
ganisation. | 

Une particularité importante doit encore être notée : dans la 
figure à laquelle nous avons renvoyé pour cette description, on peut 
remarquer que, à droite, entre la dernière côte de ce côté et le raphé 
antérieur?, se trouvent trois petits mamelons correspondant à un 
seul mfundibulum. 

On a vu, en commencant la description de la branchie, qu'on pouvait 
compter huit séries méridiennes de chaque côté. Il y aurait donc une 
série de plus dans l’Eugyre que dans les Molgulides les mieux parta- 
gées, car on ne rencontre jamais que sept méridiens sur chaque moitié. 

J'ai constamment trouvé une série de petits cônes à droite et à 
gauche tout près du raphé antérieur. Dans ces deux séries le nombre 
des cônes est triple de celui des séries voisines. Est-ce là un carac- 
tère de valeur spécifique ou de valeur générique ? Je ne saurais 
le dire, n'ayant eu à ma disposition qu'une seule espèce. 

Il était utile d'appeler l'attention sur lui. 

Raphés et têtes des méridiens.—L'union des raphés et de l’unique côte 
représentant chaque méridien se fait autour de la bouche par un filet, 
absolument comme dans les autres Molgulides. Mais il est tout natu- 
rel que nous ne rencontrions pas autre chose: puisqu'il n'y à qu’une 
côte, il est impossible de trouver plus que l'extrémité de cette côte. 

La région buccale offre, on le voit, une très grande différence avec 
ce qu'on à vu dans les autres Molgulidés. 

Le raphé antérieur est normalement constitué, sans caractère 
particulier, de même que le raphé postérieur. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVII, fig. 5. Il y a sept lignes 
dans ce cas et sept lignes rayonnant de la base du mamelon central. 

3 Voir id., id., Ra, raphé antérieur. 

8 Voir id., id., fig. 8. Bo, bouche; Ra, raphé ant,; Rp, raphé post. 


654 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Tube digestif. —Occupant exactement la position habituelle, les orga- 
_nes de la digestion se font remarquer par leurs grandes dimensions. 

La bouche est relativement petite, et la zone péribuccale, comprise 
entre les terminaisons des têtes méridiennes et le cordon qui unit 
celles-ci, n'offre point, du moins sur les animaux préparés ou con- 
servés, les deux croissants qu’on a vus exister si nettement dans les 
espèces précédentes !. 

L'œsophage est long et remonte assez haut, il est entouré par les 
lobes du foie?. 

La glande hépatique est caractérisée par la longueur de ses plis imi- 
tant les cæcums sécréteurs ; aussi, plus que dans toute autre espèce de 
Molgule, la forme glandulaire avec culs-de-sacs glandulaires est ici 
évidente *. 

Remarquons encore que le petit lobe de droite, entre le rectum et 
l'estomac, est plus développé que dans les autres espèces ; c’est or- 
dinairement l'inverse qu'on observe. 

L'intestin a un calibre très considérable, surtout dans la première 
partie, qui est habituellement vide de vermicelles excrémentitiels. 

Ceux-ci sont gros et très solidement constitués ; aussi paraissent- 
ils très distinctement au travers des parois minces de l'intestin. 

L'anus est libre sur le dos de la branchie, et sa marge festonnée 
porte des dents aiguës très faciles à reconnaître. 


Corps de Bojanus. — Le rein se trouve comme toujours sur le côté 
gauche ; mais sa position sur ce côté est tout à fait exceptionnelle. 
Il remonte beaucoup en haut, se porte en arrière et devient par son 
bord convexe tangent aux lobes gauches du foie. 

Du reste, l'absence de glande génitale à gauche donne à ce côté 
une apparence toute particulière *. 

I ne m'a pas paru être bourré de concrétions colorées inorga- 
niques, comme on le voit habituellement. | 

L'aorte viscérale doit être extrèmement courte et passer très près 


1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VIT, fig. 8. 

2 Voir id., id., fig. 2, fig. 8, f. Dans cette dernière figure on voit le lobe droit du 
foie à gauche et en remontant de la bouche sur la droite du foie une traînée ombrée 
correspondant à l’œsophage. 

3 Voir id., id., fig. 4, f. 

* Voir id., id., fig. 4, à, anus. 

5 Voir id., id., fig. 3, R, rein. Comparez cette figure avec la 4re figure des 
autres espèces représentant le côté gauche. 


n 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. (pH 


de l'insertion supérieure du tube expirateur; car le cœur, placé dans 
la concavité de la courbe de l'organe de Bojanus, lequel est presque 
horizontal, doit avoir la même position que lui, et son extrémité pos- 
térieure ne peut naturellement pas être en face de la masse viscérale. 

Il y à donc, dans les caractères tirés de la position du rein et des 
organes de la cireulation, une particularité qu'il est utile de signaler 
et qui est exceptionnelle dans la famille. 


Tunique. — L'enveloppe externe de l’'£ugyra est certainement vil- 
leuse et fort adhésive, puisque‘ dans plus d’un exemple on trouve 
des cailloux de plus de 1 centimètre de diamètre fixés sur le corps. 

La moitié au moins de la tunique correspondant à la partie posté- 
rieure est grisâtre, finement villeuse et n'agglutine que des parti- 
cules sablonneuses ou vaseuses, tandis que la moitié antérieure 
semble adhérente par elle-même, indépendamment des villosités. 

On sait que certaines Ascidies deviennent adhésives par la surface 
de leur tunique même. Ainsi, il m'est arrivé fréquemment, en faisant 
vivre des Phallusies intestinales, de les voir devenir adhérentes au 
fond des cuvettes de verre par des sortes d’épanchements ou d'ex- 
pansions de leur tunique; il n'y à point de villosités dans ce cas. De 
même ici, on pourrait croire que c'est la tunique qui s'attache 
directement aux corps étrangers. [Il ne faudrait pas en conclure 
que les choses se passent ainsi pour le cas où l'animal habite un 
fond purement sablonneux, comme cela semble être le cas pour les 
animaux observés par Hancock et Alder. 

Il m'a toujours semblé qu'en voulant enlever la tunique, elle 
cédait plus facilement en avant, c'est-à-dire dans la partie où étaient 
adhérents les plus gros corps étrangers ; et le plus souvent aussi, en 
enlevant ces gros débris agglutinés, je la déchirais, car en somme elle 
est mince et presque transparente en avant. 

Le manteau est d’une grande délicatesse et d'une extrème finesse 
dans toute son étendue; aussi, quand on a enlevé la tunique, ce qui 
demande du soin pour respecter les tissus sous-jacents, voit-on 
très bien les organes placés au-dessous de lui: l'intestin, les glandes 
génitales ? et la branchie. Ce qui frappe aussi, c’est l'absence très 


1 Voir Arch. de 300]. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 1. Individu un peu plus 
grand que nature et qui s’est fixé dans un recoin formé de coquilles et de cailloux. 


? Voir id., id., fig. 2, it, fig. 3. Celle-ci montre le réseau branchial très évidem- 
ment. ù 


656 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


marquée des gros paquets fusiformes des muscles ; non qu'ils n’exis- 
tent pas du tout, mais parce qu'ils sont fort petits. 

Toutefois, en deux points, les paquets musculaires sont extrême- 
ment nombreux et remarquables. 

Les muscles longitudinaux des siphons ‘ s'arrêtent très régulière- 
ment sur le manteau et y décrivent, par leurs extrémités tronquées, 
des cercles très visibles, d'autant plus faciles à observer que , sur les 
animaux conservés ou préparés, ils prennent une couleur obscure 
brunâtre fort accusée. 

On dirait que tout le développement de la musculature s’est porté 
surtout vers les tubes. 

Il existe encore un endroit dans lequel ces noyaux fusiformes sont 
très nombreux et tout à fait caractéristiques, c’est entre la rangée 
des petits infundibulums, voisine de l’endostyle, et l’endostyle lui- 
même ?. 

Ces petits muscles s'imprègnent très facilement de couleur rouge 
vers le milieu du ventre du fuseau, tandis que leurs extrémités res- 
tent pâles ou blanchâtres ; ils paraissent très bien à l'œil nu et leur 
disposition est si particulière, qu'il m'est arrivé quelquefois, en les 
voyant, de diagnostiquer une Æ’ugyra. Is sont très exactement per- 
pendiculaires au raphé antérieur et forment des petits groupes de 

“trois, quatre ou cinq faisceaux correspondant ordinairement aux 
intervalles des petits infundibulums. 


Le système nerveux est noyé sous une couche de tissus qui le 
voile quand on observe du côté de la cavité interne. L’angle d’ori- 
gine * du raphé postérieur ne mérite plus ce nom; il est mieux de 
dire que le raphé naît perpendiculairement à la courbe même du 
sillon suscoronal. C’est dans le milieu de la partie qui sépare l’ori- 
gine du raphé postérieur du tentatacule impair médian postérieur, 
que l’on voit l'organe vibratile *, véritable croissant demi-circulaire 
dont l'ouverture est inférieure et regarde à droite. 

La glande prénervienne est très petite et tangente à la partie infé- 
rieure gauche dé l’organe vibratile ?. 


1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VIL, fig. 2,3 et 4. 

? Voir 1d., id., fig. 5, m, m, entre /, infundibulum, et Ra, raphé antérieur. 
3 Voir id., id., fig. 9, Rp. 

* Noir1d,tid/Mig9, F 

$ Voir d., i4., fig.9, G. 


«  ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 657 


On reconnaît incontestablement dans ces parties un ensemble de 
caractères fort importants à signaler. 


Organes de la reproduction. — Les glandes génitales sont impaires 
et asymétriques ; elles n'existent qu'au côté droit et sont réunies, 
mâle et femelle, comme dans les autres Molgules. 

Elles forment une longue bande étendue obliquement, de haut en 
bas et d'arrière en avant, en partant du voisinage de l'anus, du 
foie et de l’æsophage, pour dépasser l'extrémité inférieure de l'anse 
intestinale et apparaître sur le côté gauche, qui est moins étendu 
que le droit, sur lequel est reporté et refoulé le raphé antérieur‘. 

Cette bande passe en sautoir sur la face interne de l’anse intesti- 
nale, qu’elle croise dans la direction indiquée. Il faut, je pense, rap- 
porter les grandes proportions du côté droit et l’écartement ou la 
disjonction des deux parties de l'intestin ? à l'étendue et à la posi- 
tion que prennent les glandes génitales de ce côté. 

Le testicule occupe la partie antérieure de la masse ; il est en même 
temps appliqué sur la face interne de l'ovaire; sa position rappelle 
tout à fait celle qu'on voit chez les Anurella simplex et Ctenicella 
Lanceplaini; c'est-à-dire que la glande est formée de culs-de-sac très 
distincts, groupés enflobules dont les canaux excréteurs s’abou- 
chent tous dans un seul canal central qui se dresse vers le milieu 
de la masse glandulaire et s’ouvre par un orifice unique*. 

L'ovaire est volumineux et se trouve situé entre le testicule et l’anse 
intestinale ; il s'ouvre au dehors par un oviducte assez grand qui, se 
plaçant à côté du rectum, vient déboucher à peu de distance de 
l'anus*. Quand, l’animal étant couché sur le côté gauche, on dé- 
tache le manteau de la branchie, le long du raphé antérieur, et qu'on 
le rejette à gauche, on voit très exactement l’oviducte et son orifice 
dans l'angle que forment l’anse intestinale et le rectum, et au-dessus 
de l'ouverture béante du siphon postérieur. 

Embryon. — M. Hancock ayant affirmé que l'embryon de l'Eugyre 
est urodèle, je n’avais pas à chercher à vérifier cette observation d’un 
naturaliste aussi éminent. 

Du reste, à propos de ma communication, qui avait été faite 


1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VL., pl, XX VII ; comparez les figures 2 et 3, 
2 Voir id., id. fig: 2, à. 

$ Voir id., id., fig. #, T, testicule. 

# Voir id., id., fig. 4. 


ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. = Ti Vt, 4877. 42 


658 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


en 1870, ét dans laquelle j'avais cru que mes obsérvations se rappor- 
taient à la Molqula tubulosa, M. Hancock a montré que nous avions 
dù nous occuper d'espèces différentes. Cela était vrai; aussi ai-je 
dû révenir Sur une détérmination que tout naturaliste eût faite à ma 
place én raison du peu de précision des descriptions données alors 
par les auteurs. 


STATION. 


L'£ugyrararenosa se trouve, mais en petit nombre, dans les mêmes 
parages que l’Anurella oculata ; dans les environs de Roscolf, on ne 
peut lavoir qu'avec la drague. 

A Astan, elle m'a paru plus fréquente que dans le côté ouest, en 
dehors du canal et de l’île de Batz. Dans cette dernière localité, en 
face de Santec et de l’île de Siec, la mer est le plus souvent grosse et 
les dragages y sont moins souvent praticables ; aussi ne puis-je 
affirmer qu'elle n’est pas plus fréquente dans ces parages. Ainsi que 
je le disais en comméncant son histoire, cétte espèce doit être très 
répandue en Angleterre ; elle me semble bien plus abondänte que 
sur nos côtes ; mais, peut-être, les localités où elle abonde chez nous 
n'ont-elles pas été reconnues. 


SYNONYMIE. 


Il en à été assez dit en rappelant les opinions dé M. Hancock, pour 
qu'il ne soit pas nécéssaire de nous étendre longuement sur cetté 
partie de l'histoire de l'Eugyreé. 

Les naturalistés Alder et Hancock avaient établi l'éspèce Molqula 
arenosa en 1863, Comme l'indique J. Alder dans son travail : On thé 
British Tunicata, p. 160, vol. XI, Ann. and Mag., 3° série, 1863. 

Plus tard, Hancock, publiant une noté sur plusiéurs espèces noù- 
velles d’Ascidies, et à propos de ma communication à l’Académie 
(vol. VI, 4° série, Ann. and Mag., p. 353, 1870, novembre), dit formel- 
lement: «The Molgula tubulosa of the British Mollusca (de Forbes 
et Hanley) is the Molqula arenosa of Alder and Hancock, déscribéd 
in the Transactions of the Tynesides Naturalists Club (vol. I, p. 197) 
RE it necessary to separate it generically, and to establish a 
new genus for its reception, to which we gave the name of £ugyra. » 
(Loc. cit., p. 354 et 355). | 

Enfin, en dernier lieu, M. Kupffer, dans l'Histoire des Molgules de 


miss 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 659 


la mer du Nord, revient sur cette distinction et n’admet pas le genre 
Eugyra. fait donc de cette espèce une Molgule et lui impose de 
nouveau le nom de Molgula arenosa (loc. cit,, Nordsee Expédition, 
p. 226, pl. IV, fig. 4). 

D'après toutes les raisons qu'avait données Hancock et celles qui 
nous semblent découler de la description minutieuse qui précède, 
nous adoptons ét conservons le genre £'uayrA et l'espèce £'. arenosa. 

Les Américains, eux aussi, acceptent ce genre, et M. Vertill à fait 
connaître une autre espèce: 

Il ne m'a pas été possible de me procurer l'£'ugyra globosa, et, par 
conséquent, d'en indiquer les caractères comparativement à ceux de 
l'£. arenosa. Je dois cependant la signaler. 


2° ESPÈCE. 
EUGYRE GLOBULEUSE. ÆUGYRA GLOBOSA (HANCOCK). 


Cette espèce a été draguée par M. Jeffreys et le Rév. A.-M. Norman, 
à Guernsey, en 1864. 
Comme elle a été trouvée non loin de nos côtes et que je ne l'ai 
point vue moi-même, car elle doit être rare (Hancock dit n’en avoir 
eu qu'un individu), je crois utile de rapporter cette description. 


Eugyra globosa, Hancock 1, 


Body globular, unattached, entirely covered with sand and frag- 
ments of shell. Apertures not quite terminal, a little apart, some- 
what produced, rather vide, cylindrical, resembling a pair of teats, 
colourless, transparent, placed in a well-defined, bilobed, narrow 
area, devoid of attached sand. Testé soft, thin, with very delicate and 
for the most part simple fibrils. ÆAMantle thin, colourless, or slightly 
tünged with yellow, transparent, the viscera showing through ; tubes 
hyaline, with delicate membranous walls. Zranchial sac with the 
vessels of the double spiral coïls rather stout. /ntestine forming 
a single loop, short and constricted towards the anal extremity, and 
widening at its junction with the stomach. Ziver bulky, of a black 
olive-green. Æeproductive-organs of a pale yellow, placed partly 


within the intestinal loop, and partly above it. Diameter half an inch. 


À single specimen of this interesting species was dredged by 


1 Loc. cit., p. 367. 


660 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Mr. Jeffreys and the Rev. A. M. Norman in Guernsey in 1865. E. glo- 
bosa is distinguished from Z. arenosa by the from and larger seize 
of the tubes, by the less voluminous intestine, by the shortness of 
its loop, and by the darkness and colour of the liver. 


Telle est l’histoire des Molgulidés que j'ai pu trouver à Roscoff ou 
sur une partie de nos côtes. 

Si l’on juge par analogie en voyant le.-nombre des espèces trou- 
vées à Roscoff seulement, on peut je crois prévoir que le groupe des 
Molgulidés est plus considérable qu'on n’eût pu le supposer d’abord, 
puisqu'il n’était représenté primitivement que par un seul genre et 
deux espèces. 

On verra dans un autre groupe, dont, je l'espère, la publication 
sera prochaine, que le nombre n'est pas moindre, et que les 
caractères tirés des parties profondes ainsi que les observations minu- 
tieuses des moindres détails peuvent et doivent servir dans la spécifi- 
cation des Ascidiens, dont l'apparence extérieure, ainsi que le disait 
Savigny, est fort semblable, mais dont l’organisation intérieure est. 
fort variée. | 


EXPLICATION DES PLANCHES, 


Lettres dont la signification est constante dans toutes les planches. 


À, orifice et siphon postérieur, expira -| Ra, raphé antérieur. 
teur ou anal. Rp, raphé pestérieur. 


B, orifice et siphon antérieur, branchial, 
inspirateur ou buccal. 

Bo, bouche. ; 

Br, branchie. 

(7, côtes. 

G, glande prénervienne. 

Î, infundibulum. 

M, méridiens. 

N, système nerveux. 

O, ovaire. 

P, parallèles, 

R, rein ou corps de Bojanus. 


T, testicule. 
V, organe vibratile. 
Va, valvule de l’orifice postérieur. 


a, anus. 
d, canal déférent. 
f, foie. 


i, intestin. 

o, oviducte. 

00, orifice de l’oviducte. 

od, orifice du canal déférent. 
t, tréma. 


PLANCHE XIV. 


Anourelle oculée (Anurella oculata). 


Fic. 1. Un individu de grandeur naturelle, pêché dans la rivière dè Saint-Pol-de- 
Léon. Les orifices à moitié entr'ouverts; les tubes rétractés, montrant la 
région osculaire et la bande musculaire interosculaire caractéristique ab. 


f 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 661 


Fi. 2. Un jeune individu couvert de gros graviers qui forcent la fente osculaire 
à s'accuser sous la forme d’un pli; siphons rétractés, 
3. Une partie grossie du même, vu de côté, avec les siphons étendus, fort 


transparents. 
4 et 5. Siphons plus grossis d’un jeune individu el en état parfait d’épa- 
nouissement. 


6. Orifice d’un adulte largement épanoui, pour montrer la livrée et les points 
colorés, presque de grandeur naturelle, pendant une contraction de la 
base du siphon; la lumière du canal est très rétrécie. 

7. Apparence exacte d’un siphon branchial d’un très gros individu bien 
épanoui; on voit que les parois du siphon paraissent épaisses etles lobes 
du feston semblables à de petites dents. 

8, Une portion encore plus grossie du mème orifice que figure 7, vu en de- 
dans pour montrer : 40 les taches jaunes et rouges formant la livrée; 
20 les prolongements ciliaires bd de la tunique sur le bord libre entre les 
dents. 

9. Masse glandulaire vue du côté de la cavité péribranchiale : O, ovaire ; 
T, testicules ; d, od (on a gravé cd par erreur), canaux et orifices mâles ; 
o, oviducte, et 00, son orifice avec papille, placée entre deux faisceaux 
musculaires. 

10. Une partie de l’oviducte o, suivie et précédée d’un étranglement, avec la 
papille terminale en fer à cheval 00 ; Va, valvule de Porifice postérieur. 

11. Origine du raphé postérieur Rp; V, l'organe vibratile dont les extrémités 
en croissant sont fortement recroquevillées. 


PLANCHE XV. 


Anourelle oculée (Anurella oculata) (suite). 


Fi. 12. Animal dépouillé de sa tunique, vu par le côté gauche ; les lettres dont la 
signification a été donnée antérieurement indiquent suffisamment la dis- 
tinction des organes. 

Les organes de la reproduction sont à l’état de maturité; l'ovaire est 
violet et le testicule un peu jaunâtre. 

Ce qui frappe dans cette figure, c’est la direction verticale des glandes 
génitales et de l'organe de Bojanus. 

La région interosculaire ab est aussi bien évidente. 

13. Côté droit d’un animal dépouillé ; la glande femelle est encore jaune, elle 
n’est pas müre, 

L’anse intestinale est à peine infléchie, elle est verticale. 

14. Une très petite partie de l'une des divisions latérales des tentacules mon- 
trant la face colorée et le mode de distribution de la couleur caracté- 
ristique. 

15. Portion d’un méridien prise entre deux parallèles, y compris la partie 
correspondante glu fuseau entre C° et C’. 

De C’ en C” les côtes nombreuses de la face postérieure du méridien ; 
int M, espaces interméridiens; 1! à J*, base et division successives d’un 
infundibulum. 

Le réseau des capillaires est très irrégulier et à mailles serrées. 

16. Une extrémité des infundibulums, C, avant-dernière côte ; C, côte du bord 


662 l HENRI DE LACAZE-DUTHIERS, 


libre, figure destinée à montrer la marche et les rapports des trémas ; 
v, vaisseaux capillaires formant un réseau irrégulier au-dessus des tré 
mas qui sont obliques et spiraux, 


FiG. 17. Un godet y formant la tête des méridiens. 


PLANCHE XVI, 


Anourelle solenote (Anurella solenota). 


FiG. 1, Animal de grandeur naturelle avec ses siphons épanouis et étendus, pêché 
à Astan. 

2. Animal dépouillé, grossi, vu par le côté droit; limite des fibres muscu- 

laires longitudinales fort accusées, intestin peu infléchi. 

3. Le même dépouillé, vu par le côté gauche; rein à peine courbé, ovaire 
de même, 

4. Portion de la cavité péribranchiale étendue; une partie de la branchie en- 
levée antérieurement ; elle est vue par la face antérieure, aussi le côté 
droit est-il à gauche de l’observateur. Une portion de la branchie a été 
conservée; elle montre le lobe gauche du foie (f), insinué entre les lames 
du feat 

(a'), l'anus, a un caractère particulier : il n’est pas prolongé sur le dos 
ke la branchie, il est entouré par un bourrelet. 

Le testicule a une physionomie spéciale : il représente nettement 
une glande en grappe; l’orifice od (indiqué ed par erreur) est unique; 
les orifices femelles 00 sont très en arrière sur les côtés du rectum. 

La valvule Va est extrêmement petite, 

5. Une portion de branchie imbibée en rouge. C, C, C, les côtes; l', l’, l”', les 
infundibulums simples; Àf, méridien. 

6. Terminaisons des méridiens du côté de la bouche. M, méridiens; intM, fu- 
seaux interméridiens; a, godets terminaux; c, les côtes, et b, le filet 
d’union de toutes les têtes. 

7. L'un des plusjgrands tentacules vu par sa face branchiale. 

8. Angle d’origine du raphé postérieur. G, glande prénervienne; V, organe 
vibratile ; N, ganglion nerveux; la glande est très élevée et le croissant 
non recroquevillé ouvert à gauche. 


PLANCHE XVII. 


Anourelle simple (Anurella simpleæ). 


F16. 1. Individu un peu plus que grandeur naturelle fixé sur une tige de goëmon, 
pêché aux Pierres-Ayeugles, dans le canal de Roscoff. 

2. Animal dépouillé de sa tunique, côté droit, Caractère important à consta- 
ter : forte courbure de l’anse intestinale (ai), position des glandes dans 
l’intérieur de la courbe décrite par l'intestin. 

3. Animal également dépouillé, vu par le côté gauche. Horizontalité du corps 
de Bojanus R et de l’ovaire et du testicule, caractéristique de l'espèce. 

4, La branchie étant enlevée en bas, on voit la partie postérieure de la chambre 
péribranchiale par l’avant. Particularités à constater : valvule Va très 
petite; foie (f) insinué à droite dans le manteau; méridiens vus de 
chaque côté ; anus (a) frangé sur les bords; orifice génital femelle (00) 


F6, 


Fc. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 663 


s’ouvrant très près du bord de l’orifice postérieur; les orifices mâles (od) 
(indiqués par erreur cd, multiples et sur la face interne de l'ovaire. 

5. Une portion de branchie colorée en rouge. Caractères : sommets des in- 
fudibulums /', 1", 1"! un peu divisés; capillaires peu compliqués et peu 
nombreux, rectilignes; portion voisine du raphé antérieur placée dans 
la figure en haut, offrant des trémas ({, {) bizarrement contournés. 

6. Coupe de deux méridiens pour montrer les côtes fort saillantes sur la face 
antérieure. C’est un caractère de l'espèce; les méridiens sont couchés 
sur leur face postérieure, qui est dépourvue de côtes. 

7. Un tentacule des plus grands. La partie dorsale ou externe, godronuée (a), 
est très développée et très différente de la face branchiale, colorée, que * 
l’on voit en avant. 

8. Angle d’origine du raphé postérieur. Caractères: &, glande prénervienne 
fort petite, supérieure à l’organe vibratile V; ces deux organes sont placés 
à gauche du ganglion nerveux N. 


PLANCHE XVIII. 


Anourelle du Loup (Anurella Bleizi). 


la. Groupe de Cynthia rustiques pris dans une grotte à Carec-ar- 
Bleiz, sur lequel est fixée une Anurella Bleizi venant de rejeter des em- 
bryons anoures, e. La couleur des Cynthia est à peu près naturelle, ainsi 
que celle de la Molgulide. 
1b. Echantillon grossi, fixé sur une tige de Gystoceris et pêché aux Pierres 
Aveugles, Il faut remarquer quelle différence existe dans l’apparence des 
deux individus fig. 4 a et fig. 1 b. 
La position et la grandeur des deux orifices sont surtout très diffé- 


rentes. 
2. Côté droit d’un individu dépouillé de sa tunique ; on voit, e, e, deux groupes 
d’embryons au-dessus et au-dessous des glandes génitales. — Le si- 


phon À postérieur est plus long que l’antérieur B, sur lequel on voit 
des côtes dues aux bandes robustes de muscles des siphons. 

3. Côté gauche du même animal que figure 2. On distingue bien les rap- 
ports des glandes génitales mâles et femelles. 

La teinte jaune de l'ovaire est naturelle ; celle du corps de Bojanus 
l’est de même. 

On voit aussi des amas d’embryons çà et là au-dessus et au-dessous: 
des glandes. 

Les deux figures 2 et 3 montrent aussi une disposition organique 
particulière à l’espèce, très marquée : c’est la grande étendue des fibres” 
longitudinales du siphon postérieur, qui arrivent jusqu'au voisinage des 
glandes génitales et s’écartent par paquets en s’irradiant. 

4. L’extrémité d’un siphon branchial, montrant bien la forme des six dents 
aiguës, et les taches jaunes et rouges semées sur la surface extérieure 
de la tunique des tubes. 

5. Région prénervienne. On doit y remarquer la petitesse et la posilion au 
sommet de l'angle d’origine du raphé postérieur Rp de la glande pré- 
nervienne G, le grand allongement du ganglion nerveux et la petitesse 
comme la forme et l'ouverture à gauche du pavillon vibratile. 

6. Un des plus grands tentacules de la couronne. Caractère et petitesse de 


664 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


la face colorée et des ramifications de troisième ordre, grand dévelop- 
pement de la partie bouillonnée. 

Fic. 7. Une portion de branchie, vue du côté de la cavité ; la partie postérieure 
est en bas, l’antérieure en haut; P, P, parallèles. Les méridiens sont cou- 
chés sur le côté postérieur; les trois côtes de chacun d’eux sont bien 
évidentes, ainsi que la bifurcation des infundibulums, bifurcation qui du 
‘côté antérieur devient tellement profonde que l’on peut admettre que 
les deux infundibulums ,mtérieurs entre deux parallèles, n’en ont formé 
primitivement qu’un. | 

8. Intéressante figure, car elle montre avec netteté le caractère important de 
l’espèce, pour les organes de la reproduction : 

O, l'ovaire, jaune, forme une bandelette presque verticale, dont l’ovi- 
ducte, étant supérieur, se dirige horizontalement et se termine par 
une grosse papille cordiforme 00. | 

Des embryons sont dans le voisinage et montrent bien la gran- 
deur relative des parties, le tout ayant été dessiné à la chambre claire 
sous un même grossissement. 

T, le testicule, formé de petits lobules de culs-de-sac distiques de chaque 
côté d'un canal déférent d, qui suit le milieu de la face interne de l’ovi- 
ducte, et vient s’ouvrir en od au sommet de la pointe du cœur de la 
papille. 

9. Partie de la chambre péribranchiale correspondant à l’orifice interne du 
siphon postérieur ; elle est vue par la partie antérieure, la branchie étant 
rejetée sur la gauche de l’observateur. 

Ce qu’il faut observer dans cette figure importante, ce sont: 

19 La grosse papille cordiforme terminant l’oviducte, 00, placée dans le 
fond de l’angle dièdre formé par le manteau et la branchie, son orifice 
ayant une forme toute particulière, et l’ouverture od du spermiducte 
au sommet de l’angle de la papille cordiforme. 

Cette disposition est caractéristique de l'espèce et suffirait à elle seule 
pour la faire reconnaître ; 

20 L’anus, a, avec l’extrémité libre du rectum, aplati ; 

3° Le foie, f, est accolé à la branchie et uni au manteau, comme c’est l’ha- 
bitude ; 

40 La valvule Va, très développée et ployée sur la ligne médiane en 
arrière. 


PLANCHE XIX. 


Molgule à siphon échinulé (Molgula echinosiphonica). 


Fic. 1. Groupe de Cynthia rustica de grandeur et de couleur à peu près natu- 
relles, sur lequel est une Molgula echinosiphonica, peut-être un peu 
grossie, mais naturelle de port et de couleur. 

la. Les deux siphons épanouis montrent bien et la couleur et les autres ca- 
ractères de l'espèce. Le siphon B ou branchial offre surtout ce caractère 
particulier spécifique. | 

1b. Le siphon antérieur grossi avec ses épines contractées à moitié. Si l’on 
considère l'étendue du diamètre et le peu de largeur des épines, on peut 
comprendre que si l'épanouissement n’est pas complet, ce caractère 
spécifique puisse échapper dans une observation superficielle. 

2, Côté droit d’un animal dépouillé de sa tunique. 


Fic. 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 665 


Il faut observer : 
4o L’anse intestinale, à, dont la longueur est la moins considérable peut- 
être de toutes les espèces ; 
20 L’anus @, qui est assez bas et détaché ; 
30 Les rapports des glandes mâle T et femelle O; 
40 Les amas d’embryons, e. 


. Même animal vu par le côté gauche. Les quatre lobes du foie, f, se mon- 


trent sur ce côté. Le corps de Bojanus, R, est petit et son corps inorga- 
nique central est concret. 


. Anse intestinale, à, avec son manchon ;e, un embryon; 7, le testicule en 


grappe avec un seul orifice excréteur, od ; 0, l’oviducte, courbé en crosse ; 
00, son orifice. : 


. Fin du rectum avec l'anus à, à bords libres, renflés en bourrelets; Br, une 


très petite portion de la branchie. 


. Une partie de la branchie imbibée au carmin, vue par la face postérieure, 


pour montrer les entrées des infundibulums 1 et les trémas, {, ayant la 
même direction que les parallèles P. 


. Une portion de méridien détachée des fuseaux interméridiens, également 


imbibée. 

Les infundibulums sont très remarquablement coniques et leurs tre- 
mas, {, sont tellement grands que, vus de côté, ils ressemblent à des 
échancrures. 


. Une section perpendiculaire d’un méridien, montrant la direction des côtes 


10. 


4. 


et leur grandeur comme leur position relative. 

Région prénervienne. La glande G est remarquable par sa largeur et sa 
direction perpendiculaire aux côtés de l'angle origine du raphé posté- 
rieur Rp. Le ganglion N est supérieur et fortement porté sur la droite. 
L’organe vibratile V est petit et bombé. Sa fente est en croissant, ses 
extrémités peu recroquevillées. 

L'un des plus grands tentacules. 


PLANCHE XX. 


Molgule sociale (Molgula socialis). 


. Deux individus des Sables d'Olonne, grandeur et teinte à peu près natu- 


relles. On doit remarquer qu'ils sont très villeux. 


. Animal vu du côté gauche. Ce qu’il faut observer dans cette figure, c’est 


la forte courbure de l’anse intestinale enfermant la glande génitale ©. 
Côté gauche. L’étendue du foie, f, est faible ; le corps de Bojanus, R, est 
très bas incliné à 45 degrés et la aide génitale très différemment 
placée que la glande droite. 
Paroi postérieure de la chambre péribranchiale.Les mêmes observations que 
pour les figures 2 et 3 pourraient se reproduire ici. Le foie, f, est fort 
petit, la valvule de l’orifice postérieur peu développée. 


. L’anus, a, avec la marge dentelée, 
. Région buccale. Bo, bouche, montrant bien les relations du raphé anté- 


rieur Ra avec les six méridiens du côté gauche, Le bord du rap posté- 
rieur Rp est un peu inégal, comme ondulé. 


. Extrémité inférieure du raphé antérieur, montrant les papilles p, p, dont 


elle est couverte ; m, le petit repli péricoronal, et l'extrémité, &, inférieure 
de la gouttière. 


666 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Fic. 8. Glandes génitales du côté droit; T, le testicule ; O, l'ovaire allant très en 
avant ; 00, l'ouverture ovarienne large ; d, le canal déférent; od, l'orifice 
de ce canal. | 

9. Mèêmes organes que dans la figure précédente, seulement le testicule T 
est reporté tout à fait vers l’orifice ovarique et son orifice od s'est déta- 
ché de l’oviducte. 

10. L'un des gros tentacules avec la couleur naturelle, Ce qu’il y a à remar- 
quer ici, c’est la présence des papilles couvrant le rachis ainsi que les 
origines des divisions primaires, et le très grand nombre des subdivi- 
sions rendant le tentacule très touffu. 

11, Une des dernières divisions de quatrième ou cinquième ordre. 


PLANCHE XXI. 


Molgule sociale (Molgula socialis). 


Fic. 41. Une MolgulaSocialis pèchée dans la rade de Brest. La largeur des siphons, 
sa grande taille et le faible développement des villosités de la tunique 
frappent dans la comparaison avec la figure 1, pl. XX, représentant une 
Molgule des Sables d'Olonne. 

2 et 3. Coupes de l'intestin montrant le bourrelet intérieur, vrai typhlosolis qui 
parcourt tout le canal intestinal dans la figure 3. Le bourrelet est 
massif dans la figure 2, qui le représente dans une autre partie de l’in- 
testin. 11 forme une lame recourbée qui limite un second tube inté- 
rieur. 

4. Région prénervienne, Le ganglion N, la glande grosse et transversale G, 
et l’organe vibratile V, sont très bas au-dessous de l'angle. 

L’organe vibratile V a les extrémités de son croissant fort recroque- 
villées et son ouverture dirigée en haut. 

5 et 6. Têtes de terminaisons buccales des méridiens, et origine du cordon 
les unissant au raphé antérieur et postérieur, La figure 6 se rapporte au 
même animal que la figure 6, pl. XX. 

7. Un tentacule, dont l’origine ne me paraît pas absolument définie. Il a été 
trouvé sur un individu qui ressemblait extérieurement et intérieurement 
à beaucoup d’égards à la Molgula socialis, mais dont la branchie, fig. 8, 
et la tête des méridiens, fig. 5, présentaient de notables différences. 

Est-ce une variété ou une autre espèce? Je ne saurais le dire, n'ayant 
pas trouvé d’autres échantillons et n'ayant pas disséqué celui que j’ob- 
servais avec tous les ménagements désirables. 

Il est certain que si l’on compare les figures 7, pl. XXI, et 10, 
pl. XX, on a de la peine à admettre que les tentacules qu’ils représen- 
tent appartiennent à la même espèce. 

8. Branchie imbibée appartenant à l'individu dont le tentacule est représenté 
fig. % 

Le méridien est peu saillant, les trémas sont fort longs, les côtes rap- 
prochées, les capillaires peu nombreux et droits. 

9. Portion de méridien imbibée au carmin montrant les infundibulums à 

_ trémas fort irréguliers, mais surtout un réseau capillaire très irrégulier, 
fort riche, 1m, sur les fuseaux interméridiens. 
10. Une portion de ce réseau grossie, montrant des papilles nombreuses 


fi 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 667 


saillantes, p, sur les capillaires, c, passant en sautoir au-dessus des 
trémas, é. 


PLANCHE XXII. 


Molqula ampulloïdes. 


Nora.— Ces dessins ont été faits sur un individu conservé dans l’al- 
cool que m'avait fort obligeamment envoyé M. Van Beneden. 


F1G. 1. Partie postérieure de la chambre péribranchiale ; a, l'anus béant à bord 
dentelé; Va, la valvule de l’orifice anal 4, à peine saillante ; O, l'ovaire ; 
T, le testicule ayant plusieurs orifices. On remarquera combien les ori- 
fices des glandes femelles sont éloignés de l’ouverture interne du si- 
phon postérieur À. 
2, Côté gauche de l'animal dépouillé de sa tunique, 
On doit remarquer : que l’anse intestinale est fortement courbée, 
mais ne descend pas beaucoup; que le testicule T est supérieur à 
l'ovaire ; que les deux glandes sont presque horizontales ; que le qua- 
trième lobe hépatique au-dessous de l'intestin est assez développé ; que 
la portion du corps comprise entre le sommet de l’anse intestinale et 
l’orifice branchial B est presque égale à la moitié de la largeur totale. 


3. Côté gauche du même individu : petitesse du foie, f, et petitesse de l’or- 
gane rénal, R, en même temps que la position horizontale des glandes 
génitales, O, T, et rénale, R, voilà les faits intéressants qu'il faut noter. 

4. Région prénervienne. Les crigines du raphé postérieur Rp forment à 
peine un angle, la glande prénervienne G est très grande et allongée 
en travers; le ganglion nerveux N est petit, assez inférieur, très porté à 
droite. L’organe vibratile a l’ouverture de son croissant en haut et un 
peu à gauche et sa courbure est très forte. 


5. Une petite portion du manteau portant les prolongements qui de sa sur- 
face pénètrent dans la tunique dont ils se sont détachés. C’est un de 
ces exemples qui viennent à l'appui de l'opinion que je soutiens, que 
les vaisseaux de la. tunique sont une dépendance du manteau et ont 
pénétré en s'allongeant dans l'épaisseur de l’enveloppe externe. 

6. Région buccale, montrant les six têtes de méridiens de chaque côté. 


7. Un tentacule imbibé au carmin. Arborescences nombreuses, les premières 
de très grande taille, les dernières fort petites. Les gros troncs sont 
hérissés de papilles. 

8. Portion imbibée en rouge de la branchie Im, comprise entre deux mé- 
ridiens M, M, dont les côtes sont larges, C, et les capillaires, c, très 
gros et très nombreux. 

Le réseau capillaire, formé par les ramifications des gros troncs par- 
tant des parallèles, masque les trémas qui se contournent autour de diffé- 
rents centres, 

9. Portion prise dans la partie précédente et grossie. Les capillaires, €, €, c, 
forment un réseau à mailles irrégulières en dessus des trémas, qui sur 
un plan inférieur se contournent tantôt par rapport à un centre, tantôt se 
tordent bizarrement en sens inverse. 


Remarque. — Les figures 8 et 9 suffisent pour donner une idée exacte 
du caractère de la branchie. 


Dans la figure 8 laphysionomie générale a été largement indiquée 


668 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


avec les proportions des parties, tandis que dans la figure 9 les dispo- 
sitions ont été copiées servilement à la chambre claire. 


PLANCHE XXIII, 


; Ctenicelle de Lanceplaine (Ctenicella Lanceplaini). 


Fig. 14. Deux individus de très belle taille fixés sur un rocher avec des Spi- 
rorbes, grandeur et couleur à peu près naturelles. 

-1b. L'un des individus de la figure précédente couché sur le côté et bien 
épanoui, fortement grossi. La partie supérieure de la tunique est lisse 
et les grains de sable fixés ne sont qu’au pourtour du corps de lani- 
mal. 

1c. Un individu fixé sur un fucus. 


2. Animal vu du côté droit, mais un peu aussi par Le côté postérieur. 

Le testicule, T, et l’ovaire, O, sont bien distincts en arrière de l’in- 
testin, #, qui est presque vertical; e est un amas d’embryons d’une très 
grande taille. 

3, Côté gauche de l’animal. Le groupe allongé d’embryons du côté droit ar- 
rive jusqu'auprès du raphé antérieur. 

Testicule et ovaire sont aussi fort distincts, leur couleur jaune un peu 
rougeâtre les fait bien reconnaître. 

Le rein R est sur le milieu du corps à peu près, et présente une con- 
crétion fort nette, ayant un noyau arrondi vers le milieu de la lon- 
gueur. 

4. L'orifice À un peu contracté laisse voir les dentelures des festons. 


5. Orifice branchial, à six lobes, montrant les trois appendices de chaque 
lobe. | 

6. Un orifice postérieur À fortement grossi, avec sa tunique, naturel, sans 
préparation, dessiné à la chambre claire sur un individu vivant bien 
épanoui. On voit dans l’intérieur de chaque crénelure une petite bande 
rouge qui est due à la couleur même du manteau. 


7. Dessin important montrant le testicule T blanc, supérieur à l'ovaire O jaune 
rougeätre. 

Le canal déférent a été représenté noir, ce qui n’est pas dans la na- 
ture; pour le distinguer des tissus voisins il s’ouvre par un orifice au 
sommet d’un canal unique od. 

Quant à l’oviducte 0, 0, il se porte en avant et s'ouvre au-dessous 
de l'intestin ; c’est là un caractère important à remarquer. 

Un embryon, e, encore enfermé dans sa coque, et muni d’une longue 
queue enroulée, a été dessiné au-dessous, pour montrer à quelle énorme 
proportion arrivent les jeunes avant de sortir de la cavité incubatrice. 

Cette préparation, que je conserve, a été dessinée à la chambre 
claire; elle est facile à faire et parfaitement démonstrative. 

8. Portion droite de la région buccale, montrant les têtes des méridiens, 7, 
dentelées, et le raphé postérieur, Rp, également très fortement denté. 

C’est un caractère important à remarquer. 

9. Portion de la branchie de la même variété que dans la figure 8 ; variété à; 
les trémas sont parfaitement ordonnés par rapport à un centre placé 
sous les méridiens, m, mais ils sont coupés entre les parallèles par une 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 669 


bande large de tissus qui les interrompt. On remarquera que le méri- 
dien le plus antérieur, m', est extrêmement petit. 

Fi, 10, Variété 6, brachytréma, excessive petitesse des méridiens et des trémas ; 
ceux-ci ressemblent à de petits trous dans une membrane ; on peut ce- 
pendant remarquer qu’ils tournent suivant une coordination centrale. 


11. Portion de branchie de la variété ;, appelée eugyranda, petitesse des mé- 
ridiens et grandeur des trémas. Ceux-ci tournent élégamment autour 
d’un centre placé sous les méridiens. 

Les trémas du bord antérieur de la branchie, {, sont surtout caracté- 
ristiques de la forme dans cette variété, 


PLANCHE XXIV. 


Ctenicelle de Morgate (Clenicella Morgatæ). 


Fi. 1. Un groupe de trois individus fixés sur un tube d'Hermelle, grandeur et 
couleur naturelles. 

. Côté droit de l'animal dépouillé de la tunique. Il faut remarquer le peu de 
courbure de Fintestin et sa position sur le bord antérieur du corps, et 
surtout la forme des glandes génitales. 

. Côté gauche. R, le corps rénal, est d’une petitesse très caractéristique ; 
l’orifice, 00, de l’oviducte est dirigé en avant à droite comme à gauche. 

Les rapports des glandes génitales et du corps de Bojanus sont aussi 
fort exceptionnels. 

4. Orifice branchial vu normalement et avec les caractères du genre, On re- 
marque les tentacules grêles formant un réseau délicat dans le fond noir 
du tube. 

5. Orifice postérieur vu comme le précédent, dessiné d’après un animal vi- 
vant. 

6. Région buccale, montrant les sept têtes des méridiens avec les longs filets 
les unissant aux raphés. 

‘Deux choses importantes à noter : liberté de la tête du premier méri- 
dien postérieur, m; elle est entourée par le raphé postérieur, qui a son 
bord dentelé et qui s’unit directement au deuxième méridien postérieur 
droit. 

7. Partie postérieure de la chambre péribranchiale, On y voit: a, l’anus avec 
son bourrelet; Va, la valvule très développée de lorifice postérieur; 
l’anse intestinale, à, dont les deux branches sont écartées ; les testi- 
cules, T, fort distincts de l'ovaire, 0; l’oviducte, o, allant horizontalement 
en avant ; 00, l'ouverture de l’oviducte à droite sous l’anse intestinale. 

Enfin l’organe rénal fort petit, n’ayant de rapports avec le testicule 
que par une de ses extrémités, 

8. Région prénervienne ; elle a été à tort dessinée renversée, tandis que par- 
tout ailleurs on la voit dans la position naturelle. 

Ce qu’il importe de noter ici, c’est la grosseur de l’organe vibratile V, 
et la forme en «on couchée de la fente. Le raphé postérieur, Rp, a dans 
l'angle et un peu au-dessus de lui deux lèvres, qui le transforment en 
canal presque clos. J 

9. Trois embryons urodèles ou qui l’ont été, a est un têtard qui commence 
en v à pousser deux appendices destinés à devenir des villosités, 


Le) 


CA 


& à 
670 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. À 
b en est un autre, dont la forme est changée par les villosités très 
grandes, et dont la queue est déjà dépourvué de la partie centrale, 
c est un embryon anoure trouvé dans la cavité péribranchiale et qui 
a perdu sa quete, 

F1G, 10. Un tentacule des plus grands. On voit la partie colorée, fort étroite, ses 
branches latérales fort petites et sa partie bouillonnée fort grosse. Ce 
tentacule est contracté. 

11. Coupe d'un méridien imbibé, montrant la grandeur et la disposition des 


côtes. 
12. Terminaison inférieure du raphé antérieur montrant à la surface quelques 
papilles. 


13. Portion d’un méridien de la branchie imbibée, et le fuseau qui lui corres- 
pond. À gauche, la figure se termine par la première côte, C, d’un mé- 
ridien qui n’est pas dessiné. 

Les trémas sont grands, les infundibulums réguliers et longs, et les 
vaisseaux capillaires réduits à un seul pour chaque infundibulum, le- 
quel coupe les trémas en descendant du haut du sommet des culs-de- 
sac infundibulaires, 1; les parallèles P sont bien nettement accusés. 


PLANCHE XXV. 


Ctenicelle appendiculée (Clenicella appendiculala). 


Fie. 1, Deux individus de couleur et de grandeur naturelles pêchés et observés 
vivants à Banyuls-sur-Mer, 

Les caractères du genre et de l’espèce sont parfaitement accusés, aussi 
bien sur la variété rouge que sur la variété jaune. 

Il faut remarquer la divergence et la longueur des deux siphons. 

2 et3. Les orifices branchiaux et expirateurs à moitié contractés. 

4. Un orifice B branchial de la variété jaune dans un parfait état d’épanouis- 
sement, vu de profil. 

5. Région péribuccale. On y remarque le croissant gauche ou Supérieur de 
la bouche, Bo, qui pénètre dans la cavité ; il est creusé d’un sillon. 

On y compte sept méridiens remplis de chaque côté, dont les deux 
antérieurs ont leurs têtes éloignées de la région buccale; aussi leurs 
filets de terminaison sont-ils allongés. 

. Le bord libre du raphé postérieur Rp est finement dentelé. 

6. Un tentacule. Il est fort régulièrement composé, très long comparative- 
ment à son épaisseur; il a des branches latérales, régulières, et des 
divisions courtes de troisième’ ordre quelquefois bifurquées. A leur som- 
met, la éface colorée est doublée d’une membrane mince godronnée fort 
évidente, 

7. Tête d’un méridien vu obliquement ; les nombreuses côtes de la surface 
se présentent saillantes et pourraient faire croire à une série de petites 
dents. 

7 bis. (Le mot bis a été omis par le graveur.) Région prénervienne. Glande G 
énorme, dépassant les côtes de l’angle d’origine du raphé postérieur; 
ganglion nerveux, grand, et organe vibratile V, ayant la forme très re- 
marquable d’une $S retournée S, 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 671 
2 


PLANCHE XXVI. 


Ctenicelle appendiculée (Ctenicella appendiculata) (suite). 


FiG, 1. Portion imbibée de la branchie, comprenant deux méridiens rejetés l’un à 
droite, l’autre à gauche, afin de montrer les côtes C', C"',C!”', Civ, Cv, des- 
cendues sur la moitié de l’espace intermédiaire. Il y a donc quatre côtes 
sur le fuseau et septsur la face du méridien. La partie 2m, ne présentant pas 
de côtes, est couverte par un réseau capillaire, irrégulier. Les trémas 
sont parallèles aux côtes et mesurent à peu près la moitié de la surface 
des infundibulums. Ceux-ci sont longs et digitiformes; un vaisseau les 
suit de chaque côté du sommet jusqu’à la base, entre les cloisons qui:es 
séparent. 

2, Côté droit du corps. Le foie, f, est à peu près nul sur cette face du corps, 
l’anse intestinale est assez courbe (demi-circonférence). Les glandes 
mâles et femelles, T et O, rappellent par leur disposition celles de la Ct, 
Morgaiæ. 

Le manteau est rempli de petits paquets musculaires que représen- 
tent très bien de petites hachures. La masse glandulaire génitale droite 
est horizontale. 

3. Le côté gauche ne présente à considérer que deux choses : la position 
horizontale des glandes génitales et le rapport particulier du corps de 
Bojanus, R, qui est petit eu égard à la grande taille de l’animal, 

4, Extrémité grossie d’un infundibulum. Les trémas ou les parties de la 
branchie qui les limitent tournent en une spirale fort lente qu’on ne dis- 
tingue que grâce à de très bonnes préparations et à un grossissement 
suffisant. | 

5. Préparation qu'on retrouve à peu près pour toutes les espèces, et qui 
montre les rapports principaux des organes fournissant les caractères im- 
portants. 

Le foie, f, paraît à droite de la branchie Br ; l'anus a, bilobé, est libre 
d’adhérences. La valvule, Va, offre deux lobes prolongés qui lui donnent 
une physionomie particulière. 

Les glandes mâles, T, sont antérieures aux glandes femelles, GO, et leurs 
conduits, uniques pour chacune d’elles, se voient à une assez grande 
distance de l’orifice postérieur du siphon anal. 

Le canal déférent, od, arrive à peine au milieu de la longueur de 
l'ovaire. 


PLANCHE XXVII. 


Eugyre arénacée (Eugyra arenosa). 


. Fic. 3, Un individu pêché à la Basse d’Astan, un peu plus grand que nature, avec 

ses orifices tachés de points rouge-carmin à demi fermés, mn 
L'animal adhère à des débris de coquille dans lesquels il semble 
s'être logé, 

2, Côté droit de l’animal débarrassé de sa tunique ; ce côté est fort intéres- 
sant à considérer. D'abord on voit combien, toutes proportions gardées, 
l'intestin est volumineux; ses parois fort minces laissent voir dans les 
deux tiers de sa partie terminale postérieure de gros vermicelles excré- 
mentitiels jaunâtres, 


672 


Pre 


a « | ÿ 
HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. 


Le manteau est fort mince et l’on distingue les moindres détails re- 
latifs aux rapports de l'intestin et des glandes génitales. Ainsi l’on voit 
que la glande génitale n’est plus enfermée dans la concavité de la courbe 
intestinale. C’est le premier exemple où nous voyions ainsi les organes 
de la reproduction passer entre le feuillet interne du nranteau et l’in— 
testin, pour croiser celui-ci tout à fait en sautoir ; il y a un carac= 
tère certainement important dans ce rapport. 

Une autre particularité qu'on reverra encore dans les figures 3 et 4, 
c’est le développement et la séparation des fibres musculaires des deux 
tubes ou siphons, on reconnaîtrait certainement un individu d’Eugyra 
mêlé à d’autres espèces, en voyant combien le manteau est mince, com- 
paré aux tubes dont les fibres longitudinales surtout s'arrêtent d’une 
façon si brusque et si marquée. 

Enfin on voit toujours des points oculiformes d’un rouge-carmin vif entre 
les dents des festons des oscules. 


3. Côté gauche. On aperçoit au travers du manteau les bases des infundibu- 


lums, ce qui permettrait presque de diagnostiquer l’Eugyra. Mais ce 
qui ne laisserait aucun doute, c’est l’absence de toute glande génitale 
sur ce côté. 

On n'y trouve que le corps rénal R, qui, très élevé, arrive jusqu’au 
contact du foie, f. 

n. Cette figure est un peu différente de celles qui représentent la face posté- 
rieure de la chambre péribranchiale, bien qu’elle ait cependant pour but 
de montrer les mêmes caractères. 

L'animal est couché sur le côté gauche, etle manteau, coupé le long du 
bord droit du raphé antérieur, a été rejeté à gauche. Aussi voit-on la 
face de la branchie, Br, avec les séries de bases d’infundibulums carac- 
téristiques ayant un centre obscur qui est le sommet de l’infundibulum 
saillant dans la cavité branchiale, 

Le foie, f, paraît adhérer à la branchie, et frappe par la grande taille 
de ses cæcums jaunes verdâtres, 

L’anus, a, sur sa marge libre est dentelé. 

L'orifice femelle 00 est très voisin de l’anus. 

L’orifice od du canal déférent unique s’ouvre sur une papille centrale 
vers le milieu de l'ovaire et réunit tous les canalicules des lobes et lo- 
bules du testicule T. 

Enfin, on peut constater l'absence complète de la valvule à l’ouverture 
interne du tube postérieur, et les points d’un rouge carmin oculiformes 
entre les dents des oscules sont toujours évidents. 

5. Portion de branchie imbibée et prise dans le voisinage du raphé antérieur, 
Ra. 

On voit au centre un mamelon entouré de tours de spire concentri- 
ques ; les trémas, fort allongés, coniques, sont séparés par des baguettes 
fort grêles que relient entre elles des filets capillaires rayonnant du 
centre ou sommet à la circonférence. 3 

Le mamelon, 1, est un infundibulum que ne soutient pas même une 
côte. Celle-ei se voit à gauche, elle est tombée sur le côté, et n’a au- 
cune adhérence avec l’infundibulum; seulement elle est continue en haut 
et-en bas avec les parallèles, qui sont toujours fort nettement dessinés. 

Sur la droite on voit une autre côte ayant à son côté droit une série 
de petits infundibulums, fort rapprochés et placés entre le méridien pré- 
cédent, semblable à tous les autres, et le raphé antérieur. 


4 
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Le 


ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 673 


I yalàun caractère très précis que complète la série de petits fais- 
ceaux musculaires, m, m, qui sont perpendiculaires au raphé antérieur, 
Ra, et qu’on voit entre celui-ci et la série des infundibulums. 

6. Sommet d’un infundibulum dessiné à la chambre claire, à un grossisse- 
ment d’une centaine de fois ; il montre qu’il y a deux trémas qui à partir 
de la base s’enroulent en marchant en sens inverse, mais qui ne se con- 
tinuent pas au sommet de l’infundibulum. 

7. Une des baguettes de la branchie à un grossissement de trois cents fois 
montrant des cellules avec gros noyaux régulières et saillantes sur les 
côtés. 

8. Région buccale ; elle est fort curieuse. On voit les cæcums du foie, f, gros 
et jaunes verdâtres, au-devant desquels passent les extrémités des côtes 
correspondant aux méridiens rudimentaires représentés par une côte 
unique. Les terminaisons des raphés antérieur, Ra, et postérieur, Rp, 
se continuent avec les côtes, et le tout forme un ovale autour de la 
bouche, Bo. 

9. Région prénervienne. La glande G, bien évidente, est sur le côté gauche. 
L’organe vibratile V se présente comme un véritable croissant peu 
courbé et tourné vers la droite et en bas; l’angle d’origine du raphé 
postérieur Rp ne mérite pas ce nom. Un tentacule, y, a été conservé 
dans cette préparation; c’est l’un des plus grands. On voit, comme dans 
la figure suivante, qu’il est peu développé et ramifié. 

10. Tentacule grand antérieur ; il est très semblable à celui de la figure précé- 
dente. è 
La partie postérieure ou godronnée ne paraît pas très développée. 


REMARQUE. 


Le nombre des couleurs employées dans le tirage des planches de cette mono- 
graphie n’est pas assez grand pour que toutes les variétés de nuances et des teintes 
des espèces aient pu être obtenues. Toutes les couleurs des animaux ne sont pas ab- 
solument naturelles. Les rouges, par exemple, sont trop forts ou trop faibles quel- 
quefois. 

De même, les jaunes devant donner avec les noirs légers des jaunes verdâtres, se 
trouvent souvent un peu trop jaunes, par exemple pour le foie, ou le contenu du tube 
digestif. 

Ces réserves faites pour plus d’une espèce, la coloration des planches rend très 
lisibles bon nombre de caractères. C’est ainsi que les branchies, toujours diffi- 
ciles à interpréter quand elles ne sont pas teintées en rose par le carmin, l’éosine ou 
autre, deviennent facilement compréhensibles par la couleurrouge quiles représente. 

C’est pour cette raison que toutes les branchies ont été ainsi représentées en rose. 


ARCH. DE ZOOL.*EXP. ET GEN. — T. VI. 1877. 43 


so 


ss 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


TOME VI 


Agassiz (Alex.). Note préliminaire sur le 
développement des Plies, p. 305. 

Amsterdam, p.1. 

Balanophyllie (Voir de Lacaze- Duthiers). 

>alfour. Développement des nerfs spi- 
naux des Elasmobranches, N. et R., 
pe XXVI. 

Bryozoaires des côtes de France (Voir 
L. Joliet). 

Bulschli. Etudes sur les phénomènes de 
la segmentation, N. et R., p. vir. 

Caryophyllie (Voir de Lacaze-Duthiers). 

Coagulation du sang (Voir Fredericq). 

Coupes (Voir de Lacaze-Duthiers). 

Crustacés parasites inférieurs (Voir C. 
Vogt). 

Dareste. Recherches sur la production ar- 
tificielle des monstruosités ou essais de 
tératogénie expérimentale, N. et R., 
DIX. 

Echinodermes (Voir E. Hæckel). 

Elasmobranches (Développement 
nerfs spinaux des) (Voir Balfour). 

Fécondation (Voir Hertwig). 

Fol (Prof. Hermann). Sur le commence- 
ment de l’hénogénie, chez divers ani- 
maux, p. 145. 

— (Voir Hertwig). 

— Réponse à quelques objections for- 
mulées contre mes idées sur la péné- 
tration du spermatozoïde, p. 180. 

Fractionnement (Voir Herlwig). 

Fredericq. De l'existence dans le plasma 
sanguin d’une substance albuminoïde 
se coagulant à + 56 degrés centigrades, 
Net D. xiv. 


des 


Générations alternantes (Voir E. Hæckel). | 


Giard (Voir H. Fol). 

Halisarca (Voir Schulze). 

Hæckel (Ernest). La forme en comète des 
Etoiles de mer et la génération alter- 
nante des Echinodermes, N. et R, 
P>XXXIIT. 

Hénogénie (Voir H. Fol). 


Hertwig (Dr Oscar). Nouvelles contribu- 
tions à la connaissance de la formation 
de la fécondation et du fractionnement, 
p. 171. 

Heriwig (Richard). Sur le Leplodiscus 
medusoïides, N. et R., p. xLI1. 

Histologie (Voir Pouchet et Tourneux). 

Joliet (Lucien). Contributions à l’histoire 
naturelle des Bryozoaires des côtes de 
France, p. 193. 

— (Voir Vejdovsky). 

— (Voir 4. Agassiz). 

De Lacaze-Duthiers. Laboratoire de z00- 
logie expérimentale de Roscoff, compte 
rendu des améliorations et des travaux 
de 1874 à 1878, p. 311. 

— Observations sur la déglutition et la 
vitalité des Caryophyllies de Smith et 
Balanophyllie royale, p. 377. 

— Sur un procédé pour faire des coupes, 
Net R., pv 

— Histoire des Ascidies simples des 
côtes de France, 2e partie, p. 457. 

Mollusques de Saint-Paul et Amster- 
dam (Voir p. 98). 

Saint-Paul (Voir p. 1). 

Pavy. La physiologie du sucre en rap- 
port avec le sang, N.et R.,fp. xvir. 

— Nouvelle méthode pour la détermina- 
tion quantitative du sucre dans le 
sang, N. et R., p. xxIT. 

Pénétration du spermatozoïde (Voir H. 
Fol). 

Perez (Voir H. Fol). 

Plies (Voir À. Agassiz). 

Pouchet et Tourneux. Précis d’histologie 
humaine et d’histogénie, N. et R., 
p. XXXII. 

Rhizopodes ((Voir E. Schulze). 

Roscoff (Voir de Lacaze-Duthiers). 

Sang (Voir Pavy ou Fredericq). 

Schneider (Voir Schulze). 

— (Voir Butschli). 

— (Voir E, Schulze). 


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676 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES... * . 

Schneider (Voir E. Hæckel). l'œuf et sur le mâle de Le ner viri- 

— (Voir R. Hertwig). dis. N.et R., p. xLVI. 

Schulze. Recherches sur l’organisation et Velain. Observations générales sur la 
le développement des Spongiaires, N. | ‘ faune des îles Saint-Paul et Amster- 
et R., p.1 (genre Halisarca). dam, p. 1. 

— Etudes sur les Rhizopodes, N.etR,., Vénus (Passage de). Expédition française 
P. XXIIL. aux îles de Saint-Paul et Amsterdam, 

Segmentation (Voir Butschli). p'41 

Spongiaires (Voir Schulze). Vogt (Carl). Sur les organes reproduc- 

Tératogénie (Voir C. Dareste). teurs de quelques Trématodes marins 

Trématodes (Voir C. Vogt). ectoparasites, p. 363. 

Vejdovsky (Franz). Sur la formation de — Recherches côtières, p. 385. 


TABLE DES PLANCHES 


TOME VI. 


Planche I, Carte de l’île Saint-Paul. 
Planches IT, IIT, IV, V, Mollusques des îles Saint-Paul et Amsterdam, par M. VELAIN. 


Planches VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII et XIII, Organisation et développement des 
Bryozoaires, par M. Luc. JoLieT. 


Planches -XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIIT, XXIV, 
XXV, XXVI, XXVIL #REMWMI, Les Molgulides des côtes de France, par 
H. DE LACAZE- DUTHIERS. 


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