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Z00LOGIE EXPERIMENTALE
HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE
ÉVOLUTION DES ANIMAUX
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
HENRI pe LAGAZE-DUTHIERS
MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE
(Académie des sciences)
PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE
(Faculté des sciences)
FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
DE ROSCOFF
TOME SIXIÈME
1877
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LIBRAIRIE DE C. REINWALD ET C-
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NOTES ET REVUE.
RECHERCHES SUR L'ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT
DES SPONGIAIRES, GENRE HALISARCA,
Par M. Franz Eithard SCHULZE.
(Zeitschr. für wissenchaftl. Zool., Band XX VIII, p. 1, 1877.)
L'organisation et le développement de ce genre de Spongiares ont déjà préoc-
cupé de nombreux observateurs ; l’intérèt que présente sa connaissance plus
approfondie légitime de nouvelles recherches.
.. Les deux espèces étudiées par l’auteur sont les Halisarca lobularis (0.
Schmidt) et Dujardinii.
Halisarca lobularis. L'auteur décrit d’abord le facies, ie volume, la consis-
tance, la coloration de cette espèce, dans laquelle il établit six variétés, au
point de vue surtout de la coloration ; puis il passe à la description de l’or-
ganisation.
Examinée à la loupe, la surface de l'éponge parait de toutes parts comme
parsemée de nombreux petits mamelons papilliformes irrégulièrement arrondis,
de Omm,1 à Onm,2 de diamètre, tous à peu près de même hauteur, reliés les
uns aux autres par de minces travées et circonscrivant ainsi entre eux des dé-
pressions en manière de fossettes à contour irrégulier, anguleux ou arrondi. En
général on trouve une de ces fossettes entre trois mamelons voisins et il y en
a six qui convergent au pied de chaque mamelon.
Ces particularités et d’autres détails plus secondaires se reconnaissent
à la loupe; l'étude de la structure intime, cela va de soi, nécessite le
microscope.
L'auteur continuera à se servir des mots ecltoderme et entoderme dans le
sens primitif, pour désigner les couches superflcielles et profondes, bien que
l'emploi de ces termes en ce sens, après la formation d’un mésoderme, nécessi-
terait la preuve absolue que les couches en question dérivent réellement des
deux masses cellulaires bien distinctes de la larve, en lesquelles on doit voir
les deux premiers feuillets blastodermiques, opinion rendue très-vraisem-
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. —æ T. VI. 1877. A
<
T NOTES ET REVUE.
blable parles recherches de Barrois et celles de l’auteur, mais non encore
entièrement assise. — Il appellera de même mésoderme la couche intermé-
diaire, bien qu’on ne sache pas non plus avec la certitude désirable d’où elle
dérive. |
Le revêtement ectodermique, relativement facile à voir ici, consiste en une
unique couche continue de cellules flagellées nettement formées et distincte-
ment séparées les unes des autres, d’une certaine épaisseur. Vue de profil,
chaque cellule offre une face libre légèrement renflée, garnie d’une couche
cuticulaire très-mince et sans structure, et enfin laisse reconnaître implanté
assez exactement dans son milieu un flagellum très-actif, en continuel batte-
ment. Le novau de ces cellules ne se révèle qu'indistinctement pendant la
vie ; les réactifs le font apparaître, au contraire, ainsi que le nucléole, très-dis-
tinctement après la mort.
Le mésoderme de l’Aalisarca ne diffère de celui du Raphanus sycandra que
par l'absence de parties squelettiques. Il est formé de cellules nombreuses,
les unes à contour plus au moins lisse, au plus pourvues de prolongements
lobulés ; les autres et les plus nombreuses ramifiées, et dont les filaments sont le
siége de mouvements amæboïdes assez lents, mais de l’existence desquels il
n’v a pas lieu de douter. Entre ces cellules est une substance fondamentale
hyaline, de telle sorte que le mésoderme dans son ensemble, et par conséquent
la plus grande partie du tissu constitutif de l'Éponge, doit être rapporté aux
tissus de substance conjonctive et se laisse au mieux comparer à celui qui
forme le disque des Méduses, ainsi que Metschnikoff l’a montré de son côté
par des recherches microchimiques. Le syncytium d'Hæckel n’a donc rien à
faire ici, mais l’auteur ne veut pas nier que chez d’autres Spongiaires on ne
puisse trouver çà et là, dans des circonstances déterminées, des tissus résul-
tant de la coalescence des corps cellulaires, sans substance interposée, un
véritable syncytium par conséquent.
À la description du mésoderme se rattache celle des productions rigoureu-
sement localisées qui se rapportent certainement à lui, puisqu'elles en dérivent,
mais qui offrent des caractères quelque peu différents. C’est qu’en effet, plus
distinctement encore ici que ce n'était le cas pour Sycandra raphanus, chaque
œuf est entouré d’une capsule de cellules mésodermiques épithéliformes que
leur apparence et leur origine doivent faire comparer aux cellules endothéliales
des vertébrés.
L’entoderme, constitué comme l’ectoderme par une unique assise de cellules
en épaisseur, offre cette forme remarquable de cellule que signale non-seu-
lement la possession d’un long flagellum, mais encore ce collier si spécial,
tubuleux, que l’on connaît. C’est à ces éléments que dans l’histologie des Spon-
giaires on avait réservé jusqu'ici le nom de cellules flagellées ; mais, comme
nous avons vu que les éléments de l’ectoderme dans l’Halisarca ont en fait un
flagellum, il devient nécessaire de changer l'appellation de cellules entoder-
miques en celle de cellules à collier. Leur étude offre ici quelques difficultés
qui n’ont pas empêché l’auteur de se convaincre de leur parfaite similitude
dans les points essentiels avec les cellules entodermiques des Calcispongidées.
Ici aussi ce sont ces cellules qui par les granules pigmentaires accumulés au-
tour des nucléus stipulent la coloration de toute l’Éponge.
NOTES ET REVUE. ni
Tels sont les tissus constitutifs du corps; reste à voir maintenant l’arrange-
ment de toute l’organisation intérieure.
Sur les coupes perpendiculaires d’une Halisarca bien développée, on distin-
gue tout d’abord deux parties de constitution différente, savoir : l’une extérieure,
plus épaisse, traversée de fins canalicules et abondamment pourvue de cor-
beilles vibratiles, la couche corticale, et au-dessous de celle-ci une charpente
réliculée sans corbeilles. Ces couches sont traversées par le système canali-
culaire, dont il importe d’avoir une idée exacte. |
Pour le décrire, l’auteur suit la marche de l’eau à son intérieur. L’eau pé-
nètre dans l'organisme par des pertuis visibles à la loupe, le plus souvent
arrondis, placés entre les mamelons papilliformes de la surface et auxquels
succèdent des canaux qui s’enfoncent perpendiculairement, en se rétrécissant
graduellement et se divisant ça et là. Ces canaux ne se continuent pourtant
pas directement avec le système lacunaire de la seconde couche, mais chacun
d'eux émet à angle droit de toute sa surface des canaux secondaires per-
pendieulaires à soa axe propre, qui, de même que ses subdivisions termi-
nales, se rendent aux corbeilles vibratiles. De celles-ci le liquide, par un
orifice situé en général à l’opposite de l’orifice d’entrée dans la corbeille, se
rend soit directement, soit par l'intermédiaire d’un canal interposé de faible
longueur, dans les conduits efférents à section circulaire, situés suivant l'axe
aes mamelons papiliformes, tandis que les conduits afférents nous l'avons
dit, répondent à leurs iatervalles.
C’est donc seulement par l'intermédiaire de ces canaux efférents que l’eau
arrive dans le sous-sol lacuneux de l'éponge, par les voies duquel elle parvient
aux oscules.
Tous ces canaux et toutes ces lacunes sont maintenant, à la seule exception
des corbeilles vibratiles, tapissés par une couche continue de cellules pavimen-
teuses quadrangulaires ou hexagonales et flagellées et qui ne sont qu'un pro-
longement des cellules flagellées ectodermiques revêtant la surface externe de
l'éponge.
Ce n’est qu'en quelques points que ces cellules perdent leurs cils et pren-
nent des caractères quelque peu différents. Les corbeilles vibratiles, cavités
à peu près sphériques, de 02,4 à Om®,5 de diamètre, sont tapissées de cel-
lules à collier en direction rayonnante.
Nous avons déjà dit qu’elles n'offraient en général que deux orifices, afférent
et efférent, situés aux deux extrémités d’un même diamètre, sous forme de pores.
Les corbeilles vibratiles placées tout à fait à la périphérie de la couche corti-
cale s'ouvrent directement sur le milieu extérieur par un pore et un canalicule
poreux, dont les parois sont aussi vraisemblablement tapissées par un pro-
longement des cellules ectodermiques flagellées, bien que la chose n'ait pas été
vue avec une netteté suffisante par l’auteur.
Placées ,comme nous le savons, entre les deux systèmes de canaux afférents
et efférents de la couche corticale et à peu près à égale distance des uns et
des autres, les corbeilles sont séparées entre elles par des intervalles
d'environ la moitié de leur diamètre. Elles sont donc, dans le cas où les vais-
seaux principaux afférents et efférents sont indivis, ordonnées régulièrement
suivant la surface d’un manteau cylindrique. |
\
IV NOTES ET REVUE.
Les cavités de la couche lacunaire inférieure, circonscrite par des travées
rondes ou aplaties de la masse mésodermique générale de l'éponge, sont éga-
lement tapissées de cellules ectodermiques flagellées. Ces cavités se rétré-
cissent notablement à l’époque de la maturation des éléments de la reproduc-
tion, lesquels se développent précisément dans les travées mésodermiques
interposées aux lacunes.
Eléments de la reproduction. — L’Halisarca lobularis est une Eponge à sexes
séparés ; il v a des plaques mâles et des plaques femelles qu'aucun caractère
extérieur ne permet d’ailleurs de séparer.
Spermatozoïdes. — L'auteur a trouvé d’indubitables spermatozoïdes dans
d'autres Eponges que celles-ci (Reniera informis, Spongilla lacustris, Spon-
gilla fluviatilis), et c’est là un sujet qu'il traitera ailleurs à part. Pour au-
jourd’hui voici ce qui concerne ces éléments chez Halisarca lobularis :
Dans une plaque mâle de la variété Cærulea, trouvée en mi-juillet, l'auteur
observa dans le mésoderme de la partie profonde de la couche corticale et des
régions circonvoisines de la couche lacunaire un certain nombre d’amas irré-
guliers arrondis, tranchant nettement sur le tissu ambiantpar leur aspect gra-
nuleux et foncé. Une analyse plus précise lui apprit que les plus petits d’entre
eux étaient formés par une ou quelques cellules sphériques, que leur taille,
leur forme et leur contenu différencient des cellules mésodermiques voisines.
L'aspect des groupes plus nombreux autorise à penser que ces amas dé-
rivent de la division répétée d'une unique cellule primitive de mêmes carac-
tères. On trouve ainsi de ces groupes qui comprennent jusqu’à trente cellules
et plus, dans chacune desquelles au terme de Ja maturité on voit un grand
nombre de filaments extrèmement fins, radiairement groupés et en relation
directe avec le noyau. Notons enfin que chacun de ces groupes volumineux
est revêtu d’une capsule de cellules endothéliales aplaties, polygonales, sem-
blables à celle qui entoure l'œuf et l'embryon. La fécondation doit nécessai-
rement avoir lieu à travers les interstices que les cellules de cette capsule
laissent entre elles.
Les spermatozoïdes ont une tête petite, très-réfringente, ovalaire, avec une
légère constriction circulaire près du sommet divisant cette tête en deux seg-
ments inégaux, dont le plus volumineux donne insertion, sur le côté et à angle
droit avec l'axe de la tête, au filament caudal.
Les œufs. — Ils occupent les mêmes parties dans les plaques femelles que
les capsules à spermatozoïdes dans les plaques mâles, et à côté d’eux on trouve
des embryons à des phases diverses de leur développement.
Les œufs mürs de 0,1 de diamètre sont parfaitement sphériques, à vitel-
lus assez homogène, avec une tache claire répondant au noyau. Fréquemment
les œufs vivants ont montré des contractions de la masse vitelline, allant jus-
qu'à déterminer des sillons superficiels et même un fendillement partiel. Nous
avons déjà dit qu'autour des œufs se voyait une capsule formée de cellules
endothéliales.
Quant à l'origine de ces œufs aux dépens de l’ectoderme ou de l’entoderme,
NOTES ET REVUE. | v
c’est une question à la solution de laquelle l'Halisarca n'a fourni aucune
réponse, l'œuf étant contenu dans une capsule close à l'intérieur de laquelle
l'embryon continue à se développer.
Développement. — Le fractionnement est total. Les deux premières sphères
sont tantôt inégales, tantôt égales, ce qui donne à la fois raison à Barrois et à
Carter. Au stade suivant, on trouve tantôt trois sphères de segmentation
d’égal volume, tantôt quatre, et des variations de même nature dans la marche
de la segmentation se retrouvent encore plus tard. A partir du nombre seize,
on commence à constater l'existence d’une cavité de segmentation, autour de
laquelle les éléments sont groupés en rang simple et souvent ordonnés de façon
que, huit étant disposés en une ceinture équatoriale, deux groupes de quatre
forment aux deux pôles un couvercle qui achève de fermer la cavité de seg-
mentation. Puis les cellules se multiplient rapidement par division, grossis-
sent et se transforment par pression réciproque en prismes effilés étroitement
cohérents, dont l'unique assise en épaisseur circonscrit la cavité de segmen-
tation pleine de liquide. De leur face supérieure légèrement convexe, ces cel-
lules laissent naître un flagellum long, mince et très-effilé au bout. Elles sont
dans leurs quatre cinquièmes inférieurs pleines d’une masse granuleuse ren-
fermant un peu en avant du centre un petit nuyau clair avec nucléole ; leur
cinquième antérieur est au contraire parfaitement hyalin.
Les embryons, jusqu'ici demeurés sans couleur ou à peu près, prennent
maintenant une teinte rouge brun, à mesure qu'ils avancent vers l’état de
larve libre, dans le tiers postérieur du corps. En même temps de sphériques
qu'ils étaient, ils deviennent de plus en plus ovalaires.
Enfin ils deviennent libres. Ils ont alors environ 0®=,2 de long et On 15
de large ; en nageant ils tournent en arrière l’extrémité la plus petite de leur
corps, celle qui est colorée comme il a été dit. Les cils des deux tiers antérieurs
sont dirigés normalement, ceux du tiers postérieur obliquement en arrière,
sans que d’ailleurs l’auteur ait vu ces derniers plus courts que les premiers.
Quant à une invagination conduisant à une Gastrula, l’auteur, pas plus que
Barrois, n’en a vu trace. M. Schulze n’a pu voir d'autre part la larve se fixer.
Les jeunes Eponges observées peu après la fixation lui ont montré la même
organisation qu’à Barrois.
Halisarca Dujardini (Johnston). — Après avoir décrit la configuration exté-
rieure de ce Myxospongiaire étudié déjà par plusieurs observateurs, l’auteur
passe à l’organisation profonde.
Les trois tissus, ectoderme, mésoderme et entoderme, se retrouvent ici avec
es caractères non absolument concordants avec ceux qu'ils revêtent dans
’Halisarca lobularis.
L’ectoderme surtout diffère. Celui qui recouvre la surface a plutôt l'aspect
d'une cuticule épaisse et sans structure que d’une couche cellulaire. L'auteur
croit que celle-ci pourtant existe, mais que ses éléments ont subi une trans-
formation collagène qui leur a imprimé cet aspect si spécial. Les noyaux de
ces cellules modifiées se voient en effet en certaines régions de la couche qui
nous occupe, plongés dans sa masse même.
vI NOTES ET REVUE.
D'autre part, enfin, l’ectoderme qui revêt les canaux afférents et efférents est
formé d'une couche continue à une seule assise en épaisseur de cellules épi-
théliales polygonales, très-aplaties. L’ectoderme revêt donc dans cette espèce
des caractères différents à la surface et dans les canaux qu’il tapisse. Nulle
part il n’a de cils vibratiles.
Le mésoderme, conforme dans son ensemble à ce que nous avons vu tout à
l'heure, offre seulement ici une formation toute spéciale, les fibres, d’abord
trouvées par Oscar Schmidt dans son Halisarca guttula. Elles sont assez ré-
fringentes et uniformément en tous leurs points, rondes ou presque rondes,
d'épaisseur très-variable, se divisant et s’anastomosant les unes avec les autres
pour constituer un réseau à larges mailles, aux intersections desquelles ces
fibres s’élargissent en expansions membraniformes. Les fibres les plus épaisses
sont formées de la réunion de nombreuses fibrilles. On peut très-bien les com-
parer aux faisceaux fibrillaires du tissu conjonctif aréolaire des Vertébrés. Elles
sont toujours plongées dans la substance fondamentale du mésoderme, sans
relation démontrable avec les éléments cellulaires de celui-ci.
L'entoderme est identique dans cette espèce et dans la précédente.
L'organisation générale des parties dans cette Eponge ne diffère de celle de
l’'Halisarca lobularis que par l'absence de la seconde couche ou sous-sol réti-
culé lacuneux et par une moindre régularité présidant au trajet des deux ordres
de vaisseaux afférents et efférents entre lesquels ici aussi sont placées les cor+
beilles vibratiles.
Les exemplaires de provenance différente paraissent d’ailleurs pouvoir mani-
lester quelques variations dans ces dispositions. Les sexes paraissent devoir
être ici aussi séparés, à en juger du moins par le seul exemplaire adulte que
l’auteur ait eu l’occasion d'observer, et dans lequel il ne trouva que des œufs,
soit sans fractionnement, soit à des phases variées de celui-ci.
Le fractionnement de ces œufs, contenusi ci aussi dans des capsules tapissées
de cellules endothéliales est pour l’auteur, comme pour Barrois, semblable à
celui des œufs de l’Halisarca lobularis, mais en présentant toutefois quelques
anomalies dont M. Schulze donne la description et les figures.
A. S.
NOTES ET REVUE. VII
Il
ÉTUDES SUR LES PHÉNOMÈNES DE LA SEGMENTATION,
Par M. O. BurscuLt.
[Analyse d’une partie des Studien über die erste Entwickelungsvorgänge der Eïizelle
die Zelltheilung und die Conjugation der Infusorien (Abhandl. d. Senckenb. naturf.
Gesellsch., X Bd.)]
Nephelis vulgaris (pl. 1).— Dans les plus Jeunes œufs observés par l’au-
teur, le vitellus, déprimé et rétracté sous son enveloppe, montre à sa sur-
face, près d’un des pôles aplatis, une petite éminence de plasma clair, résul-
tant, pour M. Bütschli, de la fusion du spermatozoïde fécondant avec le
vitellus (fig. 4).
Plongé dans ce dernier, et au voisinage du même pôle, est un corps fusi-
forme, ayant son grand axe dirigé comme le petit du vitellus et traversé sui-
vant sa longueur par un faisceau de fibres renflées dans le plan équatorial
(plaque nucléaire équatoriale de Strassburger) (fig. 1).
Ce corps fusiforme est pour M. Bütschli la vésicule germinative elle-même
transformée. Chacune de ses extrémités est entourée d’une aréole de plasma
clair, centre de divergence de granules alignés.
La vésicule s'approche encore de la surface du vitellus, la touche et bientôt
fait saillie au-dessus d’elle par une de ses extrémités qui, d’aiguë, s’arrondit
et devient comme vésiculeuse par liquéfaction du contenu sous l'enveloppe
propre qui la revêt (fig. 2).
Peu à peu toute la vésicule sortira ainsi, non indivise, mais en formant trois
renfiements vésiculeux de cette sorte, de taille graduellement croissante du
premier au dernier expulsé, reliés par des portions amincies. Ce sont eux qui
constituent les globules de direction (globules polaires où d’excrétion d’autres
savants). Le nombre trois serait le résultat ici d’une division active de la vési-
cule germinative.
Un peu avant la complète expulsion de celle-ci et distante d'elle d’un quart
de cercle, on observe près de la surface vitelline l'apparition d’une aréole de
plasma clair, nouveau centre de divergence et d’orientation des granules
vitellins (fig. 2).
Cette aréole gagne le cenire et la vésicule germinative étant expulsée, le
vitellus étant redevenu sphérique, paraissent les rudiments de deux noyaux,
l’un au sein de l’aréole, l’autre entre elle et le point de sortie des glo-
bules de direction (fig. 3).
Entre ces deux noyaux, individualisés dès leur apparition, nulle union ou
connexlIon apparente.
Ils grossissent, et quittant la précédente position, on les trouve appliqués
VI NOTES ET REVUE.
l'un à l’autre à la périphérie ou au centre de l’aérole claire. Le plasma de
l’aréole, au cours de leur croissance, se réduit jusqu'à disparaître.
A ce moment les deux noyaux apparus 5e conjuguent et le produit de leur
union est le noyau de la première sphère de segmentation (fig. 6 et 7).
Celui-ci se transforme graduellement ; il s'étend comme le vitellus dont la
division se prépare, perpendiculairement au diamètre des globules de direc-
tion (fig. 10), devient fusiforme et clair. Une différenciation fibrillaire longitu-
dinale avec plaque nucléaire équatoriale se marque à son intérieur, pendant
qu’à chacune de ses extrémités se constitue une aréole claire de plasma, centre
de divergence des trainées granuleuses du vitellus.
La plaque équatoriale se divise; ses moitiés se séparent et s’écartent pour
gagner les deux extrémités du noyau qui simultanément s’arrondissent
(fig. 11). Une constriction circulaire commence à étreindre la masse vitel-
line.
Dans la phase suivante (fig. 19) reconstitution d’une plaque uucléaire équa-
toriale, les deux plaques polaires existant toujours.
Puis, après que la constriction circulaire du vitellus est arrivée à la moitié
du rayon de celui-ci, naissent à chacune des extrémités du noyau de la pre-
mière sphère, et vraisemblablement aux dépens de la plaque polaire afférente,
deux nouveaux petits noyaux placés côte à côte, entourés chacun d’une mem-
brane foncée et renfermant un liquide quelque peu granuleux (fig. 43 et 14).
Entre les deux noyaux d’un pôle et les deux de l’autre, les fibres longitudi-
nales du nucléus de la première sphère sont encore étendues, reliant ces noyaux
pendant qu'ils grossissent en famenant la réduction graduelle de l’aréole de
plasma clair environnante.
Enfin les deux noyaux de chaque groupe se fusionnent l’un avec l’autre
pour constituer de part et d’autre le nucléus des sphères secondaires de seg-
mentation (fig. 44).
Pendant que ces phénomènes d’ailleurs s’accomplissaient, les sphères
secondaires, sur le point d'être complétement individualisées, s’affaissaient
en prenant chacune la forme d’un hémisphère (fig. 45 et 17).
Dans les divisions ultérieures, chaque nucléus de la sphère considérée se
comporte comme celui de la sphère de première génération.
Cucullanus elegans (pl. IT). — L'œuf est sans enveloppe au sortir de l’o-
vaire; sa vésicule germinative bien apparente, offrant distinction d’une paroi
et d’un contenu, contient une tache germinative encore visible, mais très-
réduite relativement aux états antérieurs.
Les contours irréguliers du vitellus semblent déceler qu'il est le siége aussi
à ce moment d’intenses mouvements amæboïdes.
Si l’on prend les œufs lorsqu'ils passent ou ont passé devant la poche copu-
latrice, on verra à la surface de chacun, comme enfoncé dans une logette, un
corpuscule clair avec quelques granules (fig. 4). C’est le spermatozoïde fécon-
dant en voie de fusion avec le vitellus. Avant leur passage devant le réservoir
du sperme, les œufs n’offrent jamais ce corpuscule.
L'œuf fécondé s’entoure d’une enveloppe vitelline ; sa tache germinative
disparait entièrement (fig. 2 et 4), et la vésicule germinative elle-même est
NOTES ET REVUE. IX
souvent, à cette époque, excentriquement située sous la surface du vitellus
(fig. 4). Encore quelque temps et nous n’en trouverons plus trace, mais à son
lieu et place un corps fusiforme, ou identique ou très-semblable à celui pré-
cédemment décrit dans l'œuf de Nephelis (fig. 6, 7, 8 et 9). Il nous offrira
aussi, en son milieu, une plaque équatoriale formée par les renflements mé-
dians de fibrilles qui se prolongent très-fines jusqu'aux deux extrémités.
En coupe optique, on voit très-bien que l'ensemble des renflements équa-
toriaux des fibres est revêtu d’un trait continu, preuve que les bâtonnets de
la plaque nucléaire sont en dedans d’un corps nettement individualisé et
qu'ils ne sont pas le produit d’une différenciation ayant son siége dans la
masse même du vitellus (fig. 7 à 11).
La signification de ce corps fusiforme ne saurait être douteuse. [ci encore
l’auteur le regarde comme le produit d’une transformation particulière de la
vésicule germinative durant la marche de celle-ci du centre vers la péri-
phérie.
En concordance avec cela, on voit bientôt le corps en question totalement
expulsé, reposer, sans modification notable dans sa structure, à la surface du
vitellus.
Tandis que la vésicule transformée de la Nephelis se divisait en trois glo-
bules de direction, durant qu’elle était encore contenue en partie dans le
vitellus, il semble qu'ici ce ne soit que postérieurement au rejet de la vési-
cule germinative que ce corps entre en action pour former les deux petits
globules de direction qu'on trouve quelque temps après. Elle les formerait
d’ailleurs en offrant tous les caractères déjà connus de la division nucléaire :
scission de la plaque équatoriale, plaques polaires, fibres unissantes, etc., par
division active en un mot.
Le vitellus, dans la région sous-jacente à la vésicule expulsée, affecte une
constitution un peu différente, plus clair et à granules plus gros jusqu’à une
certaine profondeur.
Ce protoplasma clair, qui vraisemblablement s'étend de plus en plus à la
surface du vitellus, est le foyer ou centre de formation des nouveaux noyaux,
puisque ceux-ci naissent toujours au voisinage immédiat de la surface vitel-
line et assez loin les uns des autres, au nombre ordinairement de quatre ou
cinq, offrant dès leur apparition la distinction nette d’un contenu et d’une
enveloppe. x
Après avoir acquis une certaine taille et être descendus vers le centre du
vitellus, ils se fusionnent graduellement en un noyau unique pour constituer
le nucléus de la première sphère de segmentation.
A la phase suivante, celui-ci, comme le nucléus de la Nephelis, devient fusi-
forme, sans que le processus de cette métamorphose ait pu être suivi par
l’auteur. Ce novau fusiforme, et ceux qui lui correspondront dans les Sphères
dérivées, offrent, au lieu d’une plaque, un simple anneau équatorial, ses
parties profondes n'étant pas le siége ici d'une différenciation fibrillaire
(fig. 22).
A cela près, les phénomènes de la division de ce noyau s’accomplissent ici
comme dans la Nephelis. L’anneau équatorial se divise en deux autres dont
chacun gagne une extrémité, etc. La constriction circulaire du vitellus pro-
x NOTES ET REVUE,
gresse perpendiculairement à la direction des fibres unissant lés deux
anneaux polaires du nucléus. Enfin, au lieu et place de chacun de ceux-ci et
après disparition de ces fibres unissantes (fig. 24), on voit apparaître dans
chaque sphère de seconde génération, deux et quelquefois quatre noyaux par-
tiels (fig. 25) qui se fusionnent graduellement en un seul (fig. 26 et 27). Au
cours de ces. phénomènes, les granules vitellins ont éprouvé les différents
modes successifs d'orientation qui sont déjà connus, pendant que les globules
de direction, de bonne heure écartés l’un de l’autre, sont venus chacun se
mettre au-dessus d’une des sphères nouvellement formées.
Après la coalescence des noyaux partiels en un seul, chaque sphère secon-
daire s’affaisse, puis la plus grosse des deux recommence à se diviser, comme
l'avait fait la sphère de première génération.
Tylenchus imperfectus. — Peu après l’arrivée des œufs dans l'utérus, la
tache germinative disparaît et les contours de la vésicule germinative devien-
nent indistincts, celle-ci ne s’accusant plus que comme un champ clair qui
gagne lentement la surface du vitellus sur un point de l’équateur, pendant que
le vitellus lui-même est le siége de vifs mouvements amæboïdes, et qu'il se
déprime en une sorte de fossette au-devant de la vésicule s’avançant, Celle-ci,
ou plutôt le champ clair qui lui correspond, vient enfin affleurer au fond de
cette fossette, et il semble qu’à ce moment il donne issue à un corpuscule
foncé pénétrant dans la fossette vitelline (fig. 2). Puis le champ clair de la
vésicule rétrograde vers le centre, où il devient invisible. Peu après apparait
en ce centre le noyau de la première sphère de segmentation, mais sans rien
de la tache germinative. La segmentation procède maintenant si vite et le
nucléus devient en même temps si invisible, que l’auteur n’a pu décrire la fa-
çon dont il se comporte.
Anguillula rigida. — Les œufs ovariens sont assez uniformément et fine-
ment granuleux. La vésicule germinative parait tout entière et uniformément
claire, sans tache germinative dans l’œuf mûr. Un seul spermatozoïde s’unit
à l’œuf et le féconde en se fusionnant à la substance du vitellus. Cette fusion
est complétement achevée, sans trace subsistante, quand l’œuf arrive dans
l'utérus.
À ce moment les limites de la vésicule germinative deviennent indistinctes,
et celle-ci ici encore se porte au voisinage immédiat de la surface du vitellus,
sur un point de l'équateur, qui se déprime quelquefois aussi au-devant d'elle.
Enfin elle arrive à toucher cette surface. Le globule de direction doit être
rejeté à cet instant, bien que sa petitesse, semble-t-il, l’ait dérobé à cette
phase à l'observateur. Mais il apparaît nettement un peu plus tard au-dessus
du pôle qui regarde le vagin. Le champ clair de la vésicule germinative située
à la surface du vitellus paraît maintenant la surmonter, pour bientôt s'étaler
de plus en plus à sa surface, pressé de l’intérieur par le vitellus granuleux.
Simultanément s’accumule en différents points de la surface du vitellus, en
quantité plus ou moins grande, un protoplasma très-clair, sans granules, et il
semble à l’auteur que l’aréa de la vésicule germinative vient s'unir à ce pro-
toplasme. Ce protoplasme clair s’accuse avec une abondance particulière aux
NOTES ET REVUE. XI
deux pôles du vitellus (fig. 5), lequel simultanément est le siége de mouve-
ments amæboïdes.
La nouvelle production de noyaux commence maintenant dans ce plasma
clair des pôles. Un seul noyau paraît d’abord et seulement après, l’autre, au
pôle opposé. Dans ce phénomène l'impression est que le plasma clair faisant
hernie dans le vitellus granuleux détache finalement de lui un globe de sa
substance que le vitellus granuleux entoure alors librement de toutes parts
(fig. 6 et 7). Les deux noyaux ainsi apparus aux extrémités du grand axe
marchent vers le centre de l’œuf, où ils s'unissent en s'appliquant intimement
l'un à l’autre et se fusionnent.
Ace moment le protoplasme clair qui était à la surface du eds a tout
entier disparu.
Quant à la segmentation, l’auteur n’a rien à en dire; elle ne présenterait
ici rien de nouveau et n'offre pas pour l'étude de circonstances favorables.
Rhabditis dolichura. — Après l'expulsion de la vésicule claire du vitellus
telle que l’auteur l’a fait connaître dans un autre travail, on trouve encore ici
cette vésicule à la surface du vitellus en un point de l'équateur. Pendant
qu’une masse protoplasmatique pure s'étend à la surface du vitellus, l'aréa
disparait en montrant à l’endroit de sa disparition le globule de direction qui
passe souvent au pôle tourné vers le vagin, vraisemblablement en vertu des
mouvements vitellins amæboïdes très-vifs. Puis apparaissent les nouveaux
noyaux, dont l’un toujours au pôle vaginal; l’autre, souvent, d’abord sous
l'équateur, quelquefois tous deux au pôle vaginal, l’un contre l’autre. Ils
descendent ensuite dans la masse vitelline où ils se fusionnent. Quelquefois
ce sont trois noyaux partiels qui apparaissent et se conjuguent ainsi.
Diplogaster (plusieurs espèces). — Très-bel exemple de mouvements amœ-
boïdes très-purs effectués par le vitellus durant la nouvelle formation de
noyaux et jusqu’à la segmentation.
Ici encore production de deux nouveaux noyaux après l’expulsion de la
vésicule germinative, non en des points diamétralement opposés, mais soit
de tous deux au même pôle, soit de l’un à un pôle et de l’autre sur la surface
latérale. Is s'unissent quelquefois loin du centre, mais pour le gagner enfin.
On voit aussi parfois le grand axe des noyaux unis transversalement dirigé par
rapport à celui du vitellus, mais pour finir toujours par s'orienter comme le
grand axe vitellin.
Le Tylenchus pellucidus offre également de rapides mouvements amœ-
boïdes après la disparition de la vésicule germinative dont l’auteur n’a pu
suivre le processus. Il n’a pu établir non plus comment se succèdent les six
formes par lui représentées (fig. 16 et 21), qui se déroulent en cinq mi-
nutes.
Quelques heures après la cessation des mouvements amæboïdes, on dis-
timgue un noyau central et seulement six heures après survient la division en
deux du vitellus, de telle façon que dans cette espèce vingt-quatre heures
s'écoulent entre la ponte et la première segmentation, alors que, pour les
XII NOTES ET REVUE.
Nématoïdes précédents, cette période est d’un quart à une demi-heure tout au
plus.
Lymnœus auricularis et Succinea Pfeifleri(pl. IV). — L’œuf examiné dès la
ponte dans ces espèces est quelque peu déprimé suivant un de ses diamètres,
comme dans la Nephelis (fig. 4). L'un de ses pôles aplatis se distingue d’ailleurs
de l’autre par l’éminence qui le surmonte, constituée de protoplasme clair,
sans granules.
Placées sur'le petit axe de l’œuf, on voit maintenant deux aréoles de plasma
clair, l’une à peu près au centre, l’autre sensiblement entre le centre et le
pôle surmonté de l’éminence précitée. D’une des aréoles à l’autre s’étendent
des fibres unissantes. L'identité de cet aspect avec ce qui s’observe dans la
Nephelis autorise à voir également ici dans la production actuelle le résultat
de la transformation de la vésicule germinative. Les phénomènes subséquents
confirment d’ailleurs cette interprétation.
Ici encore, effectivement, l’ensemble des deux aréoles et des fibres inter-
posées s'avance vers la surface du vitellus, qu’elle atteint au pôle désigné,
pour y faire bientôt saillie (fig. 2 et 3), et donner naissance à un globule de
direction (fig. 3, 4 et 5). Des granules de la portion arrondie et renflée de la
vésicule germinative qui constitue ce premier globule de direction comme
pédiculé à la surface du vitellus, on voit ici, tout aussi bien que dans la
Nephelis, descendre, à travers l’écusson de plasma clair du pôle correspon-
dant, de fines stries, que de bons objectifs montrent aboutir à une seconde
plaque nucléaire afférente à la portion encore immergée de la vésicule
(fig. 5). En d’autres termes, on peut distinguer dans l’écusson précité de
plasma clair le second globule d’excrétion déjà dessiné.
Ce second globule est expulsé à son tour et on le voit reposant dans une
dépression de la surface du vitellus (fig. 6).
Immédiatement au-dessous de ce point on distingue maintenant dans
Lymnœus jusqu'à neuf nouveaux noyaux, petits et pressés les uns contre les
autres, dont chacun offre la distinction d’une paroi et d’un contenu (fig. 6
et 7).
La formation de ces noyaux est en rapport avec la présence en ce point
du plasma vitellin clair; mais de quelle nature est ce rapport, c'est ce que
l’auteur ne saurait dire.
Dans les phases suivantes, ces petits noyaux se fusionnent graduellement
(fig. 7, 8 et 9), pour constituer finalement le nucléus de la première sphère
de segmentation (fig. 10).
Dans Succinea Pfeifferi ce sont seulement deux nouveaux noyaux qui nais-
sent et sont destinés à se conjuguer. De plus, ces noyaux se présentent quel-
quefois à une notable distance l’un de l’autre (fig. 10), de façon que la ques-
tion se pose de savoir s'ils se forment en des points différents, ou aux lieux
mêmes où on les trouve.
Formé comme il vient d’être dit, le noyau de la première sphère de seg-
mentation devient graduellement fusiforme, chacune de ses extrémités deve-
nant le centre d’une étoile de traînées granuleuses irradiantes (fig. 40, 11
et 12), et son intérieur étant le siége d’une différenciation fibrillaire (fig. 11
NOTES ET REVUE, XLIS
et 42), à fibres longitudinales, quelquefois même, semble-t-il, avec plaque
équatoriale (fig. 13).
Simultanément commence et progresse la constriction circulaire du vitellus
dans un plan perpendiculaire au grand axe du noyau fusiforme, lequel devient
de plus en plus difficile à distinguer.
L'auteur n’a pu, à cause de cela, voir la division de la plaque équatoriale,
l’écartement des deux moitiés produites, etc., vers les extrémités, et il arrive à
la phase où paraissent les premiers rudiments des noyaux des sphères secon-
daires.
A ce moment nous trouvons avec la plus grande netteté que les fibres
unissant ces deux noyaux sont légèrement renflées dans leur milieu (fig. 14
et 49), comme nous l’avons vu à une phase correspondante dans la Nephelis
(comp. fig. 12). Les noyaux croissent en demeurant encore unis par des fibres,
malgré que la première partition du vitellus semble être complète déjà
(fig. 10).
Les noyaux des sphères secondaires ont une constitution identique à celle
du nucléus de la première.
Rotateurs (pl. XILL, fig. 14 et 17). — L'auteur, qui n'a pas eu à sa disposition
tous les matériaux qu’il aurait désirés, a examiné les œufs d’été des No-
tommalta Sieboldi, de quelques espèces de Brachionus et d’un Triarthra.
Chez tous on constate, ainsi qu’on le savait déjà, que la vésicule germina-
tive de l’œuf mûr est privée de sa tache germinative si développée aupara-
vant, et qu'elle-même est devenue plus petite qu’elle n’était dans l’œuf ova-
rien, tout en offrant encore un diamètre supérieur, quelquefois mème du
double, à celui de la tache germinative disparue.
La vésicule germinative d’ailleurs disparaît à son tour soit avant la ponte,
soit avant tout développement ultérieur, par un processus que l’auteur n’a pu
suivre, tout comme il lui a été impossible de constater l'existence d’un glo-
bule äe direction.
Dans le Triarthra le vitellus récupère un noyau très-peu de temps après la
ponte ; il apparaît d’abord excentriquement placé sous forme d’un petit champ
clair, devient bientôt une vésicule nettement délimitée qui disparaît soudain
quand la division commence.
Dans les Brachionus et Nolommata, l’auteur put suivre la trausforma-
tion du noyau de la première sphère de segmentation en un corps fusi-
forme, absolument semblable à ce que nous avons vu dans Nephelis (fig. 14).
Dans le Notommata la division de la plaque nucléaire équatoriale et l’écar-
tement de ses moitiés ont été observés (fig. 16).
Dans le Brachionus et Notommala d'ailleurs, il ne naît dans chaque sphère
dérivée qu’un seul noyau et par conséquent il n’y a pas ici de phénomène de
conjugation.
XIV NOTES ET REVUE.
LIT
DE L'EXISTENCE DANS LE PLASMA SANGUIN D'UNE SUBSTANCE
ALBUMINOIDE SE COAGULANT A + 56 DEGRÉS CENTIGRADES,
Par le docteur Léon FREDERICQ.
Les méthodes de dosage des éléments albuminoïdes du sang sont toutes
basées sur l'étude de ce liquide considéré après la production de la fibrine.
Cette substance figure ainsi dans tous les résultats d'analyse, car nous ne
possédons aucune méthode permettant l'analyse complète du sang avant sa
coagulation spontanée. Cependant le plasma sanguin a très-probablement une
constitution toute différente de celle du sérum, et l’on n’est nullement auto-
risé à conclure de l’une à l’autre.
Ma méthode d'analyse s'adresse au sang avant sa coagulation spontanée.
Elle permet de reconnaître et de doser au moins trois substances albumi-
noïdes différentes dans le plasma sanguin. Elle est basée sur un fait nouveau :
ces substances se coagulent par la chaleur à des températures différentes.
On sait depuis longtemps (Hewson) que le sang de cheval pris à la veine
jugulaire, et reçu directement dans un vase dont la température est main-
tenue au-dessous de 0 degré, reste liquide pendant plusieurs heures et mème
plusieurs jours. Grâce à la densité élevée des globules rouges, il se sépare au
bout de quelques instants en cruor et en plasma. Ce plasma doit être décanté
et filiré à une basse température. Le froid ne fait que suspendre la produc-
tion de la fibrine. Si l'on soustrait le liquide à cette influence, il se coagule
spontanément au bout d’un quart d'heure, d’une demi-heure, d’ane heure ou
d’un temps beaucoup plus long, suivant la température du milieu ambiant et
quelques autres circonstances de l'expérience. Je puis ainsi le chauffer à
toutes les températures comprises entre 0 degré et + 56 degrés ; il reste par-
faitement clair et ne tarde pas à se coaguler par production de fibrine. Une
température supérieure à + 56 degrés centigrades lui fait brusquement et
irrévocablement perdre ses propriétés fibrinogènes, qu’une addition de sérum
est même incapable de rappeler. En même temps une substance albuminoïde
(fibrinogène de Schmidt?) s’y précipite à l’état floconneux. Ce précipité se
laisse facilement séparer par filtration : le liquide filtré passe parfaitement
clair. On peut le chauffer jusqu’à + 67 degrés, avant que les premiers signes
d'une nouvelle coagulation se produisent (albumine ordinaire). Comme le
sérum, ce liquide contient encore de l’albumine et de paraglobuline. Il préci-
pite en effet par le chlorure de sodium en poudre et par l'acide carbonique.
La substance qui précipite à + 56 degrés appartient au groupe des globulines
et parait devoir être rapportée au fibrinogène de Schmidt. Le chlorure de
sodium en poudre la précipite complétement du plasma sanguin en même
temps que la paraglobuline, Ce mélange (plasmine de Denis), redissous dans
l’eau distillée à la faveur du peu de sel qui lui reste adhérent, et chauffé graduel-
NOTES ET REVUE. XV
lement, se coagule une première fois comme le plasma sanguin vers + 55 de-
grés centigrades. Le liquide filtré, qui est parfaitement clair, contient encore
la paraglobuline et se trouble une seconde fois à partir de + 75 degrés cen-
tigrades. La paraglobuline paraît donc également avoir un point de coagulation
différent de celui de l’albumine du plasma.
La nécessité d'employer de grandes quantités de glace pour ces expériences,
constitue un inconvénient sérieux, surtout en été. Il existe heureusement deux
autres moyens de se procurer du plasma sanguin. On peut, comme je l'ai fait
souvent, isoler sur un cheval vivant ou récemment abattu, les veines Jugu-
laires, les lier et les extraire (Glénard). Dans un tel vaisseau, le sang reste
indéfiniment liquide. On le suspend verticalement ; la séparation en globules
et plasma ne tarde pas à s'effectuer ; une ligature intermédiaire sert à isoler
la portion supérieure qui renferme le plasma. On peut alors, soit ouvrir cette
veine et employer le plasma comme il a été dit précédemment, soit chautfer
ce liquide sans le sortir de son réceptacle naturel. La veine gonflée de plasma
est introduite à côté d’un thérmomètre dans un tube de verre à parois
minces. Le tube, convenablement bouché, plonge dans un bain d’eau dont un
second thermomètre indique la température. On chauffe lentement, de façon
que le thermomètre intérieur ne soit jamais en retard de plus d’un ou deux
dixièmes de degré sur le thermomètre plongé dans l’eau. Si l’on retire la veine,
et si on l'ouvre avant d’avoir atteint le premier point de coagulation, le liquide
qui s’en écoule est clair et ne tarde pas à se prendre en caillot à la façon du
sang. Si l’on a dépassé + 56 degrés, le liquide extrait de la veine a perdu la
propriété de se coaguler spontanément et renferme un précipité floconneux.
Ce procédé est élégant comme démonstration et d’une exécution facile, mais
fort défectueux s’il s’agit d’une analyse quantitative, à cause de la difficulté
de déterminer exactement le poids du liquide employé, et de l’erreur causée
par la présence d'une certaine quantité de leucocytes qui se trouvent en-
trainés en même temps que la substance qui coagule à + 56 degrés.
Le procédé le plus commode consiste à suspendre la coagulation spontanée
par l'introduction dans le sang d’un sel à métal alcalin ou alcalin-terreux.
Le sulfate de magnésium, déjà employé par Alexandre Schmidt et par Ham-
marsten, est celui qui m'a le mieux réussi.
Le vase dans lequel je reçois le sang contient un poids ou un volume connu
d'une solution de sulfate de magnésium (1 partie MgSO“"pour 3 parties H?0)
correspondant au tiers d’un volume de sang à recevoir. J’achève de le remplir
avec le sang que je laisse couler directement de la veine. La séparation en
globules et plasma s’effectue ici de la même façon que pour le sang soumis au
froid, quoique plus lentement. Le plasma, recueilli au bout de quelques heures
et filtré, offre toutes les propriétés du plasma naturel. La présence du sulfate
de magnésium se borne à abaisser légèrement les points de coagulation. La
première substance se coagule alors à + 54°,5 centigrades, la seconde com-
mence vers + 66 degrés centigrades. La première de ces coagulations se
produit dans des limites fort étroites de température, n’atteignant certaine-
ment pas un demi-degré pour le même sang. L'analyse complète des matières
alhuminoïdes du plasma avant sa coagulation spontanée comprend nécessaire-
ment trois opérations :
XYI NOTES ET REVUE.
a. On chauffe au bain d’eau dans un tube fermé un cinquantaine de grammes
au moins de plasma au sulfate de magnésium, à une température qui ne doit
pas dépasser + 60 degrés. Il est inutile d’aciduler. On lave le précipité dans
un gobelet, on le recueille sur un filtre taré, on l’épuise par l’eau distillée,
puis par l'alcool bouillant, jusqu’à ce que le liquide filtré ne précipite plus
par le chlorure de baryum. On dessèche à +110 degrés et on pèse lorsque la
substance ne diminue plus de poids. On calcine ensuite le filtre et le préci-
pité pour tenir compte du poids des cendres, qui est insignifiant si les lavages
ont été bien conduits. On obtient ainsi le poids de la première substance
(fibrinogène de Schmidt ?).
b. Une seconde portion du même plasma, également d’une cinquantaine de
grammes, est pesée dans un gobelet, puis additionnée de chlorure de sodium
en poudre jusqu’à ce que ce sel refuse de se dissoudre. On achève de remplir
le gobelet avec une solution saturée de chlorure de sodium à l'effet de laver
le précipité qui s’est formé. On le recueille sur un filtre taré et on le lave
avec de l'alcool faible bouillant. Pour le reste on opère comme précédemment,
On obtient ainsi le poids de la première substance, puis celui de la paraglo-
buline (plasmine de Denis) !.
c. Une troisième portion, qui ne doit pas dépasser 20 grammes, est versée
dans au moins 50 à 100 centimètres cubes d’eau en pleine ébullition. On
ajoute avec une baguette de verre quelques gouttes d’acide acétique dilué, et
on laisse bouillir quelques instants. On recueille sur un filtre, on lave à l’eau
et à l'alcool bouillant, etc. On obtient ainsi le poids du fibrinogène, de la
paraglobuline et de l’albumine réunis, et l’on possède tous les éléments du
calcul de l’analyse du plasma, son degré de dilution ayant été déterminé. Je
décrirai sous peu une méthode facile permettant d’arriver à ce dernier ré-
sultat.
Je compte publier en même temps les chiffres des analyses de sang avant
et après la coagulation spontanée, et les conclusions importantes qu’on
peut en tirer relativemeut au rôle des diverses substances albuminoïdes du
plasma dans le phénomène de la formation de la fibrine.
Ces recherches se poursuivent actuellement au laboratoire de physiologie
de M. le professeur Boddaert.
J'ai de vifs remerciments à adresser à M. Remy, directeur de l’abattoir de
Gand, pour l'assistance qu’il m’a prêtée dans le cours de ces expériences.
‘ Le chiffre obtenu ainsi est trop faible. Une partie de la paraglobuline reste en
solution. Mieux vaudrait sans doute doser la paraglobuline en la précipitant par
l'acide carbonique et une goutte d’acide acétique dans les liquides filtrés de A.
Le direeleur : H. DE LACAZE-DUTHIERS.
Le gérant : G. REINWALD.
NOTES ET REVUE XVH
IV
LA PHYSIOLOGIE DU SUCRE EN RAPPORT AVEC LE SANG,
Par M. le docteur Pavy, M. D., F.R.S.,
La quantité de sucre contenue dans le sang. — A la séance de la Société
royale d'Angleterre du 21 juin, M. le docteur Pavy a lu une communication
sur la physiologie du sucre en rapport avec le sang. Cette note forme la suite
de celle qu'il a déjà lue à la séance du 44 juin, dans laquelle M. Pavy a donné
la description de son nouveau procédé pour la détermination exacte de la
quantité de sucre dans le sang, ces dernières recherches étant les résultats
de l'application pratique de cette nouvelle méthode. Dans ce mémoire, M. Pavy
considérait la question de la quantité de sucre contenue dans le système
sous les conditions suivantes :
4° La quantité qui existe dans le sang à l'état normal.
90 L'état comparatif entre le sang artériel et le sang veineux.
3° Le changement qui se produit dans le sang après qu'il est séparé du
système.
M. Pavv s’est appuyé sur le fait que les changements très-rapides qui se
produisent dans le sang sous des conditions changées du système exigent
qu'on prenne les plus grandes précautions, afin d'obtenir le sang dans sa
condition normale. Si on le prend pendant la vie, l'animal doit être dans un
état de parfaite tranquillité. Si, au contraire, on le prend après la mort, il
faut le retirer aussitôt que possible après que la vie de l'animal est éteinte,
afin qu’il n’y ait pas de possibilité que le sang soit affecté par la formation
post mortem de sucre dans la foie.
Les expériences qu'a citées M. Pavy ont été faites sur le sang des chiens,
des moutons et des bœufs. Une série de six examens et dans un des cas
sept examens, a été faite avec chaque espèce de sang, et chaque échantillon
de sang a été analysé deux fois. Les chiffres donnés par M. Pavy sont les
moyennes des deux analvses. Il faut cependant observer que les deux chiffres
de chaque paire d’anaiyses ne montrent que de très-faibles variations, qui
ne changent que le second chiffre décimal. Les différences enfin étaient si
petites, que, si les analyses avaient été faites par deux chimistes rivaux, il n’y
aurait pas eu lieu de se disputer, voyant que les variations ont été dans les
limites reconnues.
M. Pavy a ensuite donné les détails des précautions que l’on doit prendre
pour assurer que le sang retiré des divers animaux est dans l’état normal.
Dans le cas du chien, la méthode de faire tuer les animaux, en coupant la
moelle épinière, a été adoptée, parce qu’elle est sans peine et instantanée.
Les grands vaisseaux de la poitrine ont été coupés immédiatement, et le sang
a été retiré et analysé avant que la coagulation ait pu commencer.
ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T. VI. 14877, BP
XVIII NOTES ET REVUE.
Dans le cas des moutons, le sang a été pris des animaux tués à l’abattoir
de la facon ordinaire, c’est-à-dire par la division des vaisseaux du cou, et le
temps qui s’écoulait entre le moment où le sang a été pris et le commen-
cement de l'analyse n’était plus que d’un quart d'heure.
Le sang des bœufs a été pris des animaux tués par la méthode juive, qui
consiste à couper soudainement Îles structures molles du cou jusqu’à la
colonne vertébrale, L'incision donne le sang artériel, et le temps qui s’est
écoulé entre le moment où le sang a été pris et le commencement de l’ana-
lyse a été une heure.
Les résultats moyens de sept analyses de sang de chien ont démontré qu'il
contenait respectivement 0,751, 0,786, 0,700, 0,766, 0,786, 0,921, 0,803
pour 4000, ce qui donne une moyenne de 0,787 sur la série entière.
Le sang des moutons a donné respectivement 0,470, 0,490, 0,517, 0,559,
0,569, 0,526 pour 1000.
Le sang des bœufs a donné 0,703, 0,525, 0,492, 0,456, 0,499, 0,588, ou une
moyenne de 0,543.
Chaque expérience a été faite avec tous les soins nécessaires pour que le
sans fût retiré de telle manière qu’il était dans une condition semblable
à celle sous laquelle il existait ordinairement pendant la vie. Si on ne prend
pas de telles précautions, les résultats obtenus seront sans valeur et trom-
peurs au point de vue physiologique. La comparaison des résultats obtenus
par M. Pavy dans le cas de quatre bœufs tués par la méthode ordinaire, c’est-
à-dire en abattant lanimal avec un bec-de-corbin, et en brisant la moelle
épinière avec une canne, démontre pleinement la nécessité qu'il y a de
prendre les précautions précitées. Dans les deux premières expériences, l’in-
cision dans les vaisseaux sanguins à été faite aussitôt que possible après que
l'animal a été abattu. Dans les deux qui suivaient, M. Pavy avait lieu de croire
que cette condition nécessaire n'a pas été remplie, et que quelque temps s’est
écoulé entre linstant où l'animal avait cèssé de vivre et l'ouverture des vais-
seaux. L'effet de ce délai sur la formation de sucre après l’abatage de
l'animal est pleinement démontré par les résultats suivants :
Le sang des deux premiers bœufs, moyenne de deux analyses, a donné 0,596
et 0,688 pour 1000 respectivement, tandis que le sang des deux autres a donné
une moyenne de 1,053 et 1,094.
Les conclusions que l’on peut tirer de ces expériences sont que la quantité
de sucre existant dans le sang des moutons et des bœufs est à peu près 0,5
pour 1000, où 4 pour 2000, tandis que celui des chiens contient 0,75 pour
4000, ou 1 et demi par 2000.
En considérant les résultats dans leur ensemble, ils montrent une uniformité
et une harmonie remarquables dans la quantité de sucre que contiennent les
sangs de divers animaux.
Le contraste entre l’uniformité et l'accord qui existent dans les résultats
obtenus par M. Pavy et les chiffres de M. CI. Bernard est frappant. Ce dernier
savant a annoncé dans les Comptes rendus du 19 juin 1876, page 1409, que
la limite inférieure du sucre contenu dans le sang est 4 pour 1000, et qu'à
l’état normal la quantité varie de 1 à 3 pour 4000.
Condition comparative du sang veineux et artériel. — Dans la seconde
NOTES ET REVUE. XIX
partie de sa communication M. Pavy a parlé de l’état comparatif du sang
artériel et du sang veineux. C’est cette portion du sujet qui a la plus
grande importance au point de vue physiologique. Parmi les effets produits
par les anesthésiques sur les animaux est la formation d'une quantité anor-
male de sucre dans le sang. Pour être exacte, il est de rigueur que le sang
soit pris à une période où l'animal n’est pas sous une telle influence. Dans la
première observation faite M. Pavy sur le sang d’un chien, l'animal a été
tué instantanément en coupant la moelle épinière, et le sang a été immédia-
tement tiré de la veine jugulaire et de l'artère crurale, sans laisser assez de
temps pour que la formation post morlem du sucre dans le foie ait pu in-
fluencer le sang. Les résultats obtenus par cette méthode sont les suivants :
Artère crurale, 0,799, 0,791 ; moyenne, 0,795.
Veine jugulaire, 0,793, 0,791 ; moyenne, 0,792.
Pour avoir des preuves auxquelles on ne püt opposer aucune exception,
M. Pavy imagina une autre méthode, qu'il réussit à perfectionner avant la
séance, certaines restrictions imposées par la loi sur la vivisection ayant
été relevées. Par ce procédé, M. Pavy peut retirer le sang aussi bien de la
veine jugulaire que de l’artère carotide, et dans les conditions naturelles
de la vie, Les animaux étaient soumis à l'influence d'un anesthésique, et
pendant ce temps les vaisseaux étaient exposés et liés avec une ficelle, mais
sans les serrer. Lorsqu'ils étaient revenus à leur état normal et que l'effet
de l’anesthésique avait cessé, les vaisseaux étaient tirés en avant et coupés,
afin de permettre l'écoulement simultané du sang. L'opération de retirer
le sang à été faite de telle façon, que les animaux n'ont manifesté aucune
douleur. L'analyse du sang retiré de cette manière était commencée avant que
la coagulation ait pu s'effectuer. Voici les résultats :
N°1. Artère carotide, 0,806, 0,817 ; moyenne, 0,811. Veine jugulaire, 0,808,
0,788 ; moyenne, 0,798.
N°9, Artère carotide, 0,854,'0,873 ; moyenne, 0,863. Veine jugulaire, 0,863,
0,896; moyenne, 0,879.
En considérant ces chiffres, il est parfaitement clair qu’il n’y a pas de
différence entre la quantité de sucre dans le sang veineux et le sang artériel.
Si l'on compare ces résultats avec les chiffres donnés par M. CI. Bernard
(Comptes rendus, t. LXXXIIL, n° 6, p. 373), on les trouvera tout à fait
opposés. Son procédé volumétrique tend à démontrer que beaucoup de
sucre disparaît pendant que le sang passe du système artériel au système
veineux. Dans cette note, M. CI. Bernard donne les résultats de cinq obser-
vations sur du sang tiré des veines et des artères crurales, et trois sur celui
des veines et des artères carotides et jJugulaires, La movenne de ces différentes
obServations montre une variation apparente de 0,300 pour 1000 de sucre
entre le sang veineux et le sang artériel. La moindre différence se trouve
dans une observation dans laquelle les chiffres sont 1,100 pour 1000 pour le
sang artériel, et 1,080 pour 1000 pour le sang veineux, c'est-à-dire une varia-
tion de 0,020. La plus grande différence se trouve dans une observation où
les chiffres sont 1,510 et 0,950 respectivement, ou une variation de 0,560
pour 1000, ce qui représente une plus grande proportion du sucre que M. Payy
a trouvé dans le sang du mouton et du bœuf, et qui y existe naturellement,
XX NOTES ET REVUE.
Disparition spontanée du sucre du sang. — En abordant la ‘troisième partie
de sa communication, c’est-à-dire la disparition du sucre du sang après qu’il
est retiré du système, M. Pavy a donné les résultats suivants d’une série
d'analyses qu'il à faite dernièrement :
Première analyse.
Moyennes.
Retiré immédiatement après la mort.,,.,,...., 0.786
Après une Here... 4..." tree. 010
Deuxième analyse.
Retiré immédiatement après la mort....,.,...,., 0.700
Après une heure...... SAR 0 tasses 1140:070
Troisième analyse.
Retiré immédiatement après la mort..,...., no sa c0e108
ADréS Une NEUTC..--e--7 0E sise -brsec VOL
Après vingt-trois heures..... ne OT DS 0e re TU 200
Quatrième analyse.
Retiré immédiatement après la mort.....,,...,. 0.786
Après une heure......... RUE PP A 17/2.
Après vingt-quatre héures 256,7. 00P00
Cinquième analyse.
Retiré immédiatement après la mort......,,..., 0.991
Après uné heure trois (quarts © -0re-eree.-0re 000
Une série d'expériences quelque peu semblables ont été faites par CI. Ber-
nard et publiées par lui dans les Comptes rendus du 19 juin 1876; elles mon-
trent une différence remarquable avec les résultats obtenus par M. Pavy :
Moyennes,
10 Analyse faite immédiatement...,....,.,,..,... 1,070
20 — après dix /fminutes. 4251000. DID
30 après trente minutes. .......... 0.880
4° — après cinq heures, ......s..s..e 0.440
50 —— après vingt-quatre heures....... 0.000
M. Pavy remarquait qu'il n'y avait rien de nouveau dans la découverte
suggérée par M. Bernard, c’est-à-dire que le sucre du sang est détruit lente-
ment après que ce dernier est retiré du système. Il avait notifié le fait à la
Société, à une période aussi éloignée que l’an 1855, quand il a déclaré que,
sous les changements opérés par la décomposition du sang, le glucose est
métamorphosé très-facilement, la ‘rapidité de la métamorphose dépendant
NOTES ET REVUE. XXI
de l’activité de la décomposition des substances animales qui se trouvent
dans Île sang.
En terminant sa communication, M. Pavy a fait remarquer que les preuves
qu'il a produites dans son mémoire démontrent que les résultats obtenus par
M. CI. Bernard par le procédé expérimental qu’il a employé récemment sont
erronés, et par conséquent les déductions qu'il en a tirées sont également
erronées. La cause de la vérité et les intérêts de la science demandent que
les résultats de ses expériences qu'il vient de publier soient éliminés de la
littérature physiologique.
v
NOUVELLE MÉTHODE POUR LA DÉTERMINATION QUANTITATIVE
DU SUCRE DANS LE SANG,
Par -M. le docteur Pavy, F. R. S-
A la séance de la Société royale d'Angleterre du 14 juin, M. le docteur
Pavy a communiqué ses recherches sur une nouvelle méthode pour la déter-
mination exacte de la quantité de glucose dans le sang, et de son application
à l'investigation des relations physiologiques qui doivent exister entre le
sucre et le sang dans le système animal. Les résultats exacts qu'a obtenus
M. Pavy par son nouveau procédé de dosage gravimétrique sont tellement im-
portants, qu'ils auraient dû contribuer à augmenter et à consolider nos con-
naissances à l'égard du traitement et de la pathologie du diabète.
Cette communication, qui contenait la description détaillée du nouveau
procédé, a été, pour ainsi dire, la préface d'une seconde note que M. Pavy a
lue à la séance suivante, où il a parlé : 4° de l’état naturel du sang ; 2 de
la condition comparative de sang veineux et du sang artériel, et 3° du chan-
gement spontané qui se produit dans le sang après qu’il est séparé du corps.
Avant de faire la description de sa méthode gravimétrique, M. Pavy à passé
en revue le nouveau procédé volumétrique de M. CI. Bernard, dont ce savant
a donné les détails dans un des derniers volumes des Comptes rendus. Cette
méthode, a dit M. Pavy, non-seulement manque de précision comme procédé
d'analyse quantitative, mais elle peut même donner des résultats fallacieux,
parce que la matière organique retient le sous-oxyde de cuivre dans l’état
soluble.
La méthode de M. CI, Bernard est basée sur des erreurs dont les résultats
ne peuvent être que trompeurs. La première erreur est dans l’assertion
que le volume du réactif liquide correspond en centimètres cubes à quatre
cinquièmes du poids en grammes du mélange de sang et de sulfate de soude.
En pratique, on a trouvé que la vraie relation entre le volume du réactif li-
XXII NOTES ET REVUE.
quide et le poids du mélange, doit varier dans chaque cas individuel selon
la quantité de matière solide qui se trouve dans chaque spécimen particu-
lier, et la perte par l'évaporation pendant la séparation du coagulum.
L'autre erreur, dans la méthode de M. CI. Bernard, s'ensuit de l'influence
qu'exerce la matière organique en empêchant la précipitation du sous-oxyde.
La grande quantité de potasse qu'on emploie dans ce procédé, c’est-à-dire
20 à 25 centimètres cubes d'une dissolution concentrée à chaque centimètre
cube du réactif, agit sur quelques principes organiques contenus dañs le
liquide sanguih, et empêche la précipitation du sous-oxÿde de cuivre.
M. Pavy a continué sa note en faisant la description de son procédé gra-
vimétrique, dans lequel il emploie une pile voltaique pour effectuer la dépo-
sition du cuivre qu'a réduit le sucre dans une forme capable d’être pesé
avec beaucoup d’exactitude. Un certain volume de sang, savoir 20 centimè-
tres cubes, est séparé du corps et mélangé avec 40 grammes de sulfate de
soude. Le sang doit être pesé avec beaucoup de précision. On met le mélange
dans un matras de la capacité de 200 centimètres cubes, et on ajoute à peu
près 30 centimètres cubes d'une dissolution de sulfate de soude préalable-
ment chauffée. On chauffe ce mélange jusqu’à ce qu’un coagulum se forme.
On filtre à travers un morceau de mousseline, et ensuite on lave bien le coa-
gulum à la dissolution de sulfate de soude pour ne pas perdre une trace du
sucre contenu dans le sang. Le liquide est trouble ; il faut donc le faire
chauffer encore une fois, et puis le passer à travers un papier à filtrer pour
le rendre parfaitement limpide. Ensuite on le fait bouillir, et on ajoute à peu
près 40 centimètres cubes de la dissolution de potassio-tartrate de cuivre,
c'est-à-dire un excès du réactif. On continue l’ébullition pendant üne minute
seulement, temps suffisant pour faire précipiter le sous-oxyde de cuivre par le
sucre. Ensuite on filtre à travers l’asbestos, ou, ce qui est meilleur, le nou-
veau glass wool. On lave bien le sous-oxyde, et on le fait dissoudre dans quel-
ques gouttes d'acide nitrique, une petite quantité de solution de peroxyde
d'hydrogène ayant été préalablement ajoutée au sous-oxyde pour aider l’oxyda-
tion et la solution.
Le cuivre contenu dans le liquide ést déposé sur un cylindre de platine
par une pile voltaïque. Le pôle positif est une spirale dé fil de platine, autour
duquel se trouve le pôle négatif en forme de cylindre creux. L'action de la
pile est continuée jusqu’à ce que les réactifs ordinaires démontrent que tout
le cuivre est déposé, opération qui dure ordinairement pendant vingt-quatre
heures. On détache le cylindre de platine, et on le lave dans l’eau distillée et
dans l'alcool. On le fait sécher dans un bain-marie, et ensuite on le pèse. La
différence, dans le poids du cylindre avant et après l’opération, donne Ja
quantité de sucre contenu dans le sang. L’électro-moteur préféré par
M. Pavy est la pile à mercure et à bichromate de Fuller, et elle a été choisie
pour sa constance.
Ayant déterminé la quantité de cuivre dans le sang, il est bien facile d'en
calculer le sucre qui a opéré sa réduction. Cinq atomes d'oxyde euprique du
réactif sont réduits par un seul atome de glucose, d’où il s'ensuit que 317 par-
ties de cuivre représentent l'équivalent d’une partie de glucose, ou dans la
proportion de 1 de cuivre à 0,5678 de glucose. Pour trouver la quantité de
NOTES ET REVUE, XXII
glucose, on n’a qu'à multiplier lé poids du cuivre par 0,5678. Cette mé-
thode d'employer la dissolution de cuivre donne des résultats qui, au lieu
d'être volumétriques, sont gravimètriques, procédé dans lequel l'incertitude
ne peut pas entrer. Le jugement n'y est pour rien, il n’y a rien à décider ;
donc il n’y a pas moyen de se tromper, comme quand l’exactitude du procédé
dépend sur la disparition plus ou moins parfaite d'un teint délicat comme
dans la méthode volumétrique.
L'exactitude et la certitude de cette méthode sont fortement appuyées par
l'uniformité des résultats d’un grand nombre d'expériences. En comparant
les résultats qu'a donnés le procédé gravimétrique avec ceux qui ont été ob-
tenus par le procédé de M. CI. Bernard, ces derniers montrent des différences
énormes. Les chiffres que donne M. CI. Bernard sont toujours trop grands,
etil n'y a pas de relation intelligible apparente entre ces différences, ce qui
démontre que nous avons tort de prendre seulement la décolorisation du
liquide, sans compter la précipitation du sous-oxyde de cuivre, comme indi-
cation du dosage du sucre dans le sang. M. Pavy a appuyé cette assertion
par des conclusions qu'il a tirées d’un grand nombre d'expériences,
VI
‘ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES,
Par M. F.-E,. Scauzze.
Sixième partie.
Extrait des Archiv. f. mikroskop. Anat., Bd. 13.)
Le mémoire de M. Schulze renferme une étude sur le noyau des Foramini-
fères et le tracé d’un arbre généalogique hypothétique des Rhizopodes que
nous ne saurions reproduire dans le cadre des Archives. Nous nous bornerons
donc à analyser la première partie du travail de l’auteur,
Nucléus des Foraminifères. Parmi les raisons qui se sont opposées à ce
qu'on puisse grouper les Rhizopodes jusqu'ici connus suivant leur parenté
naturelle, se placent en dehors de l'incertitude des documents géologiques qui
doivent intervenir dans la question, notre ignorance de l’ontogénie de ces
êtres et les lacunes de nos connaissances relativement à leur structure anato-
mique. C’est ainsi que jusqu'à ce jour on n’était pas parvenu à décider d’une
façon définitive la question de l'existence ou de l'absence du nucléus dans
une des divisions les plus nombreuses, celle des Foraminifères à test calcaire
Cette dernière question, restée sans solution, parut à M. Schulze un ob-
stacle si grand à son projet de coordonner en un tout les résultats des études
partielles et de les résumer sous forme d’un arbre généalogique, expression
des rapports des différents termes de la classe, que l'auteur résolut de tenter
un dernier effort, pleinement couronné par le succès.
XXLY NOTES ET REVUE.
Op sait que Dujardin considérait le sarcode des Rhizopodes en général et
celui des Foraminifères en particulier, comme homogène, sans produit diffé-
rencié et que cette vue a été admise par lés zoologistes les plus en renom ou
les plus autorisés sur la classe : Milne Edwards, Deshayes, Williamson, Max
Schullze et Carpenter. Ce n'est que dans le Gromia oviformis et une espèce
douteuse du genre Ovulina que Max Schultze put reconnaître avec certitude
l'existence d'un novau. Pour les Foraminifères pluriloculaires, il dut avouer
un échec, tout en se rejetant çà et là sur quelques corpuscules particuliers
qu'ilne peut à la vérité proclamer nucléus de cellule, sans vouloir exclure
toutefois la possibilité qu'ils soient tels (quelques Jeunes exemplaires de Rota-
lia veneta, Textularia picla.)
Carpenter dit de son côté que « dans les Rhizopodes qui ont gardé l’état
protoplasmatique originel plus complétement (les Gromia et les Foraminifères
d’une manière générale semblent être dans ce cas), on ne peut distinguer un
nucléus. » Rappelons enfin que M. Schulze lui-même n'avait pu jusqu’à ce
jour, dans ses études antérieures, rencontrer un noyau distinct que dans le
Quinqueloculina fusca. Aujourd'hutil nous fait connaitre l'existence de ce corps
dans les Entosolenia globosa et Polystomella strialopunctata.
La masse molle du corps de l’Entosolenia globosa renferme un grand nom-
bre de corpuscules de tailles diverses, incolores ou colorés, paraissant denature
graisseuse et fortement réfringents. Au milieu d'eux, pourtant, vers l’extré-
mité postérieure et plus ou moins sur l’axe principal, M. Schulze put recon-
naître dans tous les exemplaires examinés à ce point de vue un champ clair»
arrondi, distinctement marqué. La constance de sa situation et de sa forme,
non moins que la différence de réfringence vis-à-vis du protoplasma ambiant,
excluent déjà pour ce corps l’idée de vacuole ou d’une portion de plasma
restée sans granules ; mais l'acide acétique dilué ou le vinaigre de bois ajoutés
à la gouttelette d’eau dans laquelle on observe l'animal lèvent bientôt tous les
doutes. Le test se dissout plus ou moins complétement, et les corpuscules
réfringents pälissent extrèmement; de telle façon que le corps dont il s’agit
apparaît maintenant séparé par un contour vigoureux du protoplasma envi-
ronnant et avec un contenu troublé, çà et là finement granuleux, comme un
noyau de cellule incontestable.
La démonstration ne fut pas si facile pour les Foraminifères pluriloculaires.
Le Polystomella striatopunctata Fichtel et Moll fournit d’abord à l’auteur
la matière de quelques détails complémentaires de la description de Carpenter
sur la façon dont les segments qui remplissent les différentes chambres du
test sont mis en relation les uns avec les autres, puis il passe au nucléus.
Pour le trouver, M. Schulze s’adressa d’abord à la loge centrale, mais vai-
nement : elle ne renferme jamais rien qui ressemble à un noyau, et l’auteur,
découragé, allait presque abandonner les recherches, quand un jour, sur un
exemplaire dépouillé par le vinaigre de bois, il aperçut dans un segment ap-
partenant à un numéro moyen dans la série des loges une place se dessinant
d’une façon différente du reste. M. Schulze colora alors toute la masse molle
du corps demeurée intacte de cette Polystomella avec la dissolution de bois de
campêche, et l'éclaircit ensuite avec une dissolution faible d'ammoniaque. A
sa grande Joie, il vit alors dans la masse générale du corps teinte en bleu clair
NOTES ET REVUE. XXV
apparaitre un corps arrondi coloré en violet, d’un diamètre d'environ
0,058, offrant la distinction d'une membrane extérieure foncée et d’un contenu
plus clair, avec un certain nombre de petits corpuscules fortement réfringents,
par conséquent un noyau de cellule de constitution typique. Ce nucléusse retrouva
à une place correspondante dans tous les exemplaires examinés ensuite, bien
qu'avec de légères modifications.
Habituellement unique, le nucléus était quelquefois double, les deux noyaux
étant alors placés dans deux chambres consécutives, Une seule fois l’auteur
vit s’interposer entre les deux chambres nucléées une chambre à protoplasma
homogène. Une seule fois aussi il trouva trois nucléus dont deux dans deux
segments consécutifs et le troisième dans un segment séparé des premiers par
une chambre à protoplasma pur. En ce qui touche la position des segments
pourvus de noyau dans la série des loges, l'auteur conclut de ses études que
c’est dans le tiers intermédiaire du nomore des loges qu'il faut les chercher.
S'il y a en tout trente segments, ce sera donc entre les segments dix et vingt
qu'il faudra s'attendre à voir le ou les noyaux. Une particularité curieuse est
que souvent le nucléus unique n’est pas en totalité dans une chambre, mais
partie dans une, partie dans une autre, les deux portions du nucléus étant
reliées par un pont traversant un des orifices arrondis de communication d’une
chambre à l'autre. Quelquefois on saisit le noyau au moment en quelque sorte
ou il s’insinue dans un de ces canaux de communication ; 11 n’y est encore
éngagé que par une faible partie, et sa masse principale est en dehors. Il
y a donc lieu d'admettre que le noyau peut voyager d’une chambre à l’au-
tre, ce que le fait de sa position constante dans une des chambres du tiers
intermédiaire du nombre total, quel que soit ce nombre, corrobore et mème
nécessite. On voit aussi que, dans ce cas, €’est toujours d’un segment plus an-
cien vers un plus récemment formé que la migration doit avoir lieu; et l’obser-
vation directe confirme cette vue, puisque telle était bien la direction du
noyau chaque fois qu'il fut pris partiellement engagé dans un canal de com-
munication.
Après avoir ainsi découvert le nucléus dans une Polystomella, M. Schulze
se proposait d'en rechercher la présence dans un grand nombre d’autres Fora-
minifères pluriloculaires ; mais le temps que ces études nécessitaient l’en em-
pècha pour le moment. Il se borne à dire qu'il a trouvé des noyaux absolument
semblables dans d’autres Polythalamiens encore, par exemple dans une
Rotalina.
L'analogie autorise donc dès aujourd’hui à considérer les Foraminifères en
général comme appartenant aux Rhizopodes nucléés et non pas à ceux dont
le corps n’a que la valeur d’une réunion de cytodes purs et simples. La posi-
tion de l’ordre est donc plus élevée dans la classification que celle qui lui était
assignée par Jes derniers auteurs. Aus.
XX VI ; NOTES ET REVUE.
VIT
DÉVELOPPEMENT DES NERFS SPINAUX DES ELASMOBRANCHES.
M. Balfour a étudié le développement des nerfs spinaux des élasmobranches
dans l’embrvon à différents âges.
Ses études ont eu surtout pour sujets les Scyllium canicula, Scyllium
stellare, Pristinius et Torpedo.
Il en résume lui-même les resultats dans les termes suivants : « Sur la
ligne médiane et dorsale du cordon médullaire s'élève de chaque côté une
excroissance continue.
« De chaque excroissance partent pour s’enfoncer ensuite plus profondé-
ment des processus en nombre correspondant à celui des bandes musculaires.
Ces sont les rudiments des nerfs.
« Ces excroissances, d’abord attachées au cordon médullaire dans toute
leur longueur, cessent bientôt de l'être et ne restent en connexion avec lui
qu'en certaines places qui forment le trait d'union entre lui et les racines
postérieures des nerfs spinaux. »
L’excroissance primitive reste de chaque côté comme un pont unissant en-
semble les extrémités dorsales de tous les rudiments des racines postérieures.
Les points de jonction de ces racines avec le cordon médullaire sont
d’abord situés sur la crête de ce dernier, mais par la suite ils descendent plus
bas et finalement vont se placer sur les côtés du cordon.
Ensuite les rudiments postérieurs grandissent rapidement et se différen-
cient en une racine (par laquelle ils sont attachés au canal spinal), un gan-
glion et un nerf.
Les racines antérieures, comme les postérieures, sont des productions du
cordon médullaire, mais les excroissances qui doivent les former sont dès
l'origine indépendantes et les points d’où elles naissent sont ceux où elles
sont définitivement attachées; elles ne subissent pas comme les racines pos-
térieures un changement de position. Les racines antérieures ne naissent pas
directement au-dessous des racines postérieures, mais correspondent aux
intervalles qui les séparent.
Les racines antérieures sont d’abord tout à fait séparées des postérieures, mais
bientôt après la différenciation du rudiment postérieur en racine, ganglion et
nerf, la jonction s’effectue entre chaque nerf postérieur et la racine auté-
rieure correspondante. La jonction a lieu d’abord à une petite distance du
ganglion.
Les faits qui viennent d’être exposés touchent de près à un ou deux pro-
blèmes importants :
Un point d'anatomie générale sur lequel ils jettent beaucoup de lumière est
celui de l’origine première des nerfs.
La théorie qui veut que les nerfs spinaux et cérébraux se développent dans
l'embryon indépendamment du système nerveux? central a toujours présenté
à mon esprit de grandes difficultés.
NOTES ET REVUE. XXVII
Il me semblait difficile de comprendre comment les parties centrales du
système nerveux, aussi bien que les parties périphériques motrices ou sensi-
tives, étaient formées indépendamment l’une de l’autre, tandis qu'entre elles
un troisième tissu se développaié qui, croissant dans les deux directions,
finissait par les relier.
Il me paraissait à peine possible qu'un semblable état de choses pût exister
à l’origine.
Il était encore plus étonnant qu'on püt trouver des éléments semblables
dans les parties centrales ou périphériques si l’on se reportait à l'histoire du
développement des vertébrés.
Le système nerveux central tire son origine de l'épiblaste et contient des
cellules et des fibres nerveuses semblables à celles du système périphérique,
lequel, s’il dérive, comme on l’admet généralement, du mésoblaste, devait être
regardé comme ayant une origine complétement différente.
Ces difficultés sont écartées par les faits qui viennent d'être exposés sur le
développement de ces parties dans les élasmobranches.
Si l’on accepte que les racines des nerfs spinaux dans Ces animaux dérivent
du système nerveux central, il est difficile d'admettre que dans les autres
vertébrés les racines et les ganglions se développent indépendamment du
cordon médulläire et ne s’y unissent que par la suite.
La présence de commissures transversales reliant les extrémités centrales
de toutes les racines postérieures est un fait très-remarquable. Les commis-
sures peuvent être regardées comme des portions extérieures du cordon
plutôt que comme des parties des nerfs.
Je n'ai pas jusqu'ici suivi leur histoire très-loin dans la vie de embryon et
je n’ai pas de renseignements sur leur sort dans l'adulte.
Je ne sache pas que rien de semblable ait été rencontré chez les autres
vertébrés.
Les commissures ont une très-grande ressemblance avec celles qui, dans
l'embryon avancé des élasmobranches, unissent le glossopharyngien et les
branches du pneumogastrique. Il n’est pas impossible que dans les deux cas
les commissures ne soient homologues.
Si cela est vrai il semblerait que la réunion d’un certain otbie de nerfs
pour former lé pneumo-gastrique n’est pas le résultat d’un développement
spécial, mais plutôt un vestige de l’état primitif dans lequel tous les nerfs
spinaux étaient réunis comme ils le sont dans l'embryon des élasmobranches.
Un point de mes recherches'me paraît toucher à l’origine du canal central
du système nerveux des vertéhrés et par conséquent à l’origine du groupe
lui-même.
C'est ce fait que les rudiments des racines postérieures apparaissent le long
de la crête du canäl mural du côté dorsal.
La section transversale du cordon central d'un ver annelé ordinaire se com-
pose de deux moitiés symétriques juxtaposées.
Si par une plicature mécanique on courbe les deux moïtiés latérales l’une
vers l’autre, tandis que dans la gouttière qui se forme entre elles la peau
extérieure se trouve prise, nous arrivons à une représentation approximative
du cordon médullaire des vertébrés.
XXŸIU NOTES ET REVUE.
Une semblable plicature pourra avoir pour cause la nécessité de donner
plus de rigidité au corps en l’absence d’une colonne vertébrale.
Si cette formation se poursuit de telle sorte que la gouttière, doublée par
la peau extérieure et comprise entre les deux colonnes latérales du système
nerveux, se convertisse en un Canal au-dessus et au-dessous duquel ces deux
colonnes sont réunies, nous aurions dans le cordon nerveux ainsi transformé
un organe qui ressemble étroitement au cordon médullaire des vertébrés.
Cette ressemblance ne se borne pas à la forme extérieure ; prenons par
exemple le cordon ventral du lumbricus agricola, dont Claparède et Levdig
ont figuré des coupes, nous trouvons que sur la surface ventrale du cordon
nerveux (surface ventrale relative à la position naturelle de l'Annélide) se
trouvent les cellules ganglionnaires (matière grise) et du côté dorsal les
fibres nerveuses ou matière blanche. Si nous faisons intervenir la courbüre
que nous avons supposée, les matières grise et blanche auront à peu près la
même situation relative que dans la moelle épinière des vertébrés.
La matière grise serait située dans l'intérieur, entourant l’épithélium du
canal central, et la matière blanche envelopperait la grise formant la commis-
sure blanche antérieure.
Les nerfs partiraient donc non pas des côtés du cordon nerveux comme
dans les vertébrés actuellement existants, mais de la crête ventrale.
Un des faits le plus frappants que j'aie mis en lumière relativement au dé-
veloppement des racines postérieures des vertébrés est ce fait qu’elles partent
de la crète du canal neural, position homologue à la crête ventrale du cordon
ventral des Annélides. Les racines postérieures des nerfs des Elasmobranches
naissent donc précisément à la place où elles devraient se trouver dans l’hy-
pothèse que je viens de développer sur le mode d’origine du canal spinal par
cambrure.
Cette position serait difficile à expliquer autrement. Dans cette hypothèse
l'épithélium central du canal neural représente la peau, et sa nature ciliaire
s'explique comme par la ciliation de la peau de beaucoup d’Annélides infé-
rieurs.
J'ai comparé les cordons nerveux des vertébrés et des Annélides moins
pour prouver une relation d’origine entre eux que pour montrer à priori la
possibilité et à posteriori la preuve évidente que nous possédons de la forma-
tion du canal spinal des vertébrés suivant le mode que j'ai indiqué.
Je n'ai pas encore produit l'argument le plus décisif en faveur de ma
manière de voir, c’est que le mode de formation embryonnaire du canal spinal
par une cambrure de l’épiblaste est la méthode par laquelle je suppose que le
canal spinal a dû se former chez les ancêtres des vertébrés.
Mon but à été de suggérer une explication de la position primitive des
racines postérieures plutôt que d'expliquer l’origine du canal spinal,
NOTES ET REVUE. XXIX
VIII
RECHERCHES SUR LA PRODUCTION ARTIFICIELLE DES MONSTRUOSITÉS
OU ESSAIS DE TÉRATOGÉNIE EXPÉRIMENTALE,
Par M. Camille DARESTE.
L'ouvrage que M. Dareste vient de publier sous ce titre, à la librairie Rein-
wald, est déjà partiellement connu des lecteurs des Archives. C’est, en elfet,
le développement de propositions sur la tératogénie, énoncées par l’auteur
dans deux mémoires publiés dans ce recueil, en 1873 et 1874, sous le titre
de : Mémoire sur la lératogénie expérimentale et de Mémoire sur l'origine et
le mode de formation des monstres doubles. Deux chapitres de ce livre avant
pour titre, le premier : Anomalies des annexes de l'embryon, le blastoderme,
Paire vasculaire, l'amnios et l'allantoïde ; le second : Mode de formation des
monstres simples autosites, ont été publiés in extenso, ici même.
L'auteur à publié, à la fin de son livre, un résumé général. Nous citons
textuellement une partie de ce résumé :. c’est le meilleur moyen de faire con-
naître les principaux résultats qu'il a obtenus.
Le fait fondamental, dominateur, si l'on peut parler ainsi, de la tératogénie,
c’est que les événements tératogéniques sont toujours la conséquence d'une
modification de l’évolution embryonnaire. Ce fait, entrevu par Wolff et par
Meckel, et ensuite plus complétement présenté par les deux Geoffroy
Saint-Hilaire, n’avait encore été établi que par des considérations théoriques.
Il est mis en pleine lumière par mes recherches, entièrement fondées sur
l'observation.
Je dois insister sur ce résultat, car, encore aujourd'hui, le fait fondamental
de la tératogénie n’est pas apprécié comme il devrait l'être. Les savants qui
ont occasion d'étudier les faits tératologiques sont presque tous des méde-
cins, prédisposés par leurs études à les expliquer par l’intervention de causes
pathologiques. Ils se représentent la monstruosité comme résultant de la lé-
sion accidentelle d’un organe primitivement bien conformé. C'était, je l'ai dit
déjà, la théorie tératogénique de Lémery. Je n’ai pas cru devoir combattre
cette doctrine par des arguments directs, tirés des difficultés physiologiques
souvent considérables qu’elle soulève dans ses applications à chaque cas par-
ticulier. La meilleure réfutation de cette doctrine, c'était la constatation
même du mode d'évolution des monstres. Elle est la conséquence la plus gé-
nérale de tous les faits consignés dans ce livre.
J'ai eu d’ailleurs occasion d'étudier certaines maladies de l’embryon, et
particulièrement l'hydropisie. Cette étude, sur laquelle j'ai réuni de nom-
breux documents, m'a prouvé que l'hydropisie embryonnaire, à laquelle on a
attribué un si grand rôle dans la tératogénie, détermine toujours, lorsqu'elle
atteint un certain degré d'intensité, la désorganisation et la mort. Les désor-
dres qu’elle produit ne peuvent jamais se réparer, comme le prétendent les
partisans des causes pathologiques en tératogénie.
L'apparition des anomalies et des monstruosités est donc uniquement le
3
XXX NOTES ET REVUE.
résultat d’une évolution modifiée. Mais, pour que Îles causes tératogéniques
puissent exercer leur action, il faut nécessairement qu'elles agissent sur
l'embryon, lorsqu'il est capable de la subir, c'est-à-dire lorsqu'il est encore
dans cette première période de la vie où l'organisme, entièrement constitué
par des éléments organiques homogènes, ne présente pas la diversité de
structure qui le caractérise plus tard, et qui est la condition essentielle de la
manifestation des phénomènes physiologiques de l’âge adulte.
C'est alors qu'interviennent les deux procédés généraux de la tératogénie,
l'arrêt de développement, fait initial de la monstruosité simple, et lPunion
des parties similaires, fait initial de Ia monstruosité double. Ces deux procé-
dés, essentiellement différents dans leur nature, sont d’ailleurs fréquemment
associés. L'arrêt de développement détermine parfois l’union des parties simi-
laires dans les raonstres simples. L'union des parties similaires qui produit la
monstruosité double est elle-même le point de départ de nombreux arrêts
de développements frappant les diverses parties des organismes conjugués.
Les organes définitifs des êtres monstrueux apparaissent ainsi d’emblée avec
leurs caractères tératologiques dans des blastèmes préalablement modifiés par
la monstruosité.
I résulte de cette condition générale de la tératogénie que les monstruosi-
tés se manifestent de très-bonne heure. On les constate dans lembryon de la
poule pendant l'époque qui précède la sortie de l’allantoïde hors de la cavité
abdominale, époque qui correspond aux quatre premières journées, lorsque
la température de l'incubation est normale.
L'époque de l'apparition des monstruosités est d'ailleurs d'autant plus pré-
coce que les modifications tératologiques sont plus graves. Cela est évident
pour les monstruosités simples. J'ai montré comment la série des types de la
monstruosité simple dans la classification d’Is. Geoffroy Saint-Hilaire, série
qui conduit les monstruosités les moins complexes aux monstruosités les plus
graves, reproduit très-exactement, quaud on la prend en sens inverse, l’ordre
même de leur apparition dans l’évolution embryonnaire. Cela est également
évident pour la monstruosité double. Les types de cette classe dans lesquels
la fusion est la plus intense, c'est-à-dire ceux qui présentent l'unité plus ou
moins complète de la colonne vertébrale, ne peuvent se produire que tout à
fait au début des formations... »
L'auteur rappelle ensuite les faits de détail qu’il a découverts, relativement
à l’évolution spéciale de chaque type tératologique ; puis il ajoute :
€ Toutes les observations qui m'ont fourni les éléments de ces découvertes
ont été faites sur des embryons de poule. Toutefois, ce n’est pas seulement
la tératogénie de la poule, ou même la tératogénie des oiseaux, qui résulte
de leur comparaison, Dans le nombre extrêmement considérable d’embryons
monstrueux que J'ai étudiés, je n'ai rencontré qu'un type tératologique nou-
veau, celui de l'emphalocéphalie. Tous les types que j'ai observés ont pu être
rattachés aux tvpes décrits par Is. Geoffroy Saint-Hilaire dans son célèbre
livre. Et cependant Is. Geoffroy Saint-Hilaire ne connaissait chez les oiseaux
qu'un nombre de types tératologiques excessivement restreint. J'ai montré
que c’est la conséquence de la mort précoce des embryons monstrueux chez
les oiseaux, événement qui résulte de deux causes pathologiques, l’anémie et
NOTES ET REVUE, XXX/
l’'asphyxie, qui les empêche le plus ordinairement d'atteindre l'époque
d'éclosion. Ces faits m'ont prouvé que les mêmes types tératologiques peuvent
se produire dans tout l'embranchement des vertébrés. |
«L'’explication de ce fait est bien simple. Elle résulte de la grande décou-
verte de Baer sur la réalisation du type des animaux vertébrés dans tous les
embryons qui appartiennent à ce premier embranchement du règne animal.
Ils ont tous au début une forme commune et parcourent dans leur évolution
plusieurs formes successives communes ;.ils peuvent donc être tous modifiés
de la même façon, sous l'influence de causes tératogéniques. Plus tard, Iors-
que les différences commencent à se manifester, les types tératologiques ne
peuvent plus se produire d'une manière générale, et n'apparaissent plus que
dans certaines classes. L'état actuel de Pembryogénie comparée ne me permet
pas, pour le moment, d'aller au-delà de cette simple indication. Mais j'ai la
conviction qu’il n’y a plus qu’une question à résoudre pour transformer la té-
ratogénie spéciale de la poule en tératogénie générale des animaux vertébrés :
celle de la constatation des types tératologiques dans la production est pos-
sible ou impossible dans chacune des subdivisions de ces embranchements.
«Ainsi donc, les faits que J'ai déduits de mes expériences, bien que restreints
aux embryons d’une seule espèce, ont une portée bien plus grande qu’on ne
le croirait tout d'abord, puisque leurs résultats s'appliquent, d'une manière
générale, à l’une des grandes divisions du règne animal. Ils forment un en-
semble dont toutes les parties s’enchainent entre elles par les liens d’une mu-
tuelle dépendance. Comme je l’ai dit dans l'introduction, on pourra y ajouter
beaucoup de faits de détail; on n'y introduira pas de modifications essen-
tielles.
«Mais, derrière tous ces faits que j'ai découverts, il y a un autre fait beau-
coup plus général, c'est que j'ai produit moi-même les éléments de mes étu-
des, c’est que, sauf le cas particulier de la monstruosité double, j'ai provoqué
l'apparition de tous les types tératologiques dont j'ai fait connaître l’évolu-
tion, en modifiant les conditions extérieures qui déterminent l’évolution nor-
male. De tous les résultats que j'ai obtenus, c’est celui auquel j’attache la
plus grande importance, car il montre ce que l’on peut, ce que l’on doit at-
tendre de l'intervention de la méthode expérimentale dans les questions, au-
jourd’hui si discutées, de la morphologie zoologique. Ce n’est pas en accumu-
lant des hypothèses plus ou moins vraisemblables, aliment de discussions
interminables et stériles, que l’on parviendra à déterminer l’origine des
formes de la vie. Si le problème nous est accessible, s’il ne dépasse pas la
portée de l'intelligence humaine, l’expérimentation seule peut fournir les élé-
ments de solution, C'était la pensée d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire lorsqu'il
cherchait à provoquer la formation des monstres. C'était aussi la mienne,
durant cette longue série de recherches que je viens d'accomplir, en suivant
la voie que ce grand naturaliste a ouverte et qui m'a conduit à réunir les
éléments de la tératogénie. J'ai le plus ferme espoir qu’elle sera pleinement
justifiée par la science de l'avenir. »
XXXII NOTES ET REVUE.
IX.
PRÉCIS D'HISTOLOGIE HUMAINE ET D'HISTOGÉNIE
(2e édition)
Par MM. Georges Poucuer et TOURNEUXx.
La deuxième édition du Traité d'histologie humaine que viennent de publier
MM. G. Pouchet et Tourneux, chez l’éditeur G. Masson, a été complétement
modifiée, très-étendue. Elle renferme de très-nombreuses indications em-
pruntées à tous les progrès qu'a faits l'histologie dans ces derniers temps.
Les figures nombreuses intercalées dans le texte en rendent la lecture fa-
ciler = |
Il est heureux de voir se multiplier les publications histologiques en France.
Les laboratoires où l’on s'occupe de cette partie se multiplient de même, et
l’on peut espérer que les auteurs, étant attachés à des laboratoires d'histologie
zoologique de l’École des hautes études, nous donneront pour les animaux
une publication analogue à celle qu'ils viennent de faire pour l’homme.
Les auteurs ont, du reste, nettement indiqué le but de leur travail dans la
préface de leur livre : « Ce précis n’est pas un livre de doctrine, nous n'avons
eu d'autre ambition que de faire un traité d’histologie humaine aussi clair et
aussi élémentaire que possible, sans rien sacrifier des droits de la science po-
sitive. Aussi en avons-nous écarté les considérations d’un ordre purement
théorique. Quand nous nous sommes trouvés en présence d'opinions con-
traires, nous n’avons mentionné que celles qui nous ont paru concorder avec
la réalité des faits tels que l'observation nous les a montrés ou tels qu’ils sont
décrits dans les mémoires qui nous ont paru mériter le plus de confiance. » On
pourra s'assurer par la date des travaux originaux cités au bas des pages que
les auteurs se sont efforcés de tenir ce précis au courant de la science ; mais
d'autre part ils se sont fait une règle, parmi les travaux modernes ou plus an-
ciens, de ne citer que ceux — etils sont nombreux — qui ont marqué un
progrès réel et définitif de nos connaissances.
Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS.
Le gérant : GC. REINWALD.
NOTES ET REVUE. XXxITI
X
LA FORME EN COMÈTE DES ÉTOILES DE MER ET LA GÉNÉRATION
. ALTERNANTÉ DES ÉCHINODERMES,
Par M. Ernest HÆCKEL.
(Zeitsch. [. wiss. Zool., 30 ter. Band, S. 411.)
On sait que trois manières de voir se partagent les zoologistes, en ce qui
concerne l'interprétation morphologique du groupe des Échinodermes.
L'une de ces vues, remontant à Guvier, en fait des rayonnés au même titre
que les Acalèphes, Coralliaires, etc. L
Une autre, indiquée d’abord par Leuckart, voit dans tout le corps d’un
échinoderme l’équivalent d’un simple ver, plus particulièrement d’un Géphy-
rien.
La troisième opinion, enfin, dont Hæckel est le père, en fait des colonies
de vers segmentés, analogues aux annélides, groupés autour d’une cavité di-
gestive et d’un orifice buccai communs.
Les deux premières manières de voir peuvent se concilier avec un dévelop-
pement par métamorphose opérant sur une larve; la troisième exige qu'on
fasse intervenir la génération alternante, en considérant la prétendue larve
comme nourrice.
La forme curieuse des étoiles de mer, dite en comète, semble à Hæckel
venir prêter un nouvel appui à la troisième hypothèse, la sienne.
Sous ce nom de « formes en comète », l’auteur désigne exclusivement ces
étoiles de mer qui ont été tout entières produites par un simple bras détaché,
lequel à dû, par conséquent, former à nouveaux frais le disque central et les
autres bras. La prédominance de volume qu'il conserve pendant longtemps
sur ces derniers, rappelle plus ou moins la queue de la comète par rapport
au corps du météore.
Il importe de remarquer combien ce mode de reproduction diffère des cas de
régénération, dont les exemples abondent dans tous les musées. Dans les cas
de régénération, le disque intervient toujours, soit qu'on envisage le phéno-
mène de la division spontanée du corps, suivi de la recupération des parties
perdues par chaque moitié, soit qu’on envisage les phénomènes de mutilation
fortuite de bras isolés repoussant à nouveau. Dans le mode de reproduction
qui nous occupe, au contraire, on voit les différents bras de l'étoile de mer
se détacher d'eux-mêmes du disque central, et chacun reconstituer un nou-
vel individu en formant tout un disque et les bras qui manquent.
Sans entrer dans plus de détails circonstanciés, qu’il suffise de dire qu’on
connaissait Jusqu'ici des exemples de ce fait merveilleux dans les formes sui-
vantes : Linchkia mulliformis (Martens, 1866), Ophidiaster Ehrenbergii (Kowa-
lewsky), deux espèces de Brisinga (Ossian Sars), vraisemblablement aussi le
Laÿidiaster radiosus et diflérentes espèces du genre Asteracanthion. Le mème
ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — T. vi. 4877. C
XXKIY NOTES ET REVUE.
phénomène est étudié aujourd'hui par Hæckel dans plusieurs espèces du
genre Ophidiaster sur des exemplaires conservés dans l'alcool, mis bienveil-
lamment à la disposition de l’auteur par plusieurs personnes. Voici les re-
marques générales auxquelles il donne lieu:
Une suture annulaire délimite toujours la surface de cicatrisation du
bras détaché, d’où procède la régénération du disque. Dans les exemplaires
les plus jeunes, on ne trouve pas encore la moindre trace du disque propre-
ment dit, et les bras nouvellement produits bourgeonnent immédiatement de
cette surface de cicatrisation. L’orifice buccal n’est d’abord que l’extrémité
centrale librement ouverte du tube digestif spécial du bras reproducteur. La
plaque madréporique manque entièrement. Enfin, le nombre des bras bour-
geonnés est tantôt de quatre, tantôt de cinq.
Quand il est de quatre, les deux bras qui avoisinent immédiatement le bras
reproducteur, ont leur axe perpendiculaire à celui de ce dernier, et les deux
autres bras font avec les premiers et entre eux des angles de 60 degrés. Ce n’est
que par les progrès de l'accroissement ultérieur, qu’au centre de cette forma-
tion se dessine un petit disque, et que les deux bras adjacents au reproducteur
diminuent leur angle d’écartement et se rapprochent de ce dernier. Alors
aussi commence à paraître la plaque madréporique, le plus souvent double,
une à droite, une à gauche du bras prolifère. Comme le nombre quatre des
bras ne s’observe le plus souvent que dans les jeunes individus et qu’il est
rare dans les exemplaires plus âgés, on doit penser que le bras prolifère est,
dans la règle, rejeté plus tard et remplacé par le bourgeonnement d’un cin-
quième bras plus jeune.
Quand le nombre est de cinq, l’un de ces bras nouveaux est dans le pro-
longement direct du prolifère et les quatre autres se placent régulièrement,
à intervalles égaux, entre les précédents. Le disque manque encore à l’ori-
gine, aussi bien que la plaque madréporique. lei, aussi, cette plaque n’appa-
rait que quand le disque a déjà acquis une certaine extension au centre de
l'étoile, et double encore, avec mêmes positions.
Quand le bras prolifère abandonne la jeune étoile, ou bien la surface de
séparation se cicatrise et l'étoile reste à cinq rayons, ou bien elle en acquiert
six en remplaçant son procréateur par la poussée d’un nouveau venu.
Tels sont les traits essentiels du phénomène dont on peut discuter s’il est
l'expression d’une fonction normale, d’un nouveau mode régulier de repro-
duction, ou s’il n’est que la manifestation d’un fait accidentel, pathologique,
survenant à la suite d’une lésion et de la séparation d’un bras. Hæckel n’hé-
site pas à se ranger à la première opinion, sur la base des données de Sars,
Kowalewsky, Studer et Rymer Jones, et aussi sur celle de ses propres obser-
vations sur l’Ophidiaster diplax et l'O. Grnithopus. Dans ces deux espèces, on
peut voir le processus de la séparation des bras sur des exemplaires adultes,
et la ligne de départ ou de séparation se décèle avec toute évidence. Elle
n'est pas placée au niveau même de l'origine des bras sur le disque, mais un
peu plus en dehors, sur le bras lui-même, dont il doit rester comme un
moignon afférent au disque.
I n’y a donc pas moyen d'admettre que la moindre partie du disque puisse
être entrainée avec le bras qui se sépare, puisque c’est l'inverse qui a lieu et
NOTES ET REVUE. XXXV
que c’est du bras qui reste après le disque. Après cette séparation, un nou-
veau bras repoussera, et il est possible que l'animal qui a ainsi perdu tous ses
rayons les reproduise à nouveau, et que le phénomène se répète plusieurs
fois de suite ; mais c’est là un sujet qu’il appartiendra de mettre hors de
doute à ceux qui disposent d'une station,z0ologique aux bords de la mer.
En résumé, dans ce phénomène qui est bien uae manifestation normale de
la vie de ceux qui le présentent, nous avons un véritable cas de génération
alternante, sans préjudice de celui qui se rapporte à la larve prétendue (Plu-
teus, Brachiolaria, etc.), puisque nous voyons ici un bras spontanément dé-
taché faire office de nourrice et reproduire l'étoile par gemmation extérieure
(par opposition à la larve qui opère par gemmation intérieure). |
Comment ces faits appuient-ils la conception d'Hæckel de l’Echinoderme
colonie de vers segmentés ?
Tout d’abord, ils donnent un démenti à la conception d’Agassiz dans la-
quelle les rayons d’une étoile de mer seraient de simples extrémités, des
membres, quelque chose de comparable aux bras d’un Céphalopode, comme
dit Metschnikoff, pour mieux peindre la chose. Mais est-ce que le bras séparé
d'un Céphalopode reproduit le mollusque? Où y a-t-il un cas, chez n’im-
porte quel animal, d’une extrémité ayant refait le corps ? Chez l’hydre, chaque
parcelle du corps reproduit le tout ; mais un tentacule, un morceau de tenta-
cule, en sont incapables ! Cite-t-on que la patte d’un lézard ou d’une écre-
visse aient produit un nouveau saurien ou crustacé ? Voilà cependant ce que
l’on aurait dans les Echinodernes, si on voulait à tout prix prendre leurs
bras pour de simples extrémités ! Non, le corps d'un Echinoderme n’est pas
une simple personne, mais une colonie de cinq membres issue par génération
alternante d’une nourrice.
Pour mieux apprécier ces questions relatives à l'individualité dans les Echi-
nodermes, il est nécessaire de délinir plus nettement qu'on ne le fait d’ordi-
naire, ce qui a trait à leur structure générale et à leur symétrie.
Hæckel nomme la première génération, l’agame, la prétendue larve enfin,
l'Astrotithène (8m, nourrice); la seconde, la sexuée, l'Echinoderme par-
fait, l’Astrocormus.
L’Astrotithène n’a pas la moindre trace d’une structure rayonnée, d’une
composition par plus de deux antimères. La tentative d'Agassiz d'y retrouver
déjà un plan radiaire et comme une méduse est si défectueuse, qu’une réfu-
tation est inutile. La prétendue larve, indiscutablement, appartient à la
symétrie binaire, dans la quatrième acception de ce mot, qui en a cinq, celle
des dipleuraux, caractérisée par trois axes croisés à angles droits, dont un a
des pôles de même valeur, l’axe latéral avec les pôles droit et gauche, et deux
autres axes avec des pôles de valeur différente, savoir : l’axe longitudinal avec
les pôles oral et aboral, et l’axe antéro-postérieur avec les pôles ventral et
dorsal. La nourrice est ainsiune unique personne dipleurale, inarticulée, sans
métamérisation.
L’Astrocormus, au contraire, dans sa forme primitive régulièrement pentac-
tinote, a pour forme fondamentale la pyramide régulière à cinq pans, dans
laquelle, aütour d’un axe principal avec les pôles oral et aboral, se groupent,
à des distances égales, cinq paramères venant se toucher à l'axe commun. La
XXXWI NOTES ET REVUE.
plaque madréporique qu’on a voulu faire intervenir comme indice d’une
symétrie binaire n’a aucune importance en regard de ces faits et demeure
hors de cause. Sa position asymétrique est sans influence sur la forme fon-
damentale de symétrie des cinq paramères convergents ; elle est uniquement
sous la dépendance de la formation du pore dorsal dans la peau de la nour-
rice, et n’a aucune relation constante avec la forme radiaire régulière de l’4s-
trocormus. D'ailleurs, on peut trouver plusieurs plaques madréporiques au
lieu d’une, sans que le type fondamental de l’Astrocormus en soit affecté.
Chacun des rayons de l'étoile de mer est appelé paramère et non antimère,
parce qu'il est lui-même dipleural, c’est-à-dire subdivisible en deux anti-
mères égaux symétriquement placés à droite et à gauche d’un plan médiaire,
de telle sorte que, dans une étoile de mer à cinq rayons, il y à cinq para-
mères et dix antimères. Les plans de séparation entre deux paramères adja-
cents sont dits énterradiaux ; les plans de séparation, entre les deux anti-
mères de chaque paramère, se nomment perradiaux. ;
Dans l’échinoderme parfait, l’auteur nomme Astrodiscus le disque central,
Astrolena, chacun des bras (&ëvn, bras). La forme fondamentale de l’Astro-
discus est celle d’une pyramide régulière à cinq côtés, résultant de la con-
vergence de cinq paramères ou de cinq paires d’antimères. La forme géomé-
trique fondamentale de l’Astrolena est celle de la pyramide droite à base
triangulaire isocèle.
Si maintenant nous nous reportons au développement des Echinodermes,
parmi les variantes connues nous devrons considérer comme primitif et seul
resté fidèle à la tradition le cas dans lequel se constitue à l’intérieur de l’As-
trotithène {autour de l'estomac de celui-ci) la pyramide à cinq pans de l’As-
trodiscus, et subséquemment à la périphérie de cette dernière, les cinq
Astrolenæ dipleuraux. Il nous est impossible de considérer, ainsi qu'on le
fait habituellement, ce phénomène de gemmation comme une simple méta-
morphose ; c’est un fait de génération alternante, puisque, indiscutablement,
c'est un fait de multiplication de l'organisme, et que d'une seule paire d'an-
timères en naissent cinq.
Vis-à-vis de cette forme de développement par gemmation de lEchi-
noderme parfait, la seule vraiment et purement palingénétique, les autres
formes de l’ontogénèse si variée de ce groupe sont purement cœnogénéliques,
c'est-à-dire le résultat d’une altération, d’une modification secondaire de la
forme originelle par gemmation, altération qui va jusqu’à effacer le souvenir
du processus initial, pour nous offrir à la place l’image trompeuse d’une mé-
tamorphose acquise, dégénérée elle-même en d’autres cas en un développe-
ment continu sans génération alternante et sans métamorphose. C’est ce qui
a lieu pour beaucoup d'Echinodermes vivipares des groupes les plus diffé-
rents, dans lesquels l'œuf engendre directement la forme maternelle. Ce pré-
tendu développement direct est en réalité le plus indirect de tous et le plus
oublieux du passé : il ne s’est produit qu’à coups d’abréviations, de retouches,
de condensations et de viciations.
Est-il besoin, après cela, de prouver que les véritables alliés etles plus près
des Echinodermes ne sont pas les Acalèphes, mais les vers? La nourrice de
l'étoile de mer ou l’Astrotithène est un unique ver inarticulé, très-voisin des
NOTES ET REVUE. XXKVIT
Rotifères et des larves ciliées d'Annelides, ainsi que Gegenbaur l’a déjà indi-
qué. L'Astrocormus, au contraire, est une véritable colonie de cinq vers arti-
culés, groupés en étoile, et chacun de ces vers se laisse au mieux comparer à
une annélide au point de vue de la métamérisation. Sans doute, nous ne
voulons pas dire par là que les ancêtres des Echinodermes aient été de véri-
tables Annélides, mais plutôt des vers qui se sont élevés à une organisation
analogue à celle de l’Annélide ; quelque chose peut être de voisin des Phræ-
telminthes parmi les fossiles.
Les nerfs des ravons des Echinodermes, suivant le trajet de la ligne mé-
diaire des Astrolenæ, sont donc, au point de vue purement morphologique,
des « cerveaux ambulacraires », comme disait B. Müller ; ils sont comparables
à la chaine abdominale des Annélides ; mais le collier œsophagien de ces
dernières n’a rien à voir avec le collier pentagonal de l'étoile de mer, formé
par des commissures secondaires entre les systèmes nerveux des cinq indivi-
dualités constitutives du cormus, véritable système nerveux colonial, par con-
séquent. Quant à une comparaison plus détaillée de l'organisation de chaque
Astrolena avec celle de l'Annélide, et par exemple quant au point de savoir
si les ambulacres de l'étoile correspondent aux Parapodes du ver, c’est une
question que les progrès ultérieurs de l'anatomie et de l’ontogénie comparées,
devront éclaircir.
Les Astérides sont, de tous les Echinodermes connus, les plus anciens et
ceux qui se rapprochent le plus de la forme ancestrale hypothétique de toute
la classe. Cette forme ancestrale, l’Anfhestrella, devait avoir en commun cer-
tains caractères avec les ancêtres des Brisinga et d’autres avec les Ophi-
diaster.
La loi sous l'empire de laquelle, de cette souche, sont sortis les rameaux de
la classe, est celle de la centralisation progressive, par perte graduelle de
l'autonomie des Astrolena. Cette évolution peut être graphiquement repré-
sentée de la façon suivante :
Première division principale: Protestrellæ. Animaux étoilés sans centralisation
intérieure, avec une autonomie morphologique complète des Astrolenæ, sans
prépondérance de l’Astrodiseus central. Système digestif représenté par
un simple estomac central et cinq tubes digestifs, individuels et bifides.
dre classe, Asteriæ.
Deuxième division principale: Anthestrellæ. Centralisation intérieure partielle.
La base des Astrolenæ et la totalité du système digestif, sont entrés dans la
composition de l’Astrodiscus central pendant que leur extrémité libre consti-
tue les bras. Estomac central simple, sans tubes digestifs spéciaux. 2 classe,
Ophiuridés ; 3°. classe, Crinoïda.
Troisième division principale: Thecestrellæ. Centralisation intérieure et exté-
rieure complètes ; les cinq astrolenæ entrés entièrement dans la constitution
d'un Astrodiscus globuleux ou cylindroïde. Estomac central simple, sans tubes
digestifs spéciaux. 4° classe, Blastoida. 3° classe, Echinida ; 6° classe, Holo-
thuriæ. A.S.
XXXVIIL NOTES ET REVUE.
XI
NOTE SUR UN PROCÉDÉ POUR FAIRE DES COUPES,
Par H. ne LACAZE-DUTHIERS.
Les coupes ! Qui n’a son procédé pour les faire? Qui n’a imaginé un instru-
ment destiné à en faire apprécier l’épaisseur et à en régler la direction ? Qui n’a
écrit sur cette façon fort utile de faire de l’anatomie, mais dont, il faut bien
le dire, on abuse quelquefois ? ,
Chaque auteur a, pour ainsi dire, trouvé un procédé parfaitement adapté à
son sujet de recherche, mais qui, bien souvent, n’est plus pratique dans d’au-
tres circonstances ; le désaccord qui règne entre les naturalistes, quand
il s’agit de faire un choix du procédé, le prouve. Le procédé des coupes est un
moyen anatomique excellent, mais qui ne peut être généralisé ni dans son
emploi, ni dans sa façon d’être pour tous les sujets.
Sans doute, quand, dans un laboratoire, tout est installé : microtomes,
réactifs propres à durcir, matières propres à soutenir et enfermer les prépa-
rations, quand une question de structure d'un organe volumineux doit être
éclairée par des sections nombreuses et dans tous les sens, on peut employer
l’une des nombreuses méthodes préconisées."Mais quand, pendant une dissec-
tion fine d’un animal peu connu, on rencontre un organe, une partie d’un
organe de très-petite dimension, difficile à trouver, à séparer des tissus en-
vironnants, va-t-on suivre toutes les recommandations, faire toutes les ma-
nipulations qui demanderont du temps, souvent plusieurs jours, pour faire,
suivant les règles, des coupes méthodiques?
Ce qu’il faut demander au procédé à employer pour le cas que j’indique, c’est
qu'il conduise vite à un résultat, afin que le travail d'esprit, qui a lieu néces-
sairement au moment où l’on est dans le doute pour savoir de quelle nature
est l'organe qui intéresse, ne soit pas interrompu. Je ne sais rien de pénible
et de désagréable comme d’être obligé d'abandonner le sujet intéressant qui,
par son obscurité même, pique et uiguillonne la curiosité du chercheur, pour
se mettre à filtrer, à doser des liquides. A entendre certains histologistes fai-
sant, comme on dit, de la technique, tel liquide ne peut manquer de donner
un résultat précis, rien ne résiste comme /diagnose à tel ou tel ingrédient;
mais on pose une question précise, nette, sur la manière de distinguer un
élément au milieu des tissus dans tel animal, et l'histologiste, que rien ne
pouvait arrêter dans sa diagnose, vous dira gravement qu'il n’a pas étudié ja
question, et souvent qu’il n’entendait parler que des animaux supérieurs.
C'est un point spécial que j'indique, et c’est ce point que je voudrais
éclairer, et, qu’on le remarque, je n’entends pas critiquer les méthodes usitées,
elles ont leur raison d’être, elles sont excellentes quand ces raisons existent.
Un exemple préciser…a ma pensée. L'on veut connaître la texture de l'ovaire
«un animal et le développement des œufs : pour cela, on plonge dans le li-
quide préparateur et dureissant des animaux entiers (je parle des animaux
NOTES ET REVUE. XXXIX
_inférieurs de petite taille), ou bien des ovaires, pour les gros animaux. On leur
fait successivement subir toutes les manipulations bien connues, puis on en-
ferme ces ovaires dans de la gélatine, du savon à la glycérine, etc., etc., et l’on
débite des tranches minces de ces organes; on les rabote littéralement, et
alors, choisissant les lames les plus minces, les mieux réussies, on constate
les faits, et l’on en déduit les conséquences qui semblent en découler.
En cela la méthode est excellente, elle est applicable à tous les cas sem-
blables, mais elle ne demande ni un grand effort d’esprit, ni une grande habi-
leté de main. Il faut de la patience et beaucoup d'habitude.
Mais on a passé un long temps à une dissection fine, difcile, délicate, d'un
animal de petite taille, et l’on trouve une partie ou un organe énigmatiques ;
elle est encore dans les tissus, au milieu des autres, on en a enlevé une
parcelle, et la dilacération, l'examen microscopique, à de faibles grossissements
d'abord, montrent des dispositions curieuses, mais vagues, qu'on ne peut
concevoir clairement si des coupes ne viennent éclairer tout cela. La continua-
tion de la dissection sera alors facilitée et même abrégée. On pourra peut-être
reconnaitre un conduit, une nature spéciale, que sais-je? En un mot,ona
besoin d’un renseignement tout de suite pour pouvoir continuer son travail
et ne pas perdre la série des idées qui viennent pendant le travail ; on ouvre
les traités de technique, comme on les appelle aujourd'hui,et là on trouve
comment il faudra faire des manipulations qui demanderont plusieurs jours.
Ah ! sans doute, tout cela est excellent pour débiter une moelle épinière de
veau, un cartilage, un lobe de foie, ou un paquet d’un tissu en lames minces.
Mais, pour le cas que Je cite, le travail est interrompu par les manipula-
tions et les idées ne se suivent plus, faute d’un renseignement rapidement
obtenu.
Ce qu'on veut surtout, étant dans l’indécision, c’est un procédé qui per-
mette de faire les coupes dans une condition telle que l’on puisse se rendre
compte de la nature de l’objet que l’on veut connaître, sans être distrait des
recherches, et sans discontinuer de travailler le même sujet.
La nature des indications précises qu’il est nécessaire d’avoir sous la main,
dans les cas indiqués, sera plus nettement précisée par l'exemple suivant :
En disséquant le système nerveux de la Lymnée, je rencontrai un ganglion
placé près de l’orifice respiratoire, offrant une apparence particulière, et qui,
loin de donner naissance à des filets nerveux comme c’est l'habitude, termi-
nait un gros nerf lui servant de pédoncule. Il y avait là un fait anormal, et
la question se posait d'elle-même. Quelle était Forganisation de ce ganglion ?
En le soumettant à la compression sous le microscope, je vis à côté des cor-
puscules nerveux des cellules épithéliales, des culs-de-sac, des sortes de
conduit,
Ce ganglion est petit, difficile à énucléer, et, quand on a travaillé longtemps
à l’isoler, il faudrait encore attendre trois, quatre jours pour en faire la coupe
et être renseigné en suivant les méthodes préconisées! Or, dans combien d’au-
tres cas semblables d'anatomie ne peut-on se résoudre à attendre et à entre-
prendre toutes les manipulations successives que l’on trouve indiquées dans
les ouvrages ?
Je me mis donc à rechercher comment je pourrais m’en sortir sans suivre
la série de ces opérations ennuyeuses conseillées. Voici le procédé et com-
RE NOTES ET REVUE.
ment j'obtiens, et cela dans l’espace de quelques heures, souvent moins, des
coupes assez belles pour que je puisse dire qu'elles sont trop minces et ne
permettent plus, si l’on n’y fait attention, de voir les éléments.
Les Lymnées, bien épanouies, sont brusquement plongées dans une solu-
tion forte, jaune foncé, d'acide chromique très-chaude. La mort du bord du
manteau est presque instantanée, et le durcissement ne se fait pas at-
tendre ; alors, coupant la partie du corps où se trouve le ganglion à observer,
je le place dans une autre solution d’un jaune très-clair froide, qui imbibe les
tissus et continue le durcissement pendant que je répète la même opéra-
tion sur une série d'individus traités de la même manière.
Dans l’espace d’une heure, on peut préparer ainsi un bon nombre d'animaux ;
puis, reprenant la première préparation, je fais la dissection du ganglion
dans l’eau pure qui, changée fréquemment, le dégorge suffisamment de
l'acide chromique qui l’imprègne.
Un durcissement aussi rapide et dans des conditions semblables serait un
procédé déplorable, s'il s'agissait de conserver la préparation ; je suis loin de
le conseiller. L’acide chromique détruirait, après très-peu de temps, tous les
tissus, mais, pour un premier examen, surtout pour aller vite, il est précieux
et rend des services très-grands, comme J'ai eu l'occasion de m'en assurer
dans une foule d’autres circonstances. Il est d’ailleurs inutile d’ajouter que,
pour être assuré des résultats et ne point faire d'erreur, je plaçais les Lymnées
dans des liquides durcissants, faibles et variés, qui me permettaient plus tard
d'établir des comparaisons avec les résultats que me donnait la méthode rapide.
Pour les coupes elles-mêmes, voici comment je fais : sous une cloche, où
je maintiens une atmosphère humide {au bord de la mer ou par un temps très-
pluvieux, la cloche n’est plus nécessaire), je tiens des plaques de colle à bouche
de très-belle qualité, bien choisies, de peu d'épaisseur et très-transparentes.
Dans ces conditions, la colle à bouche devient flexible, se laisse manier,
et couper ou tailler par le rasoir parfaitement. Dans un petit godet, tenu éga-
lement sous la cloche, j'ai toujours des fragments de colle à bouche dissous
dans l’eau à l'état sirupeux très-épais ; enfin, j'ai sous la main du papier géla-
tine ou papier glace dont se servent les graveurs pour faire leur décalque.
Quand j'ai un ganglion prêt à être enlevé, dont je puis, sous la loupe, par-
faitement apprécier la position, et qui ne tient plus qu’à l’aide de quelques
débris de tissus faciles à rompre par la traction, je prends une des tablettes
ramollies de colle à bouche, et, sur son extrémité, près de l’un des angles, Je
mets un peu de la dissolution sirupeuse, sur laquelle je place le ganglion, que je
place dans sa position même, et j'ajoute sur lui encore un peu de dissolution
sirupeuse. Alors, cassant un petit morceau de papier à calquer, et le mouil-
lant, je le pose, quand il est ramolli et souple, sur le ganglion déjà entouré
par la dissolution sirupeuse.
Est-il nécessaire de dire toutes les précautions et les attentions qu'on doit
prendre pour que la pièce anatomique soit très-parfaitement entourée et im-
prégnée de colle, pour éviter des bulles d’air et des vides entre les prépa-
rations et les lames de colle à bouche? Elles sont les mêmes, quels que soient
les procédés employés; chacun, d’ailleurs, peut les prévoir en reconnaissant
leur utilité.
NOTES ET REVUE: XLI
Tout cela se fait aisément, très-vite, et les produits, quand ils sont bien
. choisis, sont assez transparents pour qu’on distingue parfaitement le ganglion
et qu’on puisse reconnaître sa position, ses parties et les particularités qui in-
téressent à connaître, En inscrivant à l'encre, au-dessous de la préparation
sur la tablette, le renseignement qu'il est utile de ne point oublier, on n’a pas
à craindre de se trouver dans l'embarras pour savoir plus tard quelle est la
direction de la coupe qu'on doit faire.
Après cette première préparation, on en place une seconde tout à côté d'elle,
et ainsi de suite, en laissant sous la cloche ou à l'air libre, suivant les circon-
stances hygrométriques, la tablette chargée de trois, quatre, cinq ou six pré-
parations, selon les besoins.
Ayant ainsi une série de ganglions placés les uns à côté des autres, à la
même hauteur, en rang serré et parfaitement enfermés dans la colle, je la
recouvre d'une bande détachée sur une tablette ramollie, un peu plus mince
que la tablette elle-même qui porte les préparations et les notes écrites.
En ne laissant sous la cloche à atmosphère humide que lextrémité de la
tablette portant les préparations, l’autre restant à l'air libre, on maintient Ja
première dans des conditions favorables à l’action des instruments tranchants
tandis que la seconde, durcissant vite, peut être prise et tenue dans la main
et permettre de faire les coupes. |
Pour faire celles-ci, tenant la tablette dans la main gauche et la portant
sous la loupe montée, je fais agir le rasoir, en distinguant parfaitement dans
quel sens, dans quelle partie du ganglion je dirige la lame.
Il est inutile également de rappeler quelles sont les précautions nombreuses
à prendre pour faciliter la marche du rasoir, etc. Il faut d’ailleurs, iei comme
dans tous les autres procédés, se faire la main et arriver, par le concours
d'une série de circonstances, à se trouver dans les meilleures conditions
possible. |
Le plus difficile est de maintenir la colle à bouche dans un état satisfaisant
de souplesse ; trop ramollie, elle cède sous le rasoir; trop sèche, elle casse et
se détache par éclats. Mais ce sont là deux inconvénients faciles à éviter.
Quand la lame du rasoir a enlevé des lames de la préparation, il suffit de
les faire tomber dans des verres de montre remplis d’eau pour que la
colle soit très-vite dissoute, et bien souvent on n’a pas terminé les coupes d’un
ganglion, que déjà les premières lamelles sont débarrassées et qu'il est pos-
sible de les examiner au microscope.
Cet exemple montre combien il est facile d'employer ce procédé, rapide,
qui permet de se rendre très-vite compte de la structure d’un organe.
Une invagination de l’épiderme extérieur un peu modifié pénètre dans le
centre du ganglion et forme un cul-de-sac simple dans les Pulmonés aqua-
tiques sénestres (Physe, Planorbe), et bifurqué dans les autres (Lymnée de
différentes espèces). Il s'agissait de faire passer une coupe à la fois par le milieu
de l’orifice et par le fond des deux culs-de-sac résultant de la bifurcation cen-
trale de l’invagination. Pour cela il fallait disposer et voir les ganglions avant et
pendant la coupe. Sans doute, ce n’est pas sans peine qu’on y parvient, mais
eufin, après avoir englué des ganglions dans la solution pâteuse de colle à bou-
che, et les avoir placés sur les tablettes dans une position telle que la lame du
XLII NOTES ET REVUE.
rasoir, en marchant perpendiculairement à la tablette, pût passer à la fois par
l’orifice et les deux culs-de-sac, il devenait possible de juger si la lame de
rasoir passait bien par le plan désiré. Quand on n’a pas exagéré l'épaisseur
des couches de colle à bouche, la transparence permet si bien de voir le gan-
glion, que l'on peut diriger sûrement l'instrument tranchant. Mais pour cela
l'observation sous la loupe à un assez fort grossissement est nécessaire.
Je dois indiquer quelques inconvénients du procédé, surtout quand il fait
très-chaud. Si la colle à bouche s’est rapidement durcie, il en résulte une
compression des tissus, et l’on est tout étonné de trouver la partie enfermée
dans la lame de colle à bouche méconnaissable par sa petitesse. L'eau lui rend
bientôt sa grandeur et sa forme.
Si de mème le temps est très-sec quand la lamelle coupée se détache de la
masse, au-dessus de la lame de l'instrument, elle se dessèche si vite, qu’elle se
recroqueville et tombe en se séparant de linstrument. Un peu d'eau et de gly-
cérine, un tour de main quelconque suffiront pour faire éviter facilement ces
deux inconvénients légers. |
Le procédé que je viens d'indiquer m'a rendu les plus grands services dans
l'étude histologique de l'organe nouveau, dont la description détaillée se
trouve dans mon travail! Je crois qu'il n’est applicable qu'aux organes de
petite dimension, dont il importe de bien connaître la position dans les sub-
stances plastiques destinées à les maintenir et à permettre l’action voulue du
rasoir. J'ajoute que la colle à bouche est peut-être difficile à maintenir dans
un état satisfaisant, propre à permettre une action régulière et réglée comme
il le faut pour les microtomes divers dont on a successivement préconisé
l'emploi. Je donne mon procédé comme étant surtout expéditif et facile à ap-
pliquer. |
XII :
SUR LE LEPTODISCUS MEDUSOIDES,
Par M. Richard HERTwIG.
(lenanische Zeitsch., 2 ter. Band, S. 307.)
On sait que la petite famille des Noctiluques est demeurée jusqu'à présent
presque entièrement isolée dans la classe des Flagellés. Le Leptodiscus medu-
soides, nouvelle forme découverte par l’auteur à Messine, vient se rattacher
aux Noctiluques par d’étroits rapports, tout en constituant cependant une
famille distincte, et combler ainsi l'intervalle qui séparait ces noctiluques des
autres flagellés.
Ce petit organisme offre, au premier abord, une telle ressemblance avec
certaines Méduses, qu’elle pourrait aisément induire lobservateur en erreur.
Comme dans beaucoup d’Encopides et de Trachynémides, le corps a la forme
d'un disque circulaire régulier d'une extrême délicatesse, de 1,2 millimètres
1 Voir H. de L. D., Arch. de Zoo!. exp. el gén., vol, I, 1872,
NOTES ET REVUE. XLIIL
de diamètre en moyenne, renflé au centre et graduellement atténué jusqu’au
bord. A l’état de repos, le corps offre la courbure générale d’un verre de
montre, la face concave tournée en bas. A l'exception d'un point blanc placé
dans le centre, il a la limpidité et la transparence du cristal, avec un léger
chatoiement quand on le regarde par sa face convexe.
Sa ressemblance avec une Méduse est surtout frappante dans le mode de
locomotion s'opérant par d'énergiques contractions du disque chassant l’eau
au-dessous de lui. L'énergie et la promptitude des mouvements sont telles,
que l’être est souvent propulsé au-dessus du niveau du liquide. On comprend
qu'avec une telle humeur il lui arrive souvent d'aller se cogner contre les
parois du vase qui le renferme, ce qui explique l'impossibilité de le conserver
quelque temps en vie. Peut-être aussi ce petit organisme, avec une telle
activité, a-t-1il besoin, pour sa respiration, d'énormes quantités d’eau. Ceci
explique comment l’auteur a dû borner ses études à l'examen de la structure,
et abandonner la partie du développement, qui ne pourra être reconnue,
toute culture en vase clos étant impossible, que par la comparaison d'une
série d'états, dont la découverte est subordonnée à une heureuse rencontre.
Voici les faits principaux de cette structure. Elle comprend : 1° une mem-
brane recouvrant tout le corps et interrompue seulement en deux points cor-
respondants au Cytostome et à l’orilice de sortie du flagellum; 2° un réseau
protoplasmatique étendu à travers la substance fondamentale, et contenant
dans son sein, en outre de quelques parties plus secondaires, le noyau; 3° un
Cytoslome ; 4° un flagellum.
La membrane est mince et sans structure, semble-t-il, sur la face concave
du corps, plus épaisse et à double contour très-net sur la face convexe, où
elle paraît en même temps chagrinée. Il faut, en effet, la considérer comme
parsemée de petits mamelons déprimés à leur sommet, et dont la dépression
se poursuit peut-être en un fin canalicule traversant l'épaisseur de la mem-
brane, et par lequel de minces filaments dE AEn pourraient se
faire jour au dehors.
La membrane qui revêt le côté convexe a sa face interne tapissée par de
nombreux corps en bâtonnet placés normalement, et paraissant, vus de haut,
sous forme de cercles clairs. Ils servent à l'insertion des filaments sarcodiques
qui traversent toute l'épaisseur du disque, comme nous le verrons dans un
instant.
Le corps protoplasmatique du Leptodiscus constitue une masse centrale,
visible à l’œil nu sous forme de champ blanc, et immédiatement appliquée sur
la membrane mince du côté concave, d’où elle envoie vers le côté convexe
d'épais cordons qui se ramifient et se terminent par leurs dernières divisions
sur la membrane qui revêt cette face du corps.
Ce protoplasma est pauvre en granules, fortement réfringent, il renferme
quelques petites gouttelettes de graisse et quelquefois aussi des vacuoles qui
ne paraissent pas être contractiles.
Dans l’amas central de protoplasma repose, un peu excentriquement, le
noyau, qui est ovalaire;'à grand diamètre dirigé suivant le sens d’un rayon
du disque. Ce nucléus est formé par deux parties, l’une finement granuleuse,
l’autre homogène, cette dernière occupant la petite extrémité de l’ovale, et
XLIV NOTES ET REVUE.
inférieure à l’autre quant à la masse. Ces deux parties, ou plutôt les substances
qui les constituent, se foncent intensement sous l'action de l'acide osmique,
et se colorent ensuite fortement par l'emploi ultérieur du carmin. Quand
l’action progresse lentement, on voit cependant que la partie homogène se
charge de couleur plus vite que la granuleuse, et que ce n’est que plus tard
que la différence de teinte disparaît pour faire place à une coloration uniforme.
Ces deux parties du noyau sont séparées l’une de l'autre par un trait tantôt
rectiligne, tantôt courbe. La netteté de la délimitation n’est que l'expression
de la différence des substances, et non celle d’une membrane interposée,
comme on le pourrait croire. Le nucléus du Leptodiscus offre donc une consti-
tution identique à celle du noyau du Spirochona gemmipara.
Cette similitude a inspiré à l’auteur le désir de rechercher s’il retrouverait
ici les changements qu'il a fait connaître dans la substance du nucléus du Spi-
rochona aux différentes phases du développement. Mais il n’a pu réussir que
deux fois à noter quelque écart à la disposition qui vient d’être décrite.
L'une de ces modifications surtout mérite d'être stipulée : le noyau n’était plus
divisé en deux substances, mais figurait une vésicule ovalaire et claire, ayant
seulement un corps rond à l’une de ses extrémités. Celui-ci avait à lui seul déjà
l'aspect d’un noyau, formé qu’il était d’une substance corticale et d’un contenu
fluide, au sein duquel nageait un petit corpuscule, comme un nucléole dans la
cavité d’un noyau. La membrane nucléaire renfermait encore, en outre, trois
amas de substance nucléaire, deux gros et un petit. C’est une similitude allant
jusqu'aux détails avec ce qui se passe dans le noyau, se préparant à la divi-
sion du Spirochona.
De l’amas central dont nous avons parlé et dans lequel est le noyau, le pro-
toplasma s'étend sous forme d’un réseau sur la face inférieure de l’ombrelle,
sans que ce réseau soit le siége, à ce qu'il semble, de courants de granules
et de contractions changeant la forme de ses mailles.
De ce réseau naissent des filaments sarcodiques qui se portent verticale-
ment et vont s'attacher à la face inférieure du côté convexe. Ce côté convexe
donne ainsi attache et aux rameaux de protoplasma qui émanent directement
vers lui de l’amas central, et à ceux qui naissent des expansions réticulées
qui, de l’amas central, s’étalent sur la face concave de l’ombrelle.
La vivacité des contractions du disque du Leptodiscus a suggéré à l’auteur
l’idée de rechercher s’il ne trouverait pas là des fibrilles cts analogues
à celles qui existent chez les Infusoires et chez les Grégarines; et, de fait,
Hertwig semble avoir trouvé quelque chose de tel dans de fines stries qui,
prenant leur point de départ à une ligne circulaire placée à égale distance du
centre et de la périphérie du disque, se dirigent vers le bord de celui-ci, ex-
trèmement nombreuses et rapprochées les unes des autres. Si ces fibrilles ne
sont pas les agents de la contraction du disque, il faut reconnaître que
nulle part ailleurs du simple protoplasma ue possède une pareille énergie
contractile. ;
Le Cylostome est situé à l’opposite du noyau et est formé par une invagi-
nation sacciforme qui mesure environ 0,05 de millimètre de profondeur
et 0,015 de millimètre de large. L'invagination commence à une assez
grande distance du centre sur la face convexe, et de là pénètre dans la
NOTES ET REVUE. XLV
substance fondamentale, en s’infléchissant vers la face inférieure de l’om-
brelle et se dirigeant vers son centre. Les parois de la cavité sont tapissées
par un prolongement de la membrane extérieure, réfléchie à son intérieur,
sans perdre aucun de ses caractères.
Le fond du sac semble maintenu en place et rattaché au centre ou environ
de la face inférieure du disque par un faisceau de fibrilles différenciées, qui
se colorent fortement dans le carmin, mais ne dénotent, d'ailleurs, jamais le
moindre mouvement. ,
L'auteur n’a pas vu d’orilice proprement dit, dans le fond de la cavité qui
nous occupe, et s’il croit implicitement à son existence et désigne, en consé-
quence, l’invagination tout entière comme cytostome, c’est qu'il a manifeste-
ment trouvé dans le corps des matières introduites du dehors nécessitant
une perforation quelque part qui leur ait livré passage, et qu'en nul autre
endroit il n’y a lieu d'en admettre la présence plus raisonnablement qu'ici.
Reste encore le Flagellum, situé également sur la face dorsale, dans la moi-
tié opposée à celle présentant le Cytostome, à une faible distance du noyau.
Sa ténuité peut aisément le soustraire à la vue; dans l'animal vivant, il est
en continuel mouvement de battement, de sorte que sa longueur et sa forme
ne peuvent guère être appréciées, et la chose n’est guère plus aisée, d’ailleurs,
quand on tue l'animal, puisque le fouet est alors le plus souvent rentré à
l'intérieur du fourreau placé à sa base.
Il est environ deux fois aussi long que la plus grande épaisseur du disque
et dépourvu de ja striation caractéristique de celui des Noctiluques. Il est
arrondi à son extrémité périphérique et à peu près aussi large en ce point
qu’à sa base. Le fourreau dans lequel il est susceptible d’être appelé est un
canal de 0,0035 millimètres de large et de 0,1 millimètre de long, perforant
la substance de l’ombrelle en direction radiale jusqu’à l’amas central de pro-
toplasma, où on le perd de vue. Les parois sont constituées par une introflexion
de là membrane de la surface convexe aäu corps. Le Flagellum peut se réfugier
tout entier à son intérieur, sans que l’auteur ait pu décider si ce filament
naissait du fond du canal ou d’un point de sa surface latérale.
Il est difficile de dire quel peut être le rôle physiologique de ce Flagellum.,
Sur le mouvement, c’est à peine s’il peut avoir une influence, ses effets étant
nuls à côté des puissantes contractions de la masse générale du corps. Comme
organe de la préhension des aliments, sa situation est inexplicable à l’opposite
du Cytostome. Son canal de refuge serait-il lui-même le Cytostome? Mais
comment alors la lumière en serait-elle si étroite ?
En ce qui concerne la position systématique du Leptodiseus, la présence du
Flagellum à l’état parfait lerange parmi les Flagellés, et celle du Cytostome à côté
des espèces pourvues d’un orifice buccal. Dans ces dernières, enfin, l'existence
d'une membrane recouvrante, d’une substance fondamentale homogine avec
cordons sarcodiques ramifiés, le rapproche des Noctiluques. Mais 4a ressem-
blance avec celles-ci s'arrête là. Le Flagellum du Leptodiscus n’est pas l’équi-
valent de celui strié transversalement de la Noctiluque, et la similitude des
noms ne doit pas couvrir la dissemblance des organes. Ainsi c’est une forme à
part, de transition en quelque sorte, le type d’une nouvelle famille qu’on peut
ainsi caractériser : les Leptodiscides sont des Flagellés pourvus d’un Cytostome,
XLVI NOTES ET REVUE.
d'une membrane enveloppante, comme les Noctiluques, et d'un corps formé
d'un réseau protoplasmatique étendu à travers une substancé homogène
fondamentale. 11s se différencient des Noctiluques par l’absence d’un Flagel-
lum à striation transversale. hifi Bi
XII
SUR LA FORMATION DE L'OŒUF ET SUR LE MALE DE LA BONELLIA
VIRIDIS, ROL.
Par M. Franz VEspovsxy, docent à Prague.
Le docteur Franz Vejdovsky, de Prague, vient de publier dans le dernier
numéro du Zeëtschrift (T. XXX p. 487), les recherches qu'il a faites à Trieste
sur la Bonellia viridis Rol., dans le but spécial d'étudier le mode de formation
de l'œuf et l’organisation du mâle planariforme découvert, il y a peu d’an-
nées, par Kowalewsky, puis par Marion.
M. de Lacaze-Duthiers (Ann. sc. nat., 4° série, X), a reconnu la véritable
position de l’ovaire aussi bien que le rôle et les usages de la matrice. Il a
rectifié les erreurs commises à cet égard par Schmarda, et il a figuré les
œufs naissant sur la surface du mésentère ovarien dans une sorte de follicule.
C’est l'examen de la formation de ce follicule que l’auteur reprend de plus
près.
Dans la région supérieure du repli mésentérique ovarien, suivant Vejdovsky,
on remarque de petits amas granuleux bien distincts les uns des autres, et for-
mant comme autant d’ilots. Plus bas, ces amas se confondent et ne peuvent
plus être distingués au milieu de la masse racémeuse de l'ovaire. Primitive-
ment, ils sont formés par un certain nombre de cellules toutes semblables les
unes aux autres. Bientôt l’une d’entre elles prend, aux dépens de ses sœurs,
un accroissement prédominant. C’est l’œuf,
Les cellules qui l’environnent se répartissent autour de lui en ue groupes.
Les unes, peu nombreuses, forment au-dessus de lui un mamelon d’abord
compacte, qui fait saillie dans la chambre viscérale et, se creusant par la
suite d’une cavité, se transforme en une sorte de coiffe déjà représentée par
M. de Lacaze-Duthiers.
Le reste des cellules s’étale en une couche mince qui continue la coiffe en
arrière de l'œuf, et enferme celui-ci dans un véritable follicule qui le relie
au mésentère.
L'œuf, encore petit, est donc entouré d’une capsule présentant en un point
un épaississement celluleux, la coiffe. 11 grandit aux dépens des cellules de
cet amas, qui diminuent en même temps de volume et finissent par se résor-
ber tout à fait, pendant que la membrane folliculaire s’est appliquée sur
NOTES ET REVUE. XLVII
l'œuf, a perdu sa structure cellulaire et forme maintenant autour du vitellus
une sorte de chorion.
Un peu avant que cette résorption des cellules de la coiffe soit achevée,
l'œuf s’est détaché de l'ovaire, il tombe dans la cavité du corps, où il achève
de müûrir.
Bien que l’auteur semble croire que Schmarda seul a reconnu l'existence
de ce chorion sur l'œuf libre, M. de Lacaze-Duthiers non-seulement l'a vu,
muis l’a décrit comme étant le reste du follicule, comme on le voit par le
passage suivant :
« On trouvera dans la planche 3 la représentation d’un petit paquet d'œufs à
différents états de développement, et paraissant enfermés dans une poche qui
est la continuation du mamelon cellulaire, leur point d’origine. La membrane
vitelline est bien nettement distincte de cette enveloppe extérieure, qui per-
siste encore quelque temps sur des œufs tombés dans la cavité générale du
corps. Il m'est arrivé de prendre avec une pipette quelques-uns des œufs qui
flottaient dans mes cuvettes à dissection, et je trouvais au-dessus d’eux le
mamelon cellulaire qui, à l’origine, constituait presque tout le grain glandu -
laire. » (De Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la Bonellie.)
De la cavité du corps où ils flottent, les œufs sont, comme on sait, amenés
dans la matrice par le pavillon vibratile.
Moins heureux que Schmarda, l’auteur n’y a jamais trouvé ni embryons ni
œufs segmentés.
La deuxième partie du travail de Vejdovsky est relative au mâle de la Bo-
nellie.
Longtemps ce mâle est resté inconnu, et c’est seulement en 1875 que Kowa-
lewsky, et peu après Marion, ont trouvé dans l’oviducte un ver planariforme,
profondément différent de la femelle par son aspect et par sa taille, et qu'ils
n'ont cependant pas hésité à regarder comme le mâle de la Bonellie.
M. Vejdovsky a trouvé de ces mâles en assez grande quantité, presque sur
toutes les femelles adultes. Il en fait la description et l’anatomie avec figures
à l’appui. Extérieurement, c’est un ver aplati couvert de cils vibratiles sur
toute sa surface et que l’on prendrait, au premier abord, pour un turbellarié.
Ce qui semble venir encore à l’appui de cette opinion quand on ouvre l’ani-
mal, c’est la forme du tube digestif, qui se termine en cul de sac, comme
chez les Rhabdocæles.
Cependant, il se rapproche de la Bonellie femelle par deux autres carac-
tères. Le système nerveux est un cordon ventral unique et médian, sans
renflements ganglionnaires, placé au-dessous du tube digestif. Antérieurement,
il ne paraît pas présenter de collier œsophagien.
Les cellules mères des zoospermes naissent sur la surface du mésentère,
puis tombent dans la cavité du corps, où elles achèvent de mürir. Les z00-
spermes, devenus libres, sont repris par un pavillon vibratile qui les conduit
dans un grand réservoir séminal tout à fait comparable à la matrice de la
femelle. Sur la région antérieure de la face ventrale, Marion a même observé
deux crochets qui semblent être les homologues de ceux que la femelle porte
dans le voisinage de l’orifice sexuel, |
Ainsi, par sa forme extérieure et par son tube digestif, le mâle de la Bo-
XLVII NOTES ET REVUE.
nellie ressemble à une planariée rhabdocæle, tandis que son système nerveux
et ses organes génitaux présentent les traits de ressemblance les plus frap-
pants avec ceux de la femelle.
N'ayant jamais rencontré que des mâles adultes dans loviducte de femelles
adultes, et les organes femelles étant dans le Jeune âge sans communication
avec l'extérieur, l’auteur s’est demandé où les mâles passaient les premiers
temps de leur existence, et ce n’est pas sans surprise qu'il les a constamment
retrouvés dans l’æsophage des jeunes femelles, souvent au nombre de sept à
huit ‘. J1 suppose qu'ils sont avalés par la femelle avec la vase dont elle se
nourrit, et dans laquelle il les a fréquemment trouvés. Ce mode d’intro-
duction lui semble d'autant plus vraisemblable que l’œsophage des femelles
adultes en contient quelquefois aussi, mais en petit nombre, les autres se
trouvant dans le vagin.
Bien que huit ou dix de ces mâles se trouvent ordinairement en même
temps à l’entrée de la matrice, l’auteur n’a Jamais vu, non plus que Kowalewsky,
ni œufs segmentés ni embryons.
Analysé par Lucien Joliet,
maître de conférences.
1 Cette observation est bonne à rapprocher de celle faite par M. de Lacaze-Du-
thiers il y a vingt ans. « Un Helminthe, dit cet auteur, que je n’ai pas déterminé,
vit en parasite dans le tube digestif de la Bonellie. Il occupe surtout la portion la
plus voisine de la bouche, et souvent je l’ai vu entrer et sortir par cet orifice, rester
dans les replis de la trompe, mais sans jamais s'éloigner de l’animal qui lui donne
asile. Presque toutes les Bonellies présentaient ce parasite et quelques-uns er grand
nombre. » (Mém. sur la Bonellie, p. 72.)
Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS.
Le gérant : C. REINWALD.
ARCHIVES
DE
ZO0LOGIE EXPÉRIMENTALE
ET GENERALE
PASSAGE DE VÉNUS SUR LE SOLEIL
(9 DÉCEMBRE 1874)
EXPÉDITION FRANÇAISE AUX ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM
LOOULOGIE
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA FAUNE DES DEUX ILES
SUIVIES
D'UNE DESCRIPTION DES MOLLUSQUES
PAR M. CH. VÉLAIN
ÏJ. INTRODUCTION HISTORIQUE.
Les îles Saint-Paul et Amsterdam, sur lesquelles le dernier passage
de Vénus sur le soleil vient d'appeler un moment l'attention, sont
situées, dans l’hémisphère austral, entre le 37° et Le 38° parallèle sud,
sous le 75° degré de longitude, à l’est du méridien de Paris.
Perdues au milieu de l’océan Indien, à plus de 500 lieues de toute
espèce de terre, ces deux îles, absolument désertes, sont connues
depuis très-longtemps. Leur découverte très-ancienne, attribuée à
tort tantôt aux Hollandais, tantôt aux Portugais, remonte, en effet,
au célèbre voyage autour du monde de Magellan; mais jusqu’à pré-
ARCH. DE ZOOI, EXP. ET GÉN, æ'T. Vi, 1877. {
2 CH. VÉLAIN.
sent, elles avaient été, l’une d’elles surtout, peu explorées. Elles se
trouvent cependant, malgré leur grand éloignement, sur une route
très-fréquentée, car tous les bâtiments qui passent par le Cap, pour
se rendre en Australie ou en Chine, poussés par les grandes brises
d'ouest, qui sont, pour ainsi dire, les alizés de cette région, viennent
les reconnaître et passent entre les deux. Il est vrai que maintenant
peu d’entre eux y atterrissent, ces îles n’offrant aucune ressource et
les mauvais temps, qui règnent presque constamment dans leurs
parages, rendant souvent leur accès dangereux. Autrefois les naviga-
teurs, et surtout les Hollandais en se rendant aux Indes, s’y arrêtaient
volontiers, mais sans jamais y séjourner, de telle sorte que les des-
criptions qu’ils nous en ont laissées sont toujours peu détaillées, peu
précises et parfois même fort inexactes, |
L'histoire de leur découverte est assez complexe et mérite
d'être rapportée ici. Ce sont les compagnons de Magellan qui, le
18 mars 1522, pendant leur voyage de retour en Europe, sous les
ordres de Sébastien del Gano, virent, pour la première fois, la plus
grande et la plus haute des deux îles, celle que nous appelons au-
jourd’hui Amsterdam. C’est, en effet, ce qui ressort d’un passage
remarquablement précis du journal de Francisco Albo, pilote de la
Victoria, où il est dit qu’à l’époque indiquée plus haut, par 37° 35’, la
frégate passa en vue d’une île élevée, ayant environ 6 lieues de tour,
paraissant inhabitée, mais qu’on ne put aborder‘. L'Espagnol del
Capo ne paraît cependant pas avoir ajouté d'importance à cette dé-
couverte, car plus tard, dans la commission nommée par le roi
d'Espagne, pour fixer les nouvelles découvertes géographiques, dues
à ce voyage célèbre, il n’en fit pas mention.
Un siècle après, en 1617, un navire hollandais, le Zeewolf, qui
se rendait du Texel à Bantam, conduit par le capitaine Harwick
Claesz de Hillegom, vint tout à coup, par un temps brumeux et
sombre, atterrir sur la seconde des deux îles. « Comme elle ne se
trouve sur aucune carte, écrivit le capitaine au directeur de la Com-
pagnie des Indes, nous lui avons donné le nom du Zeewolf (Loup
marin). » Mais cette dénomination ne fut pas adoptée, car dans les
instructions pour les navires quise rendaient de la Hollande à Java en
automne nous voyons, à la date du 7 décembre 4619, qu'il est re-
commandé de bien veiller, vers le 38° degré de latitude, pour ne pas
1 Navarerre, Colleccion de Documentos (Journal de F, Albo, t. IV, p. 218).
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 3
tomber inopinément sur l’île Saint-Paul, peu élevée et presque toujours
masquée par la brume‘. Sans doute qu'un navire portant ce nom
l'avait signalée auparavant, comme semble le prouver un portulan
manuscrit du temps de Henri II, qui l'indique avec cette mention :
1. Descobrio à nao San-Paulo.
Mais toutes deux ne furent en réalité bien connues, et leur posi-
tion ainsi que leur dénomination fixée d’une facon bien précise,
qu’en 1633. A cette époque, le gouverneur van Diemen, en se rendant
aux Indes, passa entre les deux et laissa à celle du Nord le nom du
bâtiment qui le portait, New-Amsterdam, celle située la plus au sud
étant, dit-il, l’île Saint-Paul.
Jusqu’alors personne ne les avait encore abordées : le navigateur
hollandais Willem van Vlaming fut le premier qui les visita en 1696,
et c’est sans doute à cette circonstance qu'il doit d'avoir longtemps
passé pour les avoir découvertes, tandis qu'elles étaient bien connues
avant lui; du reste, 1l avait recu dans ses instructions l'ordre de s'y
arrêter, avant de se rendre à la Terre du Sud (l'Australie), afin
d'examiner leur situation et de rechercher s’il n’y existait pas quelques
traces de l'équipage d’un bâtiment, le Æidderschap van Holland, qui
s'était perdu en 1695, pendant une traversée du Cap à Batavia ?.
Le journal de l’expédition de van Vlaming contient peu de ren-
seignements sur Amsterdam, mais on y trouve des détails très-inté-
ressants sur l’état de l’île Saint-Paul ; le vaste cratère immergé qui
occupe sa partie centrale, se trouvait, à cette époque, complétement
fermé et ne communiquait pas directement avec la mer comme au-
jourd’hui ; une digue, peu élevée, mais continue, s’étendait en tra-
vers de l’échancrure du nord-est ; il fallut haler les embarcations à
terre et les faire passer par-dessus les galets, pour pouvoir explorer le
lac intérieur.
La passe étroite et peu profonde qui coupe maintenant cette
digue en son milieu, ne paraît s'être ouverte que pendant la se-
conde moitié du dix-huitième siècle, car jusqu'en 1754 les navi-
gateurs qui s'arrêtent à Saint-Paul signalent toujours, entre les deux
hautes falaises du nord-est, « une digue de galets, continue, que cou-
vrent les lions et les chiens de mer» (ofartes).
1 Uit de Verhandelingen en Berigten betrekkelijk het Zeewerzen en de Zeevaartkunde
door Jacob Swart, n° 3, 1er Afd., p. 6.
? R. H., Major esq. : Early Voyages to terra australis, London, printed for the
Hackluyt Society, 1859,
4 CH. VÉLAIN.
Tous les auteurs qui se sont occupés de nos deux îles ont raconté
le séjour que fit lord Macartney à Saint-Paul en 1793, avec les vais-
seaux le Lion et l'Hindoustan. Dans les nombreuses relations que
nous possédons de ce voyage, on trouve, en effet, beaucoup de dé-
tails qui intéressent à la fois la géologie et la zoologie, car ils nous
renseignent, et sur les phénomènes volcaniques dont l’île était encore
le théâtre,’ et sur les nombreux oiseaux qui l’habitaient. Lord
Macartney et sa suite ne séjournèrent pourtant qu'un jour sur l’île,
mais ils y trouvèrent un Français, nommé Péron, homme intelligent
et communicatif, comme ils se plaisent à le raconter ‘, qui leur servit
obligeamment de guide et put leur fournir des renseignements pré-
cieux. Péron est un marin français, né à Brest, qui, lâächement aban-
donné sur Saint-Paul, avec quatre matelots, par un capitaine de la ma-
rine marchande américaine, y fit un séjour forcé de près de quarante
mois, du 1°" septembre 1792 au 16 décembre 1795. Pendant ce long et
douloureux exil, où les privations et les souffrances ne lui furent pas
épargnées, il consigna Jour par jour avec un soin scrupuleux tous les
faits qui se passaient autour de lui et jusqu'aux moindres détails de
son existence misérable. Ses mémoires, publiés en 1824°, sont donc
fort intéressants à consulter et nous aurons, par la suite, plus d’une
fois occasion de les citer, surtout à propos des détails curieux qu’ils
renferment sur les mœurs des animaux qui atterrissaient alors sur
l’île, aux différentes saisons *.
Péron, intervertissant les noms des deux îles, appelle Amsterdam
celle sur laquelle il fut ainsi délaissé ; c’est là une erreur qui s'était
| accréditée à cette époque et qui doit remonter au voyage du brick
le Mercury, de la marine anglaise (1789) : elle devint la source d’une
réelle confusion et par la suite les noms et les traits à la fois si par-
tüiculiers et si caractéristiques de l’une et de l’autre furent entremêlés
de la façon la plus singulière.
I serait maintenant superflu de mentionner toutes les relations de
1 GEORGES STAUNTON, Voyage à la Chine, par lord Macartney, traduit par J. Cas-
tera, Paris, Buisson, an VI rép., p. 268 à 298.
? Mémoires du capitaine Péron sur ses voyages en Afrique, en Arabie, etc., vol. ,
p. 171-228, Paris, Brissot-Thivars, 1824.
ÿ Les mémoires du capitaine Péron sont encore accompagnés d’une carte remar-
quablement exacte, qui paraît avoir été levée avec beaucoup plus de soin que celles
antérieures ou même plus récentes de van Vlaming (1696), de Parish (Relation du
voyage de Macartney, 1793) et de l'amiral Cécile (Voyage dela frégate l'Héroïne,
1837).
RE
ms té
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 5)
voyage qui parlent de nos deux îles, pendant la première partie de ce
siècle : elles sont peu importantes, la plupart n'ont fait que répéter
ce qu’on en savait, sans rien ajouter aux connaissances déjà acquises.
Saint-Paul fut alors surtout visitée par des pêcheurs qui, attirés par
l'abondance extrème du poisson dans ses eaux, tentèrent à diffé-
rentes reprises d'y fonder des établissements de pêche; ces établis-
sements prirent même, en 1843, une importance telle, que le gou-
verneur de la Réunion crut devoir y envoyer, par un bâtiment de
guerre, quelques soldats d'infanterie de marine pour en prendre
possession et pour l’occuper.
Je passe également sous silence les visites plus récentes de deux
bâtiments de guerre anglais, le Æerald et le Pearl, qui vinrent, le
premier en 1853, le second en 1873, y faire des reconnaissances hydro-
graphiques; ces voyages, en effet, furent sans profit pour l’histoire
naturelle. En réalité, nous n'avions jusque dans ces derniers temps,
sous ce dernier rapport, que des renseignements peu précis et bien
incomplets. On connaissait sans doute la nature volcanique des deux
îles, mais leur faune et leur flore étaient encore absolument incon-
nues quand la frégate autrichienne la Novara vint, en 1857, au début
de son beau voyage autour du monde, mouiller devant Saint-Paul.
La Novara avait à son bord un certain nombre de naturalistes, et
notamment un savant géologue, M. de Hochstetter, qui furent dé-
barqués pendant quinze jours sur l’île ; ils y réunirent des collections
importantes et en donnèrent une description complète, surtout au
point de vue géologique ‘. Malheureusement il n’en fut pas de même
pour Amsterdam; le docteur Scherzer et M. de Hochstetter nous
apprennent en effet que, malgré toutes les ressources dont disposait
la frégate, après toute une journée de fatigues passée dans les em-
barcations autour de cette dernière, pour chercher à y débarquer,
ils ne purent pénétrer dans l’intérieur et durent à leur grand regret
s'éloigner, après n’avoir fait qu’entrevoir les riches récoltes que leur
promettait la végétation épaisse et variée qui recouvrait toute sa sur-
face. Le lendemain, alors qu’ils s'apprêtaient à renouveler les ten-
tatives de la veille, le mauvais temps chassa la frégate de ces parages
et leurs observations restèrent incomplètes.
Amsterdam doit aux difficultés de son accès, d’avoir été bien
- 1 F. pe HocnsreTter, Dr ScHerzer.…., Voyage de la frégate la Novara autour
du monde de 1857 à 1859, 11e partie, vol. I, p. 216.
6 CH. VÉLAIN.
moins souvent visitée que Saint-Paul; c’est une terre plus impor-
tante, qui se trouve, pour ainsi dire, défendue de tous côtés par une
ceinture continue de hautes falaises complétement accores, environ-
nées de’brisants. Dans le nord-est, sur un espace d’un demi-mille en-
viron, ces falaises s’abaissent un peu, et le long d’une coulée de laves
qui s’avance de quelques mètres en mer, les embarcations peuvent
accoster par les temps calmes. Il est alors possible, avec un peu
d'adresse, de sauter à terre, entre deux lames; mais là de nouvelles
difficultés surgissent, une sorte de gros jonc (iso/epis nodosa) de la
hauteur d’un homme, qui croît par touffes, absolument pressées les
unes contre les autres, devient un obstacle presque impénétrable,
qu'on ne peut franchir qu'avec le temps et au prix des plus grandes
fatigues. Aussi de tous ceux qui, déjà peu nombreux, avaient mis le
pied sur l’île, un très-petit nombre s'étaient écartés de la côte, et nous
ne savions rien de sa topographie intérieure; son sommet même,
presque toujours embrumé et masqué par un chapeau de nuages,
n'avait été que rarement aperçu du large.
En 1873, le navigating lieutenant Henri Hosken ne fit que com-
pléter, à bord de la Pearl, et sous la direction du commodore Goo-
denough, le tracé de la côte sud et sud-ouest, levé sous voiles par
Beautemps-Beaupré en 1792, en l’étendant au nord et à l’est. La
carte publiée en mars 4874 sur ses indications, par les soins de
l’amirauté anglaise, nous montre l’île sous forme d’un quadrilatère,
orienté du nord-nord-ouest au sud-sud-est, présentant en son centre
une montagne régulièrement conique, haute de 2760 pieds, qui
s'incline de tous côtés régulièrement vers la mer et supporte une
série de petits cônes d’une assez grande élévation.
Tel était l’état de nos connaissances au sujet des deux îles, quand
l'attention du monde savant se reporta de nouveau sur elles, en
1874, à l'occasion du passage de Vénus sur le soleil. Elles se trou-
vaient, en effet, parmi les pays les plus avantageusement situés pour
l'observation de ce phénomène rare et important qui n'avait pas été
vu depuis 1769, et l’Académie des sciences, malgré tout ce qu'on
savait de leur peu de ressources et des mauvais temps qui règnent
dans leurs parages, avait résolu d’y risquer une expédition.
L'île Saint-Paul n’a pas une lieue de largeur ; pour aller s’expatrier
pendant plusieurs mois sur un pareil rocher, pour tenter d'y débar-
quer tout un matériel d'installation, des instruments de précision
délicats, difficiles à manier à cause de leur poids et de leur volume
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 7
considérable, il fallait un homme énergique et dévoué à la science :
l’Académie sut trouver dans notre vaillante marine un officier savant
et courageux qui voulut bien accepter cette belle, mais périlleuse
mission. M. le commandant Mouchez, membre du bureau des longi-
tudes, fut désigné comme chef de cette station astronomique ; on lui
adjoignit pour les observations astronomiques M. Turquet de Beau-
regard, lieutenant de vaisseau, et M. Cazin, professeur au lycée Fon-
tanes, pour les opérations photographiques. En outre, la commission
chargée de préparer les instructions relatives à l'observation du
passage, désirant donner à celles des expéditions qui devaient
atteindre des régions lointaines et peu connues le caractère de véri-
tables campagnes scientifiques, décida que des naturalistes seraient
attachés à chacune d'elles; M. Gaston de l'Isle, en qualité de bota-
niste, fut désigné pour accompagner la mission de l’île Saint-Paul.
D'un autre côté, M. le docteur Rochefort, médecin de première
classe de la marine, qui devait également faire partie de l’expédition,
avait été appelé de bonne heure à Paris, sur la demande du com-
mandant Mouchez, et s'était mis au courant des meilleures mé-
thodes pour la recherche et l’étude des animaux marins. « Quand
M. Mouchez m'écmvit de me préparer à ce travail, nous dit M. Ro-
chefort dans un rapport sur le voyage et les résultats de la mission,
publié en 1875, dans les Archives de médecine navale, je dus lui
répondre que j'étais, jusque-là, demeuré fort étranger à ce genre
d'études, mais on me persuada que je pouvais aisément être mis au
courant des procédés de recherche et, par suite, devenir capable de
rendre des services, en recueillant des objets d'étude. C'est surtout
de la part de M. H. de Lacaze-Duthiers, membre de l’Institut, que je
trouval un accueil si encourageant ; il m'ouvrit avec tant de bien-
veillance, à deux reprises différentes, pendant la saison d'été, son
laboratoire de Roscoff, que je pus espérer ne pas rester trop au-des-
sous de la tâche que l’on me donnait à remplir. M. de Lacaze voulut
bien, négligeant parfois les beaux travaux qu’il poursuit, me guider
lui-même dans la recherche des animaux et dans leur étude. Si les
soins que je me suis imposé à Saint-Paul portent plus tard quelques
fruits, c'est à lui qu’ils seront dus et je tiens beaucoup à lui en ex-
primer toute ma reconnaissance. »
D’après la description que M. de Hochstetter en avait donnée, on
1 T. XXIV, juillet 1875, p. 1 à 19.
8 CH. VÉLAIN.
savait que l’activité volcanique de l’île Saint-Paul se manifestait actuel-
lement par des sources thermales et des fumeroles abondantes.
M. Rochefort avait encore accepté le soin d'étudier ces différentes
émanations ; il était venu dans le laboratoire de géologie du Collége
de France, pour apprendre auprès de M. Fouqué le maniement des
appareils destinés à ces recherches délicates. Je terminais alors, dans
ce même laboratoire, l'étude des roches volcaniques que j'avais re-
cueillies dans un voyage sur la côte d'Afrique, où j'avais déjà accom-
pagné le commandant Mouchez en 1873, et nous recûmes ensemble
les leçons si précieuses de ce maître bienveillant. C’est certainement
à cette circonstance que je dois d'avoir fait partie de la mission. Tout
d'abord, je n’avais pas cru devoir accepter l’offre qui m’en avait été
faite par M. le commandant Mouchez ; mais, à la fin de juillet, en
voyant toutes les belles observations qui restaient à faire non-seule-
ment à Saint-Paul, mais dans chacune des escales du voyage et sur-
tout à la Réunion, cédant aux conseils pressants de M. Fouqué, à
ceux de mon excellent maître M. Hébert, je me décidais enfin à par-
tir. C’est dans les premiers jours du mois d'août, peu de jours par
conséquent avant l’époque fixée pour le départ, sur les instances de
M. de Lacaze-Duthiers, que je ne saurais trop remercier à cette
occasion, que M. le ministre de l'instruction publique voulut bien
m'adjoindre à la mission de l’île Saint-Paul en qualité de géologue ‘.
Nous étions donc, désormais, trois naturalistes attachés à cette
expédition ; chacun de nous représentant l’une des branches de l’his-
toire naturelle, les rôles se trouvaient par cela même bien indiqués :
M. le docteur Rochefort devait s'inquiéter de la zoologie, M. de l'Isle
de la botanique, la géologie m'était réservée. Je n'ai pas besoin de
dire que ces distinctions n’eurent rien d’absolu et que très-souvent
les rôles furent intervertis. Chacun de nous concentra, sans doute, ses
efforts sur les sujets d'étude qui lui étaient chers, sur ceux pour les-
quels il était mieux préparé, mais la plupart des travaux et des re-
cherches furent exécutés en commun.
Pendant la traversée, le peu de temps dont nous disposions à
chaque escale ne nous permit pas d'étendre beaucoup nos recherches,
qui se trouvèrent ainsi limitées à quelques points, malheureusement
trop restreints, des côtes que nous abordions; mais notre séjour aux
1 Sur la proposition de M. de Lacaze-Duthiers, le conseil de l'Association fran—
çaise pour l’avancement des sciences m'avait généreusement voté, de son côté, une
somme de 1 500 francs, pour subvenir aux frais de cette mission.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 9
iles Saint-Paul et Amsterdam se prolongea assez pour que nous
n’ayons pas été obligés de nous borner là à des investigations rapi-
des et superficielles. Nous avons pu les explorer, la première surtout,
d’une facon complète et y rassembler des collections importantes, qui
nous permettront de décrire, jusque dans les moindres détails, leur
constitution géologique, leur faune et leur flore.
L'étude de la distribution des êtres organisés à la surface des îles
éloignées des continents constitue une des questions les plus intéres-
santes de la zoologie géographique : nos deux îles, en raison de leur
grand isolement, se recommandaient donc tout d'abord sous ce rap-
port à notre attention. Il était également important d'examiner avec
un soin minutieux la faune des eaux qui les environnent, et notam-
ment celle du cratère de l’île Saint-Paul, afin de savoir de quelle pro-
vince marine on pouvait la rapprocher; les naturalistes de la Vovara,
par suite des mauvais temps quiles avaient assaillis pendant leur court
séjour sur cette dernière, n'avaient, en effet, obtenu que peu de docu-
ments au sujet de cette faune et s'étaient bornés à la signaler comme
très-pauvre, composée qu'elle était d'espèces peu variées, riches en
individus et de dimensions presque microscopiques.
Ces recherches, dans les circonstances exceptionnellement favo-
rables où nous allions nous trouver, pouvaient devenir fécondes
en résultats ; aussi, profitant de toutes les occasions pendant les
trois mois que nous sommes restés sur Saint-Paul, non-seulement
nous avons parcouru le littoral à chaque marée, exploré les pro-
fondeurs avec la drague, employé tous les moyens de pêche, mais
nous avons surtout cherché à suivre séparément chaque espèce, afin
de déterminer sa distribution en surface et en profondeur, ses mœurs,
son organisation, en un mot toutes les particularités de son histoire.
Ces études ont été l’objet des préoccupations constantes de M. le doc-
teur Rochefort, qui s’est encore attaché à figurer les animaux sur le
vivant, notamment ceux qui ne pouvaient se conserver dans les li-
queurs alcooliques, sans perdre leurs formes et leurs couleurs, en
devenant méconnaissables.
A notre retour nous nous sommes empressés, Rochefort et moi, de
remettre entre les mains de M. le professeur de Lacaze-Duthiers la
majeure partie des collections que nous avions recueillies, heureux de
pouvoir lui témoigner ainsi notre reconnaissance ; c'était à lui que
nous devions, tous deux; d’avoir pu entreprendre ces recherches et de
les avoir menées à bonne fin. Cet hommage lui était donc bien dû.
10 | CH. VÉLAIN.
Tous ces matériaux ont été, depuis, distribués par ses soins entre
divers naturalistes qui ont alors accepté d'étudier et de décrire, sous
sa haute direction, les nombreuses espèces de mammifères, d'oiseaux,
de poissons, de crustacés, d’annélides et de zoophytes dont se
compose la faune des deux îles, et d'en faire l’objet de monogra-
phies distinctes qui paraîtront successivement à cette place.
Dans toutes les questions relatives à la facon dont les îles se sont
peuplées d'êtres vivants, 1l faut tout d’abord remonter à leur origine
et rechercher si elles résultent de l’affaissement d’un continent, ou si
elles ont surgi directement du sein de l'Océan par la seule action des
forces volcaniques ; 1l était donc important d’esquisser à grands traits
l'histoire géologique des îles Saint-Paul et Amsterdam, et de préciser
la date de leur émersion, avant de commencer la description de leur
faune. C’est ce que je ferai maintenant pour chacune d'elles, en
insistant à dessein sur la nature des produits volcaniques qui les
constituent, afin de montrer quelle influence la composition des
roches exerce sur la distribution des mollusques, dont je donnerai
ensuite une étude détaillée.
Le présent travail ne doit donc être considéré, que comme une
introduction aux descriptions, qui vont suivre, des diverses espèces
dont se compose la faune des deux îles, descriptions qui seront dues
au zèle désintéressé des nombreux savants qui ont bien voulu nous
accorder leur collaboration. En essayant de donner aujourd’hui un
premier aperçu de cette faune, en mentionnant les conditions d'ha-
bitat, les mœurs de quelques-unes des espèces les plus nombreuses,
ou les plus remarquables, j’ai cherché surtout à faire connaître nos
procédés d'investigation, nos moyens de recherches, afin que le lec-
teur puisse juger du degré de confiance qu'il doit accorder à nos
observations.
J'ai tenu à le précéder d’une relation rapide de notre traversée,
afin d'exposer quelques faits relatifs à l’histoire naturelle recueillis
dans chacune de nos escales.
Il, RELATION DU VOYAGE.
De Marseille à la Réunion. — La presqu'ile d'Aden.
Dans la matinée du 2 août, nous embarquions à Marseille sur un
des magnifiques paquebots de la compagnie des Messageries mariti-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. ii
mes, l’Amazone, qui partait pour la Chine et devait nous laisser à
Aden. Vers dix heures, nous quittions le port de la Joliette : les
vertes collines, les maisons, les bateaux du port disparaissaient rapi-
dement, et bientôt nous perdions la côte de vue. Notre traversée s’an-
nonçait sous les plus heureux auspices; une nappe aplanie d’un beau
bleu s’ouvrait docilement sous la proue de notre vaisseau ; jamais la
Méditerranée ne s'était montrée plus belle.
Le 4, au petit jour, nous étions en rade de Naples ; à neuf heures
du soir, nous passions à toucher, devant le Stromboli en pleine érup-
tion, et cinq jours après nous entrions dans le canal de Suez.
L'Amazone, avec ses quatorze nœuds de vitesse, eut bientôt franchi
les 400 lieues de la mer Rouge; aussile jeudi 13, après avoir reconnu
les feux de Perim, nous franchissions le détroit de Bab-el-Mandeb
(la porte du Deuil) pour entrer dans le golfe d’Aden, et le lendemain,
de bonne heure, notre bâtiment venait s’amarrer devant Steamer-
Point, à côté du Dupleix. C'était là le paquebot de la ligne auxiliaire
des Messageries ; c'était aussi celui que nous devions prendre pour
gagner la Réunion. Toute la matinée fut donc occupée au transbor-
dement du matériel considérable qu'il nous fallait emporter.
Le Dupleix ne partant que le 16, nous avions deux jours à dépenser
sur la presqu'île. C'était bien peu, sans doute, d'autant plus que,
sous ce ciel de feu, il paraît établi qu'on ne peut sortir qu'après ou
avant le coucher du soleil : la vie doit s'arrêter de midi à quatre
heures; mais nous arrivions fraichement d'Europe, et les chaleurs
torrides de la mer Rouge nous avaient, en quelque sorte, préparés à
celles de cette fournaise ardente ; aussi, bien décidés à les braver,
alors que le thermomètre, sous les doubles tentes du Dupleix, mar-
quait encore plus de 40 degrés, nous descendions à terre, et nos deux
jours d’escale furent ainsi employés, soit à des ascensions dans les
hautes montagnes arides et dénudées du Djebel-Shamshan, soit à
des recherches sur le littoral aux heures des marées.
La presqu'île d’Aden, située à 118 milles à l’est du détroit de Bab-
el Mandeb, vers l'extrémité sud-ouest de la péninsule Arabique, est
baignée par cette partie de l'océan Indien qu’on appelle le golfe
d'A den ; elle circonscrit, avec une pointe voisine, Jibbel ou Djebel-
Hussan, une baie profonde ouverte au sud-est (Bunder Toowye), qui
constitue un port excellent, où par tous les temps les navires de fort
tonnage peuvent trouver un abri assuré. Aussi les Anglais, qui se
sont emparés de ce point en 1858, comprenant toute son importance,
12 CH. VÉLAIN.
surtout depuis le percement de l’isthme de Suez, en ont fait une
station maritime de premier ordre.
La vie abonde dans toute cette rade d'Aden. Bien abritées, peu pro-
fondes, ses eaux présentent un ensemble de conditions très-favorables
au développement des animaux marins. Aussi les mollusques pullu-
lent sur ses plages et dans le fond de la baie ; les coraux doivent être
abondants, si l'on en juge par les débris en nombre considérable qui
se trouvent rejetés et roulés par la mer sur le littoral!.
Sur toute la côte ouest, depuis Ras-Tarshaine jusqu'à Hedjorff,
règne une ceinture de rochers calcaires, fréquemment interrompue
ou mieux recouverte en maints endroits par des sables calcarifères
souvent assez épais et très-étendus; ces calcaires, de formation
actuelle, empâtent les coquilles des nombreux mollusques qui vivent
sur le littoral.
À droite de la route qui conduit à Aden, près des docks de char-
bon, et plus loin vers les distilleries et les fabriques de glace, on les
voit s'élever jusqu’à 2 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer
1 Les petites cases éparpillées sur cette terre sablonneuse et brûlée, au pied des
hautes montagnes volcaniques, bizarrement déchiquetées, qui donnent à toute cette
presqu'ile un relief si particulier, sont le plus souvent construites en madrépores
énormes, qui servent encore à fabriquer une chaux d’assez mauvaise qualité, que les
indigènes recherchent pour blanchir leurs maisons.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 13
et venir s’adosser contre ce sombre entassement de roches volca-
niques stériles qui forme à lui seul toute la presqu'île ; ils témoignent
ainsi d’un exhaussement manifeste de toute cette partie de la côte
depuis le commencement de la période actuelle.
Des preuves de cet exhaussement se retrouvent encore non-seule-
ment au fond de la grande plage, qui fait face aux récifs de Sawayih,
mais surtout aussi vers ces murailles, aujourd'hui en ruine, qui limi-
tent dans le sud-est le territoire d’Aden. Tout ce massif, entièrement
volcanique, qui doit son origine à une longue suite d’éruptions tra-
chytiques et basaltiques, relié aujourd’hui à la côte d'Arabie par une
étroite langue de terre, n’était autrefois qu’une île élevée, très-rap-
prochée de terre.
Parmi les formes les plus abondantes qui se trouvent empâtées
dans ces calcaires, je puis citer :
Circe intermedia, Reeve.
Circe peclinata, Linné.
Tellina Pharaonis, Hanley.
Nassa arcularia, Lam. (?)
Nassa pulla, Linné.
Purpura hippocastanum, Lam.
Planaxis Menkeanus, Dunk.
Conus tesellatus, Brug.
Conus acuminatus, Brug.
Milra Pharaonis, Génè.
Turbonilla nitidissima, Issel.
Cerithium (?).. Triton (?)... Triforis(?).. Ostrea (?)
Des fragments de la Tridacna elongata, Lam. et du Cardium magnum,
Chem.
Toutes ces espèces vivent actuellement dans la baïe; nous les y
avons recueillies avec des Planaxis (2. griseum et Menkeanus), des
Nérites (NW. albicilla et Longi), des Nasses (N. arcularia, pulla, etc.),
des Pourpres, des Turbos (7. Hemprichi et noduliferus), particulière-
ment abondants sur la côte au niveau du balancement des marées.
Leurs coquilles peuvent encore se recueillir facilement sur le littoral,
sans que la mer soit au plus bas, car:des Bernards-l’ermite, de plus
d'une espèce, les habitent, et se chargent de les apporter; mais elles
sont alors en assez mauvais état.
Plus loin, en face des distilleries et des fabriques de glace destinées
à approvisionner d’eau la ville d’Aden et les paquebots, autour d’un
petit îlot, l’ilot Flint, sur lequel on passe à pied sec aux grandes ma-
14 | CH. VÉLAIN.
rées, on peut signaler une belle station de Cônes. En moins d’une
heure, j'ai recueilli là dix-sept exemplaires de ce genre, comprenant
les neuf espèces suivantes :
Conus arenatus, Brug. 1 exemplaire.
Conus nemocanus, Brug. À exemplaire.
Conus quercinus, Brug. 4 exemplaire.
Cons tesellatus, Brug. 3 exemplaires.
Conus gubernator, Brug. 1 exemplaire, variété peu colorée et élancée.
Conus lividus, Brug. 2 exemplaires.
Conus litteratus, Lin. 6 exemplaires (jeunes et adultes).
Conus læniatus, Brug. 1 exemplaire de petite taille.
Conus textile, Lin. 1 exemplaire.
Sur la côte rocheuse de Ras-Marbât, sous les batteries anglaises,
avec les coquilles littorales précédemment citées se trouvaient de
grands Chitons très-abondants qui, non contents de tapisser com-
plétement les rochers, se recouvraient encore les uns les autres; il en
était de même dans l’ouest de la grande jetée de la Poste. Sur le re-
vers nord-est de cette jetée, près des escaliers où les embarcations
viennent accoster, de nombreux Monodontes (Clanculus Pharaonis),
se détachant en rose sur les tons verts desalgues, produisaient le plus
gracieux effet.
En résumé, la liste des mollusques que nous avons recueillis ainsi,
dans trois excursions sur le littoral ouest de la presqu'île, comprend
quarante-cinq espèces : c’est assurément bien peu, en comparaison
de l’extrème richesse de cette station intéressante; j'ai tenu cepen-
dant à la reproduire ici, parce que jusqu’à présent il n’a rien été
publié de spécial sur les mollusques de la baie occidentale d’Aden, et
surtout aussi parce qu'elle renferme quelques espèces qui ne m'ont
pas paru avoir encore été signalées dans le golfe.
. “Strombus lentiginosus, Lin. I. Flint; de petite taille 1.
. Murexæ(?).. Littoral de Steamer-point, sur les roches,
. Ranella granifera, Lam. Littoral de Steamer-Point; sur le sable.
. Fasciolaria trapezium, Lam. I. Flint.
. *Turbinella rhinoceros, Lin. L. Flint; dans le sable.
. Buccinum(?). I. Flint; littoral de Steamer-Point ; sur le sable,
. Eburna (?;, sp. ind. Cet échantillon incomplet était roulé sur la plage.
. Nassa arcularia, Lam. Littoral de Steamer-Point.
. Nassa pulla, Lin. Très-abondants ; de partout.
OR ON 2
© © =1 O5
1 Les espèces précédées d’un astérisque sont celles qui n’ont pas encore été
signalées dans le golfe d’'Aden.
10.
1E.
12.
43.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 15
Nassa afra, Phil. Assez rare, littoral de Steamer-Point.
*Nassa semistriata, Adams; très-rare, littoral de Steamer-Point,
*Purpura persica, Lam. Ilot Flint (un seul individu).
Purpura hippocastanum, Lin. Très-abondant, entre le niveau de la
haute et basse mer; de partout.
14.
Planaxis griseum, Broch. (Planaxis Savignyi, Desh.) Très-abondant
entre le niveau de la haute et basse mer ; de partout.
15.
Planaxis Menkeanus, Dunk. Moins abondant que l’espèce précédente ;
mèmes gisements.
16.
LÉ
18.
19.
20.
M.
22.
23.
24.
Magilus antiquus, Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage.
Magilus (2)... Monf. Dans un madrépore roulé sur la plage.
Conus arenatus, Brug. À la basse mer; I. Flint.
Conus nemocanus, Brug. A la basse mer ; [. Flint.
Conus quercinus, Brug. A la basse mer; I. Flint.
Conus textile, Lin. À la‘ basse mer; I. Flint.
Conus tesellatus, Brug. À la basse mer ; L. Flint.
*Conus gubernator, Brug. À la basse mer ; I. Flint.
Conus lividus, Brug. Entre le niveau de la haute et basse mer; I. Flint
et littoral de Steamer-Point.
25.
26.
Point.
21.
. Conus Hebrœus, Lin. Ras-Marbât.
. *Mitra ambigua, Sw. Littoral de Steamer-Point.
. Mitra mosaïca, Issel. [. Flint; dans le sable.
. Cypræa arabica, Lin. I. Flint ; dans le sable,
2. Cerithium (?)... Littoral de Steamer-Point. |
. Nerita albicilla, Lin. Sur les roches; littoral de Steamer-Point.
4. *Nerila Longi, Recl. Sur les roches; littoral de Steamer-Point I. Flint.
3. Turbo Hemprichi, Trosch. Très-abondant ; littoral de Steamer-Point.
. Trochus noduliferus, Lam. I. Flint et littoral de Steamer-Point.
. Clanculus Pharaonis, Lin. Sur les algues ; littoral de Steamer-Point.
. Bulla ampulla, Lin. Sur le sable, I. Flint ; à 1# basse mer.
. *Bulla (Athys) naucum, Lin. Sur le sable, I. Flint ; à la basse mer.
. Arca (?) fixée par son byssus aux rochers sous les algues ; I. Flint.
. Chama (?) adhère aux rochers ; I. Flint.
42.
Conus lilteralus, Lin. Jeunes et adultes ; I. Flint.
*Conus achatinus, Schem,. Avec un Bernard-l’ermite, littoral de Steamer-
Conus abbreviatus, Nutt. Ras-Marbât.
Cytherea Savignyi, Jonas (Circe peclinata, Lin.) Dans le sable ; littoral
de Steamer-Point.
43.
Circe intermedia, Rve. (Circe pectinata, Lin.) Très-nombreuses variétés
de forme et de couleur; littoral de Steamer-Point.
A4,
Point.
45.
Tellina (Fellinella) Pharaonïis, Haxl. I. Flint et littoral de Steamer-
*Tellina spectabilis, Haxley ! I. Flint.
1 Cette espèce n’est pas complétement identique à l’espèce d’'Haxley : les côtes, par
exemple, sont beaucoup plus flexueuses,
16 CH. VÉLAIN.
On a tout lieu de s’étonner que la faune conchyologique du golfe
d’Aden soit encore si peu connue, maintenant surtout que ce point
est devenu d’un accès facile. Sa richesse, véritablement exception-
nelle, mériterait assurément beaucoup mieux que d’autres moins
intéressantes, les honneurs d’un catalogue particulier. Ce qu’on en
sait indique un mélange plus ou moins intime d’espèces propres à la
mer Rougé avec d’autres appartenant à l’océan Indien, et parmi ces
dernières, ce sont surtout celles des îles Philippines qui dominent.
La liste, que Je viens de donner des mollusques que nous avons re-
cuelllis autour de la presqu’ile, n’a d'intérêt que parce qu’elle ajoute
quelques faits nouveaux à cette analogie déjà grande : ainsi, parmi
les dix espèces qui sont citées ici pour la première fois, sept sont
abondantes aux Philippines (Sfrombus lentiginosus, Purpura persica,
Mitra ambiqua, Conus qubernator, Conus achatinus, Bulla naucum ,
Tellina spectabilis), deux sont de l’océan Indien (Tuwrbinella rhinoceros,
Nerita Longr), enfin la dernière (Nassa semistriata) serait une espèce
méditerranéenne.
On a beaucoup contesté la présence de coquilles méditerra-
néennes dans la mer Rouge ; pour la ÂNVassa semistriata, il ne peut
y avoir le moindre doute : l'identité est absolue. Cependant, c’est
là un fait dont il ne faut pas s’exagérer l’importance. L’unique
échantillon de cette espèce recueilli par nous, sur le littoral de
Steamer-Point, y avait peut-être été introduit accidentellement ? Sans
parler des paquebots dont la vitesse s’oppose, sans doute, à ce qu'un
mollusque, comme les Nasses, puisse rester fixé à leurs flancs, le canal
et la mer Rouge sont maintenant traversés par un grand nombre de
voiliers qui viennent mouiller à Aden avant de continuer leur route
et qui peuvent apporter des coquilles au milieu des algues adhérant
à leur coque. À moins de supposer que cette espèce résulte d’une
communication ancienne entre les deux mers, il est impossible de
recourir à d'autre hypothèse, pour expliquer sa présence en un lieu si
éloigné de sa véritable station. Maintenant que cette communication
existe, il est bien probable qu’un certain nombre de mollusques émi-
greront de l’une dans l’autre mer ; mais le percement de l’isthme de
Suez est de date trop récente, et d'autre part les moyens de déplace-
ment des Nasses sont trop faibles pour que l’on puisse admettre que
l'espèce en question soit dans ce cas.
Un autre fait important qui résulte de nos recherches à Aden, c’est
la découverte à l’état vivant autour de l’ilot Flint de la Mitra mosaica.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDANM. 17
Cette petite espèce, établie tout dernièrement par M. Issel (Description
de la faune malacologique de la mer Rouge, pl. HE, fig. 7), n'avait encore
été citée qu’à l’état subfossile dans les plages soulevées de la mer
Rouge, et n'était même encore connue que par un échantillon unique
conservé au musée de Pise.
Maintenant que l'esprit est porté vers toutes les études relatives à
la distribution des êtres vivants dans les mers actuelles, il faut espérer
qu'une station malacologique aussi intéressante ne restera pas plus
longtemps inexplorée. Quelles riches récoltes, quelles belles obser-
vations pour un naturaliste qui viendrait séjourner quelque temps
dans ces parages ! Nous aurions bien désiré que notre séjour, malgré
ce climat horrible, pût se prolonger. Malheureusement le temps
nous était compté, et le 17 septembre, à Fheure dite, le Dupleix le-
vait l’ancre pour gagner la haute mer,
Deux jours après, en sortant du golfe d’Aden, nous passions presque
subitement du calme aux mauvais temps. Devant le cap Guardafui,
la mer, en effet, était énorme, et le navire fatiguait extrêmement, sa
machine luttant difficilement contre un vent violent et contraire. Les
grandes brises de la mousson du sud-ouest qui s'étaient établies, nous
obligeaient alors à dévier vers l’est et à faire un long détour, afin de
prendre obliquement le vent et la mer.
Cette navigation fut des plus pénibles, jusqu’à l'Equateur. Enfin
le 29, les hautes terres de la Réunion nous apparurent au lever du
jour. À mesure que nous approchions, l’île embrumée tout d’abord
se dégageait presque complétement ; les cimes élevées du Piton des
Neiges et du grand Bernard se découvraient peu à peu, en même temps
que, dans le bas, la côte semblait s'élever au-dessus des vagues.
Nous accostions par la partie du vent : c’est celle où la végétation
est de beaucoup la plus riche, et le spectacle, sous ce ciel splendide,
absolument pur, était vraiment admirable. Les grandes et profondes
coupées qui sillonnent tout ce puissant massif volcanique, défilaient
successivement devant nous ; bientôt non distinguions au milieu des
champs de canne les maisons blanches qui étincelaient au soleil le-
vant. Vers huit heures, le cap Bernard était en vue; encore quelques
tours d’hélice et l'ancre tombait enfin devant Saint-Denis.
La première partie de notre traversée, la plus longue, mais aussi la
plus douce, était terminé.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. vI. 1877. 2
18 CH. VÉLAIN.
De la Réunion à l'ile Saint-Paul. — L'ile Maurice.
Un navire de l'État, la Dives, nous attendait sur rade pour nous
porter aux îles Saint-Paul et Amsterdam. Mais ies approvisionne-
ments qui restaient à faire pour notre séjour sur les deux îles déser-
tes, et surtout les renseignements que notre commandant voulait ob-
tenir des pécheurs qui, dans la belle saison, de novembre à février,
partent de la Réunion pour gagner les deux îles, devaient retarder
notre départ jusqu’au 6 septembre.
Nous employâmes ces quelques jours à faire l'ascension du volcan
actif qui désole dans l’est toute cette région nommée «le grand pays
brûlé». Ce volcan venait, en effet, d’avoir eu une éruption et nous espé-
rions arriver encore assez à temps pour assister à quelques-unes des
dernières manifestations de l’activité volcanique. Malheureusement
l'éruption avait été de courte durée, et quand, après plusieurs jours de
marche et de fatigues, de nuits passées dans des cavernes froides, hu-
mides, ou même en plein air, sur un sol gelé, il nous fut donné d’at-
teindre le sommet de la montagne volcanique (2635 mètres), tout
était silencieux ; les laves refroidies formaient au fond du cratère
comme une croûte noire, fendillée et vitreuse, d’où s’échappaient
seules quelques fumeroles composées d'acide chlorhydrique ou de
vapeur d’eau et douées encore d’une température de 72 degrés centi-
grades.
Le dimanche 6 septembre, dans la matinée, nous nous retrouvions
à bord de la Dives après une petite expédition qui nous avait demandé
huit jours,et qui nous avait été des plus profitables, car elle nous avait
permis d'étudier, dans tous ses détails, l’appareil du volcan.
La Dives appareillait tout aussitôt, et mettait en route pour
gagner l’île Maurice. Le personnel de la mission s'était alors augmenté
d’un nouveau membre, M. Lantz, conservateur du muséum de la
Réunion, qui, sur la demande du gouverneur, s'était joint à nous
pour recueillir des collections destinées à augmenter les richesses déjà
grandes du musée de notre colonie.
Le Dupleix avait dù porter à Port-Louis de Maurice toutes les
caisses d'instruments que le mauvais état de la mer, au moment de
notre arrivée à Saint-Denis, n'avait pas permis de débarquer dans cette
rade ouverte. Pendant que s’opérait.leur transbordement et leur arri-
mage à bord de la Dives, nous fimes quelques excursions à terre. Des
fouilles faites, il est vrai, un peu à la hâte, en raison du peu de temps
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19
et des faibles ressources dont nous disposions, dans les tourbes de la
Mare aux Songes, cet ossuaire fameux d'où sont sortis le dronte,
le dodo, l’aphanaptrix,..….:. toute une fâune d'oiseaux singuliers,
aujourd'hui disparus, demeurèrent sans résultat ; mais nous fûmes
plus heureux dans nos recherches sur le bord de la mer.
Depuis la publication du catalogue de la collection Lienard, par les
soins de M. H. Crosse, directeur du Journal de conchylologte, la riche
faune malacologique de Maurice est maintenant trop connue pour
qu'il soit utile de donner ici la liste des espèces que nous y avons re-
cueillies ; elle n’ajouterait rien à ce travail important. Je désire seule-
ment mentionner les récoltes abondantes que nous avons pu faire
dans cette station si intéressante, et si souvent visitée, qu’on nomme
l’ilot Barkly.
Cet îlot n'est autre chose qu’un récif à fleur d’eau, peu étendu, si-
tué près du rivage, à l’entrée de la rade de Port-Louis. Sa formation,
de date toute récente, a été généralement attribuée à un amoncelle-
ment énorme de coraux et de madrépores dans un haut-fond, causé
par un violent ras de marée, à la suite d’un cyclone, en 1868. En
réalité, il y a eu là une oscillation du sol des plus manifestes, suivie d’un
exhaussement dont on retrouve les traces sur toute la côte voisine.
Tout cet espace qui se découvre aujourd’hui à chaque marée, restait,
avant l’époque indiquée, constamment submergé. On y a recueilli,
surtout dans les premières années qui ont suivi son apparition, un
nombre considérable de mollusques, et en particulier des gastéro-
podes spéciaux qui ne se sont point retrouvés sur d’autres points de
Ja zone littorale. Maintenant, ce riche gisement est considérablement
appauvri, et la plupart de ces espèces spéciales qui le rendaient in-
téressant, s’accommodant mal des nouvelles conditions d'habitat qui
leur sont faites, ne s'y retrouvent plus. Il en est ainsi, par exemple,
d’une petite espèce de Mitre, dont M. H. Adams a fait le type du genre
Mouritia (Mauritia Barcklayi, H. Ad., Proceed. of Zool. Soc., 1869,
pl. XIX, fig. 5), qui en a pour ainsi dire disparu.
En outre de quelques-uns des mollusques dont la présence a déjà
été signalée sur l’ilot, nous y avons trouvé les espèces suivantes, qui
ne sont indiquées, dans le catalogue de la collection Lienard, que des
autres régions de Maurice :
Strombus gibberulus, Lin.,
Strombus mauritianus, Lam.,
Turbinella cornigera, Lam.,
20 CH. VÉLAIN.
Harpa minor, Rump.,
Oliva maura, Lam.,
Conas cernicus, H. Adams.,
Cypræa annulus, Lin.,
Cypræa caput serpentis Lin. (jeunes et adultes),
et de plus un jeune individu de la Cypræa arabica, Chemnitz. Cette
dernière espèce est une nouvelle acquisition pour la faune de Mau-
TIC: %
Enfin, le jeudi 10 septembre, à quatre heures de l'après-midi, par un
temps nuageux, la Dives quittait Port-Louis, et bientôt emportés
par une belle brise d’est-sud-est, nous perdions l’île de vue.
Ce ne fut pas sans émotion que nous vimes disparaître cette der-
nière terre loin derrière nous. Nous commencions à nous éloigner de
plus en plus, pour accomplir une mission qui devait demander bien
des mois. Nous allions nous engager bien avant dans l'hémisphère
sud, pour gagner des régions désertes, inhospitalières, à la recherche
de l'inconnu.
Le bâtiment couvert de toile, légèrement couché sous la brise, filait
avec une moyenne de 40 à 50lieues par jour, et la traversée commen-
çait ainsi sous les meilleurs auspices ; au-delà du tropique, nous
fûmes assaillis par des calmes, qui devinrent pour notre commandant,
pressé d'arriver au but, un sujet d'ennui, mais qui furent une bonne
fortune pour nous, Car ils nous permirent de laisser traîner à l’arrière
du vaisseau, alors que le loch n'accusait plus qu’un nœud de vitesse,
une drague de surface, qui nous ramena en nombre considérable
des crustacés, avec des ptéropodes et quelques médusaires.
Dans l'après-midi du 13 septembre, la brise fraichit un peu ; quel-
ques grains accompagnés de grêle, puis de fortes rafales, vinrent
nous avertir que c'en était fini avec les beaux temps.
Dès ce moment, en effet, les coups de vent se succédèrent sans
relâche, menaçant de nous emporter au-delà des deux îles et de tout
compromettre, car il nous eût été bien difficile de la regagner contre
vents et marées, avec la machine insuffisante de la Dives.
Le mercredi 23, après une accalmie, la brise prit subitement une
allure irrégulière ; un banc de brumes persistant dans l’est formait
1 Je dois encore signaler comme espèce nouvelle pour cètte île une belle janthine
très-voisine de la Janthina arabica, Reeve (pl. IL, fig. 8), què nous avons prise entre
l’ilot Barkly et la côte.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 21
à l'horizon une énorme tache fixe, se détachant en noir épais sur le
ciel nuageux. A cet indice, nous apprenions que notre but allait
être bientôt atteint; les feux étaient alors poussés activement, et
vers midi, à travers une éclaircie dans la brune, nous découvrions l’île
Saint-Paul droit devant nous.
À mesure que nous approchions, sa silhouette indécise se déga-
geait de plus en plus ; nous distinguions d’abord sa forme surbaissée,
puis ses falaises noires, les coulées de laves qui couvrent ses pentes et
les cônes réguliers de scories qui s’en détachent. Des troupes innom-
brables de pétrels venaient nous reconnaître, en poussant leurs cris
aigus, et tourbillonnaient autour de nous. Enfin, après avoir doublé la
pointe nord, la Dives arrivait au mouillage et laissait tomber l'ancre
par 28 mètres de fond, devant les hautes et sombres falaises qui
dominent au nord-ouest l’entrée du cratère.
Rien ne saurait donner une idée du sauvage tableau que nous
avions alors sous les yeux : le temps était tout à fait menacant, et la
mer soulevée brisait avec violence. Deux falaises noires, compléte-
ment à pic sur plus de 200 mètres de hauteur, se dressaient devant
nous, laissant entre elles un large espace, une échancrure profonde
dans le fond de laquelle on distinguait, de temps en temps, au travers
des nuages, les parois intérieures du cratère, remarquablement
abruptes.
Entre ces deux falaises s'étend le cordon de galets, autrefois con-
ünu, qu'un coup de mer violent a depuis longtemps bouleversé,
ouvrant ainsi en son milieu une passe étroite qui met maintenant en
communication directe le bassin intérieur avec la haute mer. Mais
les vagues déferlaient avec rage dans cette passe, que les embar-
cations légères seules peuvent franchir ; il était donc impossible de
songer à débarquer. Une énorme frégate anglaise, la Megæra, échouée
en travers dans cet étroit chenal, venait encore en défendre l'entrée,
et des épaves de toute nature, couvrantles deux jetées, semblaient nous
indiquer le sort réservé aux navigateurs téméraires qui se hasardent
dans ces parages inhospitaliers ; c’étaient là de sinistres présages.
Le lendemain, au point du jour, la passe étant devenue praticable,
notre commandant put franchir la barre entre deux lames; il vint
débarquer au pied de la falaise nord et détermina l'emplacement de
son futur observatoire. Le débarquement commença aussitôt avec
une fiévreuse activité, à l’aide des embarcations du bord et de celles
provenant des bâtiments naufragés, qui avaient été trouvées en bon
22 CH. VÉLAIN.
état sur l'île. Déjà une partie des vivres et du matériel astronomique
avait été portée à terre à travers mille difficultés, quand le 25 un coup
de vent se déclare et met notre bâtiment en péril ; une première ancre
cède dans la matinée. |
Le lendemain 26, la tempête redouble ; toute communicationavec la
terre devient impossible. La mer, qui la veille était très-forte, se couvre
d’écume et semble aplanie sous les rafales. La Dives, mouillée sur
deux ancres, résiste encore au vent, mais dans la nuit deux fortes
secousses, ressenties à un quart d'heure de distance, nous avertissent
de la rupture des chaînes ; le bâtiment tombait immédiatement en
dérive, perdait l’abri de l'île en quelques minutes, et nous devenions
le jouet des vagues, par la plus effroyable des tempêtes.
Les journées du 26 et du 27 se passèrent dans des transes terribles ;
le 28 le temps parut s'améliorer, mais la mer était toujours énorme.
Profitant de cette légère accalmie, notre commandant fit pousser les
feux et virer de bord pour regagner le mouillage, à l’aide 'd’un lou-
voyage serré, à la voile et à la vapeur. Alors ce fut une lutte terrible.
La Dives, avec son hélice mutilée et son gouvernail cassé, fatiguait
horriblement. Les lames envahissaient le faux pont, noyant les ani-
maux que nous devions débarquer à Saint-Paul pour notre appro-
visionnement, et les coups de roulis, atteignant leur amplitude ex-
trème, amenaient, de chaque bord, les vergues dans la mer.
‘nfin le 30 septembre à une heure nous apercevions de nouveau
l’île, que nous avions cru un instant perdue, et le lendemain à neuf
heures du matin {a Dives mouillait sa dernière ancre devant le Nine-Pin.
Un changement notable s'était fait dans la passe pendant notre ab-
sence forcée ; la Megæra, soulevée par les lames, avait été rejetée
dans le cratère, où elle s'était engloutie en partie; on n’apercevait
plus que ses bastingages de bâbord derrière, émergeant à peine au-
dessus de l’eau.
L'entrée n’en était donc que plus praticable ; aussi toutes les em-
barcations chargées de colis furent mises à la mer ; le débarquement
reprit avec une fiévreuse activité, et le lendemain tout était à terre.
Les lourdes caisses d'instruments el de vivres, les barriques de biscuit,
la machine distillatoire, le matériel de campement, tout était entassé
pêle-mêle au milieu des galets sur la jetée du Nord, et ce fut heu-
reux, Car le lendemain un nouveau coup de vent forçait encore la
Dives à quitter le mouillage et la jetait loin de notre île. Son ab-
sence fut de courte durée cette fois ; deux jours après, le 4, elle
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 23
revenait pour compléter le débarquement, puis levait l'ancre une
dernière fois et disparaissait avant la nuit, nous laissant ainsi livrés
pour trois mois à nos propres ressources ; Car elle retournait alors à
la Réunion pour réparer ses avaries, et ne devait venir nous chercher
qu'en décembre, après l’observation du phénomène.
C'est sous la pluie et la grêle, au milieu des coups de vent qui
parfois nous empêchaient de nous tenir debout, qu'il nous fallut con-
struire avec les débris des navires naufragés les premiers abris né-
cessaires. Tout le monde sans exception se mit avec ardeur à la
tâche, et bientôt les constructions grossières dues aux pêcheurs et
aux naufragés qui nous avaient précédés sur l’île, mais que les vents
avaient en partie détruites, étaient réparées, couvertes de toiles et
convenablement aménagées.
Les quatre cents hommes composani l’équipage de la Megæra, qu'un
naufrage avait jetée sur l’île en juin 1871, avaient dû y séjourner
trois mois avant de pouvoir être secourus. Ils en étaient parts alors
bien précipitamment, car de tous les côtés, sur le revers intérieur des
falaises, gisait pêle-mêle, et dans un état imdescriptble, tout ce que
les pêcheurs n'avaient pu enlever de la cargaison, du gréement et de
l'armement du navire. C'était l’image d’un pillage absolu : rien n’avait
dû être sauvé dans ce grand désastre. Les débris du bâtiment, dé-
tachés par le vent et la mer, entraînés par les courants, s'étaient ac-
cumulés au fond du cratère: cet entassement de bois et de ferrures
fut une de nos plus précieuses ressources.
Dans la première reconnaissance que nous avions faite de lile
Saint-Paul, le 24 septembre, nous avions vu de suite tout le parti
quil était possible de tirer du matériel considérable abandonné là
par les naufragés, et, choisissant, pour installer notre laboratoire, une
vaste construction en assez bon état, située à mi-côte sur le revers de
la haute falaise du nord-ouest, notre principale préoccupation fut tout
d’abord d'en faire un magasin, en réunissant tout ce qui pouvait nous
être de quelque utilité. Pendant toute la journée l'ile fut donc
fouillée dans tous les sens, et vers le soir, quand vint l’heure de re-
gagner le bord, nous avions entassé là tout un arsenal : une échelle,
des chaises, des barriques, des coffres de toute espèce; des tables et
des bancs d'équipage, deux petites bibliothèques, ou du moins ce
qu'il en restait, enfin et surtout des caillebottis et de nombreux
panneaux. Le lendemain nous avions refait la toiture et redressé tout
un côté ; c'était une besogne dont nous avions le droit d’être fiers,
24 CH. VÉLAIN.
car, pour des ouvriers inhabiles, les réparations à faire à la toiture
présentaient assurément de grandes difficultés. |
Hélas ! tout ce premier travail devait être anéanti. A notre retour,
après la tempête que l’on sait, le vent avait fait son œuvre destruc-
tive ; de notre toiture, il ne restait plus traces, nos réserves mêmes
n'avaient pas été épargnées et se trouvaient complétement disper-
sées; quatre tronçons de mâts croisés deux par deux, avec une
grande vergue jetée en travers, formant comme un chevalet gigan-
tesque, indiquaient seuls la place de la construction qui nous avait
tant séduits et qui nous avait déjà coûté tant de peines.
Il fallut donc se remettre à l’œuvre : nous le fimes avec ardeur, et
tandis que, sur la jetée du Nord, les matelots édifiaient à grand’'peine
les cabanes destinées à recevoir les instruments astronomiques,
nos coups de marteau retentissaient joyeux et précipités, au fond
du cratère. Aussi, en moins de quinze jours, nous étions en pos-
session d’un vaste local qui, peut-être, manquait d'élégance, mais
qui était bien approprié pour nos recherches spéciales.
Construit tout en planches, il est vrai, mais suffisamment solide
et calfaté avec soin, notre laboratoire d'histoire naturelle se com-
posait d’une grande pièce rectangulaire longue de 20 mètres environ
sur 40 mètres de large, d’une petite soupente sur un des côtés,qui de-
vait nous servir de magasin pour les caisses et les objets encombrants.
À gauche, en entrant, se trouvait l'emplacement où M. Lantz de-
vait préparer l'immense collection de peaux d'oiseaux et d’otaries
qu'il destinait à la Réunion. Plus loin les presses et les tables de
M. de l'Isle ; en face, sur le côté exposé à l’est, que nous avions eu
le soin de vitrer dans toute sa longueur, courait une longue rangée
de tables réservées, à l'entrée, pour le classement et l’arrangement
général des collections, et supportant ensuite des aquariums ali-
mentés par un réservoir d’eau de mer placé en dehors; enfin nos
deux microscopes avaient une place d'honneur, bien exposée, au
centre ; c'était aussi celle qu’occupait le docteur Rochefort. Un petit
laboratoire de chimie venait ensuite, puis des rayons en grand
nombre, disposés pour recevoir les collections de géologie. Enfin
dans le fond on retrouvait, avec des casiers, une grande table et la
bibliothèque. Nos réserves d'alcool (deux barriques) étaient placées
à l'entrée sous les tables : au-dessus de nos têtes, les cadres des lits
des officiers de la Megæra, suspendus solidement et disposés en deux
séries, formaient comme une sorte de grenier où vinrent s'emmaga-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 25
siner el sécher les peaux d'oiseaux et les collections de plantes. Bien
des perfectionnements y furent introduits par la suite, mais l’essen-
tiel était fait ; aussi, dès la seconde quinzaine d'octobre, chacun de
nous commençait ses études et ses collections.
TITI. L'ILE SAINT-PAUL.
1° Description zoologique.
Saint-Paul est une île essentiellement volcanique. Sa forme, tout
à fait caractéristique, l'avait indiqué depuis longtemps, car bien avant
les descriptions si précises de M. de Hochstetter, dont j'ai parlé en
commençant, on la regardait déjà comme le type de toutes ces îles
volcaniques dont le cratère se trouve envahi par les eaux marines :
Santorin dans l’Archipel grec, l’île de la Déception dans les New-
South-Shetland, l’île de Palma, Barren-Island, etc. Elle se présente
sous deux aspects bien différents suivant qu’on l’aborde par le sud-
ouest ou par le nord-est, Dans la première de ces deux directions, elle
apparait comme une terre assez surbaissée, courant du nord-ouest au
sud-est, arrondie à chacune de ses extrémités et terminée à sa partie su-
périeure par une arête rectiligne, de telle façon que, vue de loin, elle
représente assez bien un gigantesque tronc de cône très-étalé. Dans
le bas, en s'approchant, on distingue une ceinture de falaises noires,
très-uniformes, contre lesquelles la mer brise sans cesse : l’île est
inabordable de ce côté. Rien de semblable sur le revers opposé : là,
en effet, deux grandes falaises triangulaires, complétement à pic sur
toute leur hauteur, courent à la rencontre l’une de l’autre, et laissent
entre elles une échancrure étroite au travers de laquelle on aperçoit
un vaste bassin circulaire, entouré par des murailles de 200 mètres
de haut. C’est là un ancien cratère de volcan, dans lequel la mer a
pénétré par suite d’une large brèche qui s’est ouverte dans sa paroi,
vers le nord-est.
Sa forme générale est si particulière, que toutes les cartes publiées,
même les plus anciennes et les plus imparfaites, en donnent une idée
exacte. On peut se la représenter suffisamment en imaginant un
triangle isocèle, traversé en son milieu par un cercle d’un rayon de
600 mètres, inscrit tangentiellement à la base. Elle ne s'élève guère
que de 250 mètres en moyenne au-dessus de l’eau, et son contour
extérieur n’a pas plus de 5 milles marins. Ses dimensions sont donc
26 CH. VÉLAIN.
bien restreintes, par rapport à l'immense étendue des eaux qui l’en-
tourent.
Livré maintenant sans défense à l’action destructive d'une mer
sans cesse agitée, ce rocher isolé est assurément destiné à dispa-
raître, si les forces éruptives qui l'ont fait surgir ainsi, au milieu
d’un vaste océan, ne se remettent en jeu. Chaque année, en effet,
pendant la mauvaise saison, de mars à novembre, les grandes lames
qui, soulevées et poussées par les vents, se propagent en toute liberté
au travers des 2 000 lieues qui séparent l'Afrique et l'Australie, ne
rencontrant que cet ilot comme obstacle, viennent déferler contre
lui avec une violence inouïe et leurs effets ne sauraient mieux se
comparer qu'à ceux d’une formidable artillerie. Sous ces efforts ré-
pétés, les longues alternances de laves et de scories qui constituent
ses falaises, déjà fissurées dans tous les sens, se dégradent facilement,
et des éboulements considérables se produisent : la forme primitive
de l’île se trouve être ainsi déjà bien modifiée.
Ce devait être autrefois une haute montagne très-étalée, s’élevant
régulièrement du sein de l'Océan profond, et percée à son sommet
d’un vaste cratère qui la traversait pour ainsi dire, de part en part :
son arête supérieure très-régulière, complétement à pic vers l’inté-
rieur, S’abaissait au contraire de tous côtés vers l’extérieur, sous des
pentes de 12 à 15 degrés ; sa base était alors de forme rectangulaire.
Une large fissure qui se produisit, presque suivant une des diagonales
de ce rectangle, du nord-ouest au sud-est, détermina plus tard laf-
faissement de toute la partie du nord-est et l’île prit la forme trian-
gulaire que nous lui connaissons.
Le relief sous-marin, autour de l’île, accuse encore très-nettement
cette forme primitive : en effet, tandis que du nord au sud, en pas-
sant par l’ouest, les grands fonds sont très-rapprochés de terre, on
remarque, au contraire, dans l’est un vaste plateau qui doit son exis-
tence à la partie maintenant affaissée sous les eaux.
Les hautes falaises, taillées à pic, qui terminent brusquement l’île
dans cette direction, doivent être considérées comme la lèvre orien-
tale de cette cassure ; l'enceinte du cratère était encore continue au
moment où elle se produisit, mais l’arête de rochers qui seule pro-
tégeait encore la bouche volcanique contre l’envahissement des flots,
impuissante pour résister aux efforts répétés des vagues, s’effondra
bientôt à son tour, et ses débris emportés et roulés par la mer vin-
rent s’accumuler en travers de l’échancrure ainsi formée. Les forces
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. ar
volcaniques ne s’y traduisaient plus déjà à cette époque que par des
sources thermales que nous avons tout lieu de supposer plus abon-
dantes que celles qui sont encore si nombreuses à l'époque actuelle,
et ce cratère, que remplissaient autrefois seules les laves incandes-
centes, devait alors donner l'image d’un lac profond et tranquille,
sans communication directe avec la mer : c’est là, du moins, ce que
laissent à penser les descriptions des anciens navigateurs qui du dix-
septième au dix-huitième siècle, ainsi que nous l'avons déjà dit, vin-
rent souvent atterrir sur l’île. L'un d’eux, Godlob Silo, par exemple,
en 1754, après avoir décrit, entre les deux falaises qui bordent
l'échancrure, une digue formée de galets et de blocs accumulés,
large de 60 pas, haute de plus de 25 pieds, mentionne au delà un
lac d’eau saumätre, rempli de poissons. Cette existence d’une grande
digue continue, séparant complétement l’intérieur du cratère de la
mer qui l'entoure, avait été du reste affirmée plus d’un siècle aupa-
ravant par van Vlaming, qui fut obligé de faire passer ses embarca-
tions par dessus, pour pouvoir explorer un lac intérieur, dont la
merveilleuse beauté l'avait séduit.
Plus tard, vers 1780, un coup de vent d'une extrème violence, sou-
levant la mer, rompit la digue en son point le plus faible et, rejetant
les galets dans l’intérieur du cratère, mit ainsi en communication le
lac avec l'extérieur. Depuis l’époque oùelle s’est ainsi produite, cette
passe ne semble pas s'être modifiée : sa profondeur est toujours restée
la même, et les courants violents qui s’y produisent au moment du
flux et du reflux semblent impuissants pour la creuser davantage.
Tous les sondages, même les plus anciens, y accusent en effet iInva-
riablement la même profondeur, c’est-à-dire moins d’un mètre aux
basses eaux.
Mais il n’en est pas de même pour les falaises qui limitent cette ou-
verture, car elles se dégradent sans cesse et la distance qui la sépare
s'augmente annuellement. Nous avons été témoins pendant notre sé-
jour des éboulements nombreux qui s’y produisent par les gros temps,
et qui permettent de prévoir que, dans un avenir plus ou moins éloi-
gné, ses pointes étant abattues, l’île prendra la forme d’une sorte de
fer à cheval ouvert à l’est : puis, le travail de désagrégation et de dé-
mantèlement s'accentuant de plus en plus, il ne restera plus que des
débris informes de cette cavité si vaste, si régulière, et l'île, n'étant
plus représentée que par un rocher inaccessible, reviendra ainsi à sa
forme primitive jusqu’à ce que ce dernier témoin disparaisse à son tour.
28 | CH. VÉLAIN.
L'histoire géologique de ce volcan nous le montre, en effet, émer-
geant d’abord, à la suite de violentes éruptions sous-marines, sous
forme d’une montagne trachytique irrégulière que viennent bientôt
recouvrir des ponces et de nombreuses projections; puis ce premier
massif s’est entr'ouvert et des filons de dolérite sont arrivés au jour ;
enfin, des laves apparaissant, l’île prit l'aspect cratériforme qu'elle a
conservé. Telles sont les phases qui se sont succédé, pour constituer
tout ce massif dont l’origine n’est pas très-ancienne.
M. de Hochstetter (op. ctf., p. 54) n’a pas manqué de mentionner
tout l’intérêt que présente, à ce point de vue, l'étude des falaises qui
se développent dans le nord-est en face de cet îlot isolé, qu’on nomme
le Nine-Pin. Là seulement on peut voir dans leur ordre de succession
tous les produits de ce centre éruptif. C’est dans le nord de la petite
baie, où viennent en foule accoster les manchots, et, plus loin, dans
une suite de petites criques d’accès difficile, même par les temps
calmes, à cause du ressac continuel, que se trouvent les roches les
plus anciennes, celles qui ont marqué le début des éruptions, et qu’on
peut appeler, en quelque sorte, fondamentales. Ces roches sont de
nature trachytique; ce sont des rhyolithes grisâtres ou de couleurs
claires, à texture compacte, absolument adélogènes, qui tantôt se
présentent en masses énormes irrégulières, sans délit apparent, et
tantôt prennent, au contraire, une disposition zonée, une structure
schisteuse telle, qu’au premier abord on serait tenté de leur attribuer
une otigine exclusivement sédimentaire. L'analyse microscopique y
décèle, au milieu d’une pâte amorphe très-développée, quelques
cristaux clair-semés de feldspath et de pyroxène, avec de la silice
libre, amorphe (opale) ou cristallisée (tridymite), en proportion
notable. Ces roches, très-siliceuses, épanchées en grande partie sous
les eaux, portent maintenant la trace d’altérations énergiques qui se
sont faites, non-seulement au moment de leur émission, mais même
depuis leur solidification complète, car elles ont été traversées dans
tous les sens, depuis leur formation, et par des émanations gazeuses
qui se sont fait jour à travers de nombreuses fissures, et par des sources
geysériennes, dont le principal effet a été d'augmenter encore, dans
une proportion considérable, leur teneur en silice ; si bien que, sur les
parois des conduits véritables qui ont livré passage à tous ces dégage-
ments, la roche trachytique a fait place à un véritable silex molaire
compacte ou légèrement caverneux, tous les alcalis ayant compléte-
ment disparu.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 29
Ces rhyolithes, grâce à des oxydations multiples, se teintent par-
fois des couleurs les plus vives, variant du jaune pur au rouge vif;
elles affleurent sur tout le littoral, depuis l'extrémité de la baie des
Manchots jusqu'au grand éboulis du Nord, c’est-à-dire sur une lon-
sueur de 700 à 800 mètres. Les galets, les sables des plages, au pied
de leurs affleurements, sont presque uniquement formés de leurs
débris ; elles donnent également lieu en mer à ces petits îlots isolés,
très-rapprochés de terre, qu’on nomme les îlots du Milieu, mais nulle
part ailleurs on ne les voit en place.
Ces roches ainsi cantonnées s'élèvent peu dans les falaises, dont
elles ne forment pour ainsi dire que la base ; à une hauteur moyenne
de 10 à15 mètres, on les voit recouvertes par des amas ponceux, aux-
quels succèdent, sur une épaisseur considérable, des couches de
trass feldspathiques pulvérulents d’un blanc éclatant quand ils sont
intacts, mais nuancCés le plus souvent de couleurs bariolées. Là encore
les altérations que je viens de signaler se retrouvent très-profondes,
très-manifestes, surtout dans les parties supérieures. La roche tufa-
cée, qui, primitivement, était incohérente, onctueuse, douce au tou-
cher, devient par places rude, résistante et passe, par des variétés
compactes, à de véritables silex zonés à cassures conchoïdes, dans les-
quels on peut encore retrouver les lignes de stratification des trass.
Ce sont là au premier chef des produits d’éruptions sous-marines.
Ainsi, autour des dykes de rhyolithes qui avaient surgi du fond de
l'Océan, et qui émergeaient à peine, des projections de matériaux
pulvérulents s’effectuaient lentement, sans violence, et s’étalaient en
nappes continues au-dessus de ces îlots primitifs qu'elles finissaient
par recouvrir.
Puis les projections devinrent tumultueuses et changèrent alors de
nature : aux trass blancs succédèrent de nouveaux tufs ponceux,
différant des précédents et se présentant sous forme de conglomérats,
où les fragments de ponces se trouvent être accompagnés de boules
d’obsidienne (marékanite et perlite) et de fragments plus ou moins
volumineux des roches primitivement formées, rhyolithes et trass
silicifiés. Ces tufs forment maintenant tout le fond de la baie des Man-
chots ; on les voit là, sur une épaisseur de 40 à 50 mètres, donner lieu
à une longue série de couches régulièrement stratifiées, adossées
contre les rhyolithes et s’inclinant vers le sud-est sous un angle qui
varie de 40 à 25 degrés. Quant aux trass, ils forment pour ainsi à eux
seuls la plus grande partie de l’abrupte des falaises qui font face aux
30 CH. VÉLAIN.
îlots du Milieu, et leur accès n’est pas facile; c'est seulement par les
sommets qu'on peut les atteindre, en s’exposant toutefois aux plus
graves dangers, car ces roches friables, taillées à pie, s’éboulent
à chaque instant et l'abrupte n'a pas moins de 100 mètres de hauteur.
Ces roches, riches en acide silicique, et dans lesquelles les éléments
feldspathiques dominants se trouvent être la Sanidine et V'Albite,
c’est-à-dire ceux qui de tous les feldspaths sont eux-mêmes les plus
siliceux, constituent à elles seules ce qu’on peut appeler le massif
ancien de l’île. Toutes les roches éruptives qui se sont fait jour
ensuite, sont de nature et de composition très-différentes ; ce sont
des roches basiques, dans lesquelles dominent des feldspaths cal-
ciques (labrador et anorthite).
La première d’entre elles se trouve être une dolérite très-cristal-
line, qui paraît s'être fait jour au travers de larges fissures qu'elle
a remplies, mais sans s'étendre beaucoup au delà. Elle forme main-
tenant, au travers des tufs ponceux de la baie des Manchots, deux
dykes remarquables, larges de 10 à 12 mètres, qui traversent la falaise
de part en part, du nord-est au sud-ouest, et se retrouvent dans l'in-
térieur du cratère, au bas des escarpements, depuis les établisse-
ments de pêche jusqu'aux espaces chauds dont nous parlerons tout
à l’heure.
Cette éruption particulière, qui a marqué ainsi le début d’une nou-
velle phase éruptive, a été accompagnée, puis suivie par de nom-
breuses projections, qui se sont accumulées au-dessus des tufs pon-
ceux précédemment cités, en donnant lieu à des tufs compactes,
argiloïdes, généralement verdâtres, disposés en couches épaisses de
plusieurs mètres, où se rencontrent des fragments souvent assez volu-
mineux de dolérite.
Mais toutes ces éruptions se faisaient encore en grande partie sous
les eaux; de nouvelles projections de matériaux meubles, lapilli,
cendres et scories, en s’'amoncelant autour de leur orifice de sortie qui
devint peu à peu subaérien, édifièrent ensuite un monticule conique
que terminait une dépression cratériforme, et de véritables coulées
de lave apparurent pour la première fois. C’est alors que commence
la grande phase d'activité du volcan : l'appareil était, au début, peu
élevé au-dessus de l’eau, et les flots de temps à autre s’engouffraient
encore dans le cratère; mais les éruptions, en se succédant fréquem-
ment, l'exhaussaient peu à peu et bientôt empêchaient toute commu-
nication directe avec la mer. En même temps la cavité centrale s’a-
ms
. LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 31
grandissait et atteignait les dimensions que nous lui connaissons
actuellement. La lave incandescente devait alors la remplir compléte-
ment : elle venait de temps à autre se déverser tranquillement à l’ex-
térieur, couvrant ainsi les pentes du cratère d’une nappe continue et
uniforme.
Tels sont les derniers phénomènes qui, se succédant avec une
extrème régularité pendant de longues années, donnèrent à l’île son
relief actuel. |
Les laves qui se sont épanchées, durant toute cette période,
sans projections violentes, sans dégagements tumultueux de gaz,
ainsi que l’attestent la forme et la nature des coulées, n'ont pas tou-
jours conservé la même composition. Des influences particulières ont
amené des modifications profondes dans la composition du magma
fondu sous-jacent, et les produits épanchés témoignent de ces varia-
tions. C’est ainsi que l’élément feldspathique dominant, après avoir
été l’anorthite, a été ensuite remplacé par le labrador. Ces deux laves
extrêmes, qui sont les unes, celles à anorthite, les plus anciennes, et
les autres, celles à labrador, les plus récentes, ont à peu près les
mêmes caractères physiques. Toutes deux, en effet, donnent lieu à
des roches grisâtres, criblées de vacuoles, à ce point qu’elles prennent
souvent un aspect spongieux et se présentent rarement en coulées
compactes. Les premières se voient dans les hautes falaises du
nord, directement au-dessus des dolérites et des roches qui com-
posent le massif ancien ; de là elles passent en écharpe dans les fa-
laises intérieures du cratère, en s’abaissant sensiblement vers le sud-
est, où elles affleurent au niveau de la mer ; elles y sont souvent
masquées par les éboulis et par la végétation. Les secondes occupent
toujours le haut des escarpements, soit du cratère, soit des falaises
extérieures, et recouvrent ainsi toute l'ile d’un manteau uniforme.
Elles sont en général plus cristallisées et de couleur plus claire que les
précédentes ; les cristaux de feldspath y sont de grande dimension
et atteignent souvent 0,04 à 0,05 de côté; on y distingue en outre des
péridots altérés qui donnent à certaines parties de la roche un aspect
tout à fait irisé.
Les laves à labrador, telles que je viens de les définir, n’ont pas
directement succédé, et sans transition, aux laves à anorthite; entre
les deux, on remarque des coulées nombreuses et puissantes de laves
noires, Compactes, fortement magnétiques, et d’une grande densité,
qui occupent ainsi la partie moyenne des parois intérieures du cra-
32 CH. VÉLAIN.
tère et se retrouvent à la base des falaises à l'extérieur. Ces laves, qui
représentent une phase bien distincte dans la période d'activité dn
volcan, sont encore à base de labrador et d’augite ; elles ont la com-
position habituelle des roches basaltiques et prennent, quand elles
sont en coulées épaisses, leur mode de division prismatique. A la base
du Nine-Pin Rock, on peut en voir un exemple ; mais ces colonnades
basaltiques sont encore beaucoup plus nettes dans l’ilot du Nord, qui
appartient tout entier à une de ces coulées, aujourd’hui démantelée.
Fic, 2. — L'ilot du Nord.
C’est encore aux plus compactes de ces laves qu'il faut rapporter
les rochers pittoresques, aux formes élancées, qui se dressent isolés,
près de la pointe Hutchison, dans le sud-est, el sous la pointe des
Phoques à l’autre extrémité de l'ile. Leurs coulées résistantes et
tenaces pouvaient seules fournir des aiguilles aussi découpées, ca-
pables de braver les violences d’une mer sans cesse agitée.
Avec les laves basaltiques apparurent, sur les pentes extérieures,
des cônes de scories, sortes de petits volcans adventifs d'où sortirent,
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 33
avec de nombreuses projections scoriacées, quelques coulées lavi-
ques peu étendues. Ges foyers secondaires, aujourd’hui compléte-
ment inactifs, et qui se voient, les uns isolés et rejetés pour ainsi
dire à chacune des extrémités de l’île, les autres disposés en ligne
continue sur le pourtour du volcan principal, fonctionnèrent et s’ac-
crurent pendant tout le reste de la période active, et peut-être même
longtemps après ; les documents historiques nous indiquent, en effet,
que ces centres éruptüfs n'étaient pas encore refroidis, alors que le
cratère principal, éteint depuis longtemps, avait déjà revêtu sa
forme actuelle. Ainsi, quand lord Macartney, s’en allant en Chine,
vint toucher à Saint-Paul en 1793, les quatre cônes de la pointe Ouest
donnaient encore des symptômes de chaleur, des vapeurs s’en déga-
geaient de toutes parts et le docteur Gillian, médecin de l'expédition,
raconte qu'il était impossible d'y tenir le pied. Rien de semblable
aujourd’hui, et tous les dégagements de vapeurs signalés, non-seule-
ment vers ces cônes, mais dans beaucoup d’autres points, par de nom-
breux navigateurs, n’existent plus maintenant que dans l’intérieur du
cratère.
Après avoir suivi une marche régulière, l’action volcanique s'était
ralentie ; les éruptions, longtemps continues, s'interrompaient et ne
se manifestaient qu'après de longues périodes de repos; le volcan
allait en s’épuisant graduellement. Puis les laves restèrent définitive-
ment refroidies au fond du cratère, et des émanations gazeuses abon-
dantes, avec des eaux geysériennes, témoignèrent seules d’une acti-
vité à son déclin. C’est à cet état de solfatare, qui sert de tran-
sition à l'inactivité complète, qu'on doit rapporter toutes les
altérations si nombreuses qui se sont produites dans les diverses roches
de ce massif volcanique, et notamment tous les dépôts de silice qui,
sous forme de calcédoine ou d’opale, sont si abondants, soit dans le
cratère même, soit dans les deux grandes falaises du nord-est. Les
laves, dans tous les points où se sont faits les dégagements, ont été
profondément altérées, kaolinisées par places, silicifiées dans d’au-
tres. Tous ces phénomènes, qui paraissent en voie de ralentissement
graduel, n’ont pas encore cessé tout à fait. Ils semblent s'être loca-
lisés dans l’intérieur même du cratère, et se manifestent maintenant
encore par des sources thermales et de nombreuses fumerolles.
Les sources thermales se voient exclusivement au bas des escarpe-
ments, dans le nord, à partir de la jetée, et se font jour entre les
ARCH, DE ZOOI. EXP, ET GÉN.=T, vI, 1877, 3
34 CH. VÉLAIN.
galets et les éboulis du rivage, un peu au-dessous du niveau du ba-
lancement des marées : elles ne peuvent donc s’observer facilement
qu'à mer basse. Leurs eaux, qui sont plus ou moins abondantes,
sont fortement alcalines et ferrugineuses, elles sont en même temps
gazeuzes, car des torrents d'acide carbonique et d’azote avec de la
vapeur d’eau s’en dégagent constamment.
Les proportions relatives de ces différents gaz, et surtout la tem-
pérature, varient avec chacune d'elles. Ainsi les eaux qui sourdent
du milieu des sables, entre les roches du littoral, au fond du cratère,
sont traversées par de véritables courants d’azote, et leur tempéra-
ture avoisine 400 degrés, tandis que sur le revers opposé du cratère,
à l'angle de la jetée du Sud, d’autres sources tout aussi abondantes,
mais moins chaudes (78 à 80 degrés), sont accompagnées d'acide car-
bonique gazeux. Fr
Leur composition est aussi loin d'être fixe, il en est une, par
exemple, qui dans l'Ouest, non loin de celle que les pêcheurs ont
aménagée pour pouvoir y prendre des bains, est à peine minéralisée
et devient potable, tandis que les autres contiennent jusqu’à
20 grammes d'éléments salins (chlorures de sodium, de magnésium,
de calcium ; sulfate de soude...) par litre.
Ces sources résultent évidemment de la pénétration des eaux ma-
rines dans les profondeurs du massif volcanique : elles reparaissent
au jour par une sorte de distillation naturelle, après avoir acquis une
température élevée et dissous certains principes minéraux.
En outre de ces diverses fumerolles, des dégagements de même
nature, mais peu abondants, s'effectuent encore directement sous
la mer, non-seulement dans l’intérieur du cratère et notamment près
de la jetée du Nord, mais même à l’extérieur, par les fonds de 45 à
20 mètres.
L'ancienne activité volcanique de Saint-Paul ne se borne pas à ces
seules manifestations, il est encore des points où le sol, à la surface,
donne des signes d’une thermalité élevée. A l'angle de la jetée du
Nord, par exemple, autour et même bien loin au-delà des sources
dont je viens de parler, un thermomètre couché sur le sol, entre les
galets, indique rapidement 40 degrés; enfoncé, il atteint successive-
ment 60 et 72 degrés et tout indique que ce n’est pas là une limite,
mais que la température va ainsi en progressant de plus en plus.
J'ignore à quelle profondeur elle reste stationnaire et quelle est
alors sa limite maximum : il était en effet impossible de creuser bien
2
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 35
profondément et je manquais des moyens nécessaires pour entre-
prendre des recherches qui eussent été sans doute d’un puissant in-
térêt. À plus de 4 mètre, la chaleur devenait insupportable à ce
point que la main ne pouvait plus tenir les instruments. La forge et
la boulangerie avaient été établies au-dessous de nos campements,
immédiatement au commencement de la jetée : les marins, en la dé-
gageant des énormes blocs qui l’encombraient, pour rendre plus
facile l'accès de leurs constructions, et surtout aussi celui des cabanes
de l’observatoire qui se dressaient un peu plus loim, furent souvent
obligés de se mouiller les mains et de prendre beaucoup de précau-
tions pour remuer ces roches, à Cause de la température élevée de
celles qui reposaient directement sur le sol.
Cette haute température se retrouve encore dans toute une zoné
itrès-remarquable, large de 200 mètres environ, qui traverse un peu
obliquement les parois intérieures du cratère dans l'Ouest, en s’éle-
vant depuis la mer jusqu’au sommet ; toute cette bande se laisse faci-
lement distinguer, même de loin, à cause dela végétation particulière
qui la recouvre et qui se compose surtout de Sphaignes {Sphagnum
lacteolum) et de Lycopodes (Lycopodium cernuum), dont les colorations
tendres, jaune pâle ou vert glauque tranchent sur le ton sombre
des Graminées et des Cypéracées qui tapissent le cratère aux alen-
tours.
Ces plantes, qui sont exclusivement cantonnées dans ces espaces
chauds, y forment, soit au-dessus des roches éboulées sur la pente
dans le bas de la falaise, soit et surtout vers le haut, au milieu des
escarpements verticaux, qui rendent le sommet du cratère absolu-
ment inaccessible, des tapis épais, au travers desquels s’échappent et
disullent les vapeurs qui de partout se dégagent du sol sous-jacent.
Malheur à qui s’aventurerait sur ces manteaux de mousse, car ils
n offrent aucune résistance, et sous ces tapis trompeurs, suspendus
pour ainsi dire au-dessus des rochers, la température s’élève à 50 et
60 degrés. Le sol argileux sous-jacent est lui-même sans consistance,
et cède sous la moindre pression ; une tige de fer s’y enfonce avec la
plus grande facilité et acquiert alors une température telle, qu'on
éprouve en la touchant une vive sensation de brûlure. De distance
en distance quelques orifices béants laissent échapper des jets de
vapeurs chaudes, et tout autour la végétation est absolument déco-
lorée et flétrie. |
Dans le bas du cratère, à quelques mètres au-dessus du niveau de
36 CH. VÉLAIN.
la mer, on peut facilement aborder cette bande chaude par son ex-
trémité inférieure. Le sol, formé d’une argile molle, bariolée, résul-
tant d'une décomposition complète des roches du voisinage, et tout
imprégné de silice gélatineuse dans les points où s'effectuent les
dégagements, résiste suffisamment pour qu'on puisse y marcher,
sans Courir le risque d’enfoncer, mais on ne peut cependant tenir
longtemps à la même place. Un thermomètre enfoncé y atteint rapi-
dement le point d’ébullition de l’eau et semble s’y maintenir. Cette
température n’est cependant pas fixe : j'ai constaté que, dans cer-
taines conditions particulières, elle pouvait dépasser 212 degrés.
Le moindre coup de pioche occasionne immédiatement un jet de
vapeurs brülantes, qui se dégagent souvent avec bruit et se compo-
sent surtout de vapeur d’eau, entraînant de notables proportions
d'acide carbonique avec un peu d’azote.
Anciennement cette bande, qui se trouve aujourd’hui limitée au
revers intérieur du cratère, était plus étendue. M. de Hochstetter,
en 1857, la décrit comme serpentant à travers le plateau supérieur
de l’île, vers le nord-nord-ouest; en faisant même remarquer que tout
le revers ouest de ce plateau présentait ainsi des traces manifestes
de chaleur, « comme si les torrents de lave sous-jacents n’étaient pas
encore refroidis, » et il ajoute que « la chaleur se fait surtout sentir
vers le bord ouest de la partie est du plateau sur des pentes de 20 à
25 degrés », en prenant soin de dire qu'il faut bien se garder d’y
poser le pied, car le sol enfonce à chaque instant et la température,
à quelques centimètres de profondeur, atteint déjà 109 degrés. Nous
n’avons plus rien trouvé de semblable en 4874; des Sphaignes et des
Lycopodes indiquaient seuls la place de ces anciens espaces chauds,
que l’on pouvait traverser impunément : le sol, sous ces mousses,
était toujours humide ; dans quelques points très-clair-semés, le ther-
momètre accusait parfois quelques degrés au-dessus de la tempéra-
ture ambiante, des vapeurs d’eau s’y faisaient encore Jour, mais len-
tement et d’une façon intermittente.
De tous ces faits et de beaucoup d’autres, qu'il serait, sans doute,
trop long d’énumérer ici, il résulte que l’île est en voie de refroidis-
sement graduel, et tout porte à croire que peu à peu tous ces phéno-
mènes de chaleur, toutes ces sources thermales, toutes ces émana-
lions gazeuses disparaissant tour à tour, les forces volcaniques, qui
semblent exhaler maintenant leur dernier souffle, s’éteindront défi-
nitivement, Ù
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 37
Pour le moment, ces espaces suréchauffés sont certainement une
des particularités les plus intéressantes de l’étude de Saint-Paul.
Sans parler des observations importantes qu’on peut y faire au point
de vue de la théorie chimique des volcans et du rôle que vient jouer
la mer dans ces grands phénomènes naturels, on peut encore y
trouver quelques exemples curieux de l'influence exercée par les
causes physiques locales sur la distribution relative des animaux et
des plantes à la surface des îles éloignées des continents; c’est ce que
je vais essayer de faire ressortir dans le chapitre qui va suivre.
29 Distribution des espèces animales et végétales à la surface
de l'ile Saint-Paul.
L'ile Saint-Paul, à l'inverse des îles éloignées de la terre ferme,
qui toutes se font remarquer par un nombre souvent considérable de
formes organiques spéciales, ne possède pas de faune terrestre qui
lui soit particulière. Toutes les espèces qui se rencontrent à sa surface
ont été introduites accidentellement ou volontairement par l’homme,
soit par toute autre cause de dissémination, par les oiseaux, les
vents ou les courants..…., et se montrent alors identiques avec des es-
pèces connues et situées dans les régions les plus diverses. C’est là
une conséquence de son isolement, de son peu d’étendue et surtout |
de son peu d'ancienneté. De la description géologique qui précède, il
ressort, en effet, que cette île, d’origine volcanique, s’est édifiée par
suite d'éruptions sous-marines. La date de son apparition n’est pas
très-ancienne : les trass et les tufs ponceux, qui ont marqué le début
de ces éruptions, ne contiennent, sans doute, aucun débris de corps
organisés qui puisse nous fournir quelque indication à cet égard,
mais les roches qui se sont ensuite épanchées de ce centre éruptif,
nous ont apporté, pour ainsi dire en puissance avec elles, l'indication
de leur âge. On peut ainsi affirmer que les Rhyolithes ont dû appa-
raître à la fin de cette période tertiaire, qu’on nomme Wiocène.
L'ile était donc déjà émergée à l’époque pliocène, mais les éruptions
de laves basiques, qui devaient alors s'y manifester d’une façon
presque continue, empêchaient que la vie organique ne püût s’y éta-
blir. Plus tard, quand les coulées, devenues intermittentes, furent sé-
parées par de longs intervalles de repos, quelques graines apportées
par les vents vinrent se fixer à leur surface, qui, décomposée par les
agents atmosphériques, se couvrit d’un sol argileux, sur lequel les
38 CH. VÉLAIN.
plantes prospèrent rapidement. Ces anciennes surfaces terrestres se
voient surtout dans le nord-ouest, vers la pointe nord, où elles alter-
nent avec les dernières coulées des laves à labrador. Elles présentent
quelques lits de tourbe calcinés, dans lesquels les empreintes végé-
tales sont parfois assez nettes pour indiquer que la flore de ces an-
ciens sols se composait d'espèces identiques à celles qui vivent en-
core dans ces mêmes lieux.
Ce qu’on sait maintenant sur la distribution géographique des ani-
maux dans l’hémisphère austral, laisse à penser que toutes les îles
qui se voient dans l’océan Indien, entre Madagascar et la Nouvelle-
Zélande, peuvent être considérées comme les points culminants d’un
continent très-étendu, ou mieux, d’un groupe de grandes îles aujour-
d'hui submergées, par suite d’un affaissement récent du sol. Cette
hypothèse d’une communication terrestre, qui aurait existé ancien-
nement entre des points séparés aujourd'hui par de grandes étendues
d’eau, se trouve encore appuyée par les découvertes fréquentes, soit
aux îles Mascareignes, soit à la Nouvelle-Zélande, d’ossements nom-
breux indiquant, aux deux extrémités de la région océanique dont
nous parlons, toute une faune de grands oiseaux, aujourd’hui dis-
parus. Il était donc naturel de rechercher si les îles Saint-Paul et
Amsterdam avaient été en connexion avec ces terres antarctiques an-
ciennes ; aussi M. Milne-Edwards, doyen de la Faculté des sciences,
dans des instructions rédigées pour les naturalistes qui devaient
accompagner les expéditions astronomiques envoyées dans les mers
du Sud, eut-il le soin d’insister sur l’intérêt que présenterait la décou-
verte de témoignages de ce genre dans l’une ou l’autre de ces deux
îles, en recommandant d'explorer attentivement le sol tourbeux, dont
on les savait recouvertes. ;
C’est ce que nous n’avons pas manqué de faire, d’après ces indica-
tions, mais malgré des fouilles nombreuses, aussi bien sur Saint-
Paul que sur Amsterdam, nous n'avons pas trouvé un seul débris,
pouvant se rapporter à ces faunes anciennes. Au sommet du cratère
de l’île Saint-Paul, et sur les pentes extérieures, les tourbes superti-
cielles, surtout dans de petites cavernes creusées sous les laves, con-
tenaient souvent des ossements nombreux d'oiseaux, de chèvres ou
de pores, mais qui tous appartenaient à des espèces actuelles, vivant
encore, pour la plupart, aujourd’hui sur l’île. Ces faits s'accordent
ainsi avec les précédents pour nous convaincre que l’île a directe-
ment surgi du milieu de l’Océan et qu’elle est entièrement due à
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 39
l’action des forces volcaniques. Nous allons voir que la distribution
des espèces animales et végétales, à sa surface, concorde encore bien
plus avec cette hypothèse qu’avec celle d’une extension continentale ;
l’absence complète de mammifères indigènes et de coquilles terres-
tres en deviendra la preuve la plus directe.
La vie décroît sur les petites îles en raison de leur éloignement des
continents ; il est donc naturel de voir l’île Saint-Paul, qui se trouve
être le point le plus isolé du globe, recouverte d’une végétation mai-
gre et peu variée. La flore ne se compose guère que de végétaux her-
bacés, de Mousses et de Lichens qui se répartissent ainsi : Ombelli-
fères, 4 ; Composées, 1 ; Plantaginées, 2; Cypéracées, 2; Graminées, 6;
Lycopodiacées, 1; Fougères, 2. Les Mousses et les Lichens, beaucoup
plus nombreux, sont représentés par 35 à 40 espèces". Toutes ces
espèces sont loin de se trouver en proportion égale, une Cypéracée,
Isolepsis nodosa, avec deux ou trois Graminées (Poa Novaræ Spar-
tina…), sont seules abondantes et croissent par hautes touffes dis-
tinctes, qui souvent semblent croître chacune, sur un petit monticule
tourbeux particulier, Gette dernière circonstance rend, sur toute la
surface de l’île, la marche extrêmement pénible; le pied n'étant ja-
mais sûr, on n’avance en certains points qu’à la suite d’une série de
chutes, qui, pour n’être pas dangereuses, n'en sont pas moins très-
fatigantes.
A cette liste il faudrait ajouter quelques plantes cultivées, comme
la Pomme de terre (Solanum tuberosum), la Carotte (Daucus carotta),
le Persil (Petroselinum sativum), l'Ache odorante (Apium graveolens),
le Chou (Brassica oleracea), l'Oseille (Æumea acetosella), le Mourron
des oiseaux, qui évidemment introduites par les pêcheurs et semées
par eux dans les jardins entaillés au bas des escarpements, au fond du
cratère, se sont disséminées à peu près dans toute l’île; mais elles y
sont en réalité rares, chétives, comme rabougries et ne jusüfient en
rien cette réputation de fertilité qu’on a faite au sol de l’île Saint-
Paul, dans différents rapports publiés au sujet de la fondation des
établissements de pêche. De 1843 à 1849, au moment où ces établisse-
1 Cette liste diffère notablement de celle donnée par les novaristes, qui n'avaient
signalé à Saint-Paul que 11 Phanérogames, 2 Fougères, 1 Lycopode, 2 Mousses et
4 Lichens. Elle m'a été obligeamment communiquée par M. 3. Poisson, aide-natu-
raliste au Muséum.
40 CH. VÉLAIN.
ments étaient florissants, quelques essais de culture en céréales de-
meurèrent infructueux, et de même les arbres (chênes, pommiers,
müûriers, etc.) qui furent alors plantés, ne purent y résister. En 1857,
le jardinier-botaniste de la frégate la Novara, M. Jellinck, prit soin
de semer sur l’île quelques légumes européens’ avec un certain
nombre d’espèces d’arbres choisies parmi celles qui pouvaient s’ac-
commoder de ce climat marin, comme le Pinus maritima, des Casua-
r'inees, etc., dont les graines furent placées dans différentes eXpOsI-
tions. Toutes ces plantations, qui seraient devenues un rare bienfait
sur l'ile, sont malheureusement restées infructueuses, nous n’en
avons pu trouver traces lors de notre séjour.
Parmi les plantes importées ainsi à dessein et qui ont persisté, le
Chou mérite une mention spéciale; on le trouve abondant sur le
versant extérieur du cratère, dans le haut des falaises, en face des
rochers du Milieu, où il tend à prendre la forme et les dimensions
arborescentes, qui rendent si singulière la même espèce dans l’île
de Jersey.
L'arête supérieure du cratère ne s'élève en moyenne que de
250 mètres au-dessus de l’eau; ce n’est pas là une altitude suffisante
pour que des zones de végétation bien distinctes puissent se produire;
aussi les Graminées et la Cypéracée dont je viens de parler, trouvant
partout les mêmes conditions climatériques et la même nourriture,
puisque la composition du sol superficiel ne varie pas, couvrent aussi
bien les parois à pic des falaises intérieures du cratère que les pentes
de son versant extérieur. Dans cette dernière situation, l'exposition,
surtout vers le sommet, est cependant bien différente, elles y sont
alors plus chétives, constamment courbées sous les vents violents,
qui règnent presque continuellement et se tiennent littéralement
couchées sur le sol. Ce n’est que plus bas, sur le petit plateau faible-
ment incliné qui aboutit aux falaises de la côte, qu’elles reprennent
la station droite et les dimensions qui leur sont habituelles sur le
revers intérieur du cratère. Il importe cependant de signaler quel-
ques stations spéciales, une des fougères, par exemple, Zomaria
alpina, n'habite que les parties élevées; une autre, Phegopteris bives-
Hta, ne se trouve que dans les fentes et les cavernes du sommet, sans
1 Voici les noms des espèces semées : Brassica napus, Brassica oleracea, Brassica
capilata, Brassica rapa alba, Brassica rapa flora, Raphanus sativus, Lepidum sali-
vum, Apium graveolens, Cochlearia officinalis.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. A
doute parce qu’elle y est mieux abritée. Mais ce sont là de vérita-
bles exceptions.
Toutes ces plantes, dépourvues de fleurs colorées, formaient
comme un tapis d’un vert monotone à cause de son uniformité,
elles portent toutes l'empreinte d’une latitude froide. Parmi celles
qui ne sont pas spéciales, les unes sont européennes, comme
l'Holcus lanatus ; d’autres, comme l’Aprèum australe, n'étaient connues
que de Tristan d’Acunha. Il n'en est pas de même dans les espaces
chauds du fond du cratère; la végétation y revêt un caractère tout à
fait particulier et diffère totalement de la précédente en se mettant
en harmonie complète avec les caractères physiques de cette petite
région. Le climat, en effet, au lieu d’être froid et même rigoureux
comme dans tout le reste de l’île, y devient chaud et uniforme par
suite d’un reste d'activité volcanique. La vapeur d’eau qui se dégage
continuellement du sol, y entretient une humidité constante, bien
favorable au développement des Sphaignes et des Cryptogames vas-
culaires, aussi ne trouve-t-on là que ces végétaux, presque à l’exclu-
sion de tous les autres. Saint-Paul présente ainsi deux végétations
bien distinctes, l’une s'étendant à toute l’île et constituée par la
réunion de quelques espèces venues d’un peu partout, prospérant là
parce qu’elles s’y trouvent dans des conditions favorables à leur dé-
veloppement, avec un certain nombre de types spéciaux ; l’autre beau-
coup plus restreinte, puisqu'elle n’occupe qu’un espace de 200
à 300 mètres carrés, mais des plus intéressantes et ne se composant
que de formes toutes tropicales. Les Sphaignes, par exemple, qui
jouent là le rôle important et forment au-dessus des rochers un feu-
trage épais, une sorte de sol accidentel, sur lequel d’autres végétaux
viennent se développer, sont dans ce cas ; il en est de même du Zyco-
podium cernuum des régions équinoxiales, qui se trouve là et qui ne
dépasse les tropiques que pour vivre autour des sources thermales,
comme aux Acores, par exemple, et d’une Graminée, Digitaria
sanguinalis, qui, comme toutes les Panicées, appartient à la zone
torride.
Je pourrais multiplier ces rapprochements, mais c’est là un sujet
qui m'entrainerait trop loin et qui sera d’ailleurs traité prochaine-
ment avec beaucoup plus de compétence par les savants botanistes
du Muséum d'histoire naturelle qui se sont chargés d’étudier les
belles collections recueillies par M. G. de l'Isle. J’ai voulu seulement
l'indiquer en passant, afin de bien faire ressortir entière et complète
42 CH. VÉLAIN,
harmonie qui existe entre le caractère général de la faune et de la
flore de cette petite région, etses Caractères physiques.
Ce que je viens de dire à propos des espèces végétales peut tout
aussi bien s'appliquer aux espèces animales qui vivent actuellement
à la surface de l’île, Elles y sont également peu variées, mais nom-
breuses en individus : toutes ont été introduites par les mêmes
causes accidentelles ou volontaires et se groupent en deux catégo-
ries très-distinctes, répondant aux deux conditions d'habitat si diffé-
rentes que présente l’île : les unes, de provenances très-diverses,
se trouvent indifféremment dans toutes les parties de l'ile, les autres
sont exclusivement cantonnées dans les espaces chauds.
Ces dernières espèces seules ont une véritable signification :
comme les plantes sous lesquelles elles s’abritent, elles appartien-
nent toutes à des types spéciaux aux contrées tropicales et ne se re-
trouvent sous une latitude aussi basse que par suite de circonstances
exceptionnelles, Amenées de Maurice ou de la Réunion, par les pe-
tites goëlettes qui descendent presque tous les ans de l’une ou l’autre
de ces deux îles, en novembre, pour faire la pêche, elles ne pour-
ralent vivre longtemps à Saint-Paul et disparaïitraient certai-
nement par les grands froids des mois de mai et de juin, si les
dégagements de chaleur du fond du cratère ne venaient, autour des
points où ils s'effectuent, contre-balancer les effets d’un climat rigou-
reux : elles trouvent là l’ensemble des conditions d'existence qui leur
sont habituelles et s’y maintiennent, par conséquent, en produisant
une descendance féconde. Leur persistance en ces points est absolu-
ment liée à la production et à la durée des dernières manifestations
d’une activité volcanique à son déclin.
Trois grands Myriapodes, Zulus corallinus, Scolopendra Borbonica,
Geophilus insularis, une Blatte, l’ignoble Cancrelat, Æakerlac amert-
cana, et peut-être aussi un Grillon', tels sont, avec une belle ara-
néide, Æpetra inaurata?, et d'assez nombreux eloportes, Oniscus
1 J'ai trouvé un jour, en effet, sous une roche, l'abdomen et les pattes d’un indi-
vidu de grande taille appartenant au genre Gryllus, mais nous n’en n'avons jamais
vu de vivants; il est d’ailleurs peu probable que cette espèce puisse se propager
au milieu d'un grand nombre d’aussi redoutables adversaires.
2 C’est en janvier, quelques jours seulement avant notre départ, que nous avons
vu l’Epeire dorée, elle avait tendu ses fils jaunes et soyeux entre deux gros blocs de
laves couverts de lichens, éboulés sur la pente, et livrait aux mouches une guerre
acharnée. Deux autres toiles, à tissu lâche et de couleur grise, bien différentes de
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 43
asella, qui s'écartent peu du littoral, les hôtes désagréables de ces
régions, heureusement très-circonserites et peu étendues, de telle
sorte qu'ils ne peuvent en réalité y prospérer beaucoup; d’autant
plus que très-souvent les jets de vapeur chaude, qui s'élèvent brus-
quement du sol en certains points, les atteignent et les détruisent
en masse. On reconnaît encore maintenant les orifices par où se sont
faits ces dégagements accidentels aux nombreux cadavres de ces
animaux qui gisent aux alentours, au milieu d’une végétation flétrie.
C’est assurément l'instinct de la conservation qui a poussé tous ces
insectes carnassiers à se réunir là : ils s’y nourrissent surtout de cada-
vres d'oiseaux abandonnés par les Stercoraires ou par les Chats,et ne
se font pas faute de se dévorer entre eux. Leur importation dans l’île
est de date beaucoup trop récente, les voyages des pêcheurs à Saint-
Paul n’ayant guère commencé qu'avec ce siècle, pour que, sous l’in-
fluence de conditions nouvelles, quelques modifications se soient faites
dans leurs caractères originels; mais sur chacun d'eux cependant on
remarque déjà les effets de la température élevée et de l'humidité
constante, au milieu de laquelle ils sont obligés de vivre. Les Cancre-
lats, que le chaleur rend ordinairement si agiles, sont devenus lents
et ne peuvent faire usage de leurs ailes : en même temps, ils parais-
sent comme décolorés et leur enveloppe chitineuse est amollie.
Tous les myriapodes sont dans le même cas. C’est là une lutte enga-
gée, dans laquelle ils succomberont peut-être ; mais, s'ils triomphent
et surtout si les espaces où ils vivent ne se refroidissent pas de long-
temps, ils devront bien certainement s’écarter de leur type primitif
pour prendre des caractères nouveaux, imposés par les conditions
d'existence qui leur sont faites.
Sur les côtés de ces espaces chauds, la température du sol va gra-
duellement en s’affaiblissant, et ce fait est encore accusé non plus par
des différences essentielles dans la flore, mais par une végétation
véritablement plus vigoureuse que dans aucune autre partie de l'ile.
Une Houlque européenne, Æolcus lanatus, forme là comme un feu-
celles des Epeires, se trouvaient, un peu plus loin, jetées au-dessus des houlques,
mais leurs propriétaires étaient absents et nous n’avons pu les découvrir. Ces arai-
guées étaient, en réalité, très-peu nombreuses, représentées, au plus, par trois ou
quatre individus de chaque espèce ; mais, étant donné leur fécondité remarquable,
en particulier celle de l’Epeire, d’une part, et de l’autre, la nourriture abondante que
les mouches et les moucherons, très-nombreux sur le littoral, peuvent leur assurer,
je ne doute pas qu'on ne les retrouve quelque jour beaucoup plus communes.
44 CH. VÉLAIN.
trage épais d’un beau vert, surtout quand elle a atteint toute sa crois:
sance. Ces zones assez étendues de chaque côté de la bande prinei-
pale, et notamment vers le sud, sont précieuses pour tous les
mammifères qui vivent sur l’île ; ils viennent s’y réfugier pendant la
saison froide, alors que la neige couvre les sommets, et peuvent y
trouver un climat plus doux avec une nourriture assurée.
Ces mammifères appartiennent à la première catégorie d’espèces
dont j'ai parlé en commençant, c’est-à-dire qu'ils habitent indiffé-
remment toute l’île et qu’ils y sont venus d’un peu partout. Ce sont
principalement des animaux domestiques qui, abandonnés là par
l’homme, sont revenus à l’état sauvage.
Les naufrages, les passages fréquents de navires devant Saint-Paul,
cette île se trouvant sur la route directe des bâtiments à voiles qui
vont en Australie et en Chine !, et surtout les tentatives de colonisation
qui y ont été faites à différentes reprises par des négociants de la
Réunion, telles sont, sans aucun doute, les origines multiples de ces
animaux et en particulier celle des Chèvres, qui s’y sont maintenant
propagées partout. Elles vivent en troupeaux nombreux, aussi bien
dans les champs de Spartina à l'extérieur, que sur les pentes, assez
roides, des falaises intérieures du cratère. On peut cependant remar-
quer qu'elles se tiennent de préférence à l'extrémité sud-est de l’île,
entre les quatre cônes de la pointe ouest et la pointe Hutchison. Ce
fait s'explique facilement : elles se retirent là pour échapper, autant
que possible, aux baleiniers et aux pêcheurs, qui viennent souvent leur
faire la chasse et qui les déciment.
Vers la fin de notre séjour, quand, par hasard, le chapeau de nuages
quise formait toujours au-dessus de nos têtes, vers le soir, n’avait pas
encore masqué la crête du cratère, nous voyions ces Chèvres, au cou-
cher du soleil, défiler lentement sur cette arête en longues et inter-
minables files : leurs silhouettes, se découpant en noir sur un ciel
rougeâtre, éclairé par-dessous, prenaient des formes tout à fait fantas-
tiques. C’était la rentrée des troupeaux, moins le pâtre et moins les
clochettes : elles venaient chercher dans l'Est, presque en face de nos
habitations, quelques-uns des petits couloirs par où la descente était
1 Des pêcheurs qui ont séjourné plusieurs années de suite à Saint-Paul, pour
garder les établissements de pêche, évaluent à plus de cent le nombre des bâtiments
qui s’approchent ainsi de l’île en une année. Pendant nos trois mois de séjour, nous
en avons vu fréquemment qui passaient au large, deux seulement se sont approchés
assez près pour communiquer.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 45
possible dans ces escarpements abruptes et gagnaient ensuite les alen-
tours des espaces chauds pour y passer la nuit.
Ces animaux étaient craintifs et fuyaient à la moindre approche ;
l’un d’eux, sans cesse en éveil au moindre danger, donnait l’alarme
à ses compagnons, et tout le troupeau détalait alors avec une vitesse
et une agilité déjouant toute poursuite. Ils avaient repris toutes les
allures de l’état sauvage et paraissaient rebelles à toute tentative nou-
velle de domestication. Ainsi, quelques-unes de ces Chèvres que nous
avions prises et que nous avions parquées dans un large enclos avec
leurs Chevreaux, les éventrèrent, au lieu de les allaiter, et refusèrent
pour elles-mêmes toute nourriture. Elles poussaient constamment des
cris lamentables, devenaient furieuses et se seraient laissées mourir
d’inanition, si on ne les avait pas relâchées. Un petit Chevreau, sauvé
d'un de ces massacres par notre cuisinier etsoigné par lui, se montra
pourtant très-reconnaissant et resta près de nous pendant tout notre
séjour. [Il errait en liberté dans l’île, mais revenait toujours aux
heures des repas : le cuisinier avait l'habitude, soir et matin, de
frapper sur un énorme chaudron, pour nous avertir quand l'heure
était venue; les sons discordants de cet instrument bizarre reten-
üssaient jusqu’au fond du cratère : nous arrivions alors chacun de
notre côté, et la petite Chèvre noire était toujours la première au
rendez-vous.
Quelques troupeaux de Porcs furent aussi lâchés sur l’île autre-
fois ; les novaristes, au moment de leur séjour à Saint-Paul, en no-
vembre 1857, en virent encore quelques-uns ;, mais, en 1874, ils
avaient entièrement disparu. La végétation, essentiellement herhacée
et peu succulente que l’on connaît, ne pouvait sans doute leur fournir
une nourriture suffisante. Peut-être était-ce en partie pour y suppléer
que des pommes de terre avaient été plantées en différents points
du cratère, comme nous avons trouvé des traces jusque vers le
sommet, dans des endroits à peine accessibles; mais elles n’y
avaient pas réussi. Les pêcheurs racontent que les Porcs fouissaient
le sol pour s'emparer des petits Pétrels bleus qui vivent en colonie au
fond de grands terriers dans toute la partie ouest des falaises inté-
rieures, et qu'ils en faisaient leur principale nourriture : il est douteux
que ces animaux se soient longtemps accommodés d’un pareil repas,
si peu conforme avec leur régime habituel, et je croirais volontiers
qu'en défonçant ainsi la toùrbe, c'était plutôt les œufs de ces oiseaux
qu'ils recherchaient.
46 CH. VÉLAIN.
Parmi les animaux que les naufrages seuls ont pu jeter sur l’île, il
faut citer en première ligne les Chats, les Souris et les Rats. Ces
animaux, que le malheur a réunis, vivent là en parfaite intelligence
entre eux et semblent même habiter les mêmes retraites. Ainsi, près
des escarpements d'une dolérite schisteuse que les pêcheurs ont sou-
vent exploitée pour construire des abris grossiers, nous avons vu
souvent en décembre, alors que le ciel était devenu plus clément, un
gros Chat noir couché en travers sur le bord d’une petite excavation
exposée en plein soleil, qui regardait nonchalamment les jeux de cinq
ou six gros Rats courant et se roulant autour de lui; à la moindre
alerte, les artistes et le spectateur disparañSsaient d’un seul bond dans
le même trou.
Les Chats vivaient surtout de poissons et d'oiseaux : les petits Pétrels
bleus dont je viens de parler sont absolument décimés par eux ; plus
rarement on les voyait errer sur le Httoral, au fond du cratère, pour
happer quelque poisson à l’occasion.
Les Rats surtout paraissent avoir pullulé à Saint Paul et vivent, eux
aussi, aux dépens des oiseaux, dont ils mangent les œufs. Ils étaient
nombreux et familiers. La nuit, dans nos cabanes, on les entendait
trotter et grignoter partout. Parfois ils y faisaient en troupes de véri-
tables descentes ; et le matin, à la suite de ces visites nocturnes, le
plus grand désordre régnait dans nos affaires : tous les menus objets
de toilette, les papiers qui n'avaient pas été soigneusement serrés,
avaient été emportés ou disparaissaient à moitié à travers les inter-
stices des panneaux du navire qui nous servaient de plancher. Nous
en avons reconnu deux espèces : le Rat d'Alexandrie et le Surmulot ;
ce dernier était de beaucoup le plus abondant. Tous deux ne se ren-
contrent que dans l’intérieur du cratère ! sur le Httoral ; mais ils se
tiennent de préférence autour des habitations, où ils deviennent un
véritable fléau. Quant aux Souris, elles étaient aussi très-nombreuses
dans les mêmes points : elles firent de grands dégâts dans nos pro-
visions.
À cette liste d’hôtes incommodes, il faut ajouter un petit Cloporte,
Oniscus asella. qui se trouve littéralement partout. Dans le bas du
cratère, 1l serait impossible de soulever une pierre sans déranger un
nombre incalculable de ces petits crustacés qui vivent là côte à côte
1 J'ai cependant vu un Surmulot dans le grand effondrement des falaises du Nord,
à l'extérieur; comment avait-il pu arriver jusque-là ? !
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 47
avec des Talitres, Gammarus locusta, tout aussi nombreux. Cette
curieuse association continue ainsi jusqu'à 35 ou 40 mètres au-dessus
du niveau de la mer ; puis les Talitres disparaissent peu à peu et les
Cloportes persistent seuls pour se retrouver encore, mais moins nom-
breux, jusqu'au sommet (265 mètres).
Les Talitres ne pénétraient pas volontiers dans nos habitations;
mais les Cloportes en quelques jours avaient tout envahi. Tous nos
efforts pour les en chasser demeurant inutiles, il fallut bientôt en
prendre notre parti et supporter leur présence jusque dans nos lits.
Quelques Puces..., des Mites complétaient ce tableau, auquel il faut
encore ajouter des Mouches de deux espèces. La petite Mouche noire
commune qui suit l'homme partout, Musca domestica, et la Mouche
bleue de la viande, Musca (Calliphora) vomitoria, qui se trouvent sur
tout le littoral en innombrables légions ; les hauteurs seules en sont
préservées.
Les naturalistes de la frégate autrichienne de la Vovara, après avoir
mentionné la présence à Saint-Paul de ces hôtes désagréables dont 1ls
eurent aussi fortement à se plaindre, parlent ensuite d’un petit Co-
léoptère coureur, Delphas hemiptera, qu'ils trouvèrent très-abondant
au milieu des touffes d'herbes. Mais nous avons cherché longtemps en
vain ce petit insecte : importé sans doute par quelque navire, après
avoir pris subitement une grande extension, il avait pour ainsi dire
complétement disparu, car nous n'avons pu en découvrir, vers la fin
de notre séjour, qu'un seul individu caché sous un bloc de lave dans
le fond du cratère.
Les mêmes naturalistes signalent comme un fait étonnant l'absence
des Hyménoptères et des Lépidoptères des représentants de chacun
de ces deux ordres se trouvaient sur l’île en 1874. En décembre, nos
matelots nous apportèrent, en effet, une belle Noctuelle, qu'ils avaient
prise au matin dans la cabane qui abritait la forge, et, peu de jours
avant notre départ, une Abeille d'Europe, Apts mellfica, vint se pren-
dre dans un des flacons de notre laboratoire. Cette capture d’une
compatriote nous combla de joie et de tristesse tout à la fois, en nous
rappelant la patrie absente; nous étions depuis si longtemps sans
nouvelles !
L’Apis mellifica se trouve maintenant naturalisée au Cap, en Aus-
iralie, à la Nouvelle-Zélande, etc.; il est donc à supposer qu’un coup
de vent violent avait enlevé un de ces insectes d’une de ces terres
d'adoption, de la première plus vraisemblablement, et l'avait ainsi
48 CH. VÉLAIN.
transporté sur notre île. L'espace à franchir, d’un côté comme de
l’autre, est sans doute considérable; mais ce transport n’a rien d’in-
vraisemblable, car on sait que des vents violents soufflant pendant
longtemps dans la même direction peuvent ainsi colporter à des dis-
tances immenses des insectes et des graines légères. Ce sont là des
agents de transport presque sans limites, qui contribuent puissam-
ment à introduire la faune et la flore des continents dans les îles
volcaniques isolées au milieu des océans.
Les Coquilles terrestres font absolument défaut à l’île Saint-Paul.
C’est là un fait qui n’a rien de surprenant, quand on songe aux diffi-
cultés insurmontables que doivent rencontrer ces animaux à respira-
tion aérienne pour traverser de grandes étendues d’eau ; les moyens
et les occasions de transport qui rendent la diffusion des insectes et
des plantes en réalité facile leur sont refusés. Il eût fallu l’interven-
tion de l’homme. Des oiseaux terrestres auraient encore pu apporter
des œufs de ces mollusques avec quelques parcelles de terre attachées
à leur pied; mais la distance qui sépare Saint-Paul de la terre, même
la plus voisine, est encore trop grande pour que ces oiseaux aient la
facilité d’y atterrir. Aussi la faune ornithologique de l’île n’en pré-
sente aucun. Le docteur Scherzer, dans sa relation du beau
voyage de la Vovara, parle bien d’un petit oiseau de muraille (Cyp-
selus), qu’il trouva voltigeant et poussant des cris aigus devant les
hautes falaises de l'extérieur où il semblait protéger une femelle en
train de couver. Lors de notre séjour, il n’en existait plus trace.
Si l’île Saint-Paul ne possède aucun oiseau terrestre, par contre
elle regorge d'oiseaux de mer. Plusieurs espèces d’Albatros, des Pé-
trels, une Hirondelle de mer, un Stercoraire et d'innombrables Man-
chots fréquentent ces parages et viennent surtout y atterrir au moment
de la ponte.
Les grands Albatros blancs (Dromedea exulans) qui nous avaient
apparu pendant notre traversée, dès le 20° degré de latitude sud,
un peu avant le tropique par conséquent, se voient assez souvent
au large de l’île et s’en approchent même volontiers; ils sont alors
toujours isolés, et ne viennent jamais à terre. Les pêcheurs qui se
trouvaient en même temps que nous sur l'ile en rapportèrent sou-
vent, surtout en novembre, C’est même seulement à partir de cette
époque qu'ils firent leur apparition. Ils les prenaient alors, au-des-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 49
sus des bancs de poissons, avec la facilité et les appâts grossiers que
l'on sait. J'ai remarqué qu'ils étaient presque tous jeunes ; leur plu-
mage était uniformément gris ; deux ou trois seulement, parmi tous
ceux qui furent pris (vingt-cinq à trente environ), avaient la blancheur
éblouissante et la livrée de l'adulte. Au dire des anciens navigateurs,
ces oiseaux étaient autrefois beaucoup plus nombreux à Saint-Paul;
ils se tenaient souvent sur les falaises, et se précipitaient de là avec
voracité sur les cadavres d’Otaries que la mer apportait fréquemment :
mais ils n'y faisaient cependant pas leurs nids.
Plusieurs Pétrels (Ossifraga gigantea, Procellaria capensis, Procel-
laria hæsitata) et des Alcyons (Puffinus æquinoctialis) sont dans le
même cas, c’est-à-dire qu’ils se voient fréquemment autour de l'ile,
mais ne viennent pas y atterrir.
Le Pétrel géant était très-abondant et se trouvait là en tout temps ;
mais il n’en était pas de même du Pétrel gris (Procellaria cinerea), qui
ne vint qu'en décembre, par petites troupes toujours assez rares, et
n'apparaissant que le soir. Les Alcyons (Puffinus æquinoctialis) étaient
également peu nombreux. Tout ces oiseaux, s’il faut en croire les ré-
cits des anciens navigateurs, et quelques-uns sont fort précis et fort
instructifs à cet égard, se voyaient tous autrefois sur l’île et ne s'en
écartent maintenant que parce qu'ils ont appris à y connaître le dan-
ger. Les pêcheurs, et surtout les baleiniers américains qui presque
tous les ans viennent passer quelque temps sur l’île pour y chercher
des vivres frais, des chèvres et quelques mauvais herbages, en profitent
chaque fois pour la mettre au pillage ; ils semblent se faire une fête de
tuer et de détruire tous les oiseaux. Quelques espèces, comprenant
que l’homme est un animal dangereux pour elles, ont alors déserté
complétement un séjour aussi désastreux; c’est ainsi que nous n'a-
vons pas vu sur l’île un seul Satanite, et pourtant ce petit Pétrel
couvrait encore les falaises de ses nids en 1820.
Quelques Damiers, les pigeons du Cap (Procellaria capensis), vinrent
exceptionnellement se poser dans l’intérieur du cratère ; ils étaient
alors exténués de fatigue et tellement épuisés, qu'ils se laissèrent
chaque fois prendre à la main. Dans notre traversée de la Réunion à
Saint-Paul, nous vimes pour la première fois ces jolis oiseaux au
plumage agréablement tacheté de noir et de blanc, vers le tropique.
Leur nombre augmentant de jour en jour, à mesure que nous nous
enfoncions dans le Sud, ils devinrent nos compagnons fidèles
jusqu’à Saint-Paul. Is se tenaient loujours par petites troupes au-
ARCH, DE ZOO. EXP, ET GÉN, — T, VI. 1877. 4
=
5 |; ES CH. VÉLAIN.
dessus du sillage de notre bâtiment, suivant toutes les ondulations
des vagues et se précipitant avidement sur la moindre proie qui appa-
raissait à la surface. Par les temps calmes, alors que la vitesse de /a
Dives s'était ralentie, nous les prenions souvent à la ligne avec une
épingle tordue cachée dans un morceau de lard ; d’autres fois encore,
ils se prenaient d'eux-mêmes en s’embarrassant dans les cordages.
Amenés sur le pont, ils se trainaient alors péniblement, sans pouvoir
s’envoler, cherchaient à fuir ou à se cacher et dégorgeaient, sitôt
qu'on les avait touchés, une huile visqueuse ei verdâtre par suite d’un
sentiment de frayeur bien justifiée. |
Deux petites espèces d’Albatros {Diomedea melanophrys et chloro-
rhyncha), que les pêcheurs appellent des #Walamochs, se tiennent à
Saint-Paul en haut des falaises qui dominent la baie des Rhyolithes
et celle des Manchots, sur un petit plateau légèrement incliné, situé
presque au sommet de la montagne à 250 mètres environ d’alti-
tude. Une série de petits escarpements défendaient ce plateau ; mais
en prenant par le sommet, puis en se laissant glisser au travers des
touffes d’Isolepis et de Poa, il était encore assez facile d'y aborder.
Darwin, dans le récit de sa campagne autour du monde, à bord du
Beagle, parlant du défaut de timidité de certains oiseaux, raconte !
qu'aux îles Galapagos les oiseaux se laissaient prendre à la main avec
la plus grande facilité et venaient même se percher auprès de lui;
quoique souvent pourchassés, ils n'étaient pas devenus pour cela
très-sauvages, de telle sorte qu’un fusil devenait là une arme presque
inutile. Il en était de même à Saint-Paul pour les Malamochs, qui se
montraient peu farouches et ne s’effrayaient nullement à notre appro-
che ; ceux qui arrivaient de la haute mer venaient sans hésitation se
poser à côté de nous, lorsque nous étions assis au milieu de leur camp,
et se contentaient de manifester parfois leur étonnement en faisant
claquer leur long bec d’une façon qu'ils s’efforçaient de rendre me-
naçante.
Ces oiseaux ne sont pas guerriers, malgré leur taille et leur bec
tranchant ; ils restent même sur la défensive devant les Pétrels qui
viennent en mer les harceler pour leur faire lâcher une proie qu'ils
ont déjà en partie avalée. Notre botaniste, qui leur rendait de fré-
quentes visites, les prenait à la main en les saisissant simplement par
le bec, mais de côté et rapidement, afin d'en éviter un coup dange-
1 Voyage d’un naturaliste, trad, franc. par Barbier, p. 427.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. o1
reux, leurs mandibules étant suffisamment fortes et coupantes pour
enlever un doigt.
Tous ces oiseaux assistaient impassibles au massacre de leurs sem-
blables, sans chercher ni à se sauver ni à se défendre, ce qui nous
permettait de choisir tout à notre aise nos victimes; l'instinct de la
conservalion était sans doute peu développé en eux, ou dans tous les
cas il était étouffé par une étonnante voracité, car je les ai vus se pré-
cipiter jusque sous nos pieds pour déchirer à coups de bec et dé-
vorer ceux des leurs que nous venions de sacrifier. Mais cette audace
leur était peu profitable, car nous n'avions qu’à étendre la main sur
les pillards pour réparer à leurs dépens le dommage qu'ils nous
avaient causé.
A notre départ de Saint-Paul, les Malamochs n'avaient pas encore
commencé leur ponte ; mais un autre Albatros au plumage sombre,
l'Albatros fuligineux (Diomedea fuliginosa), fit son nid en décembre
dans les escarpements à pic qui avoisinent les espaces chauds, au fond
du cratère et vers le haut des falaises extérieures, dans l'Ouest, entre
les quatre cônes et la pointe enragée. C'était un bel oiseau de la taille
des précédents, d’une couleur uniformément grise ou d’un noir de
suie, Ce qui lui avait valu de la part des pêcheurs le nom de Cordon-
nier. Ses yeux noirs bordés de blanc, son bec également noir et mar-
qué aussi d’une ligne blanche lui donnaient comme un air de deuil,
Son cri, qu'il faisait entendre continuellement, rappelait à s'y mé-
prendre certaines des intonations de la poule, lorsqu'elle annonce
qu'elle a pondu un œuf, ce qui nous fit longtemps croire qu’en plus
des troupeaux de chèvres que nous avions aperçus avec joie dès les
premiers jours dans l'intérieur du cratère, notre île possédait une
bande d'oiseaux de basse-cour que nous aurions fort appréciés, mais
que nous avons cherchés en vain.
Pendant que les femelles couvaient, chacune avec la plus grande
ténacité, deux œufs de forme oblongue, d’un blanc légèrement vio-
lacé et marbré de petites taches brunes, sur un semblant de nid
formé de deux ou trois brins d'herbe posés dans les anfractuosités
des laves, les mâles décrivaient en planant constamment au-dessus
d'elles dans le haut des falaises mille courbes gracieuses et faisaient
entendre, comme pour les charmer, leur chant trompeur. Ces nids,
dans ces remparts à pic, n'étaient pas d’un accès facile; les pêcheurs
qui se trouvaient en même temps que nous à Saint-Paul, eurent
seuls l'audace et l'adresse nécessaires pour les atteindre ; c'est à eux,
32 CH. VÉLAIN.
par conséquent, que nous devons d'avoir pu en rapporter des œufs
à différents degrés d'incubation. Il leur fallait chasser l'oiseau à
coups, de pierres pour l’écarter du nid, s’accrocher d’une main au
rocher et lutter de l’autre avec lui, car il défendait courageusement
sa Couvée.
- Sur les pentes extérieures du cratère se tiennent des Stercoraires
(Stercorarius antarcticus), véritables oiseaux de proie d’une voracité
sans égale, qui exercent sur tous les habitants emplumés de l’île une
terreur justifiée. Les pêcheurs leur donnaient le nom de Poule mauve.
On les voyait presque continuellement planer, comme des faucons,
au-dessus du plateau occupé par les Manchots, tantôt avec de lents
mouvements d’ailes, tantôt en décrivant des courbes sinueuses et ra-
pides, puis fondre avec une rapidité furieuse sur la proie qu'ils avaient
sans doute voulu fasciner ; d’autres fois, ils se jetaient avec avidité
dans l’intérieur du cratère sur les débris de poissons qui flottaient
souvent autour des salines : c'étaient de véritables vautours de la
mer, avides et pillards comme ces derniers.
L'esprit d'association est peu développé chez eux ; c’est là, du reste,
un fait commun à tous les animaux doués d'une certaine supériorité
physique, qui ont le sentiment de leur force. Ils vivaient iso-
lément ou par couples séparés, sans jamais se réunir en troupes
nombreuses, comme les Albatros dont je viens de parler. Leurs
allures étaient, en outre, bien différentes et rappelaient tout à fait
celles de certains rapaces diurnes, dont ils avaient aussi le plumage.
Ils s’envolaient de terre avec la plus grande facilité, emportant souvent
leur proie entre leurs ongles, véritables serres longues et acérées.
Malgré leur vol puissant, ils s'écartaient rarement au large et ne s’éloi-
gnaient guère à peine de 3 ou 4 milles; il est vrai de dire que c'était
alors l’époque de la ponte ; mais les pêcheurs qui ont séjourné une ou
plusieurs années sur Saint-Paul pour garder les établissements de
pêche, racontent qu’il en est toujours ainsi et que le Stercoraire est
un des rares oiseaux qui n’abandonnent pas l’île, quand leurs petits
sont en état de tenir la mer, et peut-être le seul qui n’émigre pas dans
la mauvaise saison, quand, en mai ou en juin, la neige blanchit les
sommets du cratère.
Ces Stercoraires avaient placé leur nid sur le versant extérieur du
cratère, dans un endroit généralement très-découvert, au pied d’une
touffe d'Isolépis : sur la tourbe tassée, quelques brins d'herbes et de
mousses fanées en faisaient tous les apprêts. Le mâle et la femelle
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 53
couvaient à tour de rôle avec une grande sollicitude ; ils s'avancaient
à la rencontre de l’importun qui passait près du nid, l’entouraient
de leurs cercles capricieux et poussaient des sifflements bizarres
afin d'attirer son attention et de l’éloigner de leur nichée. Ces nids,
assez rares, très-disséminés, ne possédaient qu'un seul œuf, assez
gros, d'un blanc verdâtre, marqué de petites taches allongées grises
ou brunes, |
Les jeunes, qui vinrent au commencement de novembre, portaient
un duvet assez épais ; au bout de très-peu de jours ils étaient déjà
vigoureux et quittaient leur nid, mais sans s’en écarter bien loin.
L'audace des Stercoraires, qui n’hésitaient pas à fondre sur nous
quand nous approchions ainsi d'une touffe d'herbe où se tenait
soigneusement caché leur petit, servait précisément à nous l’indi-
quer.
Dans une excursion faite avec MM. Rochefort, de l'Isle et Lantz,
nous eümes la bonne fortune de trouver trois de ces jeunes, que
j'emportai dans mon sac. Pendant longtemps les couples de Sterco-
raires, qui déjà avaient voulu défendre courageusement leur couvée,
nous poursuivirent en nous entourant de leurs cercles rapides. Ils
s'élevaient en l’air en poussant de grands cris et fondaient ensuite
obliquement sur nous avec une telle rapidité, qu’il fallait nous baisser
pour éviter un coup de bec sur la tête. Cet acharnement devait leur
être fatal, car nous dûmes en abattre plusieurs pour disperser les
autres. À
Les jeunes, qui n'avaient pas encore deux semaines, étaient cou-
verts d’un duvet gris-pâle, long et soyeux; leur corps, en forme
d'œuf, monté sur de longues pattes grêles que terminaient de larges
pieds palmés, avait un aspect bien singulier. Ils étaient déjà très-
voraces, aussi fut-il très-facile de les élever avec de la viande et du
poisson haché. Ils se montrèrent très-attachés, et nous suivaient par-
tout dans l’île.
On rencontrait pour ainsi dire à chaque pas dans l’île les restes
mutilés d’un petit Pétrel bleu (Prion vittatus), que les Stercoraires
poursuivaient avec acharnement aussi bien le jour que la nuit, et
dont ils ne dévoraient que les entrailles. Ce petit oiseau, au bec
bleuâtre et dilaté, est par exception plus nombreux à Saint-Paul qu’à
Amsterdam, sans doute parce qu’il recherche la température relati-
vement élevée de son sol. Il se creuse, en effet, à l’aide de
son large bec et de ses ongles crochus, dans les tourbes des parois
4 CH. VÉLAIN.
intérieures du cratère près des sources thermales et des espaces
chauds, de longues galeries étroites qui s’entre-croisent dans tous
les sens avant de se terminer en cCui-de-sac par des chambres assez
spacieuses. C’est là qu'ils se réunissent en familles nombreuses pour
y faire leurs nids, et ne pondent qu'un seul œuf d’un blanc jaunâtre
et de la grosseur d’un œuf de pigeon”, comme l'oiseau des tempêtes
(Thalassidrômes), qu'ils semblent du reste représenter dans l’hémi-
sphère sud. D’après les pêcheurs, la ponte s RÉeGinepS deux fois par
an, en septembre et en décembre.
Ces labyrinthes souterrains, qui ressemblent plutôt à des terriers
qu’à des nids d'oiseaux, rendaient souvent nos excursions pénibles.
Dans toute la paroi ouest du cratère, le sol, déjà spongieux par sa
nature tourbeuse, percé dans tous les sens par ces oiseaux, cédait,
en effet, à chaque instant sous les pas, nous y enfoncions souvent
au-delà du genou, et les chutes continuelles ainsi occasionnées, sans
être dangereuses, ne laissaient pas que de devenir absolument désa-
gréables et fatigantes.
C'est dans le fond du cratère, sous un éboulis considérable de do-
lérites et de basaltes, que les Prions se tenaient en plus grand
nombre. La température sous ces roches amoncelées excédait tou-
jours de 10 à 12 degrés celle de l’air ambiant ; il s’en dégageait avec
des vapeurs légères une odeur forte qui nous fit d'abord croire à des
dégagements d'acide chlorhydrique; mais elle tenait aux oiseaux,
qui exhalaient par eux-mêmes cette odeur désagréable fortement
chlorée, dont on ne pouvait se débarrasser quand on les avait tou-
chés. Ils étaient difficiles à saisir dans ces crevasses, sous ces blocs
énormes qui défendaient l’entrée de leurs demeures; mais, dans
d’autres points des parois du cratère, au-dessus des sources ther-
males, où leurs terriers étaient simplement creusés dans la tourbe,
on pouvait très-facilement les prendre en enlevant les touffes d'herbes
qui recouvraient le sol. Là 1ls se décelaient par des gloussemenis
continuels, qui tout d’abord nous intriguèrent vivement. En défon-
cant le sol, nous arrivions bien vite à nous emparer des chanteurs,
d'autant plus que, se sentant perdus chaque fois qu’on attaquait ainsi
leurs retraites, ils se blottissaient au fond des couloirs sans chercher
à s'envoler. Une fois pris, leur tenue exprimait le plus profond abat-
tement, ils avaient peine à se tenir debout et n’essayaient même pas
de se servir de leurs ailes, couchés sur le ventre et glissant plutôt que
marchant sur leurs tarses repliés, ils cherchaient à se cacher dans
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 55
quelque coin pour éviter la lumière, qui paraissait les impressionner
vivement.
Ges Prions semblent, du reste, semi-nocturnes et sont aussi actifs
Ja nuit que le jour. Après le coucher du soleil, ils arrivaient en grand
nombre dans le cratère, voltigeant pendant bien longtemps en rasant
le sol au-dessus de leurs demeures, et faisaient jusqu’au jour un va-
carme étonnant. Si les oiseaux pélagiens ont en général un vol plus
gracieux, aucun ne se meul avec autant de vivacité ; considéré 1s0-
lément, il vole très-haut, en zigzag, avec force battements d’ailes,
en exécutant une série de crochets rapides et de culbutes comme
ces singuliers pigeons domestiques qu’on nomme fournants et culhu-
tants.
Ils se tenaient au large toute la journée, aussi bien par les temps
calmes que par les tempêtes, planant sur la mer en troupes nom-
breuses, tournoyant dans toutes les directions avec une puissance de
vol remarquable et sans se reposer. Leur nourriture consistait sur-
tout en mollusques et en petits crustacés pélagiens, qu'ils prenaient
facilement sur la crête des vagues avec leur large bec.
Enfin, je dois signaler un oiseau de passage, le Courlis cendré, que
nous avons été étonnés de rencontrer là, à plus de 500 lieues de
toute espèce de terre. C’est en novembre que nous avons vu à
différentes reprises cet oiseau cosmopolite qui se tenait craintif et
rusé, comme d'habitude, près des cônes de scories de la pointe Hut-
chison, dans le Sud-Est,
De tous les oiséaux de Saint-Paul, le plus gracieux c’est, sans con-
tredit, une hirondelle de mer (Sferna melanoptera), que les pêcheurs
désignent tantôt sous le nom d'oiseau d'argent, à cause de son joli
plumage gris-perle, tantôt sous celui de goëlette blanche. Ge dernier
nom lui convient bien; sa finesse, ses allures vives et dégagées ne
peuvent en effet mieux se comparer qu'à celles du plus coquet des
navires. Son bec effilé et ses pattes courtes sont d’un rouge vif; sa
tête porte comme un capuchon d’un beau noir de velours. Elle vol-
tigeait au-dessus du cratère du lever du soleil à son coucher pour y
chercher les petits poissons dont elle faisait sa pâture ; aussitôt
qu’elle en avait aperçu un, elle s'élevait un peu en jetant un cri aigu,
puis, fermant les aïles, elle se laissait tomber obliquement dans l’eau
avec ia rapidité d’une flèche pour reparaître presque aussitôt, tenant
dans son bec l’objet de sa convoitise, qu'elle se hâtait d’avaler avant
qu'il ne lui soit disputé, car les autres hirondelles, qui avaient
96 CH. VÉLAIN.
entendu son cri et suivi son mouvement, étaient arrivées à tire-
d’aile.
Malgré ces luttes incessantes, elles paraissaient très-sociables et se
rassemblaient toujours en petites troupes surtout à l'extérieur, près
des falaises où se trouvaient leurs nids, qu'elles avaient soin de pla-
cer dans les parties abruptes les plus inaccessibles. Elles étaient
méfiantes, craintives, et ne se laissaient pas volontiers approcher ;
pourtant elles étaient curieuses et le moindre bruit les attirait.
Les Stercoraires paraissaient les épargner, ou du moins elles sa-
vaient les éloigner en se rassemblant pour prendre l'offensive et leur
donner la chasse. Très-rares à notre arrivée en octobre, elles ne de-
vinrent nombreuses qu’en décembre ; c’est l’époque de leur ponte.
Comme elles étaient élégantes alors quand, par les rares rayons de
soleil, elles venaient en petites troupes se poser soit sur les embarca-
tions mouillées dans le cratère, soit sur les épaves de la Megæra qui
émergeaient dans la passe ! Elles nous charmèrent par leur vivacité
et leurs gais caquetages, en apportant un peu de grâce au milieu de
cette nature si sévère et si triste, où nous étions condamnés à vivre.
Il ne me reste plus maintenant, pour terminer cette description ra-
pide, qu’à parler des Gorfous (Æ£udyptes chrysolopha), dont le nombre,
aussi bien à Saint-Paul qu'à Amsterdam, était incalculable. Ces sin-
guliers animaux n’ont de l'oiseau que le nom. Leurs ailes, en effet,
cessant d’être utiles au vol, ont subi une atrophie ou une tranforma-
tion complète, et sont devenues de véritables nageoires, qui ne peu-
vent tout au plus leur servir que de balanciers quand ils sont à terre,
pour les maintenir en équilibre dans leur marche vacillante. Leur
corps, garni de plumes dures et très-courtes, appliquées fortement
contre la peau qu'ils ont épaisse, est comme recouvert d’une cuirasse
écailleuse et luisante. Enfin, ce qui leur donne surtout une physiono-
mie singulière, c’est qu’ils se tiennent debout sur leurs tarses élargis
et sur leurs pattes, qu’ils ont beaucoup plus en arrière qu'aucun autre
oiseau.
Autant ils sont agiles dans l’eau, leur véritable élément, où ils se
meuvent avec une rapidité surprenante, autant ils sont gauches et
maladroits quand ils sont à terre : ies attitudes grotesques, les allures
bizarres qu'ils prennent quand on les approche d’un peu près, les
ont fait souvent qualifier de stupides; pourtant ils ne le méritent
guère, Car on ne doit pas attribuer à la stupidité ce qui n’est qu'une
conséquence naturelle de leur conformation, qui ne leur permet
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. D7
pas de se soustraire avec assez de rapidité à des dangers que d’ail-
leurs ils connaissent peu dans leurs habitations désertes.
Tous les navigateurs qui ont touché à Saint-Paul n’ont pas manqué
de citer dans leurs relations ces oiseaux étonnants. Les officiers de
la frégate autrichienne la Novara, en faisant l'hydrographie de l’île,
en 1857, ont même désigné, sous le nom de baie des Pingouins, une
petite crique de l'extérieur où ces oiseaux accostent volontiers.
Nous avons vécu au milieu d’eux, avec eux pour ainsi dire, en
parfaite intelligence, ce qui nous a permis d’étudier leurs mœurs
singulières, et cette étude nous a procuré la plus vive satisfaction.
Ce fut notre distraction de tous les instants; il n’est pas un de nous
qui ne regrette les longues heures passées au milieu de ce que nous
appelions leurs villages ; nous allions y faire provision de gaieté.
Les Gorfous n’atterrissent à Saint-Paul que d'août en mars, la ponte
se fait en septembre. IIs forment alors deux colonies distinctes, qui
se réunissent aux mêmes places, L'une s'établit à l'extérieur, dans les
falaises situées par le travers des quatre cônes, un peu avant la pointe
Ouest, c'est-à-dire dans la partie du vent. L'autre vient chercher
un abri près du sommet de la haute montagne qui domine la jetée
du Nord, et se trouve ainsi presque sous le vent. La première de ces
deux colonies était de beaucoup la plus importante : elle se com-
posait d’un nombre incalculable d'oiseaux qui vivaient entassés lit-
téralement les uns sur les autres, sur une sorte de talus incliné,
large de plusieurs centaines de mètres au niveau de la mer et terminé
en pointe vers le sommet de la falaise. Ils étaient là par milliers, leur
poitrine blanche uniformément tournée vers la mer, occupant toutes
les saillies, les pies, les corniches, les moindres anfractuosités des
laves. Chaque pierre était habitée. Aussi tout cet espace se voyait
du large çomme une tache blanche qui tranchait d'une facon bien
remarquable sur le ton noir des falaises extérieures. Leur agitation
était continuelle, et le bruit qu'ils faisaient étourdissant. [1 eût été
bien difficile de les atteindre, à cause de la position abrupte des
falaises qui les dominaient.
La colonie du Nord était heureusement d’un accès plus facile ;
c'était aussi la plus intéressante des deux. Divisés par groupes de deux
ou trois cents, les Gorfous formaient dans cette partie de l’île comme
autant de camps ou de villages, échelonnés sur un plateau situé à
200 mètres d'altitude environ et jusque sous les escarpements du
sommet (254 mètres). Leurs nids, au lieu d’être irrégulièrement dis-
58 CH. VÉLAIN.
séminés dans les anfractuosités des laves, étaient au contraire grou-
pés avec une certaine symétrie et paraissaient comme alignés le long
de couloirs, de sentiers tracés au milieu des hautes herbes qui recou-
vraient le sol tourbeux de la montagne. Chacune de ces surprenantes
agglomérations d'oiseaux fut hientôt baptisée par nous d’un nom spé-
cial : une des plus nombreuses devint, en raison de son importance,
Pingouinville. C'était bien, en effet, la plus singulière charge de petite
ville qu’on puisse imaginer: les rues, les impasses, les carrefours ani-
més d’une foule turbulente, les places publiques où les oiseaux se
réunissaient comme pour conférer entre eux avant de descendre à la
mer par petites troupes, rien n’y manquait, pas même les commères
caquetant et se querellant autour des nids.
Il est assurément difficile d'expliquer pourquoi des oiseaux à qui la
marche est réellement pénible sont allés chercher, pour établir leurs
nids, un point aussi élevé qu'ils ne peuvent atteindre qu'au prix des
plus grandes fatigues, d'autant plus qu'il leur faut traverser avant d’y
arriver plusieurs plateaux tout aussi découverts que celui qu'ils ont
choisi, dont l’exposition est identique et qui auraient au moins l’avan-
tage d’être d’un accès plus facile. La rude ascension qu'ils se croyaient
ainsi obligés de faire ne leur demandait pas moins d’une demi-jour-
née ; mais ils étaient loin de descéndre tous les jours à la mer : ils
savaient revenir, après chaque excursion, avec une provision de nour-
riture qui leur servait presque pour une semaine. La quantité d’ani-
maux qu'ils avaient ainsi ingérés était telle, que souvent ils étaient
obligés d’en dégorger en arrivant à terre. Leur nourriture consiste en
mollusques, en poissons, et surtout en Calmars, qui pullulent autour
de Saint-Paul ; il en est dans l’estomac desquels nous avons trouvé
jusqu'à vingt becs d'Ommastrèphes.
fs accostent dans la baie qui fait face au Nine-Pin, au milieu
d'énormes galets, avec la plus grande adresse. On les voyait arriver
de loin par petites troupes, bondissant sur les vagues à la manière
des Bonites. Le cou tendu en avant et faisant force de rames avec
leurs ailes, leur vitesse était réellement surprenante et ne pouvait se
comparer qu’à celle devenue proverbiale des Marsouins. Au large, ils
se tenaient parfois au repos, nageant comme des canards, leur corps
couché, émergeant à moitié et les ailerons repliés contre les flancs :
ils plongeaient alors fréquemment, sans effort et sans bruit, et res-
taient fort longtemps sous l’eau.
J'ignore à quelle profondeur ils peuvent ainsi descendre. Lorsque
;
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 61
la Dives était amarrée devant Saint-Paul, ceux que nous avons
lâchés le long du bord se sont toujours enfoncés presque à pic
avec une rapidité telle, qu’en un instant ils étaient hors de vue, malgré
la transparence de l’eau, et nous ne les voyions jamais reparaître. Ils
peuvent ainsi se tenir plongés pendant huit ou dix minutes, et la dis-
tance qu'ils fournissent doit être considérable : nous en avons vu qui,
lâchés sur le bord du cratère, reparaissaient vers le milieu du lac
intérieur en moins d’une minute ; ils avaient alors parcouru d’une
seule traite plus de 600 mètres. La réputation de plongeur qu'on a
faite au Gorfou est donc parfaitement justifiée ; il semble se trouver
chez lui dans toute l'étendue de la vaste mer, et dans les circonstances
normales on peut dire qu’il passe sa vie au milieu des flots. Pendant
cinq mois en effet, de mars en juillet, ces oiseaux quittent les deux
îles d’une façon absolue et ne se montrent même pas au large.
La ponte une fois terminée et leurs couvées étant en âge de prendre
la mer, il leur reste à traverser une époque difficile : celle de la mue.
C'est en décembre qu’ils commencent à perdre ces longues et co-
quettes plumes jaunes qui, partant des sourcils, s'étendent en pana-
che de chaque côté de la tête : ils perdent en même temps toute leur
vivacité et se tiennent au pied des falaises ou sur les jetées, toujours
au bord de la mer dans tous les cas, tantôt par petites troupes, pres-
sés les uns contre les autres, tantôt, et le plus souvent, isolés et
comme cachés sous les rochers, dans une immobilité presque com-
plète. Debout, ou mieux assis sur leurs pattes repliées, ils regardent
avec tristesse leurs plumes tomber une à une tout autour d'eux, et
restent ainsi près d’un mois sans bouger dans une sorte de somno-
lence, de torpeur qu’ils ne peuvent secouer que lorsqu'un nouveau
plumage les met en état de reprendre la mer. Ils se réunissent alors
de nouveau par bandes nombreuses, et partent en masse pour ne re-
venir qu'à la saison suivante. Saint-Paul et Amsterdam sont trop iso-
lées pour qu'on puisse supposer qu’ils émigrent vers d’autres terres,
le moindre voyage qu'il leur faudrait faire serait de 500 lieues. Ils
descendent probablement un peu plus au sud, et restent constam-
ment à la mer. (C’est là du moins l'opinion des baleiniers qui viennent
souvent faire la pêche dans ces parages et à cette saison.) Ils se tien-
nent à la surface de l’eau pour se délasser et pour dormir; dans notre
traversée de Saint-Paul à Amsterdam sur le Fernand, nous en avons
rencontré ainsi pendant la nuit des bandes qui semblaient immobiles,
chaque oiseau flottant comme un bouchon,
62 CH. VÉLAIN.
Pour accoster au pied des falaises, ils se laissaient apporter par la
lame au milieu des galets ; puis, sitôt qu'ils avaient touché terre, ils
se hâtaient de sauter de roche en roche pour éviter d’être repris par
la lame suivante ; cet exercice, déjà difiicile par les temps ordinaires,
devenait dangereux par les gros temps malheureusement trop fré-
quents : il leur fallait beaucoup d’opinitreté, beaucoup d'adresse
pour arriver, et bien souvent violemment jetés contre les rochers, ils
n’en sorlaient que tout meurtris et couverts de sang. Une fois hors
d'atteinte des vagues, on les voyait s'arrêter avec un air de satisfac-
tion tout à fait comique ; puis, après s’être secoués un peu, com-
mencer un brin de toilette en prenant pour graisser et lisser leurs
plumes les poses les plus grotesques. C'est ainsi qu'ils s’attendaient
afin de ne commencer leur pénible ascension que quand ils se trou-
vaient réunis en nombre suffisant. |
Le sentier qu'ils se sont tracé dans la falaise débute par un plan
incliné fort roide, formé de tufs et de conglomérats volcaniques ébou_
lés, sur lequel nous n'avons pu tout d'abord nous risquer qu'à l’aide
de cordes solides. En s’y accrochant avec le bec, puis en se hissant
sur leurs ailerons et leurs pattes, ils arrivaient jusqu’à un premier
plateau qui couronnait immédiatement la falaise ; mais souvent une
pierre se détachait et les entraînait jusqu’au bas ; ils ne se découra-
geaient pas pour si peu, et tant que leurs forces ne les trahissaient
pas, on les voyait recommencer l'escalade avec une persistance véri-
tablement surprenante. Un sentier frayé par eux, entrecoupé d’obsta-
cles, les conduisait ensuite jusque dans leurs demeures, où ils n’arri-
vaient qu'après une série de sauts et de chutes continuels. C'était
vraiment un spectacle bien curieux que de les voir ainsi, tantôt sauter
de roche en roche avec une certaine vivacité, tantôt marcher à petits
pas, le dos courbé et les ailes portées en avant. Matin et soir 1l se fai-
sait dans le sentier un mouvement considérable, les uns descendaient
tout guillerets, tandis que les autres montaient péniblement en lon-
gues files, s'arrêtant fréquemment et se rangeant pour laisser passer
les premiers.
A notre arrivée en octobre, ils étaient en train de couver. Chaque
couple, étroitement uni, avait deux œufs assez volumineux, presque
ronds, d’un blanc sale et marqués parfois de quelques petites taches
rousses. Le mâle et la femelle partageaient les soias de l’incubation et
se relayaient sur le nid, où ils se tenaient couchés sur le ventre, comme
tous les autres oiseaux. Chacun d’eux descendait alternativement à la
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 63
mer, et revenait fidèlement à sa couvée qu'il savait retrouver au mi-
lieu de tant d’autres qui, pour nous, se ressemblaient toutes. Celui
qui, demeurant à une extrémité, devait traverser tout le camp pour
gagner son nid, ne pouvait le faire qu'après d'interminables querelles
qui se renouvelaient presque devant chaque couple et qui lui valaient
bon nombre de coups de bec et de coups d’aile. Ces oiseaux sont,
en effet, peu tolérants, querelleurs et même sournois entre eux. Notre
arrivée dans les villages était saluée par des cris étourdissants ; mais
bientôt le calme renaissait, et chaque oiseau vaquait à ses affaires,
sans plus s'inquiéter de notre présence. L’incubation doit durer cinq
semaines. Les jeunes vinrent à la fin d'octobre ; couverts d’un duvet fin
etépais, ils ressemblaient alors à des pelotes de laine grise, mais ils ne
jouirent pas longtemps des douceurs du nid. Bientôt, en effet, tous
ceux d’un même village furent réunis par groupes sur la place publi-
que ; tassés contre les hautes touffes d'herbes, ils étaient là, soigneu-
sement gardés à vue par de graves personnages qui ne leur épargnaient
guère les corrections, quand l’un d’eux tentait de s’écarter : plusieurs
fois par jour, sous l’œil sévère de leurs mentors, ils recevaient leur
pâture, et de violents coups d’aile venaient châtier celui qui, trop
pressé ou trop gourmand, cherchait à devancer son tour. C’étaient là
de véritables écoles, où les enfants étaient élevés en commun avec la
plus grande sollicitude ; sur ces rochers incultes, nous recevions ainsi
des leçons de sociabilité.
Les parents s’oubliaient pour ne penser qu’à leurs petits; nous en
avons vu qui, meurtris, blessés, soit en accostant sur les galets de la
plage, soit par les avalanches de pierres qui les assaillaient dans la
montée, avaient encore le courage de recommencer l'escalade pour
parvenir jusqu’au campement, où ils n’arrivaient que couverts de
sang. Les jeunes se développèrent rapidement; au moment de notre
départ, un certain nombre d’entre eux avaient déjà revêtu leur livrée,
ou pour mieux dire leur cuirasse, et se trouvaient en état de tenir la
mer.
Vers la fin de novembre, il se fit une seconde ponte ; mais les œufs
étaient fort petits, et les couveuses souvent dérangées à cause de l’a-
gitation extrême qui se faisait dans les pingouinières ; aussi je doute
fort du bon résultat de cette seconde couvée.
Tous nos efforts pour éleyer de jeunes Manchots ont été inutiles.
Les oiseaux, tenus en captivité et arrivés à un certain âge, refusaient
de prendre toute espèce de nourriture. Au moment de notre départ,
64 CH. VÉLAIN.
nous en avons embarqué à bord de la Dives plus de cent, que nous
avions choisis parmi ceux qui commençaient à muer ', espérant
profiter pour leur faire faire la traversée de ce qu'ils ne prennent
à cette époque aucune nourriture pendant près d'un mois; mal-
heureusement aucun d'eux ne put résister aux chaleurs torrides de
la Réunion.
30 Remarques sur la faune marine de l'ile Saint-Paul.
Des faits qui précèdent il résulte donc que la faune et la flore ter-
restre de l’île Saint-Paul sont toutes deux fort pauvres. Si mainte-
nant, de cette terre stérile, nous portons nos regards vers la mer,
nous y verrons affluer la vie ; autant la première nourrit peu d’es-
pèces, autant la seconde en regorge pour ainsi dire. Au large, les Cé-
tacés, les Otaries, les Poissons surtout, sont d’une abondance extrème
et tous les ans attirent dans ces parages de nombreux équipages de
pêche, qui viennent y chercher, malgré les dangers, une; récolte
prompte et un gain assuré. Les Mollusques pélagiques, les grands
Céphalopodes n'y sont pas moins fréquents ; les Crustacés nageurs,
les Ptéropodes avec des Médusaires s’y rencontrent en véritables
légions.
Les côtes abruptes de l’île, qui de tous côtés tombent brusque-
ment sous la mer, battues sans paix ni trêve par des vagues furieuses,
se prêtent mal, sans doute, au développement des animaux marins,
aussi toute la zone littorale extérieure se montre-t-elle relativement
peu riche ; mais dans l’intérieur du cratère les conditions sont toutes
différentes et les eaux fourmillent de vie. C’est là comme une sorte
d’Atoll d'un nouveau genre, dont la lagune, bien abritée, sert de re-
fuge aux embryons de toute nature, qui, drainés par les Courants à
la surface d’un océan immense, viennent y fonder une colonie pros-
père.
En débarquant pour la première fois dans le cratère, nous avions
1 Pendant la mue, ces oiseaux sont couverts d’un duvet très-épais et fort singu-
lier, qui, de loin, leur donne l’aspect d'une grosse pelote de laine. Ce duvet, blanc et
soyeux comme celui du cygne, est formé par l'extrémité des plumes qui se trouve
toute décomposée. Dans cet état, il leur serait impossible de tenir la mer, leur plu-
mage tout entier faisant l'office d’éponge. Ceux que nous avons contraints de se
jeter à l’eau, alors qu’ils étaient ainsi en pleine mue, y paraissaient lents, mala-
droits, se tenaient toujours à la surface, et cherchaient à regagner la terre le plus
tôt possible,
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 65
été vivement impressionnés par l’aspect sauvage et désolé de cet im-
mense amphithéâtre naturel au fond duquel nous allions nous éta-
blir pour plus de trois mois. Tout nous parut mort dans cette solitude
effrayante que rien ne venait animer; nos sentiments devaient bien-
tôt changer. Ainsi, quand plus tard, à la marée basse, il nous fut
donné de voir, sur tout le littoral, le nombre considérable des ani-
maux invertébrés qui s’y trouvaient répandus à profusion, notre en-
thousiasme et notre joie devinrent grandes. 11 me sera sans doute
facile d'indiquer individuellement chacune des formes qui attirèrent
notre attention, mais ce que je ne pourrai rendre, c'est notre
étonnement à la vue de ce monde nouveau qui se révélait à nous.
Tout ce sombre entassement de roches volcaniques noires, éboulées
sur le littoral, nous avait paru absolument stérile ; rien, en effet, ne
trahissait à la surface la beauté du spectacle qui nous attendait sous
toutes ces pierres amoncelées. IL était absolument impossible à la
basse mer d’en retourner une, sans trouver sa face inférieure abso-
lument couverte d’un nombre incroyable d'animaux les plus variés.
Tous les points du sol sous-marin qui se trouvaient à l’abri de l’ac-
tion directe de la lumière, étaient dans le même cas. De nombreux
Zoanthes, des Spongiaires, des Bryozoaires... et surtout des Ascidies
simples, sociales ou composées, s’y disputaient absolument l’espace
et, se recouvrant littéralement les uns et les autres, ne formaient
qu'une même masse vivante, au milieu de laquelle s’agitait tout un
monde de Crustacés, de Mollusques, d'Echinodermes et de Zoophytes.
Chaque fragment de lave devenait ainsi un véritable musée vivant,
et transporté dans un de nos aquariums, il suffisait amplement à le
peupler.
Les Ascidies composées dominaient de beaucoup dans cet ensem-
ble : elles y déployaient une prodigieuse fécondité, et présentant les
formes les plus variées, les colorations les plus vives, elles s’étalaient
partout en une sorte de tapis continu, aux couleurs voyantes, d’où
s’échappaient, comme d’élégants arbustes, des colonies de Sertulaires,
des Bryozoaires arborescents et surtout de nombreux tubes d’Anné-
lides. De petites Actinies, des Cornulaires rouges ou violacées, des
Alcyons, de gracieuses Serpules émaillaient de fleurs tous ces par-
terres d'un nouveau genre.
Il faudrait tout un long mémoire pour décrire leurs variations
nombreuses de formes et de couleurs. Les unes blanches, incolores
et transparentes ou simplement marquées de quelques taches, for-
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — T. VI. 1877. 5
66 CH. VÉLAIN.
maient comme un bourrelet épais, qui tantôt s’étalait en un disque ré-
gulier et tantôt se renflait en une sorte de boule pédonculée presque
pyriforme ; les autres, au contraire, d'aspect lichenoïde, comme les
Didemnum et les Leptalinum, très-aplaties, jetaient partout leurs bran-
ches ramifiées ; d’autres encore, et des plus nombreuses, couvraient
de larges surfaces sous leur cormus velouté, épais, très-résistant,
nuancé des couleurs les plus diverses. Presque toujours lisses, l’une
d'elles cependant, assez rare et qui à l’inverse des précédentes vivait
sur le sable, se couvrait de villosités, supportant chacune un petit dé-
bris de roche ou de coquille.
Quand des espèces semblables, situées l’une près de l’autre, ve-
naient à se rencontrer par suite de leur accroissement rapide, toutes
les parties en contact se soudaient fréquemment ; la ligne de suture
restait toujours distincte, elle devenait légèrement jaunâtre, comme
ocracée, dans les espèces incolores, ou simplement blanche dans les
espèces colorées. C'était là une sorte de greffe par approche qui don-
nait naissance aux formes les plus singulières. Sur le revers intérieur
de la jetée du Nord, les Synascidies étaient remarquablement vigou-
reuses ; il n’était pour ainsi dire pas possible de soulever une pierre
sans déchirer plusieurs colonies ainsi réunies, qui formaient alors une
seule nappe, s'étendant sur plusieurs roches à la fois, et dont la lon-
gueur pouvait excéder 50 centimètres. Elles recouvraient absolument
tout ; en soulevant au couteau leurs plaques épaisses, on découvrait,
avec une foule de parasites, des coquilles mortes de Fissurelles et de
Patelles, des Bryozoaires, etc., qu’elles avaient étouffés. Une petite
Ascidie simple, qui vivait isolément enfoncée dans le sable, ou le plus
souvent fixée par petits groupes sous les rochers, était parfois recou-
verte par un Botrylle charnu qui s’étalait au-dessus d'elle, en respec-
tant toutefois ses orifices branchiaux : elle se trouvait alors obligée
d’exhausser graduellement ses siphons pour arriver à la faire émerger
à la surface. Les Spongiaires aussi se trouvaient fréquemment dans
ce Cas et laissaient ainsi dépasser leurs larges oscules qui venaient
s'ouvrir au sommet de prolongements coniques, sous forme de petits
cratères très-singuliers.
Toutes ces Ascidies, subissant à leur tour la loi commune, de-
venaient la proie d’un grand nombre d’autres animaux qui les atta-
quaient 2ntus et extra. Des Nématoïdes, des Annélides nombreuses et
jusqu’à des Crustacés, s’introduisant dans leurs colonies, y causent
des dégâts sensibles. Un petit Prosobranche incolore (Fryerra ?), deux
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 67
espèces de Doris se tenaient constamment à leur surface, vivant sans
aucun doute à leurs dépens : de même des Ophiures, de petits gasté-
ropodes, et surtoutun Asteriscus (A. exiguus, Lam.) semblaient en
faire leur nourriture favorite.
D’autres paraissaient y vivre surtout en commensaux, et ne ve-
naient y chercher qu'un refuge. Un crustacé, par exemple, de la
famille des Dromies, se creusait souvent, soit dans les masses les
plus compactes des Ascidies charnues, soit dans les Spongiaires, des
retraites profondes, au fond desquelles il se retirait au moindre
danger. Il eût été bien difficile de le découvrir dans cette situation,
car il prenait la précaution, pour se dissimuler d’une façon complète,
de porter constamment sur son dos une petite Ascidie ou une éponge
identique à l'espèce dans laquelle il avait élu domicile.
Parfois, sur les parois du cratère, d'énormes blocs de laves plus ou
moins sCoriacées ou Caverneuses, en s’accumulant les uns au-dessus
des autres, formaient, à quelques mètres de profondeur, une sorte
de voûte sous laquelle les rayons de lumière ne pouvaient guère pé-
nétrer. Aux plus basses eaux, dans les grandes marées, ces petites
grottes sous-marines, qui se trouvaient alors à peine recouvertes,
étaient d’un accès facile, ou tout au moins par les temps calmes,
quand l’eau du cratère était bien transparente, l’œil pouvait y péné-
trer, et ce spectacle était vraiment splendide. Dans le bas, des Flori-
dées au feuillage finement découpé, mariaient leurs colorations vives,
rouges ou violacées, à celles plus douces et verdâtres des Laminaires
et des conferves ; de gracieux Nudibranches, des Kolidiens surtout,
glissaient sur ces algues, avec des Planaires. De tous côtés, les parois
des roches étaient tapissées par des Ascidies, des Spongiaires d’un
rouge orangé, des touffes d’Actinies versicolores, ou par les expan-
sions lamelliformes des Eschares ; de la voûte descendaient les lon-
gues branches ramifiées d’un bryozoaire (Pugula) qui jetaient sur l’en-
semble des tons d’un bleu d'azur‘. Ces grottes, qui formaient comme
1 Ces bryozoaires arborescents prenaient immédiatement dans l’alcool une teinte
bleu de Prusse très-accusée ; la liqueur dans laquelle ils étaient ainsi plongés, se co-
lorait alors très-rapidement et devenait en quelques jours d’un bleu si foncé, que la
lumière ne pouvait plus la traverser. Ces animaux étaient, en outre, admirablement
phosphorescents. Un soir que la bougie qui m’éclairait dans notre laboratoire s’était
éteinte, et que je m'en allais à tâtons en quête de quelque allumette, j'en vins à
heurter l'aquarium dans lequel Rochefort conservait quelques-uns de ces élégants
animaux, une vive lumière traversa le vase; étonné, j'agitai l’eau et je vis immédia-
tement toutes les branches des bryozoaires s’illuminer des couleurs les plus vives,
68 CH. VÉLAIN.
autant d’aquariums richement peuplés, étaient, à vrai dire, peu
communes. Il en est une seulement que je tiens à signaler, parce
que nous avons été fréquemment l’admirer et qu'elle nous a fourni
nos plus précieuses récoltes; elle se trouve un peu au sud des han-
gars où les pêcheurs préparent leurs poissons, sous un énorme bloc
de dolérite, entouré d'une chaîne de fer, où les goëlettes viennent
s’amarrer, et sur lequel on voit encore gravés des noms de naufragés
ou de marins : Pallefournier Emile, Mazarin Desnoyarez, Grenoble —
Canton de Sassenage — Département de l'Isère, 1844.
Le diamètre du lac intérieur, parfaitement circulaire, est de
1 200 mètres en moyenne; son relief sous-marin, tel qu'il résulte
des nombreux sondages effectués par les officiers de {a Dives, indique
que les fonds tombent de tous côtés brusquement jusqu’à la profon-
deur de 20 à 25 mètres, puis descendent graduellement par une sorte
de plateau régulièrement incliné jusqu’à 50 mètres; à cette profon-
deur ils se relèvent ensuite légèrement de partout, de manière à des-
siner une petite éminence conique haute de 5 à 6 mètres, dont le
centre est occupé par une dépression, où la sonde accuse 69 mètres.
C’est là le point de profondeur maxima de la lagune. Les parois du
cratère, tombant ainsi presque à pic sous les eaux, surtout dans Je
Sud, ne laissent à découvert, à chaque marée, qu'une zone peu éten-
due ; les marées sont, du reste, assez faibles, elles oscillent en gé-
néral entre 0,80 et 1 mètre et atteignent rarement 2 mètres aux
syzygies.
La montée de l’eau est en dépendance absolue avec la force et la
direction des vents, avec l’état de la mer et provoque, dans l’étroit
chenal qui fait communiquer la baie avec l'extérieur, un courant
violent qui peut atteindre 3 et 4 nœuds de vitesse au moment du
reflux.
Notre première excursion zoologique eut pour objet une recon-
naissance générale de la faune littorale et de la richesse plus ou
moins grande des différentes stations. Cela fait, nous divisèmes le
cratère en un certain nombre de sections qui furent toutes explorées
successivement avec un soin minutieux. Aux époques des grandes
marées, chacun de nous laissant en suspens ses recherches person-
variant instantanément, en passant avec une promptitude étonnante du rouge au
vert, ou au bleu d'azur ; mais le phénomène durait peu et cessait dès que l’eau n’é-
tait plus troublée.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 69
nelles, nous nous réunissions tous trois pour explorer les espaces
découverts en nous attachant, dans la récolte des animaux marins,
à déterminer leur distribution par rapport à la profondeur, leurs
stations principales et les conditions d'habitat propres à chacun
d'eux.
La vie, si abondante sur tout le littoral, cesse pour ainsi dire subi-
tement dès la profondeur de 20 à 23 mètres ; on nerencontre guère
au delà que quelques rares Spongiaires d’un beau rouge avec des As-
cidies, qui descendent jusque par les fonds de 30 à 35 mètres, mais dans
les parties plus profondes la drague ne ramène plus que des vases
grises sableuses, remplies de Foraminifères le plus souvent morts et
de nombreuses coquilles brisées. De la sorte, tous les organismes vi-
vants sont, pour ainsi dire, condensés dans une bande étroite, large
de 25 à 30 mètres, qui forme comme un anneau au pourtour du bas-
sin (fig. 4). La causeenest,suivanttouteévidence, dans les dégagements
nombreux d'acide carbonique et d’azote qui s'effectuent encore au
fond de ce cratère, ainsi que l'attestent les nombreuses bulles qui,
par intermittences assez rapprochées, viennent en différents points
et notamment vers le centre, éclater à la surface. L’eau°se surcharge
d'acide carbonique et la proportion du gaz dissous augmente rapide-
ment avec la profondeur, comme on en peut juger par le tableau
suivant :
Composition du gaz dissous dans l'eau du cratère.
TT an
A la surface. A 25 mètres. A 47 mètres.
Acide carbonique..... 2.16 8.40 12:58
D'AVANT see 14.38 8.94 6.99
Azolesrs.. MM Se 83.46 82.64 80.42
100.00 100.00 100.00
Les nombreuses coquilles que les courants amènent dans ces
vases et qui appartiennent aux différentes espèces de mollusques vi-
vant actuellement soit dans l’intérieur, soit à l'extérieur du cratères
portent toutes la trace des actions chimiques exercées par ces éma-
nations acides qui les traversent; complétement décolorées, souvent
même corrodées, elles ont perdu toute consistance et sont devenue,
si fragiles, qu’elles se réduisent en poussière quand elles sont sorties
de l’eau et qu’elles sont sèches. On conçoit aisément que les animaux
ne puissent se propager dans un pareil milieu.
L'influence funeste de ces gaz délétères peut encore se constater
dans divers points de la zone littorale, où les dégagements sont alors
70 CH. VÉLAIN.
accompagnés de sources thermales abondantes, qui se font jour entre
les galets au niveau du balancement des marées. Tous les espaces
où se produisent ces dernières traces d’une activité volcanique à son
déclin sont absolument dépouillées de toute végétation marine, les
algues si belles et si nombreuses (Floridées, Phæosporées.…..) qui par-
tout ailleurs tapissent toutes les roches, ne les franchissent pas et
tracent ainsi des limites fort nettes en dedans desquelles le sol n’est
plus recouvert que d'une couche ocracée ferrugineuse, déposée par
MT:
Lef} lat Cr
SÉANLE
EX < Qt =
22 \\ Le 507
Fic. 4. — Coupe du cratère du nord-ouest au sud-est.
les sources, et de quelques conferves filamenteuses. La thermalité de
ces sources, assez variable, n’est en moyenne que de 40 à 45 degrés,
mais elle peut atteindre et même dépasser 90 degrés ; à l'angle, que
fait intérieurement la chaussée du Nord avec la paroi du cratère, des
fumerolles abondantes possèdent une température de 78 à 80 degrés
centigrades, et dans le fond du cratère, en face de la passe, sur de
petites plages de sable qui découvrent à marée basse, des sources
thermales atteignent presque le point d’ébullition de l’eau. À marée
haute, au-dessus des orifices de ces divers dégagements, la tempéra-
ture de la mer est surélevée de 4 à 5 degrés environ à la surface, et
s'élève même jusqu’à 20 degrés sur le littoral, tandis qu’au milieu du
bassin le thermomètre n’accuse que 14 à 15 degrés. Il était intéres-
sant de rechercher l’influence de ces eaux échauffées sur la distribu-
tion des animaux marins; en général on y constate encore un ap-
pauvrissement de la faune, les Ascidies composées, les Annélides, les
Bryozoaires, évitent ces régions. Au contraire, diverses espèces d’Ac-
tinies, et surtout des spongiaires particuliers, aiment à se trouver au
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 71
voisinage des petits courants d’eau chaude qui résultent du mélange
de l’eau des sources avec celle de la mer. Certaines espèces parais-
sent même pouvoir résister à une assez haute température, nous
avons fréquemment trouvé, par exemple, de petits crustacés et no-
tamment un Sphérome (Spher. tuberculata, Br.), très-abondant dans
toute la zone littorale, sous des pierres que nous avions peine à
retourner, à mer basse, tant elles étaient chaudes.
Cet anneau dont je parlais tout à l'heure et dans lequel les animaux
sont obligés de se condenser et de se disputer l’espace, se trouve
donc interrompu en plusieurs points dans l'Ouest; dans le Sud et
dans l'Est il reste au contraire continu, tous les phénomènes volca-
niques ayant complétement cessé de ce côté. On peut y distinguer
deux zones distinctes, représentant chacune une association particu-
lière d'espèces : 1° la zone du littoral comprise entre les limites du
marnage de la marée ; 2° la zone descendant jusqu'a 20 mètres au-des-
sous du niveau des plus basses mers ; c’est de beaucoup la plus riche
aussi bien en plantes marines qu’en organismes de toute nature, sur-
tout dans son premier tiers supérieur. La zone profonde qui vient
ensuite et qui s'étend des fonds de 25 à 30 mètres jusqu’à ceux de
profondeur maxima, se trouve, à l’inverse des deux précédentes,
caractérisée par son aridité absolue et ne comprend pas d'espèces
spéciales, à l’exception de quelques foraminifères, car les spon-
giaires et les ascidies qui se tiennent encore à sa partie supérieure
sont surtout abondants dans la deuxième zone.
Je ne puis aujourd’hui entrer dans le détail des diverses faunes de
ces deux premières zones, préférant revenir plus tard sur ce sujet;
il ne me sera possible, en effet, d'établir la liste des espèces qui re-
viennent à chacune d'elles que quand toutes les collections rappor-
tées auront été étudiées. Je signalerai seulement, comme une des
plus belles espèces spéciales à la deuxième zone, une grande Culcite,
d’un beau rouge orangé, que M. Ed. Perrier, professeur au Muséum
d'histoire naturelle, se propose de décrire prochainement sous le
nom de Culcita Veneris.
La zone littorale peut elle-même se subdiviser en deux parties,
dont la supérieure comprend toutes les espèces qui vivent entre le
niveau de la haute mer et la limite extrême atteinte par les eaux aux
grandes marées. De ce nombre sont des Marinules (Marinula nigra,
Philippi) qui abondent surtout dans le nord du cratère, et un petit
acéphale appartenant au genre Zasæa, identique à l'espèce euro-
72 CH. VÉLAIN.
péenne ZLasæa rubra, Montagu, qui se trouve par milliers dans toutes
les crevasses, dans toutes les anfractuosités des laves, au niveau
moyen des eaux.
La seconde partie de la zone littorale est peu étendue, à cause de
la forme de la côte, complétement accore ; elle est extraordinaire-
ment riche, sinon en espèces, du moins en individus, qui se mon-
trent là par une sorte de compensation en nombre prodigieux; les
conditions d'habitat peuvent s’y définir ainsi : fond rocheux exposé
à la lumière, pression faible, température moyenne de 13 à 14 de-
grés, à peu près constante, agitation de l’eau presque nulle, végéta-
tion marine abondante.
L'exploration de cette zone, dans toute son étendue, n’est pas tou-
jours facile, le littoral se présentant partout sous forme d’un talus
d’éboulement, à pente rapide, sur lequel on a souvent peine à se
tenir debout, par suite de l’extrême mobilité des blocs de laves dont
il se compose. C’est ainsi que, sur le revers intérieur de la chaussée
de l'Est, on ne pouvait bouger une roche, sans déranger tout l’édi-
fice qui s’écroulait avec fracas et roulait à la mer. Toute cette chaus-
sée est, du reste, remarquablement pauvre, elle se termine, à son ex-
trémité ouest, par une petite plage sableuse, dans laquelle nous
n'avons jamais rien trouvé’. La paroi du cratère, qui lui fait suite,
à l’extrémité opposée, étant complétement à pic, ne peut s’explo-
rer qu'avec une embarcation, mais bientôt les grands fonds s'écar-
tent un peu de terre, et l’on se trouve en présence d’une des plus riches
stations du littoral. Un Brachiopode, de la famille des Terebratulidæ,
Kraussina Davidsoni, y abonde et recouvre littéralement les roches
au niveau de la basse mer, avec de beaux Bryozoaires étalés apparte-
nant aux genres Lepralia et Cellepora.' Un Siponcele et des Annélides
(Eunices, Néréis, Terebelles, Sabelles, etc.) atteignent là une taille
considérable ; c’est encore là le gisement principal d’un bel £chinus.
Tout le reste de la côte, jusqu'aux premières fumerolles, ne pré-
sente plus rien de remarquable ni de particulier. Pour trouver une
station comparable, il faut ensuite gagner le voisinage des belles
sources thermales du Nord, au-delà des espaces chauds. Là tous les
mollusques, Pourpres, Rissoelles, Margarita, Fissurelles, Patelles,
Chitons,.… qui seront décrits plus loin, sont très-nombreux, avec
1 Ces plages sableuses sont assez rares dans l’intérieur du cratère, il en existe
encore quelques-unes, de peu d’étendue, dans le voisinage des jardins (no 7 de la
carte) qui ne nous ont jamais rien fourni, malgré des fouilles fréquemment répétées.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 73
des Ophiures de deux espèces et un Asteriscus (Asé. exiquus), dont
le principal gisement se trouve près des saleries de poissons. Un peu
après celle de ces sources désignée généralement sous le nom de
source du Bain, parce que les pêcheurs, qui ont une certaine con-
fiance dans l'efficacité de ces eaux thermales pour la guérison des
blessures, l’ont aménagée de telle façon qu'on peut s’y baigner à
marée basse, quand elle est encore suffisamment mélangéé d’eau de
mer pour que sa température soit supportable, — on peut remarquer,
sous des blocs de laves, disposés de manière à former des grottes
semblables à celle que j'ai signalée plus haut, toute une forêt de
Serpules, d’Annélides tubicoles et de beaux Bryozoaires bleus arbo-
rescents (Bugula), qui abritent plusieurs petits bivalves (Æochstet-
teria, Rochefortia.), avec de nombreuses Holothuries blanches et
de fort belles Actinies. Plus loin encore, en face du petit col qui
précède le plateau habité par les Manchots, à l'endroit précis où le
sentier qui conduit aux sources s'infléchit jusqu au niveau de la mer,
les Æraussina Davidsoni se retrouvent en extrême abondance et se
tiennent là, de préférence, sous les roches alternativement recou-
vertes et découvertes à chaque marée; la côte y découvre plus qu'en
aucun autre point. Les Ascidies composées sont moins nombreuses
peut-être que dans les stations précédentes, mais dans les parties
sableuses, entre les roches, les Actinies abondent et c’est là que nous
avons recueilli les plus beaux individus du Sphérome tuberculeux.
Il ne me reste plus à signaler qu’une station importante, le revers
intérieur de la chaussée du Nord. Toutes les espèces de la zone litto-
rale se sont, pour ainsi dire, donné rendez-vous dans ce petit espace :
le niveau inférieur de la zone littorale est surtout d’une richesse
inouïe. C’est là où on peut recueillir les plus belles Ascidies compo-
sées, avec ce petit Dromien, qui paraît vivre en commensalisme
avec elles. L’exploration de l’extrémité de cette jetée, vers la passe,
nous à fourni plus d’un fait curieux ; on doit y signaler un mélange
de la faune littorale du cratère, avec celle que nous trouverons plus
tard à l’extérieur ; quelques espèces paraissent en outre cantonnées
là et ne se retrouvent point ailleurs. Il en est ainsi d’une petite Pha-
sianelle blanche (P. Munieri), par exemple. Une nouvelle espèce de
Murex, que J'ai dédiée à M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers,
Murex Duthiersi, un Trophon (7. tritonidea; avec un petit acé-
phale, Æochefortia australis, toujours rares dans l'intérieur du
cratère, sont ici assez fréquents. Enfin le Purpura Dumasi, qui ne se
74 CH. VÉLAIN.
tient généralement qu’à l'extérieur, dans les brisants, arrive jusque-là,
mais ne pénètre pas plus avant et ne franchit pas la passe. Aux
époques des grandes marées, cette pointe découvre beaucoup, sur-
tout par les temps calmes, et la profondeur de l’eau dans la passe
atteint à peine 4 mètre. Toutes les roches disparaissent, pour ainsi
dire, sous les algues, qui recèlent alors une quantité d’Isopodes et
de petits Mollusques (/rssoa, Rissoella, Phasanrelle, Trophon.… etc.). Il
suffisait de ramasser quelques poignées de ces plantes et de les
plonger dans un vase rempli d’eau de mer pour en voir sortir toute
une population des plus variées. Un petit Isopode particulier, qui em-
prunte à une floridée, sous laquelle il vit, sa couleur rouge-lie de
vin, ne peut s’obtenir que là.
Puisque je parle des Crustacés, il est juste maintenant que je
signale une belle Langouste rouge, de grande taille, Palinurus La-
landei, M. E., qui se trouve en telle abondance dans le cratère, qu'il
suffisait, pour ainsi dire, de plonger sa main dans l’eau pour en prendre
une. Tous ceux qui ont passé sur l’île en ont parlé et n’ont pas man-
qué, près des eaux thermales, alors que la mer commence à baisser,
de les amener en les tirant par les antennes, sans les faire sortir de
l’eau, jusque dans les sources chaudes pour les en retirer cuites à
point, en quelques instants. La même espèce se retrouve dans toutes
les eaux, autour de l’île, en nombre prodigieux.
J'aurai donné les traits les plus caractéristiques de la faune du
cratère, quand j'aurai signalé le nombre également considérable de
petits Crustacés pélagiques et de Ptéropodes que les courants y
amènent, et que nous prenions la nuit, en promenant un filet de
mousseline à la surface de l’eau, au milieu du bassin ; dans le jour,
ces mêmes pêches étaient beaucoup moins productives. Ces Ptéro-
podes, et notamment les Limacines et les Spirialis, doivent se trouver
réunies en nombre immense autour de Saint-Paul, si on en juge par
l'énorme quantité de leurs coquilles, qui couvraient littéralement
la chaussée de l’est après les coups de vent.
L'île Saint-Paul présente à l’extérieur une faune toute différente
de celle que nous venons de décrire dans l’intérieur du bassin, et
c'est là, bien certainement, un des traits les plus importants de son
histoire zoologique. Les différences qu'on observe consistent non-
seulement dans la présence de formes nouvelles, mais encore dans
les variations qu'y prennent les espèces communes avec celles de la
faune précédente.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 1
Ses lignes de côtes droites, complétement abruptes, exposées à
toutes les violences d’une mer sans cesse agitée, sont, comme je l'ai
dit au commencement de ce chapitre, peu favorables à la vie sous-
marine : la zone littorale se montre donc remarquablement pauvre.
On y voit encore au niveau de la haute mer, en extrème abondance,
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LEZ 1
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À
HAE
Fig. 5. — La pointe Hutchison dans le Sud-Est.
les Lasæa et surtout les Marinules du cratère ; elles sont alors accom-
pagnées d’une Siphonaire (Sphonaria Macgillivrayi), qui se tient de
préférence dans les falaises, à la limite des embruns. L'influence des
marées se fait là peu sentir, à cause de l’état de la mer, et la zone
qui découvre est pour ainsi dire nulle; sous les gros blocs de laves
accumulés au pied des falaises, une Patelle (Patella depsta), qui
n'existe guère qu'à l’état jeune dans le cratère ; des Pourpres et deux
espèces de Troches (Margarita Lacazei et M. nigricans) sont à peu
près les seuls mollusques abondants. Le Purpura Dumast, qui se trou-
vait déjà sur la chaussée du Nord, pullule ici, tandis que le P. Ma-
gellani, si fréquent dans le cratère, y devient rare, presque incolore
et prend une forme courte, avec un test épais. Il est vrai de dire que
nos explorations dans cette seconde partie de l’île ont été forcément
restreintes à quelques points isolés, la majeure partie de cette côte
76 CH, VÉLAIN.
étant absolument inaccessible et défendue par une ligne continue de
falaises à pic, hautes de 20 à 25 mètres, dans lesquelles on ne peut
descendre qu’en deux ou trois endroits ; à la pointe Nord, par exemple,
et vers les îlots des Deux-Frères, sous la pointe Hutchison, en se
laissant glisser dans de profondes crevasses, en se suspendant aux
‘ coulées de laves faisant corniche et disposées en gradins, on arrive
jusqu’au rivage. Mais là de nouvelles difficultés vous arrêtent : un :
Fig. 6. — L'ilot du milieu (Rhyolithes).
ressac continuel et souvent des lames énormes, qui viennent déferler
presque jusqu’au pied des falaises, rendent les recherches sur le lit-
toral presque impossibles. Par des temps exceptionnellement calmes,
nous avons pu voir, dans l’est de la première de ces deux pointes, de
petits bassins creusés dans des nappes de laves s'étendant sous les
eaux, qui contenaient quelques-unes des Actinies du cratère, avec la
même Holothurie blanche, le petit Sphérome tuberculeux, des Ser-
pules et de nombreux Spirorbes. La pointe Hutchison, dans le Sud-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 77
Est, se signale par un riche gisement de la Fissurella australis ; c'est
le seul point où nous ayons rencontré des Balanes.
Les petits îlots qui se voient dans le Nord, à peu de distance de la
côte, sont constitués les uns par les roches acides du massif ancien
(rhyolithes), les autres par des laves basaltiques et doléritiques : on
Fic. 7. = Nine-pin Rock (laves basaltiques).
peut y constater une preuve des plus manifestes de l'influence exercée
par la composition des roches sur la distribution des animaux. Aïnsi
les îlots rhyolithiques, exclusivement siliceux, ne sont entourés, au
niveau du balancement des marées, que d’une couronne d'algues et
de nullipores, tandis que ceux basaltiques sont en même temps cou-
#
78 CH. VÉLAIN.
verts de Patelles (P. depsta, Reeve), sans doute parce que ces ani-
maux trouvent, dans les feldspathes calciques (labrador et anor-
thithe) dé dolérites ou des basaltes, les éléments calcaires dont ils
ont besoin. Le plus remarquable de ces îlots, et par ses dimensions
et par sa forme singulière, qui lui a valu le nom de Vine-Pin ou celui
plus significatif encore de Pain de sucre, situé presque en face de la
baie des Manchots, n’est séparé de la côte que par un chenal peu
profond, où les Venus antarctica sont assez abondantes. Les sables fins
qu'on drague au fond de ce chenal et qui sont semblables du reste
à ceux de la baie des Manchots, renferment une collection complète
de tous les minéraux dont se composent les roches volcaniques de
l’île; ils sont également riches en Foraminifères.
Les chiffres de sondages placés sur la carte (pl. 1) indiquent com-
bien les fonds sont rapprochés de terre dans toute cette partie de
l’île, qui s'étend du nord au sud-est en passant par l’ouest. Les faibles
moyens dont nous disposions pendant notre séjour, ne nous ont pas
permis d'y promener la drague : on se rappelle que le bâtiment de
guerre qui nous avait portés sur l’île n'avait pu y séjourner, il ne
nous avait laissé d'autre embarcation qu'une grande baleinière non
pontée. Nous avions trouvé en outre, échoué sur l’île, un petit canot
qui provenait de la Wegæra, et qui nous fut d’un grand secours dans
l’intérieur du bassin, mais il se trouvait hors d’état de tenir la mer à
l'extérieur.
Le 5 de janvier, à notre départ de Saint-Paul, deux coups de
drague, donnés dans l’est par les fonds de 90 mètres, ramenèrent au
milieu de sables noirs grossiers, résultant de la trituration des roches
volcaniques des falaises, les espèces dont les noms suivent :
Murex Hermani, 98 individus dont 5 vivants.
Triforis isleanus, 2 individus dont 1 vivant.
Triton (sp.)? 2 individus jeunes.
Erycina alba, 14 individus vivants.
Holothurie, À individu vivant.
Annélides, 5 individus vivants.
Polypiers (Turbinolides), 4 individus morts.
avec quelques valves isolées de Venus antarctica, des fragments de
balanes et des tubes de serpules.
Ces polypiers, qui sont encore assez fréquents par les fonds de 50
et 60 mètres, au-delà du banc Roûre, dans le Nord-Est, sont de petite
à
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 19
taille et appartiennent à la famille des Turbinolides, dans laquelle ils
devront constituer deux genres nouveaux se rapprochant, l’un des
Turbinolia, l'autre des Desmophyllum, et comprenant chacun deux
espèces. Le premier de ces deux genres présente cette particularité
curieuse, que tous les individus se trouvent accouplés deux par deux,
soudés base à base, dans l’une comme dans l’autre espèce. |
Dans le Nord-Est, la portion de l’île que nous avons dit s’être
affaissée sous les eaux par suite d’une grande faille, dirigée sensible-
ment du nord-ouest au sud-est et dont la lèvre orientale, restée
debout, forme maintenant les grandes falaises de l'entrée du cratère,
donne lieu à un vaste plateau sous-marin, faiblement incliné, au-delà
duquel les fonds tombent brusquement, comme autour des côtes
ouest et sud. Une nappe assez épaisse de sables volcaniques fins
recouvre cette surface et abrite toute une petite faunule de Gastéro-
podes et d’Acéphales, dont les dimensions sont tout à fait réduites et
qui souvent sont en nombre prodigieux. M. Rochefort, à l’aide des
officiers de la Dives, a complétement exploré cette région en y effec-
tuant de nombreux draguages, surtout vers le banc Roüre, où elle
paraît le plus riche.
C’eût été un travail considérable que de tirer à la loupe, au milieu de
sables ramenés par la drague, les petites coquilles, les foraminifères
nombreux qui s’y trouvaient en proportions variables. Mais en soumet-
tant chaque échantillon de ces sables, provenant d’une profondeur dé-
terminée, à l’action d’un électro-aimant puissant, mis en marche par
6 grands éléments de Bunsen, qui s'emparait immédiatement de toutes
les particules ferrugineuses attirables, fragments de roches volcani-
ques, pyroxène, péridot, etc., il devint facile d’en séparer tous les dé-
bris de corps organisés, qui restaient comme résidu après chaque trai-
tement avec quelques fragments incolores de feldspath. Je signale cette
application d’un procédé ingénieux imaginé par M. Fouqué, profes-
seur au Collége de France, pour l'analyse médiate des roches ‘, parce
qu'il m'a permis d'obtenir d’une façon complète toutes les petites
espèces rapportées par chaque coup de drague ? et de déterminer ainsi
avec une grande exactitude leur répartition suivant la profondeur.
1 Fououé, Mémoires des savants étrangers. Acad. des sciences.
2 Chaque échantillon de sable examiné était du volume de 500 centimètres cubes.
La proportion des coquilles s’y élevait, surtout par les grands fonds, jusqu’à
80 pour 100; mais dans quelques points peu rapprochés de la côte, elle descendait
jusqu’à 1 + pour 100; enfin quelques coups de drague ne contenaient, par les
80 CH. VÉLAIN.
Dans toute cette étendue, qui figure un triangle dont la base
aurait 5 000 mètres et la hauteur 2 000 mètres, on peut ainsi distin-
guer, à partir de la zone littorale, quatre zones qui ont chacune leurs
habitants propres et qui sont les suivantes :
1° Zone des fonds de 40 à 25 mètres : Æissoa subtruncata, Lacuna
Heberti, Venus antarctica ;
2 Zone des fonds de 25 à 50 mètres : Lacuna parvula, Rissoa
Lantzi, R. Cazini, Paludestrina Duperrei, Phasanella breuis, Schis-
mope Mouchezi, Hochstetteria crenella, H. modolina.
La Lutetina antarctica se trouve en égale abondance dans ces deux
zones.
3° Zone des fonds de 50 à 80 mètres : T'urbonilla scalaris, T. Perou,
Magilina serpuliformis ;
4° Zone de 80 à 100 mètres : 7riton...(?) Persicula Crosser, Triforis
isleanus, Gadus Divx, Murex Hermanni, Lachesis Turquetr.
L’ÆErycina veneris ‘se trouve à la fois dans les trois dernières zones.
Autour de l’île Saint-Paul, aussi bien que dans son lac intérieur,
l’Algue gigantesque, Macrocystis pyrifera, croît sur chaque roche de-
puis le niveau de la basse mer jusque par les fonds de 60 mètres, où
elle arrive encore à gagner la surface. Sur toute la côte ouest, par
les fonds de 30 mètres, elle forme de véritables bancs sur une éten-
due et une épaisseur considérables. Il se fait là, par cette puissante
végétation sous-marine, des échanges gazeux considérables, l’eau se
charge d'oxygène à ce point, qu’elle en contient 10, 12 et jusqu'à
15 pour 100 en volume, aussi les animaux y pullulent de nouveau.
Darwin, dans son voyage célèbre à bord du Zeagle!, cite sur ces
mêmes algues, à la Terre de Feu, une prodigieuse quantité d’Asci-
dies, de Mollusques nus ou testacés et de Zoophytes, qui couvrent
les tiges et les feuilles ; ici, à vrai dire, rien de semblable : quelques
Mollusques, des Rissoa fixés par un réseau de fils extrêmement ténus,
des Bryozoaires, quelques Anatifes s'y rencontrent seuls, mais ces
véritables forêts aquatiques abritent tout un monde de Crustacés,
de Céphalopodes et de Poissons. Parmi les Céphalopodes, je dois
citer, comme particulièrement abondants, deux espèces d'Ommas-
trèphes, qu’on voyait de temps à autre s’élancer hors de l’eau, par
fonds de 925 à 30 mètres, que huit à dix petites coquilles de 2 à 3 millimètres,
il est bien évident que, sans l’électro-aimant, je n’aurais même pas pu soupçonner
leur présence,
! Voyage d'un naturaliste, p. 258.
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LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 83
troupes, comme autant de flèches ; ces animaux forment la nourri-
ture habituelle des oiseaux, principalement celle des Manchots.
Dans le cratère un Poulpe de petite taille, le Poulpe commun, Octo-
pus vulgaris, dont l’aréa est ainsi très-étendue, n'est pas rare, Îles
pêcheurs lui donnent le nom d’Owrite et s’en servent, de temps à
autre, comme d'appât.
Ces mêmes pêcheurs signalaient É AT presque tous les ans,
au milieu des bancs de poissons, d’une Ourite gigantesque, dont les
dimensions excédaient celle de leurs embarcations, et qui s’avançait
en lançant hors de l’eau, jusqu’à une grande distance, deux longs
bras garnis de ventouses ; ils en craignaient l'approche et rentraient à
force de rames dans le cratère, dès qu'ils l’avaient aperçue. Nous
n’ajoutions qu’une foi médiocre à leurs assertions, quand le 2 de
novembre, à la suite d’un raz de marée d’une violence inouïe, un de
ces céphalopodes monstrueux vint s’échouer à l'extrémité de la
chaussée du Nord, 11 ne mesurait pas moins de 7,15 de l'extrémité
du cornet à celle des bras tentaculaires. Son corps, qui commençait
à se décomposer, n’était malheureusement plus en état d’être con-
servé, et nous n’avons pu en détacher que les bras, la plume, le
bulbe avec le bec. M. Cazin, vint immédiatement le photographier
dans l’état où la mer l'avait jeté au milieu des galets ; c’est cette pho-
tographie qui se trouve reproduite dans la figure ci-jointe (fig. 8).
Dans un premier rapport, adressé à l’Académie des sciences !, aus-
sitôt notre retour, j'avais mentionné ce grand céphalopode, en le
rapportant au genre Architeuthis, de Steenstrup ?. Ses dimensions, ses
ventouses circulaires, garnies d’un cercle corné finement denticulé,
leur disposition sur les bras, semblait motiver ce rapprochement,
mais certains autres caractères l’en éloignent; en particulier, la forme
singulièrement écourtée des bras, qui paraissent tronqués brusque-
ment au lieu de se terminer en une pointe effilée, comme dans tous
les céphalopodes, ainsi que la terminaison inférieure, toute diffé-
rente, de l’osselet dorsal. Il devra certainement constituer, parmi les
ommastrèphes gigantesques, un genre nouveau que je m'empresse
de dédier au commandant Mouchez, heureux de pouvoir ainsi
attacher son nom à l’une de nos plus importantes découvertes.
Les grands Cétacés sont aussi fort nombreux autour de l’île, et
Compt. rend. hebd., t. LXXX, p. 1002 ; séance du 19 avril 1875.
STEENSTRUP, Om colossale Cephalopoder, in Mém. Acad. Copenhague, 1877.
1
2
84 CH. VÉLAIN.
tous les ans, au printemps, des baleiniers américains descendent
pour leur faire la chasse. D’après leur dire, deux espèces de baleines,
la Baleine franche et la Baleine noire, avec des Cachalots, fréquente-
raient ces parages, attirés par des bancs considérables de Ptéropodes
et de Crustacés. Les Cachalots sont de beaucoup les plus fréquents,
ils se montrent ordinairement deux par deux, et par groupes, tandis
que les Baleines noires sont isolées et que les Baleines blanches arri-
vent par petites troupes.
Pendant notre traversée, c'est au-delà du tropique du Cairtatlés
que nous avons commencé à rencontrer ces bandes de Cachalots, qui
de loin se laissaient reconnaître aux gerbes d’eau lancées par leurs
évents; ils nageaient droit, le corps à demi hors de l’eau, et plon-
geaient rapidement, sans exécuter ces courbes gracieuses que déeri-
vaient lentement les Baleines, qui parfois s’approchaïent aussi de
nous, pour venir se jouer dans le sillage de la Dives.
A Saint-Paul, je ne crois pas avoir fait une seule excursion sur les
pentes extérieures du cratère, sans apercevoir au large quelques-uns
de ces énormes animaux. Des Baleinoptères, bien reconnaissables à
leurs allures vives, à leur taille ainsi qu’à leurs évents considérables,
et surtout à leur grande nageoire dorsale, venaient encore souvent
faire la chasse dans les bancs de poissons. Il en est une qui, pendant
deux jours, se tint constamment à quelques encablures de la passe,
se laissant porter par les lames presque jusque sur les galets, à ce
point que nous pensions à chaque instant, et non sans effroi, qu’elle
allait s’échouer sur l’une ou l’autre des deux jetées. Elle l'aurait
presque entièrement couverte de son énorme masse et serait venue
empester notre séjour déjà si peu favorisé.
Plusieurs espèces d’Otaries, avec des Phoques, se voyaient autrefois
à Saint-Paul en troupeaux innombrables : tous les témoignages des
anciens navigateurs s'accordent pour affirmer le fait. Ainsi, en 1696,
van Vlaming, le premier, avons-nous dit, qui ait mis le pied sur
l'ile, trouve la jetée couverte de ces animaux et remarque, au mi-
lieu d'eux, un animal de grande taille (20 pieds de long) pourvu
d'une crinière, qu'il désigne sous le nom de Zion marin. En 1754, le
Hollandais Godlob Silo est, de même, obligé de se frayer un passage
à travers les loups marins, pour arriver jusqu’au cratère. Non-seule-
ment ils envahissaient le bord de la mer, mais ils occupaient encore
toute l’île jusqu’à une assez grande hauteur, car le même navigateur
les cite tout aussi nombreux, jusqu'à près de 400 mètres d’altitude.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 85
En faisant l’ascension de la grande falaise qui domine la jetée du
Nord, il les retrouve, par exemple, blottis dans les herbes, jusque
sur le plateau occupé aujourd’hui par les Manchots. Des navires des-
cendaient alors de Chine, où leur fourrure était très-estimée, pour
leur faire la chasse, et c'est par centaines que se compte le nombre
des victimes qui tombèrent chaque jour pendant les années qui sui-
virent.
C'est ainsi que le capitaine Peron, en 1799, trouva devant Saint-Paul
un bâtiment le Voo/ka, qui venait de Canton pour reprendre sept hom-
mes occupés depuis dix-septmois à faire une cargaison de ces peaux, et
lui-même, pendant le séjour forcé qu'il fut obligé de faire sur liîle
avec quatre matelots, n'eut d'autre ressource que de se livrer à cette
chasse. En février 1793, quand les vaisseaux le Lion et l’Hindoustan,
qui portaient en Chine l'ambassadeur anglais, lord Macartney, vin-
rent mouiller près du Nine-Pin, ils avaient déjà préparé près de
8000 peaux. Peron n'eut pas à se louer de la visite des bâtiments
anglais; pendant qu’il conduisait dans l’île lord Macartney et les
officiers de sa suite, son magasin était pillé, bouleversé, et l'équipage
du Zion lui enlevait une partie du produit de sa chasse.
Il nous a laissé, dans ses Mémoires, d'intéressants détails sur les
mœurs de ces animaux, au milieu desquels il fut obligé de vivre pen-
dant plus de trois ans. «On n'en voit presque pas, nous dit-il, pen-
dant les mois de septembre et de novembre; ils commencent à se
montrer en décembre et dans les mois suivants ils arrivent plus
nombreux. Ils abordent alors au rivage, en grandes troupes, souvent
par centaines, quelquefois en nombre moindre et même un à un...
« L'instinct de la reproduction et le besoin de la mue sont les mo-
tifs qui expliquent l’arrivée, à époques fixes, de ces monstres à l’île
Saint-Paul. La mue est pour eux une crise violente; plusieurs n’y
résistent qu'avec peine, et surtout les gros mâles, qui, pendant toute
sa durée, se retirent dans les cavités des rochers; ils n’en sortent
même pas pour aller à la mer, à moins qu'il n'y ait nécessité pour
eux de se soustraire à un danger imminent... Les femelles sont vivi-
pares ; elles portent onze mois et mettent bas ordinairement dans les
mois de mars et d'avril ; elles ne font qu'un petit. »
Après avoir longuement mentionné la tendresse de ces animaux
pour leurs petits, Peron continue : « Les femelles ne quittent l’île
que lorsque les petits ont assez de force pour les suivre dans de nou-
veaux parages; leur émigration a lieu au mois d'août, et même elle
86 CH. VÉLAIN.
aurait lieu plus tard, si elles n'étaient harcelées par les chasseurs,
qui préfèrent leur fourrure à celle des mâles. Les petits ne vont à
l’eau que vers l’âge de deux mois ; pour leur début ils choisissent les
lieux où la mer ne porte que l'extrémité de ses vagues ; ils s’avancent
peu à peu et finissent par s’aventurer davantage. À quatre ou cinq
mois, ils ne le cèdent à leurs parents ni en adresse ni en courage,
et entreprennent gaiement avec eux le grand voyage vers des con-
trées lointaines... Les gros mâles ont généralement 7 pieds de
largeur, les femelles ont de 4 à 5 pieds ; la couleur des uns et
des autres est d'un gris plus ou moins clair, lorsqu'ils ont plus
d'un an. La couleur des petits est d’un beau noir d’ébène. » La des-
cription et le dessin qu'il donne ensuite d’un éléphant de mer, dont
la taille atteindrait en moyenne 18 pieds de long, se rapportent,
sans aucun doute, à ce phoque à trompe ou à museau ridé, dont
Cuvier fit! autrefois le type du genre Macrorhinus?. Enfin, sous le
nom de 7gre de mer, il indique encore un véritable Phoque, de la
taille des plus gros Otaries (Sfenorhynque leplonix), et dont la peau,
dit-il, n'a d'autre mérite que celui d’être tachetée de brun et de noir
sur un fond blanc.
Aujourd'hui tous ces animaux, traqués par les pêcheurs, ont aban-
donné l'île.
Les Lions marins (Arctocephalus Hookeri), les Eléphants de mer (Ha-
crorhinus?) et les Phoques, ne se voient plus que d’une facon tout à fait
exceptionnelle et se tiennent toujours prudemment au large ; ils ne
dépassent guère les bancs épais de Macrocystis, sur lesquels ils ai-
ment à se reposer. Un Otarie de taille médiocre (Ofaria Forsteri) per-
siste seul à se montrer au milieu des brisants, sur la côte extérieure,
_par petits groupes de cinq ou six, mais ne pénètre plus jamais dans
le cratère. Ces animaux, autrefois si confiants, sont devenus très-
craintifs et n’accostent sur les galets qu'après mille précautions,
C'est le matin qu'ils s’approchent du rivage pour venir s’y reposer;
les pêcheurs qui les guettent, se tiennent blottis au haut des falaises
et se cachent avec soin, car ils savent que les Loups marins, dont la
vue est très-subtile, inspectent longtemps les falaises avant d’atterrir,
1 F, Cuvier, Dicl., t. XXIX, p. 552.
? C’est encore à cet Eléphant marin qu’il faut rapporter la grande espèce vue par
Mortimer et Cox, sur Saint-Paul, en 1791 (Obs. and Rem. during a Voy. to the Isl. of
Amslerdam, etc., 1791, p. 11), et que Desmarest a décrite sous le nom de Phoca
Coæxii (Nouv. Dict. d'hist. nat., 2e édition).
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 87
et qu’ils reprennent le large pour plusieurs jours dès qu'ils soup-
connent le moindre danger. Une fois sur les galets, ils prennent
leurs ébats, mais toujours d’un air inquiet, et finissent par s'endor-
mir ; la difficulté est alors de les surprendre, c’est-à-dire de venir se
placer entre eux et la mer, pour les frapper avant qu'ils se soient
réveillés. |
Les Otaries sont très-courageux : surpris, ils essayent de se dé-
fendre en se dressant de toute leur hauteur d’un air menaçant et se
jettent sur le chasseur, qui peut être grièvement blessé, s’il n’a pas
assez d'adresse pour les éviter ou pour les frapper. Un seul coup de
bâton, bien appliqué sur la tête ou même sur le museau, suffit alors
pour les étourdir, et même pour les abattre.
Les Poissons fourmillent sur les côtes de l’île Saint-Paul ; presque
tous les ans la pêche s’y fait par un certain nombre de petites goë-
lettes de 50 à 80 tonneaux, qui descendent en novembre des îles
Mascareignes, de Maurice et surtout de la Réunion, et reviennent en
février avec les alizés du sud-est. Ils sont, les uns sédentaires, les
autres errants ou seulement de passage, c’est-à-dire que certaines
espèces séjournent dans ces parages, tandis que d’autres n’y arrivent
qu'à des époques déterminées. Tous vivent en troupes nombreuses,
non point isolés, mais par bancs, et sont pour le pêcheur d’une cap-
ture facile.
Trois espèces bien distinctes forment à elles seules le fond de cette
pêche. La première, Cherlodactylus fascialus, est de beaucoup la plus
abondante ; elle ne s'approche des côtes que pendant la saison
chaude de novembre, en mars ou avril, et disparaît, soit qu’elle
s'éloigne, soit qu'elle s'enfonce dans les profondeurs tout le reste
de l’année. Cette espèce se tient très-près de la surface, elle flotte,
disent les pêcheurs; souvent, en effet, par les temps calmes elle laisse
dépasser son corps à demi hors de l’eau ; d’autres fois elle s’élance
et saute à la manière des Bonites; c’est un joli poisson, long de
90 à 75 centimètres en moyenne, d'une forme svelte et élégante.
Quand il vient d'être pris, sa robe sur un fond gris-verdâtre est
marquée sur les flancs de bandes longitudinales, alternativement
noirâtres, jaunes et bleu-clair. Ces couleurs, dont la disposition et
l'intensité varient extrêmement, s’effacent pour ainsi dire de suite
sous l'influence de la lumière et surtout de la sécheresse. Une heure
après la sortie de l’eau, elles ont disparu presque entièrement et
88 CH. VÉLAIN.
le poisson ne paraît plus revêtu que d’une teinte d’un gris de fer
uniforme.
Cette. espèce très-vorace, très-vive, mord avec avidité à toute
espèce d’appât. Elle fournit une huile abondante, que les pêcheurs
estiment beaucoup et dont ils se servent pour la cuisine.
La seconde, Latris hecateia, qui est la plus grosse, car il n’est pas
rare d’en rencontrer du poids de 120 livres, accompagne la précé-
dente, c’est-à-dire qu’on peut la prendre dans les mêmes points;
mais elle se tient toujours dans les profondeurs, où elle se nourrit
principalement de mollusques (Céphalopodes) et de crustacés (Lan-
goustes). Elle est d’une coloration grise assez uniforme; les pêcheurs
lui donnent le nom de Cabot ou celui de Porsson de fond.
Enfin la troisième, Wendosoma elongatum, beaucoup plus petite et
moins abondante que les deux premières, se désigne sous le nom de
Poisson bleu.
Parmi les poissons qui vivent stationnaires au fond de la mer, il
faut encore citer là une sorte de Zazard d’une belle couleur azurée,
dont le corps argenté peut atteindre jusqu’à 4 mètre de long. Celui-là
est peu estimé à cause de sa chair sèche et peu savoureuse.
Enfin plusieurs Squales et notamment lAcanthias vulgaris, qui se
trouve dans toutes les mers, sont là encore fort répandus et redoutés
des pêcheurs, car ils coupent leurs lignes ".
À Saint-Paul, les goëlettes de pêche entrent dans le cratère en
franchissant la passe avec la marée, et viennent s’amarrer à quai,
contre les falaises, dans l'Ouest. Tout l'équipage, qui se compose gé-
néralement de quatre à cinq matelots et d'une quinzaine de pêcheurs,
nègres ou créoles, est alors débarqué et s’installe dans des cabanes,
sur le revers nord de la baie.
La pêche se fait le matin, de six à onze heures généralement, à
l’aide d’embarcations non pontées, de petites chaloupes ou de balei-
nières, montées par cinq ou sept hommes, qui sont armés chacun de
plusieurs lignes de main. Trois à quatre heures suffisent ainsi pour
que ces embarcations, quand le poisson donne bien, reviennent char-
gées à couler bas. La voracité du poisson rend le choix de l’appât
peu important ; au départ, chaque patron d’embarcation prend sur le
littoral quelques Langoustes qui serviront comme telles, des Poulpes,
1 Ces Squales atteignent une taille considérable, il en est un dans l'estomac du-
quel les pêcheurs trouvèrent deux Manchots.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 89
s’il s'en trouve sous sa main ; puis, quand cette provision est épuisée,
un Poisson bleu, ou tout autre, coupé par morceaux, remplit le
même office.
Les embarcations se rendent sur les bancs, qui sont faciles à re-
connaître, puisque le poisson flotte. Elles sont mouillées, soit avec
un grappin, soit à l’aide d'une simple pierre, et les pêcheurs jettent
leurs lignes à l’eau : ces lignes sont faites d’une forte corde, armée
de trois grands hameçons assez espacés et munis d'un plomb pesant
de 200 à 300 grammes. Chaque homme, indépendamment de celles de
rechange, est muni de trois de ces lignes, dont l’une se tient à la
main, tandis que les autres sont amarrées au genou. Il est constam-
ment occupé à les retirer pour en détacher le poisson, à les amorcer,
et à les jeter de nouveau. Gette pêche est ainsi très-expéditive.
Au retour des embarcations, le poisson est immédiatement compté
et porté à terre, où on le prépare en détachant d’abord la langue, qui
se met à part, puis en coupant la tête, qui se rejette à la mer. On le
porte ensuite sur de grandes tables, dressées devant les hangars qui
servent de saleries, et là on le désosse, c’est-à-dire qu’on le fend en
deux de la tête à la queue, pour lui retirer la colonne vertébrale et
les viscères. Ces derniers sont encore mis de côté, plus tard on en
détache le foie avec d'énormes paquets de graisse! pour en retirer
une huile blanche qui sert pour l’éclairage. Le poisson ainsi préparé
est soigneusement frotté de sel?, puis rangé en piles dans les saleries
sur un plancher garni de paille ; chaque lit de poisson alterne avec
une épaisse couche de sel. Les tas ont en général 1",50 de large,
2 mètres de haut et courent tout le long des parois du hangar.
Après l’avoir laissé ainsi dégorger pendant huit ou dix jours, on le
change de sel, c’est-à-dire qu’on le place sur une nouvelle pile, en le
séparant par de nouvelles couches alternatives de sel. Puis, quand on
le juge suffisamment imprégné, on le porte sur l’une ou l’autre des
deux jetées pour le laver à la mer et le faire sécher, en l’étendant
sur les galets pendant plusieurs jours de suite. C’est après cette der-
nière opération, qui demande beaucoup de soin et une grande sur-
veillance, car il faut à chaque instant retourner les poissons et les
couvrir, ou même les reméttre en pile si le soleil est trop ardent,
1 Cette graisse, adhérente aux entrailles et surtout aux parois de l'estomac, est
surtout développée dans le Cheilodactylus.
? Les gros cabots sont découpés par morceaux, et de larges incisions sont encore
pratiquées dans ceux qui sont particulièrement gras.
90 CH, VÉLAIN.
qu’on les embarque en les tassant à fond de cale et en les recouvrant
de sel.
L'évaluation exacte du produit de cette pêche par année n’est
guère possible, à cause de l'irrégularité du nombre des bâtiments qui
y sont employés; tout ce qu’on peut dire, c’est qu'une goëlette ar-
mée de vingt hommes, avec quatre embarcations, peut faire son
chargement en deux mois; elle embarque alors, en moyenne,
20 000 poissons.
Les poissons cités plus haut, qui font l'objet principal de cette
pêche, ne sont pas les seuls qui se foient autour de l'ile. Dans les
grandes prairies d'algues de la côte ouest, en particulier, les espèces
sont assez nombreuses; on en rémarque en outre quelques autres,
dans l’intérieur du cratère, qui sont spéciales et viennent accentuer
encore les différences que nous avons déjà signalées entre la faune
de ce bassin et celle de l'extérieur.
Tels sont, par exemple, ces beaux Labrichtys, L. Lantzu et L,. islea-
nus, aux Couleurs vives, décrits tout récemment par M. Sauvage‘.
D’après les collections envoyées au Muséum par M. Lantz, et qui,
pour lui, seraient représentatifs d'espèces du sud de la Nouvelle-Hol-
lande, avec deux poissons côtiers, particulièrement intéressants, Zo-
vichtys psychrolutes et Motella capensis, qui tous deux appartiennent
à des formes essentiellement caractéristiques des régions froides et
proviennent du Cap de Bonne-Espérance.
Lite)
IV. L'ILE AMSTERDAM.
Los
Après deux mois de coups de vent et de mauvais temps continuels,
le ciel s'était montré un jour clément. Le 9 décembre, dans la mati-
née, au moment où le passage de Vénus sur le soleil allait avoir lieu,
une des plus violentes tempêtes que nous ayons jamais essuyées et
qui durait depuis deux jours, cessait tout à coup ses fureurs : le
rideau de nuages épais, chargés de pluie et de grêle, qui nous mas-
quait l'horizon, se déchirant comme par enchantement, le soleil ap-
paraissait radieux. Le phénomène, alors que tout paraissait compro-
mis et que nous n'avions plus conservé la moindre lueur d'espoir,
put donc être suivi dans toutes ses phases, grâce à cette accalmie
providentielle qui n’eût que bien juste la durée nécessaire, car la
1 Compt. rend. hebd., t. LXXXI, p. 989, 1871.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 91
dernière observation était à peine faite que le ciel se couvrait de
nouveau : la tempête, loin d'être terminée, n'avait été que suspendue
pendant les cinq heures du passage, elle devait encore se prolonger
pendant trente-six heures.
Notre commandant, en présence d’un pareil succès, qui venait le
récompenser de tant de peines et de fatigues, d’une facon inespérée,
FiG. 9. — L'ile Amsterdam au sud quart sud-ouest à 2 milles de terre.
voulut encore rester un mois sur l'ile pour attendre une lunaison et
compléter les observations qui lui étaient nécessaires pour obtenir
de la longitude une détermination rigoureusement exacte. C'est alors
qu'il nous fut possible de partir pour l'île Amsterdam, M. de lIsle,
M. Lantz et moi, avec deux matelots, sur une petite goëlette de pêche,
le Fernand, commandée par un capitaine de la marine marchande,
M. Hermann, qui était venu faire la pêche à Saint-Paul, et qui s’of-
frit pour nous porter sur l’île; nous emportions quinze jours de
vivres, et la Dives devait venir nous chercher vers la fin du mois.
L'ile Amsterdam est située à 42 milles dans le nord-ouest de Saint-
Paul : notre traversée, qui ne devait être que de quelques heures,
dura quatre jours. Ce furent des journées terribles. A peine étions-
nous hors de vue de Saint-Paul, qu'une tempête se déchaînait sur
nous, et notre frêle esquif, prenant la cape, devenait le jouet des
vagues. Le coup de vent fut de courte durée, il fit place à une légère
brise du nord, insuffisante pour gonfler les voiles, qui battaient le
long des mâts; mais la mer était encore démontée, et la goëlette,
n'étant pas appuyée, flottait comme un bouchon, La brise elle-même
vint à céder, et nous restâmes enveloppés dans des bancs de brume
92 CH. VÉLAIN.
si épais, qu'il devint impossible de faire le point et de savoir où nous
avait portés la tempête. Notre petit bâtiment, balancé par une longue
houle, était donc entraîné par les courants, quand, dans la matinée
du 13, notre attention fut éveillée par un bruit singulier : celui de la
mer déferlant à peu de distance; à n’en pas douter, nous marchions
vers des brisants. Fort heureusement, alors que notre inquiétude
était à son comble, une petite brise de terre vint déchirer le manteau
de brumes qui nous enveloppait, et qui, se retirant comme un ri-
deau, nous laissa voir à quelque cents mètres de nous les hautes et
sombres falaises de la côte ouest d'Amsterdam. Quelques minutes
plus tard et c'en était fait de nous! La goëlette se couvrit de toile et
mit tout un jour à faire le tour complet de l’île pour trouver un
mouillage. Enfin le 16, vers quatre heures du matin, une embarca-
tion nous mettait à terre dans le Nord, sur une pointe de laves que
couvraient de nombreux otaries, au milieu desquels il fallut nous
frayer un passage à coups de bâton.
Amsterdam est, comme Saint-Paul, d’origine absolument volca-
nique, mais sa forme est toute différente. C’est une terre haute, pré-
sentant dans l’ouest des falaises verticales de 500 à 600 mètres,
tandis qu’elle s’infléchit au contraire vers l’est sous une pente peu
rapide. Sa base dessine un rectangle dont toutes les pointes seraient
émoussées, sauf celle du nord-ouest, dite de la Recherche, qui se com-
pose de coulées de laves compactes, disposées en gradins successifs.
Dans l’ouest, un éboulement a séparé de l’île un rocher abrupt,
formé de grandes colonnades basaltiques : ce roc, le d'Entrecasteaux,
encore relié à la côte par une langue de terre peu élevée, circonscrit
une petite crique dont l’accès est malheureusement défendu par des
lignes de brisants qui s'étendent assez loin au large.
Des falaises à pic, hautes souvent de plus de 100 mètres, règnent
tout autour de l'île; ces falaises, formées de laves basaltiques alter-
nant avec des scories, la rendraient complétement inaccessible, si
elles ne s’abaïissaient sensiblement dans le Nord-Est, sur un espace de
300 à 400 mètres; une des dernières coulées, s'étendant de 15 à
20 mètres en mer et ne s’élevant guère que de 4 à 2 mètres au-dessus
de l’eau, constitue une sorte de jetée naturelle, dont les embarca-
tions peuvent s'approcher par les temps calmes. C'est là qu'il nous
fut facile de sauter à terre et de pénétrer dans l’intérieur.
Amsterdam peut avoir cinq fois l’étendue de Saint-Paul; sa hau-
teur est en même temps plus considérable et doit atteindre près de
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 93
900 mètres ; par les temps clairs on l’aperçoit de 20 lieues, au large,
sous forme d’un tronc de cône dont un des angles de la base aurait
été abattu. Son sol, extrèmement tourmenté, et surtout la végéta-
tion épaisse qui le recouvre, sont autant d'obstacles sérieux qui ren-
dent son exploration bien difficile. Depuis le sommet des falaises,
c’est-à-dire depuis 30 mètres environ d'altitude jusqu’à plus de
100 mètres, des Isolepis (Z. nodosa) atteignant parfois la hauteur d’un
homme, et si serrés les uns contre les autres qu'on à peine à les
écarter, forment, en effet, une large bande presque infranchissable.
« La marche y est aussi difficile que dans la plus épaisse forêt vierge»,
nous dit M. de Hochstetter, qui ne put atteindre qu'avec peine un
petit cône situé à 20 pas du point où il avait débarqué.—Il nous fallut
tout un jour pour la traverser et pour gagner une deuxième zone de
végétation composée de grandes fougères et de graminées, où se
trouve surtout groupé par petits bouquets un arbre de la famille
des Rhamnées, le Philica arborea, qui devait se trouver autrefois
beaucoup plus abondant, mais que les pêcheurs et les marins ont
en partie détruit, en mettant le feu sur l’île. Les traces de ces incen-
dies, qui parfois ont embrasé toute l'île et se sont perpétués pen-
dant plusieurs mois, alimentés par la nature tourbeuse du sous-sol,
se voient surtout dans cette seconde zone; à chaque pas on y ren-
contre des troncs carbonisés de Philica, qui souvent sont littérale-
ment entassés les uns au-dessus des autres.
Au delà, on ne rencontre plus dans les dépressions, dans les sillons
des laves et souvent même jusque sur les pitons, que des Mousses,
des Sphaignes avec des Lycopodes (Z. cernuum, L. trichiatum), el des
Fougères variées ; une Rosacée (Ancistrum repens), avec une Fougère
velue (Acrostichum succisæfolium), marquent le début de cette nou-
velle zone. La végétation prend ensuite un caractère tout à fait tour-
beux qu’elle conserve jusqu’au sommet.
La flore d'Amsterdam, identique à celle de Saint-Paul dans les
parties basses de l'île, devient ainsi toute différente et beaucoup plus
variée à mesure qu'on s'élève. Avec un grand nombre d’espèces spé-
ciales, elle présente un singulier mélange de plantes subtropicales,
européennes et de la Terre de Feu. L’Ancistrum repens, par exemple,
vient des Andes du Pérou, tandis qu’au contraire une Callitriche et
une Renoncule, qui croissent au sommet, proviennent évidemment
d'Europe.
Dans toute la partie de l'Est, les pentes d'Amsterdam sont formées
94 CH. VÉLAIN.
de grandes coulées de laves poreuses, très-feldspathiques, qui se
creusent de longues galeries, effondrées par places, et donnent lieu
à une succession de cavernes profondes, des plus pittoresques, dont
les voûtes peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres d’élévation. Ces
grottes, ou mieux ces sortes de éunnels sous les laves, sont tapissées
et souvent comblées par de grandes Fougères, Aspidium, Blechnum,
Lomaria, 'Gleichenia, etc., qui croissent là dans une humidité entre-
tenue constante par suite de l’infiltration des eaux pluviales à tra-
vers les laves. Vers le sommet pourtant, cette végétation s’appauvrit,
et dans le fond de ces cavernes on ne trouve plus guère que des Dia-
_tomées, qui sont alors en nombre prodigieux : elles en tapissent les
parois, remplissent toutes les anfractuosités et recouvrent le sol
d’une couche de plus de 4 mètre d'épaisseur.
Toute cette région se signale encore par de grandes fissures qui
prennent la montagne en écharpe et sur lesquelles viennent s’étager
des cônes de scories remarquablement bien conservés, d’où sont
sorties des coulées de laves basiques, tordues et mouvementées,
qui semblent consolidées de la veille. Ces coulées, que ne recouvre
aucune végétation, facilitent beaucoup l'ascension ; malheureuse-
ment elles ne sont jamais très-étendues.
Toutes ces fentes si remarquables se traduisent, du large, par des
lignes obscures se détachant en noir sur le ton plus clair de la végé-
tation qui recouvre l'île, et semblent converger vers un cône de
scories tout à fait remarquable, situé à 690 mètres d'altitude, qui
termine presque régulièrement les pentes de la montagne et qu’on
avait toujours pris jusqu'à présent pour le sommet de lile; c'est
qu'on n’en avait pas encore fait l'ascension et que le sommet véri-
table, presque toujours masqué par les nuages, ne peut que très-
rarement s'apercevoir de la mer.
Derrière ce cône, on remarque encore trois grandes chaussées
basaltiques, qui donnent lieu à autant de plateaux marécageux, par-
semés de petits lacs d’eau douce, supportant eux-mêmes de nou-
veaux cônes de scories et creusés de vastes cratères d’explosion;
un de ces cratères, découpé dans le sol comme à l’emporte-pièce,
véritable précipice béant large de 300 mètres, profond de plus de 100,
faillit nous être fatal, à M. Turquet! et à moi, dans une première
1 M. Turquet, qui devait dresser la carte de l’île, tandis que nous l’explorions,
avait été amené par la Dives le 20 décembre.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 95
ascension faite avec M. de l'Isle, le 22 décembre; des bancs de
brumes tellement épais, que nous ne pouvions distinguer qu'avec
peine le sol tourbeux dans lequel nous enfoncions jusqu’au genou,
un vent d’une violence telle, que même à quelques pas de distance
nous ne pouvions nous appeler, mirent alors sérieusement nos
jours en danger. Ces plateaux, dont l'altitude varie entre 720 et
138 mètres et qui peuvent avoir 1200 mètres de large sur 1 500 à
1 800 de long, sont dominés au sud et à l’ouest par les restes d’un
vaste cratère central, qui devait autrefois couronner l’île et dont les
portions restées debout en forment maintenant les points les plus
élevés. J’ai laissé le nom du Fernand à celui de ces deux sommets
(829 mètres) situé le plus à l’ouest et celui de /a Dives au second, qui
se trouve être le plus élevé (910 mètres).
C’est aux incendies dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui sont mal-
heureusement trop fréquents, qu’on doit rapporter ces flammes et
ces colonnes de fumée, qui, vues de loin par les navigateurs et signa-
lées par eux comme des feux de volcan, firent croire un instant
que l’île était encore actuellement en pleine activité volcanique .
En réalité tous les volcans, tous les cratères qui la constituent
sont depuis longtemps complétement éteints; nulle part nous n’y
avons même trouvé traces de ces fumerolles et de ces phénomènes
volcaniques qui sont encore si manifestes à Saint-Paul. Je suis
cependant porté à croire cette île plus récente que sa voisine;
les éruptions de tufs ponceux et le massif rhyolithique de cette der-
nière l’avaient déjà fait émerger, quand les laves basaltiques d’Am-
sterdam sont apparues *.
Malgré leur proximité, ces deux îles sont, au point de vue géolo-
gique, aussi différentes que possible ; elles appartiennent à deux
foyers éruptifs complétement distincts, qui ont fonctionné isolé-
ment, et ne se sont jamais trouvées réunies. C’est là ce qui explique
les différences que présentent leurs flores.
La faune terrestre d'Amsterdam paraît être moins pauvre que celle
de Saint-Paul. Les mêmes troupeaux de Chèvres s’y rencontrent, dans
1 Le professeur Fuchs, par exemple, dans son Traité classique sur les volcans, cite
l’île Amsterdam parmi les volcans actuels.
? Toute faune ancienne y fait également absolument défaut ; les tourbes épaisses
qui recouvrent les laves soit à la surface, soit dans les cavernes, ne contiennent, en
effet, que des ossements d'oiseaux appartenant tous à des espèces actuelles: ceux
du Stercoraire sont particulièrement abondants.
£6 CH. VÉLAIN.
le Sud, vers la pointe Vlaming, et dans le Nord-Ouest, vers celle de
la Recherche, moins nombreux cependant; mais, par une sorte de
compensation, quelques Porcs et deux ou trois Bœufs se tiennent
dans les petits bois de Philica, sur le revers oriental de l’île. Ces
derniers, en souvenir de l’étable sans doute, ont élu domicile dans
une grande hutte en assez bon état, dressée par les pêcheurs dans le
Nord, à quelque cent mètres du point où l’on débarque.
Les mêmes espèces d'oiseaux pélagiens, à l'exception peut-être
du Prion, viennent également y chercher un refuge, surtout dans
l'ouest, vers la pointe d'Entrecasteaux, dans tous les points en un
mot où les falaises sont inaccessibles. Les Manchots, les grands Alba-
tros et les Malamochs se trouvent là en nombre prodigieux et se réu-
nissent par troupes de plusieurs milliers. De son côté, le Stercoraire
n'est pas moins abondant ; on le voit partout, isolé ou par couples,
depuis le littoral jusque sur les hauts plateaux.
Quelques insectes, des Hémiptères,.….….. se tiennent au milieu des
herbes. Enfin une petite espèce d’'Hélice, appartenant à ces formes
insulaires, minces et fragiles, qui se trouvent dans toutes les îles vol-
caniques, vit dans les falaises, sur les mousses, le long des petites
sources qui en découlent. J'ai tout lieu de soupconner qu’il existe
aussi sur l’île un petit mammifère de la taille et de la forme d’une
Belette. Je crois l'avoir vu; mais, dans tous les cas, ses traces sont
incontestables : de petits couloirs pratiqués sous les herbes, et de
nombreuses déjections, indiquent la présence d'un petit rongeur
insectivore. On en trouve encore la preuve dans le journal de Vla-
ming, qui dit, en parlant d'Amsterdam, que ses matelots y prirent
une petite Belette et deux Ziévres gris.
Quant à la faune marine, elle se trouve identique, et cela se con-
coit, avec celle que nous avons signalée dans les eaux qui entourent
l'île Saint-Paul. Dans les grandes prairies de Macrocystis, qui se
retrouvent sur la côte nord et dans l'Ouest, les poissons sont encore
en abondance extrême ; ils appartiennent aux mêmes espèces que
précédemment, et les pêcheurs estiment qu’à l’aide des moyens que
nous avons indiqués, huit hommes de bonne volonté peuvent en
prendre, dans une journée, le chargement d’un bâtiment de 10 ton-
neaux.
J'ai déjà dit qu’en débarquant, des Otaries couvraient tout le lit-
toral : ces animaux, traqués à Saint-Paul, se réfugient maintenant
sur Amsterdam, où l’on vient moinsles déranger à cause de son accès
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 97
difficile. Quatre pêcheurs, laissés en même temps que nous sur l'ile
par le capitaine Hermann, pour leur faire la chasse et préparer quel-
ques peaux, pouvaient se procurer quinze à vingt de ces animaux
par jour, sur les petites plages de galets qui se trouvent directement
en face de la hutte dans le nord. Ils appartiennent tous à l'espèce de
Saint-Paul ; une espèce de plus grande taille, probablement lArcto-
cephalus Hookeri, vient souvent se jouer dans les brisants, mais nous
ne l’avons jamais vu atterrir. |
La faune de la zone littorale est identique à celle de l’île Saint-Paul ;
les conditions, du reste, sont là les mêmes. Certaines espèces parais-
sent seulement plus nombreuses et souvent plus fortes : ainsi les Ra-
nelles et le Purpura Dumast sont certainement beaucoup plus abon-
dants. La petite Marinule, AZ. nigra, y atteint une grande taille et se
trouve accompagnée d’une espèce plus petite, A. Maindronti, qui
paraît spéciale. Enfin, dans les sables entre les galets, de nombreuses
petites coquilles rejetées par la mer indiquent que dans les profon-
deurs, on retrouve la plupart des petites espèces dont j'ai signalé la
répartition dans les fonds de 10 à 90 mètres, autour de l’île Saint-Paul.
Notre séjour sur cette île, si intéressante à tous égards, fut malheu-
reusement trop court pour que nous ayons pu la parcourir dans toute
son étendue. Nous n'avons en réalité exploré que son revers oriental,
de la pointe Vlaming à la pointe Goodenough, soit les deux tiers de
sa surface. |
Le 4 janvier, après avoir quitté l’île Saint-Paul, la Dives vint de
nouveau Jeter l'ancre devant Amsterdam. Le commandant désirait y
faire quelques sondages, en dresser la carte et nous débarquer de
nouveau, afin que nous puissions compléter nos observations. Nous
étions plus nombreux cette fois, car M. Rochefort, qui n'avait pu nous
accompagner à notre premier voyage, par suite des exigences de son
service, était descendu à terre avec nous. Mais la pluie et le mauvais
temps se mirent de la partie et nous tinrent enfermés pendant trois
jours consécutifs dans une caverne humide et froide, creusée sous les
laves. Désespéré d'attendre une éclaircie, que rien ne faisait pres-
sentir, et ne pouvant d’ailleurs retarder davantage l’époque du retour,
le commandant fut alors obligé de donner le signal du départ défi-
nitif. Dans la matinée du 8, la Dives levait l'ancre et bientôt nous
perdions l’île de vue, en lui jetant, avec regret, un dernier adieu.
———— 2 "mm,
ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, = T, vi, 1877, 7
DESCRIPTION DES MOLLUSQUES
I. GASTÉROPODES.
GENRE ROSTELLARIA, LAMARCK,.
4. Rostellaria (sp. ind.)
Dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, nous avons trouvé,
au niveau des plus basses eaux, sous les algues et surtout à la surface,
des Bryozoaires, de très-jeunes individus appartenant au genre Ros-
tellaire ; malheureusement nous n'avons jamais pu nous procurer
cette espèce à l’état adulte, de telle sorte qu’il est impossible de l’in-
diquer autrement que d’une facon générique. Tous les exemplaires
recueillis ont au plus 2 millimètres et demi de long sur 4 millimètre
de large ; ils possèdent quatre à cinq tours de spire : les deux pre-
miers embryonnaires, lisses et arrondis, les suivants plus allongés,
marqués de côtes longitudinales nombreuses et fortes. Les carac-
tères du genre sont déjà bien indiqués.
GENRE MUREX, LINNÉ.
9, Murex Duthiersi, C. V., pl. IL, fig. 4-2. — Comptes rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille médiocrement épaisse, assez allongée, fusiforme, de cou-
leur grise. Spire composée de cinq à six tours anguleux et carénés :
les trois premiers embryonnaires, lisses et étroits, le quatrième et le
cinquième : 4° présentant à leur partie supérieure des côtes transver-
sales (au nombre de huit ou neuf par tour), saillantes, assez épaisses
et croisées par deux côtes longitudinales assez fortes, entre lesquelles
se montre une troisième côte un peu plus faible ; 2 ne portant plus
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 99
à ieur base, qui fait un angle assez prononcé avec la partie supé-
rieure, que des stries transversales d’accroissement très-fines. Der-
nier tour très-grand, et présentant, au-dessus des côtes longitudinales
déjà indiquées sur les autres tours, huit ou neuf côtes longitudinales
alternativement plus fortes et plus faibles, tendant à devenir plus
larges et plus espacées, en même temps que plus effacées en se rap-
prochant de la partie supérieure du canal. Péristome mince, assez
tranchant. Canal assez étroit et court. Bord columellaire presque
droit.
Hauteur : 8 millimètres ; diamètre : 4 millimètres et demi.
Habitat. — Te Saint-Paul. Sous les pierres, sur le littoral du cra-
tère à mer basse, assez rare. Un peu plus abondant à l'extrémité de
la jetée du Nord.
Observations. — Cette petite espèce appartient à cette section des
Murex qui ne présentent des côtes transverses que sur la partie supé-
rieure des tours de spire. En la dédiant à M. H. de Lacaze-Duthiers,
j'ai voulu rendre hommage au talent et à la science élevée du savant
professeur à qui on doit de si nombreux et si excellents travaux sur
les mollusques.
3. Murex Hermani, C. V., pl. IT, fig. 3-4. — Comptes rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquiile d’un blanc mat, assez épaisse, subfusiforme, plus courte
que la précédente ; spire composée de six tours; les trois premiers,
embryonnaires et lisses, les trois derniers, subanguleux, présentant :
1° des côtes transversales espacées, assez épaisses, descendant jus-
qu’à la suture, devenant anguleuses à leur partie inférieure ; 2° des
sillons longitudinaux bien indiqués et ne paraissant pas franchir les
côtes transversales; vers la partie supérieure du dernier tour, les
côtes transverses s’atténuent et tendent à disparaître complétement;
ouverture subpyriforme ; canal court et étroit ; bord libre épaissi et
présentant à l'intérieur cinq ou six petites denticulations un peu
allongées.
Hauteur : 62,75; diamètre : 4 millimètres.
Habitat. — Entre les îles Saint-Paul et Amsterdam, en abondance
à la profondeur de 80 mètres.
Observations. — Cette petite espèce diffère essentiellement de la
précédente, et se distingue encore nettement de ses congénères par
100 CH. VÉLAIN.
la disposition des denticulations de son bord libre. Dans les dragua-
ges faits entre les deux îles, nous en avons recueilli, à la profondeur
indiquée, huit individus vivants, avec un grand nombre d’autres
morts, dont la coquille était même en assez mauvais état, absolu-
ment roulée, comme elle aurait pu l'être sur une plage. Ce qui
semblerait indiquer qu'elle existe encore à une profondeur moindre,
et que les courants sous-marins en apportent les coquilles dans les
bas-fonds. À moins qu’on n’admette que les grandes lames de l'océan
Indien (nous en avons mesuré qui avaient 15 mètres de hauteur)
puissent encore remuer les fonds à la profondeur déjà grande d’où
nous l'avons ramenée.
J'ai dédié cette espèce au capitaine Hermann, pour le remercier
des services considérables qu'il nous a rendus pendant notre séjour à
Saint-Paul, en mettant à notre disposition ses embarcations et ses
pêcheurs, et surtout aussi en souvenir de notre traversée sur le Fer-
nand.
GENRE RANELLA, LAMARCK.
SOUS-GENRE BURSA, BOLLEN,
SOUS-GENRE APOLLON, MONTFORT ET GRAY.
4. Ranella (Apollon), proditor, Frauend., pl. EL, fig. 5.— Frauendfeld. Novara,
exped. zoologischer Theil. Bd. II, Mollusken.
Dans son étude sur les mollusques rapportés par l'expédition au-
trichienne de la Vovara, le chevalier de Frauendfeld a donné une
description exacte et une bonne figure de cette espèce. Elle est sur-
tout très-abondante sur toute la côte d'Amsterdam ; les cadavres des
otaries abandonnés sur les roches, à la basse mer, par les pêcheurs,
étaient à la marée suivante littéralement couverts de langoustes et
de ces ranelles. A Saint-Paul, nous ne les avons vues apparaître dans
le cratère que vers la fin de notre séjour, c’est-à-dire en décembre :
elles se tenaient dans les zones profondes et se montraient pourtant
vers le soir, à peu de distance de la surface ; on les prenait facilement
en laissant séjourner pendant toute une nuit, sur le bord du cratère,
par 10 ou 15 mètres de fond, le corps d’un oiseau ou d’un poisson,
qu'on relevait ensuite, sans trop de secousses, au petit jour. Leurs
habitudes semblent ainsi nocturnes. Les pêcheurs nous ont affirmé
qu’on n’en trouvait aucune dans le cratère pendant la mauvaise sai-
son, d'avril en septembre.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 101
Les nombreux individus que nous possédons de cette espèce se
groupent dans deux formes assez distinctes : l'une, grande, élancée,
ayant en moyenne 90 millimètres de haut sur 50 millimètres de
large, et se rapportant bien au type figuré (pl. Il, fig. 5); l’autre,
plus courte, plus ventrue, ayant en même temps une ouverture plus
grande et dont les dimensions moyennes donnent 76 millimètres de
haut sur 45 millimètres de large.
GENRE TROPHON, MONTFORT.
5. Trophon tritonidea, C. V., pl. IL, fig. 6-7. — Comptes rendus de l’Aca-
démie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille brune, assez mince, subfusiforme, croissant assez rapide-
ment ; spire composée de six tours subanguleux ; les deux premiers,
embryonnaires, portant deux côtes longitudinales ; les trois suivants,
présentant ces mêmes côtes régulières et fortes, garnies de tuber-
cules par lesquels passent des plis ou des côtes transverses, plus ou
moins accusés ; sur le deuxième etl e troisième les côtes longitudi-
nales, rejetées à la partie supérieure, laissent à la base une surface
déclive, assez étroite, tandis que vers l'extrémité du troisième elles
tendent à devenir submédianes, et présentent de chaque côté des
parties déclives, inégales ; le dernier tour porte à sa supérieure deux
nouvelles côtes longitudinales et subtuberculeuses, au-dessus des-
quelles se montrent encore des indices de trois ou quatre autres
côtes semblables, mais à peine marquées et croisées par des stries
transverses d’accroissement, très-nettes; ouverture grande; canal
court, assez large, profond et légèrement recourbé; péristome
simple, non épaissi.
Hauteur : 4 à 5 millimètres ; diamètre : 22,95,
Habitat. — Ile Saint-Paul. Assez commune, dans le sable, sous les
pierres, et surtout sous les pieds des algues à l'extrémité de la jetée
du Nord, au niveau le plus bas des grandes marées. Très-rare par-
tout ailleurs.
Observations. — L'espèce figurée qui a servi de type, provient de
l'intérieur du cratère ; les individus qui se trouvent plus abondants à
l'extrémité de la jetée sont un peu différents : ils sont généralement
plus courts, moins colorés et leurs ornements sont toujours peu ac-
cusés. Je dois aussi faire remarquer que, chez les adultes, les côtes
longitudinales, les tubercules et les plis transverses deviennent plus
102 CH. VÉLAIN. ‘
effacés vers l’extrémité du dernier tour, tandis que les stries d’accrois-
sement s’accusent au contraire bien davantage.
GENRE TRITON, LAMARCK.
6.-7, Triton (sp. ind.)
Nous avons recueilli dans un sondage, par 80 mètres, entre les îles
Saint-Paul et Amsterdam, deux jeunes individus de ce genre, qui in-
diquent la présence, à cette profondeur et dans cette région, d’une
espèce d'assez grande taille et très-ornée; mais l’état des deux seuls
échantillons que nous possédons ne permet pas de la déterminer.
Une autre espèce, plus allongée, est encore indiquée par un indi-
vidu jeune, trouvé dans l’intérieur du cratère.
GENRE PURPURA, LAMARCK.
8. Purpura Dumasi, C. V., pl. IL fig. 12. — Comptes rendus de l'Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
1° Type de l'espèce. — Coquille épaisse, d'un blanc mat, turbinée,
subfusiforme, aiguë à sa base, très-dilatée vers sa partie moyenne et
acuminée à sa partie supérieure; spire composée de cinq ou six
tours, croissant très-rapidement et très-inégaux; le premier, em-
bryonnaire, lisse; les trois suivants, plus ou moins scalariformes,
portant de deux à cinq côtes d’abord assez fortes, puis s’atténuant,
si bien que le cinquième tour tend à devenir lisse et que le sixième
et dernier l’est tout à fait ; ce dernier tour est, en outre, souvent sub-
anguleux ; ouverture grande, subpyriforme; bord lisse, épaissi et
présentant des plis dentiformes qui s'enfoncent à l'intérieur; canal
assez grand. *
Hauteur : 27 millimètres ; diamètre : 18 millimètres.
Habitat, — Tes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la
zone littorale.
20 Var. Multistriata, fig. 13. — Goquille bucciniforme, plus allon
gée que la forme précédente, présentant des tours plus étroits, peu
convexes et non anguleux : les premiers portent des côtes plus ou
moins fortes ; les derniers sont couverts de sillons, rapprochés et
comme ponctués.
Observations. — Cette variété, qui n’est représentée que par un très-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 103
petit nombre d'individus, est remarquable par sa forme buccinoïde ;
elle prend quelquefois une coloration pâle d’un rose violacé.
Hauteur : 20 millimètres; diamètre : 40 millimètres.
3° Var. Semaicostata, fig. 14.— Spire un peu moins allongée que dans
la variété précédente, composée de six à sept tours inégaux ; les pre-
miers, anguleux, ne présentent que deux fortes côtes longitudinales,
traversées par des stries d’accroissement peu dévelôppées ; le dernier
tour ne conserve plus vers la partie opposée à l'ouverture que des sil-
lons longitudinaux, régulièrement interrompus par de petites rides
transversales.
Hauteur : 148 millimètres; diamètre : 9 millimètres.
4° Var. Céncta, fig. 15. — Spire composée de six tours, s’accrois-
sant plus rapidement que dans les variétés ci-dessus; Les premiers pré-
sentent deux côtes très-fortes, séparées par un sillon très-accusé; le
dernier tour montre six à huit côtes très-accentuées vers la partie su-
périeure du tour de spire, et qui présentent entre chacune d’elles une
autre côte surbaissée, peu accusée; surface ornée de lames d’ac-
croissement un peu irrégulières, espacées et croisant les côtes longi-
tudinales.
Hauteur : 18 millimètres ; diamètre : 41 millimètres.
Observation. — Dans cette dernière variété, les côtes restent tou-
jours très-nettement accusées sur toute la surface des tours de spire
et ne s’effacent légèrement, qu'en se rapprochant du bord libre.
Ces descriptions et surtout les figures qui les accompagnent, indi-
quent combien cette espèce est polymorphe. Elle appartient au
groupe du lurpura Lapillus et se rapproche aussi du Purpura pateus,
H. ét Jacq. (Voyage de l’Astrolabe, pl. 292, fig. 1 et 2), qui paraît
présenter les mêmes particularités de formes. J’ai limité ses nom-
breuses variétés à quatre types principaux assez faciles à distinguer
entre eux quand on les observe isolément, mais passant sans transi-
tion de l’un à l’autre, quand on examine un grand nombre d’indivi-
dus. Ces variations sont encore plus grandes dans le jeune âge et
s’affaiblissent à mesure que l'espèce devient adulte. Les côtes qui
existent toujours dans le jeune et qui sont surtout visibles sur les
premiers tours, persistent dans la variété cencta, elles se transfor-
ment en sillons sur les deux derniers tours de la variété mullistriata,
s’atténuent encore plus dans celle semiscostata, et finissent par dispa-
raître complétement dans les grands individus qui m'ont servi de type.
Je dois appeler aussi l'attention sur la variété mullistriata, qui pré-
104 CH. VÉLAIN.
sente des tours beaucoup plus étroits que les autres, ce qui donne à
la coquille l’apparence d’un buccin : cette variété est celle qui
s'éloigne le plus du type, c’est en même temps la seule qui soit un
peu colorée; elle se confond alors, surtout quand elle est jeune, avec
l'espèce suivante, P. Magellani, avec laquelle elle se trouve, du reste,
dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul, tandis que le type de
l'espèce et ses autres variétés se tiennent toujours à l’extérieur et ne
dépassent jamais l'extrémité des deux jetées.
Je prie M. Dumas, secrétaire perpétuel, président de la Commis-
sion du passage de Vénus, de vouloir bien me permettre d’attacher
son nom à cette Jolie espèce, une des plus importantes et des plus
caractéristiques de la faune de Saint-Paul.
. 9, Purpura Magellani, C. V., pl. IL, fig. 8-9 et 10-11. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille épaisse, turriculée, bucciniforme et plus ou moins allon-
gée, d’un violet généralement grisâtre, marquée parfois de taches
brunes, très-accusées vers le sommet; spire élevée, composée de
huit tours croissant régulièrement et en général assez convexes ; les
deux premiers, embryonnaires, ordinairement lisses et le plus sou-
vent brisés dans l’adulte ; le troisième et le quatrième, présentant des
côtes transversales assez accusées, qui s’effacent plus ou moins sur
le cmquième tour et qui tendent à disparaître presque complétement
sur le dernier; dernier {our très-grand, élevé, portant : 1° à sa base
de cinq à six côtes longitudinales assez larges et surbaissées, séparées
chacune par une petite côte longitudinale, semblable à celles des
tours précédents, mais plus étroite ; 2° à sa partie supérieure, douze
à quatorze autres côtes assez larges entre lesquelles n'apparaissent
plus en général les petites côtes signalées plus bas ; 3° du côté opposé
à l'ouverture et contre le bord libre, un bourrelet transverse, obtus,
plus ou moins accusé, quelquefois nul; bord collumellaire arqué,
légèrement évidé vers son milieu et présentant quelquefois à sa base,
près du bord libre, une petite callosité, simulant une dent ou un pl
surbaissé rudimentaire ; canal courbe, bien accusé ; bord libre, tran-
chant, s’épaississant à l’intérieur, où il présente des petits plis, assez
marqués vers leur extrémité, qui s’enfoncent assez profondément
dans l’intérieur du dernier tour.
Hauteur : 35 millimètres ; diamètre : 18 millimètres.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 105
Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam; sous les pierres de la
zone littorale.
Observations. — Cette espèce assez voisine du Purpura Walbergr,
Krauss (Sd. Moll., p. 118, pl. 6, fig. 15), qui habite le Cap, en diffère
par son ouverture plus allongée, son mode d'ornementation et sur-
tout par sa base élargie, et non rétrécie en un canal court, comme
dans l'espèce sud-africaine ; elle est en même temps moins ventrue.
Elle présente quelques modifications peu importantes, mais qu’il
est bon cependant de noter ; ainsi, chez certains individus, les côtes
transverses des premiers tours persistent assez longtemps. Le pli
columellaire que j'ai signalé, de même que les bourrelets près de
l'ouverture, n'existent pas chez tous et ne se montrent même que
sur les échantillons tout à fait adultes.
Ces Pourpres sont aussi abondants à l'extérieur qu’à l’intérieur du
cratère, mais en général il est toujours facile de distinguer les exem-
plaires qui proviennent de l’une ou l’autre de ces deuxstations; ceux
du cratère sont plus colorés et de forme plus élancée, leur bord libre
est mince et tranchant et les tours embryonnaires presque toujours
visibles (fig. 8-9). C'est au contraire sur la côte extérieure que se
rencontrent les individus à test épaissi, portant tous un bord libre,
calleux, marqué intérieurement de bourrelets et de plis (fig. 10-11).
Sur la côte nord-est d'Amsterdam, ils présentent ces derniers ca-
ractères d’une facon pour ainsi dire exagérée, mais ils m'ont paru
moins nombreux qu'à Saint-Paul, à l’inverse du P. Dumasi, qui se
trouve au contraire presque sur toutes les roches.
Je dois encore faire remarquer, en terminant, que cette espèce pa-
raît se rapprocher par certains caractères des Muricides et notam-
ment des genres Pisania, Bivon, ou £'uthria, Gray, mais les caractères
tirés de la dentition et celui de lopercule sont exactement ceux des
Pourpres.
GENRE MAGILINA, €. V. 1876.
Coquille embryonnatre, libre, petite, mince et transparente ; surface
lisse et brillante ; coloration d’un brun rouge foncé; spire non sail-
lante formée par un seul tour, plus large que haut, rendu subgib-
beux par une légère compression, une faible coudure ayant lieu dans
le sens du plan de l'ouverture. Ouverture grande, ovalaire. Bord
libre, très-fortement arqué et sinueux, se prolongeant en rostre.
106 CH. VÉLAIN.
Bord columellaire simple et arqué. Péristome fortement sinueux,
donnant naissance à un tube irrégulier qui s’épaissit assez rapide-
ment. |
Coguille adulte, formant un tube subcireulaire ; très-irrégulière-
ment enroulé et fixé aux corps sous-marins par une surface plus ou
moins considérable; la partie supérieure de ce tube pouvant quel-
quefois se détacher et se redresser ; incolore ou légèrement grisatre ;
ouverture plus ou moins ovalaire ; péristome simple et sinueux.
Distribution. — Jusqu'ici je ne connais que deux espèces qui ap-
partiennent à ce nouveau genre. La première, qui est décrite ci-
après, est très-répandue autour des deux îles par les fonds de 50 à
80 mètres. La seconde, qui a été découverte par M. Munier-Chalmas,
dans les faluns de Gaas, vivait dans les mers du miocène inférieur.
Rapports et différences. — Les Magilina, par la forme et la structure
de leur test, se rapprochent des Magiles, malgré la grande différence
de leurs tailles respectives.
Ces derniers, comme on sait, vivent dans l’intérieur de certains
coraux. Ce caractère les éloigne des Magilina, qui présentent toujours
une surface d’adhérence plus ou moins considérable et vivent fixés,
comme les Serpulorbis et les Vermets, à la surface des corps sous-
marins. Enfin, parmi les particularités qui les distingue encore des
Magiles, je dois citer surtout la forme de leur coquille embryonnaire
qui est tout à fait caractéristique.
Malgré tous nos soins, il nous a été impossible de nous procurer
l'animal des Magilina, qui devait posséder un opercule voisin de celui
des Magiles.
Je dois ici faire remarquer que très-probablement on découvrira
par la suite, dans les mers actuelles et dans les dépôts tertiaires, d’au-
tres espèces du même genre qui doivent avoir été jusqu’à présent
confondues avec des Serpules. Si l’on ne possède, en effet, ou si l’on
ne remarque pas les coquilles embryonnaires, il est presque impos-
sible de distinguer le long tube qui termine cette coquille dans la-
dulte de celui d’une de ces annélides.
10. Magilina serpuliformis, ©. V., pl. I, fig. 16-17. — Comptes rendus de
. l'Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille embryonnaire, très-petite, fortement colorée en brun
rouge, assez intense, mince et brillante (fig. 17, a-b).
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 107
Coquille adulte, d'un blanc grisâtre, épaisse, de petite taille et très-
irrégulièrement enroulée ; tube devenant libre et redressé à sa partie
supérieure sur une longueur souvent assez considérable, par rapport
à la dimension générale de l'espèce ; test orné extérieurement de
plis ou de rides d’accroissement transverses, bien accusés ; ouverture
ovalaire ou subeirculaire; péristome fortement sinueux {fig. 16).
Coquille embryonnaire : hauteur, un quart de millimètre; dia-
mètre, { millimètre.
Coquille adulte : hauteur, 3 à 4 millimètres; diamètre, 4 milli-
mètre un quart. |
Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se trouve
en abondance extrême avec une foule de petits Lamellibranches ap-
partenant aux genres Z'urquetia et Hochstetteria, par les fonds de
50 à 80 mètres autour de l’île Saint-Paul et surtout près du banc
Roure, dans l’est du cratère. Dans les nombreux draguages que nous
avons faits dans l'intérieur du cratère, nous n’en avons jamais ra-
mené que des fragments et encore peu nombreux. On la retrouve à
Amsterdam dans la même situation qu'à Saint-Paul : les coups de
sonde donnés sur le Fernand, à quelques encäblures de la côte dans
le sud-ouest, nous en ont fourni quelques exemplaires, et dans les sa-
bles rejetés par la mer au milieu des galets de la chaussée des Otaries,
ils sont très-nombreux.
GENRE PLEUROTOMA, LAMARCK.
SOUS-GENRE LACHESIS, RISSO.
114. Lachesis Turqueti, C. V., pl. IE, fig. 18-19. — Comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille fusiforme, petite, assez étroite, d’un brun jaunâtre assez
uniforme ; spire composée de cinq tours peu convexes, croissant assez
rapidement ; le dernier tour occupant environ les deux tiers de la
hauteur totale de la spire; test orné de côtes assez larges, courbes,
régulières, séparées par des intervalles assez profonds et croisés par
des sillons longitudinaux, également espacés et bien accusés ; suture
très-peu profonde; ouverture ovale, allongée, assez étroite ; canal
largement ouvert et court; bord libre, légèrement épaissi et simulant
une fausse troncature à sa jonction avec le bord columellaire senst-
blement droit et simple.
Hauteur : 4 millimètres un quart ; diamètre : 2 millimètres.
108 CH. VÉLAIN.
Habitat. — Xe Saint-Paul, très-rare ; un seul individu vivant de
__cétte espèce a été recueilli par 80 mètres de profondeur dans l’ouest
de l’île en face de la pointe des quatre cônes.
Observations. — Cette petite espèce, qui rappelle un peu les formes
européennes connues, appartient au groupe assez restreint des Pleu-
rotomes qui ne présentent plus le sinus caractéristique du genre, à
la base du bord libre. Je dois faire remarquer que tout en se rappor-
tant bien aux Lachesis par sa forme générale, l’espèce de Saint-Paul
a plusieurs traits de ressemblance avec le genre £'tallonia proposé
par M. Deshayes pour deux Gastéropodes des terrains éocènes infé-
rieurs et moyens du bassin de Paris (£'tallonia prisca et cytharella.)
L’analogie entre ces trois formes est réelle, et je crois qu'il est im-
possible de conserver au genre Æ£{allonia la place que lui a assigné
M. Deshayes. Le savant conchyliologiste, dont nous déplorons encore
aujourd’hui la perte, le plaçait entre les Bulla et les Reingicula, tout
en faisant remarquer qu'il se rapproche aussi, par sa forme, des
Buccins et des Pleurotomes. Cette position ne peut être adoptée, et
c’est dans la famille des Conidæ, à côté des Pleurotomes et des La-
chesis, qu'il faut maintenir le genre £'tallonra.
Les Lachesis vivent en général dans les eaux peu profondes; l’es-
pèce de Saint-Paul vient déroger à cette loi.
GENRE MARGINELLA, LAMARCK,
SOUS-GENRE PERSICULA, SCHUM.
12. Persicula polyodonta, C. V., pl. WUL, fig. 1-2. — Comptes rendus de l’Aca-
démie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille assez mince, blanche, subconique, très-acuminée à sa
partie supérieure et fortement élargie à la base ; spire à peine visible
et à peine saillante, composée de trois tours croissant très-rapide-
ment, le dernier étant presque seul visible ; ouverture très-étroite et
allongée. Bord libre, présentant un bourrelet à sa partie intérieure,
fortement recourbé et arrondi à sa jonction avec la spire qu'il dé-
passe légèrement. Columelle présentant deux plis très-développés ;
bord columellaire portant à sa partie supérieure un pli rappelant les
deux autres déjà décrits, au-dessous duquel se montrent une série
de neufou dix plis, simulant de petites denticulations qui descen-
dent presque jusqu’à la base.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 109
Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 4 millimètre et demi.
Habitat. — Ye Saint-Paul, très-rare ; au milieu des Ascidies com-
posées, sous les pierres, dans l’intérieur du cratère, au niveau des
plus basses eaux.
Observations. — Cette espèce se trouve placée à la limite des Per-
sicula et des Erato ; si son bord libre avait présenté de réelles denti-
culations, c’est dans ce dernier genre qu'il aurait fallu la ranger.
43. Persicula glandina, C. V., pl. ILE, fig. 3-4. — 1877.
Coquille mince, subovoïde, d’un blanc mat, également acuminée
à sa base et à sa partie supérieure; surface externe brillante et lisse ;
spire à peine saillante, peu visible, composée de trois tours très-em-
brassants : le dernier portant, à sa partie supérieure, du côté opposé
à l'ouverture, un petit sillon oblique rappelant celui des Ancillaires ;
ouverture étroite, allongée, descendant presque jusqu'à la base du
dernier tour; canal largement ouvert; bord columellaire portant à
sa partie supérieure deux plis assez forts, au-dessous desquels se
montrent trois plis beaucoup plus petits, allant en décroissant ; bord
libre, mince, tranchant régulièrement arqué et présentant à l’exté-
rieur un petit bourrelet longitudinal peu indiqué, subdenticulé, qui
franchit le canal pour venir rejoindre le bord columellaire ; test por-
celainé.
Hauteur : 2 millimètres trois quarts; diamètre : 1 millimètre et
demi. |
Habitat. — Mème habitat que la précédente.
14. Persicula Crossei, GC. V., pl. LIL, fig. 5-6. — 1877.
Coquille mince, subconique, plus étroite à sa partie antérieure
qu'à sa base ; spire à peine saillante et peu visible, composée de trois
tours très-embrassants et croissant très-rapidement ; ouverture assez
étroite s’agrandissant régulièrement ; bord libre, presque droit, non
tranchant, assez épaissi ; bord columellaire présentant quatre à cinq
plis inégaux, le premier plus développé, le cinquième rudimentaire
ou nul.
Hauteur : 4 millimètre et demi; diamètre : trois quarts de milli-
mètre.
Habitat, — A la profondeur de 80 mètres, entre les îles Saint-Paul
et Amsterdam.
110 CH. VÉLAIN.
Observations. — Cette nouvelle espèce que je dédie avec plaisir à
M. Crosse, le savant directeur du Journal de Conchyliologie, se dis-
tingue nettement des deux précédentes, par la forme de son bord
libre ét de sa columelle.
GENRE CHEMNITZIA, D'ORBIGNY.
SOUS-GENRE TURBONILLA, RISSO.
15. Turbonilla (Chemnilzia), scalaris, €. V., pi. TE, fig. 7. — 1877.
Coquille mince, entièrement blanche, très-étroite, allongée et for-
tement scalariforme. Spire composée de huit tours. Les deux pre-
miers embryonnaires, les autres se rétrécissant à leur partie supé-
rieure et présentant une base qui surplombe fortement les tours
précédents, portant à leur partie inférieure une petite bande circu-
laire et étroite qui fait un angle droit avec le reste de leur surface;
test orné de côtes saillantes, un peu courbes et régulièrement espa-
cées ; espaces intércostaires assez étroits, profonds, présentant des
petits sillons longitudinaux assez rapprochés et réguliers, mais ce-
pendant peu marqués; ouverture ovale, arrondie à sa partie supé-
rieure. Columelle simple, arquée; bord libre, légèrement courbé ;
coquille embryonnaire senestre et très-mince, ayant une spire peu
saillante, composée de deux tours en partie recouverts par le pre-
mier tour de la spire adulte. 3
Hauteur : 3 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre.
Habitat. — Ve Saint-Paul, à la profondeur de 50 à 60 mètres;
assez rare.
16. Turbonilla (Chemnitzia), Disculus. A V., pl. LL fig. 8. — Comptes rendus
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille incolore, étroite, allongée, assez épaisse; spire composée
de neuf tours; les deux premiers embryonnaires, les autres à peu
près convexes et faisant légèrement saillie, les uns au-dessus des au-
tres. Surface ornée de côtes ou de plis plus ou moins marqués et lé-
sèrement sinueux ; le dernier tour subanguleux et présentant à sa
partie supérieure une surface discoïdale, presque lisse, contre la-
quelle viennent se terminer brusquement les côtes transversales; ou-
verture subquadrangulaire ; columelle droite; bord libre, mince et
légèrement sinueux. Coquille embryonnaire, ayant une spire com-
-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 111
posée de deux tours, à peine saillants et recouverts par le premier
tour de l'adulte.
Hauteur : 3 millimètres ; diamètre : trois quarts de millimètre.
Habitat. — Ile Saint-Paul, dans les vases du fond du cratère. (Nous
n'avons pas pu obtenir cette espèce à l’état vivant.)
Observations. — La surface discoïdale tout à fait comparable à celle
des Scalaires qui se trouve à la partie supérieure du dernier tour,
rend cette espèce tout à fait remarquable et facile à distinguer.
17. Turbonilla (Chemnitzia), Peroni, C. V., pl. IL, fig. 9. — Comptes rendus
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille d'un blanc grisâtre, étroite, mince et allongée ; spire com-
posée de sept tours ; le premier, embryonnaire, lisse, les autres éle-
vés, convexes, ornés de rides ou de plis transverses irréguliers, plus
ou moins marqués ; ouverture ovale, allongée, arrondie à sa partie
supérieure ; columelle simple, peu arquée ; bord libre; légèrement
courbe; coquille embryonnaire senestre, à spire non saillante formé
par un tour unique, en partie recouvert parle premier tour de l'adulte.
Hauteur : 2 millimètres trois quarts; diamètre : trois quarts de
millimètre.
Habitat. — Ile Saint-Paul ; quelques exemplaires vivants ont été
recueillis dans les sondages à l’extérieur par 65 mètres de fond. Les
courants en amènent de nombreuses coquilles mortes dans les fonds
vaseux du cratère.
Observations. — En dédiant cette espèce nouvelle au capitaine
Peron, je saisis avec plaisir l’occasion de rendre hommage à la mé-
moire d'un brave officier de la marine marchande française, qui fut
lâchement abandonné sur Saint-Paul en 1791, et y vécut misérable-
ment jusqu’en décembre 1793. On lui doit, avec une très-bonne carte,
des renseignements précieux sur les animaux qui fréquentaient l’île
à cette époque.
Il règne encore une certaine confusion dans le genre Chemnitzia,
d'Orbigny y ayant introduit un certain nombre de Gastéropodes qui
appartiennent à des familles bien différentes. Si, à l'exemple de M. de
Folin, on admet les deux genres Chemnitzia et Turbonilla, on doit
limiter le premier aux espèces qui sont dépourvues de plis à la colu-
melle. Les trois espèces ci-dessus décrites deviendraient alors des
Chemnitzia.
412 CH. VÉLAIN.
GENRE TRIFORIS, DESHAYES.
48. Tr HS isleanus, C. V., pl. IL, fig. 10. — Comptes rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille jaunâtre, très-allongée, étroite et turriculée. Spire com-
posée de quatorze ou quinze tours peu élevés, à peine convexes, por-
tant trois côtes longitudinales tuberculeuses ; la première, plus
étroite et souvent subtuberculeuse ; les deux autres présentant des
tubercules opposés, bien développés ; dernier tour à peine plus grand
que l’avant-dernier et présentant à sa partie supérieure trois côtes
longitudinales, inégales et simples; la dernière étant plus faible que
les autres. Ouverture assez surbaissée et presque quadrangulaire ;
canal court, presque complétement clos.
Hauteur : 9 millimètres ; diamètre : 2 millimètres un quart.
Habitat. — Recueil dans les sondages entre les îles Saint-Paul et
Amsterdam par 100 mètres de profondeur ; peu abondant.
Observations. — Depuis la création du genre Triphoris par
M. Deshayes, le nombre des espèces, soit vivantes, soit fossiles, qu'il
renferme, s'est considérablement accru. Aussi faut-il des recherches
bibliographiques assez considérables pour arriver à une détermina-
tion spécifique exacte. Il n’existe malheureusement aucune mono-
graphie du genre, et le seul travail d’ensemble publié à ce sujet, dû
à M. Hasper Pease, n’a pas été accompagné de figures, de telle
sorte qu'il est souvent difficile de suivre l’auteur dans ses descrip-
tions d’espèces nouvelles, qui sont trop courtes pour rendre une
identification possible.
Le Triphoris que je viens de décrire sous le nom d’ésleanus appar-
üent au groupe qui renferme actuellement le plus grand nombre
d'espèces, ce sont celles qui ne présentent pas ces trois ouvertures,
qui servaient autrefois à caractériser le genre : il s'éloigne assez des
espèces actuelles, et se rapproche davantage par sa forme générale
et par la nature de ses ornements, de celles connues à l’état fossile.
Il ne se distingue notamment de deux espèces du Terrain tertiaire
parisien (7°. munutus et ambiquus, Desh.), que par sa première côte
longitudinale, beaucoup plus petite que les deux autres, et qui reste
presque toujours subtuberculeuse.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 113
GENRE LACUNA, TURTON.
19. Zacuna parvula, C. V., pl. HE, fig. 11-12. — 1877.
Coquille paucispirée, épaisse, assez large, peu élevée et subperfo-
rée; spire composée de trois tours, le premier à peine visible; le se-
cond présentant souvent une carène plus ou moins indiquée, située
près de la base; le dernier occupant environ les deux tiers de la sur-
face totale et portant deux ou trois carènes ou côtes longitudinales
espacées el assez saillantes, situées à peu près vers le tiers inférieur,
Ces côtes s'effacent du côté opposé à l’ouverture en se rapprochant
du bord libre; ouverture assez grande, semi-lunaire; péristome
épaissi à l’intérieur; bord columellaire fortement arqué et épais;
fente ombilicale étroite, allongée.
Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre.
Habitat, — Te Saint-Paul ; par les fonds de 30 à 45 mètres autour
du banc Roùûre; assez rare.
Observations. — Cette espèce se trouve être la plus petite des La-
cuna connues ; elle présente quelques variations ; certains individus
sont à la fois plus étroits et plus élevés, d’autres présentent deux ca-
rènes au lieu de trois, la troisième disparaissant complétement ou
à peine indiquée.
20. Lacuna Heberti, C. V., pl. IT, fig. 13. — 1877.
Coquille mince, turbinée, paludestriniforme et subconique ; spire
composée de trois tours très-convexes, subscalariformes, croissant
rapidement ; le dernier tour très-grand ; surface lisse, assez brillante ;
ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à sa partie supé-
rieure; bord externe, mince et presque droit, présentant à sa base
une fente ombilicale très-faiblemeut accusée ; coloration : gris brun
ou gris Jaunâtre. 4
Hauteur : 4 millimètre trois quarts; diamètre : 4 millimètre.
Habitat. — 11e Saint-Paul ; sous les algues dans l’intérieur du cra-
tère, à une profondeur de 19 à 45 mètres.
Observations. — Cette espèce, que je dédie à mon savant maître,
M. le professeur Hébert, appartient à un petit groupe de Lacunes
qui renferme déjà un grand nombre d'espèces vivantes et fossiles ; il
y aurait certainement lieu de les réunir et de créer pour les désigner
ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN. — T, VI. 1877. 8
114 CH. VÉLAIN.
un sous-genre nouveau qui prendrait place à côté des Z£'pheria, dont
elles diffèrent surtout par l'absence de cette fente ombilicale, large-
ment ouverte, qui caractérise ce dernier genre,
GENRE RISSOA, FRÉMINVILLE.
91. Rissoa Lantzi, C. V., pl. I, fig. 14. — Comptes rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille blanche, assez épaisse, turriculée, un peu acuminée à sa
partie inférieure ; spire composée de cinq tours, croissant assez ré-
gulièrement ; les trois ou quatre premiers partagés souvent par un
angle obtus, submédian, bien indiqué; surface couverte de petits
sillons longitudinaux équidistants, réguliers et serrés. Ouverture
oblique, grande, ovalaire, ne présentant à sa partie supérieure que
les indices de la dépression subcanaliforme caractéristique des Ris-
soina ; bord libre assez épais, fortement déclive, présentant quelque-
fois à l'extérieur un léger renflement marginal.
Hauteur : 2 millimètres ; diamètre : 4 millimètre.
Habitat. — 1e Saint-Paul; par les fonds de 35 à 45 mètres autour
de l’île Saint-Paul. Nombreuses coquilles mortes dans les vases du
fond du cratère.
Observations. — Dans ce Rissoa la dépression subcanaliforme qui
caractérise les Rissoines, est si peu indiquée, qu’on ne peut rapporter
l’espèce à ce second genre. Chez certains individus cet indice d’une
dépression paraît même manquer.
22, Rissoa Cazini, G. V., pl. I, fig. 15. — Comptes rendus de l'Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille blanche, épaisse, subconique, assez étroite et peu acu-
minée ; surface externe lisse et brillante, ne présentant que quelques
stries d’accroissement à peine visibles ou aulles; spire composée de
cinq tours arrondis et peu convexes ; le dernier tour beaucoup plus
grand et plus convexe que les autres; ouverture ovalaire, assez
orande et légèrement oblique ; bord libre, assez fortement déclive,
peu arqué, très-fortement épaissi à l’intérieur.
Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : À millimètre.
Habitat. — Te Saint-Paul. Mêmes gisements que l'espèce précé-
dente ; se trouve, en outre, assez souvent sur les frondes du Wacro-
cystis pyrifera.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 115
Je suis heureux de pouvoir dédier cette espèce à M. le professeur
Cazin, en souvenir de notre séjour commun à Saint-Paul.
23, Rissoa sublruncata, C. V., pl. I, fig. 15-17, — 1877.
Coquille paucispirée, épaisse, solide, subtronquée à sa base et non
perforée ; spire composée de trois tours, le premier à peine visible,
le deuxième surbaissé et étroit, le troisième présentant quelquefois
un renflement médian; ce dernier occupe à peu près les deux tiers
de la surface totale de la coquille et montre à sa partie inférieure une
petite dépression longitudinale située près de la ligne de suture ; sur-
face extérieure lisse: ouverture subcirculaire, relativement étroite ; pé-
ristome très-6paissi à l'intérieur; columelle simple, arquée et épaisse.
Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : deux üers de millimètre.
Habitat. — Te Saint-Paul. Assez rare, vit sous les frondes des
Macrocystis, fixées comme par un réseau de petits fils, aussi bien à
l'intérieur qu'à l'extérieur.
Observations. — Cette espèce devient la plus petite des Rissoa con-
nues. Quelques-uns de $es caractères s’écartent un peu de ceux
habituels du genre; mais, après un examen attentif, il m'a été im-
possible de l'en séparer; elle présente du reste plus d'un trait de
ressemblance avec l’espèce précédente (Z. Cazini), qui appartient
bien au genre en question.
GENRE PALUDESTRINA, D'ORBIGNY.
94, Paludestrina Duperrei, GC. V., pl. I, fig. 18-19. — 1877.
Coquille brune, petite, paucispirée, paludiniforme, assez épaisse
pour sa taille; spire courte, composée de trois à quatre tours con-
vexes, croissant régulièrement ; surface lisse et légèrement brillante ;
ouverture assez grande, ayant une tendance à devenir subanguleuse
à la jonction du bord libre avec le bord columellaire; bord libre
sinueux et présentant une légère dépression vers sa partie supé-
rieure; bord columellaire simple, présentant à sa base une petite
fente ombilicale peu accusée ; périsitome droit, simple et tranchant.
Opercule mince, strié, enfoncé dans le dernier tour de spire.
Animal noirâtre, sortant .à peine de sa coquille pendant la pro-
gression ; tentacules assez allongées, très-mobiles ; dessous du pied
blanchâtre.
416 CH. VÉLAIN.
Hauteur : 1 millimètre un quart; diamètre : trois quarts de milli-
mètre.
Habitat. — Ie Saint-Paul; dans l’ouest du banc Roûre, par les
fonds de 35 mètres à 0 mètres.
Observations. — Toutes les Paludestrines connues vivent exclusive-
ment dans les eaux saumâtres, les étangs salés, les canaux, etc.; l’es-
pèce de Saint-Paul est au contraire franchement marine ; je lui ai
consacré le nom d’un officier distingué de notre marine, M. Le Bour-
guignon-Duperré, qui commandait la Dives.
GENRE RISSOELLA, GRAY.
SOUS-GENRE JEFFREYSIA, ALDER.
95, Rissoella Sancti-Pauli, C. V., pl. UE, fig. 20. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille grise, mince, subconique, turriculée, peu acuminée à sa
partie inférieure ; spire composée de quatre à cinq tours, convexes,
croissant très-régulièrement, ornée de sillons longitudinaux, assez
serrés, régulièrement espacés et croisés par des stries d’accroissement
extrèmement fines, qui dessinent à sa surface comme un réseau fine-
ment quadrillé; ouverture grande, légèrement ovalaire, arrondie à
sa partie supérieure ; bord libre, mince, tranchant, décrivant un léger
sinus à sa jonction avec le dernier tour ; bord columellaire présentant
quelquefois à sa base un indice de fente Smbilicale ; opercule semi-
lunaire.
Hauteur : 2 millimètres un quart; diamètre : 4 millimètre un quart.
Habitat. — Te Saint-Paul. Sur les algues, au niveau de la basse
mer, dans tout l’intérieur du cratère. Les coquilles mortes se retrou-
vent nombreuses dans les vases du fond du cratère.
GENRE PHASIANELLA, LAMARCK,.
26. Phasianella Munieri, C. V., pl. IV, fig. 1-2. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille assez épaisse, d'un blanc mat ou légèrement verdâtre,
turbinée, courte et croissant assez rapidement; spire peu saillante
surbaissée, composée de quatre tours très-inégaux ; les premiers,
étroits, arrondis et convexes; le dernier, très-grand, occupant plus
des deux tiers de la surface générale de la coquille, surbaissé à sa
partie supérieure ; surface lisse ou présentant vers l'extrémité supé-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 217
rieure du dernier tour quelques stries d’accroissement irrégulières ;
ouverture obliquement ovalaire, un peu plus large que haute ; bord
columellaire assez épais et fortement concave.
Opercule calcaire d’un blanc bleuâtre, fortement convexe, et lais-
sant apercevoir par transparence une spire latérale composée de trois
tours. Animal d’un beau noir, à longs tentacules ciliés: pied très-
allongé en arrière et tout à fait acuminé.
Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres trois
quarts.
Habitat. — Ve Saint-Paul; cette petite espèce, assez rare, que Je
dédie à mon collègue et ami, Munier-Chalmas, pour le remercier des
conseils qu'il a bien voulu me donner et qui m'ont été si utiles dans
le présent travail, habite dans les racines des algues et sous les
pierres, sur le revers intérieur de la jetée du nord.
27. Phasianella brevis, C. V., pl. IV, fig. 3. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille naticiforme, assez mince, d’une jolie coloration rose car-
minée; surface présentant souvent des rides ou des stries transverses
d'accroissement plus ou moins espacées et assez irrégulières; spire peu
saillante; dernier tour moins déprimé que dans l'espèce précédente;
ouverture moins oblique, presque circulaire ; bord libre, mince,
tranchant ; bord columellaire peu épaissi. Opercule moins calleux que
dans l’espèce précédente. Animal de couleur grise, moucheté de noir.
Hauteur : 2 millimètres et demi; diamètre : 2 millimètres.
Habitat. — 1e Saint-Paul. Abondante autour du banc Roûre, par
les fonds de 20 à 45 mètres; très-rare dans la zone littorale de l’inté-
rieur du cratère.
Observations.— Cette petite espèce, ainsi que la précédente, semble
s'éloigner un peu des véritables Phasianelles; toutes deux, la pre-
mière surtout, ont de grands rapports avec la Phasianella neritina,
Dunker (in Menke’s Zeischr., 1846, p. 110), qui habite le Cap. Ces
trois espèces, caractérisées par leur forme déprimée, par leur colu-
melle légèrement dilatée à la base, enfin par leur physionomie parti-
culière rappelant tout à fait celle des Néritines, pourraient former
une petite section particulière, à côté des Phasianelles. Si je ne l’ai
pas fait, c’est que l'animal de la P. Munierr est bien celui des Phasia-
nelles, et que, dans les trois espèces, la forme et la position de l’oper-
cule sont tout à fait typiques.
118 CH. VÉLAIN.
GENRE MARGARITA, LEACH.
28. Margarita Lacazei, C. V., pl. IV, fig. 4-6. — Syn.: Margarita Lacazei,
C. V. (type). Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 4876.
— Margarita nigricans, G. V, (var. A). Comptes rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille peu élevée, subcirculaire, à peine ombiliquée ; test assez
épais, muni d'un épiderme très-mince; ouverture oblique, nacrée
intérieurement ; opercule corné à tours nombreux; spire composée
de cinq tours, croissant rapidement, présentant : 4° un méplat un
peu convexe, situé à la base ; 2° des côtes longitudinales assez fortes
et inégales, entre lesquelles se montrent, suivant la place qu’elles
occupent, deux ou trois côtes secondaires, assez faibles; 3° des stries
transverses très-fines, très-régulières et très-rapprochées, croisant les
autres côtes; bord libre, tranchant, arrondi, mince; ouverture
oblique, subcireulaire et nacrée intérieurement; opercule corné;
mince, sensiblement circulaire et concentrique; ombilic petit et le
plus souvent caché par une extension du bord columellaire. Colo-
rationn : la coquille, d’un blanc grisâtre, présente des reflets rosés
ou verdâtres; quelquefois les côtes principales sont légèrement nuan-
cées de rose pâle.
Hauteur : 5 millimètres trois quarts ; diamètre : 7 millimètres.
Var. nigricans, CG. V., pl. IV, fig. 6. — Cette variété, dont J'avais
cru pouvoir faire une espèce particulière, se recommande par sa
taille plus petite que celle de la précédente, par ses côtes beaucoup
plus fortes et surtout par sa Coloration d’un noir tantôt très-accentué
ou tantôt un peu atténué.
Hauteur : 3 millimètres et demi; diamètre : 6 millimètres un
quart.
Habitat.—Cette jolie petite espèce est une de celles qui se trouvent
en plus grand nombre, aussi bien dans l'intérieur du cratère qu’à
l'extérieur. Elle habite en général sous les pierres, entre le niveau
de la haute et basse mer, et descend encore un peu plus bas. Les deux
variétés se trouvent côte à côte, mais en proportions inégales : la
variété nigricans est de beaucoup la moins abondante. Les individus
qu'on trouve à l'extérieur sont toujours de grande dimension et pa-
raissent plus vigoureux que ceux du cratère. Ils paraissent aimer les
eaux agitées, car c’est toujours près des brisants, à la pointe Hut-
chison, à la pointe Enragée, par exemple, qu'on les trouve très-nom-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 119
breux : c’est là leur véritable station. C'est également ce qui se passe
à Amsterdam, où ils m'ont semblé encore plus abondants qu’à Saint-
Paul.
Observations. — Cette espèce se rapproche, comme taille, du Har-
garita antipoda, H. et J., citée des îles Auckland par Hombron et Jac-
quinot dans le voyage de l’Astrolabe ; mais elle s’en distingue par un
grand nombre de caractères. C’est la seule qu'on puisse lui opposer.
GENRE SCHISMOPE,
29, Schismope Mouchezi, G. V., pl. IV, fig. 7-8. — Comptes rendus de
l'Académie des sciences, 24 juillet 1876.
1° Type de l'espèce. — Coquille mince, fragile, surbaissée, ombili-
quée et subcirculaire, d'un blanc grisâtre; spire composée de trois
tours inégaux croissant rapidement : le premier, embryonnaire,
presque lisse; le deuxième, portant des côtes transverses, en gé-
néral très-accusées; le troisième, très-grand et rendu anguleux par
la bande de la scissure qui la divise en deux parties inégales ; partie
inférieure plane ou peu convexe, portant des côtes peu saillantes ou
des stries qui sont quelquefois croisées par des côtes longitudinales
rudimentaires ; partie supérieure, correspondant à la surface moyenne
et supérieure du dernier tour et présentant des côtes ou des stries
croisées par des côtes longitudinales rapprochées et bien indiquées;
bord de la scissure bien marqué, apparaissant un peu après le commen-
cement du dernier tour et aboutissant à une petite ouverture ovalaire,
légèrement pyriforme et parfaitement close ; ombilic assez large.
Hauteur : 4 millimètre ; diamètre : trois quarts de millimètre.
2° Variété À,
Tours de spire plus élevés; le dernier, moins surbaissé, à peine
anguleux, présentant à sa partie supérieure une surface beaucoup
plus convexe que dans le type; côtes longitudinales nulles ou presque
nulles; côtes transverses en général peu indiquées sur le dernier tour.
Hauteur : 1 millimètre et demi à 2 millimètres; diamètre : trois
quarts de millimètre à 4 millimètre.
Habitat. — Ne Saint-Paul; très-rare, sous les pierres dans l’inté-
rieur du cratère, au niveau des plus basses eaux; plus abondante à
l’intérieur par les fonds de 30 à 45 mètres.
Observations. — Cette jolie petite espèce, que je suis heureux de
120 CH. VÉLAIN.
pouvoir dédier au commandant Mouchez, varie beaucoup ; mais les
deux formes extrêmes dont je viens de donner la description présen-
tent entre elles tous les passages, de telle sorte qu'il est impossible
de les'séparer pour en faire deux espèces distinctes. J'ai observé sur
un individu provenant de l’intérieur du cratère des squammes rudi-
mentaires, qui se produisaient à l'intersection des côtes longitudi-
nales et des stries transverses.
Le genre Schismope, longtemps confondu avec les Scissurelles, ne
renferme actuellement que cinq ou six espèces vivantes, toutes des
mers chaudes ou tempérées, et trois espèces fossiles.
GENRE JANTHINA, LAMARCK.
30. Janthina Balteata, Reeve. — Reeve, Conch. icon., pl. IL, fig. 11 a et 11 b.
Cette espèce, que Reeve a citée du cap de Bonne-Espérance, se
recommande surtout par sa forme surbaissée et par le grand dévelop-
pement de sa columelle ; elle est très-abondante autour de l’île Saint-
Paul; à la suite des coups de vent d'est, la jetée du sud en était par-
fois couverte. Nous en avons trouvé de même quelques rares coquilles
brisées, entre les galets de la chaussée des Otaries, à Amsterdam.
GENRE FISSURELLA.
31. Fissurella australis, Krauss., pl. IV, fig. 9-10. — Kraus, Sud-Afr. Mol.,
tab. IV, fig. 10.
Coquille subconique, ovalaire, très-élevée, d’un blanc cendré ou
grisâtre, revêtue d’un épiderme très-mince ; sommet fortement rejeté
en avant et entamé par une échancrure, peu allongée, subcirculaire
et relativement petite; région dorsale postérieure, arrondie, courbe
et fortement convexe; région dorsale antérieure, concave et moins
arrondie; surface ornée : 4° de côtes longitudinales squammeuses
assez fortes, disposées assez régulièrement et séparées par trois
petites côtes également squammeuses ; 2° de lames transversales
rapprochées coupant les côtes précédentes en donnant lieu à des
squammes à chaque intersection; ouverture ovalaire, régulière, à
bords horizontaux, montrant sur son pourtour interne de petits plis
réguliers et rapprochés ; callosité interne de l’échancrure présentant
en arrière une petite dépression.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 121
Longueur : 24 à 25 millimètres ; largeur : 15 millimètres; hauteur :
11 millimètres.
Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Abondante sur les
pierres et sous les algues, commence un peu au-dessus du niveau de
la basse mer. (Cap de Bonne-Espérance, Krauss.)
Observations. — Gette espèce, qui est identique avec celle citée de
Port-Natal par Krauss, dans sa description des Mollusques du sud de
l'Afrique, présente quelques variations. Sans parler des formes tou-
jours plus trapues, à test épaissi, beaucoup plus squammeuses, qui
se trouvent sur les côtes des deux îles, exposées directement aux vio-
lences de la mer, on remarque encore, parmi celles qui habitent l’in-
térieur du cratère, des formes assez étalées, chez lesquelles les orne-
ments tendent à s’atténuer.
32. Fissurella Mutabilis, G.-B. Sow., pl. IV, fig. 11-12. — Syn. : Non.
F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Proceed. Zool. Soc., 1834, p. 127. —
Syn. : Non. F. Mutabilis, G.-B. Sowerby, Conch. illust., fig. 67-70.
— F. Mutabilis, Sow. — Reeve, Conch. iconica, fig. 43 a.
Coquille ovale, peu élevée, souvent irrégulière; sommet submé-
dian et largement entamé par une grande échancrure ovale, très-large
à ses deux extrémités; test médiocrement épais, muni d’un épiderme
très-mince ; surface ornée de côtes plates, un peu irrégulières, assez
larges et très-surbaissées ; région dorsale antérieure un peu rétrécie,
à peine concave ; région dorsale postérieure large, à peine convexe ;
bord convexe, relevé aux deux extrémités ; ouverture présentant à
l'intérieur sur son pourtour quelques petits plis irréguliers, corres-
pondant aux côtes externes; coloration généralement cendrée, sou-
vent avec des bandes longitudinales assez vives, comme celles figu-
rées par Reeve (fig. 43 a).
Longueur : 19 millimètres; largeur : 11 millimètres; hauteur :
6 millimètres.
Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam ; mêmes gisements que
l'espèce précédente ; à Saint-Paul, elle est plus abondante dans l’inté-
rieur du cratère qu’à l'extérieur. Krauss, dans sa description des
Mollusques du sud de PAfrique, l’a citée du Cap et de Port-Natal.
Observations. — L'espèce des îles Saint-Paul et Amsterdam est
identique à la figure de la F. mutabilis, Sow., donnée par Reeve
(Conch. iconica, fig. 43 a); mais elle diffère par un certain nombre
de caractères, et notamment par la forme du foramen, des figures de
199 CH. VÉLAIN.
la même espèce données par G.-B. Sowerby (Proceed. Zool, Soc.,
1834, p. 216; Conch. illust., f, 67 à T0).
GENRE PATELLA, LINNÉ,
33, Palella depsta, Reeve., pl. IV, fig. 13-15. — Reeve, Conch, iconica,
pl. XXXI, fig. 85 et 86.
Coquille conique, assez élevée, large et dilatée à la base, qui est ova-
laire et le plus souvent rétrécie en avant ; apex aigu, toujours porté
vers le bord antérieur ; région dorsale antérieure tombant assez brus -
quement et légèrement concave près du sommet ; région dorsale pos-
térieure un peu arquée et convexe ; test mince, transparent dans le
jeune, souvent très-épaissi dans l’adulte ; surface externe présentant :
1° des côtes longitudinales rayonnantes, étroites et inégales, assez
accusées sur le bord, s'atténuant au contraire vers le sommet; entre
ces côtes principales s’interposent une ou plusieurs petites côtes
semblables, souvent à peine accusées; % de petites lames circu-
laires, transverses, serrées et peu saillantes, très-apparentes dans les
jeunes individus, où elles deviennent un peu squammeuses en croi-
sant les côtes longitudinales; chez les adultes, ces côtes disparais-
sent ou ne se traduisent plus que par de légères stries d’acecroisse-
ment, surface interne revêtue d'une légère couche mince, bleuâtre
et opalescente chez les jeunes, d'un blanc jaunâtre dans l'adulte, sur
laquelle tranche une tache blanche assez grande, dont le contour est
limité par l'impression musculaire; bord mince et tranchant, orné
intérieurement de plis irréguliers plus ou moins accusés s'étendant
peu et correspondant aux petites côtes de la surface externe; impres-
sion musCulaire bien marquée et présentant chez les adultes, vers
l'extrémité inférieure de sa terminaison gauche, une dépression très-
marquée, qui s’évase vers le bord de la coquille. Coloration : varie
beaucoup avec l’âge des individus : les jeunes sont ornés de bandes
brunes rayonnantes assez larges alternant avec des bandes, ou mieux
avec des taches blanches ou jaunâtres, allongées et traversées par de
jolies petites lignes d’un bleu azuré (fig. 18); puis ces bandes claires
disparaissent, les petites lignes azurées persistent seules, surtout
vers l’apex, et la coquille devient uniformément rousse; enfin elle est
d'un brun marron dans l'adulte, avec un sommet blanchâtre ou tout
au moins plus clair de ton.
Longueur : 47 millimètres ; largeur : 38 millimètres; hauteur :
J
.
!
|
{
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 123
13 millimètres. Maximum observé (île Amsterdam) : longueur :
55 millimètres ; largeur : 43 millimètres ; hauteur : 22 millimètres.
Var. gtbbosula. PI. IV, fig. 16-17.— Cette espèce présente une variété
intéressante, qui se trouve être plus régulièrement ovalaire et presque
aussi haute que large; les côtes secondaires y deviennent presque
égales aux côtes principales ; la coquille se trouve en même temps
toujours ornée de bandes foncées d'un brun roux, au nombre de
vingt-six à trente, qui alternent très-régulièrement avec des zones
claires, blanchâtres, assez larges près de la basé, mais se réduisant à
de simples lignes vers le sommet.
Longueur : 31 millimètres; largeur : 42 millimètres et demi;
hauteur : 41 millimètres.
Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam. Très-abondantes sur
toute la côte à l’extérieur, où elles se tiennent à la face inférieure
des gros blocs de lave éboulés. Elles ne s'élèvent pas heaucoup
au-dessus de la zone littorale et se cantonnent même au niveau du
balancement des marées. Les coquilles sont en général remarquable-
ment nettes, l'agitation continuelle des eaux empêche sans doute les
algues de venir se fixer à leur surface ; le contraire a lieu cependant
à l’extrémité de la jetée du nord. Dans l'intérieur du cratère, les
jeunes individus de cette espèce sont abondants et toujours brillam-
ment colorés, tandis que les adultes y sont entièrement rares et ne
se rencontrent guère que sur le revers intérieur des deux jetées. A
Amsterdam, elles paraissent plus abondantes encore et de plus
grande taille qu'à Saint-Paul.
Observations. — Cette espèce, caractérisée par sa coloration rousse,
qui est peu habituelle chez les patelles, a été citée par Reeve de
Macao et de File Saint-Paul. L'échantillon figuré (pl. 31, fig. 85) est
petit et provient évidemment de l’intérieur du cratère ; l'interruption
branchiale n’est pas indiquée.
GENRE CHITON.
34. Chiton Bergoti, C. V., pl. IV, fig. 19-20. — Comptes rendus de
l'Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Test allongé, assez étroit, ovalaire, convexe et subanguleux sur la
ligne médiane: sensiblement plus rétréci à sa partie antérieure et
coloré uniformément en brun grisâtre assez foncé ; valves inégales,
124 CH. VÉLAIN.
assez larges, ornées de lignes transverses, imprimées dans l’épaisseur
du test, subimbriquées, très-accusées en avant et sur les parties laté-
rales, où elles sont généralement au nombre de trois ou de quatre,
s’effaçant au contraire vers la partie supérieure, qui paraît lisse ou
marquée seulement de ponctuations irrégulières; valves terminales,
semi-launaires, portant des stries imprimées comme les autres, mais
plus nombreuses, plus accusées et concentriques; valve antérieure
beaucoup plus étroite et plus anguleuse que celle postérieure ; valves
intermédiaires inégales avec des aires latérales étroites, peu indi-
quées ; aires dorsales élargies, finement ponctuées; limbe du man-
teau jaunâtre, peu développé, sans écailles ni épines, marqué seule-
ment de fines granulations.
Longueur : 15 millimètres; largeur : 7 millimètres; hauteur :
4 millimètres et demi. |
Habitat. — Me Saint-Paul; sur les pierres de la zone littorale ; rare,
Observations. — Nous n'avons trouvé cette espèce que dans l’inté-
rieur du cratère de l’île Saint-Paul, où elle paraît assez rare ; sa sur-
face est généralement corrodée, couverte d'incrustations calcaires et
de serpules. Je lui ai donné, de même qu'à l'espèce suivante, le nom
d’un des matelots qui furent débarqués sur l’île avec nous,
35. Chiton Constanti, C. V., pl. IV, fig. 21-22. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Test oblong, assez mince, surbaissé, incolore ou d’un blanc jau-
nâtre, également obtus à ses deux extrémités; valves terminales
inégales, semi-lunaires, l’antérieure plus aiguë au sommet que la
postérieure ; ornées toutes deux de stries concentriques, comme dans
l'espèce précédente ; valves intermédiaires, étroites et égales ; aires
latérales, allongées, assez développées, mais peu proéminentes et peu
distinctes ; surface externe peu convexe, avec un angle médian, plus
ou moins accusé, paraissant lisse, mais cependant ornée de fines
granulations très-régulièrement sériées, visibles avec une forte loupe ;
limbe du manteau, étroit, blanchâtre ou gris, et légèrement squam-
meux.
Longueur : 8 à 9 millimètres; largeur : 4à 5 millimètres ; hauteur :
2 millimètres et demi.
Habitat. — Yes Saint-Paul et Amsterdam ; sur les pierres entre le
niveau de la haute et de la basse mer.
Observations. — Cette espèce, de taille médiocre, est, à l'inverse de
SPP
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 125
l'espèce précédente, abondante sur tout le littoral des deux îles;
dans l’intérieur du cratère de l’île Saint-Paul notamment, certaines
pierres en sont couvertes,
GENRE HELIX, LINNÉ.
36. Helix (sp. ind.)?
Le seul individu appartenant à ce genre, que nous ayons pu ren-
contrer, vivait sous les mousses, le long d’une des petites sources,
qui découlent nombreuses, dans les falaises de l’île Amsterdam. Get
exemplaire, malheureusement unique, est trop jeune pour pouvoir
être déterminé d’une facon rigoureuse ; il indique une espèce d’as-
pect insulaire, appartenant aux formes minces, fragiles, intermé-
diaires entre les Hélix véritables et les Zonites. Tout à fait différente
des Hélices citées du Cap par Krauss, elle se rapproche un peu, par
sa forme générale et la minceur de son test, des Æelix Lovent et œænea,
Krauss, qui vivent sur le littoral de Port-Natal, et, plus encore peut-
être, de l’Æ. electrina, H. et Jacquinot ( Voyage de l'Astrolabe, pl. VI,
fig. 37-40), recueillie à l’île de Guam, dans le voyage au pôle sud de
l’Astrolabe et de la Zélée. Mais c’est aux rares espèces rapportées des
Açores par M. Morelet qu'elle ressemble surtout ; son facies est
européen.
GENRE MARINULA,
L4
37. Marinula nigra, Philippi, var. minor, G. V., pl. IV, fig. 25. — Kuüst,
Auricula, p. 24, pl. UL, fig. 4 et 5.
Coquille assez mince, peu élevée; spire conique, composée de
quatre tours inégaux et peu convexes ; le dernier très-grand, allongé,
ovalaire, présentant, auprès de la suture, une petite dépression lon-
gitudinale ; surface lisse, ne montrant que des stries transverses
d'accroissement ; ouverture. grande , allongée, sub-semi-lunaire, et
arrondie à sa partie supérieure ; bord libre, mince, arrondi, avec une
sinuosité vers la base ; bord columellaire portant : 1° à sa partie su-
périeure, un pli rudimentaire épais, situé au-dessus d’une dent ho-
rizontale, étroite et bien développée ; 2° à la base une seconde dent
oblique, dirigée en avant, plus saillante que la précédente. Coloration :
la coquille est d’un violet très-foncé ou d’un noir brun, le bord colu-
mellaire est de teinte peu claire, et les quatre dents columellaires
blanches.
Hauteur : 7 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètres et demi.
126 CH. VÉLAIN.
Maximum observé : hauteur : 9 millimètres; diamètre : 5 milli-
mètres et demi. l
Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam. Cette espèce se tient en
très-grande abondance sous les roches, au niveau de la haute mer,
et descend rarement plus bas. Dans l’intérieur du cratère, on la ren-
contre surtout vers la pointe de la jetée du nord, et dans tout le ca-
dran nord-est ; en face des hangars des pêcheurs et devant les saleries
de poisson par exemple, il est impossible de retourner une roche sans
en trouver des centaines d'individus; de même, un peu plus loin,
autour de la source du bain, mais là les coquilles sont en partie dé-
colorées, salies par des oxydes de fer, et profondément corrodées par
les dégagements continuels d'acide carbonique; la spire est, en par-
ticulier, presque toujours détruite. A l'extérieur, nous en avons
recueilli de beaux individus dans la grotte de la baie des Manchots;
elles pénètrent assez profondément dans les laves poreuses des fa-
laises; mais après les fortes marées, et surtout après les coups de
vent, quand la mer,soulevée en tempête, s'élève beaucoup plus haut
que de coutume, elles sortent alors de leurs retraites et remon-
tent dans les falaises jusqu’à la hmite extrême des embruns. Nous
avons vu parfois les bancs de laves en corniche, qui forment la partie
supérieure de la pointe Enragée, disparaître, pour ainsi dire, sous les
Marinules, qui venaient se réfugier jusque-là, quand la mer avait été
très-forte.
À Amsterdam, elles sont également très-abondantes et générale-
ment de taille plus grande qu’à Saint-Paul ; lexemplaire figuré en
provient.
Observations. — Cette Manriule est identique à celle décrite de
l’île de Tristan d’Acunba, par Philippi, sous le nom de #7. nigra, mais
elle est de taille beaucoup plus petite, et doit être considérée comme
une variété minor de cette espèce.
38. Marinula Maindroni, C. V., pl. IV, fig. 26. — 1877.
Coquille mince, courte et globuleuse, semi-transparente et colorée
en brun clair ; surface lisse et brillante ; spire petite, très-acuminée,
masquée presque complétement par le dernier tour, qui est arrondi
et très-développé; ouverture grande, dilatée vers la base; bord colu-
mellaire non épaissi, marqué de plis beaucoup plus aigus que dans
l'espèce précédente; bord libre mince et tranchant, non sinueux.
Hauteur : 4 millimètres ; diamètre : 3 millimètres un quart.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 127
Habitat. —- Ile Amsterdam; dans les vacuoles des laves, au pied
des falaises, assez rare.
Observations. — Cette petite espèce, qui paraît spéciale à l'ile Am-
sterdam, se distingue très-facilement de la précédente par sa colora-
tion particulière, sa spire aiguë et sa forme globuleuse,
GENRE SIPHONARIA, SOWERBY.
39. Siphonaria Macgilliwayi, Reeve, pl. IV, fig. 27-29. — Reeve, Conch.
iconica, fig. 25.
Coquille d'un noir grisâtre, brune par transparence, capuliforme,
assez surbaissée, légèrement contournée, ovalaire et dilatée à la base ;
crochet presque terminal, recourbé et rejeté fortement à droite ; test
peu épais, muni d'un épiderme simple, mince, orné de côtes rayon-
nantes, assez larges, obtuses, à peine indiquées, mais en général plus
accusées sur le côté antérieur ; côté antérieur arrondi et fortement
convexe ; CÔté postérieur convexe, peu élevé et très-peu développé;
ouverture assez grande, présentant sur son bord externe une légère
sinuosité, qui correspond à une gouttière à peine indiquée ; face in-
terne lisse, d’un beau noir brillant; impression musculaire assez
profonde, divisée, sur le côté droit, par un large espace longitudinal,
peu déprimé, correspondant à la gouttière siphonale.
Longueur : 42 millimètres; largeur : 8 millimètres; hauteur :
6 millimètres.
Habitat. — Iles Saint-Paul et Amsterdam: sur les blocs isolés, au
pied des falaises et dans toutes les parties exposées aux embruns,
jusqu'à 5 ou 6 mètres au-dessus du niveau de la mer. A Saint-Paul,
les Siphonaires se trouvent surtout sur la petite pointe qu’il faut
contourner à marée basse, pour se diriger de la jetée du nord vers
la baie des Manchots; sur les rochers de la pointe Enragée et sur ceux
des Deux Frères, sous la pointe Hutchison, partoutenfin où la mer brise
avec violence. Ils vivent par petites colonies, pressés les uns contre les
autres, et s’introduisent dans toutes les fissures, dans toutes les va-
cuoles des laves. Nous n’en avons pas vu un seul individu dans l’inté-
rieur du cratère.
À Amsterdam, cette espèce (pl. IV, fig. 30) est généralement plus
déprimée, plus dilatée à la base et de plus grande taille qu’à Saint-
Paul; les coquilles sont en même temps moins foncées; au lieu
d’être uniformement noirâtres, elles sont brunes et traversées par des
bandes rayonnantes jaunâtres, assez nombreuses.
198 CH. VÉLAIN.
Observations — C’est Reeve qui, le premier, a fait connaître cette
espèce et l’a citée de l’île Saint-Paul ; elle s'éloigne des véritables
Siphonaires par un certain nombre de caractères tirés de la coquille,
qui correspondent à des modifications importantes dans l’organisa-
tion de l’animal, et devront, certainement, nécessiter la création d’un
genre nouveau, ainsi que je me propose de l’établir prochainement.
GENRE BULLA.
40. Bulla fragilis, C. V., pl. IV, fig. 31. — Comples rendus de l’Académie
des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille courte et subcylindrique, tronquée à la base, mince,
translucide et de couleur grise; ornée de petites stries longitu-
dinales, très-rapprochées à la surface; ouverture très-embrassante,
allongée, étroite et subanguleuse vers sa base, qui dépasse la spire ;
plus dilatée et arrondie vers sa partie supérieure ; columelle droite,
élevée, à peine contournée;, bord columellaire inférieur fortement
convexe vers son milieu ; ombilic petit, circulaire, étroit et profond.
Hauteur : 2 millimètres et demi ; diamètre : 4 millimètre.
Habitat. — Ile Saint-Paul : sous les pierres, au niveau des plus
basses eaux, dans l’intérieur du cratère ; très-rare.
II. SOLENOCONQUES.
GENRE GADUS, RANG.
41. Gadus Divæ, C. V., pl. V, fig. 1-2. — 1877.
Coquille mince, blanche, transparente, allongée, médiocrement
arquée ; légèrement renflée près du tiers supérieur; surface lisse et
brillante, montrant, à un grossissement suffisant, quelques stries
d’accroissement inégalement espacées ; ouverture antérieure parfaite-
ment circulaire, non oblique, contractée, à bord mince et tranchant;
ouverture postérieure assez large, simple, oblique, entière, sans lobes
ni fissures latérales. |
Hauteur : 4 millimètres ; diamètre supérieur : trois quarts de mil-
limètre ; diamètre inférieur : 4 demi-millimètre.
Habitat. — Ye Saint-Paul; à la profondeur de 90 mètres, dans l’est
du cratère ; très-rare.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 129
Observations. — Le genre Gadus n’est encore représenté dans les
mers actuelles que par un très-petit nombre d’espèces, qui toutes
habitent à de grandes profondeurs, dans les régions chaudes ou tem-
pérées. Notre espèce se distingue facilement de ses congénères par
son bord postérieur entier. Je lui ai donné le nom du bâtiment de
guerre, la Dives, qui nous à portés à Saint-Paul.
III. ACÉPHALES.
LAMELLIBRANCHES.
GÈNRE HOCHSTETTERIA, C. V., 1871.
Coquille équivalve, inéquilatérale, aviculiforme ou modioliforme,
fixée aux corps sous-marins par un byssus ; byssus assez court et pas-
sant par une légère fente située près de l'extrémité supérieure du
bord palléal antérieur ; bord antérieur et bord postérieur très-iné-
gaux ; le premier beaucoup plus court que le second ; bord palléal,
très-courbe et convexe, présentant, vers sa partie antérieure ou pos-
térieure, des crénelures disposées comme celles des Crenelles ; région
cardinale, presque droite et assez large, présentant : 1° sur toute sa
surface des petites stries ou des sillons transverses, plus ou moins
accusés, assez rapprochés ; 2° une cavité interne, partant des crochets
et dirigée plus ou moins obliquement, de droite à gauche; deux im-
pressions musculaires très-imégales ; l’antérieure, très-petite et à
peine indiquée, est située à l'extrémité du bord palléal, presque sous
le côté antérieur ; l'impression postérieure, qui est mieux développée,
se trouve placée sur le bord palléal opposé, bien au-dessous du côté
postérieur ; impression palléale simple.
Distribution. — 1] existe aux îles Saint-Paul et Amsterdam trois es-
pèces appartenant à ce genre. L’une d’elles (H. aviculoides) habite ex-
clusivement la zone littorale, les deux autres (H. crenella et modiolina)
se tiennent autour des deux îles, à la profondeur de 30 à 43 mètres.
Observations. — Ces trois espèces rappellent par leur forme géné-
rale, et surtout par les détails de leur organisation interne, les Avi-
cules, les Mytilus et les Crenelles. Elles possèdent toutes, en effet, un
ligament semblable à celui des Avicules, mais la présence de deux
impressions musculaires bien nettes les rapproche davantage des
Mytilus. C’est donc dans la famille des Mytilidæ qu’il faut placer cette
nouvelle coupe générique.
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == 1T, VI. 1877. 9
130 CH. VÉLAIN.
Hochtetteria aviculoïdes est la seule des trois espèces qui ait été re-
cueillie avec l’animal : elle vit fixée aux corps sous-marins par un
byssus assez résistant. Son test est revêtu d’un épiderme brunûtre,
qui forme des lamelles concentriques, portant des digitations sem-
blables à celles que l’on peut observer dans deux des genres précités.
L'étude de la disposition relative du ligament chez les Iochstette-
ria, démontre que dans les espèces qui constituent ce genre, il existe
des modifications très-accusées. Ainsi dans À. Crenella ce ligament
est situé dans une cavité triangulaire et médiane située sous les cro-
chets, tandis que dans les deux autres espèces cette cavité tend à
devenir de plus en plus étroite et oblique. Malgré ces variations, sa
position reste toujours la même : il est toujours logé dans une fos-
sette interne creusée dans la région cardinale, entre le côté antérieur
et le côté postérieur. Ce dernier caractère est tout à fait distinctif.
Cans les trois genres Avicula, Mytilus et Crenella, qui sont les seuls
avec lesquels les Hochstetteria ont quelques rapports, le ligament se
trouve toujours placé, en effet, dans une petite cavité étroite, lon-
geant le côté postérieur. En outre de la fossette ligamentaire, chez les
Hochstetteria, la région cardinale porte encore un très-grand nombre
de petites stries ou de petits sillons transverses qui ne se voient qu’à
un fort grossissement; ces sillons contribuent à donner au mode
d’articulation des valves une grande solidité.
Ce genre est jusqu'à présent tout à fait spécial au petit groupe des
îles Saint-Paul et Amsterdam, il y est des plus abondants. En lui
donnant le nom de M. Ferdinand de Hochstetter, j’ai voulu rappeler
que les premières notions précises sur ces deux îles désertes, sont
dues à ce voyageur courageux et à ce savant géologue.
42. Hochstetteria aviculoides, G. V., pl. V, fig. 3-4. — Comptes rendus
de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille aviculiforme, assez épaisse et très-inéquilatérale, d’un
brun jaunâtre peu foncé; crochets peu saillants et sensiblement ter-
minaux ; bord droit et bord gauche formant chacun, avec le bord
palléal, un angle très-accusé. Epiderme épais, donnant lieu à de pe-
tites côtes transversales, subrayonnantes, partant des crochets et
croisées par de petites lamelles concentriques, étroites, qui présen-
tent dans leur intersection avec ces dernières de petites expansions
plus ou moins dentiformes; région cardinale assez épaisse, droite,
présentant quelques petits sillons ou des stries transverses peu accu-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 431
sées ; cavité cardinale triangulaire, située très-près du bord droit et
formant un triangle oblique ; bord antérieur très-court; bord posté-
rieur beaucoup plus développé; bord palléal présentant seulement à
l'extérieur, et à sa jonction avec le bord postérieur, trois ou quatre
petites crénulations.
Diamètre antero-postérieur : 2 millimètres ét demi ; diamètre um-
bono-marginal : 3 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 milli-
mètre.
Habitat. — Ne Saint-Paul ; cette espèce, très-abondante dans toute
la zone littorale du cratère, se fixe par son byssus au pied des algues,
sous les pierres et surtout autour des bryozoaires arborescents (Pu-
gula) ; elle aime à se cacher et souvent comme sa teinte brunâtre se
confond avec celle des roches sur lesquelles elle se trouve, on la re-
marque difficilement. |
43. Hochstelteria modiolina, G. V., pl. V, fig. 7-8. — Comptes rendus
de l'Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille blanche, modioliforme, très-inéquilatérale; crochets peu
saillants, subterminaux ; épiderme inconnu ; surface lisse ou finement
costellée ; bord postérieur très-court, faisant un angle très-accusé
avec le bord palléal ; bord antérieur arrondi et déclive; région car-
dinale oblique assez épaisse, présentant de petits sillons transverses,
plus ou moins accusés; cavité du ligament étroite et fortement obli-
que ; bord palléal, quelquefois légèrement sinueux vers sa partie
antérieure, et présentant seulement sur sa partie postérieure deux ou
trois crénelures assez accusées. Le
Diamètre antéro-postérieur : 4 millimètre trois quarts; diamètre
umbono-marginal : 2 millimètres et demi ; épaisseur des deux valves :
trois quarts de millimètre.
Habitat. — Te Saint-Paul ; au-delà du banc Roure, par les fonds
de 35 mètres. Entre les roches de la chaussée des Otaries à Amster-
dam, on en trouve de nombreuses coquilles roulées.
Observations. — L'obliquité du ligament et la forme oblongue du
test, rendent cette petite espèce facilement distincte.
44. Hochstelleria crenella, C. V., pl. V, fig. 5-6. — Comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille modioliforme, inéquilatérale, d’un rose carmin assez in:
tense ; crochets subterminaux et un peu plus saillants que dans les
132 CH. VÉLAIN.
deux autres espèces ; épiderme inconnu; bord antérieur un peu plus
grand que dans l’Æ. modiolina et légèrement arrondi à sa jonction
avec le bord palléal ; bord postérieur presque droit et très-développé ;
région cardinale très-oblique et présentant de nombreux petits sil-
lons transverses ; cavité cardinale régulièrement triangulaire, non
oblique et située directement sous les crochets ; bord palléal présen-
tant : 1° vers sa partie postérieure cinq à six crénelures qui vont en
diminuant sensiblement de bas en haut; 2 vers sa partie antérieure,
trois ou quatre crénelures semblables aux autres ; impression palléale
bien développée et semi-lunaire, mais peu marquée.
Diamètre antéro-postérieur : 1 millimètre ; diamètre umbono-mar-
ginal : { millimètre et demi; épaisseur des deux valves : un demi-
millimètre.
Habitat.— Iles Saint-Paul et Amsterdam (même habitat que Æ. mo-
diolina).
Observations. — (Cette espèce se distingue nettement des deux pré-
cédentes par sa forme particulière et surtout par la disposition de
ses crénelures qui sont placées sur le côté interne et postérieur du
bord palléal, comme dans beaucoup de Crenelles.
GENRE ROCIEFORTIA, C. V. 1876.
Coquille assez épaisse, transverse, inéquivalve, inéquilatérale ; sur-
face externe munie d’un épiderme simple; crochets peu saillants,
non proéminents et submédians ; valve droite présentant à l'inté-
rieur : {° une cavité ligamentaire triangulaire, située directement
sous le crochet et peu oblique, montrant à sa partie supérieure une
sorte de petite dent rejetée contre la dent latérale antérieure ; 2 deux
dents latérales inégales présentant entre elles et le bord des valves,
deux cavités longitudinales, étroites, destinées à loger les deux dents
latérales, situées sur la valve opposée ; valve qauche portant : 1° une
cavité ligamentaire, triangulaire, située entre deux dents cardinales
divergentes, un peu inégales ; 2 deux petites cavités, plus ou moins
trigones, séparant les dents cardinales et les dents latérales ; 3° deux
dents latérales marginales peu saillantes, la dent antérieure plus
longue que la dent postérieure ; impression palléale simple et assez
large ; deux impressions musculaires presque égales et assez fortes,
opposées, à peu près comme celles des Crassatelles.
Distribution. — He Saint-Paul ; zone littorale ; une seule espèce.
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDANM. 133
Observations. — J'ai dédié ce nouveau genre à mon ami M. le doc-
teur Rochefort, qui s'est attaché d’une facon toute spéciale pendant
toute la durée de notre séjour à la recherche et à l’étude des animaux
marins ; 1l est facile de voir que par la position de sa cavité ligamen-
taire, il se rapproche de ceux dont le ligament est interne ; mais
parmi ces derniers, le genre Crassatella seul présente avec lui quel-
que analogie lointaine. La disposition et le nombre des dents cardi-
nales exclut, en effet, tout rapprochement avec les Montacuta, Ery-
cina, Tellimya, Scintilla, ete. I règne, du reste, parmi tous ces petits
genres une assez grande confusion : dans les Scintilla, par exemple,
un grand nombre d'espèces dont le ligament est externe, doivent se
ranger dans les Sportelles.
45, Rochefortia australis, C. V., pl. V, fig. 9-11. — Comptes rendus de
l'Académie des sciences, 24 juiliet 4876.
Coquille subtrigone, crassatelliforme, transverse, presque équi-
valve; valves inéquilatérales et peu convexes ; test assez épais, recou-
vert d’un épiderme brun verdâtre ; surface présentant des stries con-
centriques d’accroissement, plus ou moins visibles et irrégulièrement
marquées ; impression palléale, assez large, située assez loin du bord
des valves; impressions musculaires très-accusées ; l'impression pos-
térieure plus accusée que l’antérieure ; tous les autres caractères con-
formes à la description générique.
Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres ; diamètre umbono-mar-
ginal : 2 millimètres ; épaisseur des deux valves : 4 millimètre.
Habitat. — 1e Saint-Paul; sous les racines des algues, dans l’inté-
rieur du cratère et notamment à l'extrémité de la jetée du Nord entre
le niveau des hautes et basses eaux.
Observations. — Cette espèce présente quelques variations dans sa
forme générale ; certains individus sont plus courts, d’autres plus
étroits et moins trigones ; d’autres présentent à leur surface quelques
stries d’accroissement plus fortes les unes que les autres.
GENRE ERYCINA.
46. Erycina Veneris. C. V., pl. V, fig. 12-14. Syn. : Erycina alba, C. V.
Comptes rendus de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille blanche, épaisse, brillante, presque équilatérale et sensi-
blement aussi haute que large; surface extérieure, lisse, ne portant
134 | CH. VÉLAIN.
que des siries à peine indiquées ou même nulles; valve gauche pré-
sentant à l’intérieur deux dents cardinales latérales, saillantes et
presque égales, la dent postérieure un peu plus haute que l’anté-
rieure ; valve droite munie également de deux dents cardinales, bien
développées, qui viennent s’insérer dans deux fossettes longitudinales,
situées derrière les dents latérales de la valve opposée ; ligament in-
terne s'insérant dans une dépression transverse, triangulaire, mé-
diane et assez profonde ; impression palléale, simple, bien marquée
et située assez loin du bord externe; impressions musculaires assez
profondément imprimées.
Diamètre antéro-postérieur : 3 millimètres et demi ; diamètre um-
bono-marginal : 2 millimètres trois quarts; épaisseur des deux valves :
2 millimètres.
Habitat, — Très-abondante dans le nord de l’île Saint-Paul, à la
profondeur de 80 mètres; se trouve encore, mais plus rarement, par
les fonds de 35 mètres.
Observations. — Dans la première liste que j'ai donnée des mol-
lusques testacés de l’île Saint-Paul (C. rendus, séance du 24 juil-
let 1876), j'avais désigné cette espèce sous le nom de Zrycina alba,
mais ce nom ayant été employé antérieurement par Lamarck, pour
une espèce toute différente, j'ai dû lui en assigner un autre.
GENRE TURQUETIA, C. V., 1876.
Coquille mince, transverse, équivalve et très-inéquilatérale ; cro-
chets peu saillants ; côté antérieur bien développé; côté postérieur
très-court et subtronqué; charnière étroite et peu développée; valve
droite présentant : 1° une seule dent cardinale rudimentaire et arron-
die ; 2 une cavité ligamentaire, interne, allongée, très-étroite, creu-
sée dans l’épaisseur du bord postérieur et située au-dessous de la
dent cardinale; valve gauche portant : 1° une seule dent cardinale
très-courte, en avant de laquelle se montre une dépression plus ou
moins profonde, destinée à loger la dent cardinale de la valve op-
posée ; 2 une cavité ligamentaire semblable à la précédente; liga-
ment interne étroit et allongé ; deux impressions musculaires mé-
diocres, à peine visibles; impression palléale simple et très-peu
accusée.
Distribution. — Tes Saint-Paul et Amsterdam ; une seule espèce.
ASP EEE RER RE ns
SE +
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 135
Observations. — Les Turquetia appartiennent encore à ces genres
peu connus dont j'ai parlé à propos des Æochefortia; la position du
ligament logé dans une fossette allongée et étroite, placée sur le
bord postérieur, semble les rapprocher des Erycinidés, mais la forme
du crochet et la disposition des dents cardinales les en éloignent. Je
dois faire remarquer en outre que dans ce nouveau genre, que je
suis heureux de dédier à mon ami M. Turquet, capitaine de frégate,
le côté postérieur est de beaucoup plus court que le côté antérieur ;
c'est généralement le cas inverse chez les Acéphales.
47. Turquetia fragilis, C. V., pl. V, fig. 15-17. 1876. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille blanche ou légèrement jaunâtre, assez convexe, très-
inéquilatérale ; côté antérieur allongé et assez régulièrement arrondi ;
côté postérieur très-court, présentant deux plis transverses, peu accu-
sés, correspondant aux deux légères sinuosités du bord postérieur ;
surface présentant des stries d’accroissement inégalement mar-
quées et en général peu accusées. Les autres caractères conformes
à ceux de la description générique.
Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts; diamètre
umbono-marginal : 4 millimètre trois quarts ; épaisseur : trois quarts
de millimètre, |
Habitat. — He Saint-Paul; très-abondante dans les sables, à la
profondeur de 45 à 65 mètres, en face de la jetée du Sud. Quelques
valves isolées au milieu des galets, sur la côte de l’île Amsterdam.
Observations. — Cette espèce, très-abondante, varie beaucoup de
taille ; son caractère le plus apparent réside dans l’allongement très-
marqué de son côté antérieur.
GENRE LASÆA, BROWN.
48. Lasæa rubra, Montagu. Syn. : Cardium rubrum, Montagu, Test, Brit., I,
P. 83, 1803? — Lasæz rubra, Forbes et Hanley, Brit. Moll.s
pl. XXXVI, ko. 5 et 7. — Lasæa rubra, Jeffreys, Brit. Conch.,
pl. XXXIT, fig. 4... etc.
Cette petite espèce, qui se trouve dans toutes les mers d'Europe,
dans l'Atlantique (Forbes et Hanley), dans les mers du Japon (Car-
penter), dans le Pacifique (Carpenter), au détroit de Magellan (Phi-
lippi), au sud de l’Afrique (Bornia seminulum, Krauss, Sudaf. Moll.,
136 CH. VÉLAIN.
p. 2), etc., a été également recueillie, en 1874, sur la terre de Ker-.
guelen, par M. J.-H. Kidder, naturaliste attaché à l'expédition astro-
nomique américaine. C’est assurément une des espèces qui possèdent
l’aréa le plus étendu.
Elle se trouve à l’île Saint-Paul en nombre prodigieux et présente
deux variétés qui correspondent à deux stations bien distinctes. Les
unes, très-convexes, arrondies et fortement colorées en brun, se tien-
nent sous les racines des algues, entre le niveau de la haute et basse
mer, dans l’intérieur du cratère, et notamment à l’extrémité de la
jetée du Nord; les autres, de taille souvent un peu moindre, plus
allongées dans le sens transversal, presque incolores ou plus rare-
ment colorées en rouge intense et méritant bien alors leur nom spé-
cifique, se cachent plus ou moins profondément sous les roches, au
niveau de la haute mer, dans les points qui ne sont recouverts que
dans les grandes marées. Ces dernières, fixées les unes aux autres
par une sorte de byssus, sont souvent si nombreuses, qu’elles rem-
plissent entièrement les vides que laissent entre eux les blocs de laves
superposés. En face des établissements de pêche, dans le nord-est, on
peut littéralement les ramasser par poignées. Des Planaires, des An-
nélides, des Nématoïdes nombreux vivent au milieu d’elles et à leur
détriment. Je n’ai pas cru devoir séparer ces deux variétés, à cause
des nombreuses formes intermédiaires qu’elles présentent.
Sur la côte de l’île Amsterdam, ces ZLasæa m'ont paru beaucoup
moins nombreuses qu’à Saint-Paul.
GENRE LUTETINA, C. V., 1873.
Coquille assez épaisse, équivalve, inéquilatérale, plus ou moins
ovalaire; crochets peu saillants; surface lisse ou bien ornée de petits
sillons concentriques ; ligament interne; valve droite présentant à
l'intérieur : 4° une dent cardinale assez bien développée, au-dessus
de laquelle se montre une autre dent étroite, allongée et recourbée
en forme de V, se reliant plus ou moins intimement avec le commen-
cement du bord antérieur ; 2 une dent latérale postérieure, bien dé-
veloppée, laissant entre elle et le bord postérieur une petite cavité
longitudinale, destinée à loger la dent latérale de la valve opposée ;
3° une cavité ligamentaire située sous le crochet, entre la partie supé-
rieure de la dent latérale et le bord postérieur de la dent en forme
de V; valve gauche présentant à l’intérieur : Le une dent latérale assez
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 137
développée, appliquée contre le bord postérieur ; 2° une dent cardi-
nale légèrement coudée, circonserivant une petite cavité destinée à re-
cevoir la dent simple de la valve opposée ; 3° une cavité ligamentaire
disposée comme sur l’autre valve ; impression palléale simple ; impres-
sions musculaires semblables à celles des Vénus et des Cythérées.
Distribution. — Yes Saint-Paul et Amsterdam; une seule espèce.
Observations. — Le genre que je propose sous le nom de ZLufelina
offre une assez grande analogie avec le genre Lutetia, créé par M. Des-
hayes en 1871, pour deux espèces éocènes du bassin de Paris : Zutetia
parisiensis etumbonata (Deshayes, Descript. des anim. s. vert., t. 1, p.787
et suiv.). Depuis cette époque, la distribution de ce petit genre s’est
un peu étendue : M. Munier-Chalmas, après en avoir découvert deux
espèces nouvelles dans des terrains tertiaires plus récents (faluns de
la Touraine et de Bordeaux), vient en effet de le retrouver à l’état
vivant dans un sondage de la mer des Indes. J’ai eu entre les mains
les cinq espèces de Lutetia connues actuellement, toutes conservent
intacts.les caractères génériques assignés par l'éminent conchyliolo-
giste; aucune d'elles ne présente de dents cardinales latérales. Ce
dernier Caractère existe au contraire dans l’espèce de l’île Saint-Paul
que je décris plus loin, en même temps que le ligament y devient
interne. Ge sont là les deux raisons qui m'ont déterminé à la séparer
des Zutetia, pour en faire le type de ce genre nouveau que je viens
de décrire sous le nom de Zutetina.
49. Luletina antarctica, C. V., pl. V, fig. 18-20. — Comptes rendus de
l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille d’un blanc mat, subcirculaire ou ovalaire ; surface bril-
lante; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que le
côté postérieur, qui se trouve légèrement dilaté ; crochets petits,
submédians ; test assez épais, orné de petites côtes concentriques peu
marquées et quelquefois presque nulles ; dent cardinale simple; dent
latérale très-développée sur la valve droite; les autres caractères con-
formes à ceux de la description générique.
Diamètre antéro-postérieur : 2 millimètres trois quarts ; diamètre
umbono-marginal : 1 millimètre trois quarts; épaisseur : 1 milli-
mètre.
Habitat. — Ie Saint-Paul; les valves détachées de cette petite
espèce sont très-nombreuses dans les vases du fond du cratère ; on la
138 CH. VÉLAIN,
trouve vivante dans les sables ramenés par la drague entre les fonds
de 45 mètres à 70 mètres, en face de l’entrée du cratère.
Observations. — Cette espèce présente deux variétés très-accusées ;
les unes sont en effet régulièrement circulaires, les autres au con-
traire ovales; mais, entre ces deux types extrèmes, il existe tous les
intermédiaires possible, de telle sorte que je n’ai pas cru devoir en
faire deux espèces distinctes.
GENRE VENUS, LINNÉ.
50. Venus (Caryathis) antarctica, C. V., pl. V, fig. 21-22, — Comptes rendus
de l’Académie des sciences, 24 juillet 1876.
Coquille presque circulaire, aussi haute que large, un peu inéqui-
latérale ; côté antérieur un peu plus court et un peu plus étroit que
le postérieur; valves convexes, ornées de côtes concentriques régu-
lières, équidistantes et comme striées ; crochets peu saillants, mais
très-indiqués cependant; lunule ovale, large, peu enfoncée, nette-
ment délimitée par un petit sillon; charnière large et subtrigone ;
valve droite portant trois dents cardinales, à peu près équidistantes :
les deux premières divergentes, assez fortes, un peu inégales, la troi-
sième plus courte et surbaissée; valve gauche portant quatre dents
cardinales : la première allongée, étroite, située contre la nymphe
du ligament, les deux médianes divergentes et bien développées, la
quatrième rudimentaire, peu indiquée, placée près du bord cardinal
interne; impression palléale étroite, présentant un sinus peu pro-
noncé : impressions musculaires très-marquées ; légère coloration
jaunâtre, avec quelques taches brunes irrégulièrement disséminées ;
une large tache noire sur le côté antérieur, près des crochets,
Diamètre antéro-postérieur : 27 millimètres; diamètre umbono-
marginal : 25 millimètres ; épaisseur : 18 millimètres.
Habitat. — Ye Saint-Paul, en face des jetées à l'extérieur, et sur-
tout devant la baie des Manchots, par les fonds de 15 mètres; nous
avons fréquemment trouvé des valves séparées de cette espèce dans
les vases stériles de l’intérieur du cratère ; elles étaient alors complé-
tement décolorées et souvent altérées jusqu’au point de devenir
friables.
ol, AvicuIe = 02: Peclen 4
Dans les sondages autour du banc Roure, quelques fragments très-
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 139
incomplets indiquent encore la présence de deux petites espèces ap-
partenant aux genres Avécula et Pecten, mais nous n'avons jamais pu
nous les procurer entières.
IV. BRACHIOPODES.
TEREBRATULIDÉES.
GENRE KRAUSSINA, DAVIDSON.
52. Kraussina Davidsoni, C. V., pl. V, fig. 23-26. 1877. — Syu.: Kraussina
pisum, Lam. sp., CG. V. — Comptes rendus de l’Académie des sciences,
24 juillet 1876. — Kraussina pisum, Frauendfeld, Verh, der K.K.
Zool. bot. Gesellschaft in Wien, 1865, p. 893.
Coquille subordiculaire, de taille médiocre, transverse, inéquivalve,
rarement symétrique, divisée en deux par une dépression longiludi-
nale peu profonde, située sur la petite valve ; ornée de côtes rayon-
nantes nombreuses et régulières qui, très-développées dans le jeune,
ne se voient plus que sur leitiers supérieur de la coquille chez l’aduile,
tout le reste montrant seulement des lamelles concentriques d'ac-
croissement plus ou moins accusées; ligne cardinale sensiblement
droite, très-peu développée ; crochet peu ou moins saillant, caréné
latéralement, tronqué par un large trou, irrégulier, qui le traverse
en son entier et entame parfois légèrement le crochet de la petite
valve; charnière solide; tubercule cardinal peu indiqué; septum
médian assez prononcé, mais cependant peu élevé, composé de deux
lamelles imparfaitement soudées, qui se séparent vers le milieu de la
petite valve, et s'élèvent, en divergeant, jusqu’au deux tiers de lépais-
seur des valves (fig. 24). Ces lamelles sont élargies et montrent, vers
leur sommet, une petite dent courbe, dirigée en dedans ; une autre
dent semblable, mais dirigée en sens inverse et plus accusée, se voit
encore à la base; surface interne d’un beau blanc nacré, marquée de
tubercules perforés, disposés en lignes rayonnantes, et très-accusés
sur la petite valve ; surface externe couverte d’une sorte d’épiderme
noirâtre, très-mince ; ligne de commissure des valves sinueuse; pé-
doneule musculaire très-développé et très-résistant; coloration
gris jaunâtre terne.
Hauteur : 7 millimètres ; largeur : 8 millimètres; épaisseur des
valves : 3 millimètres.
Habitat. — Ve Saint-Paul ; dans l’intérieur du cratère, sous les ro-
140 | CH. VÉLAIN.
ches, depuis le niveau de la basse mer, et même un peu avant, jus-
qu’à la profondeur de 10 mètres, très-abondants.
Var. oblonga. PI. V, fig 26. — Coquille oblongue, globuleuse, plus
haute que large, symétrique ; valves régulièrement bombées, ne pré-
sentant, même dans le jeune âge, que des rudiments de côtes rayon-
nantes sous les crochets ; stries d’accroissement très-nombreuses et
très-fines ; sillon médian à peine indiqué ; crochet de la grande valve
très-allongé, non comprimé, traversé dans toute son étendue tantôt
au centre, tantôt sur le côté, suivant la position de la coquille, par un
large trou, qui laisse passer un pédoneule musculaire très-développé.
Hauteur : 8 millimètres et demi ; largeur : 8 millimètres; épaisseur
des deux valves : 4 millimètres et demi.
Cette forme remarquable, qu’on serait tenté de prendre pour une
espèce distincte, n’est en réalité qu'une modification du type précé-
dent, en rapport avec des conditions d'habitat assez particulières ;
elle ne se trouve, en effet, qu’au milieu des Ascidies composées. En-
veloppé par un cormus épais, souvent coriace etrésistant, le brachio-
pode ne peut pas s’étaler librement ; 1l est obligé de s’accroître déme-
surément en longueur, pour lutter contre le développement rapide de
l’Ascidie.
Observalions. — Frauenfeld, dans les Comptes rendus de la Société
royale de botanique et de zoologie de Vienne (janvier 1865, p. 893),
a cité cette espèce sous le nom de ÆAraussina pisum. C’est également
sous ce nom que je l'avais indiquée dans mes premières notes au
sujet de la faune malacologique des deux îles. Je ne connaissais alors
de la À. pisum que la figure insuffisante (fig. 34) donnée par Reeve dans
sa monographie des brachiopodes. Mais depuis, à la suite d’un examen
plus attentif, et surtout en comparant l'espèce de Saint-Paul avec de
bons exemplaires de la Æ. pisum, provenant du cap de Bonne-Espé-
rance, j'ai reconnu qu'elle en différait complétement. L'espèce afri-
caine, décrite pour la première fois, par Lamarck, sous le nom de
Terebratula pisum (An. s. vert., t. VI, p. 245), est, en effet, de plus
grande taille, assez étalée, marquée de petites côtes, fines, nom-
breuses et régulières, et colorée en jaune pâle, ou en rose. La Zere-
bratula natalensis, Krauss, de Port-Natal, que Reeve réunit à cette
espèce, serait même remarquablement ornée, sur un fond jaunâtre,
de bandes longitudinales d’un rose vif.
L'espèce de l’île Saint-Paul se rapproche davantage de la Æ. La-
marchiana, Davids (Reeve, Conch. icon. brach., fig. 36), qui habite
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 141
l'Australie et la Nouvelle-Zélande ; mais elle s’en distingue encore
facilement par sa forme générale et ses côtes peu étendues, non bi-
furquées. Elle doit, en réalité, constituer entre ces deux espèces une
forme intermédiaire, suffisamment caractérisée par la complication
de son appareil apophysaire, par la forme de son crochet et par son
mode d'ornementalion spécial. |
Je l'ai dédiée au savant naturaliste anglais, qui à tant contribué à
l'étude des brachiopodes vivants et fossiles !.
M. H. Dall, dans sa révision générale des Térébratulidées, publiée
dans le journal américain de conchyliologie (4871, p. 140), a cité de
l'île Saint-Paul une Æraussina picta ; mais on ne trouve nulle part la
description de cette espèce : cette citation doit être le résultat d’une
erreur.
J'ai signalé, dans un chapitre précédent, les conditions d'habitat si
particulières de la Araussina Davidsont avec suffisamment de détails,
pour n'avoir pas besoin d’y revenir ici. Cette espèce, que j'ai pu étu-
dier sur plusieurs centaines d'individus, varie beaucoup avec l’âge.
D'abord très-élevée, avec un crochet saillant, droit, presque tubulaire,
elle ne s’élargit latéralement qu'assez tard ; sa ligne cardinale de-
vient droite (pl. V, fig. 26), les angles latéraux sont aigus, et la pe-
tite valve prend une forme tout à fait semi-lunaire; les côtes
rayonnantes sont alors très-accusées et s'étendent du sommet jus-
qu'au bord de chaque valve. Plus tard, ces angles latéraux s’arron-
dissent, la plus grande largeur de la coquille se trouve être, non pas
au sommet, mais au milieu de la petite valve; les ornements ne per-
sistent pas et font place à des stries d’accroissement de plus en plus
accusées dans l’adulte; enfin, le crochet tronqué devient fortement
caréné latéralement.
Fixées, parfois assez profondément, dans les vacuoles des laves
cellulaires, ces coquilles ne peuvent s’y développer en toute liberté ;
elles se moulent alors sur les parois de la cavité qu'elles occupent,
et s’allongent en prenant les formes les plus extraordinaires. Les bras
spiraux sont très-peu développés, mais fortement ciliés; ils ne sortent
jamais de la coquille qui s’entr’ouvre peu. Quand les valves étaient
bien entr’ouvertes, on apercevait parfois sur les côtés l'extrémité
des cils, qui s’agitaient d’un mouvement assez vif.
1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1874 et 24 juillet 1876.
142 CH. VÉLAIN.
REMARQUES AU SUJET DES MOLLUSQUES.
Des descriptions qui précèdent, 1l résulte donc que la faune mala-
cologique de l’île Saint-Paul, qui n’était connue jusqu’à présent que
par quatre ou cinq espèces, Zanella (Apollon) proditor, Patella depsta,
Siphonaria Macgillivrayr, et la petite Kraussina, désignée par Frauen-
feld sous le nom de Æ. pisum, — en comprend cinquante-trois, répar-
ties dans trente-sept genres, dont vingt-cinq appartiennent aux Gas
téropodes, neuf aux Acéphales, un, seulement, aux Brachiopodes.
Considérée dans son ensemble, elle est tout à fait spéciale, puisqué
sur ses Cinquante-trois espèces, quarante-six se sont trouvées nou
velles, soit une proportion de 90 pour 100. Cette proportion, vérita-
blement énorme, qui ne s'explique que parce que les faunes australes
sont encore peu connues, lui donne un grand caractère d'originalité,
surtout si on ajoute que, parmi les genres, on en compte également
plusieurs qui sont nouveaux : le Wagilina, par exemple, chez les Gas-
téropodes, qui représente, à cette latitude, les Magiles des mers
intertropicales, etles Æochstetteria, Rochefortia, Turquetia et Lutetina
chez les Acéphales *.
Parmi les genres déjà connus, le plus grand nombre provient des
mers chaudesettempérées, Ranella, Triton, Lachesis, Triforis, Rissoella,
Phasianella, Fissurella, Gadus, Bulla, où même des mers tout à fait
chaudes, Æostellaria, Persicula, Schismope ; d’autres, au contraire, ap-
partiennent aux mers froides, /#issoa, Lacuna, Siphonaria, Trophon et
Margarita, tandis que les Murex, Purpura, Turbonilla, Patella, Chiton,
Venus et Lasæa, sont de toutes Îes mers.
Cette association, tout à fait exceptionnelle, de formes tropicales,
comme #ostellaria, Persicula..., avec d’autres exclusivement bo-
réales, 7rophon, Margarita, à une latitude relativement assez élevée,
qui correspond, à peu près, à celle de Lisbonne dans notre hé-
misphère, s'explique par ce qu’on sait du régime climatérique des
deux îles ; la température moyenne de l’année y paraît être, en effet,
dé 7 degrés ; elle s’abaisse de quelques degrés seulement au-dessous
de zéro en hiver, et ne s'élève guère au-dessus de 17 degrés dans Ja
saison chaude. La température de la mer, pendant toute la durée de
notre séjour, s’est maintenue entre 43 et 14 degrés, alors que celle de
l'atmosphère a oscillé entre 1 et 7 degrés.
1 Je rappellerai ici que le Siphonaria Magillivrayi doit également constituer le
type d’un genre particulier. , |
LA FAUNE DES ILES SAINT-PAUL ET AMSTERDAM. 143
Un fait digne de remarque, c’est que la majeure partie des genres
particuliers aux mers chaudes ou tempérées (7rrton, Lachesis, Trifo-
ris, Gadus, elc.), ne se trouvent 1à qu’à des profondeurs assez grandes
(de 60 à 80 mètres), tandis que ceux, au contraire, qui dénotent un
climat peu froid, sont cantonnés dans la zone littorale. On serait
alors tenté de supposer que la température est plus élevée dans ces
profondeurs qu'à la surface, mais nous l’avons toujours trouvée plus
basse de quelques degrés.
Cette faune tout à fait particulière, peut être regardée comme
une dépendance de celle du Cap de Bonne-Espérance. Ses seules
affinités sont, en effet, pour la faune sud-africaine, avec laquelle
elle présente quelques espèces communes, Fissurella mutabiles,
F. australis, Marinula nigra, ou des formes très-voisines, comme
le Purpura Magellani, qui représente à Saint-Paul le 2. Walhergi de
Port-Natal. Déjà la flore des deux îles nous avait fourni de pareils
rapprochements; lApium australe de l'île Saint-Paul et le Philca
arborea de l'ile Amsterdam se retrouvent, en effet, à Tristan
d’Acunha, de l'autre côté du Cap. Enfin je rappellerai que parmi fes
poissons côtiers, et ceux-là seuls ont une véritable signification au
point de vue qui nous occupe, le Bovichtys et la Motelle du cratère
de l’île Saint-Paul, sont encore deux espèces de la même provenance.
Ces faits s'expliquent tout naturellement par la direction des courants
et des vents généraux, qui portent tous de l'Ouest vers l'Est.
Elle se signale encore par les dimensions remarquablement petites
des espèces qui la constituent, et qui, souvent, n’atteignent que quel-
ques millimètres, la Ranelle faisant seule exception. Parmi celles qui
sont représentées par un grand nombre d'individus, il convient de
citer les Æochtetteria aviculoides, crenella et modiolina, la Lasæa
rubra, la Turquetia fragilis et la Lutetina antarctica chez les Acé-
phales. Les trois espèces de /rssoa, les Purpura Dumasi et Magelluni,
les Fissurella australis et mutabilis, la Patella depsta, le Magilina Ser-
puliformis, la Marinula nigra et la Siphonaria macgillivrayi, parmi les
Gastéropodes. |
Les Ærssoa, qui généralement ont leur maximum d'espèces dans la
zone littorale, se tiennent au contraire à Saint-Paul à des profondeurs
relativement grandes : ils sont particulièrement abondants par les
fonds de 30 mètres.
Et om
PE D PS
25.
26.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I.
CARTE DE L'ILE, SAINT PAUL
PLANCHE Il.
Murex Duthiersi, C. V.
Murex Hermanni, C. V.
Ranella proditor, Fr.
Trophon tritonidea, C. V.?
Purpura Magellani, G. V., zone littorale du cratère (type).
Purpura Magellani, var. C. V., zone littorale de l’extérieur,
Purpura Dumasi, C. V. (type).
Purpura Dumasi, var. multistriata, C. V.
Purpura Dumasi, var. semicostata, C. V.
Purpura Dumasi, var. cincta, C. V.
Magilina serpuliformis, C. V. (coquille adulte).
. Magilina serpuliformis (coquille embryonnaire).
. Lachesis Turqueti, C. V.
PLANCHE Ill.
Persicula polyodonta, C. V.
Persicula glandina, C. V.
Persicula Crossei, C. V.
Turbonilla scalaris, C. V.
Turbonilla disculus, C. V.
Turbonilla Peroni, C. V.
Triforis isleanus, C. V.
. Lacuna parvula, C. V.
Lacuna Heberti, C. V.
Rissoa Lantzi, C. V.
Rissoa Cazini, C. V.
. Rissoa subtruncata, C. V.
. Paludestrina Duperei, C. V.
Rissoella Sancti-Pauli, C. V.
PLANCHE IV.
Phasianella Munieri, C. V.
Phasianella brevis, C. V.
Margarita Lacazei, C. V.
Margarita Lacazei, var. nigricans, C. V.
Schismope Mouchezi, C. V.
Fissurella australis, Krauss.
. Fissurella mutabilis, Reeve.
. Patella depsta, Reeve.
. Chiton Constanti, C. V.
. Chiton Bergoti, C. V.
23-94.
Helix.... (sp)?
Marinula nigra, Ph.
Marinula Maindroni, C. V.
. Siphonaria Macgillivrayi, C. V.
Siphonaria Macgillivrayi, var. lata, C. V., île Amsterdam.
Bulla Divæ, C. V
PLANCHE V.
Gadus divæ, C. V.
Hochstetteria aviculoïdes, C. V.
Hochstetteria crenella, C. V.
Hochstetteria modiolina, C. V.
Rochefortia australis, C. V.
. Erycina Veneris, C. V.
. Turquetia fragilis, C. V.
. Lutetina antarctica, C. V.
. Venus Antarctica, C. V.
. Kraussina Davidsoni, C. V.
SUR LE COMMENCEMENT DE L'HÉNOGENIE
CHEZ DIVERS ANIMAUX
BARPLBR DOCTEUR HERMANN FOL:
Les premiers phénomènes du développement de l’œuf, assez né-
gligés dans les vingt dernières années, sont de nouveau l’objet
d'investigations assidues. Je n’insiste plus sur le mérite que j ’ai pu
avoir dans le réveil de cette branche d’ histologie, de crainte de pa-
raître réclamer plus que la très-modeste part qui m'en revient. Le
temps ne manquera pas d'amener un jugement impartial à cet
gard. Après s'être portée en premier lieu sur les phénomènes du
fractionnement, l'attention des auteurs les plus récents s’est adressée
aussi aux processus encore plus importants de la maturation de
l'ovule et de la fécondation. Ce sont surtout Bütschli et O. Hertwig
qui ont fait faire des progrès notables à nos connaissances sous ce
rapport. Mais malgré les efforts de ces observateurs et de beaucoup
d’autres, deux points importants restaient encore obscurs, à savoir le
sort de la vésicule germinative et l’histoire de la pénétration du
Zoosperme.
C’est pour éclaircir ces deux points que j'ai entrepris en janvier,
février et mars 1876, une série de recherches complétées pendant les
premiers mois de 1877. Des extraits de mes résultats ont été publiés
dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences du 5 et du 19 fé-
vrier et du 2 avril 1877. Puis ces extraits réunis en un seul article
ont été publiés avec des figures explicatives dans la livraison du
15 avril des Archives des sciences physiques et naturelles de (Genève.
1 Hæckel a créé récemment deux nouveaux termes pour désigner le développe-
ment individuel et ie développement historique ou paléontologique d’un être; il
les nomme Ontogénie et Phylogénie. J'accepte son idée, ainsi que le second de ces
mots nouveaux. Quant au premier, je ne puis l’adopter, car sa signification étymolo—
gique est en opposition avec le sens que lui prête son inventeur. Onto-génie veut
dire la formation de l'être en tant qu'être abstrait, « Das werden des seins ». Pour dési-
gner le développement individuel, il est indispensable de remplacer le mot grec èvrée
qui signifie l’être abstrait par le mot £y; qui désigne un être individuel, un individu.
Les mots d’ontogénie et d'ontogénèse devront donc faire place aux termes plus ratiou-
nels d’hénogénèse et d’hénogénie.
ARC, DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — T. vi. 4877. 10
146 | HERMANN FOL.
Cet article est reproduit maintenant sans changements, mais avec
l’addition de quelques notes.
En même temps que moi, O. Hertwig se livrait de son côté à une
série de recherches sur les mêmes sujets. Une première série fut exé-
cutée en 18176 et parut au commencement de 1877. La seconde série
fut faite à Messine pendant l'hiver de 1876-77, et un extrait des ré-
sultats obtenus a paru vers la fin d'avril 14877. On trouvera plus
bas la traduction que j'ai faite de ce dernier article d’O. Hertwig.
Ces recherches parallèles méritent d'autant plus d'être comparées
entre elles qu’elles sont absolument indépendantes l’une de l’autre.
Hertwig n’a eu aucune connaissance de mes résultats avant que ses
dernières recherches fussent terminées, et j'étais dans la même igno-
rance à l'égard des deux derniers travaux de Hertwig lorsque je ré-
digeai le mémoire qui va paraître dans les Mémoires de la Société de
physique de Genève, et dont le présent article n’est qu'un extrait.
ÏJ. DE LA STRUCTURE DE L'OVULE.
*
L'ovule, encore contenu dans l'ovaire, mais approchant de la ma-
turité, se compose, chez les animaux que j’ai étudiés sous ce rapport,
d’un vitellus plus ou moins granuleux, plus ou moins chargé de glo-
bules lécithiques, d’une vésicule germinative et d'une ou plusieurs ta-
ches de Wagner. La vésicule germinative se compose d’une membrane
et d’un contenu. Sans entrer pour le moment dans une discussion sur
la question de savoir si cette membrane appartient, philosophique-
ment parlant, au vitellus ou à la vésicule, je me contenterai de dire
que ce n’est pas une membrane dans le vrai sens du mot, mais sim-
plement une couche limitante piastique. La membrane vitelline
proprement dite fait encore défaut ; la surface du vitellus est formée
seulement par une couche de sarcode compacte.
Le contenu de la vésicule diffère du vitellus, non-seulement par
son pouvoir de réfraction qui est beaucoup moins grand, mais
encore par ses propriétés chimiques. J'ai pu y discerner, dans Ja
plupart des cas que j'ai observés, un réseau de filaments sarcodiques
anastômosés et suspendus dans une substance plus claire. C’est
cette disposition découverte récemment et qui a été décrite dans
les noyaux des cellules les plus diverses. Le nucléole est suspendu
dans ce réseau de sarcode.
Si la composition de l’ovule ovarien est au fond assez uniforme
|
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 147
dans le règne animal, il n’en est pas de même dé l’ovüle au moment
de la ponte. |
Chez l'Oursin, d’après les observations de Derbès, d'O. Hertwig et
les miennes, l’ovule, au moment de la ponte et même auparavant,
ne possède plus de vésicule germinative, mais seulement un pronu-
cléus femelle. Après fécondation, cet œuf se développe sans lexpul-
sion préalable de sphérules de rebut. Cette absence des globules po-
laires semble constituer un cas exceptionnel pour le règne animal.
Nous verrons Cependant que l'exception est plus apparente que réelle.
Dans la majorité des cas, l'ovule mûr possède une grande vésicule
germinative qui ne disparaît que peu avant la ponte (Sagitta, divers
Cœlentérés) ou peu après ce moment (Péerotrachæa, Asterias), Cette
vésicule germinative est aussitôt remplacée par un système de fila-
ments sarcodiques arrangés en double étoile. J’ai décrit ces étoiles
pour les Ptéropodes, et Bütschli les a étudiées avec plus de précision
chez Nephelis, Succinea, Limnæus, etc. Je donnerai désormais à ces
étoiles doubles reliées entre elles le nom d’amphiaster. L'amphiaster
qui se forme aux dépens de la vésicule germinative, au moment où
celle-ci disparaît, ressemble tout à fait à celui qui se forme dans une
cellule en voie de division, seulement il est situé près de la surface
du vitellus. Nous donnerons à ce premier système étoilé le nom
d'amphiaster de rebut, parce qu’il donne naïssance aux sphérules de
rebut. L’aster périphérique sort alors du vitellus pour constituer une
première sphérule de rebut qui peut se diviser après sa sortie. Puis
la moitié interne de l’amphiaster, restée dans le vitellus, devient un
amphiaster complet.
Ce second amphiaster de rebut se sépare comme le premier, de
telle sorte que son aster périphérique constitue le second globule
polaire. La substance expulsée de la sorte provient en majeure partie
de la vésicule germinative, avec un peu de protoplasma vitellin.
L'opinion d’Oellacher sur Porigine de ces globules chez la truite
trouve dans ces faits une confirmation éclatante. La dernière étoile qui
reste dans le vitellusse ramasse pour constituerle pronucléus femelle.
Quant à la tache de Wagner, elle disparaît en général avant la vé-
sicule germinative; tel est le cas des Gastéropodes que j'ai observés.
Elle peut manquer déjà avant la maturité de l'ovule (Sagitta); ou
bien encore, elle peut se dissoudre en même temps que la vésicule
germinative, ainsi que cela à été observé chez Asterias par R. Greef,
E. van Beneden et moi-même.
148 HERMANN FOL.
Nous sommes donc en présence de deux cas en apparence dis-
tincts. Dans l’un, celui de l’Oursin, l’ovule au moment de la ponte
est déjà dépourvu de sa vésicule germinative et ne possède qu’un
pronucléus femelle ; s’il vient à être fécondé, il se développera sans
expulsion de globules polaires. Dans l’autre cas, qui est celui de la
grande majorité des animaux, l’ovule pondu possède encore une vé-
sicule et souvent une tache germinatives qui disparaissent pour faire
place à l'amphiaster de rebut, ou bien il ne possède déjà plus sa vé-
sicule germinative, mais bien un corpuscule qui devient un am-
phiaster. Un des premiers phénomènes qui suivent la ponte dans ce
second cas est l'expulsion des sphérules de rebut.
Pour comparer avec fruit ces deux cas, il importait d'examiner si
l'expulsion des matières de rebut doit être considérée comme une
suite de la fécondation, ou simplement comme un phénomène de
maturation. Puis il fallait étudier le premier développement d’un
animal voisin de l'Oursin, mais dont l’œuf possédât encore sa vési-
cule germinative au moment de la ponte; l’Asferias répond à ces
conditions. Enfin il importait de connaître exactement les phéno-
mènes de maturation de l’ovule chez l’Oursin. (C’est dans ce but que j’ai
étudié à nouveau ce sujet à Messine en janvier et février 1876 et 1877.
En passant en revue l’opinion des auteurs anciens et récents sur
la première de ces questions, on ne rencontre que peu d’observa-
tions propres à nous renseigner. Je cilerai l'opinion de Bischoff qui
arrivait déjà, en 1844, à la conclusion que la disparition de la vésicule
germinative et la sortie des globules polaires sont des processus in-
dépendants de la fécondation. Les belles recherches publiées par de
Quatrefages en 1848 sur le développement d’une Æermella semblent
trancher la question dans le même sens, mais n’établissent pas net-
tement la limite entre les phénomènes normaux du développement et
les phénomènes pathologiques de la décomposition de l’œuf. D’après
les observations faites par de Lacaze-Duthiers sur Dentalium en 1857,
les sphérules de rebut opèrent ici leur sortie chez des œufs soigneuse-
ment mis à l'abri de toute possibilité de fécondation. Ges œufs se dé-
composent ensuite. Ransom arrivait pour les poissons, en 1867, à la
conclusion que la vésicule germinative disparaît chez l'œuf mûr, mais
non fécondé. Fritz Ratzel trouva en 1869, dans l’ovaire de Tubifexr,
les œufs les plus mûrs déjà dépourvus de vésicule germinative et il
décrit fort bien la sortie des globules polaires chez les vitellus non
fécondés. Pour la truite, Oellacher trouve, en 1870, que l'expulsion
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 149
des globules polaires a lieu sans fécondation préalable et les considère
comme n'étant que la vésicule de Purkinje expulsée du vitellus. Eimer
arrive, l’année suivante, à des conclusions analogues pour les rep-
tiles, ainsi que Kleinenberg, en 1879, pour l’Æydra. En 1874, Metsch-
nikoff soutenait avec raison, contrairement à l'opinion de Hæckel,
que le vitellus des Siphonophores, arrivé à parfaite maturité, mais
non fécondé, est dépourvu de sa vésicule germinative. Dans son
travail sur le développement des Naïades, W. Flemming arrive (1875)
à la conclusion que la disparition de ja vésicule germinative et l’ex-
pulsion des cellules polaires est indépendante de la fécondation, et
Gœtte publie la même année son bel ouvrage sur le développement
du Bombinator, où il arrive aux mêmes conclusions. Hensen publie
aussi, en 4875, ses recherches sur le développement du lapin et du
cobaye, qui établissent bien nettement l'indépendance de ces deux
phénomènes. Enfin, d’après E. van Beneden et R. Greef, la tache et
la vésicule germinatives disparaissent dans l’œuf pondu, mais non
fécondé d’Asterias ; le dernier de ces auteurs vit ces œufs se dévelop-
per ensuite par parthénogénèse.
La question, malgré tout cela, n’était pas résolue, car, à ces opi-
nions d'hommes si compétents, on peut en opposer d’autres toutes
contraires qui font dépendre la disparition de la vésicule de Purkinje
d’une fécondation préalable. Bütschli lui-même, dans son dernier
ouvrage, se fait encore le défenseur de cette manière de voir ; il
admet bien que l’expulsion des globules polaires peut avoir lieu sans
fécondation préalable, mais il considère ce processus comme un com-
mencement de développement parthénogénétique et point du tout
comme un phénomène de maturation. C’est une question sur la-
quelle on pourrait discuter longtemps et sans grande utilité. Je crois
cependant que les observations que je vais rapporter sont de nature
à ébranler l’opinion de Bütschli.
L'Asterias (Asteracanthion) glacialis que je viens d'étudier de nou-
veau à Messine, pendant le mois de janvier 1877, se prête parfaite-
ment à ce genre d'études. L’ovule mûr possède une grande vésicule
germinative et une tache germinative très-nette et assez fortement
réfringente. Cette tache est suspendue dans un réticulum de fila-
ments sarcodiques qui occupe tout l’intérieur de la vésicule de
Purkinje. Le vitellus est granuleux, dépourvu de membrane vitelline,
mais enveloppé d’une couchè mucilagineuse à la surface de laquelle
adhèrent des cellules pavimenteuses et des fibres qui proviennent du
450 HERMANN FOL.
stroma de l'ovaire. Dès que l’ovule se trouve dans l’eau de mer, cette
couche irrégulière de cellules se détache.fLa vésicule germinative se
ratatine ensuite, et perd la netteté de ses contours en changeant
souvent de forme, Elle finit par ne plus se montrer que comme une
FiG. 1. — Ovule mür d'Asterias glacialis, grossi
300 fois. A l'extérieur les cellules et fibres du
stroma de l'ovaire; puis la couche muqueuse à
stries radiaires, le vitellus granuleux, la vésicule
germinative très-claire et la tache germinative
réfringente et renfermant quelques vacuoles.
tache claire très-irrégulière sans
limites définies. Néanmoins
l'emploi des réactifs fait réap-
paraître la membrane de la
vésicule repliée sur elle-même,
de telle facon qu'il est impos-
sible de dire si elle est encore
complète ou si elle est déchirée
ou dissoute en partie. Finale-
ment la vésicule se fond en
quelque sorte dans le vitellus.
Jamais son contenu n’est ex-
pulsé hors de sa membrane,
comme l'a cru E. van Beneden.
Je ne peux m'expliquer l'erreur
dans laquelle est tombé le sa-
vant naturaliste, qu'en admet-
tant que les œufs qu’il a observés étaient comprimés par le couvre-
objet ; ce n’est que dans ces conditions-là que j'ai jamais observé des
faits analogues à ceux que van Beneden a décrits.
Fic. 2. — Le vitellus d'Asferias après quel-
ques minutes de séjour dans l’eau de mer.
La vésicule germinative se ratatine, sa mem-
brane se plisse, Les enveloppes de l’œuf ont
été laissées de côté, ainsi que la moitié nu-
tritive du vitellus. 300/1.
FiG. 3. — L'hémisphère formatif du vitellus
au moment où la vésicule germinative se
disperse. La tache germinative, de forme
très-irrégulière, est à peine visible. 800/1.
La tache germinative perd aussi ses contours nets, pâlit, change
souvent de forme, diminue progressivement, soit par simple disso-
lution, soit par la perte de morceaux qui s’en détachent, et finit
par se dissoudre.
On ne voit plus maintenant dans le vitellus que deux taches
|
|
À
ÿ
\
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 151
claires, dont l’une très-mal définie et de forme irrégulière occupe
encore la place où se trouvait la vésicule germinative, tandis que
l’autre, de forme ovoïde, se rapproche de la surface (fig. 4). En em-
ployant les réactifs, on distingue dans la tache ovoïde lamphiaster
de rebut. Cet amphiaster se forme
aux dépens de la vésicule germina-
tive, par des processus sur lesquels
j'insiste ailleurs. Qu'il me suffise de
dire qu'il se forme dans la vésicule
serminative ou dans ce qui reste de
cet élément, mais qu'il geçupe dès F1@G, 4. — Hémisphère formatif du vitellus au
l'abord une position excentrique. Moment el la ous taie so dise en une
Ge premier amphiaster de rebut je proto de 1 mue, el une put
(fig. 5) présente souvent dans son
plan neutre des corps de formes irrégulières que l’on pourrait consi-
dérer comme des résidus de la membrane de la vésicule germinative.
Le dernier reste de la tache germi-
native est encore visible à une cer-
taine distance de cet amphiaster de
rebut, montrant clairement que ce
n'est pas aux dépens de ce nucléole
que se forme l’amphiaster. Je n’ose-
rais pourtant affirmer qu'aucun frag-
ment de la tache germinative ne
puisse jamais entrer dans la com-
position de l'amphiaster. be a a is
Ce premier amphiaster ne donne ena son plan neutre. Un peu plus bas ve
Das chez: l'Hioileda,mmer;, directes | Jéonvait le vésienle germisative et un cor
ment naissance aux corpuscules po- Pamauye. Préparation à l'aide pioriene.
laires. Si l’on traite un œuf parles °77"5semens TU
réactifs, peu de minutes après le moment représenté sur la fi-
gure 5, l’on ne trouve plus un amphiaster, mais un corps compacte à
contours étoilés. Ce corps répond-il à l’amphiaster tout entier ou
seulement à l’une de ses moitiés ? résulte-t:l d’une condensation de
l’'amphiaster ou de sa division? La seconde supposition semblerait
plus probable à priorr; mais comme je n’ai jamais réussi à voir à côté
de ce corps étoilé un autre aster, je préfère m'en tenir à la pre-
.
mière supposition.
Quoi qu'il en soit, le vitellus ne présente bientôt plus qu'une tache
152 HERMANN FOL.
assez réfringente, située près de la surface, et qui se résout en un
amphiaster. Celui-ci se divise par les procédés que je décrirai à propos
du fractionnement, et de telle facon que l’aster périphérique, y com-
pris ses filaments vitellins et ses filaments avec varicosités de Bütschli,
constitue le premier corpuscule de rebut (voyez fig 6). Puis l’aster
intérieur se change en un nouvel amphiaster
de la manière suivante : les filaments de
Bütschli (que l’on peut aussi nommer fila-
ments bipolaires), au lieu de se retirer
vers le centre de l’aster, s’allongent à nou-
veau, et les varicosités disparaissent en
ë s’étirant. Ces filaments constituent de nou-
Fig. 6. — Petite portion d'un vitel- veau un fuseau (fig. 7), dont l’une des
lus avec son enveloppe muqueuse ne
et la première sphérule de rebut extrémités se trouve au centré de l’aster
en train de se détacher. L'am- . . : | l
phiaster de rebut est divisé en intérieur, tandis que l'autre pont de con-
deux moitiés, dont l’une constitue ; :
le globule polaire et n'est plus vergence des filaments répond au point de
reconnaissable que par une’série . ;
de grains verticaux, et l'autre, Contact du vitellus et du premier corpus-
encore complète. reste dans Île | Fe
ed Va à l'acide pi- cule polaire. Au milieu de ces filaments
crique. :
bipolaires se forment de nouvelles varico-
sités, et le second amphiaster de rebut ainsi constitué se divise exac-
tement comme le premier et donne naissance au second corpuscule
polaire. Il ne reste après cela dans le vitellus
que laster intérieur du second amphiaster
(voyez fig. 11); je reviendrai bientôt sur ses
transformations ultérieures.
Jetons encore un coup d'œil sur ces pro-
cessus tels qu’ils se présentent lorsqu'on les
étudie sans l'emploi des réactifs. Les formes
D OR A ù que prennent les corpuseules en train de se
moment où le premier globule
polaire est détaché et où les détacher ont été décrites par tant d'auteurs
filaments de Bütschli de l’aster Ê ‘s :
interne s'allongent à nouveau Ct tout particulièrement par Robin, que
pour former le second amphias- . : - : .
ter de rebut. Préparation à l'a- Je PUIS ME dispenser d ÿV ITEVERMIE: On se
cide picrique. 800/1.
rendra compte, du reste, de ces formes en
ce qui concerne l’Astertas, en considérant les figures 8, 9 et 10.
Ces mêmes figures montrent aussi les aspects sous lesquels se pré-
sente Ja tache ovale qui renferme l’amphiaster. Les filaments bipo-
lires de ce dernier se voient déjà, quoique peu nettement, chez
l'œuf vivant. Vers le moment où le premier corpuscule polaire com-
mence à se détacher, la surface du vitellus forme des plis disposé
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE, 153
comme les rayons d’une étoile dont le centre est représenté par le
pédoncule qui relie encore le corpuscule avec le vitellus (fig. 10).
Ces plis vont en s’accentuant à mesure ‘que le corpuscule se détache
pour commencer à s’effacer une fois qu'il est complétement détaché.
Les mêmes phénomènes se repro-
duisent lors de la sortie du second
corpuscule. Cette formation de plis
radiaires ainsi que bien d’autres dé-
tails de la sortie des corpusecules
polaires s'expliquent facilement si
, : FiG. 8. — L'hémisphère formatif du vitellus
l'on admet que la couche la plus au moment où le premier globule polaire
superficielle du vitellus est douée ÿ,Prpare à srlr, Où distingue les
HUné vonsistance plus grande que Vs ag ter eme, Œuf
le vitellus lui-même. Cette couche
limitante ne constitue pas une véritable membrane à contours dou-
bles, mais sous bien des rapports elle se comporte à la manière d’une
membrane. Les corpuscules soulèvent
en sortant une partie de cette couche
qui, en cet endroit-là, devient une
pellicule distincte, recouvrant les deux
corpuscules (voyez fig. 12). Beaucoup
d'auteurs ont déjà remarqué ce fait
chez divers animaux et l’ont toujours
interprété comme donnant la preuve
de l’existence d’une membrane vitelline. C’est une conclusion à la-
quelle je ne saurais souscrire. La véritable membrane vitelline ne se
FiG. 9. — Le même que le précédent, un
peu plus avancé, œuf vivant, 300/1.
soulève qu'après la fécondation. Chez
des œufs fécondés après la sortie des
globules polaires, l’on voit ces globu-
les enfermés entre deux membranes,
dont l’une, extérieure, très-mince,
n’est que la pellicule dont nous ve-
nons de parler, landis que l'autre, Fe Pa men Ve qe
interne, beaucoup plus forte, répond ane et lee plis radiaires formés par
à la membrane vitelline (1). Je rap- "Our put 9007 002 De
pellerai que j'ai décrit des plis radiaiï-
res à la surface de l’œuf fraichement pondu des Geryonides,
1 Il est important de noter que, chez les œufs fécondés avant la sortie des sphé-
rules de rebut, ces dernières se trouvent en dedans de la membrane vitelline. Rien ne
154 HERMANN FOL.
plis qui prennent sans doute naissance de la même manière que
chez Asferias.
L’ pair qui reste dans le vitellus après la sortie des deux corpus-
cules est situé tout près de la surface
(fig. 11). Il ne tarde guère à s’effacer et
à se changer en une ou deux petites
taches claires de forme irrégulière et qui
prennent, par l’action des réactifs, l’as-
pect de jeunes noyaux (fig. 12). Ces taches
Fig. 11. — Petite portion du SA vont en croissant à mesure qu’elles s’en-
matif du vitellus avec les deux glo- :
bules polaires déjà formés el la foncent dans le vitellus ; elles se fusion-
es Une e elles nent entre elles. D’autres taches claires
Préparation à l'acide pierique. 600/1. : ts g
apparaissent sur les côtés de la première,
avec laquelle elles se soudent à leur tour; et de la sorte la tache aug-
mente rapidement, tout en marchant vers le centre du vitellus, et se
ckange en un véritable noyau muni d’un ou deux nucléoles. La suite
du développement montre que ce noyau doit
encore recevoir un élément mâle ; nous pou-
vons donc, avec E. van Beneden, lui donner
le nom de pronucléus femelle. Ce pronucléus
femelle s'arrête dans sa marche centripète à
peu près au tiers du diamètre du vitellus
F6 He ne HOME BA AUS k (fig. 43). Les stries radiaires, peu accentuées
lobules polaires sont tout à
ED étcbés el où l'aster in. du reste, que l’on remarque autour du pro-
terne du second amphiaster de
rebut se change en de petites nucléus en voie de croissance s’effacent, et
taches qui ont l'aspect de petits ., .
noyaux irréguliers. Prépara- l’ovule entre maimtenant dans une nouvelle
tion à l'acide picrique. 600/1. ue 2 nues
période d'inactivité.
Toutes les modifications que le vitellus de l'Étoile de mer a éprou-
vées jusqu'ici ont été occasionnées par le simple contact de l'eau de
mer, san$ aucune fécondation re Une fécondation préalable
ne change rien à ces processus ‘ ; ils restent exactement les mêmes,
que l’œuf soit fécondé ou qu'il ne le soit pas.
Ces faits étant acquis en ce qui concerne l'Étoile de mer, il était
permis de supposer que chez l’Oursin les choses se passeralient d’une
manière analogue ; et comme l’ovule de l’Oursin est pondu au point
peut mieux démontrer que cette membrane ne prend naissance ou ne se solidifie
qu'au moment de la fécondation.
1 Ils sont pourtant un peu accélérés par la fécondation.
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 155
que celui de l'Étoile de mer n’atteint qu'après un séjour plus ou
moins prolongé dans l’eau de mer, il était permis de se demander si
les mêmes phénomènes ne se retrouveraient pas chez lovule de
l'Oursin dans l’intérieur de l'ovaire.
On sait que Derbès et O. Hertwig considèrent le pronueléus femelle
de l’œuf mûr de l’Oursin comme iden-
tique à la tache de Wagner de l’ovule
avant sa maturité. D’après O. Hertwig,
la vésicule germinative arriverait à
la surface et serait éliminée 2x globo.
La tache germinative seule resterait
dans le vitellus et deviendrait le pro-
nucléus femelle. Ces deux éléments
histologiques seraient du reste tout à
fait identiques et la différence que
l’on remarque dans leurs propriétés
optiques proviendrait de ce que le fic. 13. — L'ovule entier, sans ses enve-
p : RES loppes, avec ses globules polaires, retenus
nucléole si fortement réfrmgent de par une mince pellicule, et son pronu-
l’'ovule est situé dans le contenu pres- SL à
que liquide de la vésicule germina- Le: aa RE
tive, tandis que plus tard ce nucléole se trouvant au milieu des
granulations vitellines apparaîtrait comme une tache claire. Hertwig
a fait ses observations sur des œufs placés dans le liquide de la
cavité du corps de l’Oursin, liquide qu’il considère comme un li-
quide indifférent pour l’ovule, en d’autres termes comme son men-
struum naturel. =
Examimant à mon tour les ovules mal müûürs du même animal dans
les mêmes conditions, je ne pus retrouver aucune des images déerites
par Hertwig, En revanche, chez ceux des ovules qui avaient atteint
presque leurs dimensions normales, tout en conservant encore leur
vésicule germinative, je vis au bout de deux ou trois heures la vésicule
se ratatiner, être remplacée par un grand amphiaster très-facile à voir,
et j'observai enfin la sortie d’un globule polaire. Tout cela concordait
assez exactement avec le processus que j'avais observé chez l'Étoile
de mer, avec ces seules petites différences que : 4° chez l’Oursin le
globule polaire ne soulève en sortant aucune pellicule, aucune por-
tion de membrane, en sorte qu'il se détache et se perd aussitôt après
sa sortie ; 2 que je n’ai vu chez l’Oursin qu’un seul globule polaire.
Toutefois, Je dois remarquer que mes observations ne portent que
156 HERMANN FOL,
sur un très-petit nombre de cas. Pour trouver ces phases de la matu-
ration de l’ovule, il faut passer en revue des centaines d'œufs, et le
fruit de tant de patience est souvent perdu par le fait que le liquide
de la cavité du corps de l’Oursin s’altère au bout de peu d’heures el
que les ovules commencent alors à se décomposer au lieu de mürir.
C’est pour ces motifs que je n’attribue pas une grande importance au
fait que je n’ai pu voir qu'un globule polaire. Il est fort possible
qu'il s’en forme deux et qu'ils m’aient échappé, puisqu'ils ne sont
retenus par rien et se séparent de l’ovule aussitôt formés.
Mes observations étaient donc en contradiction complète avec les
résultats d'O. Hertwig ‘, et concordaient au contraire parfaitement
avec les résultats obtenus chez l'Étoile de mer. Mais cela ne pouvait
suffire ; il fallait encore trouver la cause de l'erreur commise par
Hertwig, et 1l importait de savoir si les processus observés dans le
liquide du corps se retrouvent bien les mêmes dans le sein de l'ovaire.
En étudiant des ovules mal mürs, placés toujours dans le même
liquide, mais légèrement comprimés, je vis parfois, au bout de quelque
temps, la vésicule germinative arriver à la surface et crever. C’est
donc exactement la même cause qui avait déjà induit E. van Beneden
en erreur ; ces deux auteurs ont pris un processus artificiel] pour un
phénomène normal.
Placant ensuite des ovaires entiers de l’Oursin dans l'acide acétique
ou picrique suivi d'alcool dilué et les dilacérant dans de la glycérine,
je réussis, après une longue recherche, à trouver quelques ovules qui
présentaient un amphiaster de rebut bien accentué, semblable à
celui que j'avais vu se produire chez des œufs plongés dans le liquide
du corps. Dès lors mes derniers doutes étaient levés. Il est vrai que
je n'ai pas observé la formation du pronucléus femelle ; mais je
doute d’autant moins que son mode de formation soit le même
que chez l’Asterias, que ce pronucléus n’a, dans des préparations à
l'acide picrique, aucune ressemblance avec la tache de Wagner. Ces
deux éléments ne se ressemblent que par leurs dimensions, mais
point par leur structure et leur composition.
La principale différence entre ces deux cas consiste donc dans :
l’époque précoce ou tardive de la disparition de la vésicule germina-
tive et de la formation des globules polaires. Si ces globules ne sont
1 Herlwig est arrivé depuis lors, en même temps que moi, à des résultats qui
s'accordent assez bien avec les miens, dont il n'avait à ce moment-là aucune con-
naissance,
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 157
pas expulsés chez l’Oursin après la ponte, c’est que leur expulsion à
eu lieu déjà au sein de l’ovaire.
Ces différences deviennent bien moins frappantes encore si nous
jetons un coup d’œil sur l’époque de disparition de la vésicule ger-
minative chez divers animaux. J’ai déjà rappelé ci-dessus quelques
données que les auteurs nous fournissent à cet égard, et Je vais en
ajouter quelques autres que j'ai recueillies moi-même sur nature.
Chez la plupart des Méduses, l’ovule, étudié aussitôt après la ponte,
n'a déjà plus de vésicule germinative. Chez Phallusia, cette vésicule
disparaît vers l’époque où l’ovule passe de l’ovaire dans l’oviducte,
où il paraît séjourner un certain temps. Chez Sagitta, les œufs que
renferme l’oviducte sont généralement dépourvus de vésicule germi-
native et c’est exceptionnellement que des ovules peuvent être pondus
avant cette disparition de la vésicule. Chez Phallusia, j'ai découvert
un singulier processus par lequel prennent naissance les cellules si
particulières à ces animaux et qui enveloppent l’œuf. Je les ai vues
se former dans l’intérieur de l’ovule très-jeune au contact du noyau
et voyager ensuite jusqu’à la surface du vitellus'. Mais ce processus
ne peut, en aucune façon, se comparer à celui de la formation des
corpuseules polaires. L’Oursin est donc le seul animal, à ma connais-
sance, chez lequel les sphérules de rebut se forment et se détachent
dans l’intérieur de l’ovaire.
ÎI. DE LA FÉCONDATION NORMALE.
Un pas très-important vient d’être fait dans la connaissance de ce
phénomène primordial. O0. Hertwig a montré, dans son beau travail
sur le premier développement de l’'Oursin, que le Spermatozoaire
pénètre dans l’œuf et entre dans la composition du noyau de l’œuf
fécondé. J'ai répété les observations du savant allemand et puis en
garantir l'exactitude à quelques détails près qui ressortiront de ma
propre description.
Hertwig n'a pas observé la pénétration du Zoosperme dans le vitellus.
1 J'entends parler ici des cellules dites folliculaires, qui enveloppent l'œuf de
toutes parts. Les cellules jaunes se forment plus tard par un bourgeonnement de la
surface du vitellus. Ce sont probablement ces cellules folliculaires voyageant de l’in-
térieur vers la surface que Kowalevsky a prises pour des cellules qui seraient pé-
nétrées dans le vitellus et qui donneraient ensuite naissance aux cellules jaunes.
L'erreur ne peut reposer que sur une observation très-superficielle.
158 HERMANN FOL. de
Il conclut à l’existence de cette pénétration pour divers motifs qui
ne me paraissent pas tous également justes. Mais sa conclusion est
parfaitement exacte; j'ai observé nombre de fois ce processus qui
avait échappé aux recherches de Hertwig et je puis en conséquence
fournir la preuve directe, qui manquait encore, de l’origine de ce
qu'il nomme le noyau spermatique. Le premier Zoosperme qui arrive
au contact de la couche muqueuse qui enveloppe l’ovule, s’y implante
aussitôt et sa pointe arrive au contact du vitellus généralement dans
l’espace d’une seconde ou deux. Les mouvements de la queue se
ralentissent alors et le corps du Spermatozoaire s’allonge et entre
dans le vitellus. La queue reste visible pendant quelques instants ;
puis on cesse de la voir et à sa place on distingue un cône de matière
transparente très-pâle. Ce cône s’allonge et change de forme à chaque
instant ; il prend les formes les plus diverses et disparaît enfin après
plusieurs minutes.
Le corps du Spermatozoaire, une fois entré dans le vitellus, paraît
se fusionner avec le protoplasme vitellin pour constituer une petite
tache claire qui devient le centre d’un système de stries radiaires.
L'alcool absolu ou l’acide osmique suivi de bichromate de potasse
changent cette tache en un globule très-réfringent. J’adopie pour
cette tache le terme de pronucléus proposé par E. van Beneden et la
nommerai le pronucléus mâle. Ce pronucléus mâle traverse le vitellus
pour se mêler intimement au pronucléus femelle dont nous connais-
sons déjà l’origine. Nous savons aussi que ce pronucléus femelle se
trouve dans une position excentrique ; eh bien ! le point de pénétra-
tion du Zoosperme n’a aucune relation constante avec la position de
ce premier pronucléus. De la fusion de ces deux pronucléus résulte
le nucléus de l’œuf fécondé qui se fractionne ensuite suivant des pro-
cédés que Je décrirai plus loin.
J'ai toujours parlé du Zoosperme au singulier ; C'est que dans des
conditions normales il ne pénètre qu'un élément mâle dans chaque
vitellus. Pour expliquer ce fait, je dois revenir en arrière dans ma
description et noter quelques détails que j'avais laissés de côté. A
peine le contact est-il établi entre le corps du Spermatozoaire et le
vitellus, que l’on voit déjà une mince membrane se détacher de ce
dernier et se soulever irrégulièrement dans la région où le contact
a eu lieu. Cette membrane s'étend de là sur toute la périphérie du
vitellus et se soulève avec une rapidité que l’on a de la peine à se
représenter lorsqu'on n’a pas été témoin de ce phénomène; c’est
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 159
ainsi que les Zoospermes qui continuent à arriver à travers la couche
muqueuse, sont exclus du vitellus. [1 ne faut pas confondre cette
première membrane avec celle qui se différencie ensuite et qui reste
accolée à la surface du vitellus. La fécondation faite dans des condi-
tions normales a lieu à l’aide d’un seul Zoosperme par œuf; ce fait
est de toute évidence chez l’Oursin. En revanche, les ovules d’indi-
vidus qui ont souffert en captivité sont modifiés; la formation de la
membrane ést plus lente et il entre souvent deux ou trois Zoospermes
dans chaque vitellus. Mais de tels œufs ne produisent que des larves
monstrueuses. Je n’insiste du reste pas sur ces phénomènes que j'ai
étudiés avec plus de détail chez Asterias que chez les Oursins.
Nous avons déjà vuide quelle manière l’ovule de l’Asferias glacialis
est modifié par un séjour dans l’eau de mer. La période qui s’écoule
depuis la formation du second amphiaster de rebut jusqu’à la forma-
tion du pronucléus femelle et la première heure après que ce dernier
état a été atteint, sont le moment le plus favorable pour la fécon-
dation. Si l’ovule n’est pas fécondé, il restera, sans changement,
pendant quelques heures, puis commencera lentement à se décom-
poser. Je ne l’ai jamais vu se développer par
parthénogénèse, comme l’a observé R. Greef.
Toutefois, je me hâte d'ajouter que je ne
considère pas ce résultat négatif comme
suffisant pour infirmer les conclusions si
précises du savant professeur de Marburg.
Laissant pour le moment de côté les cas
anormaux qui se produisent lorsque l’œuf
est fécondé avant ou après le moment favo-
rable, ou qu'il est altéré d’une manière ou
de l’autre, passons en revue les phénomènes "16: 4. — Petite portion de la
de la fécondation normale.
Les Spermatozoaires, arrivant au contact
de l’œuf, restent avec le corps empâté dans
l'enveloppe muqueuse de ce dernier. Bien-
tôt l’un d’entre eux est parvenu à se frayer
un chemin à travers la moitié de l’épaisseur
de cette couche, et aussitôt le vitellus pré-
surface du vitellus de l’Asterias
glacialis avec l'enveloppe mu-
queuse et les Zoospermes. arrê-
tés à la surface de cette der-
nière. Un Spermatozoaire à
traversé à peu près la moitié de
l'épaisseur de cette couche. A la
surface du vitellus se voit un
bord ombré qui est hyalin en
nature, et vis-à-vis du Zoosperme
une bosse formée par cette sub-
stance hyaline. Préparation vi-
vante. 800/1.
sente des modifications extrèmement remarquables. Avant qu'aucun
contact ait eu lieu entre le Zoosperme et le vitellus, le protoplasme de
ce dernier s’amasse du côté qui fait face au Spermatozoaire le plus
160 HERMANN FOL.
rapproché et y constitue une mince couche hyaline qui recouvre le
vitellus granuleux (fig. 14). Cette couche ne doit du reste pas être
considérée comme distincte de la substance vitelline ; elle est en
continuité avec le réseau de sarcode qui tient en suspension les gra-
nules de protolécithe. Ce bord transparent se soulève à son centre
en une bosse qui s’avance à la rencontre de l'élément mâle. La bosse,
d’arrondie devient conique, et bientôt on voit un mince filet de pro-
toplasme établir la communication entre le sommet du cône et le
Fc. "15. Fi. 16. Fiss iT.
F1G. 15. — La même que sur la figure 14, au moment où la communication entre le Zoosperme et
le vitellus est établie à l’aide d’un filament très-ténu partant du sommet de la bosse hyaline
changée en cône. Préparation vivante. 800/1.
F1G. 16. — La même que sur la figure 15, prise au moment où le cône se raccourcit, le corps du
Zoosperme diminue et la couche limitante se différencie en une membrane vitelline. 800/1.
F1G. 47.— La même que sur la figure 16, prise au moment où le Zoosperme est très-réduit, le
cône hyalin presque rentré dans le vitellus et où la membrane vitelline présente un cratère. 800/1.
corps du Zoosperme. Ge dernier s’allonge, s’étire et pénètre dans le
vitellus par un procédé qui ressemble tout à fait à l'écoulement
d'un liquide visqueux. Les formes que prend successivement ce
corps étiré varient beaucoup d’un cas à l’autre et changent rapide-
ment. En général, on distmgue encore pendant quelques instants
le corps du Zoosperme qui diminue de plus en plus; puis il ne
reste qu’un fil présentant quelques varicosités (fig. 18) et surmonté
par la queue, disons plutôt le cil vibratile devenu immobile. Quel-
ques secondes plus tard, le cil vibratile a disparu à son tour et l’on
ne voit plus à sa place qu’un cône très-pâle, allongé ou même effilé,
à base assez large (fig. 19). Faut-il considérer ce cône comme résultant
d’une transformation du eil vibratile ou bien comme le produit d’une .
exsudation du vitellus? Ces suppositions pourraient être justes toutes
deux. L'existence d’une exsudation sortant du vitellus au point de
pénétration ne fait pas pour moi l’objet d'un doute ; mais il se pourrait
fort bien que le cil vibratile raccourci et en voie de décomposition
contribuât pour sa part à la formation de ce cône. La forme effilée
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 16]
qu’il présente ne semble pas pouvoir s'expliquer autrement. Ce cône
d'exsudation reste visible pendant plusieurs minutes et prend, pen-
dant ce temps, les formes les plus diverses qui rappellent les tlammes
d’un feu de paille, sans être aussi rapides. Tantôt il est simplement
conique, tantôt bosselé, flanqué de barbules, de languettes (fig. 20).
Enfin, il se dissipe et disparait,
FIcii1e; Free 49: Fi. 20,
Fic. 18. — La mème que sur la figure 17, prise au moment où il nê reste pour ainsi dire plus
rien du corps du Zoosperme en dehors du vitellus, où la membrane avec son cratère se
sépare de la surlace du vitellus laissant apercevoir le filament par lequel le cil du Zoosperme
est attaché au vitellus qui présente en ce point une petite tache claire. 800/1.
Fi1G. 19. … La même que sur la figure 18, prise au moment où l'on n’aperçoit plus à la place du
cil du Zoosperme qu'un cône etfilé, large, mais très-pàle, communiquant avec le vitellus par
l'ouverture présumable du cratère de la membrane vitelline. 800/1.
TER : , k ;
D: £ La même que sur la figure 19, prise un peu plus tard, lorsque le cône d'exsudation
. formes irrégulières et changeantes. La tache claireexiste toujours dans le vitellus,
unmédiatemen -dessc Ô É s peti rai réfring cuf
fivant. 800/! t au-dessous du cône et présente quelques petits grains réfringents, OEuf
Pendant que ces phénomènes se succèdent, la couche hyaline
superficielle, que nous avons vue se former au point où le contact
allait se produire, commence à s'étendre depuis le point de pénétra-
üon et finit par envelopper tout le vitellus. Au moment où la ecom-
munication avec le Zoosperme est établie, cette couche se différencie
très-nettement, prend un double contour et commence à se détacher
de la surface de l’œuf ; elle devient une véritable membrane vitelline.
La différenciation de cette membrane gagne tout le tour de l'œuf en
commençant par le point de fécondation, où il reste un petit en-
foncement en forme de cratère. Au-dessous de cet enfoncement de
la membrane se trouve, à la surface même du vitellus, un autre
enfoncement à bords relevés et un autre cratère. Ces deux petits
cratères ne restent visibles que pendant quelques minutes et disparais-
sent sans laisser de traces. :
Chez un œuf arrivé au point favorable de son évolution, avant
d'être fécondé et chez un œuf qui n’a pas été altéré, tous ces pro-
ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GÉN.— T. VI. 1877, Ë 11
162 HERMANN FOL.
cessus se succèdent avec une rapidité telle, que l'accès du vitellus est
barré à tout Zoosperme qui serait de peu de secondes en retard sur
le premier.
Je suis d'avis que la fécondation normale de l'Étoile de mer se fait
à l’aide d’un seul Zoosperme par œuf; ceci vient confirmer la conclu-
sion à laquelle O0. Hertwig et moi sommes arrivés avec un degré de
certitude encore plus grand en ce qui concerne l'Oursin. Nous verrons
que les œufs qui ont recu plus d'un Spermatozoaire se développent
d’une manière anormale et monstrueuse. Les sexes étant distincts
chez ces animaux et en nombre à peu près égaux, il est clair que,
parmi les œufs fécondés et se déve-
loppant normalement, les uns de-
viendront des mâles, les autres des
femelles. La production des sexes ne
peut dans ce cas-ci être déterminée
par le nombre des Zoospermes in-
troduits dans le vitellus.
Je dois encore noter que la péné-
tration a lieu en un point quel-
conque de la surface du vitellus, tan-
tôt dans le voisinage des sphérules de
Fi. A. — Le vitellus d'Asferias glaciatis Tebut, tantôt au pôle opposé, tantôt
entouré de sa membrane vitelline dans NA Ê :
laquelle sont logés les globules polaires. SUT les côtés. La direction du frac-
Rue ER. dl tionnement étant constante par rap-
pronucléus mäle dans son centre, OEuf > PE
vivant. Grossissement, 300/1. port à la position des globules po-
laires, il en résulte que la situation
du point par lequel le Zoosperme vient à s’introduire n’a aucune
influence sur cette direction des divisions cellulaires.
Le point de pénétration devient le centre d’une étoile ou aster
mâle; dans le milieu de l’aster se trouve un amas ou pronucléus
mâle qui va se fusionner avec le pronucléus femelle d’une manière
tout à fait conforme à ce qui s’observe chez l’Oursin. Pendant les
premiers instants après la fécondation, l’on ne voit qu'une petite
tache claire assez indistincte au bord du vitellus. Les rayons de
l’aster mâle ne commencent à se montrer nettement que plusieurs
minutes après la fécondation, et lorsque la tache claire s'est déjà
avancée un peu vers l’intérieur du vitellus. Quelques-uns de ces
filanients radiaires s'étendent du centre de l’aster au point de la sur-
face du vitellus où le contact à eu lieu, point qui est encore re-
3 En.
À. COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 163
connaissable grâce à la présence d’une petite cicatrice. Ce sont, je
crois, ces filaments que O. Hertwig a pris chez l’Oursin pour une
partie de la queue du spermatozoaire. Les rayons de l’aster mâle
deviennent toujours plus longs et plus marqués à mesure que le
pronucléus mâle se rapproche du pronucléus femelle. Ce dernier,
jusque-là immobile, ne commence à se déplacer à l'encontre de
l’autre pronucléus qu'au moment où les rayons de l’aster mâle ar-
rivent à le toucher. Les deux noyaux se rapprochent alors rapi-
dement l'un de l’autre et se soudent en prenant successivement,
mais en ordre inverse, ces formes que l’on attribuait autrefois aux
noy aux en voie de division (voy. fig. 22, 93 et 24).
Si nous Comparons entre eux ces processus intimes de la féconda-
Fic. 22. Fic. 93. Fic. 24.
Trois phases successives de la réunion des deux pronucléus mâle et femelle.
D'après le vivant. 300/1.
ton chez l'Oursin et chez l'Etoile de mer, nous sommes frappés de
voir deux cas en apparence bien distincts et qui pourtant ne sont que
des variations d’un même type fondamental. Cette comparaison nous
permettra de comprendre les phénomènes observés chez d’autres
‘animaux où la pénétration du Zoosperme n’a pu être suivie pas à
pas.
Bütschli a observé le premier la formation de deux noyaux dans le
sein du vitellus d’un Nématode du genre Æhabditis. T1 a vu ces noyaux
marcher à la rencontre l’un de l’autreet se souder entre eux. Auerbach
confirme ce fait chez un autre Nématode, mais sans s’apercevoir que ce
phénomène n'a lieu qu'après la sortie des corpuscules polaires qui exis-
tent pourtant chez l’espèce qu'il a étudiée. Bütschli décrit ensuite ces
Processus avec plus de soin chez divers Nématodes, chez d’autres Vers
et chez quelques Gastéropodes d’eau douce. 11 montre que la dispari-
tion de la vésicule germinative et la sortie des globules polaires pré-
Icèdent la formation de ces deux noyaux ; il indique fort bien que les
Moyaux ne prennent pas toujours naissance aux deux pôles Opposés
du vitellus et que parfois il s’en forme plus de deux. Enfin cet habile
164 HERMANN FOL.
observateur suppose avec justesse que la formation et la réunion
de ces noyaux sont des phénomènes liés à ceux de la fécondation,
mais il n’en fournit pas la preuve directe. Une confusion regrettable
subsiste dans sa description entre ces pronucléus qui prennent
naissance indépendamment l’un de l’autre et les petites vésicules qui
se forment au-dessous des globules polaires pour se réunir bientôt en
un pronucléus femelle. O0. Hertwig assigne enfin à ces deux pronu-
cléus, chez l’Oursin, leur véritable signification, mais sans fournir
encore de preuve directe à l'appui de son opinion. Cette preuve est
faite maintenant. E. van Beneden a retrouvé ces deux pronucléus
dans l’œuf du Lapin et les interprète de la même façon.
Chez Sagitta, l’ovule au moment
de la ponte est généralement déjà
dépourvu de sa vésicule germinative ;
les deux globules polaires sortent
peu de temps après. La fécondation
a lieu peu d’instants après la ponte.
Il est assez difficile d'obtenir des
œufs pondus et non fécondés; tou-
à |
tefois j'ai réussi parfois à en obtenir
SR
et j'ai remarqué que la sortie des
globules polaires est bien plus lente
Fra. 25. — Le même que sur la figure 21, €t plus tardive que chez l'œuf fé-
après la réunion des deux pronucléus en
un noyau central complet entouré de condé. Chez ce dernier, on voit une
stries radiaires. 300/1.
tache claire se former près des sphé-.
rules de rebut et une seconde tache prendre naissance à la péri-«
phérie du vitellus, le plus souvent dans l'hémisphère opposé à
celui dont les globules polaires occupent ie sommet. Cette dernière |
tache s’entoure aussitôt d'une étoile de filaments protoplasmiques
etse meut dans la direction de l'endroit où se trouve l’autre pro-\l
nucléus que, par analogie, nous pouvons nommer le pronucléus À
femelle. Pendant ce mouvement de translation, on voit très-net-
tement que le centre de l’étoile se trouve en avant de la tache claire
et que celle-ci est entrainée d’une manière passive. Arrivée près du
pronucléus femelle, jusqu'alors immobile, cette étoile se meut plus
rapidement, le pronucléus est attiré vers la tache claire et ces deux
éléments se fusionnent pour constituer le nucléus de l’œuf fécondé.
La tache claire avec son étoile ressemblent trop à l’aster mâle de
l’Oursin et de l'Étoile de mer pour que nous hésitions à les classer
D Po A
1
a
1
{
1
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 165
dans la même catégorie ; toutefois je ne puis fournir la preuve directe
en ce qui concerne la Sagitta. -
Chez les Hétéropodes, la fécondation a lieu dans l’oviducte, en sorte
que les œufs pondus sont déjà fécondés depuis un certain temps.
Néanmoins ils possèdent encore, sauf de rares exceptions (##roloides),
leur vésicule germinative. La tache germinative a déjà disparu et il
est rare que l’on en trouve encore des fragments suspendus dans la
vésicule germinative au moment de la ponte. Il est encore plus rare
de rencontrer à ce moment-là une tache de Wagner restée intacte.
Bientôt apparaissent les deux centres d’attraction aux deux extré-
mités de la vésicule ou plutôt dans une position un peu excentrique.
Leur existence est annoncée par l’apparition de deux asters dont
Jes rayons s'étendent en partie en dehors et en partie en dedans de
la vésicule. Ces derniers se rencontrent et se soudent entre eux en
commençant par ceux du milieu et constituent ainsi les filaments
bipolaires. Je n’insiste pas davantage pour le moment sur ces phéno-
mènes que je décrirai avec plus de détails dans un mémoire qui ne
tardera pas à paraître. L'un des asters sort ensuite sous forme de
globule polaire ; puis il se forme un second globule et Les renflements
de Bütschli du dernier aster réunis à son amas central constituent un
noyau. C’est au moment où la seconde sphérule de rebut se forme
qu'apparaît le pronucléus mâle. Il est très-petit, fortement réfringent
et situé à la surface du vitellus dans une position très-variable par
rapport à celle des globules polaires. Il chemine ensuite vers le
centre du vitellus tout en grossissant rapidement et en perdant son
aspect réfringent. Les modifications qu'il éprouve sont exactement
parallèles à celles qui surviennent dans le pronucléus femelle. Dans
tous deux on trouve à un certain point de leur croissance un petit
nucléole. Ils se rencontrent au centre de l’œuf et se soudent en un
noyau unique. Le fait que le pronucléus mâle n’est devenu visible
qu'au moment de la sortie du second globule ne doit pas nous
étonner, puisque nous savons que chez l'Étoile de mer l’aster mâle
reste à l’état latent Jusqu'à ce moment-là. Le mode de croissance
du pronucléus mâle montre bien que ce noyau est un produit de
fusion et non pas simplement le corps d’un Zoosperme.
Ces quelques exemples des principales variétés qui ont été observées
pourront suffire à montrer que les deux pronucléus ont été trouvés
partout où on les à cherchés et que le pronucléus mâle est avec cer-
ütude dans certains cas, avec probabilité dans les autres, un résultat
166 HERMANN FOL.
de la fusion du Zoosperme avec une certaine quantité de protoplasma
vitellin. Enfin que le noyau de l’œuf fécondé n’a qu'uné liaison très-
éloignée avec la vésicule germinative et se gigi par la fusion des
deux pronucléus.
IIÏ. DE QUELQUES CAS DE FÉCONDATION ANORMALE.
J'ai décrit ci-dessus les modifications que subissent les œufs mûrs
de l’Asterias qlacialis lorsqu'on les place simplement dans l’eau de
mer et les phénomènes d’une fécondation artificielle faite avec des
œufs non altérés, mais débarrassés de leurs matières de rebut. Es-
sayons maintenant de féconder ces œufs immédiatement après leur
sortie de l'ovaire, ou, tout au moins, avant l'expulsion de la pre-
mière sphérule de rebut, et pour plus de sécurité, prenons-les à un
individu qui a déjà vécu quelques jours en captivité.
Les détails de la pénétration du Zoosperme dans le vitellus sont,
à peu de chose près, les mêmes que dans le cas normal ; ces pro-
cessus sont seulement plus accentués et surtout bien plus lents. La
différence principale est que la membrane vitelline ne se forme et ne
se soulève que très-lentement autour du point où la pénétration a
lieu ; au lieu de gagner rapidement le tour du vitellus, elle ne s'étend
qu'à une fraction de la périphérie. Cette lenteur dans la formation
de la membrane a une conséquence très-importante, à savoir que
d’autres Spermatozoaires ont tout le temps de pénétrer successi-
vement en différents points de la surface de l’ovule et continuent à le
faire jusqu’à ce que le vitellus soit complétement enfermé dans une
membrane qui leur est imperméable.
L’étendue et la rapidité de formation des portions de la membrane
qui se différencient autour de chaque point de pénétration sont très-
variables et d'autant plus faibles que l’on s'éloigne davantage des
conditions normales. En pareil cas j'ai compté jusqu’à quinze Zoo-
spermes dans un seul vitellus; c’est-à-dire qu'il a fallu quinze céntrés
de formation de la membrane vitelline pour que celle-ci fût com-
plétée. Plus on se rapproche des conditions normales et plus le
nombre des Spermatozoaires qui pénètrent est restreint.
Le corps du Zoosperme coule dans le vitellus de la manière que
j'ai décrite plus haut, seulement avec plus de lenteur, en sorte que
l’on peut bien plus facilement observer tous les détails du processus.
Une tache claire entourée de filaments radiaires se forme à la péri-
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 167
phérié du vitellus au point de pénétration ; c’est l’aster mâle. Ces
asters mâles, partant de divers points de la surface, cheminent len-
tement dans la direction du centre du vitellus (fig. 26). Sauf pour le
nombre des asters, tout ceci est conforme au cas normal. $i la fécon-
dation a lieu avant la disparition de la vésicule germinative, les asters
mâles restent assez longtemps à l’état latent, et ce n’est qu’au moment
où le premier globule polaire commence à sortir, parfois même déjà
au moment où l’amphiaster de rebut est constitué, que les asters
mâles se montrent, chacun à une petite distance de l’endroit où un
Zoosperme a pénétré.
Les asters mâles gagnent en netteté à mesure qu'ils s’'éloignent du
bord du vitellus, et dans leur centre l’on voit un petit amas de pro-
toplasme réfringent que nous pouvons nommer un pronucléus mâle.
Celui de ces noyaux mâles qui se
trouve le plus près du pronucléus
femelle se soude à ce dernier, qui
devient aussitôt le centre d’un sy-
stème de filaments radiaires. Puis ce
noyau combiné se réunit encore à un
second et même parfois à un troi-
sième pronucléus mâle (fig. 26). Les
centres mâles ne se réunissent ja-
mais entre eux; ils paraissent se
repousser mutuellement et sont, au
7E
contraire, attirés par le centre fe- pie. 4. OEut d'Asterias glacialis prove-
nant d'une mère malade, le vitellus a recu
melle jusqu'au moment où ce der- plusieurs Zoospermes. On distingue à la
lu. LED . be fois cinq asters mâles isolés et deux autres
nier à été complétement neutralisé qui se réunissent simultanément au pro-
par sa réunion à deux ou trois cen- SO FTP RU aRISsAS iront
tres mâles.
Le fractionnement ‘de ces œufs est très-irrégulier, Lorsque les
centres mâles sont nombreux, le vitellus forme du coup autant de
bosses arrondies qu’il renferme d'asters mâles, chaque bosse ayant
un aster dans son centre. Puis ces bosses se détachent les unes des
autres et deviennent autant de sphérules qui continuent ensuite à se
diviser par dichotomie. Il en résulte une biastosphère très-irrégulière
et une larve monstrueuse.
Dans les cas où le nombre des centres mâles est très-restreint, le
pronucléus femelle peut se répartir en deux ou trois noyaux. Cette
division du noyau femelle n'a, du reste, jamais lieu au moment où
168 HERMANN FOL.
ce pronucléus est tout à fait formé et arrondi ; elle ne se produit que
dans les cas où ce pronucléus à l’état naissant, c’est-à-dire composé
d’une agglomération de taches claires, est sollicité à la fois par deux
ou trois asters mâles équidistants. Où voit alors ces taches claires
se séparer les unes des autres pour se réunir aux centres mâles res -
pectifs et constituer autant de noyaux. Au moment du premier frac-
tionnement, chacun de ces noyaux se transforme ‘pour son compte
en un amphiaster et le vitellus se divise .du coup en quatre ou six
sphérules.
Je n’ai pas suivi le fractionnement chez les œufs dont le nucléus
unique est le résultat de la combinaison du pronucléus femelle à
plusieurs asters mâles. C'est probablement ici qu'il faut rapporter
ces œufs que j'ai rencontrés assez souvent, chez lesquels le noyau se
résout du coup en un tétraster, c'est-à-dire en quatre asters reliés
entre eux en carré. |
Un vitellus qui a reçu äeux Zoospermes, peut-il se développer d’une
manière normale ? Je n’oserais le nier absolument, mais j'ai toujours
observé le contraire. Chaque fois que j'ai suivi un de ces œufs, je
l'ai vu produire un nombre double de sphérules de fractionnement
et devenir ensuite une larve monstrueuse. Ce fait n'est-il pas propre
à nous mettre sur la trace de l’origine de toute une catégorie de
monstres doubles ? De Lacaze-Duthiers nous a fait connaître l’origine
de monstres doubles par soudure de deux individus distincts ; n’au-
rions-nous pas maintenant la contre- FA à savoir l'explication des
monstres par dédoublement ?
Les phénomènes que Je viens de décrire se présentent non-seu-
lement chez des œufs fécondés avant la maturité où altérés par un
trop long séjour dans l'eau ; 1ls se trouvent encore et surtout chez
des œufs même müûrs à point, mais provenant d'animaux qui ont
souffert de la captivité. Ayant fécondé des œufs provenant d'une mère
très-malade, je vis les Zoospermes pénétrer en nombre dans chaque
vitellus et leurs corps se conserver intacts au milieu de Ja substance
vitelline, bien qu'ils fussent parfois entourés de quelques lignes rayon-
nées mal accentuées. Ils cheminèrent tous un peu dans la direction
de Ja vésieule germinative qui disparut très-lentement ; puis ces œufs
se décomposèrent. À tort ou à raison, l’on ne peut s'empêcher de
rapprocher ces faits de la soi-disant survie d’un Zoosperme dans
l'œuf d’un mammifère, décrite par Campana.
À cette exception près, je n'ai jamais réussi à discerner le corps
COMMENCEMENT DE L'HÉNOGÉNIE. 169
du Zoosperme dans l’intérieur du vitellus. Le corpuscule assez ré-
fringent qui occupe le centre de chaque aster mâle, ne me parait
répondre exactement au corps du Zoosperme, ni par ses dimensions,
ni par son aspect, ni par sa forme. Le corps du Spermatozoaire ne se
reconnaît d’une manière incontestable que dans les premiers instants
après la pénétration, avant la formation des stries radiaires. Je ne
pense pas que le Spermatozoaire persiste comme tel; je crois bien
plutôt que le pronucléus mâle est le produit de la fusion du corps de
l'élément mâle avec du protoplasme vitellin, en proportions très-va-
riables suivant les espèces.
L'affinité qui existe entre le Zoosperrae et le sarcode vitellin et
plus particulièrement le pronucléus femelle, ainsi que Pattraction
qu’il exerce sur ces substances, me paraissent mises hors de doute
par les observations que J'ai rapportées. La répulsion mutuelle des
centres mâles me paraît être un coroilaire de leur attraction pour
le centre femelle, de même que la répulsion qu'exercent l’un sur l’autre
les deux pôles d’un amphiaster est le corollaire de l'attraction que
ces pôles exercent sur le protoplasme environnant.
Dans un mémoire, que j'espère voir bientôt publié, je décris plus
au long les observations dont je viens de résumer les principaux
résultats, et j'insiste en particulier sur les phénomènes de division
cellulaire qui, dans l’état actuel de la‘science, demandent une discus-
sion approfondie et appuyée de nombreux détails qui ne sauraient
trouver place dans un extrait.
Je fais suivre ce résumé de la traduction que j'ai faite du résumé
que Hertwig nous a donné de ses recherches. Je rappelle que ces
deux articles ont paru simultanément et que les recherches dont ils
sont le résultat ont été tout à fait indépendantes l’une de l’autre. Les
points, peu nombreux du reste, où subsiste un désaccord perdent par
là de leur importance, et l’accord qui règne sur la plupart des points
n’en est que plus remarquable.
osé
L
|
NOUVELLES CONTRIBUTIONS
À LA CONNAISSANCE DE LA FORMATIUN
DE LA FÉCONDATION ET DU FRACTIONNEMENT
DE L'OEUF DES ANIMAUX
PAR M. LE DOCTEUR OSCAR HERTWIG
Traduit par HERMANN For.
Un hiver, passé au bord de la Méditerranée, me fournit l’occasion
d'étendre à un plus grand nombre d'espèces animales mes observa-
tions sur les premiers phénomènes de développement de la cellule-
œuf. Je désirais surtout obtenir de nouveaux éclaircissements sur
deux points : premièrement, la transformation de la vésicule germi-
native, et secondement, la question de savoir à quel point les corpus-
cules de direction sont répandus dans le règne animal. Le vif intérêt
que ces questions ont acquis ces temps derniers me décide à com-
muniquer sans retard un extrait de mes résultats.
Asteracanthion est un objet très-favorable à l’étüde de la métamor-
phose de la vésicule germinative, ainsi que Greef et van Beneden
l'ont déjà indiqué. Les œufs de cette espèce approchant de la ma-
turité, sortis de l'ovaire et placés dans de l’eau de mer, perdent
bientôt leur vésicule qui se place tout près de la surface du vitellus.
Les modifications successives qui accompagnent ce processus peu-
vent être suivies pas à pas sous le microscope chez l'œuf vivant et
mises ensuite hors de doute par l'emploi des réactifs.
Le premier signe de la métamorphose est une saillie de proto-
plasme qui se montre environ un quart d'heure après la ponte et
pénètre dans la vésicule germinative, au pôle le plus voisin de la
surface du vitellus. Cette saillie présente dans son sommet un petit
espace dépourvu de granules vitellins. A ces changements viennent
bientôt s’en ajouter d’autres qui se produisent dans la tache germi-
native. Les vacuoles nombreuses que ce corps renfermait disparais-
sent, et une vacuole plus grande se montre tantôt dans son milieu,
172 OSCAR HERTWIG.
tantôt dans une position excentrique, remplie elle-même presque
complétement par un corpuseule composé de substance nucléaire.
La substance de ce corpascule diffère de celle du reste du nucléole,
et ces différences sont appréciables tant à l’état frais qu'après l’ad-
dition de réactifs. La première est moins réfringente que la seconde
à l’état de vie; elle résiste mieux aux acides et se colore plus rapi-
dement et plus vivement par le traitement à l’acide osmique et au
carmin. La dernière est plus réfringente à l’état frais, elle se coagule
par l'acide osmique en une masse d’aspect graisseux, elle se gonfie
plus facilement et plus vite dans l’acide acétique et dans la solution
ammoniacale de carmin.
Je crois pouvoir admettre que cette composition de la tache ger-
minative est sinon généralement répandue, du moins très-fréquente;
elle se montre plus clairement au stade qui vient d’être indiqué,
mais existe déjà dans l’ovule mal müûr. Je l'ai retrouvée sous les
mêmes traits que chez Asteracanthion, aussi chez Sphœrechinus bre-
vispinosus, Chez Ascidia intestinalis, chez quelques Cœlentérés et chez
divers Mollusques. Chez ces derniers surtout le fait est très-facile à
reconnaître et a par conséquent été déjà vu et décrit par divers
observateurs. Les deux substances que renferme la tache germinative
font penser à celles qui composent le nucléus et le nueléole des in-
fusoires et qui présentent aussi des différences dans leurs réactions
chimiques.
Chez Asferacanthion, le stade qui vient d'être décrit fait bientôt
place à un autre stade ; au bout de cinq minutes la saillie de proto-
plasme, qui s'est rapprochée de la tache germinative, présente une
petite figure étoilée à côté de laquelle s’en montre bientôt une se-
conde. Pendant que cette double figure étoilée augmente et s'ac-
centue on voit diminuer la tache germinative, qui finit par dispa-
raître entièrement environ une heure après la ponte. En même temps
la vésicule germinative se ratatine par le fait que le protoplasme en-
vironnant s’avance de tous côtés contre le centre de cet élément.
La membrane de la vésicule se dissout et son liquide se mêle avec le
protoplasme.
On obtient des renseignements importants sur les détails de ce
processus par un emploi opportun de réactifs chimiques (acide os-
mique ou acide acétique à 2 pour 100), On peut ainsi fixer une
phase très-passagère, dans laquelle le globule que contient la va-
cuole de la tache germinative est étiré sous forme d’un bâtonnet
FÉCONDATION DE L'OŒEUF. 173
allongé. L'extrémité libre de ce bâtonnet s'étend dans la saillie de
protoplasme et forme le centre de la figure étoilée que l’on distin-
guait déjà facilement dans l’œuf vivant. L'autre substance qui formait
la tache germinative et qui constitue la paroi de sa vacuole se mo-
difie également ; sa surface devient bosselée comme chez un corps
qui exécute des mouvements amæboïdes. Je l’ai souvent vue en-
velopper le bâtonnet sur une grande étendue à la manière d’un
fourreau.
A la suite viennent se placer d’autres images où l'extrémité libre
du bâtonnet est entourée de petits grains qui s’en sont évidem-
ment détachés et forment un cercle. Dans d’autres préparations,
le bâtonnet a entièrement disparu de la cavité de la tache germi-
native.
Les meilleures préparations pour les stades plus avancés sont
celles que l’on obtient en traitant les œufs avec de l'acide acétique
à 2 pour 100. Par ce mode de traitement, l’image que forment dans
l'œuf vivant les deux figures étoilées juxtaposées se complète par
l'apparition d'un corps fusiforme finement fibreux, qui est placé
entre les deux étoiles. À quelque distance de ce corps, on aperçoit,
dans la substance de la vésicule germinative que la coagulation à
rendue granuleuse, un reste de la tache germinative ; c’est donc une
disposition semblable à celle que j'ai déjà décrite chez les Hiru-
dinées, où deux portions de noyau existent simultanément dans la
cellule-œuf, l’une fusiforme et fibreuse, l’autre homogène et sphé-
rique. Le reste de la tache germinative diminue seulement à mesure
que le corps fusiforme grandit et s’accentue; finalement on ne
réussit plus par aucun moyen à en démontrer le moindre vestige.
En même temps, les deux figures {radiaires changent de place avec
le fuseau situé entre les deux; elles s’approchent de la périphérie de
l'œuf et se mettent dans la direction de son rayon.
En cherchant à indiquer le sens des faits observés, je ne puis, ce
me semble, méconnaître une liaison entre l'apparition des systèmes
rayonnés et la transformation de la tache germinative. Gette liaison
est que, pendant la dissolution de la vésicule germinative, la sub-
sance nucléaire pénètre dans le protoplasme vitellin et provoque, à
l'endroit où elle se rassemble en un noyau fusiforme, la formation
d'abord d’un, puis d’un second système rayonné. Le rôle principal,
dans celte transposition des parties actives du noyau, revient au Cor-
puscule rond que contenait la vacuole de la tache germinative. Mais
174 OSCAR HERTWIG.
ce noyau recoit aussi des portions, sinon la totalité de la substance
nucléaire enveloppante. |
La formation des corpuscules de direction a lieu chez Asteracan-
thion pendant la seconde heure après la ponte; elle présente exac-
tement les mêmes phases que j'ai décrites chez Nephelis vulgaris, et
se termine dans l’espace d’une heure. Puis le noyau de l’œuf com-
mence à se former aux dépens de celle des moitiés du fuseau de
direction qui est restée dans l’œuf. On peut facilement constater
chez le vivant l'apparition d’un certain nombre de petites vacuoles
dans la partie corticale de l'œuf au-dessous des corpuscules de di-
rection. Autour de ces vacuoles se voit un système de rayons qui
devient de plus en plus accentué à mesure qu'il se rapproche du
centre de l’œuf. Les vacuoles grossissent et se fusionnent entre elles
tout en se rapprochant du centre, et dans la vacuole unique qui est
le résultat de leur fusion se différencie, au bout'd’un certain temps,
un nucléole très-net.
Malgré des essais répétés et variés, je n’ai pu observer le déve-
loppement parthénogénétique des œufs d’'Etoiles de mer, tel qu’il a
été décrit par Greef dans des termes qui ne permettent guère le
doute. Par contre, la fécondation artificielle ne m'offrit aucune diffi-
culté, et tous les œufs qui avaient préalablement perdu leur vési-
cule germinative ont pu être élevés jusqu'à la formation de la larve
ciliée.
J'Gpérai la fécondation dans certains cas une heure, dans d’autres
quatre heures après la ponte, et je déterminai de la sorte quelques dif-
férences qui ne manquent pas d'intérêt. Dans les deux cas le vitellus
se retire, quelque temps après l'addition du sperme, assez loin de
la membrane vitelline, et dans la partie corticale du vitellus se
montre, au pôle opposé aux corpuscules de direction, une place
libre de granulations et entourée de rayons. Dans les œufs fécondés
au bout d’une heure, la figure rayonnée, qui se meut lentement vers
le centre de l'œuf, reste très-faible tant que la séparation des cor-
puscules de direction n’est pas achevée. Le plasma, étant régi par la
division qui a lieu au pôle de direction, ne répond évidemment que
dans une mesure restreinte à l’excitation qu’exerce le noyau sper-
matique. Mais dès que le second corpuscule de direction a bour-
geonné, et que le noyau de l’œuf prend naissance, on voit la figure
radiaire, qui entoure le noyau spermatique, gagner rapidement en
extension et en netteté sous les yeux mêmes de l'observateur ; dans
À à né M A ©
FÉCONDATION DE L'OEUF. 175
le milieu de cette figure se montre une vaeuole qui continue, de
même que le noyau de l’œuf, à s’imbiber de suc nucléaire. Le noyau
de l'œuf et le noyau spermatique atteignent, en marchant à la ren-
contre l’un de l’autre, les mêmes dimensions, et après s'être fusionnés
ensemble se changent en un fuseau de fractionnement.
Les phénomènes sont un peu différents dans le second cas, chez
des œufs fécondés seulement au bout de quatre heures. Iei le noyau
spermatique n’atteint qu'un volume plus faible, et se réunit comme
un petit corps au noyau de l’œuf qui a déjà atteint des dimensions
considérables.
Dans le premier cas, la fécondation se passe comme chez les Hiru-
dinées, les Mollusques, les Nématodes, etc., où les œufs sont déjà
fécondés au moment où bourgeonnent les corpuscules de direction.
Le second cas se rapproche des phénomènes que présente le 7oxo-
pneustes lividus, où un espace de temps plus prolongé intervient
entre la formation des corpuscules de direction et la fécondation.
Les différences relatives, que présentent les noyaux de copulation
chez divers animaux, sont donc occasionnées par une différence dans
le moment où a lieu la fécondation; chez Asferacanthion, ce fait peut
être vérifié expérimentalement.
Lorsque les œufs ont séjourné plus de cinq heures dans l’eau de
mer avant d’être fécondés, l’addition de sperme provoque chez eux
une série de processus pathologiques. Pendant l'acte de la féconda-
tion, le plasma de l'œuf, dont l'énergie vitale est évidemment dimi-
nuée, sans être encore éteinte, ne se retire et-ne se sépare que fai-
blement de la membrane vitelline. Dans la partie périphérique de
l'œuf, au lieu d'une seule figure étoilée, on en trouve plusieurs. Le
traitement, à l'acide osmique et au carmin, met en évidence dans
chaque système rayonné un petit grain coloré en rouge. De ces ob-
servations je conclus que, dans les œufs qui ont perdu de leur
énergie vitale, il pénètre plus d’un Zoosperme, Le développement
normal ne se réalise plus dans ce cas. Un processus analogue se re-
trouve chez des œufs qui n’ont pas encore perdu leur vésicule ger-
minative au moment où ils sont mis en contact avec le sperme.
Les résultats obtenus ehez Asteracanthion me décidèrent à étudier
encore une fois la métamorphose de l'œuf ovarien des Oursins. Pas
plus que la dernière fois, je ne réussis à découvrir la moindre trace
de corpuseules de direction chez des œufs pondus, ni à rencontrer,
dans les nombreuses préparations d’ovaires dilacérés que j'ai exa-
176 OSCAR HERTWIG.
minées, les phases de passage de l’œuf mal mür à l’œuf müûr que l’on
se procure facilement pour l’Asferacanthion. Je fis alors un essai pour
voir si des œufs d’Oursins, approchant de la maturité, ne continue-
raient pas à se développer en les plaçant dans l’eau de mer. Je mis
des fragments d'ovaires dans un verre de montre, et, au bout de
quelque temps, je passai en revue sous un grossissement faible
ceux des œufs égrenés qui possédaient encore leur vésicule germi-
native. L’essai réussit à souhait. Un certain nombre d'œufs continuè-
rent à se développer. Je les isolai et pus, de la sorte, suivre sur le
porte-objet la métamorphose de l’œuf vivant chez Sphærechinus
brevispinosus, et fixer à l’aide des réactifs quelques-unes des phases.
Je puis donc démontrer que des phases importantes de la métamor-
phose ont échappé à mes recherches précédentes à cause des mé-
thodes que j'employais, et que l’inte’prétation que je donnais comme
probable était erronée. En effei, chez les Oursins la vésicule germi-
native disparait, et le nucléus de l'œuf prend naissance exactement
de la même manière que chez Asteracanthion. 11 se forme ici aussi un
_ fuseau et des corpuscules de direction, comme van Beneden et Stras-
burger l’ont présumé. Seulement les corpuscules ne restent pas unis à
l’æuf après avoir bourgeonné ; ils tombent dans le liquide ambiant.
Cette circonstance jointe au fait que, dans les conditions normales,
la maturation des œufs à lieu dans l'extérieur de l’ovaire, explique
comment la présence des corpusules de direction chez les Oursins
a pu échapper jusqu’à présent à tous les observateurs.
J'ai su, par une Communication verbale, que M. le docteur Fol, qui
avait précédemment cherché aussi en vain ces corpuscules chez les
Oursins, a démontré, indépendamment de moi et en employant une
autre méthode, que, chez Sphærechinus brevispinosus, 11 se forme des
corpuscules de direction dans le sein de l'ovaire.
Afin de véritier l'extension des processus que je n’avais encore
observés que pour quelques cas isolés, j’ai examiné sous ce rapport
des exemples tirés des divers groupes du règne animal, autant du
moins que les occasions s’en sont présentées ; mes observations s'éten-
dent à présent aux Cœlentérés, aux Vers et aux Mollusques.
Chez les Cœlentérés, les corpuscules de direction n’ont pas été, que
je sache, encore décrits, si j'en excepte une donnée de Kleinenberg
relative à Aydra. J'ai observé ces corpuscules chez quelques Méduses
(Aeginopsis, Nausisthoe, Pelagia) et chez une Gténophore (Gegenbaurra
cordata), Chez Aeginopsis, j'ai sorti d’un ovaire et isolé quelques
=
FÉCONDATION DE L'OEUF. 177
œufs qui avaient perdu leur vésicule germinative ; chez deux de ces
œufs, je vis un corpuscule de direction sortir d’abord du vitellus, puis
le noyau de l'œuf se former aussitôt au-dessous de son point de
sortie. Chez Vausithoe et chez Pelagia, lescorpuscules de direction sont
très-faciles à voir, parce qu'ils sont retenus ici et tenus serrés contre
le vitellus par la gelée dont l'œuf est enveloppé. Onles trouve en gé-
néral au nombre de trois, comme chez les Hirudinées. Ce sont de
grosses sphérules de protoplasme renfermant, comme le démontre
l’action des réactifs, des portions de nucléus. Dans la partie corticale
du vitellus, au-dessous de ces corpuscules, on remarque la présence
d'un noyau de l’œuf. Les corpuscules de direction se forment, chez
* Pelagia et Nausithoe, peu de temps avant la ponte, au moment où
les œufs détachés de l’ovaire sont enveloppés d’une couche de gelée.
J'ai isolé par dilacération des œufs tirés directement de la mère chez
Nausithoe, et observé de la sorte le bourgeonnement du second cor-
puscule de direction. Chez Gegenbauria cordata, j'ai pu démontrer,
à la surface du vitellus d'œufs fraichement pondus, la présence de
petites sphérules de protoplasme avec des parties nucléaires; en
sorte que je n'hésite pas à les considérer aussi comme des corpus-
cules de direction. Dans le voisinage de ces deux corpuscules, j'en ai
souvent trouvé un troisième, de structure analogue, sur la signifi-
cation duquel (peut-être est-ce un Spermatozoaire) je n’ai pas pu
arriver au net.
Dans le groupe des Vers, j'ai examiné Sagrtta, et j'ai pu, sur cet
objet, avant la publication de la communication préliminaire de Fol,
constater, de même que cet observateur, la sortie par bourgeonne-
ment de deux corpuscules de direction, la formation d’un nucléus
de l'œuf au-dessous de leur point de sortie, la fusion de ce nucléus
avec un second noyau (noyau spermatique), qui prend naissance au
pôle opposé du vitellus. Ce dernier est entouré d’une figure rayonnée
et constitue une sorte de vacuole qui va ensuite en augmentant. En
outre j'ai pu démontrer, à l’aide de l’acide acétique, et chez des œufs
isolés par dilacération de l'ovaire, un fuseau de direction, qui pré-
sente une structure assez particulière. En effet, il se compose de bà-
tonnets courts de grosseur égale dans toute leur longueur et réunis
en un faisceau.
Dans la classe des Mollusques, j'ai pris pour sujets de recherches
un Hétéropode (Péerotrachæa), un Gymnobranche (Phyllirhoe buce-
pholum) et un Lamellibranche (Tellina).
ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN.— T, VI. 1877, 19
178 OSCAR HERTWIG.
Les œufs de Prerotrachæa et de Phyllirhoe sont identiques dans
leur développement. Fraichement pondus, ils possèdent au centre
un noyau de la grandeur de la vésicule germinative, et dans lequel
le nucléole a disparu, En revanche, l’acide acétique fait apparaître,
au milieu de la substance coagulée de ce noyau, un corps fibreux,
fusiforme, qui touche de ses deux extrémités aux deux pôles de la
vésiculé germinative. Autour de ces extrémités, le protoplasme en-
vironnant est arrangé sous forme de deux figures rayonnées. Chez
des œufs plus développés, la membrane de la vésicule germinative
disparaît, et la substance de la vésicule se mêle au protoplasme am-
biant, si bien que le fuseau se trouve noyé directement dans la sub-
stance vitelline. Là elle commence à se mouvoir et se dirige vers la
périphérie de l'œuf. Puis deux corpuscules de direction prennent
naissance de la manière connue. Au-dessous du point d’où ils sont
sortis, se forme un noyau de l'œuf de dimensions très-considérables,
qui reste en place et se copule avec un noyau spermatique qui at-
teint aussi de fortes dimensions. La formation du fuseau de fraction-
nement présente certaines particularités ; elle n’a pas lieu aux dépens
de tout le contenu des deux noyaux vacuoliformes. Tout au con-
traire, la substance active se rassemble au point où la paroi de
séparation des noyaux conjugués vient de disparaître par résorption
et prend la forme d’un corps finement fibrillaire, dont les deux extré-
mitées sont entourées par un protoplasme à disposition radiaire. Puis
le reste de la substance corticale de la vacuole disparait à son tour,
et le suc nucléaire qui reste se mêle avec le protoplasme ambiant.
Le fuseau, dégagé de ces restes de nucléus, se transporte jusqu’au
centre de l'œuf, et subit la série des changements qui mènent au
fractionnement. Le fuseau de fractionnement prend donc naissance
dans les deux noyaux pleins de suc, de la même manière que le fu-
seau de direction dans la vésicule germinative.
Chez Tellina, il est facile de faire la fécondation artificielle des œufs.
Un fuseau de direction se trouve déjà avant la fécondation dans la
périphérie de l'œuf, il est remarquable que malgré cela les corpus-
cules de direction ne bourgeonnent qu'après l’accès du sperme. La
formation des corpuscules est semblable à celle de Vephelis. Ici aussi
il est facile d'observer que le noyau de fractionnement résulte de la
fusion de deux noyaux distincts.
Les recherches, dont je viens de rapporter les résultats, me four-
nissent une nouvelle confirmation des vues d'ensemble que j'ai
PR RE M a. - =.
mnt
Memecnenn
FÉCONDATION DE L'OEUF. 179
développées dernièrement sur les premiers phénomènes de dévelop-
pement dans la cellule-œuf, et surtout pour les trois points sui-
vants: 1° il y a une continuité non interrompue dans les générations
de noyaux; 2° les corpuscules de direction se forment par un bour-
geonnement cellulaire ; 3° La fécondation réside en somme dans la
copulation de deux noyaux. ;
Par contre je suis arrivé à une autre conclusion sur l’extension
dans le règne animal de la formation de corpuscules de direction.
Dans mon dernier travail, en cherchant à me mettre d'accord avec
les observations faites jusqu'alors, j'ai cru pouvoir admettre que le
phénomène du bourgeonnement de corpuscules de direction n’était
pas généralement répandu. C’est une opinion que je ne soutiens plus,
puisque mes nouvelles recherches faites sur le Toxopnéustes m'ont
appris que les corpuscules de direction peuvent se former déjà dans
| l'intérieur de l'ovaire, et qu’en pareil cas le processus de formation
de ces corpuscules est difficile à démontrer. Je crois bien plutôt
| pouvoir admettre qu’une concordance générale dans tout le règne
animal pourra être démontrée aussi pour ce trait de développement.
RÉPONSE
A QUELQUES OBJECTIONS FORMULÉES CONTRE MES IDÉES
SUR LA PÉNÉTRATION DU ZOOSPERME
PAR
LE DOCTEUR HERMANN FOL
Je venais de faire connaître les résultats que j'ai rapportés plus
haut, par un extrait publié dans les Comptes rendus de cette année
(t. LXXXIV, p. 359), lorsque M. Perez, après quelques essais faits à
la hâte dans le but de vérifier leur exactitude, se crut autorisé à les
combattre. J'ai déjà brièvement répondu aux critiques de M. Perez;
après la description un peu plus détaillée que je viens de donner des
phénomènes en question, je me sens plus à l’aise pour rechercher les
motifs de l’insuccès de cet observateur et pour éclaircir les mésen-
tendus qui ont été la cause de ce débat.
Je rappelle ici les principaux points de l’article de M. Perez :
4° dans un petit nombre d'essais rapidement entrepris et publiés, ce
naturaliste n’a pas réussi à voir la pénétration du Zoosperme dans
le vitellus. Ces essais ont porté exclusivement sur les Oursins; 2 si
M. Perez n’a pas observé la pénétration, 1l a vu, en revanche, sur
l’ovule de l’Oursin une bosse, et il considère, je ne sais trop pour-
quoi, cette bosse vitelline comme identique à la protubérance que
j'ai vue prendre naissance à la surface du vitellus, chez Asterias, vis-
à-vis du Zoosperme le plus rapproché. Ayant observé, toujours chez
l’'Oursin, un Zoosperme qui se cachait derrière la bosse vitelline, mon
savant contradicteur admet sans hésitation que c’est une occultation
de ce genre que j'aurais prise pour une pénétration véritable,
3° M. Perez déclare en général que la fécondation, telle que je l’a
décrite, se heurte contre une impossibilité anatomique, et cela, parce
que les œufs chez lesquels 1l a vainement cherché à observer la péné-
tration, étaient entourés d’une membrane, et parce qu'il croit avoir
retrouvé cette même membrane autour des ovules de l’Oursin encore
renfermés dans l'ovaire.
Ce raisonnement repose, comme l'on voit, sur deux prémisses
fautives, car Ja fécondation chez l'Oursin ne concorde pas avec celle
|
|
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!
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RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 181
d’'Asterias jusque dans les moindres détails, et les phénomènes, dont
M. Perez a été témoin, ne sont point les mêmes que ceux que J'ai
décrits. Enfin, quant aux enveloppes de l’ovule, cet observateur a vu
à la surface du vitellus une couche transparente, à laquelle 1l donne
sans hésiter le nom de membrane, et qu'il considère comme inerte
et imperméable, sans s'être assuré par des expériences que celte
couche possède réellement les propriétés qu'il lui attribue.
Quant au premier point, le résultat négatif obtenu par M. Perez
ne m'étonne nullement; J'ai moi-même vainement cherché à ob-
server la pénétration au printemps de l’année 1876, et ce n’est qu’en
1877 que je suis parvenu à vaincre les difficultés qui s'opposent à des
observations aussi délicates de zoologie expérimentale. Pour éviter
| aux futurs expérimentateurs tous les mécomptes que j'ai eus et l'in-
| succès de ceux qui ont voulu répéter mes expériences, je vais indi-
| quer brièvement la méthode que j'ai fini par adopter et les précau-
tions les plus indispensables. D'abord, 1l convient au novice de
commencer par les Asterias, qui sont d’une étude bien plus facile que
les Oursins; pour une première orientation, il fera bien de prendre
les œufs de femelles gardées en captivité pendant quelques jours.
La pénétration est ici plus lente, et comme elle a lieu à la fois en
plusieurs points de la surface de l'œuf, elle est bien plus facile à
trouver. Il n’aura ensuite pas de peine à revoir ces phénomènes chez
l'œuf sain.
Les œufs doivent être parfaitement mûrs, et pour les obtenir, on
doit choisir des exemplaires dont l’ovaire est arrivé à parfaite ma-
turité, et ne prendre que les œufs qui s’écoulent par les pores géni-
taux, lorsqu'on exerce une légère pression sur l'ovaire. Le sperme
doit être tout frais et très-dilué. Je prends une goutte du sperme qui
s'écoule d’un bras fraichement coupé à un mâle, et je la disperse
dans un verre d’eau de mer. Quelques gouttes du liquide opalin ainsi
obtenu sont prélevées et mélangées à un second verre d’eau de mer.
Ce dernier liquide reste en apparence parfaitement transparent ; il
renferme néanmoins un nombre de Zoospermes très-suffisant pour
l'expérience. Il ne doit y avoir dans le liquide destiné à la féconda-
tion qu'un très-petit nombre de Zoospermes pour chaque ovule. Si
l'on opère autrement, les Zoospermes très-nombreux, qui viennent à
chaque instant s'implanter dans l’enveloppe muqueuse de l'œuf ob-
servé, détournent l'attention du point important où le premier arrivé
est en train de pénétrer. Le nombre des éléments mâles devient
182 : HERMANN FOL.
bientôt suffisant pour imprimer à l’œuf des mouvements d’oscillation
qui rendent impossible une observation exacte; puis leur nombre
augmentant encore, l’image en est obscurcie et l’œuf se met à
tourner !
J’ai indiqué comment Je me procure les produits sexuels, et je
passe maintenant à l’expérience elle-même. Il est indispensable
d’avoir un compresseur à lames parallèles. Le modèle dont je me
sers a été décrit ailleurs (1). Je place une goutte d’eau de mer ren-
fermant quelques œufs sous le couvre-objet de ce compresseur, et
une goutte de sperme dilué de la manière indiquée sur le porte-
objet de l'instrument. Je place le compresseur sous le microscope,
J'ajuste ce dernier, puis je tourne la vis micrométrique du compres-
seur jusqu'à ce que les deux gouttes se touchent, et j’observe à l’in-
stant même. Les Zoospermes s'élèvent en nageant dans la goutte
d'eau, tandis que les œufs tombent en vertu de leur pesanteur spé-
cifique; la fécondation commence aussitôt et s'achève pendant que
l’œuf repose immobile sur le porte-objet.
Sans toutes ces précautions dictées par une longue expérience,
on ne réussit à observer que des œufs déjà fécondés; c’est sans
doute ce qui est arrivé à M. Perez. Un détail servira à montrer com-
bien ces expériences sont délicates, et combien nous devons attacher
peu d'importance à un résultat négatif. J'avais d’abord fait mes ex-
périences en plaçant les ovules sur le porte-objet et le sperme contre
le couvre-objet. Eh bien! dans ces conditions-là, je n’ai jamais réussi
à observer la pénétration, tandis qu’en renversant la disposition des
deux gouttes d’eau je réussis pour ainsi dire à chaque expérience.
Pour toute réponse au second point de l'argumentation de M. Perez,
D!
je me borne à renvoyer le lecteur aux détails que J'ai donnés eci-
dessus en décrivant le phénomène de la pénétration. Je n’ai pas be-
soin d'insister sur la différence fondamentale qui sépare les protu-
bérances hyalines que j'ai décrites de la protubérance observée par
mon savant contradicteur. Cette dernière sorte de bosses vitellines
m'est bien connue. Elle se rencontre chez l’ovule ovarien et ne se
trouve en dehors de l'ovaire que chez des œufs qui en ont été arra-
chés avant leur maturité. Elle ne peut donc rien avoir de commun
avec la protubérance que j'ai souvent vue prendre naissance sous
mes yeux à la surface d'œufs mûrs et ne présentant, par conséquent,
1 Gegenbaur’s Morphologisches Jahrbuch, 1876, p. 440.
RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 183
avant l'expérience aucune protubérance quelconque sur leur sur-
face. Du reste, la bosse vitelline de l’ovule mal mûr se distingue à
première vue de la protubérance de fécondation ; la première se
compose de substance granuleuse et possède des dimensions très-va-
riables et, le plus souvent, très-considérables; la dernière est formée
de substance transparente, et présente une grandeur très-inférieure
à celle de la précédente et en somme assez constante. Enfin la con-
fusion est absolument impossible dans ces cas pathologiques, où nous
voyons plusieurs Zoospermes pénétrer à la fois en divers points de la
surface du vitellus. Ici, en effet, on voit souvent à la fois plusieurs
protubérances hyalines, tandis que la protubérance ovarienne est
toujours unique. En outre, on voit sans peine ces bosses hyalines
prendre naissance et s’accroître sous les yeux mêmes de l’observa-
teur, chaque bosse faisant face à l’un des Zoospermes qui ont réussi à
traverser une partie de l'enveloppe muqueuse de l'œuf; et comme
les Zoospermes n’arrivent que successivement, lorsqu'on a eu la pré-
caution d'employer du sperme suffisamment dilué, on voit souvent
à la fois sur la surface d’un seul œuf toutes les phases successives de
la pénétration. Ces objets-là sont admirablement clairs et instructifs,
et quiconque en aura vu un exemple sera fixé sur l'attention qu'il
convient d'accorder à l’objection de M. Perez.
Je viens de raisonner comme si les observations de M. Perez
avaient porté sur l’objet même qui a servi de base à ma description.
Mais il n’en est point ainsi; c'est en s'appuyant sur l'étude de la fé-
condation chez l’Oursin que M. Perez combat mes conclusions rela-
tives à l’Asferias. Or ces deux genres présentent, quant aux phéno:
mènes qui nous occupent,'des différences considérables, qui ont beau-
coup contribué à amener les mésentendus dont la discussion actuelle
n’est que la conséquence. En effet, la bosse hyaline, qui s'élève à la
rencontre du Zoosperme le plus rapproché chez lAsferias, ne se
rencontre pas chez l’Oursin. Je ne l'ai du moins jamais observée chez
ce dernier. Cela s'explique par la rapidité beaucoup plus grande du
processus chez l’Oursin. Ici, le premier Zoosperme qui s'implante
dans l’enveloppe muqueuse touche presque aussitôt de sa pointe la
surface du vitellus. Il ne se forme point de protubérance hyaline
pendant la pénétration, mais seulement une mince couche transpa-
rente de peu d'étendue dans laquelle pénètre le corps du Zoosperme.
Ce n’est qu'après la pénétration que se montre, chez ces deux genres,
une protubérance hyaline que j'ai nommée le cône d’exsudation.
lee HERMANN FOL.
Je ne puis donc avoir pris pour une pénétralion la simple occul-
tation d’un Spermatozoaire derrière une bosse préexistante, et cela
pour plusieurs raisons : 1° parce que les œufs sur lesquels j'ai opéré,
étant mürs, ne présentaient aucune bosse quelconque au commen-
cement de l’expérience ; 2° parce que, chez l’Oursin, il ne se forme pas
non plus de protubérance pendant l’acte de la pénétration ; 3° parce
que, chez l’Astérie, j'ai vu la protubérance de fécondation, que j'ai
nommée cône d'attraction, se former sous mes yeux, vis-à-vis d’un
Zoosperme très-rapproché, en un point de la surface du vitellus qui,
auparavant, était parfaitement lisse, et parce que ce cône ne se montre
jamais ailleurs que dans le voisinage le plus immédiat d’un élément
mâle ; 4° parce que, chez Asferias, dans des cas pathologiques, j'ai
vu naître, sous mes yeux, un Cône d'attraction, vis-à-vis de chacun des
Zoospermes les plus rapprochés du vitellus, tandis que la bosse de
l’ovule mal mûr est toujours unique ; 5° parce que le cône d’attrac-
tion est de dimensions très-restreintes et assez constantes, tandis que
la bosse de M. Perez est granuleuse et de dimensions très-variables,
mais le plus souvent assez considérables; 6° parce que le Zoosperme
ne va jamais se placer à côté du cône d'attraction ou derrière ce
cène, comme ce serait le cas dans une occultation, mais toujours au
sommet, et qu'il reste au sommet pendant que le cône rentre dans
le vitellus; on voit alors le corps du Zoosperme s’allonger et
s’écouler.
Enfin, quant au troisième point de l'argumentation de M. Perez,
je suis en état de démontrer par mes préparations que la membrane
vitelline se forme et se soulève au moment même de la fécondation.
J'insisté sur ce fait non-seulement à cause de son importance théo-
rique, mais aussi parce qu'il est facile à établir expérimentalement.
Voici trois expériences très-imstructives :
Premiere expérience. — Que l’on prenne des œufs d’Oursin mûrs et
frais, et qu’on les place dans deux vases pleins d’eau de mer. On pra-
tiquera la fécondation arüficielle sur la première portion d'œufs, mais
non pas sur la seconde. Que l’on compare ces œufs sous le micro-
scope, et l’on s’apercevra aussitôt que les œufs fécondés sont entourés
d’une membrane réfringente, à double contour, séparée du vitellus
par un espace clar fort large et à la surface même du vitellus, on
distinguera une seconde membrane plus épaisse encore et plus ré-
frmgente, à contours également nets. Chez les œufs non fécondés,
on ne trouvera ni l’une ni l’autre de ces membranes, mais seulement
RÉPONSE À QUELQUES OBJECTIONS. 185
une couche superficielle transparente, moins réfringente que les
membranes vitellines, et ne présentant, à un fort grossissement,
pas un contour interne bien défini. Si l’on voulait absolument consi-
dérer cette couche superficielle de l’ovule comme ‘une membrane
qui se gonflerait seulement lors de la fécondation, il resterait à ex-
pliquer comment cette membrane peut se changer tout à coup en
deux membranes distinctes, séparées par une couche de liquide et
possédant un pouvoir de réfraction et une épaisseur Lotale beaucoup
plus considérables que celles de la couche d’où elles proviennent ?
Mais laissons ce raisonnement ?n absurdum , et passons à d’autres
expériences plus concluantes.
Deuxième expérience. — Les œufs d'Asterias s'entourent, à la fé-
condation, d’une seule membrane qui paraît répondre aux deux
membranes vitellines de l’œuf de l’Oursin. Plaçons dans l’eau de mer
un parti d'ovules frais et arrivés à maturité, et divisons-le en deux
| portions. L'une de ces portions sera fécondée au bout d’une demi-
Ï
heure, lorsque la vésicule germinative a disparu, mais avant la sortie
des globules polaires ; la seconde portion ne sera fécondée qu'après
la sortie des sphérules de rebut. Tous ces œufs se développeront
normalement, mais ils présenteront cette différence capitale que, chez
ceux de la première portion, les sphérules de rebut sont appliquées
sur la surface externe de la membrane vitelline, tandis que ceux de
la seconde portion ont ces mêmes globules en dedans de la mem-
| brane, et accolés à la surface même du vitellus. Nril est évident que
) jue,
si la membrane était préexistante, les globules polaires ne pourraient
sortir du vitellus qu’en la soulevant, et devraient, dans les deux cas
énoncés, se trouver en dedans de la membrane viteliine. J'ai dit,
dans une précédente communication, que les globules polaires sou-
levaient, en sortant du vitellus non fécondé, une partie de la couche
externe qui devient en cet endroit une membrane distincte. L’ex-
pression n'est pas suffisamment explicite; mais elle est pourtant
juste. Les globules polaires ne soulèvent en sortant aucune mem-
brané, mais simplement un peu de la couche superficielle du vitellus
qui forme autour d'eux un mince revêtement. Une fois les globules
détachés, cette couche se différencie en une membrane très-mince.
Tel est le mode de formation de la pellicule dont j'ai parlé; cela
n'infirme en rien ce que Je viens de dire sur les relations des glo-
bules polaires et de la membrane vitelline. Il est clair que la couche
superficielle du vitellus non fécondé ne peut avoir la consistance que
186 HERMANN FOL.
l’on prête en général à une membrane. M. Perez, en particulier,
considère l'existence d’une membrane vitelline comme un obstacle
absolu au passage d’un Zoosperme ; or une couche, qui se laisse tra-
verser par des globules polaires, peut bien aussi être traversée par
un Zoosperme, et n'est donc pas une membrane dans le sens que
M. Perez donne à ce terme. En revanche, la pénétration n’est pas ter-
minée que: déjà l’œuf possède une membrane véritable, une mem-
brane imperméable aux Zoospermes et aux globules polaires. Lors
done que la membrane vitelline se gonfle, et que les Zoospermes
s'appliquent contre cette membrane au lieu d'avancer de pointe,
c’est un signe certain que l'œuf est fécondé et qu’en cherchant dans
le vitellus, on y trouvera un aster mâle. Les phénomènes observés
par M. Perez se rapportent évidemment à des œufs déjà fécondés,
et la bosse, qu'il a trouvée à la surface du vitellus, correspond peut-
être dans certains cas au cône d’exsudation.
Troisième expérience. — Gette expérience est d’une réussite plus
difficile que les précédentes; mais elle est aussi plus péremptoire,
si possible; aussi vais-je la décrire avec quelque détail en priant les
chercheurs qui la répéteront de ne pas se rebuter, si le succès se fai-
sait un peu attendre. Des œufs d'Oursin bien mûrs sont fécondés
avec du sperme suffisamment dilué, puis repris aussitôt à l’aide
d'une pipette et jetés dans un verre contenant de l'acide acétique,
dans la proportion de deux parties d’acide cristallisable sur cent parties
d'eau de mer. Dès qu'ils sont tombés au fond, ce qui a lieu en deux
ou trois minutes, on les reprend avec une pipette, on les lave à l’eau
de mer et on les place pendant trois minutes dans de l’acide osmique
à 1 pour 100, puis dans du carmin ammoniacal alcoolisé et enfin dans
de la glycérine étendue. Par ces procédés, on obtient parfois des
partis d'œufs dont chacun présente, sur une partie plus ou moins
grande de sa périphérie, une membrane vitelline soulevée en forme
de verre de montre, mais ne s'étendant pas au reste de la surface du
vitellus. La portion de la surface vitelline ainsi recouverte d’une
membrane est aplatie et au milieu de cette région, on voit le corps
d'un Zoosperme plus ou moins profondément implanté dans le vi-
Lellus et souvent encore surmonté de sa queue. Le corps a encore sa
forme conique ; 1l est implanté de telle sorte que la pointe du cône
est dirigée vers le centre de l'œuf. La comparaison de ce Zoosperme
avec ceux qui se trouvent en dehors de la membrane vitelline, et qui
ont subi l’action des mêmes réactifs, ne laisse aucun doute sur sa
a
RÉPONSE À QUELQUES OBJECTIONS. 187
nature. Des œufs traités de la même manière peu de minutes après
la fécondation sont déjà tout entourés d'une membrane vitelline;
le corps du Zoosperme, maintenant tout entier plongé dans le vi-
tellus, mais parfaitement reconnaissable, est surmonté d'une vésicule
qui n’est autre chose que le cône d’exsudation gonflé par l'acide acé-
tique. Enfin des œufs, fécondés depuis huit ou dix minutes, ont un
vitellus entouré des deux membranes vitellines, et présentent dans
leur intérieur, outre le noyau femelle, un corpuseule rond ou ovale,
plus gros qu’un corps de Zoosperme, et situé laniôt plus près de la
surface, tantôt dans le voisinage du pronueléus femelle. Je possède de
ces préparations que j'ai déjà eu le plaisir de pouvoir montrer à de
nombreux naturalistes. Après l’observation du vivant, on ne peut
imaginer un objet plus instructif, ni plus propre à démontrer la pé-
nétration du Zoosperme et la manière dont se forme la membrane
vitelline, au moment de la fécondation, en commencant par le point
de pénétration et gagnant de là tout le tour du vitellus.
Je ne puis entrer ici, sur l’histoire de la membrane vitelline, dans
des développements que l’on trouvera du reste dans un mémoire
que je publie en ce moment; je me contente de résumer mes con-
elusions. L'ovule de l’Oursin et celui de l'Etoile de mer sont entourés
d'une couche molle que l’on peut fort bien comparer à la couche
limitante de beaucoup d’Amibes et de Rhizopodes. L'organisme
étant tué ou coagulé par les réactifs, cette couche prend lappa-
rence d'une membrane et peut être soulevée par endosmose.
L'observation du vivant peut seule nous renseigner sur les propriétés
de cette couche à l’état de vie, et cette observation nous apprend
que c’est une couche molle et plastique, perméable et mal définie à
sa limite intérieure, qui ne devient résistante et imperméable aux
Zoospermes, en un mot, qui ne prend les propriétés que l’on at-
tribue en général aux membranes qu'au moment même de la fécon-
dation.
-Après la réfutation que je viens de faire des opinions de M. Perez,
j'ai à peine besoin d’insister sur deux notes que M. Giard à consa-
crées au même objet, et qui ne font guère que rééditer les objec-
tions de M. Perez.
M. Giard a étudié un Oursin et une Etoile de mer de la Manche
dont la ponte cesserait au mois de mars. Chez les espèces de la Mé-
diterranée, je puis affirmer que la ponte à eu lieu pendant toute
l’année, mais que l’évacuation des produits sexuels n’a lieu qu'aux
188 HERMANN FOL.
époques de pleine lune. S'il n’y a pas sous ce rapport une différence
bien improbable entre les espèces de la Méditerranée et celles de la
mer du Nord, nous serions réduits à admettre que les observations
de M. Giard n’ont porté que sur un espace de temps bien restreint‘.
J'ignore pour quel motif les préparations de M. Giard ne se con-
servent que quelques jours; les miennes se conservent fort bien
depuis plusieurs mois. |
M. Giard décrit avec soin la manière dont il opère pour obtenir
des œufs fécondés, suffisamment hérissés de Zoospermes pour les
faire tourner sur eux-mêmes. C’est, nous dit-il, en lançant du sperme
frais et non dilué sur des œufs qu'il porte ensuite sous le micro-
scone. M. Giard considère ce manuel opératoire comme plus naturel
que le mien. Il est si naturel, en effet, que c’est celui qui se présente
le premier à l'esprit d’un commençant. Mais le fait qu’un zoologiste
aussi savant que M. Giard n’a pu par ce procédé réussir à observer
la pénétration ne peut que me confirmer dans môn opinion, que ce
mode opératoire ne répond pas au but de ces expériences, qui est,
si je ne me trompe, d'observer les détails de la pénétration et non de
faire des fécondations artificielles dans des conditions identiques à
celles que présente la nature. Il est évident que de si petites diffé-
rences dans les conditions extérieures ne sauraient influer sur les
processus intimes. Du reste, j'ai peine à croire que le manuel opé-
ratoire de M. Giard soit, comme il nous l’assure, bien « voisin de la
réalité ». Lorsque les Oursins, dispersés au fond de la mer, lancent
leurs produits sexuels dans l’élément liquide, ces produits doivent se
disperser encore bien plus que ce n’est le cas dans les méthodes que
je recommande. Et la meilleure preuve en est que M. Giard obtient
dans ses pontes de 10 à 415 pour 100 d'œufs pathologiques, tandis que
1 Sicet auteur a voulu par là établir une date pour ses recherches, la preuve
pourra sembler peu concluante. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas superflu de rap-
peler des faits que l’on semble perdre souvent de vue. Mes recherches ont été faites
à Messine, en janvier, Kvrier, mars et décembre 1876, janvier et février 1877, et le
résumé de mes résultats a paru dans les Comptes rendus de l’Académie des 5 et 19 fé-
vrier et du 2 avril 1877, ainsi que dans les Archives de Genève du 15 avril. La pre-
mière note de M. Giard a paru dans les Comptes rendus du 9 avril, et les études
de cet auteur ont été commencées l’hiver dernier et terminées en mars, gêné par
les cours qu'il donnait ce mème hiver à Lille, il ne semble pas qu’il ait pu con-
sacrer à des études si importantes tout le temps qu’elles méritaient. On sait, du
reste, que Greef et E. van Beneden ont étudié le développement d’Asterias en été
sur les bords de la mer du Nord. La ponte de cette espèce ne cesse donc pas au mois
de mars,
RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. | 189
mes expériences faites avec des œufs mûrs à point ne me donnent
pas même 4 pour 100 d'œufs anormaux.
J'ai indiqué les méthodes qu’une longue expérience m'a appris à
considérer comme les plus pratiques et les plus sûres. C’est assez dire
que j'ai employé les méthodes les plus diverses, et que mes expé-
riences, mes observations ont été aussi variées que possible. Si les
dessins que j'ai donnés pour faciliter l'intelligence de ma description
se rapportent à une fécondation faite avec du sperme trop épais,
cela n’infirme en rien ce que j’ai dit. Dans quel but M. Giard vient-il
donc faire la statistique des Zoospermes que représentent mes des-
sins ? Veut-il jeter un doute sur la possibilité d'employer la méthode
que je recommande ? ou bien veut-il nous persuader qu'un œuf hé-
rissé de Zoospermes, tournant sur lui-même et observé sans l’aide
d'un compresseur, soit un objet propre à nous renseigner sur les dé-
tails de la pénétration? ou qu’une telle abondance de Zoospermes
soit une condition hygiénique pour l’œuf placé dans les conditions
où 1l doit forcément se trouver si l’on veut pouvoir le regarder au
microscope? L'opinion que les mouvements des queues des Zoo-
spermes implantés dans l'enveloppe muqueuse faciliteraient les pre-
miers phénomènes de développement de l'œuf fécondé, opinion qui
a été émise en ce qui concerne les Oursins par À. Agassiz, devait
tomber devant une connaissance plus approfondie des véritables
processus de la fécondation. Aussi n'est-ce pas sans étonnement que
nous avons vu M. Giard rééditer cette hypothèse après la publication
de tant de travaux récents sur la fécondation, et en particulier de
mes dernières notes sur ce sujet.
J'ai déjà précisé ci-dessus le sens de mes paroles au sujet de la
membrane propre des globules polaires. Bien loin de venir à l'appui
des opimions de M. Giard, mes observations sont en complète opposi-
tion avec les siennes. Je possède, dureste,ides préparations d'œufs non
fécondés d’Astéries au moment de la sortie des sphérules de rebut,
et j'ai pu ainsi convaincre les personnes qui les ont examinées sans
part pris, de l'absence complète d'une membrane vitelline au moment
où sortent les globules. Quant aux globules polaires qu'A. Agassiz
aurait, au dire de M. Giard, décrits chez le Toxopneustes Droba-
chiensis, je ne puis trouver à cet égard, dans les mémoires de l’émi-
nent observateur, aucune indication précise. A. Agassiz décrit ces
globules chez une Asferias ; ayant fécondé les œufs de cette Etoile
de mer avant la sortie des sphérules de rebut, il trouve ces sphérules
190 HERMANN FOL.
situées en dedans de la membrane vitelline, ce qui concorde parfai-
tement avec mes propres observations. En ce qui concerne Toxo-
pneustes, Agassiz remarque simplement la position constante des
globules polaires par rapport à l’axe de fractionnement, et ne dit
rien de plus, si ce n’est que le premier développement du Toxo-
pneustes concorde avec celui d’Asterias, remarque évidemment ha-
sardée. I ne dit en particulier rien sur la position des globules
polaires de l’Oursin comparée à ses membranes vitellines et ne donne
aucune figure relative au premier développement des Oursins.
Je ne concois donc pas comment M. Giard peut, après avoir rap-
porté son opinion sur les relations des globules polaires et de la
membrane vitelline, venir nous dire : « À. Agassiz a fait la même ob-
servation. » |
Je dois dire, du reste, que la description que nous donne M. Giard
des globules polaires du Psammechinus miliaris me met dans une
étrange perplexité. En effet, les globules, chez les Toxopneustes et
Sphærechinus que j'ai étudiés, ne sont ni petits ni difficiles à voir,
mais tout au contraire relativement très-gros ét très-apparents. Mes
dessins en font foi, et mieux encore que mes dessins, les prépara-
tions que je conserve. Je puis prouver que cés gros corpuscules résul-
tent de la division d’un amphiaster qui existe dans les œufs non
fécondés, au moment où ils ne possèdent plus de vésicule ni de tache
germinatives, et n’ont pas encore de pronucléus femelle. Il n’est
donc pas possible de douter que ce ne soient bien les véritables sphé-
rules de rebut ; O0. Hertwig est arrivé en même temps que moi au même
résultat à cet égard. Or ces globules-là sont constamment en dehors
de la membrane vitelline. En dedans de la membrane vitelline externe
d'œufs fécondés, j'ai vu, parfois, il est vrai, des globules pâles et ap-
pliqués contre le vitellus ; mais ce ne sont pas les véritables sphérules
de rebut. Seraient-ce des globules de ce genre que M. Giard a vus? Si
sa description repose sur une erreur de ce genre, j'aurais à retirer
ce que j'ai dit dans diverses communications orales, à savoir que
M. Giard serait arrivé à peu près, en même temps que O. Hertwig et
moi, à reconnaître l'existence des globules polaires de l'Oursin.
D’autres chercheurs ne manqueront pas d'éclaircir ce point.
Dans sa première note, M. Giard décrit un cumulus de féconda-
tion qui se trouverait à la surface du vitellus de l’Oursin ou de
l'Etoile de mer. Il ne m’a pas été possible de discerner, d’après le
texte, quel est l'animal auquel se rapporte cette description, car
RÉPONSE A QUELQUES OBJECTIONS. 191
M. Giard traite ensemble des phénomènes, pourtant, si différents de
l'Etoile de mer et de l’Oursin. A en juger par le mode opératoire
qu'a employé cet auteur, et par ce qu'il nous dit du soulèvement de
la membrane, ce cumulus ne peut être que le cône d’exsudation. La
même interprétation me paraît seule admissible en ce qui concerne
la protubérance hyaline que le même auteur décrit dans sa seconde
note. J'ai fait une distinction formelle entre le cône d'attraction et
le cône d’exsudation. Le premier manque chez les Oursins, tandis
que le second se trouve aussi bien chez l’Oursin que chez l'Etoile de
mer. Si donc M. Giard a rencontré, chez l’Oursin, une protubérance
hyaline répondant à ce que j'ai nommé le cône d’exsudation, pour-
quoi nous donne-t-il ce résultat comme étant en contradiction avec
les miens? Son attaque injustifiable repose sur une confusion que
M. Giard eût facilement évitée s'il eût lu mes publications avec
quelque attention.
Je relève en passant une erreur importante que renferme la des-
cription que nous donne M. Giard des phénomènes intimes qui pré-
sident à la formation des sphérules de rebut. D’après cette descrip-
tion, l’amphiaster qui résulte de la transformation de la vésicule
germinative donnerait naissance à deux noyaux dont l'un, se diri-
geant vers la surface, sortirait pour former les globules polaires,
tandis que l’autre, marchant vers le centre, serait le pronucléus
femelle. C’est ‘une manière de voir que j'ai soutenue dans mon mé-
moire sur l’embryogénie des Ptéropodes, mais que j'avais déjà aban-
donnée dans mon mémoire sur les Hétéropodes, et que les belles
recherches de Bütschli et de O. Hertwig ont montré être erronée. Le
pronucléus femelle ne prend naissance qu'après la sortie des sphé-
rules de rebut, et en comptant le pronucléus mâle, il n’y a jamais,
dans le vitellus fécondé normalement, plus de deux noyaux à la
fois, au lieu de trois, que M. Giard dit avoir comptés.
Qu'il me soit permis encore en terminant d'attirer l'attention du
lecteur sur la phrase par laquelle M. Giard commence sa seconde
note. «Je n’ai pas cru devoir, nous dit-il, comme l'a fait M. Foi,
m'adresser d'abord à des œufs pondus par des individus malades, et
considérer comme typiques les phénomènes observés dans de sem-
blables conditions.» On sait que je n'ai jamais rien écrit de sem-
blable et que j’ai toujours mis le plus grand soin à faire la distinction
entre le Cas normal et ces cas anormaux que j'ai signalés le premier,
et dont j'ai le premier fait comprendre les différences. J’ai toujours
LL
192 HERMANN FOL.'
tenu ces deux ordres de faits à part. Je n’ai jamais dit nulle part que
je me sois d’abord adressé à des individus malades, et je n'ai jamais
donné comme typiques les processus observés dans ces cas-là, Et si
j'ai conseillé à des commençants de choisir les cas anormaux pour
leurs premières observations, c’est parce que cette étude relativement
facile est une bonne introduction à l’étude bien plus ardue des phé-
nomènes normaux. Un peu plus loin je lis cette phrase : «ses dessins
exécutés sans doute d’après des préparations longtemps conservées. »
Les dessins en question ont été publiés pour la première fois dans
un article qui a paru dans le numéro du 145 avril des Archives des
sciences physiques et naturelles de Genève, et dans l'explication de
chacune de ces figures se trouvent les mots « préparation vivante ».
Cet article est connu de M. Giard, puisqu'il en cite des passages.
Je n’ajoute rien à ces quelques remarques; le lecteur jugera.
CONTRIBUTIONS
L'HISTOIRE NATURELLE DES BRYOZOAIRES
DES COTES DE FRANCE
PAR M. LUCIEN JOLIET
Préparateur au laboratoire de Zoologie expérimentale de Roscoff.
INTRODUCTION.
Depuis” longtemps déjà, on connaît les « Polypes'à bras ci-
liés » et l’on à tracé les principaux traits de leur organisation .
| Depuis plus de quarante ans, la classe des Bryozoaires est consti-
| tuée.
| Et cependant l’histoire de ces animaux est aujourd'hui même si
incomplétement éclaircie, que l’on discute encore pour savoir sur
quel degré de l'échelle zoologique on doit Les placer *.
| L’Angleterre, la Suède, l’Allemagne ont fourni, tant sur leur struc-
| ture que sur leur synonymie, des travaux remarquables dont quel-
ques-uns sont de véritables monuments.
1 Peyssonnel et Bernard de Jussieu reconnaissent, en 1741, la nature animale des
| flustres.
_ Trembley, en 1744, décrit son Polype à panache.
Ellis, en 1755, dans son Hist. nat. des Corallines, décrit un grand nombre de bryo-
| zoaires et reconnait la nature des corps bruns.
Pallas, en 1766, dans son Elenchus, en fait connaître de nombreuses espèces.
Cavolini, en 1785, en étudiant les sérialaires du Pausilippe a eu comme une in-
| tuition du bryozoaire, il dit que la serlolara lendinosa (serialaria lendigera) diffère
de tous les hydraires par ceci, que le corps est rattaché à l’ouverture des loges, il
| parle du tourbillon et de la trépidation que l'agitation des bras cause dans l’eau et
| de la vicacité avec laquelle ces organes se rétractent.
En 1827, Grant s'aperçoit que le tube digestif se recourbe en anse.
En 5828, Milne Edwards et Audouin, aux îles Chausey, constatent pour la pre-
mière fois la présence de l’anus dans les Flustres.
| ? Voir ReicnerT, Vergleichende Anatomische Untersuchungen über Zoobotryon pel-
lucidus, Abh. Ak. Berl., 1870, p. 233.
ARCH,. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — T, VI. 1877. 13
|
19% LUCIEN JOLIET.
Après s'être maintenue au premier rang, après avoir énoncé et
défini les caractères du groupe, la France, il faut en convenir, s’est
depuis longtemps laissé devancer.
De 1828 à 1840, M. Milne-Edwards publie ses beaux travaux
sur les Flustres, les Eschares, les Crisies, les Tubulipores, et dé-
montrant l'existence, déterminant la position de l’anus dans diffé-
rents genres des Polypes à bras ciliés, il les sépare nettement des
autres Polypes et en fait une classe distincte qu'il rapproche des
Tuniciers.
Entre 1836 et 1839, M. Paul Gervais, fait paraitre une série de
notes et un mémoire important sur les Polypes d’eau douce ‘.
Mais, depuis cette époque jusqu’à ces dernières années, les noms
français sont bien rares sur la liste des auteurs qui ont ajouté quelque
chose à l’histoire de ces animaux, et personne ne s’en est occupé
spécialement.
Il yalà,ce me semble, une lacune à combler, et c’est avec un
vif plaisir que je saisis, l’an dernier, l’occasion qui me fut bien-
veillamment offerte par M. de Lacaze-Duthiers d’y contribuer dans
des conditions si exceptionnellement favorables au laboratoire de
Roscoff. Là, deux étés de suite, pendant un séjour total de six mois,
dans une localité particulièrement riche, j'ai pu observer à loisir la
nature vivante, ayant à ma disposition, comme tous les travailleurs
admis dans l'établissement, les embarcations et le personnel du la-
boratoire, amplement pourvu de tous les moyens d'étude néces-
saires aux recherches modernes, recevant régulièrement à Paris,
durant l'hiver même, des envois de sujets vivants, enfin soutenu par
un maître qui, depuis longues années, a fait tous ses efforts pour
accueillir libéralement les travailleurs en vue de réunir les éléments
d'une faune des côtes de France, et qui, après avoir consacré une
partie de sa vie à en fournir une si large part, n'épargne ni encou-
ragements ni sacrifices pour ceux qui apportent leurs concours à
cette œuvre. Que ce travail qui lui est dédié lui soit un témoignage |
de ma reconnaissance.
Si la connaissance des différents types qui constituent un groupe
zoologique est nécessaire à qui veut se former une idée exacte de
son ensemble, elle n’est pas moins précieuse pour l'observateur
qui, cherchant à élucider certaines questions relatives à l'anatomie 4
1 Gervais, Ann. fr. et élr, d'anat., t. III, 1839, p, 129.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 195
ou au développement, devra s'adresser de préférence à telle ou telle
espèce qui présente des conditions particulièrement favorables à
l'étude.
C’est là une remarque de détail, mais qui a bien son importance
dans cette classe d’animaux surtout.
Les loges qui renferment les Polypides au repos sont en effet
très-souvent opaques, ou tellement chargées d’ornements et d’ap-
pendices, qu’on ne reconnaît qu'avec la plus grande peine leur
contenu.
J'ai vu tel observateur éminent se désespérer de ne pouvoir discer-
ner, dans une Sérialaire le Polypide complétement masqué par les
granulations brunes de l’endocyste, tandis qu’au travers des parois
parfaitement translucides d’une espèce fort voisine, je distinguais
sans peine tous les détails de l’organisation.
De même telle espèce, la Vesicularia spinosa, par exemple, très-
favorable à l'examen anatomique à cause de sa grande transparence,
se prête mal à l'étude du développement des bourgeons.
Fixée en effet à une assez grande profondeur d'où on ne la retire
qu'avec la drague, elle ne s’habitue que difficilement à vivre dans nos
cuvettes et sous une faible pression. Au contraire, la Bowerbankia
imbricata, qui s'attache aux fucus et découvre à chaque marée, est
extrêmement précieuse à ce point de vue.
J'en ai cultivé longtemps, si je puis m’exprimer ainsi, une branche
sortie de la mer et amenée à Paris, et dans une cuvette plate que je
pouvais à tout instant soumettre au microscope ; elle a si bien vécu
et prospéré durant cinq mois, que j'ai pu, pendant cet intervalle,
suivre la succession de plusieurs générations de Polypides dans une
même loge, assister à la formation des corps bruns, et être témoin du
rôle absolument passif qu'ils jouent chez cette espèce dans le renou-
vellement du Polypide.
Ces corps bruns ont bien intrigué les observateurs. Je n’en veux
pour preuve que les noms multiples sous lesquels on les a dési-
gnés !.
Dès 1755, Ellis y a vu les restes des Polypides qui ont successive-
_ ment habité la loge, Smitt a cru qu’ils renfermaient un œuf, Clapa-
| rède a prétendu depuis qu'ils n'étaient qu'une sécrétion de l’endo-
! Corps bruns, dark bodies, mürka kroppar; germ-capsules, grodd-kappslar,
Keim-kapseln, statoblastes, œufs.
196 LUCIEN JOLIET.
cyste, enfin on a soutenu récemment l’ancienne opinion modifiée en
ce qui concerne le mode de formation de ces corps.
Quant à leur rôle, on ne s'entend pas mieux à son égard.
Les uns les ont pris pour des œufs ; pour d’autres, ce sont encore
des œufs, mais d’une nature particulière, ou bien des sortes de stato-
blastes, masses de matière nutritive mise en réserve pour servir au
renouvellement du Polypide (grodd kappslar, Smitt, Hincks).
Repiachoff ! assure que le corps brun, d’abord distinet du bour-
geon, finit par être englobé dans l’intérieur du tube digestif en voie
de développement ; enfin, pour d’autres, ce n’est que le résidu des
anciens habitants de la loge et rien de plus.
La question est encore pendante, et, malgré les négations de Nits-
che, Hincks * défend énergiquement la théorie de Smitt etles « germ-
capsules ».
L'œuf prend-il naissance dans l’ovicelle des cheilostomes, ou bien
y achève-t-il simplement de mürir après être sorti de la zoécie, sui-
vant l’avis de Huxley *? Les auteurs sont encore partagés d’opinion à
cet égard.
Et ces organes problématiques, aux formes si étranges, qu’on
désigne sous les noms de wbracules et d’aviculaires, dans quel
but se balancent-ils sans trêve et quelle est leur signification mor-
phologique ?
Le Polypide est-il une forme de l'individu ou bien un simple or-
gane, un Canal digestif (VNahrungschlauch), comme le veut Claparède?
Que penser de la « métamorphose régressive » décrite avec tant de
conviction par cet auteur “?
Je ne puis faire ici l’énumération de toutes les questions d’anato-
mie ou d’embryogénie qui restent à élucider et dont la détermination
jetterait certainement de la lumière sur l’histoire de ces animaux, et
sur leurs affinités avec les groupes auxquels on à essayé de les rat-
tacher.
Entre elles toutes, l’une des plus dignes d'intérêt sans contredit est
celle du système nerveux colonial.
1 Zur Naturgeschichte der Chilostom Bryozoer (Zeistschrift für wissen. Zool.,t. XX VF,
1876, p. 139).
2 Hinoxs, G. J. of micr. sc., t. XITT, 1873, p. 16.
3 HuxLey, Note on the Reproductive Organs of the Chilostome Polyzoa (Q. J. micr.
sc., 1856, t. IV, p. 191-199).
* CraparÈne, Zeitschrift, Bd. XXI.
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BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 197
Qu'est-ce que ce cordon principal, ces filets tant de fois anasto-
mosés, ce.plexus, ces ganglions? Tout cela constitue-t-1l un système
nerveux comme le plus grand nombre l’affirme, est-ce un système
irrigatoire, ou bien n'est-ce rien de semblable, comme on le dit
d'autre part ?
Quelle en est enfin la véritable nature ?
Ce sujet comportant des développements assez étendus, nous le
réserverons pour la fin de notre travail et nous commencerons par
étudier la question intéressante et bien limitée du rôle et dela nature
du corps brun, prenant pour règle de rendre compte des faits avec
fidélité, de ne les donner que pour ce qu'ils sont, et surtout de ne
point les confondre avec les interprétations auxquelles on peut se
livrer sur leur compte.
CHAPITRE I.
DU ROLE ET DE L'ORIGINE DES CORPS BRUNS.
Quand on examine à la loupe une branche d’un de nos Bryozoaires
marins, d'une Bugule, par exemple, on remarque facilement qu’elle
est comme piquetée d’une multitude de petits points de couleur
sombre.
Vient-on à en porter un fragment sous le microscope et à l’exa-
miner à un faible grossissement, on reconnaît que cette apparence
est due à ce que la plupart des loges dépourvues de Polypide contien-
nent chacune ordinairement un, quelquefois deux petits amas ovoïdes
d'un brun plus ou moins foncé.
On à donné à ces corps bien des noms, mais dans l’ignorance où
l'on est encore de leur véritable nature, on s'accorde à les désigner
le plus souvent par la simple appellation de corps bruns.
Le corps brun n’occupe pas dans la loge une place précise ; le plus
souvent, il se trouve vers le fond, mais on peut le voir sur les côtés
ou même presque au sommet. Il y a des espèces, telles que l’£ucratea
chelata, où il est fort rare d'en rencontrer deux à la fois dans une
même loge. Il en est, au contraire, comme la Powerbankia imbricata,
dans lesquelles on en peut trouver jusqu’à trois.
Chez plusieurs, enfin, on ne voit jamais un corps brun dans une
loge pourvue d’un Polypide, tandis qu'ailleurs la coexistence de l’un
198 LUCIEN JOLIET.
et de l’autre dans une même zoécie est chose fréquente et même
habituelle.
Le plus souvent, et spécialement chez les espèces où l’on ne trouve
qu’un corps brun par loge, leseul rapport constantque celui-ci ait avec
ce qui l’entoure, c’est qu'il est en relation avec les branches de ce
réseau transparent qu’on à nommé système nerveux colonial.
Elles lui servent en quelque sorte d’amarres et le maintiennent
suspendu au milieu de ja loge; ailleurs, et plus particulièrement là où
plusieurs corps bruns se trouvent dans la même zoécie, il y en a un
ou deux de relégués contre les parois de l’endocyste et qui ne parais-
sent plus rattachés au réseau dont je viens de parler 2.
Relativement à la zoécie, le corps brun est assez volumineux ; à
l’état parfait, c’est-à-dire comme nousle verrons plus loin, lorsqu'il
est arrivé à sa taille minima, il peut mesurer jusqu’au quart ou jus-
qu’au tiers du diamètre transversal de la loge.
Si nous l’examinons sous un grossissement plus fort (environ
300 diamètres), il se montre composé d’un amas de petits grumeaux
de matière granuleuse brune sans structure, enfermés dans une en-
veloppe générale transparente anhiste dont l'épaisseur augmente
avec l’âge.
Par sa présence dans la plupart des loges de la presqu'’universalité
des Bryozoairés marins et de plusieurs espèces d’eau douce *, le corps
brun semble avoir une importance considérable. Quelle est donc sa
nature? Quelle est son origine, quel est son rôle dans l’économie des
Bryozoaires ? 1
Je ne sais si cela tient à la difficulté, à la complexité de la matière,
ou simplement au grand nombre d’observateurs qui se sont occupés
des Bryozoaires, mais peu de sujets ont été, je crois, l’objet de
plus de controverses, et, sans avoir sans doute épuisé totalement la
bibliographie très-étendue qui se rattache à cette question, je n’ai
pas relevé parmi les auteurs qui l’ont traitée moins de huit opi-
nions différentes duxquelles je serai bien obligé d’en ajouter une
neuvième.
1 PI. .X1, fig: 5, et pl. XI ME:
2 Nitsche a signalé les corps bruns chez l’Alcyohella fungosa (Zeitschr. f. wissens.
Zoo!., t. XXII, p. 470). D’autre part, Allman a décrit (Freshwat. Polyz., p. 40) et
figuré {ibid., pl. IV, fig. 10, pl. VII, fig. 9) des statoblastes « d’une nature particu-
lière » qui adhèrent à l’endocyste, qu’il n’a pas vu germer et dont l’anneau est sans
structure, À n’én pas douter cé sont des corps bruns.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 199
Passons en revue successivement les diverses opinions des auteurs,
non pas dans l’ordre chronologique, ce qui n'aurait qu’un intérêt
d'archéologie, mais en groupant ensemble celles qui se ressemblent
le plus ; nous examinerons ensuite les faits dans la nature même, ils
motiveront les conclusions que nous aurons à en tirer, enfin nous
chercherons à discuter les observations de. nos devanciers et à les
concilier avec notre propre manière de voir.
Voici d’abord une série d'observateurs qui ont pris les corps bruns
pour de véritables œufs :
Thompson ‘,en se fondant sur la position du corps brun (dans la
Vesicularia imbricata) et sur sa persistance après la mort du Po-
lypide, croit pouvoir l’assimiler à un œuf ou à un ovaire.
Farre ? voit d’abord dans ce corps le résidu de la décomposition
(decay) du Polypide, mais sa structure granuleuse, la membrane qui
l'enveloppe et sa longue durée sont autant de raisons qui lui font
penser qu’il a quelque rapport avec les fonctions de reproduction
et doit être regardé comme un ovaire ou comme un œuf en voie de
maturation.
Nordman * y voit aussi un œuf.
Van Beneden ‘, quia vu dans l’Halodactyle diaphane les véritables
œufs, est cependant disposé à regarder les corps bruns comme «le
commencement de l’œuf », et il les figure comme tels.
Lovén * prétend les avoir vus, dans la Valkeria cuscuta, se trans-
former en larves ciliées.
Redfern $ compare les corps bruns aux statoblastes des Bryozoaires
d’eau douce.
Allman adopte la même opinion.
Plus tard, Claparède 7 rappelle cette hypothèse si séduisante et
regrette de n’y pouvoir adhérer. Ses observations l’ont en effet con-
duit à regarder le corps brun comme un produit de sécrétion de
1 Taompson, Zool. Res. and Illustr., mém. V, 1830.
2 Farre, On the Structure of Ciliobranchiate Polypi (Philos. Transact.,1837, art.
BowERBANKIA DENSA).
3 NorpMan, Voyage de Demidoff, 1840, t. III, p. 702, note.
# Van BENEDEN, Recherches sur les Bryozoaires qui habilent la côte d'Ostende (extr.
Nouv. Mém. Acad. Brux., p. 36, pl. V, f, 4€ mém.).
5 Love, Arsberattelse, 1840-49, p. 366.
6 Reprern, Flustrella Hispida (Q. J, micr. se. t. VI, p.196, 1858).
T CLaPaRËDE, Beiträge zur Anal, und Eniwickelungeschichle der Seebryozoen
(Zeitschrift [. wissens. Zool., t, XXI, p. 150 et suiv.).
RE
Ce LE ent
On 27
8 me
ns, je M or D EL on, AE Le ESS
200 LUCIEN JOLIET.
l'endocyste. Il n’y peut pas voir le principe d’un nouveau Polypide
et accompagne d’ailleurs ces vues d’une théorie qui lui est toute par-
ticulière sur la métamorphose régressive des Polypides et sur laquelle
nous aurons à revenir. |
Hincks ! soutient que le corps brun, loin d’être le résidu du Po-
lypide flétri, est une formation toute spéciale produite aux dépens de
celui-ci par un étranglement survenu vers le milieu du cæcum sto-
macal, et qui en détacherait l’extrémité inférieure.
Quant à la destinée ultérieure du corps ainsi formé, le même au-
teur, soutenant chaudement Smitt contre Nitsche, affirme de la ma-
nière la plus positive qu'il sert d’origine à un nouveau Polypide.
Traduisant l'appellation de Smitt, il le désigne sous le nom de germ-
capsule et essaye d'établir que le renouvellement du Polypide dans la
zoécie adulte peut s'effectuer de deux manières :
19 Par formation d’une germ-capsule ;
9° Par gemmation de l’endocyste.
L'opinion de Smitt”?, entourée et appuyée par un grand nombre
d'observations excellentes, a fait école, on peut le dire; beaucoup
d'observateurs ont adopté les vues de l’auteur suédois, et le mot
qu'il a créé de groddkapslar, pour désigner les corps bruns, a été tra-
duit dans toutes les langues.
Sans bien préciser leur origine, 1l les considère, soit comme de vé-
ritables corps reproducteurs se transformant directement en de
nouveaux Polypides, soit comme des amas de matière nutritive mis
en réserve pour servir au développement d’un œuf qui naîtrait dans
leur intérieur. Tout en décrivant la gemmation de lendocyste, il
affirme que dans la plupart des cas (ses observations portent surtout
sur des cheilostomes et cyclostomes), le Polypide se développe aux
dépens du corps brun.
Toute opposée est la manière de voir de Nitsche *, qui ne veut re-
connaître dans le corps brun que le reste du Polypide flétri, un résidu
complétement inerte et incapable de nourrir un nouveau Polypide
ou de lui servir d'origine. Cette opinion est appuyée de preuves
excellentes et de nombreuses figures; elle avait d’ailleurs été déjà
1 Rev. Ta. Ifincxs, Nofe on Dr Nitsche's paper (Q.J. micr. se., t. XI, 1871, p. 235,
t. XIT1,-2873:p.16,pl' IL NEMPA0ErTe)
2 Suirr, Om Hafsbryozoernas Utveckling och Feltkropar.
3 Nirscur, Beitræge zur Kentniss der Bryozoen (Zeitschr. f. wissens. Zool., t. XXI,
p. 464 et suiv.). |
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 201
avancée par les anciens observateurs, par Grant et même par Ellis.
Tout récemment enfin, Repiachoff! vient d'introduire dans le débat
de nouvelles observations et de nouvelles vues.
Pour lui, le bourgeon naît le plus souvent de l’endocyste, mais il
finit tôt ou tard par se rapprocher du corps brun ; il l’englobe alors
dans une cavité qui deviendra plus tard l'estomac, et s’en sert comme
d'une nourriture pour achever son développement.
Il figure cet englobement dans la Tendra zostericola et dans une
espèce de Lepralia. Enfin, il compare le corps brun à une sorte de
vitellus et ne dit rien d’ailleurs sur son origine.
Abstraction faite des hypothèses qui ne sont plus admises en au-
cune manière, je résumerai les différentes opinions qui ont cours au-
jourd’hui dans le tableau suivant :
Le corps brun est envisagé :
1° Quant à son origine : a, comme un produit de sécrétion (Cla-
parède) ; b, comme une formation spéciale détachée de l’estomac du
Polypide vivant (Hincks); ec, comme le résidu du Polypide flétri
[Nitsche);
2 Quant à sa destinée ultérieure : 4, comme un amas de matière
inerte, un résidu incapable de vivre; b, comme un corps vivant ser-
vant au renouvellement du Polypide.
Nous voyons par là que deux questions sont encore en litige.
Quelle est l’origine du corps brun ?
Quelle est sa destinée ultérieure ?
Commençons par aborder la première.
8 1. De l’origine des corps bruns.
Parmi les auteurs dont je viens de citer les opinions touchant l'ori-
gine des corps bruns, tous n'ont pas, il faut le dire, basé la leur sur
des observations directes, patientes et suivies, faites sur des animaux
vivants, et la plupart l'ont plutôt présentée, soit comme une simple
supposition, soit comme une conclüsion tirée-de faits plus où moins
éloignés.
Il me parait impossible qu'un observateur soigneux, s'il s'attache
à suivre, comme je l’ai fait, jour par jour, pendant une ou plusieurs
‘ Repracuorr, Zur Naturgeschichte der Chilostomen Bryozoen (Zeilschr. f. wissens.
Zoo!., t. XX VI, 1876).
202 LUCJEN JOLIET:
semaines, Ce qui se passe dans une même loge, n'arrive pas à recon-
naître forcément que le corps brun n’est pas autre chose que le résidu
d’un Polypide flétri. |
Les excellentes observations de Nitsche ‘ et les planches qui les
accompagnent me semblent avoir déjà établi le fait surabondamment
pour la Flustra membranacea.
Cependant comme on a dépuis élevé des objections contre ses
conclusions, comme on a contesté surtout leur aptitude à s'appliquer
aux autres bryozoaires, il me paraît nécessaire de les appuyer par de
nouvelles observations.
Que l’on veuille donc bien jeter les yeux sur la planche VII qui
accompagne ce mémoire.
La première série de figures représente deux loges appartenant à
un rameau de Pugula flabellata que j'avais apporté de Roscoff en
automne dernier, qui s’est développé à Paris, dans un petit flacon
d’eau de mer, vers la fin de l’hiver, et que j'ai rapporté au printemps
encore vivant dans son pays natal.
Ces deux loges occupent l'extrémité de la branche, sont par consé-
quent nouvellement formées et ne contiennent aucun corps brun,
mais bien deux Polypides E et F, qui sont le 16 janvier en pleine
vigueur. On les voit fréquemment s'épanouir et surtout dans le Poly-
pide F qui parait plus âgé, les granules bruns tournent vivement dans
le rectum sous l’action des cils vibratiles.
Le 17, E s’épanouit fréquemment, mais F ne sort guère de sa
loge.
Le 93, E est encore vivant, mais sa couleur est devenue plus
foncée. Quant à Fil a disparu, ou plutôt il s’est transformé en une
masse globuleuse de couleur brune.
Le 26, le globule brun F a diminué de volume et sa couleur est
devenue plus sombre; quant à E il s’est réduit en une masse ovoïde
volumineuse d’un brun clair.
Enfin, le 4° février, F brunit encore davantage et ne peut plus être
distingué des corps bruns qui occupent les loges inférieures. E lui-
même en est presque au même point, et il y est arrivé tout à fait peu
de jours après.
Cette observation est, je pense, suffisante pour démontrer que dans
1 Nirscur, Beitr. zur Keniniss der Bryozoen (Zeilschr. f. wiss. Zool,, t:XXIT, p. 467,
pl, XXXVI, Ge. 21)
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 203
la Bugula flabellata, quand le Polypide se flétrit, il passe à l’état de
corps brun et tout entier à l’état de corps brun.
J'ai dans mes cartons une série d'observations toutes semblables à
celle-ci, faites dans les mêmes conditions sur la Bugula avicularia ;
le défaut de place m'empêche de la publier, elle n’ajouterait d’ail-
leurs que peu de chose aux résuitats fournis par celle dont je viens
de rendre compte. Notons cependant en passant un fait relatif au
mode particulier dont se forment les corps bruns dans les bugules,
c’est la rapidité avec laquelle dans l’espace d’une nuit un Polypide,
qui semblait encore vigoureux, se transforme totalement en une
masse globuleuse de matière amorphe qui passe à l’état de corps
brun par diminution graduelle de volume.
Voici maintenant sur la même planche VIIT une deuxième série de
figures qui représentent les mêmes faits dans la Bowerbanlaia tmbricata ;
l'explication des planches me dispense d’entrer de nouveau dans le
détail des transformations. Remarquons toutefois que si le terme
final est, comme dans les Bugules, un corps brun, le mode suivant
lequel il est atteint est différent.
Le premier indice de la décrépitude du Polypide est un certain
vague que l’on remarque dans le contour des bras, qui auparavant
étaient nets, rigides et placés parallèlement dans leur gaîne.
Puis la partie terminale de l’ectocyste de la loge qui était imvaginée
se déroule lentement; peu à peu la collerette (Borstenkrantz, collare
setorum) fait saillie jusqu’à ce que sen point d'insertion soit au ni-
veau de la surface de la loge, elle pend alors au dehors comme une
sorte de plumet, tandis qu'à l’intérieur les parties se sont désorgani-
sées lentement et lentement affaissées l’une sur l’autre. Souvent dans
la Valkeria cuscuta comme dans la Bowerbanka imbricata, alors que
les bras ont complétement disparu, l'estomac se contracte encore, le
funicule se rétracte et se détend, les cils vibratiles agitent encore les
granules bruns dans le rectum ; l'intestin finit enfin par se coller à
l'estomac et le tout se fond en une masse brune que surmonte une
tache plus claire, reste des bras et des muscles pariéto-vaginaux.
Tout cela finit habituellement par se confondre en un tout homo-
gène ; quelquefois cependant, notamment dans la Zowerbankia im-
bricata, on reconnaît encore longtemps après dans le corps brun la
place où les restes du gésier et'des tentacules se sont soudés à ceux de
l'estomac.
Je pourrais encore décrire la formation du corps brun dans le Sarco-
20% LUCIEN JOLIET.
chitum polyoum, dans le Membranipora membranacea, dans la Leprala
granifera; mais ce serait presque me répéter, j'aurai occasion de
revenir sur son mode de production dans la Picellaria cihata. Qu'il
me suffise de dire pour l'instant que la formation des corps bruns
dans les nombreuses espèces où je l’ai examinée s’est toujours mon-
trée à moi sous deux aspects que j'appellerai l’un, l'aspect bugule, et
l’autre, l’aspect vésiculaire.
Dans le premier, qui est le moins fréquent, le Polypide perd subite-
ment toute organisation pour se résoudre en une masse de substance
amorphe qui n’a plus qu'à diminuer de volume pour devenir un
corps brun.
Dans le second la vie ne paraît abandonner que successivement les
diverses parties, la destruction est plus lente, mais le résultat final est
le même. |
Dans tous les cas, le Polypide flétri se résout intégralement en un
corps brun suspendu comme lui au funicule.
Que faut-il donc penser de la théorie de Hincks !?
A diverses reprises l’éminent auteur affirme de la manière la plus
formelle que le corps brun n’est en aucune manière le reste du Poly-
pide flétri, «in no true sense the remains of the decaying Polypid »,
mais un corps tout spécial dont la formation se fait d’une manière
constante et bien définie. :
Il décrit et représente cette formation de la manière suivante :
À un certain moment de l’existence du Polypide un étranglement
se produit en un point du cæeum stomacal et en sépare un corps
ovoïde creux qui reste longtemps en communication avec lui par un
étroit canal. Celui-ci devient de plus et plus long et resserré à mesure
que l’étranglement s’accuse davantage, il finit sans doute par se
rompre, et le corps ovoïde ainsi séparé du Polypide constitue un corps
brun. Cette description est appuyée de deux figures dessinées d'après
la Picellaria cihata et qui seraient absolument démonstratives si,
comme les observations même qu'elles soutiennent, elles ne prê-
taient largement à la critique. |
Notons d’abord que, bien qu'il regarde la séparation du corps brun
d'avec le Polypide comme un fait positif, Hincks avoue n’en avoir
Jamais été témoin. Or, comme il me sera facile de le prouver tout à
l'heure, cette séparation n’a jamais lieu même dans la Zrcellaria
Hincxs, Q. J. micr. sc., t. XI, 1874, p. 235 ; tbid., t. XIII, 1873, p. 16, pl. IL.
I. Lu on
penses
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 205
céliata que j'ai tenu à observer particulièrement pour me mieux rendre
compte de la valeur de l'observation de l’auteur anglais.
En deuxième lieu, après la séparation supposée de ce corps, que
devient le Polypide dont il dérive et auquel il était relié tout à
l'heure ? Hincks ne nous en dit rien, et cela serait pourtant nécessaire;
quand nous savons que la vie du Polypide est de courte durée et qu’en
mourant il doit laisser dans la loge quelque reste de sa substance.
Enfin venons au fait. Est-il vrai qu'à un moment donné il se pro-
duise dans les parois du cæcum stomacal un étranglement véritable
qui tende à en détacher l'extrémité inférieure ?
Dans l'immense majorité des Bryozoaires, les Vésiculaires, les
Flustres, les Lepralia et autres, il n’y a rien, absolument rien de sem-
blable et le corps brun se forme suivant le mode que j'ai exposé avec
détail un peu plus haut.
Si donc le fait que Hincks a décrit est particulier à une ou deux
espèces il ne peut pas servir de base à une théorie générale sur la
formation des corps bruns. Mais, d’ailleurs, est-il exact en lui-même ?
Examinons les espèces mêmes d’après lesquelles Hincks a dessiné ses
figures et posons-nous cette question : la Bicellaria cihata diffère-t-elle
à cet égard de toutes les espèces connues ?
Je l'ai étudiée bien longtemps et bien souvent, je n’ai pas eu de
peine à reconnaitre dans le cæcum du Polypide cette apparence de
constriction dont arguë l’auteur anglais, mais je ne puis linterpréter
de la même manière ni reconnaître pour exacte la figure qu'il en
donne.
Il est très-évident et facile à constater que vers le bas du cæcum
stomacal la matière brune qui remplit la cavité de cet organe semble
passer à travers une sorte de détroit et qu’en ce point elle est beau-
coup plus resserrée qu’en dessus et au-dessous ; il est encore vrai que
la partie inférieure du cæcum ainsi séparée par un défilé de Ja partie
supérieure ressemble assez à une boule brune qui serait suspendue à
l'estomac par un canal étroit.
Cette apparence est d'autant plus frappante que les parois intesti-
nales étant très-transparentes, on peut croire qu’elles subissent elles-
mêmes l’étranglement; c’est ce que représente la figure de Hincks que
je reproduis!. Mais, pour peu qu’on y regarde de plus près, on verra
que le contour extérieur du cæcum est parfaitement continu, ne subit
2 PI, VITL fig. 9 et 10.
206 LUCIEN JOLIET.
aucun étranglement et que si la matière brune intérieure est res-
serrée en un point, cela tient non pas à une inflexion, mais à un
épaississement des parois stomacales à ce niveau, à une sorte de saillie,
de bourrelet annulaire qu'elles forment à l’intérieur et qui détermine
à tous les moments de la vie du Polypide et dès son plus jeune âge
une chambre inférieure séparée du reste du cæcum par une véritable
valvule.
I ressort de là que cette chambre inférieure prise par Hincks pour
un corps spécial, loin d’être suspendue à l’estomac par un canal
grêle et tendant à se rompre, lui est peut-être plus fortement unie
qu'aucune autre partie, grâce à l'épaisseur des parois stomacales au
point de Jonction.
Il est d’ailleurs complétement inexact que le détroit à travers
lequel passe la matière brune devienne progressivément plus long et
plus étroit ; les figures ci-jointes® représentent un même cæcum des-
siné à la chambre claire à quelques minutes d'intervalle et prouvent
que l'aspect du canal change irrégulièrement et à tout moment sui-
vant les contractions de l’estomac. Il m'est souvent même arrivé
dans un Polypide en voie de résorption de distinguer encore au-des-
sous des bras flétris l’étranglement en question et de constater qu'il
n’était n1 plus prononcé ni plus étendu qu’à aucun autre moment de
la vie du Polypide.
S1 le mode de formation du corps brun décrit par Hincks ne peut
être regardé comme correspondant aux faits, comment donc se pas-
sent les choses dans la Pricellaria ciliata ?
Là, comme partout ailleurs, ie corps brun est le résidu du Polypide
flétri et tout le Polypide sert à le former. Quant à la manière dont la
transformation s'effectue, elle est en quelque sorte intermédiaire
entre celle en usage chez les Bugules et celle des autres espèces : les
tentacules commencent par se flétrir et restent distincts pendant un
ou deux jours, le cæcum où l’étranglement est encore visible se fond’
avec l'intestin, puis le tout se confond assez promptement en une
même masse.
Après avoir, je crois, mis hors de cause la théorie de Hincks et
fait rentrer dans la loi commune un exemple que cet auteur me
1
paraît avoir faussement interprété, 1l ne me reste plus à discuter
1,P]. VIA HE 674 40?
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 207
qu’une opinion sur l’origine des corps bruns, c’est celle de Claparède,
el je ne m'y appesantirai pas longtemps, car elle est fondée sur un
si grand nombre d'observations inexactes, qu’elle n’a trouvé que peu
d’écho parmi les auteurs.
Claparède ne eroit pas que le corps brun puisse servir d’origine à
de nouveaux Polypides, et la critique qu'il fait des opinions de Smitt
est certainement très-judicieuse ; mais quand il veut à son tour for-
muler une opinion et déterminer le rôle de ce corps, il fait certaine-
ment fausse route. Pour lui le corps brun ne peut pas être le résidu
du Polypide, parce qu'il a sur la résorption de celui-ci une théorie
toute particulière.
D'après lui le Polypide ne se flétrit pas, ne se désorganise pas, au
terme de son existence, mais, pour disparaitre, il passe en sens
inverse par toutes les phases qu’a parcourues le bourgeon pour se
développer. Il rapetisse et diminue de volume jusqu'à disparaitre,
tout en conservant jusqu’au bout sa structure et ses proportions.
Un tel fait, s’il était bien constaté, serait certainement très-sur-
prenant et d’un haut intérêt pour la biologie ; car je ne sache pas que
chez aucun être arrivé au terme de sa vie le retour à l’enfance et à
l’état embryonnaire soit la manière habituelle de mourir. Il ne faut
toutefois préjuger de rien, et si le fait est constaté il faudra bien
l'admettre.
Le malheur est que Claparède n’apporte à l’appui de cette sur-
prenante théorie que des preuves tout à fait négatives et contestables,.
L'une des meilleures qu'il propose est ce fait qu'il n’a jamais observé
de Polypide flétri et en voie de désorganisation.
Aux extrémités des branches, dit-il, tous les Polypides sont soit à
l'état de bourgeons, soit adultes, tandis que deux ou trois rangs plus
bas ils sont tous disparus ; il doit donc s’en trouver dans l'intervalle
en train de se flétrir, et ceux-là doivent présenter une apparence
spéciale qui permette de les distinguer des bourgeons. Comme je
n'ai jamais rien vu de semblable, je dois en conclure que les Poly-
pides en voie de résorption ressemblent aux bourgeons et que pour
cette raison je n’ai pu les en distinguer.
À quoi tient que Claparède n’ait pas vu cet état intermédiaire de
décrépitude par lequel doit passer et passe en effet tout Polypide
arrivé au terme de sa croissance ? Je ne le sais; toujours est-il que
rien n'est plus fréquent, plus facile à observer et mieux reconnu par
tous les auteurs.
ht
208 LUCIEN JOLIET.
S'appuyant sur sa théorie, le savant génevois concluait que puis-
que le Polypide, arrivé au terme de la métamorphose régressive, finis-
sait par se réduire à néant, les corps bruns n’en pouvaient pas être
les restes et devaient avoir une autre origine.
La coexistence souvent observée par lui dans une même loge d’un
Polypide vivant et d’un corps brun était encore un argument qu'il
mettait eh jeu, et celui-là avait plus de valeur.
Puisque, disait-1}, il existe déjà un corps brun dans une loge où se
trouve un Polypide en pleine vigueur, le premier ne peut évidemment
pas être le résidu du second. Cette observation faite sur une Vésicu-
laire qu’il appelle à tort la Valkeria cuscuta n’a qu'une valeur appa-
rente et tombe d'elle-même lorsqu'on sait, ce que nous savons déjà,
que les Polypides se renouvellent souvent deux ou trois fois dans une
même loge, et que dans les Vésiculaires leurs restes y demeurent
relégués contre les parois, situation qui rend assez bien compte de
l’opinion que Claparède adopte comme conclusion, et d'ailleurs sous
certaines réserves, à savoir : que le corps brun est une sécrétion de
l’'endocyste.
Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’insister davantage sur une théorie
qui n’a d’ailleurs trouvé que peu de partisans ; il reste donc bien
établi pour nous que, dans tous les cas, le Polypide arrivé au terme de
son existence se flétrit, se désorganise, se réduit en une masse globuleuse
brune et que les corps bruns n'ont pas d'autre origine.
S 2. Du rôle des corps bruns.
Passons maintenant à l’examen de la seconde question : quelle est
la destinée ultérieure du corps brun ?
Peut-il servir d’origine à de nouveaux bourgeons ou de matière nu-
tritive pour leur développement ?
D’après ce que je viens de dire de sa formation, on peut prévoir
ce que je pense de son rôle. Pour moi, le corps brun n'est qu'un
résidu, un amas de matière inerte incapable de servir soit de matière
nutritive, soit de matière plastique.
A l'appui de cette manière de voir, je présenterai plusieurs preuves;
les unes seront tirées de la nature même de ces corps et de l’examen
des matériaux qui les constituent ; les autres ressortiront de la criti-
que à laquelle je soumettrai les observations de mes adversaires et
|
|
|
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 209
par laquelle j'espère démontrer que le corps brun n’est pour rien
dans le bourgeonnement qu’on lui prête.
Preuves tirées de la nature du corps brun. — Le corps brun, nous
venons de le voir, est un résidu, le reste de la matière qui constituait
un Polypide après que celui-ci a subi la désorganisation.
Peut-être cependant ce résidu est-il composé de matière plastique
et organisable pouvant servir à un nouveau développement.
Il n’en est rien; j'ai fréquemment et dans plusieurs espèces de
Bugules et de Vésiculaires soumis des branches entières à l’ébullition
prolongée dans la potasse. Après ce traitement, alors qu'il ne restait
dans toute la colonie aucune partie molle qui ne fût détruite, tous
les Polypides ayant disparu aussi bien que l’endocyste et le système
nerveux colonial, les corps bruns étaient encore reconnaissables et
le plus souvent intacts. Les plus récemment formés avaient, il est
vrai, perdu leur membrane enveloppe et par suite leur contour,
mais les granules dont ils se composaient, répandus dans la loge et y
formant un nuage jaune, étaient parfaitement reconnaissables. Quant
à ceux plus âgés qui occupaient les vieilles loges de la base, leur
membrane épaissie et sans doute chitinisée avait le plus souvent
résisté si bien, que le corps brun n'avait nullement perdu sa forme.
A l’intérieur de cette membrane la potasse avait dû pénétrer comme
elle pénètre dans l’intérieur des loges et des tiges; cependant le
contenu n'était pas altéré.
Y a-t-1l là en vérité les caractères d’un corps organisable et d’une
matière plastique ?
Voici maintenant des arguments d’un autre ordre.
Nitsche * a produit à l’appui de l'opinion que je soutiens un fait que
J'ai vérifié et que je suis à même de confirmer.
Il à figuré un corps brun contenant une Diatomée et a souvent
_ observé dans l’intérieur des fragments de test de Foraminifères et
autres particules, restes des aliments dont l’animal se nourrit et qui
se trouvaient dans son estomac lorsqu'il a commencé à se flétrir. J’ai
plusieurs fois pu constater l'exactitude de ces faits et observer moi-
. même des débris de cette nature et je crois inutile d’en donner
de nouveaux dessins, mais je reproduis un corps brun de Zower-
| bankia imbricata dans lequel les plaques chitineuses qui revêtaient le
|
|
| ! NirsCHE, Beitræge zur Kentniss der Bryvz. Zeitschr., b. XXI, taf. XXXVI,
12
ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. =— T. VI. 1877. 14
210 LUCIEN JOLIET.
gésier à l’intérieur sont parfaitement conservées et reconnaissables *.
On remarque souvent dans le rectum des Polypides en voie de
développement un stylet hyalin qu'ils rejettent lors de la première
défécation, quand ils sont devenus adultes et que Smitt a appelé le
méconium. [1 n’est pas rare de trouver au fond des loges de petits |
amas de matière granuleuse incolore contenant un de ces corps; on
peut être certain dans ce cas d’avoir affaire au reste d’un Polypide
qui s’est flétri avant d’avoir atteint son complet développement.
Au point de vue de son origine, c’est donc un corps brun, bien
qu’il n’en présente pas la couleur, ce qui est dû, comme nous le ver-
rons, à ce que les parois de l'estomac du Polypide n'avaient pas eu
le temps de contracter la teinte qui caractérise l'adulte.
En même temps qu’elle fournit un nouvel appui à l’opinion que
je soutiens sur l’origine du corps brun, la présence au milieu de sa
substance, de ces corps étrangers, traces de l’alimentation ou restes
de certaines parties de l'animal même, est certainement peu favo-m
rable à la théorie qui veut en faire un corps reproducteur ; mais pé-
nétrons plus avant encore dans l’étude de la structure du corps brun.
De quoi se compose-t-il essentiellement, à quoi doit-il sa colora-
tion si intense ?
Quand un Polypide se flétrit avant d’avoir atteint l’état adulte,
son résidu incolore finit par se réduire à un très-petit volume etl
même par disparaitre tout à fait dans la substance du funicule, sous
réserve cependant du stylet hyalin dont je viens de parler ou autres
parties dures, telles que les plaques du gésier qui, ne pouvant être
résorbées, restent inaltérées. Si, au contraire, le Polypide a vécu le | |
temps ordinaire, s’il s’est nourri, si les parois de son estomac ont eu |
le temps de prendre cette coloration intense que l’on remarqueM}
chez les individus vigoureux, quand il vient à se flétrir il ne dis= M
parait jamais entièrement et laisse toujours un résidu qui n'est (|
autre qu'un corps brun bien formé qui s'entoure d'une membrané|
de plus en plus épaisse avec l’âge.
De quoi donc se compose ce corps brun ? De tout ce que le Poly- |
pide adulte et vigoureux avait de plus que le bourgeon, c’est-à-dire |
de particules alimentaires contenues dans l’estomac et par-dessus {
tout de ces granulations brunes qui surchargeaient les parois de cet |
organe. Or, que sont ces granulations ? Sont-ce de jeunes cellules |
1 PI. VILL fig. 43.
l
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 211
hépatiques, comme le veut Smitt? Pour le savoir, suivons le dévelop-
pement d’un bourgeon à l'extrémité d'une branche. Les parois de l’es-
tomac sont d’abord incolores, puis, un peu plus tard, et dans cer-
taines espèces, avant même que le bourgeon se soit encore épanoui,
elles présentent quelques fines piquetures brunes. Si l’on examine
alors les parois de cet organe sous un fort grossissement et après
traitement par l’acide osmique ou picrique faible, on reconnaît sans
peine que ces ponctuations ne sont autres que les contenus de cel-
lules polygonales qu’à bon droit on peut nommer hépatiques. Si l'on
suit leur développement dans la Zugula flabellata, où elles apparais-
sent de bonne heure, et surtout dans les grandes espèces de Pédicel-
lines où elles sont d’ailleurs absolument les mêmes que dans les
autres Bryozoaires, on voit que leur contenu brun augmente peu à
peu de volume jusqu’à leur maturité; elles se détachent alors à la
manière des celluies épithéliales, crèvent, et versent leur contenu
dans la cavité de l’estomac. Ce contenu n’est autre qu’un granule
brun, sans doute environné d’un peu de liquide. Les granules sont
remués avec les aliments par l’action des cils vibratiles de l’estomac et
du rectum, dans l'axe duquel ils tournent longtemps d’un mouvement
très-régulier ‘.
Lorsque le Polypide se flétrit, son estomac contient donc un
grand nombre de cellules hépatiques en place sur les parois en même
temps que des granules sortis des cellules désagrégées. C’est à l’en-
semble de ces celiules et de ces granules qu'est due la coloration
des corps bruns, car la plus grande partie de leur substance en est
composée.
On voit par là que cette substance, loin d’être constituée par de
jeunes cellules prêtes à revivre, n’est formée que par des produits de
sécrétion ou d’excrétion, comme on voudra l’entendre.
Ainsi, pour nous, par son origine et par sa nature, le corps brun
est incapable de servir au développement.
J'ajouterai maintenant que, dans aucun Cas, je ne l’ai vu servir à
cet usage, bien que je me sois placé dans les mêmes conditions que
les auteurs qui en ont décrit le bourgeonnement.
Voici une loge de Bowerbankia imbricata? dans laquelle le bour-
geon se développe sur les parois à l'extrémité du funicule et fort
_ 4 PI. VILL fig. 11, et pl, IX, fig. 11 et 19.
| 2 PL VI, fig. 3. |
h
4!
Ur
à
!
|
à
.
212 LUCIEN JOLIET.
loin du corps brun préexistant. En voici une autre de Valkeria
cuscuta, où un Polypide naissant à côté d’un corps brun, mais nul-
lement à ses dépens, poursuit tout le cours de son développement,
sans que celui-ci soit altéré en aucune façon .
J’ai observé un très-grand nombre d'échantillons de Bowerbankia
imbricata, j'ai suivi le développement de plusieurs branches d’une
manière Continue pendant plusieurs mois, et je n’ai jamais vu le
corps brun participer en rien au bourgeonnement.
À mesure qu'il s’en forme un nouveau, il est relégué dans le fond
de la loge contre les parois de l’endocyste jusqu'à ce que la loge
venant à mourir elle-même, il tombe avec elle ou bien en sorte par
lercor
Voici un autre fait dont on ne semble pas suffisamment tenir
compte.
Une loge ne produit pas un nombre indéfini de Polypides et
tout le monde sait que la base des Bugules et des Eschares est com-
posée de cellules mortes ; le dernier venu des Polypides qui se suc-
cèdent dans une loge produit, comme ceux qui l’ont précédé, un
corps brun qui ne doit pas être d’une autre nature que les premiers.
Celui-là, cependant, ne bourgeonne jamais; à quoi cela tient-11°? et
comment ne tombe-t-1l pas promptement en décomposition ?
Il finit, 1l est vrai, avec le temps par s’altérer, mais nullement
comme le ferait un corps organisé ou composé de matière organi-
sable ; il change de couleur, passe au jaune sale, puis au vert, mais
sans que son contour soit de longtemps effacé et il est encore recon-
naissable alors que les branches du Polypier tombent en morceaux,
comme 1l arrive pendant l'hiver pour certaines espèces.
Ce sont là, me dira-t-on, des preuves négatives et qui n’ont pas de
valeur en face des observations précises de Lovén, de Smitt, de
Hincks, de Repiachoff. Aussi, je ne m'y arrêterai pas plus longtemps
et j'aborde immédiatement l'examen et la critique de ces auteurs.
Lovén*?, cité par Smitt, dit avoir observé la transformation des
corps bruns en larves ciliées dans la Valkeria cuscuta.
J'ai moi-même observé cette espèce pendant longtemps, j'ai vu les
corps bruns, j'ai vu les larves et de plus les œufs d’où elles provien-
nent et qui n’ontrien de commun avec les corps bruns. Ceux-ci, je
1 PI. VII, fig. 9 et 10;
2? Arsberaltelse, 1811 49, p. 366. D’après SuirT, Om Hafsbryoz., p 47.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE, 213
puis l’affirmer, se forment, comme partout ailleurs, aux dépens du
Polypide en voie de résorption.
Quant à l'œuf, ilest visible dans la loge pendant la vie du Poly-
pide et bien avant la formation du corps brun.
Il se présente d’abord comme un petit amas de protoplasma clair
primitivement accompagné d’un second, car les œufs naissent par
paires ; puis il prend une teinte jaune qui devient plus foncée à me-
sure qu'il grandit et c’est évidemment dans cet état que Lovén l’a pris
pour un corps brun.
I! en diffère, cependant, par sa forme régulièrement arrondie aussi
bien que par son contenu finement granuleux et non grumeleux,
comme celui des véritables corps bruns.
Les observations de Smitt et de Hincks peuvent paraître au pre-
mier abord plus embarrassantes. Smitt! décrit le développement de
Polypides sur le corps brun même et accompagne sa description de
figures malheureusement trop petites pour qu’on puisse bien juger
de la position des parties.
Quant à Hincks, il s'exprime dans les termes suivants :
« Sur la surface supérieure du corps brun apparaît une saillie de
matière grise granuleuse qui est l’origine du bourgeon; ce bourgeon
se développe en un Polypide dans les parois stomacales duquel se
fond le corps brun qui lui a donné naissance. Les Polypides nés de
cette sorte ont les parois brunes, tandis que les autres sont inco-
lores, » et il appuie cette description d’une figure qui ne laisse sub-
sister aucun doute.
Si donc j'ai constaté que, chez deux espèces de Vésiculaires, les
bourgeons se forment tout à fait indépendamment des corps bruns,
le plus souvent loin d'eux, je dois convenir qu’il ne m'est plus pos-
sible, en face des observations précitées, de faire, de ce rôle passif
du corps brun, une loi générale. S'il est vrai que, dans de nom-
breuses espèces, le bourgeon naît du corps brun même et finit par
s’incorporer sa substance, comment ne pas le considérer comme un
véritable corps reproducteur, et admettre qu'il est apte à bour-
geonner ?
Les observations récentes et très-précises de Repiachoff ont jeté
un nouveau jour sur cette quéstion en complétant celles de Smitt et
! Om Hafsbryoz. Utveckl. och Fettkrop., pl. V, fig. 17-19.
214 LUCIEN JOLIET.
de Hincks et en nous faisant connaître dans le détail ce que ces
deux auteurs n'ont fait qu'ébaucher : les véritables rapports du corps
brun et du bourgeon ; elles nous mettront peut-être en bon chemin.
Pour Repiachoff, il n’y a pas de relation d’origine entre le corps
brun et le bourgeon; celui-ci peut naître directement sur le corps
brun aussi bien qu à une certaine distance. Mais, tôt ou tard, il finit
par s’en rapprocher et par l’englober dans la cavité naïssante de son
estomac. Comment se fait cet enveloppement ? Repiachoff ne le pré-
cise pas; il faut bien, dit-il, qu'il y ait perforation des parois de l’in-
testin et il est probable que cette perforation se pratique dans le
voisinage des tentacules naïissants qui se résorbent pour repousser
ensuite.
Le corps brun entre alors dans l’intérieur du Polypide accompagné
de quelques granules qui sont le résidu de ces tentacules flétris. Les
granules servent de nourriture au Polypide, tandis que le reste passe
dans le rectum pour être probablement évacué par la suite. L'auteur
russe termine enfin par une conclusion tout à fait inattendue, en
assimilant le corps brun à une sorte de vitellus.
Ces observations sont accompagnées de planches dessinées d’après
la Tendra zostericola et une lepralia indéterminée et bien faites pour
inspirer la conviction, car elles sont d’un réalisme poussé parfois
jusqu à l'extrême.
Je suis à même de confirmer ces données et de les compléter par
les observations suivantes :
La figure 4 de la planche IX représente un bourgeon assez avancé
d'Æucratea chelata, dessiné le 1° juin 1877; l'extrémité inférieure de
son cæcum stomacal est en quelque sorte confondue avec un corps
brun. Celui-ci est dès à présent entouré de ces granulations jaunâtres
que Repiachoff a pris pour le résidu de tentacules naissants et qui
l’environnent souvent au milieu de la loge bien avant qu'aucun
bourgeon se voie dans le voisinage *.
Le lendemain, le corps brun a pénétré dans l’intérieur de l’esto-
mac, non pas dans le voisinage des tentacules, mais par le fond du
cul-de-sac dont les parois se sont refermées derrière lui, emprison-
nant quelques-uns des granules qui Paccompagnaient et qui restent
comme les témoins de son passage *.
Le 3 juin, forçant l’entrée de l'intestin, le corps brun, encore en-
1 PI. VIII, fig. 12.
2 PI, IX, fig. 2.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 215
veloppé de sa membrane, est passé dans le rectum refoulant devant
lui le méconium qui s’y trouvait déjà !.
L'estomac n'avait conservé d’autres restes du corps brun que les
quelques granules qui adhéraient à ses parois.
Je n’ai pu suivre plus loin le sort du corps brun sur le même sujet,
le Polypide s'étant accidentellement flétri; mais en voici un autre
qui était, le 7 juin, absolument dans les mêmes conditions que le
précédent le 3. Son rectum était distendu par un corps brun accom-
pagné d’un stylet hyalin. Le 8, le Polypide était parfaitement vivant;
mais il n’y avait plus dans son inteslin aucune trace de l’un ni de
l’autre, si ce n’est quelques légères granulations brunes.
Evidemment, le corps brun, encore enveloppé la veille de sa mem-
brane résistante, n’avait pas été absorbé par les parois du rectum, de
toutes les parties du tube digestif celles qui sont le moins propres à
l'absorption ; il avait sans aucun doute été rejeté pendant la nuit à
travers l'anus en même temps que le méconium.
Cette observation, jointe à celles de Repiachoff, nous rend
compte jusqu’à un certain point des faits dont Smitt et Hincks ont
tiré des conclusions trop hâtives, mais elle n’explique pas encore
comment ce dernier auteur à pu voir le corps brun se fondre dans
les parois du tube digestif du Polypide et les rendre distinctes par leur
couleur de celles des Polypides nés de l’endocyste. Voici quelques
figures dessinées d’après la ZLepralia granifera qui seront peut-être
plus démonstratives ?.
La manière dont l’estomac finit par englober le corps brun est tout
à fait la même que dans l’£'ucratea chelata.
Le tissu encore très-plastique dont sont constituées à cette époque
les parois de l'intestin, s'étend sur la surface du corps brun de
manière à l'envelopper dans une sorte de poche; les parois internes
de cette poche, qui ne sont autres que celles mêmes du cæcum
stomacal, s’amincissent, se perforent; le corps brun passe par cette
ouverture dans l’estomac ; les parois externes de la poche reviennent
sur elles-mêmes et servent à boucher l’ouverture, dont il ne reste
bientôt plus de trace visible.
Jusqu'ici tout s'est passé comme dans l’ÆZucratea chelata; mais le
sort du corps brun est, à partir de là, un peu différent.
1 J’ai été témoin de ce passage, qui se fait par une contraction brusque du cæcum
coïncidant avec une dilatation énorme du pylore.
2 PI, IX, fig, 5, 6,7 et 8.
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216 LUCIEN JOLIET.
Dans l’espèce qui nous occupe, en effet, son enveloppe, très-mince,
ne résiste pas à l’action des sucs de l'estomac, non plus qu’au mou-
vement imprimé par les cils vibratiles et aux contractions des parois
intestinales ; elle se détruit, et les granules bruns qu’elle contient,
mis en liberté, se répandent dans l'estomac, y tournoient et sont en-
suite promptement évacués après avoir passé dans le rectum.
Pendant leur séjour dans cet organe et dans lestomac, les gra-
nules leur communiquent leur teinte, et c’est évidemment là l’origine
de cette opinion de Hincks, que les Polypides qui naissent des corps
bruns sont seuls colorés. |
în réalité, cette coloration, qu'on peut dire artificielle, est bientôt
remplacée par la coloration naturelle, qui résulte, comme nous l'avons
vu plus baut, du développement de cellules hépatiques qui se fait
dans les parois intestinales de tous les Polypides, quelle que soit leur
origine.
Si maintenant on objecte que cette désagrégation du corps brun et
cette diffusion de sa substance dans l'estomac ressemblent à une véri-
table digestion, il sera légitime de répondre que ce n’est qu’une ap-
parence, puisque les granules sont rejetés peu à peu et imtacts par
l'anus. Je ne veux pas affirmer qu'il n'existe encore entre leurs in-
terstices quelques parties assimilables; mais je ne puis ‘pas pour cela
considérer le corps brun comme destiné spécialement à la nutrition
du bourgeon, puisque dans d’autres espèces, comme l’£ucratea che-
lata, je le vois sortir intact du rectum. 11 me semble bien plus croyable
que cette désagrégalion n’est qu'un mode d'évacuation rendu né-
cessaire par la trop grande dimension du corps brun, et facile par la
délicatesse de son enveloppe.
CONCLUSIONS.
De toutes ces observations, quelles conclusions devons-nous tirer?
Nous admettons que, bien que, chez certaines espèces (Vésiculaires
et autres), les corps bruns soient, à mesure qu’ils se produisent, relé-
gués en quelque point de la loge, il en est d’autres chez lesquelles de
nouveaux bourgeons ne naissent pas sans débarrasser la zoécie des
restes du Polypide qui les y à précédés. Pour ce faire, ils les englo-
bent dans la cavité de leur tube digestif et les rejettent par l’anus, soit
en entier, soit après les avoir désagrégés.
Cette manière de voir, appuyée sur les observations que je viens
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 217
d'exposer, me paraît rendre compte des faits pour le moins aussi
bien que celle de Smitt et de Hincks; elle a sur elle l’avantage de
tenir compte des observations de Repiachoff, qui n'étaient pas encore
faites à l'époque où ont écrit ces deux auteurs ; enfin, elle est en
accord complet avec l'opinion de Nitsche, et véritablement avec tous
les faits qui obligent à ne voir dans le corps brun qu’un résidu, un
amas de matière inerte.
Quant à ce qui est de la manière dont le bourgeon se déve-
loppe à la surface du corps brun, comme Smitt et Hincks, nous recon
naissons que le bourgeon peut naître sur la surface de ce corps dans
de nombreuses espèces; mais faut-il conclure de là que c’est aux
dépens de sa substance même qu'il se développe? Nous ne le croyons
pas. |
Pesons bien les paroles de l’auteur anglais : «Sur la surface supé-
rieure du corps brun, dit-il, apparaît une saillie de matière grise gra-
nuleuse, qui est l’origine du bourgeon.»
Remarquons d’abord que le corps brun, quand il hourgeonne, est
toujours suspendu à l’une des mailles, et ordinairement au cordon
principal du réseau qu’on nomme système nerveux colonial, et sur la
nature duquel j'aurai à m’étendre tout à l’heure !
La matière de ce réseau, non-seulement le retient par un ou
deux points, mais l'enveloppe dans une couche protoplasmique, ordi-
nairement fort mince, aux dépens de laquelle, soit dit en passant, se
constitue l'enveloppe du corps brun. Il n’est certainement pas tou-
jours facile de décider si c’est aux dépens du corps brun lui-même ou
aux dépens de cette couche protoplasmique que se forme cette
«saillie de matière granuleuse», qui est l’origine du bourgeon. Ce-
pendant, si on l’examine de près, on verra que cette saillie est tou-
jours séparée du corps brun proprement dit par la membrane enve-
loppe de celui-ci; et cela doit être, puisque, dans l’ÆZucratea chelata,
nous avons vu que le corps brun avait conservé cette membrane in-
tacte jusque dans l’intérieur même du tube digestif.
Nous avons par là la preuve directe que ce n'est pas aux dépens de
la substance inerte du corps brun que le bourgeon se développe,
mais bien aux dépens de la couche de protoplasme qui l’environne
et appartient au système nerveux colonial.
Cette origine, qui me semble démontrée par les faits, pourra pa-
1 Voir pl. XIII, fig. 1.
218 - LUCIEN JOLIET.
raître suspecte au premier abord,à cause du nom même qu’on donne
à ce tissu depuis Fritz Müller. Ces doutes disparaîtront, j'espère, lors-
qu'on'saura que le système nerveux colonial, auquel je ne conserve
ici que provisoirement le nom sous lequel on le connaît, est un tissu
essentiellement apte aux fonctions reproductrices, et que les bour-
geons se développent toujours dans sa dépendance.
En démontrant l’inertie du corps brun, nous faisons rentrer dans
un Cas déjà connu le développement par germ-capsules (groddkapsel-
bildning), admis par Smitt et Hincks. Nous diminuons d’autant le
nombre des origines qu’on donnait aux bourgeons des Bryozoaires,
nombre que j'espère dans un prochain chapitre ramener à l’unité.
Pour terminer ce débat, je formulerai sur la nature, le rôle et
l'origine des corps bruns les conclusions suivantes :
4° Tout Polypide adulte arrivé au terme de son existence, loin de
subir une métamorphose régressive, qui le ferait repasser successive-
ment par tous les états antérieurs, se flétrit, se désorganise et se réduit
intégralement en une masse arrondie de matière brune, qui est con-
nue sous le nom de corps brun ;
2° Le corps brun, résidu d’un Polypide antérieur, se compose prin-
cipalement des granulations brunes contenues dans les cellules hépa-
tiques de ce dernier, auxquelles s'ajoutent parfois des débris des
particules qui ont servi à son alimentation, et les parties dures qui
entraient dans sa constitution comme dents et plaques du gésier. Le
tout est enfermé dans une membrane qui s'épaissit avec l’âge, et qui
est produite par la couche de protoplasme qui l’environne ;
3° Le corps brun, composé de matière inerte, est incapable de
servir, soit de point de départ à de nouveaux Polypides, soit de ma-
tière nutritive pour leur développement, et les bourgeons qui peuvent
se montrer à sa surface naissent de la couche de protoplasme qui
l’environne et qui dépend du système nerveux colonial, auquel il est
suspendu ;
%° Dans certaines espèces, les nouveaux bourgeons qui naissent
dans la loge n’entrent jamais en relation avec les corps bruns, qui
peuvent se trouver au nombre de deux, ou même trois, dans une
zoécie habitée par un Polypide.
Chez d’autres espèces, le Polypide naissant commence par déblayer
sa loge du corps brun qui peut s’y trouver. A cet effet, qu’il se soit
développé à quelque distance du corps brun ou sur sa surface même,
il finit tôt ou tard par entrer en relation avec lui.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 219
Il l'englobe dans sa cavité stomacale, après quoi il le rejette au
dehors par l’anus, soit en entier avec le méconium, soit par parcelles
après l’avoir désagrégé.
CHAPITRE If.
DU ROLE ET DE LA NATURE DU SYSTÈME NERVEUX COLONIAL DES BRYOZOAIRES,
S 1. Du système nerveux colonial de la Bowerbantia
( imbricata Johnst.
Bien que j'aie, dès le début de mes recherches, examiné le système
nerveux colonial dans un certain nombre de groupes différents, afin
d’être bien fixé sur ce que les auteurs désignent sous ce nom, j'ai
bientôt senti la nécessité de porter mon attention plus spécialement
sur un type bien choisi, afin de pouvoir, en concentrant mes efforts
sur un seul point, arriver plus promptement à en posséder une con-
naissance approfondie, et d’être à même ensuite de le prendre pour
terme de comparaison.
Je me suis adressé tout d’abord à la Powerbankia imbricata.
Son abondance à Roscoff, sa transparence et les autres avantages
qu'elle offre à l'observateur, et dont J'ai déjà parlé, n’ont pas seuls
influencé mon choix ; un autre motif plus sérieux m'a surtout engagé
à prendre ce type comme le premier objet de mes recherches.
C'est en effet dans une Vésiculaire ou du moins dans un genre
très-voisin, la Serralaria Coutinhi, Müller (si cette espèce, toutefois,
peut être bien légitimement déterminée comme Sérialaire), que
Fritz Müller a décrit, pour la première fois, sous le nom de système
nerveux colonial, un cordon transparent qui parcourt la tige, renflé
en ganglions granuleux au niveau des nœuds, et accompagné d’un
plexus plus ou moins riche ft.
Ce mémoire du savant allemand a servi de point de départ aux au-
teurs éminents qui ont trouvé l’analogue de ce système dans les au-
tres Bryozoaires marins, et notamment dans les Cheilostomes, où il
est souvent plus difficile à voir.
Smitt, Claparède, Hincks et la plupart des observateurs, ont été
d'accord non-seulement pour reconnaître l'existence de ce système
1 Frirz MuLrer, Archiv für Naturgeschichie, 26° Jahrgang, 1860, p. 310-318,
pi: XIII.
220 LUCIEN JOLIET.
chez les Bryozoaires marins, mais pour affirmer ou admettre sa na-
ture nerveuse, et, si je mets à part Reichert, qui à émis à ce sujet
une opinion toute particulière ‘, je ne connais guère que le docteur
H. Nitsche qui, tout en le décrivant {avec une grande exactitude au
point de vue anatomique, ne se prononce pas sur sa véritable na-
ture, mais se refuse tout au moins à le considérer comme un sys-
tème nerveux ?.
Je ne m'attacherai pas à discuter les excellents arguments qu’il in-
voque à l’appui de sa thèse, me réservant d’y revenir plus tard ; mais,
puisque les auteurs les plus autorisés sont partagés d’opinion sur ce
sujet, il me semble naturel de remonter au mémoire qui a servi de
fondement à la théorie du système nerveux colomial, afin de voir,
en les soumettant au contrôle de nouvelles observations, si les faits
qui y sont exposés sont bien de nature à légitimer les conclusions
qu’on en a tirées.
Fritz Müller a reconnu dans la tige de la Vésiculaire qui fait l’ob-
jet de son étude :
1° Un cordon central, qui, parcourant dans sa longueur chacun des
articles de la tige, se divise à son sommet en autant de branches
que cet article fournit de ramifications *;
2 Des ganglions granuleux, qui se trouvent à la base de ces bran-
ches, aussi bien qu'à la base des zoécies * ;
3° Un plexus, qui est superposé au cordon central et qui relie
entre eux les ganglions des branches et ceux des zoécies;
4° Un nerf, qui se rend du ganglion basilaire des zoécies au bour-
geon *, et peut-être aussi à l'intestin du Polypide adulte.
Ces diverses parties sont aussi nettes, aussi faciles à observer dans
la Bowerbankia imbricata qu’elles peuvent l'être dans la Sercalaria
Coutinhu. Voyons donc si un examen attentif de leur structure et de
leurs fonctions nous permettra de les considérer, avec Fritz Müller,
comme étant! de nature nerveuse.
A. Funicule. — Prenons d’abord ce nerf qu’il a cru voir (einige
1 ReicuerT, Vergleichende anatomische Untersuchungen über Zoobotryon pellucidus
(Abh. Akud Berl., 1869).
2 Dr IH. Nrrscue, Reitræge zur Kentniss der Bryozoen (Zeitschrift f. wissens. Zool.,
Band XXI, viertes eft, p. 434-435, et Quart. Journ. of micr. sc.,t. XI, 1871, p. 155).
3 PL NE MBAMNCNE
k'PLONE Meg:
» PI. Mie. 2
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 291
Mal gesehen zu haben Glaube) se rendre du ganglion basilaire de la
zoécie à l'intestin du Polypide adulte, et qu'il a « vu avec évidence »
s'attacher au bourgeon.
Ce cordon existe manifestement chez l'adulte aussi bien que dans le
bourgeon ; il rattache l’un et l’autre au ganglion basilaire et, par suite,
au reste du système.
Tantôt granuleux, tantôt transparent, et alors fort difficile à voir,
il n’est reconnaissable, chez l'adulte, que quand l'animal est bien
épanoui,
Il ressemble alors à une amarre tendue qui rattache l'estomac au
fond de la loge, tandis que le lophophore est retenu lui-même par
les muscles grands rétracteurs.
Son diamètre estau moins égal au tiers de la largeur de l'estomac.
Pour un filet nerveux, c’est là, il faut en convenir, une assez belle
taille.
Fritz Müller dit n'avoir pas pu constater ses rapports avec le gan-
glion œsophagien. Cela ne doit pas étonner, puisqu'il n’est pas même
parvenu à s'assurer positivement de son existence.
C'est à l’extrémité du cæcum de l'estomac que ce sono vient
s'attacher, et il se prolonge même, en s’atténuant peu à peu, à une
certaine distance, sur la face ventrale de cet organe 1.
Il est extrèmement extensible et contractile, et contribue certaine-
ment par cette dernière propriété à faire rentrer le Polypide dans sa
loge, agissant alors, en quelque sorte, comme un troisième muscle
rétracteur.
Quand un Polypide se flétrit et meurt, le funicule, car c'est ainsi
que je l’appellerai maintenant, reste en connexion avec lui, jusqu’à
ce que, transformé en un corps brun, le zoïde aille se ranger sur les
parois de la loge, pour faire place à un nouvel individu en voie de
développement.
Mais pendant cet intervalle il change fréquemment de forme et
d'aspect, et, par l'intermédiaire des tissus désorganisés de l’ancien
habitant de la loge, il contracte souvent avec l’endocyste des adhé-
rences qui, sous forme de tractus, l’attachent, comme par des
amarres, en différents points de cette membrane et l'empêchent de
s’affaisser.
Lorsqu'un bourgeon se forme à nouveau sur l’endocyste d’une loge
PI VE Res f.
222 LUCIEN JOLIET.
déjà ancienne !, on le voit généralement de très-bonne heure pourvu
d’un funicule qui atteint alors presque son diamètre ; et depuis même
que mon attention a été portée sur ce point, je n'ai jamais vu se
former dans ces conditions aucun bourgeon qui manquât de cette
attache. Je suis donc porté à croire que les bourgeons se développent
de préférence sur les points de l’endocyste, où se sont fixées les
amarres dont J'ai parlé tout à l’heure, et que c’est ainsi que, dès
leur plus jeune âge, ils se trouvent naturellement pourvus d’un
funicule
Si maintenant on veut prendre en considération : l’énorme dia-
mètre du funicule par rapport à l'estomac de l’adulte et par rap-
port au bourgeon ; la large surface par laquelle il s'attache à l’un
ou à l’autre; ses propriétés contractiles; les changements de
forme qu'il peut subir dans l’interrègne de deux Polypides ; si
l’on tient compte de sa structure histologique qui nous montre
dans l'adulte des cellules fusiformes, très-semblables à celles
que J'ai reconnues dans le cordon central, et qui ne paraissent
avoir rien de commun avec les éléments d’un tissu nerveux * ;
si enfin on se rappelle que c’est dans le tissu même du funicule
que, chez certaines espèces, le testicule se développe comme Van
Beneden l’a décrit dans le genre Laguncula, il me semble qu'il sera
difficile de continuer à le regarder comme un simple nerf se rendant
du ganglion basilaire de la loge à l’estomac, et ayant avec le gan-
ghion œsophagien des rapports qu’on suppose exister, mais qu’en
somme on n'a jamais vus.
B. Ganglions. — Passons maintenant à l’étude des «ganglions » qui
se trouvent à la base des zoécies et des articles de la tige.
Il suffit de jeter les yeux sur les figures qui accompagnent le mé-
moire de Fritz Müller et dont je reproduis l’une sur mes planches”,
pour s'assurer que cet auteur ne s’est pas fait une idée exacte de
leur constitution, pas plus que des communications que les zoécies
ont avec la tige ou que les articles de celle-ci ont entre eux.
Toutes ses figures, en effet, représentent les troncs nerveux comme
passant librement et sans obstacle d’un article à l’autre, et se renflant
PLV RESTE
2 Cette induction, formée en mars 1877, a été complétement confirmée, comme
on le verra par la suite.
8 PL' NE HE ST.
# PL VITE
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 223
en ganglions au niveau des articulations. C’est en vain que dans ces
mêmes planches on chercherait les cloisons transversales qui se trou-
vent toujours à ce niveau séparant les loges les unes des autres et
coupant par le milieu ces prétendus ganglions !.
Il est évident qu'en dessinant ses figures l’auteur n’a pas eu con-
naissance de ces diaphragmes, il le dit d’ailleurs lui-même dans une
sorte de post-scriptum intercalé entre parenthèses, p. 313, et dans
lequel il reconnaît, après avoir examiné d’autres espèces de Cténos-
tomes, l'existence de séparations entre les articles de la tige ?.
Cette constatation tardive, et dont Reichert a relevé depuis l’insuf-
fisance, reste d’ailleurs sans influence sur la description qu'il fait des
ganglions et sur les conclusions de son mémoire qu’elle aurait dû
cependant modifier profondément, ainsi que nous allons le voir.
Comme Reichert l’a déerit, en effet, dans le Zoobotryon pellucidus ,
et comme je l’ai reconnu de mon côté dans la Powerbankia imbricata,
qu'on les considère, dans la tige ou sur ses côtés, comme articles
du tronc ou comme zoécies, éléments qui sont d’ailleurs équivalents
au point de vue morphologique, deux loges adultes sont toujours
séparées l’une de l’autre par un diaphragme, cloison chitineuse
comme l'ectocyste, percée en son centre d’une perforation très-fine *
dont le diamètre n’atteint guère plus d’un centième de millimètre
et reste toujours inférieur à celui du tronc nerveux et à plus forte
raison du ganglion.
Sur chacune des faces de ce disque, le cordon central de la loge
correspondante s’'épate en se confondant avec l’endocyste et forme
ainsi un amas de matière granuleuse *.
La juxtaposition de ces deux amas, qui ne sont séparés que par une
cloison souvent fort mince, présente assez bien l'apparence d’un
simple renflement du cordon central qui se continuerait sans inter-
ruption d’une loge dans l’autre.
t PI. VIL fig. 1.
? « Spæterer Zusatz : Nach Beobachtungen an anderen Ctenostomen Bryozoen
vermuthe ich dass die enizelnen Glieder durch eine von der Hülle ausgehende Quere
Scheidewand getrennt sind. »
3 REICHERT, Vergleichende anatomische Uniersuchungen über Zoobotryon pcllucidus
(Abh. Akad. Berl., 1869).
* Les diaphragmes du Zoobotryon pellucidus sont percés d’un trou environné de
plusieurs autres, ce qui constitue ce que Reichert appelle la Rosettenplatle, dans la
Bowerbankia imbricata, il n’y a qu’une seule perforation.
SPL NE Cher et 3 9.
rt
224 LUCIEN JOLIET.
Le prétendu ganglion est donc formé de deux moitiés bien dis-
tinctes, séparées par une cloison etn’ayant entre elles d’autre commu-
nication qu’une perforation très-fine qui la traverse.
Il y a loin de là à la structure que représentent les figures de Fritz
Müller; il y a loin de là aussi à ce qu'on entend généralement par un
ganglion.
C. Cordon central et pleæus. — Reste à étudier la partie essentielle
et fondamentale du système nerveux colonial, c’est-à-dire le cordon
central avec le plexus qui en dépend et n’en diffère pas d’ailleurs
pour la structure.
C'est en vain que l’on chercherait dans le mémoire de Fritz Müller
des données histologiques propres à légitimer la qualité de tissu ner-
veux qu'il prête à ce cordon. L'auteur n’a pas cherché à se rendre
compte de sa structure intime, et l'apparence extérieure du tronc, du
plexus et des ganglions, jointe à des raisons physiologiques que je
discuterai en dernier lieu, sont les seuls arguments sur lesquels il se
fonde pour en faire un système nerveux.
Quelque obscurs et peu définis que soient les caractères histologiques
des centres et des cordons nerveux dans les animaux inférieurs, la
forme des éléments qui le composent est cependant bien un argument
dont il faut tenir compte quand il s’agit de déterminer la nature d’un
tissu.
Histoiogie du cordon central. — Si l’on examine sur le vivant le cor-
don central, on y reconnaît bien, lorsqu'il est très-transparent,
quelques striations longitudinales ; on le voit très-souvent dans cer-
taines parties de la tige, chargé de granulations réfringentes plus ou
moins abondantes et parfois si serrées, qu’elles le masquent presque
complétement et ne trahissent que sa direction !.
Ce dernier fait m'avait, je l’avoue, à lui seul, déjà fortement
incliné à douter de la nature nerveuse du cordon*?, car je ne sache
pas qu’un tissu nerveux ait pour fonction ordinaire de servir de
réserve aux matières nutritives ou plastiques. Mais en somme, par
l'examen des objets frais, on n'obtient aucune notion précise sur la
structure intime de ces parties.
1 PI. VIL fig. 3 cp.
2 (Ces doutes, fondés sur les mêmes faits, ont été exprimés en 1865 par le professeur
Giglioli, qui reconnaît que « le anastomosi sono fili di granuli ben differenti nell as-
petto da veri elementi nervosi » et ne peut se rallier à l'opinion de Fritz Muller :
« Che dotava animali cosi sempliei di un sisteme nervoso cosi complicato. » (Atli delle
R. Accad. di Torino, 1866, p. 131.)
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 225
Il n'en est pas de même si on les traite par un réactif acide.
L'acide chromique, l'acide picrique réussissent à la longue, mais
c'est l'acide chlorhydrique faible et lacide osmique très-étendu
qui m'ont toujours fourni le plus promptement les meilleurs ré-
sultats. |
Si l’on à affaire à une branche où le cordon central soit bien trans-
parent, on voit immédiatement s’accuser avec la plus grande netteté
des cellules fusiformes accolées, assez allongées, pointues aux deux
extrémités, plus ou moins renflées au milieu, dirigées toutes dans le
sens longitudinal‘ et qui ne ressemblent en rien aux prétendus canaux
dont se composerait le cordon central d’après Reichert. Elles sont
finement granuleuses, présentent ordinairement quelques granules
plus gros et très-réfringents, mais je n'y ai jamais vu de noyaux à
nucléoles aussi nets que ceux que Nitsche et Claparède ont figuré
dans des parties analogues chez la #lustra membranacea*? et chez la
Serupocellaria scruposa ?.
Ces deux auteurs se sont en effet occupés de l’histologie du
système nerveux des Cheïlostomes.
Ils ont examiné, le premier un fragment du funicule (funicular
platte), le second une portion d’un filet pris dans une loge.
Tous deux ont reconnu daps ces parties des cellules fusiformes fort
analogues à celles que je présente ici comme appartenant à la Bower-
bankia, sauf en ce point que les noyaux sont beaucoup mieux accusés
chez ces Cheïlostomes.
Si ces deux auteurs s'accordent à peu près sur les faits, ils ne s’en-
tendent pas aussi bien sur leur interprétation.
Tandis, en effet, que Nitsche ne voit rien de nerveux dans ce tissu,
Claparède regrette de ne pouvoir pas décider « si ces cellules fusi-
formes dont les extrémités semblent s’effacer se continuent par une
seule fibre ou par un faisceau de fibres".
Les planches qui accompagnent ce na 5 seront beaucoup plus
démonstratives qu'aucune explication; dans le cordon je n’ai jamais
vu les prolongements que Claparède suppose à ces cellules et si des
1 PI. VIL, fig. 5.
2 Nirscue, Uber die Anatomie und Entwickelungsgeschichte von Flustra membra-
nacea |Zeilschrift für wissens. Zool., Band XXI, taf XXX VII. fig. 12).
__ % CLaparèpre, Beitrage zur Analomie und Entwickelungsgeschichte von der Seebryo-
| &oen (Zeitschrift für wissens. Zuol., Band XXI, taf. IX, 1 G).
* Zeitschrift für wissens. Zoo!., Band XXI, p. 159.
RP VI GS, 8;
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 1877. 15
226 LUCIEN JOLIET.
cellules détachées s’atténuent à l’une de leurs extrémités ou sont
reliées entre elles par des filaments sarcodiques, elles ne ressemblent
pas pour cela à des cellules polaires. Je ne vois donc pas bien à quelle
catégorie d'éléments nerveux il serait possible de les rapporter, je
dois même ajouter qu'elles présentent certains caractères et subissent
certaines modifications qui paraissent incompatibles avec la nature
d’un tel tissu.
Par leur forme, en effet, et par leur contenu, elles diffèrent les unes
des autres, non-seulement dans deux branches voisines, mais dans la
même branche, en deux régions d’un même article et sur les deux
bords d’un même cordon.
J’ai dit, en effet, tout à l'heure que le cordon central, transparent en
certains endroits, était, en d’autres, si fortement chargé de granula-
tons! que sa structure et même sa forme en étaient complétement
masquées, Même dans les parties les plus transparentes, l’un des bords
du cordon, celui qui est le plus rapproché des parois de la loge, est
toujours plus granuleux que l’autre; et si l’on en examine un tronçon
traité convenablement et sous un grossissement suffisant, on observe
toutes les transitions entre les cellules fusiformes normales qui occu-
pent le bord interne et celles qui, se trouvant au bord opposé, ren-
ferment dans leur longueur toute une série de granules très-réfrin-
gents. Ces dernières appartiennent bien cependant au cordon central
et primitivement elles ne différaient pas des autres.
N’aurait-on pas à invoquer la forme des cellules qui composent le
cordon central et qui n’est celle d'aucun élément nerveux connu, ces
variations dans leur aspect et leur contenu non-seulement dans des
régions différentes, mais sur le même point à différentes époques ne
sont assurément pas de nature à éveiller l’idée d'un système ner-
veux.
Mais, je l'ai dit, ce n’est pas la structure intime qui a servi d’argu-
ment à Fritz Müller pour motiver sa manière de voir, c’est bien plutôt |
l'apparence extérieure et notamment celle du plexus.
Plexus. — Le plexus n’est, dans l'espèce qui nous occupe, rien de#
distinct au fond du cordon central; c’est un lacis plus ou moins
compliqué de brides et de tractus qui, se détachant du cordon cen-= 4
tral ou des ganglions, s’en vont rejoindre soit d’autres parties du |
système, soit les parois de l’endocyste. La structure histologique en |
1 PL NID ME" MpI NI Op,
Ne
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 227
est toute semblable à celle du cordon principal, sauf peut-être en ceci
que les granulations y sont souvent plus abondantes.
C’est un plexus, cela est vrai, et je ne saurais lui donner un autre
nom, mais est-ce un plexus nerveux?
Saisissons tout d'abord un aveu que Claparède laisse échapper en
décrivant le système nerveux colonial de la Bugule : « On ne trouve-
rait peut-être pas deux loges, dit-il, où le plexus soit semblable à lui-
même.»
Quel système nerveux est celui-ci qui affecte des formes aussi va-
riables ? Ce que l’auteur génevois dit de la Bugule s’applique encore
plus exactement à notre Vésiculaire.
Là, en effet, dans nombre de loges iln’y a pas trace de plexusautour
du cordon central, et là où 1l existe il n'affecte aucune régularité *.
Ce n’est pas seulement en différents artieles ou en différentes
branches que sa forme varie, c’est dans le même article à différentes
époques. Dans l’espace de peu de jours une portion du plexus s’est
modifiée sensiblement sous mes yeux, puisque j'ai vu un de ses ra-
meaux s’atrophier et disparaître totalement. Dans une zoécie avant
la formation d’un nouveau Polypide et surtout pendant sa résorption,
rien n'est plus changeant que la forme qu'il affecte.
Terminons enfin cette critique par une dernière observation. Dans
tous les animaux doués d’un système nerveux, les nerfs ont des rap-
ports fixes, soit entre eux quand ils s’anastomosent, soit avec les
organes auxquels ils se rendent et auprès desquels ils sont chargés
de certaines fonctions, soit motrices, soit sensitives.
Nous venons de voir que pour leurs anastomoses elles n’ont abso-
lument rien de constant. En est-il autrement de leurs rapports avec
les organes ?
Nullement. Les branches du plexus ne se rendent pas à telle ou
telle partie du Polypide ou de la zoécie, aux muscles rétracteurs ou
extenseurs par exemple, mais on les voit au contraire se diriger vers
des points indéterminés des parois de la loge, où assurément il n’y a
ni mouvement à déterminer ni sensation à percevoir, et là, contrac-
tant adhérence avec l’endocyste par une large surface elles s’y per-
dent, s’y soudent, s’y fondent, mais n’y forment rien qui ressemble à
une terminaison nerveuse *.
? CLAPARÈDE, Zeitschr, f. wissens. Zool., t. a pr 158
il VII, fig. 1 et 2.
3 PI. XXIV, fig. 2.
un
228 LUCIEN JOLIET.
D. Remarques générales. — Conclusion. — Si l'examen attentif de
la structure intime du cordon central et de ses dépendances n’a pas
été favorable à la théorie du système nerveux colonial, nous voyons
maintenant que la connaissance plus parfaite de ce que j'ai appelé
les apparences extérieures l’ébranle encore davantage.
Deux faits anatomiques semblaient en effet surtout militer en fa-
veur du système nerveux colonial, le plexus et les ganglions.
Sans parler de sa taille vraiment démesurée, le plexus, nous venons
de le voir, présente dans sa forme et dans ses rapports une variabilité
qui n’est véritablement pas compatible avec la notion d’un système
nerveux et ses branches se rendent le plus souvent aux parties qui ont
le moins besoin de nerfs.
Quant aux ganglions, nous savons qu’on ne doit pas leur conserver
même ce nom, puisque, loin d’être des dilatations du cordon central,
ils sont presque coupés en deux par un diaphragme qui ne laisse entre
leurs deux moitiés qu'une étroite communication.
Enfin, un dernier argument tiré de l’anatomie me reste à opposer
à la théorie du système nerveux colonial des Vésiculaires.
Le funicule est tellement semblable au reste de ce système nerveux
par sa forme, par sa taille, par ses rapports avec le ganglion basilaire,
que Fritz Müller n'avait pas hésité à le considérer comme une dé-
pendance de ce système.
Ce funicule à de plus tout à fait la même structure histologique ‘
que le cordon central; il lui est donc à tous égards comparable,
Or, nous savons qu'il est éminemment contractile.
Est-ce là une propriété des tissus nerveux ?
Plusieurs de ces faits et notamment la nature des ganglions et la
structure histologique du cordon sont $i faciles à observer et moti-
vent si peu la théorie du système nerveux colonial, je dirai même
qu'ils ont tant de peine à y cadrer, qu’on est naturellement tenté de
chercher quel est l'argument puissant qui à fait passer Fritz Müller
par-dessus ces difficultés.
Cet argument, il me semble le trouver avec la plus grande évidence
au début du mémoire du savant allemand et dans la méthode même
qu'il a suivie pour exposer ses idées.
Frappé des mouvements simultanés que les divers membres d’une
colonie de Bryozoaires exécutent souvent simultanément, et dont,
1 PI. VI fig. 5.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 229
pour ma part, je verrais facilement l'explication dans une cause
commune agissant en même temps sur tous, l’auteur se demande si
ces mouvements d'ordre général et supérieur ne procèdent pas de
plus haut que des loges individuelles ; il pense qu’il doit exister un
organe de transmission qui commande tous ces mouvements, en un
mot, un système nerveux colonial, et il le cherche.
Il trouve dans la Serialaria Coutinhii un réseau de cordons qui
relient les individus, un plexus, quelque chose qui ressemble à des
ganglions ; cela suffit, c'est plus qu'il n’en faut; il s’en empare, il en
fait un système nerveux, il prédit qu'on trouvera semblable chose
dans les autres Bryozoaires ; on trouve bientôt en effet quelque chose
d’analogue dans les Cheiïlostomes, et sa théorie, confirmée d’une ma-
nière éclatante, est acceptée sans conteste jusqu’à ce que des objec-
tions très-sérieuses s’élèvent contre elle.
C'est donc, on le voit, un fait physiologique qui a fait concevoir à
Fritz Müller, je suis presque tenté de dire & priori, la nécessité d’un
système nerveux colonial.
Examinons ce fait,
Je dois dire que je n'ai jamais été témoin d’aucun de ces mouve-
ments d'ensemble exécutés par tous les individus d’une colonie, qu’il
ne me parûl avoir pour cause quelque choc ou quelque accident de
nature à frapper simultanément tous les individus.
Mais, quelque opinion qu’on ait à cet égard, reste à déterminer si
c'est bien par l’entremise du cordon central que se fait la transmis-
sion des sensations, et si cet organe est réellement capable de rem-
plir une telle fonction.
C'est ce dont j'ai essayé de me rendre compte par l’expérience
suivante :
Je choisis dans une de mes cuvettes une branche bien vivante de
Bowerbankia imbricata récemment arrivée de Roscoff.
Un Polypide était en plein épanouissement à son sommet.
J'approchai de la branche des ciseaux fins. Le seul mouvement de
l'eau fit rentrer l’animal dans sa loge.
Peu de temps après, il sortit à nouveau, je repris mes ciseaux et,
cette fois, je pinçai avec soin la branche.
Inquiété par ces mouvements, le zoïde se rétracte, mais bientôt
il ressort, puis rentre pour s'épanouir encore.
Enfin, habitué sans doute aux petites secousses que par l’in-
iermédiaire des ciseaux le tremblement de ma main déterminait
230 LUCIEN JOLIET.
dans le rameau, il resta épanoui pendant près d’une demi-minute.
Je fermai alors doucement mes ciseaux bien aiguisés, la branche se
détacha, et, en la suivant à la loupe, je pus m'assurer que, ni pen-
dant que j'en opérais la section, ni pendant qu’elle tombait au fond
du vase, le Polypide ne s'était rétracté.
Il demeura au contraire épanoui au fond de la cuvette, témoignant
bien par là qu'il était resté tout à fait étranger à l'opération qui le sé-
parait de la plus grande partie de la colonie.
Je portai ensuite la branche coupée sous le microscope, et je con-
statai que la zoécie occupée par le Polypide en question recevait bien
un rameau du cordon central qui avait été sectionné.
Un organe qui ne transmet pas aux parties auxquelles il se rend le
sentiment d’une lésion aussi considérable mérite-t-il le nom de sys-
tème nerveux ?
Il y aurait encore beaucoup d’arguments à faire valoir contre la
théorie du système nerveux colonial, mais, comme ils seraient sur-
tout tirés du rôle et de la nature de ce système, ils trouveront mieux
leur place dans le prochain paragraphe.
Pour le moment, me fondant sur les faits tant anatomiques que
physiologiques que je viens d'exposer, je me borne à déclarer que je
ne puis, en aucune manière, le considérer comme un système ner-
veux colonial.
S 2. Importance, fonctions et attributions du système nerveux colonial
des Bryozoaires.
Nous venons de terminer le chapitre qui précède par cette conelu-
sion que le prétendu système nerveux colonial de la Bowerbankia
imbricata n'avait rien de nerveux.
Cette conclusion est-elle applicable aux autres Bryozoaires ? Le
système nerveux des Cheilostomes est-il homologue de celui de la
Bowerbankia ?
A cette demande, tous les auteurs ont déjà répondu affirmativement,.
Sans doute le système en question ne se présente pas partout avec
la même forme; dans la plupart des Cheilostomes, il est impossible de
distinguer un cordon principal, tout s’y réduit à un plexus, mais cela
tient uniquement au mode de groupement des loges et à l'absence de
tronc commun.
En effet, dans les espèces où les loges se succèdent sur une seule
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 231
file formant quelque chose d’änalogue à un stolon, dans l’Anguinaria
spatulata, par exemple, on voit ce stolon parcouru par un cordon
principal duquel se détachent les funicules des Polypides successifs,
et aux points où deux articles se joignent, le cordon s’épate sur les
deux faces de la cloison qui les sépare, formant, comme dans la Bo-
werbankia, une apparence de ganglion.
L'examen histologique nous démontre encore mieux l’homologie,
ou plutôt l'identité des deux objets. Dans la Bicellaria, dans la Bu-
oule !, dans toutes les espèces que j'ai étudiées, j'ai rencontré les
mêmes cellules fusiformes que dans la Bowerbankia ; il n'y a de va-
riations que dans la taille des cellules et dans le nombre et la netteté
de leurs noyaux. — J'aurai occasion de revenir plus tard sur les di-
verses formes que peut prendre le système nerveux colonial chez les
différents Bryozoaires ; pour l'instant, je me borne à constater qu’au
point de vue anatomique et histologique, il n'y a lieu d’établir entre
elles aucune différence fondamentale.
Aussi bien, la physiologie nous conduit aux mêmes conclusions. Il
m'est plusieurs fois arrivé, voyant bien épanouis au fond de mes
cuvettes des groupes de Cellepora ou d’Alcyonidium, de ‘toucher suc-
cessivement avec une aiguille la couronne tentaculaire de chacun des
Polypides. [ls rentraient tous isolément dans leur loge sans qu'il y ait
eu en rien Communication d'impression; au contraire, ils se rétrac-
taient simultanément au moindre choc.
Si ce qu’on à désigné sous le nom de systéme nerveux colonial ne
mérite pas ce nom, qu'est-ce donc que ce plexus, cet ensemble de
cordons reconnus chez tous les Bryozoaires, quel est le rôle de ce sys-
tème, quelle est sa nature, quelle est sa signification morphologique ?
Pour répondre à cette nouvelle question, il faut reprendre de plus
près l’étude de la structure intime du tissu qui le compose.
A. Origine des cellules flottantes (Fettkroppar). — Que l’on examine,
soit à l’état frais, ou mieux après traitement par l’acide osmique
faible le cordon principal dans une branche de Bowerbankia im-
bricata® ou de Vesicularia spinosa; on reconnaîtra avec beaucoup
de facilité les cellules fusiformes qui le constituent, et, pour peu
1 PI. XII, fig. 8.
2 PI, XI, fig. 9.
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232 LUCIEN JOLIET.
que l'examen se soutienne et que l’on observe le cordon sur une
certaine longueur et dans une région où il soit bien transparent, on
trouvera certainement en quelque point des cellules plus ventrues
que les autres. Il m’est arrivé plusieurs fois, comme mes planches en
font foi ‘, de tomber sur des endroits où l’on pouvait observer sur le
cordon toutes les gradations dans la forme des cellules, depuis la sim-
ple cellute normale fusiforme et étroite, par la cellule ventrue, jusqu’à
celles qui, boursoufflées et arrondies, prêtes à se détacher, ne tiennent
plus au cordon que par une de leurs extrémités.
Il est impossible de constater ces transitions et de voir la manière
dont ces cellules arrivent à se déformer et à se séparer du cordon
sans les comparer aux celiules de même taille qu’on voit flotter dans
le liquide qui remplit les zoécies ou les articles de tiges et que les
auteurs anglais désignent sous le nom de floating cells ?.
Ces cellules, qu’on les considère au moment où elles sont prêtes à
se détacher du cordon, ou qu’on les prenne libres dans le liquide am-
biant, se composent d'une membrane mince et transparente affectant
une forme arrondie ou légèrement ovale et contiennent le plus sou-
vent un, deux ou plusieurs granules de très-petite tailie et très-ré-
fringents.
Cette catégorie de cellules flottantes n’est pas particulière aux Vé-
siculaires, j’en ai trouvé de toutes semblables dans la Picellaria ciliata*
la Bugula avicularia et plusieurs autres espèces.
Ce ne sont d’ailleurs pas là les seuls Corpuscules flottant dans le
liquide des loges qui tirent leur origine du prétendu système nerveux
colonial. On rencontre encore dans l’intérieur des articles de tige de
la Powerbankia imbricata des cellules à peu près comparables aux
précédentes pour la taille et pour la forme, mais dont la cavité, au
lieu d'être occupée par un contenu clair ne renfermant que quelques
granules disséminés, en est au contraire complétement bourrée. Ces
cellules se forment de la même manière que les précédentes, mais
dans les régions où le cordon est lui-même surchargé de granules. Il
arrive souvent que la membrane de ces cellules se déchire et laisse
échapperles noyaux qu'elle contenait, qui se trouvent de la sorte isolés
dans le liquide cavitaire et ordinairement collés aux parois de la loge.
1 PI XI fig. 9.
PI. Xhiene
Pl. ie" 10
1
|
||
|
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 233
Voici encore une espèce de corpuseules flottants qui est très-géné-
ralement répandue chez les Bryozoaires. La Lagenella nutans en à
ses loges remplies, mais c’est surtout.,chez les Cheilostomes * qu’on
la rencontre. Ce sont des granules très-réfringents, transparents, qui,
au lieu d'être arrondis comme ceux que nous venons de voir et ren-
fermés dans l’intérieur de cellules, sont libres, plus ou moins angu-
leux et ressemblent à des noyaux de cellules.
On les voit tantôt flottants, tantôt suspendus à des filaments qui
dépendent du système nerveux colonial et servent soit à réunir diffé-
rents rameaux du plexus, soit à rattacher ces mêmes rameaux aux
parois de la loge. Ces granules sont en quelque sorte un épaississe-
ment de ces filaments en certains points, une sorte de condensation à
une place déterminée du protoplasme qui les constitue, et lorsque le
filament vient à se rompre en dessus et au-dessous, ils deviennent
libres et flottent dans la cavité générale. D’autres fois 1ls résultent de
la transformation en place des cellules du cordon ou de ses dépen-
dances. Toujorers est-il que dans tous les cas, dans les zoécies adultes,
ils dérivent toujours du prétendu système nerveux colonial.
Cette espèce de corpuscule flottant est extrêmement répandu chez
les Bryozoaires; on en trouve de semblables, et se formant de la
même facon, chez les Bugules, l’£ucratea, V'Anguinaria et bien
d’autres.
Nous sommes donc en droit de dire en terminant que plusieurs des
corpuscules flottants que l’on rencontre dans le liquide cavitaire des
loges adultes dérivent du système nerveux colonial dont ils ne sont
que des éléments transformés.
Smitt? a fait une étude spéciale de ces corpuscules et de leur rôle,
mais il n'avait pas mis en relief leurs rapports avec le prétendu
système nerveux dont une des fonctions, nous le voyons par là, est
de produire des corps qu'on peut assimiler aux globules sanguins des
animaux inférieurs. |
B. Développement des éléments reproducteurs. — Le même auteur
suédois fait entre les granules de Fettkroppar ou corpuscules san-
guins et les éléments reproducteurs mâles un rapprochement qui à
été discuté, mais qui se trouve, comme nous allons le voir, parfaite-
ment fondé.
+ PIX fiat
MP. X, fer 0
5 SMiTT, Om Hafsbryozoemas Utveckling och Feltkroppar.
234 LUCIEN JOLIET.
Je prendrai pour premier sujet d'étude la Va/keria cuscuta, qui, à
cause de sa transparence, se prête à merveille à ce genre de re-
cherches. « |
Le bourgeon est à peine ébauché, on commence seulement à
reconnaître les saillies qui deviendront les tentacules, et déjà dans le
sein du funicule nettement accusé à cette époque, bien qu’il soit
souvent encore accolé sur une certaine longueur aux parois de la loge,
il se fait une prolifération active des cellules qui, à mesure qu’elles
naissent, s’arrondissent comme les cellules flottantes ordinaires et, se
repoussant les unes les autres, finissent par s’accumuler et constituer
autour du funicule une masse framboisée de forme irrégulière . On
distingue dans chacune d’elles, lorsqu'elles commencent à mürir, un,
deux ou trois petits noyaux clairs, et c’est seulement lorsque le Poly-
pide touche à son développement parfait qu’elles se détachent pour
tomber dans la cavité de la loge et finissent par laisser à découvert le
tissu central et normalement constitué du funicule. Elles se séparent
une à une ou plus souvent par paquets et le ou les noyaux qu’on
apercevait dans chacune d'elles, devenus des Spermatozoïdes par-
faits, commencent à sortir de la cellule mère en passant d’abord leur
queue à travers la paroi perforée de leur prison”. L’accumulation de
cellules mères se fait à peu près également sur toute la longueur du
funicule ; cependant vers le haut elles sont plus clair-semées, de sorte
qu'on remarque généralement assez bien tout au sommet et au con-
tact du cæcum stomacal*? deux cellules qui, comprises dans une
enveloppe commune, prennent de bonne heure une taille un peu
supérieure à celle des autres, dont elles n’étaient pas distinctes primi-
tivement. Elles sont empâtées, pour ainsi dire, dans le tissu du funi-
cule ; ce sont les rudiments des œufs. |
Plus d'un observateur a vu avant moi les cellules mères des Zoo-M
spermes se développer sur le funicule ; Van Beneden les a figurées en |
184% dans sa belle monographie de la Laguncula repens et tout le
monde sait que c’est sur le même appendice que se développe le
testicule des Bryozoaires d’eau douce. Il n’est done pas étonnant que
j'aie pu voir se former absolument de la même manière les cellules
mères dans le sein du funicule chez un certain nombre d'espèces
1,PL Xi eue
2 Pl. XL, ME.10;
B Pi, X,U£. 2,07
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 235
variées, la Zicellaria ciliata, la Bowerbankia imbricata, la Lepralia
Marty.
Il est au contraire admis généralement que les œufs se développent
vers le sommet de la loge sur les parois de l’endocyste, comme cela a
lieu chez les Bryozoaires d’eau douce. Ils ont été figurés dans cette
position par Van Beneden chez la ZLaguncula repens', par Nitsche
chez la Picellaria céliata ?, par Smitt chez la Scrupocellaria scruposa *.
Il peut donc paraître surprenant que je présente ici les œufs d’une
Vésiculaire comme se développant dans le sein même du funicule.
Rien cependant n’est plus exact et je les ai observés maintes fois à
cette place. J'ajoute que le développement de l'œuf dans le funicule
n’est pas un fait isolé ni particulier à la Valkeria cuscuta, comme
on va le voir.
J'ai observé les œufs dès l’époque où ils ne sont encore qu'indi-
qués, et suivi leur développement dans les sept espèces suivantes :
Bowerbankia imbricata, Lagenella nutans, Valkeria cuscuta, Bicellaria
cihiata, Bugula flabellata, Buqula avicularia, Lepralia Marty, et par-
tout j'ai pu constater avec la dernière évidence que des œufs nais-
saient dans le sein même du funicule, à côté des Zoospermes, et
dans la dépendance du Polypide. 6
J'ai déjà indiqué comment les choses se passent dans la Va/keria
cuscuta, où les faits ne permettent aucun doute. Ils sont tout sem-
blables dans la Powerbankia imbricata* et la Lagenella nutans, et le
mode d’origine, aussi bien que le mode d'évacuation de la larve, sont
tellement caractéristiques, comme on le verra plus loin, qu’il est im-
possible de s’y méprendre {
Dans la Bicellaria ciliata on remarque presque en tout temps au-
dessous du cæcum stomacal un corps ovoïde transparent que
Hincks a même indiqué sans en connaître la signification dans la
figure que j'ai reproduite (pl. VIIT, fig. 10). Ge corps est une dépen-
dance du funicule aux dépens de la substance duquel il est constitué.
Or, ce n'est autre chose que l'ovaire et c’est dans son sein que se
forment les œufs. La masse se divise en deux tout d’abord, les deux
moitiés restent longtemps accolées, mais l’une d’elles prend rapide-
! VAN BENEDEN, Recherches sur les Laguncules, pl. I.
? Nirsoe, Zeitschrift, Band XX, pk I, fig. 14, ov.
3 Smirr, Om Hafsbryozoernas Utveckl., pl. VIL fig. 1, o.
L PI. X, fig. 3, ov.
RL. X, fe, 1 op:
e
236 LUCIEN JOLIET.
ment un accroissement plus grand et une teinte grise, elle devient
finement granuleuse et de plus en plus opaque; enfin elle se détache
du funicule et on la voit cheminer vers le haut de la loge, se rendant
sans, doute dans l’ovicelle. La masse qui était restée en retard se
développe à son tour, à moins qu’elle ne subisse une nouvelle divi-
sion, Car J'ai souvent vu dans une même loge deux œufs en voie de
maturation indépendamment de l’ovoïde hyalin qui persistait encore,
Ces œufs ont un vitellus assez fortement granuleux et opaque pour
masquer la vésicule germinative ; il est cependant impossible de
douter de leur nature ovulaire quand on en voit, ce qui m’esl arrivé
souvent, dans l’ovicelle à tous les états de développement, depuis le
moment où ils ne sont encore segmentés qu’en deux sphères jusqu’à
celui où, passés à l’état de larve, ils sont prêts à s'échapper.
Dans la Pugula avicularia, Claparède avait déjà signalé les rapports
des œufs avec le funicule, la masse ovarienne se développe comme cet
auteur l’a reconnu de très-bonne heure ; mais, dès le début, c’est
dans le sein du funicule qu'elle se constitue et tout au sommet de
cet organe '; c’est à la même place que les œufs se produisent succes- |
sivement au nombre de deux ou quatre par des divisions successives ?,
Dans cette espèce les œufs ont de bonne heure une teinte rosée, leur
contenu est plus clair que dans l'espèce précédente et on distingue
nettement la vésicule et la tache germinative.
Dans les deux espèces, le même funicule qui produit à son sommet
des œufs, développe dans la partie inférieure des Spermatozoïdes.
Dans la Picellaria ciliata particulièrement les faits sont faciles à
observer et, tandis que l’œuf se développe vers la partie renflée de
la loge, c'est dans la région inférieure et étroite que les cellules du
funicule subissent cette transformation particulière qui en fait des
cellules mères de Zoospermes *.
Dans la Leprala Martyr Vovaire, qui est volumineux, se trouve
précisément à la place où le funicule communique avec le système
nerveux colonial des zoécies voisines et, ayant observé un très-jeune
1 Dès 1856, Huxley (Nofe on the Reproduct. org. of Cheilost Polyz., dans Q. J. micr.,
sc.,t. IV, p.191) a décrit la formation de l’œuf et des Zoospermes dans le sein du
funicule de la Bugula avicularia. L’œuf, d’après lui, est attaché immédiatement au-
dessous de l'estomac du Polypide et présente deux taches germinatives. On voit par
là que c’est l’ovaire entier, avec les deux œufs qu'il contient, que l’auteur anglais à
pris pour un œuf; mais, à part cela, sa description est très-exacte.
2 PL Xe: Et 6:
» PL X, fig. d':0m> pL'XL Me tm:
|
|
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|
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 237
ovaire, j'ai pu voir distinctement le funicule se détacher de sa surface
pour gagner le corps brun à côté duquel se développait un jeune
bourgeon ?,
C'est donc encore dans la substance du prétendu système nerveux
colonial que l'ovaire se développe chez la Lepralia Martyi. Gomme
dans les espèces précédentes, les œufs y naissent par paires, mais de
la manière suivante :
La masse ovarienne primitive se divise en deux portions, l’une
reste tout d’abord rudimentaire, l’autre au contraire se développe et
se creuse d’une cavité transparente dans laquelle apparaissent deux
œufs dont l’un prend un développement très-rapide, tandis que l’autre
attend pour se parfaire l'entière maturation du premier *.
Le testicule, dans la même espèce, dont les zoécies sont d’ailleurs,
j'ai de fortes raisons de le croire, unisexuées, se développe à la même
place que l'ovaire et aux dépens du même tissu funiculaire; on voit
nettement à travers les parois transparentes de la loge les Zoo-
spermes passer leur queue à travers des cellules rondes qui ressem-
blent absolument aux cellules flottantes du liquide cavitaire *.
En présence de ces faits, que dirai-je des observations de Van
Beneden, de Nitsche et de Smitt, qui figurent les œufs au sommet de
la loge dans trois espèces différentes ?
Je suis resté longtemps dans le doute au sujet des observations de
Van Beneden, car une Vésiculaire fréquente à Roscoff, la Lagenella
nutans, me paraissait se rapporter aux descriptions du savant profes-
seur de Louvain et J'y avais vu le développement de l'œuf se faire
d’une manière bien différente.
Je dois à l’extrême obligeance de M. Ed. Van Beneden, qui a bien
voulu recueillir et m'envoyer d’Ostende des échantillons de Lagun-
cules, d’être sorti de ce doute.
Les Laguncules que j'ai reçues de Belgique conservées dans
l'alcool étaient en pleine reproduction et j’ai pu constater la parfaite
exactitude des dessins et descriptions de l’auteur. Les œufs sont dans
l'adulte sur les parois de la loge, ils sont de fort grande taille et assez
nombreux, et il semble, lorsqu'on examine l'ovaire dans cet état,
qu'il ne puisse y avoir le moindre doute, et que réellement les œufs
se développent sur les parois de la loge et aux dépens de l’endocyste.
1 PI. XI, fis.3,:fn, ov.
2 PI, XL, fig. 6.
3 PI. XI, fig. 40.
238 LUCIEN JOLIET.
Les idées changent au contraire si l’on examine le bourgeon. Van
Beneden croit que les Zoospermes ne se développent que sur le fu-
nicule du Polypide adulte. Cependant j'ai vu avec la plus grande
netteté la masse des cellules mères au-dessus du bourgeon à peine
ébauché, elle est toute semblable à celle qu’on observe dans les autres
Vésiculaires (fig. 1).
Fi. 1.— Jeune bourgeon de Laguncula FiG. 2. — Bourgeon plus avancé ;
repens. V. B. fn, funicule ; em, cellu- les œufs qui deviennent progres-
les mères des Zoospermes et des œufs sivement distincts des cellules
non encore différenciés et se dévelop- mères de Zoospermes, s’étalent
pant dans le sein de ce cordon. sur la paroi de la loge.
“
A cette époque il n’y a pas trace d'ovaire, mais la masse des cel-
lules mères embrasse presque toute la largeur de la loge et touche
les parois.
C’est alors, comme le montre la figure 2, représentant un bourgeon
plus avancé, c’est alors que les cellules mères les plus rapprochées
du Polypide prennent un accroissement spécial et une forme particu-
lière ; il se fait en cette région une prolifération active de cellules, et
le tissu constitué par leur ensemble s’étale sur les parois de la loge, y
contracte adhérence, et lorsque le tissu du testicule commence à
s’atrophier par suite de la fonte de ses cellules et de la mise en liberté
des Zoospermes, alors seulement il y a discontinuité entre le funicule
et l’ovaire, qui, comme on le voit, en provient primitivement et n’a
pas une autre origine que le testicule.
21
‘+
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 239
Ce cas rentre donc encore dans la loi générale; mais, par le nombre
de leurs œufs et par le mode d'évacuation que van Beneden a décrit,
aussi bien que par la constitution de l'appareil operculaire, les Lagun-
eules n’en constituent pas moins, dans la famille des Vésiculaires,
un type très-remarquable et tout à fait à part. 1
Les observations de Nitsche et de Smitt ont un tel caractère de
précision, qu'il est impossible, quand on a lu les mémoires de ces au-
teurs, de douter de l'existence d’une paire d’œufs vers le sommet
de la loge dans la Picellaria ciliata et la Scrupocellaria scruposa.
J'ai, d’ailleurs, observé le même fait dans la WMembranipora mem-
branacea. Au mois de mai, les loges étaient bourrées de spermato-
zoïdes. Sur l'une des parois latérales de chaque loge et vers le bas,
on observait un amas de cellules à noyaux clairs : c'était le testicule,
fort semblable d’ailleurs à celui de la Lepralia Martyr.
Sur l’autre paroi et vers le haut, on distinguait un œuf granuleux
assez opaque,
L’ovaire, comme le testicule, était au niveau de ces plaques cri-
blées, à travers lesquelles passent d'une loge à l’autre les fibrilles du
système {nerveux colonial, et qui sont à peu près semblables dans
cette espèce à celles que Nitsche a décrites sous le nom de #osetten-
platte dans la Flustra membranacea.
Que dirai-je maintenant des œufs pariétaux de la Picellaria ciliata,
après avoir décrit comme Je l'ai fait les œufs funiculaires? Pendant
tout l’été, depuis mai jusqu’en août, je n’ai jamais vu que les œufs
funiculaires. Je les ai vus à tous les états de développement, depuis
le moment où ils diffèrent à peine d’une des cellules du funicule
d’un jeune bourgeon jusqu’à celui où, devenus volumineux et granu-
leux, ils cheminent vers le haut de la loge, depuis le moment où ils
sont encore reconnaissables dans l’ovicelle, dès le début de la seg-
mentation, jusqu’à celui où ils sont transformés en larves ciliées. Je
n'avais pu trouver aucun œuf pariétal, lorsque en septembre j’eus la
bonne fortune de rencontrer sur une même branche les deux espèces
d'œufs”. J’en conserve la préparation. Les œufs pariétaux sont très-
nets et ressemblent parfaitement à ceux que Nitsche a figurés”. Par
malheur, l’époque avancée de la saison ne m'a pas permis de pour-
suivre plus avant l'étude de ces œufs et de leurs transformations.
1 PI. X1, fg:2, ovp, ovf.
2 PI. XD te 7.
ee Re ES pe à
RE
240 LUCIEN JOLIET.
Je ne puis que donner pour ce qu'il est ce fait qui me paraît incon-
testable; la Pricellaria ciliata produit deux espèces d'œufs; les uns
dans le sein du funicule, les autres sur les parois de la loge.
Sous toutes réserves, je proposerai Cependant les considérations
suivantes :
Je n’ai jamais vu d'œufs pariétaux au commencement de l'été; j'en
al, au contraire, observé un certain nombre en septembre.
Nitsche les donne, de son côté, comme se produisant dans l'arrière
saison.
Les Picellaria, d'autre part, sont déjà en pleine reproduction au
commencement de mai et les ovicelles bourrés de larve.
Les deux modes de reproduction ne se succèdent-ils pas ?
En second lieu, j'ai constamment vu que les zoécies contenant des
œufs pariétaux étaient dépourvues d’ovicelles, bien que plusieurs
loges fussent adultes et les œufs bien développés.
Les zoécies pourvues d’un œuf funiculaire développé étaient, au
contraire, constamment accompagnées d’un ovicelle. Il est curieux
que, sur la figure de Nitsche, la zoécie où il représente des œufs pa-
riétaux manque justement seule d’ovicelle !. Est-ce un hasard ?
Dans la Scrupocellaria scruposa, j'ineline beaucoup à croire qu'il
existe aussi deux sortes d'œufs, car je n'ai aucune raison de révoquer
en doute les observations de Smitt, et cependant J'ai bien certaine-
ment vu des œufs se développer au fond de la loge et au-dessous du
Polypide au mois de juillet.
Tout en regrettant de ne pouvoir cette année étudier plus à fond
cette question, j'insisterai sur les remarques suivantes :
Ce n’est jamais sur la paroi externe de la zoécie, mais sur celle qui
est en contact avec la seconde rangée de loges, que se développent
les œufs, là où, dans la Scrupocellaria, Claparède a démontré l’exis-
tence de communications nerveuses entre les deux loges adja-
céntes?.
Il en est de même dans la Bicellaria, aussi bien que dans la Mem-
branipora prlosa.
Les œufs pariétaux paraissent donc avoir quelques rapports avec le
système nerveux colonial. En l'absence de documents précis, je ne
puis m'avancer davantage.
1 NirscxEe, Zeitschrift, Band XX, pl. I, fig. 14.
2 CLAPARÈDE, Zeitschrift, Band XXI, pl. IX, fig. 1, c.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 241
Quoi qu'il en soit, de tous les faits qui viennent d’être exposés, je
suis en droit de tirer les conclusions suivantes :
Les éléments reproducteurs mâles se développent aux dépens du
tissu du système nerveux colonial dans les sept espèces suivantes :
Bowerbankia imbricata, Valkeria cuscuta, Lagenella nutans, Lagun-
cula repens, Bicellaria ciliata, Lepralia Marty, Membranipora mem-
branacea.
Les œufs sont produits dans le sein du même tissu chez les :
Bowerbankia imbricata, Valkeria cuscuta, Lagenella nutans, Laqun-
cula repens, Bicellaria ciliata, Bugula avicularia, Bugula flabellata,
Lepralia Martyr.
Des œufs pariétaux existent chez la Picellaria ciliata et la Membra-
nipora membranacea, et sans doute chez un plus grand nombre
d'espèces.
On peut déduire de là que les Zoospermes dans tous les cas, les
œufs très-souvent, peut-être généralement, se développent, comme
les globules du liquide cavitaire, aux dépens du tissu du prétendu
système nerveux colonial.
C'est un argument de plus contre la nature nerveuse de ce tissu.
C’est une marque de son importance dans l’économie du Bryozoaire.
C’est en dernier lieu une preuve que la théorie de Ed. van Beneden
sur la distinction originaire du testicule et de l'ovaire ne saurait être
appliquée aux Bryozoaires, puisque dans plusieurs espèces, et notam-
| ment dans quatre vésiculaires, nous voyons que, loin d’être produits
| par deux feuillets différents, les éléments mâle et femelle se déve-
| loppent côte à côte et dans le même cordon.
C. Développement du Polypide. — Nous avons vu dans la première
partie de ce travail que Hincks, résumant les opinions qu’il partage
_ avec plusieurs observateurs, admettait que le renouvellement du Po-
lypide pouvait se faire de deux manières dans l’intérieur de la loge :
1° Par bourgeonnement de l’endocyste ;
: 2° Par développement du corps brun ou germ-capsule.
_ Il peut paraître invraisemblable 4 priori que le Polypide, toujours
semblable à lui-même, ait deux origines différentes. Nous savons,
d’ailleurs, que le corps brun étant incapable par lui-même de bour-
geonner, on doit admettre que le bourgeon se forme simplement à
sa surface!,
|
1 Voir plus haut, p. 25.
ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. == T, VI. 1877. 16
242 LUCIEN JOLIET.
Les figures 1 et 2 de la planche XIIT représentent, l’une, la pre-
mière ébauche d’un Polypide se développant sur le corps brun dans
l'£ucratea chelata; la seconde, un bourgeon déjà avancé se dévelop-
pant sur le funicule dans une loge dépourvue de corps brun. Il suffit
de les examiner pour se convaincre, en premier lieu, que le prétendu
bourgeonnement du corps brun dans cette espèce a pour siége véri-
table le tissu plus ou moins sarcodique qui l’environne et qui dépend
du système nerveux colonial ; en second lieu, que le bourgeon peutse
développer directement sur le système nerveux colonial en l’absence
de tout corps brun et indépendamment de l’endocyste, car le cordon
principal dans l£'ucratea chelata est suspendu dans la loge et n’est
relié à ses parois que par des trabécules de même nature.
Examinons enfin les jeunes loges qui occupent lextrémité des
branches et dans lesquelles le Polypide n’est encore qu’ébauché; nous
constaterons les faits suivants 1 : |
La jeune loge a encore la forme d’une massue ; son endocyste,
riche en cellules, est encore en pleine activité végétative?. À ce mo-
ment, le système nerveux colonial est déjà parfaitement reconnais-
sable : il a la forme d’un cordon de diamètre presque égal à celui de
la loge à sa base. Il est encore formé de cellules fortement granu-
leuses ; son extrémité supérieure, qui est arrivée à peu près à la moitié
de la longueur de la loge, est arrondie. |
Le sommet de la jeune loge s’élargit; en même temps, un tractusm
de cellules claires surmonte comme un cône transparent l'extrémité
du cordon”, c’est l’ébauche de la gaine tentaculaire; puis on voit
l'extrémité du cordon s'élargir. Son contour, d'abord uniforme, se
1 Depuis l’époque à laquelle ce texte a été rédigé, a paru dans la Revue scientifique
du 29 septembre une note de M. Barrois, dans laquelle cet observateur décrit avec
exactitude ce cas particulier du développement du Polypide dans l’Eucratea chelata.
Je suis heureux qu’il soit arrivé aux mêmes conclusions que moi, mais je m'étonne
qu’il prétende que mes observations confirment les siennes.
Comment aurais-je pu confirmer des résultats qui n’ont été énoncés que quinze
jours et publiés six semaines après que les miens eurent été communiqués à l’Acaz
démie et insérés dans les Comples rendus ?
A l’époque où je fis paraître dans les mêmes Comptes rendus (9 avril 1877) ma
première note sur le système nerveux colonial, M. Barrois n'avait encore rien pus
blié sur ce sujet ; il fit, le 24 août, au congrès du Havre, sa première lecture sur les
rapports du bourgeon avec le tissu endodermique, et dès le 13 j'avais énoncé el
défini complétement le rôle et les caractères de l’endosarque dans une note à l’Aca:
démie, qui n’était que le résumé des recherches spéciales que je publie aujourd’hui:
2 Pl, XI, 8%
8 PL XL Me. 4, 01
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 243
creuse de plusieurs échancrures qui déterminent autant de lobes, les-
quels sont les rudiments des bras. Le développement embryonnaire
n'a plus dès lors qu’à s'achever. Je n’en poursuis pas le détail.
Je n'ai jamais vu dans l’£ucratea chelata aucun bourgeon se for-
mer sur les parois de l’endocyste, et, dans les trois cas que Je
viens d'exposer, il semble manifeste que le Polypide se forme
uniquement et exclusivement aux dépens du système nerveux co-
lonial.
En est-il autrement chez les autres Bryozoaires et devons-nous
admettre que le bourgeon se forme tantôt aux dépens de l’endocyste,
tantôt aux dépens du système nerveux colonial, ou bien aux dépens
des deux couches? Je ne le crois pas, et j'espère montrer, par les
exemples qui vont suivre, que le fait que nous venons de constater
dans l’£ucratea chelata n’est point isolé.
Dans la Peania mirabilis, qui, à cause de l'isolement et de ja trans-
_parence de ses loges, se prête à merveille à ce genre d'observations,
j'ai pu constater, avec autant de netteté que dans l’£ucratea chelata,
que le Polypide se développait dans les jeunes loges aux dépens du
| Cordon principal.
Dans les Membranipora membranacea et pilosa, le bourgeon apparaît
| toujours à la base de la loge, au-dessus d’une de ces perforations qui
| mettent en communication les plexus pseudo-nerveux de deux zoécies
| successives ; dès son plus jeune âge, on voit se détacher de sa parte
supérieure des tractus de substance sarcodique qui gagnent lextré-
mité supérieure de la loge et constitueront plus tard la charpente
| de la gaîne tentaculaire *. Ces trabécules sont diversement anasto-
| mosés entre eux et forment un lacis que Smitt ou Hincks baptise-
| aient évidemment du nom de plexus nerveux.
| C’est donc dans la dépendance du plexus de la loge où il croît, et
| en communication avec celui de la loge qui précède que le bourgeon
| se constitue dans cette espèce.
Dans les Lepralia Martyiet granifera, c’est encore sur le fanicule que
se développe le jeune bourgeon, soit dans les jeunes loges, soit dans
celles qui sont déjà pourvues d’un corps brun, et dans toutes les
| espèces de Cheilostomes que j'ai étudiées, j'ai toujours vu le bour-
|geon, qu'on prétend naître de l’endocyste, se développer réellement
|
1 Voir les figures de Nitsche, dessinées d’après la Flustra memèranacea (Zeitschrift,
Band XXI, pl. XXXVI, fig. 4 et 6, tsch).
244 LUCIEN JOLIET.
sur le système nerveux colonial, aussi bien que celui qui est censé
provenir des corps bruns.
Le mode de développement de la gaîne tentaculaire est particu-
lièrement démonstratif; j'ai montré tout à l'heure comment elle
apparaissait dans deux espèces de Membranipores comme un en-
semble de trabécules ressemblant absolument au plexus nerveux des
auteurs; dans l’£ucratea chelata, nous avons vu qu’elle se présente
comme un cône de cellules transparentes qui ont absolument l'aspect
de celles qui composent les extrémités naissantes du prétendu sys-
tème nerveux ; 1l en est de même dans toutes les autres espèces de
Cheilostomes et l’on peut poser en principe comme démontré par
l'étude du développement ce fait, qui résulte aussi bien, d’ailleurs, de
l’examen de l’adulte, que la gaine tentaculaire est de même nature
que le funicule, elle se développe de même, est constituée par des
éléments fort semblables, et comme lui elle est évidemment contrac-
tile. Cette propriété contractile est facile à constater partout, mais
particulièrement chez les espèces où le Polypide peut se retirer pro-
fondément dans sa loge. Dans l’Anguinaria spatulata, par exemple,
c'est grâce à la contractilité de la gaîne que, de la partie rampante
de la loge où il se retire parfois, le Polypide peut remonter jusqu'à
l'entrée de la zoécie.
La gaine n'est donc pas, à mon avis, une invagination de l’endo-
cyste; c’est, tant au point de vue de la structure et du développement
qu'à celui des propriétés physiologiques, une véritable dépendance
du système nerveux colonial, dans le sein duquel, comme on le voit,
le Polypide se trouve compris tout entier.
Je ferai remarquer, en terminant, que l'opinion que je soutiens
sur l’origine du bourgeon n’est point en contradiction avec celle des
auteurs, mais qu’elle donne l’explication des dissentiments qui se
sont élevés entre eux.
Smitt et Hincks, en effet, ont soutenu longtemps que, dans les
Cheilostomes, le bourgeonnement s’effectuait uniquement sur la sur-
face du corps brun et nullement aux dépens de l’endocyste ; ils onb
donné à l'appui de cette opinion des figures assez démonstratives el y
n'ont admis, plus tard, le développement aux dépens de l’endocyste; »
que comme un cas secondaire et beaucoup plus rare que le premier.
Cette opinion trouve son explication naturelle dans ce fait que +
chez les Cheïlostomes le corps brun étant toujours suspendu entre |
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE, 245
les mailles du système nerveux colonial, le Polypide qui se déve-
loppe aux dépens de ce tissu paraît bourgeonner sur le corps brun
lui-même.
Quant au bourgeonnement sur lendocyste, tous les auteurs qui en
ont parlé ont-ils bien fait, tant dans leurs observations que dans l’in-
terprétation de ces observations, la distinction entre l’endocyste pro-
prement dit et le plexus nerveux? Je ne le crois pas, car ce plexus est
difficile à distinguer dans les jeunes loges, et dans les anciennes, ses
rapports avec le bourgeon ne sont pas toujours faciles à saisir, et
peuvent échapper à celui qui ne les observe pas spécialement.
Nitsche a toutefois parfaitement fait cette distinction‘, et dans son
étude du bourgeonnement des Flustres, il reconnaît que le Polypide est
suspendu au funicule et en relation avec le système nerveux colonial
qu'il désigne sous les noms de Funicularplatte, funiculi laterales, couche
| fusiforme de l’endocyste, suivant l'endroit où il le considère. Seule-
ment, il admet que le corps même du Polypide se forme aux dépens
de l’endocyste proprement dit (£pithelalschicht) sans en donner
d’ailleurs de preuve.
Salensky ? a prétendu depuis que le jeune bourgeon se montrait
composé de très-bonne heure de deux couches et que ces deux cou-
ches correspondaient l’une, la couche interne à l’épithélium externe
de la loge ou endocyste proprement dit, et l’autre à la couche in-
terne de cette même loge, couche qui n’est autre que le système
nerveux colonial.
Je ne puis partager cette manière de voir; les observations que j'ai
pu faire dans plusieurs espèces, spécialement dans l’£ucratea et no-
tamment la préparation que représente la figure 1 de la planche XIII,
m'ont toujours montré de la manière la plus nette que le bourgeon
se formait exclusivement dans le sein du système nerveux colonial et
n était relié au début à l’endocyste que par des trabécules apparte-
nant eux-mêmes au prétendu système nerveux.
Les deux couches se distinguent dès le début dans les bourgeons,
mais elles proviennent toutes d’un seul et même tissu qui se diffé-
rencie par la suite et qui n’est autre que le tissu du système nerveux
colonial.
Suivons d’ailleurs de près la formation du bourgeon d’une Vésicu-
Jaire, la Vesicularia spinosa.
1 NiTsCHE, Zeitschrift, Band XXI, p. 456.
2 SALENSKY, Zeitschrift, Band XXIV, p. 346.
246 LUCIEN JOLIET.
Les figures 44 et 412, pl. XIT, montrent le même stade à deux gros-.
sissements différents; c’est le premier indice de la zoécie.
Dans les deux figures, on voit que l’ampoule qui soulève lectocyste
est doublée intérieurement d’une couche assez épaisse d’endocyste cel-«
luleux. A l’intérieur sont des granules qui se continuent sans interrup-«
tion avec ceux du cordon principal de la tige‘auquelils appartiennent.
Cependant, à mesure que l’ampoule s’accentue, les granules s’ac-
cumulent à l'intérieur et deviennent de plus en plus nombreux
(fig. 13). Lorsque la zoécie a pris la forme d’une petite poire, mais
avant que le diaphragme ne soit apparu, on voit déjà nettement
(fig. 14) que ces granules se sont réunis en une masse arrondie qui
n’est autre que l’ébauche du Polypide. Les cellules n’ont plus qu’à
se multiplier et à se répartir en deux couches pour reproduire las
figure 45 ; un peu plus tard, apparaît dans la masse la Éfente qui est
le premier indice de la formation d’une cavité digestive (fig. 17).
On voit par là clairement que la formation du Polypide dans une
jeune loge de Vésiculaire ne peut point être regardée comme résultant
du bourgeonnement de l’endocyste, qui ne participe en aucune ma-
nière directe à sa production. Lorsqu’ontraite une jeune loge dans ces
conditions par l'alcool, le bourgeon intérieur se sépare de l’endocyste
de la manière la plus nette, pour rester uni au funicule (fig. 16).
Tel est le mode de formation du bourgeon dans une zoécie nou
velle ; étudions maintenant la manière dont ilapparaît dans une loge
ancienne lorsque le Polypide se renouvelle, et prenons pour exemple“
la Valkeria cuscuta. |
On pourrait être complétement trompé, si l’on n’examinait qu’un
bourgeon déjà avancé, tel que celui que représente la figure 3 de la
planche VI dans la Bowerbankia. A cette époque, en effet, il semble
attaché à l’endocyste.
Pour se bien rendre compte des faits, il faut les examiner dès le
début.
On constate alors : |
En premier lieu, que jamais un bourgeon ne naît sur l’endocyste
d'une loge ancienne, si ce n’est en un point où s'attache quelque
branche du funicule du Polypide précédent.
En second lieu, que la première ébauche du bourgeon est due à |
une prolifération des cellules de ce rameau funiculaire qui forment
tout d’abord comme une couronne autour d’une cellule centrale *.
1 PI, XI, fig. 11, 12, 13.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 247
Cette ébauche est, sans aucun doute, appliquée sur l’endocyste,
mais cette membrane est à cette époque et sur ce point compléte-
ment dépourvue de structure; elle ne peut donc pas vraisemblable-
ment produire les éléments du Polvpide, qui sont au contraire tout
naturellement fournis par le tissu du funicule.
Si le bourgeon se développe sur la paroi de l’endocyste, si plus
tard il contracte momentanément avec cette membrane des adhé-
rences intimes, cela ne doit pas nous surprendre.
Il est nécessaire, en effet, dans les Vésiculaires, que le Polypide s’at-
tache à la paroi et gagne de proche en proche le sommet de la loge,
puisqu'il faut que ce sommet subisse ce travail particulier, qui a pour
objet de repercer l’ouverture et de développer la nouvelle collerette.
Si dans l’£ucratea chelata et dans divers Cheilostomes le bourgeon se
développe au milieu même du cordon principal, cela se conçoit, car
le cordon ne fait que traverser la loge, venant de celle qui la précède
pour aller dans celle qui la suit, le bourgeon peut alors se développer
à mi-chemin en face l’ouverture. Dans les Vésiculaires, il n’en peut être
de même, le cordon funiculaire se termine dans chaque loge, son ex-
trémité doit correspondre à l’ouverture de la zoécie. Il faut donc
que le Polypide se trouve au sommet en contact avec l’endocyste.
Je serais presque tenté de généraliser et de dire, pour terminer, que
dans tous les Bryozoaires! le développement du Polypide se fait aux
dépens du prétendu système nerveux colonial, si les Pédicellines ne
constituaient, au dire de Salensky, une très-sérieuse et très-frappante
exception.
Cet auteur, dans un récent travail !, vient de chercher à démontrer
que le bourgeonnement de l'appareil digestif, qu’il assimile au Poly-
pide, se fait aux dépens de l’endocyste. Je produis ici une figure assu-
rément fort semblable aux siennes et dans laquelle le bourgeon est
encore réduit à cinq cellules?, mais ces cellules ne me paraissent pas
être étroitement liées à celles de lendocyste, et m'ont toujours semblé
avoir plus de rapports avec les cellules fusiformes du parenchyme.
Supposant même que l'opinion de Salensky soit fondée, comme
nous allons voir tout à l’heure que le tissu dit nerveux dérive direc-
tement de l’endocyste et que dans les jeunes bourgeons de Vesi-
cularia spinosa les granules, aux dépens desquels se constitue le
bourgeon, tout en appartenant au systéme nerveux colonial, ne sont
1 SALENSKY, Entoproctes (Ann. sc. nat., 6e série, t. V).
2 PI, XIII, fig. 9.
éme ne
ER CRT CE Te |
248 LUCIEN JOLIET.
que des cellules d’endocyste fraichement détachées des parois, on
peut dire que les deux cas sont fort voisins.
Quoi qu'il en soit,.tous ces faits, qui sont d’une constatation fort dé-
licate, demandent de nouvelles observations; je n'avancerali pas, pour
le moment, de conclusions trop absolues et dirai simplement :
Que dans l’£ucralea chelata les bourgeons sont toujours formés
exclusivement aux dépens du cordon funiculaire.
Que dans les jeunes loges de Vesicularia spinosa j'attribue au
même tissu la formation du Polypide.
Que dans les loges anciennes de Vésiculaire le renouvellement
du Polypide me parait se faire de même, sans qu'il me soit possible
cependant d'affirmer que l’endocyste n’y prend aucune part.
Enfin, que dans les Pédicellines, il reste à décider si le bourgeon
est une production directe de l’endocyste ou si, comme ailleurs, il
dérive du système nerveux colonial !.
S 3. Origine du système nerveux colonal. Ses rapports avec l'endocyste.
Maintenant que nous possédons quelques notions sur le rôle et sur
les fonctions du prétendu système nerveux colonial, nous devons
chercher à connaître son origine et ses rapports avec l’endocyste.
Pour atteindre ce but, il faut tout d’abord étudier cette dernière
membrane, qui jusqu’à présent était considérée comme le seul tissu
fondamental du Bryozoaire, et dont la structure à cependant donné
lieu à bien des discussions.
L’endocyste des Bryozoaires d’eau douce présente une structure
assez complexe sur laquelle j'aurai à revenir un peu plus loin ; il ne
peut pas être regardé dans son ensemble comme l’homologue de celui
qui tapisse intérieurement les parois résistantes des loges des Bryo-
zoaires marins, et qui se réduit à une seule couche. Malgré cette
simplicité, on a émis diverses opinions sur la structure de l’endocyste
des gymnolæmes, les uns le regardant Comme une membrane cel-
lulaire, les autres comme une membrane anhiste.
Le plus généralement, on admet avec Smitt que l’endocyste des
Ectoproctes ne présente la structure cellulaire qu'aux extrémités en
voie de développement.
‘ Au moment où nous mettons sous presse, nous recevons communication d'un
travail de Hatscheck (Zeitschrift du 18 octobre) qui traite du bourgeonnement des
Pédicellines ; mais il ne détermine pas quelle est l’origine du tissu aux dépens du-
quel se forme le Polypide.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 249
Je partage complétement cette manière de voir; dans toutes les
espèces que j'ai examinées, en l’étudiant dans les zoécies adultes, et
sur les points où il n’y à aucun mélange avec les cellules du tissu dit
nerveux, je n'ai jamais pu trouver dans l'endocyste proprement dit
aucune trace de structure cellulaire, quels que soient les réactifs
employés, acides picrique, chromique, azotique, osmique. — La
membrane, contractée par les acides, se détache de l’endocyste tout
d'une pièce et se présente comme une couche de protoplasna homo-
gène dans le sein duquel l'acide osmique révèle parfois comme une
sorte d’ornementation réticulée très-délicate qui peut indiquer une
certaine orientation dans le sarcode, mais quine peut pas être assimilé
à une structure cellulaire proprement dite. Aux extrémités végétatives,
l'aspect est fort différent. Examinons par exemple le sommet d'une
tige de vésiculaire en voie d’accroissement.
L’ectocyste y est très-mince et doublé intérieurement d’un endo-
cyste fort épais formant une sorte de calotte et présentant une struc-
ture cellulaire très-nette *.
Toute cette calotte sphérique est en effet constituée par des cellules
juxtaposées qui ont grossièrement la forme de cônes dont les bases
seraient tournées vers l’ectocyste, formant sous sa surface comme
une espèce de mosaïque irrégulière, tandis que les sommets se-
raient dirigés vers le centre. Celles de ces cellules qui sont les plus
rapprochées du pôle de la calotte sont très-allongées, tandis que
les autres sont de plus en plus courtes à mesure qu’elles s'en éloi-
enént.
Toutes, les cellules centrales surtout, présentent un noyau net et
sont très-réfringentes.
Comme les cellules centrales se multiplient sans cesse, celles des
| bords sont peu à peu repoussées, les unes se résolvent sur place en
| protoplasme pour former la couche homogène dont est constitué
| l'endocyste des parties anciennes, les autres se détachent et se trans-
| forment en corpuseules flottants qui obscurcissent par leur nombre
| l'extrémité des tiges et y forment une sorte de parenchyme. Enfin il
| en est d’autres dont le contour s’atténue en arrière au lieu de s’arrê-
| ter brusquement, et ces cellules se terminent par des prolongements
| qui s’'anastomosent entre eux et forment la première ébauche du sys-
| ème nerveux colonial; on voit en effet ces cellules, qui sont d’abord
1 P]. XIL, fig. 2 et 3.
250 LUCIEN JOLIET.
disséminées, se condenser et se rapprocher ! peu à peu jusqu’à con-
stituer un cordon dont la forme s’accuse de plus en plus nettement à
mesure qu'on s'éloigne de l’extrémité. :
Ces faits sont très-faciles à constater dans les Vésiculaires, parce
que, dans l’article terminal de la tige, aucun Polypide ne vient mas-
quer la structure ; aussi ai-je choisi cet exemple comme type, mais:
j'ai pu constater que les choses se passaient de même dans beaucoup
d'espèces.
Les prolongements postérieurs des cellules de l’endocyste primitif
sont par exemple très-remarquables dans la Bicellaria, la Bugula,
l’Eucratea ?; dans les Membranipores, on ne voit qu’assez tardivement
les premiers vestiges du plexus.
Nous devons donc admettre que c’est aux dépens des cellules des
extrémités végétatives que se forme le système nerveux colonial, de
est une dérivation de l’endocyste primitif.
Après avoir montré que le tissu qu’on désigne sous le nom de
système nerveux colonial n'avait rien de nerveux ; après avoir constaté
qu'il jouait le principal rôle dans le renouvellement du Polypide,
dans le développement des éléments générateurs et dans la produc-«
tion des corpuscules sanguins, il devient véritablement impossible
de continuer à le désigner par son ancien nom, qui n’a plus aucune
raison d'être. Il faut lui en trouver un autre. Dès à présent, et dans
l'étude qui va suivre, j'emploierai le terme endosarque comme syno=
nyme de système nerveux colonial, me réservant de justifier cette
appellation comme conclusion de ce chapitre.
8 4. Morphologie de l’endosarque.
On n’a jamais signalé le système nerveux colonial que dans les
Ectoproctes, et, parmi eux, chez les Bryozoaires marins, et nous Li
ne l'avons encore étudié que chez ces derniers.
Mais puisque l’endosarque est un tissu si constant dans ce groupe,
si important à tous égards, n’y a-t-il pas lieu de se demander si dans
les autres Bryozoaires, dans les Entoproctes, ou dans les Bryozoaires LR
d’eau douce, il n’y a pas quelque chose d’analogue ? |
LA
1 PI. XII, fig. 3.
2 b]. XII, fig. 8.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 251
Sur ces derniers, malheureusement, je n'ai pas de recherches per-
sonnelles à apporter, mais les excellents travaux de Nitsche ! ont
jeté tant de lumière sur leur structure intime et l'ont décrite avec
tant de détail et de précision, qu'appuyé par les faits reconnus de
beaucoup d’observateurs, et guidé par ce que je connais des autres
groupes, Je puis peut-être avancer quelques propositions que je ne
donne d’ailleurs que sous réserve de recherches ultérieures.
Tout le monde sait que les Bryozoaires d’eau douce ont un funi-
cule, et c’est même chez eux que cet appendice a été tout d’abord
décrit. Ce funicule est contractile, comme celui des Bryozoaires
marins, et, comme lui, s'attache à l'extrémité du cæcum du Polypide.
C'est dans son sein que se développent les statoblastes et aussi les
spermatozoïdes.
Est-il possible, en face de tous ces traits de ressemblance, de mé-
connaître, dans le funicule des Phylactolæmes, l’homologue de celui
des gymnolæmes, et par conséquent l’une des parties constitutives de
l’'endosarque ?
Mais, dira-t-on, le funicule chez les Phylactolæmes n’est pas en
rapport avec celui des Polypides voisins, il n’y a rien de comparable
à cet ensemble de cordons et de plexus qu’on avait appelé système
nerveux colorial ; ici, le fanicule est un simple prolongement de l’en-
docyste.
Mais l’endocyste, répondrai-je, l’endocyste des Phylactolæmes est-
il comparable à celui des Bryozoaires marins? Tous les auteurs s’ac-
cordent à lui reconnaître une structure beaucoup plus complexe.
Voici, d’après Nitsche, de quoi il est constitué.
Il se compose de trois couches :
Une couche interne composée d’un épithélium ciliaire très-délicat ;
Une couche externe appliquée contre l’ectocyste et formée de cel-
lules polygonales ou cylindriques.
Entre les deux, une couche musculaire formée d’une membrane
fondamentale homogène, servant de support à des fibres musculaires
longitudinales et transversales.
I me semble qu'on peut reconnaître dans la couche externe for-
mée de cellules cylindriques ou polygonales l'homologue de l’endo-
cyste proprement dit des autres Bryozoaires.
1 NirsCHE, Beitræge zur Anat. und Entwick. des Phylact. RricneRT, et pu Bois-Rev-
MOND, Archiv fur Anat., Physiol. und wissen. Medicin, t. X, 1868, p. 465.
252 LUCIEN JOLIET.
Aux extrémités végétatives, nous avons vu, en effet, que l'endo-
cyste des Bryozoaires marins est formé de cellules cylindriques, et
nous verrons bientôt que l’endocyste des Pédicellines est une mo-
saïque de cellules polygonales.
La couche interne ou épithélium ciliaire ne paraît pas avoir d’ana-
logue chez les Bryozoaires marins, dont l’organisation est plus simple.
Quant à la couche moyenne, il me semble y reconnaître des ca-
ractères communs suffisants pour l’assimiler à l’endosarque des au-
tres Bryozoaires.
C’est en effet, d’après Nitsche, de cette couche moyenne que naît
le funicule, qui n’est formé que par un prolongement de la mem-
brane fondamentale, contenant quelques fibres musculaires. Les
connexions sont donc tout en faveur du rapprochement que je pro-
pose, mails la structure ne l’est pas moins. N’avons-nous pas reconnu
à l’endosarque, au funicule de tous les Bryozoaires marins, au cor-
don principal de l'Anguinaria des propriétés contractiles ? La gaine
tentaculaire, que nous regardons comme une dépendance de l’endo-
sarque, n'est-elle pas elle-même une membrane homogène parcou-
rue par des fibres musculaires plus ou moins imparfaites, mais tou-
jours contractiles ?
Enfin, n'est-ce pas aux dépens de l’endosarque que se constituent
tous les muscles, et les fibres dont ceux-ci sont formés sont-elles
autre chose primitivement qu’une des cellules fusiformes de l’endo-
sarque ?
La couche moyenne des Bryozoaires d’eau douce mérite done
d'être comparée à l’endosarque, tant pour sa nature que pour ses
rapports avec le funicule. ;
Bien que je n’aie pas vu ces faits par moi-même, ils ont été si mi-
nutieusement décrits, qu'il m'a semblé possible de les interpréter,
tant les conclusions qu’on en peut tirer me paraissent frappantes.
On sera peut-être surpris de voir l’endosarque qu’on connaît habi-
tuellement sous la forme de cordon au centre de la loge ainsi appli-
qué sous forme de membrane sur les parois. Ge n’est, cependant,
pas là un fait isolé, etvon rencontre l’analogue chez quelques Bryo-
zoaires marins.
Nitsche lui-même décrit dans la /lustra membranacea, sous l’en-
docyste proprement dit, une couche à cellules fusiformes, qui n’est
autre que ce que tous les auteurs ont décrit sous le nom de plexus.
Dans le genre Valkeria, le funicule seul se présente sous forme de
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 253
cordon, comme d'habitude ; mais il n’y à pas dans la tige de cordon
principal, et l’on distingue nettement les cellules fusiformes de l’en-
dosarque, qui sont disséminées en plus ou moins grand nombre sur
les parois internes de l’endocyste et reliées entre elles par des pro-
longements ; il ne manque en vérité qu'un épithélium ciliaire par-
dessus pour constituer un endocyste à trois couches, comme celui
de l’Alcyonelle.
Venons-en maintenant à l’étude des Entoproctes et commençons
par les Pédicellines.
De quoi se compose une tige de Pedicellina echinata ?
D'un ectocyste ou cuticule sans structure ;
D'un endocyste formé de cellules polygonales, disposées en mo-
saique ;
D'une couche de fibres musculaires longitudinales ;
D'un parenchyme central.
Quant au stolon, il est constitué de même, avec cette seule diffé-
rence que les fibres musculaires y sont rares ou même absentes.
L'ectocyste est une membrane assez mince, chitineuse, hérissée de
piquants dans la Pedicellina echinata.
L'endocyste diffère par son aspect, suivant le lieu où on l’examine.
A l’extrémité des tiges, au-dessous du diaphragme qui en sépare les
têtes, l’endocyste est épais, réfringent et composé de cellules très-
manifestes et serrées l’une contre l’autre. Sur le reste de la tige, on
ne distingue pas facilement sur l'animal frais la structure cellulaire,
mais l’acide picrique révèle nettement les contours anguleux de cel-
lules qui dessinent sous l’ectocyste une véritable mosaïque ‘. Ces
cellules paraissent, du reste, presque dépourvues de vie; elles sont
déprimées et pauvres en protoplasma.
Elles sont également visibles dans les régions anciennes du stolon,
tandis qu'à l'extrémité les cellules de l’endocyste affectent absolu-
ment les mêmes caractères et la même disposition qu'à l'extrémité
des tiges de Vésiculaires. Les cellules qui avoisinent le pôle de la
calotte terminale sont très-allongées, et celles qui les suivent sont
de plus en plus courtes ?.
Passons maintenant à l’étude du parenchyme. C'est dans le stolon
qu'on peut l’examiner le plus facilement. Là, en effet, il n’est pas
1 PIAXII fig. 7.
2 PI. XII, fig. 1.
254 LUCIEN JOLIET.
masqué par la couche de fibres musculaires serrées qui, dans la tige,
forme un revêtement à l'intérieur de l’endocyste.
La figure 6 de la planche XII reproduit une portion de stolon, eton
voit que le parenchyme se compose en majeure partie de cellules
fusiformes qu'il est impossible de ne pas comparer à celles de l’en-
dosarque des autres Bryozoaires. Ces cellules sont reliées entre elles
par des prolongements plus ou moins rameux, qui s’entrelacent de
diverses manières. |
La manière dont se forme l’endosarque est tout à fait semblable à
ce que nous avons vu dans la Powerbankia.
Celles des cellules de l’endocyste terminal qui ne restent pas
sur les parois tombent dans la cavité du stolon non sans émettre
des prolongements sarcodiques qui les réunissent entre elles; on
les voit se déformer et s’allonger peu à peu jusqu’à prendre la
forme que nous leur avons vue dans les parties déjà anciennes du
stolon.
En somme un stolon de Pédicelline est tout à fait comparable à
une tige de Bowerbankia dans laquelle les cellules de l’endosarque, au
lieu de rester accolées les unes aux autres et réunies en un cordon
séparé des parois par un grand vide, seraient disséminées dans toute
la cavité de la tige, lâchement unies entre elles et formant une sorte
de parenchyme au sein duquel le liquide cavitaire se trouve ré-
parti.
Quelle signification devrons-nous maintenant donner aux fibres
musculaires de la tige ?
Nous avons toujours vu jusqu'ici les fibres musculaires se consti-
tuer aux dépens de cellules fusiformes appartenant primitivement à
l’endosarque ; il en est de même ici, les fibres de la tige sont des
ceilules fusiformes transformées; dans les très-jeunes tiges on ne
trouve encore que du parenchyme au-dessous de l’endocyste, les
fibres musculaires n'apparaissent que tardivement et on voit tous les
passages entre elles et les cellules fusiformes.
Le parenchyme des tiges et des stolons des Pédicellines est donc à
beaucoup d’égards tout à fait comparable à l’endosarque des autres
Bryozoaires. Quant à la manière dont ce tissu se comporte dans la
tête de la Pédicelline qui est pour nous l’homologue de la zoécie,
quant à ses rapports avec le Polypide qui pour nous est uniquement
représenté par le canal digestif et ses annexes, je crois devoir appeler
l'attention des observateurs sur les faits suivants.
|
|
:
|
|
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 255
Nitsche, dans sa belle monographie de la Pedicellina echinata",
décrit et figure, partant de l'espèce de bouton qui surmonte le dia-
phragme, deux fibres divergentes qu'il désigne sous le nom de Paren-
chymstränge nach der Unterseite der Magens, et qu’il regarde comme
des parties renforcées du parenchyme du corps.
Ces deux fibres sont représentées sur uné coupe qui sectionnerait
transversalement le canal digestif. Mais si l’on examine par transpa-
rence l’une des faces latérales de lanimal, on voit que du bouton
partent en divergeant un certain nombre de fibres ou tractus qui pas-
sent sur la surface de l'estomac et vont toutes se terminer vers le
cul-de-sac qui termine en haut cet organe à côté de l’entrée de l’æso-
phage.
Il existe un faisceau de fibres semblables de chaque côté de l’es-
tomac, qui se trouve ainsi enserré dans une sorte de collier. Parmi
ces fibres un certain nombre semblent se terminer sur la surface de
l’estomae, les autres aboutissent aux organes génitaux qui surmon-
tent immédiatement le cul-de-sac.
Dans ces faisceaux de fibres qui ressemblent étroitement aux pro-
longements des cellules du parenchyme de la tige, ne doit-on pas voir
l’analogue du funicule des autres Bryozoaires ?
Ce serait, il est vrai, un funicule double; mais il arrive chez plus
d’une espèce que le funicule principal est accompagné d’un ou deux
funicules accessoires qui s’insèrent un peu plus haut ou sur un autre
point de l’estomac; le fait de la duplicité du funicule n'aurait donc
rien en lui-même d’exceptionnel, et il est certain que ces faisceaux
présentent dans leurs connexions avec les autres parties des rapports
frappants avec le funicule.
Comme le funicule des Ectoproctes, le faisceau des Pédicellines
part du diaphragme qui est l’analogue de la perforation cloisonnaire
des Vésiculaires ; comme lui il a des rapports avec les organes de la
reproduction. Enfin nous allons voir que la partie de l'estomac sur
laquelle s’insèrent une partie de ses fibres est précisément l’analogue
du cul-de-sac stomacal des autres Bryozoaires. Qu'est-ce qui caracté-
térise en effet le cul-de-sac stomacal des Ectoproctes? c’est le grand
développement des cellules hépatiques ; or, dans les Pédicellines c’est
précisément dans cette région que les cellules hépatiques sont loca-
lisées. Cette région supérieure de l'estomac est d’ailleurs le seul
1 NiTsCHE, Zeitschrift, t. XX, pl. IT fig. 4.
EME EE RE PE
pren ht
% DEA mL
256 LUCIEN JOLIET.
cæcum de l'organe et l’on n’hésiterait pas à le comparer au cæcum
des Ectoproctes, si sa pointe, au lieu de regarder les tentacules, était
dirigée vers le fond de la loge.
Il semble que ce cæcum ait été mis dans cette position par une
sorte de torsion de l'estomac et ait entraîné dans ce mouvement
le funicule et les organes génitaux. La position du testicule entre
l'estomac et les tentacules est en effet un fait tout aussi inusité chez
les Bryozoaires que la direction du cæcum dans le même sens, et
c’est un fait remarquable que, malgré ce déplacement, ils conservent
leurs connexions.
Dans le Loxosome des Phascolosomes, que M. Carl Vogt a étudié
l'été dernier au laboratoire de Roscoff!, le savant professeur de Ge-
nève a décrit un endocyste sous une cCuticule anhiste et au centre de
la tige un*parenchyme composé de cellules fusiformes et étoilées,
assez semblable à celui des Pédicellines, quoique un peu plus lâche,
et auquel je ne puis m'empêcher de l’assimiler.
Pour toutes ces raisons, il me paraît évident que le parenchyme des
Entoproctes ne peut être comparé à autre chose qu’à l’endosarque
des Ectoproctes.
CONCLUSION.
Par la première partie de ce chapitre, nous avons démontré que le
prétendu système nerveux colonial n’a rien de nerveux.
Dans la seconde nous avons cherché à connaître quels sont le rôle
et la nature de ce tissu, et nous lui avons donné un nom.
Enfin, nous venons de voir qu'il est plus généralement répandu
qu'on ne le pense et qu’il existe sous diverses formes dans plusieurs
groupes de Bryozoaires chez lesquels on ne l’avait pas signalé, parce
que là sa forme n’a rien qui rappelle un système nerveux.
Maintenant que nous l'avons reconnu et étudié dans toutes les
familles, nous sommes à même d'en donner une définition plus pré-
Cise:
Pour nous une loge de Bryozoaire considérée au point de vue
abstrait, qu'elle soit zoécie ou article de tige, est composée de trois
couches constitutives, savoir : l’ectocyste, l’endocyste et l’endo-
sarque.
1 Carz Vocr, Arch, zool, exp., t. V.
ns
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 257
L'ectocyste est une membrane chitineuse ou encroûtée de calcaire,
anhiste dans tous les cas et sur laquelle je n'ai pas à insister. Ce n'est
pas un tissu, ce n'est pas non plus un produit de sécrétion, c’est une
couche de l’endocyste qui s’est différenciée et consolidée et qui
n'existe même pas chez la larve pendant la période d'activité.
L’endocyste et l’'endosarque sont au contraire les parties vivantes,
essentielles et fondamentales du Bryozoaire.
L’endocyste est une membrane cellulaire, un épithélum ; primiti-
vement, dans les parties jeunes et actives de la colonie elle ressemble
à un épithélium cylindrique; dans les Pédicellines elle garde partout
plus ou moins longtemps cette structure, mais dans la généralité des
Bryozoaires marins, elle la perd de bonne heure et se réduit à une
couche de protoplasme amorphe dans lequel il devient impossible de
reconnaitre aucune cellule.
C’est donc seulement aux extrémités végétatives que l’endocyste
est organisé, et, en effet, il est spécialement chargé de l’accroisse-
ment de la colonie.
L'endosarque dérive de l’endocyste par différenciation des cellules
des extrémités végétatives ; il conserve avec lui de nombreux rap-
ports ; cependant il possède une structure distincte et est générale-
ment composé de cellules fusiformes, ordinairement sans noyau net
présentant souvent des prolongements et passant parfois à la forme
étoilée.
C'est à lui qu’appartiennent toutes les formations qu’on désigne
Sous les noms de système nerveux colonial, de funicule, de couche
fusiforme de l’endocyste.
C'est lui qui constitue la tunique musculaire des loges des Bryo-
| zoaires d’eau douce, le parenchyme des tiges et des stolons des Pédi-
| cellines et du pied des Loxosomes.
Dans son sein se produisent toujours les Zoospermes et très-fré-
quemment, peut-être constamment les œufs. C'est à ses dépens pour
une part, peut-être exclusivement, que se forme le Polypide.
Pour toutes ces raisons, je crois qu'il y a lieu de le regarder comme
| quelque chose de plus qu’une couche particulière de l’endocyste et
bien comme un tissu spécial ayant un rôle, une structure, une posi-
tion bien définis et méritant .d’être distingué par un nom à lui
propre.
Par opposition au terme endocyste, je lui ai donné le nom d'’endo-
| Sarque, parçe ce que nom ne préjuge rien, il a l'avantage de n’assi-
ARCH, DE Z00L,. EXP. ET GÉN, —æ T. VI. 1877. 47
258 1 LUCIEN JOLIET.
miler ce tissu à aucun autre avec lequel son homologie ne serait pas
encore suffisamment établie, soit dans une autre classe d'animaux,
soit dans l'embryon. C’est donc un nom provisoire qui me paraît bon
pour le moment et que je serai tout disposé à changer pour un autre
plus général sitôt que j'aurai vu ou qu'on m’aura montré son homo-
logie avec l’ectoderme ou l’entoderme des animaux voisins ou de l’em-
bryon. Je continuerai donc à l’employer dans la suite de ce mémoire.
CHAPITRE I.
REPRODUCTION PAR VOIE SEXUÉE.
$ 1. Origine des éléments reproducteurs.
Nous avons vu dans un précédent chapitre que, dans plüsieurs
espèces appartenant à différents groupes, les œufs et les Zoospermes
naissent aux dépens du funicule, et pour appuyer nos conclusions
nous avons dû donner du mode de formation des éléments repro-
ducteurs dans la Valkeria cuscuta une description assez complète qui
nous dispense d’entrer dans de nouveaux détails. |
Dans la Bowerbankia imbricata les faits se passent de même ; dès.
que le Polypide commence à s’ébaucher les cellules mères apparais=
sent dans la substance du funicule et se multiplient très-rapide=
ment‘. |
Dans la Parcellaria ciliata ces cellules se montrent également de
très-bonne heure dans le sein du même cordon. Elles s’en détachent
par la suite et s’agitent dans le liquide ambiant poussées de côté et
d’autre par les battements de la queue du Zoosperme qui en sort |
graduellement.
Dans la Lepralia Martyi la masse des cellules mères est volumi-
neuse, elle masque complétement le funicule dont elle occupe là |
place, les cellules s’en détachent comme dans les espèces précédentes |
et les Spermatozoïdes s’y forment et en sortent de la même manière. |
Nous n'avons jusqu'ici parlé des œufs que pour montrer qu'ils É
prenaient naissance dans le sein du funicule, mais nous n'avons pas |
insisté assez sur l'intérêt qu'il y à à les voir naître côte à côte avec les |
Zoospermes et aux dépens du même tissu. Ce rapprochement origi= |
1 Pire:
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 259
naire est cependant un fait incontestable et rien n’est plus facile que
de le constater tant dans la Bowerbankia imbricata que dans la Val-
keria cuscuta, la Bicellaria ciliata et la Lagancula repens.
Dans les deux premières espèces l’ovaire se présente d’abord sous
la forme d'une cellule unique, située tout au sommet du funicule",
dans cette région de l’organe qui est appliquée contre les parois
latérales du cæcum stomacal. C’est dans l’intérieur de cette cellule
primitive que se produisent les deux œufs.
Le mode de formation paraît être le même pour l'œuf pariétal de
la Pricellaria aussi bien que pour l’œuf funiculaire de la même espèce
et des Bugules.
Dans la Lepralia Martyi, la formation de l’œuf que nous avons
déjà indiquée se peut suivre avec une grande netteté.
On voit très-bien la cellule primitive ou ovaire, souvent accom-
pagnée d’une ou deux autres plus petites, grandir jusqu’à présenter
l'apparence d’une grosse masse ovoïde granuleuse dans laquelle se
creuse une cavité ? où apparaissent deux œufs, qui mürissent l’un
après l’autre en se nourrissant de la substance de la cellule ovarienne.
Quand les deux premiers œufs ont quitté la loge, un second ovaire
entre en fonctions et prend la place du premier, de telle sorte qu'on
distingue souvent un œuf dans l’ovicelle et deux en train de mürir
dans la loge.
On voit par là que le mode de formation des œufs est assez uni-
forme, et quand on le rapproche de celui des Zoospermes qui se
développent à côté, il me semble qu'on peut établir un parallélisme
assez complet.
L’ovaire me paraît comparable à la cellule mère des Zoospermes.
Il se développe dans les mêmes conditions et dans le même tissu à
tel point qu’au début, dans la Valkeria cuscuta, il est difficile de dis-
ünguer l’un de l’autre.
Dans l’une il se développe un ou deux Zoospermes, dans l’autre
toujours deux œufs, dont l’un peut s’atrophier.
Enfin si l'on considère que dans certaines espèces, telles que la
Lepralia Martyi, on peut trouver deux ou trois de ces cellules mères
d'œufs que j'ai appelées des ovaires, on se rendra compte que c'est
plutôt à l’ensemble de ces paires d’œufs qu'on doit donner le nôm
1 PI. X, fig. 2 et 3.
2 PI, XI, fig. 1 et 2.
mt net
260 LUCIEN JOLIET.
d’ovaire, comme on donne celui de testicule à l’ensemble des cellules
mères de Zoospermes, et qu’il n’y a en effet de différence entre ces
organes que dans le nombre des éléments, qui est toujours considé-
rable dans le testicule et réduit à trois, deux ou un dans l'ovaire.
S 2. Hermaphrodisme.
Nous avons vu par Ce qui précède que l’hermaphrodisme est la
règle chez plusieurs Bryozoaires; c’est, en effet, le cas général, et dans
presque toutes les espèces que j’ai pu étudier à ce point de vue, j'ai
vu les deux éléments générateurs se produire dans la même zoécie.
Est-ce à dire qu’il n’y ait pas d'exception à cette loi ?
Nordmann ! à décrit depuis longtemps déjà des loges mâles et des
loges femelles dans le Zendra zostericola. Repiachoff?, qui a, dans ces
dernières années, repris l'étude de cette intéressante espèce, a modifié
les résultats de Nordmann ; mais il est arrivé à cette conclusion que, si
dans une colonie quelques loges étaient hermaphrodites, le plus
grand nombre étaient unisexuées.
La Lepralia Martyt me paraît être unisexuée. Je n'ai jamais vu
aucune loge contenir à la fois des œufs et des Zoospermes, et la dis-
position même des parties me semble incompatible avec les nécessités
de l’hermaphrodisme.
En effet, la glande génitale, au lieu d’être, comme dans Iles autres
espèces, limitée à une certaine région du funicule, paraît l’occuper
tout entier et s'étendre depuis les parois de la loge jusqu'au Poly-
pide. En second lieu l'ovaire, qui apparaît de très-bonne heure dans «
les jeunes loges et avant qu'aucun testicule ait pu déjà se constituer, 4
fonctionne très-longtemps, puisqu'il peut produire jusqu’à six œufs |
pendant un temps qui est à peu près celui de la vie de la zoécie. |
Enfin j'ai toujours vu les loges dans lesquelles se développe un
ovaire surmontées de très-bonne heure par un ovicelle, tandis que |
celles qui produisent les Zoospermes en sont dépourvues même à !
l’âge adulte. |
1 NorDMAN, Voyage de Demidoff.
? REPIACHOFF, Zeitschrift, t, XXV, p. 129,
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 261
S 3. La fécondation est réciproque.
Quoi qu’il en soit de ces deux cas exceptionnels, l'hermaphrodisme
est la règle générale chez les Bryozoaires, en ce sens que dans chaque
loge se développent à la fois des œufs et des Zoospermes.
Mais i'hermaphrodisme est-il complet, et les Zoospermes sont-ils
aptes à féconder les œufs qui se développent à leurs côtés dans la
même loge ? |
C’est là l'opinion généralement reçue et cependant, en ce qui con-
cerne quelques espèces, je suis à même de démontrer le contraire.
. J'ai même les plus fortes raisons de croire que la nécessité de l'inter-
vention de Zoospermes appartenant à d’autres loges est nécessaire
au développement de l’œuf dans la généralité des Bryozoaires.
Prenons pour premier exemple la Valkeria cuscuta. Nous avons vu
déjà que les œufs se formaient au sommet, les Zoospermes à la base
du funicule.
Le tissu du testicule a déjà pris tout son développement et les cel-
lules mères commencent déjà à se détacher, la cellule ovarienne n’est
encore reconnaissable que par sa taille et sa forme ur peu ovale.
Lorsque les Zoospermes commencent à nager autour du Polypide
devenu adulte, c'est à peine s1 l’on reconnaît dans l’ovaire une ligne
qui sépare les deux œufs ; enfin quand toutes les cellules mères étant
crevées, la zoécie est toute remplie de Spermatozoïdes qui fourmil-
lent en si grand nombre qu'ils lui donnent une teinte grise, on dis-
tingue nettement les deux œufs, mais ils ne sont encore qu’ébauchés
et sont dépourvus de vésicule et de tache germinative !.
Cependant chaque fois que le Polypide épanoui rentre brusquement
dans sa loge, on voit un faisceau de Zoospermes sortir de l’ouverture
de celle-ci et se répandre dans l’eau ambiante où ils vivent à mer-
veille. |
C'est au travers du tissu mince et délicat de la gaîne tentaculaire
qu'ils passent, probablement poussés par la pression que subit le
liquide cavitaire au moment de la rétraction brusque du Polypide.
Au bout d'un ou deux jours pendant lesquels le Polypide s’est
épanoui et rétracté fréquemment, il ne reste plus dans la loge qu’un
petit nombre de Zoospermes disséminés dans le liquide cavitaire ;
cependant les œufs ne sont pas encore mûrs.
1 PI. X, fig. 2.
262 LUCIEN JOLIET,
Le Polypide commence alors à se résorber suivant le mode habituel
et à passer à l’état de corps brun; tous ses organes se flétrissent et
s’affaissent, se réduisent de plus en plus; il se transforme en un véri-
table corps brun, qui demeure dans le fond de la loge attaché encore
au funicule par l'intermédiaire duquel les deux œufs se trouvent fixés
sur sa surface. Il n'y a plus à ce moment aucun Spermatozoïde dans
la zoécie; la loge est, par suite de la résorption de son habitant,
complétement close ; et cependant les deux œufs, qui sont encore à
peu près de même taille et renfermés dans leur enveloppe commune,
présentent encore nettement leur vésicule et leur tache germinative!.
À cette époque l’un des œufs commence ordinairement à prendre un
développement plus grand que l’autre, qui, comprimé par son aîné,
finit au contraire par s’atrophier. L’œuf unique grandit alors à l’aise
et achève de müûrir dans la zoécie hermétiquement fermée, à l’abri
des Zoospermes. Pendant cette période il double et triple de volume,
devient granuleux et acquiert une teinte jaune brunâtre qui a causé
la méprise de Lôven, qui l’a pris pour un corps brun.
A la maturité il se présente sous la forme d’une sphère assez volu-
mineuse, jaune, finement et irrégulièrement granuleuse, présentant
une vésicule germinative très-nette et renfermée dans une enveloppe
devenue très-mince et qui présente en arrière comme un petit
noyau, dernier vestige de l'œuf atrophié *?. |
À ce moment, en un point de la paroi de la loge sur lequel s’at-
tache quelque branche du funicule, apparaît un bourgeon qui se
développe rapidement en un petit. Polypide *, Celui-ci gagne le som-
met de la loge, y développe une nouvelle série de muscles pariéto-
vaginaux en même temps que deux grands rétracteurs, mais n’atteint
jamais lui-même son développement complet. Les bras restent à
l’état de bourgeons, l’œsophage ne se creuse jamais d’une cavité et
finit par se réduire à un fil, le rectum contient un méconium. Par
l'intermédiaire de la branche du funicule sur laquelle il s'est déve-
loppé, le Polypide est en relation avec l'œuf, de sorte que la gaîne
tentaculaire, le Polypide, son funicule et l'œuf sont alignés sur un
même cordon.
La portion du funicule comprise entre le Polypide et l’œuf se rac-
1 PI. XIII, fig. 5.
2 PL. XIIL, fig. 8 or.
3 PL XIII, fig. 5.
BRYOZOAÏRES DES CÔTES DF FRANCE. 263
courcit alors beaucoup, tandis que la gaine tentaculaire s’allonge, le
Polypide arrive ainsi à toucher l'œuf, il glisse alors sur ses côtés et
le même Polypide que j'avais vu le 48 juillet dans la même loge au-
dessus de l'œuf était le lendemain passé au-dessous, tandis que l'œuf
avait pris place dans sa gaîne tentaculaire !. Quelque étonnant que ce
fait puisse paraitre, Je l'ai observé maintes fois et le donne comme
positif.
Le petit Polypide s'atrophie de plus en plus, si bien qu'il ne reste
plus de lui derrière l’œuf que son méconium?; cependant il a prêté
à l'œuf ses muscles pariéto-vaginaux et grands rétracteurs?, ceux-ci
sont insérés au-dessous de l'œuf sur l'enveloppe qui le soutient et qui
est le résultat hétérogène de la fusion du petit Polypide avec la
gaine tentaculaire.
Dès lors, par l'intermédiaire de cette gaine l’œuf est en libre com-
munication avec l’eau ambiante, par le jeu de ses muscles il peut
être porté jusqu’à l’entrée de la loge, et c’est évidemment ainsi qu’il
est fécondé. Je n’ai pas été témoin de l’acte même de la fécondation
| Jes tissus de la loge, de la gaine, les muscles qui masquent plus ou
moins l’œuf rendraient l'observation très-difficile; mais j'ai vu très-
fréquemment les Zoospermes nager autour des loges et arriver jus-
qu'à l’entrée. Je puis d’ailleurs placer le moment où la féconda-
tion s'effectue entre des limites très-étroites. J'ai, en effet, vu les œufs
tant qu'ils sont encore au-dessous du Polypide auxiliaire être toujours
pourvus de leur vésicule germinative; j'en ai observé un qui était
passé au-dessus depuis quelques heures seulement et qui n’était pas
encore segmenté ; un troisième, tout au début de la segmentation,
était depuis peu dans la gaîne, car le Polypide auxiliaire était encore
reconnaissable au-dessous; enfin toutes les larves, depuis le commen-
cement de la segmentation jusqu à celui où elles sont évacuées, sont
toujours dans ja gaîne tentaculaire, et au-dessous d’elles on recon-
nait toujours le méconium du Polypide auxiliaire.
C’est donc toujours après le moment où il a passé au-dessus du
Polypide que l'œuf est fécondé, c’est-à-dire lorsqu'il est en commu-
nication avec l’eau ambiante chargée de Spermatozoïdes.
Lorsque la larve est dans la gaine tentaculaire, elle se comporte
RPE XML né Get 7.
2 PI. XILL fig. 8, m.
> PI, XIII, fig. 8 et 9, mgr.
264 LUCIEN JOLIET.
absolument comme ferait un Polypide. Attachée par son funicule au
fond de la loge, mue en haut ou en bas par ses muscles rétracteurs,
pariétaux et pariéto-vaginaux, elle peut se retirer tout au fond de la
loge ou se porter tout à l’entrée en suivant la gaîne qui se déroule;
c’est même par cette voie qu'elle s'échappe au moment de l’éclosion;
mais l’œuf suit les mêmes mouvements avant la fécondation, et c’est
sans doute au moment où il se trouve vers le haut de la loge qu'il
reçoit le Zoosperme.
Quoi qu'il en soit, deux faits ressortent incontestablement de ces
observations.
En premier lieu l'œuf de la Valkeria cuscuta n’est point fécondé par
les Zoospermes développés dans la même loge que lui. En second
lieu, il ne peut être fécondé que par les Zoospermes provenant des
autres loges et qui sont constamment répandus dans l’eau ambiante.
Les faits que je viens d'exposer ne sont pas particuliers à la
Valkeria cuscuta, ils se passent exactement de la même manière dans
la Bowerbankia imbricata et dans la Lagenella repens.
J'ai observé à plusieurs reprises dans ces deux espèces la larve se
développant dans la gaîne tentaculaire, remuée par ses muscles, portée
jusqu'à l’entrée de la zoécie, et c’est assurément par cette voie que
l'embryon est évacué.
Chez les Bugula avicularia et flabellata, dans la Bicellaria ciliata, j'ai |
vu des œufs encore pourvus de leur vésicule et de leur tache germi-#
native dans des loges dont tous les Spermatozoïdes avaient déjà |
disparu. Il est donc certain pour moi que dans ces espèces le concours #
de Zoospermes étrangers est nécessaire à l’œuf. Reste à déterminer 4
le moment de la fécondation. |
Bien souvent j'ai été témoin de l'évacuation des Zoospermes qui
dans ces espèces se fait, comme dans les Vésiculaires, à travers la |
gaine tentaculaire; bien souvent j'ai vu les éléments mâles nager 4
autour des loges et des ovicelles; ils peuvent donc très-bien, à travers 1
l’eau ambiante aller d’une loge à l’autre.
Une autre considération me porte à croire qu'il en est de même |
chez la généralité des Bryozoaires, c’est l'abondance des Zoospermes. |
Il s’en produit habituellement dans une loge un si grand nombre |
que celle-ci en est obseurcie. Une telle quantité serait-elle nécessaire |
pour féconder des œufs contenus dans la même zoécie et qui en sont {
environnés de toutes parts, et n'est-il pas plus probable que, s’il se fait |
une si grande production de Zoospermes, c’est qu'il s’en fait une |
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 265
grande perte et qu'un grand nombre, entraînés par les courants, n'’ar-
riveront pas à destination ?
Enfin, puisqu'il existe des Bryozoaires à loges unisexuées, il faut
bien que les Zoospermes passent des loges mâles aux loges femelles ;
par où se fait le transport? Sans aucun doute à travers l’eau am-
biante.
Cherchons maintenant s'il n’est pas possible de préciser le moment
où se fait la fécondation ; mais, pour cela, il nous faut aborder une
nouvelle question qui a fait l’objet de beaucoup de controverses,
celle des ovicelles.
S 4. Question des ovicelles.
Les ovicelles sont des cellules globuleuses qui surmontent les loges
avec la cavité desquelles elles sont en rapport de diverses manières
et dans lesquelles on rencontre chez beaucoup de Cheïlostomes des
larves en voie de développement. Nitsche a fort soigneusement décrit
leur mode de formation dans la Prcellaria ciliata ; mais leur forme et
leurs rapports avec la loge ne sont pas partout les mêmes.
Toujours est-il que Huxley affirme que les œufs naissent dans les
zoécies et ne passent dans les ovicelles que lorsqu'ils sont mûrs, pour
y suivre leur développement embryonnaire comme dans une sorte de
marsupium. Hincks prétend au contraire que les œufs naissent et se
développent dans l’ovicelle.
Je n'ai jamais rien vu qui puisse justifier cette dernière manière de
voir, et tous les faits sont, au contraire, en faveur de la théorie de
Huxley.
Nous avons vu à plusieurs reprises que! était le lieu précis du dé-
veloppement des œufs, nous savons que c’est la zoécie, et dans la zoécie
le funicule. Nous avons vu l’œuf grandir, se détacher du tissu produc-
teur et serapprocher de l’ouverturedelaloge ; l'ovicelle est encore vide ;
à côté on trouve des ovicelles dans lesquels des œufs, tout semblables à
ces derniers, sont déjà au second stade de la segmentation. On peut
conclure de là, avec grandes chances de ne pas se tromper, que l'œuf
passe de la zoécie dans l’ovicelle, et que c’est à ce moment qu'il est
fécondé.
Je n'ai jamais assisté au passage dans les bugules ou la Bicellarra,
mais Jai été témoin au moins des premières phases de ce phénomène
dans la Lepralia Martyr.
266 LUCIEN JOLIET.
Dans cette espèce l’ovicelle surmonte la loge, les-cavités de l’un et
de, l’autre sont en communication par un large canal, et la lèvre oper-
culaire, se trouvant sur la ligne de soudure de l’ovicelle avec la loge,
sert à fermer l’une et l’autre à la fois.
Je vis le 41 août, à huit heures du matin, un œuf qui avait déjà
perdu sa tache germinative et avait abandonné l'ovaire pour gagner
le sommet de la loge; peu de temps après son bord supérieur avait
dépassé un peu la ligne de charnière de la lèvre operculaire ; à cinq
ARS ce
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FiG. 3. — Lepralia Martyi. OŒEuf F1c, 4. — Mème loge, dessinée à la cham-
commençant à s'approcher de bre claire quelques heures après et dans
l'entrée de l’ovicelle. laquelle l'œuf est déjà fortement engagé
dans le passage de l’ovicelle, \
heures du soir il avait presque atteint la ligne courbe supérieure de
cette même lèvre; l'œuf était donc fortement engagé dans le canal de
communication. Je n'ai pu suivre plus avant le phénomène, les condi-
tions auxquelles j'étais obligé de soumettre mon sujet pour permettre
l'observation à tout moment ayant fini par le tuer; mais il n'avait
qu'à se poursuivre pour amener en quelques heures l’œuf entier
dans l'ovicelle. |
Fussé-je même privé de cette observation directe, les faits suivants
me semblent suffisants pour établir le fait de la migration de l’œuf. Si
à la fin de juillet on examine un rameau bien développé de Zugula
avicularia ou flabellata, on reconnaît : au sommet, des ovicelles en voie
1 Dans la Bicellaria et les Bugules l’œuf est accompagné d’un bourrelet particulier
et souvent coloré de l’endocyste de l’ovicelle, qui semble le séparer de lentrée ; ce
bourrelet, qui se développe comme une sorte de caduque, a pu faire croire à Hincks
que l’œuf se produisait derrière lui dans l’ovicelle.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 267
de formation, puis des ovicelles contenant des larves!, puis une zone
d'ovicelles vides, puis une nouvelle région où les larves s’y trouvent ;
si l’on compare l’état des loges à celui des ovicelles, on s'aperçoit que
les loges surmontées par des ovicelles vides contiennent elles-mêmes
des œufs presque mûrs, tandis que dans les autres les œufs, s’il y en a,
sont encore à l’état d’ébauche.
IL ressort de là nettement que dans les espèces où plusieurs œufs
se forment successivement dans les loges, ils se succèdent dans les
ovicelles, et que, lorsqu'une larve vient d’éclore, l’ovicelle reste vide
jusqu’à ce qu'un nouvel œuf vienne remplacer l’ancien.
De l’ensemble des observations et des arguments que je viens de
présenter je crois pouvoir tirer les conclusions suivantes :
1° Règle générale, les œufs ne peuvent être fécondés que par des
Spermatozoïdes étrangers à la loge qui les produit ;
20 Dans certaines espèces la fécondation par un Zoosperme étranger
a lieu dans la loge même que l’œuf occupe. Aïlleurs elle a lieu soit
dans l’ovicelle, soit au moment du passage dans l’ovicelle.
S 5. Développement de l'œuf.
Nous avons parlé déjà de l’origine des éléments reproducteurs et de
la fécondation. Je devrais maintenant traiter la question du dévelop-
pement de la larve. Un observateur français ! s'occupe aussi de cette
question sur laquelle il à fait paraître plusieurs notes. Il est néces-
saire d'attendre la publication complète du travail; car les données
qui ont été publiées dans des notes succinctes, ne sont pas suffisantes
pour qu'on puisse se livrer sur leur compte à un examen eritique.
Je passerai donc cette question sous silence et j’aborde immédiate-
ment l'étude de la fixation de la larve et de son développement en
colonie.
S 6. Métamorphose de la larve.
Depuis plusieurs années on sait que les larves ciliées des Bryozoaires
qui possèdent pendant leur vie errante une organisation assez élevée
la perdent complétement lorsqu'elles se fixent avant de donner nais-
sance à une nouvelle colonie.
1 M. Barrois, : ;
268 LUCIEN JOLIET.
J'ai pu réunir quelques observations assez complètes qui ne lais-
sent aucun doute à ce sujet.
Les larves du Sarcochitum polyoum sont extrêmement abondantes
à la fin de mai; on peut se faire une idée de leur forme en les compa-
rant à un champignon dont le pied serait très-court et presque aussi
large que le chapeau.
Si l’on examine la larve par la face qui correspond au-dessus du
chapeau, on voit que le disque est bordé d’une simple rangée de
grandes cellules cubiques toutes hérissées de cils vibratiles. Au centre
on distingue une masse grise granuleuse volumineuse qui ne laisse
entre sa surface et la bordure de cellules qu’un étroit espace occupé
par un protoplasme clair, mais rempli de cellules rameuses de formes
diverses.
Cette masse grise centrale montre à peu près la forme d’un cœur
de cartes à jouer. Au-dessus de l’échancrure de ce cœuret dans l’es-
pace qui la sépare de la bordure de cellules ciliées, fse trouve un
corps ovoïde grisâtre formé de cellules olivaires disposées transversa-
lement de part et d'autre, d’une dépression ou fente longitudinale
qui paraît être l’orifice buccal, et est armé de longs cils vibratiles
constamment en mouvement.
Ce corps celluleux est très-mobile ; il peut, en repoussant devant
lui la portion de la bordure de cellules ciliaires qui l’avoisine, pro-
duire à la surface de l'embryon une sorte de rostre, et l’on voit très-
fréquemment cette saillie s’accuser nettement.
Grâce à ses longs cils vibratiles, la larve s’agite vivement dans l’eau,
en tournoyant de ce mouvement particulier à un si grand nombre de
Bryozoaires.
Au bout de douze, quinze, vingt-quatre heures de vie active, habi-
tuellement la larve commence à se fixer.
Ses mouvements deviennent plus lents; les cils disparaissent peu à
peu et leur mode de destruction est aussi facile qu'intéressant à
suivre sous le microscope. À l’extrémité des cils qui se ralentissent,
on voit d’abord perler une gouttelette réfringérènte, qui augmente de
plus en plus de volume en absorbant la substance du cil jusqu’à ce
qu’elle soit arrivée à la surface de la cellule. Le cil se résout donc de
l'extrémité à la base en une gouttelette de protoplasme. C'est là le
premier indice de décrépitude chez la larve, qui reste au fond de la
cuvette et ne tarde pas à s’y coller. Les cellules de la bordure ciliaire
se désagrégent alors, perdent leur noyau, puis leur contour, et finis-
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 269
sent par passer à l'état de granules un peu plus volumineux que Îles
autres et disséminés dans le protoplasme sous-jacent. Les cellules
olivaires du corps ovoïde subissent le même sort; la masse centrale
grise cesse d’être distincte du reste de l’animal, dans lequel on ne
reconnaît plus qu’une masse homogène de protoplasme granu-
leux.
Cette masse ne reste pas sphérique ; elle s'étale sur le fond qui le
supporte et v prend une forme irrégulière.
Etant parvenu à faire fixer un certain nombre de larves sur des la-
melles de verre mince que j'avais déposées au fond de mes cuvettes,
j'ai pu suivre sur un même individu successivement toutes les phases
du développement pendant une semaine.
Le 18 mai, un embryon cilié, semblable à celui que je viens de dé-
crire, se fixa sur une de mes lamelles vers cinq heures du soir.
Le 19, à sept heures du matin, il s'était transformé en une masse
déprimée et à contour irrégulier de sarcode granuleux, au sein du-
quel on distinguait nettement une sorte de biscuit de protoplasme
transparent et homogène, ébauche de embryon.
A six heures du soir, l'embryon avait grandi et une fente longitu-
dinale, quise voyait déjà le matin, s'était accusée, formant une sorte
de vide limité par le protoplasme.
Le 20, à six heures du soir, cet anneau s'était divisé en un certain
nombre de lobes ébauches des bras.
Le 21, à huit heures du matin, les lobes avaient grandi et formaient
une véritable couronne. Au-dessous se voyait l'ébauche d’une cavité
digestive, et au-dessus une sorte de cloche, premier indice de la gaîne
tentaculaire. De plus, une fine ligne transversale avait séparé de la
zO6CIe primitive un segment supérieur destiné à devenir une nouvelle
loge.
Le 22, à huit heures du matin, on distinguait dans le Polypide
l’'æsophage, l'intestin, et même les muscles grands rétracteurs.
Dans la nouvelle zoécie détachée la veille apparaissait l’ébauche
d’un Polypide.
Le 23 mai, à neuf heures et demie du matin, le premier Polypide
est plus avancé ; le bord antérieur de la zoécie qu’il occupe, qui était
droit au moment de la production de la nouvelle loge, s’est arrondi et
percé d’une ouverture.
Dans le second Polypide, la couronne aux dépens de laquelle se
formeront les bras est devenue distincte; enfin, sur les côtés, entre
270 LUCIEN JOLIET.
l'ancienne et la nouvelle zoécie, apparaissent deux loges latérales qui
se séparent par des cloisons de la zoécie primitive.
Le 24%, à une heure de l'après-midi, le premier Polypide s’est para-
chevé; dans le second apparaissent les lobes rudiments des bras;
enfin, sur les côtés, dans les loges latérales, deux noyaux clairs an-
noncent la formation de Polypides.
Le même jour, à trois heures de l’après-midi, j’assiste au premier
épanouissement du Polypide, qui, après plusieurs tentatives, finit par
forcer l'entrée de la loge et ouvrir dans l’eau sa couronne de dix-huit
tentacules ciliés, recueillant de la nourriture pendant plus d’une
heure.
Le 29, ce même Polypide commençait à se flétrir, les trois autres
continuaient à se développer.
L’Alcyonidium hispidum de Smitt (Ælustrella hispida de Redfern) suit
un développement tout à fait analogue, mais la larve est douée d’une
organisation plus complète et tout à fait comparable au Cyphonautes.
Entre deux valves transparentes, qui rappellent pour la forme
celles d’un cypris, se trouve un tissu délicat et transparent dont la
texture est loin d’être la même sur tous les points!. Vers la partie
postérieure se trouvent en effet des traînées fortement granuleuses;
tandis qu’en avant une petite masse de tissu celluleux foncé, dont le
profil ressemble vaguement à une tête d’oiseau?, s'agite fréquem-
ment, mue qu'elle est par plusieurs fibres musculaires? très-distinctes,
qui s’attachent en arrière. Du côté du dos de l’animal, c’est-à-dire
vers la jonction des valves, se voit une petite saillie * portant des soies
roides-et qui ressemble à celle des larves de Pédicellines; enfin, du
côté opposé, sur la face ventrale, les tissus bordent les valves en de-
dans comme le manteau d’un acéphale, et leur bord libre, constitué
par de grandes cellules, est couvert de cils vibratiles. On remarque
une houppe de cils plus actifs au niveau du corps en tête d'oiseau.
Cette larve, si compliquée avec ses cellules vibratles, son corps
mobile, ses muscles, se comporte absolument comme celle du Sar-
cochitum polyoum. Toute la matière vivante se réduit dans l’espace
de quelques heures en une masse ovoïde de protoplasme amorphe
{ PI, XIII, fig. 3.
2 PI. XIII, fig. 3 p.
5 PI, XIII, fig. 3 m.
“ PI, XILL, fig. 3 cs.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 271
qui s'amasse dans l'intérièur des valves à cheval sur la charnière, et
c'est dans ce protoplasme, constituant une zoécie primitive, qu'on
voit apparaitre la tache claire qui est le premier indice de l'embryon",
et que, plus tard, on voit se développer les bras et s'achever l’orga-
nisation du Polypide, absolument comme dans le Sarcochitum polyoum
que j'ai pris pour type, parce que ses larves sont extrêmement abon-
dantes, moins délicates que celles de la Ælustrella hispida, et suppor-
tent mieux l'observation continue.
J'ai observé encore avec détail le développement de la Bugula fla-
bellata, mais Nitsche l’a si bien décrit que je ne puis que renvoyer à
sa description, dont J'ai pu de tout point vérifier l’exactitude?.
On croit généralement que la première loge produite par la larve
des Vésiculaires est une portion de la tige, dans laquelle aucun Poly-
pide ne se développe, mais sur laquelle bourgeonnent des zoécies. Il
n’en est rien. J'ai suivi avec soin les métamorphoses de la larve de la
Bowerbankia imbricata, et voici ce qui est résulté de mon examen :
La larve de la Zowerbankia a quelque peu la forme d’un melon,
comme l'a justement fait remarquer M. Barrois; elle est revêtue
d’une enveloppe ciliaire générale, et sa couleur est d’un rouge brique
pâle.
Lorsqu'elle se fixe, elle prend une forme arrondie irrégulière et se
revêt d'une membrane. On voit alors s’accuser à l’intérieur une
masse rouge, dont la couleur devient de plus en plus foncée et la
structure plus granuleuse. Cette masse diminue peu à peu de volume
et pourrait être au premier abord prise pour un corps brun. L'espace,
qui grandit de plus en plus entre elle et la membrane externe de la
larve, se remplit d’un protoplasme légèrement granuleux. Bientôt on
y distingue un point plus clair; c’est là que le Polypide commence à
s’ébaucher dans la zoécié primitive; le corps rouge, formé de matière
nutritive, ne disparait que petit à petit, comme dans la première loge
des Bugules.
A l'exemple de Repiachoff”, je ne puis me défendre de comparer
la désorganisation momentanée de la larve à celle du Polypide dans
les loges ordinaires. C’est un fait bien remarquable et bien caracté-
CPIXIIE Ge. 4.
2 Nirsoue, Zeitschrift, Band XX
3 Repracnorr, Zeüschrift, 26.
272 LUCIEN JOLIET.
ristique des Bryozoaires que cette sorte de rénovation de l’organisme
obtenue par la destruction et la résorption des parties anciennes, et
il n’est pas étonnant de trouver dans le développement de la larve un
exemple de ce qui se voit plus tard constamment chez l'adulte. Je
suis disposé à comparer au Polypide le corps en tête d'oiseau de la
Flustrella hispida. C'est avec la bordure de cellules ciliées le seul
corps organisé qui soit dans la larve, car toute la masse centrale est
composée de protoplasme plus ou moins granuleux. De plus, on ne
peut pas voir ses mouvements de protrusion et ses rétractions brus-
ques sans y reconnaitre les allures d’un Polypide ; enfin, les deux
faisceaux de muscles qui causent ces mouvements ne sont-ils pas ana-
logues aux muscles grands rétracteurs ?
C’est dans ce corps qu'est creusée la fente armée de longs cils
qu'on appelle {a bouche. Mais, dans cette espèce, elle n’est pas suivie
d'un tube digestif, comme dans le Cyphonautes, et n’aboutit qu'à une
dépression en cul-de-sac.
Je pense qu’on doit lui assimiler le corps celluleux et protrusible,
également creusé d’une fente buccale du Sarcochitum polyoum, aussi
bien que la rosette de cellules que Nitsche décrit dans le voisinage des
flagellums et de la bouche dans la larve de la Bugula flabellata *. I]
est probable qu'une étude plus complète des différentes larves des
Bryozoaires amènerait à trouver d’autres analogies et d’autres exem-
ples des mêmes faits.
CHAPITRE IV.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES.
Les observations nouvelles que nous avons présentées dans le cours
de ce travail, les conclusions particulières que nous en avons tirées
nous permettront-elles d'aborder les problèmes qui se posent sueces-
sivement à tous les observateurs depuis cinquante ans sans qu’on en
ait donné encore une solution satisfaisante ?
Le Polypide est-il un individu, ou un organe, ou un ensemble
d'organes ?
La zoécie est-elle un individu ? Celui-ci consiste-t-il, au contraire,
dans l’ensemble des zoécies, dans la colonie elle-même ?
1 Nirscue, Zeilschrift, Band. XX, fig. 1.
EE
PR EE RE TR
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 273
A qui, de la zoécie ou du zoïde, appartiennent les fonctions repro-
ductrices ?
Quelle est la place des Bryozoaires dans la classification ?
Si j'essaye de coordonner et de discuter les idées qui ont été émises
sur ces différentes questions et de les mettre en harmonie avec les
observations que j'ai exposées dans le cours dé ce mémoire, si je
tente enfin de tirer de cet ensemble quelques conclusions générales,
je ne dois pas oublier que je sors ici du domaine des faits.
C'est simplement l’opinion que je me suis faite au cours de ces
études dont je vais donner l'exposé motivé.
Je ne reprendrai pas l'historique des différentes vues qui ont été
proposées depuis Peyssonel sur la nature des Bryozoaires. Ce travail
a été fort bien fait par Nitsche et il est inutile d'y revenir ‘. Je résu-
merai simplement les principales opinions qui ont cours aujourd’hui.
Une première théorie est due à Grant, a été adoptée par M. Milne-
Edwards et Ehrenberg, et est encore soutenue quelquefois.
La zoécie et le Polypide ne formeraient qu'un même individu, élé-
ment de la colonie. Le Polypide ne serait qu’un organe de respiration
| et de digestion, la zoécie serait son enveloppe, son manteau.
Suivant Allmann, au contraire, la zoécie est un véritable individu,
_ produisant par bourgeonnement intérieur le Polypide, l'ovaire et le
testicule, qu'il considère comme trois formes nouvelles d'individus,
la première très-élevée, les deux dernières très-simplifiées.
Nitsche adopte la théorie d’Allmann avec des modifications.
La zoécie est pour lui un individu, mais un individu sexué, Caril
| ne consent pas à faire de l'ovaire et du testicule deux êtres distincts;
| ces deux organes font à ses yeux partie intégrante de la zoécie. La
| zoécie, à qui appartient la reproduction sexuée, est également, d’après
ce système, chargée de la reproduction asexuée : par bourgeonne-
| ment extérieur, elle produit de nouvelles loges ; par bourgeonnement
intérieur, elle produit le Polypide, qui est, lui aussi, un individu, mais
| asexué, et chargé simplement des rapports avec le monde extérieur.
Tels sont sommairement les éléments de la discussion.
La théorie ancienne de Grant est certainement très-simple et très-
Séduisante au premier abord ; mais, de l’avis de tous, elle n’est plus
| en harmonie avec les observations qui ont été faites depuis.
Conçoit-on en effet qu'un animal, une Ascidie, par exemple, puisque
1 NirsCne, Leber die Morphologie der Bryozoen (Zeitschrift, Ban XXI, p. 471).
ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GEN. = T. VI. 1877, 18
et rm Éd
274 LUCIEN JOLIET.
c’est à côté des tuniciers que les auteurs de cette époque s’accordaient
généralement à ranger les Bryozoaires, conçoit-on qu’une Ascidie -
perde périodiquement son tube digestif, sa branchie, ses muscles, son
système nerveux et se réduise momentanément à son manteau pour
reproduire peu après toutes ces parties essentielles à la vie? C’est
cependant là ce qui se passerait constamment chez le Bryozoaire
chaque fois que le Polypide vient à se résorber pour faire place à un
nouveau bourgeon.
D'autre part, un appareil qui Comprend : tube digestif, branchie,
muscles, système nerveux, est assurément plus qu’un organe, c’est
un individu. I n’est pas possible de voir le Polypide sortir de sa loge
timidement, y rentrer brusquement au moindre choc, sentir, manger,
respirer, se mouvoir, sans comprendre qu’il y a là plus qu’un système
et bien un animal complet.
Enfin, quand on étudie les Vésiculaires, on est bien forcé de s’ha-
bituer à séparer la zoécie du Polypide, puisque dans ce groupe de
Bryozoaires, il existe un stolon composé de véritables loges, possé-
dant tous les caractères et la constitution des loges normales, mais
dépourvues constamment de Polypide.
Il y a mieux. Dans les Pédicellines non-seulement il existe un sto-
lon comme dans les Vésiculaires, mais il se trouve des loges qui sont
animées de mouvements fort énergiques, bien qu’elles ne renferment
aucune trace de Polypide ; les tiges des Pédicellines, entre le moment
où elles viennent de laisser tomber leur tête jusqu'à celui où elles
en reprennent une nouvelle, sont en effet aussi contractles qu'avant
ou après cette période.
Le Polypide et la zoécie sont donc deux choses tout à fait distinctes.
Si l’on ne connaît pas de Polypide sans zoécie, on voit tous les jours
des zoécies sans Polypide.
La théorie d’Allmann modifiée par Nitsche en ce qu’elle a de trop
excessif est plus en harmonie avec les observations récentes. Si la zoé-
cie est un individu, il est naturel qu’elle puisse subsister par elle-
même et qu'on puisse la trouver dans les Vésiculaires aussi bien que
dans les Pédicellines, indépendamment du Polypide; il est convenable
aussi, si on la compare, comme l’a fait Leuckart, à un kyste produi-
sant des cysticerques, qu’elle bourgeonne des individus d’une autre À
forme sur sa surface interne ; enfin, il n’est nullement étonnant que
ces individus, n'ayant qu’une existence éphémère se succèdent dans
une même loge.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 275
Cette théorie, qui, comme on le voit, rend bien compte de l’exis-
| tence de zoécies sans Polypide et du renouvellement du Polypide,
n'est cependant pas satisfaisante à beaucoup d’égards et notamment
au point de vue de la reproduction et des homologies à établir entre
les Entoproctes et les Ectoproctes.
Il peut paraître en effet singulier que la zoécie cumule toutes les
fonctions reproductrices, reproduction sexuée et asexuée, reproduc-
tion des loges, reproduction des Polypides, reproduction des larves,
tandis que le Polypide, possédant une organisation si complète, n’a
d'autre rôle que de digérer.
Puisque nous reconnaissons réellement dans le Bryozoaire deux
formes d'individus, ce fait de la localisation de toutes les fonctions re-
| productrices dans une seule d’entre elles est sans analogue ailleurs.
| D'autre part, il est bien reconnu que, chez les Pédicellines, que
| Von considère la tête comme une zoécie complète ou comme un
Polypide, dans tous les cas, la reproduction sexuée appartient à
| ce dernier. On se trouve donc obligé, ou de se mettre en désaccord
avec la théorie d’Allmann-Nitsche ou de reconnaître entre les Ento-
proctes et Les autres Bryozoaires des différences si profondes et d’un
| ordre si élevé, qu’elles obligeraient presque à placer les premiers
complétement en dehors du groupe.
Or, les Entoproctes me paraissent si bien liés aux autres Bryo-
zoaires, qu’il y a plutôt lieu de se demander, ce me semble, si on ne
| doit pas rapporter généralement la reproduction sexuée au Polypide
| plutôt qu’à la zoécie.
Je sais bien que quand on songe à l’œuf pariétal des Bicellaria se
| développant sur un rameau de l’endosarque au contact des parois de
la loge, le rapprochement peut paraître forcé au premier abord ; mais,
| d'autre part, l’œuf des Vésiculaires naissant directement contre le
| Cæcum stomacal et même un peu au-dessus de son extrémité, l'œuf
funiculaire des Bicellaires, des Bugules et de l’Eucratea se dévelop-
pant immédiatement au-dessous de ce même cæcum sont bien dans
| la dépendance immédiate du Polypide. Et le testicule, ne se forme-
til pas toujours au sein du funicule, portion, il est vrai, de l’en-
dosarque, mais portion modifiée, appropriée aux fonctions qu’elle
remplit près du Polypide et véritable annexe de celui-ci, dont elle
276 LUCIEN JOLIET.
reproducteurs dans plusieurs espèces, telles que les Flustres ou les
Membranipores, rend mon opinion insoutenable. Mais sont-ce les
seuls organes dans ce cas? Quels rapports, par exemple, ont avec le
Polypide les muscles pariétaux ?
Ds ne sont nulle part en contact avec lui, la plupart en sont plus
éloignés que ne sont les organes reproducteurs, et cependant ils se
développent en même temps que le Polypide, disparaissent avec lui
et, tant qu'ils existent, restent sous sa dépendance et obéissent à sa
volonté. A quel titre les distinguerait-on des autres muscles qui tous
sont et ont toujours été regardés comme appartenant au Polypide ?
N'est-ce pas là un cas tout à fait semblable à celui des œufs?
D'ailleurs les éléments, les organes reproducteurs ne sont-ils pas
liés directement dans leur développement au développement du Po-
lypide ?
Dès que s'organise le jeune bourgeon, on voit apparaître der-
rière lui les cellules mères des Zoospermes et des œufs; les Zoos-
permes ne vivent pas au-delà de sa vie, 1ls disparaissent avec lui ; les
œufs, ilest vrai, durent plus longtemps, mais est-ce le seul exemple
dans la nature d'œufs survivant à la mère?
Enfin, dernier argument: a-t-on vu jamais des œufs ou des Zoo-
spermes dans des zoécies privées de Polypide, s’en développe-t-il dans
les articles de tige des Vésiculaires, s’en forme-t-il dans les zoécies
avant la naissance d’un bourgeon ou après la destruction du Polypide?
Pour résumer :
Il y a de nombreuses espèces d’Ectoproctes chez lesquelles les élé-
ments générateurs se développent dans le voisinage immédiat du corps
du Polypide et dans un organe qui en dépend.
Les œufs et les Zoospermes sont toujours dans la dépendance du
Polypide, en ce sens qu'ils accompagnent toujours son développement
et ne se forment jamais sans lui.
Dans les cas où les éléments générateurs se forment sur les parois
de la loge et à quelque distance du Polypide, ils appartiennent à ce
dernier au même titre que les muscles pariétaux.
Pour toutes ces raisons, je ne puis m'empêcher d'attribuer au Poly-
pide les fonctions reproductrices par voie sexuée.
Les conséquences de cette manière de voir sont les suivantes :
Les Entoproctes, au lieu de constituer un type aberrant, ne sont
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 277
qu'un type perfectionné et d’ailleurs bien caractérisé, mais rentrant
dans la loi générale.
Tout Bryozoaire comprend deux sortes d'individus, la zoécie et le
zoïde.
La zoécie est chargée de la reproduction asexuée; par bourgeon-
nement, elle produit le zoïde.
Le zoïde est chargé de la reproduction par voie sexuée ; il produit
la larve. |
Or, la première zoécie, souche de la colonie nouvelle, n’est pas,
comme on l’a dit, engendrée par la larve. C’est la larve elle-même
qui se métamorphose comme la chenille se métamorphose en chry-
salide, c’est-à-dire en conservant son individualité. On peut donc dire
que le zoïde produit par voie sexuée et sans intermédiaire la zoécie.
Cette succession de phénomènes constitue une alternance de
| formes bien caractérisée, avec cette seule particularité que l'individu
; de seconde génération reste constamment attaché à celui sur lequel
| il a bourgeonné.
Les rapports qui existent entre la zoécie et le zoïde me paraissent
| pouvoir être comparés très-exactement à ceux qui règnent entre
_J’anatife et son pied. Dans cet animal, le pied peut produire par bour-
geonnement plusieurs animaux parfaits, et les organes génitaux,
tout en appartenant réellement à l’animal parfait, paraissent sou-
vent se former dans le pied.
| Dans la plupart des espèces, la zoécie bourgeonne successivement
| plusieurs Polypides stériles, qui n’ont d’autre objet que de prendre
| de la nourriture et d'alimenter la colonie jusqu'à ce qu'il s'en pro-
| duise un sexué ; après quoi, la zoécie meurt.
_ Au contraire, chez les Pédicellines, dans la zoécie qui constitue la
| tête, ilne se produit jamais qu'un Polypide. A quoi cela tient-il? A ce
| que le Polypide des Pédicellines est toujours sexué. Après la reproduc-
tion, la zoécie meurt avec le zoïde, suivant la loi générale, et tombe.
Nous allons encore trouver dans cette théorie l’explication natu-
relle des différences qui existent entre les larves des Entoproctes et
celles des Ectoproctes.
_ J'ai décrit plus haut, dans les larves de l’A/cyonidium hispidum et
du Sarcochitum, un corps que je regarde comme l’homologue d’un
|Polypide. Pour moi, ces larves, hautement organisées, peuvent être
| considérées comme le composé d’une zoécie et d’un zoïde, tous deux
modifiés en vue de la vie errante que doit mener la larve.
9278 LU = LUCIEN JOLIET.
Quand celle-ci est sur le point de se fixer, le zoïde qu’elle contenait
se résout comme ferait celui d’une loge ordinaire, et, en se résolvant,
entraîne, dans la zoécie qu’il habite, des modifications correspondantes,
telles que la chute des cils et de l’épithélium ciliaire.
De même, dans la larve des Pédicellines, on distingue, et même
plus nettement que partout ailleurs, la zoécie et le zoïde. La zoécie,
en forme de coupe, ressemble à une tête ordinaire de Pédicelline ; le
zoïde remue dans sa demeure et, sauf ses deux grands lobes ciliés, se
rapproche beaucoup de celui des têtes normales. Pourquoi, dans ces
larves, n’y a-t-il pas désorganisation totale comme dans celles des
autres Bryozoaires ?
Parce que dans les Pédicellines, le zoïde, comme nous venons dem
le voir, ne se résout pas, ne se renouvelle pas, et que la loge suit sa
destinée. Elle continue à vivre et bourgeonne directement un COM
mencement de stolon.
Les larves des Pédicellines sont donc parfaitement comparables, à
mon avis, à celles des autres Bryozoaires, et l’on peut suivre das 4
les différents groupes le perfectionnement des formes :
Dans les larves de plusieurs Zepralia que j'ai examinées, je n’ai pu À
reconnaître l’analogue de ce corps celluleux que j'assimile au Poly
pide dans le Sarcochitum et dans la Flustrella.
Dans le Sarcochitum, il semble réellement jouir d’une certaine in
dividualité, car on le voit se contracter, exécuter des mouvements
indépendants de ceux de la larve. De plus, il est pourvu d’une ou
verture qu’on s'accorde à nommer buccale, et cette ouverture est
garnie d’un faisceau tout spécial de grands cils.
Dans la Flustrella hispida, ce corps non-seulement est contractile,
pourvu d’une bouche et de cils spéciaux, mais il est mu par de vérr
tables muscles, et il ressemble certainement plus à un Polypide que
le corps rond des Aviculaires, qu’on s'accorde pourtant généralementà
considérer comme l’homologue de ce dernier.
Enfin dans les Pédicellines, la coexistence dans la larve d’une
zoécie et d’un zoïde n’est plus contestabie.
On voit par là que les formes larvaires les plus simples sont constis
tuées uniquement par une zoécie, dans laquelle l’ébauche d’un Po-
lypide est peu ou point reconnaissable, ce qui confirme encore une
fois ce que j'avancais tout à l’heure, à savoir que la zoécie est le pros
duit direct de la génération sexuée. C’est dans la larve que la zoécie
atteint son organisation la plus élevée, parce qu’elle mène une vie
;
’
Dal
BRYOUZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 279
errante ; son endocyste n'est pas seulement un épithélium cylindrique
et bien organisé, c’est, au moins par places, un épithélium ciliaire *;
le Polypide, au contraire, est à l’état rudimentaire et d'autant plus
rudimentaire que la larve est plus active. Les larves de Sarcochitum
sont moins agiles que celles des Bugules ; celles de la Flustrella sont
paresseuses et se traînent au fond des cuvettes ; enfin, celles des Pé-
dicellines ne remuent que par boutades.
Que penser maintenant de la théorie de Hæckel, qui veut envisager
l'individu comme représenté non pas par la zoécie, mais par l’ensem-
ble des zoécies par la colonie?
Sans doute, toute la colonie naît d’une même larve ; sans doute,
dans plusieurs Bryozoaires d’eau douce, les loges ne sont pas dis-
tinctes, ce qui force à donner à l’ensemble des êtres issus d’une
même larve un certain degré d'unité. Mais, d'autre part, quand on
considère que dans les Loxosomes les zoécies, à mesure qu'elles
bourgeonnent sur la zoécie primitive, s’isolent, se détachent et mè-
nent une existence séparée, il pourra sembler difficile d'envisager
comme ne formant qu'un même être les zoécies dispersées qui sont
issues d’un même parent.
… De plus, quand on prend en considération les formes variées que
peut affecter la zoécie, comme Leuckart l'a si justement démontré,
zoécie, aviculaire, vibracule, épine, article de tige, fibrille radiculaire,
on ne peut se défendre de regarder, comme une entité particulière,
un être qui affecte des formes si variées.
La zoécie reste donc pour nous l’une des deux formes d'individus
dont l’union constitue le Bryozoaire.
Abordons maintenant le second des deux problèmes que j'ai posés
en commencant cette discussion.
Quelle est la place des Bryozoaires dans la classification ?
A cette question, je ne puis donner actuellement aucune réponse
positive. Les matériaux, les éléments que j'ai pu réunir jusqu'ici sont
encore insuffisants. Il faudrait non-seulement avoir une connaissance
plus approfondie que celle que j'ai pu acquérir des formes larvaires
et du développement, mais encore posséder des termes de compa-
1 La destruction de ses cellules ciliées n’a pas lieu de nous étonner, quand nous
voyons dans les zoécies des colonies l’épithélium cylindrique des extrémités végé-
tatives se résoudre en protoplasme amorphe. Cette transformation de l’endocyste ca-
ractérise partout dans la larve comme dans l’état adulte de la zoécie.
280 LUCIEN JOLIET.
raison précis dans les groupes auxquels on peut être tenté de les rap-
porter.
Je répète donc que je ne puis fixer la position des Bryozoaires,
mais je me sépare complétement des auteurs qui veulent avec Rei-
chert les rapprocher des Hydraires, sous prétexte que leurs éléments
histologiques sont peu définis.
Je trouve, au contraire, que les caractères des différents tissus sont
aussi nettement accusés que chez les animaux les plus élevés.
L’endocyste des extrémités végétatives dans tous les groupes et ce-
lui de toute la colonie dans les Entoproctes présente la structure
cellulaire la plus nette.
L’endosarque a pour élément type la cellule fusiforme, qui peut se
modifier et devenir rameuse.
Dans le Polypide, on distingue une grande variété d'éléments,
cellules ciliées des tentacules, cellules ciliées du pharynx, cellules
losangiques du pharyax des lagenella, cellules cihées de lestomac,
cellules ciliées du rectum, enfin cellules hépatiques, car je ne puis
considérer autrement que comme des éléments hépatiques les cel-
lules à granules bruns qui fondent pendant la digestion, mêlent leur
contenu aux aliments, et sont généralement répandues chez les Bryo-
zoaires. Un tel tissu, assurément, ne se rencontre que chez des êtres
possédant une organisation déjà avancée.
Et les muscles auxquels Reichert n’accorde que le nom de cordons
contractiles (contractile Strænge), sont-ils si simples, parce que leurs
fibres sont isolées ? Il suffit d'examiner, dans l'£ucratea chelata, les
muscles grands rétracteurs, pour se convaincre au premier coup
d’œil,.et même sans le secours des réactifs, qu'ils présentent la stria-
tion la mieux accusée.
Ce sont de véritables fibres striées, et le fait de leur contraction
brusque est bien en rapport avec cette donnée.
Si de l'examen histologique on passe à celui de l’organisation en
général, on n’est pas moins frappé de la supériorité de ces êtres.
Reichert ? a beau distinguer dans le Zoobotryon pellucidus le gan-
glon nerveux et le figurer, il ne veut pas le désigner sous ce nom,
mais il en fait une particule excrémentitielle qui viendrait toujours
s'accoler à labase des tentacules au sortir de l’anus.
Jl est cependant impossible de méconnaître son existence dans les
1 ReicuerT, Abhandlungen, 1870, pl. L fig. 3, de.
—
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 281
Entoproctes, après les recherches de Nitsche et de Salensky ! ; dans
les Bryozoaires d’eau douce, il a été très-généralement décrit; dans
les ectoproctes marins, il est plus difficile à voir ; cependant, Nitsche
l’a vu dans les Flustres, et j'ai pu constater que dans l'£ucratea ii
était fort bien développé.
Je ne puis done m'associer aux vues des disciples de Reichert, et
pour moi un type, qui a pour représentant le plus élevé la Pédicelline
el le Loxosome, est assurément un type très-supérieur aux Cœlentérés.
CÉHAPIFRETV.
ESPÈCES RECUEILLIES A ROSCOFF PENDANT LES ETÉS DE 1876 ET 1877.
Ce n'est point une classification que j'ai l'intention de proposer
ici, c'est une simple liste des espèces que j'ai trouvées pendant deux
étés dans la seule localité de Roscoff, c'est-à-dire dans une aire qui
peut avoir trois lieues carrées.
On ne s’étonnera donc pas si je les énonce dans un ordre qui n’est
sans doute pas le meilleur, et si je donne à quelques espèces des
noms qui pourront paraître surannés.
Pour dresser un catalogue méthodique et systématique, il faudrait
avoir entre les mains, non pas les formes d’une seule localité, mais
celles des régions les plus variées, il faudrait soumettre à une cri-
tique sévère les déterminations des auteurs dans lesquelles 1l règne
parfois, j'ai pu le constater spécialement pour les Vésiculaires, une
_ grande confusion ; il faudrait enfin examiner et comparer un grand
nombre d'échantillons afin de connaître les modifications que peut
subir un même type.
C’est surtout lorsqu'on étudie la division des Cyclostomes qu’on se
rend compte de la nécessité où l’on se trouve, pour bien comprendre
un groupe, d’en faire une étude toute spéciale.
: Rien de plus variable, en effet, dans cette famille que les formes
que peut affecter la même colonie à deux époques différentes. On a
fait avec la même espèce des genres différents. La station particuliè-
rement me parait avoir sur le développement de ces êtres une in-
1 Nirscue, Beitræge \ Zeitschrift, t.. XX). — SaLexsky, Sur les Bryozoaires ento-
procles (Ann. sc. nat, 6e série, t. V, p. 11).— Nrrscue, Beilræge (Zeitschr., t. XXI).
282 LUCIEN JOLIET.
fluence notable; tel Tubulipore vivant sur les algues filamenteuses
n’est peut être pas différent de tel autre qui se trouve plus spéciale-
ment sur les larges frondes des laminaires, ou sur les expansions
minces des ulves, et auquel cette station fait prendre une physiono-
mie particulière.
Toutes ces modifications et variations peuvent faire l’objet d’une
étude intéressante, mais minutieuse et suivie, que je ne puis songer
à aborder en ce moment.
Je me bornerai donc, je le répète, à donner le catalogue des espèces
de Roscoff, et à relater les conditions dans lesquelles je Les ai rencon-
trées. C’est un document qu’il ne sera peut-être pas sans intérêt de
comparer avec ceux que Van Beneden et M. Fischer nous ont déjà
fournis sur la faune bryozoologique des côtes d’Ostende et de la côte
ouest de France. AT.
Il y a deux moyens de recueillir les Bryozoaires, comme d’ailleurs
la plupart des animaux marins, moyens qui s'adressent ordinaire-
ment à des espèces différentes et sans l’un ou l’autre desquels la re-
cherche serait forcément incomplète.
Le premier consiste à explorer la grève à pied en cherchant à
tous les niveaux, sur les pierres et sous les pierres, sur les algues et
parmi les zostères. |
Le second, à ramener des fonds que les eaux n’abandonnent jamais
tous les corps qui les tapissent, et à examiner avec soin les pierres,
les coquilles, les algues, les pieds de gorgones et les débris de toute
nature que les engins ramènent au hasard.
Le premier mode est certainement le plus varié, celui qui fournit
le plus grand nombre d'espèces ; celui aussi qui donne sur leur sta-
tion, sur les conditions dans lesquelles elles vivent, les renseignements
les plus précis.
Je n’ai rien d’ailleurs à en dire de bien particulier, Pour peu qu’on
fouille la grève attentivement, armé d’un couteau, d’un marteau et
d’un ciseau pour enlever les espèces encroûtantes, d’une pince fine
pour détacher sans les écraser les touffes délicates des Bugules ou
autres espèces rameuses, on se fera promptement à Roscoff une col-
lection assez étendue. Cependant il y a nombre d’espèces qui se
tiennent dans des parages nettement circonserits, sans que rien sem-
ble en apparence motiver ce choix. On n’acquiert qu'à la longue la
connaissance de leur retraite, connaissance qui est d’un grand prix
pour l'observateur qui poursuit des recherches suivies. Bien souvent
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 283
il m'est arrivé, lorsque le besoin se faisait sentir d'échantillons frais,
d'aller les chercher à coup sûr et à point nommé. Il y a mieux,
grâce à la connaissance que j'ai acquise des lieux, grâce aux notes
qui ont été prises tant sur les cartes que sur les registres, je puis
durant tout l'hiver et j’ai pu dès l’année dernière me faire adresser
par le gardien du laboratoire telle ou telle espèce qui m'arrive à la
Sorbonne parfaitement vivante dans les envois que le laboratoire
de zoologie expérimentale recoit régulièrement de son annexe mari-
time.
L’exploration des fonds demande au contraire un outillage spé-
cial, et c'est dans cette recherche qu’on apprécie les services que peu-
vent rendre aux chercheurs l’organisation, le matériel et le personnel
d’un laboratoire.
Soit que je fisse draguer spécialement pour cet objet, ayant à ma
disposition, comme tous les travailleurs admis à Roscoff, les embar-
cations du laboratoire, soit que je me contentasse d'examiner les
résidus des draguages faits pour la récolte des mollusques, des échi-
nodermes ou autres animaux de fond, j'ai eu, je puis le dire, pendant
ces deux étés, plutôt excès de matériaux, et le plus souvent l’étude
de l’organisation des:types les plus intéressants ne me laissait pas le
loisir d'examiner tout ce qui m'était apporté.
Il est donc très-probable que j'ai laissé passer un certain nombre
d’espèces, surtout parmi les Zepralhia, qui sont si difficiles à distin-
guer les unes des autres au premier abord.
Malgré ces lacunes, je suis à même, dès aujourd’hui, de présenter
une liste de soixante-quatorze espèces recueillies uniquement à Ros-
coff. C’est un chiffre certainement fort élevé, et le plus élevé qu’on
‘ait présenté jusqu'ici pour une seule localité.
La drague m'a rendu de grands services, mais l'instrument qui m'a
procuré les meilleurs résultats pour la recherche en eau profonde est
assurément l'engin des corailleurs.
M. de Lacaze-Duthiers, qui avait été mieux que personne à même
d'apprécier en Afrique les services qu'il pouvait rendre au naturaliste,
l'avait à plusieurs reprises employé avec succès dans ses recherches
à la mer et importé à Roscoff dès la création du laboratoire. Deux
bras de bois sont liés en croix ; aux quatre extrémités sont attachés
des paquets de vieux filets, ou mieux des filets de corde peu tordue.
Un cinquième paquet plus gros que les autres, et que les marins
appellent la queue du diable, est fixé au centre du système en même
281 LUCIEN JOLIET.
temps qu’un plomb d’un poids suffisant pour maintenir le tout au
fond de l’eau sans toutefois mouiller l’embarcation.
On attache une corde solide à l'engin, et on le jette par-dessus
bord ; on abat les voiles et on se laisse dériver lentement au courant,
traînant la machine au fond de l’eau pendant une heure, une heure
et demie, jusqu’à ce qu’on ait parcouru un espace de 300 à 400 mè-
tres. Si le courant n’est pas trop fort, et l’on choisit pour faire cette
pêche la fin du flot ou du jusant, ou les mortes marées, les filets s’éta-
lent sur le fond, enveloppent les objets qui le couvrent, les accro-
chent, les arrachent et les retiennent dans leurs mailles ainsi que
dans les poches qu’on a eu soin de disposer à cet effet. On obtientpar
ce moyen, à coup sûr, tout ce que les pêcheurs évitent de ramasser
ou ne rapportent que par accident, tous les objets qui croissent sur
les fonds rocheux dangereux pour les filets. |
Quand on ramène l'engin à bord, il est ordinairement chargé
d'Oursins, d'Etoiles de mer, d’Alcyons, de Gorgones, d’Ascidies, et
surtout d'Eschares, de Salicornaria, de Cellepores, de coquilles et
de pierresisouvent chargées de Bryozoaires, tels que Tubulipores,
Bugules, Bicellaria, Vésiculaires, Pédicellines.
Comme sur la grève, il y a dans les fonds des parages spécialement
favorables à la recherche de telle ou telle espèce.
Les £schara cervicornis, Cellepora ramulosa et Skeneri proviennent
presque exclusivement des bancs de l'Ouest, les £schara foliacea,
Sertalaria semiconvoluta, Bicellaria, Lagenella nutans, Avenella fusca,
surtout d’Astan et du nord de l’île de Bas.
Quelques espèces, ailleurs très-communes, font absolument défaut
à Roscoff; telles sont l’Alcyonidium gelatinosum, les Flustra membra-
nacea, Buqula neritina, Menipea ternata. |
En revanche, j'y ai rencontré plusieurs formes qui n'avaient été
signalées que dans d’autres mers, et quelques autres me paraissent
entièrement nouvelles.
La Serialaria semiconvoluta n'avait été signalée jusqu'ici, à ma con-
naissance, que dans la Méditerranée; j'en ai recueilli plusieurs échan-
tillons venant des plus grandes profondeurs existant à Roscoff,
c'est-à-dire de 75 à 80 mètres.
La Carbasea indivisa est regardée comme propre à la Nouvelle-
Zélande. 11 m'est impossible de trouver cependant aucune différence
entre les dessins que Busk donne de cette espèce et celle que j'ai
rencontrée dans les draguages, et qui ne se rapporte nullement d’ail-
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 255
leurs à la C'arbasea papyrea, la seule connue jusqu'ici sur nos côtes.
La Membranipora spinosa (sp. nov.) diffère notablement de toutes les
membranipores connues dans nos parages, et spécialement de la
Mewbranipora pilosa dont elle se rapproche le plus.
Le Loxosoma phascolosomatum découvert par M. Lemirre, ancien
préparateur du laboratoire, puis étudié et décrit dans les Archives de
Zoologie expérimentale, par M. Carl Vogt !, est encore une espèce
propre à Roscoff, jusqu'ici du moins.
La Lagenella nutans est une fort intéressante Vésiculaire qu'il ne
m'est possible de rapporter à aucune description. Je l’ai longtemps
confondue avec la ZLaguncula repens de Van Beneden, jusqu’à ce qu'il
m'ait été donné, grâce à l’obligeance de M. Ed. Van Beneden, de pos-
séder quelques échantillons de cette dernière espèce, dont la mienne
diffère par les caractères les mieux tranchés.
Enfin la Lepralia Martyr est une belle forme de Zepralia à parois
transparentes dont Je ne trouve pas l’analogue dans les auteurs. Je me
fais un plaisir de la dédier au garcon de laboratoire, au patron de
barque intelligent et dévoué, Charles Marty, qui m'a si constamment
et si efficacement secondé dans mes recherches à la grève.
CaVogt. Arch. zool. exp... t..N.
CATALOGUE DES ESPÈCES
RECUEILLIES A ROSCOFF EN 1876 ET 1877.
CYCLOSTOMES.
Tubulipora patina (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 260). — Très-.
commun sur l’£'schara folhacea.
Tubulipora hispida (Johnst., id., p. 268). — Assez fréquent sur
l'£schara foliacea à Astan.
Tubulipora serpens (Johnst., 2d., p. 275). — Commun sur les fibrilles
des Algues dans l’herbier, particulièrement devant l’île Verte.
Tubulipora flabellaris (Johnst., id., p. 274), — Sur les Ulves et sur
les Cystoseira depuis les hauts niveaux jusqu’à la zone des Sargasses.
Tubulipora différent des espèces de Johnston, n’est peut-être qu’une
forme du Tubulipora hispida. Je n’ose lui donner un nom nouveau. —
Sur les pierres schisteuses à Rollea-Saint-Pol.
Alecto dilatans (Johnst., Brit. Zooph., 18#7, p. 281).—Sur les pierres
à Rollea-Saint-Pol.
Alecto granulata (Johnst., 2d., p. 280). — Sur les vieilles coquilles de
pecten, de Lutraires dans les draguages à Astan et dans la baie de Saint-
Pol.
Alecto major (Johnst., d., p. 281). — Partout dans les draguages.
Diastopora obelia (Johnst., 2d., p. 277). — Dans les draguages.
Pustulipora deflexa (Johnst., 24.). — Sur les pierres et les vieilles
coquilles. Rollea-Saint-Pof,
Crisia denticulata (Johnst., 2d., p. 284). — Abondante à la face infé-
rieure des roches, mais surtout sur les souches du Cystoseira fibrosa,
qu'elle couvre de touffes épaisses. On la trouve aussi, mais plus rarement,
dans les draguages. Son maximum de développement est au-dessous des
Laminaires, dans la zone dite des Sargasses.
Crisia eburnea (Johnst., p. 283).— Fréquente sur les souches de sar-
gasses dans le chenal.
Crisia aculeata (Johnst., p. 285). — Dans les draguages.
*
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 287
Crisidia cornuta (Johnst., p. 287). — Sur les souches des sargasses
et sur divers corps sous-marins, gorgones, vicilles coquilles, à toutes
les profondeurs. Sa station préférée est la face inférieure des grottes
tapissées de Cynthia rustica; elle se trouve là extrêmement abondante
au niveau des basses mers moyennes.
CHEILOSTOMES.
Serupocellaria scruposa (Busk, Mar. Polyz., p. 25). — Adhérente
aux pierres plates dans les draguages et à très-basse mer. Rollea, Caïnou,
Duslen, Per-Roc’h. Je l’ai trouvée en reproduction au mois d’août.
Canda reptans (Busk, id., p. 26). — On en trouve à Roscoff deux
formes assez tranchées correspondant à des stations différentes.
L'une d’elles est formée de branches grèles, élancées et qui, sorties de
l'eau, s’affaissent l’une sur Pautre. On la rencontre sous les rochers et
les grottes à l'abri de la lumière, au niveau des basses mers moyennes.
L'autre pousse soit sur les feuilles du Baudrier de Neptune, soit sur
les ramuscules terminaux du Cystoseira fibrosa *, où elle est très-abon-
dante. Les branches sont de forme plus trapue; elles sont disposées
comme en éventail et se tiennent assez roides quand on les sort de l’eau.
Aucune différence appréciable dans la structure des loges ne distingue
ces deux variétés.
Salicornaria farciminoides (Busk, id., p. 16). — Sur les Gorgones,
sur les Eschares par 30 ou 40 mètres de profondeur, surtout dans l’ouest
sur les basses de Roc’h-Haro, mais aussi à Astan, dans le nord de l’ile de
Bas et du côté de ia Méloine.
Je suis complétement d'accord avec Busk pour admettre que les Sati-
cornaria farcéminoides et sinuosa de Hassall ne sont qu'une seule et
même espèce. Sur plusieurs échantillons et notamment sur un spécimen
appartenant à la collection de Roscoff, on voit nettement la forme farci-
minoides se détacher de la forme sinuosa constituant simplement une
des branches de la touffe. D'autre part, je ne crois pas que l’une soit la
forme adulte de l’autre, elles restent toujours distinctes sur des branches
différentes. Les branches de la forme farciminotides sont plus grèles, plus
longues que celles de la forme sénuosa, dont les articles sont plus courts
et plus gros. J'ai toujours vu les cellules élargies vers le haut et à ouver-
1 Les Algues ont été déterminées à l’aide du riche et bel herbier formé et laissé
au laboratoire en août et septembre 1876 par MM. Sirodot, doyen de la Faculté des
sciences de Rennes, et Gallée. :
288 LUCIEN JOLIET.
ture subterminale de la forme sinuosa conserver leurs caractères jusqu’à
l'extrémité des jeunes branches, aussi bien que les cellules losangiques
des jeunes branches de la forme farciminoides gardent leur aspect jus-
qu'aux articles basilaires.
Eucratea chelata (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 289). — En petits
faisceaux sur les feuilles de la Zaminaria saccharina. Souvent parasite
sur les Bugules, Commune aux Greyers sur les Algues filamenteuses vertes
qui pendent sous les roches (Cladophora rupestris). C’est surtout à Rollea-
Saint-Pol qu'elle est abondante, Elle couvre de ses touffes diverses Algues
rouges. Zone des filets et des Laminaires.
Hippothoa divaricata (Busk, Mar. Polyz., p. 30). — Sur l'Ascidia
sanquinolenta à Per-Roc’h. Rare.
Anguinaria spatulata (Busk, td., p. 31).—Fréquente sur les branches
basses des Sargasses, sur les feuilles de Nitophyllum et sur diverses
Algues rouges à Rollea-Saint-Pol, Duslen, draguages. Cette espèce appa-
rait au niveau des plus basses mers et descend dans la profondeur.
Beania mirabilis (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 364). — Cette jolie
espèce se trouve fréquemment dans les produits des draguages, sur les
Cynthia glacialis, les Eschares, les toufles de Salicornaria. J'en ai ren-
contré à très-basse mer sur les pierres à l’ombre à Duslen et au Caïnou.
En reproduction au milieu d’août,
Caberea Hookert (Busk, Mar. Polyz., p. 39). — Assez rare. Dans les
draguages, en grandes touffes sur les vieux fragments d’Eschares.
Caberea Boryt (Busk, èd., p. 38). — Fréquente sur les £'schara folia-
cea ; bien distincte de la Caberea Hookeri, elle a toujours ses branches
disposées en éventail.
Bicellaria ciliata (Busk, ëd., p. 41). — Commune en petites touffes
sur beaucoup d’objets provenant des draguages, sur les Cyntlua glacials,
sur les branches de Vesicularia spinosa, sur les carapaces de divers Par-
thénopiens, sur les Eschares, sur les Gorgones et quelquefois sur la roche
vive.
J'en ai trouvé une belle touffe à Per-Roc’h par une basse marée, mais
ce fait est exceptionnel. La zone de la Zrcellaria commence au niveau
des plus basses mers et s'étend jusqu'aux plus grandes profondeurs exis-
tant dans les parages de Roscoff, c’est-à-dire Jusqu'à 75 ou 80 mètres.
En reproduction depuis mai jusqu'en octobre.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 289
Bugula plumosa (Busk, id., p. 45). — Assez fréquente dans les dra-
guages à Astan et dans l'Ouest. En reproduction en juillet et août.
Bugula avicularia. — Abondante sous les pierres et les rochers en
surplomb sous lesquels elle pend. Au niveau des plus basses marées, zone
des Æymanthalia et des Laminaires.
Les colonies des Bugules sont annuelles. On n’en trouve pas durant
l'hiver ou on n’en rencontre que des lambeaux morts et tombant en mor-
ceaux. C’est vers la fin de mars qu’elles reparaissent et au mois de juin
elles entrent en reproduction et fournissent jusque vers le milieu d'août,
parfois jusqu'aux premiers jours de septembre, des larves en abondance.
Après la reproduction, toutes les colonies meurent et en septembre
commencent à tomber en pièces.
Que deviennent les embryons pendant l'hiver ? On les a vus et je les ai
vus moi-même produire des zoécies dès le moment de leur fixation ; mais
il est probable que la colonie naissante reste réduite pendant tout l'hiver
_ à un petit nombre de loges et ne reprend son développement qu'au prin-
temps. Il arrive souvent aussi que les anciens troncs dégarnis de bran-
ches se remettent à bourgeonner après l'hiver. J’en avais apporté un à
Paris au mois d'octobre 1876. Je l’oubliai sur une étagère dans un flacon
d'eau de mer. A la fin de janvier, je le trouvai regarni d’une dizaine de
loges en pleine activité végétative.
Bugula flabellata (Busk, id., p. 44). — Se trouve quelquefois avec la
Bugula avicularia dans les grandes marées à Per-Roc’h, à Rollea-Saint-
Pol, mais on la retire le plus souvent avec la drague ou l'engin. Comme
la Bugula avicularia, elle est annuelle et se détruit après la reproduction
qui à lieu au mois de juillet et d’août.
Flustra chartacea (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 343). — Très-rare,
sur une coquille de Pecten provenant des draguages d’Astan.
Carbasea indivisa (Busk, p. 53, pl. LVIIL, fig. 3 et 4). — J'hésite à
_ donner à une espèce de Roscoff le nom d’une forme que Busk signale
| comme n’ayant été trouvée que dans les mers de la Nouvelle-Zélande.
Cependant il m'est impossible de trouver aucun caractère différentiel
| entre mes échantillons et les dessins de l’auteur anglais. D'autre part,
| ces mêmes échanüllons ne peuvent être rapportés à aucune des espèces
| de Carbasea qui se trouvent dans nos parages et spécialement à la Car-
| basea papyrea.
Membranipora membranacea (Busk, p. 56). — Sur les feuilles du Sac-
corhiza bulbosa, où elles forment de belles expansions blanches qui attei-
_gnent souvent une très-grande taille.
ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 1877. 19
290 LUCIEN JOLIET.
Abondante partout dans la zone des Laminäires , particulièrement
devant l'écurie de Duon, où on la prend facilement avec la gaffe.
Le moment de la reproduction est le mois de mai.
Membranipora pilosa (Busk, p.56).—- Abondante partout sur le Fucus
serralus et particulièrement sur le Æhodhymenia palinata, où elle est
facile à observer à cause de la transparence des jeunes feuilles de cette
Algue.
Membrantipora spinosa (sp. nov.).— Cette espèce doit être certainement
distinguée de la Membranipora ptlosa, celle de toutes les Membranipores
dont elle se rapproché le plus. Elle en diffère par lé corps de la loge, qui
est plus long, plus grêle et mieux dégagé des loges environnantes. De plus,
l'ouverture, au lieu d'être simplement garnie de quatre ou cinq courtes
épines latérales et d’une forte médiane inférieure, est protégéé par huit
longues dents qui, partant des bords, se rencontrent presque au centre
et par deux fortes saillies obtuses qui se trouvent de part et d’autre de
la lèvre operculaire. Le test est criblé de ponctuations semblables à celles”
de la Membranipora pilosa.
Sur le Rhodhymenta palmata dans le chenal.
Membranipora lineata (Busk, Mar. Polyz., p. 58). — Fréquente sur
les feuilles de la Laminaire saccharine dans l’herbier près l’île Verte.
Membranipora Flemingii (Busk, id.). — Commune dans les draguages
à Astan sur l’Æschara foliacea.
Lepralia Brongniarti (Busk, :d.).
Lepralia reticulata (Busk, id.),
Lepralia verrucosa (Busk, #d.). — Commune sur les roches, zone des
filets.
Lepralia violacea (Busk, ?d.). — Assez commune sur les pierres à très-
basse mer. Rollea-Saint-Pol, Duslen.
Lepralia coccinea (Busk, id.). — Très-commune sur les pierres, sur
l’Ascidia sanguinolenta et sur les souches des Laminaires, zone des filets
et des Laminaires.
Lepralia linearis (Busk, id.). — Commune sur les roches, depuis la
zone des filets jusques dans les eaux profondes.
Lepralia céliata (Busk, id.).— Commune sur diverses Algues, notam=
ment les Chondrus,
Lepralia variolosa (Busk, id.).
Leprala nitida (Busk, id.). — Très-commune sur les pierres et sur 4
l’Ascidia sanguinolenta depuis la zone des filets jusques dans les eaux pro=
fondes.
Lepralia Peachi (Busk, id.), == Commune sur les pierres à basse mer
Lepralia innominata (Busk, 14.)
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 291
Lepralia fiqularis (Busk, rd.).
Lepralia pertusa (Busk, d.).
Lepralia Pallasiana (Busk, d.),—A Ker-Laudi sur une touffe d’Algue
feutrée (C'allothrix pannorum).
Lepralia granifera (Busk, id.). — Sur les Moules aux Bisayers.
Lepralia hyalina (Busk, ëd.).— Sur diverses Algues rouges de la zone
des Sargasses et sur les Chondrus.
Lepralia Martyi (sp. nov.). — Je ne puis rapporter cette espèce à
aucune description. Les loges sont grandes, ovales vers le haut, atténuées
vers le bas, limitées par une bordure aréolée, transparentes avec deux
granulations latérales vers le milieu de la hauteur. L'ouverture est semi-
lunaire à bord inférieur droit. L’ovicelle est gros, globuleux et ponctué.
Je dédie cette espèce à Charles Marty, garçon du laboratoire de Roscoff
et patron des embarcations, dont le concours intelligent m’a été précieux
dans mes recherches à la grève et dans mes draguages.
Lepralia areolata ? (Busk, Mar. Polyz.).
Cellepora pumicosa (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 295). — Extré-
mement commun sur les rochers, où 1l forme de belles croûtes d’un rouge
de chair. Mes plus beaux spécimens viennent de Rollea-Saint-Pol et de
Duon ; leur surface, qui est régulièrement convexe dans les petits échan-
| tillons, est alors ondulée et comme formée de plusieurs mamelons.
Au niveau des Æimanthalia et plus bas.
On rencontre dans les eaux profondes une forme qui en diffère peu,
mais qui, au lieu de s'étendre sur les surfaces en expansions larges, forme
des nodules entourant des ramuscules d’Algues, de Sargasse, d'Hydraires
et de Gorgone.
| Cellepora vitrina (Busk, Mar. Polyz., p. 87). — Sur le Cladophora
| rupestris à la pointe de Bilvidic (île de Bas). Commun,
| Cellepora ramulosa (Busk, id., p. 87). — Le faubert ramène cette
| espèce abondamment de sur les basses de Roc’h-Haro dans l'Ouest.
Cellepora Skeneï (Busk, ed., p. 88). — Même station que le Cellepora
| ramulosa.
Eschara foliacea (Busk, id., p. 89). — Très-commune dans tous les
draguages à Astan aussi bien que dans l'Ouest et sur tous les fonds ro-
cheux.
J'en ai observé deux variétés, l’une rouge, qui est la variété ordinaire et
Ja plus commune, l’autre blanche, qu'il ne faut pas confondre avec les
parties anciennes et mortes de la précédente. Les extrémités vivantes en
sont de couleur très-päle aussi bien que les panaches des Polypides épa-
nouIs.
|
292 LUCIEN JOLIET.
L'Æschara foliacea sert de support à de nombreuses espèces de Bryo-
zoaires, notamment au Tubulipora patina, au Membranpora Flemingir,
à l’Avenella fusca et à diverses Lepralia.
Eschara cervicornis (Busk, td., p. 92).— Commune sur les basses de
Roc’h-Haro à 30 ou 40 mètres de profondeur parmi les Cellepora Skenei
et ramulosa.
Retepora cellulosa (Busk, id., p. 93). — On drague rarement à Roc’h-
Haro sans en trouver au milieu des Eschares.
CTÉNOSTOMES.
Sarcochitum polyoum (Johnst., Brit. Zooph.,1847, p.365).— Se trouve
au niveau des basses mers moyennes sur diverses Algues, notamment le
Rhodhymenia palmata et le Fucus serratus. On le rencontre aussi sur
les roches et sur les coquilles. Il ne descend qu'exceptionnellement jusqu’à
la zone des Laminaires. Il se présente sous deux aspects fort différents.
Dans sa Jeunesse sous forme d’une croûte mince, transparente, à reflets
faiblement irisés s’étalant sur la surface des Algues. Mais à mesure que
la colonie viallit, son épaisseur devient plus grande. Il forme alors une
masse charnue qui encroûte les fucus au point de les déformer compléte-
ment et même de projeter quelques lobes en dehors de leur surface.
L'aspect est alors terne, gris et spongieux, Au mois de mai et juin la sur-
face de la colonie est parsemée de points blancs, quelquefois rosés. Ce
sont les œufs qui, lorsqu'ils sont passés à l’état de larves, s’échappent en
nombre immense et vivent assez bien dans les cuvettes. L'époque de la
reproduction ne se prolonge guère au-delà du mois de juillet,
Cette espèce est très-commune partout. C'est sur les fucus de la rivière
de Pensez qu'elle atteint son plus grand développement.
Cycloum papillosum (Johnst., id., p. 364). — Facile à confondre avec
le Sarcochitum polyoum, dont il se distingue pourtant à l'œil nu par son
aspect velouté. Sur le Fucus serratus et quelques autres Algues. À Per-
Roc’h et aux Greyers, zone des Hymanthalia.
Flustrella hispida (Redfern, Johnston). Syn. Alcyonidium hispidun
(Smitt, Bryoz. Mar. Bor. et Artic.). — Très-commune. sur le Fucus
serratus et sur les souches de Cystoseira. La reproduction a heu en
juin et juillet. La larve est bivalve et hautement organisée. Au niveau
des basses mers moyennes.
Alcyonidium hirsutum (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 360). — À
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 293
Astan dans les draguages, dans l’ouest et dans le nord de Pile de Bas,
par 40 à 50 mètres de fond. Dressé, digitiforme ou faiblement lobé.
Avenella fusca (Smitt, Bryoz. Mar. Bor. et Arthic.). — Gette belle
espèce ne me parait pouvoir se rapporter qu'à la Vesicularia (Avenella
fusea de Smitt; elle diffère de l’espèce décrite par Dalyell (Rare and
Remarkable Animals of Scotland) par l'absence de poils sur la surface de
la loge. Elle est extrèmement abondante sur les Salicornaria et surtout
sur les Æschara foliacea qui proviennent des draguages ; elle forme sou-
vent sur la surface de leurs expansions une sorte de tapis.
Lagenella nutans (nov. spec.). — Cette intéressante espèce n’est pas
rare dans les draguages à Astan ou au nord de l’île de Bas. On la trouve
sur les branches de la Vesicularia spinosa et surtout sur les feuilles des
Nitophyllum qui croissent dans les profondeurs {Witophyllum hilliæ).
Elle se compose d’un stolon rampant dépourvu de cordon eentral et
présentant de distance en distance des nœuds remplis par un paquet de
fibres transversales comme dans les Valkerra.
Sur chaque nœud se trouve un groupe de zoécies. Les zoécies sont
portées sur un pédoncule ordinairement assez court, mais qui dans une
variété atteint presque la longueur de la zoécie. Ce pédoncule a sa cavité
en continuité avec celle du stolon et le diaphragme se trouve à son extré-
mité au point de jonction avec la zoécie.
La zoécie est de forme prismatique à quatre faces, ses muscles sont dis-
posés comme dans les Va/keria. Cependant deux groupes des muscles
pariétaux détournés de leurs usages ordinaires s’in$èrent d’une part sur
les parois de la zoécie et de l’autre sur le pédoncule, en sorte que par leurs
contractions ils impriment à la loge des mouvements de nutation très-
remarquables, surtout dans les variétés à long pédoncule.
Cette espèce ne pourrait être confondue qu'avec la Laguncula repens
de Van Beneden (Zagenella repens de Farre), mais, comme j'ai pu le
constater par l’examen de spécimens reçus de M. Ed. Van Beneden,
elle en diffère en ce que la loge de cette dernière espèce n’est point arti-
eulée sur son pédoncule et n’en est pas séparée par un diaphragme et en
ce que l'appareil operculaire de la Laguncule est bilabié, tandis que celui
de la Lagenella nutans est construit comme celui des Valkeria.
Valkeria cuscuta (Johnst., Brit. Zooph., 1847, p. 374). — Cette johe
espèce se trouve en extrême abondance sur les mêmes Cladophora rupes-
tris habités par les Cellépores et les Pédicellines à la pointe de Bilvidic.
Je ne l'ai encore rencontrée que là sous la forme rampante, et à
Pempoull sur les Algues qui couvrent les rochers à peu de distance de la
294 LUCIEN JOLIET.
chapelle Sainte-Anne. Je l’ai trouvée sous la forme dressée ou libre sur
un pied de Cystoseira fibrosa, par une très-basse mer, à Rollea-Saint-
Pol. Là elle se présentait en belles touffes dont les filaments flottant
librement dans l'eau atteignaient jusqu à 6 et 8 centimètres de longueur.
Il n’est cependant pas possible de distinguer spécifiquement cette variété
de la première.
La Valkeria cuscuta est en reproduction depuis mai jusqu’en septembre,
mais surtout pendant les mois de juin et juillet,
Bowerbankia imbricata (Johnst., id., 1847, p. 377). — Sous ce nom
on doit certainement réunir la Bowerbankia imbricata de Johnston et la
Bowerbankia densa, qui n’en est que la fornie jeune. :
Dans la rivière de Pensez cette espèce se trouve en paquets sur le Fucus
serratus et sur le Fucodium nodosum. Au printemps sur les touffes rases
de cette dernière espèce d’Algue, on trouve abondamment la forme
densa de la Bowerbankia composée d’une quantité de loges dressées sur
la surface de l’Algue et pressées l’une contre l’autre de manière à ne
former qu'un tapis. Plus tard se détachent de ce groupe des stolons, puis
des rameaux libres qui poussent des branches et, se garnissant de paquets
de loges, reproduisent la forme 2mbricata.
Entre ces deux états on voit toutes les transitions. Les Polypides de la
forme densa ont habituellement dix bras, ceux de la forme imbricata
plus souvent huit, ce qui n'empêche pas que le fait contraire se présente
souvent. On verra là la confirmation de l'opinion de Lovén, qui ne consi-
dère le nombre des bras que comme un caractère de médiocre valeur
pour la détermination,
J'ai encore trouvé la Powerbankia imbricala à |Rollea-Saint-Pol sur
une tige de Cystoseira fibrosa au milieu de la zone des Laminaires. Ce
spécimen conservé dans la collection de Roscoff présente ceci de particu-
lier, que les zoécies, au lieu d’être disposées sur les tiges par paquets bien
accusés, sont distribuées tout le long des branches, de manière qu'il est à
peine possible de distinguer les paquets qui se suivent. Sauf ce détail 1}
est de tout point semblable aux autres échantillons.
À Per-Roc’h j'ai trouvé la même espèce rampante sur les Bugules, je
l'ai même rencontrée sur des Vesicularia spinosa provenant d’un draguage
à Astan, mais ce fait est rare et la station préférée de la Bowerbankia
imbricata est le niveau supérieur des basses mers, la zone des Fucus
vesiculosus et serratus et du Fucodium nodosum. C’est dans les eaux légè-
rement saumâtres et vaseuses de la rivière de Pensez que la Powerbanha
atteint son plus grand développement.
J'ai observé dans plusieurs loges des Spermatozoïdes au mois de mars (chez
dessujets envoyés de Roscoff et conservés vivants à Paris dans nos cuvettes),
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 295
mais je n'ai jamais vu d'œufs à cette époque. Le véritable moment de la
reproduction est le mois de juillet avec la fin de juin et le commencement
d'août. Au mois de juillet, les larves qui occupent toutes les loges donnent
aux touffes une belle teinte rouge. Elles s’échappent par milliers et dans
les cuvettes vont se fixer sur les bords du côté de la lumière et à fleur
d’eau. Là elles se transforment, et les loges qui en résultent et qui s’entre-
mêlent forment un véritable tapis reproduisant la forme densa.
Vesicularia spinosa (Johnst., èd., 1847, p. 370). — Très-abondante
aux environs d'Astan, où elle pousse en belles touffes sur les vieilles co-
quilles et sur les Cynthia glacialis. On la rencontre un peu partout, mais
à Astan elle formait l’an dermier de véritables prairies. Le fond s’étant
engravé depuis, elle y est devenue plus rare. Gette espèce ne découvre
jamais, je ne l’ai pas recueillie à moins de 20 mètres de profondeur. Elle
sert de support à plusieurs espèces, notamment les Prcellaria ciliata,
Lagenella repens, Pedicellina echinata et belgica.
Serialaria lendigera (Johnst., 2d., 1847, p. 369). —$e trouve à toutes
| les profondeurs, depuis le niveau de la morte eau sous les murs du labo-
_ratoire jusques parmi les objets dragués à 20 et 30 mètres de profon-
deur. Son grand développement est au niveau des basses mers sur les
Aloues fibreuses qui se trouvent parmi les zostères. Dans l'herbier vaseux
de Pempoull elle est extrêmement abondante et forme presque un gazon
en certains points.
| Serialaria semiconvoluta (Lamk, Heller, Pryoz. des Adriat. Meeres,
p. 127). — Cette espèce, considérée jusqu'ici comme propre à la Médi-
terranée et à l’Adriatique, n’avait pas encore été signalée dans la Manche.
Sur une pierre rapportée par un pêcheur du nord de l'ile de Bas, j'en
| ai trouvé plusieurs pieds ; j'en at recueilli depuis au trou d’Astan.
ECTOPROCTAÀ.
Pedicellina echinata (Sars, forma typica). — Les tiges sont hérissées
b,
de piquants. Fréquente dans les draguages sur le Vesicularia spinosa, sur
les tiges d’'Antennularia et sur d’autres hydraires, sur les Bugules aux
O ) O
très-basses mers. La zone occupée par cette variété commence au niveau
RER
des plus basses marées et s’étend jusqu’à 40 ou 60 mètres.
Pedicellina echinata (var. glabra). — Cette variété ne diffère de la
O
| Pedhcellina echinata typica que parce que sa tige est habituellement dé
pourvue de piquants. Je ne puis cependant la regarder comme une espèce
distincte. En effet, il m'est souvent arrivé dans un groupe d'individus
| glabres d’en trouver un pourvu de piquants ; quelquefois même on en
296 LUCIEN JOLIET.
rencontre qui ont des piquants seulement sur une partie de la longueur
ou sur l’un des côtés de la tige.
Je considère donc cette forme simplement comme la variété littorale de
la Pedicellina echinata. On ne le rencontre en effet que dans la zone litto-
rale depuis les Fucus jusqu'aux Zymanthalia. Sa station préférée est à
l'ombre dans les flaques d'eau qui ne se vident pas complétement à basse
mer, sur la Corallina squammata, et surtout sur les touffes vertes de Cla-
dophora rupestris qui pendent sous les rochers en surplomb. Sur les fila-
ments de cette Algue on en trouve abondamment de magnifiques colonies.
A l'extrémité de l'ile de Bas, à la pointe de Bilvidie au milieu d’une
flaque d’eau nettement circonscrite. À quelques pas en deçà et au delà on
n'en trouve plus que de rares échantillons.
J'ai trouvé cette espèce en reproduction tout l'été, de mai à septembre,
mais surtout en mai et Juin.
Pedicellina gracilis (Sars). — Cette espèce me paraît plutôt se rap-
porter à la description de Sars qu'à la Pedicellina belgica de Van Beneden,
si toutefois celle-ci est réellement distincte de la première.
Habituellement la tige se compose de deux parties : l’une basilaire,
épaisse et pourvue de fibres musculaires, l’autre supérieure, grêle, sans
muscles et servant simplement de hampe ou de support à la tête. Quelque-
fois la hampe se compose de deux ou même de trois articles séparés par un
ou deux renflements pourvus de muscles ; la tige est alors très-longue.
Cette espèce, beaucoup plus petite que la Pedicellina echinata, est très-
fréquente dans la même zone et ordinairement en sa compagnie sur les
branches de la Vesicularia spinosa. J'ai observé des larves müres en
septembre, mais les organes génitaux sont visibles en tout temps.
Loxosoma phascolosomatum (Carl Vogt, Arch. zool. exp., t. V, p.305).
— Ce Loxosome, trouvé par M. Lemirre, préparateur au laboratoire de
zoologie de la Faculté des sciences, sur l'extrémité inférieure du Phasco-
losoma elongatum, a fait l’objet d'une monographie dont M. C. Vogt
a réuni les éléments pendant l'été de 1876 au laboratoire de Roscoff et
qu'il a publiée depuis dans les Archives.
LISTE PAR ORDRE SYSTÉMATIQUE
Tubulipora patina.
— hispida.
—— serpens.
—— flabellaris.
Discoporella...,
Alecto dilatans.
— granulata.
— major.
Diastopora obelia.
Pustulipora deflexa.
Crisia denticulata.
— churnea.
— aculeata,.
Crisidia cornuta.
Scrupocellaria seruposa.
Canda reptans.
Salicornaria farciminoides,
Picellaria ciliata.
Bugula plumosa.
— avicularia.
— flabellata.
Flustra chartacea.
Carbasea indivisa.
Membranipora membranacea.
— pilosa.
— spinosa.
— lineata.
— Flemingii.
Caberea Boryi.
— Hookeri.
Eschara foliacea
— Cervicornis.
Retepora cellulosa.
Hippothoa divaricata.
Lepralia Brongniarti,
— reticulala.
— verrucosa.
Lepralia violacea.
— coccinea.
— linearis.
— ciliala.
— variolosa.
— nitida.
— Peachi.
— _innominala.
— figularis.
— _ pertusa.
— Pallasiana.
— granifera.
— hyalina.
— Martyi.
— areolata?
Cellepora pumicosa.
— vitrina.
— ramulosa.
— Skenei..
Eucratea chelata.
Anguinaria spatulata.
Beania mirabilis.
Sarcochitum polyoum.
Cyeloum papillosum.
Flustrella hispida.
Alcvonidium birsutum.
Avenella fusca.
Lagenella nutans.
Valkeria cuscuta.
Bowerbankia imbricata.
Vesicularia spinosa.
Serialaria lendigera.
Serialaria semiconvoluta.
Pedicellina echinata typica.
— = glabra.
— gracilis.
Loxosoma phascolosomatum.
/
DISTRIBUTION EN PROFONDEUR
ESPÈCES
DE LA ZONE LITTORALE
découvrant
aux plus basses marées.
Alecto dilatans.
Tubulipora serpens.
_ flabellaris.
Canda reptans.
Eucratea chelata.
Anguinaria spatulata.
Bugula avicularia.
Membranipora membra-
nacea,
Membranipora pilosa.
— spinosa.
Lepralia verrucosa.
— granifera.
— hyalina.
— Marlyi.
Cellepora vitrina.
Flustrella hispida.
Sarcochitum polyoum.
Cycloum papillosum.
Bowerbankia imbricata,
Valkeria cuscuta.
Pedicellina echinata, var.
* glabra.
Loxosoma phascolosoma-
tum.
ESPECES
RÉPANDUES DANS LES DEUX
ZONES.
Crisia denticulata.
— eburnea.
— aculeata.
Crisidia cornuta.
Scrupocellaria scruposa.
Hippothoa divaricata.
Beania mirabilis.
Bugula flabellata.
Caberea Hookeri.
Membranipora lineata.
Lepralia nitida.
Cellepora pumicosa.
Serialaria lendigera.
ESPECES
DE LA ZONE PROFONDE
ne découvrant jamais
Tubulipora patina,
— hispida.
Alecto major.
— granulata.
Salicornaria farciminoides,
Caberea Boryi.
Bicellaria ciliata.
Bugula plumosa.
Membranipora Flemingii.
Carbasea indivisa.
Flustra chartacea.
Eschara foliacea.
Retepora cellulosa.
Eschara cervicornis.
Cellepora ramulosa.
Cellepora Skenei.
Aleyonidium hirsutum.
Avenella fusca.
Lagenella nutans.
Vesicularia spinosa.
Serialaria semiconvoluta.
Pedicellinaechinata typica.
Pedicellina gracilis.
Ms de
NN —.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 299
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE VI.
Fic,. 1. Reproduction de la figure 3, pl. XIII du mémoire de Fritz Müller.
Fic. 2. Reproduction de la figure 7, pl. XIII da mémoire de Fritz Müller.
Fic. 3. Oc. 4, Hartnak; obj. 4, Hartnak. Figure destinée à montrer les relations du
funicule avec un très-jeune bourgeon ; b, bourgeon ; f, funicule surchargé de gra-
nulations dans sa partie moyenne ; cbr, corps brun relégué sur les parois de l’en-
docyste; cp, cordon principal chargé de granulations surtout dans sa partie infé-
rieure ; &, diaphragme ; p, perforation.
Fic. 4. 4 H./4 H. Région inférieure du corps d'un polypiderattaché au fond de la loge
par le funicule ; gs, gésier; r, rectum; e, estomac; f, funicule s’attachant vers l’ex-
trémité du cæcum de l’estomac et se prolongeant un peu sur la face ventrale de
cet organe.
Fi. 5. 2 H./9H. Portion du funicule arraché du fond de la loge et encore adhérent
à l'estomac, traité par l'acide chlorhydrique faible, pour montrer les cellules fusi-
formes qui le constituent.
Fic: 6.2 H./5 H. Deux coupes ont été faites en travers de la tige au-dessus et au-
dessous d’un nœud, de manière à isoler un diaphragme qui est vu de face. p, perfo-
ration centrale ; à, impression laissée par le ganglion; cp, débris du cordon prin-
cipal; ec, lambeau de la paroi latérale de la loge rabattu par le poids de la lamelle
couvre-objet.
FiG. 7. Rapport des dimensions du cordon nerveux et de la perforation du diaphragme.
Fi. 8. 2 H./9 H. Deux cellules fusiformes du cordon central isolées, pour montrer
qu'il ne part aucune fibre de leurs extrémités et traitées par l'acide osmique ;
gr, amas de granulations et granulations réfringentes isolées. ;
PLANCHE VII.
Fic. i. 2 H./5 H. Figure destinée à être mise en parallèle avec celle de Fritz Müller
pour montrer que les prétendus ganglions ne sont pas, comme l’a figuré cet au-
teur, des renflements continus des cordons nerveux, mais qu'ils sont divisés en
deux moitiés par des diaphragmes percés seulement en leur centre d’une fine per-
foration. g, ganglions; p, perforation d’un diaphragme; cp, cordon principal et
ses ramifications,
Fic. 2. 4 H./4 H, Portion de plexus prise au milieu d’une tige et montrant qu’en cer-
tains points ses branches vont s'attacher largement à l’endocyste.
Fic. 3. 4 H./4 H. Apparence de ganglion présentée par la juxtaposition des deux
amas de matière granuleuse résultant de lépatement du cordon central sur les
deux faces du diaphragme.
Fic. 4. 4 H./4 H. Perforation d’un diaphragme vue de trois quarts.
Fic. 5. 2 H.19 H. Tronçon du cordon central de la tige, traité par l’acide chlorhydri-
que faible pour montrer les cellules fusiformes dont il se compose. ec, ectocyste
de la loge ; en, endocyste détaché de l’ectocyste par l’action de l’acide. Le côté
externe du cordon plus rapproché de l’endocyste est plus chargé que l’autre de
granulations ; ér, trabécules qui rattachent le eordon central à l’endocyste.
F1G. 6. 2 H./9 H. Tronçcon du cordon central pris dans une région granuleuse pour
montrer les modifications que ses cellules peuvent subir. Du côté gauche, on voit
300 LUCIEN JOLIET.
quelques cellules fusiformes encore reconnaissables, mais du côté externe on ne
soupçonne leur forme que par la direction des séries de granules refringents qui
les remplissent.
PLANCHE VIII.
Les figures 1, 2, 3 et 4 représentent deux loges de Bugula flabellala, dessinées à
la chambre claire les 16, 23, 26 janvier et 4er février 1877.
F1G. 1. 2 H./4 H. 16 janvier. Le polypide E est en train de s'épanouir, il est encore
de couleur pâle ; le polypide F est plus foncé, des granules bruns tournent dans le
rectum ; b, jeune bourgeon; à, aviculaire en voie de formation.
Fic. 2. 2 H./4 H. 93 janvier. E est encore vivant, mais il a bruni; F est presque
réduit à l’état de corps brun; la loge et le bourgeon b n’ont pas été représentés
dans cette figure, faute de place.
Fic. 3, 2 H./4 H. 26 janvier. E s’est tréduit en une masse ovoïde amorphe jaunâire;
F a diminué de volume.
Fic. 4. 2 H./4 H. 1er février, E et F, sont devenus de véritables corps bruns. :
Les figures 5, 6 et 7 représentent une même loge de Bowerbankia imbricata, des-
sinée à la chambre claire les 5, 6 et 10 juillet 1877.
Fic. 5. 2 H./4 A.5 juillet. Le polypide, qui était vivant la surveille, est déjà flétri et
la collerette est presque complétement sortie au dehors.
Fi. 6. 2 H./4 H. G juillet. La collerette est complétement dévaginée, les restes du
polypide se réduisent et s’affaissent.
Fic. 7. 2 H./4 H. 10 juillet. Le corps brun est parachevé et entouré de quelques
granules plus clairs, gr.
FiG. 8.2 [1.75 H. Représente le cæcum d’un même polypide de Bicellaria ciliala à
quelques minutes d'intervalle. En A, le canal c est très-étroit; en B, peu de temps
après il est agrandi. Ces deux figures doivent être comparées aux figures 9 et 40,
qui reproduisent les dessins de Hincks; elles montrent nettement que la constric-
tion qui produit le canal c n’intéresse pas le contour extérieur des parois sto-
macales.
Fia. 9 et 10. Extrémité d’un cæcum de Bicellaria ciliata, d'après Hincks (Q. J. micr.
Ses III pl TT 66 et 7):
Fi. 11. 2 H./9 H. Epithélium de la région inférieure du cæcum de la Bugula flabel-
lata. I] est formé de cellules polygonales contenant chacune un ou deux granules
bruns,
Fi1G. 12. 2 H./7 H. Corps bruns tiré d’une loge d’Eucratea chelata et environné des
: granules jaunâtres que Repiachoff regarde comme les restes des tentacules du
bourgeon gr.
Fi. 13. 2H./7 H. Corps brun tiré d’une loge de Bowerbankia imbricata et montrant
au milieu de sa substance plusieurs corps étrangers et un certain nombre des
plaques dures qui revêtent le gésier du polypide.
PLANCHE IX.
Les figures 1, 2 et 3 représentent une même loge d’Eucratea chelata, dessinée à la
chambre claire le 1er, le 2 et le 3 juin 1877.
Fra. 4. 2 H./5 I. 4er juin. Bourgeon avancé d’Eucratea chelata dont l'extrémité cæ-
cale est en rapport avec un corps brun. cb, corps brun ; gr, granules qui l’envi=
ronnent; f, funicule ; m, méconium; cl, cloison; cp, cordon principal de l’endo=
sarque.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 301
Fi. 2. 2 11/5 H. 2 juin. Le corps brun traversant la paroi intestinale est passé dans
la cavité du cœcum, quelques granules jaunes gr sont restés sur la paroï au point
où s’est effectué le passage ; plusieurs autres sont déjà dans le rectum.
Fic. 3. 2 H./5 H, 3 juin. Le corps brun est passé dans le rectum, où se trouvent en-
core le méconium et plusieurs granules, Il est encore entouré de sa membrane.
Le polypide s'étant accidentellement flétri, l'évacuation du corps brun n’a pu
avoir lieu.
FiG. 4. 2 H./5 H. Polypide qui était le 7 juin absolument dans les mêmes condi-
tions que le précédent; son rectum était, à cette date, distendu par un corps
brun ; le 8, il était dans l’état que représente la figure 4, son rectum ne contenant
plus que quelques granules.
Fic. 5. 2 H./4 H. Bourgeon de Lepralia granifera se développant sur un corps brun.
Fi. 6. 2 H./4 H. Le bourgeon entoure le corps brun de sa substance.
Fc. 7. 2 H./4 Hi. Le corps brun est maintenant dans la cavité stomacale du poly-
pide; m, méconium.
Fi. 8. 2 H./4 H, Le corps bruns'est résolu en granules qui sont évacués peu à peu;
un paquet de ces granules occupe le rectum.
Les figures 9 et 10 représentent la même loge de Valkeria cuscuta, dessinée à la
chambre claire le 2 et le 6 mars 1877, dans des positions un peu différentes, ce
qui fait que les corps bruns ne se présentent pas de même.
Fi. 9. 2 H./5 H. Jeune bourgeon; m, méconium ; cst, cavité stomacale ; f, funi-
culc; gt, gaine tentaculaire.
F1G. 10. 2 H./5 H. Le polypide est presque adulte; le corps brun est resté ce qu'il
était, n’a pas passé dans la cavité stomacale.el n’a pas pris part au développement.
Fi16. 11. 2 H./9 H. Cellules détachées de l’épithélium stomacal de la Bowerbankia
imbricata. Elles sont chargées de granules bruns.
Fic. 12. 2 H./9 H. Cellules détachées de l’épithélium stomacal de la Bugula flabel-
lala.
PLANCHE X.
F16. 1. 2 H./7 H. Deux loges de Bicellaria ciliata en reproduction ; ov, ov, œufs ap-
pendus au cœcum stomacal et dépendant du funicule; cm, cm, cellules mères des
zoospermes développées dans la partie basse du funicule; celles de la loge supé-
rieure sont déjà müres et laissent passer la queue des zoospermes.
F1G. 2.2 H./9 H. Loge de Valkeria cuscuta en reproduction. Le polypide n’est pas
encore adulte, car son rectum contient encore un méconium; {, testicule formé
par l'accumulation des cellules mères développées dans le sein du funicule;
Ov, ovaire contenant deux œufs et attaché au sommet du funicule au contact du
cæcum stomacal,
FiG. 3, 9 IT 17 H. Loge de Bowerbankia imbricala au moment de la reproduction. Le
polypide est adulte. ov, ovaire contenant deux œufs et développé dans cette partie
du fanicule, qui est adhérente au cœæeum stomacal; cm, cellules mères des zoosper-
mes en petit nombre, encore adhérentes au funicule.
Fc. 4.2 H./9 IT, Jeune loge de Vatkeria cuscuta, dans laquelle les éléments généra-
teurs se développent en même temps que le polypide et dans le sein du tissu fu-
niculaire, Les œufs ne sont pas encore distincts ; cm, cellules mères ; mpv, muscles
pariéto-vaginaux; gt, gaine tentaculaire ; ç, masse dans laquelle naîtra la collerette.
F1G. 5. 2 H./7 H. Jeune bourgeon de Bugula avicularia sous lequel on distingue
dans la dépendance du funicule : qu, un ovaire ; 00, deux œufs déjà formés.
Fi. 6.2 I1./7 H, Deux œufs appendus au funicule dans la Bugula flabellata,
302 LUCIEN JOLIET.
Fic. 7. 2 ÀA./7 H. Granules résultant de la tranformätion des éléments de l’endosar-
que et prêts à se détacher pour former dés cellules flottantes, dans la Lagenella
nutans.
Fra. 8. 2 H./9 H. Cellules flottantes de la Bowerbankia imbricata.
Fic. 9.2 H./7 H, Mèmes granules dans la Bugula avicularia.
Fic. 10. 2 H./9 H. Cellules flottantes de la Bicellaria ciliata.
PLANCHE XI.
Fra. 4. 2 H./5 H. Loge de Lepralia Martyi avec son ovicelle. La loge renferme un
jeune polypide en voie de développement et contenant dans son estomac un corps
brun. À côté se trouve un ovaire dans lequel se voient deux œufs : l’un presque
mür, d'un rouge vif; l’autre beaucoup plus petit et encore incolore. Tous deux
sont pourvus de la vésicule germinative. Dans l’ovicelle se trouve une larve ciliée
prête à s'échapper.
Fic. 2. 2 H./7 H. Représente une loge de Bicellaria ciliata, dans laquelle se trouvent
simultanément un ovaire funiculaire ov, f appendu au cœcum du polypide et un
ovaire pariétal ov, p, accolé à la paroi interne de la loge. Dans le sein du funicule :
et au-dessous de l'ovaire funiculaire on remarque des cellules mères de zoo-
spermes, Cm.
Fic. 3. 2 H./7 H. Très-jeune ovaire de Lepralia Martyi, accolé à la paroi de la loge
dans la région inférieure, De sa surface se détache le funicule fn qui se rend au
corps brun.
Fic. 4. 2 H./7 H. Jeune loge d’Eucratea chelata dans laquelle se développe, exclusi-
vement aux dépens de la substance du funicule fn, un jeune polypide p; en, en-
docyste celluleux ; fn, fn, endosarque traversant la cloison entre les loges ; gt, gaine
tentaculaire en voie de formation.
Fig. 5. 2 H./7 H. Loge de Valkeria cuscula déjà pourvue de trois corps bruns, et
dans laquelle bourgeonne un nouveau polypide dans le sein du funicule et à dis-
tance appréciable de l’endocyste.
Fic. 6. 2 H./7 H. Formation des œufs dans la Lepralia Martyi. ov, premier ovaire;
ov, second ovaire ou cellule mère d’œufs. Le premier est creusé d'une cavité dans
laquelle se voient deux œufs. Le second est encore rudimentaire.
Fic. 7. 2 H./9 H. Ovaire pariétal de la Bicellaria ciliata, vu sous un plus fort gros-
sissement.
Fic. 8. 2 H./7 H. Ovaire funiculaire de la Bicellaria ciliatc.
Fic. 9. 2 H./9 H. Cordon principal de Bowerbankia imbricata montrant les cellules
boursouflées dont l’une est prête à se détacher pour devenir une cellule flottante.
Fic. 10. 2 H./9 H. Zoosperme de Lepralia Martyi en train de se débarrasser de sa
cellule mère.
Fic. 11. 2 H,/7 H. Première ébauche d’un bourgeon de vésiculaire sur la paroi d’une
loge ancienne au contact du funicule. On voit un paquet de cellules résultant de
la prolifération des éléments du funicule.
Fic. 12. 2 H./7 H. Les cellules se répartissent en deux couches et s’étalent pour
former une sorte de couronne de gros éléments disposés autour d’un tissu central
plus fin.
Fic. 143. 9 H./7 H. Etat plus avancé du même bourgeon, Au centre se voit la fente
qui indique la cavité digestive.
FiG. 14, 2 H./7 H. Zoosperme de Bowerbankia imbricata formé d’une grosse tête en
massue et d'une longue queue filiforme et flexueuse.
BRYOZOAIRES DES COTES DE FRANCE. 303
PLANCHE XII.
FiG. 1. 2 H./9 H. Extrémité végétative d’un stolon de pédicelline montrant les cels
lules cylindriques de l’endocyste se raccourcissant graduellement à mesure qu'on
s'éloigne du pôle de la calotte, et au contre, les cellules détachées et encore arron-
dies dans cette région, qui constituent le parenchyme.
Fic. 2. 2 H./9 H. Extrémité végétative d’un stolon de Bowerbankia imbricala mise
en parallèle avec celle de la pédicelline pour montrer la similitude du dévelop-
pement.
FiG. 3.2 H./7 H. Même extrémité sur une plus grande longueur et sous un plus faible
grossissement, pour montrer comment le cordon principal se forme aux dépens
des cellules de l’endocyste terminal.
Fic. 4. 2 H./9 H. Extrémité d’une tige de Pedicellina gracilis, pour montrer au-
dessous de la couche celluleuse de lendocyste les cellules fusiformes du paren-
chyme.
Fig. 5. 2 11./7 H. Extrémité végétative d’un stolon d’Eucratea chelata, pour montrer
que l’endosarque accolé au bord interne de la loge se forme aussi aux dépens des
cellules de lendocyste terminal.
Fi. 6.2 H./9 H. Portion moyenne d’un stolon de Pedicellina echinata, pour montrer
les cellules fusiformes anastomosées dont est constitué son parenchyme.
F1G. 7. 211./9 H. Endocyste de l'extrémité d'une tige de Pedicellina gracilis.
| Fr. 8. 2 H./9 H. Structure de l’endosarque de la Bugula avicularia.
Fi. 9.2 H./7 H. Jeune tige de Pedicellina echinata au sommet de laquelle, avant
l'apparition du diaphragme, un polypide, encore réduit à six cellules, bourgeonne
aux dépens de l’endocyste. |
FiG. 10. 2 H./7 H. Bourgeon plus avancé; les premiers linéaments du diaphragme
commencent à se dessiner.
Fic. 11. 2 H./9 H. Première ébauche d’une zoécie dans la Vesicularia spinosa. Ce
n’est encore qu'une ampoule soulevant la surface de l’ectocyste et doublée inté-
reurement d’une couche d’endocyste celluleux, à l’intérieur on reinarque une
traînée de granules appartenant à l’endosarque.
* Ki. 12. 9 H./7 H. Les granules internes deviennent plus nombreux.
F1G. 13. 2 H./7 H. Ils se groupent au milieu de l’ampoule.
Fic. 14. 2 F./7 H. Ils se réunissent en un amas central qui est nettement en con-
linuité avec l’endosarque du stolon,
F1G. 15. 2 H./7 H. Les cellules se sont multipliées et sont devenues plus fines, le
bourgeon ressemble à ce moment à une masse de sarcode homogène. Le dia-
phragme est apparent.
Fic. 16.2 H./7 H. Même stade après traitement par l'alcool, le bourgeon est nette-
ment séparé de l’endocyste et relié au funicule, dont il est comme une dilatation.
Fic. 17.2 H./7 H. Apparition de la fente digestive.
PLANCHE XIII.
Fic. 1. 2 H./7 H. Loge d’Eucratea chelata montrant nettement un jeune bourgeon
qui se développe dans le sein de l’endosarque au-dessus du corps brun.
F1G. 2. 2 H./5 H. Polypide d'Eucratea développé sur le funicule indépendamment
du corps brun et de l’endocyste.
FiG. 3. 4 H./2 H. Larve de Flustrella hispida représentée de profil ; p, ébauche du
polypide; mr, muscles rétracteurs; c s, bouton pourvu de soies,
304 LUCIEN JOLIET.
Fic. 4. 4 H./2 H. La larve s’est désorganisée et est représentée de face à cheval
sur ses deux valves et réduite à une masse de protoplasma granuleux dans lequel
apparaît un bourgeon de polypide.
Fic. 5. 2 H./5 H. Loge de Valkeria cuscula renfermant deux œufs o encore at-
tachés aux restes cb du polypide qui les a produits. Sur la paroi, au contact du
funicule, se développe un bourgeon de polypide. Les œufs présentent leur vési-
cule germinative. La loge est complétement close et ne renferme plus de sper-
matozoïdes.
Fi. 6. 2 H/5 H. Loge de Valkeria cuscuta observée le 18 juillet. Elle ne contient
qu’un œuf arrivé à son développement complet et montrant encore sa vésicule
germinative ; dans le haut de la tige, se voit un petit polypide qui a développé un
nouvel appareil operculaire et ouvert la loge,
FiG. 7. 2 H./5 H. Même loge le 19 juillet. L’œuf qui était hier au-dessous du po-
lypide auxiliaire est maintenant au-dessus. Il à pris place dans sa gaîne tenta-
culaire et perdu sa tache germinative ; m, méconium. L’œuf est maintenant en
communication avec l’intérieur,
Fi. 8.2 H./5 H. Le polypide auxiliaire est atrophié, mais on reconnaît encore son
méconium m, et ses muscles rétracteurs subsistent au- The de lui, l’œuf fécondé
s’est segmenté en huit sphères.
Fig. 9. 2 H./5 H. La larve a poursuivi son développement et est maintenant pres-
que adulte ; elle est toujours renfermée dans la gaine tentaculaire et mue par
les muscles rétracteurs mgr et le funicule, elle monte et descend dans la loge, se
portant souvent jusqu’à l'entrée. Au4dessous d’elle, on aperçoit encore le mé-
conium m du polypide auxiliaire. |
F1G. 10, 2 H./7 H. Larve close de Valkeria cuscula. Au centre, une masse grise
plus fortement ciliée que le reste au niveau de l’échancrure. Autour, zone de cel-
lules rayonnantes en éventail; plus en dehors, zone de protoplasme granuleux
limitée par un épithélium ciliaire général. ‘
NOTE PRÉLIMINAIRE
SUR LE DÉVELOPPEMENT DES PLIES
PAR ALEXANDRE AGASSIZ1.
La manière dontles yeux de la Plie viennent se placer tous les deux
sur un même côté du corps a fourni aux théories un champ fertile.
Je n’ai pas pour but actuellement de discuter les explications qui
ont été proposées pour rendre compte des faits, mais simplement de
donner les résultats d'observations faites en étudiant le développe-
mént d’un certain nombre de Plies communes sur nos côtes.
Chez cinq de ces espèces, le passage de l’œ1l d’un côté à l’autre
n’est pas, comme Malm l’a avancé, une simple tendance de l’œil du
« côté aveugle » (celui sur lequel repose la Plie) à se tourner vers
la lumière et à entraîner avec lui les parties de la tête qui l’envi-
ronnent.
L’œil primitivement placé du côté aveugle symétriquement par
rapport à celui du côté opposé, chemine à partir de cette position
en haut et en avant, résorbant les tissus sur sa route, tandis qu'il
s’en forme de nouveaux derrière lui. Ce mouvement de translation est
suivi d’une certaine quantité de torsion de toute la région frontale
de la tête, torsion qui commence d’ailleurs seulement après que
l'œil du côté aveugle a presque atteint le bord supérieur de ce côté,
en avant de sa première position, d’une certaine distance.
Cette torsion s'effectue naturellement de très-bonne heure, à un
àge où toute la charpente osseuse du crâne est encore cartilagineuse,
et c’est elle qui finit par porter l'œil du côté opposé. Dans quatre de
ces espèces de Plies la nageoire dorsale à cette époque ne s’étendait
pas jusqu’au bord postérieur de l'orbite.
Dans une autre espèce, après que l’æœ1il eut été, par le même pro-
cédé de translation et de torsion, porté d’un côté à l’autre, la na-
1 M. A. Agassiz m'ayant adressé la note qu'on va lire ave: une série de dessins
originaux, j'ai cru qu'il serait agréable aux lecteurs des Archives de suivre les détails
des modifications morphologiques intéressantes des pleuronectes, à l’aide des figures
du savant auteur américain. J’ai prié M. Joliet de donner la traduction de la note
et j'ai fait ajouter les dessins. (Note du Directeur.)
ALOHAEDN ZOO Le EX PHUDIMIGEN EE CNT IS 77: 20
306 ALEXANDRE AGASSIZ.
geoire dorsale s’étendit graduellement au-delà du bord antérieur de
l'orbite de cet œil.
Cette jeune Plie présentait ainsi de bonne heure un état dans
22
LD
ie 222
IIS
FUN
Fire. 1. Fic. 2
F1G. 1.— (Plagusia, Steenstrup), Bascania, Schiodte vu de face.
FiG. 2. — Le même, de profil, les yeux placés symétriquement des deux côtés.
lequel l’œil du côté aveugle semblait avoir passé à travers la tête
entre le frontal et la base des rayons antérieurs de la nageoire dorsale.
Fic. 3. — Tête de la figure 2, un peu plus agrandie.
Comme j'avais toutefois suivi tout le développement sur des spéci-
mens vivants, je connus par cette observation que le mode de trans-
port de l’œil droit avait été identique à celui de l’espèce précédente.
Ces observations confirment jusqu'ici dans ce qu'elle a d’essentiel
DÉVELOPPEMENT DES PLIES. 307
l'explication que Malm a donnée du développement des jeunes Plies
symétriques vers l’état plus avancé sous lequel on les connait si
bien.
Ce fut donc à mon grand étonnement que je pris un Jour un cer-
tain nombre de Plies ayant environ un pouce de long, proches alliées
FIG. 4, À Fi. 5. | Fi&. 6.
F1G. 4. — Premier signe du changement de place de l'œil du côté droit, que l’on aperçoit du côté
gauche (à travers le corps transparent), au-dessus de l'œil droit.
F1G. 5. — Partie supérieure de la tête, vue du côté droit, montrant l'œil du côté gauche
déjà passablement déplacé et avancé vers le haut de l'os frontal.
FiG. 6. — Même vue ; l'œil du côté droit est enfoncé profondément dans les chairs entre l'os fron-
tal et la base de la dorsale, ne communiquant plus à l'extérieur que par une petite ouver-
ture nasale. "
des Plaqusiæ de Steenstrup, celles qu’on nomme Basconia de Schiodte.
Elles étaient si parfaitement transparentes, qu’elles avaient l'air d’une
Hiee7. RIG::S:
FiG. 7. — Vue de la tête d'an poisson à peu près dans le même stade ; vu du côté gauche, l'œil de
droite paraît à la surface du côté gauche, mais communique encore avec l'extérieur du côté droit
par une petite ouverture vide (voir fig. 8), qui est l'œil du côté droit vu du côté droit.
FiG. 8. — Voir l'explication de la figure 7.
F1G. 9. — L'œil du côté droit s’est fait jour du côté gauche, et les deux yeux maintenant
regardent du côté gauche.
simple pellicule sur le fond du vase de verre dans lequel elles étaient
conservées. Elles étaient encore complétement symétriques, ies yeux
se trouvaient à une certain distance du museau et la nageoire dorsale,
308 ALEXANDRE AGASSIZ.
s'étendant presque jusqu'aux narines, dépassait de beaucoup le bord
antérieur des orbites.
Je les considérai naturellement tout d’abord (à cause de leur
taille) comme appartenant à une espèce dans laquelle sans doute les
yeux restaient toujours symétriques et je me préparai à surveiller
leur développement ultérieur. Ce fut avec un grand intérêt que je
remarquai quelques jours après qu'un des yeux, le droit, s'était
quelque peu déplacé vers la partie supérieure du corps, de sorte que,
quand le jeune poisson était couché sur le côté, la moitié supérieure
de l’œil droit pouvait très-bien être vue se projetant au-delà de l'œil
gauche à travers le corps parfaitement transparent. L’œil droit, étant
(comme c’est le cas pour toutes les Plies) capable, dans le sens ver-
AN
F1G. 10, — L'œil droit est entièrement placé sur le côté gauche; il ne reste plus aucune trace
de communication avec l'extérieur du côté gauche,
tical, de mouvements très-étendus et embrassant un arc de près de
180 degrés, pouvait alors presque se retourner pour regarder à travers
le corps, et par-dessus l’œil gauche, voir de ce côté, l’œil droit élant
naturellement utile sur son propre côté tant que le poisson était
placé sur le flanc.
Il faut noter ici que cette jeune Plie, longtemps après même que
l'œil droit fut venu se placer sur le côté gauche, continua fréquem-
ment à nager verticalement et cela pendant longtemps.
Cette légère tendance de l’œil droit à se déplacer vers le haut con-
tinua en même temps qu’un mouvement de translation vers la partie
antérieure de la tête jusqu’à ce que l'œil, vu du côté gauche à travers
le corps, fût devenu entièrement distinct de l’autre et se trouvât ainsi
placé quelque peu en avant et au-dessus de lui, mais encore entière-
DÉVELOPPEMENT DES PLIES. 309
ment en arrière de la base de la nageoire dorsale qui s'étendait pres-
que jusqu'à l’origine du museau. Quel ne fut pas mon étonnement
le jour suivant, lorsque je retourna la jeune Plie sur son côté gauche,
de trouver que l'œil droit avait maintenant pénétré dans les tissus
de la tête dans l’espace situé entre la base de la nageoire dorsale et
l’os frontal, de telle façon que les tissus qui environnaient l'orbite
s'étaient ensuite rapprochés derrière l'œil de manière à ne plus
laisser qu’une ouverture elliptique plus petite que la pupille et à
travers laquelle 1l pouvait encore regarder pendant la natation verti-
cale ! Pendant que la jeune Plie était sur le flanc, l'œil droit était
constamment employé à regarder à travers le corps et pouvait évi-
demment très-bien voir ce qui se passait du côté gauche. Le jour
suivant l'œil avait continué sa route plus avant, de telle sorte qu’on
voyait maintenant vis-à-vis, sur le côté gauche, une petite ouverture
à travers laquelle l’œil droit pouvait voir directement, l’ouverture
primitive du côté droit étant maintenant complétement fermée.
Bientôt après cette nouvelle ouverture de gauche augmenta progres-
sivement, l’œil droit s’approchant de plus en plus de la surface, et
finalement regardant au dehors à gauche aussi librement que l’œil
gauche lui-même. L'ouverture du côté droit s'était définitivement
oblitérée. J'ai été ainsi à même de suivre sur un seul et même spéci-
men le passage de l'œil du côté droit au côté gauche à travers les
téguments de la tête entre la base de la nageoire dorsale et l’os fron-
tal. Cette observation conduit à des conclusions quelque peu diffé-
rentes de celles de Steenstrup, qui pensa pouvoir prouver (d’après
l'examen d'échantillons conservés dans l'alcool) que l’œil du côté
droit passait sous l'os frontal. Ce n'est évidemment pas le cas ici,
l'œil le contournant simplement, tandis qu'il n’y a encore à cette
époque qu’une très-légère torsion du frontal.
Bien que, au premier coup d’œil, ce mode de transport de l'œil
puisse paraître différer radicalement de celui que j'ai décrit plus
haut, cependant, si la nageoïire dorsale ne s’était pas étendue au-delà
du bord postérieur de l'orbite droit, le processus eût été le même,
comme il est facile de s’en rendre compte.
J'espère donner bientôt d’amples détails, avec planches à l’appui,
sur le mode de transport de l’œil à ses différentes phases dans un
mémoire que je prépare sur le développement de quelques-uns des
poissons osseux de nos côtes.
Mais si j'ai pu ainsi décrire stade par stade sur des spécimens
310 DÉVELOPPEMENT DES PLIES.
vivants le transport de l’œil d’un côté à l’autre, je ne puis donner
aucune explication de la cause qui détermine les Plies à se coucher
sur un côté. Celles qu’on donne habituellement ne sont pas satisfai-
santes. Le grand diamètre vertical du corps, la position des nageoires
dorsale et ventrale, la natation par ondulation, toutes ces conditions
sont propres à rendre ces poissons plus capables de nager dans un
plan vertical. Par le fait, dans leur jeune âge ils nagent toujours
dans cette position alors que cependant leur aptitude à se tenir ver-
ticalement est infiniment moindre que lorsqu'ils commencent à se
mettre sur le côté.
La rapidité avec laquelle les jeunes Plies mettent leur couleur à
l'unisson de celle du fond est merveilleuse. Dans une espèce, les cel-
lules à pigment rouge, jaune et noir sont amenées à la combinaison
convenable avec tant de rapidité qu’il semble à peine croyable que
le même poisson puisse prendre des teintes si différentes dans un
temps si court. La taille et le nombre de ces cellules à pigment rend
à peine compte de ce phénomène.
Le jeune de cette Plie transparente ne se couche pas invariable-
ment sur le côté droit, son choix ne semble déterminé que par le
hasard. Sur quinze individus huit se couchèrent sur le côté gauche
et tous moururent sans avoir pu accomplir en quoi que ce soit le
mouvement de transfert de l'œil gauche vers le côté droit, bien qu’ils
aient vécu aussi longtemps que les sept autres qui, s'étant tournés
du bon côté, eurent presque le temps d'achever le mouvement in-
verse. Cette incapacité rend compte de la rareté des formes sénestres
dans les Plies et vice vers.
Dans les autres espèces mentionnées plus haut tous les jeunes que
j'ai eu occasion de prendre vivants tournèrent sur le côté favorable.
Je dois aussi noter ici qu'à une certaine période de sa croissance
notre Ctenolabrus montre une tendance très-marquée à pencher du
côté droit, on retrouve même un reste de cette disposition chez
l’adulte dans la position oblique particulière que prennent quelque-
fois les individus lorsqu'ils approchent un obstacle. Li d:
LABORATOIRE DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
DE ROSCOFF
COMPTE RENDU DES AMÉLIORATIONS ET DES TRAVAUX
DE 14874 A 1878
PAR
H. DE LACAZE-DUTHIERS,
Directeur, membre de l’Institut de France.
I
Dans le troisième volume des Archives j'ai publié, en 1874, une des
lecons d'ouverture de mon cours de zoologie à la Sorbonne, où, après
avoir indiqué le but de la création des laboratoires de la station ma-
ritime de Roscoff, je faisais connaître quelle avait été l’organisation
de ces établissements à leur origine.
Depuis cette époque, tous les ans à l'ouverture de mon enseigne-
ment, comme dans les rapports de fin d'année adressés à M. le Mi-
nistre de l’Instruction publique, j’ai présenté un compte rendu des
progrès faits par mes laboratoires, et résumé les travaux entrepris ou
publiés par les savants venus à Roscoff.
Bien que les lecteurs des Archives connaissent la plupart de ces tra-
vaux, il paraît utile de rendre compte des recherches et des améliora-
tions qui ont été faites pendant les trois dernières années, dans l’éta-
blissement, on pourra reconnaître ainsi que ses progrès sont constants,
et que son développement a pris une heureuse extension.
Des étrangers sont venus pour visiter la station, les uns ont fait des
rapports, les autres ont écrit des articles qui, peut-être, ne donnent
pas une idée exacte des services que Roscoff a rendus et peut rendre
aux naturalistes.
D'ailleurs, à l’époque où je me décidais à fonder les laboratoires de
| zOologie expérimentale, javais un but bien défini, que j'ai dû modi-
fier depuis sans l’abandonner cependant complétement. A l’origine,
je désirais, en effet, transporter de localité en localité le labora-
312 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS
toire, après avoir publié une faune de chacune d'elles. Alors je
croyais pouvoir compter sur le concours de zélés collaborateurs qui
semblaient avoir accepté la tâche importante et utile, mais lourde,
d’une semblable publication. Tout n’a pas marché à souhait dans
cette voie.
En outre, la position que le laboratoire a prise dans le monde scien-
tifique a conduit l’administration à faire une plus large part à sa do-
tation et'à acquérir une grande et belle propriété, ce qui a rendu
définitive l'installation sur la côte bretonne.
Il m'a paru nécessaire de faire connaître cette modification de mes
projets primitifs, et de dire ce que sont aujourd’hui, après sept années
d'existence, l’organisation et le travail dans la station zoologique de
Roscoff, désirant montrer par là que les progrès et les améliorations
ont été continus.
Il
Tandis que par un concours de circonstances indépendantes de ma
volonté, l’idée que j'avais eue de déplacer les laboratoires de zoologie
marine devait être presque abandonnée par moi, dans un autre pays
elle était mise en pratique dans la plus large des mesures.
Les lecteurs des Archives liront-ils avec intérêt le résumé d’un mé-
moire hollandais, premier rapport sur la station zoologique de la So-
ciété zoologique dre Hollande, que M. le docteur Léon Fredericq, de
Gand, a bien voulu analyser en étant à Roscoff, et auquel il a ajouté
son impression sur son séjour auprès de nous. Je publie ici sa note
telle qu’il l’a remise.
PREMIER RAPPORT ANNUEL
sur la station zoologique de la Société zoologique des Pays-Bas (avec un croquis
du laboratoire établi sur la digue de mer du Helder et une carte des environs
(extrait du Journal de la Société zoologique des Pays-Bas. La Haye et Rotterdam,
1876).
Analyse par le docteur Léon Frrperico, de Gand.
« Sur la proposition de M. le professeur C. K. Hoffmann, la Société
zoologique des Pays-Bas vota à l'unanimité, dans sa séance du 4 dé-
cembre 1875, la création d’un établissement zoologique national sur
les bords de la mer du Nord, Une commission, composée de MM. Hoff-
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 313
mann, Hoek et Hubrecht, se mit immédiatement à l'œuvre; elle étudia
les environs de Schiermonnikoog, Ameland, Texel, Nieuwe Diep,
Pettew et le Hoek van Holland, mais ne trouva nulle part de local
propre à l'installation d’une station zoologique. La Société se décida
alors à faire construire elle-même un laboratoire. Il fut admis en
principe que le bâtiment serait entièrement en bois et pourrait se dé-
monter, de façon à être transporté à volonté d’un point à l’autre de la
côte. |
« Les ressources de la Société ne lui permettaient pas de s'engager
seule dans une pareille entreprise. L'appel qu'elle fit à la générosité
de l'Etat, des Sociétés scientifiques du pays et des particuliers, fut
couronné de succès. Une somme de 10 000 francs se trouva souscrite
en peu de temps. La construction du local coûta environ 3 500 francs;
puis il fallut meubler le nouvel établissement, acheter des instruments,
des réactifs, des vases, des engins de pêche, etc. Cela fit un total de
7 000 francs en chiffres ronds, y compris un millier de francs pour
frais d'exploitation pendant les mois de juillet et d'août 1876.
« On choisit pour la campagne de 1876 la petite ville du Helder,
située à l’extrémité septentrionale de la province de Noord-Holland,
en face l’île de Texel. Les Etats députés de la province donnèrent
l'autorisation d'établir le laboratoire au sommet de la digue de mer,
et le ministre de la marine consentit à mettre, deux fois par se-
maine, une chaloupe à vapeur à la disposition des travailleurs.
« Tout cela fut poussé avec une telle activité, que le matériel com-
_ plet de la station zoologique, chargé sur un fourgon à bestiaux, arri-
| vait au Helder dans la soirée du 3 juillet 1876. Dès le lendemain, le
| bâtiment se trouva sous toit au sommet de la digne, et deux jours plus
tard, l'aménagement de la station zoologique était terminé.
« En voici la description d’après le rapport :
_ «La station zoologique est entièrement construite en bois et pré-
| sente une forme rectangulaire allongée. A droite de l’entrée se trouve
| une chambrette communiquant par une porte avec la salle principale.
| Le bâtiment a 8 mètres de long sur 5 mètres de large. La chambrette
_ mesure 2 mètres de côté. Les murs ont 3 mètres de haut. Le faîte du
| toit s'élève à 4,50. Le bâtiment principal jauge 150 mètres cubes. La
charpente du toit est en bois recouvert d’une double couche de nattes
| de jones. L’une des faces offre quatre fenêtres, l’autre trois, chacune
de 1°,50 carré de superficie. En regard de chacune de ces fenêtres se
314 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
trouve une table fixée à la charpente de l'édifice. Dans la chambrette
il y a également des tables pour les aquariums temporaires. Autour
de l’entrée règnent des tablettes destinées aux 1ivres, instruraents,
flacons, bocaux, etc. Au milieu du local se trouvent plusieurs tables | |
carrées de { mètre de côté; d’autres plus petites, de 4 demi-mètre,
sont distribuées çà et là. Un pupitre, des tabourets et quelques chaises
pliantes en fer complètent l’ameublement. Les fenêtres sont pourvues
de rideaux noirs, et une grande toile carrée forme une espèce de vé-
randa du côté opposé à la porte. Une clôture en fil de zinc galvanisé
protége la station contre les indiscrets et délimite tout autour un ter-
rain propre à exécuter quelques opérations en plein air, telles, par
exemple, que la dissection de grands animaux.
« Le laboratoire fut ouvert aux membres de la Société pendant les
mois de juillet et d’août 1876, de six heures du matin à cinq heures
de l’après-midi. Dix personnes y travaillèrent successivement et s’y
livrèrent surtout à des recherches zootomiques dont le rapport ne
donne pas le détail. Le laboratoire leur fournit gratuitement les ani-
maux et les objets nécessaires à leurs études, à l’exception des appa-
reils d'optique (microscopes et loupes) et des instruments de dissec-
tion en acier que chacun dut apporter.
« Les travailleurs trouvèrent un auxiliaire précieux dans la per-
sonne du pêcheur Louis Vermeulen, qui remplit les fonctions de
garcon de laboratoire. À marée basse, on explorait les grosses pierres
dont la digue est garnie du côté de la mer, la plage qui s’étend au
pied de la digue vers le sud-ouest, puis les pilotis et les pieux dans le
Nieuwe Diep.
« De même que sur toute l’étendue des côtes néerlandaises, le fond
de la mer est ici principalement constitué par des masses de sables mo-
biles où l’on ne peut guère s'attendre à rencontrer ces formes anima-
les fixes, sessiles, qui contribuent tant à la richesse zoologique des
côtes rocheuses. La végétation marine est généralement fort pauvre, le
Helder est le seul endroit des Pays-Bas où l’on trouve des Laminaires.
« Les chiffres suivants donneront une idée de la faune du Helder;
ils représentent le nombre d’espèces de chaque groupe recueillies pen-
dant les deux mois de juillet et août 1876 :
« Cœlentérés, 17;
| LABORATOIRE DE ROSCOFF. 315
« Echinodermes, 9 ;
« Vers turbellariés, 29 ;
« Bryozoaires, 8;
« Annélides, 9;
« Crustacés, 27, dont 3 Cirrhipèdes, 3 Copépodes, 7 Amphipodes,
5 Isopodes, 1 Schizopode et 8 Décapodes ;
« Pycnogonides, #4 ;
« Tardigrades, 4.
« Mollusques lamellibranches, 10;
« 1d. Gastéropodes, 8;
« Zd. Gymnobranches, 4.
« Parmi les poissons, on remarque Centronotus qunellus BI. et Sy-
| phonostoma typhle Kp. Le rapporteur considère les chiffres de cette
| liste comme fort incomplets.
« Les plus belles captures se firent dans les excursions en mer, soit
avec la chaloupe à vapeur, soit en canot à deux et quatre rames. La
| chaloupe à vapeur mesurait 10 mètres de long, 3 mètres de large,
avec une machine de 10 chevaux et 6 hommes d'équipage. Grâce à
elle, les zoologistes hollandais purent exécuter un certain nombre de
draguages.
« La plus grande profondeur atteinte fut 30 et 40 mètres, deux
grandes dragues pesant *espectivement 25 et 31 kilogrammes (modèle
Wyville Thompson), et deux plus petites, prêtées par le laboratoire
| d'Utrecht, furent employées; on eut beaucoup à se louer de l'appareil
que M. de Lacaze-Duthiers a mis en usage déjà depuis longtemps
dans ses recherches ou dans son laboratoire de Roscoff, et qui se
compose, comme on sait, de deux traverses de bois assemblées en
croix et garnies de paquets de filasse qu’on traîne sur le fond, et dans
lesquels les animaux marins restent accrochés. C’est l'engin des co-
railleurs. Le tilet pour la pêche pélagique avait été construit comme
ceux qu'emploie M. Marion, ils sont formés d’une nasse de gaze fine,
terminée, à sa partie postérieure effilée, par un bocal de verre sou-
tenu par un flotteur. »
En somme, le rapport se montre satisfait des débuts du laboratoire
| mobile : les résultats atteints ont pleinement répondu à l'attente. Sauf
| quelques critiques de détail, l'expérience a montré que l’organisation
en était fort pratique.
316 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
« Le 29 août 1876, on commença à démonter le local et à embal-
ler le matériel, et le 30 août au soir, tout ce qui appartenait à la sta-
tion zoologique se trouvait chargé sur un fourgon à bagages de la
compagnie des chemins de fer hollandais et roulait vers Leyde, où les
vastes greniers du laboratoire zoologique lui serviront de quartiers
d'hiver.
« Je ne puis résister au plaisir de dire ici un mot du laboratoire
où Je viens de passer quelque temps; il est à la portée de la Hol-
lande et de la Belgique : je veux parler du laboratoire de zoologie
expérimentale établi à Roscoff, par M. le professeur de Lacaze-Du-
thiers.
« Roscoff est une petite ville de Bretagne, située à l'extrémité sep-
tentrionale d’une pointe granitique qui s’avance dans l'Océan, vis-à-
vis de l’île de Batz. La côte y est fort découpée et la mer semée d’un
archipel d’ilots et de rochers servant de retraite à une faune des plus
riches.
« À marée haute, la vague vient battre la jetée qui protége le port
ainsi que les murs des maisons de la ville : on voit passer les barques
de pêche sous ses fenêtres. Quand l’eau se retire, ce n’est plus la mer
avec ses innombrables récifs qu'on retrouve au pied de Roscoff, c’est
une grève immense, s'étendant à perte de vue, parsemée de pierres,
de rochers, de monticules de granit, tout Couverts de goëmen ou
plantes marines. Il ne reste plus alors qu'un étroit chenal entre l’île
de Batz et le continent. Telest le cadre que M. le professeur de Lacaze-
Duthiers a choisi pour ses laboratoires de zoologie expérimentale.
« L'établissement est au bord la mer, la façade tournée vers l’in-
térieur de la ville. Le corps de logis principal comprend un rez-de-
chaussée et trois étages. A droite, en entrant, se trouve le salon, dont
les murs sont tapissés de cartes marines ou départementales utiles à
consulter pour les excursions; sur la table, les publications scien-
üfiques les plus récentes, une lorgnette marine et une excellente
longue-vue, un baromètre; au premier est la bibliothèque, renfer-
mant surtout des ouvrages spéciaux de zoologie marine f.
« Lereste de l'établissement est occupé par les chambres de travail,
1 Tout ce qui suit se rapporte au laboratoire tel qu’il était au mois d’août 1866.
L'acquisition récente d’un vaste terrain et d’une maison va lui donner une extension
considérable.
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 317
qui servent en même temps de Chambres à coucher, car la station z00-
logique de Roscoff présente l'avantage inappréciable de loger les tra-
vailleurs. L'on peut, au saut du lit, reprendre une observation inter-
rompue la veille. Chacun a là, sous la main : microscopes, avec
accessoires, loupes montées, instruments et baquets de dissection,
réactifs, petits aquariums et cuvettes, papier, crayons, couleurs, etc.,
jusqu’à des enveloppes et du papier à lettres; le tout libéralement
fourni par le directeur du laboratoire.
« Au bâtiment fait suite un jardin avec une terrasse qui domine la
_ grève et dont un vaste hangar vitré (100 mètres carrés) occupe le
fond. C’est là que se trouvent les grands aquariums ; d’autres, plus
petits, garnissent les tables. Chacun a, de cette façon, deux places
de travail à sa disposition : une dans sa chambre, l’autre au grand
aquarium.
x
_ «Deux réservoirs, qu’on remplit d'eau à marée haute, occupent
| les angles au fond du hangar : ils alimentent un système de canaux
qui renouvellent, jour et nuit, l’eau dans les aquariums. Entre eux,
| est une terrasse abritée d’où la vue s'étend au loin sur la mer et les
iles. C’est l'endroit où l’on se réunit de préférence après dîner, pour
| causer, jusqu’au crépuscule, lorsque le temps ne permet pas de faire
une promenade en mer ou dans les environs.
« Le laboratoire possède un outillage de pêche des plus variés :
filets, dragues, engins des corailleurs, pelles, pioches, etc., et deux em-
barcations, une chaloupe à voiles, le Pentacrine, et un canot à rames,
la Molgule, dont les noms rappellent une trouvaille heureuse et une
| découverte embryogénique faites à Roscoff par M. de Lacaze-Duthiers.
. «Outre le directeur et son préparateur, M.Joliet, le personnel du
laboratoire comprend trois matelots-garçons de laboratoire, aussi
habiles à mettre un microscope au point qu'à naviguer vent debout
au milieu des rochers et surtout chose précieuse qu’à faire mettre
la main sur les objets demandés pour les études. |
| «La faune de Roscoff est d’une richesse dont nos côtes sablonneuses
de la mer du Nord ne peuvent donner aucune idée.
« Je me rappellerai toujours l'impression que je ressentis lorsque
| je pénétrai, pour la première fois, dans une de ces cavités naturelles
| que la mer venait de quitter; une grotte tapissée d’Ascidies aux cou-
leurs les plus vives, où les Cynthia, les Botrylles, les Amaronques, les
Glavetines, les Eponges et les Mollusques rivalisaient d'éclat et de
| beauté. I] suffit de feuilleter les ‘Archives de zoologie expérimentale, où
318 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
se publient les travaux du laboratoire, pour se faire une idée des ri-
chesses zoologiques accumulées ici sur un espace restreint.
« Comme on tient note des localités et des trouvailles, les nouveaux
venus profitent de l'expérience acquise et gagnent ainsi un temps
précieux.
« Désirez-vous des Pentacrines, on vous conduira à l’endroit où
vous êtes sûrs d'en rencontrer; vous faut-il une Térébratule vivante,
ou bien telle Holothurie, ou telle Ascidie nécessaire à vos études, on
saura vous en trouver à point nommé. On vous indiquera la place où
se déterre le rare Chétoptère, en compagnie de la Myxicole, à l’élé-
gant panache.
« Deux fois par mois, pendant les trois ou quatre jours pendant
lesquels se font sentir les grandes marées de nouvelle lune et de
pleine lune, on organise une série de longues expéditions, auxquelles
prennent part tous ceux qui n’ont pas un travail pressé sur le métier.
« Dès le matin, le Pentacrine transporte alors toute la colonie sur
quelqueîlot lointain. Aussitôt arrivés, l’on se met à l’œuvre, fouillant
chaque recoin avec ardeur, s'aidant du levier et du pic pour ren-
verser les grosses pierres, suivant le flot à mesure qu'il se retire. L'on
atteint ainsi la zone des Hymantalias et celle des Laminaires aux
proportions gigantesques. C’est dans celles-ci que se font les plus
belles trouvailles ; maïs il faut se hâter. Déjà la marée monte,
reprend possession de son domaine et force à battre en retraite. On
se rembarqua chargé d’un riche butin. L’estomac reprend alors ses
droits, et un déjeuner solide vient clore gaiement l'expédition.
« J’ajouterai que le séjour de Roscoff est fort peu coûteux : on n’a
qu'à payer sa pension à l'hôtel, quand on est admis au laboratoire.
C’est à peu près la seule dépense à faire, grâce à l’organisation si
libérale que M. de Lacaze-Duthiers a tenu à introduire et tient à con-
server dans son établissement, fout est absolument gratuit dans le la-
boratoire de la station de Roscoff.
« Enfin, les communications ne sont guère difficiles. Roscoff est à
20 kilomètres de la station de Morlaix, sur la ligne de Paris à Brest.
Le trajet de Paris à Morlaix se fait en treize heures. Il existe, d’ailleurs,
un service régulier de bateaux à vapeur entre Morlaix et le Havre.
Une goëlette belge vient, tous les huit jours, d’Ostende, prendre à
Roscoff un chargement de homards. Aux amateurs du pittoresque,
je puis recommander ce dernier moyen de locomotion, pour en avoir
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 319
fait l'expérience et être rentré de Roscoff en Belgique, après avoir
traversé la Manche par un temps superbe. »
« LEON FREDERICO. »
La note qu'on vient de lire montre qu’il n’y a aucune analogie
entre l’organisation de la station hollandaise et celle de Roscoff.
L'idée d’un déplacement aussi complet et rapide ne m'était point
venue dans la pensée et, incontestablement, les conditions offertes,
par la localité même, ainsi que les facilités de transports, ont seules
déterminé une installation aussi provisoire.
Si l’on en juge par l'aperçu publié dans la brochure dont on vient
de lire l’analyse, la localité n'offre pas une richesse comparable, je
ne dirai pas à celle de Roscoff, qui est exceptionnelle, mais à bien
d’autres localités françaises, et l’on comprend très-bien que sur une
côte semblable une construction et une installation définitives n’é-
taient guère possibles, car les dépenses qu'elle eût entraïnées eussent
été considérables.
Revenons maintenant à l’objet de ce compte rendu.
LI
AQUARIUM ET LOGEMENT.
Ainsi que le savent les lecteurs des Archives et surtout les per-
sonnes venues les premières à Roscoff, la disposition de l’aquarium
était, dès l’origine des laboratoires, à la fois trop primitive et trop
insuffisante.
Lors de la première visite de M. Bogdanow, de Moscou, et de
MM. Hermann Folet C. Vogt, de Genève, il n’y avait encore qu’un
hangar ouvert élevé le long du mur du jardin donnant sur la mer.
Les grandes cuves à parois de glace manquaient; le service de la
pompe se faisait à l'extérieur; condition fâcheuse pendant les mau-
vais temps, et le réservoir d’eau n’était pas suffisant.
Pendant les beaux jours tout allait pour le mieux sous cet abri
simple; mais, pour peu que la brise fraîchît et que le temps devint
humide et brumeux, ce qui est fréquent en Bretagne, la température
s’abaissait tellement, que le travail devenait pénible, difficile et même
impossible dans ces conditions.
Cette installation insuffisante et provisoire a cessé, L’administra-
320 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
tion, en accordant un crédit spécial destiné à couvrir une partie du
jardin, de 100 mètres carrés de surface, où l’abri est complet et où
l'observation est possible par tous les temps, a rendu par cette amé-
lioration considérable le plus grand service aux travailleurs.
Actuellement, la disposition de l’aquarium est tout autre; elle est
commode, quoique des plus simples. Je ne pouvais songer à établir
sur une propriété louée des constructions définitives; il fallait pré-
voir un déplacement prochain que le développement même des études
indiquait à l'avance. À part quelques frais de démolition et de recon-
truction, tous les matériaux serviront sur la nouvelle propriété à la
construction de l'aquarium définitif.
En donnant ces détails, qui paraîtront peut-être inutiles, je veux
expliquer d’abord que rien n'a été sacrifié à l'élégance, que la com-
modité seule a été recherchée. Je veux montrer surtout avec quelle
prudence et quelle économie j’ai dû marcher pendant les premiers
moments de cette fondation, pour laquelle j'ai consacré beaucoup
de temps et presque épuisé mes forces.
Aujourd’hui, deux grandes cuves, bâties sur la terrasse dominant
la mer, dans l’intérieur même de l'aquarium, sont remplies deux fois
par jour, et fournissent une quantité d’eau suffisante pour établir
des courants dans les bacs à parois de glace, ayant 1 mètre cube en-
viron, et que j'ai pu enfin installer sur les pourtours de l'enceinte.
La pompe, aménagée très-commodément et à couvert, n’a qu'à
être manœuvrée à marée haute pour fournir toute l’eau désirable.
Un système de conduits, établi à la hauteur du niveau supérieur
des cuves, court dans le haut de la construction et permet, quand
celles-ci sont pleines, de déverser leur trop-plein aussi longtemps
qu'on le désire, dans les grands bacs, et d’y établir un jet de 1 mètre
de haut qui, en renouvelant l’eau, l’aère parfaitement.
Les bacs, munis de siphons s’amorçant eux-mêmes quand un cer-
tain niveau est atteint, se vident dans un ensemble de tuyaux, for-
mant un véritable drainage sous le sol de l’aquarium.
Les façades nord, ouest et sud du bâtiment sont vitrées et la lu-
mière est, à l’intérieur, très-belle et plus que suffisante.
Chaque travailleur peut avoir, à sa disposition, s’il le demande et
s’il en a besoin, un grand bac, et les tables nécessaires pour le dessin
ou les observations. Il peut y disposer ses cuvettes et ses petits aqua-
riums portatifs, dans lesquels, il faut bien le dire, se font les plus
nombreuses observations.
|
|
LABORATOIRE DE ROSCOFF, 321
Les anciens hangars ouverts n’ont pas été détruits ; ils servent, au
contraire, beaucoup; on y fait les grosses dissections de poissons, de
marsouins ; on y remise les engins de pêche, et souvent, un travail-
leur, désireux de faire des injections, vient s’y installer et éviter ainsi
à sa chambre le désordre et la saleté qui accompagnent toujours, on
le sait, ces pratiques anatomiques.
Dans l’aquarium, les habitants du laboratoire se réunissent sou-
vent, ainsi que M. Fredericq l’a indiqué dans la note qui précède, et
un tableau noir, fixé au mur, sert bien souvent aux indications et dé-
monstrations que se donnent les uns les autres les travailleurs. C’est
aussi là que l’on s’assemble pour le départ des excursions et que l’on
trouve les instruments, les vases, en un mot, tout ce qui est nécessaire
à la recherche des animaux.
On le voit, il y a eu une amélioration très-grande dans l'aménagement
des locaux destinés à l'observation et à la conservation des animaux.
L'un des visiteurs étrangers du laboratoire n’a pas approuvé l’ha-
bitude que, dès l’origine, j'ai tenu à établir, et à laquelle j'attache la
plus grande importance. Je veux parler du logement donné aux sa-
vants ou élèves qui viennent travailler à Roscoff.
« Il serait mieux, me disait-il, de transformer toutes les chambres
en pièces de travail, en vrais laboratoires et, comme dans les villes,
de les ouvrir et de les fermer à des heures fixes. En supprimant le
logement, l'étendue des laboratoires proprement dits y gagnerait
beaucoup et chacun vivrait et s’arrangerait comme il l’entendrait. »
Non-seulement je ne me suis point rendu à cette opinion, mais je
ne puis et ne pourrai accepter une pareille modification. Je sais trop,
par expérience, combien il est difficile et pénible, en arrivant dans
une localité pour faire des recherches, d’avoir à commencer par pour-
voir à son logement et à son installation matérielle.
Il est des moments où, à Roscoff, on trouve difficilement à se loger,
el je sais, d’ailleurs, qu’on commence à se préoccuper justement de
la question du logement dans quelques grandes villes où sont des
laboratoires maritimes très-importants, organisés comme me l'in-
diquait le visiteur haut placé dans la science dont j'ai rappelé l’o-
pinion.
Dans les conditions actuelles, un savant qui arrive à Roscoff,
pourvu qu'il en ait fait la demande en temps utile, peut se faire des-
cendre par la voiture publique à la porte du laboratoire et être, abso-
ARCH,. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, - T. VI. 4577. Ai
322 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
lument parlant, installé quelques instants après son arrivée. 11 n’a
plus qu'à choisir le restaurant où il ira prendre ses repas, et, à Ros-
coff, le choix n'est pas grand.
Sans doute, cette vie presque en commun, dans une même maison,
peut n'être pas du goût de tout le monde. Il est certain que, tout en y
jouissant d’une liberté que je tiens pour absolue, puisque chaque
travailleur a sa chambre séparée entièrement indépendante, et
recoit en: arrivant une clef qui lui permet de sortir de la maison ou de
‘rentrer quand il lui convient, on y est lié cependant par le respect
de la liberté d'autrui et les égards que l’on se doit réciproquement ;
or, sauf le bruit et le mouvement, qui ne sont guère compatibles avec
le travail d’un laboratoire, l’on n’est gêné en quoi que cela soit à la
station de Roscoff.
- Si donc, dans une maison servant à la fois au logement et aux.
études, on n’est pas absolument comme dansun hôtel où l’on ne
connaît personne, en revanche on y trouve une commodité de travail
incomparable.
Combien de travailleurs, combien de fois moi-même, ne sommes-
nous pas descendus dans l’aquarium, le soir à la lumière, pour faire
des observations ou pour veiller aux bonnes conditions hygiéniques
de nos animaux, chassés ou pêchés péniblement dans la journée!
combien de personnes ne se sont-elles pas louées de cette condition,
qu'on ne rencontre, je crois, que dans bien peu de stations zoologi-
ques, si même on la trouve ailleurs qu'à Roscoff!
Dans la soirée, par les mauvais temps, l'aquarium devient le rendez-
vous des habitants du laboratoire, et la bibliothèque, où chacun peut
aller, comme dans sa chambre même, n’est jamais fermée.
Je trouve si peu d’inconvénients dans cette vie en commun, où
chaque individualité est d’ailleurs entièrement indépendante et sépa-
rée, en les comparant aux avantages, que je persiste à conserver le
logement à ceux qui le désirent et le demandent.
Il n’y a certainement que les caractères malfaits et difficiles qui
puissent redouter cette vie; pour les autres, au contraire, il y a un
charme réel à vivre dans l'intimité. Il s’est passé des années, des cam-
pagnes charmantes où l’accord entre tous n’a jamais cessé, et où tout
le monde n’a eu qu’à se louer de n’avoir à s'occuper ni de son ser-
vice, ni de ces mille petits soins de la vie, qui ne sont certes pas faits
pour activer le travail. Aussi, n’ayant point modifié mon opinion, Je
puis annoncer que lorsque, avec la nouvelle maison, les réparations
LARORATOIRE DE ROSCOFF. 323
qui s’accomplissent seront terminées, il sera possible de recevoir
facilement quinze ou seize travailleurs, et en se gênant un peu dans
une excursion, par exemple de quelques jours, pour des élèves, vingt
personnes pourraient aisément recevoir l'hospitalité aux laboratoires,
tels qu'ils seront organisés en 1878, si l’aménagement est achevé.
IV
SERVICE DU LABORATOIRE. — RECHERCHE DES ANIMAUX.
L'organisation du service dans une station maritime ne laisse pas
que d'offrir quelques difficultés tenant à la diversité des désirs des tra-
vailleurs, car ces désirs sont souvent peu compatibles les uns avec les
autres, et surtout bien fréquemment peu en rapport avec les condi-
tions particulières qu'impose la mer.
Les travailleurs venus jusqu'ici à Roscoff appartiennent à plusieurs
catégories : ou bien ce sont des savants déjà experts dans l’art des
recherches originales, ou bien ce sont des jeunes gens encore élèves
du laboratoire de la Sorbonne venant se familiariser avec la faune
marine et cherchant à constater de visu ce qu’ils ont appris dans les
cours théoriques ; ou bien ce sont des licenciés faisant des recherches
destinées à leur servir de thèses pour le doctorat ès sciences. Enfin, il
y a aussi les naturalistes voulant faire des collections.
Incontestablement les besoins de chacune de ces catégories de
personnes sont différents, et dans l’organisation d’un laboratoire où
tout est gratuit, et dont les charges sont par conséquent considéra-
bles, il faut dans une juste mesure tenir compte de ces différences,
afin d'éviter des pertes de temps regrettables, des abus ou des récla-
mations qui ne manqueraient pas de s'élever aussi bien du côté du
personnel que du côté des travailleurs.
Voici comment est ordonné le service :
. Trois marins, anciens matelots de l'Etat, sont embarqués régulière-
ment à bord des bateaux, et leur temps est partagé de la façon sui-
vante quand ils ne sont pas à la mer :
L'un d’eux, le patron, est chargé du magasin, des instruments et
des engins de pêche, il surveille les embarcations, car il a la barre;
un autre entretient l'aquarium, et va dans les chambres pour le ser-
vice du travail; enfin le troisième soigne la pompe, les embarcations
et aide à remplir les cuves, À la mer ou à la grève, ces trois hommes
324 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
manœuvrent les embarcations, la drague, l'engin des corailleurs, ou
aident à la recherche des animaux, quand les travailleurs vont eux-
mêmes faire la chasse à marée basse, sur les plages.
Ce qui est le plus difficile, quand le laboratoire est au complet,
c'est de concilier toutes les demandes et tous les besoins.
Voilà plusieurs années que les mêmes matelots sont embarqués à
bord du Pentacrine, et ils ont fait le service à la satisfaction de tous,
bien que quelquefois des exigences personnelles se soient manifestées,
et aient causé, sinon le trouble, du moins des irrégularités dans les
manœuvres, Ce qui conduit à des pertes de temps et à des embarras.
Par exemple, concoit-on comment il serait possible, tout en cher-
chant à satisfaire les diverses demandes, d’aller le même jour et pen-
dant la même marée, dans plusieurs directions opposées ? Cela n’est
pas possible : il faut explorer une localité, et s’en tenir là.
Il est donc nécessaire que les ordres soient ponctuellement donnés
et exécutés.
Quand ce sont des élèves qui viennent pour leur éducation zoolo-
gique, la chose marche toute seule, mais quand c’est un savant habi-
tué aux recherches, il y a bien plus de difficulté : il est souvent arrivé
qu’oubliant ou ne tenant pas compte des conditions forcées qu’impose
toute une organisation, et une mer avec marée, on demandait des
choses qu'il était absolument impossible de trouver, alors qu’il eût
été si facile de les avoir en grande abondance les jours précédents, ou
un peu plus tard. Or, quand on vient pendant un temps limité et dans
un but spécial, on ne voit pas sans déplaisir s'écouler quelques jours
dans l'attente et sans travail.
Au bord de la mer, les recherches ne peuvent être poursuivies
comme dans les laboratoires ordinaires : il faut les soumettre à des
conditions forcées nouvelles, et quand on n’a pas une longue pratique
de ces conditions particulières, 1l n’y à qu’à se mettre à apprendre à
les connaître ; il faut en un mot faire son éducation.
C’est pour éviter ces pertes de temps, que dans chaque chambre se
trouvent un Annuaire des marées avec une carte marine à grand
point de la grève des environs de Roscoff, et que je recommande in-
stamment d’avoir soin, en arrivant, de dresser un tableau de la hau-
teur et des heures des basses mers, pour le temps qu'on veut passer
au laboratoire. On a alors à chaque instant sous les yeux la limite
des excursions que l’on pourra ou voudra faire chaque Jour.
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 325
C’est là un travail d’une utilité telle, que moi-même, malgré ma
grande habitude de la localité, puisque voilà dix années que Je l’ex-
plore ou la visite, je fais toujours, à mon arrivée, ce tableau. Aussi,
à telle date, je puis dire quinze jours à l'avance, un mois, que J'aurai
ou n'aurai pas tel ou tel animal.
I m'est arrivé, en plus d’une occasion et à heure fixe, de conduire
l’un des savants venus au laboratoire pour chercher et trouver un
Hydraire, ou une espèce de Lucernaire, ou telle autre chose ; et cepen-
dant il avait batlu déjà souvent la grève sans rien y trouver de ce
qu'il désirait, et cela parce que, ne tenant pas compte de la hauteur
des eaux, il ne pouvait aller dans les lieux où se trouvaient ces ani-
maux.
L'étude des cartes marines et la connaissance des heures des marées,
ainsi que de leur hauteur, sont indispensables, je ne saurais trop le
répéter, et de leur combinaison résulte une économie de temps mcon-
testable.
Il me souviens qu'étant au travail à Roscoff, je partis pour aller à
Portrieux, chercher, sur la roche dite des Argurllettes, des objets dont
j'avais grand besoin, et que je savais sûrement se trouver sur ces
roches. Je consultai la carte, je vis quel niveau atteindrait, à un
jour donné, la marée basse. Connaissant l’heure du bas de l’eau, il
me fut aisé de savoir quel train je devais prendre à Morlaix, pour ar-
river à Saint-Brieuc et me rendre en voiture à Portrieux. Je n’ai pas
perdu un instant dans cette excursion rapide.
Ce travail bien simple n’est pas du reste différent de celui que fait
un Capitaine qui doit arriver dans un port de marée. Il faut bien
qu'il sache quelle hauteur d’eau existera ou n'’existera pas à son arri-
vée, afin de savoir s’il pourra ou ne pourra pas entrer et mouiller
sûrement. Comment éviterait-il les écueils s’il n’agissait de la sorte?
La carte marine m'indiquait la hauteur de l’eau aux plus basses
mers sur le banc de sable qui unit les Aïguillettes au rivage. Con-
naissant par l’annuaire pour un jour donné jusqu'où descendrait l’eau
et voyant sur la carte à quelle heure émergeait le banc de sable, il
m'était facile de faire une excursion sans me tromper, sans craindre
de revenir n'ayant point exploré le rocher, et mon excursion s’accom-
plit en effet comme je me proposais de la faire longtemps à l'avance.
Ge qui est vrai pour une distance assez grande l’est de même pour
chacune des stations des animaux aux alentours de Roscoff, et ce fait
326 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
montre avec quelle précision on peut se guider sur les grèves, en
combinant l’examen du tableau que je conseille de faire à l’avance et
les indications des profondeurs des eaux notées sur les cartes admi-
rables de précision de la marine.
Il est même très-utile de pousser la chose encore plus loin et de
faire un tableau comparatif des heures et des hauteurs des pleines
mers, Car si l’on désire faire des pêches pélagiques, pour l’embarque-
ment et le débarquement, il faut forcément tenir compte de l’état de
la mer. Sans cela, on distribue mal son temps, et l’on a des mé-
comptes, car il faut tenir les embarcations à flot.
Un jour un savant, qui voulait rechercher des Ptéropodes, en pro-
menant, le soir, des filets de mousseline à la surface de la mer, de-
mandait à sortir du port au moment même, sans s'être plus que cela
enquis de la hauteur de l’eau.
Il eût fallu, pour satisfaire sa demande, aller s’embarquer fort
loin ; la mer s'était retirée, et puis, n'ayant point été avertis, les ma-
telots avaient laissé s’échouer les embarcations, et il n’y avait aucun
moyen de les mettre à flot : l'eau manquait.
L’impossibilité la plus absolue s’opposait à l'excursion, ce qui ne
laissa pas que d'impatienter celui qui l'avait projetée, absolument
comme s'il avait été sur les bords de la Méditerranée, ou qu'il se fût
agi d’une promenade à terre. Rien de cela ne serait arrivé si l’on eût
consulté l’Annuaire, ou tout au moins prévenu le patron à l’avance.
Si J'insiste, en les indiquant, sur ces minuties du service, c’est que
bien souvent on n’y pense pas, et que, tout insignifiantes qu’elles parais-
sent, cependant, si on les néglige, elles font perdre un temps précieux
à ceux qui n’en tiennent pas compte. Pour tout homme habitué à la
mer, ces recommandations semblent inutiles et même naïves : eh bien!
c'est à chaque instant que quelques-uns des habitants du laboratoire
ont des mécomptes pour ne pas suivre ces conseils bien simples.
Il y à encore une distinction à établir entre les recherches qu’on
peut faire dans l'Océan et dans la Méditerranée.
Un savant habitué aux études et aux chasses marines dans l'Océan
est complétement dérouté quand il arrive dans la Méditerranée, et
réciproquement. Ici les marées lui manquent à peu près, et il ne peut
plus chercher en examinant les fonds qui ne découvrent pas. Si le
vent trouble la transparence de la surface de la mer, il ne distingue
rien ; il lui faut une drague ou un filet de mousseline, pour avoir
les animaux de fonds ou les animaux pélagiques ; il a, il est vrai, à
EN OR I
LABORATOIRE DE ROSCOFF, 327
toutes les heures de Ja journée, une embarcation à sa disposition ;
l'heure du jour, l'époque du mois, rien ou presque rien ne modifiera
ses courses : le mauvais temps seul peut les contrarier.
Dans l'Océan, c’est tout le contraire : il faut tenir jour par jour note
de la hauteur différente de l’eau; la partie de la grève qui découvre,
de quelque étendue qu’elle puisse être, sera pour ainsi dire différente
chaque jour, car ses limites varient incessamment avec la différence
du niveau. Tel animal qu’on trouve aujourd’hui à profusion par une
certaine hauteur d’eau, ne peut plus être retrouvé le lendemain, car le
lendemain la mer descendra d’un décimètre de moins, et l’on ne verra,
l’on ne trouvera rien de ce que l’on désire. En rentrant, on consul-
tera son tableau des marées, et l’on verra avec le plus grand regret que
. la grande marée prochaine descendra de deux ou trois décimètres de
moins que la marée qui vient de passer. C’est donc un mois toutentier
qu'il faudra attendre pour pouvoir se procurer ce qu'on désire.
Cette interruption se passe-t-elle au moment de la ponte de l'animal
dont on étudie l’'embryogénie ? Les mécomptes peuvent être bien plus
grands encore. La grande marée arrive enfin, mais quelle déception
n'a-t-on pas, la ponte vient de finir. Ce n’est plus un mois qu’il faudra
attendre cette fois, c’est une année entière.
Je parle de ces déceptions avec connaissance de cause : j’étudiais
en 1868, pour la première fois les Molgulidées de Roscoff; au mois
d'août, je remettais la recherche de ces animaux à la grande marée
de septembre; non-seulement je ne pouvais revoir la ponte, mais les
animaux eux-mêmes avaient entièrement disparu !
Que les naturalistes n’ayant pas encore travaillé au bord de la mer,
se pénètrent bien de l’idée que, faute par eux de régler, pour ainsi
dire, leurs habitudes sur les mouvements de la marée de la localité,
pendant tout le temps de leur séjour, ils perdront beaucoup de
temps et manqueront des observations, si même ils ne manquent le
but de leur campagne complétement.
Encore une observation d’un ordre secondaire, mais qui a son im-
portance ; la vie matérielle, pour l'observateur, est liée, aux bords
de l'Océan, aux mouvements du flux et du reflux.
Aïnsi à Roscoff, les grandes basses marées ne permettent de faire des
recherches fructueuses qu’à partir de huit heures et demie du matin.
Suivantle point de la grève qu'on doit explorer,c’est donc à huitheures,
huit heures et demie, neuf heures au plus tard qu’il faut songer à sortir,
328 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
et si l’on reste à la grève pendant trois heures, temps nécessaire à de
bonnes excursions, On voit que l’heure du déjeuner n’est plus l’heure
habituelle; or, comme la marée retarde à peu près de trois quarts
d'heure par jour, et que la grande marée dure de cinq à six jours,
c'est toute une période pendant laquelle l’économie des repas est en-
tièrement modifiée. — Les batailles, dit-on, ne marchent bien que
lorsque le ventre des soldats est satisfait. À la mer cela est aussi
vrai, etle proverbe : « Ventre affamé n’a point d’oreilles » est absolu-
ment Juste. Toutes les excursions matinales ne marchent bien qu'à
la condition d’avoir pourvu aux conditions d'alimentation avant le
départ ; il faut à l’avance combiner toutes les conditions de l’exis-
tence, du repos, des vêtements, de l'alimentation. La course, l’exer-
cice forcé qu’on prend sur les grèves, l’air vif qu’on y respire, tout
concourt à exciter, à stimuler l’économie; il faut prévoir tout cela
etse prémunir d'avance. |
Et ces indications, purement du ressort de l’ordre matériel, ont une
valeur plus sérieuse qu’on ne le pense. Si l’on ne se prépare bien pour
une excursion, faute d’être bien renseigné, l’on ne réussira pas, et
j'ai vu de longues courses fort pénibles manquées complétement
parce que l'on avait eu à souffrir du froid et de la faim. |
Aux yeux de quelques personnes, les recommandations que j'in-
dique paraîtront puériles, je le sais, mais je répondrais par un fait :
qu’on observe les habitudes des habitants des côtes, ils vont tous plus
ou moins et pour des motifs divers à la grève, toute l’économie de leur
existence est pour ainsi dire enchaînée aux mouvements de la marée.
Pourquoi donc le naturaliste ne ferait-il pas comme eux? Il lui suffit
de quelques heures pour être au courant et suffisamment instruit.
Nos matelots eux-mêmes ne sont-ils pas liés à ces heures variables
de jour en jour, ne sont-ils pas obligés, aux périodes de la morte-eau,
de venir faire le service de la pompe pendant la nuit et à des heures
qni varient chaque nuit ?
Pour toutes ces raisons et pour que le service du laboratoire soit
convenablement réglé, il faut que quelque temps à l'avance l’on soit
prévenu des désirs particuliers, sans cela comment tenir les embar-
cations à flot, comment organiser les excursions de la façon la plus
fructueuse pour tous ? Or, l’on ne songera à tout cela que si l’on est
bien au courant des marées pendant toute la durée de son séjour.
Encore une remarque. Elle se présente naturellement à l'esprit, et
a
—_—_û————— —
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 329
des savants ayant fréquenté d'autres stations maritimes. ont eu l'oc-
casion de me la faire. :
On dit : quand on n’a qu’à chercher certains faits anatomiques, his-
tologiques ou zoologiques bien définis, pourquoi se préoccuper des
conditions de la marée, de la plage? Il suffit que le personnel du la-
boratoire s'occupe de fournir et de rapporter des objets nécessaires
aux études. Cela est vrai, mais, disons-le, seulement pour une catégo-
rie de travailleurs ; on n’a pas oublié que déjà j'ai dit que les per-
sonnes venant dans les stations n'avaient pas toutes le même but.
Quand on arrive avec un sujet de travail limité, précis et choisi
d'avance, quand on n’a qu’un temps limité pour accomplir ce travail,
il est, en effet, inutile d’établir un tableau et de s’enquérir des heures
et des hauteurs des basses et des pleines mers. Dans ce cas, les marins
sont chargés de procurer tout ce qui est nécessaire.
C’est ainsi que, pour son travail sur le Loxosome, mon excellent
ami C. Vogt n'avait pas à se déranger, l'un des hommes désignés et at-
taché à son service allait fouiller la grève et lui rapportait presque
tous les jours une quantité suffisante de Siponcles loxosomés. De
même pour M. le docteur Léon Fredericq, son travail sur le système
nerveux des Oursins ne nécessitait pas des courses à la grève, et l’engin
des corailleurs, parfaitement manœuvré par mes matelots, rapportait
des provisions suffisantes de magnifiques et nombreux individus.
Mais encore faut-il que la chose soit connue, faut-il que le service
général n'en souffre pas. Or, ces cas, sans aucun doute, forment l’ex-
ception. Le plus souvent en arrivant les savants désirent voir d’abord
les ressources que leur fournira la grève, et ensuite ils choisissent
le sujet de leurs études; ils vont donc en excursion.
Pour les jeunes gens qui veulent devenir de vrais naturalistes, il
est nécessaire qu'ils aillent à la mer, qu'ils parcourent les plages
eux-mêmes; je puis leur dire que je n’ai pour mon compte jamais
| fait une course à marée basse, sans avoir observé et appris quelque
chose de nouveau sur les mœurs, sur les stations, sur les positions,
les gîtes des êtres que je trouvais.
Je désire, à Roscoff, du moins en ce qui concerne les élèves de mon
laboratoire de la Sorbonne, faire des naturalistes, et je crois qu'il est
impossible d'arriver à ce résultat en s’enfermant dans un laboratoire
où l’on apporte les animaux désirés. Le vrai naturaliste doit ap-
prendre à chercher, à trouver lui-même ; bientôt il prendra l'habitude
RP
Br
330 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
de voir, de découvrir, ce qui n’est pas le fait du premier venu, il sera
forcé, à la grève même, de recueillir, de soigner les animaux, pour
les apporter vivants, et ilreconnaîtra toujours quelques conditions bio-
logiques propres à lui en favoriser l’observation dans les aquariums,
Sans doute, dans quelques stations, on n’a qu’à demander pour
obtenir un nombre déterminé d'animaux de telle ou telle espèce, et
l'on dit qu’en y payant on a tout ce que l’on veut, qu’on y achète
même des collections faites à de très-bonnes conditions, pas trop
cher; je sais aussi que les soins des aquariums y sont confiés à des
personnes fort habiles ; mais qu’en résulte-t-il, c’est que le natura-
liste qui a fait les études d'anatomie ou d’histologie ne sait pas même
quelquefois où et comment on rencontre les objets sujets de ses re-
cherches. à
Je n'ai jamais, pour mon compte, eu à regretter d’aller moi-même
à la recherche de mes objets d’études. Bien loin de là, après des tra-
vaux pénibles de l'esprit et de longues observations microscopiques,
les courses sont tout à la fois nécessaires et très-utiles, et les condi-
tions de la marée, revenant périodiquement, favorisent l’alternance
de ces périodes de l'exercice corporel et du travail de l’esprit.
Deux fois par mois reviennent ce qu’on appelle sur les côtes les
grandes mers et les mortes-eaux, correspondant d’une part aux nou-
velles et pleines lunes ou syzygies, d'autre part aux quadratures.
La période des grandes marées est la période d'activité pour les habi-
tants du laboratoire, car les excursions sont quotidiennes pendant
quatre, Qnq et six jours de suite et elles durent de quatre à cinq heures.
La veille du jour où commencent les courses, on les organise de
facon à favoriser le plus grand nombre et à satisfaire autant que
possible tous les besoins ; mais du moment que des études spéciales
bien conduites, donnant déjà des résultats, sont en bonne voie, elles
leur sont surtout consacrées.
Pendant cette période, souvent fort pénible, les journées sont à
peu près passées entièrement en excursions à la grève ou dans l’aqua-
rium. À la grève, les matelots nous accompagnent, l’un d'eux main-
tient les embarcations à flot, en suivant la marée, de la sorte il peut
nous porter de roche en roche non abordable à pied sec, pour y faire
la chasse.
Quand on rentre à l'aquarium, chacun s’empresse de déposer dans
ses cuvettes les produits de ses pêches accumulés dans les flacons. I
faut renouveler l’eau, isoler les échantillons précieux. C'est à peine si
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 331
l’on a eu le temps de songer à son hygiène personnelle, et la soirée
arrive sans qu'on ait rien fait du travail de jaboratoire proprement
dit. Le lendemain la même chose recommence,mais encore plus tard,
ét le travail de la soirée se trouve par cela encore plus incertain.Quatre,
cinq ou six jours se passent ainsi de suite, alors on va pouvoir se re-
poser des fatigues des excursions en se livrant aux recherches de cabi-
net ; les provisions ont été faites abondantes et doivent durer jusqu'à
la prochaine grande marée, et chacun surveille et soigne ses aqua-
riums. Dans ces conditions encore, le jeune naturaliste apprend tou-
jours beaucoup, et c’est en cela que je crois l’organisation du labo-
ratoire, telle que je viens de la faire connaître, fort utile.
Les excursions sont très-variées à Roscoff. Les plages qui décou-
vrent à marée basse sont immenses. Les parcourir à pied serait sou-
vent trop pénible et trop long. Aussi les embarcations sont, dans ce
cas, de la plus grande utilité et à la disposition de tous dans les li-
mites du possible.
La faune est aussi fort variée. Pour apprendre à la connaître, il
faut se transporter dans des points fort divers, souvent fort éloignés
et dans des directions opposées.
Dans le canal, entre l’île de Batz au nord et la terre ferme au sud,
les animaux, protégés contre les fortes houles du nord, se multiplient
beaucoup ; c’est là que les récoltes seront encore longtemps les plus
abondantes, mais la chasse y est pénible, il faut tourner les lourdes
pierres qui cachent des trésors zoologiques, il faut la pioche à la
main fouiller les herbiers, il faut enfin se coucher sous les blocs de
granit amoncelés pour trouver les êtres qui se réfugient sous eux à
Vabri de la lumière. Quand on aura passé toute une matinée à explo-
rer, soit au nord de l’île Verte et des Bourguignons, surtout le banc de
| Bistard, soit à l’ouest les îlots de Rolea, du Loup, ou Carec-ar-Bleiz, ou
bien à l’est Carec-zu, Meinanet et Ben-ven, on rentrera au laboratoire
chargé d’une riche moisson ; mais après quelles peines et quelles fa-
tigues pour se diriger au milieu des roches limoneuses, couvertes de
guémons (fucus)! surtout si l’on ne s’est éloigné de la zone des Ay-
manthalia laurea nommés filets dans le pays, car les recherches y sont
| presque dangereuses, tant cette espèce est glissante, longue et diffi-
cile à abandonner quand on s’est une fois laissé enlacer dans ses im-
menses lanières ; le nom vulgaire de filet donné à En algue dans le
| pays est bien justifié.
332 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
A l’est, du côté de la rivière de Morlaix, on doit, pour faire bonne
pêche, être porté en bateau assez loin sur les îlots de Duons, des By-
zaiers, etc., encore faut-il, pour ces excursions, un beau temps. Ce
n’est qu’en se dirigeant au sud et assez loin, qu'on trouve les grandes
plages s'étendant et découvrant jusqu’à Pempoul, port de Saint-Pol-
de-Léon, où l’on fait de riches récoltes d’Annélides.
A l’ouest et au sud du fortin de Per’haridi, la grève est immense
et parsemée d'innombrables îlots de rochers qui émergent tous aux
grandes marées. On pourra les explorer à pied sec, mais les distan-
ces à parcourir sont si considérables, que plusieurs journées ne suff-
raient pas pour y faire des excursions déstinées à en donner une idée
suffisante.
C’est certainement l’un des points de la côte, dans les environs de
Roscoff, qui jusqu'ici a été par nous le moins exploré.
La mer, quand elle est établie de l’ouest y est terrible, et les con-
ditions biologiques y sont tout autres que dans le canal. On y fera
certainement d’abondantes récoltes quand on se mettra à explorer
attentivement tous les abris placés derrière les rochers, et les plages
de sables qui nourrissent sûrement de nombreux animaux.
Quant à la partie nord de l'île de Batz, la côte y recoit directement
la houle de la pleine mer, le ressac y est toujours très-fort, et les ro-
ches empilées, formant des ilots ou des massifs remplis de découpures,
sont trop exposées à la lame pour y être couvertes de richesses
extérieures zoologiques faciles à avoir. Cependant il faudrait les
explorer avec soin en arrivant du côté de la pleine mer avec les
bateaux. Déjà j'y ai rencontré des choses curieuses, mais pour, cela
il fallait tourner ou déplacer et enlever d'énormes quantités de
pierres. Il faut faire de véritables puits en suivant la marée qui
descend ; alors, après des peines, des fatigues très-grandes, on arrive
à trouver dans les anfractuosités, abritées sous les pierres amonce-
lées, des éponges calcaires ou autres superbes fort curieuses, et des
êtres fort variés : Mollusques, Hydraires, Coralliaires et Annélides.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur la carte marine des environs de
Roscoff placée dans chacune des chambres du laboratoire, pour se
convaincre de l’impossibilité d’avoir pu jusqu'ici parcourir les innom-
brables échancrures ou roches isolées des environs de la station.
Je serais heureux que ces quelques notes pussent décider les zo0-
logistes qui viennent à Roscoff à fouiller les nombreux points curieux
que je signale, et qui sont encore presque inexplorés.
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 333
Il est rare que les nouveaux venus, après les premières excursions,
et après avoir pris un premier aperçu de la faune, ne manifestent
des désirs tout différents et souvent incompatibles les uns avec les
autres.
Le collectionneur surtout, demanderait à se déplacer tous les jours.
L'anatomiste, qui a trouvé, au nord de l’île de Batz, un animal qui l’in-
téresse, veut y revenir pour faire une provision destinée à ses études
pendant la morte-eau. Celui qui a besoin des êtres recueillis à Duon,
demande à y faire une nouvelle excursion. Tel autre veut aller à
l'ouest sur les roches du Loup ou dans le canal, à Per-roch. Enfin
celui-ci parle de Ti-zaozon, où il est sûr de trouver ce qui lui est né-
cessaire. |
A moins d’avoir un grand nombre d’embarcations et un personnel
considérable, il est impossible de pouvoir satisfaire toutes ces de-
mandes. Aussi, à l'approche des grandes marées, le service est-il ré-
glé, et chaque jour successivement l’un des savants est chef de l’ex-
Cursion, qui est faite pour lui, les bateaux sont à ses ordres. Ceux qui
veulent le suivre, et il est rare que ce ne soit pas tout le laboratoire,
peuvent l'accompagner, mais tout est subordonné à ses intérêts; le
lendemain c'est au tour d’un autre, et ainsi de suite.
De la sorte on évite les difficultés, et chacun a eu souvent plus qu’il
n'a pu faire pendant l'intervalle de deux grandes marées, tout en
étant allé à l’opposé de l'endroit qu'il voulait explorer.
La plage de Saint-Pol-de-Léon fournit en abondance certaines An-
nélides, Myxicoles et Sabelles, des Chœtoptères et beaucoup d’Acé-
phales, des Gastéropodes, des Hydraires, et on y trouve une faune
différente à bien des égards de la faune de Roscoff. Il est bien rare
que tout le laboratoire ne suive l'excursion faite pour l’un de ses ha-
bitants sur la plage de Pempoul.Mais c’est une journée entière qu'il faut
nécessairement pour l’accomplir, que l’on prenne une voiture ou que
l’on y aille avec les bateaux.
J'en aurai dit assez pour montrer quelle est l’organisation du labo-
ratoire, et comment on y trouve les moyens de travail, si j'ajoute
quelques mots sur les draguages.
C’est surtout pendant les mortes-eaux ou les petites mers, que les
matelots sortent pour chercher les animaux de grands fonds.
Le personnel du laboratoire est aujourd’hui fort au courant de ces
sortes de recherches, et de la nature des fonds dans un périmètre
334 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
assez étendu, mais qu'a limité cependant le faible tonnage du Pen-
tacrine.
La drague, sur les fonds de sables ou de gravier et de débris coquil-
liers, rapporte des Bryozoaires fort intéressants et nombreux, des
espèces d’Ascidies variées, quelques Coralliaires, des Étoiles de mer,
Cribelles et Palmipes, des Holoturies, des Mollusques, Acéphales et
Gastéropodes nus, des Crustacés fort communs et réputés rares, enfin
l’'Amphioxus, que j'ai pu avoir vivant par douzaines, à mes leçons de
la Sorbonne, car il est vivace et supporte parfaitement le voyage.
Avec la drague on fuit les roches de fond, avec l’engin des corail-
leurs qui sert journellement depuis longtemps dans mon laboratoire
on les recherche, et l’on fait avec lui des récoltes superbes d’Oursins
magnifiques, d'Étoiles de mer variées, de Mollusques nus charmants,
de Bryozoaires, de Gorgones et”’de Caryophyllies, d'Ascidies fixés aux
objets divers.
Pendant les mortes-eaux, ce sont les matelots qui cherchent, mais
ceux des travailleurs qui désirent les accompagner dans les draguages
vont au large faire leur apprentissage dans ce rude métier.
Une amélioration considérable va être apportée dans cette partie
du service des laboratoires, et je suis heureux de l’avoir obtenue.
Une embarcation d'un tonnage beaucoup plus considérable que
celui du Pentacrine, est construite en ce moment pour moi. Elle
sera munie d’un cabestan, et pouvant tenir la mer par des temps
bien autrement mauvais que ceux qui forcent le Pentacrine à rentrer,
elle permettra d’aller au large à la recherche des animaux nouveaux,
et d'apprendre à connaître la faune par de plus grands fonds que
ceux explorés jusqu'ici. |
Avec ce nouveau bateau, une étude qui n’a pu être encore qu’es-
sayée dans de très-modestes limites, celle des animaux pélagiques,
pourra être entreprise dans de bien meilleures conditions.
Un fait m'a toujours étonné beaucoup à Roscoff.On n’y voit querare-
ment de grandes Méduses, telles que Pelagies, Aurélies, Rhysosto-
mes, etc. Il semblerait par là que la localité n’est pas très-riche en
animaux de haute mer. Dans le voisinage du laboratoire, dans le ca-
nal particulièrement, les pêches pélagiques ont fourni beaucoup d’Ap-
pendiculaires, beaucoup de larves de Crustacés et d'Annélides, etc.,
des Beroés toujours fort petits, quelques Ptéropodes assez rares,
et de petites Méduses, jamais de grandes. Au large trouverait-on
LABORATOIRE DE ROSCOFF, 330
des amimaux différents et vraiment pélagiques? Cela est probable.
En 1875, M. le comte de Gourgeau était venu à Roscoff avec le
yacht de plaisance l’Hébé, de M. le marquis de Cambefort, pour nous
aider à faire des excursions au large. Après quelques sorties, il fut
rapporté au laboratoire de magnifiques Physalies, que je n’ai jamais
vues venir à la côte de Roscoff. Il est donc probable qu'on trouverait
dans les courants qui sillonnent la Manche, à son entrée, des siphon-
phores, dont l'existence n’a pas été signalée encore tout près de la
côte. Cette année même, M. Joliet a pu avoir en dehors de lile de
Batz quelques Biphores. C’est un fait intéressant.
Notons toutefois que la pêche pélagique, essayée d’abord et sur-
tout par M. H. Fol à Roscoff, et ensuite par M. G. Vogt, est loin d’a-
voir fourni des résultats comparables à ceux que ces savants natu-
ralistes avaient obtenus dans la Méditerranée.
Cependant il y a sans doute de l'intérêt à connaître à Roscoff ce
que peut donner ce mode de recherche.
Mais il faut bien le dire, il n’y a pas à comparer la richesse des eaux,
dans les environs de Roscoff, à celle que présente la Méditerranée.
Les calmes si favorables à cette pêche sont relativement rares sur
les côtes de Bretagne. On ne doit pas manquer l’occasion, quand ils se
présentent, de rechercher surtout au nord de l’île de Batz, dans les
endroits où les échancrures forment des abris.
J'ai trouvé et pêché, dans cette localité, des Ptéropodes, de jeunes
Atalantes, des Méduses curieuses ; mais J'étais là par hasard et pen-
dant un calme merveilleux bien rare dans le pays.
Je me trouvais, il y a quelques années, à Port-Vendres, en septem-
bre, par un fort coup de vent de nord-est. La mer entraiït en plein
dans le port, elle venait dans la direction même de la passe. Dans
un certain point au bas des bâtiments militaires, l’eau était littérale-
ment épaisse de Criséis à tous les états de développement, de pontes
et d’embryons de divers Mollusques, de Diphyes, d’Apolémies, etc.,
je cite au hasard, et ce fait n’est pas exceptionnel. Durant mes voya-
ges en Espagne, en Afrique, en Corse, à Cette, à Banyuls-sur-Mer, j'ai
vu souvent, la mer ayant été comme écrémée, par des coups de vent,
et les criques, les baies et les plages de sable fin couvertes d'animaux
pélagiques d'espèces variées et bien conservées.
S'il n’en est pas ainsi à Roscoff, il faut cependant reconnaître que,
dans certaines localités de la Manche, les grandes Méduses abondent
et couvrent les plages après des coups de vent,
336 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Des courants dus à des conditions de configuration des côtes doi-
vent exister, et par eux les animaux sont entraînés dans certaines loca-
lités seulement. Il y aura donc de l’intérêt quand ma grande embarca-
tion sera prête, à s'éloigner des côtes et à rechercher non-seulement
dans les profondeurs, mais encore à la surface, quelles sont les diffé-
rences des faunes côtières et pélagiques.
y
ÉTABLISSEMENT DÉFINITIF DU LABORATOIRE.
La propriété acquise sur ma demande, en 1876, par le ministère de
l'instruction publique, est la mieux et la plus heureusement placée
de Roscoff.
Comme la maison louée qu’occupent encore les laboratoires, elle
est située sur la place de l'Eglise ; elle serait isolée entre la prome-
nade appelée le Vi, la mer et la place de l'Église, si les écoles pri-
maires de garçons ne se trouvaient à côté d’elle.
Incontestablement l'extension toujours croissante et les progrès
futurs certains conduiront la ville de Roscoff et l'administration cen-
trale à s’entendre et à adjoindre au laboratoire les bâtiments de l’é-
cole primaire. Alors il y aura un vaste et magnifique emplacement
admirablement situé, où les aménagements les plus convenables se-
ront faciles à établir.
Le jardin est très-grand, entouré de murs élevés qui l’isolent avan-
tageusement, et les travailleurs y trouveront un lieu de délassement
bien autrement abrité que celui de la maison occupée en ce moment;
sa position est précieuse. Il est moins élevé que celui où est l’aquarium
actuel, mais il a une grande étendue; il est contigu à une petite anse
ou petit havre, dans lequel les embarcations du laboratoire pourront
mouiller en toute sécurité, et se trouver toujours sous la main.
Dans la partie du Jardin voisine de la mer, l’espace nécessaire
à l’édification du nouvel aquarium est parfaitement approprié, et
lorsqu'on fera cette construction il sera facile de ménager une sor-
tie, comme elle existe en ce moment, pour permettre de descendre
directement dans les bateaux lors des excursions au large ou sur la
grève, quand on voudra aller faire des recherches à marée basse.
Avec quelques dépenses sans importance, le quai actuel pourra
revenir pour ainsi dire le quai de l'aquarium et du laboratoire.
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LABORATOIRE DE ROSCOFF, 337
On chercherait en vain, je crois, sur nos côtes une position plus
favorable ! Le port actif de Roscoff est à l’est, le petit havre ou refuge
du Vil est à l’ouest, celui-ci est donc éloigné du mouvement. Seuls les
bateaux faisant la traversée de la terre ferme à l’île de Batz viennent
accoster au Vil, où la tranquillité sera très-grande.
Les services du laboratoire, de l'aquarium et ceux des embarcations
se trouveront alors réunis, et par leur rapprochement aussi simplifiés
que possible; enfin, d’un autre côté, ils seront absolument indépen-
dants du mouvement de la ville et des curieux, ce, qui est encore un
véritable avantage.
La maison, telle qu'elle a été achetée, ne pouvait guère servir avec
son aménagement intérieur sans être modifiée; une somme suffisante
pour les premiers besoins du moment est employée à faire des mo-
difications, à réparer les appartements et à les meubler.
Le nombre des pièces à donner suffira en temps ordinaire, et les
travailleurs pourront se livrer à leurs études plus commodément et
avec autant d'indépendance que dans l'habitation louée actuelle.
Pour les mois de juillet, août et septembre, les demandes d’admis-
sion au laboratoire sont nombreuses, et comme elles arrivent à
peu près toutes en même temps pour ces époques, il peut devenir
difficile de pouvoir les accueillir toutes à la fois. Aussi serait-il heu-
reux que ce ne fût point toujours à la même époque que les travail-
leurs se donnassent rendez-vous à Roscoff.
Il est arrivé que des savants venus à Roscoff sans prévenir à l'avance,
ont dù séjourner quelque temps hors du laboratoire et attendre qu’une
place fût libre. C’est ce qui eut lieu lors de l’arrivée de M. le profes-
seur J. Murie; avant de s'installer au laboratoire, il dut attendre à
l'hôtel qu’une chambree devint libre.
À ce propos, je ferai une observation : mon excellent ami C. Vogt,
a publié dans la Æevue scientifique un article sur les stations mari-
ümes, dans lequel il a parlé de Roscoff comme d’un établissement
ouvert seulement pendant les vacances.
Je ne puis comprendre cette affirmation de la part de mon ami, qui,
deux années de suite, a passé à Roscoff les mois de juin, juillet, août
et septembre, et qui a pu constater que pendant tout ce temps le la-
boratoire était non-seulement ouvert, les embarcations armées. mais
encore la maison entièrement occupée par les travailleurs. Il savait
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. == T. VI. 1877. 22
338 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
que moi-même deux années de suite, en 1874 et 1875, j'avais séjourn
aux laboratoires du 20 mars au commencement d’octobre.
Le laboratoire n’est jamais fermé pour un travailleur qui demande
à s’y installer ; cela est si vrai, que M. Patrick Geddes, jeune natura-
liste écossais, qui n'avait été recommandé par M. le professeur Hux-
ley, a passé tout dernièrement une partie des mois de mars et d'avril
à faire au laboratoire les recherches.
Mais il'est une condition forcée qui fait que Roscoff est plus habité
dans la belle saison que dans l'hiver ; son climat ne ressemble pas à
celui de Villefranche, de Nice ou de Naples et d'Afrique. La pluie y
est très-fréquente, et les brouillards de la Bretagne, l’état de la mer
presque toujours grosse et houleuse, rien n’est fait pour rappeler le
beau ciel de la zone méditerranéenne. Roscoff, pour n'avoir pour
ainsi dire Jamais de neige, de froid ou d’hiver proprement dit,
n’en est pas moins assez triste durant les mois où l’on songe à aller
au bord de la Méditerranée chercher le beau climat du Midi, et
non les brumes du Nord. Son climat est constant, les camélias y vien-
nent magnifiques en pleine terre, mais le ciel y est souvent couvert
et l'humidité très-grande. Dans l'été jamais les chaleurs n’y sont
fortes, et c’est là une des meilleures conditions pour un bon entre-
tien des aquariums, Comme aussi, pour le travail, jamais on n’y est
énervé par ces chaleurs accablantes des bords de la Méditerranée.
Toutes ces conditions expliquent commeñt c’est surtout en été et
non en hiver qu'on demande à y venir travailler.
D'ailleurs, mon ami C. Vogt semble oublier qu’à part de rares ex-
ceptions, presque tous les savants qui s'occupent de zoologie sont ou
professeurs ou élèves, et que les premiers sont retenus par leur en-
seignement, les seconds par les cours qu’ils doivent suivre. C’est là ce
qui explique comment les demandes d'admission arrivent presque
toutes en même témps et sont toujours plus nombreuses à l’époque
des vacances. Mais il n’en résulte pas pour cela que le laboratoire soit
fermé en dehors de cette époque.
En définitive, comme les laboratoires seront ouverts, même pen-
dant l’hiver, à tous ceux qui le demanderont; mon ami G. Vogt pour-
rait s’y installer, s’il le désirait, à partir du 1° octobre et pour le
temps qu’il voudrait, à moins que lui-même n’ait à compter avec ses
fonctions, comme la plupart des zoologistes, et peut-être aussi avec
le mauvais temps.
Je tenais à établir que la durée du travail a été, depuis la fonda-
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 339
tion de l'établissement de Roscoff, plus longue que les lecteurs de
l'article de mon excellent ami n’ont pu le supposer.
Du reste, pour connaître par moi-même les conditions de travail
qu’on rencontrerait pendant l’hiver, je suis allé, à trois reprises diffé-
rentes dans les mois de novembre, décembre et février, en 1873, 1876
et 1877, à Roscoff et à Brest; j'ai fait des excursions à la grève, et je
me suis convaincu que, contrairement à ce que l’on aurait pu sup-
poser, il serait facile de trouver alors de curieux sujets d'études, et d'y
faire d’intéressantes recherches. Les animaux non fixés, non séden-
taires sont différents à ces époques.
Mais combien à ces moments les recherches à la grève sont péni-
bles, et j’ajoute, aujourd’hui que j'en ressens les effets, dangereuses
pour la santé.
Que de fois dans mes excursions, non pas seulement en décembre
ou en novembre, mais en mars ou avril, j’ai été assailli par des grains,
dont la pluie, poussée par un vent glacial, pénétrait jusqu'aux os;
que de fois en avril, la pluie alternant par rafales avec des giboulées,
m'a forcé à quitter la grève, car il est impossible de chercher avec
fruit dans ces conditions.
Quand'il pleut, et mêmé quoiqu'il ne fasse pas assez froid pour aban-
donner la grève, on trouve peu, les animaux ne manifestent pas leur
présence dans ces conditions. Est-ce l’eau non salée dont ils sont
inondés qui les fait contracter ? Cela est possible; mais on doit
croire aussi que leur corps tout ruisselant se laisse moins facilement
reconnaître. Pour ceux qui $’ensablent, il est inutile de chercher : la
pluie détruisant à chaque instant les traces de leur gîte, il devient
impossible de les trouver.
Je citerai quelques exemples; ils pouront être utiles aux natura-
listes encore peu habitués aux recherches de la grève.
_ M. Hesse, de Brest, le savant naturaliste, bien connu des zoolo-
gistes, m'avait depuis bien longtemps indiqué la présence de l’'Am-
phidetus ovatus où Æ£chinocardium sur les grèves de Morgate, près de
Crozon, dans la mer de Douarnénèz. Pendant une grande marée, vers
le 15 d'août, j'allai à la recherche de ces animaux, en suivant les indi-
| cations si précises que le zélé et savant naturaliste brestois m'avait
| données. Une pluie fine qui ne s’opposait point en apparence à l’ex-
ploration des grèves, ne cessa de tomber pendant la durée de la basse
| mer. Je ne rencontrai pas un seul individu, et si je n’avais eu pleine
340 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
confiance dans les indications de M. Hesse, si, d’ailleurs, les nom-
breux débris du test de ces animaux rejetés à la côte, avec les épaves
diverses qui montrent toujours plus ou moins la nature de la faune
du lieu ne m'avait indiqué sa présence, je n’aurais pas Continué mes
recherches, j'aurais supposé que l’Amphidetus n’existait pas dans
cette localité.
Le lendemain le temps était superbe ; comme il arrive si souvent
sur les côtes de Bretagne, le changement était complet; la plage de
sable, inondée de soleil, s’égouttait rapidement, et bientôt l’on pou-
vait reconnaître la place des très-nombreux individus qui habitent
dans toute l'étendue de la plage sablonneuse, située entre le village
de Morgate et les roches où se trouvent les grottes, à l’est du petit
fort situé au nord de l’anse.
Il en est de l’'Amphidetus comme de tous les animaux vivant sous
le sable, tels que Dentales, Pandores, nombreux et divers Acéphales,
Annélides, Phylines, Sipuncles, Synaptes, etc., etc., etc. Tous décè-
lent leur présence par des signes caractéristiques et particuliers à
chacun d’eux. Il faut avoir l'habitude de la grève pour reconnaître la
vérité de ce fait. Qu'on suive les pêcheurs, et l’on verra s’ils se trom-
pent. Là où le naturaliste inexpérimenté n’a rien vu, le pêcheur a
prestement enfoncé son fil de fer pointu, formant un léger crochet et
ramené un Solen.
En principe, qu’on ne l’oublie pas, pour tous les animaux qui s’ensa-
lent, la recherche sera d'autant plus fructueuse qu’elle sera faite plus
tard, c’est-à-dire le plus longtemps possible après la retraite de l’eau.
Aussi c’est presque toujours quand la marée monte et chasse de la
grève que l’on fait les trouvailles les plus belles. Cela s'explique : à ce
moment l’eau manque aux animaux, qui instinctivement se déplacent
pour la chercher; ainsi les Solen ou Couteaux, qui habitent un trou
vertical quelquefois de plus de 4 pied de profondeur, remontent à ce
moment et tombent sur le sable à côté de leur trou.
Sur les plages des environs de Saint-Malo, et pour préciser, aux He-
biens, sur la grande plage de sable appelée {a Colombiere, qui est si
riche, j'ai vu souvent, au moment où la mer montante allait m'at-
teindre, de magnifiques Sipuncles (Sipunculus nudus) sortant d’un
trou que, certes, je n’avais pas remarqué en arrivant à la grève.
La Phyline, dont le corps est aplati et qui rampe comme une limace,
mais sous le sable, cherche l’eau dès que celui-ci est sec, et, en
avançant, elle laisse derrière elle une dépression dans laquelle le
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 34
sable, ridé et plissé, représente les ondulations de soc corps pendant
la reptation.
On sait que la Pandore rostrée a l’une de ses valves plane et l’au-
tre bombée ; de là l'impossibilité pour elle d'avancer en ligne droite,
elle suit une résultante qui est la conséquence de la différence des ef-
forts que produisent ses deux valves de forme opposée sur le sable
à déplacer. Aussi qu’on laboure avec le doigt, les sillons courbes,
presque en demi-cercle, qu'on rencontre sur la grève et l’on reti-
rera à Coup sùr une Pandore dont la valve convexe est du côté de la
concavité du sillon.
Le Dentale, dès que l’eau s’est écoulée, se déplace pour la cher-
cher; il gonfle son pied, l’enfonce dans le sable, et dans les efforts
qu'il fait pour avancer, relève le sommet de sa coquille et semble
alors piqué dans la grève. Au moment où l’eau baisse, en suivant le
bord ou la lisière qui descend je trouvais bien, mais rarement, quelques
individus roulés par la mer, tandis que lorsque la marée était tout
à fait basse, j'en prenais toujours en quantité dans les mêmes endroits
que j'avais parcourus pour en voir il n’y avait que quelques instants
en suivant l’eau. Jamais je n’ai fait la chasse du Dentale à mon arrivée
sur les grèves. Ce n'était qu'à la fin du bas de l’eau que je commen-
çais mes recherches, et littéralement je me laissais chasser par la
marée montante, car alors j'en trouvais beaucoup.
De même pour l’Amphidetus, les renseignements que m'avait donnés
M. Hesse, et qu'il a fait connaître déjà à plus d’un naturaliste, étaient
très-exacts. « Quand la marée monte, me disait-il, on les voit sortir
du sable ; » quelques-uns, en effet, finissent par abandonner leur gîte,
mais il faut pour cela que la mer descende beaucoup, car ils s’enfon-
cent assez profondément : 10 à 45 centimètres, et à cette profondeur
l’eau ne leur manque qu’assez tard. Pour les trouver plus sûre-
ment, il faut apprendre à reconnaître leur présence dans la grève par
les orifices qu'ils y produisent et qui sont la conséquence de leurs
mœurs et de leur alimentation.
Ils se gorgent de sable, comme l’examen de leur tube digestif le
montre, et c'est même à cette particularité qu'il faut attribuer la dif-
ficulté qu'on a à les faire voyager en bon état, leur test est tellement
délicat et fragile, qu'il ne résiste pas aux chocs intérieurs produits
par les mouvements imprimés au tube digestif lorsque le liquide de la
cavité générale s’est écoulé. Les particules de sable sont amenées dans
l'intestin par un courant d’eau actif qui le traverse de la bouche à l’a-
342 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
nus et qui cause en même temps la formation de deux trous corres-
pondant à chacun des orifices du tube digestif.
Ces deux trous diffèrent d'aspect et ne sont éloignés que d’une dis-
tance égale à la longueur du grand diamètre de l'animal. On ne les
voit pas dans la partie de la grève abreuvée de liquide, il ne faut les
chercher que dans les parties d’où l’eau s’est déjà écoulée. C’est ce
qui fait qu'il est nécessaire que la mer descende beaucoup plus qu'aux
marées moyennes pour trouver l’Amphidetus.
Les orifices reconnus, il faut enfoncer sur leurs côtés une houlette
et la relever avec précaution, car l’on court risque de briser l’animal
en voulant le retirer trop rapidement. Il est même mieux d’enlever
avant, au-dessus et sur les côtés un peu de sable.
. Ces exemples, pris au hasard et qu’il serait facile de multiplier à
l'infini, suffisent pour faire comprendre comment il se fait que, dès
que la pluie tombe, elle efface et détruit ces sillons, ces plissements
et ces pertuis formés par les différents animaux, et comment dès
lors les recherches par les} temps pluvieux deviennent tout à fait
nulles.
Ce n’est qu’en allant souvent à la grève que les jeunes naturalistes,
ils doivent en être bien persuadés, apprendront par eux-mêmes à
connaître les gîtes, les mœurs et les conditions biologiques propres
aux différents êtres qu'ils veulent étudier.
Je résume ce paragraphe déjà bien long. Roscoff peut fournir des
sujets de travaux fort intéressants à toutes les saisons.
Dans l'hiver, quiconque voudra y faire des recherches pourra aller
y travailler; mais la pluie, plus fréquente à cette époque, sera défa-
vorable aux explorations de la grève ; la mer, plus houleuse et sou-
vent très-grosse, permettra moins qu’en été les draguages, les études
des fonas ; enfin les pêches pélagiques y seront à peine possibles. Pour
toutes ces raisons, comme aussi pour celles qui tiennent aux condi-
tions de l’enseignement, le laboratoire est moins ou peu fréquenté en
hiver. Ce qui est tout à fait l'opposé dans les établissements de la
Méditerranée.
Cependant ceux qui auront la santé et le courage assez robustes
pour aller s’isoler et travailler durant l'hiver, rencontreront à ce mo-
ment, d’après ce que j'ai pu voir par moi-même, des sujets de recher-
che qu'ils ne retrouveront pas en été, et voici pourquoi. Jusqu'au mois
de mai, les règlements relatifs à la récolte du guémon s'opposent à
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 343
ce qu'on coupe et recueille certaines espèces, au milieu desquelles
pullulent en particulier des Nudibranches et quelques Éponges. Dès
que le mois de mai arrive, les paysans bretons s’abattent sur les'grèves,
qu’ils dévastent et ravagent pour récolter les fucus ou guémons dont
ils font des engrais. Les Fucus vesiculosus et serratus sont entièrement
enlevés, et avec eux les nombreux animaux qui les habitaient. Les
courants et la lumière agissent alors plus directement sur les grèves
ainsi dénudées, et les animaux qui restaient encore disparaissent.
M1
SERVICE D'HIVER ET DES ENVOIS.
La nécessité d’un personnel toujours présent sur les lieux était deve-
nue évidente; elle était la conséquence de l'ouverture des laboratoires
dès les premiers beaux jours ainsi que de l’acquisition de la maison
et de l'installation définitive. I était d’ailleurs devenu urgent de pour-
voir à une surveillance efficace de la propriété et des instruments,
du matériel et surtout des embarcations.
A l'origine, les moyens mis à ma disposition étaient trop restreints
pour qu'il fût possible de songer à prendre, sur le crédit destiné à
couvrir les frais des travaux ou des dépenses courantes du labora-
toire (réactifs, abonnements aux revues périodiques, indemnités de
voyage, etc., etc.), la solde d’un marin pendant tout l'hiver.
Une première fois je m’adressai à l'Association scientifique, qui mit
à ma disposition une somme de 600 francs. Cette somme, bien que
faible, a suffi pour conserver armé le Pentacrine pendant un hiver et
pour garder l’un des matelots embarqué pendant le même temps.
L'avantage de cette mesure était évident; d’abord, en conservant
des matelots embarqués pendant la mauvaise saison, on devait espérer
qu'ils s’attacheraient à un établissement destiné, dans l’avenir, à leur
assurer une solde dans le moment où la pêche donne le moins de
bénéfice. Mes prévisions n’ont point été trompées ; l’un des hommes
a même préféré rester attaché au laboratoire que de prendre une
place de garde-pêche, qu'il avait d’abord demandée, et qui lui était
offerte.
La surveillance et l'entretien des embarcations et de tout le matériel
qui, aux bords de la mer, s’avarient ou se perdent si facilement quand
les soins manquent, se trouvaient ainsi assurés.
344 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Mais aussi ce qui était d’une grande importance, c'est que le pê-
cheur qui avait déjà fait son éducation en nous suivant à la grève,
qui avait dragué sous notre direction, connaissant les objets néces-
saires ou intéressants, pouvait, avec un service relativement peu
chargé, recueillir et envoyer pour nos recherches ou nos cours tout
ce que nous lui demanderions.
C'était un essai que les fonds alloués par l'Association scientifique
permettaient de faire, et dès la première année les résultats obtenus
étaient tels, qu’il semblait désormais impossible de supprimer ce ser-
vice d'hiver et des envois.
Ma santé, profondément altérée, ne m'avait pas permis de me ren-
dre au congrès du Havre et d'exposer tous les avantages et les progrès
dus à l’allocation que l’Association avait attribuée à l’établissement de
Roscoff. Aussi je pouvais craindre que, pendant l’année qui allait sui-
vre, les ressources, quelque minimes qu'elles fussent, manquant, il
ne me füt plus possible de continuer, n’ayant point été présent pour
faire connaître l’emploi des fonds alloués et pour démontrer l’utilité
d'une nouvelle allocation.
Heureusement, mon collègue et ami M. Julien, professeur à la
Faculté des sciences de Clermont-Ferrand, vint passer deux mois à
Roscoff. Il fut tellement frappé de l'utilité et de la nécessité de ce
service des envois, qu’il demanda à en faire profiter la Faculté de
Clermont. Connaissant les craintes que j'avais sur la possibilité de
continuer cette importante innovation, n’écoutant que son enthou-
siasme et son ardeur si vive pour les sciences naturelles, il m’adressait
spontanément, au commencement de l'hiver, un billet de 500 francs,
qui me permettait de continuer et de renouveler l'essai.
Ai-je besoin d’ajouter que j'avais déjà envoyé mes remerciments à
l'Association scientifique ?
Mais que dire d'un jeune professeur de nos Facultés du centre de
la France, qui dispose d’un mois de ses appointements pour les
consacrer à l'amélioration d’un établissement qu'il n'avait visité
qu'une fois, et qui n’est pas même dans la spécialité de ses études.
Que mon collègue et ami recoive ici mes vifs remerciments pour
son dévouement à la science et pour l'aide qu’il m'a donnée en me per-
mettant de pouvoir fournir une preuve nouvelle à l'appui de mes de-
mandes incessantes pour obtenir une amélioration aussi utile que
nécessaire.
Un maître peut avoir eu des déceptions bien vives et bien poi-
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 345
gnantes en voyant la conduite indigne tenue par quelques-uns de ses
élèves ; mais un sacrifice aussi spontané que celui dont M. Julien s’est
imposé la charge, est bien fait pour faire oublier les peines et les
chagrins que d’autres ont pu causer en dénigrant par jalousie, même
à l'étranger, un établissement qui les avait accueillis et pour lequel
leur maître avait tant sacrifié.
On pourra juger, par les quelques faits qui vont suivre, quels ser-
vices ont rendus et peuvent rendre les envois faits par le garcon-gardien
demeurant à Roscoff. |
Pendant deux années des envois ont été adressés à mes collègues
des Facultés des sciences de Poitiers, de Clermont-Ferrand, du Mu-
séum, enfin à mes laboratoires de la Sorbonne.
M. Schneider, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, a
recu vivants et dans un état parfait, lui permettant de continuer ses
études sur les Grégarines, des Machiles nombreux ; plus tard il a eu
les objets qu'il a demandés, Annélides, Crustacés, Éponges, etc.
M. le professeur Julien a pu montrer à la Faculté des sciences de
Clermont-Ferrand des Annélides, des Amphioxus, des Céphalopodes
même (Sépioles) et beaucoup de Mollusques, acéphales et gastéro-
podes vivants. Il a commencé une collection d'animaux invertébrés
qui n'existait pas à sa Faculté.
M. le professeur Ed. Perrier a eu pour son cours, pendant deux
années de suite, tous les huit jours, un envoi de Mollusques ou d’Hel-
minthes, aussi a-t-il pu faire régulièrement de nombreuses démons-
trations et des conférences sur les Mollusques nus et les Helminthes
des oiseaux de mer ou. des poissons de grèves, en ayant à sa disposi-
tion, non plus ces Helminthes confits dans l’alcool, ou ces Nudibran-
ches déformés, décolorés, ratatinés et méconnaissables des collections,
mais en présentant à ses auditeurs un grand nombre d’espèces vi-
vantes qui n'avaient, je crois, jamais été montrées dans les cours pu-
blics à Paris, et qui, chose curieuse, n'étaient, dans cet état, pas même
reconnues par ceux qui les connaissaient fort bien, mais seulement par
les spécimens des musées. Par suite de ces envois réguliers et intel-
ligemment faits, l'intérêt du cours a certainement augmenté, car ces
340 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Mollusques nus ou autres animaux ont fait, on peut le dire, l’admi-
ration des auditeurs du cours de malacologie du Muséum.
A la Sorbonne, où de nombreux élèves sont admis dans le labora-
toire de zoologie expérimentale, les uns en première année, les autres
en seconde, ceux-ci préparant leur licence, d'autres enfin commencant
des recherches originales pour leur thèse, les envois ont surtout été
fort utiles.
Le garçon-gardien de Roscoff a, d’une manière régulière et
constante, expédié des animaux qui ont suffi aux besoins de ces trois
ordres de travailleurs durant deux semestres d’hiver consécutifs.
Les élèves ont pu ainsi voir et déterminer des Annélides vivantes,
des Crustacés, des Mollusques acéphales ou gastéropodes, des Our-
sins, etc. Ce ne sont plus les uniques et perpétuels limacons, huîtres,
écrevisses ou sangsues qu'ils ont eu à disséquer. Ils avaient des Li-
gies, des Galathées, des Myes, des Oursins, des Ascidies, des Bryo-
zoaires, des Actinies, etc., etc., même des Brachiopodes, tous vivants
et dans le meilleur état désirable.
M. Joliet, après avoir fait, pendant la belle saison, une première
étude des Bryozoaires de Roscoff, avait dû rentrer à Paris. Il a pu, pour
ses travaux particuliers à la Sorbonne, continuer ses observations ab-
solument comme s’il eût été aux bords de la mer. Il recevait, en effet,
à l’époque des grandes marées, des espèces qu'il désignait d'avance
et dont il avait montré la station au gardien.
M. Cosmovici, licencié ès sciences naturelles, qui a commencé une
thèse sur l’organisation des Annélides, à de même reçu les espèces
qui lui étaient nécessaires; ainsi que des embryons quand il en
voulait.
M. Batelli, de Florence, inscrit pour suivre les travaux du labora-
toire durant toute l’année scolaire à la Sorbonne, a étudié l’anatomie
et l’histologie de l’Aplysie. Il a recu pour cela .tous les individus vi-
vants qu'il a désirés.
Pour le cours public de zoologie ou les conférences du laboratoire,
les envois ont rendu les plus grands services. C’est ainsi que, dans
l’amphithéâtre des cours, les auditeurs ont pu voir vivants et dans un
état absolument naturel, des Comatules (Antedon rosaceus), des Asci-
dies diverses, surtout de nombreuses variétés de Cynthia aux couleurs
éclatantes, donnant des têtards ; des Amphioxus par douzaines. Le
LABORATOIRE DE ROSCOFF. ,
nombre des animaux recus était tel, que, à plusieurs reprises, des
distributions d’Ascidies et d'Oursins ont été faites dans l'auditoire aux
personnes qui ont demandé ces objets.
Quelle idée peut-on avoir des animaux invertébrés quand on les
étudie seulement dans les bocaux, où ils sont toujours profondé-
ment défigurés par l'alcool? Pour les Cynthia, par exemple, presque
toutes les espèces se ressemblent quand elles ont été mises dans les
liquides conservateurs. On ne peut en avoir aucune idée juste, si on
ne les a vues vivantes, car on ne peut reconnaître l’ornementation
caractéristique de leurs orifices.
Sans aucun doute, les envois faits intelligemment comme ils l'ont
été par le garcon-gardien Ch. Marty, m'’auraient permis, sans l’état
de ma santé, de continuer mes recherches commencées à Roscoff,
tout comme si j'avais été sur les lieux mêmes, et sûrement ils ren-
dront les plus grands services aux zoologistes qui voudront en profi-
ter, soit pour leurs travaux personnels, soit pour les démonstrations
aux élèves ou aux cours.
Après un second essai, et en présence des résultats obtenus, lPuti-
lité de ce service n’était plus à démontrer, et l'administration de l'in-
struction publique, faisant enfin droit aux justes réclamations que je
lui adressais depuis déjà longtemps, nommait comme gareon-gardien
du laboratoire le marin Charles Marty, patron de mes embarca-
tions.
Attaché à la Faculté des sciences, mais en résidence à Roscoff, il
a maintenant la charge de la surveillance des laboratoires et des em-
barcations pendant là saison d'hiver, où peu de personnes demandent
à travailler. En outre, il recherche et expédie les animaux néces-
saires qui me sont demandés, et reçoit les personnes autorisées à
aller séjourner au laboratoire.
Son dévouement, depuis qu’il est engagé au laboratoire, son zèie
à exécuter fidèlement les consignes qui lui sont données, devaient le
faire désigner pour occuper ce poste de confiance. Je suis heureux
que l'administration ait ratifié mes propositions, car j'en suis
convaineu, il continuera à donner des preuves de son attachement à
la prospérité de l'établissement qui, malgré les difficultés de toutes
sortes que J'ai rencontrées dès l’origine de son organisation, marche
d'amélioration en amélioration et de progrès en progrès.
ét-cupe.
348 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Est-il nécessaire d'ajouter que la gratuité absolue étant le principe
qui préside à l’organisation de la station de Roscoff, tous les envois
sont faits à la charge du laboratoire ?
AA
AMÉLIORATIONS DEMANDÉES ET PROJETÉES.
Ce compte rendu montre certainement au lecteur combien les
améliorations successives ont été lentes à se produire et ont demandé
de persévérance pour être obtenues.
On à vu qu'une embarcation déjà d’un assez fort tonnage était en
construction, que je l’ajouterai au Pentacrine, véritablement trop
petit pour aller au large et tenir la mer par un temps un peu gros.
C'était une amélioration très-désirée, très-demandée ; elle est sur le
point d’être réalisée. Faut-il songer dès maintenant à demander une
chaloupe à vapeur pour remplacer le Dentale, qui va être lancé?
Sans aucun doute, si les ressources du laboratoire étaient suffi-
santes, Je n’hésiterais pas à le faire.
Mais combien une pareille embarcation serait coûteuse à entre-
tenir. Ce ne seraient plus alors de simples matelots pêcheurs qu'il
faudrait embarquer, ce seraient un mécanicien et un chauffeur, indé-
pendamment de l'équipage.
Le grand bateau qui va m'être livré et qui m’a été donné personnel-
lement, suffira encore longtemps aux besoins des recherches dont 1l va
étendre beaucoup le cercle, et il serait bien plus utile pour le moment
de pourvoir à d'autres améliorations. Cependant je n’entends point
dire que, pour sortir et rentrer rapidement, une machine à vapeur
ne fût de la plus grande utilité; mais l’hélice, en plus d’une occasion,
pelotonnera les Æymenthalia laurea ou filets qui flottent dans le canal.
Il y aura là un inconvénient sérieux dans l’usage d’une chaloupe à
vapeur, à moins que l’on ne sorte et l’on ne rentre durant les pleines
mers, ce qui n’est pas le cas le plus habituel.
Avant de demander ces dépenses très-grosses, il en est d’autres
qui doivent être faites le plus tôt possible.
L'une d'elles, la moins coûteuse, serait destinée à la création d’un
parc sur la grève, en face du laboratoire.
En obtenant de l’administration de la marine la concession d’une
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 349
surface de quelque étendue, et en l’entourant d’un gros et large mur
en pierres sèches, comme les parcs aux huîtres sur certains points de
la côte, il serait possible de mettre en réserve, de parquer des ani-
maux qu'on n’a qu'au large et qui meurent vite dans les aquariums,
.si on ne leur fournit une énorme quantité d’eau et même une ali-
mentation; quelques Oursins, certaines Étoiles de mer, des Ascidies,
des Bivalves, etc., des Gastéropodes meurent certainement faute
d'aliments; or, rien ne rend coûteux et difficile l'entretien des aqua-
riums, comme les matières que l’on donne aux animaux pour leur
nourriture; la décomposition des résidus entraîne très-rapidement
après elle la putréfaction de l’eau, et il faut alors un renouvellement
qui occasionne de grands frais.
Il serait facile dans un parc de ménager des anfractuosités entre de
grosses pierres amoncelées, et au-dessous desquelles on verrait pullu-
ler les animaux de la grève environnante, ce qui obvierait à l’incon-
vénient de leur disparition, qui est la conséquence de ce qui se passe
à chaque grande marée. Les paysans bretons viennent retourner leg
pierres pour chercher au-dessous d’elles des congres ou autres pois-
sons, ou enlever les fucus. |
Un fait montrera, entre bien d’autres, l'utilité de la construction
que je demande.
Les Oursins qui servaient aux recherches de M. le docteur Frede-
ricq étaient de deux espèces : l’£chinus sphæra, très-beau, que l’engin
rapporte facilement, et le Zoxopneustes lividus, fort abondant surtout
sur les roches Duon et Byzaïiers. Ces deux espèces meurent très-vite
dans les aquariums. Leur mort ne peut être attribuée seulement à
Pinsuffisance du renouvellement de l’eau. Ces animaux sont voraces,
et on les voit occupés, en se déplaçant, à détacher avec leurs dents
ia Couche d'algues recouvrant les roches. Leur tube digestif est
bourré de ces matières végétales. Sortis de la mer, ils perdent très-
rapidement leur vigueur, et M. Fredericq, dans ses expériences sur
le système nerveux, se trouvait assez fréquemment embarrassé par la
différence des résultats que lui fournissaient l’excitation électrique
ou les vivisections faites sur des animaux nouvellement pêchés, ou
sur Ceux vivant déjà depuis quelque temps dans les réservoirs.
On plaça alors, au-dessous du laboratoire, dans les roches, de nom-
breux individus, comme s'ils eussent été dans un parc. Les enfants de
Roscoff, qui là, comme partout sur les bords de la mer, sont toujours
à battre les grèves, enlevèrent les Oursins et vinrent nous en proposer
350 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
l'acquisition au laboratoire. Dans un parc, devenu propriété particu-
lière, la chose n’eût point été possible”.
Dans une foule de recherches, on a besoin d’avoir sous la main les
animaux frais tout prêts quand on le désire. Or il est difficile, pour
beaucoup d’entre eux, de pouvoir réussir à les faire vivre longtemps
dans les bacs. Cela déterminerait des dépenses considérables. Quant
à se les procurer au moment même, il n'y faudrait pas compter à
Roscoff. Pour sortir, aller draguer ou se rendre à Duon, aux Byzaiers,
il faut un beau temps, et la mer de Roscoff est fort inconstante. Ce
qui réussit un jour devient impossible le lendemain. Aussi j'appelle de
tous mes vœux cette création nouvelle, où des espèces pourraient être
apportées, acclimatées et mises en réserve, elle sera l’une des amélio-
rations prochaines des plus nécessaires, Car encore en se plaçant à
un autre point de vue, elle rendrait les plus grands services ; pour les
envois de l’hiver, elle permettrait d’avoir toujours sous la main une
réserve où les objets demandés et nécessaires seraient pris au fur et
à mesure des besoins, et, en hiver, on le sait, la pêche est souvent fort
difficile, sinon impossible.
L’acquisition de la propriété qui longe le petit havre du Vil per-
mettra aussi de réaliser un autre projet, dont l’exécution sera d’une
grande utilité, mais demandera de bien plus fortes dépenses que la
construction d’un parc.
Il est des animaux qui ne vivraient jamais dans les bacs et les aqua-
riums sans des installations et des dépenses qui prennent des propor-
tions énormes pour suffire au renouvellement de l’eau. Il faut, en effet,
de toute nécessité fournir à l'alimentation de quelques-unes des
espèces ; or, les résidus laissés déterminent toujours des conditions
d'infection fâcheuses pour l’état des aquariums, à moins que les cou-
rants d’eau ne les enlèvent. Mais là est la cause même de la grosse
dépense. |
Il faudrait donc construire un bassin à flot, un réservoir qui, établi
dans le havre longeant le chemin au nord du jardin de la station,
put être rempli ou vidé à l’aide de vannes à l’époque des grandes
marées.
1 Ce fait pourrait paraître sans importance dans les localités comme sur les bords
de la Méditerranée, où les Oursins sont si abondants, maïs il n’en est point ainsi à
Roscoff. On n’y trouve d’Oursins que par les draguages ou aux marées basses fortes,
ou enfin sur des rochers fort au large.
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À
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J
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 351
Ce réservoir, véritable vivartum, servirait à conserver des animaux
ne vivant que difficilement dans les aquariums ou les parcs. Il fournirait
d’ailleurs le moyen d’avoir l’eau nécessaire à tout instant pour les
petits aquariums ; le jeu de la pompe constamment amorcée pourrait
n'être plus assujetti aux heures des marées, ce qui simplifierait beau-
coup le service, puisque pendant plusieurs jours périodiquement, il
faut que les hommes de l’équipage viennent pendant la nuit veiller
et remplir les cuves.
* Dans un vivier, après bien peu de temps, des algues de nature di-
verse se développeraient et serviraient tout naturellement à l’aéra-
tion de l’eau et à l’alimentation des animaux herbivores qui, à leur
tour, deviendraient la proie des carnassiers.
Il suffit d’avoir signalé les services que pourrait rendre un vivarium
placé à côté du laboratoire, pour espérer que l’administration fera
avant peu droit à ma demande.
Enfin une construction dont l'exécution ne peut et ne doit plus
être différée, c'est celle de l’Aqguarium définitif dans la partie de la
nouvelle propriété qui longe la mer.
Ce compte rendu montre, ainsi que le premier, publié dans les Ar-
chives et datant de 1874‘, avec quels moyens, restreints d’abord, j'ai
dù agir pour la création de la station, et comment ce n’est que peu
à peu que les dépenses sérieuses ont été faites. En 1876 et 1877 le
ministère de l'instruction publique vient enfin de commencer à faire
de sérieux sacrifices, ils doivent faire espérer que dans un avenir pro-
chain la station sera dotée d’un aquarium important, en rapport avec
les progrès qui se font partout, et que la France ne peut être la der-
nière à voir se réaliser.
VIII
VISITES ET TRAVAUX FAITS A LA STATION DE 1874 A 1878.
Depuis l’origine de la station, tous les ans un compte rendu des
travaux a été adressé au ministre de l'instruction publique et inséré
|
! Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. I, 1874, p. H. ne Lacaze-Durutens,
352 | HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
aux rapports officiels sur l'École pratique des hautes études. La repro-
duction de ces comptes rendus intéresserait peu les lecteurs des Ar-
chives, qui connaissent le plus grand nombre des travaux faits à Ros-
coff, puisqu'ils ont été publiés dans les Archives. Il suffira de les
résumer en les réduisant pour ainsi dire à la citation de leur titre.
1874
Le laboratoire a été ouvert du mois de mars au mois d'octobre.
M. A. Schneider a étudié les Grégarines et les Psorospermies des
animaux marins.
M. Rochefort, chirurgien de la marine, qui devait accompagner le
commandant Mouchez à l’île Saint-Paul pour l'observation du passage
de Vénus, est venu à deux reprises différentes pour se familiariser
avec les procédés mis en pratique au laboratoire pour la recherche
et la conservation des animaux invertébrés.
M. Ed. Perrier’, encore maître de conférences à l’École normale su- |
périeure à cette époque, a fait, pendant deux voyages successifs, des
recherches sur : 4° la régénération des bras des Comatules ; 2° la circu-
lation des Oursins. |
M. A. Villot?, préparateur, a décrit des Nématoïdes libres et fait
quelques observations sur leur histologie et leur système nerveux.
M. le docteur Hermann Fol, de Genève, a étudié quelques faits
d’embryogénie des Céphalopodes, et étudié les animaux pélagiques.
M. Viault ‘, alors interne des hôpitaux de Paris, et licencié ès scien-
ces naturelles, avait, dans cette année, entrepris des recherches sur le
système nerveux des poissons, qu'il n’a terminées et publiées que plus
tard.
MM. Bogdanow et Korotneff, de Moscou, sont venus visiter le labo-
1 Voir E. PERRIER, Arch. de z00l. exp. et gén., vol. II, p. 39.
2 Noir A WVarzor, td. vol. AV p/M50:
% Voir H. Fou, id., vol. III, Notes et Revue, xLix.
# Voir VIAULT, id., vol. V, p. 499.
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 303
ratoire, pour constater quelles ressources il offrait, se proposant d’y
revenir et d'y entreprendre des études suivies.
M. Carl Vogt, recteur de l’université de Genève, après avoir assisté
au congrès de l'Association scientifique tenu à Lille, a voulu se rendre
compte de l’état de l'installation du laboratoire et de la richesse de la
grève pour venir, plus tard, passer plusieurs mois à Roscoff. Il à
habité alors quelques jours seulement le laboratoire. 7
Qu'il me soit permis de remercier ces deux savants professeurs
étrangers des paroles encourageantes et élogieuses qu’ils ont inseri-
tes, après leurs visites, sur les registres du laboratoire.
1875
Le directeur s’est installé à Roscoff à partir du 20 mars, pour y
faire exécuter la construction nouvelle de l'aquarium, et le labora-
toire n’a été fermé que le 4% octobre; il y a continué ses recherches
sur la faune locale.
M. A.Schneider est revenu une seconde fois pour terminer sa thèse
de docteur ès sciences sur les Grégarines. Ce long et remarquable tra-
vail est connu des lecteurs des Archives.
M. Villot, préparateur, s'est occupé des Helminthes endoparasites,
et plus particulièrement des migrations de quelques Trématodes.
M. Korotneff?, candidat de l’université de Moscou, est revenu,
comme il Favait annoncé l’année précédente; 1l a pu compléter et
terminer sa thèse sur les Lucernaires qui abondent à Roscoff, sous les
murs mêmes de Paquarium.
Il à aussi fait une étude histologique de la structure intime des or-
ganes des sens des Actinies.
M. le professeur James Murie, de Londres, arrivé le 15 d’août, ac-
compagné de M. Bartlett, directeur-superintendant du Jardin zoolo-
? Voir Arch. de z0ol. exp., vol. IV, p. 250.
à Voir id.; vol: IV, p: 15.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VI. 4877, 23
304 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
gique de Londres, qui n’est resté que quelques jours, a habité pendant
un mois le laboratoire, s’occupant des Lépadogasters et des Éponges ;
il m'avait fait espérer qu'il reviendrait et publierait dans mes Archives
le résultat de ses recherches. | | |
M. le professeur et excellent ami C. Vogt, qui avait déjà jugé, dès
son premier voyage, quels avantages les naturalistes pouvaient
trouver à Roscoff, et qui depuis lors avait un vif désir de s’y instal-
ler pour quelque temps, arriva au commencement de juillet, avec
toute sa famille, M. Monnier, attaché à son laboratoire de zoologie de
Genève, et quelques autres personnes. Il avait fondé colonie auprès
du laboratoire. |
I s’est occupé des Crustacés parasites, des Helminthes et de quel-
ques Bryozoaires. Il a eu jusqu’en octobre à sa disposition les bateaux,
l'aquarium et le personnel, comme tout ce dont il a eu besoin dans le
laboratoire.
M. Soyez, licencié ès sciences naturelles, élève du regretté profes-
seur Baudelot, a habilé pendant deux mois le laboratoire, et s’est oc-
cupé de la recherche des Hydraires.
Le congrès de l'Association scientifique, ayant eu lieu en 1875 à
Nantes, a valu de nombreuses visites au laboratoire, parmi lesquelles
je citerai MM. Hesse, de Brest; Sirodot, doyen de la Faculté de Ren-
nes ; Charles Martins, de Montpellier, etc., etc.
Des élèves du laboratoire de la Sorbonne, et M. Bonafy, chirurgien
de marine, ont également, en 1875, habité le laboratoire et complété
quelques études théoriques relatives à leurs examens.
Dans cette année encore, sur les instances de mon confrère et ami
l'amiral Mouchez, M. le marquis de Cambefort avait mis à ma dispo-
sition, pendant une dizaine de jours, son yacht de plaisance l’Hébé,
que M. le comte de Gourgeau avait conduit à Roscoff. Aïnsi aidés,
nous avons pu aller faire des draguages bien plus au large avec l’Hébé
qu'avec le Pentacrine, et rapporter des animaux que nous n’avions Ja-«
mais eus encore.
J'ai adressé et j’adresse de nouveau mes plus vifs remerciments à
ces Messieurs.
1876
La station n'a été ouverte qu’à la fin de mai. Personne n’ayant de-
mandé à y travailler avant cette époque, je n’y suis arrivé que peu
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 359
de temps avant mon illustre ami Garl Vogt, qui s'y est établi de
nouveau au commencement de juin. Sa famille est venue le joindre
en juillet.
Il à continué ses études sur les parasites des poissons, surtout les
Crustacés, et terminé l’histoire du Zoxosoma phascolosomatum, publiée
dans les Archives.
J’ai été heureux de mettre, comme l’année précédente, tous les
moyens de travail qu'offre le laboratoire à ‘sa disposition.
M. L. Joliet, nommé préparateur, a commencé le dénombrement
des espèces de Bryozoaires habitant les côtes de Bretagne, se proposant
ensuite de vérifier les assertions qu’on trouve dans Ja science sur le
prétendu système nerveux de ces animaux et sur les corps assez énig-
matiques qu'ils renferment, et qu’on désigne sous le nom vague de
corps bruns.
M. le docteur L. Fredericq, attaché à l’université de Gand (Belgique),
a fait d’intéressantes recherches sur l'anatomie et les fonctions du
système nerveux des Oursins.
M. le docteur Viguier, ayant commencé dans les collections du
Muséum d'histoire naturelle des études morphologiques sur les pièces
du squelette des Stellérides, a demandé à poursuivre ses recherches
sur les animaux vivants. Il a habité le laboratoire pendant un mois
et demi, et eu à sa disposition les espèces de Stellérides qu’on peut
avoir dans la localité.
Ces travaux doivent lui servir de thèse pour obtenir le titre de doc-
teur ès sciences.
M. Sirodot, doyen de la Faculté des sciences de Rennes, profes-
seur de botanique dans cette Faculté, qui s'occupe avec grand suc-
cès de l’étude des Cryptogames, est venu à Roscoff accompagné de
M. Gallée, et a recueilli, avec lui, toutes les espèces d’Algues qui habi-
tent les eaux de la côte.
Ces messieurs, pendant les deux mois qu’ils ont habité le labora-
toire, ont fait un herbier considérable, dont ils ont laissé un exem-
plaire au laboratoire.
Les naturalistes qui viendront à Roscoff pourront souvent avoir
356 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
besoin de consulter cette collection, s’ils veulent rechercher les rela-
tions qui existent entre la faune et la flore de la côte.
M. l’abbé Soreau, professeur à Nantes, a habité le laboratoire : il
s’est surtout occupé de recueillir des Foraminifères, ainsi que des Dia-
tomées et quelques Hydraires.
1871.
Lastation a été ouverte à la fin d'avril, et quatre élèves des labo-
ratoires de la Sorbonne, MM. Cosmovici, Delage, Joyeux-Laffüie et
Vasseur, désignés, par suite de leur travail assidu pendant l’hiver,
pour aller à Roscoff, ont passé les mois de mai, de juin, d'août, de
juillet et de septembre au laboratoire et employé leur temps à faire
pour la station des collections d’Annélides, de Crustacés, d’Actiniaires
et de Mollusques, qui seront fort utiles aux savants qui, à leur arri-
vée, désireront d’abord prendre un aperçu de la faune.
Ce travail, déjà demandé, se trouve dès maintenant commencé; il
se continuera désormais, et sera très-utile.
M. E. Perrier, professeur au Muséum, qui avait déjà étudié l’orga-
nisation et la reproduction des bras de la Comatule (Antedon rosaceus)
dès la première année de l'ouverture du laboratoire, est revenu pour
éclairer quelques points particuliers de cette organisation donnant
encore lieu à des interprétations diverses.
M. Julien, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Cler-
mont-Ferrand, a passé deux mois au laboratoire pour faire des obser-
vations générales d'anatomie comparée, en vue de ses études de
paléontologie.
J doit revenir et terminer la carte géologique de la grève et des
environs de Roscoff, qu'il a commencée et qui servira plus tard à étu-
dier les relations existant entre la distribution des espèces botaniques
ou zoologiques et la constitution du sol des grèves.
On a vu plus haut que M. Julien a fourni au laboratoire le moyen
de continuer le service des envois si heureusement inauguré l’année
précédente.
M. le professeur C. Dareste est venu rechercher s’il lui serait pos-
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 397
sible, à Roscoff, de trouver ou de faire des monstres chez les Pois-
sons, et de comparer les résultats tératogéniques qu'il avait obtenus
chez les Oiseaux avec ceux qu'il pourrait obtenir dans une autre classe
du règne animal.
M. Poirier, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, a com-
mencé le dénombrement des Hydraires qui habitent les côtes, espé-
.rant ensuite se livrer à des observations originales relativement à
quelques points encore obscurs de l’histoire de ces animaux, C’est la
première étude sérieuse qui ait été commencée sur ce groupe.
Le nombre des espèces trouvées est considérable. Trois collections
ont été faites : l’une reste à la station, l’autre est destinée à la Sor-
bonne, la troisième va combler un vide regrettable dans les riches
collections du Muséum, qui n’ont pour ainsi dire aucune des espèces
de nos côtes,
M. le docteur J. Joliet ‘, préparateur, a terminé les recherches indi-
quées plus haut sur quelques points de l’histoire des Bryozoaires.
Il a présenté le résultat de ses études à la Faculté des sciences de
Paris, pour l'obtention du grade de docteur ès sciences naturelles,
et après la collation de ce grade, il a été proposé pour occuper la
place de maître de conférences près du laboratoire de zoologie expé-.
rimentale.
Depuis l’origine de mes excursions à Roscoff ou de la fondation
du laboratoire, j'ai moi-même fait ou terminé les travaux suivants :
Histoire des Otocystes chez les (rastéropodes”?;
Histoire du système nerveux chez les Gastéropodes pulmonés *;
Histoire d'un organe nouveau d’innervation chez ces animaux *;
Lois du développement des tentacules chez les Actinies *;
Lois du développement des Polypes à polypiers‘;
Description de la forme embryonnaire chez l'Asteriseus";
1 Voir Arch. de zool. exp., vol. V, p. 400.
2 Voir id., vol. I.
3 Voir #4, vol. I.
* Voir id, vol. I.
Voir id.;vol: II.
Voir d-svol. III.
T Voir id., vol. IV.
358 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Découverte de l'absence d'un embryon à forme de tétard dans un groupe
d’Ascidies, les Molqules !;
Histoire anatomique. et embryogénie d’un type de la famille des Mol-
gulidées ?;
Historre descriptive des Ascidies simples des côtes de France, première
famille des Molgqulidées, qui paraît dans le présent volume.
Les travaux dont l'indication précède ont été publiés dans les Ar-
chives de zoologie expérimentale, fondée à mes risques et périls, et
dont l'existence, assurée aujourd’hui, n’en a pas moins été pour moi,
dès le début, une cause de lourds sacrifices, de même que l’organisa-
tion des laboratoires.
VIIT
ADMISSION DANS LE LABORATOIRE.
Pour être admis à jouir des avantages et des moyens de travail que
la station offre aux naturalistes, il suffit d’en faire la demande au
directeur, qui, ainsi que cela se pratique partout, reste seul juge de
l'autorisation à accorder.
L'égalité la plus absolue existe pour tous les habitants du labora-
toire, dans lesquels on ne voit que des travailleurs.
Les étrangers ont les réactifs, les instruments d'optique, de dissec-
tion, les embarcations et le personnel à leur disposition, dans la
même mesure que les Français. Chaque nouveau venu dresse, en
arrivant dans sa chambre, la liste des objets dont il croit avoir besoim
et qui lui sont immédiatement remis. Les magasins sont aujourd'hui
suffisamment garnis pour qu'il soit refusé bien peu de choses ; et dans
le cas où des objets, instruments ou livres importants, ne s’y trouve-
raient pas, le directeur se fait toujours un grand plaisir et, j’a-M
joute, un devoir de les faire arriver immédiatement.
Du moment qu'ils y recoivent l'hospitalité, le professeur, le savant
ou l’élève, sont tous traités de même, et ils n’ont rien, absolument
rien à dépenser dans l'établissement. Le service personnel des cham-
bres, de l'aquarium, des bateaux, est fait par des personnes payées
sur les crédits de la station.
Les élèves des laboratoires de Paris que leur assiduité et leur tra-
vail ont fait désigner pour venir passer quelque temps à Roscoff et les
1 Voir Arch. de 20ol. exp., vol. V.
2 Voir id.. vol. VI.
LABORATOIRE DE ROSCOFF, 359
travailleurs français n’occupant pas une position qui leur donne des
appointements importants, sont indemnisés des frais de voyage, aller
et retour, de Roscoff à Paris et même plus loin.
La gratuité est donc complète, absolue, dans la station.
Peut-être en faisant payer certains frais, en imposant certaines
cotisations, comme c'est l’usage dans quelques pays, les dépenses
eussent été moindres, et le luxe du matériel de la station y eût trouvé
un grand avantage, Mais, quoique tout soit simple à Roscoff, ceux-là
qui y sont venus une première fois y trouvent une si grande facilité
de travail, qu'ils y reviennent. Il n’est d’ailleurs pas dans les habi-
tudes françaises de faire payer dans les laboratoires, depuis l'entrée,
c’est-à-dire l'air qu’on y respire, jusqu’à la petite plaque de verre
destinée à recouvrir les préparations microscopiques.
Chacun jouit de toute sa liberté, et l'indépendance des chambres,
où l’on s’installe comme on l'entend, est une des meilleures condi-
tions pour que le travail ne soit point troublé.
!
Il est utile et naturel cependant que le directeur d’un laboratoire
soit tenu au courant de ce qui se fait dans l'établissement dont il a
la charge. Aussi, à la demande d'admission, doit être jointe l’indica-
tion de la nature du sujet des recherches qu’on veut entreprendre.
Cela est nécessaire à plus d’un égard. D'abord il le faut pour pou-
voir donner les renseignements nécessaires à la recherche des animaux,
ensuite pour éviter des froissements inévitables qui se présenteraient
si plusieurs savants s’occupaient au même moment d’études sem-
blables sur un même sujet. On sent en effet que, lorsque deux per-
sonnes chercheraient à la fois à résoudre une même question, l’on se
trouverait en face des deux alternatives suivantes forcées : ou bien le
résultat obtenu par les deux auteurs serait identique, et alors il est
évident qu'il eût beaucoup mieux valu que l’un des deux eût traité
un sujet différent ; ou bien il serait opposé, et dans ce cas une discus-
sion inévitable s’établirait entre des hommes ayant travaillé dans un
même laboratoire, ayant vécu côte à côte.
Dans les deux cas, la science ne tirerait aucun bénéfice, et l’effet
d’une discussion ne pourrait être que défavorable à l'établissement
d’où elle serait sortie. |
Et je ne parle pas des tiraillements, des récriminations de toutes
sortes, qui se produiraient inévitablement dans le laboratoire, pen-
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\
360 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
dant le séjour des travailleurs, pour la recherche et la conservation
des animaux. |
Qui n’a vu avec regret, après quelques années d'expérience, des
faits de cette nature se produire ?
Il est une autre disposition réglementaire qui me paraît légitime.
Si les moyens dont peut disposer le laboratoire sont employés par les
travailleurs à rechercher et à recueillir des animaux, et s’ils condui-
sent à faire trouver soit des espèces, soit des êtres nouveaux, ou des
collections intéressantes, il faut au moins qu'il reste à la Sorbonne et
à la station des traces de ces découvertes et de ces collections. On ne
peut pas admettre pour le laboratoire le rôle ridicule de fournir tout
ce qui est nécessaire pour trouver des choses rares et nouvelles, et de
voir celles-ci emportées à l'étranger ou dans des musées particuliers,
sans que la Sorbonne ou la station conservent au moins quelques
échantillons ainsi recueillis.
Cette condition imposée à tous les travailleurs est aussi dans leur
intérêt, Car il est certain qu'un zoologiste de passage à Paris ou à
Roscoff, voulant se rendre compte des recherches publiées par les au-
teurs des découvertes, demanderacommunication des espèces décrites.
I faut bien le dire : personne ne refuse d’abord d’acquiescer à cette
demande, mais souvent elle est oubliée.
En règle générale, les collections des deux établissements doivent
matériellement bénéficier de toutes les recherches sans exceptions
faites dans la station.
De trop fâcheux abus se sont glissés dans quelques circonstances,
pour qu'aujourd'hui, avec la libéralité dont fait preuve en tout la
station, il ne soit nécessaire de veiller à ce que les collections de la
Sorbonne et celle de Roscoff ne prennent un utile et légitime accrois-
sement, Il ne peut donc être fait de collection sans autorisation ; et,
dans le cas où cette autorisation est donnée, une part doit revenir à
la faculté ou au laboratoire.
Je serais d’ailleurs heureux d'établir avec les différents musées des
relations d'échange pour le musée de la Sorbonne, et de faire con-
naître la faune de Roscoff, en envoyant les objets décrits et bien dé-
terminée.
Il en est de même pour la publication des résultats obtenus par
les recherches faites au laboratoire.
En fondant les Archives de zoologie expérimentale, mon but était
LABORATOIRE DE ROSCOFF. 361
d’avoir pour la station un recueil périodique où seraient reproduits
les travaux faits à Roscoff, et en demandant que les résultats des re-
cherches favorisées, aidées par mes laboratoires, soient publiés dans
mes Archives de zoologie expérimentale, il n’y a rien qui puisse paraître”
dépasser les droits de l'hospitalité reçue.
Quand elle est faite cette demande, elle est toujours accompagnée
de promesses formelles ; — mais je dois cependant le dire, j'aurais été
heureux de voir publier dans mon recueil des travaux qui ont été
aidés par le laboratoire de Roscoff et qui ont été donnés à des recueils
étrangers.
N'’est-il pas naturel de désirer que ce recueil périodique devienne
en même temps les archives de la station de Roscoff?
Cette demande, on le sent bien, n’a rien qui puisse éloigner même
les savants étrangers, car il leur est toujours loisible de publier dans
leur langue les travaux dont ils m’auront au moins donné les
extraits.
On le voit, ces exigences pour l’admission ne sont pas excessives, et
si quelques naturalistes les ont considérées comme incompatibles
avec leur indépendance personnelle, je ne puis que leur souhaiter
de trouver ailleurs plus de libéralité et plus de moyens ou de facilités
de travail.
Je termine :
Les lecteurs des Archives qui voudront bien relire les dernières
pages du compte rendu de la première installation de la station dans
le troisième volume de 1874, y verront combien, à cette époque, ma
confiance dans l’avenir de mon pays était grande. Je n'avais même
pu m'empêcher, lors de la publication du premier volume des A7-
chives, de manifester en 1872 toute l'énergie de mon espoir dans
notre relèvement qu’on voit s’accomplir et s’affirmertous les jours
davantage.
Empruntant à l’histoire des animaux inférieurs un exemple de la
lutte pour la vie, et en faisant une application aux peuples malheu-
reux vaincus dans les guerres, j’exprimais l'espoir que, de même que
chez les animaux qui avaient été écrasés par l’expansion de ceux dont
la force l’emportait momentanément, la France reprendrait le dessus
et deviendrait de nouveau robuste et florissante.
Qui peut nier aujourd’hui ce retour chez nous à des jours meilleurs
et à un accroissement de nos forces morales et matérielles ?
362 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Nous touchons à peine à la sixième année, depuis l’époque néfaste
où, succombant sous le nombre de nos ennemis héréditaires, après
des luttes intérieures effroyables, nous semblions être une nation qui,
arrivée au terme de son évolution, n’avait plus qu’à descendre rapi-
dement Ja courbe et la pente qui la conduisaient à la décadence, et
de la décadence à la perte de la place qu'elle avait eue dans le concert
des nations.
Jamais je n’ai voulu me résoudre à reconnaître cette décadence,
et là où tant d’autres en trouvaient la preuve, je ne voyais qu’une
période passagère, qu’une époque de malheur.
Aujourd'hui, quand les peuples luttent encore avec acharnement
autour de nous, notre pays, tranquille et rendu à lui-même par l'excès
de ses malheurs, renaît et donne au monde l’exemple d’une fortune
nouvelle dont les exemples sont rares dans l’histoire.
Que la jeunesse de notre époque, en voyant devant elle un avenir
meilleur, se lance donc sans crainte dans les études théoriques et
scientifiques qui, de quelque nature qu’elles soient, conduisent tou-
jours à la civilisation et élèvent ceux qui s’y livrent. Aujourd’hui les
grandes assemblées de la France et l'administration de l'instruction pu-
blique semblent d'accord pour reconnaître qu’à l'instruction publique
sont indissolublement liés tous les progrès indistinctement. Aussi les F
encouragements et les efforis pour améliorer la position des jeunes
travailleurs qui se destinent aux sciences pures deviennent de jour en
jour plus nombreux; et c’est avec un véritable bonheur qu'on peut
déjà constater combien est grande la différence qui existe entre les
moyens d'études mis à la disposition de la jeunesse de nos Jours, et
ceux que les chercheurs pouvaient espérer, il y a à peine quelques
années. Alors il était difficile de songer à travailler aux progrès d’une
branche de la science, sans avoir à se préoccuper d'un avenir que
rien n’assurait. Disons-le bien haut, maintenant la jeunesse labo-
rieuse qui aura travaillé et donné des preuves de sa valeur, n'aura
plus autant à tenir compte des préoccupations, et à un degré aussi
grand qu’autrefois, de son existence matérielle.
En ce moment l’attention est trop vivemement portée vers les en-
couragements des études sérieuses, abstraites ou théoriques, pour
qu'avant un temps qui n’est pas éloigné, espérons-le, on ne rencontre
plus en France de ces exemples déplorables d’efforts généreux
faits par dévouement pour la science, et restant privés de la récom-
pense légitime qui leur est due.
SUR LES ORGANES REPRODUCTEURS
DE
QUELQUES TREMATODES MARINS ECTOPARASITES
PAR CARL VOGT.
(Zeitschrift für wiss. Zoologie, t. XXX, supplément, p. 306-342, pl. XIV-XVI.)
Les recherches dont nous allons donner ici une analyse détaillée
ont été faites par le savant professeur de Genève pendant les étés
de 1875 et 1876, à Roscoff, avec l’aide des ressources du laboratoire
de zoologie expérimentale qu'il a demandées et qu’a mises libérale-
ment à sa disposition le directeur, M. H. de Lacaze-Duthiers. Elles
sont extraites d’un grand travail monographique et ont été publiées
dans le volume supplémentaire que les collaborateurs de la Zertschrift
für wissenschaftliche Zoologie ont composé pour fêter le cinquan-
tième anniversaire du doctorat de l’illustre fondateur de cette revue,
M. de Siebold.
|. PHYLLONELLA SOLEÆ (VAN BENEDEN ET HESSE)
.
J
Recherches sur les Bdellodes et les Trématodes marins (Méem. de l'Acad. de Bruxelles,
t. XXXIV, p.30,pl. V, fig. 1-8).
Les organes de la génération, situés dans la région antérieure du
corps, se voient déjà à La loupe. Le GERMIGÈNE, placé exactement au
milieu du corps, a la forme d’un sac ovale rempli de germes sphé-
riques composés de deux vésicules concentriques. Du côté dorsal, le
sac se prolonge en un tube replié qui se termine par un canal fort
étroit et très-contractile. Les germes, en s’y engageant, prennent une
forme ovoïde. L'auteur a vu ce germiducte (Keimgang) agité de
mouvements péristaltiques, qui lui ont permis de constater l'existence
de fibres longitudinales. Les derniers replis de ce germiducte sont
appliqués sur le sac vitellin, où le canal s'ouvre dans le réservoir Com-
mun ou ootype. L’orifice offre une structure fibreuse rayonnante, et
est peut-être muni de cils vibratiles. Cet orifice se contracte de temps
en temps par un mouvement comparable à celui de la déglutition,
d'où l’auteur lui a donné le nam d’orifice dégluteur.
De cette ouverture part un canal à parois délicates qui, après avoir
304 CARL VOGT.
décrit un coude à droite, vient en apparence se terminer près de
utérus. Mais il est plus que probable qu'il existe une liaison entre
cet oviducte et l'utérus, liaison qui aura été détruite par l'effet du
compresseur.
L’utérus, à l’état vide, a la forme d’un corps aminci à droite et
pourvu de parois jaunes très-épaisses. Ces parois sont absolument
homogènes et susceptibles d’une très-grande extension. Dépourvues
de fibres, elles paraissent s’allonger à la facon d’un sac de caoutchouc.
L'ouverture par laquelle l’utérus communique avec l’oviducte a la
forme d’un goulot de bouteille plissé. La cavité se prolonge en un
canal à parois jaunes épaisses, de même nature que celles de l’uté-
rus, avec de nombreux plis transversaux, et vient enfin s’ouvrir au
dehors sous la forme d’un cloaque, après s’être réunie avec le canal
déférent de la capsule séminale,
Le vitellogène distribue ses délicates ramifications dans toutes les
parties du corps, excepté la tête et la ventouse postérieure. Après avoir
formé de nombreuses anastomoses, il se termine dans la région mé-
diane du corps par deux troncs transversaux de peu de longueur, qui
viennent s’ouvrir dans un sac situé entre le germigène et l'utérus.
Dans les ramifications et les culs-de-sac, on ne voit qu’une masse
amorphe remplie de granulations opaques, avec des gouttelettes grais-
seuses; dans les grands canaux vitellins, ces masses se sont différen-
ciées et forment de vraies cellules; dans le réservoir en forme de
sac, la masse est de nouveau amorphe. Le sac vitellin est en commu-
nication avec l’ootype, dans lequel viennent déboucher aussi le germi-
ducte et le canal déférent séminal. C’est là que les germes reçoivent
l’imprégnation mâle et s’enveloppent du vitellus. La coque de l'œuf
se forme dans l'utérus, sans que l’auteur ait pu, cependant, y re-
connaître l’existence de glandes. La coque a une coloration jaune-
brunâtre et une forme pyramidale triangulaire, pourvue à l’un de ses
angles d’un long filament corné. Le côté de la pyramide opposé à ce
pédoncule est un opercule. Cette coque est très-opaque et ne permet
pas de distinguer l'embryon à l’intérieur.
Les testicules, situés au commencement du tiers postérieur du
corps, ont la forme de deux corps ovales entourés chacun d’une fine
enveloppe spéciale et d’une membrane fibreuse commune. L’auteur
y à vu quelquefois des spermatozoaires. De chacun d’eux part un
conduit spermatique qui vont se réunir ensemble près du germigène.
Le canal unique ainsi formé, après s'être infléchi à gauche, passe
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| il faut encore mentionner les vésicules séminales. L'auteur en a vu
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TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 365
au-dessous de l’ootype, et, après avoir touché la première vésicule sé-
minale, forme un coude marqué à convexité tournée à droite et court
le long du bord inférieur de l’utérus jusqu’à la région où le col de
l'utérus passe dans le vagin. Iei il forme un nœud plus ou moins
compliqué, et se détourne ensuite vers la capsule séminale. En août
et en septembre, on trouve toujours ce canal rempli de spermato-
zoaires, depuis le testicule jusqu'à la capsule qui, elle-même, en est
toujours peuplée, et varie beaucoup de forme suivant la masse de
son contenu. La paroi est épaisse, diaphane et sans structure. Elle
est encore enveloppée d’une fine membrane qui se prolonge jusqu’à
l'utérus.
Le canal séminal, après s'être replié au-dessus de la face dorsale
de l’utérus, donne naissance au pénis, et, après plusieurs replis,
vient s’ouvrir dans le canal copulateur. Dans tout son parcours, il est
formé des mêmes parois que la capsule séminale. Arrivé en ce point,
le savant observateur ne décrit qu'avec quelques doutes le parcours
ultérieur. J'ai vu, dit-il, un orifice très-net à l’extrémité du pénis,
et en outre, il m'a semblé que de cette extrémité partaient des con-
tours comme si un canal se recourbe vers l’utérus et débouche dans
sa cavité. Le pédoncule encore court d'un œuf pénétrait avec son
extrémité dans cette partie du canal, qui relierait le pénis avec l’uté-
rus. Mais comme ce semblant de canal n’était pas rempli de sperma-
tozoaires, et que les canaux des Trématodes à l’état de vacuité sont
très-difficiles à distinguer, les contours observés pourraient bien
n'être que l'effet d'un repli de la gaine du pénis. Quoi qu’il en soit,
le canal copulateur se réunit avec le vagin, près de l’orifice sexuel.
L'auteur nomme glande du pénis un autre organe de nature équi-
voque placé entre la capsule séminale et l’utérus, et qui apparaît sous
la forme de masses séminales renfermées dans une enveloppe très-
mince. Il lui a été impossible de se rendre compte des corrélations
de cet organe, et peut-être même faudrait-il seulement le considérer
| comme un accident causé par le compresseur.
Indépendamment des organes mâles qui viennent d’être décrits,
une fois trois, mais leur nombre ordinaire est deux. Elles ont une
forme sphérique, sont enveloppées d’une membrane fibreuse com-
| mune, et formées d’une capsule solide. A leur intérieur, on trouve
des spermatozoaires qui nagent dans un liquide clair, et sont entrai-
nés avec des gouttelettes graisseuses dans un mouvement circulaire,
366 CARL VOGT.
sans repos, par les cils d’un épithélium vibratile. Les deux pédoncules
de ces capsules se réunissent pour constituer un canal unique à pa-
rois minces qui décrit une courbe en forme d’S à gauche et en avant,
passe sous le coude droit du canal déférent, et vient avec l’oviducte
s’ouvrir près de l’orifice dégluteur. Dans tout ce parcours, on voit de
longs filaments spermatiques.
Près de l’orifice dégluteur, vient encore se terminer un corps glan-
dulaire dont l’auteur n’a pu voir clairement le débouché, et à l’inté-
rieur duquel il a constaté la présence de spermatozoaires. Get organe
n’est pas visible sur tous les exemplaires.
Testicules, canal séminal, capsule séminale, pénis et les autres ac-
cessoires, paraissent à l’auteur disposés pour la fécondation d’un autre «
individu par un accouplement avec intromission du pénis dans le
vagin. Il n’a vu ni en avant ni en arrière de l’utérus de communica-
tion entre les organes mâles et les organes femelles. Si cette manière
de voir est exacte, les vésicules séminales doivent servir de réservoir à
la semence étrangère éjaculée dans le vagin.Cette semence arriverait
par l'utérus dans l’oviducte, de celui-ci dans le réservoir commun de
Ba 2?
l’ootype, et, en passant par l'orifice dégluteur, pénétrerait aans 1e
canal des vésicules, les glandes et les vésicules séminales elles-mêmes,”
d’où, par un mouvement inverse, elle reviendrait dans le réservoir.
Le germigène ne produit que l’ovule primitif sous la forme de deux
vésicules concentriques. Ces germes, ainsi que les cellules vitellines
et spermatozoaires, se réunissent dans l’ootype, et, sous la forme
d'œuf sans enveloppe, passent dans l’utérus, où la coque est formée
et l'œuf complétement achevé.
Van Beneden, dans son Mémoire sur les vers intestinaux, à
donné une description d’£pibdella hypoglossi, qui est presque 1iden:-
tique avec celle de Phytlonella soleæ. Les différences portent seulement
sur les vésicules séminales qui, dans Zpibdella, seraient au nombres |
de cinq, et dont le germiducte très-long est replié; mais M. Vogt res
marque que le nombre des vésicules séminales peut fort bien n'être
pas constant, et croit que le savant professeur de Louvain pourrait fort 4
bien avoir confondu et réuni ensemble les divers canaux des organes
sexuels; s'il en était ainsi, les deux espèces seraient identiques.
|
|
TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 367
Il. DIPLECTANUM ÆQUANS (DIESING).
(Van Beneden et Hesse, loc. cit., p. 122, fig. 9-22.)
Ce petit ver, d’à peine un demi-millimètre de longueur, a été ob-
servé par Hesse, en avril, sur les branchies du Bar (Labrax lupus), et
M. Vogt l’a retrouvé en juillet et août en exemplaires mesurant jus-
qu'à 4 millimètres. Malgré les recherches les plus patientes, le
savant professeur de Genève n’a pu parvenir à élucider tous les pro-
blèmes d'organisation de ce petit être. Il divise donc les résultats
auxquels il est arrivé en Les groupant sous les deux chefs d'organes
évacuateurs et organes embryogènes. La distinction des faces dor-
sales et ventrales lui est demeurée aussi indécise.
Organes évacuateurs. — Immédiatement en arrière du pharynx, on
aperçoit un orifice presque toujours fermé, très-contractile, ayant la
forme d’une tête de flèche. L'auteur lui donne le nom d’ortfice du
cloague. Il conduit dans un espace en forme de canal dans lequel
viennent s'ouvrir trois organes : le canal de copulation, l'utérus et la
poche du pénis avec le pénis.
La poche du pénis a les parois épaisses composées de fibres dispo-
sées en spirale, convergeant vers ses deux orifices antérieur et posté-
rieur. Le plus souvent la cavité est vide; quelquefois seulement on
y voit des masses granuleuses jaunâtres. Le pénis est composé de
deux filaments cornés fixés aux deux lèvres de l’orifice postérieur de
la poche. Un de ces deux spicules est plus long et se recourbe en
crochet à son extrémité. Ils sont renfermés dans un fourreau à parois
minces dans lequel la glande du pénis vient déboucher par un long
canal déférent.
L’utérus, d’une longueur égale à celle du pénis, est situé à côté de
ce dernier. Il commence par un canal étroit légèrement recourbé,
l'oviducte, près de l’ouverture du pénis, et va en élargissant ses parois
épaisses, composées de fibres disposées en spirale ; il prend ainsi l’as-
-pect d’un long réceptacle de forme ovoïde ; il existe toujours un seul
œuf dans ce sac. Cet œuf, de forme oblongue, est arrondi en arrière
et, en avant, au contraire, s’étire en un long filament corné.
À gauche de ces deux ouvertures se trouve la troisième, ou orifice
de la copulation. Elle conduit dans un canal à parois épaisses, muscu-
leuses et très-contractiles. Ce canal se dirige vers l’extrémité du pénis,
où il décrit un coude très-prononcé, à convexité en avant. Immédia-
tement en arrière de ce coude, vient déboucher le canal des vésicules
308 CARL VOGT.,
séminales et du vitellus. Au delà, le canal copulateur se prolonge
avec quelques contours, en demeurant dans la ligne médiane du
corps, et va s'ouvrir dans le cône copulateur claviforme (Begattungs-
keule).
Près du coude du canal, on trouve la capsule séminale qui, sous
forme d'une cornue, vient s'ouvrir immédiatement au-dessous du
coude. Sur le col de la cornue, viennent s’insérer l'extrémité de
l'utérus et le canal vitellin. Les vitellogènes se distribuent dans
toutes les parties du corps à l’exception de la tête et de l'extrémité
postérieure. Le col de la cornue et le coude du canal copulateur
forment le nœud ou ootype proprement dit, dans lequel les di-
verses parties de l’œuf se rencontrent pour passer ensuite dans l’uté-
rus et s’y revêtir d’une coque.
Le canal copulateur se rétrécit en passant dans le cône copulateur.
Ce dernier est un organe singulier, dirigé obliquement et en avant. Il
commence par un renflement sphérique au centre duquel s'ouvre le
canal copulateur, et dont la masse est composée de fibres muscu-
laires rayonnantes. L'intérieur de cette cavité, ainsi que du canal qui
en part, est lapissé par un épithélium vibratile. Le canal cylindrique, \
dirigé obliquement en avant, et muni d’une ouverture au dehors,
sur la face ventrale, est très-contractile et composé de fibres lon-
gitudinales et transversales.
Organes embryogènes. — Le germigène est placé sur le côté droit
du corps et au niveau du cône copulateur. De forme allongée, 1l se
rétrécit en avant en se continuant dans le germiducte, qui se replie
en forme de crochet. Celui-ci se termine en un large sac dont l’au-
teur n’a pu déterminer exactement tous les contours. En avant, il est
en communication avec un orifice dégluteur fendu en forme de
boutonnière, muni de lèvres en forme de papilles constamment agi-
tées de contractions, qui ouvrent l’orifice, allongent et retirent les
lèvres et augmentent ou diminuent la cavité interne. L'auteur n'a
pu suivre aucun germe dans son trajet et voir la route qu’il parcourt
à partir du germiducte. Existe-t-il un canal entre ce point et l’ootype,
ou bien les germes passent-ils directement de l’orifice dégluteur à
l'ouverture interne placée près du cône copulateur ? |
Les germes, dans la région postérieure du germigène, sont com- |
posés des deux vésicules concentriques habituelles; mais, dans la À
région antérieure, ce sont de véritables œufs avec vésicule et tache |
germinatives, ainsi que le vitellus de formation.
’ TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 369
Les testicules, en nombre multiple, ont la forme d’ampoules pé-
donculées, situées près de la capsule séminale et du germigène. Or-
dinairement ils sont disposés en deux groupes. L'auteur n’a pu suivre
les canaux déférents de ces ampoules et bien préciser le point où ils
viennent se relier avec l'ootype. Certaines de ces ampoules conte-
naient des spermalozoaires, d’autres des amas de matière sans gra-
nulations, d'autres enfin, des corpuscules graisseux brillants. Les
parois de quelques-unes étaient d’une finesse extrême, tandis que
d'autres en avaient d'assez épaisses. Les ampoules à parois épaisses
sont destinées à être expulsées au dehors avec leur contenu. L'auteur
en à observé une au moment où elle venait d'être rejetée et où elle
se vidait. Elle avait une forme ronde avec un long cou, à l'extrémité
duquel se trouvait un amas de granulations entourées de nombreux
Spermalozoaires. A côté, on voyait une substance diaphane comme
de l’albumine, qui en se gonflant avait sans doute contribué avec
l'élasticité des parois de l'ampoule à l'émission de la masse sperma-
tique. Les ampoules séminales doivent donc être considérées comme
des espèces de spermatophores destinés à être rejetés au dehors par
le canal copulateur. L'auteur n’a pu pousser ses observations plus
loin, et déclare que bien des choses attendent encore une explication,
par exemple, le rôle du pénis et du canal Copulateur antérieur.
IIT. DACTYCOTYLE POLLACHIT
(Van Beneden et Hesse, Recherches sur les Bdellodes et les Trématodes marins,
p. 110, pl. XI, fig. 23-30.)
Edouard van Beneden à donné dans le Bulletin de l'Académie de
Bruxelles, 37° année, 2° série, 1868, p. 22, pl. I, des figures de cet
_ animal beaucoup plus exactes que celles des auteurs précités. Il s’est
_OCCupé aussi de l'anatomie, mais les résultats auxquels :1l est arrivé
diffèrent un peu de ceux du savant professeur de Genève. L'animal
mesure 6 à 8 millimètres, et est des plus difficiles à étudier.
Le pénis, enfermé dans une poche ronde, se trouve immédiate-
ment en arrière du pharynx, et est composé d’une masse musculaire
Sur laquelle s’insèrent douze spicules courts et épais, un peu re-
|
Courbés à l'extrémité dirigée en avant et munis d’une base élargie.
L'ouverture de la poche est située près de son bord postérieur. Le
Canal séminal est un large tube presque droit, placé au milieu du
ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GÉN.— T. VI 1877. 24
3170 CARL VOGT..
corps au-dessus de l’oviducte. On le suit aisément jusqu'au milieu
de la longueur du corps, point où se trouve près de lui à droite tne. \
grande capsule séminale avec laquelle il communique par un canal. :
court ; au delà le spermiducte se divise en deux branches. Celle de
gauche est facile à distinguer, lorsqu'elle est pleine de spermato-
zoaires, jusque sur la moitié gauche du germigène, mais n’a pu être
suivie au delà. l’auteur présume qu’elle sert de canal déférent aux
ampoules séminales. La branche droite se replie en arrière, sur
l’ootype jusqu’au voisinage de l'appareil dégluteur, et s’ouvre indu-
bitablement dans l’ootype. ù
Les vitellogènes sont distribués dans toutes les parties du corps,
depuis la poche du pénis jusqu’à l'extrémité postérieure; la tête et .
le pédoncule de la ventouse en sont dépourvus. Ils forment d’abord
deux branches longitudinales principales qui, immédiatement en
arrière de la capsule séminale, émettent en dedans deux rameaux, 4
les vitelliductes. Ceux-ci se réunissent ensuite dans le sac vitellin, 4
Les corpuscules vitellins au voisinage de l’ootype sont munis tantôt 2
de noyaux très-apparents, tantôt en sont dépourvus. En s’approchant
de l’orifice dégluteur, le sac se rétrécit, recoit le germiducte et va
s'ouvrir dans l’ootype. Dans ces dernières parties il est tapissé d’un
épithélium vibratile.
Le germigène a la forme d’un bissac dont les deux moitiés sont
réunies en avant. De la moitié gauche part le germiducte, qui, après
avoir décrit quelques sinuosités entre la capsule séminale et le ger-
migène, se replie en arrière pour aller, presqu'en ligne droite, se
réunir avec le viteliducte. Cette partie du germiducte est fort dif
ficile à suivre et apparaît sous l’aspect d’un canal très-mince tapissé
de cils vibratiles très-vifs.
L’ootype a la forme d'un œuf avec le pôle aigu en arrière. L'auteur
n’a pu suivre bien exactement ses contours qu’en arrière. L'appareil
dégluteur vient s'ouvrir à l'extrémité postérieure et est entouré de
plis avec une disposition étoilée. Le canal commun du germiducte
et du vitelliducte, ainsi que la branche droite du spermiducte, débou
chent dans l’ouverture circulaire de cette rosette, tandis que love
ducte lui sert de prolongement et se dirige en avant pour aller se
terminer à l'orifice femelle externe, en arrière de la poche du pénis”
Cet oviducte à l'état vide est très-étroit; mais lorsqu'il est rempli
d'œufs, il s'élargit et devient un véritable utérus qui forme une tache
brune ovoïde visible à l’œil nu.
TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES. 371
Les œufs, de forme oblongue, sont munis en arrière d'un filament
corné très-long, terminé par un élargissement en entonnoir. Les em-
bryons sont très-faciles à voir dans les œufs nouvellement pondus. La
coque est composée de plusieurs pièces qui se forment peut-être dans
diverses régions de l'organe générateur. Elle est encore munie d’un
opercule et l'œuf s’ouvre sans doute par la suture de cet opercule
lorsque les jeunes Dactycotyles éclosent. Les filaments terminaux
des œufs n’ont aucune ouverture extérieure par laquelle l’eau puisse
pénétrer dans l'œuf; mais ils sont percés d'un canal interne qui se
prolonge dans la cavité qui renferme l'œuf.
IV. MICROCOTYLE.
D'après M. Vogt les deux genres Microcotyle et Axine, créés par
MM. van Beneden et Hesse (loc. cit., p. 119 et 116), sont identiques.
L'organisation est la même et les différences indiquées par ces au-
teurs sont insignifiantes. En outre de l'espèce typique, M. Vogt en a
encore trouvé une seconde, le #icrocotyle mugilis, sur les branchies du
Mugril cephalus. Ce petit vers atteint une longueur de 10 millimètres.
Il se distingue du Wicrocotyle labracis (van Beneden et Hesse p. 112)
par sa longueur double, le corps plus large et la position des or-
ganes femelles placés un peu en avant du germigène.
L'auteur à trouvé Microcotyle labracis sur les branchies du Bar
(Labrax lupus) en juillet, avec Diplectanum et Lernanthropus. La
description qui va suivre se rapporte à cette espèce.
L'orifice sexuel mâle est situé un peu en arrière du pharynx et a
la forme d’un melon avec des côtes fortes el d'aspect chitineux. Il
conduit dans un sac sphérique à parois épaisses, la poche du pénis,
à l'intérieur duquel on aperçoit le pénis lui-même. Celui-ei est tou-
jours armé de trois rangées de crochets courbés en $. Suivant leur
position, on les voittantôt complétement droits, tantôt avec la base re-
courbée et disposés de dehors en dedans sur trois séries arquées. —
Le spermiducte sort immédiatement de la poche du pénis et se dirige
en arrière sur la ligne médiane du corps en décrivant de fortes si-
nuosités. Il est toujours rempli de spermatozoaires et, arrivé près du
| germigène, il passe au-dessus de cet organe et va rejoindre en ar-
rière le réservoir commun de l’ootype au voisinage duquel ses parois
S'épaississent avec des plis transversaux et un épithélium vibratile
rès-vif.
4
312 CARL VOGT.
L'orificesexuel femelleest, chez M. Labracis, encore dansla cinquième
partie antérieure du corps un peu en arrière de la poche du pénis,
tandis que chez M. Mugilis, ilse trouve au commencement du second
tiers, un peu en avant du germigène. Chez les deux espèces, il est
circulaire, à bords épais, renflés avec des côtes en étoile et conduit
dans un sac destiné à recevoir le pénis. Au fond de ce sac se trouve
un second orifice armé de petits crochets qui conduit dans l'oviducte.
Celui-ci se dirige en arrière vers l’ootype. L'auteur n'a pu voir dans
ce canal que des éléments vitellins à réfringence brillante. L'’oviduete
s'ouvre sur le côté droit de l’ootype. Au voisinage immédiat du ré-
servoir, on voit le germigène, le vitelliducte et les testicules anté-
rieurs tellement enchevêtrés ensemble, qu'il est difficile de bien dis-
tinguer leurs connexions. Sur le côté ventral s'ouvre, en partant de
droite, le spermiducte, ensuite le germiducte et enfin l’oviducte; sur
le côté dorsal les orifices des vitelliductes.
Le germigène est relativement petit, ovoïde et dirigé à droite. Il
se continue dans le germiducte, qui après un trajet très-court s’ouvre
dans le réservoir de l’ootype. Les œufs y sont munis d’une membrane
vitelline, d’une vésicule germinative et d’une tache germinative. —
Les vitellogènes sont richement ramifiés dans toutes les parties du
corps et se réunissent finalement dans deux troncs, qui viennent s’ou-
vrir dans le réservoir de l’ootype par un orifice situé à la face dor-
sale de ce dernier organe. Les corpuscules viteilins sont gros et con-
tiennent des gouttelettes graisseuses.
L’ootype chez A. Labracs est clairement limité seulement en ar-
rière, la région antérieure étant occupée par les orifices mentionnés
plus haut. Près du fond se trouve l’appareil dégluteur, qui est agité
des contractions habituelles de cet orifice. — Chez #. Mugilis le ger-
migène passe dans le germiducte qui vient s’ouvrir dans le réservoir,
après avoir décrit quelques sinuosités. L’oviducte court sur le côté
ventral du germigène, s’infléchit en S, et après un coude vient dé-=
boucher dans l’appareil dégluteur. Celui-ci forme une rosette plissée
en étoile. Les contractions de cet organe étaient les plus énergiques
que l’auteur ait vues chez aucun autre Trématode. Elles lançaient les
éléments vitellins comme des balles et les projetaient jusqu'au-delà
du coude du canal.
Les testicules sont très-nombreux chez les deux espèces, et par leur
enchevêtrement constituent une sorte de tissu aréolaire qui s’étend
entre les vitellogènes jusqu’à la ventouse du pied, L'auteur, dans ses
L 22
maman ame
———
es am cree
TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES, 373
observations, les a toujours trouvés vides d'éléments spermatiques et
n'a pu reconnaître la position et les connextions des canaux défé-
rents.
Les œufs ont une forme très-allongée. En arrière la coque se pro-
longe en un filament mince et creux, mais fermé à son extrémité;
en avant un pédoncule un peu plus espacé et terminé par un élargis-
sement en forme d’ancre à deux branches recourbées. Ce pédoncule,
quoique creux, est complétement fermé et n'offre aucun orifice par
où l’eau pénètre. On voit aisément la vésicule germinative à l’inté-
rieur de l’œuf au milieu des globules vitellins.
V. UDONELLA LUPI.
(Van Beneden et Hesse, loc. cit., p. 92, pl. VIII, fig. 11-14.)
P.-J. van Beneden, dans son premier mémoire sur les vers inlesti-
naux, à donné une description de #. Caligorum. Plus tard en colla-
boration avec Hesse, il a reconnu que sous cette espèce unique ïl en
existait plusieurs parfaitement distinctes, parmi lesquelles celle que
M. Vogt a retrouvée à Roscoff sur les Caligus qui habitent le Bar
(Labrax lupus). Ces Udonelles vivent uniquement de mucus et de
sécrétions, sans attaquer ou sucer leurs hôtes. Ed. van Beneden, dans
ses recherches sur la composition et la signification de l'œuf (p. 37,
pl. I, fig. 1-11), s'est occupé de la composition et du développe-
ment des œufs d'Udonelle.
L'appareil sexuel des Udonelles se distingue par sa grande simpli-
cité. A la face ventrale se trouvent, d'avant en arrière, les orifices
sexuels, l'utérus, l'ootype, le germigène et Ie testicule, tous dans ia
moitié antérieure du corps.
Le spermiducte et l’oviducte viennent s'ouvrir dans un sac commun
placé immédiatement en arrière du pharynx. On y voit le plus sou-
vent un œuf dont le filament postérieur, après avoir décrit de nom-
breuses sinuosités, se prolonge jusqu'à l’orifice postérieur de l’utérus.
L'auteur a eu beaucoup de peine à distinguer un orifice antérieur
unique el commun pour le sperme et les œufs. Van Beneden en
décrit deux. Le filament de l'œuf pénètre dans un orifice qui conduit
dans le réservoir commun de l’ootype, où viennent s'ouvrir le vitel-
liducte et ie germiducte. L’orifice de ce dernier est situé un peu en
arrière et représente l’appareil dégluteur des autres Trématodes,
eo om
374 CARL VOGT.
bien que l’auteur n’ait pu y constater ni contractions, ni mouvement
ciliaire.
Le germigène est sphérique et rempli de grandes et belles cellules
protoplasmiques qui contiennent un noyau clair muni d’un nu-
eléole volumineux. L’auteur a toujours constaté la présence d’un
œuf beaucoup plus gros que les autres, et placé près de l'entrée du
germiducte. A côté de l'œuf se trouvait un amas de granulations que
l’on aurait pu prendre pour un corps vitellin, n’eût été l'impossibilité
de sa présence dans le germigène. L’œuf lui-même était enveloppé
d’un sac formé de cellules granuleuses avec noyaux brillants. Les
granules des cellules de ce sac, comparées avec celles de l’amas men-
tionné plus haut, permettent de croire que le sac résulte du dévelop-
pement de ce dernier. L’œuf était libre dans le sac, la membrane:
vitelline nettement limitée et le vitellus finement nuageux. Dans le
vitellus on voyait la vésicule et la tache germinatives.
L'auteur a observé des changements de forme lents, mais constants
de la vésicule germinaiive. On ne pouvait pas les suivre à l'œil; mais
en observant à des intervalles distants, la vésicule apparaissait tan-
tôt ronde, tantôt ovoïde, tantôt même renflée sur un côté. Les con-
tours eux-mêmes changeaient de netteté à la suite de ces modifica-
tions de formes. Ces mouvements se produisaient uniquement dans la
vésicule sans que les autres parties de l’œuf y prissent aucune part.
Les contours du sac de la membrane vitelline et de la tache vitelline
demeuraient absolument invariables. La formation d’un follicule se-
condaire autour de l’œuf à l’intérieur du germigène, ainsi que les
mouvements de la vésicule, sont des phénomènes fort curieux et nou-
veaux. L'auteur ne connaît dans la littérature scientifique que les
changements de formes analogues, constatés par d’autres auteurs
sur le vitellus et les sphères de segmentation, ainsi que ceux de la
vésicule germinative au moment de la fécondation.
En résumant ces observations avec celles qui ont déjà été publiées
par Hiller sur Polystomum Integerrimum, et par Wierzejki sur |
Calicotyle Kroyeri, on peut établir les faits suivants :
Organes femelles. — Le germigène est toujours simple. Tantôt sim-
plement sphérique, tantôt plus allongé et replié sur lui-même, il
constitue toujours un organe unique, à l'extrémité postérieure du-
quel les germes naissent. Le développement de ces germes, avant
qu'ils ne pénètrent dans lootype, est très-différent. Chez quelques
/
TRÉMATODES MARINS ECTOPARASITES, 379
espèces, on n’y aperçoit qu'une vésicule et une tache germinative ;
chez d’autres, il existe en plus une zone de protoplasma clair; chez
d’autres, une membrane vitelline ; Udonelle, enfin, a un œuf com-
plet enveloppé d'un follicule secondaire.
Les vitellogènes, avec les vitelliductes, sont disposés partout de la
même manière, se ramifiant dans le corps et aboutissant à l’ootype
par un tronc unique.
L'ootype est le point de réunion où les germes, les masses vitellines
et le sperme se rencontrent: il a tantôt la forme d’un sac, tantôt
celle d’un vaisseau.
L'appareil dégluteur est un organe fort singulier et qui attire
beaucoup l'attention de l’observateur par son mode d'activité, qui
consiste à lancer les germes et les corps vitellins, comme le ferait un
jongleur avec ses balles.
L’oviducte et l’utérus sont composés d’une facon assez uniforme. Ils
peuvent varier de longueur et de largeur, sans quele type ensoitaffecté.
De très-grandes différences, au contraire, se montrent dans l’ap-
pareil femelle de copulation, Polystomum et Cañicotyle possèdent deux
orifices de copulation parfaitement distincts de l’oviducte et de l’uté-
rus, par lesquels les œufs mûrs sont évacués. Chez Phyllonelle,
Epibdelle, Dactycotyle, Microcotyle et Udonelle, l’oviducte sert aussi
de canal copulateur. Diplectanum a un canal de copulation particu-
lier, séparé de l’oviducte et de l'utérus, et n'ayant de commun avec
ces organes que l’orifice externe.
Organes mûles. — Udonelle a un seul testicule; Phyllonelle et
Epibdelle en ont deux ; les autres genres en possèdent un grand
nombre, tantôt dispersés dans le parenchyme, tantôt rassemblés sur
la ligne médiane. |
Les canaux efférents de la semence, chez Phyllonelle, Epibdelle,
Udonelle et Calicotyle, n’ont aucune communication avec les organes
femelles, et aucune fécondation intérieure ne peut se produire chez
ces animaux. Chez Dactycotyle, il existe un canal qui part du point
de réunion du canal de la capsule séminale avec une branche du
spermiducte, et qui conduit dans l’ootype. Ce canal contient du
sperme et permet ainsi qu'une fécondation intérieure se produise
dans l’ootype. Il peut en être de même chez Microcotyle, où les tes-
ticules débouchent directement dans l’ootype. Le sperme doit donc
passer par cet organe, soit qu'il serve à un accouplement, ou bien à
une fécondation intérieure.
ua
—
mi
376 CARL VOGT,
Les organes secondaires, capsules séminales, glandes séminales,
vésicules séminales, pénis, poche du pénis et glande du pénis, varient
avec chaque espèce.
L'organisation de Diplectanum reste encore fort énigmatique. La
signification du pénis et de l’utérus ne donne lieu à aucun doute;
mais il n’en est pas de même du canal copulateur et du cône copu-
lateur. Ce dernier doit très-probablement être considéré comme-le
canal efférent mâle. La connexion des testicules postérieurs avec cet
organe et l’éjaculation de ces testicules devenus de véritables sperma-
tophores, ne permettent aucun doute à cet égard. Mais, si cette opi-
nion est exacte, l’auteur se trouve embarrassé pour expliquer l’iso-
lement du pénis en relation uniquement avec un orifice par lequel les
œufs doivent prendre leur route. En tout cas, il est des plus pro-
bable que la fécondation interne peut se réaliser parallèlement avec
l’accoupiement ; mais comment ce dernier acte a-t-il lieu ? C’est ce
dont l’auteur avoue ne pouvoir se rendre compte.
Analysé par M. Mavras,
Sous-bibl. à Alger.
OBSER VATIONS
SUR LA DÉGLUTITION ET LA VITALITÉ
GARYOPHYLLIES DE SMITH ET BALANOPHYLLIE ROYALE
PAR
HENRI DE LACAZE-DUTHIERS
De l'Institut de France.
Quelques individus de Balanophyllies et de Caryophyllies, trouvés à
Roscoff, ont vécu longtemps dans de très-petits aquariums.
Leur observation a duré quatre années consécutives, et il m'a
paru de quelque intérêt de dire leur histoire.
Ces animaux, pêchés en 1873, ont été en partie présentés à l’A-
cadémie des sciences en 1874, ainsi que dans mes cours à la Sor-
bonne ; ils ne sont morts qu’en 1877. Les uns restés à Roscoff, les
autres apportés à Paris ont été alternativement observés à des
époques diverses et dans des conditions de température différentes,
Les individus laissés en 1874 à Roscoff, avaient été mis dans un
placard fermé et, par conséquent, privés de lumière plus de six mois
de suite pendant deux années consécutives ; à mon retour, au mois
de juin 1876, les ayant retrouvés vivants avec leur couleur, c’est-
à-dire deux années après leur sortie de la mer sans aucune proie à
saisir, je voulus leur donner des aliments. Après les avoir enlevés
des vases où ils avaient séjourné déjà si longtemps dans la même
eau, je les plaçai dans des coupes convenablement disposées pour
l'observation et remplies d’eau fraîche. Je les vis s'épanouir, quoique
modérément.
La base du polypier était en bas et la bouche en haut, je laissai
tomber doucement, sur leur péristome, une parcelle d’un mollusque
vivant quelconque pris à la grève, de la Purpara lapillus, par exem-
ple, et je suivis sous la loupe, avec un assez fort grossissement, exac-
tement ce qui se passait. -
Au commencement de l’expérience, la couronne tentaculaire de
378 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
la Caryophyllie s’était entièrement rétractée ; elle se manifestait à
peine par une rangée ovale que formaient les têtes ou boutons de ses
tentacules. Le péristome, fort mince, était transparent et laissait voir
les septa et les palis. La bouche, ovale, entr’ouverle comme une fente
longitudinale, offrait très-exactement vingt-quatre légers festons et
avait un centimètre de longueur.
Le calyce du Polypier était de belle taille et mesurait, dans son
grand diamètre, deux centimètres et demi. Les bords de sa muraille
avaient été rendus irréguliers par les Balanes qui y avaient fixé
leurs valves, et qui avaient fini par être incrustés et recouverts de
productions calcaires.
Dans le fond de la fosse formée par la bouche entr’ouverte, se
voyait très-nettement le sommet de la columelle centrale, chicoracée,
si caractéristique pour MM. Milne-Edwards et Jules Haime, et au-
dessus de laquelle deux entéroïdes ? passaient en sautoir.
La partie encore vivante d’une Pourpre de très-petite taille (la
tête et le bulbe lingual), placée sur le péristome tout près de l’une
des commissures de la bouche sans être assez près cependant pour
masquer celle-ci, resta dans cette place quelque temps sans être
prise ou poussée par les tentacules, qui demeurèrent entièrement
inactifs pendant tout l'acte de la déglutition.
Ainsi, dans ce cas, comme je l'avais déjà vu, en donnant à d’autres
Caryophyllies fraîchement pêchées des embryons d’Actinies qu'elles
digérèrent fort bien, les tentacules ne prirent aucune part à la saisie
de la matière alimentaire.
Voici comment s'opéra la chute de la proie dans la cavité générale:
Le bourrelet péristomique, limitant la bouche et représentant les
lèvres, renferme des fibres circulaires formant un véritable sphincter
destinées à clore l’orifice ; du bourrelet buccal partent des fibres ra-
diées s'étendant dans le péristome, dont le raccourcissement produit
l'ouverture de la fente buccale. C’est en grande partie par le jeu de ces
fibres que la déglutition se produisit sous mes yeux, car je pus con-
stater, avec la dernière évidence, les faits suivants : incontestable-
ment dans le point sur lequel reposait la proie, les fibres circulaires
{ J'ai donné le rom d’entéroïdes aux cordons pelotonnés qui bordent les lames
molles rayonnant de l'extérieur à l’intérieur de la cavité viscérale des polypes; ap-
pliquant celui de mésentéroides à ces lames mêmes, Voir Histoire du développement des
Aclinies et des Polypes à Polypiers, H. de Lacaze-Duthiers (Archives de 300l. exp.,
1872 et 1873).
DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 379
se relâchaient, tandis que les fibres radiées se contractaient dans le
reste de l’étendue du péristome. Les bords de la bouche chan-
geant d'état, peu à peuil se forma un vide sous la proie, qu'alors
on vit descendre lentement par son propre poids, aidée sans doute
aussi par les mouvements des cils vibratiles qui tapissent les tissus.
Ce ne fut qu'après vingt minutes environ que la matière alimen-
taire arriva au fond du gouffre qui s'était ouvert et formé sous elle.
La bouche ne s'était pas modifiée ; elle restait ouverte et plus lar-
gement béante dans le point seulement où s'était produite la déglu-
tition. Le corps de l’animal, pas plus que les tentacules, n'avaient
changé de forme ou de position.
Il fut facile de pouvoir continuer l'observation dans l’intérieur
de la cavité par suite de cette condition, car la bouche ne s'étant guère
qu'un peu refermée une demi-heure après, ou restant toujours entre-
bâillée, on voyait s’accomplir ce premier temps de la digestion.
La question que je cherche à résoudre, en ce moment, est celle
que j'ai plus d’une fois traitée en me séparant en cela de quelques
auteurs qui ont écrit sur ce sujet.
Je ne crois pas que le tube qui, de la fente buccale éxiénititrds
descend dans le milieu de la cavité générale, soit un estomac ; je le
considère, avec les anciens naturalistes, comme un œsophage.
Voici pourquoi :
Un estomac est un organe qui retient les aliments et les digère.
Or, ici, que voit-on? Non-seulement l’orifice profond de ce tube ne
peut se contracter, mais le tube lui-même entre dans un tel état de
raccourcissement, que, en le regardant normalement d’en haut, on
ne le voit plus, il semble s'être appliqué en dessous du péristome et
ne plus former avec lui qu’un gros bourrelet.
Mais bien plus, la proie n’a pour ainsi dire pas été en contact avec
lui, car il semble se retirer devant elle, et quand elle est arrivée dans
la partie profonde, je l’ai vue reposer directement sur la columelle,
et bientôt après les entéroïdes, se AUEMANE être au-dessous d'eux et
des mésentéroïdes.
Or, pas un auteur, que je sache, n’a décrit la columelle ou les en-
téroïdes et les mésentéroïdes comme étant dans l'estomac, quand
ils considèrent, comme tel, ce que je nomme œsophage, c'est-à-dire
le tube qui, de la bouche, descend dans la cavité générale ? Et, dès
lors, avec les conditions qu’on vient de voir, il n’est pas possible de
TT
PUUS USE ques FE Rp LU.
380 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
considérer comme estomac un tube qui se dilate pour laisser péné-
trer la matière alimentaire au-dessous de lui et qui ne la conserve
point dans son intérieur, puisqu'elle ne fait que le traverser.
Pour la Balanophylla regia, l'observation n’a pas été en tout iden-
tique à celle-ci. Les tentacules étaient épanouis et la bouche fer-
mée ; le péristome, moins transparent, ne laissait pas voir le polypier
au-dessous de lui.
Les tentacules, en se reployant, avaient évidemment poussé la
proie déposée comme dans le cas précédent, non loin de la commis-
sure, puis le vide s'était fait par le même mécanisme que celui qui
vient d’être indiqué, et la petite masse alimentaire avait semblé glis-
ser avec assez de rapidité vers le fond de la cavité formée au-dessous
d'elle. Incontestablement, l’action des cils vibratiles était pour beau-
coup dans ce déplacement.
À mesure que le morceau pénétrait plus profondément, les lèvres
de la bouche s’appliquaient contre lui et se refermaient. Il a donc
été impossible de voir à l’intérieur de la cavité aussi longtemps que
chez la Caryophyllie. Mais, un peu plus tard, ayant donné une se-
conde proie, J'ai distinctement apercu par transparence, au travers
de l’ouverture qui se formait, une tache blanche placée assez bas, cor-
respondant au premier morceau de mollusque avalé, et, de la sorte,
il a été possible de constater que le premier bol alimentaire n’avait
point été retenu dans l’æsophage.
La matière alimentaire donnée à ces deux polypes était-elle con-
venablement choisie, et des faits qui précèdent est-il possible de tirer
quelques conséquences certaines ?
Si les proies ont été choisies d'assez belle dimension, elles n’avaient
rien qui füt disproportionné avec la taille de l’animal, puisque
l'on voit des Actinies avaler des coquillages et des poissons presque
aussi gros qu'elles. D'ailleurs, j'avais vu en d’autres circonstances des
embryons d’'Actinies, beaucoup plus gros que ces proies, être avalés
de même par des Caryophyllies de taille semblable à celles en expé-
rience.
Après la déglutition, les deux animaux ont semblé avoir repris de
la vigueur ; ils se sont gonflés, et la Balanophyllie a épanoui un peu
plus ses tentacules, mais cela n’a pas été de longue durée, et une
heure environ après, l'animal, contractant et rapprochant quelques-
uns de ses Lentacules, gonflait son corps encore davantage. Alors, lui
ayant donné un second morceau, il l’a englouti lentement comme
DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 381
le premier ; puis, dans la soirée, les deux morceaux ont été rejetés,
l'animal avait pour cela lentement ouvert son péristome et rejeté la
matière par un mouvement inverse du premier.
La matière avait un peu changé d'aspect et était entourée de glaire
et de mucosité, mais ne semblait pas entièrement digérée. Ensuite le
polype s'était dilaté et était devenu très-proéminent au-dessus de
son polypier.
Les jours suivants, l'animal s’est épanoui beaucoup plus et beau-
coup mieux qu'il ne le faisait avant l'expérience. Il paraissait donc
difficile de douter qu'il n’eût absorbé et pris quelque chose à la ma-
tière qu’il avait avalée.
Même chose à peu près s’est produite pour la Caryophyllie.
Ces observations confirment en tous points celles que j'ai rappor-
tées en décrivant l’organisation des Coralliaires, dont j'ai fait l'his-
toire. C’est dans la cavité générale que s’accomplit l'acte de la diges-
tion et non dans le tube qui, de la bouche, conduit dans cette cavité.
Ce dernier est donc un œsophage.
Les Caryophyllies ayant servi à ces observations ont donné la
mesure d’une vitalité vraiment étonnante et dont les particularités
pourront intéresser.
Les trois individus que j'ai conservés dans deux flacons de 2 déci-
mètres de hauteur et de 4à 5 centimètres de diamètre, et dont j'ai parlé
dans mes leçons et dans mes communications à l’Académie, étaient
encore en partie vivants au 45 avril 4877, c’est-à-dire quatre ans
après être sortis de la mer et avoir séjourné dans la même eau,
dont l'évaporation n'avait été guère plus d'un demi-centimètre, le
bocal étant bouché presque complétement et le bouchon n'’offrant
qu une légère fissure, permettant tout au plus un léger renouvelle-
ment de l'air. |
Il va sans dire que, pendant toute cette longue durée de temps, les
animaux n’ont pu avoir d'autre nourriture que les êtres organisés, in-
finiment petits, qui pouvaient s'être développés dans les bocaux.
J'avais aussi un bocal renfermant des Corynactis que j'observais
pareillement ; cette espèce est restée épanouie pendant près de deux
ans. Les plus petits avaient 1 centimètre de diamètre quand on les avait
pèchés, et lorsqu'ils ont fini par disparaître, ils n'avaient guère plus que
la grosseur d’une tête d'épingle. Ils s'étaient pour ainsi dire atrophiés
ou rapetissés lentement, sans périr brusquement. Certainement, il
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CÉ 2.
LE ofb
382 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
eût été curieux de les remettre dans leurs conditions normales, et de
voir s'ils grandiraient et reprendraient leurs proportions naturelles;
mais la chose ne me fut point possible. |
Pourles Caryophyllies, un phénomène analogue s’est produit; maïs,
comme elles ont un polypier, les choses ont marché un peu dif
féremment. Ainsi, le polype a paru avoir d’abord un péristome
moins étendu, ses bords extérieurs étaient plus rapprochés du centre,
car ils avaient abandonné la bordure du polypier; les tentacules for-
maient, par conséquent, une couronne plus petite ne correspondant
pas à la muraille. |
La teinte des parois du corps était tellement légère et délicate,
qu’en dehors des tentacules on voyait la muraille et le commence-
ment des cloisons, Comme si ces parties eussent été à nu et non re-
couvertes par un tissu vivant. |
Plus tard, le polype abandonnaïit complétement la muraille et ne
formait plus qu’une petite masse au-dessus de la columelle et des palis.
il eût été facile de croire à sa mort, et cependant il n’en était rien :
lorsque quelques changements de temps arrivaient, on voyait encore
les tentacules s'épanouir un peu et le polype, quoique fort petit, de-
venir de nouveau très-reconnaissable.
Un jour, quelle ne fut point ma surprise quand je ne vis plus l’ani-
mal, ainsi réduit, au centre du calyce du polypier, que j’observais
depuis quatre ans ; il était au fond du vase, parfaitement vivant en-
core, et ressemblant alors absolument à une très-petite Actinie.
H s'était donc détaché de son polypier et l’avait abandonné.
Replacer cet être dans des conditions naturelles eût été certes
plus que pour le Corynactis plein d'intérêt, car on peut se demander
s’il n'aurait pas de nouveau séecrété son polypier.
Chez ces animaux, du reste, la vie s’accomplit dans ses phéno-
mènes intimes d'une façon qui nous est encore bien peu connue,
comme on en peut juger par les faits suivants.
Quand, pour la première fois, j'avais trouvé la Carvophyllie de
Smith, comme la difficulté pour la séparer du rocher, où elle adhère,
est assez grande, j'avais cassé maladroitement plusieurs individus,
dont quelques-uns avaient été partagés en deux moitiés par les mar-
teaux et les ciseaux à froid servant à les enlever du roc de granit.
Ces moitiés d'individus, dont la cavité générale était largement
béante, dans laquelle on voyait les mésentéroïdes et leurs entéroïdes
s'étendre et se contracter, tout en flottant dans l’eau ambiante, ont
|
DÉGLUTITION ET VITALITÉ DES POLYPES. 383
vécu deux mois, et la partie de la couronne qui leur restait s'épa-
nouissait de temps en temps, comme celle des animaux entiers et
n'ayant eu aucunes blessures.
Comment, dans un être ainsi ouvert, peut se faire la réparation des
pertes conséquences de la continuation de la vie?
Y a-t-il digestion entre les replis mésentéroïdes, et l'absorption se
fait-elle dans les points mêmes du corps qui sont en contact avec
la matière alimentaire qui se dissout?
Ce sont là des conditions qui ne ressemblent guère à celles qu’on
est habitué de rencontrer dans les animaux, et la physiologie expé-
rimentale trouvera là sans doute des observations bien intéressantes
à faire ?
Une dernière remarque.
J'avais reçu à Paris une douzaine de Caryophyllies de différentes
tailles et dont les tissus offraient la coloration admirable à reflets
métalliques que présente l’espèce. Le péristome était glacé de
cette teinte verte brillante, mêlée à des nuances de jaune bistre
qui rendent quelques individus si beaux sous certaines incidences
de lumière. Ces individus avaient été recueillis par la drague, mais
leur couleur était semblable à celle des animaux trouvés dans le
Canal aux rochers de Duslen ou de Meinanet. J’avais placé dans un
grand bocal ces animaux, qui s’'épanouissaient magnifiquement, et le
bocal avait été descendu à la cave.
Ils étaient ainsi soustraits à l'influence directe d’une vive lumière et
aux variations de la température.
Ils ont vécu un an superbes et sans le moindre changement dans
leur couleur. Ceux au contraire que j'avais laissés à Roscoff dans
l'obscurité absolue pendant plus de six mois, s'étaient décolorés
comme ceux qui avaient vécu quatre ans et qui dans mon appar-
tement, tantôt inondés d’une vive lumière, tantôt plongés dans l'ob-
securité, avaient été d’ailleurs soumis à des variations extrêmes de
température : dans l'hiver le froid s'était fait vivement sentir, pendant
mon absence, dans la pièce où ils étaient, et dans l'été, deux années
de suite, les chaleurs avaient été très-fortes.
Dans les produits des draguages faits au large avec l’Aébé, on avait
rapporté d’une assez grande profondeur deux Caryophyllies dont le
calyce, plus régulier que celuide l'espèce de Roscoff, était presque cir-
culaire et peu profond ; dont le pourtour de la bouche était d’un violet
Pr
Er —
RASE OS INT LU D te CE SO RS PSE ET D Tu UN TR eee SR NS Ul
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384 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
rosé très-délicat et très-vif qui se dégradait et se perdait sur le péri-
stome. Les tentacules eux-mêmes présentaient cette teinte dont le ton
des plus agréables allait en se dégradant du sommet à la base. Ces
animaux vécurent dans l’aquarium et furent très-soignés, l’eau frai-
chement puisée à la mer et renouvelée ne leur manquait pas, ils
s’épanouissaient parfaitement, mais après peu de temps ils étaient
complétement blancs et décolorés. La lumière avait donc eu une
influence évidente; loin d’être favorable au développement de la
couleur, elle l’avait arrêté et l’avait fait disparaître.
La lumière très-faible, comme dans une cave, ne peut la dimi-
nuer ; mais quand elle manque absolument, les animaux se décolo-
rent, comme le montrent les exemples des Caryophyllies conservées,
soit dans l'obscurité absolue dans le placard de Roscoff, soit dans
mon appartement de Paris.
Il faut ajouter que la couleur de la Balanophyllie semble moins
délicate que celle de la Caryophyllie et moins impressionnable à
l'influence de la lumière.
Quand on cherche à se rendre compte de la place occupée par ces
animaux dans la mer, on voit qu'ils ne sont pas habituellement ex-
posés aux rayons directs du soleil, que toujours ils habitent sous des
rochers, ou dans leurs anfractuosités. Ainsi à Morgate, dans les grottes
de l’Autel et dans la tour du Diable, on voit les Balanophyllies en
grande quantité, tandis que sur les roches environnantes exposées à
la lumière, on n’en trouve pas à la même profondeur.
Souvent en Afrique, à propos des indications que me donnaient les
corailleurs sur la position du corail, j'ai pu vérifier pour l’Astroides ca-
lycularis ‘ la préférence que ce zoophyte accordait pour sa station
aux lieux abrités des rayons du soleil: ainsi aux environs de Bone,
à l’ouest sous le cap de Fer, les fentes et les crevasses assez profondes
des côtes sont toutes tapissées d’une bordure de ces animaux, tandis
qu’en dehors on en voit moins.
Mais comme une règle est rarement sans exception, j'ai trouvé
bien souvent à Mahon, vivement colorée, une superbe Balanophyllie
sur les schistes du côté nord du port, et par conséquent exposée
aux rayons directs du soleil, car cette partie du port regarde en
plein le Midi,
1 Voir, pour plus de détails, l'Histoire du développement des Polypes à polypiers,
1873, vol. III, Arch. de zool. exp., H. de Lacaze-Duthiers.
|
|
|
RECHERCHES COTIÈRES
PAR CARL VOGT.
« Depuis quelques années, les naturalistes se sont occupés avec
un empressement extrème de l'étude des Crustacés inférieurs et
parasites.
« En France, l’un des savants les plus infatigables dans cet ordre de
recherches, M. Hesse, de Brest, ancien commissaire de marine, bien
connu de tous les carcinologues, empioie tous les instants de liberté
que lui a donnés sa retraite à fouiller le port, l’entrée du goulet ou
les côtes des environs de Brest, dans l'Océan ou la Manche.
«€ Il n’est pas de naturaliste qui se soit adressé à lui et qui n'ait
obtenu quelques bons renseignements. Je suis heureux de dire que
moi-même, toutes les fois que j'ai vu le savant et zélé zoologiste à
Brest, il a été d’une complaisance sans bornes, et que je lui dois plus
d’une indication précieuse.
« Déjà M. Hesse a publié des travaux fort nombreux. Ceux qui lui
restent en portefeuille sont plus considérables encore ; J'ai pu m'en
assurer en parcourant ses albums, remplis de si remarquables et si
intéressants dessins.
« Cette abondance de matériaux tient à ce que le savant brestois
explore, avec une patience et une persistance continues, une loca-
lité qu'il connaît très-bien, et parce que aussi, la richesse de la
faune est très-grande dans toutes les parties, des côtes du Finistère.
« Mais, ainsi qu'il arrive pour toutes les branches de la zoologie,
M. Hesse a laissé bien des choses à faire. Sans doute il a pu se mé-
prendre sur quelques points ; à qui cela n'est-il pas arrivé ? mais il
n'en reste pas moins l’un des naturalistes ayant trouvé le plus de
formes nouvelles, curieuses, de relations importantes inconnues entre
des êtres qu’on croyait distincts, et qui appartiennent au même type
dans les groupes aberrants des Crustacés.
«Quand mon excellent ami C. Vogt est venu à Roscoff pendant trois
ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN. == 1T, VI, 1877, 925
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380 CARL VOGT.
années consécutives, et qu'il s’y est occupé des Crustacés parasites,
il ne pouvait manquer de faire une ample moisson, tout en se ren-
contrant souvent, ce qui devait avoir lieu, sur le même terrain que
M. Hesse, qu’il a souvent critiqué très-vivement, en reconnaissant tou-
tefois scrupuleusement les nombreuses découvertes faites par lui.
« Les lecteurs des Archives savent que je tiens beaucoup à ce que
ce recueil renferme les travaux faits ou aidés dans la station marine
de Roscoff.
« Ils connaissent déjà une des études de mon excellent ami C. Vogt
sur le Loxosome.
« Mais, les travaux du savant et illustre professeur de Genève sur
les Trématodes et sur les Crustacés parasites, ayant paru dans des
recueils étrangers, et la station de Roscoff ayant, dans une certaine
mesure, Concouru à lui fournir des moyens de recherches ou des fa-
cilités d'observations, comme il le reconnait lui-même en commen-
çant ses descriptions, j'ai cru devoir soit faire analyser ses mémoires
publiés en allemand, soit reproduire en grande partie ceux écrits
en français : :
« Ces analyses et ces reproductions partielles m'ont paru légitimes ;
j'ai voulu cependant les expliquer.
« Les présents mémoires en français, dont il va être donné de
“longs extraits, ont été publiés à la typographie Ziégler et C°, rue du
Rhône, 32, à Genève, en 4877. Gr. in-4°, avec planches.
« Is sont seulement précédés de ces quelques mots :
« CES MÉMOIRES SONT DÉDIÉS A UN COUPLE INCONNU QUI, PAR SA GÉNÉRO -
& SITÉ, M'A FACILITÉ MES SÉJOURS AU BORD DE LA MER. »
« Ils ont une pagination distincte, sans indication de -volumes ;
mais les planches appartiennent à un volume XII.
« Telles sontles indications bibliographiques que présente l’exem-
plaire que mon excellent ami a bien voulu m'adresser personnelle-
ment, ainsi que celui qu’il a offert à la bibliothèque de la station de
Roscoff.
« Le directeur des Archives,
« H. DE LACAZE-DUTHIERS. »
RECHERCHES COTIÈRES. 387
DE LA FAMILLE DES PHILICHTHYDES
ET EN PARTICULIER DU LÉPOSPHILE DES LABRES (LEPOSPHILUS LABREI
HESSE).
M. Hesse a donné, dans les Annales des sciences naturelles ( cin-
quième série, t. V, p. 265 et suiv., pl. IX, 1866), la description d’un
Crustacé parasite singulier, qui habite les écailles d’une Vieille (Za-
brus Donovani) dans son jeune âge, et qu'il appelle Léposphile des
Labres.
Après avoir donné la description de la femelle, dont le mâle lui est
resté inconnu, M. Hesse expose les conditions dans lesquelles se
trouve ce parasite...
M. Hesse pense que l'embryon « s’introduit en pénétrant, par la
base de l’écaille, entre les deux lames qui forment ses deux faces in-
férieure et supérieure, qu'il écarte lentement, de manière à les dé-
doubler ». Les premiers envahissements de ce parasite « se bornent
à un simple conduit long et vertical, ampuliforme, qui s’élargit en-
suite à sa base » ; le parasite a même le pouvoir « de perforer les
écailles en plusieurs endroits avec facilité » et d’y faire des trous,
qui sont comme « percés à l’emporte-pièce et arrondis avec un
alésoire ».
Ayant trouvé sur une jeune Vieille une tumeur semblable à celle
décrite par M. Hesse, et qui recélait en effet un parasite, je fis ramas-
ser, pendant ma campagne de 1876, à Roscoff, plusieurs centaines de
ces Labres, ce qui se fait assez facilement, vu qu'ils se tiennent aux
mêmes endroits que les crevettes et que les pêcheurs les gardent
pour servir d’amorces. Les pêcheurs connaissent, du reste, très-bien
ces tumeurs, et croient que les poissons qui les portent sont des
mâles. Cette croyance est erronée ; le parasite se trouve également
sur les deux sexes, mais jamais sur une autre espèce que le Labrus
| Donovani, qui est facilement reconnaissable, dans son jeune âge, par
| une tache noire, arrondie, qu’il porte à la racine de la nageoire
caudale.
Mon ami M. H. de Lacaze-Duthiers ayant mis un aquarium à ma
disposition dans son laboratoire, si favorablement installé pour les
388 CARL VOGT.
études, je pouvais y nourrir une certaine quantité de ces poissons
léposphilés, et suivre le parasite à loisir.
Le parasite n’a Jamais été recherché depuis M. Hesse. Je crois pou-
voir apporter quelques rectifications au travail de cet observateur.
HABITATION ET CONDITIONS D'EXISTENCE.
J'ai examiné plusieurs centaines de jeunes Labres, dont le plus
petit léposphilé avait 6 centimètres de long. Parmi ce nombre, j'ai
trouvé seulement deux poissons attaqués des deux côtés; chaque
tumeur contenant un parasite. Les autres étaient piqués tantôtà .
droite, tantôt à gauche, mais de préférence à droite. J’ai trouvé, sur
cent Vieilles jeunes, en moyenne quarante-trois individus léposphilés,
vingt-sept à droite, seize à gauche...
La tumeur se voit, en effet, comme le dit et dessine M. Hesse,
toujours au premier tiers de la longueur totale du poisson, mais éou-
jours sur la ligne latérale.
Il y a lieu, ici, de rectifier une erreur commise par M. Hesse dans
le travail cité. Le parasite ne creuse point un canal entre les deux la-
melles superposées d’une écaille quelconque ; il s’introduit tout sim-
plement dans le canal des écailles de la ligne latérale, toujours de la
même manière, en se glissant dans la partie évasée de ce canal, qui
est tourné vers le bord antérieur de l’écaille. On verra, par consé-
quent, en faisant la préparation avec soin, le parasite toujours dans
la même position; savoir : la tête tournée vers le bord libre de
l'écaille, et la queue tournée du côté de la tête du poisson.
M. Hesse a parfaitement dessiné, dans la figure 20 de sa planche,
une écaille ayant un canal simple ; il ne s’est, seulement, pas aperçu
que toutes les écailles de la ligne latérale ont absolument la même
structure, et que le canal ainsi que les trous « à l’emporte-pièce »,
qu'il attribue au travail du parasite, sont dans la structure normale
des écailles de la ligne latérale !.
Mais ce ne sont que les très-jeunes femelles, n’ayant point encore
de progéniture, qui se trouvent ainsi logées dans une seule écaille à
canal normal et intact. Les mouvements du parasite, son accroisse-
1 JDans son travail sur la Colobomate (Annales des sciences naturelles, 5° série,
vol. XVII), M. Hesse a rectifié en passant l’erreur commise sur l'habitat des Lépos-
philes, Mais le dessin qu’il donne de la tumeur dans son mémoire primitif, montre
cette tumeur placée au-dessus de la ligne latérale (loc. cit., pl. IX, fig, 47).
|
RECHERCHES COTIÈRES. 389
ment et ses progrès d'une écaille à l’autre déterminent, sans doute
une sorte d’inflammation chronique de la membrane qui tapisse le
canal, et, par suite, une dégénérescence de l’écaille, que je crois pou-
voir comparer à une exostose, tout en convenant que nous n'avons
pas ici affaire à un véritable tissu osseux. La membrane du canal
s’épaissit, en effet, et devient opaque par suite d'une sécrétion puru-
lente qui remplit le canal et entoure le parasite, lequel, évidemment,
se nourrit de cette sécrétion. Les parois du canal s’épaississent en
même temps, s'élèvent et forment une espèce de voûte, que M. Hesse
a très-bien comparée à la valve d’une Anomie. On voit facilement que
cette voûte semi-circulaire, semblable à un turban irrégulièrement
ouvert au sommet (tab. IT, fig. 10), est de la même substance que
l’'écaille ; on y trouve les mêmes stries d’accroissement. Cette voûte
est posée sur la face externe de l’écaille et s’en détache assez facile-
ment. Elle ne semble retenue que par la membrane épaissie qui ta-
pisse le canal, et se continue dans la poche cutanée de l’écaille même.
En même temps les cellules pigmentaires rouges, qui se trouvent
toujours en petite quantité dans la poche cutanée renfermant l’écaille,
augmentent en nombre, et font disparaitre les cellules pigmentaires
jaunes, brunes et vertes qui $ y trouvent, à tel point que toute la
tumeur parait d'un rouge vif, et même d'un rouge brun foncé.
La première écaille attaquée ne reste pas seule. La femelle, en
grandissant, se porte évidemment dans une seconde et même une
troisième écaille latérale, toujours en avançant d'avant en arrière ;
mais je n'ai jamais trouvé plus de trois écailles garnies de voûtes
morbides. J’ai dessiné un cas pareil dans la figure 11, pl. I. On
trouve alors, dans la voûte de l’écaille postérieure, la femelle très-
grossie, avançant son post-abdomen dans la voûte de l’écaille du mi-
lieu, et, dans la troisième écaille antérieure, se rencontrent presque
toujours deux paquets d’œufs déposés par elle, et, dans des cas assez
rares, le mâle microscopique.
La modification morbide ne se borne pas seulement aux écailles de
la ligne latérale. Les écailles non canaliculées des séries qui bordent
immédiatement la série d’écailles canaliculées, éprouvent, par la
pression qu'exerce sur elles le soulèvement des voûtes parasitiques,
| une résorption lente ; leur bord tourné vers la tumeur s’échancre en
|
forme de demi-lune. On trouve ordinairement deux, rarement trois
écailles échancrées de la sorte, dans les deux séries attenantes à la
\tumeur,
a
us CR RE à PE
390 CARL VOGT.
J'ai trouvé de grosses tumeurs dans lesquelles il n’y avait plus ni
parasite ni œufs. On peut suivre sur les Labres la cicatrisation de
la tumeur, après la sortie du parasite. Les voûtes ne tiennent plus so-
lidement au plat de l’écaille ; elles se détachent comme un anneau ;
plus tard, elles deviennent friables, tombent en morceaux, s’émiet-
tent, et sont sans doute détruites par le frottement des poissons contre
des pierres. La tumeur doit en effet provoquer une sorte d’irritation,
car on voit fréquemment les poissons léposphilés se frotter, avec le
côlé malade, contre les parois et le fond de l'aquarium, comme
s'ils voulaient enlever ainsi quelque chose qui leur cause du dés-
agrément.
Nous pouvons donc nous résumer en disant que le Léposphile des
Labres habite toujours le canal, dit muqueux latéral du poisson,
dans sa partie antérieure, et qu’il y produit, par l'inflammation des
parois, une tumeur exostotique. |
MALE.
Il faut admettre, en thèse générale, lorsqu'il s’agit de déterminer
les affinités des Crustacés parasites, que les mâles ont conservé de
préférence les caractères propres à cette détermination. Les femelles
sont toujours plus avancées en parasitisme, toujours plus soumises à
cette rétrogradation, due à l'influence de l'adaptation à cette vie
particulière, d’un côte, et aussi par le développement de la progéni-
ture, dans lequel se résume finalement leur travail économique pres=
que entier. Il en est autrement du mâle. Celni-ci est toujours plus
libre dans ses allures ; ses organes des sens, ses appareils locomoteurs
sont toujours mieux conservés que dans la femelle, et, comme les af
finités des Crustacés se jugent de préférence par le développement de
leurs appendices : antennes, pattes-mâchoires, pieds, etc., il est elair
que l’étude du mâle peut souvent nous révéler des rapports dont nous
chercherions vainement la trace chez les femelles. Les mâles des
Crustacés parasites ont en outre le privilége qu’ils présentent le plus
souvent des traits larvaires dans leur organisation, propres encore à
jeter du jour sur les affinités qui peuvent les rapprocher, d’autres
formes larvaires semblables, Chez le Léposphile, en tout cas, on se
trouverait entièrement livré au hasard pour en déterminer les af
finités, si on ne connaissait le mâle, entièrement différent de la fe-
PEN ES SP EE |
RECHERCHES COTIÈRES. 391
melle, et, pour le dire de suite, entièrement inconnu à M. Hesse, qui
n’a étudié que la femelle,
Ceci n’est guère étonnant. J'avais déjà retiré une vingtaine de femel-
les de leurs tumeurs, lorsque je trouvai, pour la première fois, dans le
mucus entourant les paquets d'œufs, un pelit être filiforme, transpa-
rent, long d’un demi-millimètre, qui n'était visible, à la loupe, que
par ses mouvements agités. L'ayant examiné au microscope, je
croyais d’abord avoir devant les yeux une forme larvaire, et je fus
d'autant plus confirmé dans cette opinion erronée, que je découvris
en même temps dans la femelle un réservoir rempli de zoospermes,
qu'on pouvait envisager comme un testicule. J'étais donc persuadé,
peñdant quelque temps, que le Léposphile était hermaphrodite, ce
qui aurait constitué une exception dans le groupe dont il fait partie,
et que l'individu presque microscopique que j'avais sous les yeux était
une forme larvaire, intermédiaire entre le Léposphile adulte et le
Nauplius. Ce n’est que plus tard, lorsque je trouvais un autre individu
ayant la même forme et la même grandeur, mais qui avait le corps
rempli de zoospermes, que je reconnus mon erreur.
Le mâle est assez rare. Dans la seconde moitié du mois de sep-
tembre et les premiers Jours du mois d'octobre, où j’examinais jour-
nellement une dizaine de Vieilles, ‘je ne l’ai trouvé que huit fois.
Sept fois, il était seul ; une seule fois, j'ai rencontré le mâle dans la
voûte vers laquelle s’étendait la queue de la femelle, etouse trouvaient
aussi les œufs déposés par celle-ci; une fois, le 48 septembre 1876,
J'ai examiné un mâle qui n'était pas encore arrivé à son développe-
ment entier. La plupart des mâles rencontrés avaient entièrement
vidé leurs organes génitaux; mais le 41% et le 4 octobre j'en ai
examiné deux, qui avaient les organes remplis de machines sémi-
nales et de zoospermes. Je suppose, en me fonaant sur quelques dé-
tails que je rapporterai plus loin, que le mâle entre dans la loge de Îa
femelle sous une forme larvaire, qu’il y change de peau, s’accouple
et meurt bientôt après; tandis que la femelle continue à vivre et à fé-
conder ses œufs au moyen des zoospermes contenus dans le réservoir
spermatique.
La forme du mâle est assez singulière. Il se présente ordinai-
rement, sous le microscope, couché sur le côté, la tête et le tho-
rax inclinés, sous un angle de 39 degrés à peu près, vers la face
ventrale. Les principaux mouvements consistent en de violentes mu-
tations de la partie inclinée. Il étale aussi de temps en temps ses pat-
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392 CARL VOGT.
tes natatoires, et rampe avec assez de célérité. L’intestin est toujours
en mouvement, comme celui de la femelle ; il exerce des contrac-
tions comme un Corps de pompe, et je ne doute pas que ces mouve-
ments ont quelques rapports avec la respiration, comme c'est le cas
chez beaucoup de Crustacés inférieurs.
Le corps entier est composé d’une tête en forme de bouclier, por-
tant les traces d’une division transversale en deux anneaux, de deux
anneaux thoraciques et de huit anneaux abdominaux.
La surface dorsale du bouclier céphalique est presque plane, les
côtés latéraux un peu recourbés en dedans, de sorte que le tout pré-
sente, vu d'en haut, la forme d’une ellipse coupée transversalement
au milieu. Vue de côté, la tête se présente comme un dé à coudre,
dont on aurait enlevé la moitié par une coupe horizontale et longitu-
dinale suivant son axe. Au milieu de la longueur, un peu en avant
d’une ligne de séparation chitineuse intérieure, se trouve, enchâssé
profondément dans les tissus, l’œil rouge central, formé de deux
moitiés confondues dans la ligne médiane, et présentant, sur chaque
moitié, deux éminences (cristallins ou cornées) transparentes, ayant
un reflet nacré en bleu, et dirigées l’une en avant, l’autre en
arrière.
La tête n’est pas assez transparente pour qu’on puisse étudier conve-
nablement les organes qui se trouvent dans son intérieur. De puis-
sants muscles, se rendant depuis la cloison intérieure indiquée vers
les deux paires d'antennes, les pattes-mâchoires et vers les anneaux
thoraciques, couvrent, du reste, les organes, tels que le système ner-
veux, qui doivent être logés dans le voisinage de l'œil, mais que je
n'ai pu délimiter clairement.
À la face ventrale du bouclier sont attachées quatre, sinon cinq
paires d’appendices latéraux et un appendice impair, la lèvre su-
périeure.
La première patre d'antennes est fixée près du bord frontal, mais
sur la face inférieure du bouclier. Elle se compose de six articles,
dont les trois premiers sont plus effacés, et forment une sorte
de grosse tige, tandis que les trois derniers, plus accentués, mais
diminuant graduellement de volume, forment la terminaison. Toute
l'antenne est garnie de courtes soies roides.
La seconde paire d'antennes, plus puissante, est insérée immédiate-
ment derrière la première, et se trouve composée de trois articles.
Les deux premiers sont massifs, dégarnis d'épines; le troisième porte
Li
RECHERCHES COTIÈRES. 393
quatre épines articulées et courbées, qui peuvent s'opposer de façon
à agir comme des pinces. L'animal les porte ordinairement recour-
bées, de manière à rapprocher les épines de la bouche. Ces organes
servent sans doute à accrocher la femelle.
A la base de ces antennes et du côté interne, se trouvent, très-ca-
chés et difficilement visibles sur l’animal vivant, deux fort petits ap-
pendices mobiles, formés par un article basilaire presque globulaire
et un crochet terminal très-mince, transparent et à peine courbé.
Faut-il considérer ces organes comme une #rorstème paire de membres
et les faire dériver, par conséquent, de la troisième paire des appen-
dices du Nauplius ? Je ne le pense pas; je suis tenté plutôt de les
rapprocher de ces fouets ou filaments, probablement tactiles, que
l’on rencontre à la même place chez beaucoup de Nauplius, par
exemple, ceux des Cirrhipèdes. Ils ne me semblent pas, en tout cas,
provenir de la transformation ultérieure de la troisième paire d’ap-
pendices primitifs du Nauplius, tandis que les deux premières paires
d'antennes sont bien des transformations de ces membres primitifs et
larvaires. Peut-être aussi pourrait-on considérer ces appendices comme
l’une des branches devenue libre et indépendante de la seconde
paire d'antennes du Nauplius, laquelle est, comme on sait, toujours
biramée..…….
L'appareil buccal, dont font partie les deux paires de membres sui-
vantes, s'élève au-dessus du plan général de la face inférieure du bou-
clier céphalique..……
En avant... se trouve, profondément encaissée entre les deux pre-
mières pattes-mâchoires, la /êvre supérieure, sous forme d'une lamelle
mince, attachée par son bord droit antérieur, et présentant en arrière
un bord semi-circulaire nettement accusé. Au-dessous de ce cham-
branle se cache l'ouverture buccale...
Sur cette lèvre et en arrière d’elle, se croisent deux énormes cro-
chets fortement recourbés en dedans, allongés et pointus, dont les
doubles contours, légèrement jaunis, annoncent une très-forte consti-
tution chitineuse, et qui sont articulés, par des ginglymes puissants,
sur un article basilaire très-épais, garni de muscles épais, et soutenu
par une forte charpente chitineuse. C’est /a première paire de pattes-
mâchoires ou les mandibules, résultant évidemment de la troisième
paire transformée des membres larvaires du Nauplius, dont la partie
basilaire est presque sans exception utilisée, dans le développement
ultérieur de l'animal, comme instrument de mastication, tandis que
394 CARL VOGT.
les extrémités, primitivement garnies de soies natatoires, sont reje-
tées dans la suite des transformations.
Un peu en arrière de cette première, se trouve une seconde paire de
paites-mâchotres, les mâchoires proprement dites, composées d’un arti-
cle basilaire cylindrique et d’un second article muni de deux faibles
crochets, dont la convexité est tournée en avant.
Ces deux paires d’appendices buccaux sont toujours infléchis vers .
la ligne médiane, de manière à se croiser sur la bouche.
Les deux articles thoraciques (2 et 3), qui suivent après le bouclier
céphalique, peu mobiles entre eux, mais assez indépendants dans
leurs mouvements d’un côté de la tête, et encore plus de l’abdo-
men portent, à leur face ventrale, deux patres de pattes. natatoires
de structure identique. Chacune de ces pattes est composée d'un
article basilaire arrondi, de forme ovalaire, et de deux branches.
terminales aplaties, formées chacune de deux articles. La branche
antérieure porte à son extrémité trois forts crochets articulés, en
forme de griffes, tandis que la palette terminale de la seconde branche
est garnie sur tout son pourtour de fortes soies courbées, qui aug-
mentent en longueur d’arrière en avant, et sont garnies de fins cils
natatoires. Le premier article de cette branche porte même, à la
première patte, quelques courtes pointes sur son bord extérieur,
et c’est là le seul détail par lequel les pattes diffèrent entre elles.
Ces deux pattes servent de préférence à la locomotion. L'animal
peut les étendre latéralement, de manière que les branches terminales
dépassent les bords de son corps ; ordinairement il les porte repliées
sous le ventre. Il rampe, mais jamais je ne l’ai vu nager...
Le second article thoracique porte encore, sur la face dorsale,
deux appendices particuliers. Vus de profil, ces appendices dorsaux se
présentent sous la forme de deux ailes aplaties, fortement crochues,
dont l'extrémité courbée est tournée en avant, tandis que leur base
est attachée, sous le bord du second article thoracique, à la mem-
brane qui relie cet article avec le premier article abdominal. Lors=
qu’on voit l’animal de dos, les deux ailes se présentent sous forme de
deux lames étroites, appliquées étroitement au corps.
Ces deux appendices aliformes rappellent, sous quelques points de
vue, les appendices dorsaux des jeunes Notopterophorus, parasites des
Ascidies, etils sont évidemment homologues aux élargissements tho-
raciques qui se développent chez la femelle pour héberger les œufs.
Je ne leur ai jamais vu de mouvements...
RECHERCHES COTIÈRES,. 395
Sur la face ventrale des deux articles thoraciques et dans la ligne
médiane se trouvent encore des pièces chitineuses, terminées en
pointe mince en arrière.
Nous avons dit que l’abdomen était composé de huit articles. Cha-
cun de ces articles est construit de la même manière, en ce sens que
tous sont reliés ensemble par des membranes très-làches, et qu'ils
sont des cylindres évasés en arrière, de manière qu'ils peuvent être
rentrés et sortis comme les pièces composant une longue-vue. Le
premier, second et dernier article offrent seuls des particularités de
structure.
Quant au premier, on y trouve, rapprochées de son bord posté-
rieur, deux pattes rudimentaires, dont les articles basilaires s'élèvent à
peine au-dessus de la peau, et portent, sur leur bord libre, trois soies
écartées, mais courtes.
Sur le second article, on voit, lorsque l'animal est posé de profil,
l’orifice génital, de forme circulaire.
Le dernier article est très-long, conique, et se termine par deux
branches semblables presque aux fausses pattes d’une chenille. Cha-
cune de ces branches porte cinq soies, dont deux très-longues et
dirigées, avec deux soies plus courtes, en arrière, tandis qu’une cin-
quième soie, plantée plus avant sur l’article, est dirigée obliquement
en avant.
Quant aux dispositions anatomiques des organes internes, nous
n'avons que très-peu à dire. L’entestin, rempli ordinairement de suh-
stances fécales brunâtres, se dessine depuis la partie postérieure du
bouclier céphalique jusqu’à l'extrémité postérieure, comme un boyau
droit appliqué à la face ventrale, et ne présentant qu’à son extrémité
postérieure, avant de passer au rectum, un faible élargissement en
forme de poire. L’intestin buccal, incolore, ne se laisse que très-diff-
cilement apercevoir à l'endroit de son insertion, vers l'extrémité anté-
rieure du boyau droit, avec lequel il forme un angle obtus. Son
commencement, vers la bouche, est caché sous les muscles et écha-
faudages chitineux épais des pattes-mâchoires. Le rectum est atta-
ché, comme d'habitude, par quelques fibres musculaires aux parois
du corps ; l’anus se trouve, sous forme de fente linéaire et plutôt du
côté dorsal, entre les branches terminales du dernier article.
Les organes génitaux sont formés de deux grands boyaux, très-
transparents, qui remplissent tout l'abdomen et présentent des ren-
flements successifs, dépassant la ligne médiane en alternant de droite
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396 CARL VOGT.
à gauche. On voit, dans leur intérieur, des pelotes ondulées de z00-
spermes et des machines spermatiques. Vers l'extrémité postérieure,
ces boyaux présentent au bout quelques petits renflements circulai-
res ; ce sont, sans doute, ces élargissements qui jouent le rôle de tes-
ticules, comme c’est le cas aussi chez les Branchipus. On peut suivre
les conduits spermatiques très-élargis jusque vers le premier anneau
thoracique, où ils se terminent probablement en cul-de-sac. L’orifice
génital se trouve sur le second anneau thoracique...
Les zoospermes, tantôt réunis en groupes stellaires par leur
queue, tantôt libres dans la partie supérieure de ces boyaux,
sont emprisonnés, dans la partie postérieure dans des machines
spermatiques semblables à celles du Cyelope castor. J’ai pu faire sortir,
par une pression modérée, une de ces machines. Elle est en forme de
bouteille très-allongée et à cou étroit; au fond fermé postérieur se
trouve une accumulation de substance plus opaque et grenue, qui
gonfle, sans doute, par absorption de l’eau ; la bouteille elle-même
est remplie de zoospermes, qui s’agitaient vivement et qui s’en al-
laient par le goulot. À près quelques minutes la bouteille s'était vidée
complétement.
Les zoospermes sont très-longs et minces, diminuant sensiblement
vers la queue, par laquelle beaucoup d’entre eux étaient réunis ensem-
ble en groupes stellaires ou en faisceaux. On les retrouve sous la même
forme dans le réceptacle de la femelle. Ils paraissent un peu aplatis
en rubans, de manière que dans leurs ondulations on aperçoit sou-
vent comme des nodosités passagères.
Je ne dois pas oublier que j'ai trouvé une seule fois un mâle, tout
semblable, du reste, aux autres, sur lequel je ne comptai que six ar-
ticles abdominaux au lieu de huit. Pour tout le reste, il était absolu-
ment conformé comme les autres. Je me suis bien assuré du fait, qui
m'a beaucoup frappé. Mais comme je trouvai, dans le mucus dont ce
mâle était enveloppé, quelques dépouilles mutilées, entre autres un
morceau d’une palette mince, garnie de soies très-longues et sem-
blable à la palette dite respiratoire des pattes des Daphnies, je me
crois en droit de conclure que le mâle entre dans la retraite de la fe-
melle sous une forme larvaire différente, et qu’il doit y subir une ou
plusieurs mues, pendant lesquelles le nombre de ses articles abdomi-
naux augmente sous l'influence du développement des organes géni-
taux. Ce mâle raccourci ne contenait, en effet, aucune trace de z00-
spermes, et je me suis vainement efforcé d’y distinguer, entre les
RECHERCHES COTIÈRES. 397
muscles puissants qui relient les anneaux, les vestiges des organes
génitaux non encore développés.
FEMELLE.
La femelle adulte est, sauf le Nauplius, la seule forme connue jus-
qu’à présent et décrite par M. Hesse...
La tumeur une fois reconnue, la femelle n’échappera guère à l’ob-
servateur muni d’une loupe. On enlève, par quelques coups de ciseau,
la partie de la peau dans laquelle se trouve la tumeur et après l’avoir
étalée sur une plaque de verre, on arrache les écailles du voisinage,
et enfin celles qui prennent part à la tumeur. Le parasite se fait aisé-
ment connaître par la couleur toujours foncée, dans la plupart des
cas entièrement noire, de son intestin; le plus souvent, il reste re-
tenu dans la voûte de l'écaille arrachée, qu’il habite, dont on l’enlève
facilement avec un pinceau; ou bien il glisse, par la secousse de
l'arrachage, dans la cavité produite où il s’agite vivement.
Il est plus difficile de le trouver sur des poissons conservés à l’es-
prit-de-vin. La couleur rouge de la tumeur y disparaît souvent en
entier; lesécailles tiennent plus fortement... Le hasard m'a fourni un
moyen expéditif pour trouver le parasite facilement. Voulant étudier
les pièces chitineuses de la bouche, j'avais traité quelques exem-
plaires à la-potasse caustique, et je m’aperçus qu'ils étaient extrème-
ment résistants à ce réactif. Une cuisson prolongée pendant une
demi-heure dans une solution de potasse caustique à 1 pour 100
n'avait pas encore entamé la structure de l’animal. J’eus l’idée de
profiter de cette expérience. On fait cuire, pendant quelques mo-
ments, le morceau de peau contenant la tumeur, dans une solution
de potasse caustique de la force indiquée. Après dix minutes, les
écailles sont désagrégées, les tissus fibreux dissous et le parasite mis
à nu et facilement reconnaissable.
La femelle adulte peut atteindre 6 millimètres de longueur — je
n'en ai jamais vu, à Roscoff, de 10 à 12 millimètres de long, comme
celles trouvées à Brest par M. Hesse. — Les jeunes femelles portent
toujours la tête inclinée vers la face abdominale et l’abdomen relevé
vers le dos, de manière à former une courbure semblable à celle
d'un S. Les femelles adultes montrent cette courbure moins pro-
noncée..…..
M. Hesse compte six anneaux abdominaux et cinq anneaux thora-
PS. D lee UE AS ES ET I I
NE or e, Be
tr RL
LP mu RU VO
398 CARL VOGT.
ciques outre la tête, et si l’on n'avait connaissance que de la femelle,
cette manière de compter serait assez exacte. Mais en vue de la con-
formation du mâle, il faudra envisager les anneaux autrement par
rapport à la distribution générale du corps.
La tête, en forme de cône tronqué et arrondi en avant, porte à peu
près au milieu l'œil rouge, conformé comme dans le mâle; elle porte,
à sa face ventrale et dans une position reculée, les antennes très-
petites et cachées dans une anfractuosité profonde entre la partie
avancée de la tête et l'appareil buccal, lequel constitue une espèce de
trompe large et courte.
Après cette tête, dont la division prinitive en deux anneaux n’est
plus indiquée comme dans le mâle, suit un anneau cylindrique à
pêéine plus large que la base de la tête et qui porte chez la jeune
femelle une soie très-courte sur la face abdominale, reste évidem-
ment d'un pied larvaire rudimentaire. Cet anneau est séparé de la
tête par une ligne peu marquée et souvent effacée. Mais en revanche,
la séparation d’avec l'anneau suivant est bien marquée.
Cet anneau représente, suivant ma manière de voir, le premier an-
neau thoracique du mâle.
Vient ensuite une partie du corps, considérablement élargie et
composée de trois segments, qui ne sont indiqués, dans la femelle
adulte, que par trois plis légers sur la face ventrale. En voyant la
femelle adulte de profil, on voit cette partie gorgée d'œufs placés les
uns à côté des autres et cachant entièrement la continuation du
canal intestinal, très-visible comme un ruban noir dans les deux
anneaux qui précèdent. En plaçant cependant la femelle un peu de
trois quarts, on s'aperçoit que cette partie élargie n’est pas une tumé-
faction générale du corps, mais qu’elle est composée plutôt de deux
expansions larges et épaisses, au milieu desquelles on voit un centre
d’attaches pour des fibres musculaires, qui rayonnent dans toutes les
directions. En plaçant la femelle sur le ventre, on voit que l'intestin,
considérablement élargi sous forme de füseau, occupe le centre du
corps, tandis que les œufs sont accumuiés dans les expansions latérales.
Cette structure s'explique par l'étude des jeunes femelles, chez les-
quelles les organes génitaux ne sont pas encore développés et où les
œufs, réunis en paquets énormes, n’obstruent pas encore toute cette
partie du corps. On voit alors distinctement que le premier anneau
de cette partie porte deux expansions latérales arrondies, membra -
neuses, aliformes, et que ces expansions sont {séparées par une pro-
RECHERCHES COTIÈRES. 399
fonde incision, d’expansions semblables, plus hautes et plus larges,
qui occupent, sans division appréciable, la face dorsale de ces deux
derniers anneaux. Le jeune animal rapproche et étale ces expansions
absolument comme un papillon venant d’éclore essaye ses ailes à
demi étendues. On ne voit, dans ces expansions, que des traînées de
substance non encore différenciées, entourant des espaces plus clairs
comme des vacuoles. Chacun de ces deux anneaux porte-ailes est
muni, à la face ventrale, d’une soie très-courte, rudiment d’un
membre.
A la suite de cette partie élargie viennent six anneaux, dont les cinq
premiers sont semblables entre eux; ce sont des courts cylindres
tronqués, diminuant graduellement et pouvant s’emboîter comme
les anneaux correspondants du mâle.
Le second de ces anneaux porte des deux côtés, mais rapproché
de la face dorsale, l’appareil chitineux qui entoure l’orifice sexuel.
Le dernier anneau de l'abdomen forme, comme chez ie mâle, un
cône tronqué, lequel se termine en arrière par deux mamelons très-
courts et portant chacun une courte soie. C’est l’analogue des appen-
dices à longues soies du mâle.
Or, si je compare cette distribution des anneaux à celle si appa-
rente du mâle, je me crois en droit de dire que la femelle a huit an-
neaux* abdominaux comme le mâle, mais que les deux premiers de
ces anneaux portent, par suite du développement des organes géni-
taux, des expansions aliformes, comme le second anneau thoracique,
lequel est muni d’expansions analogues chez le mâle, et que, chez la
femelle pleine, les expansions aliformes du second anneau thoracique
et celles des deux premiers anneaux abdominaux se confondent
ensemble dans une seule expansion membraneuse servant de récep-
tacle incubateur. La partie élargie du corps de la femelle adulte
serait donc composée du dernier anneau thoracique et des deux pre-
Mmiers anneaux abdominaux.
En envisageant les femelles de cette manière, qui me semble impo-
sée par l'étude des jeunes, il faudrait done dire que le nombre des
anneaux est le même dans les deux sexes, et que le Léposphile est
composé de deux anneaux céphaliques toujours confondus ensemble,
de deux anneaux thoraciques libres chez le mâle, dont le dernier
porte des expansions aliformes chez les deux sexes et de huit articles
abdominaux dont les deux premiers portent, chez la femelle, des
expansions aliformes qui se confondent avec celle du dernier anneau
400 CARL VOGT.
thoracique. J'ai numéroté les articles de la jeune femelle, suivant
cette manière de voir, en concordance avec le mâle.
La tête de la femelle est fortement recourbée vers la face abdomi-
nale et présente en arrière, à peu près en dessous de l'œil rudimen-
taire et profondément enchâssée dans les tissus, une forte échancrure
dans laquelle est placée l’antenne, formée par un moignon presque
globulaire garni de quelques soies très-courtes. M. Hesse, qui a bien
vu cette antenne, lui donne « deux ou trois articles» ; je n’en ai
jamais vu qu’un seul... Ces antennes paraissent entièrement immo-
biles. Quelques-unes des courtes soïes qui la garnissent, portent un
petit renflement globulaire au bout — ce sont sans doute des soies:
tactiles par excellence.
Immédiatement derrière les antennes se place, au milieu de la face
ventrale, l'appareil buccal, composé d’une trompe courte et circu-
laire, que l’animal peut pousser vivement dehors ou faire rentrer
complétement.
L'analyse des pièces chitineuses, qui se trouvent placées dans la
circonvallation de cette trompe, est extrêmement difficile et certes
une des tâches les plus ardues de la microscopie. M. Hesse dit qu'il
n’est parvenu à cette analyse qu'après avoir rendu transparent un
individu par un jeûne prolongé pendant plus de quinze jours. J'ai
essayé de ce procédé; j'ai gardé des Léposphiles en vie pendant trois
semaines, Ce qui, en effet, avait évacué l’intestin complétement, mais
je n'ai pas trouvé les environs de la bouche plus transparents qu'ils
n'étaient le premier jour. J’ai ensuite essayé le traitement par la
potasse caustique, et comme Jje l’ai déjà dit, parmi les nombreuses
espèces de Crustacés parasites et autres que j'ai traitées de cette
manière, Je n'ai trouvé aucune aussi rebelle à l’action de ce réactif
puissant que le Léposphile. Plusieurs femelles adultes ont résisté,
pendant plus d’une demi-heure, à une cuisson soutenue dans une so-
lution de 4 pour 100; les jeunes commencèrent à s’éclaireir à dater de
ce moment-là. Mais, malgré l'emploi de ces procédés, je n’ai pu voir
les choses de la même manière que M. Hesse.
Cet auteur dessine, en effet, trois paires d’appendices situées en de-
hors du rostre, deux paires en avant et une paire en arrière; il dessine
et décrit en outre deux paires de pattes-mâchoires et une paire
de palpes mandibulaires placées dans l’intérieur de la trompe; ce
qui ferait en tout six paires d’appendices dont la bouche serait
armée.
RECHERCHES COTIÈRES. 401
Malgré les procédés indiqués, je n'ai pu retrouver ce luxe de pièces,
dont aucun Copépode n'offre un exemple.
Sauf les antennes, je n'ai vu aucun appendice en dehors du rostre
ni chez les jeunes femelles, chez lesquelles, comme je lai dit, se pré-
sentaient encore quelques soies comme derniers rudiments des pieds
thoraciques et abdominaux, ni chez les femelles adultes.
Le pourtour du rostre est formé par une lamelle chitineuse, très-
mince et transparente, mais dont les contours sont visibles avec la
plus grande netteté lorsque l’animal est placé de profil. On peut aussi
en voir la base lorsqu'on observe le rostre depuis la face ventrale, et
on peut se convaincre qu’elle est complète en arrière, mais qu’en
avant, elle se confond avec l’échafaudage chitineux qui soutient ici
le rostre.
Cet échafaudage est construit par plusieurs fortes pièces chiti-
neuses enchâssées dans les muscles. Deux pièces, renflées et un peu
crochues à leur extrémité interne, partent obliquement des angles
supérieurs et externes du rostre ; deux autres, placées un peu plus en
arrière, se dirigent à angle droit vers la face dorsale de l'animal. Ces
pièces sont reliées entre elles par deux barres transversales en avant
et deux pièces latérales, de manière que vu de champ le rostre se
présente comme un sac porte-manteau à fermeture droite supé-
rieure, aux angles supérieurs de laquelle seraient attachées deux
pièces solides.
Toutes ces pièces chitineuses sont enchâssées dans les muscles;
elles n’ont rien de commun avec des membres modifiés; elles for-
ment les points d’attache des muscles qui servent à mouvoir ce
que je considère comme /a lèvre supérieure.
Vue de côté, celle-ci se présente en effet souvent comme un fort
crochet latéral articulé et placé sur une forte base renflée. Mais Lors-
qu'on examine le rostre de champ, on voit que la lèvre est compo-
sée d’une seule masse, épaissie sur le pourtour de son insertion,
tranchante sur le bord libre, qui est un peu recourbé en dedans et
marqué au milieu par une forte rainure médiane, ou plutôt une
échancrure qui divise la lèvre, en deux moitiés. La partie tranchante
antérieure est articulée sur la base comme un chambranle, et lorsque
la bouche se ferme, cette partie s’engrène avec les appendices posté-
rieurs, comme les dents incisives d’un Scare ou d’un Coffre.
| En arrière de cette lèvre, on voit deux appendices articulés, dont
la signification mandibules, mâchoires ou pattes-mâchoires, ne pourra
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = T. VI. 4877. 26
402 | CARL VOGT.
être fixée que lorsqu'on aura suivi le développement de l'animal de-
puis le Nauplius. Ce sont deux membres très-courts, infléchis en
dedans, se croisant devant l’orifice buecal et dont le dernier article
est terminé par deux courts crochets. On voit rarement ces deux
appendices symétriques s’écarter ou se rapprocher; ils travaillent de
concert contre la lèvre supérieure et, lorsque le rostre se retire, 1ls
se replient de manière que la lèvre cache en partie leur bord libre.
En dedans de ces deux membres et très-rapprochés de la ligne
médiane, on voit deux séylets presque droits portés sur une base com-
mune en forme de mamelon. La pointe de ces stylets est tournée
vers la bouche ; ils se placent dans l’espace libre entre les deux man-
dibules, mais leur position est tellement reculée vers l’intérieur de
la cavité buccale, que je n'ai jamais pu les voir distinctement en
examinant la femelle de profil. On peut les considérer comme les
rudiments des méchowres ou pattes-mâchoires de la seconde paire qui
existent chez le mâle.
L'appareil buccal du Léposphile femelle est donc, suivant mes ob-
servations, très-rudimentaire ; mais je crois qu’on pourrait facilement
le déduire de la structure observée chez le mâle, tandis que la des-
cription donnée par M. Hesse ne peut être mise en rapport avec cette
structure semi-larvaire.
Quant à la structure des différents organes de la femelle, nous de-
vons dire que le «limbe transparent, qui entoure, suivant M. Hesse,
le corps dans toute son étendue et sur tout son périmètre » et auquel
M. Hesse attache une telle importance, qu’il le mentionne dans la
caractéristique de la famille et du genre, n’est autre chose qu’une
couche de mucosité durcie provenant du mucilage dans lequel vit le
parasite. Gn n’a qu'à tenir ce dernier pendant quelques jours dans
l’eau, pour voir disparaître ce limbe.……..
Les organes intérieurs sont difficiles à apercevoir. Le corps est peu
transparent; les pigments jaunes ou couleur de rouille qui sont accu: |
mulés dans le tissu sous-cutané, m'ont empêché de voir le système |
nerveux et de suivre distinctement les faisceaux musculaires qui se !
rendent, depuis le milieu de la tête, vers les antennes et les organes
buccaux. Dans le reste du corps, ce sont les œufs de couleur olivâtre
foncée ainsi que le canal intestinal noir qui empêchent l’analyse mi- |
Croscopique par transparence. |
Le canal intestinal se laisse facilement apercevoir. Îl est rempli ordi: |
. RECHERCHES COTIÈRES. 103
nairement d'une substance sirupeuse noire, bien décrite par M. Hesse
et sécrétée sans doute par des glandes noires qui forment des petites
taches sur toute son étendue. Il s’élargit considérablement entre les
expansions aliformes, présente une seconde ampoule beaucoup plus
petite en arrière de ces expansions et se continue en ligne droite vers
l'extrémité postérieure, où le rectum et l’anus présentent les dispo-
sitions ordinaires. Les mouvements de pompe qu'il exerce sont con-
tinuels et durent pendant toute la vie. Nous n'avons vu aucune trace
de lobes du foie, pas plus ici que dans tous les autres Copépodes;
mais les organes de la génération sont très-apparents.
Les ovaures, en effet, sont contenus dans la partie élargie du corps
et situés des deux côtés de l'intestin du côté dorsal. À mesure que les
œufs se développent, des prolongements en chapelets, comme le dit
fort bien M. Hesse, sont poussés par les tubes ovariens dans les expan-
sions aliformes, qu’ils remplissent petit à petit presque entièrement,
s'étendant encore des deux côtés de l'intestin vers la face ventrale,
de manière à l’envelopper complétement. Arrivés à ce point de dé-
veloppement, les œufs assez gros, de couleur olivâtre et entourés
chacun d’une enveloppe résistante, forment deux masses aplaties en
dedans, bombées en dehors, qui s'étendent encore jusque dans le
premier article derrière l'élargissement et entourent, par leur extré-
mité, le fond en cul-de-sac des réservoirs spermatiques.
Depuis cette extrémité, un canal très-large, mais formé de parois
très-minces et difficiles à apercevoir, l’oviducte, se rend obliquement
vers la face dorsale à l’orifice génital situé dans le second article
apparent de l'abdomen, où il s'ouvre en communauté avec la poche
spermatique.
Arrivées à maturité, ces masses d’œufs sont sans doute expulsées
en entier, Car on trouve communément, dans l’écaille antérieure de
la demeure du parasite, deux paquets d'œufs ovoïdes, bombés d’un
côté, creux sur l’autre face et entourés par une large zone d’une
mucosité transparente et assez résistante.
Le vitellus est entièrement opaque, paraissant noir à la lumière
transmise. je n’ai donc pu suivre le développement de l’œuf. Mais on
trouve des Nauplius qui se détachent sous les yeux de l’observateur.
Une seconde partie importante des organes génitaux est le réservorr
Spermatique. On le trouve le mieux en se guidant sur les orifices
génilaux.
Ceux-là ne se trouvent point, comme l'indique M. Hesse, sans
404 CARL VOGT.
cependant les figurer, « à la base du dernier anneau thoracique », mais
sur la face dorsale du cinquième anneau, en comptant depuis l’ex-
trémité postérieure du corps, lequel est, pour M. Hesse, le deuxième
et pour nous le quatrième anneau abdominal ou le septième segment
du corps entier. En plaçant le foyer du microscope très-haut, de ma-
nière à examiner la surface même du corps, on aperçoit dans l’angle
entre les bords postérieur et dorsal de cet anneau, un échafaudage
- chitineux très-fin, formant dans son ensemble un demi-cercle et
constitué par plusieurs baguettes courbées, savoir, deux baguettes du
côté dorsal, superposées, deux semblables, mais plus courtes, du côté
ventral, et deux baguettes médianes posées en angle droit sur le
demi-cercle formé par les quatre autres baguettes. C’est évidemment
une charnière entourant l’orifice en fente qui, de cette manière, peut
s'ouvrir avec des dimensions considérables. |
Avec ces orifices situés, je le répète, sur la face dorsale et près de
la ligne médiane, est en rapport le réservoir spermatique, dont la
forme rappelle exactement celle d’une culotte courte. Deux canaux
gros et courts, dans lesquels débouchent, près de l’orifice, les ovi-
ductes, se rapprochent dans la ligne médiane et forment un sac à
parois assez épaisses, ovalaire, arrondi au bout antérieur et terminé
quelquefois en deux mamelons émoussés, témoins de la coalition
primitive du sac par deux moitiés.
Lorsque je trouvais pour la première fois cette poche avec ses deux
conduits remplis de zoospermes.... je fus conduit naturellement à
l’idée que le Léposphile était hermaphrodite. Je fus confirmé dans cette
idée, par le fait que M. Hesse n'avait point trouvé de mâle et que je
n'avais pas non plus réussi dans cette recherche. Comme je l’ai dit
en parlant du mâle, les premiers individus trouvés de ce sexe avaient
les testicules complétement vides et devaient ainsi me fortifier encore
dans mon opinion. Je croyais donc avoir trouvé dans ces mâles vides
des formes larvaires. Ce n’est que lorsque j'avais trouvé un mâle à
organes générateurs pleins et que je m'étais convaincu de l'identité
absolue des zoospermes qu'il contenait, avec ceux grouillant dans
le réceptacle de la femelle, que je reconnus la signification véritable
de cet organe.
Il me reste à parler du Nauplius, qui se présente assez souvent sor-
tant de l’œuf ou grouillant dans la mucosité qui enveloppe les coques
vides. Son corps a la forme d’un ovale allongé, sans indication au-
cune de divisions transversales. Le vitellus, d’une couleur d'olive
|
|
|
|
|
RECHERCHES COTIÈRES. 405
brunâtre et contenant beaucoup de gouttes graisseuses, remplit le
corps presque en entier et ne laisse reconnaître que la couche proto-
plasmique qui tapisse à l’intérieur l’épiderme transparent et solide.
Dans la partie antérieure se voit un œil de moyenne grandeur en
forme de croix de Saint-André, c'est-à-dire composé de deux moitiés
en forme de croissant et réunies par leur convexité. En arrière, se
trouvent deux soies et sur les côtés les trois paires ordinaires d'ap-
pendices, lesquels sont, comme M. Hesse a vu très-bien, uniramées
pour la première paire et biramées pour les deux autres. Ces mem-
bres, comme les soies qui les garnissent, ne sont guère allongés, aussi
le Nauplius nage-t-il avec peu de vitesse...
Nous ne pouvons cependant pas mettre en doute que le Nauplius
quitte la demeure de ses parents pour se transporter sur d’autres
poissons de la même espèce. Il est probable, comme cela résulte des
observations relatées plus haut, qu'après s’être introduit dans le canal
de la ligne latérale, il y subit encore plusieurs mues. Le mâle, évi-
demment, n'a qu’une existence assez passagère vis-à-vis de celle de
la femelle; il est probable qu’il meurt après l’accouplement, lequel
sert, par le réceptacle spermatique, à féconder tous les œufs que
produit successivement la femelle.
CLASSIFICATION,
M. Hesse s'attache à prouver que le Léposphile doit être placé à
côté des Lernéidiens..…..
M. Hesse ayant décrit et figuré le Nauplius du Léposphile, on au-
rait cru qu'il serait impossible de mettre en doute qu’il n’appartint
pas aux Copépodes. Nous lisons cependant dans l’ouvrage récent de
M. P. Van Beneden, sur les commensaux et les parasites dans le règne
animal, le curieux passage suivant :
« Sur les côtes de la Bretagne, parmi les nombreux Labres qui se
distinguent par la vivacité et la variété de leurs couleurs, se trouve
une petite espèce (Labrus Cornubiensis), sur laquelle on voit com-
munément un /sopode qui n’est pas moins curieux; il est habituelle-
ment cramponné aux flancs de ce poisson, non loin de la tête, au
fond d’une cavité creusée sous les écailles. Les naturalistes connais-
sent ce curieux acolyte par les travaux de M. Hesse. Ce Leposphile,
c'est le nom qu'on lui a donné, sans qu’il aime les écailles plus que
les autres organes, se taille une loge dans les flancs de ce petit Labre
nb
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406 CARL VOGT.
et s’y installe avec sa famille. On ne peut dire que c’est sans esprit
de retour que le Léposphile a choisi ce refuge, puisque les deux sexes
conservent leurs organes de locomotion. »
Il est surprenant certainement combien les observations de
M. Hesse, seules connues à l’époque où parut le livre de M. Van
Beneden, ont été défigurées dans ce passage. Non content de faire un
Isopode d’un animal se propageant par des Nauplius et rangé parmi
les Lernéens par celui qui l’a découvert, M. Van Beneden conserve à
la femelle, seule connue à cette époque et dépourvue de pattes, «ses
organes de locomotion », tanüis qu'il en dote prophétiquement le
mâle, que M. Hesse n'avait pas réussi à découvrir!
On ne peut douter que notre animal appartient à la grande section
des Copépodes parasites. À défaut d’autres caractères, la conforma-
tion des Nauplius apporterait une preuve sans réplique pour cette
assertion. Mais de quel groupe de ces Copépodes faut-il rapprocher
notre Léposphile ?
J'ai déjà fait remarquer qu'il est absolument impossible de se pro-
noncer sur les affinités de beaucoup de Crustacés parasites, si l’on
ne connaît pas les mâles. Il se trouve, il est vrai, des genres et des
familles où le mâle ne diffère que peu de la femelle dans l’organisa-
tion de ses membres, de ses appendices et dans les allures de son
corps, tels par exemple les Caligus et les Lernanthropus; mais dans
la plupart des cas, le corps des femelles est tellement déformé par le
parasitisme prononcé de ces dernières, par la production des œufs
et des organes incubateurs, que les formes primitives sont entière-
ment effacées. Les antennes, les mâchoires, les pattes des femelles
disparaissent ou sont transformées en des appendices inarticulés;
les anneaux du corps s’effacent ou se confondent ensemble et less
organes des sens, les yeux surtout, disparaissent complétement. Et il
faut convenir que dans des espèces, très-rapprochées du reste les
unes des autres, on trouve les déformations tellement discordantes,
que seule la ressemblance des Nauplius et des mâles peut nous don:
ner la clef des relations de parenté qui existent entre elles. Les.
mâles, au contraire, conservent encore des membres bien conformés;
des anneaux en général distincts, des organes des sens bien dévelop-"
pés et, en montrant des caractères plus tranchés et plus rapprochés
de ceux des formes larvaires, ils laissent apercevoir plus facilement
les relations de parenté qui peuvent exister, soit avec d’autres para-
sites, soit avec les genres ou familles voisines vivant en liberté.
RECHERCHES COTIÈRES. 407
Le Léposphile des Labres fournit un exemple frappant de ce que
nous avançons. En considérant seulement la femelle, on pourrait
être tenté de la rapprocher des Lernées, comme l’a fait M. Hesse,
tout en convenant qu’un appareil buccal proboscidiforme entouré de
pattes-mâchoires rudimentaires et auxiliaires ne suffit guère pour
établir une parenté véritable, vu que tous les Siphonostomes sont
plus ou moins dans ce cas, et que l’annulation complète de l’abdo-
men éloigne le Léposphile considérablement des Lernées proprement
dites. Mais les appendices si manifestement réduits ou effacés de la
femelle ne peuvent conduire à une comparaison serrée, et il faut
s'adresser au mâle à segmentation distincte et à membres développés,
pour trouver la parenté du singulier genre qui nous occupe.
En parcourant la longue liste des Copépodes parasites connus et en
comparant soigneusement les descriptions et les dessins des mâles
donnés par les auteurs, j'ai été agréablement surpris de trouver un
Crustacé, ayant un habitat analogue, dont le mâle offre tous les traits
caractéristiques du mâle de notre Léposphile, mais dont la femelle
diffère considérablement.
C’est le Phlahchthys Xiphiæ, qui habite les dilatations des canaux
muqueux de la tête de l'Espadon (Xipluas gladius). M. Steenstrup
avait le premier trouvé ce parasite, dont M. Bergsoe a fait une étude
détaillée (Phzhichthys Xiphiæ. Monographisk Fremstillet of Y. Bergsoe,
in-8°, Kjobenhavn, 1864, 1 pl.). Les Annales des Sciences naturelles,
cinquième série, tome [, p.213 et 252, ont donné le résumé en latin
de cet ouvrage et ont reproduit la planche gravée par M. Bergsoe
même. Je donne ici la traduction de ce résumé de M. Bergsoe.
« Le mâle est grêle, allongé, graduellement atténué en arrière. Le
corps très-distinctement annelé, avec des anneaux libres et mobiles
qui portent des antennes et des pieds de structure et de forme variées.
Le céphalothorax est en forme de bouclier, indivis. L’abdomen a deux
anneaux, dont le premier inerme, tandis que le second est armé en
arrière de deux fortes épines. La queue a huit anneaux et devient
plus mince vers la pointe; le dernier article porte deux appendices
caudaux. Les téguments sont plus durs que ceux de la femelle et
cornés. La bouche est fermée; l'anus distinct. La couleur, sauf une
petite tache de couleur rouge entre les premières antennes, est ma-
nifestement blanchâtre. Longueur constante : 4 millimètres.
« Le céphalothoraz est faiblement convexe, formé d’un cône tron-
qué ; sa longueur égale celle’ des trois articles suivants ensemble;
108 CARL VOGIT.
son bord antérieur tronqué, postérieur droit, côtés arrondis en avant,
un peu sinueux en arrière; les angles de la base un peu avancés et
tronqués. |
« Les antennes de la première paire sont grêles, à six articles peu
distincts, égalant en longueur à peu près la moitié du céphalothorax
et posées sur le bord frontal.
« Les antennes de la seconde paire sont manifestement biarticulées
et préhensiles, à peine plus longues que celles de la première paire.
Le premier article subconique, le second plus large et un peu plus
long, armé de deux crochets courbes et grêles au bout.
« Les pattes de la première paire sont grandes, sans articles, placées
à la partie postérieure du céphalothorax sur les côtés et munies de
deux forts crochets avec lesquels le mâle se cramponne à l’orifice
génital de la femelle.
«Les paltes de la seconde paire sont très-petites, biarticulées en
forme de palpes. Le premier article est doublement plus long que le
second, lequel est pointu et porte deux soies au sommet; la soie
intérieure a deux fois la longueur de l’extérieure.
« L’abdomen a deux anneaux et porte deux paires de pattes nata-
toires. Le premier anneau abdominal est aussi large que la base du
céphalothorax, mais trois fois plus court; son bord antérieur est au
milieu, légèrement sinueux, le postérieur droit à bords arrondis. Le
second anneau est plus étroit, mais d’un tiers plus long, avec des
bords droits et les côtés presque droits. Ces derniers divergent un
peu en arrière par une épine forte et mobile dont le sommet se
recourbe en haut.
« Les pattes abdominales de la première paire sont courtes, nata-
toires, biramées.
« La branche externe est à deux articles : le premier petit, muni
d’une épine courte, maïs forte, le second trois fois plus long et armé
de trois fortes épines et de quatre soies natatoires.
« La branche interne est sans articles, plus grêle que l’extérieure, :
garnie de deux épines et de cinq soies natatoires.
« Les pattes abdominales de la seconde paire sont semblables aux
précédentes quant à la forme.
« La branche interne sans articles, plus mince que l’externe, garnie
de trois épines longues et grêles et de deux soies natatoires.
« Les épines des pattes abdominales, surtout les courtes, ont les
bords en forme de scie. Les soies natatoires ont des fins eils.
RECHERCHES COTIERES. 409
« La queue a huit anneaux libres, distincts, diminuant vers l’extré-
mité et dépourvus de pieds. Le quatrième anneau, à partir de la base,
a de chaque côté une soie sensitive et le huitième des appendices
terminaux.
« L’anneau génital (premier segment caudal) est de moyenne gran-
deur ou même petit, d’un cinquième plus étroit et d’un tiers plus
court que le second anneau abdominal ; le bord antérieur droit, le
postérieur arrondi, les côtés un peu divergents en arrière. La partie
inférieure montre une aire membraneuse entourée par les bords plus
durs du segment et qui porte l’orifice génital.
« Le second anneau est presque aussi large que le précédent, mais
quatre fois plus long, les côtés droits, divergents en avant, puis
convergents subitement en arrière.
« Le troisième, le quatrième et le cinquième anneau ont la même
formé que le second. De l’angle postérieur du quatrième anneau
part une soie sensitive assez longue, épaisse d’abord, puis présentant
une tige hyaline grêle et finissant en une soie très-fine.
«Le sirième et Le sephième anneau ont les côtés légèrement arrondis ;
le sixième est un peu plus court et presque carré.
« Le huifième anneau est un peu plus étroit que le septième, mais
de longueur double ; il a les côtés un peu arrondis, le bord postérieur
incisé et porte aux angles de sa base les appendices caudaux.
« Les appendices caudaux sont longs, sans articles et portent à l'ex-
trémité deux soies très-fortes et deux petites.
« Le rudiment de la bouche est placé, si je ne me trompe, à la partie
inférieure du céphalothorax entre les pattes-mâchoires de la seconde
paire.
« L'anus se trouve entre les appendices caudaux et perfore le som-
met du huitième anneau caudal sous forme d’une fente longitudinale.
« Les orifices génitaux sont fort petits, entourés d’un bord corné
jaune et apparaissent au milieu d’une aire membraneuse blanchâtre.
« Je n'ai point trouvé de capsules séminales en examinant le mâle
peu de temps après l’accouplement. »
J'ai tenu à donner cette description mot pour mot parce qu’elle
correspond, abstraction faite de la manière de désigner les différentes
parties du corps, aux détails que j’ai consignés pour le mâle du Lé-
posphile. M. Bergsoe appelleten effet céphalothoraz le bouclier cépha-
lique ou la tête; il désigne le thorax à deux articles sous le nom
d’abdomen et l'abdomen sous le nom peu scientifique de queue
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410 CARL VOGT.
(cauda), à laquelle il ftrouve huit anneaux comme nous. Mais, sauf
ces différences de dénomination, M. Bergsoe décrit les deux paires
d'antennes, les deux paires de pattes-mâchoires (mandibules et mâ-
choires) attachées au bouclier céphalique, ainsi que les deux paires
de pattes natatoires, exactement comme nous, sauf des différences
spécifiques, comme par exemple la structure de la seconde paire
d'antennes, qui dans le Léposphile est plus puissante que la première,
tandis que dans le Philichthys c’est le contraire. Le mâle des Phi-
lichthys porte à la même place, comme celui des Léposphiles, les
deux appendices recourbés, que M. Bergsoe appelle des épines, tan-
dis que je les compare, à cause de leur aplatissement, à des ailes ru-
dimentaires. La seule différence essentielle que je puis constater
quant à cette partie antérieure dn corps, se rapporte à la constitu-
tion de la bouche, que M. Bergsoe appelle rudimentaire, tandis que
j'ai pu très-bien constater l’existence d’une lèvre supérieure. Les
fouets, sensitifs probablement, placés à la base des antennes posté-
rieures, ne sont pas non plus signalés par M. Bergsoe.
Les différences sont plus grandes quant à la constitution de l’ab-
domen. Je trouve une paire de pattes rudimentaires au premier
article et l’orifice génital au second. M. Bergsoe voit l’orifice génital
au premier article et une soie sensitive au quatrième. Sauf ces diffé-
rences qui seront peut-être effacées par des observations ultérieures,
le nombre des anneaux abdominaux ainsi que la structure du dernier
anneau sont absolument identiques.
Je me crois donc en droit de conclure que l’on rangerait les mâles
du Léposphile et du Philichthys dans le même genre, en leur recon-
naissant seulement des différences spécifiques, si on ne connaissait
que les mâles.
Mais les femelles sont tellement différentes, que l’on pourra bien
conserver la distinction générique.
Je ne traduirai pas ici #n extenso la description de la femelle telle
que la donne M. Bergsoe; il suffira de dire qu'elle est distinctement
annelée sur toute son étendue et porte, sur la tête comme sur le
corps, une quantité d’appendices mous, inarticulés, de formes très-
variées, qui la font ressembler aux femelles de certains Chondra-
canthes. Suivant M. Bergsoe, il n’y a aucun rudiment d’appendices
articulés ni à la tête, où le Léposphile femelle porte encore des an-
tennes rudimentaires, ni à la bouche, où nous avons décrit quelques
rudiments de mâchoires., En outre, la femelle du Philichthys porte
RECHERCHES COTIÈRES. 411
deux paquets d'œufs en forme de boudins, extérieurement entre les
appendices, ce qui la rapproche des femelles du C'hondracanthus Zer,
où les sacs ovigères sont placés aussi sous le ventre, entre les appen-
dices non articulés.
Il y a donc une différence notable entre les femelles des Philich-
thys et du Léposphile, nonobstant la grande ressemblance des mâles.
Chez les Léposphiles, les seuls vestiges des appendices latéraux nom-
breux que montrent les femelles des Philichthys, sont constitués par
les expansions latérales dans lesquelles sont logés les œufs. Tandis
que chez le Léposphile femelle il existe encore des appendices tra-
hissant la structure articulaire primitive, tout vestige de cette arti-
culation a disparu chez les Philichthys. En revanche, l'articulation
du corps est encore mieux conservée chez ce dernier, de sorte que la
rétrogradation des appendices, due sans doute au parasitisme, est en
partie rachetée par cette conservation de la segmentation.
La comparaison entre les Philichthys et les Léposphiles apporte
donc un puissant argument en faveur du principe énoncé plus haut,
savoir qu’il faut examiner et comparer les mâles des Crustacés para-
sites, lorsqu'il s’agit de déterminer leurs relations.
Si, maintenant, enhardis par cette comparaison, nous recherchons
les Crustacés qui pourraient être voisins des deux genres analysés,
nous arrivons aux Colobomates signalés par M. Hesse en 1873 (Annales
des sciences naturelles, cinquième série, vol. XVII, art. n° 44,
pl. xx1v). M. Hesse a décrit deux femelles de ce curieux genre, l’une
trouvée sur le Squale nez (Lamna cornubica), Yautre sur un Labre
(Labrus Bergylta). I n’a eu, de chaque espèce, qu’un seul individu,
ce qui explique suffisamment la description assez incomplète qu'il
en donne... |
Or, le Colobomate du Bergylta se trouvait absolument dans les
mêmes conditions que le Philichthys, savoir dans un Conduit mu-
queux élargi de la tête. M. Hesse, il est vrai, en reconnaît encore
dans son article sur les Colobomates la vraie nature des canaux mu-
queux de la tête et de leurs orifices, et tout en réparant l'erreur faite
à propos du Léposphile, qu'il voit maintenant dans les écailles de la
ligne latérale, tandis que dans son mémoire sur les Léposphiles il ne
s'était pas encore rendu compte de cette disposition, M. Hesse paraît
croire encore que le Colobomate se fore son trou dans la peau, et la
multitude de trous qui se trouvent à la surface de la tête des Labres,
lui semble prouver que ces parasites ne restent pas toujours à la
412 CARL VOGT.
même place. Les orifices des canaux muqueux placés sur la tête des
Labres constitueraient donc autant de points d'attaque de l’infati-
gable parasite. |
Quoi qu'il en soit, il est facile à voir, par les descriptions de M. Hesse
lui-même, que le Colobomatus Bergyltæ habite les canaux muqueux
de la tête du Labre et on pourra en conclure que celui du Squale a
le même habitat. Les femelles, en outre, tiennent, quant à leur forme
générale et à celle des appendices de leur corps, le milieu entre les
Léposphiles et les Philichthys. Elles ont trois paires d’appendices
mous et non articulés à la partie moyenne du corps, des appendices
élargis, mous également au front (peut-être les antennes modifiées)
et deux appendices terminaux; le milieu de leur corps est élargi,
comme chez le Léposphile, et c’est dans cet élargissement que se dé-
veloppent les œufs; dans les environs de la bouche paraissent se trou-
ver encore des membres chitineux comme chez ce dernier. Vu l’ha-
bitat et la forme du corps avec ses appendices mous et non articulés,
je me crois en droit de prétendre que ces femelles appartiennent au
même groupe'que les genres étudiés par M. Bergsoe et moi, et que les
mâles des Colobomates, si on les trouve un jour, auront une forme
rapprochée des mâles des Léposphiles et des Philichthys.
M. S. Richiardi a donné dernièrement (Atfi della Società Toscana
de Scienze naturali, vol. IT, fasc. 2) un mémoire sur deux Crustacés
habitant les canaux muqueux des poissons et qui se rapportent à la
même famille que nos Léposphiles et Philichthys. L’une de ces espèces
est rangée par M. Richiardi, dans le genre Philichthys même, sous
le nom de Ph. Sciænæ. Le Crustacé à été trouvé sur la ligne latérale
de la nageoire caudale du Maigre d'Europe (Sciæna umbra) dans des
conditions identiques à celles de l'habitat du Léposphile, dans les
voûtes des écailles, et M. Richiardi décrit très-exactement les deux
sexes. La femelle ressemble beaucoup plus, dans ses formes, au
Colobomatus de M. Hesse qu'au Philichthys Xiphiæ ; elle a, en effet,
un corps élargi au milieu, trois paires d’appendices inarticulés sur
les côtés, une paire d’appendices caudaux et une paire d’appendices
frontaux. Mais elle diffère par sa forme plus ramassée, par un appen-
dice frontal médian et par le port des ovisacs, lesquels sont, comme
chez le Philichthys, portés entre les appendices postérieurs le long
du corps. M. Richiardi voit, sur la femelle, des antennes très-petites,
à deux articles et trois paires d’appendices fort rudimentaires autour
de la bouche, ce qui diffère assez des descriptions données par
RECHERCHES COTIÈRES. M3
MM. Bergsoe, Hesse et moi pour les autres genres. Quant au mâle,
M. Richiardi lui trouve, avec raison, une ressemblance étonnante
avec celui du PA. Xiphiæ, et par conséquent aussi avec celui du Lé-
posphile décrit par moi. C’est la même forme, le même nombre de
segments avec les mêmes appendices dorsaux en forme d'ailes et la
même disposition fondamentale des appendices buccaux, antennes et
pattes. En y regardant de près, on trouve cependant des différences
dignes d’être notées. Le mâle décrit par M. Richiardi a, en effet, les
secondes antennes plus grosses et des pattes rudimentaires au pre-
mier article abdominal comme le Léposphile ; mais cette patte rudi-
mentaire, qui fait défaut au PA. Xiphiæ, ne porte qu’une soie chez le
Ph. Sciænæ, tandis que dans le Léposphile, elie en porte trois. M. Ri-
chiardi signale en outre trois paires de pattes-mâchoires autour de la
bouche, tandis que nous ne trouvons, M. Bergsoe et moi, que deux
paires chez nos espèces. Ces pattes-mâchoires diffèrent du reste, pour
la forme, de celles signalées par nous, la seconde paire de ces appen-
dices portant deux soies au sommet, tandis que dans lespèce de
M. Richiardi, toutes les trois paires sont à simples crochets. M. Ri-
chiardi ne fait pas mention de l'œil ni chez le mâle, ni chez la
femelle; il doit donc manquer, car si cet organe avait seulement
l'éclat de celui de la femelle du Léposphile, il n'aurait certes pas
échappé à un observateur aussi consciencieux.
Le second Crustacé mucicole décrit par M. Richiardi est appelé
par lui Sphærifer cornutus et trouvé dans les canaux mucipares de la
tête du Maigre (Sciæna aquila) ainsi que du Corb (Corvina nigra).
M. Richiardi identifie avec raison ce Crustacé, dont il n’a pas encore
trouvé le mâle, avec le Sphærosoma Corvinæ, décrit d’une manière
très-incomplète par M. Leydig {Archiwv für Naturgeschichte von
Troschel, XVIe Iahrg. vol. [, 4851, p. 259). Le nom donné par
M. Leydig devrait être changé, comme faisant double emploi avee
un genre de Coléoptères.
La forme de la femelle diffère entièrement de celle des autres mu-
cicoles. Une fort petite tête à peine marquée en forme de bwwu#on,
un cou long inarticulé, une partie sphérique moyenne dont pærtent
deux longs appendices mous en forme de sabre et cinq articles abdo-
minaux dont le dernier est muni de deux longs appendices, consti-
tuent cet être singulier, qui porte ses ovisacs presque globulaires
attachés aux orifices génitaux du second article abdominal, donc
exactement à la même place où se trouvent, chez le Léposphile, les
Le ue
.
A4 CARL VOGT.
organes génitaux. L'animal à un œil rouge, suivant Leydig. M. Ri-
chiardi décrit les membres attachés à la tête : deux paires d'antennes,
dont la première à trois articles et à soies terminales, tandis que la
seconde porte une pince terminale ; il dessine la lèvre supérieure et
trois paires de pattes-mâchoires : la première palpiforme, la seconde
plus interne, avec des petites dents formant une scie, et la troisième
externe très-grande, avec de formidables erochets au bout. Cette
dernière paire d'appendices, déjà décrits par Leydig, donne aux
organes buccaux un caractère tout à fait particulier.
Il y à loin de cette conformation bien développée à l'extrême ré-
duction dans laquelle se trouvent ces mêmes appendices chez les
autres femelles mucicoles. Mais, même en faisant abstraction de l'or-
ganisation des femelles, il me semble difficile de réduire ces appen-
dices sur ceux que portent les mâles. On retrouverait, il est vrai, le
même nombre de paires chez le Philichthys Sciænæ, mais quelle dif-
férence dans le développement des différentes paires,- dans les
secondes antennes et surtout dans la dernière paire des pattes-
mâchoires !
51 donc, malgré ces différences, le Sphærifer devait être rapproché .
des autres mucicoles, 11 faudrait attendre de l'examen du mâle, in-
connu jusqu’à présent, la solution des énigmes que nous pose l’or-
ganisation des organes buccaux de la femelle.
En résumant ses descriptions, M. Bergsoe s'exprime en ces termes:
« Le Philichthys Xiphiæ est un Crustacé parasite appartenant à la
section des Copépodes. Il ne vit pas, comme les autres Copépodes,
attaché à son hôte, mais il habite en liberté les canaux dilatés de sa
tête. De 1à sa peau molle, la réduction de ses membres articulés et
de son canal alimentaire, de là l'œil indistinct. Différent par ces ca-
ractères et par la forme singulière du mâle de toutes les familles de
Copépodes parasites connus jusqu’à présent, il constitue une nouvelle
famille, qui contiendra des genres adaptés et accommodés d’une manière
semblable pour habiter les canaux muqueux des poissons.»
M. Richiardi dit en terminant : « Heller met le Philichthys dans la
famille des Chondracanthes, mais il me semble que ce rapproche-
ment n’est nullement naturel; il est vrai que le corps des uns comme
des autres est généralement muni d’appendices inarticulés, et ce
caractère constituerait une affinité entre eux; mais l'existence de
prolongements cylindriques ou foliacés est très-commune chez les
Crustacés parasites inférieurs, et cette particularité ne peut avoir,
RECHERCHES COTIÈRES. | 5
par conséquent, une grande importance. Pour rechercher les affinités
de la plupart de ces Crustacés, on ne doit pas seulement tenir compte
de l’un des sexes, mais de tous les deux, et dans ce cas les mâles des
Philichthys, qui conservent presque tous les caractères des Crustacés
libres et subissent peu de changements vis-à-vis de ceux des Chon-
dracanthes, donnent aux espèces une telle supériorité incontestable,
qu'ils ne peuvent être placés avec ceux-ci dans la même famille, mais
doivent en constiluer une à part, dans laquelle trouveront place proba-
blement toutes les espèces qui vivent dans les sinus el canaux dits muci-
pares des poissons. »
Nous sommes parfaitement d'accord avec ces deux auteurs et nous
proposons la famille des Phiichthydes dénommée d’après le genre le
plus anciennement connu.
Dans cette famille prendraient place les Phiichthys Xiphiæ et
Scienæ, avec cette réserve cependant que, pour cette dernière espèce,
il faudra probablement créer un genre nouveau, les Léposphiles, les
deux espèces de Colobomates et le Sphærifer cornutus, tous habitant
les canaux dits mucipares des poissons. Nous devons réserver quel-
ques doutes vis-à-vis des deux genres Colobomatus et Sphærifer,
dont les mâles ne sont pas encore connus.
Nous pouvons donc caractériser la famille des Phihchthydes comme
suit : |
Mûles distinctement articulés, portant deux paires d'antennes, deux
paires de pattes-mâchoires, dont la première transformée en crochets
puissants et deux paires de pattes natatoires biramées. Appendices
cutanés dorsaux au deuxième article thoracique. Quelquefois une
paire de pattes abdominales rudimentaires.
Femelles plus ou moins articulées, dépourvues de membres loco-
moteurs articulés, mais munies souvent d’appendices latéraux mous
et non articulés. Antennes et pièces buccales plus ou moins rudi-
mentaires. |
SE
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LR ET LL EL
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“.
416 CARL VOGT.
PREMIÈRE SECTION
DE LA FAMILLE DES LERNÆOPODIDES.
GENRE BRACHIELLA.
Ce genre, établi par Cuvier dans son Æ#eègne animal, vol. I, est
rangé par Milne-Edwards (Hist. nat. des Crustacés, vol. HI, p. 492
et 512) dans la famille des Lernéopodiens, caractérisée par les
femelles fixées sur leur proie à l’aide d’une paire d’appendices tho-
raciques brachiformes très-grands et réunis entre eux vers le bout.
Les Brachielles appartiennent avec les genres Achtheres, Basanistes,
Tracheliastes et Lernæpoda à la section de cette famille ayant des
bras très-longs, et se distinguent des Lernéopodes par uné tête allon-
gée, tandis qu'elles ont en commun avec ce genre le manque d’ap-
pendices à la base des bras et les pattes-mâchoires postérieures pla-
cées très-près des antérieures.
M. Nordmann (Wikrographische Beitrage, Meft IF, p. 90 et suiv.) a
étudié très en détail la Brachielle du Thon (Pr. Thynni Cuv.), l’es-
pèce connue par Cuvier, celle de l'Égrefin, nommée par lui Br. impu-
dica, une autre très-voisine, Br. bispinosa, provenant aussi proba-
blement d’un Gadoïde, et il a mentionné une quatrième espèce,
Br. malleus, trouvée à Rimini, par Rudolphi, dans la bouche d’une
Forpille marbrée. Il caractérise cette espèce par la forme de son
abdomen sans appendices, qui est étroit en avant et s’élargit en
arrière de manière à ressembler à un cône renversé. Les bras, longs
et réunis au bout, portent au-devant de l'organe cartilagineux un
disque rond par lequel ils sont réunis. Les épines postérieures des
autres espèces manquent, suivant Nordmann. Le mâle, profondé-
ment enfoncé dans une ouverture vaginale, ne pouvait être extrait
sans mutilation.
Ce sont là, si je ne me trompe, toutes les données que nous pos-
sédons jusqu'à présent sur le Brachiella malleus.
J'ai trouvé, le 25 juin 1876, un assez grand nombre d'exemplaires
de cette espèce dans la cavité buccale d'une grande Torpille marbrée,
pêchée à Roscoff et que mon ami, M. de Lacaze-Duthiers, avait mise
à ma disposition avec sa complaisance habituelle. Je n'ai pu les con-
RECHERCHES COTIÈRES. MT
server en vie que pendant quelques jours, mais J'ai cherché à com-
pléter l'étude par des préparations faites au moyen de la potasse
caustique bouillante, qui éclaireit en quelques minutes les corps en
détruisant toutes les matières organiques, sauf les organes chitineux.
C'est un moyen excellent pour étudier ies appendices des Crustacés
inférieurs et qu'on ne devrait jamais négliger.
BRACHIELLA MALLEUS (RUDOLPII)
MALE.
M. Nordmann a trouvé, le premier, les mâles des Brachielles impu-
diques fixés sur les orifices génitaux des femelles, mais quelquefois
aussi sur les bras ou sur les sacs ovigères. Je ne les ai Jamais rencon-
trés qu'à l’orifice femelle et n’en ai point vu sur les femelles jeunes
qui ne portaient pas encore des sacs ovigères.
On ne peut indiquer d’une manière exacte la taille du mâle, puis-
qu'il est toujours courbé plus ou moins en arc de cercle ; en s'éten-
dant, il peut arriver à une longueur de 2 millimètres. Il ne se détache
pas facilement pendant la vie ; cependant il ne tient point avec autant
de ténacité que les mâles des Chondracanthes, qu'on trouve même
attachés encore après une cuisson prolongée dans la potasse.
On peut considérer le corps du mâle comme composé de deux
parties : une antérieure plus large et plus grosse indivise, mais qui
montre l'indication d'une division en deux segments, et une posté-
rieure plus allongée, nettement divisée en deux segments qui dimi-
nuent successivement de largeur. Le dernier segment porte deux
appendices caudaux assez longs et courbés en forme de sabre.
La partie antérieure, que nous nommerons la tête, porte les an-
tennes et l’appareil buccal ; les deux anneaux suivants sont munis
chacun d’une paire de pattes très-volumineuses et préhensiles,
l’'avant-dernier segment montre un petit appendice qui porte l’orifice
sexuel et doit être considéré comme pénis.
La tête est plus renflée en arrière, diminuant vers l’extrémité an-
térieure, qui se montre légèrement arrondie lorsqu'on voit le mâle
d'en face. Dans la vue de profil, elle a la forme d’une poire dont le
contour dorsal est convexe et présente un léger angle sortant environ
au milieu de sa longueur, tandis que le contour ventral montre en
ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, = T. VI. 1877, 27
418 CARL VOGT.
arrière un pli rentrant. Une ligne transversale et oblique se porte de
l’angle dorsal vers ce pli et sépare ainsi la tête en deux comparti-
ments, dont le postérieur contient les testicules.
Sur la face ventrale de la tête sont placées, dans un enfoncement
bordé de lignes chitineuses, les antennes antérieures où internes, for-
mées de trois articles qui diminuent d'épaisseur et dont les deux
derniers sont garnis de quelques épines courtes. J’ai compté trois
épines placées à l'extrémité et une fixée sur l'extrémité antérieure du
second article. En tout, l’antenne «n’a guère le quart de la longueur
totale de la tête.
On remarque, lorsqu'on examine l’animal placé sur le dos, une
sorte de chambranle à bord postérieur libre et arrondi entre. les
racines des deux antennes. Est-ce la levre supérieure? On ne peut en
douter, lorsqu'on considère que cette lamelle impairé et mobile
couvre l’entrée du rostre à l’œsophage et que son pourtour est garni
de fins poils microscopiques.
Immédiatement derrière les antennes est placé le rostre avec deux
paires d’appendices latérales.
Le rostre a, dans son état d'extension la plus grande, environ la
moitié de la longueur de la tête. C’est un cylindre creux, attaché
sous la lèvre supérieure, où l’on voit distinctement, dans les prépa-
rations faites à la potasse caustique, lé Comméncement de sa cavité
qui est protégée des deux côtés par deux forts bâtonnets chitineux
longitudinaux. Il est manifestement composé de deux parties : une
supérieure, laquelle, vue de profil, se présente comme une pièce
courbée ayant quelques soies au bout, et une inférieure plus large,
creusée en gouttière profonde. Ces deux parties se séparent seule-
ment au dernier tiers dé la longueur où se voit une espèce d’articu-
lation, marquée par un sillon circulaire et entourée d’une multitude
de petites pièces chitineuses encastrées dans l'enveloppe. L’extrémité
de la partie inférieure du rostre est garnie par une fine membrane
chitinéuse semblable à un voile circulaire et protégée, à la base, par
une Couronne de poils courts et roides, moins fins que ceux qui gar-
nissent le bord de la lèvre supérieure.
On voit rentrer et sortir le rostre pendant la vie et on aperçoit
aisément des grands faisceaux musculaires partant du diaphragme
céphalique mentionné plus haut, qui mettent en mouvement l’appa-
reil dans son ensemble. On peut se convaincre alors qu’en rentrant
le rostre s’invagine dans le commencement de l’æsophage, qui pré-
RECHERCHES COTIÈRES. 419
sente alors des élargissements contournés semblables à un pharynx
globuleux.
Nous disions que des deux côtés du rostre étaient attachées deux
paires d’appendices.
La première de ces paires représente, sans doute, les anlennes pos-
lérieures où externes et résulte de la transformation de la seconde
paire d’appendices du Nauplius, dont l’article basilaire s'est seul con-
servé. Ces antennes postérieures ont en effet la forme de deux masses
épaisses arrondies, un peu aplaties, soutenues par de fortes côtes
chitineuses et qui portent à leur extrémité libre une sorte de pinces
très-courtes, mais fortes, constituées par deux crochets Courbes dont
la pointe est tournée en dehors. Le crochet intérieur, plus long, est
simple, le erochet extérieur a une petite saillie à la base. Dans la vue
de profil, ces appendices masquent entièrement le rostre lorsqu'il
n’est pas parfaitement développé.
En arrière de ces grosses masses, se trouvent deux appendices
allongés, minces, à trois articles, ayant une petite branche interne à
l'extrémité du second article et terminés par deux soies assez fines.
Ces appendices sont placés très-profondément, presque sous l’ex-
trémité libre du rostre, auquel ïls sont attachés par leur base.
Nous pouvons les appeler les pa/pes, sans préjudice de leur signifi-
cation.
Je n'ai pas vu, dans l'intérieur du rostre, des pièces chitineüses
semblables à celles que j'ai rencontrées dans le rostre de la femelle
des Anchorelles.
Les deux articles suivants, que nous appellerons les segments tho-
raciques, portent chacun une paire de pattes ancreuses très-diffé-
rentes quant à la forme.
La première paire de pattes ancreuses est insérée au bord antérieur
de son segment. Soutenue par une tige arrondie, chacune de ces
pattes présente un seul article pyriforme, rempli de faisceaux mus-
culaires très-puissants qui se rendent en Convergeant vers l'extrémité
libre de l’article. Là est articulé un très-fort crochet dont la pointe
est tournée en dedans de manière à pouvoir se fermer sur un rebord
chitineux interne immobile. Vues de face, ces pattes ancreuses se
montrent réunies au milieu par une forte pièce chitineuse transver-
sale, tandis qu’à la base d’autres bâtons chitineux les lient à l’article
même. Le jeu de ces pattes est donc très-borné ; mais, vu l'extrême
solidité de toutes les pièces 'chitineuses et la forte constitution des
420 CARL VOGT.
parties musculaires, les pinces constituées par les crochets doivent
serrer et retenir l'animal avec une force considérable.
La seconde paire de pattes ancreuses est encore plussolide..…... chacune
de ces pattes semble composée de deux parties parallèles formant un
corps antérieur plus épais et arrondi et une expansion postérieure
plus transparente dans laquelle courent des faisceaux musculaires
parallèles qui sè rattachent à la face dorsale du segment. L'article
libre de la patte ressemble, dans cette position, si bien à un peloton
globulaire fortement chitinisé, que je pouvais croire, au premier mo-
ment, que les deux pattes étaient réunies ensemble au bout d’une
manière semblable aux bras réunis de la femelle. Mais l'examen de la
face ventrale dissipa bientôt cette erreur d'optique... On voit alors
que l’article terminal libre a presque la figure d’une semelle humaine,
arrondie en arrière comme un talon, élargie en avant et portant ici
une petite pince formée par un crochet épais et mobile extérieur et
une éminence intérieure en forme de massue. L'échafaudage chiti-
neux de la base de ces pattes est extrêmement fort et on y remarque
surtout deux colonnes droites qui se portent en arrière et arrivent
jusqu’au bord postérieur du segment suivant.
Le premier segment abdominal, renflé en arrière comme le second
segment thoracique, ne porte point d’appendices.
Le second segment abdomainal, plus allongé que le premier, est sur-
tout renflé vers sa face abdominale et porte ici un petit appendice en
forme de mamelon mou, qui représente le pénis.
Le troisième segment abdominal, très-court, conique, à extrémité
arrondie, porte deux appendices mous, en forme de sabre, entre les
bases desquels se trouve l’orifice anal.
Quant à l’organisation anatomique, j'ai pu très-bien suivre le canal
intestinal et le système générateur, et J'ai indiqué, en outre, dans
mon dessin, la disposition des principaux faisceaux musculaires. Les
autres organes ne se sont pas montrés avec assez de netteté et l'étude
ne pouvait être poussée plus loin à cause de la prompte mort du
petit nombre d'exemplaires que j'avais à ma disposition. Une masse
grenue peu transparente, quise trouvait derrière l’antenne et au-dessus
de l’œsophage, contient, sans doute, le système nerveux central, que
je n’ai réussi à définir éxactement,; je puis affirmer seulement que le
Brachiella mâle n’a point d'œil et que cet organe, si visible cependant
dans les mâles des Chondracanthes, fait ici absolument défaut. Il man-
que, du reste, non-seulement aux femelles, mais aussi au Nauplius..…
tt tt ed à mn
RECHERCHES COTIÈRES. 491
On suit, en revanche, très-bien l'intestin, qui dans son cours imite
la courbure générale du corps. Derrière le rostre, on voit la partie
élargie de l’æœsophage, dans laquelle Ie rostre peut rentrer et à laquelle
fait suite une partie étroite qui s'ouvre dans l'estomac élargi, lequel
en diminuant de volume se continue vers la partie postérieure. Les
parois de l’estomac, boursouflées en petits cœcums très-courts el
mamelonnés, présentent un aspect presque floconneux, dû évidem-
ment au développement des glandes qui tapissent leur face interne.
L'intestin contient des substances granuleuses et exécute les mouve-
ments de pompe habituels aux Copépodes.
Les organes génitaux commencent par deux testicules faisant suite
l’un à l’autre, de forme globuleuse et occupant, avec ceux de l’autre
côté, toute la partie dorsale du compartiment postérieur de la tête
‘au-dessus de l'intestin. Je n'ai pu suivre avec exactitude les canaux
déférents dans le premier segment thoracique ; ils étaient évidemment
vides et imperceptibles sur l'intestin opaque ; mais ils reparaissaient,
sur la face ventrale de l'intestin, dans le second segment thoracique,
sous forme d’un Canal droit, et s’élargissaient, dans le premier article
abdominal, en une ampoule peu considérable, à parois épaisses et
placée sur le côté de l'intestin. De cette ampoule, le canal déférent
forme à l'extrémité postérieure du segment un crochet et aboutit,
dans le troisième segment abdominal, en une large ampoule réni-
forme à parois très-épaisses, qui est sans doute le réservoir des sper-
matophores. Dans mes exemplaires, toutes ces parties étaient entiè-
rement vides ; le mâle avait évidemment déjà fécondé les œufs, et
l'aspect grenu des testicules démontrait qu’une nouvelle fournée de
zoospermes était en préparation. Le réservoir du côté gauche avançait
avec son extrémité arrondie Jusqu’au bord du segment, en corres-
pondance avec le pénis déjà mentionné, dont je ne pouvais voir, du
reste, la perforation.
LL} . L] . . , L2 L L2 L L L1 L1 . LL L L e . LL
FEMELLE,
La femelle est accrochée, solidement, par une paire d’appendices
réunis en forme de bras, au tissu de la muqueuse buccale, laquelle
présente, à l’endroit de fixation, une intumescence blanchâtre. Sa
longueur varie considérablement, de 5 millimètres à 140 millimètres,
422 CARL VOGT.
en mesurant séparément les deux moitiés repliées sur elles-mêmes.
Les sacs ovigères également varient beaucoup; j'en ai trouvé qui
mesuraient autant en longueur que l’animal sur lequel ils étaient
fixés, tandis que d’autres montraient la forme d’un sac court et
arrondi,
On peut distinguer, dans Ja femelle, deux parties : la partie anté-
rieure, portant les appendices articulés, y compris les bras, et la par-
tie postérieure, ayant la forme d’une pyramide allongée et aplatie.
La partie antérieure est très-mobile dans tous les sens, tandis que la
partie postérieure montre à peine quelques faibles contractions. En
le mettant sur le porte-objet, l'animal se place invariablement la par-
tie antérieure renversée en arrière, faisant la Continuation des bras
et se montrant de profil, tandis que la partie postérieure se place de
champ, montrant la face dorsale ou ventrale. Les faces dorsale et
ventrale étant parfaitement désignées par l’emplacement des appen-
dices, la partie antérieure de l’animal est donc tordue, dans la posi-
tion où on le voit toujours, de 90 degrés autour de l'axe.
La partie antérieure est'toute d’une venue, cylindrique ou plutôt
en massue légèrement renflée en avant. On remarque cependant, en
arrière de la première paire de pattes ancreuses et correspondant à
la base de celles-ci, un faible resserrement indiquant une séparation
segmentaire, La tête, abstraction faite du renflement dû aux pattes
ancreuses, se termine en mamelon arrondi et porte à son extrémité
même l'appareil buceal avec les appendices qui l'entourent,
Ce qui frappe d’abord, ce sont deux appendices très-forts en lames
aplaties et arrondies, qui s'appliquent des deux côtés sur le rostre et
cachent entièrement les parties qu'ils protégent. On ne peut mieux
les comparer qu'aux abat-jour que l’on met aux chevaux, Leur bord
antérieur et presque tranchant, garni d’une forte bordure chitineuse,
montre une incision courbe, rappelant la constitution en pince des
organes correspondants du mâle. Ils sont articulés, en arrière, sur un
article pyramidal très-épais, garni de fortes pièces chitineuses et cette
charpente se continue encore-en arrière sur les côtés du corps. Lors-
qu'on les regarde dans la position où l'animal montre la face ven-
trale, on aperçoit sur le bord postérieur, mais à la face interne de
l’appendice, une courte branche épaisse portant une petite épine.
Par leur position comme par leur forme, cependant un peu modi-
fiée, ces appendices correspondent aux antennes postérieures où exté-
RE
RECHERCHES COTIÈRES. 423
rèeures du mâle, Ils sont plus aplalis, mais ils conservent encore la
tendance de former une pince.
En dedans et un peu en dessus, vers la face dorsale, sont placées
les antennes antérieures ou 2nternes. Elles sont formées de deux parties
distinctes : l’une, supérieure et réunie à la base de l’antenne, présente
une lamelle très-transparente en forme de pouce; placée sur la face
dorsale du rostre, elle ne montre aucune trace d’articulation ; la
branche inférieure de l’antenne est composée de trois articles, dont
le dernier porte quelques poils au bout; cette branche se dirige obli-
quement en bas et se trouve si bien enchâssée entre le chambranle
de l’antenne extérieure et le rostre, que je ne réussissais, pendant la
vie, qu'à voir son extrémité, qui dépassait un peu le bord du cham-
branle. La potasse, en rendant transparente l’antenne extérieure, fai-
sait aussi apercevoir les contours de cette branche.
. La lamelle basale transparente manque chez le mâle; l’autre
branche à trois articles est plus développée chez ce dernier et la posi-
tion de l’organe entier est différente. L’antenne interne de la femelle
a glissé sur les côtés du rostre et se trouve ainsi en dedans de l’an-
tenne externe, qui la couvre presque entièrement, tandis que chez le
mâle elle est placée en avant et par suite aussi, en dehors de l’antenne
externe.
Je n’ai pu apercevoir, chez la femelle, la lèvre supérieure...
Le rostre est beaucoup plus court que chez le mâle et toujours
dirigé en avant, tandis que chez le mâle il s'applique plutôt sur la
face ventrale en arrière, En le voyant de côté, il est presque entière-
ment couvert par l’antenne externe; en plaçant l’animal sur le dos,
on voit que son orifice circulaire est entouré sur les trois quarts pos-
térieurs de sa circonférence par une lamelle chitineuse à plis rayon-
nants, lesquels finissent en courts poils roides. Cette lamelle circu-
laire est incomplète en avant et en haut, elle est remplacée sur cette
partie par un fort bâton chitineux courbé, qui se continue sur les
bords du rostre et montre, vers la ligne médiane, comme deux petits
crochets qui se rencontrent...
Le rostre est entouré, à sa base, par une ceinture de bâtons chiti-
neux eourbés et l’échafaudage se continue encore, en arrière, par
d’autres pièces, dont les postérieures, droites, sont placées le long de
la ligne médiane, |
À la base du rostre et très-rapprochés de la ligne médiane, se
trouvent les palpes, beaucoup plus développés chez la femelle que
424 CARL VOGT.
chez le mâle. Ils portent à la base une branche qui se dirige en dehors,
se termine par deux épines un peu courbées en angle, et porte en
avant et sur la face dorsale encore une épine à étages superposés. La
branche principale s’applique sur le rostre même, elle est à deux ar-
ticles et le dernier article porte plusieurs épines avec une large soie
courbée, pour la forme desquelles je renvoie au dessin.
On retrouve donc, sur la bouche de la femelle, toutes les pièces,
sauf la lèvre supérieure, que nous ‘avons signalée chez le mâle, avec
des modifications dans la forme comme dans la position, mais qui
laissent aisément déterminer les homologies.
Il en est de même pour les autres parties.
La première parre* de pattes ancreuses est allongée et placée près
de la bouche. En s'étendant, les crochets dont elle est armée peuvent
atteindre jusqu’à l’orifice du rostre, mais, dans la position ordinaire,
l'animal porte toujours ces membres repliés et croisés sous le ventre.
À la base, ces pattes sont confondues ensemble par un échafaudage
chitimeux très-considérable, qui se termine par des pièces transverses.
De cette partie confondue s'élèvent les premiers articles allongés et
articulés, par un ginglyme très-compliqué, et sous un angle aigu,
avec l’article terminal, qui s’amincit graduellement et se termine par
un fort crochet courbé, ayant une petite éminence à sa base. Ces
pattes... correspondent à la seconde paire de pattes ancreuses
du mâle.
Les bras, qui résultent sans doute de la transformation de la pre-
mière paire de pattes ancreuses du mâle, et qui, dans la larve, sont
placés en avant de la paire précédente, sont fixés, chez la femelle,
bien en arrière, sur la courbure que présente toujours le corps avec la
partie antérieure. Ge sont deux cônes chitineux creux très-allongés,
parcourus dans leur intérieur par de forts muscles rétracteurs longi-
tudinaux, et munis, en outre, de muscles circulaires transverses. Ils
s’allongent, se courbent, se contractent dans tous les sens. Dévelop-
pés, ils ont à peu près la même longueur que la partie antérieure de
1 Je les désigne ici et dans les descriptions suivantes comme première paire
d’après la position qu’e:les occupent dans l'animal adulte. Morphologiquement et
suivant les observations de Claus sur Achtheres et de Steenstrup et Lutken sur Ler-
næopoda, ce sont les pattes de la seconde paire qui ne gardent leur place larvaire
que dans Tracheliastes, mais qui dans les autres genres glissent, pendant la période
larvaire, en avant et viennent se placer près de la bouche. Je leur donne, du reste,
dans les figures, les lettres qui correspondent morphologiquement à celles employées
chez le mâle.
RECHERCHES COTIÈRES. 4925
l'animal. A leur extrémité, amincie, ils sont réunis ensemble par un
renflement élargi, sur lequel est posé, par un col assez étroit, un go-
det évasé. Toutes ces parties sont constituées par des masses chiti-
neuses très-épaisses, qui se clarifient à peine par l’action de la po-
tasse. Le godet est fixé, comme une ventouse, sur le périoste des os
qui entourent la cavité buccale, et la membrane muqueuse est serrée
autour de la tige du godet, de manière que le disque rougeûtre se pré-
sente comme un bouton placé sur la muqueuse, qui paraît un peu
injectée el gonflée.
La partie abdominale de la femelle a, comme nous l'avons déjà dit,
la forme d’une pyramide aplatie, dont le sommet tronqué est tourné
en avant. On remarque, sur la partie étroite, deux lignes transver-
sales indiquant une séparation en segments, tandis que la moitié élar-
gie en arrière ne présente aucune trace de segmentation et se montre
toute d’une venue. C’est dans cette partie non segmentée que sont situés
les ovaires. A l'extrémité postérieure du corps se voient, des deux côtés
de l’anus médian, deux courts appendices plats et pointus, qui s'ap-
pliquent sur les ovisacs et ont probablement échappé, pour cette
cause, à l'investigation de M. Nordmann. A la base de ces appendices
se.trouvent les orifices génitaux, protégés, comme toujours, par un
échafaudage chitineux assez compliqué. |
Les ovisacs sont simples ; les œufs s’y trouvent entassés sans ordre
apparent...
Aucune des femelles à ma disposition n'avait des Nauplius dans ces
ovisacs. Mais il y en avait une chez laquelle les œufs étaient assez dé-
veloppés pour pouvoir s'assurer que le corps du Nauplius, rempli, du
reste, par ‘un vitellus grenu, mais sans grandes vésicules huileuses, -
était presque rond, seulement un peu allongé dans l'axe longitudinal,
qu'il portait les deux paires de membres habituels, la première à une
branche et à soies très-longues, l’autre suivante biramée, et qu’il
avait, en outre, un court appendice caudal, replié sous le ventre et
terminé par deux forts stylets. Ce qui m’a frappé dans ces Nauplius,
c'était l’absence totale d’un œil...
Je n’ai pu voir distinctement, chez les femelles, des organes inté-
rieurs, que le canal éntestinal et les ovaires. Le premier, tout d’une
venue, à peine un peu élargi dans la partie céphalique, se porte direc-
tement, en suivant la ligne médiane, vers l’anus. Les ovaires se trou-
vent dans la moitié élargie de la partie abdominale ; ils sont toujours
| bourrés d'œufs, et sont composés d’un large canal longeant le con-
426 CARL VOGT.
tour extérieur, sur lequel sont placés, en angle droit, des cœcums
tortueux, Ils sont entourés d’un espace clair, dans lequel on voit des
contours floconneux, dus probablement à l’oviducte, très-transpa-
rent. Je n'ai pu suivre ces oviductes jusque vers les orifices
sexuels... |
Espèces connues du genre Prachiella; voir Milne-Edwards (Æuse.
nat. des Crustacés, vol. HT) : |
4. Br. Thynni, Cuv. Mâle et femelle (Milne-Edwards, vol. IE,
p. 512. Steenstrup et Lütken : Æ. danske Vedenskabernes Selskabs \
Skrifier. Femte Rackke. Femte Bind., p. 420, tab. XV, fig. 36). Sur le
Thon (7’hynnus vulgaris). Branchies.
2. Br. impudica, Nordm. Mâle et femelle (Milne-Edwards, vol. IH,
p. 513). Sur l’Egrefin (Gadus æglefinus). Branchies. |
De AT. bispinosa, Nordm. Femelle (Milne-Edwards, vol. IT, p. 514).
Sur un Gadoïde.
4, Pr. rostrata, Kroyer. Femelle (Milne-Edwards, vol IT, p. 544).
Mâle (Kroyer, Snyltekrebsene, p. 290, tab. XVII, fig. 8). Sur les Flé-
tans (/Zippoglossus maximus et pinquis). Branchies.
5. Br. Lophi, Milne-Edwards. Femelle (Milne-Edwards, vol. I,
p. 514, pl. XLI, fig, 4). Sur la Baudroie (Lophius piscatorius). Bran-"
chies.
6. Br, Malleus, Rudolphi. Femelle et mäle (Nordmann, Wikro- }
graphische Beitræge, IX, p. 95). Sur la Torpille (Torpedo marmorata).
Bouche.
7. Br. appendiculata, Stp. et Ltk. Mâle et femelle (Sieenstrup et
Lütken, loc, «t., p. 419, tab. XV, fig. 35), Sur le Séromateus paru, 4
Branchies.
8. Br. pastinacæ, Van Ben. Femelle (Van Beneden, Ann. Science.
natür., 3° série, vol. XVI, p. 118, pl. IV, fig, 8 et 9). Sur le Zrygon
pastinaca. Narines.
Je me bornerai à deux remarques. Si mon observation de la lèvre |
supérieure chez le mâle est juste (et je n’ai aucune raison d'en douter,
l'ayant vue dans toutes mes préparations), le rostre ne peut être un |
développement de cette lèvre, et doit être considéré comme une for: |
. mation à part. Il serait possible que le rostre fût seulement un déve- |
loppement ultérieur de la tunique pharyngéale interne, poussée en
permanence au dehors, et auquel la lèvre supérieure, si puissante |
en général chez les Nauplius, vient se souder à la suite ; c’est ce que |,
RECHERCHES COTIÈRES. 427
d’autres observations devront élucider. Mais, je le répète, on ne peut
plus, après cette observation positive, croire que la lèvre supérieure
soit un élément nécessaire et indispensable pour la formation du
Siphonostome. Il y aura donc, à mon avis, quelque chose à retran-
cher de l’assertion absolue de M. Claus, qui dit (Zeitschr. f. wissensch.
Zool. von Siebold u. Kælliker, vol. XXV, 1875, p. 835.) : « On ne peut
douter aussi peu du fait que le rostre allongé des Siphonostomes est
résulté d’une réunion des lèvres supérieure et inférieure, qu’on ne
peut douter qu'il y a des rostres incomplets et courts, constitués
principalement, dans leur conformation différente, par la lèvre su-
périeure. »
Ma seconde remarque a une portée particulière, à mon avis, pour
la classification.
Je l’ai déjà dit dans le mémoire précédent : Jes mâles, étant moins
modifiés par le parasitisme, doivent surtout être pris en considéra-
tion, lorsqu'il s’agit de déterminer les relations et les affinités des
Crustacés parasites. Les femelles ne viennent qu’en seconde ligne,
à cause de leur déformation plus considérable, due au parasitisme.
Or, nous connaissons un certain nombre de genres où les mâles
sont plus affectés par le parasitisme, où ils vivent fixés sur les fe-
melles et présentent des formes singulières, combinées avec une pe-
titesse extrème. Les « mâles pygmées et bossus » sont devenus fami-
_liers aux naturalistes.
Ces mâles présentent donc quelques caractères communs, faciles à
saisir, et indiquant, sans doute, une certaine parenté.
Mais, en les examinant bien, on finit par trouver des caractères
plus intimes, résultant du nombre, de la position et de l’arrangement
des appendices articulés, lesquels, à mon avis, doivent être pris en
considération pour distinguer deux familles, au moins parmi les
Crustacés Siphonostomes à mâles pygmées.
Chez les uns, la bouche est antérieure, placée à l’extrémité cépha-
lique du corps. Les antennes, les pattes-mâchoires sont excessive-
ment rapprochées et comme emboîtées les unes dans les autres, et les
antennes de la seconde paire ne sont jamais transformées en organes
de préhension.
Je cite ici, parmi les mâles connus, les genres Charopinus, Bra-
chiella, Achtheres, Lernæopoda, Lernæonema, et Anchorella.
On peut appeler ce groupe la famille des Lernæpodides.
Un second groupe a la bouche placée, en arrière, sur la face ven-
428 CARL VOGT.
trale, souvent fort éloignée des antennes, qui n’entrent, en aucune
facon, en combinaison avec les pièces buccales. Ce sont les secon-
des antennes qui constituent l'organe de fixation.
On connaît, dans ce groupe, les mâles des genres Chondracanthus,
Blias, Trichthacerus et Medesicaste.
Nous l’appellerons la famille des Chondracanthides, et nous nous
en occuperons dans la seconde partie de ce mémoire. Ici, il ne sera
question que de la famille des Zernæopodides.
D’après la conformation des mâles, on peut établir une série des-
cendante dans la famille des Lernæopodides, dans laquelle les C'ha-
ropinus occupent la place la plus élevée, montrant encore la trace de
membres natatoires, tandis que les mâles des Anchorella présentent
les modifications rétrogrades les plus considérables. Je place donc ici,
immédiatement, la description des Anchorelles, dont j'ai pu observer
une espèce.
GENRE ANCHORELLA.
Nous avons trouvé une espèce de ce genre, établi par Cuvier, en
assez grande quantité, sur les branchies du Lieu (Gadus pollackius).
C'est sans doute l'A. uncinata, connue déjà de 0. F. Mulier, et qui se
trouve assez communément sur diverses espèces de Gades. Nos exem-
plaires se rapprochent le plus de la variété figurée par Nordmann
(Mikrogr. Beitr. Heft IT, tabl. X, fig. 4 et 5), et trouvée par lui sur
les branchies de l’Egrefin (Gadus æglefinus). La femelle se fixe non-
seulement sur les branchies, mais aussi, et presque de préférence,
sur les épines qui garnissent les arcs branchiaux sur leur face interne.
Les mâles de notre espèce, ainsi que ceux de différentes autres es-
pèces, ont été décrits et figurés par presque tous les auteurs qui se
sont occupés des Crustacés parasites. Nous pouvons donc être court |
dans la description.
MALE.
Je ne l’ai trouvé que très-rarement sur les exemplaires recueillis à !
Roscoff. 11 a, comme les mâles des autres espèces, l'habitude de s'at- !
tacher à d’autres parties du corps qu'aux orifices génitaux, où je l'ai |
toujours vainement cherché...
Ce qui frappe avant tout, dans les mâles des Anchorelles, c’est, ou-
tre l'extrême petitesse, la réduction complète de l'abdomen. L’A. unct- |
nala et rugosa n’en montrent aucune trace, tandis que dans l'A. emar- |
RECHERCHES COTIÈRES. 429
ginata on voit encore un petit mamelon mou, qui en montre au
moins la place. Le corps est globulaire et même étiré en haut dans
l'A. rugosa, si, toutefois, le dessin de Van Beneden est exact. Ces
mâles ont donc plutôt l'apparence d’un Acarien, comme l’a justement
fait remarquer M. Nordmann. Tout en étant placé sur la partie anté-
rieure du corps, le rostre du mâle se trouve très-rapproché de la pre-
mière paire de pattes ancreuses, comme celle-ci est, à son tour, pres-
que contiguë à la seconde paire. Les divers appendices qui entourent
la bouche sont, malgré ce rapprochement et nonobstant leur réduc-
tion, assez espacés et placés les uns derrière les autres, et non en
dedans les uns des autres, comme chez les Brachrella.
Les antennes de la première paire, placées sur le front, mais à la face
ventrale, sont très-courtes, à deux articles, et portent à l'extrémité
quelques soies courtes.
Celles de la seconde patre sont bien plus considérables et à trois ar-
ticles, le dernier aussi pourvu de soies courtes.
Immédiatement à la suite de ces deux paires d'antennes se place
un appendice très-gros, massif, biramé au bout, avec un puissant ar-
ticle buccal. Les deux branches terminales sont inégales de force,
mais semblables de forme, et portent quelques fortes soies courbées
en crochet. Ces appendices touchent la première paire de pattes an-
creuses. Ils doivent correspondre, morphologiquement, aux palpes
du Brachiella et à la troisième paire de membres du Mauplius.
Le rostre est gros, conique, et avancé autant que les pattes. Il est
entouré de fortes pièces chitineuses, qui se courbent en arrivant sur
le bord, de manière à simuler des mandibules en crochet. Le pour-
tour de l'ouverture buccale est garni, comme d'habitude, par des
fines soies roides.
La première paire de pattes ancreuses a un article basal énorme,
pyramidal, avec un fort crochet mobile, tourné en arrière, et qui
peut se fermer sur un rebord anguleux.
La seconde paire de pattes ancreuses est plus allongée, cylindrique,
el porte au bout des pièces chitineuses petites, mais fortes, qui
forment une pince très-exiguë, portée sur une plaque rudimentaire
en semelle.
Les deux paires de pattes ancreuses sont soudées ensemble dans
la ligne médiane, par leur base. |
Je n'ai point fait d'observations sur la structure anatomique des
mâles. |
430 CARL VOGT.
FEMELLE.
Le caractère essentiel des Anchorelles consiste dans l'allongement
considérable de la partie thoracique, appelée ordinairement le cou.
CR . . ‘ . 126 . ‘ : 0 . ë , . . {d . . ‘ ‘ . : sé s VP0UAFI
L’œil a complétement disparu, comme, du reste, aussi chez le mâle ;
je n’ai pu voir dans l’intérieur que des trainées de muscles, la matrix
de l'enveloppe chitineuse et Pintestin très-dilaté. L’abdomen est large,
un peu aplati sur là face ventrale, bombé sur la face dorsale, de
forme quadrangulaire à coins arrondis, aussi large que long, On y
voit, sur la face ventrale, deux forts faisceaux musculaires, qui par-
tent des boutons d'attache, se touchent dans la ligne médiane, et s’in-
sèrent sur la partie postérieure, près de l’anus. Vis-à-vis de ces bandes
musculaires et sur là face dorsale se voit l’entestin droit, qui se ter-
mine au-dessus d’un court appendice caudal médian, en forme de
bourse élargie et arrondie. L'intérieur de l'abdomen est entièrement
rempli par les boyaux ovigères, aboutissant, des deux côtés, à deux
oviductes courbés, courant le long du bord extérieur de l'abdomen, et
s’ouvrant aux orifices génitaux, entourés d’un fort échafaudage chiti-
neux. C'est à ces orifices que sont attachés les sacs ovigères allongés,
cylindriques, et remplis d'œufs disposés sans ordre. Dans aucune de |
mes femelles les œufs n'étaient arrivés à terme ; je n’ai done pu ob-®
server le Vauplius.
Quant aux appendices qui entourent la bouche, je dois dire que,
malgré toutes les peines que je me suis données, je n’ai pu réus-
sir à les débrouiller complétement sur le vivant .... J'ai pu, en re-
vanche, les étudier convenablement sur des préparations faites à 4
la potasse,
Le rostie est assez large, court, conique, et fermé, à la face ventrale
et sur les côtés, par une membrane chitineuse ferme, garnie de plis
saillants. Le cercle n’est pas complété sur la face dorsale, où il existe #
une large échancrure. Dans l’intérieur du rostre se voient deux piè: |
ces chitineuses allongées, articulées en arrière sur une forte char-
pente, dont les prolongements soutiennent le pourtour du rostre, et
portant, en avant et sur leur face interne, une série de quatre ou cinq
dents, ce qui donne à ces pièces l'aspect d’une scie à manche. Sont-ce
les mandibules ?
En dehors du rostre et sur les côtés, mais assez rapprochés de la
|
|
|
RECHERCHES COTIÈRES. 431
ligne médiane, se voient deux appendices antenniformes, fort petits
et très-cachés, qui ne montrent guère d’articulation, et ont deux
courtes soies au bout. Derrière ces appendices se voient deux autres,
à trois articles, qui deviennent par la potasse très-transparents, et
dont le dernier article ne semble pas fermé au bout. I] y avait là,
comme j'ai pu m'en assurer sur le vivant, quelques courtes baguettes
transparentes et probablement sensitives.
En dehors de ces appendices se placent deux membres gros, épais,
aussi longs et larges que le rostre lui-même, articulés sur quelques
pièces chitineuses énormes, en forme de poutres, qui se prolongent
fort en arrière daps le corps, et forment une puissante articulation là
où l’appendice se détache du corps. Ils sont à deux articles : le pre-
mier presque cylindrique, le second placé un peu obliquement, et
garni d'un disque incomplet chitineux, à éminences mousses. Ces
membres ont quelque ressemblance éloignée, quant à la forme du
dernier article, avec la seconde paire de pattes ancreuses du mâle.
Ils protégent des deux côtés le rostre, et peuvent l’enfermer com-
plétement.
Derrière l'appareil décrit surgit la première paire de pattes an-
creuses, courbées, épaisses, soudées à la base, et portant un fort cro-
chet acéré au bout. ;
Comment les organes placés autour du rostre Correspondent-ils à
ceux du mâle ? On est, à la vérité, embarrassé. Les gros membres ex-
ternes étant, si l’on compare les Anchorelles aux Brachielles, les se-
condes antennes, on doit envisager les petits appendices comme les
premières antennes, et Ceux à trois articles comme les palpes, déjà as-
sez gros chez le mâle. Il y aurait donc homologie avec le mâle, sauf
les pièces cachées dans le rostre, que nous n’avons pu constater chez
le mâle. Mais il y a dans le rostre du mâle des pièces chitineuses sans
dents, qui correspondent, par leur position, aux scies à manche de la
femelle, et, si l’on retient cette homologie, toutes les pièces se trou-
vent également chez les deux sexes.
Les espèces connues d’Anchorelle sont très-nombreuses ; il yen a,
cependant, seulement un petit nombre dont on connaît bien les mâles.
Milne-Edwards cite, dans son troisième volume de l’Æistoire na-
turelle des Crustacés, p.518 et suiv., toutes les espèces décrites
Jusqu'en 1840; parmi lesquelles se trouvent celles observées par
Nordmann et par Kroyer dans le Vafurhistorik Tidsskrift, vol. I et IT.
Ce sont les suivantes :
432 | CARL VOGT.
4. Anchorella emarginata, Kroyer. Femelle. Sur l'Alose finte (A/osa
finta).
2. A. ovalis, Kroyer. Femelle. Sur le Grondin (7rigla qurnardus).
3. À. rugosa, Kroyer. Femelle. Sur le Loup (Anarrhichas Lupus).
4. A. uncinala, O.-F. Muller. Mâle et femelle. Sur divers Gades.
D. À. brevicollis, Milne-Edwards. Femelle. Sur le Dorset (Gadus
callarias). |
Plus tard, M. Van Beneden (Ann. des Scienc. nat., 3° sér., vol. XVI,
DL 113 et suiv.) s’est occupé des À. uncinatla, emarginata, rugosa, et :
a ajouté une nouvelle espèce, 6. À, paradoxa, trouvée sur le Maque-
reau (Scomber scombrus). M. Van Beneden décrit et figure les mâles .
des À, rugosa et emarginala. |
En 1863, Kroyer décrit une foule d’espèces nouvelles dans son |
ouvrage (Pidrag til Rundskab om Snyltekrebsene, p. 291 et suiv.).
Ce sont :
7. A. angulata, d'une espèce de Mugil de l'Amérique centrale.
8. À Lizæ, du Mugil Lizæ de la Nouvelle-Orléans.
9. A. Pagelli, d’une espèce de Pagellus de la Méditerranée.
10. A. Denticis, du Dentex arqgyrozona.
A1. À. Bergyltæ, du Labrus Bergylta.
12. A. Shichaci, du Stichacus punctatus.
13. À. agelis, du Gadus agilis.
14. À. Pagri, du Pagrus vulgaris.
15. À. dilatata, d'une espèce de Cheilodactylus du Cap.
16. A. Urolophi, de l’Urolophus Oerstedr.
17. A. appendiculata, d'un poisson pris près Valparaiso.
48. A. appendiculosa, d’un poisson indéterminé, pris à la Nouvelle!
Orléans.
19. A. laciniata, de l’Acanthurus chirurgus.
20. À. stellata, de la Merluche (Gadus merluccius).
Sur ces vingt espèces, nous connaissons les mâles des espèces sui- ;
vantes :
A. uncinata, décrit par Nordmann.
A.emarginata, décrit par Van Beneden.
A. rugosa, décrit par le même,
A. appendiculata, décrit par Kroyer.
RECHERCHES COTIÈRES. 433
FAMILLE DES LERNÆOPODIDES.
Le Lernæopoda Dalmani, trouvé dans le Raja batis, décrit d’abord
par Retzius et cité depuis par tous les auteurs, est devenu, pour
M. Kroyer (Snyltekrebs., 1863, p. 280 et suiv.), le type d’un nou-
veau genre, C’haropinus, dans lequel M. Kroyer place une seconde
espèce, Ch. ramosus, trouvée sur les branchies du Æaja clavata. Les
mâles des deux espèces ont été trouvés et figurés par M. Kroyer,
tabl. XIV, fig. 5 et 6. Voici comment M. Kroyer caractérise son nou-
veau genre. e
CHAROPINUS.
FEMELLE.
Tête médiocre, subconique ou subelavellaire, cou nul ou court. Les
pieds de la première paire subchéliformes, et ceux de la paire posté-
rieure (les bras), attachés au dos de l'animal ; les bras au moins dou-
bles de la longueur de la tête, point armés d'une sphère cornée, mais,
à sa place, munis de deux lames très-grandes et cartilagineuses, de
forme variée. Abdomen presque nul ou rudimentaire, la partie géni-
tale invaginée en avant, mais pourvu de deux grands appendices
caudaux.
MALE,
Partie antérieure épaisse, courbée, subpyriforme, portant les an-
tennes et le rostre ; partie postérieure droite, mince, pointue, à six
segments, jointe à l’antérieure sous un angle presque droit, portant
quatre paires de pattes et des appendices caudaux très-longs, presque
en forme de soies. Les pieds de la première et seconde paire sont
très-grands, très-épais, chéliformes ou subchéliformes ; ceux de la
troisième et quatrième paire rudimentaires, imitant des soies ou des
| épines.
Il me semble que le genre Charopinus a conservé plus que les
| autres que nous connaissons, les caractères primitifs développés
sans doute dans les larves. Les mâles ont un segment de plus dans
| l'abdomen que les mâles des Brachiella ; il y a en effet, entre le seg-
ment génital, qui porte aussi un pénis, et les segments à grandes
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — T. VI. 1877. 28
434 : CARL VOGT.
pattes ancreuses, deux segments portant des pattes rudimentaires
réduites, il est vrai, à des simples soies, mais pourtant reconnais-
sables. Quant aux appendices antérieurs, je trouve le même nombre
de pièces que chez les Brachiella, dans la même position, avec cette
différence cependant, que les antennes de la seconde paire ont gardé
leur forme primitive et ne sont pas converties, comme chez les Bra-
chiella, en lames épaisses couvrant le rostre latéralement. La forme
générale du corps des mâles est absolument la même que celle des
Brachiella. Quant aux femelles, elles diffèrent seulement par les par-
ties des bras servant à la fixation...
Le genre Achtheres a été fondé par Nordmann ( Wikrographische
Beitræge, XL, p.%6., pl. IV et V), et l'espèce, A. Percarum, que l’on
trouve assez communément dans la cavité buccale de la Perche flu-
viatile, décrite d'une manière magistrale. Je dois pourtant dire que
je l’ai cherché vainement jusqu’à maintenant sur les Perches du lac
de Genève. Depuis, M. Claus a étudié le développement de cette es-
pèce (Zeëtschr. f. wissensch. Zool. von Siebold u. Kœlliker, vol. IT, 1862,
p. 287) et M. Kroyer (Snyltekrebs., p. 222) a décrit deux espèces
nouvelles provenant, l’une du Pimelodus maculatus et l’autre du Perca
Laca, tous les deux originaires de l'Amérique du Nord.
Ce qui est remarquable dans la constitution du Nauplius, c’est, en
premier lieu, l'existence d'un organe frontal de fixation très-parti-
culier, consistant en un long tube étroit, enroulé en spirale et rempli
d’une substance agglutinante, qui ne devient libre que plus tard et
avec lequel la larve se fixe, et en second lieu le développement tardif
de la troisième paire de pattes primitives, laquelle ne devient libre
qu'après une mue, de sorte que le Nauplius quitte l'œuf muni seule-
ment de deux paires d'antennes natatoires. Il est vrai que cette phase
ne dure, suivant M. Claus, que quelques heures et que la seconde
phase, où la larve possède non-seulement la troisième paire primi- !
tive, mais aussi quelques membres de plus, se laisse déjà apercevoir
sous l'enveloppe première du Nauplius sortant de l'œuf.
Pendant la vie larvaire, les bras sont attachés au poisson par un |
long filament glaireux, comme l’a décrit M. Claus. La phase larvaire {|
correspondante avait déjà été décrite et figurée par MM. Steenstrup !
et Lütken (oc. cif., tab. XV, fig. 37 a) sur le Lernæopoda elongata.
Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que l’Achtheres femelle con- |
serve dans l'annulation distincte de son abdomen et dans la consti-
tution d’un céphalothorax bien limité, des caractères larvaires que !
|
|
|
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RECHERCHES COTIÈRES. 435
la plupart des autres genres ont complétement perdus. Le mâle, en
revanche, ne montre point une segmentation aussi prononcée que
les mâles des Charopinus et des Brachiella. Chez ces derniers, les
deux segments thoraciques qui portent les pattes ancreuses, sont
nettement délimités, tandis que chez les Achtheres ces deux segments
sont confondus avec la partie céphalique. La partie abdominale du
mâle est, au contraire, franchement annelée.
Le genre Lernæopoda à fourni le sujet d'une étude détaillée par
M. G. S. van Beneden (Ann. se. nal., 8° sér., vol. XVI, 1851, p. 119,
pl. IL.) faite sur le Lernæopoda Galet, qui se trouve sur la peau de
plusieurs espèces de Plagiostomes (Galeus vulgaris, Scyllium canicula,
Mustelus vulgaris, Trygon pastinaca). Le mâle est attaché sur le tho-
rax de la femelle à droite ou à gauche et relativement assez volumi-
neux, Car il atteint, d’après les dessins, environ un tiers de la lon-
gueur de la femelle.
Sauf la forme trapue du céphalothorax, le mâle présente la plus
grande analogie avec celui des Achtheres; mais, suivant Beneden, il
possède encore le rudiment d’un œil, lequel, du reste, existe aussi
dans les Nauplius des deux genres... La femelle se rapproche davan-
tage des Brachiella ; elle montre deux prolongements mous sur le front
et seulement des indications fort rudimentaires de la segmentation
dans la partie antérieure de l'abdomen. Les Nauplius n’ont, suivant
le même auteur, que deux paires d’appendices natatoires, tous les
deux biramés (?), ainsi qu’un œil médian. Comme je l’ai déjà dit, ces
observations sur les Nauplius demandent encore une étude sérieuse.
Quant aux organes de la bouche, je leur trouve une très-grande
analogie avec ceux des Achtheres..….
En 1861, MM. Steenstrup et Lütken ont donné des dessins, accom-
pagnés d'une courte description, qui se rapportent au développement
du Zernæopoda elongata, dont la femelle se fixe sur l'œil des requins
(loc. cit., p. 422; tab. XV, fig. 37).
Nous n'avons que peu à dire sur le genre Lernæonema, établi sur
un parasite trouvé sur les branchies du Mustelus vulgaris par van
Beneden (Ann. se. nat., 3 série, vol. XVI, p.195, pl. VI, fig. 11 et 19).
La femelle, effilée et filiforme, manquerait de toutes espèces d’ap-
| pendices articulés... Tout en présentant une forme très-insolite par
| un céphalothorax arrondi et un abdomen mou globuleux au bout,
| terminé par deux mamelons, ce mâle présente les deux paires de
436 CARL VOGT.
pattes ancreuses, la trompe antérieure et une paire d'antennes au-
dessus...
Parmi les genres dont les mâles sont inconnus, il y en a plusieurs
qui doivent rentrer sans doute dans la famille des Lernæopodides.
Je place ici en premier lieu le 7racheliastes polycolpus, trouvé par
Nordmann sur les nageoires del’Aland (Cyprinus Jeses.) (loc. cit. p.95,
pl. VII). La femelle, seule connue, se rapproche dans toute son orga-
nisation des Brachiella et on la rangerait sans doute dans ce genre,
si la première paire de pattes ancreuses ne se trouvait reléguée fort
en arrière entre les bras, au lieu d’être rapprochée des organes buc-
Caux En outre, les Nauplius observés par Nordmann (fig. 7 et 8),
non-seulement au moment de leur sortie de l'œuf, mais après la pre-
mière mue, où ils ont gagné quelques paires de pattes de plus, ont.
une ressemblance étonnante avec les Nauplius des Achtheres et pos- |
sèdent, comme ces derniers, l’organe d’attache frontal en spirale.
Je dois faire remarquer ici que le Nauplius du Lernæo Poda Gale,
figuré par van Beneden (/0c. cit. pl. V, fig.19 et 13), montre aussi seule-
ment deux paires d’appendices natatoires, comme les Nauplius des
Achtheres et des Tracheliastes ; de sorte que ce caractère d’un Nau- |
plius à deux paires de pattes natatoires primitives pourrait bien être
général pour toute la famille des Lernæopodides. Un doute est cepen-
dant permis sur l'exactitude des observations de M. van Beneden,
qui dit expressément que les appendices sétifères « antérieurs sont
biramés », tandis que Nordmann soutient, au contraire, que cette pre- |
mière paire est uniramée chez les Nauplius et que la seconde paire |
seulement est divisée à son extrémité. Or, comme c'est une loi géné- !
rale, que la première paire des appendices du Nauplius soit uniramée, |
tandis que les deux suivantes sont biramées, on peut croire qu'il y à |
ici une erreur d'observation, commise par van Beneden. |
Le genre Thysanote, dont la seule espèce connue (7h. Pomacanthi) |
habite les branchies du Pomacanthus Paru, des mers de l'Inde, a été |
établi par Kroyer (Snyltekrebs., p. 288, tab. XV, fig. 1). Le mâle |
étant inconnu, on peut rester d'autant plus dans le doute sur sa posis {
tion dans la famille, que la femelle offre des caractères singuliers... |
Nous pouvons constater les faits suivants :
RECHERCHES COTIÈRES. 437
4° Une paire d'antennes antérieures, placées presque immédiate-
ment sous le rebord frontal du bouclier céphalothoracique et gardant
sa fonction sensitive démontrée par ses soies. Ces antennes antérieures
sont toujours plus développées chez le mâle que chez la femelle;
2 Une paire d'antennes postérieures, placées à la suite ou en de-
hors des antennes antérieures et transformées en organes de protec-
tion pour la trompe. Ges antennes postérieures sont toujours plus déve-
loppées chez les femelles, où elles deviennent des lames très-épaisses,
arrondies et crénelées sur leur bord libre ou présentant même une
espèce de pinces. Chez les mâles, au contraire, elles sont toujours
beaucoup plus faibles et gardent même, comme chez les Anchorelles,
leur forme primitive sétacée et cylindrique ;
3° Une paire de palpes, ordinairement bifides au bout, avec une
petite branche, portant une soie, à la base et placée à la base de la
trompe près de la ligne médiane ;
4° Une paire de pattes ancreuses, ayant toujours le caractère pré-
hensile..... Dansles femelles, cette paire de pattes reste en général très-
svelle, avec des crochets minces, tranchants et courbés au bout, et
se rapproche tellement des organes buccaux, que les crochets peuvent
se croiser devant la base de la trompe. Il n’y a que le genre Trache-
liastes où cette paire de pattes reste refoulée en arrière et garde sa
place larvaire..…….
5° L'autre paire de pattes ancreuses subit les modifications les plus
considérables. Très-forte et très-épaisse, franchement préhensile,
| elle offre chez les mâles moins dégénérés une structure très-compli-
_quée, mais peut aussi se rabougrir et disparaître complétement chez
|_ quelques mâles...
Chez les femelles, au contraire, cette paire de pattes ne reste jamais
articulée. Elle glisse presque toujours en arrière à l’âge adulte, se
| transforme en bras ou en bouton et est adaptée entièrement à la
fixation à demeure de l’animal..….
Quant à la trompe, nous devons dire qu’elle est formée essentiel-
lement par la lèvre inférieure, tandis que la lèvre supérieure n’y
| prend qu'une part plus ou moins restreinte et reste complétement en
dehors dans les mâles des Brachiella, Le bord de l’orifice de la trompe,
entouré de soies roides, est toujours complet du côté ventral, tandis
| qu’il reste plus ou moins incomplet du côté dorsal. La trompe est
| plus longue et plus étroite chez les mâles que chez les femelles et on
peut distinguer dans l’intérieur de cette trompe chez quelques
*
438 CARL VOGT.
femelles (Anchorella) des lames en forme de soies chitineuses, que
je n’ai pas pu voir chez les mâles ni chez les femelles des Brachiella.
Maintenant il sera plus aisé de caractériser cette famille.
LERNÆOPODIDES : Cinq paires d’appendices articulés composés de
deux paires d’antennes, une paire de membres buccaux (palpes) et
de deux paires de pattes thoraciques ancreuses. La trompe, formée
principalement par la lèvre inférieure et munie quelquefois de pièces
chitineuses internes, est placée à l'extrémité antérieure du corps. Les
antennes ne deviennent jamais préhensiles, la seconde paire d’an-
tennes est transformée en pièces protectrices de la trompe.
Mûles. Corps le plus souvent articulé, quelquefois confondu en une
seule masse. Antennes antérieures toujours développées. Pattes an-
creuses toujours articulées et préhensiles. (La seconde paire peut
disparaître (Anchorella rugosa ?). |
Femelles. Corps le plus souvent non articulé. Première paire d’an-
tennes, moins développée. Première paire de pattes ancreuses non
articulée, transformées en bras ou en boutons. Seconde paire de
pattes ancreuses articulée, le plus souvent crochue et rapprochée de
la bouche.
Genres dont les mâles sont connus : Charopinus, Brachiella, Ler-
næopoda, Lernæonema, Anchorella.
Genres dont les mâles sont inconnus : 7racheliastes, Basanistes,
Thysanote.
SECONDE SECTION
FAMILLE DES CHONDRACANTHUDES
GENRE CHONDRACANTIIUS.
Ce genre, établi par Delaroche (Bull. Soc, philomatique, 1811), est |
aujourd’hui un de ceux qui comptent le plus d'espèces. Dans ses |
Snyltekrebs (4863), M. Kroyer en énumère qualorze espèces, aux À
quelles il faudrait encore ajouter peut-être deux, énumérées en
partie par M. Kroyer lui-même dans sa première publication, et f
adoptées par Milne-Edwards, lequel, dans son troisième volume, en |
décrit huit espèces seulement (1840). Une des espèces comprises au- |
|
|
|
|
RECHERCHES COTIÈRES. | 439
trefois dans le genre Chondracanthe fait aujourd'hui le type du genre
Diocus (2. Gobinus).
J'ai pu examiner trois espèces différentes, trouvées à Roscoff : le
Ch. cornutus (0.-F. Muller), très-commun sur plusieurs espèces de
Pleuronectides, surtout la Plie et la Limande; le Ch. gibbosus (Kr.),
abondant sur la Baudroie (Lophius piscatorius), et le CA.Zei (Dela-
roche), assez commun sur la Poule d’eau (Zeus faber), où il se fixe
non-seulement sur les feuillets branchiaux, comme les deux autres
espèces, mais aussi sur les arcs branchiaux eux-mêmes, ainsi que sur
les dentelures de ces arcs.
L . 0 . . L 0 . . e. . é . . 0 L3 . 0] e. L . . . . . LU e. . . . LA
MALE,
Les mâles des Chondracanthides tiennent à leurs femelles avec
beaucoup plus de fixité que ceux des Lenæopodides. Sur les fe-
melles des trois espèces observées, je n'ai jamais trouvé qu’un seul
mâle...
Je prends comme type le mâle du Ch. gibhosus, examiné déjà par
Rathke (PBeitræge zur Fauna norwegens, Nov. Act. Acad. natur. curios.,
vol. XX, 1848, tabl. V) et Claus (Ueber den Bau und die Entwicklung
parasitischer Crustaceen, 4°, Cassel, 1858, p. 3 et tabl. I). Les rap-
ports entre les volumes du mâle et de la femelle ne peuvent pas être
déterminés exactement, la grandeur de la dernière variant dans des
limites très-considérables. Tandis que le mâle a toujours la même
grandeur et atteint tout au plus la longueur de 1 millimètre, les fe-
melles portant des mâles peuvent varier de 1 centimètre à 2 et même
davantage.
Le corps du mâle à, dans son ensemble, la forme d’une poire assez
allongée et courbée au milieu. Les segments sont très-effacés ; on
remarque, cependant, une ligne de démarcation assez sensible entre
le céphalothorax, très-renflé, et le thorax et des ondulations indi-
quant des segments postérieurs. Chez le mâle du CA. cornutus, au
contraire, les segments sont beaucoup mieux accusés ; on en trouve,
derrière le céphalothorax, deux portant des pattes natatoires rudi-
mentaires, et trois formant l'abdomen, terminé par une double
fourche caudale.
Le céphalothorax, très-renflé, porte, à son extrémité antérieure,
les deux paires d'antennes.
440 CARL VOGT.
La première paire d'antennes est cylindrique, recourbée un peu
en dehors dans son milieu, et composée de trois articles, dont
le terminal est le plus allongé. Les deux derniers articles sont gar-
nis de deux courts poils forts, mais pointus au bout et sans bouton
terminal.
La seconde paire d'antennes est transformée en organe d’attache.
C'est un crochet énorme, très-fort et très-acéré, recourbé et formé
d'une chitine très-épaisse, lequel est articulé sur un article moyen,
de forme presque carrée, et reposant sur un article basal appuyé par
un échafaudage chitineux, lequel est soutenu encore par une poutie
chitineuse transversale, très-forte et allant presque d’un côté à l’au-
tre. Les deux crochets peuvent se croiser avec leurs bouts, qui se
montrent toujours enfoncés dans la peau de la femelle,
Outre un œil médian, placé profondément dans les tissus et per-
ceptible seulement lorsque l’animal se présente en profil, je n’ai pu
voir, dans l'intérieur du céphalothorax, très épais et peu transpa-
rent, que des forts muscles striés, dont les faisceaux se dirigent,
en général, depuis le point culminant de l’anneau céphalothoraci-
que, vers les différents appendices articulés en rayonnant sous
forme d’éventail. Ces masses musculaires empêchent de distinguer
avec précision le commencement de l'intestin, ainsi que le système
nerveux central.
La bouche est reculée très en arrière sur la face ventrale. Je n’ai pu
y voir qu'une trompe excessivement courte... Dans le Ch. cornutus,
cette trompe, dégarnie de tout stylet intérieur, se laisse encore plus
facilement voir que dans le C’k. gibbosus, où elle est ordinairement si
bien retirée, qu'elle se cache sous une /évre supérieure, arrondie en
demi-cercle et garnie de poils très-fins.
On trouve, des deux côtés de la bouche, trois paires d’appendices
articulés, dont la forme est assez différente chez les différents mâles
examinés. :
Chez le Ch. gibbosus, les trois pattes-mächoires, comme nous les
appellerons, ont une structure semblable. Chaque patte-mâchoire
est composée de trois articles : un article basal court et renflé,
un article médian plus long et moins épais, et un fort crochet
courbé en lame de sabre, dont la convexité est tournée en arrière.
Les trois paires ne se distinguent que par la grandeur : la pre-
mière est la plus petite, la troisième la plus longue ; tous les cro-
chets sont finement crénelés à leur bord convexe, et la troisième
RECHERCHES COTIÈRES. al
porte, en outre, de fines crénelures semblables sur le bord interne
de son second article. Cette dernière patte- mâchoire peut s’abais-
ser de manière qu'elle semble quelquefois ne pas prendre son in-
sertion sur le céphalothorax..….
Chez le Ch. cornutus, les mêmes trois paires de pattes-mâchoires
existent, mais, tandis que les deux paires postérieures ressemblent
assez à celles du Ch. gibbosus, sauf qu’elles sont plus allongées,
plus grêles, et leurs crochets moins forts et non dentelés, la première
paire est transformée en une large plaque, fortement dentelée sur
son bord libre qui, dans certaines positions, a plutôt la forme d’une
roue de rencontre semi-circeulaire..….
Derrière le céphalothorax se trouvent deux articles fort diminués,
nettement accusés dans le Ch. cornutus, faiblement indiqués chez le
Ch. gibbosus, qui portent chacun une paire de pattes natatorres rudi-
mentaires, très-rapprochées de la ligne médiane. Ces pattes, courtes
etmassives, sont composées de deux articles et portent à leur sommet
deux soies, d'égale grandeur chez le C'h. cornutus, différentes chez le
Ch. gibbosus, où l’une est longue et grêle, tandis que l’autre a plu-
{tôt l'air d'une courte épine.
A ces segments, munis de pattes rudimentaires, se joignent trois
segments diminuant rapidement de volume, et terminés par une fur-
cule peu considérable...
La structure intérieure des mâles n’est pas facile à étudier. Ils sont
très-peu transparents, et les muscles épais, développés dans le cépha-
lothorax, cachent les organes intérieurs de cette partie. On distingue
cependant facilement l'œil par son pigment noir: Il semble double
chez le Ch. cornutus, simple, mais entouré d’un halo transparent,
chez le CA. gibbosus.……
Il en est de même de l’œsophage, qui monte, sans doute, depuis la
bouche, directement en haut, pour s’aboucher à angle droit avec l'in-
testin, toujours rempli de substances opaques paraissant noirâtres
sous le microscope. Je crois, cependant, avoir vu assez distinctement
l'æœsophage dans le CA. gibbosus. L’estomac, situé en grande partie
dans le céphalothorax chez le Ch. cornutus, commence par une large
poche pyriforme, dont les parois sont parsemées de points glandu-
laires opaques ; il se termine en queue, à la hauteur du premier seg-
ment apode. Les derniers segments sont parcourus par le rectum, très-
transparent et difficile à apercevoir, pour se terminer à la base de
la furcule.
442 CARL VOGT.
Des deux côtés de l’estomac et plutôt sur la face dorsale, se.trou-
vent les festicules, larges sacs vésiculaires remplis de zoospermes en
voie de formation. De l'extrémité de ce sac testiculaire sort le canal
déférent, à parois épaisses, que j'ai vu droit chez le Ch. cornutus,
mais tordu sur lui-même sur le Ch. gibbosus, où M. Claus le figure
aussi comme descendant en ligne droite vers la queue. Dans l’avant-
dernier segment, le canal s’élargit en un large réservoir, lequel, cepen-
dant, m'a paru composé de retours entortillés du canal chez le
Ch. gibbosus, et de ce réservoir il se porte vers l'extrémité de la
queue, pour s'ouvrir près de l’anus, entre les furcules.
C’est ainsi, au moins, que je l’ai vu chez le Ch. cornutus. Chez
un mâle du Ch. gibbosus, j'ai vu un pénis mince et grêle sortir
de l’orifice séminal. Ce pénis était terminé en bouton, et ce bouton
portait des épines très-petites, mais nombreuses. Il n’était pas
perforé...
FEMELLE.
Les femelles des Chondracanthes se signalent surtout par les
appendices plus ou moins nombreux qui se présentent sur leur
corps et qui résultent en partie de la transformation de pattes,
tandis que les autres sont des expansions de l'enveloppe chi-
tineuse.
Le type le plus simple est représenté par le CA. cornutus, chez
lequel ce sont les pattes natatoires transformées seules qui con-
stituent ces appendices, tandis que les deux autres espèces pré-
sentent encore dés expansiens cutanées, qui deviennent tellement
nombreuses chez le Ch. Zei, qu’elles donnent à cet animal l'aspect
du porc-épic. |
Chez le Ch. cornutus, on peut aisément distinguer quatre par-
ties distinctes du corps : le céphalothorax, arrondi, presque glo-
bulaire, portant les antennes et les pattes-mâchoires ; le thorax,
composé de deux anneaux fusionnés ensemble et portant les deux
paires de pattes transformées ; l’abdomen, composé de deux seg-
ments dans lesquels se développent les ovaires et qui se termine
par deux appendices latéraux coniques, et enfin le post-abdomen,
composé de deux segments également ayant une forme de trèfle de
carte et contenant les orifices des oviductes, et l'anus au milieu. C'est
sur cet appendice que se fixe toujours le mâle. On parvient encore
à distinguer ces différentes parties chez les jeunes femelles des deux
RECHERCHES COTIÈRES. 443
autres espèces que j'ai étudiées ; mais lorsque ces femelles sont adul-
tes, les segments correspondant au thorax el à l'abdomen se confon-
dent en s’effacant sous le développement des appendices cutanés. On
ne peut alors distinguer que le céphalothorax d’un côté et le post-
abdomen de l’autre.
Le Ch. cornutus représente donc, dans l’état adulte, les deux autres
espèces à l'état jeune. En effet, en comparant les femelles du
Ch. cornutus avec les dessins de jeunes femelles du C4. gibbosus don-
nés par M. Claus (loc. cit., pl. I, fig. 3 et 4) ou celui du CA. Zei, on
constatera aisément qu'il n'y a guère de différences à signaler, et
que l’on pourrait rattacher ces jeunes femelles au CA. cornutus, si on
les trouvait seules et sans connaître le poisson dont elles pro-
viennent.
Il me semble que c’est là un fait important à constater et qui parle
fortement en faveur du transformisme des espèces et de leur descen-
dance d’une forme originaire commune. Comment s'expliquer autre-
ment, en effet, cette ressemblance des espèces dans leurs jeunes
âges, qui deviennent si différentes plus tard ? Le Ck. cornutus reste,
quant aux formes, à cet état quasi-larvaire, en développant seule-
ment ses organes génitaux ; les deux autres espèces dépassent cet
état en dépensant quelques efforts économiques à la formation de ces
expansions cutanées dont elles sont hérissées.
Les premieres antennes, placées à fleur du front et séparées seule-
ment par une échancrure médiane peu considérable, sont fort diffé-
rentes de celles du mâle. Elles sont larges et aplaties, ayant la
base élargie en forme de lamelle dont le bord extérieur est arrondi,
tandis que le dernier segment, beaucoup moins large, se recourbe
un peu vers l’intérieur. .….
La seconde paire d'antennes est transformée, comme chez le mâle,
en deux crochets très-forts en chitine, d'une couleur jaune-bru-
nâtre, implantés sur de larges bases circulaires, très-courbés et poin-
tus, et qui peuvent se croiser sur la ligne médiane. C’est avec ces
crochets que l'animal est fixé très-solidement:..…
Les parties latérales de la tête sont renflées, le plus fortement,
chez le Ch. cornufus, de manière à former des joues, et présen-
tent ainsi une certaine ressemblance avec la tête des Lernanthro-
pus, où ces joues, constituées par le rebord de la tête, sont très-
fortement prononcées.
444 CARL VOGT.
La bouche, située très en arrière, sur le segment du céphalothorax,
est entourée, comme chez le mâle, de trois paires de pattes-mâchotres.
On ne peut pas parler d’une trompe ou suçoir, lequel est déjà si insi-
gnifiant chez le mâle...
Chez le CA. cornutus, on voit manifestement une lèvre supérieure,
sous forme d’une lamelle transversale large, un peu évasée au mi-
lieu de son bord libre. Cette lèvre est encore bien visible chez le
Ch. gibhosus, où elle présente, sur son bord libre et sinueux, des
fines aspérités chitineuses, qui lui donnent un aspect granuleux.
Chez le Ch. Zei, cette lèvre paraît remplacée par quelques émi-
nences Calleuses, au nombre de cinq, dont la médiane et les deux
voisines se terminent par des boutons arrondis et associés ensemble,
tandis que les deux éminences externes, un peu plus reculées, ne
montrent qu'un seul bouton. Chez cette même espèce, les articles
terminaux des deux paires de pattes-mâchoires antérieures sont
dentelés en peigne sur leurs bords postérieurs, tandis que la troi-
sième paire, plus épaisse et plus rapprochée de la ligne médiane,
porte seulement un petit crochet lisse au bout... Chez le CA. cornu-
tus, enfin, les pattes-mâchoires, surtout celles de la troisième paire,
sont beaucoup plus minces et allongées, et les deux premières por-
tent des dentelures assez fortes, en peigne. L'article médian de la
troisième paire porte, chez cette espèce, une large épine peu
solide.
J'ai vu, sur des préparations à la potasse, un appendice très-ca-
ché entre les bases de la première et de la seconde paire de pattes-
mâchoires, chez les Ch. gibbosus et cornutus. Court et trapu, cet
appendice est simple au bout chez les Ch. gibbosus, trifide chez le
Ch. cornutus. Peut-on le désigner comme palpe ? Je n’ai rien vu de
semblable chez le Ch. Zeï. |
Les appendices cutanés du CA. cornutus correspondent, comme
l'a très-bien fait remarquer M. Claus, aux deux pattes thoraciques
rudimentaires du mâle. Ils sont bifides, mais dépourvus de toute
articulation, qui se trouve seulement indiquée par des étrangle-
ments peu apparents.
Le post-abdomen présente des différences considérables chez les
trois espèces. Tandis que chez le CA. cornutus c’est un simple moi-
gnon arrondi, à la base duquel se trouvent les orifices génitaux
entourés d’un fort échafaudage chitineux, il présente, chez le Ch. Ze,
deux appendices séparés, articulés et terminés en pointe, entre les-
RECHERCHES COTIÈRES. 445
quels on voit fort distinctement la fente anale longitudinale, très-
petite, il est vrai, et terminant le rectum transparent. Chez le
Ch. gtbbosus, enfin, c’est un appendice rhomboïdal à angles émoussés,
entouré par un fortrebord chitineux, et dont la pointe est tournée en
arrière. Aux deux angles latéraux du rhomboïde sont attachés deux
appendices courts, composés de trois segments, dont le premier est
presque globuleux, tandis que le troisième est constitué par un cro-
chet faible et courbe. — Chez cette même espèce se voit encore une
autre particularité, que je n’ai pas retrouvée chez les deux autres es-
pèces : au-dessus des orifices génitaux, et attachés au contour de
l'édifice chitineux qui les entoure, se voient deux mamelons coni-
ques, composés par des fortes cellules chitineuses, qui sont placées
les unes à côté des autres, comme un épithélium composé de cellules
coniques, dont la base serait tournée en dehors...
Je n’ai que peu de chose à ajouter à ce qu'ont dit les observateurs
antérieurs sur l’anatomie des Chondracanthes femelles. L'œil, si visi-
ble encore chez le mâle, manque absolument aux femelles. L'intes-
tin est assez différemment constitué. M. Claus conteste qu'il y ait
une ouverture anale ; il combat, sous ce point de vue, les observa-
tions antérieures de Rathke.
Je dois vous dire que j'ai vu l’orifice anal, aussi clairement qu'il
est possible de le voir, chez le Ch. Zei.…..
L’intestin est tout droit et très-étroit, sans diverticules latéraux,
chez le CA. cornutus, où j'ai pu l’étudier avec facilité sur une jeune
femelle, dont la transparence, non encore troublée par le développe-
ment des ovaires, laissait même parfaitement apercevoir les deux
couches interne et musculaire dont il se compose. Chez le CA. gtbbo-
sus, 1l présente des diverticules peu apparents dans le Jeune âge ;
chez le Ch. Zei, il montre des cœcums latéraux très-gros, qui se ra-
mifient et entrent, conjointement avec les boyaux ovariques, dans les
appendices cutanés.
M. Claus ayant mis en question la nourriture des Chondracanthes,
je me crois obligé d’en dire quelques mots. Je n’ai jamais vu, chez
aucun des nombreux Crustacés parasites observés par moi, des élé-
ments sanguins dans lintestin, pas plus chez les Chondracanthes que
chez d’autres. J’y ai toujours vu des masses plus ou moins granuleu-
ses, plus ou moins liquides, et parfaitement incolores ou grisâtres au
début, dans le voisinage de l’œsophage, qui se coloraient petit à pe-
tit en brun noir en parcourant l’intestin. Cette coloration est évidem-
446 CARL VOGT.
ment due aux sécrétions qui se font dans l'intestin et aux transforma-
tions chimiques qu’y subissent les aliments... Je dirai encore qu’un
grand nombre de ces parasites habitent des endroits où ils ne peuvent
pas se procurer du sang, tels, par exemple, les Caliqus, qui se promè-
nent sur la surface extérieure des écailles. Je suis donc convaincu
que, malgré leur fixation sur les lamelles branchiales, ces animaux se
nourrissent, dans la grande majorité des cas, des mucosités et de
l’épithélium, si abondant partout où ils se trouvent. Les mâles pyg-
mées, fixés sur leurs femelles, qui certes ne peuvent sucer du sang
des poissons, ont dans leurs intestins absolument la même substance
grumeleuse que les femelles.
Il est vrai qu'on voit assez souvent des ecchymoses, des sugillations
de sang là où ces parasites sont fixés, que, souvent, comme la fait
remarquer Nordmann, les feuillets branchiaux sont tuméfiés, blan-
châtres et même entièrement déformés. Mais ces phénomènes me
paraissent être la conséquence nécessaire des blessures faites par les
organes de fixation, et on ne les voit qu'’autour de ces crochets, plu-
mets, boutons, etc., par lesquels les animaux sont fixés. C’est ainsi
qu’on les voit autour des boutons avee lesquels les Brachielles et les
Anchorelles sont fixés, et non pas à portée de leur tête, où se trouve
cependant la bouche avec ses instruments. Si ces animaux su-
çaient réellement le sang circulant dans les branchies, après avoir
blessé ces organes au moyen de leurs pattes-mâchoires ou styles, il
ne leur serait pas indifférent, comme c’est pourtant le cas pour PAn-
chorella uncinata, de se fixer sur un feuillet branchial riche en sang
ou sur une dentelure osseuse de l'arc branchial, dans laquelle on
trouve à peine quelques vaisseaux guère perceptbles. Sauf quelques
exceptions, ces animaux me paraissent donc plutôt rechercher les
branchies, les arcs branchiaux et, à l’extérieur, les bases des na-
geoires, parce qu'ils y trouvent toujours un renouvellement de l’élé-
ment ambiant. Si l’on considère que la production de courants et
de tourbillons dans l’eau qui circule entre les œufs est une con-
dition essentielle pour le développement des œufs de la plupart
des Crustacés, on se dira peut-être que c'est là le mobile qui fait
rechercher, par le parasite fixé, les localités indiquées à grand cou-
rant d’eau. Mais quoi qu’il en soit de cette considération, ce que je
tiens à constater comme un fait acquis par l'observation, c'est que
j'ai encore à trouver une espèce de Crustacé parasite, dans l'intestin
de laquelle se retrouveraient les élements du sang de l'espèce qu'elle
RECHERCHES COTIÈRES. 447
habite. Je n'ai pu même en découvrir dans l'intestin des Lernanthro-
pes, dont, cependant, toutes les lacunes vasculaires et la cavité abdo-
minale sont remplies par un liquide nourricier rouge et transpa-
rent, maintenu en circulation par les mouvements de pompe de
l'intestin.
Je conclus, en conséquence, que les Crustacés siphonostomes ne
sont point suceurs de sang, comme on l’a admis-Jusqu'ici, mais man-
geurs de mucosilés. 3 |
J'ai pu examiner les Vauplius des Ch. gibbosus et Zer, qui se res-
semblent à tel point qu’on pourrait les confondre. Ils diffèrent, en
revanche, beaucoup des Vauplius des Lernæopodides, et se ratta-
chent davantage aux formes ordinaires. Ils quittent en effet l'œuf
avec les trois paires d’appendices habituelles, les antennes antérieures
simples, avec une soie natatoire longue et une épine au bout, les
deux paires des membres suivants bifides, à quatre soies natatoires au
bout de chaque bras. L’œil rouge est manifestement composé de deux
moitiés, et au-devant de lui se trouvent deux points circonserits
brillants, enfermés comme l’œil dans un espace circulaire transpa-
rent. Le corps du Vauplius est ovalaire, très-renflé lorsqu'on le voit
de profil, et tronqué verticalement en avant, tandis qu'il se termine
en arrière par deux soies courtes. Il y a une grosse lèvre abdominale
faisant saillie, d'un aspect granulé et nettement arrêté dans ses con-
tours antérieurs. J’ai vu une segmentation indistincte chez le C4. Zer,
que je n'ai pu apercevoir chez le Ch. gibhosus. On ne voit, dans l’in-
térieur du corps, que les grands muscles obliques, qui se rendent de-
puis le sommet dorsal de la carapace vers les membres, un paren-
chyme granuleux, accumulé surtout sur les côtés et composé de
grandes cellules à parois très-minces et lâches, et la masse vitel-
laire, accumulée au centre et formant de grosses bulles oléagineuses
d'une couleur brune-rougeâtre..…….
Je n'ai pas besoin d’insister sur la différence fondamentale entre
les Nauplius des familles étudiées. Ici nous n’avons aucune trace de
cet organe de fixation transitoire, placé dans le front des Nauplius
des Lernæopodides ; nous ne voyons pas non plus le retard exception-
nel apporté dans le développement de la troisième paire des mem-
bres ; tandis que les Nauplius des Lernæopodides se distinguent en-
tre tous, ceux des Chondracanthides rentrent dans le type ordinaire
des Copépodes libres.
Les Nauplius du Ch. Zeï.étaient d’une vivacité peu commune
448 CARL VOGT.
parmi les Crustacés parasites. Ils nageaient avec rapidité et se por-
taient, dans le bocal, de suite vers la partie éclairée, où ils grouil-
Jaient pendant deux jours, pour mourir ensuite, sans avoir subi une
transformation...
Les genres et espèces que nous devons rapporter aux Chondra-
canthides, suivant les caractères des mâles connus, sont les suivants :
Blias (Aethon) Prionoti Kollar. (Kroyer, Snyltekrebs., p. 262,
tabl XI fig5)$
Trichthacerus Peristedii Kr. (Kroyer, tbid., p. 264, tabl. XIV, fig. 7);
Hedesicate Triglarum, Kr. (Kroyer, ibed., p. 312, tabl. XVIE, fig. 4);
Silentum Polynoës Kr. (Kroyer, ibid., p, 329, tabl. XVII, fig. 6);
Diocus gobinus Kr. (Kroyer, Tydskr., vol. IT, p. 280. Steenstr. et
Lütk., p. 424, tabl. XV, fig. 39).
Les femelles sont très-différentes et ont été rangées en partie
parmi les Lernæides ou les Lernæocerides, mais les mâles portent
tous les caractères des Chondracanthes mâles. Un des genres, Sile-
nium, à été trouvé sur des Annélides (Polynoë cerrhata et scabra) du
Groënland ; les autres habitent des poissons.
Les diagnoses que nous donnons sont toutes traduites du latin de
M. Kroyer.
Diocus (Snyltekrebs., p. 262). « Genre très-voisin des Chondra-
canthes, mais de forme plus monstrueuse, ayant des téguments sub-
cornés. Antennes de la première paire, longues chez les mâles et les
jeunes femelles, minces, à sept articles, comme composées d’un
manche et d’un fouet; celles des femelles adultes plus courtes et
plus épaisses, avec des articles moins distincts. Antennes postérieu-
res des femelles petites, mais très-robustes, indistinctement articu-
lées, composées d’une partie basale orbiculaire et d'un crochet courbé
extérieurement ; celles du mâle munies d’un palpe (?), à trois articles
portant des soies à l’extrémité. Le reste comme dans le genre C'hon-
dracanthus. »
Ne Ajoutons que la troisième paire de pattes-mâchoires paraît être,
suivant le dessin de MM. Steenstrup et Lütken, proportionnellement
beaucoup plus longue que chez les Chondracanthes, et les deux paires
de pattes natatoires réduites paraissent manquer complétement. H y
aurait donc, sous ce rapport, une rétrogradation évidente vis-à-vis
des Chondracanthes.
Blias (loc. cit., p. 264). « Genre voisin des Chondracanthes, mais
sans prolongements latéraux, à tête, thorax et abdomen distincts,
RECHERCHES COTIÈRES. 119
antennes antérieures courtes, coniques, indistinetement divisées en
deux ou trois articles ; antennes postérieures crochues ; bouche située
à la partie postérieure de la tête, formée entièrement comme dans
les Chondracanthes ; deux paires de pattes thoraciques, formées
d'une seule branche articulée et préhensile; abdomen biarticulé,
armé de deux soies terminales courbées. — Mâle à peine différent
de ceux des Chondracanthes, mais remarquable par sa taille. »
Le mâle à, en effet, un quart de ligne en longueur, environ le tiers
de la femelle...
Trichthacerus (loc. cit., p.266). «Femelle de forme robuste, consti-
tuée par une tête et une partie génitale, mais ne montrant point
un abdomen appréciable. Tête courte, dilatée, armée en avant de
deux cornes en forme de massue et trifides (par lesquelles le parasite
est attaché à sa proie), portant deux antennes articulées petites et en
dessous les organes de la bouche peu visibles. Corps (partie génitale)
épais en forme de sac, non articulé, mais portant en dessous quatre
paires de pattes, dont la première grande, épaisse, subchéliforme ;
les autres presque rudimentaires, non nataloires, mais de forme va-
riée. Ovaires externes grands et gros, à plusieurs séries d’œufs.— Mâle
assez grand, du reste très-rapproché en tout aux mâles des Chondra-
canthes. »
Le mâle porte en effet, d’après le dessin de M. Kroyer, deux paires
d'antennes, la première sétiforme, la seconde crochue à fleur du
front ; la trompe, courte, est très-reculée en arrière sur le céphalo-
thorax, qui montre trois paires de pattes-mâchoires. Deux paires de
pattes natatoires rudimentaires sont fixées aux deux anneaux thora-
ciques..…….
Medesicaste (loc. cit.,p. 314), « Femelle à tête très-petite; cou long,
mince, pourvu d'ailes latérales déprimées et arrondies, ainsi que
d'une bulle cornée très-petite à peine pétiolée, ne portant point de
pattes ; partie génitale large, déprimée, disciforme, noduleuse ; queue
rudimentaire à deux- anneaux, ovaires externes grêles, sacciformes,
avec des œufs très-petits en plusieurs séries. Mâle peu différent dans
son aspect du genre Chondracanthe ; céphalothorax à deux anneaux,
l’antérieur plus petit portant les antennes, le postérieur portant le
rostre et deux paires de pattes préhensiles ; deux anneaux libres après
le céphalothorax portant des pattes non préhensiles de formes diffé-
rentes ; deux anneaux libres enfin sans pieds, le dernier muni d’appen-
dices terminaux sétiformes. »
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, = T. VI, 1877. 29
450 CARL VOGT.
Suivant M. Kroyer, le mâle aurait près de la trompe deux paires de
palpes plus ou moins fendus et deux paires de fortes pattes préhen-
siles. Dans les cas où ces deux paires de palpes ne représentaient
qu'un seul appendice {ce qui me paraît du reste assez probable,
d’après le dessin que M. Kroyer en donne), le mâle aurait absolument
la même formule d’appendices articulés que celle des Chondracanthes,
savoir : Deux paires d'antennes, la postérieure crochue; trois paires
de pattes-mâchoires, la première divisée en deux branches fendues,
et deux paires de pattes thoraciques rudimentaires.
Silenium (loc. eit.). « Femelle d’une forme très-simple, n’ayant ni
antennes, ni rostre, ni pattes distinctes, mais seulement un corps
globuleux ou sacciforme avec un bouton pétiolé, par lequel elle est
fixée. Ovaires externes très-grands et très-épais.
«Mâle PRE assez semblable à un Cyclops, avec un céphalo-
thorax large ; à quatre articles antérieurement étirés en une pointe,
auquel sont fixées quatre paires de pattes nataloires; queue à trois
articles grèles, terminée par des appendices sétiformes. »
J'avoue que je n’inscris ce genre qu'avec doute dans la famille des
Chondracanthes. La partie antérieure du mâle n’est point décrite...
D’après ce qui précède, nous pouvons donc caractériser la famille
des Chondracanthides comme suit :
Deux paires d'antennes, les premières tactiles, les secondes pré-
hensiles et transformées en crochets par lesquelsles animaux se fixent.
Rostre très-court ou nul, situé très en arrière sur la face ventrale
du céphalothorax et entouré de trois paires de pattes-mâchoires de
formes diverses.
Primitivement deux paires de pattes natatoires thoraciques qui
sont devenues rudimentaires ou se sont transformées en appendices
cutanés. |
Mâle. Céphalothorax très-grand, bossu, portant les antennes et les
organes buccaux. Thorax et abdomen articulés. Les deux anneaux
thoraciques le plus souvent portant deux paires de pattes natatoires
rudimentaires, lesquelles peuvent être réduites entièrement.
Femelle. Céphalothorax petit, constitué, quant aux appendices,
comme chez le mâle. Thorax et abdomen souvent confondus, garnis
souvent d’appendices cutanés de formes diverses. Ovisacs à œufs
multisériaux.
Nauplius sortant de l'œuf a avec les trois paires d’appendices ordi-
naires et des formes semblables à celles d’un Cyclops.
RECHERCHES COTIÈRES. 451
Pour rechercher les affinités de la famille des Chond racanthides,
l'on doit se guider surtout par les mâles moins transformés que les
femelles et plus rapprochés encore des formes larvaires primitives.
Mais en appliquant ce principe général, il ne faut pas perdre de vue
que le dimorphisme des sexes, si prononcé dans les Chondracanthes
proprement dits, diminue considérablement, au moins par rapport
à la taille, chez d’autres genres de la même famille, tels que Blias et
Trichthacerus. Il est vrai que la forme du corps des deux sexes est
_encore très-différente, mais ce fait montre au moins que la pelitesse
relative des mâles est le résultat d'une adaptation des femelles plutôt
que d’une dégénérescence des mâles. Le mâle du Blias a le tiers de
longueur de la femelle, et cette dernière, en vieillissant, devient tou-
jours, chez les Chondracanthides, de plus en plus colossale par rap-
port au mâle...
Le dimorphisme des sexes, combiné avec la taille amoindrie des
mâles, est donc sans doute un point très-important, mais il ne peut
pas être, à mon avis, élevé au rang d’un caractère dominant tous les
autres, et si nous voulons rechercher les affinités de la famille, nous
devons le faire en meltant ce dimorphisme au second rang et en
plaçant au premier l’organisation des appendices du céphalothorax,
des antennes et de la bouche.
Ces faits nous montrent, il me semble, sans réplique, qu'en par-
tant d'organisations primitives assez différentes, les séries des trans-
formations peuvent se rapprocher pour constituer des formes, sinon
identiques, du moins similaires...
Lernæopodides et Chondracanthides partent en effet de oies
très-différentes déjà dans les Nauplius, aussi dissemblables dans les
deux familles que le comporte le type fondamental de tous les Copé-
podes et cette différence se maintient, quant aux principaux appen-
dices, à travers toutes les phases successives que parcourent les deux
sexes et par lesquelles, à la fin, les femelles deviennent semblables
quant aux formes extérieures et les mâles par leur petitesse relative
vis-à-vis de leurs femelles. La différence se prononçant déjà dans les
Nauplius, elle doit être d’ancienne date dans le sens phylogénique
et les animaux libres, qui étaient sans doute les prédécesseurs de nos
parasites, doivent avoir montré déjà des PA notables dans
l’arrangement de leurs appendices.
Il est sans doute permis de rechercher, non ces ancêtres, mais des
Copépodes libres actuels, qui présentent des arrangements de mem-
452 CARL VOGT.
bres tels que nous pouvons les rapprocher de ceux que peuvent avoir
eus ces ancêtres. Il est permis aussi de rechercher, parmi les parasites
connus, des formes qui se rapprochent de celles des familles, dont
nous nous sommes occupés et qui constituent peut-être, par diverses
conformations, des formes de passage entre les parasites accomplis
et les souches libres supposées.
Ce qui peut nous guider dans les recherches, touchant ce dernier
point, c'est sans doute la conformation dés pattes natatoires. Tous
les Copépodes libres en ont un nombre plus ou moins considérable,
conformés généralement sur le même type; il est done probable que
les prédécesseurs libres avaient des pattes natatoires aussi, déve-
loppées à la face ventrale des anneaux thoraciques. Nous pouvons
dire que cette conclusion est affirmée péremptoirement par le fait,
que les mâles des Chondracanthes, Blias, etc., possèdent deux paires
de pattes natatoires rudimentaires, qui disparaissent, à ce qu'il paraît,
dans d’autres genres. |
Or, si nous trouvons parmi les Crustacés parasites des formes qui
s'accordent avec les Chondracanthes par l’arrangement des antennes
et des pattes-mâchoires, mais qui en diffèrent par un dimorphisme
moindre ou nul des deux sexes et par un développement plus consi-
dérable des pattes natatoires, ne devons-nous pas les considérer
comme des proches parents des Chondracanthides, parents moins
avancés en parasitisme et plus rapprochés des formes primitives libres?
S'il est vrai que les métamorphoses, auxquelles donne lieu l'adaptation
à la vie parasitique, se rapportent d’abord aux organes locomoteurs,
qui s’amoindrissent, se transforment en organes de fixation et finis-
sent par devenir complétement rudimentairés ou nuls, il est évident
que des formes telles que je viens de les esquisser doivent être prises
en grande considération, lorsque l’on recherche les affinités des fa-
milles parasitiques.
Je réserve encore, pour le moment, la recherche des affinités des
Lernæopodides ; quant aux Chondracanthides, je ne mets pas en
doute que les Ergasilides, tout en différant par la segmentation plus
prononcée du corps, par le nombre des pattes natatoires plus consi-
dérable, etc., ne nous présentent ces formes intermédiaires entre les
parasites accomplis et les ancêtres supposés libres des Chondracan-
thides. Les Ergasilides sont, à mon avis, des Chondracanthides moins
avancés en parasitisme, moins modifiés par l'adaptation à la vie para-
sitique, mieux pourvus d'organes locomoteurs.
|
:
|
RECHERCHES COTIÈRES. 53
J'ai pu examiner à Roscoff une espèce d’'Ergasilus, fort petite et
assez rare, qui se trouve attachée aux branchies du Mullet (Mugil
cephalus). Les femelles que j'ai trouvées n'avaient guère qu'un milli-
mètre de long, mais elles étaient adultes, comme le prouvaient les
sacs ovigères qu'elles portaient...
Malgré la grande dissemblance qui existe entre mes dessins et ceux
de M. Hesse, je penche à croire que l'espèce trouvée par cet auteur
sur le Muglil capito, et qu'il a décrite comme type d’un nouveau genre
( Megabrachinus suboculatus, Ann. se. nat., 5° série, vol. XV, second
article, 1872), est la même que celle trouvée par moi à Roscoff...
Je crois donc que le genre Megabrachinus est à rayer des cadres
zoologiques.
Je trouve, chez l’'£rgasilus mugihis, le céphalothorax presque
pyramidal ou en cône tronqué en avant, bossu en arrière et por-
tant, près de son bord postérieur, les organes buccaux, tandis que
sur le front tronqué sont placées les antennes. Après le céphalotho-
rax suivent quatre segments, dont le premier égale presque en lar-
geur et épaisseur le céphalothorax, tandis que les trois autres dimi-
nuent rapidement; ces quatre segments portent, sur la face ventrale,
quatre paires de pattes natatoires biramées à palettes terminales, gar-
nies de longues soies pinnées. Après viennent quatre segments du
post-abdomen..…….. |
Le port général du corps rappelle celui des mâles des Chondracan-
thes et à voir les figures que donne M. Kroyer (Snyltekrebs., tab. XI,
fig. 2, a et b) de la femelle de l'£rgasilus gasterostei, on ne peut s’empê-
cher d’y trouver une ressemblance encore plus grande avec les mâles.
51 nous examinons les détails, nous trouvons les antennes et les
organes buccaux conformés sur le même type. Les premières antennes
sont cylindriques, garnies de soies courtes, recourbées comme les
antennes des Chondracanthes mâles. Il est vrai que les Chondracanthes
femelles ont des antennes élargies à la base en lamelles comprimées,
assez semblables aux antennes des Caliqus. Mais c’est évidemment
une transformation ultérieure, puisqu'elle n’existe point chez les mâles.
51 donc M. Claus invoque, comme une raison pour la séparation des
Chondracanthes, « que leurs antennes supérieures sont dépourvues
de segments et considérablement élargies », nous ne pouvons accep-
ter la valeur de cet argument, contre lequel protestent les antennes
antérieures des mâles.
Les antennes postérieures des Zrgasilus sont des bras à crochets
454 CARL VOGT.
terminaux très-longs et très-aigus, tandis que les mêmes antennes
se présentent, chez les Chondracanthes, sous forme de crochets courts
et massifs. Je ne pense pas que cette différence de forme puisse être
invoquée comme motif de.séparation ; c’est un Caractère trop sail-
lant pour ne pas être employé pour la distinction des genres, mais
pas assez important pour la séparation en familles diverses. L’organe
est morphologiquement le même, transformé dans le même sens ; les
proportions seulement des différentes pièces qui le composent sont
changées ; les articles sont courts, trapus chez les uns, longs et min-
ces chez les autres. Nous ne mettons pas non plus les Anchorelles et
les Brachielles dans des familles différentes, quand même les bras
d'attache sont réduits, chez les premiers, à un simple bouton.
Les organes de la bouche sont infiniment moins développés chez
les £rgasilus que chez les Chondracanthes, mais ils sont formés sur le
même type. M. Kroyer décrit et figure ces organes chez l’'£rgasilus
gasterostei (Snyltekrebs., p. 235, tabl. XI, fig. 2, d) : il y voit trois
paires d’appendices, dont le premier porte un crochet courbé très-
fin, le second un article terminal finement dentelé en scie, ou plutôt
épineux sur le bord, tandis que le troisième, plus court, se termine
par quelques soies. La trompe est courte et massive, à terminaison
ronde. C’est là, à quelques modifications de détail près, la confor- :
mation typique des organes buccaux des Chondracanthes. La bouche
est placée, comme chez ces derniers, très en arrière, sur le cépha-
lothorax, près de son bord extérieur.
Les différences deviennent plus prononcées lorsqu'il s'agit de la
moitié postérieure du corps. Les Chondracanthes mâles, pygmées et
dimorphes, n’ont que deux anneaux thoraciques, munis de deux
paires de pattes rudimentaires, et trois segments abdominaux ; les
Ergasilus mâles, très-semblables aux femelles, et les femelles ont
quatre paires de pattes natatoires bien formées, et autant de seg
ments abdominaux.
Ces différences sont-elles fondamentales ? Je ne puis le croire,
lorsque je vois, dans toutes les autres séries de Crustacés parasites,
le dimorphisme se créer par la métamorphose successive rétrograde,
surtout des pattes et des segments du corps, dans des genres, du
reste, absolument semblables. Je ne vois aucune raison pour qu’on re-
fuse d'appliquer aux Krgasilides et aux Chondracanthides le prin-
cipe de la rétrogradation successive des anneaux et des appendices
RECHERCHES COTIÈRES. 455
que l’on admet, sans sourciller, même pour les différents sexes de la
même espèce. Si les femelles, plus parasites que les mâles, perdent
les appendices qui permettent à ces derniers encore une locomotion
bornée ; si certains membres locomoteurs des Nauplius deviennent
organes de préhension ou de mastication, si les pattes natatoires des
larves subissent des métamorphoses rétrogrades à mesure que les
animaux adultes deviennent plus immobiles, il est permis, sans
doute, de conclure que le passage de l'animal libre au parasite doit
se faire de la même manière, et que la rétrogradation doit affecter,
en premier lieu, les pattes natatoires proprement dites.
Or, les Zrgasilus ont encore des pattes natatoires biramées parfai-
tement en état de fonctionner, et je ne doute pas que, malgré leur
fixation assez solide au moyen de leurs grands bras crochus, ils peu-
vent quitter un feuillet branchial pour aller se fixer à un autre. Cela
résulte de la présence de ces pattes natatoires mêmes, qui seraient
sans doute réformées si elles ne servaient plus ; cela résulte aussi du
fait que l’on ne trouve jamais les mâles et les femelles ensemble, atta-
chés côte à côte sur le même feuillet branchial. Or, les mâles des
Ergasiliens étant, sauf quelques détails de proportion, très-sembla-
bles aux femelles, il s'ensuit que les mâles, au moins, doivent chan-
ger de place pour aller à la recherche de la femelle, et, cette faculté
étant reconnue aux mâles, on ne voit pas pourquoi on la refuserait
aux femelles, qui ont une structure identique par rapport aux or-
ganes locomoteurs.
Si, en partant de ces principes, je cherche les Copépodes libres qui
offrent la plus grande d’affinité avec les Ergasilides, et par conséquent
aussi avec les Chondracanthides, je ne puis m'empêcher de trouver
cette affinité dans la famille des Corycæïdes, telle qu’elle a été éta-
blie par M. Claus (Die frei lebenden Copepoden. — Leipzig, Engel-
mann, 4863). C'est surtout dans la section de cette famille, qui se
distingue par un corps étroit, cylindrique, et qui contient les genres
Corycæus, Antaria et Lubbockia (loc. cit., 1849), que nous rencon-
trons les formes les plus rapprochées. Dans toute cette famille, les
secondes antennes sont transformées en organes préhensiles très-puis-
sants; les organes buccaux conformés d’après le type des Chondra-
canthes, avec la dernière patte-mâchoire plus longue et plus cro-
chue, et l'abdomen, très-étroit par rapport au corps et incomplet
quant à sa segmentation, garni de quatre paires de pattes natatoires
biramées.
456 CARL VOGT.
À pe voir que la structure générale du corps et l’organisation des
appendices, on pourrait croire que le genre Corycæus ne diffère
guère du genre £rgasilus. La ressemblance est complète ; elle s'étend
même jusqu'à l'œil impair, très-petit et si bien caché dans la profon-
deur des tissus, que la masse cérébrale, sur laquelle il est situé, sem-
ble très-rapprochée de la face ventrale. Je me hâte cependant d’ajou-
ter que l’organisation des deux yeux à fortes cornées cutanées et à
cornets pigmentaires excessivement allongés des Corycæus présen-
tent un caractère différentiel de la plus grande valeur. Mais, si nous
rappelons que l’œil impair gagne déjà une plus grande importance
que dans le genre Copihia, que les yeux pairs deviennent fort petits
dans le genre Antaria, et que le genre Lubbockia est entièrement
privé d’yeux, tandis que dans le genre Pachysoma l'œil médian porte
trois globes réfracteurs de la lumière, dont celui du milieu correspond
à l'œil médian primitif, tandis que les deux autres appartiennent aux
yeux latéraux, développés incomplétement, nous devons convenir,
comme du reste M. Claus l’a déjà fait sentir, que le développement
puissant des yeux latéraux chez les Sapphirina, les Corcycæus et au-
tres, n’est qu’un caractère secondaire en relation avec la vie de ces
animaux, qui se plaisent dans les courants et dans les eaux agitées.
Nous pouvons ajouter encore que le développement de ces yeux laté-
raux, d'après tout ce que nous pouvons savoir, n’est qu’un fait post-
embryonnaire, que les Vauplius ne les possèdent pas, et qu'ils n’ap-
paraissent que pendant les phases postérieures, à la suite de plusieurs
mues. Le développement des Pranchipus, Artemias et autres Phyllo-
podes, que j'ai suivi en détail, démontre cette proposition d’une fa-
con tout à fait péremptoire. Nous savons, d’un autre côté, que l’adap-
tation au parasitisme comporte, en premier lieu, la disparition des
yeux, évidemment par non-usage de ces organes.
Tous ces faits nous autorisent donc à conclure que les Corycæïdes
sont les formes libres correspondant aux formes parasitiques des
Ergasilides moins rétrogradés, et des Chondracanthides, chez les-
quels la métamorphose rétrograde est arrivée à son maximun, sur-
tout chez les femelles. De cette manière ces trois familles, que
l'on peut bien distinguer par des caractères secondaires, ne consti-
tueraient, en réalité, qu’une seule série non interrompue, laquelle
reflète, dans ses transformations successives, les phases qu'ont dû
parcourir les Copépodes, ancêtres analogues, dans leur passage de
la vie libre à la condition parasitique.
HISTOIRE DES ASCIDIES SIMPLES
DES COTES DE FRANCE
, PAR M. LE PROFESSEUR H. DE LACAZE-DUTHIERS
MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE.
DEUXIÈME PARTIE
ÉTUDES DES ESPÈCES
AVANT-PROPOS.
En commençant la révision des espèces d’Ascidies simples des côtes
de France, je rappelle que la description d’un type longuement étu-
dié, et formant comme une introduction, doit nous servir de terme
de comparaison ; et qu'’ainsi, dans plus d’une circonstance, je ren-
verrai à cette étude. Ce terme de comparaison a été longuement dé-
erit volume III des Archives, année 1874.
Le type Ascidie, qui a de nos jours si fortement appelé sur lui l’at-
tention des zoologistes, présente des modifications intérieures à la
fois nombreuses et difficiles à saisir. De même que chez la plupart
des êtres inférieurs, quelques-uns de ses représentants ont la pro-
priété blastogénétique développée au plus haut degré; de là des
modifications souvent des plus considérables.
Pour quiconque a fait des études générales sur les animaux infé-
rieurs, il est évident que la blastogenèse se présente à des degrés très-
différents, même dans des genres voisins, et que, si elle fournit quel-
quefois des caractères d’une importance absolue, parfois aussi sa
valeur est tout à fait relative et secondaire.
En disant donc Aistoire des Ascidies simples des côtes de France, je
n'entends nullement dire histoire des Ascidies formant un groupe
458 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
entièrement distinct, nettement tranché et séparé des Ascidies com-
posées.
Il ya déjà longtemps que j'ai commencé l'étude de ces animaux;
je l'ai dit dans l'introduction (voir vol. IT, année 1874). Nous vou-
lions, avec Jules Haime, en faire une histoire générale et descriptive,
et nous avions pendant notre voyage en Espagne un échange trop
journalier de nos impressions sur les faits relatifs aux différences
multiples que cause le bourgeonnement, dont il étudiait les modi-
fications dans le groupe des Polypes, pour qu’il pût me venir dans
la pensée de trouver dans l’Ascidie composée un type distinct de
l’Ascidie simple. À cette époque, déjà ancienne, il devait étudier
les Ascidies composées et moi les Ascidies simples. IT faudrait n'avoir
vu ni un Pérophore, ni une Claveline, pour avoir la pensée de sépa-
rer des choses aussi voisines, et j’ai trouvé dans la Méditerranée, dès
cette époque éloignée déjà, des espèces inédites qui reproduisent tout
à fait l’Ascidie simple de tel ou tel type, et qui forment des colonies
dont les individus ne sont unis que par un simple trabecule fili-
forme. |
L’illustre doyen de la zoologie française, M. Milne-Edwards, en
créant la division des Ascidies sociales, avait parfaitement fait com-
prendre l'impossibilité de séparer nettement ces deux groupes.
Il n’y aura donc pas un naturaliste honnête et consciencieux qui
puisse m'attribuer la pensée de vouloir isoler morphologiquement et
z0ologiquement les Ascidies simples des Ascidies composées. Bien
longtemps encore, on décrira séparément celles des Ascidies qui res-
tent toujours isolées et ne jouissent pas de la propriété blastogéné-
tique, de même qu’on continuera à appeler les Didemnum, les Ama-
rouques, etc., par opposition aux premières, des Ascèdies composées.
Rien n'est difficile et confus comme la spécification des Ascidies.
On en verra bientôt la cause, surtout dans l'histoire particulière des
Cynthiadés. En placant en tête de cette monographie une phrase tirée
du livre de Savigny, on ne pouvait mieux indiquer quelles étaient les
raisons qui font que souvent il est, à la simple vue, d'après les carac-
ières extérieurs, absolument impossible de reconnaitre une espèce
d’une autre quand elles ont pour ainsi dire même ornementalion,
même apparence, même port et même station. |
Il faut dire plus encore : avec les descriptions données isolément
d’après l'extérieur, il est parfaitement impossible dans quelques cas
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 459
de pouvoir reconnaitre plutôt telle ou telle espèce d’une autre cepen-
dant toute différente.
C'est ainsi qu’en prenant l'ouvrage des Mollusques d'Angleterre, de
Forbes et Hanley, on arrive forcément à la diagnose de la Molgula
tubulosa pour l'espèce qui a été décrite si longuement dans la pre-
mière partie ; et, qu’on ne l’oublie pas, cette diagnose est celle don-
née par l’auteur même qui a créé le genre Molqula.
Or, MM. Alder et Hancock aÿaient fait justement le genre Zu-
gyra pour l'animal type de l'espèce Molgula tubulosa de Forbes, et
c’est là ce qui a jeté la confusion dans les esprits quand j’ai attribué
à la Molqula tubulosa (Forbes et Hanley) un embryon anoure, alors que
M. Hancock affirmait que la Molqula tubulosa, devenue d’abord la
Molqula arenosa, ensuite l'£'ugyra arenosa, avait un embryon urodèle,
Depuis lors, j'ai reçu de M. Bradey des échantillons authentiques
de cette espèce, et, sans nul doute, après comparaison, l’espèce que
J'avais étudiée, et dont j'ai donné l’histoire, n’était point la Molqula
tubulosa correspondant à l’£ugyra arenosa.
Ce qui m'est arrivé pour cette espèce arrivera à chaque instant
pour beaucoup d’autres ; car,sauf quelques exceptions pour lesquelles
il n'y a point de doute possible, une description, même détaillée,
mais isolée, prise dans un ouvrage, peut se rapporter à l’une des es-
pèces que l’on recherche, qu’on à sous la main, mais qui n’a point
été connue de l’auteur ayant fait les descriptions.
Ce qu'il faut évidemment, c’est la description ou le dessin de la
partie ou des parties fournissant la caractéristique; car alors on
pourra établir des comparaisons, ce qui est bien difficile à faire au-
jourd’hui avec les descriptions seules telles qu'elles sont données.
On en verra plus d'un exemple.
… 1] faudrait évidemment aussi, pour pouvoir faire une description
| générale, avoir des exemplaires des espèces décrites, afin de les rap-
procher de ceux qu'on veut déterminer et faire connaître comme
nouveaux. Mais la chose n'est pas toujours possible, et si je dais à
Pobligeance de M. Bradey la communication de quelques individus
d'£ugyra, ce dont je suis heureux de le remercier, il lui a été impos-
sible de satisfaire mon désir pour d’autres espèces, «car souvent,
km écrivait-il, les échantillons relatifs aux descriptions des auteurs
| anglais sont uniques ».
Répétons donc encore l'idée de Savigny et sa phrase :
460 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
« Les Ascidies ont l’organisation variée et l'aspect uniforme. La
« configuration qui leur est affectée ne permet pas que des différences
«intérieures se manifestent en dehors par des signes fort sensibles.
« Aussi, les distinctions nécessaires à la parfaite connaissance des
« espèces sont-elles difficiles à tracer. »
Il faut nécessairement indiquer l’organe et voir la partie montrant
le vrai caractère, sans cela 1l est impossible d'affirmer la vraie simili-
tude dé l'individu décrit et de celui qu’on détermine par la considé-
ration seule de l’extérieur.
Pour ces raisons, il se pourra très-bien que j'appelle d’un nom
nouveau des espèces et des genres peut-être déjà connues de quel-
ques naturalistes. Je ne parle que des travaux sérieux.
Je serai prêt à rectifier moi-même, après comparaison des indi-
vidus, les dénominations que j'aurai données; mais, du moins, si
j'ai été conduit à donner des noms nouveaux à des espèces déjà
décrites, on saura que c’est parce que les descriptions premières ne
sont pas suffisantes pour qu’on puisse arriver à la diagnose.
Dès les premiers pas que nous ferons dans l’étude de la famille des
Molgulidées, nous trouverons la preuve bien évidente de ce qui
vient d’être dit.
Dans l'exposé et l’énumération des espèces des côtes de France,
celles qui se rencontrent à Roscoff seront décrites d’abord. J'y ajou-
terai quelques-unes de celles que J'ai trouvées, soit non loin de cette
localité, soit ailleurs ; me réservant cependant, lorsque la faune asci- \
dienne de cette localité sera faite, d'ajouter des suppléments où
seront décrites les espèces qui auront été trouvées dans des explora- :
tions des autres points de nos côtes.
Je passerai successivement en revue les familles suivantes :
MOLGULIDÉS ;
CYNTHIADÉS ;
ASCIDIADÉS ;
PHALLUSIADÉS,
Dans l’énumération des espèces qu'il a trouvées à Roscoff, M. le :
professeur Grube, de Breslau, a appelé comme moi la Molgulide qui !
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 461
nous à servi de type, la WMolqula tubulosa ; il a indiqué de plus le
genre Pelonaia, que je n'ai point trouvé moi-même.
Si, au lieu d’une simple énumération des espèces de Roscoff, le
savant Allemand, que j'avais si amicalement accueilli, c'était en 1869,
et qui à indiqué dans la relation de son voyage de Roscoff ce genre,
mais qui ne me l’a jamais montré ou indiqué pendant son séjour,
avait fait connaître la localité où il l'avait recueillie, j'aurais pu la re-
trouver peut-être si elle existe ; je l’ai cherchée et fait chercher en
vain.
On a l'habitude aujourd’hui de reprendre tout ce qui a été écrit,
fait ou indiqué sur les groupes dont on va donner l'histoire. Ces longues
bibliographies ont sans doute de grands avantages ; elles facilitent les
recherches de ceux qui font une étude des mêmes objets; elles four-
nissent surtout à l’auteur le bénéfice d'étendre son travail et de don-
ner quelquefois des proportions considérables à des mémoires en
eux-mêmes fort peu remplis de faits nouveaux.
Il ne me paraît nullement utile de reproduire ici tous les titres des
mémoires publiés, et je ne m'étendrai point ici sur l’histoire des
Ascidies en donnant le résumé de ce qui a été publié, j'aurai trop de
citations, et de trop longues citations, à faire, pour qu’il soit néces-
saire de faire ce fastidieux travail.
Je me contenterai de rappeler quelques-unes des dernières publi-
cations où sont faites ces énuméraltions et ces descriptions d’espèces.
En Amérique, plusieurs naturalistes se sont particulièrement oc-
| cupés des Ascidies : Stimpson, en 1854'; Gould et Binney, en 1870*°;
Telkampf, en 1871%.
Verrill, en 1871 “et en 18725.
1 Voir STIMPSON, Proceedings of the Boston Society of Nat. Hist., vol. IV, 1854,
| p. 298.
| 2? Gourn, Invertebrata of Massachusetts, édité par Binney, 2e édition.
| 3 Notes on the Ascidia manhatlensis de Kay (Ann.of Lyc. of Nat. Hist., N.V., vol. X,
P. 83, plate II.
| # Voir Brief Contribution to Zoology from the Museum of Vale College X° X, —
| Descriptions of some imperfectly Known and new Ascidians from New-Engiand, — by
| VeRRiLL, 1871 (the American Journal of Science and Arts, third series, vol. I, janvier
à juin 1871).
® Voir id., Recent Addilions to the Molluscan Fauna, of New-England, loc. cit.,
third series, vol, III, 18792, p. 288.
462 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
Enfin, dans le rapport de la Commission des Pêcheries des Etats-
Unis, par M. Spencer f. Baird, les principales espèces d’Ascidies si-
gnalées en Amériqué se trouvent indiquées. Ge rapport a été imprimé
en 1873". |
Nous aurons naturellement à revenir sur les spécifications des
auteurs que nous venons de citer, et quelques autres dont les noms
seront soigneusement indiqués.
Il y aura, en effet, de l'intérêt à comparer les espèces qui se trou-
vent dans nos parages avec celles des mers de l'Amérique.
En Europe, des travaux doivent être signalés. L'un date de 1874,
1875 et 1877 ; il est du professeur Camil Heller, d’Innsbruck?.
Les trois premières parties de ce travail se trouvent dans les Mé-
moires de l’Académie des sciences de Vienne, et renferment les des-
criptions des Ascidies simples de la mer Adriatique.
La commission allemande chargée d'étudier la mer du Nord, sur-
tout dans le voisinage de Kiel, à publié un grand ouvrage dans lequel
M. le professeur Kuppfer a fait une revue des Ascidies simples de la
mer du Nord.
Les Molgulidés y sont représentées par un nombre assez grand
d'espèces, et leur comparaison avec celles que la Manche nous pré-
sente a, on le comprend, un intérêt tout particulier.
En Angleterre, l'on s'occupe aussi beaucoup des Ascidies. Le rem
gretté et savant naturaliste Hancock avait recueilli les documents
nécessaires à l'histoire des Tuniciers d'Angleterre; tout porte à croire
que ces documents ne seront point perdus et qu’ils seront publiés:
Je n’ai pas besoin d'ajouter que les descriptions d’espèces parues
dans les recueils anglais seront particulièrement recherchées et in-
diquées, car le voisinage de nos côtes et de celles d'Angleterre ne
peut manquer de nous fournir des espèces, communes pour le plus
grand nombre.
1 Uniled-Slates Commission of Fish and Fisheries, Part 1.— Report on the Condilion
of the Sea Fisheries of the South Coast of New-England in 1871 and 1872, by SPENCER
Fr. BaIRD, commissioner. Washington, 1873.
2 Untersuchungen über die Tunicalen des Adrialischen Meeres (Denkschriften der
Kais. Akad. der Wiss., XXXIV Band, 1874, 1 Abtheïilung ; id., 1875, 2e Abtheilung;
3e, 1877.
3 Nordsee Expedition, 1872, p.187, VIL.—Tunicala bearbeitet, von G. Kuprrer (Hierzu
Lafein, IV mwN:1)
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 463
Le dernier travail qui arrive à ma connaissance est celui de
. M. Usoff. Il est écrit en russe et a paru à Moscou en 1876. Il a pour
objet le système nerveux des Tuniciers. Il n'offre rien de relatif à la
spécification, du moins si j'en juge par les planches qui l’accompa-
gnent ; mais on y trouvera, de la page 12 à la page 20, une énumé-
ralion de ce qui a été écrit sur les Ascidies depuis Aristote jusqu’à
Korvalewsky, en 1874, et aux pages 55, 56 et 57, un supplément d'in-
dications bibliographiques. Je crois donc qu'il est à peu près inutile
d’encombrer la publication présente d’une édition nouvelle de ce qui |
a été écrit sur les Ascidies, puisqu'on le trouvera dans cet ouvrage.
Dans l’état actuel de nos connaissances ascidiologiques, les familles
dont les noms ont été précédemment cités sont faciles à caractériser
par l'apparence extérieure comme par quelques caractères intérieurs.
Les deux premières familles qui seront étudiées ici, les MoLGuripés
et les CYNTHIADÉS, répondent aux deux genres primitifs, Holqula et
Cynthia; j'en rappellerai les caractères en commençant l’histoire de
chacune d'elles.
Nous allons donc prendre ces deux types, qui se trouvent large-
ment représentés sur les côtes de France.
. MNofa. — Dans le présent travail, il n’est question que des carac-
tères des Ascidies adultes. |
Îl y a déjà longtemps que j'étudie ce groupe et l’on comprendrait
difficilement qu’un nombre considérable de faits m’eût échappé rela-
tivement au développement des jeunes. Afin de ne point mêler à un
travail purement zoologique, comme on le fait un peu trop souvent
IMaujourd'hui, des études de développement, j'aurai un travail spécial
"à publier plus tard sur les transformations embryogéniques des
| jeunes animaux.
464 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
FAMILLE DES MOLGULIDÉS.
I
GÉNÉRALITÉS.
S Ac.
Caractères généraux.
»
Cette famille se présente tout naturellement la première, puisque
c’est elle qui a fourni l'exemple précédemment décrit et servant de
terme de comparaison. Sans indiquer ici toutes les particularités de
l’organisation de ce type, il est cependant nécessaire de rappeler en
quelques mots comment 1l doit être compris, et comme conséquence,
quelle est la valeur des termes employés dans les descriptions.
Du reste, ce résumé très-succinct sera facilement complété par le
lecteur, lorsqu'il le désirera. Il n’aura qu’à consulter la longue mo-
nographie anatomique et embryogénique, remplie de détail, et ser-
vant d'introduction au travail actuel, qui a été publiée en 1874,
vol. HI des Archives.
Pour qu’il soit plus facile de s’entendre ou d'interpréter les carac-
tères et surtout afin de ne point faire de confusion en comparant les
descriptions qui vont suivre avec celles qu’on trouvera dans les
auteurs, je reproduirai d’abord les trois figures schématiques dont
les dessins ont été déjà publiés dans l'introduction !. On aura ainsi
immédiatement sous les yeux la position de l’Ascidie telle qu’elle est
assignée par les auteurs les plus accrédités et celle que je lui donne.
Voici donc comment je crois qu'il faut poser l’Ascidie en ad-
mettant, comme je le fais, qu’elle est un mollusque et qu'il est pos-
sible de la comparer à l’Acéphale. Les orifices étant en bas et l’ori-
fice anal étant en arrière, on fixe le haut, le bas, la droite, la gauche,
l'avant et l'arrière sans aucune incertitude possible.
On remarquera aussi la désignation des orifices; elle a été faite
d’après leurs fonctions. En effet, l’orifice branchial est bien réellement
1 Voir Hi. DE Lacaze-DurTuiers, vol. III des Archives de zool. exp., 1874. — Pa-
ges 142 et suiv., j'ai cherché à montrer et à résumer comment les auteurs posaient.
J'Ascidie.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 465
inspirateur, et l’orifice postérieur correspondant à l'anus est sans
CPAS . |
aucun doute un orifice expirateur.
Ce que tous les auteurs ont placé en haut se trouvera donc dans
nos descriptions placé en bas, comme dans la figure ci-dessous.
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Fig. 1. Position de l’Ascidie dans ce travail.
Les côtés droits et les côtés qauches pour Savigny et Hancock reste-
ront aussi pour moi les côtés droits et qauches.
HAUT
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Fig. 2. Position de l’Ascidie pour Savigny et Hancock.
Mais ce qui sera ici le cté droit est pour M. Milne-Edwards le côté
| gauche, et réciproquement. En plaçant les dessins de notre illustre
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN, —T, VI. 1877. 30
RS
466 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
doyen au bas d’une glace, et en regardant leur image, on les su-
perposera facilement sur ceux qui se trouvent ici.
M. Kupffer me parait poser l’Ascidie comme M. Milne-Edwards
(fig. 3.)
AVANT
PALTT.
ra. end
Fig. 3. Position de l’Ascidie pour M. Milne-Edwards.
M. Verrill et les auteurs américains semblent de même placer les
Ascidies comme elles sont posées dans la figure 3. Je dis: me parais-
sent, parce que, dans les descriptions des espèces, il est assez peu
parlé de la position, des animaux ou des parties.
Une Ascidie ainsi posée offre les dispositions suivantes :
D'abord en enlevant avec soin la première enveloppe, c’est-à-dire
la tunique, mince, transparente, de nature épidermique, souvent. M
couverte de villosités, on arrive sur le manteau, qui, d’une délicatesse. |
fort grande, laisse voir par transparence facilement les organes qu'il
loge dans son épaisseur ou bien qu'il recouvre.
Sur le milieu, en haut et en arrière, un peu au-dessus de la base
du tube expirateur qui occupe le plus souvent le milieu dela longueur
du grand axe du corps, on voit une glande d’un jaune-brnnâtre,
bistre ou verdâtre. C’est le foie, ayant ordinairement quatre lobes,
trois à gauche, un à droite, séparés par l'estomac, que l’on distingue
souvent parfaitement au travers des tissus.
Je donne à l’ensemble des parties de cette région importante le
nom de masse viscérale.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 467
A droite de cette région, en haut paraît l’origine de l’entestin lequel
décrit une anse dont les deux moitiés sont contiguës dans le plus grand
nombre des espèces. — Cette anse (anse intestinale) toujours très-facile
à reconnaître, a souvent une couleur plus ou moins Jaunâtre tenant
aux bols excrémentitiels en forme de vermicelle qu’elle renferme et
dont la teinte est due à la sécrétion du foie.
Sur le côté droit on voit encore, en arrière de l’anse intestinale,
une masse grandulaire de couleur variable avec l’état de développe-
ment, c’est la masse glandulaire génitale droite, habituellement plus
colorée au centre, qui répond à l’ovatre et presque toujours blan-
châtre à la circonférence où est le éesticule.
Le côlé gauche présente deux parties glandulaires, l’une, la plus
postérieure, est encore un ensemble de glandes génitales, offrant,
comme précédemment, la même réunion des deux glandes sexuelles.
L'autre, d’une couleur le plus souvent rougeâtre-vineuse, est cylin-
drique, arrondie à ses deux bouts, un peu courbe à concavité posté-
rieure embrassant le bord antérieur de la glande génitale, c’est le rein.
Ces deux glandes rénales et génitales se rapprochent et viennent
presque toujours au contact suivant leur longueur. Cependant elles
_ sont séparées par une cavité close que tapisse une membrane mince.
| C’est le péricarde, dans l’intérieur duquel on voit le cœur.
Il est utile de remarquer que l'extrémité supérieure de ces deux
glandes se rapproche souvent beaucoup de la masse viscérale dans
le point où le foie présente trois lobes et est bien plus développé de
ce côté qu’à droite. |
| En avant sur la ligne médiane, comme un méridien de l’ovoïde
représentant le corps de la Molgule, on observe une ligne plus ou
| moins transparente, quoique de teinte foncée, se dessinant toujours
| très-nettement : c’est l’endostyle des auteurs, que nous désignons par
| le nom de raphé antérieur, enfin on trouve les orifices inspirateurs et
| expirateurs, l’un en bas et l’autre en arrière. Le premier, qu'on nomme
encore branchial, est à l'extrémité du grand axe de l’ovoide, quel-
quefois un peu porté en arrière de cette extrémité. Le second, souvent
désigné par l’épithète d’anal, est toujours, à quelque différence près,
placé vers le milieu de la longueur du corps.
Les rapports de ces orifices, leur constitution musculaire, leur
couleur, leur ornementation, tout en eux est intéressant à étudier;
entre eux se trouve une partie plane sous laquelle est le ganglion
Mmerveux. Cette région, que je désignerai souvent pat le nom de Ré-
en me
A68 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
gion des orifices où région interosculaire, mérite toute l'attention, car
elle offre des différences fort intéressantes chez quelques espèces.
Que par une dissection délicate on enlève le #nanteau, c’est-à-dire
la couche même de tissu qu’on a sous les yeux, après avoir débarrassé
l'animal de sa funique ou couche extérieure, et on aura en même temps
enlevé les glandes génitales, l’anse intestinale et le rein, mais on n'aura
pu, en raison même de ses adhérences, le séparer de la masse viscé-
rale, ni des orifices ni de la région interosculaire; une grande modi-
fication-sera produite ainsi dans la nouvelle physionomie de l'être, qui
n'aura pas très-sensiblement diminué de dimension, et surtout qui
aura peu changé de forme.
Il restera encore un corps ovoïde d’une apparence uniforme dans
toute son étendue, et d’une structure extrêmement délicate et tou-
jours très-élégante, c’est la branchie.
La cavité de l'organe respiratoire est immense, comparée à la
grandeur totale du corps; elle prime tout dans l’économie de l’ani-
mal. Sa composition, difficile à décrire, mérite cependant la plus
grande attention, en raison même des dispositions curieuses et
variées qu’elle offre souvent.
Elle n’adhère véritablement au manteau que dans les points sui-
vanis :
4° Dans toute l'étendue du raphé antérieur ou endostyle, sur la ligne
médiane en avant ;
2° Dans la région des orifices et à la base de l’orifice inspirateur ou
inférieur dans tout son pourtour ;
3° Enfin à la face antérieure de la masse viscérale.
D’après cela, si on cherche à détacher le manteau de la branchie, on
voit qu'il faudra couper, suivant deux lignes parallèles, sur chacun des
côtés du raphé antérieur, en bas, au pourtour de la base de l’orifice
ranchial, et enfin en haut, au pourtour de la masse viscérale. Ainsi
isolée, la branchie sera entière, mais on aura dù couper, pour arriver
à ce résultat, en haut, à droite, à la fois les points d'origine et de ter-
minaison de l’anse intestinale. Tout le reste des organes sera intact.
En dehors de la branchie se trouve denc, entre elle et le manteau,
un espace périphérique très-étendu et très-étroit, divisé antérieure-
ment sur la ligne médiane par les adhérences du manteau et du
raphé antérieur.
Cest la cavité péribranchiale. En arrière, dans la partie correspon-
dant à l’orifice postérieur, elle est plus large que sur les côtés et qu’en
|
.
.
|
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 469
avant, et, comme dans ce point viennent s'ouvrir, 4° sur la ligne mé-
diane, en haut, tout contre la branchie et au-dessous de la masse
viscérale, le rec{um, % sur les côtés, les glandes génitales dont les
conduits restent adhérents au manteau, quelques auteurs ont appelé
cette région de la chambre péribranchiale la chambre cloacale, nom
peu juste, car, dans cette immense cavité qui entoure la branchie, on
ne trouve point les caractères qui appartiennent à un vrai cloaque.
L'anus est situé sur la ligne médiane, au-dessous immédiatement
de la masse viscérale, toujours très-près d’elle, et souvent accolé ou
uni au dos de la branchie.
La surface extérieure de la branchie est très-régulièrement par-
courue dans le sens du grand diamètre de l'ovoïde par des bandes
parallèles, larges, creusées de séries de dépressions profondes.
J'ai appelé méridiens branchiauc les séries longitudinales de dépres-
sions faisant saïllie dans l’intérieur de la cavité branchiale, et 2nfun-
dibulum, chacune de ces dépressions prises isolément,. Les uns et les
autres correspondent à ce que les auteurs nomment phs branchiaux.
L'idée qu'il faut se faire, en effet, de la branchie, est celle-ci : c’est
une membrane mince, délicate, toute criblée de fentes en bouton-
nière, éréma (trous), ployée de dehors en dedans, et pénétrant ainsi dans
l'intérieur de la cavité branchiale, en y faisant saillie pour y former
ces plis ou méridiens branchiaux. Dans sa dépression, cette membrane
mince ne forme pas un angle dièdre continu d’un bout à l’autre
d'un méridien; elle est comme arrêtée de loin en loin par des bandes
transversales de tissus, de sorte que le méridien, loin d’être formé
par le ploiement d’une membrane, comme on le dit et comme ce serait
si l’on ployait une feuille de papier, est Le résultat de nombreux enfon-
cements régulièrement espacés et produits suivant une direction lon-
gitudinale. Ce sont ces enfoncements que je nomme des infundibulum.
Il suffit d'une préparation bien faite, après durcissement dans
l’acide chromique et coloration au carmin ou à l’éosine, pour recon-
naître que les 2nfundibulum sont parfaitement distincts les uns des
autres, et que les figures de leurs bases, plus ou moins voisines d’un
cercle ou d’un quadrilatère à angles arrondis, placées à la suite les
unes des autres, couvrent la surface extérieure de la branchie de
bandes régulières et méridiennes.
Je ne connais qu’un exemple où les infundibulums soient simples,
c'est l’Æugyra. Dans toutes les autres espèces décrites dans ce tra-
vai}, les infundibulums se divisent une, deux, trois ou quatre fois, à
470 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
mesure que leur sommet s'approche plus près du bord libre du pli
méridien.
Enfin la membrane fondamentale présente, entre les plis méridiens,
des bandes longitudinales, vrais fuseaux interméridiens, où la disposi-
tion des trémas est souvent très-différente de celle qu’on observe dans
les infundibulums. Elle est fort délicate, soutenue par des baguettes
renfermant des vaisseaux qui, en nombre variable, se voient du côté
de la cavité intérieure de la branchie, soit sur les fuseaux interméri-
diens, soit sur les méridiens eux-mêmes. Ces baguettes, qui ont
reçu la dénomination de céfes, ne sont point interrompues d’une
extrémité à l’autre d’un pli, et méritent d’être examinées dans les
descriptions spécifiques.
La branchie se termine en haut, à la bouche, vers laquelle con-
vergent tous ses plis; mais, comme la bouche n’occupe pas une
des extrémités de l’ovoiïde, qu’au contraire elle est à la face anté-
rieue ou un peu en bas de la masse viscérale, vers le milieu presque
de sa longueur, il s'ensuit que les méridiens antérieurs devant arri-
ver jusqu à la bouche sont beaucoup plus longs que les postérieurs.
Le nombre des méridiens ne dépasse pas sept de chaque côté, quel-
quefois il est moindre. Dans cette différence, il y a un caractère im-
portant qu'il ne faut pas omettre de constater.
Le raphé antérieur est une gouttière à deux lèvres de nature glan-
dulaire, qui commence non loin de la couronne tentaculaire, en bas,
près de l’orifice antérieur, et se termine à peu près vers la limite su-
périeure de la masse splanchnique. Là, les deux lèvres se réunissent,
forment un eul-de-sac d’où part un filet qui passe au côté gauche de
la bouche en affectant des rapports constants avec l’extrémité de
chacune des têtes des méridiens gauches.
Ces têtes offrent souvent des caractères distinctifs utiles qu'il ne
faut pas laisser de côté.
Celles du côté droit sont en rapport avec l'extrémité du raphé
postérieur, lame orale de Hancock, qui remonte du sommet de l’angle
supérieur de la couronne voisine du ganglion nerveux et de l’organe
olfactif. Ge raphé n’est formé que par une lame simple qui offre en-
core de bons caractères, et qui passe à droite de la bouche pour unir
plus ou moins directement les têtes méridiennes de ce côté.
L'orifice branchral est fort intéressant à étudier, car sa coloration est
due tantôt à la couleur même des tissus, lantôt à des amas de corpuscu-
les, dont la nature a été étudiée dans la monographie servant d’in-
|
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. AT
troduction. Des caractères varient avec les espèces et fournissent de
bons renseignements dont il faut cependant savoir mesurer l’im-
portance. À cette coloration se rapporte l’ornementation, qui, dans
les Molgulidés, n’a pas une aussi grande fixité que dans les Cynthiadés
par exemple.
La présence des points oculiformes placés entre les dents du feston
marginal de l’orifice, n’a pas une valeur caractéristique aussi grande
qu’on pourrait, au premier abord, le penser.
La forme des festons et les particularités qu'ils peuvent présenter
ont, au contraire, une importance réelle.
Un bourrelet profondément placé précède la couronne tentacu-
culatre, dont chaque élément ou {entacule peut offrir Les indica-
tions au point de vue spécifique.
Au-dessus de cette couronne, entre elle et la série des fées infé-
rieures des méridiens, se trouve un sillon circulaire que limitent deux
lames. L'une, inférieure, fait le tour complétement du tube bran-
chial, l’autre, supérieure, se continue en avant, à droite et à gauche
avec la lèvre correspondante de l’endostyle ou raphé antérieur, et
en arrière, remonte à droite jusqu'à la bouche en se confondant
avec la lame du raphé postérieur, tandis qu'à gauche elle remonte
un peu à côté de la lame droite et s’épuise rapidement. Ces deux
lames, en se dirigeant ainsi vers la bouche, forment un angle assez
aigu, doublé au-dessous par la lamelle inférieure, et dans lequel se
voit l'organe olfactif ou organe vibratile, qui ressemble à un cornet
doublement contourné.
Dans un plan sous-jacent à cet angle et à cet organe, se trouvent
la glande olfactive et le ganglion nerveux.
Il est impossible, on le sent bien, de faire la description d’une
espèce sans donner des détails sur chacune des parties de cet orifice
important.
L'orifice expirateur, anal ou. postérieur, est beaucoup plus simple,
et je n'aurais qu'à répéter les détails qui précèdent sur la coloration
et l’'ornementation des quatre festons qui le caractérisent.
Mais, quand on l’examine plus profondément, on voit qu'il pré-
sente un bourrelet circulaire homologue à celui de l’orifice antérieur,
bourrelet saillant qui, de même qu’en avant, est la limite d’une expan-
sion épidermique venant de l’extérieur et recouvrant la première
partie intérieure de ces tubes.
Dans le tube expirateur, ce bourrelet prend quelquefois des pro-
472 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
portions telles, qu'il forme comme un obturateur, comme un da-
phragme ou valvule circulaire percé d’un trou central.
Certaines espèces présentent cette valvule plus développée, les unes
que les autres ce qui fournit un caractère.
Pour compléter ces détails, il est nécessaire d’indiquer et de
décrire une préparation qui, dans plus d’une planche, a été repro-
duite. Si l’on prend une Molgule débarrassée de sa tunique et si
on la place devant soi la branchie en avant et l’orifice inspirateur
en haut, l’on a le côté gauche à sa droite. Si alors on détache le
manteau tout autour de la base de l’orifice inspirateur, dans la ré-
gion placée entre les tubes musculaires, et si on dirige l’incision à
droite et à gauche aussi près que possible de la limite de la branchie,
en la conduisant vers le raphé antérieur, on obtient une grande par-
tie du manteau correspondant à la limite médiane et postérieure de
la chambre péribranchiale, qui est fort intéressante à étudier au
point de vue descriptif.
La préparation est longue, difficile et très-délicate, en raison
même des nombreux trabécules qui, de la branchie, vont au manteau.
Quand on a dépassé à gauche le corps de Bojanus ou corps rénal,
et à droite le sommet de l’anse intestinale, on peut rabattre vers soi
les lambeaux et on a sous les yeux la cavité dite cloacale, ou mieux
la partie postérieure de la chambre péribranchiale.
L'intérêt qui s'attache à cette préparation est celui-ci: on n’a dé-
rangé aucun des rapports les plus importants à constater dans la
spécification, soit ceux du rectum et de l’anus, soit ceux des glandes
génitales et surtout ceux des conduits de celles-ci; soit enfin de l’o-
rifice interne du conduit expirateur.
Quand, ainsi qu’on est tenté de le faire, on ouvre tout simplement
cette partie postérieure et médiane de la chambre péribranchiale en
pénétrant par l’orifice postérieur, on déplace les choses et surtout
on ne voit plus l'entrée du tube expirateur.
Dans toutes les espèces, j'ai fait cette préparation et j'ai été frappé
de l’avantage qu’elle présente. Elle montre, avec la plus grande
facilité, des caractères spécifiques d’une si grande valeur que, sans
des raisons particulières, on pourrait les regarder comme étant d’un
ordre générique.
Les glandes génitales, soit du côté droit, soit du côté gauche,
montrent ainsi les conduits simples ou multiples du testicule, lovi-
ducte, dont la direction et la terminaison, à la surface du manteau,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 473
fournissent un excellent caractère permettant seul, dans quelques
cas, de faire une diagnose.
Quand il a été question, en commencant cet exposé, de la posi-
tion relative des deux glandes sexuelles, on à vu que le testicule en-
toure l’ovaire plus ou moins globuleux ou allongé, or, le plus sou-
vent, c’est sur la face interne de ce dernier que se rendent les conduits
spermatiques, et c’est là, à part quelques exceptions, qu’il faut en
chercher les orifices.
Telles sont les dispositions organiques qu'il m'a semblé utile de rap-
peler avant d'apprécier la valeur relative des caractères fournis par
les différentes particularités que ces dispositions présentent. |
$ 2.
Du genre et de la famille.
La question de savoir s’il faut conserver l’ancien genre Molqula ou
s’il faut en faire une famille, doit d’abord être examinée.
Pour quelques auteurs, le groupe des Ascidies ne doit pas être di-
visé en familles. A leurs yeux, il ne renferme que des genres.
Il me paraît d’abord évident que le genre primitif ne peut pas
exister tel qu’il avait été créé, quand on ne connaissait que deux ou
trois espèces. Il faut aujourd’hui l’étendre ou le restreindre.Dans l’un
et l’autre cas il faut le transformer ou le démembrer en le partageant
en plusieurs genres ; et d’un autre côté on ne peut guère admettre, par
exemple, que le genre Molqula et le genre £ugyra soient des genres
aussi distincts et aussi éloignés entre eux que le sont le genre Ascidia
et le genre Cynthia, ou l’un de ces deux genres et le genre Molgqula.
Si donc le groupe, d’abord caractérisé comme l’avait fait Forbes,
correspond à un type offrant des modifications secondaires de valeur
que je crois générique, est subdivisé, il faut bien admettre une fa-
mille pour réunir l’ensemble de ces subdivisions.
Primitivement, le genre, tel qu'il fut créé pour une ou deux espèces,
par Forbes, était caractérisé comme il suit :
« Corps plus ou moins globuleux, fixé ou libre, avec tunique mem-
braneuse habituellement recouverte par des matières étrangères,
orifices sur des tubes très-contractiles et nus ; le branchial à six (6)
_ lobes, l’anal à quatre (4) !. »
1 Voir Britisch Moll., vol. I, p. 36, ForBes et HANLEY.
474 - HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Ces caractères, quoique fort succincts, étaient très-suffisants à l’6-
poque où il s'agissait de distinguer les Molgules des autres Ascidies,
alors qu'on n'en connaissait que très-peu d'espèces, une ou deux. Ils
doivent maintenant être complétés, car ils se réduisent en effet à un
seul, à celui tiré du nombre des dents des festons des orifices. Les
autres n'ont rien qui puisse permettre de distinguer une Molgule
d’une autre Ascidie. Car ce n’est point la contractilité des tubes des
orifices, la présence des corps étrangers sur la tunique, la forme
globuleuse de l’animal et l’état de fixité ou de liberté du corps qui
permettraient de distinguer une Molgulide.
Le nom n'indique pas, du reste, un caractère spécial, car il vient
de Mcycs : un sac de peau, et si, en effet, quelques Molgules ont une
tunique un peu mince, plus membraneuse que la plupart des Ascidies,
il en est d’autres qui l’ont un peu épaisse et même coriace.
Du reste, cette observation avait frappé déjà plusieurs auteurs.
En particulier, J. Alder, qui a fait la même remarque et quiajoute
même que, bien quele caractère tiré du nombre des dents des oscules
ait peu de valeur physiologique, les genres qui ont été formés avec
lui n’en restent pas moins fort naturels.
Il dit catégoriquement que ce genre est intermédiaire aux genres
Ascidie et Cynthie, qu'il est même plus voisin de ce dernier que des
autres, et après quelques considérations sur la difficulté des détermi-
nations et la valeur des caractères, il en donne la diagnose.
Il propose de définir ainsi le genre Molqula :
« Animal — généralement libre ou seulement légèrement attaché
par des filaments glandulaires.
« Test — mince et membraneux, souvent couvert de sable ou de
fragments de coquille très-légèrement attachés au manteau, excepté
aux deux ouvertures.
« Ouverture branchale. — À six lobes ; anale, à quatre lobes.
« Ocelles. — Invisibles ou visibles.
« Tentacules. — Rameux.
« Sac branchial. — Avec des plis longitudinaux ; mailles plus ou
moins convolutées, sans papilles.
« Ovaires. — De chaque côté du corps; celui du côté droit en
dehors de l’inflexion de l'intestin.
« Æstomac et intestin. — Latéraux et dextres. Ce dernier se cour-
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 475
bant vers le haut comme dans les Ascidies, mais avec une courbure
plus comprimée. »
La même observation que précédemment se phésdaté ici. Ces
caractères ne suffisent plus en tant que caractères génériques, et
ils ne répondent évidemment qu’à la diagnose de la famille des Mol-
gulidés.
Dans ce travail, J. Alder signale l'espèce Molqula arenosa, qui corres-
pond à la Molqula tubulosa de Forbes et Hanley, et l’on y comprend
déjà que la diagnose générique pourrait être avantageusement mo-
difiée ; ce qui à été fait plus tard par Hancock.
Le travail de ce dernier savant ascidiologue anglais a été publié
à propos de ma communication sur l’embryogénie de la Molgulidé
ayant servi de type. Il avait été communiqué à l’Association britan-
nique, aux réunions qui se tinrent à Liverpool en septembre 1870*.
Nous aurons naturellement à revenir sur cette publication impor-
tante.
Voyons donc quels sont les caractères généraux appartenant aux
animaux de l’ancien genre Molqula. Juger de leur valeur relative et
discuter leur importance est chose utile avant de créer de nouvelles
divisions, car il est nécessaire de bien préciser quelles sont les dispo-
sitions particulières qui doivent motiver l’existence de ces nouvelles
coupes.
Est-ce la présence sur la tunique des filaments propres à fixer, en
les agglutinant, les corps étrangers? Est-ce la présence des plis méri-
diens de la branchie ? Est-ce le nombre des festons des orifices ?
Est-ce enfin les ramifications des tentacules qui ont le plus d'im-
portance ?
A s’en tenir aux caractères indiqués par les auteurs, un seul pour-
rait s'appliquer exclusivement à la famille, c’est celui tiré du nombre
des dents des orifices, tous les autres se rencontrant, à des degrés
différents il est vrai, dans les autres Ascidies ; mais je ne vois indi-
qué nulle part qu’il existe des Ascidiadés ou des Cynthiadés présen-
tant ces deux nombres constants : 6 et 4.
1 Voir Ann. and Mag. of Nat. Hist., vol. XL, Third series, p. 158. J. FPT On the
British Tunicata.
2 Voir the Ann. and Mag. of Nat. History, Fourth series, vol. VI, p. 353, 1870.
“
\
476 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
En examinant les dispositions organiques, on va voir que quel-
ques-unes d’entre elles ne se présentent que dans les Molgules et
viennent s'ajouter heureusement au caractère fondamental du nombre
des dents des orifices.
La tunique globuleuse ovoïde, souvent couverte de villosités d’une
épaisseur uniforme, ordinairement peu considérable, plus ou moins
coriace, mais ne présentant jamais cette dureté, cette épaisseur et
cette consistance qui la fait ressembler à un cartilage épais, fournit
un Caractère d’une incontestable valeur pour le plus grand nombre
des cas. Cependant, il est des espèces où les villosités manquent; où
la tunique, sans être très-épaisse, ressemble à une lame de cartilage,
et où la diagnose ne pourrait être faite par la considération seule de
l’envéloppe extérieure ; car, d’une autre part, il y a des Cynthiadés
dont le corps est globuleux, dont la tunique, excessivement villeuse,
se recouvre d'innombrables petits corps étrangers, particules de vase,
sable, etc., et ne présente pas une épaisseur et une résistance analo-
gues à celle des autres espèces de ce groupe.
Bien des fois, je m'y suis pris, et, au premier examen, j'ai con-
fondu des Cynthiadés villeuses avec des Molgulidés provenant des
mêmes draguages.
La position, la longueur, la contractilité des tubes des orifices ne
peuvent rien faire reconnaître, car dans la famille des Cynthiadés, on
trouve à ce point de vue des apparences tellement semblables avec ce
qui s’observe dans les Molgulidés, que l’on est obligé d'attendre
l'épanouissement des orifices pour être fixé; alors les nombres 6 + 4
pour les Molgulidés, et 4 + 4 pour les Cynthiadés, ne laissent plus de
doute.
Les points oculiformes concourant à l’ornementation des orifices
sont dans les échancrures des dents des festons. Habituellement, ils
sont limités ; mais ils ne sont constants ni dans les genres, ni même
dans les espèces. Ils sont quelquefois remplacés par des traînées de ma-
tière colorante ; mais alors l’ornementation produite par eux ou parla
matière disséminée régulièrement en bande, ne rappelle pas celle que
montrent les Cynthiadés. L'analogie serait au contraire, dans quel-"
ques cas, fort grande avec les dispositions qu’on voit chez les Ascidies
proprement dites.
La matière colorante pigmentaire sur la face interne des tubes
inspirateurs et expirateurs ne dépasse pas le repli circulaire, sail-
lant dans les deux tubes où l’on a vu s'arrêter la couche épidermique.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 477
Ce repli peut acquérir un assez grand développement dans le tube
postérieur pour rappeler une valvule circulaire et nous avons déjà
dit que dans la grandeur et la forme de cette valvule on trouve un
caractère spécifique de quelque valeur.
La couronne tentaculaire, dont les éléments rameux et arbores-
cents sont ordinairement au nombre de douze, fournit de bons carac-
tères, mais non pas d’un ordre élevé. Le tronc des tentacules, habi-
tuellement gros et volumineux, est couvert sur l’une de ses faces par
les bouillons d’une membrane mince, qui lui donnent une physionomie
particulière. Aussi pourrait-on, dans quelques cas, reconnaître la fa-
mille par l'examen des tentacules. Bien qu'il soit difficile d’assigner
précisément les caractères qui les différencient de ceux des Cynthia-
dés, cependant, on peut dire que les pinnules secondaires et ter-
tiaires sont ici plus nombreuses, plus irrégulières de grandeur, moins
effilées à leur extrémité, et que les axes sont plus volumineux et dif-
férents surtout sur l’une de leur face; mais ces caractères ne sont
pas de première valeur.
Je n'ai rien trouvé dans le nombre des tentacules qui permiît d’as-
signer à la couronne un caractère de famille. On doit seulement
remarquer qu’en voyant des tentacules pinnées, l’on ne pourrait con-
fondre une Molgulidé qu'avec une Cynthiadé; or la branchie et les
autres organes suffiraient pour faire éviter l’erreur.
On a vu que les deux lèvres du raphé antérieur se réunissent en
baut pour former l’origine d’un filet grêle qui, après s'être uni aux
têtes des méridiens de gauche, arrive au-dessous de la bouche et se
perd vaguement dans son repli inférieur en forme de croissant.
1 ne faut jamais négliger d'observer cette disposition, car elle peut
fournir quelques indications aux diagnoses.
Le raphé postérieur, qui remonte à droite de la bouche, en formant
une lame unie aussi à la tête de chacun des méridiens du côté droit,
offre là par ses variations, ses proportions, etc., plus d'importance
que la terminaison à gauche du raphé antérieur.
S1 l’on considère comme une région le pourtour de la bouche, c’est-
à-dire l’espace correspondant à la face antérieure du foie, de l’esto-
mac, ou de la masse viscérale, et au centre duquel on voit les deux
croissants limitant l’orifice buccal, tandis qu'autour de lui viennent
se ranger circulairement toutes les têtes des méridiens unies à droite
à l'extrémité montante du raphé postérieur, à gauche, à l'extrémité
descendante du raphé antérieur, on pourra trouver dans la disposi-
278 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
tion de l’ensemble de cette région quelques caractères d’une certaine
valeur qui ne permettraient pas de confondre une Molgule avec une
Ascidie ou avec une Cynthia.
La posilion du tube digestif présente une grande valeur, car elle
fournit un caractère qui ne fait jamais défaut.
L’anse de l'intestin, toujours régulière et n’offrant que de très-
petites variations, s'insinue entre les deux lames du manteau et ne
paraît pas se disposer de la sorte dans les autres types d’Ascidie. Il ne
m'est jamais arrivé de faire erreur et de me tromper de groupe en re-
connaissant l’anse de l'intestin bien limitée sur le côté droit, dégagée
des autres organes et facile à reconnaître. C’est même à la vue de
cette disposition de l’anse intestinale, qu’à la grève et dans les excur-
sions, par un rapide examen, j'ai toujours reconnu les Molgulidés
dont la tunique était assez transparente.
Il y a donc là dans cette disposition un caractère d’une valeur gé-
nérale réelle et incontestable.
Le rectum, toujours très-court, abandonne le manteau et décrit
une courbe rapide pour venir au dos de l’æsophage et au-dessus de
la bouche s'unir à la branchie. Il s'ouvre par un anus peu variable
dans ses rapports, mais modifié dans sa forme. Sa disposition géné-
rale, sa régularité de sa position médiane en face de la bouche, etc.,
sont particulières aux Molgulidés.
Mais quant aux variations de forme de l’anus, qui a ses lèvres tan-
tôt découpées, tantôt libres dans toute leur étendue, tantôt adhé-
rentes à la branchie par la partie antérieure, elles n’offrent que des
caractères de valeurs tout au plus spécifiques.
Les glandes génitales forment toujours (à une exception près ce-
pendant), deux masses latérales symétriques : l’une droite, l’autre
gauche, situées entre les deux lames du manteau, plutôt en arrière
qu'en avant, fort limitées, et dans lesquelles testicule et ovaire sont
réunis sans se confondre; elles fournissent des caractères de deux
ordres.
D'abord leur position est à peu près caractéristique du groupe ; elle
rapproche, il est vrai, les Molgulidés des Cynthiadés; mais, dans ces
dernières, 1l existe une différence si grande dans les rapports des
deux espèces de glandes, dans les positions, soit des glandes mêmes,
soit surtout de leurs conduits et de leurs orifices, que la confusion ne
peut avoir lieu un instant. Dans les Cynthiadés, la position générale
des glandes génitales de l'un et l’autre sexe est la même que dans
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 479
les Molgulidés ; mais, tandis qu'ici le nombre des ovaires est limité,
et que les testicules sont toujours invariablement groupés autour du
sac d’un des côtés de la glande femelle ; là, les glandes ressortent
pour ainsi dire du manteau et font saillie dans la cavité péribran-
chiale, pendues par un pédoncule; elles tapissent ainsi la paroi ex-
terne de cette cavité péribranchiale d’une multitude de masses pé-
donculées qui ont reçu le nom d’endocarpe, nom qui à mes yeux n’est
pas justifié et n’a aucune valeur. Ici jamais pareille disposition ne se
rencontre. |
Ensuite si l’on considère les détails relatifs à la position des ori-
fices, à leur forme, à leurs rapports, on reconnaît des caractères
d'une importance spécifique telle, qu’il est possible bien plutôt de
reconnaître quelques espèces par la forme de la papille qui termine
son oviducte que par les dispositions de sa branchie.
Les embryons, tantôt urodèles, tantôt anoures, ne me paraissent
fournir qu’un caractère générique. Nous aurons à revenir sur la
valeur de ce caractère.
L'observation du ganglion nerveux ne donne pas d'indications gÉ-
nérales utiles à la classification ; mais il n’en est pas de même de la
glande olfactive située à côté de lui; elle présente avec les espèces
des variations dans son volume, sa direction, etc., qu'il ne faut point
négliger, pas plus que celles que donne l’organe olfactif lui-même,
dont les formes sont quelquefois importantes à noter, car elles sont
très-différentes.
La branchie, dans toutes les Molgulidés observées jusqu'ici, a
présenté de six à sept plis méridiens symétriques et semblables
de chaque côté. Cette constance fournit un caractère de grande
valeur, car les Cynthiadés ont aussi des méridiens ; mais, dans ce
groupe, le nombre et la symétrie sont infiniment variables.
Dans toutes les espèces de Molgulidés, les caractères des plis méri-
diens, formés par une série de dépressions de la membrane fondamen-
tale qui loge les capillaires, mais qui n’est pas formée exclusivement
par eux, comme on l’a dit à tort, la disposition des infundibulums,
leur grandeur, leurs bifurcations répétées deux ou trois fois, suivant
les espèces, fournissent quelques bons renseignements qu’il faut
utiliser *. Mais, sans revenir sur leur description donnée plus haut,
j'ajoute que ces méridiens sont très-variables dans les détails de leur
1 Voir H. DE LACAZE=DUTHIERS, Arch, de s0vl,eæp., vol. III, 1874.
480 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
composition, et que les variations qu'ils présententne m'ont pas paru
fournir des caractères propres à déterminer des coupes génériques,
ainsi qu'on le verra plus loin.
J’accepterai cependant le genre que Hancock a basé sur la dispo-
sition de la branchie, et j'en dirai les raisons en étudiant le genre
Eugyra; mais je crois que si l’on se laissait aller à admettre les ca-
ractères tirés de quelques-unes des différences nombreuses qu'offrent
les infundibulums et les tremas comme ayant une valeur générique,
on serait conduit à multiplier beaucoup trop les genres.
Pour discuter avec fruit la valeur du caractère général que four-
nit l’organe de la respiration, dans la détermination la famille il
serait utile de connaître et de comparer les différences que présente
le même organe dans la famille des Cynthiadés, ce qui sera fait
plus tard à propos de cette famille.
Disons donc que, dans les Molgulidés, toujours des plis méridiens,
saillants, formés d’infundibulums ou dépressions de la membrane
fondamentale, s’obserwent à la face interne de la cavité branchiale,
que leur nombre varie peu, ainsi que leur composition, que très-
rarement ils sont un peu asymétriques ; que presque constam-
ment des côtes en nombre fort variables avec les espèces, soutiennent
leurs infundibulums du côté de la cavité branchiale, qu’enfin ces
côtes, formant comme une cage, peuvent être extrêmement réduits en
nombre et en grandeur. De l’ensemble de ces particularités découlent
des différences saillantes qui ne frappent que lorsqu'on voit la bran-
chie bien préparée surtout bien colorée par les imbibitions et qu'il est
important de signaler dans les descriptions spécifiques.
Ce plan d'organisation de la branchie ne manque jamais dans la
famille, 1l se reproduit des deux côtés du corps très-symétriquement.
De l’ensemble des faits qui viennent d’être rappelés il est possible
de résumer quelques caractères à l’aide desquels il est facile de re-
connaître la famille des Molgulidés.
Il faut mettre en première ligne le nombre des festons des orifices.
Dans les études descriptives des Ascidies, nous le représenterons par
cette formule : 6 + 4; le premier chiffre se rapportant aux dents de
l’orifice antérieur, le second à celles de l’orifice postérieur; ici cette
formule est invariable. En seconde ligne vient ensuite la position de
l’anse intestinale dans l'épaisseur du manteau, position que je ne vois
semblable dans aucun autre groupe.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE 481
Cette anse, visible à droite même au travers de la tunique débarras-
sée des corps étrangers, fait vite reconnaître une Molgulide.
Un autre caractère fort important et d'une grande valeur est celui
que l’on peut tirer de l'existence du corps rénal, très-nettement
circonserit, dont la position à gauche au-dessus et en avant du cœur
est constante.
La couleur et la nature des concrélions que renferme le sac de
Bojanus mettent tout de suite sur la voie dela diagnose de la famille.
Son existence et sa position ont une valeur de premier ordre,
mais les différences secondaires qu'il présente dans sa couleur et
dans son contenu donnent tout au plus des caractères spécifiques, et
encore sont-ils peu importants. Aussi les genres qu’on a voulu éta-
blir d’après eux ne mériteront pas même de nous arrêter.
Les glandes génitales des deux sexes, toujours rapprochées sans
être confondues, toujours logées dans l'épaisseur du manteau, à droite
dans la concavité de l’anse intestinale, à gauche, en arrière et en
dessous de la glande rénale, offrent encore par leur position un carac-
tère général excellent.
Il est vrai de dire que si dans les Cynthiadés cette position est la
même, toutes les autres dispositions ainsi que le nombre des orifices
génitaux et des masses glandulaires, sont entièrement différents ; d’un
autre côté, ces glandes n’ont ici jamais de rapports avec l'estomac
et les glandes hépatiques, ce qui éloigne les Molgules des Ascidies
proprement dites.
La branchie, à méridiens saillants, formés d’infundibulums dont
les trémas sont coordonnés circulairement autour des centres defigures
de la base des infundibulums, fournit un caractère général encore
fort important, mais pour que la valeur de ce caractère soit plus com
_ plète, il faut ajouter qu'il se répète très-régulièrement dans tous les
| méridiens, qui eux-mêmes sont symétriques et très-semblables des
| deux côtés.
L’arborescence des tentacules ne manque jamais, mais elle n’est
pas l’apanage exclusif de cette famille.
Le foie offre toujours le même plan, il est formé par des plis nom-
| _breux se couvrant d’une couche de nature cellulaire et glandulaire,
ayant à l'extérieur l’apparence des cæœcums d’une glande en grappe,
etentourant l'estomac. Dans les Cynthiadés tout un groupe d’espèces
présente une disposition analogue, mais non semblable.
La forme globuleuse du corps est la plus fréquente; mais tandis que
ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GÉN. —= , vil. 1877. 31
482 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
quelques rares espèces de Molgulidés sont aplaties, on trouve dans des
familles et des genres différents une forme aussi entièrement globu-
leuse. Beaucoup de Molgules sont libres, mais un grand nombre sont
adhérentes, il n’est donc pas possible de voir dans ces deux manières
d’être, liberté et forme arrondie, un caractère d’une valeur égale à
celle de ceux qui viennent d’être signalés.
Quant aux villosités de la tunique, elles fournissent, ainsi que sa
transparence et son peu d'épaisseur, des indications d’une valeur
réelle, mais non absolue, car on les rencontre dans les Cynthiadés,
assez rarement 1} est vrai; mais enfin, à ne s’en rapporter qu'à elles,
on peut à première vue tomber dans l'erreur, et c’est ce qui m'est
arrivé en plus d’une occasion, bien que je fusse déjà averti, ayant
reconnu une première méprise.
Quand on établit la distinction des espèces, il semble impossible,
de ne pas reconnaître que des caractères, moins généraux que Ceux
qui précèdent n’appartenant pas indistinctement à toutes les es-
pèces connues, doivent cependant réunir un certain nombre d’entre
elles, et par conséquent servir à établir des divisions d’un ordre
moins élevé que celui des familles, alors et par cela même, l'on est
conduit à faire des divisions intermédiaires aux espèces et au groupe
pris dans son ensemble.
n se trouve donc forcé ou bien à admettre un seul genre qu'il
faut subdiviser en sous-genres pour grouper les espèces, ou bien à
faire de l’ancien genre Molqula, tel qu'il vient d’être caractérisé, une
famille divisée en genres dans lesquels les espèces viennent se ranger.
C’est cette dernière opinion que j’adopte.
Avant d'indiquer les divisions de la famille des Molgulidés, il
faut encore reproduire ici l’une des diagnoses du genre la plus éten-
due qui ait été donnée. L’auteur, M. le professeur Küpffer', ne.
pense pas qu'il soit nécessaire de faire même des familles dans le groupe
des Ascidies. Cela paraît ressortir de l’ensemble du travail où je trouve
cette diagnose, la plus développée qui certainement soit dans la
science. Voyons donc si elle renferme des raisons suffisantes pour
conserver le genre Molgula et ne pas admettre une famille pour lui.
Voici cette diagnose :
1 Voir loc, cit., p. 293,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 483
« Tunique mince et membraneuse, mais résistante, le plus souvent
couverte sur sa surface de forts filaments agglutinants, auxquels
s'attachent des particules de sable ou de gravier.
« Orifice oral à 6 angles; orifice cloacal à 4, point d’ocelles sur la
marge de l’orifice oral.
« Tunique museculo-cutanée, à musculature faiblement dévelop-
pée, jamais en couches continues ; elle comprend des éléments mus-
culaires de deux ordres : d’abord des fibres tubuliformes, de calibre
uniforme, longues et fines, lesquelles sont communes d’ailleurs aux
autres genres; et, en second lieu, des éléments fusiformes et courts.
Ces derniers constituent par leur groupement des muscles courts à
corps individualisés terminés aux extrémités par de longs tendons.
« Couronne tentaculaire à tentacules composés, ramifiés.
« Le ganglion nerveux central forme un corps fusiforme, indivis,
sur lequel on n’observe aucune tache pigmentaire.
« Le sac branchial offre dans sa constitution des dispositions très-
variables, mais toujours pourtant les fentes branchiales sont courbes
et disposées concentriquement autour de divers centres, disposition
que suivent aussi naturellement les capillaires branchiaux courant
entre les fentes branchiales ; les côtes longitudinales de la branchie
ne portent pas de papilles.
« Le sillon vecteur de la ligne médiane est bordé d’un repli sur
un ou sur les deux côtés.
« Il n’y a pas d’endocarpe dans le cloaque.
« L’intestin se trouve à gauche de la branchie, l'estomac est situé
ou sensiblement sur la ligne médiane au pôle inférieur ou également
divisé à gauche. A droite du sac branchial se trouvent accolés l’un à
l’autre, le rein et le cœur. Le rein est une vésicule simple, allongée,
étroitement adhérente au péricarde, renfermant des concrétions
granuleuses de couleur jaune verdâtre, donnant manifestement la
réaction de la murexide. L’extrémité supérieure du cœur s'appuie
sur l'estomac, l'inférieure sur l'extrémité postérieure du sinus sanguin
hypobranchial.
« Les organes génitaux sont réunis en une ou deux glandes com-
binées.
« Il n’y a pas de cavité du corps. »
Il y a plus d'une observation à faire à cette diagnose.
L'existence des paquets fusiformes, due à la réunion de l'élément
ER MS Dee PRE 1
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PR
484 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
musculaire en quelques points, comme on le voit dans mes descrip-
tions, se rencontre en effet dans les Molgulidés et même dans quel-
ques espèces la disposition est telle, que sur les préparations sans éti-
quettes que j'ai conservées, il m'est facile de reconnaître l’espèce à
cette disposition. Est-il bien exact de dire cependant que les fibres qui
terminent ces paquets fusiformes sont des tendons ? Pour en affir-
mer la nature, il serait peut-être nécessaire de donner les carac-
tères différentiels de ces fibres musculaires et de ces longs fila-
ments délicats qui terminent les paquets fusiformes !.
Je ne parlerai point des caractères exacts et vrais, tels que tenta-
cules arborescents, ganglion nerveux central, oscules sans tache pig-
mentaire, Car ils ne sont point spéciaux aux Molgules.
À propos des courbes des fentes de la branchie, « que suivent na-
turellement les capillaires branchiaux courant entre les fentes bran-
chiales », il eût été nécessaire de distinguer :
Dans la branchie, ainsi que je l'ai montré dans l’étude du type
pris comme terme de comparaison, il y a trois ordres de vaisseaux
capillaires ; les uns terminent les vaisseaux cardio-branchiaux et
constituent les côtes longitudinales des méridiens et les subdivisions
perpendiculaires de celles-ci; les autres, ou bien occupent l’axe même
des baguettes circonscrivant les trémas branchiaux, et il n’est pas éton-
nant que ceux-ci suivent les courbes des fentes branchiales, ou bien
croisent, au contraire, en directions diverses, ces trémas au-dessus
desquels ils sont jetés comme des ponts; enfin un troisième ordre
de capillaires se trouve à la face postérieure de la branchie, et dépend
de la terminaison des vaisseaux branchio-splanchniques.
On pourra constater ces faits en parcourant les différentes planches
où des portions de branchies ont été dessinées.
La valeur de ce caractère n’est pas applicable au genre, et la dis-
position des éléments constituants de la branchie doit tout au plus
être signalée dans la description des espèces.
« Les côtes mêmes de la branchie ne portent pas de papilles. » I
ne faudrait pas croire que l’absence totale de papilles fût un caractère
absolu, car quelques espèces, au contraire, se distinguent des autres
facilement par la présence de quelques saillies papilleuses irréguliè-
rement disséminées.
« Il n’y à pas d’endocarpe dans le cloaque. » Ce n’est point là un
Voir H.pe Laëaze-Duruixrs, Arch, de zool. eæp., vol, IIL.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 485
caractère qui permette de reconnaître le groupe des Molgulidés. Il
faudrait d’ailleurs définir nettement ce qu’est l’endocarpe. Evidem-
ment, ce mot sert à désigner ces grappes ou corps pédonculés pendant
sur les parois palléales de la chambre péribranchiale, et qui sont
les glandes génitales, pour lesquelles je ne vois nullement la néces-
sité d'admettre ici un nouveau nom, d'autant plus que ce qui est un
endocarpe dans une espèce ne l’est pas dans une autre, tout en res-
tant cependant morphologiquement identique.
« L'intestin se trouve à gauche. » Cette position est la même
que celle que nous avons indiquée, seulement il faut se rappeler,
pour la bien juger, que le professeur Kupffer place en haut ce que
nous plaçons en bas; en un mot, qu'il redresse l’Ascidie, tandis que
nous la renversons; aussi est-il tout naturel que, dans la suite de la
description, nous voyions : « à droite du sac branchial se trouvent,
accolés l’un à l’autre, le rein et le cœur. »
Il ne m'est pas possible de partager l'opinion suivante : « L’extré-
mité supérieure du cœur s’appuie sur l’estomac, l’inférieure sur l’ex-
trémité postérieure du sinus sanguin hypobranchial. »
__ L’extrémité viscérale du cœur est toujours séparée de la masse
splanchnique ou viscérale par un vaisseau aortique, quelquefois très-
court, mais qui existe constamment, et par lequel il m’a toujours été
possible de faire des injections, en introduisant dans son intérieur la
canule de la seringue. J'ai nommé ce vaisseau aorte splanchnique.
Quant au sinus sanguin hypobranchial, je ne l’admets point, et,
dans les injections nombreuses que j’ai eu l’occasion de faire, j'ai
toujours irouvé une aorte cardio-branchiale parfaitement limitée et
distincte, comme le prouvent les figures que j'ai publiées.
« Les organes génitaux sont réunis en une ou deux glandes com-
binées. » Ce n’est point là exclusivement un caractère n’appartenant
qu'au genre Molgule. Ce qui est particulier, c’est la position rela-
tive des deux glandes, et surtout leur position dans l'épaisseur du
manteau, sans former ce que l’auteur appelle un endocarpe.
Je remarque encore cette affirmation : «n’y a point de cavité du
corps. » Elle confirme ce que j'ai avancé dans l’histoire du type, et
que déjà depuis longtemps j'ai professé et publié.
En somme, il y a dans cette diagnose une énumération de carac-
ières et de faits un peu plus étendue que dans les auteurs précédents,
mais il n’y a pas d'indications spéciales précisant plus nettement
qu'on ne l'avait fait la valeur de quelques caractères particuliers. Cela
486 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
est naturel, puisqu'il ressort, avec toute évidence, des descriptions
qu’on trouve dans ce travail, que, pour l’auteur, ce genre appartient
à un groupe général non divisible en familles, et qu’enfin l'on n'yvoit
pas énumérées les raisons s’opposant à faire une famille des espèces
qui, incontestablement, doivent se répartir dans plusieurs divisions
secondaires génériques.
Examinons donc maintenant cette question. Faut-il laisser le
groupe des Molgules sans le subdiviser ?
si
Divisions du groupe.
La nomenclature gagnerait certainement en simplicité si l’on
conservait, sans le diviser le genre tel qu’il avait été admis ; mais cette
considération ne suffit pas pour faire laisser dans une même division
des espèces fort distinctes offrant, en définitive, des différences d’un
ordre assez marquées.
Il m'a paru, d’ailleurs, que la facilité de la spécification gagnait
beaucoup à la création de quelques coupes génériques nouvelles, on
en jugera.
Voici les motifs qui m'ont conduit à la création de deux genres
nouveaux :
Le premier caractère qui se présente, dont il est impossible de ne
pas tenir compte, et qui forcera bien certainement tous les zoolo-
gistes à partager les espèces de Molgules en deux groupes, est celur
qui se tire de l'absence ou de la présence d’une nageotre caudale chez
la larve ou l'embryon.
La forme anoure que j'ai découverte, le premier, est tellement
différente de la fonme urodèle, que l’on connaissait exclusivement
avant mes travaux, qu’il me paraît impossible de ne pas en tenir
compte dans la distinction des animaux, et cela est si vrai, qu'avec
l'importance excessive que l’on attache aujourd’hui à la connaissance
des formes embryonnaires, on serait tenté, si l’on admettait aveuglér
ment toutes les innovations prétendues nouvelles, de séparer les As-
cidies urodèles des Ascidies anoures.
Mais on doitse demander si l'importance attribuée aujourd’hur
par quelques zoologistes aux faits embryogéniques, a bien sa raison
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 487
d’être en face de la différence extrême que nous rencontrons entre
deux espèces qui, à d’autres points de vue, sont absolument voisines.
Voici un fait incontestable:
On trouve à côté l’une de l’autre des espèces de Molgules offrant
une telle ressemblance dans l’ensemble de leurs caractères, que je
crois impossible de dire, sans une observation continuée, sans la
connaissance de l'embryon, si l’une est anoure si l’autre est urodèle.
J’ai cherché si cette forme anoure était accompagnée d’un caractère
corrélatif, et s’il y avait dans l’organisation quelques dispositions ca-
pables de faire reconnaître cette différence. Je n’ai pas encore réussi,
malgré cependant quelques indices propres à mettre sur la voie.
Or, à en croire des zoologistes, la forme embryonnaire est tout
dans la classification, opinion qui n’est pas aussi nouvelle qu’on
feint de le croire ou de vouloir le faire croire.
Pour moi, l'étude de l’adulte a plus de valeur qu’on ne le pense
aujourd’hui. Dans l'emploi exclusif des caractères de l'embryon, il y
a une exagération momentanée dont les zoologistes reviendront. Il a
paru plus simple sans doute de s’en tenir à l’étude de la forme em-
bryonnaire, et, de fait, la chose l’est; mais comment est-il possible
de mettre de côté toutes les conditions organiques que présente
l'animal parfait, l’animal adulte ? Cela est inadmissible.
Il n’est pas douteux qu’en ne prenant que la forme embryonnaire
seule pour criterium, la position dans les cadres zoologiques de quel-
ques êtres, les plus voisins à l’état adulte, devrait être profondément
modifiée, et que, d’un autre côté, en ne donnant à la forme de l’em-
bryon qu’une valeur secondaire, on arriverait à diminuer l'importance
exagérée que l’on a attribuée dans ces derniers temps aux caractères
embryogéniques.
Il n’est certainement pas un naturaliste qui, voyant pour la première
| fois la naïssance d’un têtard actif et vagabond, d’une Ascidia, d'une
| Cynthia, d’une Phallusia et l'embryon sédentaire, sans queue, à mou-
.vements lents et presque amæboïdes à sa sortie de la'coque de l’œuf de
| quelques Molgulidés, ne rapportât ces deux êtres à des parents dont
| il supposerait les différences organiques considérables.
Or, il existe entre les animaux des genres cités plus hautinfiniment
| plus de différences qu'il ne s’en trouve entre deux Molgulidés, l’une
| anoure, l’autre urodèle. Il y a dans ce fait une preuve incontestable
de l’exagération donnée à la valeur caractéristique tirée des formes
| embryonnaires.
nn one NÉ
188 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Il en est des caractères fournis par l’embryon comme de tous lés
caractères que l’on obtient par la considération des autres organes.
Is n’ont et ne peuvent avoir une valeur absolue. Cette valeur est tou.-
jours corrélative; elle doit être appuyée, pour prendre toute son im-
portance, sur des faits déduits de l'observation dans toutes les condi-
tions organiques. C'est pour ne point tenir compte de cette vérité que
les auteurs de théories, je ne parle pas des plagiaires français, ont
exagéré l'importance de quelques faits qui, si on les admettait sans
réserve, conduiraient aux interprétations les plus exagérées.
La présence ou l'absence de la nageoire caudale de la larve nous
servira donc tout au plus à établir une distinction de sous-famille,
dans laquelle des espèces offrant d’ailleurs la plus grande ressem-
blance, et étant par cela même les plus voisines, formeraient un
genre. 11 était, d’une part, impossible de ne pas tenir compte d'un
caractère aussi remarquable, et, d'autre part, on ne pouvait lui don-
ner une valeur supérieure à celle qui conduit à une sous-famille.
Je diviserai donc les Molgulidés en deux sous-familles :
Le
MOLGULIDÆ ANURÆ.
MOLGULIDÆ F-
MOLGULIDÆ URODELÆ.
Dans la famille des Anoures, un seul genre me semble jusqu'ici
devoir être admis. Il sera nommé ANURELLA.
J'ai trouvé cinq espèces dans ce genre. C’est d’abord celle qui a été
si longuement décrite, et que j'appellerai Anurella Roscovita, l'ayant
d’abord trouvée et étudiée à Roscoff. C’est ensuite une espèce facile
à diagnoser, fort abondante dans la rivière de Saint-Pol, où je l'ai
eue en grande quantité; c’est la plus grande de toutes. Sans doute
possible, c’est la Aolqula oculata de Forbes et. Hanley. Je la range
à côté de la précédente, on verra pourquoi.
Deux autres espèces, trouvées à Roscoff, doivent-elles être rap-
portées aux deux espèces déjà décrites sous les noms de Molqula
simplezæ et macrosiphonica? C’est ce qu’il faudra discuter. Elles sont
rares et m'ont été fournies seulement par les draguages.
Enfin l’Anurella Bleizi, espèce intéressante, fixée à la voûte des
grottes, au milieu des Cynthia rustica qui y forment une couche
dense et serrée.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 489
Ainsi cinq espèces dans le genre caractérisé par la non-existence
d’un têtard et par l'absence des caractères spéciaux suivants, qui ont
conduit aux deux autres genres de la deuxième sous-famille.
Une disposition organique que je ne vois signalée par aucun des
auteurs dont il a été question, mais que M. Heller a indiquée comme
caractérisant une espèce de la mer Adriatique, a une valeur assez
grande pour servir très-utilement dans la distinction des genres,
c’est celle que présentent dans certains cas les bords libres des lobes
des festons des orifices.
On pourrait tout aussi bien prendre ce caractère que le précédent
en premier lieu et diviser les Molgulidés en deux grandes divisions,
suivant que les dents de leurs oscules sont simples ou dentelées.
Ce caractère extérieur est souvent difficile à voir, surtout sur les
animaux conservés et par conséquent contractés. C’est là sans
doute la raison qui l’a fait méconnaître. Je n’ai pu le constater d’a-
bord que sur des espèces en parfait état, et surtout sur les ani-
maux vivants ; plus tard, les préparations spéciales m'ont permis de
le reconnaître.
C’est sur une grande et magnifique espèce de [a Méditerranée que
j'ai vu les bords des festons découpés et laciniés en dents de peigne.
Ce caractère, une fois bien établi, j’ai pu le reconnaître sur d’autres
espèces, ainsi que je l’ai fait sur une charmante petite Molgulide de
Roscoff et sur une autre, assez belle de taille, rencontrée à Morgate,
près de Brest.
Ces trois espèces, que je réunis en un seul genre sous le nom de
CTENICELLA, et qui, certainement, ne sont pas seules, ont toutes
des embryons urodelles.
Enfin un troisième groupe, ayant encore des embryons à queue et
urodèles, n’offrant du reste qu’un ensemble de caractères négatifs aux
deux points de vue qui viennent de nous occuper, se distingue par
conséquent facilement du premier genre ANURELLA par ses têtards, et
du genre CTENICELLA par les lobes non pectinés de ses orifices. Je con-
serve à cette division le nom primitif et générique de A/0Z2GuULA, parce
que, d’une part, elle offre les caractères positifs du groupe tel qu’il a
été formé primitivement ; ensuite parce qu’elle ne présente aucun des
_ deux caractères nouveaux non encore employés par les ascidiologues.
Ici je n’ai eu que trois espèces. L’une est extrèmement abondante
490 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
dans toutes les anfractuosités des rochers des Sables d'Olonne ; on la
trouve aussi dans la rade de Brest, elle m'a paru très-rare à Roscoff
et à Bréha; c'est la Molqula socialis ; l'autre est très-fréquente à Ros-
coff, à côté de l’Anurella Bleizi; sous les grottes à Cynthia rustique,
je l'appelle Molqula echinosiphonica; enfin, la dernière a été décrite
comme une Ascidie par le professeur van Beneden père. Je la nom-
merai Molqula ampulloïdes, avec Hancock et le professeur Küpffer.
Mais il nous reste encore une espèce fort intéressante, celle qui a
servi de type à Hancock pour former le genre £'UGyRA.
L’embryon est urodèle et les lobes des orifices ne sont point la-
ciniés. C’est à la disposition de la branchie, très-différente de celle
qu’on observe dans le genre Molqula proprement dit, limité comme
il l’est ici, que l’auteur anglais a demandé la caractéristique du
genre, dont le nom indique bien la disposition régulière des trémas.
Le professeur Verrill et autres naturalistes américains, ainsi que
les ascidiologues anglais, acceptent le genre £ugyra ; nous ne voyons
pas de raisons suffisantes pour ne pas le conserver, car il y a à nos
yeux toujours un grave inconvénient à modifier ce qui est bien établi
quand des raisons importantes n’y conduisent pas. Le professeur
Küpffer n'accepte pas ce genre, mais néanmoins divise ses Molqula en
deux sections, suivant que la branchie est plissée ou ne l’est pas.
Sans nous étendre sur les caractères de l’organe respiratoire de ce
type, ce qui sera fait en son lieu, il faut reconnaître que les infun-
dibulums des méridiens sont ici d’une simplicité telle, qu’il n’est pas
un autre genre offrant des dispositions semblables; et l’on doitajouter
que les côtes des méridiens sont réduites à une seule, qui n’a d’at-
taches que de loin en loin, ce qui caractérise la simplicité des méri-
diens. Ceux-ci existent, et il ne me semble point juste de dire que la
Molqula arenosa à une branchie dépourvue de plis (nicht gefältet,
comme le dit le professeur Kupffer), et je ferai observer même que
si l’absence des plis était admise, elle suffirait à elle seule pour justi-
fier l'admission du genre, d’après la diagnose même de l’auteur, celle
qu’on à vu plus haut.
Ceci nous conduit naturellement à revenir sur la valeur des carac-
tères que peut fournir la cage branchiale.
Incontestablement, la branchie est l’organe dominateur dans
l'organisme ascidie ; incontestablement aussi, elle peut fournir des
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 491
caractères de premier ordre quand il y a lieu de déterminer quelques
grandes divisions; mais une fois ces caractères établis, lorsqu'il s’agit,
comme dans la famille des Molgulidés, de descendre aux divisions gé-
nériques, il ne me semble plus possible de se servir des dispositions de
cetorgane, ou mieux, de leur donner une haute valeur caractéristique.
A l’appui de cette remarque, je ne prendrai qu’un exemple, la Cte-
nicella Lanceplaint.
Dans la même localité, sous la même pierre, avec la même taille,
la même couleur, les mêmes caractères extérieurs pour les orifices,
et même pour les organes intérieurs, on trouve des individus dont la
branchie offre des érema d'une brièveté remarquable, tandis que d’au-
tres ont une disposition inverse; el enfin, une troisième variété pré-
sente des trémas tournant avec une élégance admirable entre les
bases des infundibulums .
J’ai cherché à trouver d’autres différences qui me permissent de
satisfaire mon désir de faire trois espèces, n'ayant pas réussi, j'ai
reculé, tant la similitude des organes profonds était grande.
En mainte occasion, j'ai montré à des naturalistes travaillant à
Roscoff les dessins et les préparations de la branchie de ces trois va-
riétés de la Ctenicella Lanceplaini, et constamment il m'a été dit :
« Mais ce sont des espèces différentes ;» et l’on ajoutait : «Même des
genres distincts. » Donner une valeur générique à ces dispositions seu-
les, à ces arabesques élégantes découpant les membranes branchiales,
m'a paru excessif et je ne les utilise que pour faire des variétés.
Nous reviendrons sur ces distinctions à propos des genres et des
espèces de Ctenicell.
$ 4.
Espèces décrites par les auteurs.
Voici l’énumération des espèces décrites et publiées.
Peut-être eût-il été utile de reproduire en même temps ici les prin-
| cipales parties des descriptions, afin de faciliter les comparaisons;
mais il sera temps de faire ces citations au cours de l'énumération des
| caractères; citations nécessaires, ainsi qu’on l’a vu en commençant ;
car, jele répète encore, rien n’est difficile et confus comme la détermi-
| tion des Ascidies, et cela parce que, d’abord, les descriptions ont été
1 Voir les trois figures de la planche relative à cette espèce.
ha fins
492 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
faitesisolément à chaque fois qu’on a trouvé de nouvelles espèces sans
que des comparaisons aient été établies, et qu'ensuite elles renfer-
ment à la fois presque toujours réunis les caractères spécifiques et les
caractères génériques.
Forbes et Hanley décrivent dans leur histoire des Mollusques d’An-
gleterre! les Molgules suivantes :
Molqula oculata, E. Forbes.
Molqula tubulosa, Rathke (sp).
J. Alder, dans son Mémoire publié en 1863°, a repris les carac-
tères du genre Molqula, et indiqué les nouvelles espèces suivantes :
Molgula socialis. (n. sp.).
Molgula arenosa, Alder et Hancock.
Albany Hancock, en 1870, revint sur la diagnose des Ascidies et …
publia un extrait d’un travail général qu’il préparait, et que sa mort
regrettable a malheureusement interrompu. Il fait connaître plu-
sieurs Ascidies nouvelles, et en particulier :
Molqula simplex, Alder et Hancock.
À propos de cette espèce, il dit formellement que l’Ascidia ampul-
loides de van Beneden est une Molgule (which is undoubtedly a
Molqula).
Molgqula inconspicua, Alder et Hancock.
Molqula complanata, Alder et Hancock.
C'est dans ce mémoire aussi que Hancock établit définitivement le
genre £'ugyra pour la Molquia arenosa, ancienne Molqula tubulosa de
Forbes et Hanley.
Il décrit aussi une nouvelle espèce de ce genre, dont le nombre se
trouve dès lors porté à deux:
Eugyra arenosa, Alder et Hancock.
Eugyra globosa, Hancock.
En Amérique, beaucoup d'espèces ont été indiquées.
En 1854, Stimpson décrivit * :
1 Loc. cil..@.36,.vol. il, pl: D, 6É-6:.pl.C.fe:e.
2 Ann. and Mag., 3° sér., vol. XI, p. 153, — Observation on the British Tunicala,
with Descriptions of several New Species, by Joshua AzDer, pl. VII.
3 Voir A. Hancock, Ann. and Mag., 4° série, vol. VI, 1870. -— On the Larval State
of Molgula: with Descriptions of several New Species of Simple Ascidians.
# Voir Proc. of the Bost. Soc. of Nat. Hist., 1854, IV, p. 228.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 493
Molqula sordida, Stüimpson.
Molqula producta, Stüimpson.
Molqula arenosa, Stimpson.
La description de ces espèces a été reproduite en partie dans
l'ouvrage de Gould, édité par Binney'.
En 1871, le professeur Verrill, dans le American Journal of Sciences
(Silliman, etc.), a publié Brief Contributions to Zoology from the Mu-
seum of vale College ; Description of some imperfectly known and new
Ascidians from New England?, où l’on trouve les espèces suivantes :
Molqula manhattensis, Verrill (fig. 1).
Molqula pannosa, Ver. n. sp. (fig. 2).
Molqula retortiformis, Ver. n. sp. (fig. 3).
Molqula littoralis, Ver. n. sp. (fig. 4 a).
Molqula papillosa, Ver. n. sp. (fig. 4 a 6).
Molqula pilularis, Ver. n. sp. (fig. 4 c).
Dans un supplément publié en 1872, Æecent Additions to the Mollus-
can Fauna of New England”, l'on trouve du même auteur :
Molqula pellucida, Vernil (pl. VIE, fig. 2);
Et l’£ugyra glutinans, Verrill, que l’auteur américain donne
comme étant la Cynthia glutinans, Mæller’s species, etc.
Dans les rapports des Pêcheries américaines, les espèces que nous
venons d’énumérer se trouvent également indiquées", et cela par le
professeur Verrill lui-même, qui a rédigé et signé la partie du travail
relative aux invertébrés,
M. le professeur Kupffer * a donné la description des espèces sui-
vantes :
Molqula ampulloides, van Beneden.
Molqula occulta, Savigny.
Molqula macrosiphorica, Küpffer.
Molqula nana, Küpffer.
® Gould’'s invertebrala of Massachusels, édited by Binney, 1870.
2 1871. Third series, vol. I, p. 54.
| % Loc. cit, Third series, vol. IIL, p. 288 et suiv. 1872.
* Unites States Commission of Fish and Fisheries, Part I, Report on the Condition of
the Sea fisheries of the South Coast of New-England in 1871 and 1872, by SPENCER F.
| BaIRD, commisioner, 1873.
+ Loc./cit., p.293,.ph: IV et V.
494 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Molqula arenosa, Alder et Hancock.
Cette dernière étant la même que celle qui était devenue pour Han-
cock l’£ugyra arenosa.
La publication la plus récente est celle de M. Camil Heller'; elle
est datée de 1877.
L'un des genres sans valeur créé pour l’Ascidia ampulloides de van
Beneden après que Hancock avait eu dit que cette espèce était une
Molgule, et dont je ne parlerai pas, puisqu'il n’a pas de valeur, a
été admis par M. C. Heller ; on ne sait vraiment trop pourquoi, car
l'absence de villosités sur la tunique ne peut certainement pas ser-
vir et fournir les caractères d’un genre, pas plus que l’état plus
ou moins concret des produits inorganiques renfermés dans le rein.
Les genres basés sur de pareils caractères n’ont pas d'importance.
Il a décrit :
Molgula ampulloïdes (Gymnocystis, genre qui n'existe pas, taf. VI,
fig. 4 à 13, p. 265-925).
Molqula occulta, Küpffer (taf. VI, fig. 14-15, p. 27-267).
Molqula impura, C. Keller. n. sp. (taf. VII, fig. 8-13, p. 268-928).
Molgqula appendiculata, G. Heller n. sp. (taf. VIL, fig. 1-7, p. 269-29).
Telles sont les espèces connues.
Dans la description et la détermination des caractères qui vont être
passés en revue, il sera fait une comparaison détaillée des diagnoses
des espèces qui viennent d’être citées avec celles qu’on trouve à Roscoff.
IT
DESCRIPTIONS DES GENRES ET DES ESPÈCES DE LA FAMILLE DES MOLGULIDÉS.. |
S 1.
Tableau synoptique des genres.
il est possible de résumer fort brièvement et en quelques mots les
caractères des quatre genres, qui, pour les raisons données plus haut,
nous paraissent devoir être admis.
1 XXXVII Band der Denkschriften der mathematisch-naturwissenschaftlichen
Classe der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, p. 265, et du tirage à part, p. 25,
Untersuchungen über die Tunicaten des Adriatischen und Mittelmeeres, LIL (1), Abthei=
lung,
ASCIDIES SIMPLES DES CÔTES DE FRANCE. 495
Tableau des sous-familles el genres de la famille des MorGuLipÉs.
y IS. fam. à mouvements amæboïdes à leur nais-
MOLGULIDÆ Ÿ sance. Les méridiens branchiaux sont 1
ANURÆ complexes, les infundibulums compli-{ G. ANURELLA.
sans queue qués et les trémas courts,
2
| complexes, soutenus les simples, G. MoLGuLa.
par des icôtes nu | bords
K tiples à infundibn- | .des
festons
II S. fam. lums compliqués à { es
MOLGULID Æ | trémas relativement À orifices | 3
URODELÆ courts et variables. ? Sont: | Jaciniés, G. CrENICELLA.
avec une queue ;
les méridiens simples, à peine soutenus par une seule
brachiaux sont : # côte, peu adhérente ; infundibulum sim- k
pie; tréma longs et circulaires, spiraux
autour du sommet de l’infundibulum qui
est leur centre.
I. MOLGULIDÆ. Les emtryons sont :
G. EucyrA. ,
Il sera facile, à l’aide de ce tableau, en constatant la série de ca-
ractères simples et positifs qu’on vient de voir, de déterminer les
genres qu’on trouve à Roscoff.
& 2.
1% Genre ANURELLA! (nov. gen., H. pe L.-D.).
Un seul caractère conduit à la distinction de ce genre, c’est celui
qui ena déterminé la formation, c’est-à-dire la condition si anormale
dans les Ascidies de l’absence d’un têtard; elle nous à paru suffisante
. pour légitimer la réunion des espèces qui la présentaient.
Sans doute, il est toujours désavantageux en zoologie de prendre,
pour obtenir le criterium, une partie difficile à reconnaître et profon-
dément placée dans l’économie; il est encore plus fâcheux d’être obligé
de prendre un état transitoire et passager comme celui de l'embryon.
Je le reconnais, et en plus d’une circonstance j'ai critiqué des classi-
fications basées sur des caractères tels que ceux que je viens d’indi-
quer ; mais ici on y est bien forcé et, à moins de ne pas faire de genre
et d'établir une section des Molgules anoures, ce que déjà on est bien
1 Etymologie : «, privatif; obsa, queue, sans queue,
496 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
obligé de faire, et si on le fait il faut bien constater le caractère, je
ne vois jusqu'ici assez clairement aucun caractère extérieur spécial
et corrélatif permettant de reconnaître des animaux dont les em-
bryons sont sans queue.
Quelques espèces présentent un papillé à forme caractéristique, ou
des plis du bourrelet à l’orifice de l’oviducte, mais il en est d’autres
qui n'offrent pas ce caractère précieux au point de vue de la spécifi-
cation.
On a beau chercher, on en revient toujours à ce fait : un seul ca-
ractère domine tous les autres, c’est l’absence du têtard, et l’on ne
peut s'empêcher d’être frappé de l'importance d'une différence aussi
grande qui dans un groupe aussi homogène que celui des Molgulidés,
ne peut conduire qu'à une distinction générique.
Sur les cinq espèces de ce genre, trois sont de petite taille et leur
branchie, comme le système nerveux, l'organe vibratile et la glande
voisine du système nerveux, sont très-semblables; les deux autres,
de grande taille, ont les dispositions des branchies et des organes
nerveux ou glandulaires assez différentes. jf
Au sujet du caractère que j'ai le premier signalé, je dois faire une
remarque.
Je n’ai point à revendiquer la priorité de la découverte des em-
bryons anoures dans le groupe des Ascidies, cette priorité n’a été
mise en doute par aucun des naturalistes honnêtes qui jugent les tra-
vaux avec équité, car les dates précises sont là pour la prouver.
Toutefois, une observation venant d'Amérique a été présentée en
France comme devant m'enlever cette découverte.
Il est des attaques personnelles injurieuses qui se reproduisent à
mon adresse de temps en temps. Jusqu'ici je n’ai répondu que par
le plus profond mépris; mais comme dans quelques séances du
congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences les
faits ont été présentés sous une forme aussi calomnieuse que mal-
veillante, je dois montrer, en citant des dates, quelle est la vérité sur
la priorité de cette découverte.
Le docteur Tellkampf a fait connaître dans une note qu’il annonce
devoir être suivie d’un mémoire détaillé, une condition de la repro-
duction des Molgules fort anormale.
Suivant lui, la Molqula manhattensis donnerait naissance à un être
du genre Mammaria de Lamarck, et celui-ci produirait les tétards
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 497
qui, à leur tour, ramèneraient à la forme molgule ; en un mot, il y au-
rait génération alternante et production d'un être intermédiaire
entre deux formes molgules.
Quand on considère les dessins comme la date qui accompagnent
la note, courte du reste, du docteur Th. Tellkampf, faut-il n'être que
surpris qu'on ait pu avoir l’idée de m'enlever la découverte des em-
bryons anoures ? Le lecteur va en juger.
Ce que l'observateur américain cherche en effet à prouver, c’est que
les œufs de la Mo/gula Manhattensis deviennent des Mammaria, et l'on
ne voit pas une figure, pas un seul mot dans la note indiquant l’exis-
tence d’un embryon sans queue. Au contraire, si dans une figure 1l y'a
quatre œufs (je dis quatre œufs et non embryons) bien dessinés et re-
connaissables à leurs parties constituantes, unis par une matière vis-
queuse représentée dans les figures par des granulations (the viscid
fluid, p. 89 et figure o, pl. X), à côté, on voit aussi cinq embryons à
queue ou têtards à différents états de développement (He 0, 0;
e, d, e), qui, évidemment, ont appelé vivement l'attention de l’au-
teur ; enfin, quant à la figure du Mammaria renfermant aussi un
iêtard (fig. 4), elle ne prouve évidemment rien en faveur de la
priorité de la découverte.
Du reste, je n’analyserai pas moi-même le travail du docteur Tell-
kampf; je préfère emprunter à son compatriote, le professeur Verrill,
le résumé suivant :
Qn Molqula Manhattensis there, is according to the observations of
Dr. Theodore A. Tellkampf, an alternation of generations. He states
that the minute yellow ova were discharged july 18, invested in a
viscid yellowish substance, which become attached be the exterior
of many specimens. In a few days the « viscid substance » had chan-
ged its appearance and became contractile ; the ova became larger,
round, and of different sizes, « after two or three days the largest
protruded somewhat above the surface of the common envelope, and
_ presented a circular or oval aggregation, like that of the Mammaria
_ found a year ago »; on the 11th day, the round ova had increased
| in size, with a central round or oval orifice through which the mo-
| tion of the ciliæ of the branchial meshes were visible. « The orifice
| bad approached on the 1st of august more or less to one apex ; in
Some specimens, which were now Oval, it was terminal. » In this
| Stage he names it Mammaria Manhattensis, regarding the Mammaria
| a$ à « nurse » ; Within each of the Mammarræ, at the end opposite
ARCH. DE ZOOT. EXP. ET GÉN.=— T, VI, 1877, 32
498 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
the branchial orifice, there was seen a mass of cells, which ultimately
developed into a tadpole-shaped larva, similar to that of the other
ascidians. He observes that the Mammariæ increas after the discharge
of the larvæ, and that gemmation takes place within the common
envelope {.
«These observations, if correct, are very interestingand important,
but they need farther confirmation. The development of the larvæ
form the Mammariæ into Molqula was not traced; neither did he
witness the actual discharge of the ova, which produced the Mam-
maricæ, from the Molqula. The may possibly have no relation with
one another ?. »
Le travail du docteur Tellkampf n’a d'autre but que de prouver
l'existence de la génération alternante dans les Ascidies, en ratta-
chant la Molgule des îles Manhattes au Mammaria ; observations qui,
si elles sont vraies, méritent, comme le dit fort justement M. Verrill,
d'être vérifiées. |
Du reste, les auteurs d'Europe qui se sont occupés de l'embryo-
génie de la Molgule, n'ont pas cité ce travail plus que moi-même.
Hancock et M. le professeur Kupffer n’en parlent pas”, cela
est tout simple. Ces naturalistes n'ont fait de recherches et de
publications qu'après ma communication à l’Académie, et à son
occasion ; à l’époque surtout où écrivait Hancock, il lui était impos-
sible, tout comme à moi, de connaître les études du docteur Tell-
kampf. Cela est absolument mis hors de doute par les dates. Il suffit
de les citer pour en être convaincu.
La note On the larval state of Molgula a été présentée par M. Han-
cock at the meeting of British association held at Liverpool, en sep-
tembre 1870 *.
Cette note a été publiée à l'occasion de mon travail, dont le
résumé se trouve dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences
de Paris du 30 de mai 1870.
Or, le travail de Tellkampf a été lu le 23 de mai 1871, et publié dans
les Annals of the Lyceum of Natural History of New-York, pour 1874,
4 Voir Annals of the Lyceum of Natural History of New-York, vol. X, p. 83, 1871.
2 Voir United Stales Commission of Fish and Fisheries — rapport pour les an-
nées 1871 et 1872. Invertebrate animals, etc., p. 445.
3 Voir KUPFFER, loc. cit.
* Voir Ann. and Mag. of Nat. History, 4e série, vol. VI, n° 35, novembre 1870,
p. 353. On y trouve les observations et les descriptions de Hancock.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 499
vol. X, pl. IT, Donc, il est incontestable, d’après les dates mêmes, que
ma publication est d’un an antérieure à celle du savant américain.
Il est bien vrai que le docteur Tellkampf dit que ses observations
de la génération alternante remontent à 1850, 1851 et 1856 (p. 84,
loc. cit.). Mais est-il possible d'accepter ces dates et de les interpréter
comme cela a été fait, puisqu'elles n’ont pu être connues des natu-
ralistes que par cette même publication de mai 1871?
D'ailleurs, si la découverte du docteur américain était bien anté- é
rieure à la mienne de plus de vingt ans, on peut vraiment se F
demander, comment, dans son travail de 1871, ce naturaliste n’a ;
point réclamé la priorité. En effet, il pouvait et devait connaitre alors :
non seulement les faits contenus dans ma communication à l'Aca- L
démie, mais surtout ceux publiés par Hancock. :
Cela s'explique. Il ne cherchait qu'à prouver l’existence d’un cas
d’alternance de la génération. ï
Il a sans doute pu avoir sous les yeux des œufs de la Molqula
Manhattensis, mais on peut affirmer que pas un des dessins publiés É
en 1871 par lui ne montre des embryons anoures. Il ne veut prouver
qu'une chose, la transformation des œufs en Mammaria.
En résumé, le travail américain, n'ayant été publié qu'un an,
mois pour mois, après le mien, ne peut m’enlever la priorité. :
Le lecteur peut juger maintenant, non seulement la valeur del'accu- à
sation de plagiat qui m'a été adressée au congrès de Lille (3° session,
vol. de 1874, p. 444), mais encore la nature des sentiments qui l'ont
dictée. |
2 Ÿ1
Sr à
LR CE
Ar ESPÈCE.
ANOURELLE ROSCOVITE /ANURELLA ROSCOVITA) (N. SP., H. DE L.-D.).
Arch. de Zool. exp. et gén., vol. III, pl. III, IV, V, V bis, X, XI, XIX, XX, XXI,
XXII: HE XIV, XX VER VE XX VIL.
___Ilest fort remarquable qu’une espèce aussi abondante et dont la
| station paraît être très étendue dans la Manche, n'ait pas été décrite.
_ Si l'on cherche à appliquer à sa détermination les différentes
descriptions des espèces connues, on ne peut en trouver une ren- :
| fermant tous ses caractères, et c'est pour cela que, ne prenant
| d’abord que les caractères si généraux du genre et de l'espèce
Molgula tubulosa, de l'ouvrage de Forbes et Hanley (British Mollusca),
LET Un LP CET TER LA 2 ‘Ce LAPS] 2
300 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
j'avais donné ce nom à cette espèce. Mais, en y regardant de plus
près, il m'a été bientôt démontré qu'il fallait indiquer une nouvelle
diagnose et imposer un nouveau nom.
Comparons avec cette Anourelle les différentes espèces décrites et
nous verrons d’une part quels sont les caractères communs qui
leur appartiennent, d'autre part quelles sont les différences qui les
éloignent.
Il faut mettre d’abord de côté les Molgules urodèles, ainsi que
celles à lobes osculaires laciniés. Ces deux Caractères les séparent
complètement.
Il reste alors cinq espèces anoures, dont quatre ont des caractères
tellement nets et tranchés, qu'il est impossible de les attribuer
" à l'A. Roscouita.
Ce sont :
D'abord la M. oculata, de Forbes et Hanley, qui, vivant libre dans
le sable et se couvrant d’une couche épaisse de débris sous-marins,
peut présenter, à la première vue, quand elle est de petite taille,
quelque analogie de forme et d'aspect général avec l’A. Roscovita.
Mais il suffit d'en étudier les oscules ! et la région interosculaire
pour être immédiatement convaincu de la grande différence qui les
distingue.
La région interosculaire dans la M. oculata est nue et sans fila-
ments agglutinants. Que l'on compare les figures représentant ces
espèces, et l’on verra tout de suite quelle énorme dissemblance les
sépare. L'erreur n'est pas possible.
L’A. Bleizi est à peu près nue, de petite taille et fixée. Par son
apparence extérieure, elle ne pourrait être confondue avec l’es-
pèce que nous étudions; mais, de plus, si on ouvre sa chambre
péribranchiale, on voit de chaque côté du rectum deux grosses
papilles, à forme tellement spéciale, que là encore il ne serait pas
possible de faire de‘confusion.
Il suffit de comparer la figure 4, pl. IT, vol. II, et la figure 1 de la
planche XVIII, vol. VI, pour juger de la différence extérieure. Quant
au caractère de l’orifice génital femelle, la figure 2, pl. XXIV, vol. I,
et la figure 9, pl. XVIII, vol. VI des Archives, montrent tout de suite
sa valeur.
1 Voir Arch. de Zool, exp., vol, VI, pl. XIV, fig. 4, et comparez à fig. 4, pl. Il,
vol, III, id,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 901
Restent les deux espèces, M. simplez et M. macrosiphonica, où du
moins deux espèces, trouvées à Roscoff, qui ressemblent à celles
décrites sous ces noms, et dont il faudra discuter la synonymie; pour
le moment il nous suffit de dire qu’on ne peut les confondre avec
l'A. Roscovita, car leurs diagnoses données par les auteurs ne peu-
vent, en aucune façon, s'appliquer à celle-ci.
L’A. solenota! et la Molqula macrosiphonica du professeur Kupffer
offrent une telle différence par la longueur du siphon, par le peu de
complication des infundibulums relativement simples, par les trémas
grands et circulaires, par l'unique orifice de chaque testicule s’ou-
vrant au sommet d’une papille placée au centre de l'ovaire, par la
tunique à peu près nue et par l'absence des ocelles, qu'il n’est pas
possible dela confondre avec l'A. Roscovita; tout au plus pourrait-on
la prendre, par sa physionomie extérieure, pour l’A. Bleizi ou pour
l'A. sèmplex.
Celle-ci, du moins à en juger d’après les individus auxquels j'ai
attribué ce nom, a une branchie, à quelques égards, plus rapprochée
de celle de l'A. solenota; mais les organes reproducteurs, mais les
tentacules sont fort différents, et l’anse intestinale, très recourbée,
remonte en arrière, tant elle est longue; d’ailleurs, elle n’a que six
méridiens branchiaux de chaque côté ?.
Voilà pour les espèces qu’on trouve à Roscoff.
Comparons maintenant les espèces décrites par les auteurs. L’A,
Roscovita peut-elle être la Molgula Manhattensis? Ce n'est point
admissible. M. Kupffer considère celle-ci comme étant la même que
la Molqula macrosiphonica * ; il l'indique dans la synonymie, cepen-
dant avec un point de doute. En acceptant cette identité, quoique
admise un peu dubitativement par le naturaliste allemand, il n’y
aurait qu'à répéter ce qui vient d’être dit plus haut à propos de la
différence des espèces.
En outre, il n'y a qu'à consulter les dessins donnés par le docteur
Tellkampf, fig. 1,2 et 3, pour voir des différences si grandes, et sur
lesquelles, du reste, il sera nécessaire de revenir, qu'il n'y a pas lieu
d'insister en ce moment.
Peut-on l’assimiler à la M. arenata, de Stimpson? Il est difficile
# Voir Arch. de Zool. exp., vol. VI, pl. XVI, fig. 1, 2 et 3.
3 Voir id., id., vol. VI, pl. XVII.
3 Voir Kuprrer, loc. cit., Nordsee Exp., p. 224.
502 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
de le dire. La description donnée par cet auteur est trop courte,
comme du reste on va en juger:
« Body somewhat comprimed laterally, test thin, uniformly cove-
red withe coarse sand, which adheres very strongly. Apertures small,
on very short tubes, far removed from each other. Length, thee
fourths of an inch !. » |
La figure qu’en donne le professeur Verrill (Am. Journ. sc., 3° sér.,
vol. IE, pl. VIIL, fig. 5) ne peut guère, plus que la description pré-
cédente, fournir une idée d’un caractère particulier distinctif. Cette
description ne peut en rien servir à une détermination précise, car
elle se rapporte indifféremment à toutes les espèces libres, globu-
leuses et couvertes de sable.
Serait-ce la Molqula pannosa, du même naturaliste ? ?
La description de la tunique et du revêtement fibreux de cette
espèce est applicable à notre Anurella; toutefois le tube anal étant
plus long que le tube buccal, il y aurait là une légère différence.
Mais où la description américaine ne paraît plus concordante, c’est
dans la forme de l'orifice buccal. « The branchial tube is about the
same in size, but a little shortes, subcylindrical, scarcely tapering,
with six, smalle prominent, acute lobes or papillæ; alternating with
these are six much smaller ones. »
Du reste, rien dans les caractères profonds n'est indiqué qui per-
mette de pousser plus l6in la comparaison.
Ce n’est point la Molqula retortiformis du même auteur”. La forme
extérieure l'indiquerait seule.
Ce ne peut être davantage la M. liftoralis, qui est fixée et nue ou
papilleuse, ni les M. papillosa, M. pilularis et encore moins M. pel-
lucida. Geci ne peut faire de doute par les caractères et les formes
du siphon et de la tunique.
On verra plus loin, à propos des deux espèces M. 2nconspicua et
M. complanata, que cette dernière, petite, fixée, en partie nue (Alder
et Hancock), est probablement une C'fenicella; que la première ne
peut être notre A. Roscovita, puisque Hancock # dit expressément
ceci : « Branchial sac with six folds on each side, the meshes very
slightly convoluted or almost linear, » et que notre espèce présente
1 Voir Proc. Bost. Soc., n° IV, 1852.
2 VerriL, loc. cit., p. 55, fig, 2,
3 Voir id. id., p. 56, fig. 3.
* Ann, and Mag., 1870, p. 306, vol, VI, 4e sér.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 503
toujours sept plis ou méridiens de chaque côté du sac branchial.
Cette espèce n'est pas d'ailleurs de grande taille, puisqu'elle n'a qu'un
diamètre de trois dixièmes de pouce anglais.
Parmi les cinq Molgules décrites par le professeur Kupffer, ce ne
peut être la M. arenosa, qui est l'£ugyra d'Hancock, la 47. nana, la
M. macrosiphonica et la M. ampulloïdes, dont les diagnoses sont cer-
taines ; serait-ce enfin la A. occulta de l’auteur allemand?
La description de cette espèce s'approche le plus de celle de notre
Anourelle, aussi vais-je la reproduire en entier :
Molgula occulta, 1, p. 224, loc. cit., Nordsee Exp., Kupffer :
« Forme générale ellipsoïde dans son ensemble, quelque peu
aplatie de droite à gauche, atteignant jusqu'à 3 centimètres de lon-
gueur, 2 centimètres de large seulement, couverte de sable fin ou
de débris de couilles, reposant librement dans le sable; les deux
orifices portés par deux siphons courts, complètement rétractiles :
l'oral en avant, mais dirigé du côté dorsal; le cloacal au milieu
ou au-dessous du milieu de, la longueur, également dorsal. Au pour-
tour des deux orifices, une accumulation de pigment brun, mais
non sous forme de points délimités et régulièrement répartis. »
Observons ici une différence avec ce qui s'observe dans l'A. Ros-
covita. La station fait varier évidemment la coloration, et dans les
individus venus de quelque profondeur, tout comme dans ceux
pêchés à Roléa, Per’haridi, etc., etc., on trouve des échantillons
ayant des points oculiformes ".
« Le revêtement des particules étrangères adhérant à de nom-
breux filaments, agglutinants, simples ou ramifiés, couvrant toute la
surface à l'exception du siphon. »
Ceci se rapporte tout aussi bien à l’'Anurella oculata, ainsi qu'on
le verra.
« Tunique finement membraneuse, mais résistante.
: « La masse interne du corps flasque, avec une faible muscula-
ture ; sur les siphons se trouvent une couche interne formée de fibres
circulaires, et une externe formée de faisceaux longitudinaux de
fibres longues et déliées; c'est le cas de presque toutes les Molgu-
lides. Ces fibres, ces faisceaux longitudinaux, se renflent soudaine-
ment en devenant ventrus à leurs extrémités internes. Dans tout le
1 Voir H. de L.-D., Histoire des Ascidies simples des côtes de France (Arch. de
Zool. exp., vol. III, 1874, pl. III, fig. 6 et 7).
904 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
reste de la tunique cutanée, musculeuse, se trouvent seulement de
courts muscles ayant un corps distinct avec de longs tendons. Ils
sont assez clairsemés et s'offrent avec le plus de régularité sur les
deux côtés des lignes médianes verticales dorsales, à l'exception des
taches pigmentaires déjà signalées; toute couleur plus saïillante man-
que et le ton général est d’un jaune ou brun mat.
« Il y a environ douze tentacules ramifiés plus gros et autant de
plus faibles.
« La paroi de la fossette vibratile s'ouvre à droite. »
Tous ces caractères n'offrent rien de particulier à une espèce quel-
conque.
« Le sillon vecteur est bordé d'un seul repli dont la marge est régu-
lièrement dentelée. »
Ici se rencontre un caractère positif que nous mettrons à profit dans
la description de quelques espèces du genre Ctericella ; car je ne l’ai pas
vu manquer dès qu'une première fois j'en ai constaté l'existence. Or
jamais d’un autre côté notre espèce n’a présenté de dentelures! sur
le bord de cette lame, que le professeur Kupffer appelle la marge du sil-
lon vecteur, partie que nous avons nommée dans l'introduction et que
nous nommons dans les descriptions qui suivent le raphé postérieur.
Je ne crois donc pas que, ce caractère étant donné comme posi-
tif, l’A. ARoscovita puisse être confondue avec la Molqula occulta de
M. Kupffer.
Continuons la description :
« Sac branchial avec quatorze replis symétriquement répartis, cha-
cun portant à sa surface quatre à six côtes longitudinales rappro-
chées les unes des autres.
« Les fentes branchiales courbes et les capillaires situées entre
elles sont disposées par groupes en systèmes concentriques chacun
autour de son centre respectif situé sur les replis longitudinaux.
Plus on s'approche du centre et plus régulier devient l’arrangement,
et chaque système s'élève en un cône pénétrant dans le repli. Les
cônes se divisent encore à leur sommet en un double cône. Sur
chaque cône se trouvent deux vaisseaux sanguins spiraux COMMUNI-
quant au sommet. Les replis longitudinaux paraissent même déjà à
l'œil nu, par cette disposition des cônes placés en série simple les
uns au-dessous des autres, comme découpés en segments.
1 Voir H. de L.-D., loc. cit., vol. IIL, pl. IV, fig. 8, Rp.
«
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 505
« L'estomac est étroit et à peine séparé de l'intestin. Celui-ci figure
une circonvolution allongée et par sa branche récurrente s’accole de
nouveau à l'estomac.
« Sur l'estomac est une glande colorée en grisâtre, composée
d'utricules allongées ; dans l'estomac il n’y a pas de papilles.
« La glande génitale gauche est située du côté dorsal de la branche
récurrente de la circonvolution intestinale. À droite se trouvent
étroitement accolés les uns sur les autres, le rein, le cœur et la se-
conde glande génitale. Le rein renferme des concrétions jaune brun. »
Il n'y a dans tout ce qui précède absolument que des caractères
généraux se rapportant à plusieurs espèces, et ne pouvant servir à
établir la comparaison d'espèce à espèce.
Reste le dernier paragraphe. Il est intéressant :
« Get animal a des rapports étroits avec la Cynthia Dione (Savigny),
mais il manque du recouvrement fibrilleux des orifices siphonaires
que Savigny décrit et figure, et la forme générale du corps n'est pas
concordante, sphérique dans la C. Dione, elle est ici latéralement
comprimée et allongée. Enfin Savigny dit expressément pour la €.
Dione, que l'orifice buccal n’a aussi que quatre festons!. »
Il me paraît bien évident, en considérant la figure que Savigny a
donnée, pl. VII, figure 4, que tous les caractères divers de la Dione
sont ceux d'une Molgulide. Position de l’anse intestinale et des glan-
des génitales dans la courbe de cette anse, couronne de tentacules
branchus, position et forme du foie, disposition régulière des infun-
dibulums, tout est d'une Molgulide ; mais reste la difficulté tenant
au nombre des lobes des orifices. Nous ne connaissons point de
Molgulide bien observée ayant quatre lobes à l’orifice branchial in-
spirateur.
Mais supposons qu'en raison de la contraction des animaux deux
des lobes de l’orifice inspirateur aient échappé à Savigny, ce qui est
possible, il est bien difficile qu'un observateur aussi éminent ait
décrit et dessiné les filaments qu'il indique sans qu'ils eussent existé
réellement. Voici la diagnose qu'il donne :
« Corps sphérique, uni, blanchâtre, communément sablé à sa sur-
face. Orifices prolongés en tubes cylindriques, divergents, s’ouvrant
en quatre festons frangés par de petits filets » (p. 453).
Dans la description page 93, il dit : « Gette espèce a deux orifices
1 Voir Kuprrer, Nordsee Expedition, 1872. p, 224.
906 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
extérieurs découpés en quatre lobes ; des filets tentaculaires bran-
chus et comme bipinnés ; quatorze plis flottants au sac branchial ;
estomac enveloppé dans un foie cannelé verdâtre; les ovaires au
nombre de deux, un dans l'abdomen et contigu à l'intestin, quoique
non Compris dans son anse; l’autre du côté opposé. Z£lle semble donc
partager la conformation des précédentes, et devrait en effet leur être
réunie, st elle ne présentait des caractères par lesquels elle se distingue,
non seulement de ses congénères, mais encore de toutes les Ascidies sim-
ples et composées qu? me sont connues.
« Le premier consiste en de petits filaments qui boï doit les festons
de ses oscules, et qui la font reconnaître pour l'espèce gravée dans
Forskaol, à laquelle on trouve ces singulières franges de filet. Le
second et le plus important de ces caractères réside dans la disposi-
tion du tissu branchial, qui n’est pas continu sur les plis, mais inter-
rompu à des distances égales, et de manière à dessiner une suite de
festons très irréguliers. »
Cette description est à coup sûr fort remarquable et l’on y voit ce
coup d'œil sûr du zoologiste sans égal qui sentait dans sa Cynthia
Dione une espèce appartenant à un tout autre genre qu'à celui des
Cynthia.
Mais comment le sébroisons Kupffer a-t-il pu vouloir assimiler la
Molqula occulta à la Cynthia Dione de Savigny, après avoir reconnu
l’absence de ces filaments qui bordent les festons de la {ione ? Pour
nous qui savons que ces filaments n'existent pas, nous ne pouvons
confondre les deux espèces.
Ces filaments ont une importance certaine; ils auraient pu
échapper à l'observation, mais non être ajoutés. Leur présence à
frappé Savigny. Ils prouvent incontestablement que si la Molqula
occulta est la même que la Cynthia Dione de Savigny et si celle-ci est
une Molgule, ce qui semble bien probable, elle est une Ctenicella et
non une Molqula proprement dite, pas plus qu'une Anurella.
En résumé, pour les raisons qui viennent d'être successivement
données, il est impossible de rapporter aux espèces et aux genres
déjà décrits l'animal qui a servi de type, et c'est pour cela que j'en
fais une espèce nouvelle à laquelle je donne le nom spécifique de
Roscovita, en souvenir de sa découverte faite à Roscoff et de la facilité
avec laquelle il est possible de se la procurer dans cette localité;
je la rapporte au genre ANURELLA.
|
|
‘
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 507
Cette discussion d'espèce a été un peu longue. Elle était néces-
saire, d'ailleurs plus loin elle évitera de nouvelles comparaisons de-
venues désormais inutiles.
CARACTÈRES.
Extérieur. — Le corps est ovoïde, très régulier, quand il est con-
tracté et qu'il vient d’être pêché. L'animal est libre dans la grève
ou adhérent exceptionnellement aux corps qui sont dans son voi-
sinage. Laissé longtemps dans des vases à fond plat, sa partie infé-
rieure s’aplatit, faute de soutien ; dans la position normale le grand
axe est horizontal.
Orifices et siphons. — Sans avoir une grande longueur, les siphons
sont habituellement saillants au-dessus de la surface de la grève, et
les orifices présentent une teinte grisâtre que relèvent souvent des
points oculaires colorés, ou des bandes interrompues de granulations
orangées, jaunâtres, bistres ou même blanchâtres.
Il y a de grandes variations quant à cette coloration, variations qui
sont en rapport avec la nature des fonds habités.
Dans le voisinage et tout près des orifices les tubes ou RACE
ne sont pas couverts de grains de sable.
Les dents du feston sont larges, mais dans leur épanouissement
le plus complet elles sont rejetées légèrement en dehors et deviennent
un peu pointues.
La valvule diaphragmatique du tube expirateur est peu développée
et n'offre rien de particulier.
Quand les animaux sont tracassés, les siphons disparaissent entiè-
rement, car ils sont complètement rétractiles. Ils sont placés sur
la face postérieure de l'ovoïde et le branchial remonte même un
peu en arrière.
Tentacules. — Ils sont deux fois pinnés et les plus grands trois fois.
Les divisions tertiaires sont petites, leur face en dessous est couverte
d'une couche de granulations blanc jaunâtre, dont la teinte fait des-
siner leurs arborescences sur le fond obscur de la cavité branchiale.
Quand les animaux sont bien épanouis, le grillage qu'ils forment en
se rabattant sur l'entrée de la branchie est peu serré et leurs rami-
fications grêles et libres laissent entre elles des espaces obscurs qui
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508 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
permettent de les voir nettement. Ils ne s’entrecroisent que peu
et seulement par leurs extrémités.
La couronne est formée de douze à quatorze tentacules alterna-
tivement grands et petits entre lesquels, sur les grands individus, on
trouve en outre des petits bourgeons intermédiaires à forme tenta-
culaire ".
Branchie. — Elle est très grande, très régulière et d’un blanc
jaunâtre.
Ses méridiens ? sont au nombre de quatorze, sept de chaque côté,
tous bien développés, même les derniers en avant au voisinage du
raphé antérieur, et les deux premiers en arrière auprès du raphé
postérieur. Relativement aux autres ceux-ci sont très courts. La ter-
minaison supérieure des cinq antérieurs, au voisinage de la bouche,
est creusée en un godet duquel partent des filaments qui vont s’unir
à la ligne terminale supérieure du raphé antérieur et du raphé pos-
térieur.
Le nombre des côtes est de cinq à six. Elles sont toujours bien
accusées. |
Les trémas ou fentes branchiales sont longs et mesurent à peu près
dans leur plus grande étendue la moitié de la longueur de la base
des infundibulums, quelquefois plus”.
Les énfundibulums présentent une première et profonde bifurcation
à partir de la deuxième côte comptée en partant de la base et une
dernière ou quatrième correspondant à l’avant-dernière côte‘.
Un peu au-dessus de leur base ils sont bossus sur leurs côtés et
comme étranglés.
La largeur des bandes interméridiennes n’est pas exagérée et les
plis méridiens sont saillants, non couchés, sans être, dans l’extension
extrême, appliqués par l’une de leurs faces sur cette bande inter-
médiaire.
Les vaisseaux équatoriaux ou perpendiculaires aux méridiens sont
très marqués, de sorte que la branchie vue postérieurement paraît
souvent partagée en carrés dont les côtés sont d’une part les pre-
1 Voir Arch. de Zool. exp., pl. XX, fig. 11 et pl. V bis, fig. 5, vol. IJI.
2 Voir id., id., pour la description, vol. III, pl. V et V bis.
S Voir #1; #4, pl. W.
Noir #4, M4. pliV Mig, M5:
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 509
mières côtes de la base des méridiens, d'autre part les vaisseaux
branchio-cardiaques.
Raphés. — Le raphé antérieur ou endostyle, limité comme tou-
jours par deux lames minces formant un canal, n'offre rien de parti-
culier. Il n’est pas très développé. Sur les animaux dénudés de
leur revêtement de sable et ayant conservé l’eau qui les gonfle,
l'endostyle paraît comme une bande hyaline, transparente, sur le
milieu de laquelle court une ligne blanche.
Le raphé postérieur remonte à droite de la bouche et, avant de
se souder aux têtes des méridiens, à la hauteur de la lèvre inférieure,
prend un assez grand développement, ce qui le rend saillant, ondulé ;
mais il n’est jamais dentelé sur son bord.
Quant à sa partie gauche, elle s'arrête très peu après avoir formé
l’angle dans lequel est logé l'organe vibratile ; elle ne remonte guère
que jusqu'à la hauteur du premier vaisseau transversal inférieur ou
parallèle voisin de l’orifice branchial *.
Tube digestif. — La bouche, formée par l’embrassement de deux
croissants très visibles dans cette espèce, est placée entre les deux
extrémités des deux raphés.
Sur les animaux tués en état d'épanouissement, on voit à droite,
en bas vers son entrée, un bourrelet qui plonge dans l’æsophage.
L'estomac, grand et phissé en long, fait suite à un æœsophage bien
appréciable, courbe et relativement assez long.
Le foie présente toujours des lobes d’un jaune bistre, brun, verdâtre,
variable dans la teinte avec les stations des animaux. Le quatrième
lobe, petit, entre l’æœsophage et le rectum à droite, est toujours bien
développé. Remarquons en passant que la teinte des planches du vo-
lume IT est pour le foie beaucoup trop jaune, elle devrait être jaune-
verdâtre.
L’anse intestinale ne descend que jusque vers le milieu de la lon-
gueur du grand diamètre et ne se recourbe? que peu ou pas en arrière.
Ce caractère est important, car souvent il suffit de constater la
disposition de l’anse intestinale pour reconnaître l'espèce. Ainsi dans
le dessin de la #. Manhattensis, donné par le docteur Tellkampf,
1 Voir Arch. de Zoo!. exp., pl. IV, fig. 8, et pl. X, fig. 25.
2 Voir id., id., pl. II, fig. 5.
510 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
l'intestin se recourbant fortement en haut vers le foie et l’anus permet
de reconnaitre que notre espèce ne peut être l'A. Roscovita.
Le rectum est ici fort court et s’accole à la face postérieure de la
branchie jusqu'en face de la bouche, mais un peu en dessous d’elle.
L’anus, très fortement taillé en bec de flûte, a sa lèvre adhérente,
longué, pointue, courant assez bas sur le dos du sac branchial. Il
correspond au dos du raphé postérieur ; il est toujours béant et sou-
vent on voit dans sa profondeur les vermicelles excrémentitiels qui
se déroulent et forment des filaments flottant dans la chambre péri-
branchiale *. à
Dans l'intérieur de l'intestin, au travers des parois, on voit aussi
les paquets de matière fécale très nettement disposés en filaments,
surtoutau-delà du manchon de couleur jaunâtre, de matière glandu-
laire, qui est sur l'intestin après la courbure.
Manteau. — Le tissu du manteau est légèrement coloré en jaunâtre,
et la vivacité de sa coloration varie beaucoup avec la station et
l’état de développement des animaux.
Les individus pris à la drague ou dans les marées les plus basses
sont plus vivement colorés. Cela est encore vrai pour les animaux les
plus âgés.
Les muscles sont disséminés en petits faisceaux fusiformes qui
n'offrent rien de particulier comme dans quelques autres espèces.
Autour des orifices, à la base des siphons, les fibres circulaires et
les fibres longitudinales sont fortes, mais dans leur disposition n’of-
frent rien de spécial à l'espèce.
Tunique. — Elle est modérément épaisse et malgré cela assez résis-
tante, et sa transparence permet, quand on l’a dépouillée de son
revêtement de sable, de voir au travers les organes qu'elle recouvre.
Ses filaments extérieurs sont très nombreux et en même temps fort
longs. Ils atteignent certainement dans beaucoup d'individus la
longueur d’un centimètre. Aussi, ayant une grande puissance adhé-
sive, retiennent-ils beaucoup de sable et augmentent-ils considéra-
blement les diamètres.
Il faut remarquer à ce propos que la nature du fond donne une
apparence tellement variable aux individus et à la coloration des
1 Voir Arch. de Zoo!, exp., vol. II, pl. IV, fig. 9.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 511
oscules que l'on a malgré soi une tendance à croire au premier abord
à l'existence d’espèces différentes. Sans l'anatomie interne on a sou-
vent de la difficulté à reconnaître les individus d’une même espèce
pris dans des stations différentes.
Le ganglion nerveux n'offre aucune particularité caractéristique.
La glande prénervienne, arrondie, est placée en arrière, à gauche du
ganglion.
L’organe vibratile a son pavillon en fer à cheval ouvert le plus
souvent en haut, mais quelque peu tourné à gauche, souvent même
tout à fait de ce côté. Il est fortement recroquevillé!.
Le rein où corps de Bojanus est jaunâtre sur les jeunes individus
en juin ; mais à la fin de la croissance, vers la fin d'août, sa couleur
devient plus foncée, surtout à mesure que le volume de sa masse
inorganique se concrète au centre : alors il devient d’un rouge
noirâtre, obscur, un peu bistre *.
Sur les animaux qui ont été brossés pour les débarrasser du sable,
le corps de Bojanus mesure un peu moins du tiers de la longueur to-
tale du grand axe du corps et son grand diamètre courbe n'est
. pas tout à fait parallèle à ce grand axe. Son extrémité inférieure est
un peu plus antérieure que son extrémité supérieure. Dans tous
les cas, les deux extrémités sont peu éloignées en avant du raphé
antérieur, en arrière de la masse hépatique.
Sa courbe postérieure embrasse exactement le bord antérieur des
| glandes génitales.
La fosse cardiaque et le cœur étant logés dans la courbe posté-
rieure que forme l'organe rénal de Bojanus, il s'ensuit que leurs
rapports sont les mêmes que ceux de cet organe. Il y a donc un
| certain éloignement entre le cœur et les viscères : ce qui conduit à
l'existence d’une aorte splanchnique. Cet éloignement dans l’espèce
|
est très marqué.
Glandes génitales. — Elles sont placées, à droite, en arrière de la
courbe postérieure de l’anse intestinale, à gauche, de même en arrière
de l'organe de Bojanus: celle du côté droit, un peu moins élevée que
1 Voir Arch. de Zool. exp., vol. IIL, pl. X, fig. 25 et 27.
® Voir id., id., pl. III, fig. 4, b.
912 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
celle du côté gauche, n’est pas entourée de tous côtés par l'intestin,
caractère important à noter.
La masse des deux glandes est ovale ; en juin, leur milieu est d'un
beau jaune d’or: c’est l'ovaire; le pourtour est blanc mat: c’est Le
testicule. Plus on avance vers le mois d'août et l'époque de la
maturité, plus la teinte des œufs se fonce, plus les testicules se gon-
flent et débordent au-dessus de l'ovaire.
L'oviducte' s'ouvre du côté de l’orifice expirateur, non loin du dia-
phragme ; il se dirige par conséquent de bas en haut et d'avant en
arrière ; 1l est adhérent à la face interne du manteau, et son orifice
est bordé par un bourrelet en fer à cheval dont la partie rentrante
commence à former une papille. Il ne faut point oublier que la posi-
tion et la forme de l’orifice de l’oviducte fournissent de très bons
caractères spécifiques.
Les testicules, groupés autour de l'ovaire, s'ouvrent aussi autour
de lui par un nombre variable d’orifices ; les canaux déférents de
chacun d'eux ? s'élèvent en formes de papilles. Il n’y a donc aucun
rapport entre l'oviducte et les spermiductes : c’est un caractère
qu'il est utile de signaler.
L'embryon naît anoure, et en sortant de la coque cellulaire de l’œuf »
se fixe immédiatement à tout ce qui est en contact avec lui.
Je ne sais si, dans la nature, les embryons sont formés et nés
avant leur sortie de la chambre péribranchiale; mais dans les
nombreuses expériences et les observations répétées très fréquem-
ment et longtemps suivies que j'ai faites, des œufs rejetés hors
de cette chambre se sont fractionnés et ont suivi toutes les phases
du développement sans aucun trouble. L’incubation a-t-elle lieu
dans la chambre péribranchiale? Cela est possible, mais non abso-
lument nécessaire.
STATION.
J'ai trouvé cette espèce près de Saint-Malo, à l’île Ago, à Portrieux
et Saint-Quay, aux îles Bréha, à la grève de Saint-Pol de Léon et à
Roscoff. Je pense que dans une foule d’autres localités de la Manche
elle doit exister.
Elle se rencontre toute l’année, seulement du mois de septembre
1 Voir Arch. de Zool. exp., vol, III, pl. XXIV, fig. 1, 2, 0’ vw’.
2 Voir id., id., fig. 1, 2 et 7.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 913
plus ou moins tard, suivant les années, au mois de mai, elle est à
l'état microscopique et il faut savoir où elle stationne à l’état adulte
pour la trouver. J'ai montré que l'Anourelle pond en juillet et en
août, puis qu’elle meurt, et fait place à une nouvelle génération qui
ne s'accroît d'abord que très lentement.
À partir du commencement de mai et de juin elle prend peu à
peu des proportions plus considérables et il est très facile alors de
l'avoir. Il suffit, dans les grèves abritées contre les grands Courants,
derrière les rochers, de fouiller un peu pour s’en procurer des quan-
tités prodigieuses; dans quelques-unes des localités citées, il suffit
d'enfoncer la main dans le sable pour la ramener, sil y en a, par
poignées.
Les limites de la station au point de vue de la profondeur sont
faciles à préciser à Roscoff. Quand les marées ne descendent que
jusqu’à 15 décimètres, indication de l'annuaire des marées, on peut
trouver quelques échantillons, mais bien peu, à moins qu'un mou-
vement inaccoutumé de la houle n'ait déplacé le sable des grèves et
entrainé les individus en même temps.
Au-dessous de 15 décimètres, de 8 à 10 par exemple, les pèches
commencent déjà à être très fructueuses.
Sans répéter ici toutes les indications données dans l’introduc-
tion (1874), je rappellerai qu’à Roscoif, pour trouver sûrement /’Anu-
rella Roscovita, il faut aller fouiller les grèves entre le fortin de Per’-
haridi et les roches de Les-Lédanet et du Loup (carrec ar Bléiz), qu'à
l'est du petit massif de Roléa, au-dessous de la chaussée de sable qui
s'étend vers le sud, on trouvera toujours dans les ruisseaux d’écou-
lement des grèves d'immenses quantités de cette espèce.
En quittant Roléa et se dirigeant vers l'ouest, on rencontre, avant
d'arriver à la roche du Loup, un grand banc de sable entourant une
fosse profonde qui n'assèche que pendant les plus fortes marées ;
dans cette fosse et surtout dans le bas du ruisseau d'écoulement
des eaux, longeant le côté est des roches Les-Lédanet, l'Anurella
Roscovita est extrèmement abondante. Les sables, dans cette localité,
Sont très fins et propres ; aussi les individus y ont une physionomie
très différente de ceux qu’on trouve sous le fortin même de Per’-
haridi.
En continuant les excursions toujours à l'ouest et laissant à la
droite Les-Lédanet on arrive sur une grève de sable mouvementé, à
gros grains, formé de petits noyaux granitiques; on a devant soi à
ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, = T, vI, 1877, 33
D14 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
gauche, au sud-sud-ouest, le fort de Per’haridi; à droite, au nord-
ouest, la roche nommée Z'oufa-bian. On appelle dans le pays cette
grève les Sabrinières ; un ruisseau d'écoulement la parcourt du sud
au nord à peu près; il prend son origine dans un point au-dessous du
fort, où l’eau séjourne. C’est dans ces parties, qu’on reconnaîtra fa-
cilement sur les cartes marines, car il y à un gros Caillou au centre
qui est indiqué, que j'ai toujours trouvé les plus beaux échantillons.
Cette station est aussi celle où l’on trouve l’Anurella Roscovita à la
plus grande hauteur, entre 14 et 15 décimètres. Il faut entrer toute-
fois dans l’eau pour trouver des individus, mais enfin dans ces condi-
tions de marée les pêches commencent à être possibles, quoiqu'avec
quelque peine.
Sur les plages de Pempoul, à l’est de Saint-Pôl de Léon, au bas
des grandes eaux, on trouve aussi cette Anourelle à profusion ; mais
avec une physionomie un peu différente, due à la nature des fonds.
Dans les bancs de sable qui assèchent autour de l’île de Batz, au
nord de Roscoff, j'ai aussi rencontré de beaux et nombreux indi-
vidus, mais nulle part avec l'abondance extrême que je viens de si-
gnaler à l’ouest dans le canal.
La drague l’a rapporté au nord-est de l’île de Batz, dans les pa-
rages de la Basse-d’Astan et dans la rivière deSaint-Pol, au voisinage
des cailloux appelés la Vache, le Cordonnier, les Fourches; maïs ici,
les échantillons ont une physionomie toute particulière, due à la
nature des fonds, qui sont composés de débris de nullipores et de co-
quilles, exploités par les pêcheurs pour l’agriculture, sous le nom
de merle.
La physionomie extérieure est telle sur les individus de cette loca-
lité, que j'avais dessiné bon nombre d’oscules croyant qu'ils apparte-
naient à une espèce différente.
Ces échantillons, pêchés à une trentaine de mètres de profondeur,
ont une coloration vive. Les points oculiformes sont, dans quelques
cas, d’un rouge carmintrès beau.
Souvent aussi les points oculiformes latéraux sont doubles sur
l'orifice expirateur. Mais ce caractère, qui avait d’abord attiré mon
attention, ne m'a pas paru avoir d'importance spécifique; car, en exa-
minant de nombreux échantillons, j'ai bientôt remarqué que les
points colorés même de l'orifice inspirateur pouvaient être tous
régulièrement doubles.
Les tentacules dans ce cas semblent aussi moins développés,
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 515
surtout moins rameux et plus grèles ; ce qui fait qu'ils se détachent
comme des filets blancs sur le fond noir de la cavité générale et
qu'ils paraissaient très délicats.
Enfin, le diaphragme épidermique de l’orifice anal a présenté un
pincement sur la ligne médiane en avant; mais ceci peut bien tenir
à l'état de la préparation.
Les échantillons pêchés au Portrieux, dans la grève, à l’ouest de
l'Aiguillette, ont les caractères de ceux de Roléa, près Roscoff.
Autant que mes souvenirs me le permettent, je crois me rappeler
que les individus de File Ago, près de Saint-Malo, avaient une couleur
très foncée.
Dans une excursion, au mois de mai, à Bréha, les individus nom-
breux que j'ai pêchés dans l’ouest de Roch-Louet et des Roho, à cette
époque de l’année avaient déjà une assez jolie taille, et exactement les
caractères de ceux dragués à Astan et dans la rivière de Saint-Pol
de Léon.
L'organe vibratile m'avait paru avoir son échancrure en fer à che-
val fort étroite et presque circulaire.
J'ai aussi remarqué des papilles saillantes sur un point de la bran-
chie, près de la bouche ; malheureusement, quand j'ai observé cette
particularité le nombre des échantillons nécessaire aux préparations
n’était plus suffisant, et je ne puis que l'indiquer sans oser affirmer
qu'elle se rapporte bien à cette espèce.
On peut donc considérer cette Anourelle des fonds un peu pro-
fonds comme une variété de celle des plages se découvrant dans
les grandes mers.
Variété à. — Les points oculiformes sont vivement colorés, en
nombre le plus souvent doubles, et les tentacules blancs sont très
grêles avec des branches latérales peu étendues.
Cette différence de coloration pourrait s'expliquer peut-être par
le fait que, dans les fonds habités par cette variété, se développent
un grand nombre de Melobésies et de Nullipores colorés en rouge,
qui, à l’état de particule, doivent évidemment être absorbés par ces
animaux et leur donner la couleur.
916 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
9° ESPÈCE.
ANOURELLE OCULÉE (ANURELLA OCULATA) (H. de L. D.).
Arch. de 2001. exp., vol. VI, pl. XIV et pl. XV.
Molgula oculata E. Forbes.
Molgula oculata Forbes et Hanley, British mollusca, vol. I, pl. D, fig. 6.
Cette magnifique espèce est la plus grosse que j'aie rencontrée ;
elle mesure de 5 à 6 et 7 centimètres dans son plus grand diamètre,
et 5 dans son plus petit.
Son revêtement de sable et de graviers n’est pas très-épais ; et,
quand on l’en débarrasse, elle ne perd que peu de ses dimensions.
On ne peut l’obtenir à Roscoff qu'avec la drague; aussi est-1l dif-
ficile de savoir comment elle est dans la grève ; lorsqu'on vient de la
sortir de la mer, elle est parfaitement ovoïde, mais bientôt, dans les
aquariums ou les cuvettes le poids de son enveloppe de sable la fait
affaisser sur elle-même et elle s’aplatit. Il est probable, toutefois,
qu'elle vit enfoncée et dans une position analogue à celle de l’es-
pèce précédente, alors, étant soutenue, elle doit être entièrement
ovoide.
Ayant pu me procurer ces grosses et belles Molgulides avec autant
de facilité que je l’ai fait, je suis étonné de voir que pas un auteur
Américain ou Anglais, pas même M. le professeur Kuppfer, qui a
eu tous les produits des draguages de la mer du Nord, ne la signalent
de nouveau après Forbes.
Elle a une physionomie très spéciale ; aussi est-ce une espèce très
facile à reconnaître, tant elle est bien définie. Il n’y a pas de doute
à avoir pour sa détermination.
CARACTÈRES,
Extérieur. — L'enveloppe extérieure offre une particularité remar=
quable. Lorsque l'animal se contracte, les bords de la région oscu-
laire s'infléchissent en dedans vers le centre, suivant une ligne pa-
rallèle au grand axe de l'ovoïde. Alors, les graviers et les débris
formant le revêtement suivent le mouvement, et, à la place des
orifices contractés, limitent une fente longitudinale. Dans la plan-
che XIV, fig. 2, cette disposition a été représentée.
Dès que l’animal adulte va s'épanouir un peu, sans même ouvrir
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 517
complètement ses orifices, on aperçoit une zone gris-jaunâtre lisse,
présentant deux centres colorés en rouge vineux obscur qui corres-
pondent aux oscules.
Cette zone a la forme d’un biscuit à la cuiller ; elle est dépour-
vue de filaments ou villosités, et elle est tellement caractéristique,
qu'il est impossible à première vue de ne pas reconnaître en la
voyant la Molqula oculata. Forbes avait parfaitement vu et indiqué
ce caractère.
Les plus beaux échantillons adultes que j'aie pu étudier étaient re-
vêtus d’une foule de débris de merle et avaient été ramenés par
les dragues des pêcheurs de cet engrais calcaire. Le dessin figure 1,
pl. XIV, vol. VI, rend l'apparence des animaux à moitié épanouis.
Siphons et orifices. — Ils sont placés sur la face postérieure de
l’ovoïde représentant le corps. C’est là un caractère constant.
Quant à la longueur des tubes qui les portent, il doit y avoir une
grande différence entre les animaux épanouis dans leur station na-
turelle et ceux qu'il est possible d'étudier dans nos aquariums de
laboratoire; car quelques individus observés très peu de temps après
leur sortie de la mer montraient dans les premiers instants de leur
épanouissement des tubes inspirateurs et expirateurs bien plus longs
que ceux des animaux ayant vécu quelques jours hors des conditions
naturelles.
Il ne semble donc pas exact de dire, avec Forbes, que les tubes
sont très courts. Ils le sont en effet dans nos cuvettes, mais ils ne
doivent pas l'être dans l’état de nature.
La différence, quant à l'allongement des siphons, est encore très
grande chez les adultes et les jeunes. Elle est si tranchée, qu'à l’ori-
gine de la recherche des espèces j'avais dessiné de jeunes individus
|_ avec des tubes très saillants, fort transparents et délicats, ayant la
taille à peu près de l’Anurella Roscovita, croyant avoir affaire à une
| espèce distincte et nouvelle t.
Mais il a été ensuite facile, par l'étude des organes profonds, et
| plus particulièrement des glandes génitales, de voir qu'il s'agissait
de jeunes individus dont les tissus, encore peu colorés, étaient d’une
Le pli osculaire formé pendant la contraction est très variable avec
l'âge et le fond sur lequel ont vécu les animaux. Chez les jeunes, il
|
| grande transparence.
|
| * Voir Arch. de 3ool. exp. et gen., vol. VI, pl. XIV, fig. 2, 3, 4, 5.,
DT HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
m'a semblé plus marqué. Sur les individus de la basse d’Astan, les
graviers, plus gros que sur ceux de la rivière de Saint-Pol', s’oppo-
sent, quand ils sont fixés sur les bords de la zone glabre, au rap-
prochement immédiat des lèvres de la fente, qui, alors, s’accuse
fortement, tandis que, dans le cas inverse, quand les graviers du
revêtement sont petits, elle paraît peu profonde, ses deux lèvres
pouvant aisément se rejoindre.
La région osculaire, si caractéristique avec sa forme en 8 de
chiffre, dont les boucles sont occupées par les orifices, offre une co-
loration toute particulière et une ornementation un peu différente
avec les individus et avec l’âge.
Une des particularités importantes qu’elle présente est due à la dis-
position des fibres musculaires qu'on y rencontre. Il en sera ques-
tion à propos du manteau. Mais signalons ici l'apparence toute spé-
ciale que donne à cet espace interosculaire une bande transversale
de fibres musculaires fortes, qu’on reconnaît par transparence au-
dessus de la tunique, et dont les contractions causent le rapproche-
ment des lèvres du pli°.
Les tubes sont parsemés de taches d’un rouge vineux sombre, dont
l'intensité peut paraître très dissemblable avec les individus, sans
qu'au fond il y ait une grande différence. Car ici, comme chez
toutes les ascidies, il faut tenir grand compte de l’état d’'épanouisse-
ment ou de contraction qui écarte ou rapproche les granulations
colorantes.
Le fond général de la teinte est un jaune verdâtre, sur lequel
sont semées les taches irrégulières rougeâtres. Ces taches sont plus
serrées et finissent par se confondre au milieu de l'intervalle qui
sépare les dents des oscules et quand on regarde normalement un
orifice bien épanoui, on voit quatre ou six bandes rougeâtres des-
cendre dans le fond du tube, suivant que l’on considère l’orifice expi-
rateur ou inspirateur ?.
Cette bande colorée est très variable avec les individus car en
s'allongeant pour descendre jusqu’au voisinage de la couronne ten.
taculaire elle s’interrompt, reparaît, s’interrompt plusieurs fois, et
devient quelquefois tout à fait irrégulière. Elle correspond en tout
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 2. Jeune À. oculata d’As-
tan. La fig. 1 représente un adulte de la rivière de Saint- Pol.
2 Voir id., id., pl. XV, fig. 12 et 13 (ab).
$ Voir id., pl. XIV, fig. 6. Orifice inspirateur.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 519
cas aux points ou taches oculiformes. Son irrégularité est d'autant
plus grande que les animaux sont plus développés.
La tunique autour des tubes, sur le bord des orifices comme dans
la région osculaire, est très transparente et semée de taches jaunà-
tres ; elle laisse voir les parties colorées, mais en les voilant un peu,
__et mêlant sa teinte à celle des parties qu'elle couvre.
Il suffit de jeter les yeux sur les différentes figures des oscules dans
la planche XIV, pour reconnaître les dispositions qui viennent d’être
indiquées. |
Les dents des festons sont médiocrement développées à l’un et à
l'autre orifice. Quand le tube devient très saillant en s’allongeant
beaucoup elles forment, surtout à l'orifice expirateur, de petites
pointes à base assez étroite laissant entre elles un espace où l’échan-
crure habituelle se traduit à peine. A l'orifice inspirateur la base des
dents est plus large, plus analogue à ce qu'on trouve dans l’A. Ros-
covita, qu'à l'orifice expirateur.
Dans quelques cas on voit le bord de la tunique limitant l’espace
entre les dents de l'orifice, tout hérissé de très petits et fins appen-
dices serrés, qui ressemblent à des cils délicats".
Enfin dans les animaux de la plus belle taille, les tubes sont char-
nus, épais, et les dents du feston ne forment que de petites pointes
à peine saillantes ?.
Tentacules. — Ces appendices sont dans cette espèce tout à fait
caractéristiques.
Très rameux et touffus ils s’avancent fort avant dans la lumière
de l'orifice qu'ils obstruent presque complètement ; aussi quand on
regarde normalement l'orifice inspirateur bien épanoui, reconnaîit-
on facilement, avec une loupe, les dispositions suivantes :
Les ramifications très nombreuses se répètent trois, quatre et cinq
fois. Les dernières pinnules, au lieu d’être grêles et déliées comme
dans la plupart des espèces, sont épaisses, courtes et rapprochées. Le
grand développement des tentacules joint à ces caractères, fait que
lorsque ces organes se rabattent sur la lumière de l'orifice, ils
l’obstruent presque complètement. Ce dont il est facile de s'assurer
quand on regarde avec une loupe un oscule inspirateur bien épa-
noui.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig, 8, b.
3 Voir id., id.Mfig. 7.
020 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
De plus ces ramifications sont transparentes, mais leur milieu est
occupé par une bande de matière colorante rouge brun-olivâtre, qui
se fait seule distinguer très nettement.
Une ramification de quatrième ordre d’un gros tentacule a été
représentée dans la figure 14. Elle donne une idée exacte de la dis-
position serrée des derniers ramuscules et de leur couleur.
Lorsque l'A. oculata est de taille moyenne et non encore à l’état
adulte, 1l peut se faire que le pli de sa région osculaire, n'ayant rien
de bien marqué, cache cependant cette région si caractéristique et
empêche de la reconnaître. En observant un animal vivant, il suffit
de jeter un coup d'œil sur les tentacules épanouis, pour recon-
naître sûrement l'espèce dont il s’agit. Dans aucune autre, en effet,
on ne trouve l'orifice branchial aussi complètement occupé par les
arborescences des tentacules ayant l'apparence qui vient d’être in-
diquée.
Ainsi voilà trois caractères, volume du corps, nudité avec forme
spéciale de la zone osculaire, et nombreuses ramifications serrées,
épaisses et touffues des tentacules, qui par l’observation extérieure
seule des animaux ne permettraient pas à Roscoff de méconnaiître la
M, oculata de Forbes, notre Anurella oculata.
Branchie. — Les méridiens sont au nombre de sept de chaque
côté. Ils sont grands, s’avancent dans le milieu de la cavité bran-
chiale et présentent des caractères nets qui doivent nous arrêter.
Les côtes, en effet, sont très nombreuses. On en compte sur une
face jusqu’à onze ; sur l’autre, il en existe un moins grand nombre.
Neuf seulement.
Quand on fend la branchie sur la ligne médiane près du raphé an-
térieur et qu'on l’étale, on voit les méridiens qui se laissent tomber
sur la paroi de la cavité ouverte, reposer sur elle par leur face posté-
rieure, et présenter leuf face antérieure. On voit aussi entre les
méridiens les fuseaux interméridiens.
C’est sur cette face antérieure du méridien qui dans la préparation est
devenue supérieure par la position de l’animal, que l'on peut compter
neuf côtes, et si l’on relève le méridien, c’estsur la face inférieure dans
cette position de la préparation qui en réalité est postérieure, que l'on
peut en compter onze. Sept sont sur la face du méridien, une est
à sa limite vers la base, trois sont sur la partie voisine du fuseau. En
un mot, il semble qu'à la face postérieure des replis branchiaux les
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. o21
côtes descendent et avancent sur l'espace interméridien, tandis qu'en
avant elles s'arrêtent exactement à la base du repli!.
Les trémas sont étroits, peu circulaires dans les espaces interméri-
diens et à la base des infundibulums. Leur longueur est médiocre ;
elle n’atteint jamais la longueur de la base des infundibulums. Leur
direction est dans ces points parallèle aux côtes et aux méridiens,
cependant on voit de loin en loin des centres ou ce parallélisme est
remplacé par des circonvolutions. Dans les sommets des infundibu-
lums les trémas se redressent et deviennent fort obliques, irréguliers
dans leur marche comme on peut le voir dans la figure 16 de la
planche XV.
Un caractère de la branchie de cette espèce est très accusé; il
consiste dans une richesse extraordinaire du réseau des vaisseaux
capillaires couvrant la membrane fondamentale percée de trémas, sur
sa face intérieure, dans les méridiens aussi bien que dans les bandes
interméridiennes. On trouve une disposition tout à fait analogue chez
une autre grosse Molgulide de la Méditerranée. Les vaisseaux prin-
Ccipaux qui rampent à la surface de ces membranes sont surtout très
évidents entre deux infundibulums, et l’on en voit à droite et à
gauche partir des vaisseaux secondaires qui se résolvent rapidement
| en capillaires nombreux. Ce caractère, qu’on reconnaît très vite, ne
laisse pas cependant que d’embarrasser un peu, quand on cherche à
| bien déterminer la disposition et la grandeur des trémas; car presque
| toujours, dans les préparations les plus naturelles, c'est par la face
| qui correspond à la cavité branchiale que l’on observe les lambeaux
| de branchies portées sous le microscope ; mais, dès que l’on est
| averti de cette disposition anatomique, on y trouve au contraire une
grande facilité pour la détermination.
Les enfundibulums sont très larges à leu: b:se, très nettement
| séparés les uns des autres par les bandes équatoriales dues à la
saillie des gros vaisseaux transversaux dont il vient d’être question.
| Gette séparation est fort tranchée, et la cloison qui les partage
en deux ne l'est pas moins. Il en est de même de la cloison secon-
daire les subdivisant en quatre. Enfin, celle qui les partage en huit
1 Voir Arch. de %0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 15. Portion de branchie,
. montrant en Ca la côte basilaire du méridien, lequel devrait être à droite, mais qui
n’a pas été représentée,
C1, C?, C5, sont les côtes descendues sur le fuseau interméridien.
_ Cfest la côte longeant la base du méridien de gauche vers l’origine de son in-
- fundibulum.
|
522 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
n'arrive guère qu'à la hauteur de la deuxième ou troisième côte lon
gitudinale. Vers le bord libre du méridien, l'extrémité du cul-de-sac
infundibulaire est un peu arrondie, et on distingue vers son milieu
comme une très petite dépression qui indiquerait le commencement
d'une cinquième subdivision, ce qui au fond des infundibulums porte
le nombre des culs-de-sac terminaux à seize !.
Les vaisseaux capillaires qui recouvrent ces infundibulums sont
eux-mêmes très nombreux et très riches; enfin, les fentes branchiales
sont très différemment orientées dans les diverses parties d’un même
infundibulum : tantôt parallèles aux côtes, tantôt obliques, elles leur
deviennent quelquefois perpendiculaires, de sorte qu'à côté l’une de
l’autre on retrouve des calottes du fond des infundibulums, parais-
sant formées les unes d’une spirale régulière, les autres d’une spirale
oblique, les autres de trémas parallèles dans leur direction à l'axe
de l’infundibulum, c’est-à-dire perpendiculaires au méridien*.
La terminaison des plis méridiens au voisinage de la bouche porte
un petit godet à bords libres et irréguliers.
En effet, la membrane partant du raphé postérieur et unissant les
extrémités buccales du méridien forme en face de chacun d'eux le
petit godet qui est loin d’être aussi grand, toutes proportions gar-
dées, que dans l’espèce précédente ÿ.
Rien de particulier à signaler pour le raphé antérieur et le raphé
postérieur.
Tube digestif. — La bouche offre la disposition ordinaire, l’æsophage
est relativement assez long; le foie est volumineux; les deux lobes
gauches inférieurs sont surtout développés, aussi occupent-ils une
place assez grande sur la face correspondante du corps“.
L’intestin descend assez bas, presque verticalement, jusqu’au niveau
de la hauteur de l’orifice branchial. Cette position doit être normale,
car la couche extérieure de gravier agglutiné autour du corps
s'oppose à une contraction des tissus ÿ par les liquides durcissants
et les préparations ne peuvent pas modifier beaucoup les rapports
des organes.
1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 15 et 16.
2 Voir id., id., fig. 16.
3 Voir id.,id., fig. 9, 17, y, godet terminal,
k Voir id., id., fig. 19, f?, fà
5 Voir id.,id., fig. 13, ai.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 523
On sait que la disposition de l'intestin fournit un caractère impor-
tant qu'il est utile de ne pas négliger dans la détermination des
espèces. Ici donc, à part une légère inflexion presque insignifiante,
on peut considérer l’ensemble du tube digestif comme parallèle à
l’axe ou au grand diamètre de l’ovoïde. Le rectum et l'anus n'offrent
rien de particulier; les bords du dernier sont adhérents à la face pos-
térieure de la branchie, tout comme dans l'espèce précédente.
La masse viscérale formée par le foie, l'estomac et l’œsophage n’est
point distincte de la partie supérieure de la branchie, comme on le
verra dans d’autres espèces.
Enfin, les vermicelles intestinaux sont volumineux, colorés en jau-
nâtre, peu serrés‘.
Enveloppes. — La tunique n’est pas très épaisse relativement au
volume de l'animal, elle serait même plutôt mince; ses villosités sont
courtes, mais puissamment adhésives.
Ce qui vient d’être dit de la surface extérieure n’est point appli-
cable aux orifices et aux tubes qui les portent, non plus qu’à l’espace
qui les sépare; car au pourtour des siphons, et surtout entre eux, la
tunique est lardacée et relativement fort épaisse.
Le manteau est mince et transparent. Il laisse voir les organes au-
dessous de lui; mais ici encore, il faut comme pour la tunique excep-
ter les tubes, les orifices et la partie intermédiaire à ces derniers.
En effet, si le manteau est dans presque toute son étendue transpa-
rent et mince, il est remarquablement épais dans la région oscu-
laire. Les tubes présentent des paquets de fibres musculaires radiées
fort distinctes, très blanches, qui s’avancent jusqu'aux limites des
glandes génitales et de l'intestin. Sur le tube même la couche de
fibres musculaires est très puissante, ce qui donne au manteau dans
ces parties une force considérable ?.
Dans toute l'étendue du reste de la surface on voit de petits
paquets de fibres disséminées au hasard, sans ordre, et que rendent
très bien quelques hachures placées à côté les unes des autres, ainsi
que cela a été fait dans les deux figures 12 et 13 représentant les ani-
maux dépouillés de leur tunique.
En outre, entre les deux tubes et en dehors des couches muscu-
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., pl. XV, fig. 13,
2 Voir id., id., fig. 12 et 13, fm et ab.
524 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
laires ordinaires, il y a une large bande de fibres transversales évi-
demment surajoutées, qui ont pour but de tenir rapprochés, pendant
les contractions, les bords latéraux de l'aire des oscules. Quelques
individus jeunes et couverts de gravier, de débris de coquilles assez
gros, se contractent de façon à imiter ce qu'on voit aussi chez des
Cynthias, et qui, à mon sens, est un passage, un acheminement à
la forme bivalve si remarquable des Chevrelus.
Je considère cette bande musculaire transversale, surajoutée ou
mieux très développée, comme fournissant un caractère qui permet-
trait à lui seul de reconnaître l'A. oculuta parmi les Molgulides
de Roscoff, car l’on comprend bien maintenant que l'absence des
filaments de la tunique dans toute la zone qui entoure les oscules
permet, lorsque ce muscle se contracte, le rapprochement des deux
bords de la tunique couverts de grains de sable.
Il y a, on le voit, un ensemble de particularités qui permettent de
formuler avec précision la caractéristique de cette belle espèce.
L'organe vibratile a les deux extrémités de son pavillon assez for-
tement recroquevillées pour décrire deux tours de spire. Il est placé
tout à fait dans le sommet de l’angle d’origine du raphé postérieur,
et l'ouverture de son fer à cheval est directement tournée en haut
et à gauche !.
Rien de particulier pour la glande prénervienne, qui est très volu-
mineuse, et le ganglion nerveux, qui occupe la position habituelle.
Corps de Bojanus. — Le rein est allongé. I1 égale presque la
moitié du grand diamètre du corps; sa courbure est à peine marquée;
il est un peu rejeté vers la partie antérieure, et sa direction étant
sensiblement parallèle au grand axe du corps, on peut dire qu'il est
longitudinal. Je prie le lecteur de comparer les figures du côté gauche
des différentes espèces de Molgulides, et il reconnaîtra facilement
combien la direction de l’organe de l’excrétion est variable, combien
son volume est différent, bien qu'en somme sa forme et sa position
générales soient toujours les mêmes.
La couleur est foncée, elle se rapproche d’un violet obscur, un
peu jaunâtre, souvent d’un rouge lie de vin rabattu de noir.
Dans l’intérieur on voit des lamelles solides, mais je n’y ai jamais
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 11, V.
ASCIDIES SIMPLES DES CÔTES DE FRANCE. 525
rencontré de concrétions cristallines comme dans l'A. Æoscovita;
il ne faut pas oublier que chez ces animaux, ceux du moins qui
disparaissent dans l'hiver et qui sont arrivés à leur plus grand déve-
loppement vers le mois de septembre, l’état des concrétions du corps
de Bojanus est différent de celui qu’on observe dans le jeune âge.
Circulation. — La position du cœur est, comme on le sait, la con-
séquence du rapport constant que cet organe affecte avec l'organe de
Bojanus et la glande génitale du côté gauche; en effet, la fosse péri-
cardique étant entre les deux, le cœur a forcément une direction
semblable à celle du rein ; il est donc ici à peu près vertical. L’aorte
viscérale est assez longue et étendue, puisque entre le foie et l’extré-
mité de l’organe rénal il y a un certain espace *.
Les veines pallio-branchiales sont volumineuses et relativement
peu nombreuses, si on les compare à celles qu’on observe sur les
Molgulides de petite taille.
Les vaisseaux de la tunique ne présentent rien de particulier ; leurs
origines sont semblables à celles qu’on observe dans l’A. Roscovita.
Les globules du sang ont une teinte jaune verdâtre très marquée,
et dans les individus plongés dans l'acide chromique ils deviennent
d'un bistre ferrugineux.
Organes de la reproduction. — Dans leur ensemble, les glandes géni-
tales forment une masse allongée mesurant plus d’un tiers de la
longueur de l'animal; elles sont peu courbées, cela est la consé-
quence du peu d'inflexion des organes de Bojanus et du tube digestif,
à la face postérieure desquels elles se placent.
Du reste, il est facile de les distinguer, car au travers du manteau
leur teinte, souvent très vive, les fait aisément reconnaître.
Néanmoins, cette teinte varie beaucoup avec l’état du développe-
ment, surtout pour l'ovaire, qui, d’abord jaunâtre, devient d’un très
beau violet, très riche de ton, lorsque les œufs sont mürs°. Le testi-
cule, entourant l'ovaire, est aussi un peu jaunâtre, mais le fond de
sa teinte est le blanc laiteux sale $.
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XV, fig. 19, R, corps de Bojanus.
2 Voirtd.,td.:-fie. 19 et 13, CT, T.
8 Voir id., id., fig. 13. Animal dont l'ovaire est mur et violet, tandis que celui de
ia figure 12 a son ovaire encore jaune,
226 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
L'ovaire est creusé, dans toute sa longueur, d’une large cavité
centrale qui se continue en un tube. Celui-ci se dégage de la partie
glandulaire vers la partie supérieure, pour se recourber en bas,
courir sur la face interne du manteau et venir, non loin de la val-
vule de l’orifice expirateur, s'ouvrir entre deux paquets de fibres
radiées. |
L'oviducte se décèle facilement quand il est rempli d'œufs mûrs,
la couleur violette de ceux-ci aide l'observation ; car la transparence
du tube empêche de le distinguer aisément.
Non loin de sa courbure en crosse, l’oviducte éprouve un premier
étranglement, puis à son orifice 1l se renfle en une sorte de papille,
peu saillante, mais qui présente la forme très exactement d’un fer à
cheval, dont la fourchette est arrondie ?, non pointue à son sommet.
La fente, qui est l’orifice réel, représente la sole de l'organe au-
quel nous le comparons.
Cette disposition rappelle celle qu’on a vue dans l’orifice de l’ovaire
de l’Anurella Roscovita; mais elle est ici bien plus accusée, et on la
verra portée à un degré exagéré dans l’A. Blerzi.
A la seule vue de l’orifice génital femelle, il est possible de distin-
guer ces trois espèces.
Le testicule n’est pas formé d’une seule glande, il est constitué par
une série de petites masses glandulaires groupées autour de l'ovaire
et venant s'ouvrir chacune au dehors par un petit canal, long, sail-
lant, absolument comme l’a dessiné M. van Beneden dans son Ascidia
ampulloides, et comme je l'avais vu moi-même dans l’Anourelle de
Roscoff 5.
Je ne peux m'empêcher de remarquer ici que la Molqula ampul-
loides (Ascidia ampulloïdes, van Ben.), l’Anwrella Roscovita et l'Anurella
oculata sont à très peu près fort semblables relativement à la dispo-
sition de leurs glandes génitales, et cependant l'une est urodèle et
les deux autres sont anoures. Ge fait confirme ce qui a été dit précé-
demment, savoir que les différences organiques ne correspondent
pas aux différences des formes embryonnaires.
L’A. oculata pond dans le mois de juillet; sa ponte se fait comme
chez l'A. Roscovita. L'animal se contracte vivement et lance un Jet
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 9, o, fig. 10, o.
? Voir id., fig. 10, 00 papille, o premier renflement.
8 Voir id.,id., pl. XIV, fig. 9. T, testicule extérieur ; O, ovaire central ; d, d, sper«
miductes saillants,
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 527
d'œufs. La fécondation doit s'accomplir dans la cavité péribran-
chiale. Mais elle peut aussi avoir lieu en dehors, car j'ai vu souvent
lancer par les animaux des jets de liqueur blanche séminale.
Il m'est difficile de dire si les œufs sont incubés dans la cavité
péribranchiale ; jamais je n'ai rencontré des amas d’embryons déjà
avancés dans leur développement dans la cavité péribranchiale,
comme nous le verrons d’une façon constante dans quelques autres
espèces. |
Les plus gros échantillons deviennent plus rares à la fin de la
belle saison, mais il n’est pas probable que tous les individus dispa-
raissent chaque année; car j'ai pu recueillir, à la drague, surtout
dans l'ouest de Roscoff, beaucoup d'exemplaires de la grosseur
d’une petite noix, en septembre et octobre, chez qui les glandes
génitales étaient à peine accusées par un commencement des
culs-de-sac sécréteurs.
STATION.
Cette espèce, la plus belle que je connaisse dans les mers d’Eu-
rope, abonde dans la rivière de Saint-Pol.
Je ne l’ai jamais rencontrée au niveau des plus basses mers, les
draguages seuls me l’ont procurée; je l'ai eue tantôt avec mes ba-
teaux du laboratoire, tantôt avec les bateaux qui sont occupés à dra-
guer ce qu'on appelle dans le pays le merle, engrais dont on fait
un véritable commerce à Morlaix, au Penzay, etc., etc., pour fournir
au sol granitique de ces contrées l’élément calcaire qui lui manque.
Ce sable, ou mieux ce gravier, retiré du fond de la rivière de Saint-
| Pol, dans les parages avoisinant les roches de Duon et des Bysayers,
est composé de Mélobésies, de Nullipores mêlés à des débris de co-
quilles ; il offre exactement la même nature que celui que l’on pêche
avec non moins d'ardeur et de soin au Portrieux, dans les parages
| des roches de Saint-Quay, autour des îles Harbours. Les circon-
| stances ne m'ont pas permis d'aller à bord des dragueurs de merle du
| Portrieux; retenu à Roscoff depuis que j'ai entrepris cette mono-
graphie des Molgulides, je n’ai pu constater si l’A. oculata se trou-
vait dans cette localité, mais tout me porte à le croire ou à le sup-
poser: peut-être quelque naturaliste explorant ces contrées pourra
| trouver là des échantillons de cette belle espèce que j'ai eue à pro-
228 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
fusion, et que Forbes et Hanley ne semblent avoir décrite que d’après
un seul individu fixé dans la coquille d’un Cardium.
Les dragueurs de merle exploitent un fond qui paraît être assez
meuble, si l’on en juge d’après les manœuvres dont j'ai été témoin
étant à leur bord ; ils ont deux dragues, l’une est hissée pendant
que l’autre est lancée et le temps qui est mis à remonter la première
suffit à remplir la seconde. Il est donc certain que cet amas de
coquilles et de débris de Nullipores est très mouvant et très facile à
pénétrer par la drague.
Les Anourelles oculées s'enfoncent-elles? sont-elles roulées à la
surface du fond? Il est très probable qu'il en est d'elles tout à
fait comme de l’A. Æoscovita, dont la véritable station est dans
la couche superficielle de la grève. Les dragues, en effet, remon-
tent souvent des paquets qui semblent indiquer une soudure par
les filaments soit de plusieurs individus, soit d'éléments empruntés
à ce fond.
Sur la basse d’Astan, cette espèce s'est aussi présentée avec les
mêmes caractères, les mêmes dimensions et avec autant d’abon-
dance. |
Il y a une relation zoologique qu'il est utile d'indiquer.
C’est en cherchant, au milieu de ces produits de draguages, que
l’'Amphioxus, le Polygordius, V'Eugyra, la Cynthia glacralis et quelques
types d’Annélides très intéressants se rencontrent.
SYNONYMIE.
Rappelons une dernière fois que Forbes faisait de cette espèce
une Molqula, mais qu'en considérant comme caractère générique la
forme anoure de l'embryon, il nous a semblé plus rationnel de la
ranger dans le genre Anurella.
La diagnose de Forbes et Hanley (Voir Brit. Mol. For. et Hanl.) est
tellement précise, qu'avec 1e dessin quil'accompagne il n'est pas pos-
sible de ne pas arriver à la détermination. Aussi n’a-t-il pas été
nécessaire de changer le nom spécifique.
Nous l'avons en plus d’une occasion répété, il faut que les déter-
minations des Ascidies soient faites par comparaison ; aussi nous
reproduirons, en terminant l’histoire de l’A. oculata, le passage de
l'ouvrage anglais relatif à cette espèce, afin de permettre au lecteur
d'établir lui-même cette comparaison.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 329
1. Molqula oculata, E. Forbes.
British. Mollusca. Forb. et Hanley (plate D, fig. 6, vol. I, p. 36).
« Body globose, adhering by base, test closely encrusted with
sand, shells, and gravel, except a smooth, oblong, reniform, regu-
larly bounded, depressed space, within which the very short but
rather wide orifices project. This space is very tender, translucent,
bluish or purplish, mottled with orange; the orifices are short tubes
similarly coloured, the one 6-lobed, the other 4-lobed ; lobes acute.
Two inches and à half across.
« This curious species, the orifices of which seem like dark eyes
| within a spectacle-formed frame, was dredged off Plymouth, adher-
ing to a scallop, in twenty-five fathoms (1846), R. M'Andreu and
LE. F5»
Cette citation ne peut laisser de doute sur la similitude de l’es-
| pèce que l'on trouve à Roscoff avec celle décrite par E. Forbes.
3° ESPÈCE.
ANURELLE SOLENOTE. ANURELLA SOLENOTA (N. SP., H. DE L. D.).
Arch. de zool. exp., vol. VI, pl. XVI.
non : Molgula Macrosiphonica, Kuppfer, loc. cit.
non : Molgula Manhattensis, Verrill, Tellkampff, loc. cit.
Cette espèce n’a été trouvée dans les environs de Roscoff qu'avec
| la drague, et surtout dans la station d’Astan ; mais elle existe ailleurs.
| Elle n’est pas abondante, si l’on en juge par le peu d'échantillons
| obtenus, alors que, dans la même localité, on pouvait avoir de
| très nombreux spécimens des An. Roscovita et An. oculala.
| Toutefois il faut ajouter que cette espèce, petite, délicate, n’est
pas toujours facile à reconnaître à première vue et que sa re-
| cherche au milieu des produits de la drague est difficile; son appa-
| rence extérieure ne la fait guère soupçonner et elle peut échapper
| quelquefois.
A certains égards elle se rapproche beaucoup de la Molgula macro-
| siphonica du professeur Kuppfer. On pourra peut-être même la
considérer comme identique, mais les descriptions très courtes
ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T. VI. 1877. 34
330 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
qu’en a données le professeur prussien, et que n’accompagnent pas
des dessins suffisamment détaillés, ne permettent guère d'établir
l'identité des deux et, comme on le verra plus loin, il y a au contraire
de fortes raisons pour les séparer. |
Afin de faciliter la comparaison et la discussion des caractères, je
reproduirai d'abord la dernière description du savant de Kiel. Celle
qu'il a donnée dans l'ouvrage descriptif des produits des draguages
de la mer du Nord est la plus complète.
Molqula macrosiphonica Kupffer ‘.
« Sphéroïdale, atteignant 2 centimètres de diamètre, couverte de
débris de végétaux marins, de limon ou de sable, reposant libre-
ment sur le sable ou fixée aux plantes marines.
« Les deux siphons sur le côté libre (dorsal), longs; le cloacal le
plus long atteignant presque, à l'état d'extension, le diamètre du
corps ; il est en même temps courbé ou coudé. Le siphon buccal, un
peu plus court, est droit. Les deux siphons ne peuvent être complè-
tement rétractés, mais seulement au tiers de leur plus grande
largeur. Toute la surface de la tunique les siphons exceptés, est
revêtue de filaments agglutinants, auxquels adhère le revêtement
de particules étrangères ou qui sont enroulées autour des tiges de
zostères.
« La couleur générale est, après l'enlèvement des corps étrangers,
d'un gris brun mat, sur ce fond se détachent du côté droit
quelquefois les concrétions rouges du rein. Généralement les orifices
des siphons sont sans oscelles et même’sans pigment. On n'’aperçoit
les quatre ou six festons petits et triangulaires des siphons qu'après
qu'on à détaché de ceux-ci la tunique.
« La tunique est finement membraneuse, transparente, formée
d'une masse fondamentale homogène renfermant de nombreuses
petites cellules et des fibres délicates.
« La masse interne du corps est flasque et pauvre en muscles; on
trouve, en outre des longs rétracteurs, des sphincters et des siphons,
des muscles courts et ventrus assez irrégulièrement distribués dans
l'enveloppe musculo-cutanée.
1 Voir KuprrEer, Arch, f, Mikroskop. Anatomie, B, VIII, p. 362, pl. XVII et
Nordsee Expedition, Taf, V, fig. 12, p. 294, }
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 531
« La couronne tentaculaire comprend 42 à 145 tentacules, dont
les branches, ramifiées en touffe, sont assez régulièrement opposées.
« La paroi extérieure de la fossette vibratile est presque fermée,
la fente se trouve en avant et un peu tournée à droite.
« Le long de la ligne médio-dorsale de la branchie est un repli (ou
sillon vecteur) sans côtes et denticulé sur sa marge.
«Le sac branchial, courbé, offre douze plis symétriquement dis-
posés ; sur chaque pli courent trois côtes en manière de bourrelet.
«Les côtes transversales, également proéminentes en bourrelets,
limitent avec les plis longitudinaux des espaces à peu près carrés
avec les fentes branchiales courbes et concentriquement disposées.
Les centres des différents systèmes concentriques sont placés sur les
plis longitudinaux. L’arrangement des fentes est a peu près le même que
dans Molqula ampulloides, de telle sorte que la disposition concentrique
apparaît moins nettement que dans les autres espèces. L'aspect est
encore rendu plus irrégulier par ce fait que des vaisseaux situés
dans les côtes transverses se détachent des rameaux superficiels, qui
s'étendent en sens divers sur les fentes branchiales.
« L'orifice du pharynx est à l’extrémité inférieure de la ligne
médio-dorsale l'estomac et l'intestin sont du côté gauche.
« L’estomac est extérieurement lisse ; en dedans faible et plissé
irrégulèrement. Il présente deux ou trois gros cœæcums sinueux avec
des épaississements de nature glandulaire de leur paroi.
« [ls ont une teinte verte. L'intestin a la forme habituelle, il
décrit une double circonvolution en S ; la branche récurrente re-
gagne l'estomac et celle qui achève le trajet est étroitement appli-
quée contre l'estomac et l'æœsophage.
«L'orifice anal est à bord lisse, l'intestin est parcouru par un
repli.
« Deux glandes génitales reunies (kombinirte), la gauche reposant
entre la première et la deuxième branche de l'intestin ; la droite en
avant du cœur. Le rein contient des concrétions rougeâtres donnant
manifestement la réaction de la murexide.
« Le développement de la #. macrosiphonica mène directement
à la forme adulte, sans qu'il y ait une phase urodèle. Les œufs sont
expulsés après la fécondation et se développent dans le milieu
extérieur. »
On remarquera combien les caractères spécifiques proprement dits
sont peu précisement indiqués. Cette citation, comme celles qui ont
32 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
déjà été faites ou celles qui le seront encore, est destinée à montrer
toute l'utilité d’une étude détaillée des espèces, étude qui manque
encore. La plupart des paragraphes ne renferment que des détails
et des indications qui ne conduisent qu'à la famille ou au genre. Ce
qui a trait à la forme, à la fixation, à la masse interne du corps, à la
couronne tentaculaire, à l'existence des côtes de la branchie, à
l'orientation des tréma, à la bouche, à l'estomac, aux glandes
génitales, au rein, est applicable à toutes les molgules.
Les caractères spéciaux sont ceux qui se rapportent à la proportion
relative des deux siphons, aux dentelures du raphé postérieur, au
nombre des méridiens branchiaux et à l’absence de tétard. Nous
devons chercher s'ils suffisent à eux seuls pour conduire à une
diagnose irrécusable de l'espèce. C’est ce qui sera fait plus loin.
CARACTÈRES.
Extérieur. — La forme est globuleuse comme celle de toutes les
Molgulides, mais les deux tubes sont si particulièrement disposés
et allongés, que, sur les animaux vivants bien épanouis, on a de la
peine à préciser à la fois la taille et la forme exacte.
Les plus beaux individus observés avaient de 4 centimètre et demi
à 2 centimètres dans leur plus grand diamètre.
Quelques-uns des animaux étant petits et ayant été surtout rap-
portés des basses d’Astan et du nord de l'ile de Batz, où les débris
de roches et de coquilles forment un fond différent des plages
sablonneuses, avaient fixé des portions d'algues, de gros graviers, et
étaient ainsi masqués par des Corps étrangers *. Dans ces conditions,
la détermination par l’examen de l'extérieur ne peut avoir aucune
rigueur.
La teinte est d’un jaune verdâtre.
Les siphons ou tubes sont placés à l'extrémité du grand axe du
corps, ce qui modifie beaucoup l'apparence externe.
Le tube branchial est très court, comparé à l’autre, qui peut
atteindre une longueur presque égale, si ce n’est même supérieure
au grand diamètre de l'animal. Les deux sont fort rapprochés à leur
1 Voir Arch. de 2001. exp. el gén, vol. VI, pl. XVI, fig. 1. Animal de grandeur
naturelle dessiné vivant.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 533
base et, dans le dessin 1, on croirait que le plus grand est la conti-
nualion de l'axe longitudinal.
Cette particularité fait que, au milieu d'un groupe de Molgulides
bien épanouies et non contractées, on reconnaît très vite l'espèce
dont il s'agit ici, car le tube anal dépasse de beaucoup la longueur
du tube branchial; il est d'ailleurs toujours recourbé en avant et
présente une convexité marquée en arrière.
Orifices. — Il y a peu de chose à dire sur les orifices extérieurs.
Cependant on doit remarquer que, tandis que les tubes sont lisses
et nus comme une partie du corps, au voisinage des dents des oscules
il y a toujours des petits paquets de matières étrangères fixées ?.
Aussi la forme, la grandeur, la teinte des dents, des festons ne
sont-elles pas faciles à bien voir dans les animaux épanouis; toute-
fois, on peut très bien juger du nombre des festons et constater leur
existence. Il n’en est donc pas de notre espèce comme de la 47. ma-
crosiphonica, dont les dents, d’après M. Kuppfer, ne pourraient être
vues qu'après l'enlèvement de la tunique.
La position des tentacules arborescents, dans la lumière de l'ori-
fice inspirateur, ne peut guère être observée pendant la vie, bien que
l'épanouissement soit complet ; en effet, le tube expirateur vient, en
se courbant en avant, masquer l’orifice inspirateur et s'opposer à
son observation.
Tentacules. — Leur observation n’a pu être faite que sur les ni
maux préparés *.
Ils sont peu ramifiés, leurs subdivisions ne dépassent pas le troi
sième ordre, même sur les plus grands.
Leur face godronnée a une grande profondeur, elle est transpa-
rente et fort développée relativement à l’autre. Celle-ci n’a été vue
que préparée, elle conserve encore après l’action des réactifs une
teinte bistre-jaunâtre pâle; elle présente une bande à bords limités,
remplie de granulations colorées comme ïl vient d'être dit, qu
s'étendent régulièrement sur les faces correspondantes des pin
nules ou divisions secondaires et tertiaires, lesquelles sont toutes
claviformes.
Le nombre des tentacules est six grands et six intermédiaires plu:
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol, VI, pl. XVI, fig. 1.
8 Voir id., id., fig. 3, À. et B.
3 Voir KupPprEer, loc. cit.
# Voir Arch. de 3001. exp. et gén. vol, VI, pl, XVI, fig. 7.
534 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
petits. Les deux voisins de l'organe vibratile, qui occupent la place
des petits, sont fort développés et égalent à peu près les plus grands
par leur taille.
Branchie. — Get organe est fort délicat et charmant à étudier,
surtout lorsqu'on l’imbibe et le colore en rose.
Les infundibulums sont assez simples, les trémas grands et les
méridiens réguliers; en sorte qu'on a sous les yeux un organe don-
nant une idée fort nette de l’une des plus simples dispositions de la
branchie dans le groupe des Molgulides.
Les méridiens sont assez saillants et faciles à compter; j'en ai vu
sept de chaque côté ‘.
M. Kuppfer n’en indique que six dans la WMolqula macrosiphonica ;
il y a donc là une différence d’une grande valeur, montrant, je crois,
que nous n'avons pas étudié la même espèce.
La terminaison supérieure des méridiens est, dans notre espèce,
fort caractéristique et facile à reconnaitre ?.
Une excavation membraneuse, peu étendue, offrant un bourrelet
épais sur son bord libre, se creuse en godet au point d'attache du
méridien. Le bourrelet, qui semble faire suite aux dernières côtes du
bord libre du méridien, se continue avec un cordon qui descend du
côté gauche du raphé antérieur, et pour le côté droit du raphé posté-
rieur. C’est une disposition analogue à celle qui s’observe dans les
deux espèces précédentes, An. Roscovita et An. oculata, mais qui, chez
elles, est réduite à sa plus simple expression. C'est là un caractère
important et qui doit être constaté.
La terminaison inférieure du méridien n'offre rien de particulier.
Côtes®. — Les côtes sont régulièrement espacées, leur nombre est
de quatre. Leur partie libre est saillante ; elle représente un bour-
relet régulier ; la membrane qui les unit aux infundibulums et aux
parallèles est bien nette quoique mince. M. le professeur Kuppfer,
dans sa À. macrosiphonica *, n'indique que trois côtes. C'est encore
une différence à noter.
Trémas. — Les fentes branchiales sont grandes, longues, et mesu-
1 Voir Arch. de 200. exp. et gén., pl. XVI, vol. VI, fig. 4, qui montre en haut la
coupe de la branchie perpendiculairement au grand axe de l’organe. On y peut
compiler de chaque côté 7 méridiens.
2 Voir id., id., fig. 6.
> Voir id, 14, Me.
# Voir Kupprer, loc. cit, et la description reproduite plus haut.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 535
rent le plus souvent toute la largeur de la base des infundibulums
dans la bande interméridienne. Gomme elles sont parfaitement
orientées, par rapport à un centre qui est au sommet de chaque
infundibulum, il s'ensuit que celles des deux méridiens voisins sont
tangentes vers le milieu de la bande interméridienne.
Une remarque est utile : la préparation et le séjour des ani-
maux dans les liquides durcissants contractent quelquefois beau-
coup les individus, aussi les bandes qui séparent les trémas sont par
suite fort rétrécies, ce qui fait que l'apparence des faisceaux inter-
méridiens devient fort différente. Ainsi, dans quelques individus, j'ai
trouvé, et c'est l'un de ceux-là qui a servi au dessin de la planche,
les côtes extrèmement minces el délicates.
Infundibulums *. — Les dépressions de la membrane fondamentale
sont très régulières, elles forment des cônes dont le sommet est plutôt
une voûte bombée qu'une pointe aiguë; elles sont toujours simples
et on n’en rencontre qu’une enire les parallèles. Toutefois dans
les méridiens les plus antérieurs * on peut remarquer deux infundi-
bulums entre deux parallèles principaux, tandis que les méridiens
postérieurs n'en présentent qu'un; une séparation formée par une
légère cloison s’y montre, et représente comme l'origine d’un paral-
lèle secondaire ?.
Dans l'infundibulum même, les trémas sont assez régulièrement
orientés, et si quelques-uns se redressent un peu ou se courbent, en
somme la spirale qu'ils décrivent en s'élevant vers le sommet est
relativement régulière.
Mais leurs caractères importants sont là simplicité, une grande
étendue et la netteté de leurs limites.
Dans les préparations bien imbibées, on remarque aussi très aisé-
ment que vers les angles de jonction des bords qui limitent les
trémas il existe un petit amas de tissu dense retenant plus facile-
ment la couleur et qui paraît en se détachant comme un point vive-
ment coloré *.
Tout concourt à rendre la branchie de l'An. solenota simple et facile
1 Voir Arch. de zool. eæp. et gén., vol. VE, pl. NE, fes 6e LS EU
2 Voir id., id., M', [".
3 Voir id., id., fig. 5. La partie supérieure de la figure présente un méridien
antérieur M, avec deux infundibulum entre deux parallèles.
# Voir id., id. Il na été représenté qu'un petit nombre de ces points dans la
figure 5 de la planche XVI.
536 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
à analyser. Le réseau de capillaires, que l’on a vu si riche et
si chargé dans l'An. oculata, n’est représenté ici que par quelques
rares vaisseaux perpendiculaires à la direction des méridiens et qui
descendent du sommet des infundibulums * en croisant les trémas.
Il est utile de comparer les dessins des branchies des deux pre-
mières espèces? avec celui de l’espèce qui nous occupe en ce moment;
on verra bien alors combien les différences que présente l’organe de
la respiration sont grandes, et combien il serait exagéré de les
prendre pour caractériser des coupes génériques.
Remarquons encore que la description de la branchie de l'An. s0-
lenota ne peut évidemment pas concorder avec celle de la W. macro-
stphonica du professeur Kuppfer, puisqu'il dit : « L’arrangement des
fentes està peu près le même que dans la W. ampulloïdes, de telle façon
que la disposition concentrique apparaît moins nettement que dans
les autres espèces. L'aspect est encore rendu plus irrégulier, par ce
fait que des vaisseaux situés dans les côtes transverses se détachent
des rameaux superficiels, qui s'étendent en sens divers sur les
fentes branchiales*. »
Que l'on compare, d'une part, le dessin de la branchie de notre
An. solenota à celui que donne M. Kuppfer de la Molqula ampul-
loides *, et d'autre part ce dernier à celui qu'on trouvera planche XX
du volume VI des Archives, et l’on verra s’il est possible de confondre
les espèces. |
Raphés.—Ils n’offrent aucune particularité caractéristique, comme
cela se voit dans quelques autres espèces ; seul, le raphé postérieur
se fait remarquer par son peu de hauteur et par son bourrelet ter-
minal vers son extrémité supérieure, où il se confond avec les bour-
relets formant les godets déjà décrits et terminant les méridiens.
Ici encore, une différence à signaler entre l'An. solenota et la M. ma-
crosiphonica du professeur Kuppfer: dans la première, le bord du
raphé est lisse et continu; dans la seconde, il existe « le long de la
ligne médio-dorsale de la branchie un repli (ou sillon vecteur) sans
côtes et denticulé sur sa marge ».
Tube digestif *. — La bouche présente la disposition ordinaire, et
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, fig. 5.
2? Voir vol. III des Arch., pl. V et V bis, et vol. VI, pl, XV.
3 Voir Kup»rEr, loc. cil., p. 295.
* Voir 14 7pl. AV, Gg. 3:
ÿ Voir Arch. de 30ol. exp. gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 2 et4.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES. DE FRANCE. d37
ce qui a été dit de la terminaison des méridiens et des raphés
suffit.
L'œsophage est court, l'estomac qu'on aperçoit entre les quatre
lobes du foie paraît séparé par un étranglement de la première
partie de l'intestin ; celle-ci, d'un diamètre un peu plus grand que
l'intestin proprement dit, est ordinairement vide et transparente; le
foie est d'un vert brunâtre, l'intestin est très peu courbé et ne descend
pas très bas; si l'on mène‘une ligne horizontale tangente au sommet
de l’anse, en posant l’animal comme cela a toujours été fait, on voit
que le sommet de l’anse intestinale ne descend guère plus bas que le
niveau du point d'insertion supérieur du siphon expirateur!; les
vermicelles qui remplissent l'intestin sont relativement volumineux,
par rapport au diamètre de l'intestin, qui est évidemment peu déve-
loppé et un peu étroit dans cette espèce.
Anus?. — Il est assez bas sur le dos: de la branchie, circulaire et
bordé par un bourrelet que précède un léger étranglement; son bord,
par conséquent, est libre et ne présente plus cette sorte de pro-
longement en pointe se continuant sur le dos du raphé postérieur,
ainsi qu'on l’a vu dans les deux espèces précédentes. Ses rapports
médiats avec la bouche diffèrent donc un peu aussi de ceux que l’on
observe dans les deux premières espèces.
La masse viscérale*, formée par l'union du foie, de l’estomac et de
la branchie au pourtour de la bouche, offre encore ici une différence
avec les espèces précédentes; en effet, on voit à gauche de la bran-
chie l'organe hépatique s'insinuer entre les lames du manteau; par
conséquent, cette masse viscérale, qu'on a vue dans les deux pre-
mières espèces si nettement limitée par des adhérences, ne l’est pas
ici.
Corps de Bojanus *. — L'’organe rénal occupe une position presque
horizontale ; il est très élevé sur le côté gauche et se trouve à peu
près dans le tiers supérieur du corps. Son extrémité postérieure se
rapproche beaucoup du foie. Sa teinte, sur les animaux conservés,
est d'une couleur boïs sale; je n’ai point trouvé dans son intérieur de
1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 2.
2 Voir id., id., fig. 4, a. Anus.
3 Voir id., id., f, indique le foie qu’on voit dans l'épaisseur du manteau et non
adhérent à la branchie.
* Voir id., id., fig: 3, R.
538 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
concrétions comme dans quelques espèces. Mais, en raison du petit
nombre d'échantillons que j'avais, J'ai été conduit pour en faire
l'étude à les préparer avec de l'acide chromique, et peut-être cette
condition a-t-elle fait disparaître les concrétions.
Circulation. — Ici, rien de bien particulier à signaler; les globules
du sang sont jaunes verdâtres, assez abondants pour remplir les ca-
pillaires et en démontrer aisément l'existence ainsi que les réseaux
qu'ils forment. Les veines pallio-branchiales sont peu nombreuses
et réduites à cellesiqui viennent des principaux organes logés dans
l'épaisseur du manteau.
Le cœur est rapproché en arrière du foie, l’aorte viscérale est donc
courte.
Ganglion nerveux !.—T est petit, allongé et placé sur le côté droit de
l'organe vibratile, sous la lamelle droite d’origine du raphé postérieur.
Organe vibratile ?.— Très régulièrement constitué en un croissant,
dont l'ouverture est à gauche et par conséquent la convexité à
droite; les extrémités de ses cornes ne sont pas du tout recroque-
villées; il se détache très nettement du sillon sustentaculaire.
C’est encore ici une différence à signaler avec la M. macrosiphonica,
dont «la paroi extérieure de la fossette vibratile est presque fermée.»
La glande voisine des organes précédents est assez éloignée d'eux,
elle paraît presqu'en dehors à gauche et en haut de l'angle formé par
l'origine du raphé postérieur. C’est là un caractère.
Tunique “. — Elle est transparente, peu villeuse, très médiocrement
épaisse; elle ne semble avoir de filaments et de papilles adhésives
qu'en très petit nombre et, du côté opposé aux tubes inspirateur et
expirateur, la partie voisine de la base de ces tubes est aussi nue, et
l’on n’y voit de loin en loin que quelques fragments adhérents. Il y
a encore à ce point de vue une différence entre cette espèce et la
M. macrosiphonica.
Le manteau offre une particularité curieuse; ses fibres musculaires
sont réunies en paquets courts et fusiformes, comme cela se voit,
mais à un degré moindre, dans l'£'ugyra. De chacune des extrémités
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, fig. 8, N.
2 Voir id., id., V.
5 Noir’ i14,,44., G.
* Voirtd.,14., fig. 1.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 239
de ces paquets naît un filet très grêle et très long qui les unit aux
paquets voisins, de sorte que dans le manteau, lorsque l’on a fait
des imbibitions bien réussies, on croirait voir, sous un faible gros-
sissement, des nodules reliés entre eux par des fibres grêles *.
La musculature de l’orifice postérieur, ou même de son tube, est
très forte, comme on devait s'y attendre.
On voit les fibres longitudinales s'épanouir régulièrement autour
du diaphragme limitant l'ouverture interne dans la chambre péri-
branchiale?. Ces fibres s'arrêtent à une distance égale du centre de
l'orifice, et forment un cercle tout autour de lui.
Le diaphragme est fort peu développé et fait à peine saillie dans
le chambre péribranchiale.
Organes de la reproduction. — Les masses glandulaires génitales
sont doubles et situées l’une à droite, l’autre à gauche, comme d’ha-
bitude. |
A droite elles sont en arrière de.l'intestin, et à gauche en
arrière du corps de Bojanus. Comme ces organes sont à peu près
horizontaux, les masses glandulaires génitales elles-mêmes sont
presque perpendiculaires au grand axe du corps, toutefois un peu
plus inclinées à droite *.
On ne rencontre pas ici la disposition indiquée dans la M. macrosi-
phonica, par M. Kuppfer, qui dit que la glande génitale « gauche
repose entre la première et la deuxième branche de la circonvolu-
tion intestinale #. »
_ Les rapports des glandes de la reproduction et de l'intestin four-
nissent des caractères d’une importance très grande et qui ne
varient pas quand ils sont bien établis dans une espèce, de telle sorte
que souvent on peutreconnaitre qu'on a affaire à telle ou telle espèce
d'après la considération seule de ces rapports, d’où il est permis de
conclure que les choses n'étant pas semblables dans les deux cas,
les deux espèces dont nous nous occupons sont différentes. En effet,
dans l’An. solenota la glande est en arrière de l'intestin et non entre
les deux branches de la circonvolution.
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 9. 4, le fuseau; b, les fibres:
? Voir id., id., fig. 3. Va, valvule de l’ouverture interne ; Te, tube anal ; m, mus-
cles longitudinaux du tube.
3 Voir id., id., fig. 2 et 3.
4 Voir KuPPrER, loc. cit., p. 225. .
540 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
L'ovaire est jaunâtre, mamelonné, quand il est rempli d'œufs.
Les oviductes, accolés au manteau, se portent en arrière et vien-
nent s'ouvrir un peu au-dessus, mais très près de la limite supé-
rieure des fibres musculaires longitudinales du tube expirateur, en
dedans des branches du V que forment par leur écartement les der-
nières fibres postérieures médianes, par conséquent l'ovaire s'ouvre
très en arrière, non loin et au-dessus du diaphragme de l’orifice
expirateur, et assez près de la ligne médiane 1.
Les œufs ont paru très transparents, très peu colorés, mais on
sait qu'au moment de la maturité leur couleur se fonce rapide-
ment.
Les testicules ne forment qu'une seule glande de chaque côté; ils
représentent une grappe très délicate, très régulière, qui couvre tout
l'ovaire, soit de ses lobules, soit de ses culs-de-sac isolés et de ses
canaux arborescents excréteurs. Les sommets des culs-de-sac secré-
teurs dépassent les limites de l'ovaire et se dessinent clairement par
leur blanc mat sur le jaune de la glande femelle ?.
Les spermiductes s'anastomosent en se rapprochant du centre de
la masse glandulaire et s'ouvrent tous dans un canal déférentunique,
saillant, qui s'élève perpendiculairement à la surface. Il n'y à donc
qu'un seul orifice *.
À ce point de vue, cette espèce diffère entièrement des espèces
précédentes.
Ce caractère a une valeur spécifique certaine. Ilest bien regrettable
que M. Kuppfer n'en ait rien dit dans la description de sa M. macro-
Siphonica.
La ponte n'a point été observée, mais des embryons rencontrés
dans la chambre péribranchiale montraient, à n’en pas douter, que
l'espèce est anoure.
STATION.
On a vu que cette espèce n’a été trouvée qu'avec la drague, qu'elle
n’a jamais été rencontrée à la grève, même dans les plus grandes ma-
rées des équinoxes.
C'est au nord de l'île de Batz et à l’est de cette île que la drague
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XVI, fig. 4, 00, 00.
2 Voir id. 50., fig. 4, T.T.
è Voir td.,id.,.fg. 4/04, oû.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 541
l'a rapportée. Elle doit incontestablement se rencontrer dans d’au-
tres parages.
La nature des fonds où je lai cherchée et trouvée, en particulier
sur la basse d’Astan, est la même que celle où l’on rencontre les An.
oculata et quelques Cynthia, telle que la glacialis, ainsi que l'£ugyra.
Les draguages se faisaient à une trentaine de mètres et même
moins.
La physionomie varie évidemment, comme celle des autres espèces,
avec la nature des fonds; car, suivant que les débris de coquilles
sont plus ou moins grands, ainsi que les grains de sable, les animaux
paraissent à la première vue tout à fait différents.
Elle est assez capricieuse et son épanouissement complet ne dure
pas longtemps. Il m'a paru difficile de la faire vivre.
SYNONYMIE.
Après avoir signalé les différences certaines que l’on vient de voir
en comparant la description de l’auteur allemand avec celle que nous
avons donnée, il semble bien difficile d’assimiler l'Anurella solenota
avec la Molqula macrosiphonica. Deux caractères cependant leur
sont communs, ce sont la longueur du siphon anal et l'absence de
tétard.
D'un autre côté, le nombre des méridiens, toujours fixe dans les
mêmes espèces, est différent dans les deux; le raphé postérieur est
dentelé dans un cas, lisse dans l’autre; la position de la glande
génitale n’est pas semblable dans les deux.
Ces raisons ont paru suffisantes pour distinguer les deux espèces.
Dans la synonymie de la M. macrosiphonica, l'auteur prussien place
la M. Manhattensis toutefois avec un point de doute (?).
Il ne semble y avoir aucune similitude entre notre espèce et la
M. Manhattensis, si du moins on en juge par la description du docteur
Tellkampf et les figures placées à la suite de son mémoire.
Le professeur Verrill ne donne pas une description suffisante des
organes internes de cette espèce, et les caractères qu'il indique sont
trop généraux pour quil soit possible d'établir une discussion appro-
fondie. Quant à la figure publiée‘, elle ne pourrait qu'éloigner les
1 Voir VERRILL, loc, cil., p. 54, fig. 1.
D42 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
deux espèces, car elle montre les deux siphons comme étant diver-
gents, ce qui est l'inverse dans notre espèce.
Les dessins du docteur Tellkampf ne peuvent laisser un seul
instant de doute; en effet, l’anse intestinale est représentée telle-
ment courbée, que du côté de l’orifice postérieur elle arrive jusqu’au
contact avec le rectum, de sorte que la deuxième partie de l'intestin
décrit une circonférence complète, dans laquelle est enfermée la
glande génitale ; ce caractère seul ne permet pas de confondre M. Man-
hattensis avec An. solenota.
Mais, bien plus, dans cette figure on voit à l'extrémité d’un rectum
très long, l'anus placé juste dans la lumière même de l’orifice
postérieur ! :
Ce caractère, s’il existe, ne s’est présenté non seulement jusqu'ici
dans aucune espèce de Molgule, mais encore de Cynthia ou d’Ascidie.
Il y à là évidemment ou une erreur ou une disposition organique qui
ne permet pas une assimilation entre l'An. solenota et la M. Man-
hattensis, et par conséquent si celle-ci est considérée par le professeur
Kuppfer comme étant la même que la M. macrosiphonica, il y a là des
raisons suffisantes pour conduire à la création d’une espèce nouvelle.
Répétons, en terminant ces observations, que l’on voit'ici une fois
de plus une preuve bien évidente de l'insuffisance des descriptions
zoologiques des Ascidies.
Ces descriptions, faites le plus souvent isolément et d’après l’appa-
rence extérieure ou les caractères généraux, ne permettent en
aucune manière de discuter les relations des espèces, et le contrôle
des spécifications devient difficile, sinon impossible.
4° ESPÈCE.
ANOURELLE SIMPLE. ANURELLA SIMPLEX (n. DE L.-D.).
Molgula simplex, Hancock, loc. cit.,
non : Ascidia ampulloïdes, Van Beneden,
non: Molgula ampulloïdes, Kupffer, loc. cit.
En cherchant des Pentacrines sur les algues du canal entre l'île
de Batz et Roscoff, mes matelots trouvèrent, en 1874, une petité
Ascidie d’un blanc de lait, très légèrement rosée, qu'il fut aisé de
reconnaître pour une Molgulide.
Is ne purent en retrouver d’autres exemplaires dans cette localité,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D43
Ce ne fut que plus tard, en 1875, que je vérifiai la valeur des carac-
tères que j'avais reconnus sur cet individu unique, et que j'avais dès
la première époque rapporté à l'espèce que M. Hancock avait décrite
sous le nom de Molgula simplex, dans son mémoire de 1870°.
La discussion des caractères et de la synonymie est importante,
car une certaine confusion a été introduite par M. Kuppfer dans
l'histoire de cette espèce. Nous commencerons d’abord par donner
les caractères, sauf à rapprocher ensuite les diagnoses des auteurs
de celle que l’on va trouver ici. | |
CARACTÈRES.
Extérieur ?. — Le corps est globuleux, mais bien plutôt sphérique
qu'ovoide.
La teinte lactée, très légèrement rosée de l'individu trouvé dans
le canal, lui donnait une physionomie que n’eurent pas les échan-
tillons recueillis plus tard au large avec la drague, ou dans une grande
marée à Bréha. Ceux-ci étant grisâtres, sans teinte particulière,
nous ne pouvons pas considérer la couleur blanche comme étant
caractéristique.
La taille est celle d’une petite noisette ronde, elle atteint de 19 à
15 millimètres de diamètre.
L'animal vit fixé et semble adhérer par son côté gauche, c'est du
moins sur ce côté que l’adhérence aux corps étrangers est la plus
fréquente et la plus grande. Mais la position des organes n'indique
nullement une disposition organique sénestre.
Siphons et orifices. — Les dents des festons des orifices sont
simples. Gela résulte nettement des préparations faites avec le plus
grand soin. Leur observation sur le vivant n’a pu être complète, les
individus s'étant à peine épanouis, aussi n'est-il pas possible de dire
si les orifices dans l’état d’épanouissement offrent des caractères
particuliers. Ils ont des traces de coloration variables avec la station.
Ainsi, l'individu blanc du canal, fixé sur un guémon brun noirâtre,
avait sur l'extrémité des mamelons résultant de la contraction de ses
tubes des taches d’un rose assez vif, qui semblaient bien correspondre
1 Voir Hancock, Ann. and Mag. of Nat. Hist., vol. VI, p. 365, 4e série, 1870.
2? Voir Arch. de 300. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. ;1, Anurella simplex,
grandeur naturelle, fixée sur une tige de Cystoseris,
D44 \ HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
aux échancrures des festons de l’orifice. Toutefois on sait qu’en gé-
néral les préparations destinées à faciliter l'étude des organes ne font
pas disparaître toutes les traces des points oculiformes et de la livrée
des animaux vivants. N’en ayant pas rencontré sur les animaux dis-
séqués et dont la préparation avait fourni les caractères, il est pro-
bable que les points oculiformes sont ou peu accusés ou n'existent
pas.
Le diaphragme de l’orifice postérieur n’est représenté que par
une petite-bandelette circulaire, autour de laquelle viennent mourir
les terminaisons des fibres musculaires longitudinales du siphon
postérieur. |
Les tentacules? de l’orifice inspirateur sont nombreux et bien
développés. Chez les animaux tués par l'acide chromique, l’orifice
interne du tube inspirateur paraît fermé par eux, car ils se sont
rabattus sur sa lumière.
On en compte facilement onze grands, alternant avec un nombre
égal de plus petits.
Ils sont quatre fois pinnés, mais les dernières divisions sont peu
nombreuses et peu développées, les secondes au contraire sont
assez longues.
Le dos est largement godronné et très gonflé. La face infé-
rieure est nettement limitée et d’une teinte jaunâtre bistre ferrugi-
neuse (on n'oublie pas qu'il s’agit toujours des animaux conservés et
préparés dans l'acide chromique faible). Le milieu du rachis médian
et de l’axe des premières divisions présente une coloration brunâtre
foncée.
Quoique la taille de l'An. simplex soit à peu de chose près égale à
celle de l’An. solenota, ses tentacules sont beaucoup plus grands que
dans cette dernière ; ils sont aussi plus touffus et plus compliqués.
Branchie*. — Cet organe offre dans sa disposition générale quelque
ressemblance avec celui de l'An. solenota. Il en diffère cependant par
le nombre des méridiens, qui ici est de six de chaque côté. On doit
même y regarder assez attentivement pour ne pas faire erreur et
ne pas croire qu'il n’en existe que cinq. En effet, le premier méridien
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. 4, Va.
2 Noir 4d;14., fig: 7:
5 Voir id., id., fig, 5.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D45
antérieur, c'est-à-dire le plus voisin du raphé antérieur !, est réduit à
une petite bandelette dont les infundibulums sont à peine accusés.
Si le nombre des méridiens n’est pas le même que dans l’An. s0-
lenota, les infundibulums sont à peu près constitués dans l’une
et l’autre sur le même modèle. Ils sont pour ainsi dire simples ?,
s’élevant en cônes à sommet remplacé par une calotte sphérique ;
ils sont un peu moins profonds que dans l'espèce précédente et ils
présentent une faible division ou une petite dépression tout près
de leur sommet. C’est Ià le commencement de ces divisions et sub-
divisions profondes qu'on a vues si marquées dans les deux premières
espèces. |
Les trémas sont grands et circulaires, ils décrivent presque une cir-
conférence complète autour de là base des infundibulums, et ceux des
méridiens voisins deviennent tangents vers le milieu à peu près des
deux fuseaux interméridiens. [ls sont très régulièrement orientés par
rapport au centre de l’infundibulum supposé placé au fond de la dé-
pression.
Il faut toutefois signaler une disposition très particulière de ces
fentes, entre les derniers méridiens et le raphé antérieur; elles
s’enroulent tantôt en crosse, simple ou double, imitent tantôt des $,
et sont fort différentes * par cela même des trémas voisins, qui sont
parfaitement réguliers et circulaires.
Les méridiens, dans cette espèce, sont fortement penchés, ou in-
clinés sur leur face postérieure, par conséquent dirigés en arrière *;
de là résulte une disposition particulière dans la grandeur etle mode
de distribution des côtes.
Celles-ci, en effet, n'existent que sur la face antérieure des méri-
diens face Libre qui, en définitive, regarde l’intérieur de la cavité de
la branchie.
Dans le premier méridien antérieur il n’y a que trois côtes, comme
dans les deux suivants. Mais à partir du quatrième, en s’avançant
vers le raphé postérieur, on en compte quatre, dont une sur le bord
| libre et trois autres sur la face antérieure *. Les méridiens postérieurs
| étant plus élevés leurs côtes sont aussi plus espacées.
1 Voir Arch. de 200. exp. et gén., vol, VE, pl XVII, fig. 5, Met I.
2 Comparez la figure 5, pl. XVII avec la fig. 5, pl. XVI.
Voir 40, fig. 5, pl. XVI, 6, é.
Voir it, td, fie. #, M.
5 Voir id., id., fig. 5 et fig. 6. Celle-ci représente une coupe perpendiculaire des
méridiens afin de montrer les cotes C. C. C. C. de la face antérieure.
ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, == T, VI, 1877, 30
546 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Les capillaires qui rampent sur la face interne des fuseaux inter-
méridiens et qui descendent du sommet des infundibulums, sont
et plus nombreux (trois, quatre, cinq) et plus accusés que dans l'An.
solenota*.
Raphés. — L'antérieur présente une particularité. Le filet, qui le
termine près de la bouche, c'est-à-dire en haut, est extrêmement
long. Ce qui revient à dire que le raphé antérieur s’arrête en tant
que gouttière fort loin de la bouche.
Enfin il est, toutes proportions gardées relativement à la taille de
l'animal, fort profond et développé.
Le raphé postérieur est simple. Il remonte sur les extrémités des
méridiens postérieurs, et, en s’unissant avec eux, forme une lamelle
d’abord saillante, qui s’atténue puis devient un simple cordon.
Tube digestif. — 1] offre les caractères généraux que l’on voit
dans la famille. L'œsophage est court; le foie a les quatre lobes
habituels, mais fort peu séparés et distincts?. On ne voit pas sur
le côté droit les cæcums hépatiques. Il semble que la glande soit
beaucoup plus rapportée à gauche dans cette espèce que dans les
autres. Elle se sépare un peu de la masse viscérale et de la branchie
par son bord-gauche et s’insinue entre les deux lames du manteau”.
Il n'est pas impossible qu'il n'existe une relation entre cette dispo-
sition, celle qu'on va voir dans l'intestin et l’adhérence constante de
l'animal sur le côté gauche.
L'intestin présente des caractères qu'il est utile de bien préciser.
Ils sont importants et d'une grande valeur pour la discussion de la
synonymie.
Le foie étant reporté fortement du côté gauche, l’æsophage, l’esto-
mac et la première partie de l'intestin le suivent. Aussi celui-ci
remonte-t-il tout près du raphé antérieur * et suit-il le bord supérieur
de l’ovoide pour descendre et s'élever ensuite au-dessus du niveau
de la base du siphon postérieur, puis, en s'accolant à lui-même,
descendre d’abord de nouveau, enfin remonter vers son point de
départ et arriver au rectum.
1 Voir Arch. de zoo, exp. et gén., vol, VI, pl. XVII, fig. 5, où on remarque ces
capillaires fortement colorées passant en sautoir sur les trémas qu’ils croisent per-
pendiculairement,
2 Voir id.,id., fig. 3, f. et fig. 2.
8 Voir id., id., fig. 4,f.
k Voir id., td., fig. 2:
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 547
La conséquence de cette marche est qu'un espace circulaire se
trouve limitée de toute part, en arrière de l’anse jntestinale, chose
bien différente de ce que l’on a vu dans l'An. solenota. La glande
génitale droite est enfoncée dans cet espace; nous verrons là un
caractère important, toujours très utile à constater dans la spéci-
fication.
Au travers les parois minces de l'intestin paraissent les vermi-
celles, qui, quoique petits, n’en sont pas moins bien nettement con-
tournés. |
Le rectum, par suite de la marche de l'intestin, remonte haut près
du foie, et redescend aussi assez bas en courant sur le dos de la
branchie.
L'anus! n’a pas sa marge complètement libre ; elle adhère, en
avant, au dos de la branchie, mais elle est, dans ce point d’adhé-
rence, taillée carrément; elle ne descend pas en pointe le long du
dos du raphé postérieur, comme on l’a vu dans l'An. foscovita. Toute
la partie non adhérente du pourtour de la marge anale est découpée
en festons, dont les dents sont courtes, arrondies et sans un grand
développement.
Tunique. — Elle est transparente, assez épaisse et résistante, aussi
bien sur les échantillons de Bréha que sur ceux des Sables-d'Olonne ;
elle se laisse déchirer, mais par lambeaux lamellaires, sans qu’on
arrive du premier coup et par les premières tractions dans sa cavité.
Sa surface est couverte de rares appendices courts, qui rappellent
plutôt des poils ou des papilles que des villosités. Ces prolonge-
ments sont peu adhésifs ; ils fixent bien quelques grains de sable ou
de vase vers la base, surtout dans le voisinage de la surface d’adhé-
rence, mais c'est peu de chose.
Vers l'orifice branchial, quelques-unes de ces papilles s'allongent,
deviennent épaisses, coniques et rappellent une disposition, mais de
très loin, qu’on trouvera plus tard dans une Molgule proprement dite.
Dans quelques échantillons d’Astan, la tunique est épaisse au voi-
sinage des orifices et, en cherchant à la déchirer dans ce point, on
voit qu'au-dessous des lamelles superficielles, avant d'arriver au
manteau, il existe une couche de tissu lâche ayant la transparence
d'un tissu infiltré.
1 Voir Arch. de 3001. exp. ei gén., vol. VI, pls XVI, fig. 4, a.
D48 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Manteau. — 11 est mince, faiblement musculaire, et sans carac-
tères bien accusés. Les fibres longitudinales des siphons forment des
paquets distincts et isolés qui donnent à l'organe, dans son ensem-
ble, une apparence striée fort marquée.
Lorsqu'on sépare le manteau de la tunique sur des animaux bien
préparés, on voit, surtout dans le voisinage et la région du raphé
antérieur, une série de papilles abandonner la tunique et rester
fixées au manteau, dont elles dépendent évidemment.
I y a là un fait très intéressant. J'ai présenté à l’Académie, et
publié à la fin de l’histoire de l’An. Roscovita, cette opinion, que les
vaisseaux sanguins de la tunique ne lui appartenaient pas en propre,
mais élaient une dépendance du manteau qui les envoyait dans l'in-
térieur de l'enveloppe externe.
Ce qui empêche de pouvoir donner une démonstration facile de
cette manière de voir, c'est en général le grand allongement des vais-
seaux, qu'on ne peut à cause de cela arracher de la tunique. Quand
on suit le développement des embryons, et qu’on assiste au passage
de l’état de larve à l’état d'animal parfait, on peut observer bien
manifestement que les prolongements du manteau, d’abord en
forme de petits tubercules, s'allongent peu à peu et pénètrent avec
les vaisseaux qu'ils renferment jusque dans les profondeurs du tissu
épidermique de la tunique.
Dans le cas actuel, les papilles palléales sont si courtes qu'il est
possible de les arracher, et quand on sépare la tunique du man-
teau, chacune des deux parties reprend ou rend ce qui lui ap-
partient et ce qui ne dépend pas d'elle.
Le ganghon nerveux est, relativement aux parties qui l’'accompa-
gnent, toujours très volumineux !. La glande prénervienne est petite
et globuleuse, placée à la gauche du ganglion et exactement au-
dessus du pavillon de l'organe vibratile, qui se trouve de même à
gauche du système nerveux central.
Le caractère tiré des rapports de ces trois organes n’a, dans aucune
autre espèce, une ressemblance complète avec ce qu'on observe ici.
L'organe vibratile ? est assez éloigné de l’angle du raphé postérieur.
Il est en croissant ellipsoïde et ouvert tout à fait directement à
gauche.
4 Voir Arch, de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XVII, fig. 8. N, ganglion; G, glan
prénerveuse.
? Voir id., id., fig, 8, V, organe vibratile, Rp, raphé postérieur,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D49
Organe de Bojanus. — L'organe rénal est ordinairement coloré et
rempli de concrétions inorganiques minérales que les liqueurs con-
servatrices modifient profondément. Comme je n'ai eu qu'un petit
nombre d'échantillons, je ne les ai point disséqués et examinés
frais, aussi ne m'est-il pas possible d’assigner la couleur et l'appa-
rence de l'organe sur le vivant; une légère teinte rougeâtre, grise, uni-
forme, est celle de la poche rénale préparée par l’acide chromique.
La position est fort remarquable, et j'engage le lecteur à com-
parer la figure représentant le côté gauche du corps des diverses
Molgulides ; il pourra s'assurer de l'utilité d’un caractère spécifique
tiré de la direction de l’axe du sac de Bojanus. Aïnsi, pour ne citer
que deux cas extrêmes, que l’on compare la figure 13, pl. XV, repré-
sentant le côté gauche de l'An. oculata, avec la figure 3 de la plan-
che XVII, et l'on verra que la direction du corps rénal est, dans les
deux cas, absolument différente; et, si par la pensée l’on superpose
les deux figures, les deux reins seront perpendiculaires l’un à l’autre.
Ici donc, l'animal étant placé dans la position ordinaire, on peut
dire que le rein est horizontal, ce qui certamement est un caractère
de l'espèce.
Déjà dans l'An. solenota, on a vu cet organe se relever fortement et
perdre tout parallélisme avec le plus grand axe du corps.
Circulation. — Le cœur, qui suit toujours l'organe rénal et la
glande génitale, présente une position tout à fait analogue à celle
de ces organes; il est donc ici horizontal. La conséquence de cette
position est que l'aorte cardio-splanchnique doit faire un coude
pour remonter vers le foie et la masse viscérale.
Rien de particulier, du reste, quant aux organes secondaires de La
circulation. On a vu à propos de la branchie quelques détails sur
les capillaires de cet organe ; nous n'avons pas ici à revenir sur
eux.
Reproduction. — Lies descriptions qui précèdent suffisent presque
pour caractériser la position des deux glandes génitales.
A droite, la masse glandulaire occupe la concavité de la courbe
si complète que décrit l’anse intestinale. Il faut remarquer, et
c'est un caractère, que la glande droite, dans sa totalité pour ainsi
dire, est enfermée dans la courbe intestinale.
Ce caractère se retrouvera extrèmement marqué encore dans la
590 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Molgqula socialis, qui cependant présente d’autres dispositions orga-
niques bien différentes dans un grand nombre des parties.
Ce caractère est très utile ; il suffit pour conduire rapidement à la
diagnose d’un certain nombre d'espèces, par la simple inspection
du côté droit des animaux, même au travers de la tunique quand
elle est assez transparente après la chute des corps étrangers.
On remarquera de plus, lorsque la masse glandulaire droite est
ainsi entourée de tous côtés par l’anse intestinale, que les deux
parties de l'intestin sont accolées l’une à l’autre, Il semble que dans
cette disposition il y a refoulement de la partie postérieure de l’anse
intestinale, qui va jusqu'au contact de la partie antérieure *,
La couleur des glandes n’a pu être constatée sur le vivant et à
l'époque de la reproduction. Aussi le testicule et l'ovaire ont-ils été
représentés dans les dessins par une teinte grisâtre uniforme aux deux
sexes. | | |
Le testicule est sur la face interne et l'ovaire est sur la face ex-
terne.
Les orifices, on l’a vu, offrent souvent des rapports et des disposi-
tions caractéristiques ; c’est ici le cas, l’oviducte et les canaux
spermatiques sont séparés et distincts.
La masse glandulaire porte à sa face interne quelques papilles,
deux à gauche, trois à droite, percées d’un petit orifice à leur som-
met. Ce sont les canaux déférents, par où s'échappe la liqueur sémi-
nale. Ces canaux, libres, indépendants de l’oviducte, se présen-
tent vers le milieu de la longueur de la glande ou près de l’origine
de l’oviducte ?.
On a déjà vu des cas à peu près semblables dans les deux premiè-
_res espèces d'Anourelles; le testicule est donc formé ici, comme dans
ces autres espèces, de plusieurs glandes secondaires. (
L'oviducte se dégage de l'extrémité interne et postérieure de la
masse ovoïde allongée de l'ovaire *.
Il se porte d’abord horizontalement, se courbe ensuite un peu en
bas et arrive très près de l'orifice interne du siphon postérieur, à peu
près à la hauteur du diamètre horizontal de cet orifice *.
1 Voir dans les planches diverses la figure du côté droit des animaux. On remar-
quera très facilement par cet examen, l’écartement des deux parties de l'intestin
quand la courbe n’enferme pas la masse glandulaire génitale.
2 Voir pl. XVII, fig. 4, od, od, od, à droite comme à gauche,
3 Voir id., fig. 2 et 3, mais surtout 4, o.
* Voir id., la fig. 4. Si dans cette figure on tire une ligne horizontale passant par
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. Jo1
Il faut insister sur ce caractère, car en ne considérant que la phy-
sionomie extérieure des animaux vivants, si l’on ne constate les moin-
dres détails, on peut se méprendre et confondre l'An. simplex avec
la Wolqula socialis ‘.
Quoique la ponte n'ait point été vue, il ne peut rester de doute
sur le caractère anoure de l'espèce, car de très jeunes larves trou-
vées dans les replis de la branchie ont montré aussi nettement que
possible l'absence complète de l'appendice caudal ou nageoire.
D'ailleurs, lorsque le professeur Kuppfer a publié ses études em-
bryogéniques confirmant ma découverte, et qui n’ont paru qu'après
la note de M. Hancock publiée elle-même à propos de ma com-
munication, il a donné la diagnose d'une Molgule anoure qu'il a
rapportée à la Holqula simplex de Hancock.
STATION.
Cette espèce a été trouvée d’abord par mes matelots entre l'île
de Batz et Roscoff, pour préciser davantage, au lieu dit les Pierres
aveugles, à peu près au milieu du triangle formé par les roches
nommées Piguet, Ti-zaozon et Duslen, L’exemplaire était fixé sur
une grosse tige de cystoseris. Il ne m'a pas été possible de la retrouver
de nouveau dans le canal, où elle doit être fort rare.
Au mois de juin 1875, ayant exploré l'archipel Bréha, j'avais re-
cueilli sur les pierres, à une basse mer des grandes marées, trois
espèces de Molgulides dont l’une était l'An. simplex.
On ne peut dire que cette espèce soit rare à Bréha. Les excursions
sont si pénibles dans cette localité qu'avant de pouvoir la connaître
il faudrait avoir passé bien du temps à l'explorer dans tous les sens.
On doit remarquer qu’elle n'a été obtenue à Roscoff même qu'à
l’aide de la drague, tandis qu'à Bréha c’est à marée basse qu'elle a
été trouvée, ainsi qu'aux Sables-d'Olonne, où elle est fréquente et
mêlée aux Molgules sociales, dont la station sera décrite avec soin
dans l'histoire de cette espèce.
le diamètre transverse de la valvule Va, on tombe certainement sur les deux ori-
fices des oviductes qui sont très rapprochés de la valvule,
1 Voir plus loin la planche et la description de la Holgula socialis.
092 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
SYNONYMIE,
On doit maintenir le nom spécifique imposé par Hancock, tout
en rapportant l'espèce à un autre genre. Si donc les raisons données
plus haut ne suffisaient pas aux yeux des zoologistes pour légiti-
mer la création du genre Anurella tel qu’il a été établi, ce serait la
Molqula simplex de Hancock qui aurait été décrite.
M. le professeur Kuppfer, dans l’un de ses travaux‘, a rapporté une
des espèces qu'il a étudiées à la Molqula simplex de Hancock, tandis
que dans l'autre ? il place à la colonne : Artname und Litteratur, avec
un point d'interrogation toutefois, la Molqula simplex (Hancock) ainsi
que l’Ascidia ampulloides de Van Beneden, et il nomme la Wolqula
correspondant à cette espèce À]. ampulloides.
Cependant il dit formellement dans son travail embryogénique :
« La description de la A. simplex de Hancock concorde si bien avec
les caractères de cette espèce norwégienne (celle qu'il a étudiée) que
je ne vois aucune raison de les séparer. »
Pour que la synonymie puisse s'établir par comparaison et plus
facilement, nous citerons tout au long les descriptions données par
les deux auteurs. Il sera dès lors plus facile d'établir la diagnose.
Voici d'abord la description donnée par Hancock * :
« Molqula simplex, Alder et Hancock. — Corps globulaire, subpellu-
cide, presque lisse, libre ou très légèrement fixé. — Orifices presque
terminaux, peu séparés, légèrement tubulaires et rétractiles. — Tu-
nique (appelée par l’auteur anglais fest), plutôt molle, mais flexible,
généralement plutôt peu revêtue de fibrilles linéaires, lesquelles sont
rarement ramifiées, et quelquefois avec quelque peu de sable ou de
coquille leur adhérant. — filaments tentaculaires branchus, irrégu-
lièrement tripennés. Ils sont au nombre de onze, avec quelques pe-
tits interposés entre eux. — Sac branchial avec six plis de chaque
côté, les réseaux distinctement, mais irrégulièrement convolutés. —
Repli ventral lisse, large en dessous. — /ntestin formant deux anses
(oops) placées dans la moitié supérieure du sac. — Organes repro-
1 Voir C. Kupprer, Zur Entwickelung der einfachen Ascidien (Arch. f. mikroskop.
Anatomie, Band. VIII, pl. XVII, p. 368).
2 Voir id., Nordsee-Expedition, 1872, p. 293, pl. IV, fig. 3 et 6, 4 et.
3 Voir Kupprer, Arch. f. mik. An. Band, VIII, p. 368.
# Voir Hancock, loc. cit., vol. VI, p.365, année 1870,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D93
ducteurs formant une masse légèrement arquée de chaque côté avec
des marges divisées en lobes irréguliers et nombreux qui du côté
droit sont en dedans de la seconde anse (/00p) ‘de l'intestin. — Dia-
mètre : 1/2 à 2/3 de pouce. »
« Gette espèce a une grande ressemblance avec l'Ascidia ampul-
loides de van Beneden, qui indubitablement est une Molqule, laquelle
paraît plus grande que la M. simplez et a des tubes plus étendus. Sa
tunique est décrite comme solide et épaisse, ce qui n’est pas le cas
pour notre espèce. »
Voici maintenant les descriptions du professeur Kuppfer :
« La seconde espèce qui m'offrit des œufs mûrs, je l’ai rencontrée,
ainsi qu'il a été dit, dans le port d’Arendal, où elle abonde sur le
limon sableux qui forme le fond. L'animal est à peine moitié aussi
gros que l’espèce précédente (Molqula macrosiphonica), sphérique avec
des siphons courts et coniques parfaitement rétractiles, sans ocelles.
La branchie porte également six plis marqués de chaque côté. Tube
digestif et organes génitaux comme dans la précédente, si ce n’est
que ces derniers ont ici un aspect lobulé et que dans l’autre espèce
leur surface est suffisamment unie. Revêtement de sable fin. La des-
cription de la M. simplex d'Hancock concorde si bien avec les carac-
tères de cette espèce norwégienne que je ne vois aucune raison de
l'en séparer.
« Sur les œufs que me donnèrent à la fin de l'été et à l'automne
ces deux espèces, les traits fondamentaux du développement s’ac-
cusèrent d’une façon satisfaisante, conforme pour les deux espèces
avec les données de Lacaze-Duthiers en ce qui touche leurs côtés
négatifs, l'absence d’une queue et d’un axe squelettique chez la
larve. »
Dans une publication ultérieure ?, la synonymie indiquée par le sa-
vant de Kiel porte un trouble réel dans le rapprochement des
espèces, d'autant plus que la discussion et la concordance des
caractères ne sont pas établies.
Est-ce la fin du passage de Hancock, où il est dit que la M. simplex
a une grande ressemblance avec l’Ascidia ampulloïdes de van Beneden
qui a conduit à faire le rapprochement laissé douteux par le point
d'interrogation? Les raisons n'en sont pas données.
1 Voir ce mot dans les Dictionnaires anglais-français, où il est traduit par le mot
bride de boutonnière ou trou.
? Nordsee-Expedition, 1872, p. 223, première espèce,
004 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Citons encore les passages relatifs à la Molqula ampulloïdes, afin que
ces descriptions mises à côté les unes des autres puissent être mieux
appréciées :
« Molqula ampulloides (Kuppfer). — Forme générale allongée d'un
tonneau, offrant à l’une de ses extrémités les orifices à quatre et à
six festons des deux siphons courts. Le siphon cloacal légèrement
un peu plus long. Les deux siphons inclinés d’une quantité à peu
près égale sur l’axe du corps. L’extrémité opposée est enfoncée libre-
ment dans le sable ou adhérente à quelque corps plus volumineux
par une surface de peu d’étendue. Longueur, 2,5 centimètres à
3 centimètres.
« La tunique est passablement épaisse à l'extrémité postérieure,
elle à jusqu'à 2 millimètres d'épaisseur ; d’une consistance cartilagi-
neuse, en avant très mince, couverte sur sa surface de sable fin adhé-
rant aux filaments agglutinants médiocrement longs, ne dépassant
pas en largeur l'épaisseur de la tunique. Dans sa structure, cette tuni-
que est formée d’une masse fondamentale hyaline, avec corpuscules
brillants disséminés, et de toutes petites cellules fusiformes. Dans les
filaments agglutinants pénètre un double vaisseau avec une termi-
naison en massue.
« La masse interne du corps est arrondie, flasque, sans muscles
ayant un corps distinct.
« À la couronne tentaculaire douze à quinze tentacules branchus.
« Sillon vecteur limité par deux replis, dont le droit est le plus fort.
« Orifice buccal au milieu de la ligne dorsale médiane.
« Le sac branchial occupe toute la longueur de la masse interne
du corps et présente douze plis aplatis, symétriquement disposés,
dont chacun porte trois côtes plates longitudinales. Les côtes trans-
versales délimitent avec les plis longitudinaux des champs rectangu-
laires. Les fentes branchiales, et avec elles les capillaires branchiaux,
sont ordonnés concentriquement autour de centres placés sous les
plis longitudinaux (pl. IV, fig. 3).
« L’estomac est petit et placé comme tout l'intestin à gauche.
L'intestin décrit une circonvolution courbe dont les deux branches
sont étroitement appliquées l’une à l’autre. Pas de crête dans l'in-
testin.
« Deux glandes génitales, composées chacune d’une partie mâle et
d’une partie femelle, la gauche reposant sur la branche récurrente
de la circonvolution intestinale.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, D09
« Concrétions jaunes dans le rein. »
On doit bien le reconnaître, la plupart de ces caractères appartien-
nent à toutes les Molgules et ils ne peuvent vraiment pas s'appliquer
dans leur partie spécifique d’une part à la Molqula simplex et d'autre
part à la Molqula ampulloides.
Pour moi, le doute n'est pas possible. Grâce à l’obligeance de
M. le professeur van Beneden, ce dont je le remercie cordialement,
j'ai pu vérifier sur des échantillons bien authentiques les caractères
de son Ascidia ampulloides et il m'a été facile de comparer les deux
espèces et de reconnaître leurs différences profondes.
Il faut donc séparer absolument et définitivement la Molqula
(notre Anurella) simplex de la Molqula ampulloides *.
Il y a d’ailleurs un fait positif avancé par M. Kuppfer lui-même.
L'’embryon est anoure chez la M. simplex, et d'un autre côté nul ne
met en doute l'observation des têtards de la A. ampulloïdes faite par
van Beneden.
Si donc ces deux espèces sont réunies en une seule, on doit dire
si l’une et l’autre ont des têtards ou bien si l'une seule en a tandis
que l’autre n’en a pas.
On verra bien plus clairement, après la description de la M. ampul-
loides, que pour beaucoup d’autres raisons il faut séparer ces deux
espèces.
La description de Hancock est celle qui concorde le plus exacte-
ment avec celle que nous avons donnée de l’An. simplex. Gependant,
en y regardant de bien près, il n’y a réellement dans cette diagnose
que bien peu de caractères positifs, celui du nombre et de la forme
des tentacules, qui sont 2rréqulièrement tripennés. La position de la
glande dans la courbure forcée de l’anse intestinale et le nombre 6
des méridiens branchiaux, avec la nudité presque complète de la
tunique, sont des caractères communs à l'An. simplex et à la A. am-
pulloïdes, et ce sont eux qui, certainement, ont conduit à une confu-
sion que le caractère embryogénique a pu seul faire disparaître.
Mon désir n’est pas, on peut en avoir ici la preuve, de multiplier
le nombre des espèces. Mais on le reconnaîtra certainement, c’est
sur une donnée bien faible et bien secondaire que j'identifie mon
1 Le lecteur sera convaincu de cette distinction dès qu’il aura jeté les yeux sur
les planches XVII (4. Simplex) et pl. XXII (Molgula ampulloïdes) et qu’il aura com-
paré la branchie, etc., ete. Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI.
996 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
À. simplex avec la M. sièmplex de Hancock. Sans l'étude des moindres
détails de l’organisation, surtout sans les observations embryogé-
niques, enfin sans une comparaison entre les animaux bien authen-
tiquement déterminés, j'aurais pu, de même que les auteurs anglais
et allemands, être conduit à la confusion qui, je l'espère, ne sera
plus possible maintenant.
Dee" ESPÉCE.
ANOURELLE DU LOUP. ANURELLA BLEIZI 1 (n. sp., H de L.-D.).
Cette dernière espèce des Anourelles, que nous avons à étudier,
est l’une des plus distinctes par l’ensemble de ses caractères pro-
fonds et en même temps l’une des plus difficiles à reconnaitre à
la grève par une observation superficielle.
On la rencontre assez fréquemment au milieu des CGynthias rusti-
ques qui abondent au-dessous des gros blocs de granit empilés à la
Roche du Loup (en breton, Carec-ar-Bleiz), ou à Roléa dans les
mêmes conditions.
Elle existe aussi à Bréha et dans l'Océan, à Morgate et aux Sables-
d'Olonne, où elle a une physionomie tellement différente, que je l'ai
trouvée parmi les échantillons des espèces que j'avais rapportés en
grand nombre de ces localités, sans me douter que je l’avais recueillie.
Mais elle offre des caractères profonds tellement précis et essen-"
tiels, qu'il n’est pas possible de la confondre avec les autres Molgu-
lides, au milieu desquelles elle vit et avec lesquelles elle se confond
par son apparence extérieure.
Comme il a été impossible de la rapporter à l’une quelconque des
espèces décrites, j'ai dû en faire une espèce spéciale à laquelle j'ai
donné le nom de la roche ou de la localité où elle avait été décou-
verte par moi pour la première fois, dès mes premières études des
Aseidies simples de Roscoff. |
CARACTÈRES.
Extérieur. — La forme est plutôt sphérique qu'ovoïde; si cette
dernière apparence se présente, c'est que les deux siphons naissent
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XVIII, fig. 1. Groupe de Cynthia
ruslica sur lequel est fixée une Anurella Bleizi de fort belle taille.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 997
sur l’une des extrémités du grand axe du corps et, par leur base,
semblent l'allonger.
La taille des échantillons, exceptionnellement très développés, ne
dépasse pas 2 centimètres ; ces proportions sont même rarement at-
teintes.
La couleur est d’un jaune verdâtre très léger et très délicat, elle
paraît plutôt par transparence que directement, car elle est due en
partie à la couleur de l'ovaire, vue confusément au travers de la
tunique, et à laquelle s'ajoute la teinte aussi très légère d’un vert
Sale résultant d'un dépôt de matière extérieure n’appartenant pas
plus au corps qu'à la tunique.
Il ne faut jamais perdre de vue, quand on veut caractériser la cou-
leur d'une Ascidie transparente, que sa teinte dépend de trois choses :
de la couleur des organes profonds, de celle de la tunique même, et
enfin des dépôts de matière extérieure; les trois nuances se super-
posant se mêlent et forment une teinte nouvelle par leur combi-
naison. Ainsi, l’on voit dans l’une des figures", sur le siphon branchial
dilaté et grossi, des taches isolées d’une teinte rouille ferrugineuse,
qui, à la simple vue, semblent se confondre et donner au tube une
couleur brunâtre rouille. Gette couleur est indépendante de la tu-
nique. On peut dès lors s'expliquer comment des individus pris dans
des localités différentes peuvent offrir des aspects et une physiono-
mie souvent si divers.
Siphons et orifices. — Les orifices sont portés par des siphons ou
tubes assez longs, qui, vers leurs extrémités, diminuent un peu de
volume, puis se renflent en un léger bourrelet qui porte les dents ca-
ractéristiques. Les dents des festons sont blanches et transparentes
dans les échantillons recueillis à Carec-ar-Bleiz ou à Roléa; mais
sur des échantillons trouvés dans d’autres localités elles sont légè-
rement rougeûtres; elles sont très séparées et fort aiguës pendant
l'épanouissement complet?; l’échancrure qui les sépare est à peu
près effacée, et l’on ne voit pas entre elles de points oculiformes.
* Enfin, en regardant l’intérieur des orifices bien épanouis, on croi-
rait voir leurs parois comme lavées d’un glacis de rouge; dans ce
cas, il faut se demander si la teinte d'un rouge si vif des Cynthia
rustica, sur lesquelles les échantillons des environs de Roscoff sont
fixés, ne cause pas ce reflet de la couleur.
3 Voir Arch, de 3001, eæp. et gén., vol, VI, pl. XVIII, fig. 4,
? Voir id. id,
558 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Le siphon anal m'a toujours paru plus long que le siphon bran-
chial!, et un peu courbé à son extrémité du côté antérieur.
Tentacules. — Is n’ont rien de particulier. Is sont médiocrement
divisés et subdivisés. Les deuxièmes divisions sont extrêmement
petites, relativement aux premières, et souvent simples ; quand elles
portent des subdivisions tertiaires, ce sont comme des tubercules
latéraux. La bandelette colorée, jaunâtre, de leur face antérieure,
est nettement limitée et, comme dans l'exemple précédent, la face
godronnée est profonde et très développée.
On compte ordinairement dix grands tentacules, mais on sait
que ce nombre n’est pas d'une assez grande fixité pour qu'on puisse
lui attribuer un caractère de première valeur.
Le diaphragme de l’orifice expirateur est remarquable; son éten-
due est grande, aussi sur presque tous les individus il est saillant et
très facile à observer. Mais sa largeur diminue beaucoup sur la ligne
médiane en avant, où il parait comme échancré; en arrière, au
contraire, si une dépression semble se faire sur le milieu, c’est qu'un
abaissement, dû sans doute au grand développement en ce point,
produit en arrière un pli qui s'abaisse postérieurement et forme
comme un petit godet sur la ligne médiane.
Il y à là un caractère qu'il ne faut point négliger et qui ne se
retrouve pas indifféremment dans toutes les espèces ?.
Branchie. — Cet organe offre des caractères très nets, comparés à
ceux des espèces qui lui ressemblent par la physionomie extérieure.
On trouve quatorze méridiens, sept de chaque côté, symétrique-
ment semblables.
Deux, les plus voisins du raphé antérieur, sont très peu déve-
loppés ; aussi pourraient-ils passer inaperçus si l'attention n'était
portée particulièrement sur eux.
Leur terminaison supérieure où buccale s'accomplit, à droite, par
la réunion du raphé postérieur et des têtes des trois méridiens pos=
térieurs du même côté. Les autres se terminent par des godets, ainsi
qu'il a été dit pour quelques espèces précédemment étudiées. A gau=
che, des godets semblables à ceux du côté droit se forment également,
puis un filet passant par les dernières têtes se continue avec le filet
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén, vol, VI, pl, XVII, fig. 2 et 3,
2? Voir id.,4d., fig. 9, Va,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 999
terminal du raphé antérieur sans présenter de particularité spéciale.
Les côtes, au nombre de trois, sont larges et bien accusées sur les
branchies imbibées1. On peut étudier avec la plus grande facilité
leurs rapports et leur constitution; elles sont bien dégagées de la
membrane fondamentale et de la base des infundibulums.
Les trémas sont très réguliers dans les fuseaux interméridiens ; ils
semblent aussi nettement orientés et circulaires, par rapport au
centre de l’infundibulum. Leur étendue est grande, souvent elle
égale le pourtour de la base tout entière des orifices extérieurs des
infundibulums.
Les parallèles sont bien évidents, ils imitent des séries transver-
sales de dépressions de la membrane fondamentale, assez différentes
suivant qu'on les considère en avant et en arrière.
Les infundibulums ? correspondant à ces dépressions sont tou-
jours profondément divisés à leur sommet en deux par une cloison
qui, du bord libre du méridien, descend jusqu’à la hauteur du milieu
de l’espace qui sépare la première et la seconde côte vers la base.
Cependant, plus le méridien que l’on considère est antérieur, et
plus la division ou bifurcation du sommet des infundibulums est
peu profonde.
Cela peut s'expliquer de la façon suivante. La longueur du méri-
dien est beaucoup moindre en arrière qu'en avant. On à vu dans les
généralités que cela tenait à la position de la bouche, qui n’est pas
à l’un des pôles de la sphère branchiale, mais bien un peu plus bas
en arrière. L'espace laissé libre entre deux parallèles est donc bien
plus grand en avant qu’en arrière, si l'on admet, ce qui est vrai, que
le nombre des parallèles est le même en avant et en arrière. Cela
se voit clairement sur le segment de branchie représenté au bas
de la planche XVIIL, fig. 7. La partie postérieure est en bas et la
partie antérieure en haut, et les deux parallèles qui limitent ce seg-
ment, à droite et à gauche, forment un angle ouvert en haut. On
peut y remarquer que, tandis qu'au sommet il n'y a place que pour
un infundibulum, à sa base, entre les deux côtés, il peut facilement
en loger deux.
On pourrait donc considérer la cloison qui termine en arrière la
bifurcation des infundibulums comme l'origine de la séparation
1 Voir Arch, de z0o1. eæp, et gén., vol, VI, pl. XVIII, fig. 7, portion de branchie
imbibée,
® Voir id , id. fig. 7,1.
560 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
plus grande et même complète de deux infundibulums antérieurs,
entre les deux parallèles.
Il suffira d'observer la figure indiquée plus haut, pour bien con-
stater les caractères des infundibulums, qui, dans des espèces
fort semblables d'apparence extérieure, sont aussi fort analogues,
mais qui cependant ne suffisent pas pour établir des rapprochements
soit génériques, soit spécifiques.
Sur les infundibulums, les trémas s’enroulent tantôt régulière-
ment autour de l'axe, tantôt plus ou moins obliquement; il n'y a
rien de caractéristique dans la direction et la forme de ces fentes.
Ce qui semble plus particulier ici dans l’espèce, c’est le rétrécis-
sement et la terminaison en pointe mousse du sommet de l'infun-
dibulum.
Tube digestif. — La bouche n'offre pas de Caractère particulier.
L'intestin est fort long, il descend très bas en formant son anse et
arrive au niveau de la base du siphon antérieur ou branchial. Il est
à peu près vertical, sans courbure sensible et parallèle au bord anté-
rieur du corps; aussi, la partie ascendante et la partie descendante
sont-elles séparées au sommet de la boucle par un espace assez
grand.
Toutes proportions gardées, l'anus est plus éloigné de la bouche
dans l’An. Bleizi que dans les autres espèces. Cela tient à ce que le
rectum court un peu plus loin sur le dos de la branchie. Sa marge
est tout à fait libre! et détachée en avant du dos du sac branchial;
il est aplati d'avant en arrière et, par suite de cette disposition,
semble être bilabié. Son bord ne présente aucune découpure.
La masse viscérale présente une particularité inverse de celle qu'on
a observée dans les deux espèces précédentes ; chez celles-ci, les
lobes gauches du foie s’insinuaient entre les deux lames du manteau
et se séparaient de la branchie?; ici, au contraire, dansJa prépa-
ration ayant pour but de montrer la paroi postérieure de la chambre
péribranchiale, on voit? les lobules gauches du foie rester adhérents
à la paroi branchiale.
Les matières fécales forment des vermicelles irrégulièrement dis-
posés, sans caractère, |
1 Voir Arch. de 5o0l. eæp. et gén., vol. VI, pl, XVIIL fig, 9, a,
2 Voir id., id. pl. XVI et XVII, fig. #4, 4.
8 Voir td., td, pl. XVIIL, fig. 9, f.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 961
Organe de Bojanus'. — La glande rénale est assez grande et peu
courbée en arc; sa coloration est rosée. Il faut remarquer qu'étant
assez éloignée de la masse viscérale, le cœur, qui est accolé à sa face
postérieure, se trouve lui-même éloigné de la masse splanchnique ;
par conséquent, ici l'aorte splanchnique doit être relativement longue.
Il faut enfin observer que le corps de Bojanus est peu oblique et dans
la position la plus habituelle, qu'il est presque vertical.
La tunique est lisse, sans villosités, assez-épaisse ; elle n’a, comme
ila été dit, qu'une très légère teinte jaunâtre, analogue à celle du
manteau sous-jacent. C’est certainement, avec la M. ampulloides,
l'un des exemples dont la tunique est la plus transparente et à la
fois la plus glabre et la plus épaisse.
Le manteau, mince, très peu musculaire dans sa plus grande éten-
due, est aussi d’une teinte lavée de faible Jaune verdâtre. Ses fibres
musculaires éparses et ses paquets fusiformes de même nature isolés
sont peu nombreux et bien peu accusés.
Par contre, les tubes sont très musculeux. L'antérieur, quand il se
contracte violemment sous l’action des acides, offre une côte sail-
lante longitudinale correspondant à chaque dentelure ?.
Pour le tube inspirateur, la terminaison des fibres longitudinales
ne dépasse pas beaucoup le point d'union de la branchie et du man-
teau, et dans ce point les fibres circulaires s'’accusent comme un
cercle bien accentué.
Les fibres longitudinales du tube postérieur, qui est beaucoup plus
long et un peu courbé en avant à son extrémité libre, se portent
bien plus loin du côté antérieur, tout le tour de la base, dans le man-
teau que dans le tube inspirateur %. Quand dans la même figure on
. compare les bases des deux tubes, on est frappé de la différence de
_ ces deux modes de terminaison des fibres longitudinales. Il y a une
sorte de dissociation de celles-ci et on les voit s’étaler en éventail
tout autour de l'insertion du tube.
Le ganglion nerveux dépasse beaucoup en haut et à Do l'angle,
au sommet duquel naît le raphé postérieur’.
La glande prénervienne est extrêmement PE à et se loge en haut
1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol, VI, pl, XVIH;.fig. 8,.R
2 Voir id., id., fig. 2, B.
8 Voir Fr id,, fig. 3, À.
# Voir id., id., N. ee nerveux, Rp, raphé Robe
ARCH. DE ZOOI. EXP, ET GËN,=— T, VI. 1877, 36
562 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
et à gauche du ganglion, elle répond tout à fait au sommet de
l'angle d’origine du raphé postérieur".
Quant à l'organe vibratile ?, il est fort petit et répond au tiers infé-
rieur du côté gauche du ganglion nerveux. L'ouverture de son crois-
sant est tournée à gauche, et ses angles sont fortement contournés
en dedans.
Il y a, comme on le voit, dans l’ensemble des caractères des trois
parties qui se trouvent dans la région prénervienne plusieurs traits
caractéristiques de l'espèce d'Anurelle qui nous occupe.
Organes de la reproduction. — On trouve ici des caractères positifs
d'une grande valeur.
Les glandes génitales sont placées en arrière à droite de l’anse
intestinale, que l’on a vue être presque verticale, et à gauche en ar-
rière du Corps rénal, qui est fort peu incliné; elles sont allongées et
leur grand diamètre est presque vertical.
Leur volume ne m'a jamais paru très grand ; on ne rencontre pas
d'époques où elles soient démesurément gonflées, cela s'explique
très probablement par des pontes nombreuses et successives que
prouvent les amas d’embryons qu'on rencontre presque toujours
pendant la Belle saison dans la cavité péribranchiale.
L'ovaire est au centre du côté externe de la masse glandulaire ; il
représente une bandelette allongée, peu lobée, dont le milieu est oc-
cupé par un canal longitudinal qui se dégage de la masse glandu-
laire vers le sommet de l’extrémité supérieure.
Le testicule est blanc grisâtre et représente une glande fort nette-
ment en grappe distique *.
Dans äucune autre espèce on ne trouve les deux glandes plus net-
tement distinctes, quoique superposées et accolées l’une à l’autre.
L'oviducte continue un moment la direction générale de l'ovaire.
Il ést libre vers le haut de la cavité péribranchiale. Il se recourbe en
crosse, puis redescend un peu, mais sans arriver cependant jusqu'à
Ja ‘hauteur de l'anus, de sorte qu'il s'arrête des deux côtés dans
l'angle dièdre formé par lé manteau et la branchie, bien loin encore
de l'orifice interne et de la valvule de l’orifice expirateur*.
1 Voir Arch, de 300keæp. et gén.ÿ vol, WE, pl. XVIII, fig. 5, G.
2 Noir td tds, 0e
8 Voir id., id., fig. 8. O, ovaire ; T, testicule,
# Voir id.,1d., fig. 8 ét) 074 €!
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 563
L'extrémité inférieure de l'ovaire ne descend pas jusqu’à la boucle
inférieure de l’anse intestinale. La glande femelle représente une
bandelette jaune à bords un peu lobulés que dépasse notablement
le testicule, formé d’une dizaine de lobules.
Le canal excréteur de la glande mâle suit le milieu de la glande
femelle, en recevant à droite et à gauche les conduits secondaires
des lobules latéraux. Il arrive à la limite supérieure de la masse glan-
dulaire, s’accole à l’oviducte et le suit jusqu'à sa terminaison, où se
trouve son ouverture. |
L'orifice femelle est ouvert dans une grosse papille terminale de
l’oviducte. Cette papille volumineuse se fait remarquer à la fois par
son volume relativement énorme et par sa forme.
Elle est immense, comparée aux proportions de l’oviducte‘; elle
représente très exactement un cœur de carte à jouer renversé, dont
le sommet ou la pointe se continue avec l’oviducte, tandis que la
base est un peu échancrée.
Sur la face répondant à la cavité générale on voit une ligne noire
répétant la forme du cœur, dont le sommet allongé remonte jusqu’à
l'origine de l'oviducte, et dont la base se recroqueville sans que ses
deux parties latérales se rejoignent sur le milieu. Gette ligne est une
fente qui correspond à l’ouverture même de l’oviducte et par laquelle
s’accomplit la ponte.
Qu'on se reporte à la description de la papille terminale de l'ovi-
ducte dans l’An. oculata?, qu'on la compare à celle-ci et l'on verra
que la fente large et béante de la première est devenue ici linéaire
ou très étroite, que la fourchette entrant dans le fer à cheval s’est
transformée en une valvule cordiforme.
Dans le point où l’oviducte se dégage des lames du manteau
entre lesquelles il est logé, se trouve l’origine de la pointe de la
papille, qui, elle, est libre et saillante.
L'état de contraction fait beaucoup varier la grandeur de la fente
représentant l'orifice, mais la forme même de la papille est toujours
sensiblement la même; on pourrait encore la comparer à une poire
ventrue et aplatie dont l’oviducte serait le pédoncule.
L'ouverture du canal testiculaire est toujours (sans que j'aie ren-
\ Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig. 8 et 9, 00, oo.
2? Voir id., id., fig. 10, vo, et comparez cet orifice génital femelle à celui de
l'An. Bleisi, pl. XVIII, fig. 9,
564 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
contré une seule exception) à l'extrémité de l’oviducte, tout près du
sommet ou de la pointe de la papille cordiforme et dans le point où
ce canal se dégage du manteau.
Les caractères tirés de ces dispositions organiques ont une grande
valeur dans les déterminations. Il m'est arrivé, en plus d’une occa-
sion, sans rechercher d’abord l'ensemble des caractères qui viennent
d'être précédemment exposés, d'observer la papille et de recon-
naître immédiatement l'espèce dont un examen plus approfondi des
organes confirmait toujours la détermination.
La larve est anoure, il est à peine nécessaire de le dire, puisque
c'est sur ce caractère qu'est basé le genre Anurella; elle se forme
dans la cavité péribranchiale, car la fécondation et les premières
périodes du développement s'’accomplissent dans cette cavité. Il est
peu d'individus pêchés dans la belle saison qui n’aient montré dans
leur cavité péribranchiale, à droite comme à gauche, vers les deux
extrémités des glandes, des amas Jaunâtres d'œufs en voie de déve-
loppementf.
Quand les embryons sont arrivés à un certain état, ils sont rejetés,
sans efforts n1 contractions, par la mère, les courants déterminés par
les cils les entraînent; le moment où ils arrivent au dehors est celui
où se montrent les papilles adhésives; aussi se fixent-ils à tout ce
qu'ils touchent, même à leurs voisins sortis avec eux.
On trouvera dans la planche XVIIL, à la figure 1, la représentation
d’une sortie de quelques embryons ayant perdu leur couleur jau-
nâtre et se présentant comme de petits globes blancs et transparents.
Dans la même station vivent, suspendues aux voûtes de ces petites
grottes tapissées de Cynthia rustica, plusieurs espèces de Molgulidés
les unes anoures, les autres urodelles. Leur physionomie, leur exté-
rieur les font se ressembler souvent beaucoup, et le têtard des unes
peut venir se fixer sur la coque d'un embryon anoure des autres.
À première vue on éprouve un grand embarras pour la diagnose et
la confusion est certaine si l’on n’a des principes positifs de déter-
mination. Avec les caractères qu’on vient de lire il ne peut y avoir
de doute; on verra plus loin encore les caractères des espèces quine
peuvent pas davantage que les précédentes être confondues avec
l'An. Bleiz.
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl, XVIII, fig. 2 et 3, 6,8, 6, €,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 909
On remarquera que c'est la troisième espèce anoure qui vit fixée,
et cela non pas seulement sur des Algues, mais encore dans des con-
ditions absolument identiques à celles où l'on rencontre des espèces
urodèles. Ainsi donc si la nageoiïire caudale n'était que la conséquence
de la nécessité pour l'animal d'aller à la recherche d'une station, on
ne comprendrait pas bien pourquoi dans la même station vivraient
côte à côte, dans les mêmes conditions, des espèces à nageoires et
des espèces privées de cet organe de la locomotion.
STATION.
L'Anurella Bleizi est commune à Roscoff dans les parages du Loup
(Carec-ar-Bleiz), de Roléa et certainement dans beaucoup d’autres
endroits où les conditions semblables à celles qui viennent d'être
indiquées se rencontrent aussi. Les draguages au nord-est de l’île de
Batz l'ont aussi fournie.
À Bréha, entre Roch” Louet et les Rooho, j'ai, en 1875, recueilli à
marée basse de nombreux échantillons de Molgulidés. J'étais loin de
me douter dans ces recherches que je recueillais l'A. Bleizi, Je n'ai
pu avoir cependant aucune ombre de doute à cet égard, et quand,
rentré à Roscoff, j'ai cherché à reconnaitre et à déterminer les pro-
duits de mon excursion, j'ai pu sans hésiter reconnaitre l’ensemble
des caractères précis qui viennent d'être énumérés.
De même en explorant Morgate dans le nord de la baie de Douar-
nenez, non loin de Brest, j'avais recueilli des touffes de Cynthia qui
portaient plusieurs espèces de Molgulidés. En cherchant à faire leur
distinction j'arrivai à reconnaître que l’A. Blerzr se trouvait à Mor-
gate fixée sur des rochers que bat la lame.
Aux Sables-d'Olonne, dernière station où je l'ai rencontrée, elle
vit au milieu des groupes nombreux de la Wolqula socialis, qui elle a
un embryon urodelle, et là encore on trouve absolument dans des
conditions identiques des animaux fort différents par leurs formes
premières embryonnaires; on ne peut donc pas admettre que dans
ces stations les conditions biologiques aient déterminé la forme de
têtard où la forme anoure.
Dans la planche XVIIT à été représenté, à la figure 16, un exem-
plaire de l’A. Bleizi trouvé dans le canal de l’île de Batz au lieu dit
les Pierres aveugles; ilest fixé sur une tige d’Algue. Sa grandeur a été
566 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
amplifiée trois fois; sa physionomie est fort différente de celle des
anourelles des grottes de Cynthia rustica. Ses orifices surtout sont
fort rejetés sur le côté dorsal. Voilà encore un fait prouvant que
cette espèce vit fixée, quoiqu'elle soit anoure.
SYNONYMIE.
Cette espèce a-t-elle été décrite?
Je ne le pense pas, si du moins l’on s’en rapporte pour la déter-
miner aux descriptions données par les auteurs sérieux.
La Molqula macrosiphonica! du professeur Kuppfer pourrait seule
offrir quelques ressemblances extérieurement avec l’An. Bleizo.
Elle est nue, ou à peu près, et globuleuse; ses siphons sont inégaux,
et le postérieur, comme ici, beaucoup plus long que l’antérieur, est
courbé en avant.
Gette apparence extérieure m'a trompé plus d’une fois. J'ai cru, en
voyant des individus rapportés par la drague et qui s'étaient épa-
nouis, que j'avais une Ÿ. macrosiphonica (Kup.). L'examen des or-
ganes internes me prouvait le contraire.
En effet, dans l’une le nombre des méridiens est de douze; dans
l’autre il est de quatorze. Dans l'An. macrosiphonica « l'arrangement
des fentes de la branchie est à peu près le même que dans M. am-
pulloides, de telle sorte que la disposition concentrique apparaît
moins nettement que dans les autres espèces *?. »
On a vu que dans l’An. Blerzi la régularité des trémas était grande.
D'ailleurs, que l’on compare la figure de la branchie de la M. ampul-
loides, dont le dessin se trouve planche XXII, et l’on ne pourra un
instant conserver un doute sur la non-identité des espèces. Enfin,
dans la macrosiphonica, dont l'extérieur pourrait faire supposer quel-
que ressemblance, la glande génitale « repose entre la première et la
deuxième branche de la circonvolution intestinale *. » Rien de sem-
blable dans l'An. Bleizi,
Ainsi donc pas un seul caractère spécifique certain n'est là pour
prouver l'identité. Il est vrai que l'embryon est anoure dans les deux
cas, mais c'est là un caractère commun à cinq espèces de Molgu-
ldés.
1 Voir KuUPPrER, loc. cit., p. 235,
2 Voir id., id., surtout la figure de la branchie,
8 Voir &d., td., loc. cit.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 567
Serait-ce enfin la A. Manhattensis que M. Kuppfer rapproche avec
doute de la M. macrosiphonica? La discussion des câractères de cette
espèce a été trop développée précédemment pour être reprise ici.
Disons seulement que la forte courbure de l’anse intestinale s'oppo-
serait seule à ce rapprochement. Je prie d’ailleurs de lire la discus-
sion précédente faite à propos de la synonymie de l'An. solenota.
Je conserve donc, comme espèce du genre Anurella, l'espèce Lleizi.
Il est possible maintenant de résumer en un tableau succinct les
caractères des cinq espèces du genre ANVRELLA, auquel il faut en-
core rapporter :
Molqula macrosiphonica (Kuppfer) (voir loc. cit.);
Molqula Manhattensis (Verrill, Tellkampf, etc. (voir loc. cit.).
Tableau résumé des caractères des espèces du genre ANURELL A, décrites
dans ce travail.
a. de grande taille, villeuses, Are ESPÈCE.
b. fortcompliquée, Aires, semblables Anuwrella Ros.
à infundibulums inter et au reste covita,
plusieurs fois périoscu- du corps.
sudibvisés. laires : J 29 ESPÈCE.
UNIES Amnwrella ocu-
et lisses, lata.
a, Animaux
el a, de petite taille, : |
b.Branchie: ||. simple infohss| Gaulle. à peine 3° NA
dibèlume.* “uno. 6- simples non di-| Sourbée en Anurella sole
fois ou non sub- visés. ANTIERS: dd
divisés ; An
; + intestinale:
a. Papille génitale, HSE loemant 4S ESPÈCE.
b. Infundibulums :
recourbé À
tan Anurella sim-
en hautet en
plex.
arrière,
a. cordiforme, très développée. 59 ESPÈCE.
b. bifides. Anurella Bleizi
D68 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,.
l
MOLGULIDÆ URODELÆ.
$ 3.
2 (Genre MOLGULA.
Le genre Molqula doit être conservé.
Il répond aux espèces qui sont urodèles, et dont les festons des
oscules ne sont point laciniés.
On ne doit pas, avec le professeur Kuppfer, lui joindre les espèces
dont la branchie, fort simple, a conduit Alder et Hancock à créer
le genre Æ'ugyra.
Ainsi réduit, le genre wozGuLA présente l’ensemble des carac-
tères du genre primitif, moins les trois caractères spéciaux aux trois
autres genres.
Embryons anoures Anurella ;
Lobes des oscules pectinés Cfenicella ;
Et enfin méridiens tellement simples, qu’une seule côte soutient
à peine les infundibulums très rudimentaires £'ugyra.
À Roscoff, une seule espèce de ce genre est nouvelle et non dé-
crite, c’est la Molqula echinosiphonica.
Des deux autres indiquées par les auteurs, l’une, fort répandue, a
été retrouvée aux basses marées, depuis Bréha, Roscoff, Morgate
jusqu'aux Sables-d'Olonne : c’est la Molgqula socialis.
La troisième ne m'est connue que par les deux échantillons qu'a
bien voulu m'envoyer mon savant collègue le professeur van Beneden,
c'est la Molqula ampulloides.
J'ai cru devoir reproduire ici quelques détails anatomiques ca-
ractéristiques sur cette dernière espèce, afin que la comparaison füt
plus facile et pût fournir ainsi un moyen plus précis de détermina-
tion. Les dessins représentant les caractères ont été faits d’après un
échantillon authentique, dont la détermination ne peut laisser place
à aucun doute. |
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 969
A" ESPÈCE.
MOLGULE A SIPHONS ÉCHINULÉS. MOLGULA ECHINOSIPHONICA
(n. sp. x. de L.-D.)
Arch. de 30ol. exp., vol. VI, pl. XIX.
Cette espèce est de petite taille, fixée par son sommet, c'est-à-dire
par la partie opposée aux siphons ; elle abonde au milieu des tapis
de Cynthia rustique, dans les environs de Roscoff.
CARACTÈRES.
Extérieur. — La forme! est nettement sphérique.
Le diamètre égale à peine 4 centimètre dans les plus beaux
échantillons.
La couleur est olivâtre fort légère, laissant voir par transparence
une tache profonde à bords vagues, plus ou moins jaunâtre, bistre
ou rougeâtre, suivant le côté que l'on considère.
La surface est lisse, glabre, sauf à l'extrémité du siphon branchial,
dont le caractère très remarquable à été pris pour la dénomination
de l'espèce.
Tubes et orifices. — Il est nécessaire d'observer vivante cette Mol-
gule pour bien juger de son caractère.
Cela est facile, car on peut se la procurer sans la toucher, pour
ainsi dire, en arrachant les groupes de Cynthia qui la portent ; on est
certain alors de ne l'avoir point blessée. Aussi s'épanouit-elle parfai-
tement comme dans l’état de nature.
Les tubes ou siphons n’atteignent jamais une grande longueur,
leur diamètre est différent à leur base en arrière et en avant,
La base du tube postérieur est plus large que celle de l’antérieur.
Tous les deux sont piquetés de quelques taches rouges vineuses,
profondes, qu'assombrit la teinte jaune verdâtre placée en dessus
et extérieurement. |
L'orifice (externe) expirateur est presque quadrilatère, et sur son
pourtour on ne distingue guère que quatre petits angles saillants
représentant seuls des lobes formant ordinairement les festons d’or-
1 Voir Arch. de 2001, exp. et gén.; vol. VI, pl. XIX, fig, 1et4 q.
570 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
nementation de ces orifices. On ne saurait mieux comparer cet ori-
fice qu'à ceux de la plupart des cynthiadées f.
Quant à l’orifice branchial ou antérieur, il est découpé en six lobes
bien échancrés, pointus et glacés surtout en dedans d’un blanc mat
qui les rend évidents lorsque l’épanouissement est complet ; ces lobes
‘ aigus à leur extrémité libre sont penchés un peu en dehors.
Du reste, il n’y a pas de points oculiformes dans le fond des échan-
crures.
Ici se remarque le caractère qui a servi à donner le nom à l'espèce.
Au-dessus de chaque dent du feston et lui correspondant exactement,
on voit une série de cinq à six prolongements coniques de la tunique,
qui, de même que les dents de l’orifice, sont pointus et rejetés en
dehors et un peu en haut.en manière de erocs. On sent combien de
différences peuvent présenter les apparences diverses que ces parties
prennent par suite de la contraction plus ou moins forte du tissu de
la tunique. Ces crochets, lorsque le tube inspirateur est à moitié con-
tracté, forment des mamelons, qui hérissent? le siphon.
Mais pour que cette apparence se présente telle qu’elle vient d’être
indiquée, il faut que l'échantillon soit propre et dépourvu de ces dé-
pôts vaseux qui adhèrent presque toujours sur les animaux, ou de
ces productions d’algucs filamenteuses qui paraissent comme des
touffes de chevelures et masquent le caractère.
Tentacules. — Quand ces éléments sont rabattus, la couronne qu'ils
forment présente l'apparence d’un grillage modérément serré qui
n’a rien de particulier.
Leur nombre total est de douze ou quatorze. Le nombre précis
est difficile à fixer nettement, car il existe beaucoup de variations
dues à la taille des animaux; mais il n’y a guère que six grands et
six à huit petits. Il y a encore entre ces principaux éléments
quelques tubercules ou papilles, comme on le voit dans toutes les
espèces.
La face interne des tentacules est blanche; elle est limitée, étroite
et remplie de granulations qui lui donnent sa couleur. A droite et à
gauche, elle se prolonge sur quatre ou cinq petits tubercules ou
languettes également étroites, blanches, et, dans le plus grand
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, 1 «a 4.
2 Voir id., id., pl. XX, fig. 1, a, et fig. 1 b, B.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 071
nombre des cas, simples ou tout au plus bilobés. Les branches laté-
rales du rachis médian sont relativement longues, et les divisions
de deuxième ordre qu'elles portent, très courtes, L'ensemble de ces
particularités donne un caratère très marqué à ces tentacules!,
Dans cette espèce, mieux que dans toutes les autres, on peut voir,
avec la dernière évidence, les rapports des deux parties composantes
des tentacules; par une coupe perpendiculaire à leur axe, on recon-
naît, en effet, que la partie dorsale mince, godronnée, représente
un cylindre à surface inégale, auquel est tangente en dessus la la-
melle blanche supérieure granuleuse.
Le diaphragme ou valvule de l’orifice interne du siphon postérieur,
présente une forme remarquable, qui m'a paru constante. On peut le
distinguer au travers du manteau lorsqu'on à enlevé la tunique; il
est comme échancré sur la ligne médiane, en avant et en arrière,
par suite de son peu de développement en ce point. Sur les côtés, au
contraire, il est plus étendu et développé; et en outre, à droite et à
gauche, il remonte vers Le corps ; de là résulte la formation de deux
replis semi-lunaires, qui rappellent exactement deux valvules. Il y a
évidemment là un caractère qu'il ne faut point omettre de constater
dans les déterminations.
Branchie. — Elle est grande et régulière. On peut compter dans
chacune de ses moitiés sept méridiens symétriques. Toutefois les deux
antérieurs voisins du raphé sont fort petits, à peine accusés ; mais
on leur trouve toujours de tout petits infundibulums et des côtes. La
grandeur de ce méridien dépend de la taille et de l’âge des individus.
Les autres méridiens sont bien développés et très régulièrement
constitués. Leurs infundibulums se dessinent admirablement. Il n’y
a pas de Molgulides, à part l’Eugyra, où tout soit d'une simplicité
aussi remarquable, et chez qui l’on puisse s'assurer mieux de la
structure de la branchie.
Voici commentil faut procéder pour arriver à une préparation per-
mettant une bonne observation. Lorsque les individus sont bien épa-
nouis et par conséquent parfaitement gonflés d’eau, il faut irriter
brusquement les oscules afin de les faire fermer rapidement; alors
on les plonge dans une solution très forte d’acide chromique. La
tunique est promptement durcie, et le réactif, pénétrant les tissus,
‘4 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig, 10.
2
912
t
IHENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
les durcit dans leur position normale. Dès que l’animal a été jeté dans
le liquide irritant il contracte de plus en plus ses orifices, comme
pour se défendre, et l’eau renfermée dans sa branchie dilue l'acide
qui pénètre ; aussi les inconvénients dus à l’action violente de la
solution concentrée sont par cela même de beaucoup atténués.
Dans l'espèce qui nous occupe, si l'on réussit bien une préparation
semblable, les méridiens restent saillants, l’on peut les détacher à
leur base du reste de la branchie et reconnaître, en les isolant ainsi,
d'une facon parfaite leur admirable organisation.
Entre les parallèles fort évidents que limitent les gros vaisseaux,
les infundibulums sont grands et souvent uniques vers la partie
postérieure, mais en avant, à partir du troisième, ils sont disposés
par paires f.
I ne faut pas l'oublier, l'observation dela branchie est le plus sou-
vent rendue confuse parce que les lambeaux des méridiens portés
sous le microscope s’affaissent, les couches de tissus se superposent
et il devient, dans ces conditions, difficile d'analyser les dispositions;
tandis que, lorsqu'on à la précaution de détacher à leur base les
méridiens pour les observer entièrement seuls et isolés, les moindres
détails de leur organisation deviennent clairement visibles etévidents,
En considérant de profil un méridien ainsi isolé, on voit chaque
infundibulum* s’avancer jusqu'au niveau de l’avant-dernier côté vers
le bord libre, et se terminer en cône circonserit et pointu, qu’un
filament retient attaché à la dernière côte, les côtes reliées entre elles
par des baguettes perpendiculaires à leur direction forment une
sorte de cage à mailles rectangulaires longitudinales, au milieu de
laquelle sont suspendus les infundibulums coniques, qui sont
en même temps libres et peu masqués par la charpente qui les
entoure.
Les trémas sont grands* et très distinctement circulaires ; aussi
sur les bords des infundibulums vus de profil ils présentent souvent
l'apparence d’une échancrure s’avançant du bord libre vers son axe’,
on en compte dans la hauteur d’un cône de cinq à six, quelquefois
un peu plus. Ce nombre est faible et prouve la largeur des fentes
branchiales.
4 Voir Arch. de z0ool. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 6 et 7.
2 Voiréd:,"d., 0.7, 1:
3 Voir id., 1d., fig. 6 et 7.
+ Voir 14,44, 164614,
|
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 073
Quand on regarde la branchie par sa face externe ou palléale', on
reconnait bien vite un caractère dont l'importance, au point de vue
spécifique, doit être notée. Entre les infundibulums, parallèlement à
la direction des méridiens, c’est-à-dire sur la membrane interméri-
dienne, on ne compte guère que deux ou trois trémas. C'est encore
une preuve de la grande étendue de la lumière de ces fentes bran-
chiales surtout si on les compare à celles qu’on observe dans les
autres espèces.
Enfin, sous la bandelette formant les parallèles ou lignes perpen-
diculaires aux méridiens, on voit encore (mais on ne peut les distin-
guer qu'en observant la branchie par sa face externe), on voit des
trémas, toujours en très petit nombre, perpendiculaires aux méri-
diens et percés dans les bandes qui séparent les bases des infundi-
bulums, mais leur existence n’est pas toujours constante ; toutefois,
quand on les rencontre, ils sont directement perpendiculaires à
ceux plus ou moins irrégulièrement courbés et terminés en pointe,
comme des navettes qui occupent la membrane interinfundibulaire *.
Il est fort difficile d'indiquer un autre trait spécial dans la branchie
suffisamment caractéristique à lui seul pour justifier une diagnose
absolue. |
L'Anurella Bleizi, qui a tant d’analogie de forme, de couleur, de
taille, avec la M. echinosiphonica, a une branchie dont l’ensemble,
sous bien des rapports, offre de la ressemblance avec celle-ci. Il faut
donc considérer attentivement les infundibulums des trois ou quatre
méridiens les plus postérieurs, pour reconnaître la bifurcation de leur
sommet, qui est plus accusée dans l’Anourelle que dans la Molgule,
où ils sont pointus et le plus souvent indivis. |
Répétons une dernière fois que les infundibulums, pour bien pré-
sentier leurs caractères, doivent être parfaitement préparés, et que
l’on s’exposerait à faire des erreurs en voulant distinguer ra-
pidement ces deux espèces vivant dans la même station si l’on ne
prenait et examinait qu'avec peu de soin des lambeaux coupés dans
la branchie et au hasard3.
Les raphés ne fournissent pas de caractères bien importants; le
1 Voir Arch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 6. Portion de branchie
vu par la face externe,
3 Voir id., id., fig. 6, é.
8 Voir loc, cil., et comparez la planche XIX, fig. 6 et 7 et la planche XVIII,
fig, 7.
074 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
-
postérieur est saillant et unit les trois premières têtes des méridiens
postérieurs de droite, en formant une lamelle assez large.
Les têtes des méridiens sont terminées en godets, comme on l’a
vu pour d’autres espèces.
Tube digestif. — 1 fournit quelques caractères qu’il importe de
remarquer, car ils peuvent guider dans les déterminations.
Il suffit de bien préparer les animaux pour constater ces carac-
tères après avoir enlevé la tunique. Que l’on compare les deux
figures 2 et 3 de la planche XIX avec les figures correspondantes des
espèces déjà étudiées, et l’on sera frappé de la différence qui existe
dans l'étendue de la région que j'ai appelée périosculaire. lIei,
glandes génitales, intestin, tout reste très éloigné! de la base d’in-
sertion des deux siphons. d
Les siphons eux-mêmes sont gros et dilatés à leur base.
Le bas de la courbure de l’anse intestinale est bien plus éloigné
du siphon que dans les autres espèces, et ne descend pas même au
niveau du bord supérieur de l’attache du siphon postérieur. L'anse
ne se recourbe pas en arrière, et entre les deux branches il existe
un espate assez étendu, car, en changeant de direction, les deux
parties ascendantes et descendantes ne s’accollent pas l'une à
l’autre ?. /
Il y a une grande différence entre cette disposition et celle qu’on
observe sur l’Anurella Bleizi; il est utile de la signaler, puisque ces
deux espèces vivent dans la même station et se ressemblent beau
coup extérieurement.
Avant d'arriver au sommet de la courbe de réflexion, l'intestin
porte un manchon glandulaire jaunâtre, très marqué, le plus sou-
vent renflé 5.
Enfin, son diamètre est fort petit.
Le foie présente les lobes habituels bien limités, mais surtout for-
tement reportés sur le côté gauche‘, où ils sont visibles sous la
forme de trois petites masses arrondies striées transversalement,
La conséquence de Ja position du foie a évidemment pour effet
1 Voir Arch. de 20ol, eæp. el gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 2 et 8.
2 Voir id., id., fig. 2, i.
8 Voir id., id., fig. 4, à.
k Voir id.,id., fig. 3, f. On voit de ce côté les quatre lobes, trois à gauche gros
_et isolés, un petit à droite.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. d19
d'allonger l’æsophage ; aussi, sur les individus morts dans de bonnes
conditions, c'est-à-dire sans être trop contractés, on voit, en regar-
dant l'animal par le dos, le tube œsophagien se tordre et se porter à
gauche. La torsion est rendue surtout évidente par le repli qui suit
l'intestin dans toute sa longueur, et qui est né à la bouche dans les
terminaisons des bourrelets en croissant que l’on voit du côté de la
cavité branchiale.
La dernière partie de l'intestin est caractéristique; on peut en
observer facilement par transparence la disposition au travers des
parois du manteau. Depuis le point où l'intestin remonte vers le dos
de l'estomac et où il commence à redescendre, jusqu’à l’anus, la
distance est grande; en un mot, le rectum est long. Aussi l'anus
est-il assez bas et éloigné de la bouche.
Quant à l'anus, il a aussi un caractère fixe et absolu. On a vu que
dans l’Anwrella Roscovita, étudiée comme type, le rectum, au voisi-
nage de l’anus, se renflait en cloche, était béant et taillé obliquement
en bec de flûte, et que surtout il avait sa pointe inférieure accolée
au dos de la branchie, en face du raphé postérieur. Ici, les choses
sont tout à fait différentes : le rectum offre à peu près le même dia-
mètre dans toute son étendue; mais, arrivé à sa fin, il se détache du
dos de la branchie, devient libre, s'étrangle circulairement, et se ter-
mine à l'anus par un bourrelet très marqué‘.
Que l’on compare la figure de cette partie dans les diverses es-
pèces, et l’on verra non seulement quelle différence elle présente,
mais aussi quelle est la valeur du caractère qu’elle fournit, qui, bien
souvent, permet de ne pas confondre des types à apparence exté-
rieure semblable.
La masse viscérale est limitée et le foie, par conséquent, reste
uni à la base de la branchie et ne pénètre pas entre les lamelles
constituantes du manteau.
Les vermicelles excrémentitiels sont très gros, boueux, c’est-à-dire
| peu délimités et ne s’accusent pas avec la netteté que l’on connaît
| dans d’autres espèces.
Organe de Bojanus. — 1] est petit, court, placé très haut et très en
avant. Son bord antérieur, parallèle aux limites du corps, est forte-
ment courbé; il est peu oblique sur le grand axe de l’animal. Sa con-
1 Voir Arch, de 2001, exp, et gén., vol, VI, pl. XIX, fig. 5, Br, branchie, a, anus,
576 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
crétion, semblable à toutes celles des autres espèces par sa nature,
est ici le plus souvent bien limitée au centre du sac, et sa teinte plus
ou moins rougedtre se rapproche de celle de l’ocre rouge terreux {.
Circulation. — Le cœur est court et fort éloigné de la masse viscé-
rale. Comme en général il ne dépasse pas les limites du corps rénal,
il s'ensuit qu'il existe ici une fort longue artère cardio-viscérale, qui
a certainement au moins une longueur égale à celle du corps de
Bojanus lui-même.
Les globules du sang sont gros et d’une teinte jaune verdâtre, ils
concourent à donner au corps cette teinte légère dont il a été parlé
au commencement.
Manteau. — Les organes de la relation ne peuvent fournir que des
caractères d’une valeur peu importante. Ainsi, ies tissus généraux
du corps, comme ceux du manteau, présentent dans certains points
une très légère teinte que la coloration des globules du sang explique
suffisamment. |
Le manteau n’a que des paquets de muscles isolés, courts, peu
développés et disséminés sans ordre. Il est très transparent. Les fibres
radiées des tubes, tout en étant assez éloignées et distinctes, ne pré-
sentent cependant pas les caractères ? si accusés qu'on trouve dans
quelques espèces; on ne pourrait par exemple les compter, leur
nombre n’est pas fixe. Les muscles circulaires sont de même peu
développés et ne descendent pas au-dessous de la base ou point
d'union du tube avec le corps.
La tunique est nue et présente les caractères de couleur que nous
avons indiqués plus haut; son épaisseur est assez marquée, eu égard
à la petite taille des animaux; il faut ajouter que ses vaisseaux sont
difficiles à voir, mais que cependant leurs gros troncs, peu adhé-
rents à la tunique même, se détachent d'elle lorsque l’on sépare
l'animal de son enveloppe et qu'ils restent attachés au manteau.
Geci vient à l’appui de l'opinion que j'ai émise et qui me paraît
vraie, à savoir que les vaisseaux de la tunique sont une dépendance
ou des prolongements du manteau plongeant dans la substance de
l'enveloppe épidermique externe.
Remarquons encore que la disposition spéciale du siphon inspi-
1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIV, fig, 3,R,
? Voir td., id., fig. 3 surtout et 2 aussi,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 577
rateur, qu'on à vu couvert extérieurement de rangées de pointes ou
d'épines, est entièrement due à la tunique, et que le manteau ne se
prolonge pas dans l'intérieur de ces appendices pointus.
Le ganglion nerveux’, long et fusiforme, est placé à droite de
l'angle fort aigu que font en arrière les deux moitiés du repli circu-
laire qui, en se relevant en haut, forment le raphé postérieur.
Il n’est pas placé, comme cela se voit quelquefois, en arrière de
l'angle même.
La glande est peu développée; elle forme une bandelette grise, à
peu près de la même longueur que le ganglion; mais elle est placée
perpendiculairement à la direction de celui-ci, qu'elle coupe à la
hauteur de l'angle d’origine du raphé postérieur ?.
Enfin, l'organe vibratile (V) est saillant et bombé; il présente la
forme d’un croissant transparent à convexité tournée à droite, à
concavité tournée à gauche, et ses deux extrémités se rapprochent
jusqu'à se toucher presque, mais ne se recroquevillent point en
dedans. Il est assez bas et éloigné du sommet de l'angle, et au-
dessous du ganglion; cette région fournit, on le voit, quelques
caractères qui paraissent constants et qui ne se retrouvent pas dans
l'An. Bleizi. 1
Organes de la reproduction. — Ils fournissent des caractères précis,
surtout pour la comparaison des petites espèces vivant dans la
même station, et se ressemblant extérieurement assez pour qu'on
ait pu les confondre, alors qu'on n'avait pas étudié sérieusement les
caractères tirés des organes profonds.
En plus d’une occasion, la vue seule des organes reproducteurs
m'a permis de rapporter sans doute possible les individus mélangés
chacun à son espèce respective.
L'ovaire mûr est rempli d'œufs et se présente sous la forme d’une
poire ou masse ovoïde, petite, circonscrite, d’un jaune orange rou-
geâtre, dont les limites inférieures dépassent rarement celles du
corps de Bojanus ou de l’anse intestinale.
L'oviducte naît du sommet de l'ovaire, se porte d’abord en avant*,
puis se courbe brusquement en crosse et se dirige presque horizon-
talement en arrière, pour s'ouvrir à la hauteur du foie dans le som-
1 Voir Arch. de z0o0l, exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 9, N,
2 Voir id., id., G.
Voir did fe: 9, 3 et.8,0, 070.
ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GENs4 == T, Vi, 1877, 37
978 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
met de la chambre péribranchiale, bien au-dessus de l'anus, sur les
côtés du. rectum; de la sorte, l’orifice de l’oviducte se trouve très
éloigné de l'ouverture interne du siphon postérieur.
La lumière du canal, d’abord grande, s’effile peu à peu et se ter-
mine à une ouverture ! toute simple que n’entoure aucune papille.
I y a là une différence considérable avec ce qu'on a vu dans
l’'Anourelle du Loup.
Le testicule est une glande en grappe parfaite reposant sur la face
intérieure de l'ovaire et la dépassant de beaucoup tout autour ?.
Les canalicules de ses différents lobules s'unissent et finissent par
ne former qu'un seul canal, dont l'extrémité porte l’orifice et se
dresse au milieu de la face interne de l'ovaire en une longue papille
saillante et unique *. On compte quatre ou cinq lobules autour de
l'ovaire, assez écartés de lui. Chaque lobe à un canal excréteur,
résultant de l'union des canaux des lobules. |
Ici, nous trouvons encore des différences très grandes, s’ajoutant
à celle que présente l'ovaire et permettant de distinguer l'Anwrella
Bleizi de la Molqula echinosiphonica : tandis que dans la première
l'oviducte se porte comme ici en arrière et en haut, mais se termine
dans le fond de l'angle dièdre que forment le manteau et la branchie,
par une grosse papille saillante à forme très parüculière, dans la se-
conde l’oviducte a son orifice tout simple, à peine distinct du tissu
du manteau dans lequel il est taillé.
En second lieu, le canal déférent dans la Mo/gula est indépendant
de l’oviducte; comme sa terminaison est libre, c'est lui qui forme la
papille. Dans l'Anurella, au contaire, si la glande mâle est aussi une
glande en grappe, du moins son canal excréteur s'accole à l’oviducte,
le suit dans toute son étendue et vient s'ouvrir tout près de la grosse
papille pyriforme terminale de ce dernier. Je le répète encore, si la
considération de la branchie et certains caractères, comme la colo-
ration, laissaient dans une diagnose rapide quelques doutes, le mode
d'ouverture du testicule et celui de l'ovaire suffiraient à eux seuls
certainement à les lever entièrement.
Les embryons urodèles restent pendant un assez long temps dans
la cavité péribranchiale ; on les trouve en petits amas, soit autour de
l'orifice de l’oviducte, soit vers l'extrémité inférieure de la glande,
1 Voir Arch, de 20ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 4, 00.
2 Noir id? 4, GE 4 Me UTe
$ Voir #0.,1d., od.
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. D79
dans la cavité péribranchiale!, du côté du siphon antérieur. Cette
cavité a de grandes proportions en arrière et sur les côtés; aussi les or-
ganes, glandes génitales et rein à gauche, glandes génitales et intestin
à droite, sont-ils fort éloignés de la base des siphons. Ces dilatations
répondent, à n'en pas douter, aux besoins de l’incubation; celle-ci
doit être assez longue et faire suite à des pontes nombreuses et suc-
cessives ayant lieu à diverses époques.
Cela est prouvé par la présence des embryons, toujours réunis en
assez grand nombre à peu près à toutes les époques de la belle saison.
Les embryons sont de grande taille, si on les compare à la
mère ; on les trouve à peu près à tous les états de développement
dans la cavité incubatrice, où la fécondation a eu lieu, et où ils ont
parcouru les premières phases de leur évolutien. Ils sont d’un rouge
orangé assez vif, ce qui les fait reconnaître dès que la tunique -
a été enlevée.
STATION.
Nous n'avons qu'à répéter ce qui a été déjà dit. C’est sur les C'yn-
thia rustica et au milieu d'elles que la Molqula echinosiphonica se
trouve ; elle est tantôt fixée sur cette espèce abondante, et tantôt
lui fournit des points d’adhérence. |
C'est surtout dans les petites grottes résultant de l’amoncellement
des gros blocs de granite qu'on l’aura avec le plus de facilité au
Loup et à Roléa.
Je l’ai eue dans les mêmes conditions dans toutes les localités, au-
tour du fortin de Per haridi, à Toufa-bian, etc.
Elle existe aussi à Morgate.
L'époque de l’année où on peut se la procurer n’est pas seulement
la belle saison. En mars, avril et octobre, elle m'a paru tout aussi
fréquente qu'en juin, juillet et août, mais dans ces derniers mois
les glandes génitales sont dans la période d'activité.
SYNONYMIE.
L'espèce est nouvelle et ne peut, à cause de ses caractères, être
confondue avec aucune de celles qui ont été décrites; l'ayant trouvée
déjà depuis fort longtemps, à l’origine de mes études à Roscoff, j'ai
dû lui donner un nom, que j'ai tiré de l’un de ses caractères les plus
saillants ?.
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XIX, fig. 2 et8,e,e, e.
? De éyivos, chargé de piquants, et de cipwy, tube,
280 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
98 ESPÈCE.
MOLGULE SOCIALE. MOLGULA SOCIALIS (J. ALDER).
Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX et XXI.
Molgula socialis, J. Alder, loc. cit.
L'une des plus abondantes Molgules aux Sables-d'Olonne me paraît
devoir être rapportée à l’espèce parfaitement caractérisée que J. Al-
der, le premier, a décrite sous ce nom f.
N'ayant trouvé dans aucune publication des dessins permettant
de constater facilement les caractères indiqués, il m'a paru utile d’ac-
compagner la description de figures démonstratives afin de faciliter
la comparaison et la détermination.
CARACTÈRES.
Extérieur. — 1] en est de la physionomie de la A. socialis comme de
celle des autres espèces ; elle est variable avec les localités, la nature
des fonds et la position dans lesquelles vivent les animaux.
Aux Sables-d'Olonne, sous les abris formés par des couches re-
levées de gneiss et de micachistes, et où arrive un sable fin mêlé de
vase, les animaux sont-couverts de ces particules, et lorsqu'on les
voit contractés en place, hors de l’eau, leur apparence est celle de
petits tas sablonneux ou boueux. Dans l’eau, les filaments nombreux
de la tunique s’allongent, quoique chargés des éléments de la grève,
et, les orifices s'épanouissant, l’aspect change complètement ?.
Les individus que l’on rencontre à Brest, sous les bateaux chalands
ou autres et sur les algues du port, n’ont plus du tout la même phy-
sionomie#. On comprend, en effet, qu'étant au-dessous d’un bateau,
à quelques pieds de la surface de l'eau seulement, les débris vaseux
et sablonneux peuvent moins les recouvrir et se fixer sur eux; de
même lorsqu'ils sont fixés sur les tiges élevées des algues.
1 Voir Ann. and Mag., sér, 111, vol. XI, p. 159.
2 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 1. Animaux des Sables de
grandeur naturelle et en place.
8 Voir id., id., pl. XXI, fig. 1. Individu trouvé dans la rade de Brest fixé sur une
algue et en tout semblable à ceux observés sous la coque d’un chaland en répara-
tion dans un bassin de carénage et sous des bateaux abandonnés,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 981
Le corps est globuleux, adhérent dans une faible étendue de la
partie opposée aux siphons.
Ceux-ci sont beaucoup plus longs dans les échantillons de la rade
de Brest que dans ceux des Sables ; ne faut-il pas voir la cause de
cette différence dans la position ? Les tubes sont inférieurs chez les
uns, tandis qu'ils sont supérieurs chez les autres.
Les villosités, nombreuses et longues sur les échantillons des Sa-
bles, même sur les siphons jusqu’au bord des orifices, sont plus rares
sur ceux de Brest. Mais, dans l’un comme dans l’autre cas, des
algues filamenteuses se développent quelquefois autour des orifices
et y forment comme une chevelure, indépendante du corps,
donnant un aspect particulier pouvant au premier examen induire
en erreur comme cela a eu lieu pour d’autres espèces.
La teinte générale des animaux vivants est d'un gris jaune-verdà-
tre fort terne‘; elle change peu dans les animaux conservés quel-
ques jours dans l’acide chromique faible.
Mais les individus recouverts de débris vaseux ou sablonneux ont
la teinte générale de leur revêtement. C'est ainsi qu'aux Sables-
d'Olonne ils ont une nuance légèrement rougeâtre due aux parti-
cules très fines de feldspath, agglutinées par leurs villosités?,
La taille des plus gros échantillons recueillis aux Sables mesure
au plus 3 centimètres, tandis que celle de ceux de Brest atteint, pour
le corps seul, 4 et même 5 centimètres dans le plus grand épanouis-
sement, mais en général elle est au-dessous de ces proportions.
Siphons et Orifices. — Observés normalement par leur ouverture,
ils paraissent noirâtres en raison de l'obscurité qui règne dans la
cavité branchiale, obscurité qui se comprend et qui est la consé-
quence du revêtement assez épais de particules inorganiques atta-
chées aux villosités. Cette condition rend dificile, dans l’état naturel,
l'observation des tentacules.
La forme des orifices, toujours déterminée par les dents, varie aussi
un peu avec les stations.
Quand les animaux sont fixés sur le sol, les dents paraissent être
plus petites, et souvent alors l'orifice anal, largement béant, rappelle
la forme carrée d’un orifice de Cynthia.
1 Voir Arch. de zoo. exp. el gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 4.
# Voinrd:,.td.,ple XX, fig, 4.
582 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
Les dents de l'orifice antérieur sont aussi fort peu développées et
très transparentes, sans couleur spéciale ni point oculiformet,
Dans les échantillons de Brest, observés suspendus dans la posi-
tion même donnée à l’Ascidie? dans le présent travail, les deux
tubes, fort longs, et très différents en cela de ceux des échantillons
des Sables, étaient renflés tout près de leur extrémité et contractés
de nouveau au pourtour de l'orifice, tout près des dents.
Les tentacules sont très remarquables, il suffit de les porter sous
le microscope pour reconnaître leur caractère important.
Très grands et très touffus, ils doivent par conséquent obstruer
pour ainsi dire la lumière de l’orifice branchial quand ils se rabattent
sur elle. Ce qu'il faut surtout remarquer, c'est la taille du rachis et
des branches latérales ; celles-ci sont au mombre de dix’, cinq de
chaque côté. La tige centrale est énorme. Pour se rendre bien compte
de la différence qu'elle présente avec les autres espèces, il faut com-
parer les figures des tentacules dans les diverses planches. Le volume
des premiers troncs secondaires cause un rapprochement des petites
ramifications de troisième ordre, qui, très nombreuses, forment des
touffes tant leurs ramifications dernières sont rapprochées.
Mais un caractère très saillant, et que nous n'avons pas encore
rencontré, est celui que présente la face interne de ces tentacules,
celle qui a été si souvent indiquée comme étant imprégnée de ces
globules paraissant colorés en blanc par réflexion, noirâtres par la
lumière transmise ; elle ne présente qu’un semis de très petits points
d’un bistre sans caractère, mais elle n’est pas nettement limitée
sur les côtés, comme on l’a vu précédemment, et surtout elle est
hérissée de petites papilles mousses, simples, courtes, rappelant par
leur grandeur et leur couleur les dernières divisions des pinnules
de quatrième ou de cinquième ordre. Ge caractère n’est point isolé,
on va le retrouver dans une autre partie du corps,
Il faut le remarquer, c’est ici une disposition tout à fait caracté-
ristique.
Le diaphragme postérieur est fort petit, peu élevé, et surla ligne mé-
diane postérieure, loin de présenter une dépression correspondant à
une échancrure, il offre un prolongement, un petit angle saillant”.
1 Voir Arch. de z0ot. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 4.
2 Voir#d.,6d:, pl. XXI Mie-"1.
3 Voir id.,id., pl. XX, fig. 10.
» Voir id. 44: pl. XX, ig. 4, Wa.
|
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 583
Branchie. — Elle est grande, sa cavité est vaste, facile à observer
dans son ensemble comme dans ses détails.
Ses méridiens sont symétriques de chaque côté et au nombre de
six très marqués et bien disposés, il n'y à pas trace d’un septième
en avant. C'est surtout ce caractère qui, concordant avec celui de
l'espèce qu'a décrit J. Alder, me conduit à rapprocher l'espèce des
Sables de la Molgqula socialis de l'auteur anglais. !
Les terminaisons supérieures ou buccales des méridiens sont
arrondies, saillantes, avec une échancrure produisant une sorte
de crochet du bord libre, mais au bord adhérent elles se terminent
par un cordon qui court à la surface de la membrane sushépatique,
et finit avec le cordon descendant de l'extrémité supérieure du raphé
antérieur. Ge cordon descend à gauche, puis passe au-dessous de la
bouche f.
De l'extrémité supérieure du premier méridien antérieur de droite,
naît également un cordon qui, descendant à droite de la bouche,
réunit toutes les tètes méridiennes de ce côté et va finalement se
continuer dans le raphé postérieur ?. NAS
Ici, iln'y a donc point ces terminaisons en godets, comme nous en
avons vu dans d'autres exemples.
Tous les méridiens sont à peu près également développés, non
quant à leur longueur, qui est forcément différente, mais quant à la
saillie qu'ils font dans la cavité branchiale. Aussi le premier en ar-
rière se détache bien de la paroi, ce qui n'a pas toujours lieu ;
cela tient évidemment à l'écartement des siphons et à la distance
assez grande qui sépare la bouche de la couronne tentaculaire, ainsi
qu'au petit nombre de replis, qui, étant moins serrés, ne se gênent
point réciproquement dans leur développement.
Il faut remarquer que sur des individus pêchés dans des stations
différentes on trouve dans la composition des méridiens quelques va-
riations.
Voici la description se rapportant à la Molqula socialis des Sables.
Les espaces interméridiens sont grands et ne présentent point de
côtes ou stries longitudinales parallèles aux bases des méridiens ; ils
présentent de dix à douze trémas, et même plus, entre les origines
des infundibulums.
Les infundibulums eux-mêmes sont étroits, profonds et bifurqués
1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol, VI, pl. XX, fig. 6, Ra.
® Voïr 14. id., fig. 6, Rp.
DR4 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
assez près de leur base. Ils sont bien dégagés sur leurs côtés de la
cloison perpendiculaire de séparation, dont l'épaisseur est assez sen-
sible ‘.
Ils ont leurs côtés ondulés et bouillonnés, et les fonds des culs-de-
sac qui les terminent vers le bord libre des méridiens présentent
une petite dépression-ou un commencement de bifurcation 2.
Les trémas de la membrane fondamentale sont ordonnés à la base
par rapport à un centre. Mais, comme ils sont courts, leur disposi-
tion n’a pas la netteté de celles qu’on a pu observer dans les espèces
précédentés. Dans les infundibulums eux-mêmes, les trémas conser-
vent leur position à peu près perpendiculaire à l'axe du cône :
cependant ils deviennent obliques, et quelquefois se redressent vers
les extrémités, comme on le voit du reste pour beaucoup d’autres
espèces.
Les proportions ne sont point absolument fixes, elles varient,
mais en définitive elles sont peu considérables, eu égard à celles des
côtes et de l'animal lui-même. |
Les côtes % sont au nombre de quatre, très régulières, épaisses et
lamellaires ; à leur base d'insertion, on voit un cordon à double
contour comme à leur bord libre. Entre les deux existe une lame
saillante.
Une des dispositions fort remarquables qu'on rencontre dans cette
espèce est due à la richesse excessive du réseau capillaire qui recouvre
surtout les espaces interméridiens. Ce réseau, en mailles * plus ou
moins arrondies, circulaires, fort irrégulières de grandeur et de dis-
position, est tendu comme un filet au-dessus des trémas, dont les
lumières sont, par conséquent, coupées par les vaisseaux capillaires.
Ici encore se trouve une disposition spéciale qui est rare et que
nous rencontrons pour la première fois dans le groupe des Molgules.
Sur la face interne de la branchie, on voit de nombreuses papilles
s'élever sur les parois des vaisseaux capillaires constituant les mailles
du filet. Dans l'étendue du pourtour des mailles, on en compte de
quatre à cinq ou six.
L'essai suivant a été souvent fait : une parcelle de branchie prise
1 Voir Arch. de z00l. exp. el gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 9. 1, infundibulum;
C, côtes ; P, parallèles ou cloisons séparant les infundibulums.
2 Voir id., id., pl. XXI, fig. 9, d.
3 Voirid.,14., g.9, ce:
# Voir id., id., pl. XXI, fig. 10. C, capille ; p, papille.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 385
au milieu de Molgulides diverses réunies dans un même vase était
examinée au microscope et la présence des papilles indiquait la
diagnose de la AZ. socralis, diagnose que confirmaient très vite les
autres caractères. |
Les gros vaisseaux perpendiculaires aux méridiens, et qui ont été
nommés parallèles, sont ici très marqués, même dans la zone inter-
méridienne, où ils font quelquefois saillie, comme de petites cloisons.
Ils fournissent des branches nombreuses au réseau capillaire dont il
vient d’être question.
Chez des individus trouvés dans d’autres localités, la branchie
diffère sensiblement de la précédente par ses infundibulums. Les
méridiens, beaucoup moins saillants, ont bien encore quatre côtes 1
mais beaucoup plus rapprochées ; et les infundibulums sont courts
et très différents d'apparence.
Les trémas, surtout fort tourmentés, se redressent et deviennent
même dans les méridiens presque perpendiculaires aux côtes.
Le raphé antérieur? est médiocrement saillant ; sa terminaison su-
périeure est relativement fort éloignée de la bouche et, par consé-
quent, le filet résultant de l’union de ses deux lèvres est très long.
Le petit cul-de-sac terminant la gouttière est rejeté sur le côté
droit, tandis que ses deux lèvres sont inclinées à gauche.
L'extrémité inférieure présente la disposition ordinaire. Ses deux
lèvres se continuent dans le sillon circulaire supratentaculaire en se
courbant à droite et à gauche et le repli inférieur du sillon périco-
ronal couvre la terminaison de la gouttière, qui se continue en un
cul-de-sac assez pointu et qu'on voit par transparence $.
Cette extrémité est hérissée de papilles placées sans ordre appa-
rent, mais parmi lesquelles, cependant, on peut reconnaître quelques
rangées ou séries transversales.
Ce caractère a de la valeur, surtout rapproché de quelques autres
fournis par les organes qui nous restent à étudier.
Le raphé postérieur est à son origine inférieure “ tout à fait tubu-
laire. La lame droite et supérieure du sillon péricoronal, se recro-
1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 8.
2 Voir id., id., pl. XX, fig. 6. Ra.
$ Voir id., id., pl. XX, fig. 7, æ, petit cul-de-sac terminant la gouttière du raphé,
et recouvert par la membrane.
* Voir pl. XXI, fig. 4. Rp, r, lame supérieure du sillon péricoronal; r’, lame in-
férieure du même sillon ; ces deux lames courbées limitent un tube parfaitement
fermé, comme on peut le voir daus la partie supérieure de l’angle sus-olfactif.
586 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
quevillant fortement, semble le clore et le transformer en un tube.
Dans le haut, au bas de la bouche, la lamelle est redressée, assez
élevée et à peine dentelée sur son bord libre.
Tube digestif. — La bouche est petite, et les deux replis spiraux,
l'un supérieur, l'autre inférieur, qui la forment, sont très évidents.
Leur extrémité interne plonge dans la cavité pharyngienne et y
forme un bourrelet qui se prolonge fort avant dans le tube digestif.
Le foie, constitué comme toujours, semble formé seulement de
trois lobes, tant le quatrième, le plus petit, placé à droite au-dessous
de l’æsophage, est réduit ; sa teinte est bistre jaune-verdâtre, variant
avec les individus ?.
Il forme avec l'estomac une masse viscérale petite, bien limitée et
distincte. à
L'estomac, recouvert par le foie, fait suite à un œsophage tordu
assez long.
L'intestin et l’anse intestinale fournissent un très bon caractère.
Leur longueur est considérable, aussi le sommet de la courbe qu'ils
décrivent remonte-t-il au-dessus de la ligne horizontale, passant par.
le point supérieur de l'insertion du tube expirateur.
Ce caractère est commun à la Molqula socialis et à quelques autres
espèces peu nombreuses, par exemple, à l'Anuwrella simplez ; les autres
dispositions organiques séparent si nettement ces espèces qu'il n’est
pas possible de les confondre ; mais on peut tirer un grand parti de
l'observation de ce caractère pour les premières indications néces-
saires à la détermination; car on reconnait très facilement cette
courbure excessive de l’anse intestinale, après avoir dépouillé l’ani-
mal de sa tunique, et on peut approximativement savoir à quelles
espèces on a affaire.
À l'intérieur de l'intestin, existe, à partir du foie, un bourrelet
saillant, très gros, pédonculé, qui s'étend jusqu’au sommet à peu
près ; là une disposition nouvelle se présente. Le bourrelet s’aplatit
et s'élève; il est, en un mot, transformé en une lamelle qui, pour
trouver sa place dans le tube intestinal, est obligée de se recourber *
et de se recroqueviller ; c'est quelque chose d’analogue à certains
égards au typhlosolis des Lombriciens.
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XX, fig. 6, Bo. È
2 Voir 4d., id., fig. 4, f, et fig. 2 et 3.
3 Voir id., id., fig. 2, à, sommet de l’anse intestinale remontant très haut.
# Voir id., Hi pl. XXI, d’abord fig. 3, puis fig. 2
PT ee.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 387
L'anus coupé à peu près perpendiculairement au rectum à son
côté postérieur soudé au dos de la branchie et sa marge découpée
en festons dont les dents sont très peu saillantes et pointues".
Corps de Bojanus. — Fortement courbé, d'une longueur dépas-
sant la moitié du petit diamètre de l'animal, cet organe est incliné
sur l'axe vertical du corps d'environ 45 degrés. Sa courbure anté-
rieure n’est donc pas parallèle au bord antérieur du corps.
Son contenu est d'un rouge brique très foncé, médiocrement
développé, paraissant à l’état pulvérulent sur les animaux traités par
les réactifs, surtout du côté de la concavité de la courbe ?.
Son extrémité postérieure est assez éloignée de la masse viscérale,
environ d'une distance égale à la moitié de sa longueur.
Circulation. — La fosse cardiaque doit, d’après ce qui vient d'être
dit de la position du corps de Bojanus, être assez éloignée de la masse
viscérale et l’aorte cardio-viscérale doit être longue.
Les globules du sang ont les caractères ordinaires et sont blan-
châtres ou jaunes-verdâtres, mais leur teinte n’est pas intense.
Tunique. — Cette première enveloppe a de l'épaisseur elle ne
paraît pas avoir de teinte particulière ; toutefois vers les orifices elle
est lavée d’un Jaune verdâtre plus accusé; la coloration propre
de la tunique dans les Molgulides a une médiocre importance,
car elle dépend soit des globules du sang, soit des couleurs sub-
jacentes, soit enfin des dépôts de matières extérieures qui n'ont
rien de commun avec l'organisme. On a vu que sur les échantil-
lons des Sables les villosités étaient longues et nombreuses, tandis
qu'elles étaient beaucoup plus petites et rares sur les individus de la
rade de Brest.
Manteau. — Peu épaisse, cette seconde enveloppe du corps est
mince, et ses fibres musculaires, moins régulièrement réunies en
petits faisceaux fusiformes que dans beaucoup d’autres Molgulides,
sont peu développées et perdues dans son épaisseur ».
Autour des tubes, les fibres longitudinales et les fibres circulaires,
quoique bien évidentes, ne présentent pas ces couches denses et
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol, VI, pl. XX, fig. 4, a. La figure rend mal
ce caractère.
2 Noir'id,, 14, (8.3, R.
3 Voir id., id., fig. 2 et 3, et comparez avec les autres espèces les figures corres-
pondantes,
988 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
feutrées qui permettent quelquefois d'en tirer un caractère pour la
distinction.
Ganglion nerveux. — Allongé et petit relativement à la taille des
parties voisines, il est un peu plus éloigné du sommet de l'angle
d'origine du raphé postérieur que dans le plus grand nombre des
cas. Il suit dans sa direction la perpendiculaire ! abaissée dé ce
sommet.
Glande prénervienne. — Comparée au ganglion, elle est allongée
transversalément, et forme la base d’un triangle isocèle ? dont les
deux côtés sont représentés par les origines du raphé postérieur.
Organe vibratile. — I] est aussi d’une très grande taille comparé au
ganglion nerveux; sa fente” circulaire est fort accentuée, ses deux
lèvres sont très distinctes, et ses deux extrémités fortement recro-
quevillées se touchent, mais laissent en dedans un milieu plan fort
étendu *.
L'ouverture du fer à cheval entre les deux extrémités recroquevil-
lées est tournée directement en haut et même un peu à droite. Mais
on ne doit pas oublier, avant d’assigner un caractère tiré de la po-
sition de l'organe vibratile, que son orientation varie quelquefois
avec le mode de préparation des animaux et surtout avec leur état
d'épanouissement et de contraction.
Reproduction. — Les glandes génitales ont une position facile à
prévoir d’après ce qu'on a vu de la forme et des dispositions de
l'anse intestinale et du corps de Bojanus.
A droite, elles occupent le milieu de la courbe de l'intestin, qui
les entoure complètement; elles sont pyriformes, allongées; leur
extrémité arrondie, antérieure, occupe le fond de la courbure forcée
de l'intestin. Son sommet effilé s’avance dans le milieu de l’espace
peu étendu qui sépare le haut de l’anse et le rectum.
À gauche, la forme est la même; seulement, tandis qu'à droite la
masse glandulaire est presque horizontale, à gauche elle est forte-
ment courbée en arc et presque verticale dans la moitié inférieure.
Son sommet, effilé, se porte en arrière pour se courber en bas.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 4, N.
2 Voir id., id., fig. 4, G, glande, r, r’, lamelles droites d’origine du raphé posté-
rieur. |
$ Voir td., id., V, organe vibratile, v, sa fente circulaire.
L
* Voir id., id., m, milieu.
ci
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 589
Si l’on compare les deux côtés du corps‘, on voit très bien que les
deux masses glandulaires génitales ne peuvent pas avoir la même dis-
position, car l’une est enfermée dans la circonvolution intestinale et
ne peut avoir d'autre position que celle qui lui est assignée par la
circonvolution elle-même.
L'ovaire est d’un jaune pâle et se gonfle quelquefois beaucoup par
suite du nombre considérable d'œufs qu'il renferme. Son oviducte
proprement dit est très court, large, et terminé par un orifice pres-
que ouvert, en travers, sans papille, avec un bourrelet peu saillant.
La dernière partie de l’oviducte est souvent dilatée démesurément
par les œufs ?.
Le testicule, véritable grappe à lobes et lobules nets et distincts,
tapisse la face interne de l'ovaire et ne le dépasse que peu ou pas. Sa
teinte blanche aide beaucoup à le reconnaître. Le fond jaune que
fait en dehors de lui l'ovaire avec ses œufs müûrs permet de recon-
naître les contours des lobes et lobules.
Au milieu règne un canal unique quirecoit sur ses côtés les cana-
licules secondaires des lobes.
Le testicule proprement dit ne dépasse pas la moitié antérieure de
l'ovaire, au delà c'est le canal déférent seul qui continue à se diriger
vers l'ouverture de l’oviducte. Il suit le milieu de ce canal et arrive tout
près de sa fente en boutonnière transversale pour s'ouvrir au sommet
d'une papille qui, bien qu'extrèmement petite, est néanmoins bien
évidente. :
Les rapports des deux orifices rappellent ce qu'on a vu dans
l’Anurella Bleizi. Toutefois il n’y a point ici de grosse papille ova-
rique et de particularité de forme. Les rapports seuls fournissent
un caractère toujours utile à constater, car dans les trois espèces du
genre Molqula proprement dit on trouve des dispositions particu-
lières à chacune d'elles.
C'est à peu près à la hauteur de l’anus *, de chaque côté de l’ori-
fice interne du tube expirateur, qu'on voitles orifices génitaux. Cette
position peut aisément être fixée quand on regarde les animaux de
profil, mais elle se modifie un peu quand, ouvrant le manteau, et ne
conservant que l'anus et l’orifice diaphragmé du tube expirateur,
1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl, XX, fig. 2 et 3.
2 Voir id., id., fig. 8. O, ovaire; od, 00, ouverture de l’oviducte;
8 Voir id., id., fig. 8. T, testicule glande ; d, canal déférent.
k Voir id., id., fig. 4, pl. XX.
us A 7 _.
990 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
on renverse en arrière la préparation, ainsi que cela a été représenté
pour plusieurs espèces.
L'embryon est franchement urodèle, cela avait été observé déjà
par plusieurs auteurs.
STATION.
La Molqula socialis est surtout très abondante aux Sables-d'Olonne.
Quand on se dirige sur la merveilleuse plage sablonneuse de cette
localité, vers l'ouest, du côté des roches émergeant à marée basse,
avant d'arriver à l’anse de Cauchette, au-dessous des moulins à vent,
indiqués sur les cartes marines sous le nom de Moulins des sables,
on rencontre des arêtes de gneiss et de micaschistes redressées,
inclinées et laissant entre elles des sortes de tranchées.
Dans ces tranchées, faciles à explorer, on voit de loin en loin des
abris enfoncés horizontalement par suite des érosions ; sous ces abris
formant excavations, l’eau reste encore en petite quantité; et en
passant la main sur leur fond, en les tàtant, on reconnaît bientôt des
paquets de bosselures, de petits globes dont la résistance particulière
fait reconnaître, à quiconque a déjà cherché des Ascidies, la présence
de ces animaux. En une marée, il sera possible, dans la localité que
jindique, de faire une ample moisson.
J'étais tellement certain de rencontrer cette Molgule aux Sables,
que, le 16 août 1874, je fis un voyage dans ce but, et en une seule
marée je pus avoir tous les échantillons que je désirais. J'avais
trouvé, en effet, cette espèce déjà en 1869, au mois de septembre.
A cette époque, je l'avais aussi rencontrée dans les vieux ports du
côté de la Cabaude, qui ont fait place maintenant aux bassins à flot,
où les recherches sont difficiles.
La hauteur de la marée, quand j'ai cherché en 1874, était, pour la
nouvelle lune, de 9 décimètres. Ge n'était pas là une grande marée;
car aux Sables la mer baisse beaucoup plus. Ainsi à la grande marée
de la pleine lune des équinoxes de septembre de la même année, la
mer n'avait, au bas de l’eau, atteint que la hauteur de 45 centimètres
ou 4 décimètre et demi.
Cependant, avec 9 décimètres, il m'avait été possible de chercher :
pendant un temps bien suffisant pour obtenir autant d'échantillons
que je le désirais.
Cette espèce, dans cette station, ne me semble avoir aucune rela-
ion zoologique particulière; elle paraît se placer à l'abri de la mer
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 5M
du large, et c'est surtout dans les anfractuosités du côté de la côte
que l'on trouve les groupes les plus beaux.
J'ai eu des échantillons à Bréha et aux environs de Roscoff, fort
rarement, il est vrai, mais qui offraient les caractères de la #. sociales,
ce qui doit faire supposer qu'elle existe dans toute la Manche, puis-
qu'elle avait été aussi trouvée en Angleterre depuis longtemps, et
que je l'ai eue il y a bien longtemps encore à l'île Ago, près des
Hébiens, dans les parages de Saint-Malo.
Enfin dans la rade de Brest elle vit, fixée sur les goëmons, les
coques des bateaux, surtout des chalands. On la trouve aussi fixée
contre les quais du port marchand.
On peut la rencontrer encore aux mois de février et de mars sur
les quais du Frêt et de Brest dans les tas de goëmons dragués, qui
y sont déposés pour être vendus comme engrais.
Lorsque la mer a été très agitée, elle rejette des épaves de toutes
sortes dans le petit port au-dessus du château de Brest, sur la plage
au-dessous de Recouvrance ; et, au milieu de ces débris, il est pos-
sible d’avoir des individus en très bon état. J'ai donné la figure de
l’un de ceux que j'avais ainsi obtenus f.
SYNONYMIE.
La plupart des caractères indiqués par J. Alder* se trouvent appli-
cables à cette Molgule de la Manche et de l'Océan. Il est utile de les
rappeler :
« Corps ovale, couvert de sable fin, adhérent par une base étroite.
Orifices terminaux, rapprochés, plutôt petits, tubereuleux. Tunique
verdâtre, mince, molle, couverte de villosités longues, non rameuses,
plutôt glandulaires. Manteau verdâtre, mou. filaments tentaculaires
grands, très rameux, tripinnés. $ac branchial avec six plis de chaque
côté, les mailles irrégulières et imparfaitement convolutées. Gran-
deur, environ la moitié d'un pouce. Vivant en société serrée. »
M. Alder devait à M. Bowerbanck ses échantillons, qui étaient
attachés à une coquille de Pecten maximus.
« Différente des autres espèces de ce genre, lesquelles sont géné-
ralement solitaires, cette Molqula est réunie en masses denses,
Le
1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol. VI, pl. XXI, fig. 1.
2 Voir loc. cit.
992 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
adhérant fortement les unes aux autres, et si intimement que souvent
elles se pressent sur les côtés et acquièrent une forme hexagonale ;
les filaments tentaculaires sont grands en proportion de l’animal et
magnifiquement arborescents ? ,»
Nous ne ferons qu'une ou deux observations à cette description,
d'ailleurs fort courte. D'abord la branchie n’y est pas suffisamment
décrite pour qu'il soit permis de pouvoir trouver dans cette partie
le moyen de reconnaître une espèce. En second lieu, les individus
que j'ai moi-même recueillis sur les coques des bateaux de pêcheurs
ou sur les chalands de la rade de Brest n'offraient pas le caractère
qui a fait donner le nom spécifique (socialis) par M. Alder. Ces ani-
maux, dans cette station, étaient isolés.
En insistant sur le caractère fourni par la forte courbure de l'in-
testin et faisant remarquer qu'avec ce caractère seul on arrivait à
reconnaître la M. socialis, on pourrait cependant être conduit à se
tromper, si l’on {ne constatait les autres dispositions organiques.
En effet, l’Anurella simplex offre de même six méridiens à sa bran-
chie et une anse intestinale fortement courbée en arrière et en
haut, mais il y a de nombreuses différences dans les autres ca-
ractères.
Ainsi les tentacules des deux espèces ne se ressemblent pas du
tout ; très touffus dans l’une, ils sont très peu ramifiés et grêles dans
l’autre ; les espaces interméridiens dans l’Anurella simplex (Molqula
simplex, Hancock) ne présentent pas ce réseau capillaire si riche,
et ne sont coupés que par trois ou quatre vaisseaux droits. Les
trémas sont infiniment moins nombreux entre les méridiens et
beaucoup plus grands, les infundibulums bien moins profonds et
1 Voir J. ALDER, On the British Tunicata (Ann, and Mag. of Nat. Hist., série 3,
vol. XI, p. 159; 4863).
Molqula socialis,'x. sp.
Body ovate,covered with fine sand, adhering by a small base, Apertures terminal,
approximated, rather small, tubercular. Test greenish, thin, soft, covered with
longish, unbranched, rather rugged, glandular hairs. Mantle greenish, soft. Tenta-
cular filaments large, much branched, tripinnate. Branchial sac with six folds on
each side, the meshes irregular and imperfectly convoluted. Height about half an
inch. Densely gregarious.
Unlike the other species of this genus, which are generally solitary, this Molgula,
is associated in dense masses, firmly adhering to each other, and so closely as often
to press the sides into a square or hexagonal form. The tentacular filaments are
large in proportion to the animal, and beautifully arborescent.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 593
plus larges. Le raphé antérieur, les réseaux capillaires, les tiges prin-
cipales des tentacules, ne sont pas chargés de ces nombreuses
papilles ; enfin le canal testiculaire est plus détaché de l’oviducte, le
plus fréquemment il n’est pas simple. Le testicule lui-même s’avance
beaucoup vers l'extrémité postérieure de l'ovaire.
L'organe vibratile, la glande et le système nerveux présentent des
différences que la comparaison des figures fera immédiatement
apprécier.
Enfin et surtout ce qui ne peut laisser aucun doute sur la diffé-
rence des deux espèces, en supposant que par la considération seule
de la taille etde la courbure intestinale elles pussent être confondues,
l'une est anoure, l’autre est urodèle, ce qui les sépare absolument.
Nous conservons donc la Molqula socialis comme une espèce par-
faitement nette et caractérisée.
37° ESPÈCE.
MOLGULE AMPULLOÏDE. MOLGULA AMPULLOÏIDES (KUPFFER).
Arch. de zool. eæp., vol. VI, pl. XXIL.
Ascidia ampulloïides, Van Beneden.
Non Molgula (simplex?), Alder et Hancock.
Molgula ampulloïdes, Kupffer.
Dans son mémoire de 4870, Hancock s'exprime dès cette époque
très catégoriquement au sujet de cette espèce. En parlant de la
Molqula simplex, 11 dit : «It has considerable ressemblance to Ascidia
ampulloïdes, wich is undoubtedly à Wolgqula. That species appears to
be larger than #. simplex and with more extended tubes !. »
Il suffit, en effet, d’avoir observé une Molgulide pour en reconnaitre
le type dans les dessins du professeur van Beneden.
M. le professeur Kupffer, dans son travail sur la mer du Nord, s’est
aussi occupé de cette espèce qu'il place dans la première division de
son genre Molgula, celle renfermant les espèces à sac branchial plissé.
Voici la description qu'il en donne : « Ensemble du corps allongé
en forme de tonneau, offrant à l’une de ses extrémités les orifices de
deux courts siphons à quatre et à six festons. Le siphon cioacal
légèrement plus long, les deux siphons inclinés d'une quantité à peu
près égale sur l'axe du corps. L’extrémité opposée est enfoncée libre-
1 Voir HANCOCK, loc, cit., p, 365.
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GËN, == T, VI. 1877. 30
594 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
ment dans le sable, ou elle adhère à quelque corps plus volumineux
par une surface de peu d’étendue. Longueur, 2°,5 à 3 centimètres.
« La tunique est passablement épaisse à l'extrémité postérieure,
elle a jusqu’à 2 millimètres d'épaisseur. D'une consistance cartilagi-
neuse; en avant, très mince, couverte sur sa face de sable fin, adhé-
rent aux filaments agglutinants, médiocrement longs, ne dépassant
pas en longueur l'épaisseur de la tunique. Dans sa structure, cette
tunique est formée d'une masse fondamentale hyaline, avec corpus-
cules brillants, disséminés, et de rares petites cellules fusiformes.
Dans les filaments agglutinants pénètre un double vaisseau avec une
terminaison en massue. La masse interne du corps est arrondie,
flasque,sa nsmuscles ayant un corps distinct.
« À la couronne, douze à quinze tentacules branchus.
« Sillon vecteur limité par deux replis, dont le droit est le plus fort.
« Orifice buccal au milieu de la ligne dorsale médiane.
« Le sac branchial occupe toute la longueur de la masse interne
du corps et présente douze plis, symétriquement disposés, dont cha-
cun porte trois côtes plates, longitudinales.
« Les côtes transversales délimitent avec les plis longitudinaux des
champs rectangulaires ; les fentes branchiales et, avec elles, les capil-
laires branchiaux sont ordonnés concentriquement autour de cen-
tres placés sous les plis longitudinaux (pl. IV, fig. 3).
« Estomac petit et comme tout l'intestin placé à gauche. L’intestin
décrit une circonvolution courte, dont les deux branches sont étroi-
tement appliquées l’une à l’autre; pas de papilles dans l'intestin.
« Deux glandes génitales, chacune composée d’une partie mâle et
d’une partie femelle, la gauche reposant sur la branche récurrente
de la circonvolution intestinale.
« Concrétions du rein jaunes ! ».
Il est difficile de trouver dans cette diagnose des caractères propres
à faire distinger la Molqula ampulloides de tout autre Molgule, et c’est
en présence du peu d’étendue de cette description qu'il m'a paru
nécessaire de faire connaître quelques détails et de donner des
dessins devenus indispensables pour pouvoir faire une comparaison
et des déterminations précises ; en effet, la description primitive de
M, van Beneden n’est plus suffisante. La voici :
«Corps globuleux ; tubes garnis à l’intérieur de quatre à huit den-
1 Voir Kuprren, loc. cit.
DE
a nl
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 595
telures. Test cartilagineux, transparent. On voit de l'extérieur tout le
canal intestinal et l'appareil générateur. Sac branchial plissé longitu-
dinalement, ouverture de la bouche au fond du sac. » |
Dans les considérants qui suivent cette courte diagnose, le savant
professeur de Louvain fait remarquer que son espèce ne peut être la
même que celle désignée sous ce nom spécifique par Bruggière,
puisque celle-ci aurait son test revêtu, couvert d’un fin duvet. De La-
marck donne de cette espèce, qu'il nomme A. ampulla, la description
simple que voici, d'après Bruggière (Dict. Æneycl., pl. 63, fig. 1-3) :
« A, ovala, tomentosa ; orifictis lubulosis, margine punctatis ; des mers
d'Europe. »)
On comprend qu'avec aussi peu de précision, les auteurs aient eu
quelques indécisions. Heureusement, il m'a été possible de n'être
point dans le mème cas. Grâce à l’obligeance de mon illustre eol-
lègue de Louvain, qui m'a adressé quelques exemplaires de son
Ascidia ampulloides, j'ai pu disséquer des échantillons absolument
authentiques, dont j'ai donné les dessins dans la planche XXIT.
CARACTÈRES.
L'extérieur est tel que l’a décrit le professeur van Beneden ; la tuni-
que est épaisse, surtout à la base; elle est très transparente: je n'ai
point observé de villosités à sa surface.
Le professeur Kupffer dit qu'elle repose sur le sable et s'attache à
quelques corps plus volumineux qui s’y trouvent enfouis.
Les orrfices présentent bien les caractères du groupe Molgule, etles
nombres six et quatre, pour les festons, ne font pas de doute. Il faut
donc que M. van Beneden ait eu en main quelque échantillon anor-
mal pour indiquer le chiffre de quatre à huit dentelures.
Les tubes qui portent les orifices sont médiocrement allongés sur
les individus conservés dans la liqueur.
Leur position est telle que l’a indiquée M. van Beneden. Le tube
| inspirateur est dans laxe de l’ovoïde et le prolonge très exactement;
quant au tube expirateur, il est à peu près vers le milieu de la moitié
de la longueur du corps. Vu du côté gauche, l'animal paraît par-
| faitement pyriforme.
Le diaphragme du tube expirateur est peu saillant?,
| . 1 Voir Arch. de 200, exp, et gén., vol. VI,, pl, XXII, fig, 9 et 3,
D = Voir id., id., fig. 4, Va.
596 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Les tentacules! sont semblables à ceux de la Molqula socialis ; ils
sont très touffus, et leurs branches latérales sont épaisses, grosses,
coniques comme la tige centrale. Dans un gros tentacule l’on ne
trouve de chaque côté que trois branches latérales. Les animaux que
j'ai eus, étant dans l'alcool, avaient des tentacules un peu contrac-
tés; aussi, les rameaux principaux étant rapprochés, les petites et
dernières divisions s’entrecroisaient-elles. Sur le corps des gros
troncs on constate des papilles, mais plutôt à l'extrémité qu’à la base,
Ce caractère a été incontestablement reconnu par M. van Beneden.
Il suffit pour s’en convaincre de voir les figures 4 et 5 de la planche
de son mémoire. Toutefois, il n'en parle pas dans son travail.
La branchie présente des caractères qui n'ont pas été mis suffisam-
ment en relief par le professeur van Beneden, et que le professeur
Kupffer ne me semble pas avoir rendus suffisamment clairs dans sa
description et ses dessins.
Elle est grande et facile à observer.
Les méridiens sont au nombre de douze, six de chaque côté. Le
professeur van Beneden n'est pas très explicite à cet égard, il dit cinq
à six, tandis que le professeur Kupffer cite le nombre six, qui est
exact. Il est curieux de voir que ce chiffre se retrouve dans deux es-
pèces fort voisines, à mon sens, la 4. socralis et la M. ampulloïdes.
Les replis branchiaux ne sont pas très saillants?, ils sont massifs,
arrondis, et parcourus longitudinalement par des côtes peu nom-
breuses, épaisses, larges, marquées par un double contour. Il ne
paraît en exister que quatre à chaque méridien.
La terminaison supérieure des méridiens est simple. Ces quatre
côtes s'arrêtent tout près du bout, et se soudent à un cordon qui des-
cend pour se confondre avec celui qui vient soit du raphé postérieur,
soit du raphé antérieur, comme il sera dit à propos de ces parties.
Ce qu'il y à de caractéristique et de très remarquable ici, c’est la
disposition d’une part des trémas*, de l’autre des réseaux capillaires
branchiaux dans les espaces interméridiens.
Le professeur van Beneden à évidemment été frappé de l'apparence
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 7 à comparer avec fig. 10,
pl. XX.
3 Voir id.,id., fig, 8, M, M.
8 Voir id., id. fig. 6.
k Voir id., id., pl. XXII, fig, 8 et 9. On peut remarquer combien le fuseat #m in-
terméridien est grand, comparé aux côtes,
M
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 997
de la branchie de cette espèce. Il suffit de lire ce passage : « Dans
l'espèce qui nous occupe, dit-il, c'est un lacis vasculaire presque
inextricable : des vaisseaux se contournent dans tous les sens, et
quelques-uns semblent vouloir s'enrouler en hélices en s'anastomo-
sant encore sur tout le trajet!. »
Le nombre des échantillons (deux) mis à ma disposition si obli-
geamment n'était pas suffisant pour permettre une étude des infun-
dibulums comme je l'aurais désirée, en outre les animaux avaient
été recueillis déjà depuis longtemps, et leurs méridiens étaient forte-
ment contractés par la liqueur conservatrice. D'après l'observation de
ces deux animaux, est-il permis d'affirmer que les méridiens sont ar-
rondis, fort peu saillants ; que les vaisseaux capillaires qui couvrent
de leur réseau les infundibulums masquent les dispositions que
ceux-ci présentent; enfin que les trémas ? sont peu étendus, et par
cela même difficiles à observer? On peut croire que les choses sont
ainsi, Car on remarque dans les dessins du professeur Kupffer une
grande indécision des traits et des lignes de contour.
La partie de la branchie la plus caractérisée ainsi que la plus clai-
rement lisible est l'espace interméridien.
Les trémas sont fort irrégulièrement contournés et groupés diver-
sement. Il n'est pas du tout exact de dire ici qu'ils sont coordonnés
autour de centres placés soit au sommet, soit à la base des infundi-
bulums. Ils sont pour la plupart simplement courbés en are, et quel-
quefois doublement recroquevillés en S ou en croissant à leurs
deux extrémités ; on voit dans la partie d’un fuseau comprise entre
deux parallèles, jusqu'à quinze, vingt centres de coordination déter-
minant autant de tourbillons. |
On ne saurait mieux comparer l'apparence générale qui résulte de
cette disposition, qu'à celle que montrent certaines fourrures, dont
les poils contrariés se tordent en différents sens et forment de petites
rosettes. Il suffira de comparer les figures de la branchie de 47. am-
pulloides avec celles des autres espèces, pour voir quelle énorme dif-
férence s’observe entre les diverses formes. Il est difficile de faire les
dessins sans que la confusion devienne facilement très grande, car
des parallèles * partent de gros vaisseaux dont les nombreuses anasto-
moses couvrent et masquent les trémas.
1 Voir vAN BENEDEN, loc. cit., p. 27.
© Voir Arch. de 20ol. exp. et gén., vol. VI., pl. XXII, fig. 8 et 9.
5 Voir id., id., fig. 8, P, P, parallèles, ©, c, capillaires,
598 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Entre le dessin donné par le professeur Kupffer ! et celui qu’on
trouvera ici, la différence est telle, qu'on pourrait presque se deman-
der si lui et moi avons bien étudié la même espèce.
Les bandes parallèles équatoriales sont très accusées ; elles ont
une base large, transparente, et leur milieu se relève en une arête
étroite ?. La base est occupée par un vaisseau large duquel partent
de gros troncs s’anastomosant entre eux, comme les gros troncs des
plexus veineux très développés des animaux supérieurs. Les espaces
laissés entre ces gros troncs sont plus ou moins arrondis, ovalaires ou
irrégulièrement allongés et à extrémités courbes. Dans ces espaces
courent irrégulièrement et en s’anastomosant aussi des vaisseaux plus
petits nés des précédents, et c’est l’ensemble de ce lacis qui rend
l'observation de la branchie aussi difficile que confuse. Ces réseaux
capillaires et les tourbillons divers que forment les trémas manquent
complètement dans les dessins de M. le professeur Kupffer.
Il faut noter encore que la lame branchiale, de chaque côté du ra-
phé antérieur, présente une disposition particulière. L'espace compris
entre le dernier méridien antérieur et le raphé est plus large qu'un fu-
seau interméridien, et la membrane fondamentale, percée de trémas,
ne se termine pas par une ligne droite parallèle au raphé, mais pré-
sente une série de dépressions qui donnent à cette limite l'apparence
d'un feston.
Le raphé antérieur s'arrête assez haut et en avant. Son extrémité
supérieure est certainement aussi éloignée de la bouche que celle-ci
l'est de l'organe vibratile. Son cordon terminal, qui descend à gau-
che de la bouche, passe très près des têtes des méridiens et se soude
à chacun des petits cordons descendant de ces têtes ; c’est là une
chose particulière à l'espèce; il ne passe pas du côté droit ? en s’unis-
sant à la lèvre inférieure, mais il descend à gauche du raphé posté-
rieur, auquel il reste parallèle au-dessous de la bouche.
Le raphé postérieur, lame mince‘, saillante, médiocrement déve-
loppée, s’unit, en arrivant près de la bouche, à la tête du premier
méridien postérieur droit, en faisant une courbe qui, à première vue,
laisserait penser que l’un est la continuation de l’autre. Mais au bord
1 Voir Kuprrer, loc, cit., pl. IV, fig. 3, comparer avec la fig. 8, pl. XXII, Arch,
vol. VI, 1877.
2 Voir Arch. de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 8.
5 Voir id., 14., 18:76:
* Voirid,,id., M' 107 méridien post., Rp, raphé postérieur.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 599
libre de cette courbe vient s'unir le cordon partant des têtes des
cinq-premiers méridiens de droite.
Les organes de la digestion fournissent quelques indications propres
à faire préciser la détermination.
La bouche n'a point montré, avec cette évidence signalée en plus
d'une occasion, ces doubles croissants s’embrassant par leur conca-
vité en pénétrant dans l’æœsophage. On devine à gauche une saillie
rappelant la lèvre de ce côté; mais l'aire buccale assez petite, infun-
dibuliforme, présente l'entrée œæsophagienne tout à fait circulaire.
Il y a donc une différence entre le dessin qui accompagne le présent
travail et celui qu'a donné le professeur van Beneden, qui montre
la bouche comme une fente longitudinale.
L'’estomac et le foie m'ont paru fort petits du reste ; leur disposi-
tion est semblable à celle des autres espèces, sauf la taille f.
L'intestin est disposé comme nous l'avons vu dans la #7. social ;
étant fort long, il se recourbe, et le sommet de son anse se relève
jusqu'au niveau de la base de l’orifice expirateur. Il fait donc une
courbe, mais qui ne représente que la moitié d’une circonférence.
M. van Beneden a parfaitement décrit et figuré cette disposition.
L'anus reste très élevé contre le dos de la branchie?, il est coupé
presque perpendiculairement à l’axe du rectum et son bord est fes-
tonné. Ce caractère m'a toujours paru avoir une certaine valeur
spécifique. Il n'est point signalé dans les descriptions des professeurs
Kupffer et van Beneden.
On à vu dans la Molqula socialis qu'il existe dans l'intestin un repli
interne très développé. Ici il en est de même, ainsi que je l’ai constaté;
le professeur van Beneden donne la description suivante : « En
l'ouvrant (l'intestin), on voit une autre surface intestinale qui fait
l'effet d’un intestin invaginé et qui s'étend dans toute la longueur de
la première anse. C'est à peine s'il reste entre ces deux surfaces assez
d'espace pour le passage des aliments. Ce repli intérieur est creusé
dans son milieu ; on voit sur son côté une gouttière fort étroite, au
commencement de son origine; c’est dans cette gouttière que se for-
ment ces filaments vermiformes qui remplissent toute la partie posté-
rieure du tube digestif et qui lui donnent un aspect si curieux. »
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén. vol. VI, pl. XXII, fig. 2 et 3, f.
2 Voir id., id., et fig. 1,a.
600 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
(Loc. cit., p. 18.) Il est assez difficile de faire accorder cette descrip-
tion avec celle du professeur Kupffer, qui dit: « Pas de bandelette
dans l'intestin. »
L'organe de Bojanus est ce que le professeur van Bencden appelle
l'organe indéterminé ; fort petit dans l'échantillon que j'ai observé, il
avait tout au plus un tiers de la longueur totale du diamètre trans-
versal du corps. Ce faible développement contraste avec celui beau-
coup plus grand des glandes génitales placées au-dessous,
Il est peu courbé, et la direction est exactement transversale ou
perpendiculaire au grand diamètre ou axe vertical du corps. Ce ca-
ractère est à peu près donné dans les dessins du travail du profes-
seur van Beneden. Il ne l'est point dans les descriptions du profes-
seur Kuppfer, qui indique, ce que je n'ai pu constater, la teinte des
concrétions comme étant jaune (pl. XXII, fig. 3, À).
Cœur. — La petitesse du foie et par conséquent de la masse viscé-
rale, ainsi que le peu d’étendue du corps de Bojanus, qui habituelle-
ment dépasse en longueur l'organe central de la circulation, indiquent
assez que l'extrémité viscérale du cœur est éloignée de la masse hé-
patique, et qu'il doit y avoir une aorte viscérale longue ; c'est aussi ce
qqui existe.
I ne m'est pas possible de partager l’opinion de mon savant collè-
gue de Louvain, qui dit : « Je crois qu'il serait impossible de voir ce
cœur dans les animaux morts » (p.21). La fosse cardiaque, entre
les reins et les glandes génitales, à, dans l'exemple, une position si
constante, le cœur a des parois, quoique délicates, si évidentes, qu'il
est toujours possible de le voir et de le trouver, même sur des ani-
maux conservés depuis longtemps.
La tunique, le manteau, le tissu du corps, n'oifrent rien de particu-
lier qui n'ait été signalé. Au commencement, les caractères de ces
parties ont été indiqués d'une manière générale. La tunique est peu
adhérente avec les prolongements des vaisseaux du manteau, aussi
peut-on arracher ceux-ci facilement sous forme de papilles (fig. 5).
Le ganglion nerveux” est fort petit et très bas, si bien que l’on voit
son corps à droite et au-dessous de l'organe vibratile, lequel lui de-
vient tangent par son extrémité supérieure droite.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 4. N,
7
1
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 601
La glande prénervienne ‘ est démesurément grande comparative-
ment à ce qu'on l'a vu être dans d’autres exemples. Elle est très al-
longée transversalement et dépasse à droite et à gauche les bords du
cercle péricoronal vers l'angle d'origine du raphé postérieur.
Cet angle mérite à peine ce nom, il n'existe qu'au-dessus, là où les
deux lèvres supérieures du cercle péricoronal se redressent pour de-
venir verticales et constituer la lame du raphé postérieur?.
L'organe vibratile est grand, à peu près circulaire, sa fente est étroite
et son espace médian descend entre les deux angles de ses extrémités
un peu plus déprimés que d'habitude. Ses deux extrémités ou cornes
sont courbées en dedans, mais à peine recroquevillées. L'ouverture
du fer à cheval est en haut, un peu inclinée vers la gauche, mais
très peu*.
Organes reproducteurs *. — Ces organes ont été parfaitement décrits
par le professeur van Beneden. Il n'y a donc qu à insister sur quel-
ques points et sur quelques comparaisons.
L'ovaire, sur les animaux conservés, est d'une teinte bistre foncée,
son oviducte se laisse voir très facilement.
Le testicule, d'un blanc mat, occupe une position constante des
deux côtés, il est très distinctement limité en dessus de l'ovaire; il
occupe à droite l’espace libre entre l'ovaire et l’anse intestinale, à
gauche entre l'ovaire et le corps de Bojanus. En général, on l’a vu,
l'ovaire est recouvert en partie par le testicule, et celui-ci s’avance
plus ou moins sur sa surface Interne.
Voilà pour le rapport des deux glandes mâle et femelle ; ajoutons
que l’on voit s’avancer sur le bord brun de l'ovaire et jusque vers
son milieu, deux ou trois canaux saillants, quelquefois plus, qui sont
les terminaisons et les orifices des spermiductes. Tout cela est très
exactement représenté par le professeur van Beneden, pl. Il, fig. 4 de
son travail.
L'oviducte est accolé à la paroi postérieure de la chambre péri-
branchiale, et vient s'ouvrir à peu près à la moitié de la hauteur de
l'espace qui sépare l'anus et le diaphragme du tube expirateur. Les
orifices sont entourés par un tout petit bourrelet, mais ne présentent
pas de papilles ou autre disposition spéciale.
1 Voir Arch. de zool, exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 4, G.
2 Voir id., id., Rp.
Voir d., id, pl. P:
# Voir id., id., fig. 3, O, ovaire ; T, testicule.
602 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
La position générale de la masse glandulaire formée par la réunion
des deux organes est très caractéristique.
À gauche, de même que l'organe de Bojanus, les glandes sont al-
longées et leur direction est transversale ; en un mot, elles sont per-
pendiculairés au grand axe, à l’axe vertical du corps.
A droite, elles sont logées dans la concavité de la courbure intes-
tinale; mais comme celle-ci a son sommet un peu relevé en haut, il
s'ensuit que la masse glandulaire, tout en étant transversale, est ce-
pendant inclinée d'avant en arrière et de haut en bas, et qu’elle est
sensiblement la même que l'axe du tube expirateur.
Embryogénie. — M. le professeur van Beneden à fait connaître le
têtard de cette espèce et quelques-unes des particularités relatives.
à son développement. Je n'ai donc qu’à prier le lecteur de vouloir
bien consulter le mémoire, auquel j'ai souvent renvoyé.
STATION.
Conditions biologiques. -— N'ayant point rencontré cette espèce, je
ne puis que rappeler les faits indiqués par M. van Beneden ; ils doi-
vent être rapprochés de ceux qui ont été longuement développés re-
lativement à l’Anurella Roscovita.
« Ces animaux se fixent en masse sur tous les corps indistincte-
ment qui se trouvent en mer. Il en existe par myriades en été, de-
puis le mois de juillet; on en voit peu en hiver. Ils apparaissent tout
d'un coup en quantité prodigieuse f. »
N'est-ce pas la répétition de ce qui m'a tant embarrassé d’abord et
que j'ai expliqué plus tard par l'étude suivie de la reproduction?
Evidemment les animaux pondent pendant l'été, les larves se fixent
et passent l'hiver et le printemps à peu près inaperçues, tant leur
taille est petite. Puis, ainsi qu'il arrive pour l'Anurella Roscovita, ils
s'accroissent rapidement à partir de juin et abondent en juillet.
SYNONYMIE.
Il ne me paraît pas possible d'établir de comparaison entre cette
espèce et celles de Bruggière, ou celles qu'ont décrites les auteurs
américains.
1 Voir vAN BENEDEN, loc. cil., p. 60.
°2
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 603
Il faut la distinguer de l’Anurella simplex, car son têtard ne permet
pas de les confondre.
Reste la M. socialis, qui offre avec elle de grandes analogies, mais
qu'il est cependant impossible de ne pas trouver très différente,
comme espèce, par l'abondance des villosités de la tunique, par les
papilles qui couvrent son endostyle, et le réseau des capillaires sur les
espaces interméridiens, surtout par la différence des rapports des
glandes mâles et femelles. Dans un cas on à vu le testicule s'ou-
vrir au sommet de plusieurs papilles, dans l’autre le spermiducte est
unique et accompagne l'oviducte. Enfin la disposition des trémas est
tellement différente dans les deux cas, qu'il n'est pas possible, en
comparant les dessins, de pouvoir faire confusion par l'examen même
le plus superficiel.
En terminant l'étude de ce genre je donnerai le tableau résumé
des caractères des espèces du genre MOLGULA proprement dit, décrites
dans ce travail. |
/ a, n’entourant pas les glandes génitales.
PRET 1'e ESPÈCE.
b, à sept méridiens.
Ce Molqula
e, échinulé. + 4 ,
R echinosiphonica.
d, grêles, peu rameux,
a, Anse intes- a, superposées.
tinale. b, unique voisin de : ,
b, Branchie. l’orifice femelle. À OUR
€, Siphon in- c, parallèles MorGUa S6aUS.
spirateur. |a, embrassant les a, GlandesŸ aux méridiens.
d, Tentacules. st BOUT Yénitales. 14, très visibles.
es. | :
B ; Svidi b, Orifice
» s 6 meridiens. les ur
isse. ‘
8 É c, Trémas. s ; Ha + a
ros etrameux. iples, -
8 d, dnfun- Re EP Le :
gnés de l’orifice 3° ESPÈCE.
dibulums.
femelle. Molqula
c, en tourbillons ampulloïdes.
irréguliers.
d, peu visibles.
ae CT
604 HENRI DE LACAZE-DUTHIE
& 4.
3° Genre. CTENICELLA! (NOY.gen., H. DE L.-D).
Le troisième genre est caractérisé, on l’a vu dans le tableau pré-
cédemment donné, par les dentelures fines que portentles bords des
lobes des deux orifices extérieurs. |
Ce caractère n'a été guère signalé que par M. C. Heller dans une
belle espèce de la mer Adriatique et de la mer Méditerranée, dont on
trouvera plus loin la description.
Si l’on admet que la Cynthia Dione de Savigny soit une Molgule, ce
serait à propos de cette espèce que le caractère aurait été indiqué
pour la première fois.
Le nombre des espèces du genre Ctenicella n’est pas grand; je n'en
ai recueilli que trois : une à Roscoff, une à Morgate, et une grande
et superbe, fort abondante dans Les eaux de Banyuls-sur-Mer.
Les deux premières sont fixées et d'assez petite taille ; la troisième,
qui atteint les proportions d’une belle noix, est tantôt Libre, tantôt
fixée sur d’autres individus de son espèce ou sur des Cynthia.
Si l'on admet le genre ou le groupe des Molgulidés à lobes oscu-
laires pectinés, on distinguera très aisément les trois espèces dont
la description va suivre et dont les caractères seront résumés dans
un tableau synoptique à la fin de leur histoire.
I n'existe pas, du reste, d’autres caractères généraux que celui des
dentelures des lobes des orifices, et rien dans la branchie et dans les
organes ne pourrait conduire à séparer ou à rapprocher ces espèces
plus que nous ne l'avons fait pour les espèces des deux genres étudiés
précédemment.
1"° ESPÈCE.
CTENICELLE DE LANCEPLAINE. CTENICELLA LANCEPLAINI.
(n. Sp., H. DE L.-D.).
Arch. de zoo, exp. et gén., vol, VI, pl. XXIII.
Cette espèce est la plus petite de toutes celles que l’on recueille à
Roscoff. Dans quelques stations, on ne la découvre qu'avec beaucoup
d'attention et de soins, en raison même de sa petitesse.
Son histoire présente quelques traits aussi curieux qu'importants.
LIDe: AKSEts peigne:
3 Voir Arch, de zool, exp. et gén., vol. VI, p. 489,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 605
CARACTÈRES.,
Extérieur !. — La forme n'est pas aussi régulièrement sphéroïdale
que dans les espèces vivant libres, surtout quand il y a adhérence aux
pierres ; alors elle ne représente plus guère qu'un segment de sphère ;
mais l’ovoide se complète un peu lorsque l'animal se fixe par exemple
sur les petites tiges de fucus *?.
Lorsque l’adhérence a lieu sur les pierres, c'est-à-dire sur des sur-
faces planes, le corps ne représente qu'une calotte sphérique, cor-
respondant au côté droit, l'animal étant couché sur le côté gauche,
par lequel il adhère ordinairement.
L'espèce est toujours fort petite; il est bien rare qu'elle atteigne
au plus 4 centimètre dans son plus grand diamètre, et cette longueur
est encore certainement exceptionnelle. On peut, en considérant
les figures Aa et lc de la planche XXIIT, reconnaître qu'un demi-
centimètre ou un peu plus est la grandeur la plus habituelle.
La partie convexe du corps n’est que très rarement couverte par
des grains isolés de sable. Habituellement?, la surface est lisse et
brillante ; mais tout autour de la calotte sphérique, représentant le
Corps, on voit des grains de sable accumulés et formant comme une
bordure circulaire. Nous reviendrons sur ce caractère à propos de la
tunique.
La couleur un peu rougeàtre rappelle celle de l’ocre rouge, légère-
ment voilée de jaune sale, elle est due aux organes génitaux d'une
part, à l'organe de Bojanus et au manteau d'autre part ; mais elle
n'appartient pas à la tunique elle-même.
Orifices. — Le caractère constant et générique des orifices est dif-
ficile à constater, en raison de la petite taille des animaux. Il faut,
pour le reconnaître, observer les individus bien épanouis, et pour
cela les obtenir en parfait état, chose un peu difficile en raison de
la large base d’adhérence du corps. Heureusement, quand on n’a
pas blessé ou déchiré la tunique en recueillant les individus, on
obtient facilement l’acclimatation dans des cuvettes assez petites
pour être portées sous le microscope.
1 Voir Arch. de 20ol, exp. et gén., vol. VI, pl. XXIIL, fig. 1. Grandeur naturelle,
2 Voir id., id,, fig. 1 et 4 c, expl. fixé sur une tige d’algue.
5 Voir id.,id., fig. 1 b, individu épanoui et grossi, montrant la tunique lisse dans
sa plus grande étendue,
606 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Quand on veut décrire la livrée des Ascidies et leur ornementa-
tion, on est souvent gêné par le long temps que certaines d’entre
elles mettent à s'épanouir, l'irritabilité étant pour beaucoup fort
exagérée. La Ctenicelle de Lanceplaine n'est pas dans ce cas, elle
s'épanouit volontiers et vit longtemps ; on peut la tourner, la dé-
placer, elle se contracte bien un moment, mais elle rouvre bientôt
ses oscules, de sorte qu'il est facile de voir sous le microscope l'a-
nimal vivant soit de profilt, soit de face ?, et les dents de ses festons
osculaires.
Les tubes sont courts et placés assez près l’un de l’autre sur la
face postérieure. Tantôt on les voit latéraux, quand l'animal est
sénestre et couché sur le côté, tantôt sur le milieu du disque quand
il est fixé sur la ligne ventrale. Si les animaux sont bien épanouis,
les deux tubes paraissent fort gros eu égard à leur taille *.
La teinte des orifices est rougetre, et d'autant plus vive, que la
contraction est plus grande. Aussi, la plupart des individus contrac-
tés montrent-ils deux points rouges correspondant aux oscules qui
se détachent bien distinctement sur la teinte générale, également
un peu rougeâtre, du corps *.
Cette teinte appartient à la couche des fibres musculaires du
manteau, au-dessus de laquelle la tunique forme comme un vernis
qui la laisse voir par transparence. Mais tous les individus sont
loin d’avoir cette coloration aussi marquée, ce qui embarrasse
dans la diagnose quand ïl s’agit de reconnaître à première vue
des espèces différentes représentées par des individus de même
taille.
Lorsque les animaux se contractent, les fibres se rapprochent et la
couleur devient plus vive ; en même temps les orifices, clos et comme
froncés, paraissent avoir des stries concentriques rouges assez
marquées.
Les lobes de l’orifice inspirateur * branchial présentent, à leur marge
libre, trois dents, dont une médiane toujours plus grande que les
latérales.
Les lobes de l’orifice expirateur sont bordés de cinq dents ou petits
1 Voir drch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig. 6, À.
2 Voir id., td., fig. 4 et à.
8 Voir id., id., fig. 1 b.
k Voir id., id., fig. 1
ë Voir id., id., pl. XXIIT, fig. 5, B.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 607
tentacules, dont un médian, le plus grand, et deux plus petits de
chaque côté tout près de l’échancrure ! séparant les lobes.
Dans les individus bien caractérisés, chacune de ces dents ou pro-
longements tentaculaires digitiformes présente le centre plus coloré,
et l'extrémité quelquefois même d’un rouge assez vif. Mais ce n'est
toujours pas la tunique qui est rouge, c’est bien le prolongement
dépendant du manteau. Cela se reconnaît aisément? par l'observation
microscopique. '
Les stries rayonnantes, que l'on voit avec une forte loupe autour
des orifices contractés, sont précisément dues au rapprochement des
appendices et à leur couleur.
Quand on dissèque des animaux contractés ayant déjà séjourné
dans la liqueur, pour voir les crénelures, il faut enlever avec des
ciseaux la partie terminale des orifices perpendiculairement à l’axe
des tubes et la porter sous le microscope. En l’examinant à un très fai-
ble grossissement, on constate avec certitude le caractère ; toutefois,
sans Ces précautions, on ne réussit pas à le reconnaître. Mais aussi,
quand on l’a bien constaté une première fois, on se trouve avoir éloi-
gné toute cause d'erreur de diagnostic et circonscrit considérable-
ment le champ de la spécification.
Les points colorés oculiformes manquent complètement dans cette
espèce.
Les fentacules sont médiocrement développés. Ils ne présentent
point de caractères permettant d'établir des distinctions.
Le diaphragme de l’orifice expirateur présente de grandes propor-
tions ; aussi le plus souvent, sur les animaux conservés ou tués dans
des liqueurs préservatrices, trouve-t-on l’orifice interne du tube
postérieur fermé par le rapprochement des deux moitiés du dia-
phragme ressemblant à deux valvules latérales et symétriques.
Branchie. — L'organe * de la respiration, relativement à la taille de
l'animal, est grand et très développé.
Sa cavité est aplatie, comme le corps lui-même; son raphé anté-
rieur est un peu couché sur le côté gauche, que l’on a vu être celui
par lequel l'animal adhère le plus souvent.
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol, VI, pl. XXIIL, fig. 4, À.
2 Voir id.,id, fig. 6, 4, orifice anal vu de profil,
3 Voir id. id., fig. 8, 9, 10 et 11,
608 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Les méridiens sont au nombre de sept de chaque côté. Le plus an-
térieur est fort petit et représenté seulement par une seule côte,
formant comme une ligne saillante f.
Le nombre des côtes est en moyenne trois ; cependant, dans quel-
ques variétés, il est un peu moindre.
La terminaison supérieure de ces côtes est fort remarquable et
fournit un caractère difficile, il est vrai, à constater, en raison de la
petitesse des animaux, mais très précis et très important?. Chaque
côte se dégage de la tête de son méridien et se prolonge en un ap-
pendice saillant pointu, de sorte que lorsqu'on enlève une branchie
tout entière, son extrémité supérieure autour de la bouche paraît
dentée en scie, avec cette disposition particulière, que le cordon
unissant habituellement ces différentes têtes, depuis celle du méridien
antérieur jusqu'à l’origine du raphé postérieur, existe toujours.
Le développement de la partie antérieure du sac branchial est con-
sidérable, comparé à celui de la partie postérieure ; aussi les deux
méridiens postérieurs sont-ils fort courts, et les autres d'autant plus
longs qu'on s'approche davantage du raphé antérieur ; mais comme
ils doivent, par leurs extrémités, rejoindre en haut la bouche, en bas
la couronne tentaculaire, il s'ensuit que les plus antérieurs sont
fort courbés, et que l’une de leurs faces s'applique sur la paroi bran-
chiale, ce qui cause une certaine difficulté d'observation, par la su-
perposition des couches du tissu branchial.
Infundibulums. — Leur disposition n’est facile ni à observer ni à
caractériser dans les petits individus ; aussi est-il nécessaire de re-
chercher des animaux de la plus grande taille ; mais surtout une cer-
taine variété, à laquelle se rapportera, du reste, cette première des-
cription. |
Les infundibulums sont courts, trapus et arrondis én cul-de-sac;
ils sont très peu profonds; cela ressort du petit nombre des côtes et
du peu de saillie des méridiens.
On ne voit point sur eux de traces de subdivisions et de bifurca-
tions. Dans les plus belles préparations qu'il m'a été possible de réus-
sir, ils ressemblaient à des godets peu profonds.
Ils sont par paires entre deux parallèles, et c'est de leur séparation
1 Voir Arch. de 2001. eæp. et gén., vol. VI, pl. XXIIÏ, fig. 9, m’.
2 Voir id., id., fig. 8, j, portion supérieure ou péribuccale de la branchie droite
montrant bien les dentelures de l'extrémité des têtes des méridiens.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 609
que partent les bandes caractéristiques partageant les zones inter-
méridiennes f.
Les trémas qu'ils portent sont grands, distincts et décrivent
perpendiculairement à leur axe des tours de spire, qui mesurent à
peu près la moitié de leur circonférence totale.
Leur nombre, depuis la base jusqu’au sommet des infundibulums,
est de cinq à six; ce qui indique et montre très bien que leur pro-
fondeur est peu considérable.
Les fuseaux ou bandes intermédiaires sont larges et découpés par
des trémas longs, réguliers et courbes. Il est peu d'exemples ? mon-
trant aussi bien que cette variété l'orientation des fentes branchiales
par rapport à un centre. Dans la figure 9 de la planche XXIIE, on voit
que les ovales concentriques décrits par l’ensemble des trémas sont
coupés suivant leur grand diamètre par les méridiens, de sorte que,
vers la moitié d’un fuseau intermédiaire, entre deux parallèles, se
trouve le point où, par leur convexité, deux ovales ou cercles allongés
produits par les trémas des infundibulums deviennent tangents.
Le nombre des trémas entre deux méridiens, limitant un fuseau,
est de six à huit, partagés en deux groupes tangents par leur con-
vexité et dont les courbures sont en sens inverse.
Cette disposition des trémas est caractéristique et frappe toujours
lorsqu'on observe la branchie de cette espèce, car elle est l’une des
plus régulières que l’on puisse rencontrer.
Nous verrons, en terminant la description, qu'il y aura à signaler
des variétés de cette espèce, variétés que l’examen seul des branchies
et particulièrement de la disposition des trémas intermédiaires pour-
ront seuls faire reconnaître.
Raphé antérieur. — La branchie étant fort étendue en avant, le
raphé a, de ce côté, une grande longueur; de plus, il se porte un
peu du côté gauche comme s’il était poussé par suite des grandes pro-
portions que prend la branchie.
Le raphé postérieur présente un caractère fort important, mais
aussi difficile à voir que celui des têtes supérieures des méridiens. Il
est grand, saillant et toujours élevé par conséquent. C’est surtout dans
le voisinage de la bouche qu'il présente les plus grandes proportions *.
En arrivant à la région buccale, il se couche un peu et passe sur
! Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol, VI, pl, XXIII, fig. 9, êm.
2 Voir id., id., fig. 9.
$ Voir id., id., fig. 8, Rp.
ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN, = T. vil. 4877. 39
610 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
les deux ou trois têtes des premiers méridiens postérieurs, en se
continuant en haut avec le cordon et les parties dentelées qui unis-
sent les têtes de droite.
Son bord est profondément dentelé en scie (fig. 8, Rp). |
I y à, dans cette disposition, un caractère d’une valeur réelle, et,
bien qu’elle soit difficile à contrôler, bien surtout que sa recherche
entraine après elle la destruction à peu près complète des échan-
tillons, il faut néanmoins en tenir compte, afin de donner plus de
poids à la valeur des autres particularités organiques fournissant les
caractères.
Tube digestif. — Xci, rien de bien caractéristique : la bouche est
fort difficile à voir, mais 1l ne m'a point semblé devoir exister dans
son voisinage de caractères plus importants que ceux tirés de la ter-
minaison des raphés et des méridiens.
L'estomac et le fose * ne paraissent pas sur le côté gauche des ani-
maux fixés sous les pierres et par conséquent un peu sénestres.
Les trois lobes supérieurs sont manifestes et celui qui est en dessous,
entre la première partie de l’æsophage et le rectum, est fort petit.
L'anse intestinale ne descend guère? que jusqu’à la mi-hauteur
de l’espace qui sépare la base des deux orifices, et ne s’infléchit que
très peu en arrière à son extrémité. Aussi, n'y a-t-il point ce erois-
sant qu'on a trouvé chez quelques espèces, et y a-t-il une assez
grande distance entre le sommet de l’anse et l’origine du tube inspi-
rateur, c'est-à-dire la terminaison de la branchie. Nous verrons plus
loin que cette disposition à une raison d'être.
L'intestin présente souvent, mais en cela il y a des variations nom-
breuses, une dilatation avant le sommet de la courbe de l’anse ; c’est
à la place du manchon glandulaire qui a été signalé à cet endroit,
que l’on trouve cette sorte de petite varicosité *.
Les vermicelles de matières fécales ne sont pas toujours bien for-
més ; le diamètre de l'intestin a toujours paru développé proportion-
nellement à la taille des individus. |
L'’anus est assez bas, reporté à droite, et détaché de la face posté-
rieure de la branchie. Le rectum devient un peu libre, puis s’étrangle
circulairement, et le bord libre de sa terminaison se renfle en un
1 Voir Arch. de 300l. eæp. el gén., vol. VI, pl. XXILL, fig. 2, côté droit; f, le foie.
2 Voir id., id., fig. 2, im.
8 Voir t4., 44, 0g. 7,1
ee”
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 611
bourrelet circulaire. L'orifice s’aplatit un peu et devient bilabié, mais
ce caractère n'offre en somme rien d'absolument important pour la
détermination de cette espèce, qui est très suffisamment caractérisée
par l'ensemble des autres dispositions organiques,
Corps de Bojanus. — Get organe est allongé, il occupe à peu près
le milieu de la hauteur du corps".
La couleur de son contenu, qui occupe à peu près le milieu de
la cavité, est d’un rouge brique assez intense. Au milieu de la lon-
gueur, on trouve fréquemment un corps sphéroïdal dur et résistant,
qui semble être comme le noyau ou le premier centre du dépôt.
Ses parois sont transparentes et incolores.
Sa direction est inclinée sur le grand axe du corps, à peu près de
45 degrés, mais il ne faut jamais oublier que les rapports des parties
peuvent être modifiés par l’action des réactifs. On ne trouve du reste,
dans les caractères de l’organe rénal de la Ctenicella Lanceplainr,
rien qui puisse conduire à une distinction spécifique ou autre quel-
conque.
Cœur. — I occupe sa place habituelle, au-dessous et en arrière du
corps de Bojanus; aussi l’aorte viscérale, dans l'espèce, est-elle très
longue; on s’en rend facilement compte en jetant les yeux sur les
figures ?. L’éloignement du rein et de la masse viscérale, représentée
par le foie et l'estomac, indique suffisamment la longueur de l'aorte
viscérale.
Sur beaucoup d'individus, les globules du sang sont d’un rouge
bistre et remplissent les capillaires, qui alors semblent injectés et
deviennent très évidents. C'est à ces capillaires que le manteau doit
en grande partie sa couleur rougeûtre ; néanmoins, le tissu général
du corps est lavé d'une teinte légèrement jaune rougeûtre.
Le manteau est mince et ses muscles ne sont pas très forts; néan-
moins, les tubes sont très résistants, et, quand on les retire de la
tunique et qu'ils sont contractés, ils offrent une rigidité marquée,
due aux nombreuses fibres circulaires et longitudinales de leurs
parois.
Mais les terminaisons des fibres longitudinales, qui deviennent
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 3, côté gauche, R.
2 Voir id., fig. 3.
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612 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
radiées à la base des tubes, se perdent dans le manteau, sans pré-
senter de disposition spéciale méritant d’être mentionnée.
Les fibres radiées s'étendent, sans trop se limiter exactement, sur
la base des tubes, et l’on en voit de longues disséminées dans toute
l’épaisseur du manteau. ‘4
La tunique est assez épaisse, transparente ; quand on veut l’enta-
mer, on trouve qu'elle oppose de la résistance à l'instrument tran-
chant ; elle n’est point villeuse, seulement à sa base elle présente
tout le tour de sa surface d’adhérence quelques prolongements
comme des Tampons, des diverticulums radiciformes de la marge.
Au-dessous, dans sa partie adhérente, elle est un peu plus mince;
sa teinte est jaunâtre, mais elle est rendue un peu verdâtre par les
produits végétaux qui se fixent sur elle.
On ne pourrait certainement pas distinguer cette Ctenicelle des
espèces dans le voisinage desquelles elle vit, si l’on n'avait des
caractères positifs permettant à eux seuls de la reconnaître, surtout
quand elle n’est pas fixée sous les pierres, où habituellement, comme
à Per’Haridi, on la rencontre isolément.
Le ganglion nerveux’ est petit. La glande voisine est assez ar-
rondie et épaisse. L'organe vibratile, petit, un peu saillant, n’a point
les extrémités de son croissant fortement recroquevillées et n'offre
aucun caractère que je puisse signaler, l’observation en étant du
reste fort difficile.
Les organes de la reproduction fournissent quelques caractères re-
marquables sur lesquels il est utile d’insister.
Les deux glandes offrent des rapports qui m'ont paru constants.
Le testicule ? est presque toujours supérieur à l'ovaire et assez dé-
laché de lui; il est formé d’une multitude de petits acinis en cul-de-
sac, blancs, plus opaques au centre que sur les bords, ce qui est dû au
contenu ou produit de la sécrétion. Dans son ensemble, il forme une
charmante glande en grappe, dont les trois ou quatre canaux excré-
teurs principaux se réunissent à angle aigu en un canal déférent
unique qu'on voit marcher à la surface de l'ovaire et qui s'ouvre au
sommet d'un tube un peu saillant vers le milieu de la surface interne
de la glande femelle.
1 Voir Arch.de 200. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII. N, ganglion nerveux;
G, glande ; V, organe vibratile.
? Voir td., id., fig. 2, 3 et 7; T, testicule.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 613
À gauche !, le testicule paraît entre l'ovaire et le corps de Bojanus;
à droite ?, on le voit au-dessous de la courbe supérieure décrite par
le rectum.
Qu'on le remarque, le testicule étant supérieur et l'ovaire étant
inférieur, il résulte de ces positions relatives, puisque lorifice du
canal déférent est vers le milieu de l'ovaire, que la direction du sper-
miducte est presque verticale et que la marche de la liqueur sé-
minale se fait de haut en bas ; mais en considérant de près les choses,
-on voit que le canal se reporte aussi un peu en avant vers le point où
il doit s'ouvrir.
L'ovarre * est jaune mamelonné quand il renferme des œufs mûrs,
ce qui arrive presque toujours pendant les périodes de l'été; mais
les œufs mûrs ne sont jamais en très grand nombre, et l'on voit
constamment une portion supérieure de l'ovaire à l’état glandulaire
ne renfermant que des germes encore peu développés.
La glande a la forme d'une poire dont la base serait tournée en
haut, et la queue représenterait l’oviducte, dirigée en bas et en avant;
elle se courbe même assez pour dépasser soit l'extrémité inférieure
du corps de Bojanus, soit le bas de l’anse intestinale*.
La direction de l’oviducte est la même que celle qu’on a vu prendre
par le canal déférent tout près de son orifice. Il descend en bas, et loin
de se porter en arrière, comme on l’a vu dans la plupart des cas
. précédents, il se dirige en avant en formant une crosse renversée.
C'est une disposition tout à fait inverse de celle qu’on a vue, par
exemple, dans l'Anurella oculata ÿ. La conséquence de cette marche
est que, dans la courbe décrite par l’oviducte et ouverte en avant on
trouve à droite le sommet de l’anse intestinale, à gauche l'extrémité
inférieure du corps de Bojanus.
L'embryon urodèle se développe dans la chambre péribranchiale,
fort grande, surtout en avant et en bas; aussi, quand on tue les ani-
maux dans des liquides durcissants, on observe des amas de jeunes
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXII, fig.3. T, testicule; O, ovaire;
R, corps rénal.
? Voir id., id., fig. 2. T, testicule; O, ovaire; e, masse d’embryons réunis.
3 Voir id., id., les figures 2, 3 et 7, O. .
* Voir id., id. fig. 7. O, ovaire; 00, ouverture de l’oviducte revenue en avant et
au-dessous de l’anse intestinale.
5 Voir t4., #4., pl. XIV, fig. 9.
614 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
animaux tenant la branchie éloignée du manteau ét soulevant
l'intestin même. |
Les œufs et les embryons se réunissent à droite, en formant une
bande qui descend d’abord et remonte ensuite en entourant l’extré-
mité inférieure de l’anse intestinale, enfin ils s'accumulent au-
dessous des glandes génitales.
Du côté droit, ils remontent jusqu'au raphé antérieur et parais-
sent même sur le côté gauche ?, tandis que sur le côté gauche ils ne
remontent que jusqu’à l'extrémité inférieure de l'organe rénal.
C'est à cette accumulation et à l’incubation de ces produits de la
reproduction, qu'il faut attribuer l’écartement très grand qu'on
observe entre la branchie, d’une part, et le manteau, de l’autre ; d’où
résulte une chambre péribranchiale très étendue.
L'incubation des œufs et la gestation des embryons est dont un
fait constant dans cette espèce, et la taille que prennent les têtards
dans la cavité branchiale est telle, que, encore enfermés dans la
coque de l’œuf, ils peuvent mesurer une surface égale au tiers, pres-
que à la moitié de l'ovaire *.
La sortie des jeunes s'effectue comme dans les autres espèces :
la mère se contracte brusquement et lance un jet d’embryons ; mais
quelquefois aussi, les orifices étant épanouis, les têlards dégagés de
leur coque sortent d'eux-mêmes en nageant. |
STATION.
J'ai trouvé la Cfenicella qui nous occupe dans des stations fort dif-
férentes.
Je l'ai rencontrée sous les pierres, sur les fucus flottants, surtout
sur les Gystoceris du canal, au milieu des Pentacrines, et enfin mêlée
aux Molqula echinosiphonica et Anurella Blerzi, fixée à la voûte des
grottes tapissées par la Cynthia rustica, à Roléa et au Loup.
Cette espèce a été trouvée pour la première fois au milieu des ani-
“maux sans nombre qui couvrent les grosses tiges de Cystoceris, et où
je trouvai à profusion, dès 1868, les Pentacrines.
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 2 et 3, e, e, groupes
d'œufs et d’enabryons incubés dans la cavité péribranchiale.
2 Voir id., id., fig. 3,e,e.
3 Voir id., id., loc. cit., pl. XXIII, fig. 7. e, embryon dessiné à la chambre claire
dans les mêmes conditions que l’ovaire placé au-dessus.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 615
Les échantillons pèchés sur les Cystoceris sont plus gros que ceux
qui habitent sous les pierres. Ils sont aussi moins déformés et d’une
apparence très différente de ces derniers. Ceux qu'on pêche autour
de Duslen dans lé canal, près des Péerres aveugles, sont brunâtres ! et
leur tunique, le plus souvent un peu villeuse, agglutine dans toute son
étendue quelques-uns des grains du sable léger que transporte l’eau.
On rencontre fréquemment cette petite espèce ainsi couverte com-
plétement de sable au milieu d’une autre petite Ascidie mais com-
posée, recouverte également de sable, et qui extérieurement lui
ressemble entièrement. Quand on a acquis une certaine habitude,
au toucher seul on ne s'y trompe pas. La Molgulide se contracte et
offre sous le doigt, à la pression, une résistance que ne présente pas
l’Ascidie composée. Celle-ci ést extrêmement abondante, tandis que
la Ctenicelle est relativement rare.
Aux Pierres aveugles j'en ai trouvé des échantillons fort beaux et
d'une teinte claire. |
A Bréha, entre Roc-Louet et les Rooh, elle se trouve aussi sous les
pierres. |
Près de Crozon, dans l’anse de Morgate, je l'ai rencontrée avec
une taille peut-être plus grande que dans toutes les autres localités,
adhérentes aux roches, dans le voisinage des grottes.
Sous les pierres de Per’Haridi, il ne m'a point été possible de la
rencontrer avant les mois de juillet et la fin de juin. Je l'ai cepen-
dant trouvée à Bréha dans le mois de mai; c’est vers le 15 d'août que
je l'ai eue à Morgate.
Elle est loin d’être rare, mais elle est bien moins fréquente sur les
Cynthia rustica que sur la Molqula echinosiphonica. C'est surtout sous
les pierres qu'on a le plus de chance de la trouver abondamment;
pourvu qu'elle habite une localité, elle y est fréquente.
Sous le fortin de Per'Haridi au sud-ouest, on trouve quelques
flaques d'eau qui rarement cessent d'exister à marée basse. Aussi, le
dessous des pierres quis”y rencontrent y est-il couvert d’Ascidies com-
posées nombreuses et variées, de Botrylles, de Didemnum, d'Eponges
et de tubes d'Annélides, de Spirorbes, Serpules, Filigranes, etc.
C'est là que la Céenicella Lanceplaini à été trouvée pour la pre-
mière fois. Elle n'y est pas rare, seulement il faut savoir la chercher
Voir Arch. de zool. exp. et gén., pl. XXIIL, fig. 1, c, Ctenicella Lanceplaini atta-
chée à une tige de Cystoreris.
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616 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
pour en avoir des échanüllons, toujours du reste assez difficiles à
obtenir intacts.
Après avoir tourné une pierre dans cet endroit propice, on ne dis-
tingue rien immédiatement. Il faut attendre que la surface de la
pierre se soit un peu égouttée et que le brillant général que donne
l'eau se soit éteint; alors, en inclinant légèrement la tête pour
regarder obliquement, on voit de tout petits points brillants qui
répondent à la partie lisse et bombée de la tunique de l'animal. L’at-
tention une première fois éveillée sur cette particularité d’observa-
tion, on reconnaît bientôt dix, quinze, vingt individus sous une
même pierre.
Reste à détacher la Molgulide ; la chose n’est point aisée, Il faut
gratter le rocher en évitant d'entamer la tunique.
Le cas le plus heureux pour avoir les échantillons intacts est celui
où ils se sont fixés sur des Ascidies composées ou autres animaux ;
alors on est assuré, en enlevant ceux-ci, de respecter ceux-là. C'est
ainsi que j'ai eu des lames de Botrylles, portant plusieurs Ctenicelles,
qui s’épanouissaient parfaitement, car elles étaient absolument sans
blessures.
Sur les fucus, dans le canal, la Ctenicelle est rare, et sur les Cyn-
thias elle est difficile à voir. On ne l’y distingue habituellement que
par les préparations anatomiques; elle est en effet fort difficile à
reconnaitre par l'examen de l'extérieur seul au milieu des autres
espèces lorsque les individus ont même taille.
SYNONYMIE.
Est-il possible de rapporter la Ctenicella Lanceplaint à l'une des
espèces déjà décrites par les auteurs ?
La Mol. nana, du professeur Kupffer‘, a le bord du raphé posté-
rieur lisse. [ci, c’est un caractère inverse qui se rencontre : la marge
libre de ce repli est dentelée en scie. Il n’est donc pas possible de
réunir ces deux espèces en une seule.
Les espèces américaines signalées dès le commencement de ce
travail sont toutes de grande taille et ne semblent pas offrir les ca-
ractères de notre genre et de notre espèce.
Reste la Mol. complanata, de Hancock, qui, à certains égards, se
1 Voir KuPrFrER, loc. cit. pag. 294, fig. 10.
COR ER RÉ nne dé
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 617
rapproche de l'espèce, mais dont la description me semble insuffi-
sante pour arriver à réunir les deux.
On va juger, une fois de plus, combien il est nécessaire d’avoir
sous les yeux les détails et les dessins des particularités caractéristi-
ques indiquées par les auteurs pour pouvoir arriver à des détermi-
nations inattaquables.
Voici la diagnose donnée par M. A. Hancock :
« Corps très déprimé, plus long que large, adhérent par toute sa
longueur, couvert de sable et de petits fragments de coquille. Ouver-
tures séparées par une petite distance : la branchiale vers la marge,
l’anale vers le centre du disque. Tunique plutôt mince, couverte de
longues et simples fibrilles auxquelles le sable est attaché. Surface
inférieure très mince et unie, avec seulement quelques grains de
sable. Manteau transparent, faiblement attaché à la tunique ; muscles
puissants, radiés autour des ouvertures. Filaments tentaculaires sim-
plement pinnés. Sac branchal avec six plis sur le côté droit et sept
sur le côté gauche. Les mailles, grandement convolutées. Canal
intestinal formant une simple et longue circonvolution ; foie d’un
vert pâle, plissé et laminaire. Organes reproducteurs formant une
masse oblongue, ovale de chaque côté ; celle du côté droit placée
immédiatement au-dessous de la circonvolution de l'intestin. L'ovi-
ducte tourné du côté postérieur. Longueur, 3 dixièmes et demi de
pouce.
«Nous avons vu seulement un spécimen de cette espèce très carac-
térisée. Il était adhérent au-dessous d'une coquille morte de Patella
vulgata, draguée à Guernesey par M. Jeffreys et le rév. A. Norman
en 1865.
« La forme déprimée et la large surface d'attache de cette petite
Molgula sont des caractères très peu habituels dans ce genre. Une
autre particularité se remarque dans la position renversée de l’ovi-
ducte 1.»
Il n'y a que peu de caractères qui puissent permettre de rappro-
cher notre Ctenicella Lanceplaint de la Molgula complanata de Han-
cock. Ge sont : la fixation par une large base et la direction de
l’oviducte.
Qu'on ne l’oublie pas, Hancock pose l’Ascidie différemment que
nous. Ce qu'il dit être postérieur est justement antérieur pour nous.
! Voir Hancock, loc. cit., p. 366.
618 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Faut-il reconnaître dans cette direction de l’oviducte un caractère
exclusif et qui puisse permettre de rapprocher la Mol/qula complanata
de notre Ctenicelle ? Je ne le pense pas, puisque ces espèces ne sont
pas les seules présentant ce caractère.
Le nombre des méridiens offre, d'après l’auteur anglais, une
particularité qu'il est nécessaire de ne pas négliger. Six plis s’ob-
servent d'un côté, sept de l’autre, dans la A. complanata, tandis
qu'ici nous avons donné comme caractères de notre espèce l'existence
de sept méridiens, l’antérieur étant extrèmement petit et représenté
seulement par une ou deux côtes. Il y aurait donc entre les deux
espèces une différence marquée dans la composition de la branchie.
Mais Hancock ne parle pas des dents, des lobes ou festons des
oscules. Il n'indique pas davantage comment se terminent les méri-
diens en haut vers la bouche, où on a vu que chaque côté dépasse
le méridien et forme une pointe saillante ; enfin, pour les orifices
mâles, il est encore muet. Cependant, bien souvent, il y a un carac-
tère important tiré des rapports des orifices mâles et des orifices
femelles ; et comme nous allons rencontrer une autre espèce offrant
également l'ouverture de l'orifice génital en avant, cette indication
relative à la position de l’orifice femelle ne suffit pas.
Le caractère tiré de la circonvolution des trémas ne me paraît pas
avoir de valeur, car, dans plus d’une espèce étudiée précédemment,
on a vu ces fentes branchiales être contournées souvent très gra-
cieusement autour des bases des infundibulums.
Jé crois donc qu'on doit faire une espèce pour cet animal et le
placer dans le genre Cfenicella. Je l'ai dédiée à celui qui, le premier,
l’a trouvée sous Per Haridi, ainsi qu'au milieu des algues du canal,
près de Duslen.
J'ai visité Roscoff pour la première fois en 1868. C’est à cette époque
que je découvris les embryons anoures des Ascidies. En 1869, j'avais
commencé àrecueillir les espèces des Ascidies simples, eten 1870, alors
maître de conférences à l'Ecole normale supérieure, j'avais guidé sur
les grèves de Roscoff quelques-uns de mes élèves de cette école qui se
destinaient aux sciences naturelles; je leur avais montré non seule-
ment comment on cherche les animaux marins, mais encore je leur
avais fait recueillir la plupart des animaux que je décris aujourd'hui.
Si les faits que j'indique étaient mis en doute, puis-je eroire quil
me serait possible d’invoquer les souvenirs et la bonne foi de quelques-
uns d’entre eux ?
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 619
Je tiens peu à faire une espèce nouvelle de plus, mais j'affirme
que les espèces d’Ascidies simples que je décris dans ce travail ont
été déterminées par moi le premier à Roscoff, je suis donc en droit de
nommer les espèces que j'ai trouvées dans cette localité.
Depuis 1860, époque de mes recherches en Afrique sur le corail,
l’ancien marin Pierre Lanceplaine m'a toujours accompagné dans
mes voyages, et depuis bientôt vingt ans son dévouement pour moi
ne s’est jamais démenti un instant.
Il m'en a donné de nouvelles preuves dans la Méetr et douloureuse
maladie que j'ai contractée pendant mes recherches à la mer; les
soins affectueusement dévoués dont il n’a cessé de m'entourer surtout
pendant les deux cruelles années de maladie, 1877 et 1878, m'ont
prouvé que, du moins, je puis compter sur quelques attachements
sincères.
Je lui dédie cette espèce, parce que le premier il l’a trouvée et je
suis heureux d’avoir cette occasion de le remercier de son dé-
vouement. |
VARIÉTÉS.
L'étude de la branchie de la Cfenrcella Lanceplaini ne laisse pas que
de donner quelque embarras. Quand on fait des déterminations on
trouve en effet trois dispositions qui, au premier abord, paraissent
caractériser trois espèces.
Que l’on compare les trois figures 9, 40 et 11 de la planche XXII,
et l’on remarquera d'importantes différences dans la grandeur, la
forme et les rapports des trémas. Ces différences me semblent suffi-
santes pour faire admettre trois variétés.
Variété a. — C'est la première qui a été décrite; les trémas sont
circulaires, réguliers, et leur centre de coordination est placé sous les
méridiens ; mais dans les fuseaux interméridiensils sont interrompus
par une bande de tissus qui est à égale distance en haut et en bas
des parallèles, fort distincts, entre lesquels sont enfermés les cercles
des bases infundibulaires.
Aussi les trémas ne mesurent-ils que la moitié tout au plus de
l'étendue qui sépare deux parallèles.
C'est la forme la plus commune, la plus habituelle et presque cer-
1 Voir Arch. de zool. exp. ef gén., pl. XXILL, fig. 9.
620 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
taine chez les plus gros individus trouvés soit sur les Algues, soit au
milieu des Cynthies des grottes.
On peut la désigner, sans attacher plus d'importance que n’est
besoin à cette distinction, par le nom de Cienicella (Lanceplaini)
intersecla.
Variété 61. — La deuxième variété est assez fréquente ; son carac-
tère a été dessiné dans la planche relative à cette espèce : on la re-
connaît très vite, pourvu que la branchie soit suffisamment étendue
et bien préparée, car, sur les animaux contractés, ces différents ca-
ractères ne se reconnaissent qu'avec difficulté. Les trémas sont très
petits et très éloignés les uns des autres; la membrane fondamentale
est comme percée çà et là de très petites fentes ou boutonnières ;
les parallèles sont bien évidents et établissent une démarcation
entre les trémas divers, qui s'’ordonnent cependant entre eux de
facon à laisser deviner des courbes dont les centres sont sous les
méridiens, dans lesquels existent des infundibulums peu visibles.
Les méridiens sont fort peu saillants et développés ; le dernier sur-
tout, au voisinage du raphé antérieur, est représenté par une simple
côte.
On peut nommer cette espèce, pour la distinguer par une épithète
simple : Ctericella (Lanceplaint) nacrotema.
Variété %*. — Enfin, la troisième variété offre une disposition des
plus élégantes, que je n'ai rencontrée que sur les échantillons fort
petits, fixés sous les pierres de Per’Haridi. Les trémas, en croissants,
s’enlacent par leurs extrémités et décrivent des spirales dont les
sommets se cachent sous les méridiens, qui sont plus grands que
dans la variété précédente, mais aussi bien plus petits que dans la
première forme. Ils donnent une apparence générale à la branchie
fort élégante et très lisible.
Cette variété mérite bien le nom, d’après cette disposition, de
Ctenicella (Lanceplaïni) eugyranda ; en effet, ses trémas tournent élé-
gamment en laissant l'impression d'une vague spirale. |
Quand on compare ces trois variétés des branchies, on est tenté,
‘ Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIII, fig. 10.
? Voir de td. id., fig. 11.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 621
comme je l'ai été bien des fois, je dois le dire, de faire pour elles des
espèces distinctes. Mais alors, dans quel genre les placer, si les diffé-
rences qu'elles présentent avaient une valeur réellement spécifique ?
Le caractère des dentelures des orifices aurait pris une valeur trop
grande, etje me serais vu forcé de multiplier les coupes génériques.
D'ailleurs, il était fort difficile de trouver une distinction assez abso-
lue entre les différents individus pour pouvoir admettre des espèces.
Car la disposition particulière de l'ouverture des conduits excréteurs
de la glande femelle serait devenue un caractère générique, et dès
lors on se trouverait entrainé beaucoup trop loin par cette sépara-
tion, et le morcellement des genres en sous-genres n'aurait plus de
limites.
Mais il est une question qui se pose d'elle-même. Ces différences
organiques des branchies ne seraient-elles pas en rapport avec l’âge
et le degré de développement des animaux? Je l’ai pensé d’abord
pour les variétés à et'y; car bien des faits relatifs au développement
de la branchie et à la formation des trémas prouvent qu'à ses diffé-
rentes phases d'évolution, l'organe respiratoire présente des va-
riations tout aussi grandes que celles que l’on rencontre entre des
espèces distinctes. Mais il s’est toujours trouvé que les individus
offrant les formes caractéristiques des variétés avaient leurs organes
de la reproduction développés, condition qui peut conduire à penser
que la forme des branchies appartient à un état voisin de l’état
adulte, si ce n’est à cet état lui-même.
Il resterait d’ailleurs cette difficulté que la variété 6, avec ses petits
trémas (microtrema), atteint souvent la grandeur de la première variété
et, dans tous les cas, ne présente pas, malgré .encore la petitesse des
fentes branchiales, d’analogie avec les animaux dont les branchies
sont mcomplètement formées chez les très jeunes individus.
D'un autre côté, si l’on acceptait la direction des canaux excréteurs
de l'ovaire comme fournissant un caractère genérique, on arriverait
à multiplier, plus qu'il n’est utile, les distinctions des genres, et il
deviendrait nécessaire alors de donner une importance qu'ils ne me
paraissent pas avoir à quelques caractères que l’on doit signaler,
mais qu'on ne peut placer au premier rang.
En résumé, la Ctenicella Lanceplaint est une espèce parfaitement
caractérisée, mais ayant dans sa branchie des différences justifiant
la distinction des variétés.
Il est enfin incontestable, d'après l'existence mème de ces variétés,
622 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
que la branchie, dans les différences qu'elle présente, ne peut fournir
les caractères de premier ordre pour l'établissement des genres dans
la famille des Molgulidés ; car, dans une même espèce, on rencontre
incontestablement des différences qui, si elles étaient seules considé-
rées, prendraient une importance qu'elles n'ont pas quand on les
rapproche des autres dispositions organiques.
Il m'est arrivé bien des fois de montrer des préparations très
réussies des trois variétés que je viens de décrire, et l’on a souvent
répondu à ma demande, si c'était la branchie d'une seule et même
espèce, que ces préparations appartenaient à des genres distincts.
On a, dans l'exemple de cette Ctenicelle, une preuve nouvelle de
la nécessité de faire intervenir l'étude de tous les organes dans l’éta-
blissement d’une espèce et surtout d'un genre, et non l’un des or-
ganes le plus en évidence, comme cela a été fait bien souvent, ce qui
a conduit à des genres qui n’ont aucune valeur et qui n'existent pas.
9° ESPÈCE.
CTENICELLE DE MORGATE. CTENICELLA MORGATÆ (n. SPp., H. DE L.-D.).
Arch. de 30ol. exp., vol. VI, pl. XXIV.
Cette espèce est intéressante ; elle est parfaitement caractérisée.
Je l’ai trouvée à Morgate, où, sans être rare, elle ne m'a pas paru
très abondante.
Je dois dire que lorsque je l'ai trouvée au mois d'août, par une
grande marée, il plut pendant toute l’excursion, et les recherches des
animaux pendant les rafales et la pluie sont toujours bien moins
fructueuses que par le beau temps; l'eau douce qui recouvre les ami-
maux incessamment les fait contracter, et la couche de liquide qui
les baigne s'oppose à ce qu'il soit possible de les reconnaître aussi
facilement. Elle pourrait dont être plus fréquente que je ne puis le
dire après une seule excursion.
CARACTÈRES.
Extérieur!.— La forme de cette espèce n’a rien de particulier. Les
individus vivent rapprochés et fixés par le bord antérieur de leur
corps; les deux orifices, assez éloignés, sont du côté postérieur. L'ap-
1 Voir Arch. de 2001, exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig, 41.
Pau cmt a va
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 623
parence est celle de toutes les Molgulidées fixées et couvertes de
sable; elles ont les orifices en haut, et leur couleur générale est celle
que leur donne le fond sablonneux de la localité où elles habitent.
La teinte seule des oscules prend un caractère propre.
L'un des plus grands échantillons recueillis avait suivant son grand
diamètre 2 centimètres et demi, près de 3 centimètres.
Orifices. — Les tubes n'ont pas une grande longueur sur les ani-
maux vivants et bien épanouis ; on voit la couronne des festons s’éle-
ver à quelques millimètres au-dessus du globe du corps ; le pourtour
des festons est dépourvu de villosités et par conséquent de sable.
Observés normalement quand ils sont bien épanouis, les orifices
sont très régulièrement festonnés et infundibulaires. Les festons, ai-
gus et bien saillants, sont séparés entre eux par une échancrure an-
gulaire très nette !.
Il n'y a pas de points colorés oculiformes dans les angles ; mais
une bande étroite d’un jaune pâle, jaune de Naples un peu foncé,
descend vers le fond. Aux deux orifices, les angles ou festons pré-
sentent cette même couleur, qui diminue en s’avançant vers le fond
de l’orifice et se continue ainsi en une délicate bandelette.
Les dentelures caractéristiques du genre sont extrêmement
faciles à voir et à constater sur les animaux vivants. On en trouve
trois à chaque feston de l'orifice inspirateur, et sept aux festons
de l’orifice expirateur.
Le diaphragme * de l'orifice expirateur est très développé, si bien
que, dans les animaux conservés dans les liqueurs, on voit deux lobes
bombés séparés par une fente un peu plissée sur ses bords rap-
prochés et fermant complètement la lumière du canal. Le repli
semble échancré en avant, tandis qu’en arrière une petite saillie
médiane le prolonge sur la face antérieure de ia partie postérieure
du manteau comme un petit tubercule pointu.
La longueur des tubes est assez grande quand on les a dépouillés
de leur tunique. Le postérieur ou expirateur est à coup sûr plus
long * que l'inspirateur, et, sur quelques individus, il est possible de
trouver quelque ressemblance avec ce qui a été indiqué chez l'Anu-
rella solenota. Si l'on ne voit pas le caractère sur l'animal vivant, cela
tient évidemment à l'épaisseur de la tunique.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 1 ,4et5.
? Voir id., id., pl. XXIV, fig. 7, Va.
3 Voirid., id., fig. 2 et 3, animaux dépouillés de leur tunique.
624 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Les {entacules sont, dans les animaux vivants et bien épanouis, très
longs et grêles; ils sont recouverts, du côté de la cavité branchiale,
par une matière colorée qui paraît blanc rougeûtre par réflexion et
noirâtre par réfraction, et qui les fait se dessiner au-dessus du fond
noir obscur de la cavité !. Comme le diamètre de l'orifice est grand,
ils s’allongent beaucoup et paraissent comme des filets grêles blancs,
s’entre-Croisant dans la lumière de l'entrée de la branchie. La tige
centrale * est longue et doublée sur son dos par une partie membra-
neuse transparente peu bouillonnée; les filaments latéraux présen-
tent sur leurs côtés à peine quelques petits tubercules ; entre eux
s'élèvent, de petites papilles non branchues. On peut donc dire que
les tentacules sont bipinnés, mais que les pinnules de second
ordre sont fort peu développés.
On compte à peu près douze tentacules grands, égaux, et autant
de petits alternant avec les premiers ; mais deux de ces derniers, les
plus voisins du raphé postérieur, sont presque égaux aux plus grands.
Branchie. — La cavité de l'organe respiratoire est grande et bien
disposée, son observation est facile.
On y compte sept méridiens de chaque côté, parfaitement symé-
triques.
Les deux antérieurs ne présentent que deux côtes et sont bien
moins développés que les autres.
Les deux postérieurs offrent une particularité importante à indi-
quer : ils sont de longueur fort différente ; l’un à droite est beaucoup
plus court que celui de gauche, et les rapports avec le raphé sont
bien différents de ce qu'ils sont habituellement, ainsi qu’on le verra
à propos de ces derniers organes.
Les énfundibulums sont unis deux par deux et sont très faciles à
lire. Les côtes, au nombre de trois d’une façon assez constante,
n’ont pas une grande élévation et limitent, avec les bandes parallèles,
des espaces carrés assez réguliers au nombre de deux, dans lesquels
on voit les deux moitiés d'un infundibulum. Dans le carré voisin du
bord libre se trouve la terminaison de l’infundibulum en forme de
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 4, B. On voit dans le
fond noir de orifice comme un réseau blanc qui se trouve au-devant du cercle noiï-
râtre sur lequel ils se dessinent.
2 Voir id., id., fig. 10. La teinte rouge de l’axe central est un peu trop forcée,
$ Voir id., id., fig. 12.
|
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 625
dôme un peu conique, toujours indépendant au milieu de la cage
formée par les baguettes ou côtes.
Les trémas! de la partie interméridienne présentent une disposi-
tion particulière qui ne peut manquer de frapper, car elle prouve
combien les formes sont peu corrélatives alors que tout devrait faire
supposer qu'elles sont en rapport les unes avec les autres. On compte
environ de huit à dix trémas dans l'étendue d'un fuseau interméri-
dien entre les bases des infundibulums de deux méridiens voisins; ils
sont à peu près parallèles entre eux et presque droits, à peine un peu
courbés vers leurs extrémités, qui s’approchent des bandes ou vais-
seaux parallèles.
Mais un caractère constant, bien différent de ce qu'on a déjà vu
ailleurs, est celui-ci : les trémas ont la longueur de la moitié de la
base d’un infundibulum et ne sont point divisés, de sorte qu'ayant
deux méridiens voisins renversés à droite et à gauche devant soi, on
trouve une série de fentes à peu près d’égale grandeur allant d’un
infundibulum à l’autre et formant une grille fort régulière, à ba-
guettes parallèles aux méridiens. Je n’ai vu cette disposition dans
aucune autre Molgulidé. |
Les trémas des infundibulums sont, de même, parallèles aux
côtes et sont, toutes proportions gardées, très grands ; car on n'en
compte, pour chaque moitié d'un infundibulum, que trois ou quatre ;
ils ont du reste la même largeur que ceux de la bande interméri-
dienne, dont ils sont évidemment la continuation. Dans plus d'un
endroit de la branchie, ils s’inclinent un peu, et devenant presque
obliques, ils paraissent s'élever vers le sommet en décrivant quelques
tours d’une spirale oblique et lentement enroulée.
Les infundibulums sont en définitive doubles, bifurqués ; mais la
bifurcation est si près de leur base, qu'ils paraissent géminés et rap-
prochés deux à deux.
Ce sont les vaisseaux qui produisent les très régulières lignes trans-
versales que nous nommons les parallèles ; mais une disposition spé-
ciale à l'espèce et très constante est celle-ci : du sommet même du
cône de l’infundibulum, près du bord libre du méridien, descend un
vaisseau placé sur la face postérieure ou externe de la branchie qui
coupe perpendiculairement les trémas de l’infundibulum et de l’es-
pace interméridien. On voit ce filament grèle et délicat marcher pa-
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI V, fig. 12.
ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, æT,. VI. 4877. 40
626 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
rallèlement et à égale distance des vaisseaux séparant les infun-
dibulums. L'histoire des têtes supérieures des méridiens se rapporte
à celle des r'aphés.
Lé raphé antérieur‘ est bien développé, mais il s'arrête loin de la
bouche, ét le cordon qui descénd de son sommet pour se rendre
dans le déssous de l'entrée buccale, décrit une courbe régulière au-
dessous dé cet orificé ét donné insértion aux six Cordons nés dé la tête
des six méridiens antérieurs gauches. Ces cordons, terminant les mé-
ridiens, sont longs et bien détachés ; ils sont d'autant plus longs
qu'ils sont nés sur les méridiens les plus antérieurs.
Mais il faut le noter, car c’est un caractère assez rarë pour qu'il
soit utile d'insistér : la tête du premier méridien postérieur droit
n'a pas de Cordon, et, par conséquent, ést tout à fait sans rapport
immédiat avec lé raphé antérieur.
Le raphé postérieur * n'a pas une disposition moins curieuse, D'une
taille médiocre cominé hauteur, il s’avance jusqu'auprès dé la bouché
vérticaléent, puis se porte à gauché ët décrit une courbe à conca-
vité tournée vers la droite, én laissant parfaitement libre la tête du
premier méridien postérieur droit, qu'il entoure; son bord se découpe
en dents dé scie très évidentes, puis sé continue én un Cordon qui
remonte jusqu à la tèté du prémier méridien antérieur, en rece-
vant sur son trajet les prolongements des têtes de tous les autres
méridiens:
Les têtes de ceux-ci portent à peine quelques épines, une ou deux
peu accusées, et ne présentent pas la disposition qu'on à vue dans la
Cienicella précédente.
Il y a en résumé, et comme on vient de le voir, une série de carac-
tères très positifs dans l'organisätiôn de là branchié, à laquelle évi-
demment il faut attacher une grande importance.
Enfin le fond du raphé antérieur”, tout près de la couronne tenta-
culäire, présente sur les côtés quelques papilles saillantes comme
l’on en a vu sur la même partie de la Molqula socialis;
Tube digestif. — La bouche présente bien le croissant supérieur
1 Voir Arch. de zool. exp. el gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 6, Région buccale mon-
trant la termindison dés méridiens et des raphés; Ra, filet descendant du méridien
antérieur:
2 Voir id., id., fig. 6, Rp.
3 Voir id., id., fig. 12.
# Voir id., id., fig. 3 et 7.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 627
allant de droite à gauche et de haut en bas, mais le croissant imfé-
rieur né se reconnait pas aisément. Si dans la description de cet
orifice on fait rentrer la terminaison des méridiens et des raphés,
on voit, se rapportant à cette partie, une série de caractères d’une
indiscutable valeur.
L'estomac et le foie ne sont pas très développés ; à droite, le foie
est entièrement détaché de la branchie et s’insinue par conséquent
entre les lames du manteau.
L'entestin! est long, et l’anse qu'il décrit descend fort bas, au ni-
veau de l’origine du tube inspirateur. Le corps de l'animal étant pres-
que sphérique, l'intestin s’avance très près de la limite antérieure et
laisse en arrière, entre la base du tube expirateur ét lui, un grand
espace occupé par les glandes génitales.
Il faut observer aussi que, vers le sommet de l’anse, les deux par-
ties de l'intestin ne se touchent pas ?.
Les vermicelles sont bien formés dans toute la longueur de l’intes-
tin, et l’on ne voit pas de manchon glandulaire vers la première moi-
tié de l’anse.
L'anus* est libre de toute adhérence; habituellement le rectum,
dans son voisinage, se ressérre et l'orifice paraît entouré d’un bour-
relet. Ce bourrelet est aplati ainsi que la fente, et l’orifice semble
bilabié.
L'organe de Bojanus! est très-différent de ce qu'il est habituelle-
ment; il est fort petit, court, un peu courbé, et ne mesure guère
plus que le tiers de la grandeur du diamètre transverse ou petit dia-
mètre de l’ovoïde ; il est au-dessus de la moitié inférieure du corps
et incline de 45 degrés sur l'axe vertical. Son extrémité inférieure
est à peu près au milleu de la surface du corps.
La grande différence est dans les rapports que présentent le rein et
l'organe génital. Ordinairement, celui-ci à sa limite supérieure
convexe, et cette convexité vient se placer dans la concavité de la
courbe de l'organe rénal, en laissant entre les deux parties une cavité
destinée à loger le cœur.
1 Voir Arch. de 2001. exp, et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig, 2, à,
? Voir id., id., fig. 7, t.
3 Voir id., id., fig. 7, a.
#, Vois 44., id., ee 3, À.
628 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Ici, rien de semblable ne s'observe : l'extrémité inférieure du rein
est tout simplement tangente au bord convexe de la masse génitale.
Nous aurons à revenir à propos des organes reproducteurs sur
cette disposition, qui est exceptionnelle.
Le contenu du rein est rougeûtre et sa concrétion varie évidem-
ment beaucoup avec l’âge des animaux.
Cœur. — Par la position du corps même de Bojanus, on peut voir
que le cœur est éloigné de la masse viscérale, et, par conséquent, que
l'aorte splanchnique doit être assez longue.
Le tissu du corps et le manteau ne présentent rien de spécial.
Les muscles des deux tubes ou orifices sont forts, et l’on voit les
fibres circulaires descendre assez bas autour de la base des tubes.
Les fibres longitudinales sont de même très marquées, et les siphons,
quand on les observe chez les animaux conservés, paraissent charnus
et robustes. | |
La tunique? est épaisse et couverte de fibrilles agglutinantes fixant
le sable à sa surface ; elle reproduit exactement toutes les disposi-
tions de la face externe du manteau, et surtout des orifices. La temte
jaune de ces derniers est dans la couche externe du manteau et
parait par transparence.
Le ganglion nerveux est à droite, allongé, parallèle au côté droit
de l’angle d'origine du raphé postérieur*. Cet angle est aigu et son
somméêt remonte assez haut. Les lèvres du cercle péricoronal sont
rapprochées, serrées, et, par leur réunion, forment un cordon demi-
cylindrique. La lèvre supérieure gauche de ce cordon remonte assez
haut, de sorte qu'à son origine le raphé postérieur est doublé d’une
seconde membrane. |
La glande voisine du ganglion est cachée derrière l'organe vrbra-
tile*. Celui-ci est à peu près sphérique, arrondi, et tout au plus un
peu déprimé sur son bord gauche.
Sa couleur est un peu bistrée et il est tacheté de points rouge-
brique peu distincts.
1 Voir drch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXI V, fig. 2, R.
2 Voir id., id., fig. 1. Groupe de trois individus soudés entre eux et fixés sur un
tube d’Hermelles. Grandeur naturelle, dessiné sur nature à Crozon.
3 Voir id, id., fig. 8, Rp, raphé postérieur; l'organe a été renversé par erreur et
n’est pas dans la position qu’on a toujours représentée.
* Voir #4. ,41.,Me,8.V:
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 629
Sa fente présente un caractère très particulier. Elle est contournée
en & placé horizontalement et dans le milieu de la surface. Elle
est obscure et paraît noirâtre; les bandes ou lèvres qui la limitent
sont blanchâtres. À
Si cette disposition n'est pas un effet de la contraction, ce que j'ai
peine à croire, il y à là un caractère très certain de l'espèce et que
pas une Molgulide précédemment étudiée n'a encore présenté. On
ne voit point ici la forme en croissant si habituelle.
Reproduction. — Les organes de la reproduction ont des rapports
et des formes toutes particulières. Par l’un de leurs caractères, ils
ressemblent à ceux de la Cfenicella Lanceplaini.
L'ovaire et le testicule sont fort distincts l’un de l’autre ; l'ovaire
est allongé et courbé ; l'arc qu'il décrit présente sa concavité ouverte
en avant, et sa convexité correspond à peu près à l'intervalle des
deux siphons, à droite comme à gauche ".
Le testicule * est antérieur et supérieur à l'extrémité supérieure de
l'ovaire. Il est arrondi et formé d’une série de petits culs-de-sac unis
par de forts canaux excréteurs, lesquels se réunissent en un seul
canal déférent saillant, qui va s'ouvrir à la face interne de l'ovaire
vers son quart supérieur *. Le canal déférent, en partant du centre du
testicule, se dirige en arrière et en bas.
Quant au canal de l'ovaire, il marche justement en sens inverse
du canal déférent et se porte, en se courbant, d'arrière en avant et à
peu près à la même hauteur à droite et à gauche.
A droite, l’'oviducte et son orifice descendent vers le milieu du
sommet de l’anse intestinale, de sorte que l’on peut se rendre compte
maintenant de la courbure qu'affecte la glande femelle ; à gauche,
l'oviducte, pour atteindre presque la même hauteur qu’à droite, doit
s'éloigner du corps de Bojanus. C'est en effet ce qui arrive ; les rap-
ports habituels des deux glandes sont profondément modifiés dans
cette espèce, comme on peut le reconnaître par l'examen des dessins
qui accompagnent ce travail *.
Les produits des glandes femelles sont donc rejetés à l'opposé de
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 2 et 3. O, ovaire; T, tes
ticule.
2 Voir id., id., T, T.
3 Voir id., id., fig. 7, T, T, testicule.
* Voir id., id., surtout la figure 7, où l’on voit bien nettement que les oviductes
se dirigent en avant, c’est-à-dire à l’opposé de l’orifice expirateur Va.
630 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
l'ouverture de l'orifice expirateur, qui, on l’a vu, se trouve largement
diaphragmé. Ces conditions d'ouverture, surtout de la glande femelle,
peuvent faire prévoir, ce qui existe en effet, une incubation des
jeunes dans la cavité péribranchiale.
Les embryons sont urodèles' ; mais déjà, dans la cavité péribran-
chiale, ils commencent à pousser les prolongements ou villosités
destinés à les faire adhérer aux corps étrangers ou à leur faire fixer des
grains de sable. On les voit frétillant encore, ayant de chaque côté
de leur queue une papille transparente ?. On distingue aussi leur
point oculiforme noir, qu'ils conservent encore après avoir perdu
leur queue. Un fait aussi très remarquable, qui prouve combien toutes
les théories inventées par besoin de démonstration d'opinions erro-
nées ont peu de valeur, c’est qu'on trouve dans le cloaque de cette
espèce de nombreux individus dont l’incubation a été assez longue
pour qu'ils aient perdu complètement leur nageoire caudale, et cela
avant de sortir. Si donc cet appendice locomoteur avait pour but de
permettre aux animaux de chercher une place propice à leur fixation,
on ne comprend pas pourquoi ils perdraient cet appendice avant leur
sortie du corps de la mère et juste au moment où ils vont en avoir
besoin, car, rejetés;hors de celle-ci sans leur organe natateur, com-
ment pourraient-ils aller à la recherche du lieu où ils doivent se fixer?
STATION.
J'ai trouvé cette espèce seulement à Morgate, près de Crozon, dans
la mer de Douarnenez. Je ne l’ai trouvée ni sur les différentes plages
de Bréha, ni dans mes très nombreuses excursions sur les grèves de
Roscoff.
Elle m'a paru vivre assez bas et ce n’est que dans les grandes ma-
rées, au pied des roches qui sont voisines des grottes remarquable-
ment belles de la baie de Morgate, que je l'ai trouvée dans le mois
d'août. C’est au milieu de Cynthia ou de Molgules et d’Anourelles, qui
ont été décrites plus haut, qu'elle se fixe. On ne peut naturellement
la reconnaître que lorsqu'elle s'épanouit. Ses orifices, pectinés et
jaunâtres, la font aisément reconnaître.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXIV, fig. 9.
? Voir id., id., embryon a, on voit de chaque côté de la queue une vésicule v, qui
deviendra une villosité, déjà grande dans l'embryon €, qui n’a plus de queue.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 631
SYNONYMIE,.
Trois caractères rapprochent cette Ctenicelle de celle que nous
avons étudiée déjà. Ce sont la présence des dents sur les lobes des
festons des orifices, ainsi que sur le bord libre du raphé antérieur,
tout près de la bouche; enfin, la courbure et l'ouverture en avant de
l'oviducte.
Mais il faut bien reconnaître que la disposition des trémas est en-
tièrement différente dans les deux cas, et qu'il suffit de voir un lam-
beau de la hranchie de chacune de ces espèces pour reconnaître
qu'elles sont distinctes !.
Parmi les espèces décrites, une seule pourrait à certains égards
être rapprochée de la Céenicella Morgatæ, c'est la Molqula inconspt-
cua de Hancock.
Nous reproduirons iei la description du naturaliste anglais afin de
faciliter la comparaison :
Molqula inconspicua (Alder et Hancock”?),
Corps globulaire assez ferme, couvert de sable et de coquilles ; non
fixé.
Ouvertures rapprochées.
Tunique (test) souple, revêtue de fibrilles linéaires irrégulières.
Manteau assez épais et musculaire vers la partie supérieure, plus
mince en dessous ; l'intestin paraissant au travers.
Tentacules bipinnés.
Sac branchial avec six plis de chaque côté, les réseaux très légère-
ment convolutés et presque linéaires.
Pl ventral lisse.
Intestin large, s'étendant jusqu'auprès du sommet du sac, deux
fois replié (/ooped).
Foie sombre, d’un vert obscur.
Organes de la reproduction, formant une longue masse elliptique
courbe de chaque côté, dont le bord est divisé en lobules irréguliers,
en dedans de la seconde partie (loop) de l'intestin,
9
jy de pouce.
1 Voir Arch, de z0ol. exp., vol. VI, pl. XXIIL et pl. XXIV, et opposer les figu-
res 8, 9, 10 et 11 de l’une à la figure 12 de l’autre.
2 Voir Hancock, loc. cil., p. 366.
TE: -e
%
62e‘? HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Un spécimen seulement a servi à établir cette note. Il à été pêché
par MM. Jeffreys et le Rév. À. M. Norman, à Guernesey, 1865.
« Cette espèce, moins nettement établie, est remarquable sous le
rapport de l’arrangement presque linéaire de ses réseaux branchiaux,
qui, cependant, conservent une courbure suffisante pour présenter
le caractère du genre auquel elle appartient. Elle est prochainement
alliée à la M. simplex, dont elle diffère par le caractère du réseau
branchial, dejà cité, aussi bien que par des filaments tentaculaires
moins touffus et un intestin plus volumineux *. »
On ne pourrait trouver dans cette description qu'un seul caractère
permettant de rapprocher la A. inconspicua de notre Ctenicelle de
Morgate, ce serait l’arrangement linéaire des réseaux. Ge caractère
suffit-il à lui seul pour établir le rapprochement et la détermination ?
Je ne le pense pas. N'y a-t-il pas des caractères qui différencient très
bien les deux espèces? Ainsi, la A. inconspicua n'a que six méridiens,
la Ct. Morgatæ en a sept. Son raphé postérieur (central plait) est
lisse; ici il est dentelé. Ses glandes génitales forment une longue
masse courbée elliptique; ici nous rencontrons les organes génitaux
certainement les moins allongés.
Sans oublier que des caractères importants signalés dans notre
espèce ne le sont pas dans la description de Hancock, tels que : den-
ticules des festons des orifices, petitesse du corps de Bojanus et rap-
ports exceptionnels de cette glande avec les organes reproducteurs ;
enfin, direction peu ordinaire en avant des oviductes.
Certainement la somme des différences l'emporte de beaucoup sur
la somme des analogies qu'on peut trouver entre les deux espèces.
Aussi, notre Ctenicelle nous paraît-elle nouvelle, et la désignons-
nous par le nom de la localité où elle a été exclusivement rencon-
trée jusqu'ici.
I n’y a donc point de synonymie à établir pour la Céenicella Mor-
gatæ, car dans les espèces américaines aucune des diagnoses ne
s'applique à elle.
1 Voir Hancock, loc. cil., Ann. and Mag., ‘vol. VI, fourth series, 1870, p. 366.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. | 633
32t ESPÈCE.
CTENICELLE APPENDICULÉE. CTENICELLA APPENDICULATA
(H. DE L.-D.).
Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV et XXVI.
Molgula appendiculata, C. Heller, loc. cit.
Cette espèce est superbe.
- Je l’ai eue en cherchant dans les débris de toutes sortes que rap-
portent les pêcheurs de poissons plats de Banyuls-sur-Mer, dans
le Roussillon. C'est en 1866 que je l'ai trouvée pour la première fois.
Si j'introduis la description de cette espèce dans ce travail sur les
espèces des environs de Roscoff, c'est qu'elle offre un intérêt véri-
table et qu’enfin j'espère, après avoir publié les premières recherches
sur les Ascidies simples des côtes de France dans le Nord, pouvoir
aborder l’histoire des Ascidies simples des côtes de la Méditerranée.
CARACTÈRES.
Extérieur. — Cette Ctenicelle est bien certainement la plus grande
des Molgulides décrites, après l'Anurella oculata. Lorsque les pè-
cheurs la rapportent, elle est à peu près du volume d’un petit œuf
de poule.
Sa couleur { est noire, ou d'un gris très foncé ou sépia. Ses villo-
sités ramassent et retiennent les débris divers du fond de la mer, la
vase, mais en petite quantité; de sorte que si safcouleur naturelle
est un peu modifiée par les corps qui la couvrent, cependant on
peut reconnaître que les premières couches de sa tunique sont d’un
bistre très foncé, rappelant la sépia colorée.
J'ai trouvé des individus fixés au dos les uns des autres, en grappe,
ou bien attachés à des Cynthiadés superbes. Ne les ayant vus que
peu de temps vivants, ne les ayant point trouvés en place, il me
serait difficile d'indiquer exactement la position naturelle de l’es-
pèce ; mais on ne voit pas, sur la surface des individus qui sont rap-
portés par les filets, de grands espaces indiquant une large base d’at-
tache; si, de plus, on ajoute que les filets qui les rapportent sont
1 Voir Arch. de zoo. exp. et gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 1.
634 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
traînés loin des rochers sur les fonds sablonneux, les prairies ou les
fonds vaseux où se prennent les poissons plats, on peut supposer
qu'ils ne sont pas habituellement et seulement fixés aux rochers.
Siphons et orifices". — Les orifices sont superbes.
La longueur des siphons est de 2 centimètres pour le tube postérieur,
de 3 centimètres au moins pour l’antérieur. Ces deux tubes se recour-
bent habituellement en sens inverse : l’inférieur en avant, le posté-
. rieur en arrière et en haut; de telle sorte que l'angle qu'ils font entre
eux pendant un grand épanouissement est égal à un droit ou même
le dépasse.
Les siphons sont tous les deux placés assez près, et leur base est
sur la face postérieure du corps ; le siphon branchial n'est donc pas
à l'extrémité du grand axe de l’ovoïde.
À la base, le diamètre du tube antérieur est de 1 centimètre et
demi; quand le corps est bien gonflé, on voit sur ses côtés une .
dépression qui part du sommet de l’angle de séparation des deux
tubes et qui indique leur continuation sous la tunique.
Avant que les orifices soient arrivés à leur entier épanouisse-
ment, les tubes sont couverts de sillons longitudinaux ? remon-
tant jusqu'aux angles, séparant les lobes ou festons des orifices.
Ces sillons se font reconnaître par leur couleur, qui n'est point
masquée par les villosités, car les particules vaseuses ou sablonneuses
qu'elles agglutinent, étant moins nombreuses, laissent voir les par-
ties transparentes de la tunique et la couleur sous-jacente du man-
teau. Arrivés au pourtour des orifices”, les sillons s'élargissent beau-
coup et entourent, en se terminant en pointe, les espaces couverts
de vase, de corps étrangers qui les séparent. Aussi, vus de face et à
moitié entr'ouverts, les orifices paraissent-ils formés de deux cou-
ronnes de festons dont les éléments alternent, les échancrures des
uns correspondant au sommet des dents des autres.
La teinte de la partie des tubes non couverte de particules de sable
ou de vase est différente avec les individus, et il ne paraît pas pos-
sible de faire des espèces distinctes d’après ces colorations.
1 Voir Arch. de 3o0l. exp. el gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 1, 2, 3 et 4.
2 Voir id., id., surtout fig. 1, on voit les tubes inspirateurs comme cannelés.
3 Voir id., td., surtout fig. 2 et 3, elles montrent les parties dénudées de villosités
colorées d’un beau jaune,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 635
Tantôt rouge-brique, tantôt d'un beau jaune, la couleur se mani-
feste surtout pendant l'épanouissement.
Les lobes des orifices sont arrondis, peu saillants, mais bordés de
cirrhes ? longs, grêles, au nombre de cinq à sept pour chaque lobe.
Ces cirrhes, blancs, transparents, s'avancent en manière de peigne
au-devant de la lumière de l’orifice quand l'épanouissement n’est pas
complet.
Voici donc, pour une grande et belle espèce, le caractère du genre
Ctenicelle parfaitement établi.
Les siphons ne m'ont pas paru être complètement rélractiles.
Il n’a pas été possible de voir les fentacules dans l’état de vie et
d'épanouissement; la chose se comprend, puisque les tubes sont
très longs et courhés et que la couronne tentaculaire est à leur base.
Sur les préparations * les tentacules sont longs et grèles ; leur face
interne est couverte d'une couche de granulations de teinte bistrée-
grisàtre ; leur face palléale ou externe est godronnée et son tissu
transparent très délicat ; mais l'épaisseur du tissu de cette partie n’est
pas en rapport avec la longueur des tentacules.
Sur les côtés, les rameaux de premier ordre sont longs, grêles et
de même couleur que la partie rachidienne centrale dont la taille
est due à des corpuscules et granules d’un jaune bistré; ils portent
eux-mêmes de très courts tentacules qui ressemblent autant à de
petits mamelons qu'à de vrais appendices. Ceux-ci peuvent être four-
chus vers leur extrémité, mais il ne serait pas exact de dire que les
tentacules sont trois fois pinnés.
Il faut aussi remarquer que sur les côtes, entre les pinnules de
premier ordre, il y a deux rangées de tout petits mamelons de la
même grandeur que ceux qui bordent les pinnules de premier ordre.
La ressemblance des tentacules de Céenicella appendiculata avec
ceux de Ctenicella Morgatæ est assez complète, aux proportions près.
Le tube postérieur * est muni d’un diaphragme très développé qui
peut fermer toute sa lumière ; coupé ou inséré obliquement, il s'élève
en arrière en deux lobes et présente, en avant comme en arrière,
1 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV. La couleur de cette planche
est assez bien réussie et assez naturelle.
2 Voir id., id.
$ Voir id., id., fig. 6, un tentacule isolé après la préparation; sa forme est fort
caractéristique.
* Voir id., id., pl. XX VI, fig. 5, Va,
636 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
une échancrure médiane qui lui donne, en augmentant la hauteur de
ses lobes, une physionomie toute particulière.
Il est important de remarquer que le caractère du très grand déve-
loppement du diaphragme du tube postérieur s’est constamment
présenté dans toutes les espèces ayant les lobes frangés et apparte-
nant, par conséquent, au genre C'tenicella.
Le tube épidermique qui, du pourtour des orifices, s’avance en
haut et recouvre la valvule, est ici facile à séparer par une macéra-
tion même peu prolongée. De sorte qu'on peut avoir une fidèle
reproduction à la fois du siphon et de son diaphragme valvulaire.
C'est du reste une chose fort constante dans la plupart des groupes
des Ascidies que la présence de ce revêtement intérieur des tubes
inspirateurs par une partie dépendant de la tunique et se réfléchis-
sant à l’intérieur des siphons depuis les festons jusqu'au bas de la
base des tentacules, en avant et en arrière jusqu’à la valvule.
Branchie . — La cavité branchiale de cette belle espèce est grande
et normalement disposée.
. Les méridiens sont bien développés et régulièrement constitués.
On en compte sept de chaque côté, et Les premiers, postérieurs ou
antérieurs, ont des proportions, à peu de chose près, semblables à
celles des autres, ce qui indique que la bouche est relativement élevée. |
Les deux premiers ? en arrière sont plus éloignés du raphé posté-
rieur qu'ils ne le sont des autres, ce qui n’est pas ordinaire, car le
plus souvent ce sont eux qui sont les plus courts ou les moins dis-
tincts sur les côtés du raphé et les plus rapprochés de lui.
Leurs têtes ou terminaisons du côté de la bouche sont saillantes, et
de leur bord libre, faisant suite au bord libre de toute l'étendue du
méridien, part un filet qui descend à droite du premier méridien
antérieur, dont la tête est fort reculée et le filet très long, pour s'unir
en face de chacune des autres têtes avec un des filets venant des au-
tres méridiens et enfin se continuer sur laligne médiane avec le raphé
postérieur.
Ces têtes présentent d’ailleurs les terminaisons de toutes les côtes
assez nettement arrêtées; leur nombre est grand et la disposition fort
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV, fig. 7, 5, et pl. XXVI, fig. 1
et 4.
2 Voir id., id., pl. XX VI, fig. 5, Rp, le raphé postérieur, que l’on voit naturelle-
ment très éloigné des deux premiers méridiens symétriques qui lui sont voisins.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 637
lisible !. On croirait au premier moment qu: !2s têtes supérieures des
méridiens sont dentelées, mais il n’en est rien. Si l’on incline les par-
lies de facon à les voir un peu obliquement, on reconnaît que la fin
de chacune des côtes est légèrement saillante?.
Les deux premiers’ méridiens antérieurs ont leurs têtes fort éloi-
gnées de la bouche, et, par conséquent, leurs filets terminaux beau-
coup plus longs que tous ceux des autres méridiens.
Les côtes sont très nombreuses, et leur disposition rappelle à
quelques égards celle qu'on rencontre dans l'Anurella oculata*.
On trouve six à sept côtes sur la face antérieure comme sur la face
postérieure; mais sur celle-ci elles semblent descendre sur la partie
voisine du fuseau intermédiaire et arriver jusqu’au milieu de l’espace
qui sépare les deux replis *.
Dans la figure qui représente une portion de branchie, les côtes
ont été numérotées : CT pour celle qui longe la base adhérente du
méridien, puis C1, C1, C1, CY pour les quatre qu'on voit sur la
moitié du fuseau.
Elles sont fort nettement accusées, mais elles ne sont pas extrè-
mement saillantes au-dessus de la membrane fondamentale. Elles
forment, avec les parallèles et les vaisseaux analogues, des quadrila-
tères fort réguliers sur les deux faces des méridiens. Cette disposi-
tion constante ferait presque à elle seule reconnaître aisément la
branchie de la Ctenicelle appendiculée.
Les enfundibulums * rappellent aussi, par leur longueur, ce que l’on
a vu dans l'An. oculata. Dans le dessin de la branchie qu'on voit
planche XX VI, le lambeau a été limité à l'espace compris entre deux
parallèles, de sorte que ce ne serait qu'un infundibulum qui occu-
perait tout le segment entre les deux parallèles. Toutefois, vers le
milieu, descend du côté du fuseau un cordon bien développé qui
s'arrête à la dernière côte ; mais à égale distance de lui, on en voit
encore un, de sorte que l’espace est partagé en quatre culs-de-sac
terminés par une calotte arrondie, près du bord libre du méridien.
1 Voir Arch. de 3001. exp. el gén., vol. VI, pl. XX V, fig. 5. On voit sur les têces
des quatorze méridiens chacune des lignes longitudinales représentant les côtes se
terminer régulièrement en formant une rangée de traits bien accusés.
2 Voir id., id., fig: 7.
3 Voir figure de la branchie.
* Voir id., id., pl. XXVI, fig. 1. Cette figure représente un segment de branchie
comprenant deux méridiens et une partie du fuseau intermédiaire; à gauche on voit
la face postérieure du méridien de gauche.
638 HENRI DE LACGAZE-DUTHIERS.
Il faut, je crois, considérer les infundibulums comme divisés en
quatre subdivisions très profondes et dont les séparations remontent
jusqu'auprès de la base même. On ne peut voir évidemment,
dans chacune de ces dépressions, un infundibulum indivis et dis-
ünct.
Les {rémas' paraissent régulièrement parallèles aux côtes, au nom-
bre de trois, quatre ou cinq au plus entre chacune d'elles. De plus,
leur longueur est aussi régulièrement limitée par les parallèles de
premier, de deuxième et de troisième ordre.
Mais, tandis que dans les espaces interméridiens ils sont droits et
réguliers, dans les infundibulums ils sont, au contraire, un peu
obliques, surtout vers l'extrémité, où ils suivent les tours d’une spire
lente et extrêmement régulière ?. Il est difficile de rencontrer une
disposition offrant plus de régularité que celle dont on voit le dessin
dans la planche XXVI, qui a été fait à un faible grossissement et à la
chambre claire. |
Les réseaux capillaires sont riches et irréguliers sur la partie de
la membrane répondant au fuseau intermédiaire; mais, sur les
facés des méridiens, ils sont représentés par un très petit nombre
de vaisseaux ; ainsi, on n’en voit la plupart du temps qu’un seul des-
cendant en ligne droite, depuis le sommet de la calotie terminale
de l’infundibulum jusqu'à la base. On reconnait très clairement
cette disposition dans la figure grossie de l’une de ces calottés *.
Ainsi, les trémas semblent coupés perpendiculairement à leur
direction par une traînée qui partage exactement en deux les quatre
espaces compris entre deux parallèles de premier ordre.
Je prie le lecteur de comparer les dessins de la branchie de la
Ct. Morgatæ, pl. XXIV, fig. 42, et de celle de la Ct. appendiculata,
pl. XXVL, fig. 4 et 4. Il trouvera la plus grande analogie dans la dis-
position des infundibulums, qui dans l’un et l’autre cas sont allon-
gés, et dont les trémas légèrement spiraux sont coupés vers le milieu
de leur longueur par un vaisseau descendant du sommet du cône
terminal vers la base.
Mais on trouvera aussi une grande différence dans la grandeur des
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXV, fig. 1 et fig. 4.
2 Voir id., id., fig. 4. Extrémité d’un cul-de-sac infundibulaire vers le bord libre
du méridien. À
3 Voir id., id, fig. 4. P’ est üñ parallèle ét l’on voit le tréma { coupé par un
vaisseau qui va du sommeten ligne droite à la côte qui est à gauche de l'observateur.
L
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 639
trémas, qui, chose curieuse, semblent être d'autant plus courts,
toutés proportions gardées, qué les animaux sont de plus petite taille.
Le raphé antérieur est cylindroïde, et sa cavité ou gouttière a ses
deux lèvres rapprochées"; le filet qui unit son extrémité buccale aux
filets des méridiens de gauche est bien forméet court; il égale, mais
né dépassé pas le filet du premier méridien antérieur droit.
Le raphé postérieur * ne présente pas un développement qui soit en
rapport avec la grande taille de l’animal ; il est, en bas comme en
haut, doublé d’une sééonde petite lamelle, et la partie la plus voisine
dé la bouche, tout près du point où il s'unit avec le cordon, tenant
én relation intime les têtes des méridiens, est finement dentée en scie.
Incontestablement, ce caractère est bien moins marqué que dans
lés deux CE, Morgatæ et CE: Lanceplaint ; mais enfin il est remarquable
de trouvér, chez les trois Ctenicelles que je décris, un raphé postérieur
dentelé. Il semblerait y avoir une corrélation entre cette disposition,
la présence de la valvule anale et la disposition des lobes des orifices.
Tube digestif. — Les organes de la digestion présentent quelques
caractères importants.
Considérés dans leur ensemble, ils n’offrent pas une grande éten-
due, eu égard à la taille considérable des animaux. En examinant
les figures 2 des différentes planches, on verra bien qu'ici l'étendue
qu'occupe l'intestin est bien plus limitée que dans les autres es-
pèces, surtout celles de grande taille; aussi la masse viscérale est-
elle reportée sur le côté droit ?.
Le /ore n'offre pas les quatre lobes habituels bien distincts ; mais
il forme une masse jaune-verdâtre un péu au-dessus de la base du
lobule du tube expirateur. |
I se détache de la branchie et insinue ses cæcums entre les deux
lames du manteau ; et comme il est reporté sur le côté droit assez
bas, c'est à droite de la branchie qu’on l’apercoit dans là préparation
qui à été souvent indiquée et dessinée *.
La bouche * n’est pas très grande; elle présente les dé croissarnits
s'embrassant, comme il a été dit.
1 Voir Arch. de 200/. exp. et gén., vol. VI, pl: XX V, fig. 5. Ra, extrémité buccale
du raphé antérieur.
3 Voir id., 14, fg.5,. Rp, et fig. 7, Rp.
$ Voir id., id., pl. XX VI, fig. 2, f, foie.
# Voir id., id., fig. 5, f.
4 Noir sd., id., pl: XX, fig. 5, Bo.
640 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Le croissant de droite remonte, en passant à gauche sous l’extré-
mité supérieure et droite du croissant gauche. Il est bombé et cylin-
drique ; le gauche offre aussi cette forme, et il est parcouru par une
petite gouttière facile à reconnaîte, car elle est très visible.
L'anse intestinale décrit une demi-circonférence à concavité posté-
rieure, dont l’extrémité inférieure arrive jusqu’à la hauteur de l’in-
sertion du siphon branchial, lequel, on l’a vu, remonte sur le côté
dorsal du corps.
La courbure de l'intestin est donc ‘dans cette espèce assez mar-
quée. En général, dans ce cas, les deux moitiés du tube sont étroi-
tement accolées l’une à l’autre; cependant ici il n’en est pas tout à
fait ainsi. L'on voit en effet entre les deux branches un espace assez
étendu au sommet même de la courbe, dans le point où le tube in-
testinal remonte pour suivre une direction inverse de celle qu'il
avait d’abord.
L'anus ‘ est libre et non soudé au dos de la branchie. Sa marge
présente un bourrelet sans dentelures. Il est un peu aplati d'avant
en arrière, Ce qui le fait paraître comme bilabié.
En avant de lui et à sa gauche paraît l’œsophage, qui est, dans
l'espèce, mieux défini que dans la plupart des Molgulides.
Toutes ces conditions, ajoutées à celles qu'on a vues à propos du
foie, font que le sac branchial est libre, parfaitement limité et nette-
ment isolé dans la chambre péribranchiale ?.
L'organe rénal* est petit, vu la grande taille des animaux. Il est
porté très en avant et fort éloigné de la masse viscérale. Il y a certai-
nement entre son extrémité postérieure et la limite dorsale du corps
une étendue égale à celle que mesure sa propre longueur. On doit
remarquer que, bien que l'espèce ait une taille presque aussi grande
que l’Anurella oculata, 1 y a une grande différence entre les deux
pour la grandeur du corps de Bojanus, dont le développement, on le
voit, n’est pas en rapport avec celui du corps”.
Il est assez fortement arqué, et sa direction est à peu près inclinée
de 45 degrés par rapport à l'axe longitudinal.
‘ Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VI, fig. 5, L’anus, a.
2 Voir la figure précédente, La branchie Br est parfaitement isolée du foie et des
autres organes.
3 Voir id., id., fig. 3, R, organe rénal, côté gauche du corps.
# Comparez Arch. de 3001, exp. et gén., vol. VI, pl. XV et pl. XXVI, le côté gau-
che des animaux, fig. 3.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 641
La partie concrète centrale est d'une teinte rougeâtre-vineuse peu
intense; elle ne m'a pas semblé offrir de noyaux et de cristaux; mais
il faut remarquer que les observations ont été faites sur des animaux
conservés dans de l’alun ou de l'acide chromique, conditions peu
favorables à la conservation des parties inorganiques.
Cœur. — Il suffit de jeter les yeux sur la figure représentant le
côté gauche du corps pour reconnaitre que, la fosse cardiaque étant
très éloignée de la masse viscérale, l'aorte splanchnique doit être
fort longue ; elle a une longueur qui, certainement, dépasse la moitié
du diamètre transversal du corps !. C’est surtout en de pareilles cir-
constances que l’on reconnaît bien quelle doit être la longueur de
l'aorte viscérale ; le corps rénal étant à gauche et le foie se trouvant à
droite, l’artère splanchnique doit passer au-dessus de la branchie
pour rejoindre la région hépatique.
Tunique. — L'’enveloppe externe est en dehors d’une teinte très
sombre, brunâtre, lavée de terre de Sienne brülée ou de sépia
colorée.
Elle est résistante et l’on a de la peine à la déchirer avec des
pinces. Ce caractère, quoique bien moins marqué, est l’analogue de
celui qu’on trouve chez les Cynthia. Il faut ajouter que la tunique
en dedans est blanche et nacrée, encore comme dans le groupe des
Cynthiadés.
La surface extérieure est couverte de villosités peu longues, mais
adhésives, qui peuvent former un revêtement de particules, surtout
vaseuses, ou de débris légers de végétaux sous-marins; mais, dans
aucun cas, Je n'ai trouvé ce revêtement d’une grande épaisseur, de
sorte que le volume de l’animal n’est pas très augmenté par la fixation
des corps étrangers.
Le manteau est assez épais et renferme de fort nombreux petits
faisceaux musculaires, semés dans tous les sens et dont les direc-
tions n’ont aucune orientation.
Les fibres longitudinales des siphons sont épaisses, résistantes et
nombreuses ; aussi les tubes restent-ils longs et saillants après avoir
été dépouillés de la tunique.
Malgré leur puissante musculature, les siphons ne sont pas entiè-
1 Voir Arch. de 300l, exp. et gén., vol. VI, pl. XX VI, fig. 3.
ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN.-= T,. VI. 1877, AI
642 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
rement rétractiles, et les animaux conservés les présentent avec les
caractères les plus déterminés, les plus saillants !.
Le système nerveux”? n'offre rien de bien spécial; il occupe à très
peu de chose près la direction de la bissectrice verticale de l'angle
formé par les origines du raphé postérieur. Son extrémité supérieure
arrive presque au sommet de l'angle.
La glande prénervienne* est énorme, toutes proportions gardées ;
elle représente un ovoïde, dont le grand diamètre transversal dépasse
de beaucoup la longueur du ganglion nerveux.
L'organe vibratile* est fort singulièrement contourné. Il représente
une $ capitale retournée, mais verticale ; il forme comme un repli
saillant au devant du système nerveux, mais nn peu à la gauche et
au-dessous de la glande, où sa fente suit toute la longueur de son
repli et des extrémités recroquevillées.
Reproduction. — Les deux glandes génitales sont très distinctes,
et rappellent par leur forme, leur position et leurs rapports ce que
l'on à vu dans la C#. Lanceplainr. |
Elles sont placées, à droite, dans la concavité de la courbe du
croissant ou de la demi-circonférence formée par l’anse intestinale ;
à gauche, dans la courbe du corps rénal. Leur direction est à très
peu de chose près horizontale et par conséquent perpendiculaire au
grand axe du Corps”.
Elles sont formées de deux parties parfaitement distinctes et
faciles à reconnaître dès qu'on a ouvert la chambre péribranchiale.
Le testicule est antérieur et-l'ovaire postérieur. Chacun d'eux forme
une masse globuleuse, le testicule surtoutf. Il est plus détaché que
d'habitude; ses lobes et lobules ne sont pas délicats et formés de
culs-de-sacs aussi distincts que dans la Ctenicella Lanceplaini.
Le canal déférent se dégage en arrière de la masse glandulaire, et
arrive en se redressant vers le milieu de la longueur de l'ovaire, où
il s'ouvre par un seul orifice au sommet d'une papille sans caractère
particulier autre qu’un peu de saillie.
1 Voir Ar ch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, les figures 2 et 3 de la planche FEU
2-Voir dt, he. 1, 10.
" 3-Voir id. id., G,G.
À Noir 14 20,07.
5 Voir 44., id., fig. 2 et 3, T et O.
8 Voir id., id., la figure 5, Æ, T.
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ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 643
Sur les animaux conservés le testicule est blanc.
Dans les mêmes conditions l'ovaire est jaune. Il est pyriforme et
sa partie glandulaire accompagne son oviducte, qui n’est dégagé que
dans une très faible étendue. Celui-ci se détache du manteau et se
redresse un peu, offrant un orifice allongé et bordé d’un petit
bourrelet.
La position des orifices femelles peut être fixée d’une façon pré-
cise !. Si l’on prend sur la ligne médiane, d’une part l’orifice interne
du tube expirateur dans la chambre péribranchiale, et d'autre part,
au-dessus de l’anus, le point d’adhérence du manteau et de la bran-
chie vers la bouche, on peut avoir avec les orifices génitaux les
quatre angles d’un losange, dont les sommets des angles aigus
latéraux seraient occupés par les orifices femelles. Les orifices
mâles seraient plus en dehors, et par conséquent représenteraient
les angles encore plus aigus d’un losange plus allongé.
En d’autres termes, les orifices se trouvent à égale distance à peu
près de l’orifice à valvule et de l'anus.
On doit observer que, si dans les deux premières espèces de Cteni-
celles les conduits excréteurs de la reproduction sont dirigés en
avant en contournant l'extrémité inférieure du corps de Bojanus et
de l’anse intestinale, dans cette troisième la direction des canaux
est inverse puisqu'ils se portent directement en arrière.
Ne voit-on pas ici une preuve nouvelle du peu de fixité qu'ont la
plupart des caractères quand on veut leur donner une importance
générique, et combien il est difficile de prendre plutôt la disposition
des glandes génitales que celle de tout autre organe : branchie, in-
testin, rapports de l’anse intestinale et des glandes génitales, etc. ?
C'est là ce qui, pour séparer quelques genres, nous a forcé à prendre
les caractères dont nous avons cru devoir essayer l'emploi.
En effet, la disposition, la forme, les rapports du testicule sont
absolument semblables dans la C€. Morgatæ et la CE. appendiculata ? ;
et cependant, l’oviducte et de la masse glandulaire, dont les carac-
tères sont si importants à considérer dans les spécifications, ont une
direction tout à fait différente : on trouve encore là une preuve de
l'incertitude et du peu de valeur de certains caractères.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 5.
2 Voir id., id., pl. XXVI et pl. XXV,T,T,
644 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
STATION.
Cette espèce doit être très répandue dans la Méditerranée. Je l’ai
vue surtout sur les côtes du Roussillon, elle habite certaine-
ment dans la plus grande étendue du golfe de Lyon, car j'ai pu en
constater aussi la présence à Cette dans les débris apportés par les
bateaux, mais sans pouvoir en recueillir en assez grand nombre pour
en faire l'étude. Je n'ai fait qu'une détermination par la vue de l’ex-
térieur. Elle existe dans le reste de la Méditerranée, puisque
M. C. Heller l'y indique et la fait connaître dans ses études des Asci-
dies de la mer Adriatique.
Je ne l'ai point trouvée à Mahon, où J'ai fait de nombreuses recher-
ches, mais où aussi mon attention n’était pas particulièrement portée
sur elle. Par contre, j'ai souvenir d’avoir recueilli dans le port de
Palma de Mallorca une Molgulide dont les caractères extérieurs
étaient ceux de la C’. appendiculata. J'avais trouvé ces animaux entre
les pierres de la jetée qu'on avait faite au nord du port de la capitale
de Majorque. Mais je n'oserais affirmer en ce moment l'exactitude
de cette détermination.
Sur les côtes du Roussillon, à Port-Vendres, à Collioure, à Banyuls-
sur-Mer, on ne la trouve point dans les parties qu'il est possible d’ex-
plorer sans draguer. Elle paraît donc habiter dans ces parages à une
profondeur moyenne, à celle que les pêcheurs avec bateaux-bœufs
exploitent pour la pêche des poissons plats.
SYNONYMIE.
Il me paraît incontestable que l'espèce qui vient d’être décrite doit
être rapportée à la Molqula appendiculata, décrite dans le travail de
M. C. Heller ‘.
: Voici les traits de ressemblance, qu'il est facile de saisir, entre les
deux :
D'abord, les siphons et leurs orifices sont indiqués absolument
avec les caractères, sauf peut-être la couleur. Nous l’avons donnée.
Je n'ai jamais pourtant rencontré les sillons que j'ai signalés, avec
la forme aussi accusée que l’a dessinée M. Heller dans sa planche VII,
1 Voir C. HeLLER, Untersuchungen über die Tunicaten des Adriastichen und Mittel-
meeres, loc. cit., p. 296, et pl. VIL, fig. 1-7.
»
+ nn A
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 645
fig. 4 et 4. Les appendices pectinés caractéristiques des festons des
oscules me paraissent aussi fort exagérés dans leurs proportions.
La disposition (même planche, fig. 7) des infundibulums des bran-
chies me semble encore prouver l’analogie des deux espèces. Il suf-
fira de comparer cette figure à celle que j'ai donnée, pl. XXVI,
fig. 7, pour retrouver le même aspect dans les deux dessins, surtout
dans la présence du petit vaisseau qui, du sommet d’un cône infun
dibulaire, descend jusqu à la base.
Mais la forme des trémas est fort différente et me paraît être mal
représentée dans le travail du savant viennois, si du moins l’on iden-
tifie les deux espèces. On ne voit point, en effet, de boutonnières,
ainsi qu'elles sont dessinées dans la planche de M. Heller, et la ten-
dance à la marche spirale n’est pas du tout représentée.
Les parallèles y manquent aussi complètement, ainsi que les par-
ticularités relatives aux côtes.
Un autre caractère qui semble devoir faire rapprocher nos espèces
est celui qu'on peut tirer de la forme et des relations des organes
génitaux. Dans le dessin que donne M. Heller, fig. 5, et qu'on peut
eomparer à celui que nous donnons nous-mêmes, pl. XXVI, fig. 5,
les glandes génitales ont bien la même position dans leur ensemble,
et les ouvertures de chacune d'elles, comme leur position relative,
sont absolument semblables ; seulement, M. Heller dessine les ori-
fices des oviductes tout près et en face de l'ouverture intérieure de
l'orifice expirateur, ce qui ne nous parait pas exact, du moins si
nos deux espèces sont la même. Ajoutons encore que la valvule si
marquée qui entoure cette ouverture manque complètement dans
le dessin de M. Heller.
En résumé, il me semble qu'il faut identifier la Wolqula appendicu-
lata de M. Heller avec ma Ctenticella, que je dois appeler dès lors appen-
diculata. J'avais trouvé cette espèce en 1866 et en 1872 ; déjà en 1876,
mon travail étant terminé, je l'avais dédiée à l’un des savants étran-
gers qui, à ce moment, étaient à Roscoff, M. de Korotneff, de Moscou;
elle était incontestablement inédite à cette époque; mais le travail de
M. Heller est arrivé depuis, et la publication de mes recherches ayant
éprouvé, par suite de mes longues maladies, des retards considéra-
bles, j'ai modifié le nom spécifique que j'avais d’abord imposé;
bien qu'occupant le volume correspondant à 1877, ma monographie
des Molgulides ne paraît que dans le milieu de l’année 1879; ma
maladie a été cause d’un retard absolument involontaire, et l’em-
646 | HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
pressement que je mets à signaler là Molqula appendiculata, décrite
bien longtemps après; me permet de croire qu'il n’est pas un na-
turaliste qui puisse penser que mon dessein à été d’ antidater des
recherches que j'ai montrées en 1876 et dont tous les dessins et
le manuscrit étaient achevés bien avant 1877.
Il est possible de grouper les espèces du genre CTENICELLE décrites
dans cette monographie et de les distinguer facilement d’après
leurs principaux Caractères, que je résume dans le tableau succinct
suivant :
Tableau résumé des espèces du genre CTENICELLA décrites
dans ce travail.
a. courbes peu nom- | 1re ESPÈCE.
breux dans les Ctenicella.
fuseaux inter- Lanceplaini.
médiaires.
b. à bords recroque-
villés.
a. Trémas À beu lisibles.
branchiauæx:
b. Corps :
vibralile: a. de 3 à 4. 2e ESPÈCE.
c. 'Infundi- b. horizontal. Ctenicella
bulum :
- c. dirigé en avant. Morgatæ.
a. presque droits, à, Côtes :
très nombreux HE, S, wibra-
dans lesespaces jje :
intermédiaires,
| b. en forme S.
c. très lisibles.
c. Oviducte : Ja. 11 sur la face pos- 3°ESPÈCE.
térieure du mérid. Ctenicella
b. vertical. appendi-
c. dirigée en arrière. culata.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 647
4° Genre. EUGYRA (ALDER et HANCOCK).
Les opinions des auteurs relatives à ce genre ont été assez longue-
ment discutées au commencement, pour n'y point revenir.
Nous rappellerons seulement que, créé par Hancock pour la Mol-
gula tubulosa de Forbes”, il n’a pas été accepté par M. Kupffer, qui
n’admet qu'un seul genre pour le type Molgulide, le genre Molgqula.
Il nous a semblé y avoir un véritable inconvénient à rejeter le par-
tage du genre primitif en plusieurs genres secondaires. Aussi accep-
tons-nous le groupe de Hancock, qui le caractérise ainsi que suit :
« Corps, globulaire, non fixé, couvert de fibrilles glandulaires et
d'un revêtement plus ou moins complet de sable fin.
« Ouverture branchiale à six lobes (6), l'anale à (4), portés par des
tubes minces, presque invisibles quand ils sont contractés.
« Filaments tentaculaires rameux.
« Sac branchial sans plis, mais avec des bandes ou lames longitu-
dinales. Réseaux régulièrement convolutés et s’avançant en petits
cônes, chacun étant composé d’une double corde spirale de vais-
seaux dont les spires, tournant en sens inverse, se rencontrent au
sommet.
« Organes reproducteurs en une seule masse placée sur le côté
droit, en dedans de la boucle intestinale.
« La Molqula arenosa diffère tellement des autres Molgules, qu'il
est nécessaire de la placer dans un genre à part. Îl ÿ a déjà longtemps
que cela est fait dans notre manuscrit et que le genre est caractérisé
comme ci-dessus ?. »
Parmi ces caractères, les uns, tels que ceux tirés de la forme du
corps et des tentacules, du nombre des lobes des orifices, sont de
famille ; mais quelques autres sont véritablement suffisants pour faire
distinguer les Zugyra des autres Molgulidés, ce sont ceux que four-
nissent le sac branchial et les organes de la reproduction ; dans nulle
autre espèce ou genre, on ne rencontre un arrangement aussi parti-
culier des méridiens branchiaux * et une simplicité aussi grande des
1 Voir Forges, Brith. Moll., et Hancock, Ann. and Mag., vol. VI, 4e série, p. 354
et 355.
2 Voir Hancock, Ann. and Mag. of Natural History, 4e série, nov. 1870, vol. VI,
p: 367.
3 Voir Arch, de 2001. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVII fig. 5 et6.
648 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
infundibulums; dans aucune autre encore, on ne trouve qu’une seule
glande génitale et d’un seul côté‘.
Du reste, M. Hancock, dans le dernier travail qu'il a publié en 1870,
confirme, on peut le dire, l'existence de ce genre par la description
d'une seconde espèce, l'£ugyra globosa ?.
Les auteurs américains ont, eux aussi, admis ce genre et décrit
l'espèce d'Angleterre.
J'ai pu, ainsi que Je l’ai dit, constater, sur des échantillons déter-
minés par Hancock lui-même, la valeur des caractères sans erreur
possible, grâce à l'obligeance de M. Brady, ami du regretté ascidio-
logue anglais.
Je n'ai rencontré qu'une seule espèce à Roscoff ; elle doit être très
répandue, puisque Forbes, Hancock et M. Kupffer l’ont trouvée dans
la mer du Nord, sur les côtes anglaises de la Manche, et qu'enfin
elle existe à Roscoff. M. C. Heller, qui a accepté avec tant de faci-
lité des genres qui n'existent pas, ne semble pas avoir trouvé l'£u-
gyra dans la Méditerranée.
1"° ESPÈCE.
EUGYRE ARENACÉE. ÆUGYRA ARENOSA (HANCOCK).
Arch. de 300. exp. et gén., Vol. VI, pl. XX VII.
Molqula tubulosa (Forbes et Hanley).
Molgula arenosa (Alder et Hancock).
Eugyra arenosa (Alder et Hancock).
Molgula arenosa (Kupffer).
Cette espèce habite les fonds à de faibles profondeurs, mais on ne
peut l'avoir à Roscoff qu'avec la drague, à une trentaine de brasses,
et jamais je ne l'ai rencontrée à marée basse.
Elle vit en compagnie de trois autres espèces de Molgulidés, dont
il est fort difficile de la distinguer à première vue quand elles ont la
même taille ; mais cela devient possible si elle épanouit quelque peu
ses oscules.
Parmi les caractères qui vont suivre, plusieurs appartiennent au
genre Molqula ; néanmoins, il me paraît utile de ne pas négliger
de les indiquer, aucune particularité n'étant à négliger dans les
1 Voir Arch. de 2001. exp. et gén, vol. VI, pl. XX VII, fig. 2 et fig. 4, T et ovaire.
? Voir HANCOCK, loc. cit.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 649
descriptions, souvent trop succinctes et ne portant pas toujours sur.
les détails qu'on peut croire sans importance mais qui servent
beaucoup dans les diagnoses. l
CARACTÈRES.
Extérieur. — I faut encore répéter ce qui a été déjà si souvent
dit : que la physionomie des animaux diffère complètement avec
les localités où ils sont pêchés. Aussi ai-je donné la figure d’un indi-
vidu dragué à la Basse d’Astan, et qui, véritablement, ne mérite guère
le nom spécifique d’arenosa ; il serait tout aussi naturel de le nom-
mer conchilega. Je n’en ai jamais rencontré cependant qui n’eussent
toujours la plus grande partie de leur surface, tout le tour des ori-
fices dépourvus de grands débris de coquilles, de gros graviers. Il
semble donc que l'animal adhère le plus ordinairement par sa partie
antérieure, laquelle, devenant la plus lourde, force la région oscu-
laire à se trouver toujours en haut.
Cette condition permet l'observation directe des orifices sur le
vivant ; mais je dois reconnaitre que les animaux sont le plus sou-
vent fort capricieux et boudeurs ; qu'ils ne s’épanouissent qu'un
moment de temps en temps, et restent quelquefois obstinément
fermés. (
La grandeur de l’animal peut être jugée d’après la partie supé-
rieure dans la position naturelle. Les plus beaux échantillons ne
m'ont guère paru dépasser 2 centimètres dans leurs plus grandes
proportions ; ceux que j'avais reçus de M. Brady avaient une taille
moindre, mais ils étaient dans l'alcool depuis longtemps.
La couleur est brunâtre ; c'était aussi celle des échantillons con-
servés. Les oscules, presque constamment contractés, sont d’un
blanc grisàtre, parsemé de quelques points d’un rose-carmin vif.
Siphons et orifices!. Je ne saurais dire si les siphons sont longs.
Je n'ai jamais rencontré d'individus étendant beaucoup ces parties.
Cependant, après les préparations et l'enlèvement de la tunique, les
siphons ont une étendue qui n'indique pas une brièveté grande.
Ce qu'il est toujours facile de constater, c'est que les festons des
orifices sont aigus et bien marqués, que les siphons sont très rap-
prochés à leur base, et que le siphon branchial ou inférieur est
aussi très remonté sur le côté postérieur de l’ovoïde: enfin, les
1 Voir Arch. de zvol. exp. cet gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 1, 2 et 3, 4.
650 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
points oculiformes mont paru constants et être d’un rouge-carmin
vif, et très appréciables même sur les animaux tenant les orifices
presque complètement fermés ou simplement entrebâillés.
Les tentacules' sont peu développés. On peut en juger par les des-
sins que Je donne dans la planche relative à l'£ugyra. Is portent
tout au plus de chaque côté du rachis deux rameaux ayant eux-
mêmes sur les côtés de petits tubercules secondaires. Ils sont donc
et peu étendus et peu ramifiés. La partie externe, qu'on sait être
couverte par des bouillons ou godrons d’une membrane mince et
incolore, est à peine visible. |
La valvule? de la partie interne de l'orifice expirateur n'existe pas.
Le siphon postérieur est largement ouvert, comme un vaste enton-
noir, en face de l'anus.
PBranchie. — L'organe de la respiration offre les caractères impor-
tants qui ont conduit les auteurs anglais à créer le genre Æ'uGyrRA
(edyvoés, bien arrondi), expression qui se rapporte aux trémas de
la branchie.
Dès qu'on a enlevé la tunique, on peut réconnaître l'£ugyra à une
multitude de petits points obscurs ou sombres, qui sont semés régu-
lièrement en quinconces et qu'on aperçoit au-dessous du manteau.
Il m'est arrivé de réconnaitre à cette seule disposition un ZUGYyRrA
que je ne savais pas être parmi les individus indéterminés venant
des dragages d’Astan.
En dépouillant l'animal de son manteau, on à alors sous les yeux
l'organe de la respiration, qui offre une régularité et une disposition
des plus élégantes *.
On compte d'avant en arrière huit bandes longitudinales formées
de petits centres obscurs entourés de circonférences concentriques,
toutes fort lisibles. Sur chacune de ces bandes elles-mêmes, on ne
trouve en général que six centres obscurs ainsi entourés de circon-
férences.
Il n’est pas difficile de reconnaître dans cette disposition celle qui
caractérise la face extérieure des branchies des Molgulidés, sur la-
quelle on voit toujours très nettement l'ouverture des bases des
infundibulums.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVIL, fig. 9, y, tentacule impair
placé en face de l'organe vibratile, fig. 10.
2 Voir id., id., fig. #4, À. ;
3 Voir id., id., fig. 4, La branchie est vue par le côté droit.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 651
Si l’on ouvre la cavité branchiale, on reconnait très facilement la
raison de l'apparence dont il vient d'être question ; on voit, en effet,
des bandes de pétits cônes, tantôt penchés d'un côté, tantôt de
l’autre, et l'on constate que la teinte foncée dés points désignés
comme centre est due à ce que les éléments constitutifs se sont
rapprochés. Il ne me semble pas que ni Alder! ni Hancock? aient
donné une description ou des figures suffisantes de cette disposition.
Il n’est pas absolument exact de dire en effet avec M. Hancock : « sac
branchial sans plis, mais avec des bandes ou lames longitudinales »
(loc. cit.), ou bien de dessiner les petits cônes comme se touchant
par leur base, ainsi que le fait Alder *.
Pour moi, il existe des méridiens parfaitement caractérisés ; seu-
lement, ce sont des méridiens réduits à leur plus simple expression.
Je n'avais pas encore eu à ma disposition le genre Z’uGYRA quand
je décrivaisla branchie de l’Anurella Roscovita, et que je cherchais par
une Comparaison à faire comprendre la formation et la structure des
branchies et de leurs infundibulums. J'indiquais* qu'en incisant une
feuille de papier suivant de nombreuses lignes concentriques par
rapport à un centre, on pouvait, en plaçant un corps pesant sur ce
centre et élevant les bords de la feuille, imiter absolument un infun-
dibulum et se rendre un compte parfaitement exact de l'organisation
de cette partie constituante d'un méridien. Il est impossible de trouver
un exemple servant à une Comparaison plus exacte et dont le plan
d'exécution soit plus conforme à cette indication théorique que la
branchie de l'£ugyra*.
Ces infundibulums sont véritablement types de l’organisation la
plus simple, les côtes destinées à soutenir les méridiens sont aussi fort
simples. Iei la côte, car il n'y en a qu'une, n’est unie qu'aux paral-
lèles parfaitement nets et laisse libre le sommet de l'infundibulum.
Dans la partie de préparation dessinée, l'infundibulum, ressemblant
à un petit mamelon, s'incline à droite et la côte retombe à gauche ;
aussi reconnait-on très bien l'indépendance de l'un et de l’autre.
1 Voir ALDER, Ann. and Mag., vol, IT, pl. VII, fig. 8.
2 Voir HANCOGK, id., id., p. 335.
3 Voir ALDER, loc. cit., pl. VII, fig. 3.
* Voir H. DE L.-D., Arch. de 2001. exp. et gén., vol. III,
5 Voir Arch. de 3001. exp. et gén., vol. VI. pl. XX VII, fig. 5. On voit en 1 un som-
met d’infundibulum entouré des trémas larges et circulaires qui seraient repré-
sentées par les incisions circulaires du papier.
6 Voir id:, id,, C.
652 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Les côtes et les parallèles, se coupant à angle droit, limitent les
bases des infundibulums et les rendent quadrilatères. Ce n’est qu’en
s’approchant de la base du mamelon infundibulaire que les trémas
deviennent tout à fait circulaires.
I n’est pas possible de ne pas admettre la présence des méridiens,
réduits à une simple côte et à un petit cul-de-sac ou infundibulum.
On comprend maintenant la cause bien évidente de l'apparence
que présente la face externe de la branchie : les bandes de points
obscurs suivent le grand axe correspondant aux méridiens, et les
bandes transversales correspondent aux espaces laissés libres par les
parallèles, quienferment des séries d’infundibulums perpendiculaires
aux premières.
Rien n'est plus facilement lisible que cette disposition organique,
surtout si l'on imbibe la branchie, après l'avoir durcie pour en main-
tenir les parties écartées.
Pour cette espèce mieux peut-être que pour les autres, la solution
d'acide chromique, un peu forte, rend les plus grands services. Le
mode de préparation peut expliquer la grande différence qui existe
entre les dessins d’Alder et ceux que je donne moi-même.Dans aucun
cas, les cônes ne sont aussi gros, aussi rapprochés à leur base, etles
baguettes qui les forment, d'un aussi grand diamètre, par rapport au
volume des cônes, que les ont représentés les auteurs anglais.
Les frémas sont exceptionnellement longs, car ils vont de la base
jusqu'au sommet de l'infundibulum. On pourrait dire qu'il n'y à que
deux trémas, marchant en sens inverse, mais enroulant leur spirale
d’une facon telle qu'on serait porté à croire qu'il n’y en à qu'un
seul. C’est au sommet ‘ seulement qu'on reconnaît et la direction
et la séparation des deux trémas formant les infundibulums.
Cette disposition a été non seulement bien indiquée, mais aussi
parfaitement dessinée par les auteurs anglais. Ils n'ont pas non plus
laissé de côté les capillaires, qui sont fort remarquables ; mais il
ne serait pas exact de dire que les fentes branchiales se rejoignent
au sommet : elles y sont absolument distinctes.
Les trémas, aussi longs qu'on les a vus, ne permettraient guère
aux baguettes qui les limitent de se maintenir dans une posi-
tion fixe. L’infundibulum pourrait devenir d’une longueur extrême
1 Voir Arch. de 300l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 6. On reconnait un som-
met ; {, tréma, venant de gauche à droite, et {', allant de droite à gauche.
"ei. :
ce
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 653
et se dérouler pour ainsi dire. La nature à remédié à cet incon-
vénient en-faisant descendre du sommet de linfundibulum six,
sept ou huit vaisseaux capillaires qui coupent les trémas perpendi-
culairement à leur direction et qui, en rayonnant ainsi vers la circon-
férence, passent en sautoir sur les baguettes en s’unissant à elles et
en les maintenant dans leur position respective.
Dans l’ensemble des caractères offerts par la branchie, il n’est pas
possible de ne pas trouver des raisons suffisantes pour admettre le
genre £'UGYRA. Car il n’y a pas seulement des variétés dans la dispo-
sition qu'on vient de voir, il y a des modifications profondes de l’or-
ganisation. |
Une particularité importante doit encore être notée : dans la
figure à laquelle nous avons renvoyé pour cette description, on peut
remarquer que, à droite, entre la dernière côte de ce côté et le raphé
antérieur?, se trouvent trois petits mamelons correspondant à un
seul mfundibulum.
On a vu, en commencant la description de la branchie, qu'on pouvait
compter huit séries méridiennes de chaque côté. Il y aurait donc une
série de plus dans l’Eugyre que dans les Molgulides les mieux parta-
gées, car on ne rencontre jamais que sept méridiens sur chaque moitié.
J'ai constamment trouvé une série de petits cônes à droite et à
gauche tout près du raphé antérieur. Dans ces deux séries le nombre
des cônes est triple de celui des séries voisines. Est-ce là un carac-
tère de valeur spécifique ou de valeur générique ? Je ne saurais
le dire, n'ayant eu à ma disposition qu'une seule espèce.
Il était utile d'appeler l'attention sur lui.
Raphés et têtes des méridiens.—L'union des raphés et de l’unique côte
représentant chaque méridien se fait autour de la bouche par un filet,
absolument comme dans les autres Molgulides. Mais il est tout natu-
rel que nous ne rencontrions pas autre chose: puisqu'il n'y à qu’une
côte, il est impossible de trouver plus que l'extrémité de cette côte.
La région buccale offre, on le voit, une très grande différence avec
ce qu'on à vu dans les autres Molgulidés.
Le raphé antérieur est normalement constitué, sans caractère
particulier, de même que le raphé postérieur.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XXVII, fig. 5. Il y a sept lignes
dans ce cas et sept lignes rayonnant de la base du mamelon central.
3 Voir id., id., Ra, raphé antérieur.
8 Voir id., id., fig. 8. Bo, bouche; Ra, raphé ant,; Rp, raphé post.
654 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Tube digestif. —Occupant exactement la position habituelle, les orga-
_nes de la digestion se font remarquer par leurs grandes dimensions.
La bouche est relativement petite, et la zone péribuccale, comprise
entre les terminaisons des têtes méridiennes et le cordon qui unit
celles-ci, n'offre point, du moins sur les animaux préparés ou con-
servés, les deux croissants qu’on a vus exister si nettement dans les
espèces précédentes !.
L'œsophage est long et remonte assez haut, il est entouré par les
lobes du foie?.
La glande hépatique est caractérisée par la longueur de ses plis imi-
tant les cæcums sécréteurs ; aussi, plus que dans toute autre espèce de
Molgule, la forme glandulaire avec culs-de-sacs glandulaires est ici
évidente *.
Remarquons encore que le petit lobe de droite, entre le rectum et
l'estomac, est plus développé que dans les autres espèces ; c’est or-
dinairement l'inverse qu'on observe.
L'intestin a un calibre très considérable, surtout dans la première
partie, qui est habituellement vide de vermicelles excrémentitiels.
Ceux-ci sont gros et très solidement constitués ; aussi paraissent-
ils très distinctement au travers des parois minces de l'intestin.
L'anus est libre sur le dos de la branchie, et sa marge festonnée
porte des dents aiguës très faciles à reconnaître.
Corps de Bojanus. — Le rein se trouve comme toujours sur le côté
gauche ; mais sa position sur ce côté est tout à fait exceptionnelle.
Il remonte beaucoup en haut, se porte en arrière et devient par son
bord convexe tangent aux lobes gauches du foie.
Du reste, l'absence de glande génitale à gauche donne à ce côté
une apparence toute particulière *.
I ne m'a pas paru être bourré de concrétions colorées inorga-
niques, comme on le voit habituellement. |
L'aorte viscérale doit être extrèmement courte et passer très près
1 Voir Arch. de z00l. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VIT, fig. 8.
2 Voir id., id., fig. 2, fig. 8, f. Dans cette dernière figure on voit le lobe droit du
foie à gauche et en remontant de la bouche sur la droite du foie une traînée ombrée
correspondant à l’œsophage.
3 Voir id., id., fig. 4, f.
* Voir id., id., fig. 4, à, anus.
5 Voir id., id., fig. 3, R, rein. Comparez cette figure avec la 4re figure des
autres espèces représentant le côté gauche.
n
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. (pH
de l'insertion supérieure du tube expirateur; car le cœur, placé dans
la concavité de la courbe de l'organe de Bojanus, lequel est presque
horizontal, doit avoir la même position que lui, et son extrémité pos-
térieure ne peut naturellement pas être en face de la masse viscérale.
Il y à donc, dans les caractères tirés de la position du rein et des
organes de la cireulation, une particularité qu'il est utile de signaler
et qui est exceptionnelle dans la famille.
Tunique. — L'enveloppe externe de l’'£ugyra est certainement vil-
leuse et fort adhésive, puisque‘ dans plus d’un exemple on trouve
des cailloux de plus de 1 centimètre de diamètre fixés sur le corps.
La moitié au moins de la tunique correspondant à la partie posté-
rieure est grisâtre, finement villeuse et n'agglutine que des parti-
cules sablonneuses ou vaseuses, tandis que la moitié antérieure
semble adhérente par elle-même, indépendamment des villosités.
On sait que certaines Ascidies deviennent adhésives par la surface
de leur tunique même. Ainsi, il m'est arrivé fréquemment, en faisant
vivre des Phallusies intestinales, de les voir devenir adhérentes au
fond des cuvettes de verre par des sortes d’épanchements ou d'ex-
pansions de leur tunique; il n'y à point de villosités dans ce cas. De
même ici, on pourrait croire que c'est la tunique qui s'attache
directement aux corps étrangers. [Il ne faudrait pas en conclure
que les choses se passent ainsi pour le cas où l'animal habite un
fond purement sablonneux, comme cela semble être le cas pour les
animaux observés par Hancock et Alder.
Il m'a toujours semblé qu'en voulant enlever la tunique, elle
cédait plus facilement en avant, c'est-à-dire dans la partie où étaient
adhérents les plus gros corps étrangers ; et le plus souvent aussi, en
enlevant ces gros débris agglutinés, je la déchirais, car en somme elle
est mince et presque transparente en avant.
Le manteau est d’une grande délicatesse et d'une extrème finesse
dans toute son étendue; aussi, quand on a enlevé la tunique, ce qui
demande du soin pour respecter les tissus sous-jacents, voit-on
très bien les organes placés au-dessous de lui: l'intestin, les glandes
génitales ? et la branchie. Ce qui frappe aussi, c’est l'absence très
1 Voir Arch. de 300]. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VII, fig. 1. Individu un peu plus
grand que nature et qui s’est fixé dans un recoin formé de coquilles et de cailloux.
? Voir id., id., fig. 2, it, fig. 3. Celle-ci montre le réseau branchial très évidem-
ment. ù
656 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
marquée des gros paquets fusiformes des muscles ; non qu'ils n’exis-
tent pas du tout, mais parce qu'ils sont fort petits.
Toutefois, en deux points, les paquets musculaires sont extrême-
ment nombreux et remarquables.
Les muscles longitudinaux des siphons ‘ s'arrêtent très régulière-
ment sur le manteau et y décrivent, par leurs extrémités tronquées,
des cercles très visibles, d'autant plus faciles à observer que , sur les
animaux conservés ou préparés, ils prennent une couleur obscure
brunâtre fort accusée.
On dirait que tout le développement de la musculature s’est porté
surtout vers les tubes.
Il existe encore un endroit dans lequel ces noyaux fusiformes sont
très nombreux et tout à fait caractéristiques, c’est entre la rangée
des petits infundibulums, voisine de l’endostyle, et l’endostyle lui-
même ?.
Ces petits muscles s'imprègnent très facilement de couleur rouge
vers le milieu du ventre du fuseau, tandis que leurs extrémités res-
tent pâles ou blanchâtres ; ils paraissent très bien à l'œil nu et leur
disposition est si particulière, qu'il m'est arrivé quelquefois, en les
voyant, de diagnostiquer une Æ’ugyra. Is sont très exactement per-
pendiculaires au raphé antérieur et forment des petits groupes de
“trois, quatre ou cinq faisceaux correspondant ordinairement aux
intervalles des petits infundibulums.
Le système nerveux est noyé sous une couche de tissus qui le
voile quand on observe du côté de la cavité interne. L’angle d’ori-
gine * du raphé postérieur ne mérite plus ce nom; il est mieux de
dire que le raphé naît perpendiculairement à la courbe même du
sillon suscoronal. C’est dans le milieu de la partie qui sépare l’ori-
gine du raphé postérieur du tentatacule impair médian postérieur,
que l’on voit l'organe vibratile *, véritable croissant demi-circulaire
dont l'ouverture est inférieure et regarde à droite.
La glande prénervienne est très petite et tangente à la partie infé-
rieure gauche dé l’organe vibratile ?.
1 Voir Arch. de zool. exp. et gén., vol. VI, pl. XX VIL, fig. 2,3 et 4.
? Voir 1d., id., fig. 5, m, m, entre /, infundibulum, et Ra, raphé antérieur.
3 Voir id., id., fig. 9, Rp.
* Noir1d,tid/Mig9, F
$ Voir d., i4., fig.9, G.
« ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 657
On reconnaît incontestablement dans ces parties un ensemble de
caractères fort importants à signaler.
Organes de la reproduction. — Les glandes génitales sont impaires
et asymétriques ; elles n'existent qu'au côté droit et sont réunies,
mâle et femelle, comme dans les autres Molgules.
Elles forment une longue bande étendue obliquement, de haut en
bas et d'arrière en avant, en partant du voisinage de l'anus, du
foie et de l’æsophage, pour dépasser l'extrémité inférieure de l'anse
intestinale et apparaître sur le côté gauche, qui est moins étendu
que le droit, sur lequel est reporté et refoulé le raphé antérieur‘.
Cette bande passe en sautoir sur la face interne de l’anse intesti-
nale, qu’elle croise dans la direction indiquée. Il faut, je pense, rap-
porter les grandes proportions du côté droit et l’écartement ou la
disjonction des deux parties de l'intestin ? à l'étendue et à la posi-
tion que prennent les glandes génitales de ce côté.
Le testicule occupe la partie antérieure de la masse ; il est en même
temps appliqué sur la face interne de l'ovaire; sa position rappelle
tout à fait celle qu'on voit chez les Anurella simplex et Ctenicella
Lanceplaini; c'est-à-dire que la glande est formée de culs-de-sac très
distincts, groupés enflobules dont les canaux excréteurs s’abou-
chent tous dans un seul canal central qui se dresse vers le milieu
de la masse glandulaire et s’ouvre par un orifice unique*.
L'ovaire est volumineux et se trouve situé entre le testicule et l’anse
intestinale ; il s'ouvre au dehors par un oviducte assez grand qui, se
plaçant à côté du rectum, vient déboucher à peu de distance de
l'anus*. Quand, l’animal étant couché sur le côté gauche, on dé-
tache le manteau de la branchie, le long du raphé antérieur, et qu'on
le rejette à gauche, on voit très exactement l’oviducte et son orifice
dans l'angle que forment l’anse intestinale et le rectum, et au-dessus
de l'ouverture béante du siphon postérieur.
Embryon. — M. Hancock ayant affirmé que l'embryon de l'Eugyre
est urodèle, je n’avais pas à chercher à vérifier cette observation d’un
naturaliste aussi éminent.
Du reste, à propos de ma communication, qui avait été faite
1 Voir Arch. de z0ol. exp. et gén., vol. VL., pl, XX VII ; comparez les figures 2 et 3,
2 Voir id., id. fig: 2, à.
$ Voir id., id., fig. #, T, testicule.
# Voir id., id., fig. 4.
ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. = Ti Vt, 4877. 42
658 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
en 1870, ét dans laquelle j'avais cru que mes obsérvations se rappor-
taient à la Molqula tubulosa, M. Hancock a montré que nous avions
dù nous occuper d'espèces différentes. Cela était vrai; aussi ai-je
dû révenir Sur une détérmination que tout naturaliste eût faite à ma
place én raison du peu de précision des descriptions données alors
par les auteurs.
STATION.
L'£ugyrararenosa se trouve, mais en petit nombre, dans les mêmes
parages que l’Anurella oculata ; dans les environs de Roscolf, on ne
peut lavoir qu'avec la drague.
A Astan, elle m'a paru plus fréquente que dans le côté ouest, en
dehors du canal et de l’île de Batz. Dans cette dernière localité, en
face de Santec et de l’île de Siec, la mer est le plus souvent grosse et
les dragages y sont moins souvent praticables ; aussi ne puis-je
affirmer qu'elle n’est pas plus fréquente dans ces parages. Ainsi que
je le disais en comméncant son histoire, cétte espèce doit être très
répandue en Angleterre ; elle me semble bien plus abondänte que
sur nos côtes ; mais, peut-être, les localités où elle abonde chez nous
n'ont-elles pas été reconnues.
SYNONYMIE.
Il en à été assez dit en rappelant les opinions dé M. Hancock, pour
qu'il ne soit pas nécéssaire de nous étendre longuement sur cetté
partie de l'histoire de l'Eugyreé.
Les naturalistés Alder et Hancock avaient établi l'éspèce Molqula
arenosa en 1863, Comme l'indique J. Alder dans son travail : On thé
British Tunicata, p. 160, vol. XI, Ann. and Mag., 3° série, 1863.
Plus tard, Hancock, publiant une noté sur plusiéurs espèces noù-
velles d’Ascidies, et à propos de ma communication à l’Académie
(vol. VI, 4° série, Ann. and Mag., p. 353, 1870, novembre), dit formel-
lement: «The Molgula tubulosa of the British Mollusca (de Forbes
et Hanley) is the Molqula arenosa of Alder and Hancock, déscribéd
in the Transactions of the Tynesides Naturalists Club (vol. I, p. 197)
RE it necessary to separate it generically, and to establish a
new genus for its reception, to which we gave the name of £ugyra. »
(Loc. cit., p. 354 et 355). |
Enfin, en dernier lieu, M. Kupffer, dans l'Histoire des Molgules de
miss
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 659
la mer du Nord, revient sur cette distinction et n’admet pas le genre
Eugyra. fait donc de cette espèce une Molgule et lui impose de
nouveau le nom de Molgula arenosa (loc. cit,, Nordsee Expédition,
p. 226, pl. IV, fig. 4).
D'après toutes les raisons qu'avait données Hancock et celles qui
nous semblent découler de la description minutieuse qui précède,
nous adoptons ét conservons le genre £'uayrA et l'espèce £'. arenosa.
Les Américains, eux aussi, acceptent ce genre, et M. Vertill à fait
connaître une autre espèce:
Il ne m'a pas été possible de me procurer l'£'ugyra globosa, et, par
conséquent, d'en indiquer les caractères comparativement à ceux de
l'£. arenosa. Je dois cependant la signaler.
2° ESPÈCE.
EUGYRE GLOBULEUSE. ÆUGYRA GLOBOSA (HANCOCK).
Cette espèce a été draguée par M. Jeffreys et le Rév. A.-M. Norman,
à Guernsey, en 1864.
Comme elle a été trouvée non loin de nos côtes et que je ne l'ai
point vue moi-même, car elle doit être rare (Hancock dit n’en avoir
eu qu'un individu), je crois utile de rapporter cette description.
Eugyra globosa, Hancock 1,
Body globular, unattached, entirely covered with sand and frag-
ments of shell. Apertures not quite terminal, a little apart, some-
what produced, rather vide, cylindrical, resembling a pair of teats,
colourless, transparent, placed in a well-defined, bilobed, narrow
area, devoid of attached sand. Testé soft, thin, with very delicate and
for the most part simple fibrils. ÆAMantle thin, colourless, or slightly
tünged with yellow, transparent, the viscera showing through ; tubes
hyaline, with delicate membranous walls. Zranchial sac with the
vessels of the double spiral coïls rather stout. /ntestine forming
a single loop, short and constricted towards the anal extremity, and
widening at its junction with the stomach. Ziver bulky, of a black
olive-green. Æeproductive-organs of a pale yellow, placed partly
within the intestinal loop, and partly above it. Diameter half an inch.
À single specimen of this interesting species was dredged by
1 Loc. cit., p. 367.
660 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Mr. Jeffreys and the Rev. A. M. Norman in Guernsey in 1865. E. glo-
bosa is distinguished from Z. arenosa by the from and larger seize
of the tubes, by the less voluminous intestine, by the shortness of
its loop, and by the darkness and colour of the liver.
Telle est l’histoire des Molgulidés que j'ai pu trouver à Roscoff ou
sur une partie de nos côtes.
Si l’on juge par analogie en voyant le.-nombre des espèces trou-
vées à Roscoff seulement, on peut je crois prévoir que le groupe des
Molgulidés est plus considérable qu'on n’eût pu le supposer d’abord,
puisqu'il n’était représenté primitivement que par un seul genre et
deux espèces.
On verra dans un autre groupe, dont, je l'espère, la publication
sera prochaine, que le nombre n'est pas moindre, et que les
caractères tirés des parties profondes ainsi que les observations minu-
tieuses des moindres détails peuvent et doivent servir dans la spécifi-
cation des Ascidiens, dont l'apparence extérieure, ainsi que le disait
Savigny, est fort semblable, mais dont l’organisation intérieure est.
fort variée. |
EXPLICATION DES PLANCHES,
Lettres dont la signification est constante dans toutes les planches.
À, orifice et siphon postérieur, expira -| Ra, raphé antérieur.
teur ou anal. Rp, raphé pestérieur.
B, orifice et siphon antérieur, branchial,
inspirateur ou buccal.
Bo, bouche. ;
Br, branchie.
(7, côtes.
G, glande prénervienne.
Î, infundibulum.
M, méridiens.
N, système nerveux.
O, ovaire.
P, parallèles,
R, rein ou corps de Bojanus.
T, testicule.
V, organe vibratile.
Va, valvule de l’orifice postérieur.
a, anus.
d, canal déférent.
f, foie.
i, intestin.
o, oviducte.
00, orifice de l’oviducte.
od, orifice du canal déférent.
t, tréma.
PLANCHE XIV.
Anourelle oculée (Anurella oculata).
Fic. 1. Un individu de grandeur naturelle, pêché dans la rivière dè Saint-Pol-de-
Léon. Les orifices à moitié entr'ouverts; les tubes rétractés, montrant la
région osculaire et la bande musculaire interosculaire caractéristique ab.
f
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 661
Fi. 2. Un jeune individu couvert de gros graviers qui forcent la fente osculaire
à s'accuser sous la forme d’un pli; siphons rétractés,
3. Une partie grossie du même, vu de côté, avec les siphons étendus, fort
transparents.
4 et 5. Siphons plus grossis d’un jeune individu el en état parfait d’épa-
nouissement.
6. Orifice d’un adulte largement épanoui, pour montrer la livrée et les points
colorés, presque de grandeur naturelle, pendant une contraction de la
base du siphon; la lumière du canal est très rétrécie.
7. Apparence exacte d’un siphon branchial d’un très gros individu bien
épanoui; on voit que les parois du siphon paraissent épaisses etles lobes
du feston semblables à de petites dents.
8, Une portion encore plus grossie du mème orifice que figure 7, vu en de-
dans pour montrer : 40 les taches jaunes et rouges formant la livrée;
20 les prolongements ciliaires bd de la tunique sur le bord libre entre les
dents.
9. Masse glandulaire vue du côté de la cavité péribranchiale : O, ovaire ;
T, testicules ; d, od (on a gravé cd par erreur), canaux et orifices mâles ;
o, oviducte, et 00, son orifice avec papille, placée entre deux faisceaux
musculaires.
10. Une partie de l’oviducte o, suivie et précédée d’un étranglement, avec la
papille terminale en fer à cheval 00 ; Va, valvule de Porifice postérieur.
11. Origine du raphé postérieur Rp; V, l'organe vibratile dont les extrémités
en croissant sont fortement recroquevillées.
PLANCHE XV.
Anourelle oculée (Anurella oculata) (suite).
Fi. 12. Animal dépouillé de sa tunique, vu par le côté gauche ; les lettres dont la
signification a été donnée antérieurement indiquent suffisamment la dis-
tinction des organes.
Les organes de la reproduction sont à l’état de maturité; l'ovaire est
violet et le testicule un peu jaunâtre.
Ce qui frappe dans cette figure, c’est la direction verticale des glandes
génitales et de l'organe de Bojanus.
La région interosculaire ab est aussi bien évidente.
13. Côté droit d’un animal dépouillé ; la glande femelle est encore jaune, elle
n’est pas müre,
L’anse intestinale est à peine infléchie, elle est verticale.
14. Une très petite partie de l'une des divisions latérales des tentacules mon-
trant la face colorée et le mode de distribution de la couleur caracté-
ristique.
15. Portion d’un méridien prise entre deux parallèles, y compris la partie
correspondante glu fuseau entre C° et C’.
De C’ en C” les côtes nombreuses de la face postérieure du méridien ;
int M, espaces interméridiens; 1! à J*, base et division successives d’un
infundibulum.
Le réseau des capillaires est très irrégulier et à mailles serrées.
16. Une extrémité des infundibulums, C, avant-dernière côte ; C, côte du bord
662 l HENRI DE LACAZE-DUTHIERS,
libre, figure destinée à montrer la marche et les rapports des trémas ;
v, vaisseaux capillaires formant un réseau irrégulier au-dessus des tré
mas qui sont obliques et spiraux,
FiG. 17. Un godet y formant la tête des méridiens.
PLANCHE XVI,
Anourelle solenote (Anurella solenota).
FiG. 1, Animal de grandeur naturelle avec ses siphons épanouis et étendus, pêché
à Astan.
2. Animal dépouillé, grossi, vu par le côté droit; limite des fibres muscu-
laires longitudinales fort accusées, intestin peu infléchi.
3. Le même dépouillé, vu par le côté gauche; rein à peine courbé, ovaire
de même,
4. Portion de la cavité péribranchiale étendue; une partie de la branchie en-
levée antérieurement ; elle est vue par la face antérieure, aussi le côté
droit est-il à gauche de l’observateur. Une portion de la branchie a été
conservée; elle montre le lobe gauche du foie (f), insinué entre les lames
du feat
(a'), l'anus, a un caractère particulier : il n’est pas prolongé sur le dos
ke la branchie, il est entouré par un bourrelet.
Le testicule a une physionomie spéciale : il représente nettement
une glande en grappe; l’orifice od (indiqué ed par erreur) est unique;
les orifices femelles 00 sont très en arrière sur les côtés du rectum.
La valvule Va est extrêmement petite,
5. Une portion de branchie imbibée en rouge. C, C, C, les côtes; l', l’, l”', les
infundibulums simples; Àf, méridien.
6. Terminaisons des méridiens du côté de la bouche. M, méridiens; intM, fu-
seaux interméridiens; a, godets terminaux; c, les côtes, et b, le filet
d’union de toutes les têtes.
7. L'un des plusjgrands tentacules vu par sa face branchiale.
8. Angle d’origine du raphé postérieur. G, glande prénervienne; V, organe
vibratile ; N, ganglion nerveux; la glande est très élevée et le croissant
non recroquevillé ouvert à gauche.
PLANCHE XVII.
Anourelle simple (Anurella simpleæ).
F16. 1. Individu un peu plus que grandeur naturelle fixé sur une tige de goëmon,
pêché aux Pierres-Ayeugles, dans le canal de Roscoff.
2. Animal dépouillé de sa tunique, côté droit, Caractère important à consta-
ter : forte courbure de l’anse intestinale (ai), position des glandes dans
l’intérieur de la courbe décrite par l'intestin.
3. Animal également dépouillé, vu par le côté gauche. Horizontalité du corps
de Bojanus R et de l’ovaire et du testicule, caractéristique de l'espèce.
4, La branchie étant enlevée en bas, on voit la partie postérieure de la chambre
péribranchiale par l’avant. Particularités à constater : valvule Va très
petite; foie (f) insinué à droite dans le manteau; méridiens vus de
chaque côté ; anus (a) frangé sur les bords; orifice génital femelle (00)
F6,
Fc.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE, 663
s’ouvrant très près du bord de l’orifice postérieur; les orifices mâles (od)
(indiqués par erreur cd, multiples et sur la face interne de l'ovaire.
5. Une portion de branchie colorée en rouge. Caractères : sommets des in-
fudibulums /', 1", 1"! un peu divisés; capillaires peu compliqués et peu
nombreux, rectilignes; portion voisine du raphé antérieur placée dans
la figure en haut, offrant des trémas ({, {) bizarrement contournés.
6. Coupe de deux méridiens pour montrer les côtes fort saillantes sur la face
antérieure. C’est un caractère de l'espèce; les méridiens sont couchés
sur leur face postérieure, qui est dépourvue de côtes.
7. Un tentacule des plus grands. La partie dorsale ou externe, godronuée (a),
est très développée et très différente de la face branchiale, colorée, que *
l’on voit en avant.
8. Angle d’origine du raphé postérieur. Caractères: &, glande prénervienne
fort petite, supérieure à l’organe vibratile V; ces deux organes sont placés
à gauche du ganglion nerveux N.
PLANCHE XVIII.
Anourelle du Loup (Anurella Bleizi).
la. Groupe de Cynthia rustiques pris dans une grotte à Carec-ar-
Bleiz, sur lequel est fixée une Anurella Bleizi venant de rejeter des em-
bryons anoures, e. La couleur des Cynthia est à peu près naturelle, ainsi
que celle de la Molgulide.
1b. Echantillon grossi, fixé sur une tige de Gystoceris et pêché aux Pierres
Aveugles, Il faut remarquer quelle différence existe dans l’apparence des
deux individus fig. 4 a et fig. 1 b.
La position et la grandeur des deux orifices sont surtout très diffé-
rentes.
2. Côté droit d’un individu dépouillé de sa tunique ; on voit, e, e, deux groupes
d’embryons au-dessus et au-dessous des glandes génitales. — Le si-
phon À postérieur est plus long que l’antérieur B, sur lequel on voit
des côtes dues aux bandes robustes de muscles des siphons.
3. Côté gauche du même animal que figure 2. On distingue bien les rap-
ports des glandes génitales mâles et femelles.
La teinte jaune de l'ovaire est naturelle ; celle du corps de Bojanus
l’est de même.
On voit aussi des amas d’embryons çà et là au-dessus et au-dessous:
des glandes.
Les deux figures 2 et 3 montrent aussi une disposition organique
particulière à l’espèce, très marquée : c’est la grande étendue des fibres”
longitudinales du siphon postérieur, qui arrivent jusqu'au voisinage des
glandes génitales et s’écartent par paquets en s’irradiant.
4. L’extrémité d’un siphon branchial, montrant bien la forme des six dents
aiguës, et les taches jaunes et rouges semées sur la surface extérieure
de la tunique des tubes.
5. Région prénervienne. On doit y remarquer la petitesse et la posilion au
sommet de l'angle d’origine du raphé postérieur Rp de la glande pré-
nervienne G, le grand allongement du ganglion nerveux et la petitesse
comme la forme et l'ouverture à gauche du pavillon vibratile.
6. Un des plus grands tentacules de la couronne. Caractère et petitesse de
664 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
la face colorée et des ramifications de troisième ordre, grand dévelop-
pement de la partie bouillonnée.
Fic. 7. Une portion de branchie, vue du côté de la cavité ; la partie postérieure
est en bas, l’antérieure en haut; P, P, parallèles. Les méridiens sont cou-
chés sur le côté postérieur; les trois côtes de chacun d’eux sont bien
évidentes, ainsi que la bifurcation des infundibulums, bifurcation qui du
‘côté antérieur devient tellement profonde que l’on peut admettre que
les deux infundibulums ,mtérieurs entre deux parallèles, n’en ont formé
primitivement qu’un. |
8. Intéressante figure, car elle montre avec netteté le caractère important de
l’espèce, pour les organes de la reproduction :
O, l'ovaire, jaune, forme une bandelette presque verticale, dont l’ovi-
ducte, étant supérieur, se dirige horizontalement et se termine par
une grosse papille cordiforme 00. |
Des embryons sont dans le voisinage et montrent bien la gran-
deur relative des parties, le tout ayant été dessiné à la chambre claire
sous un même grossissement.
T, le testicule, formé de petits lobules de culs-de-sac distiques de chaque
côté d'un canal déférent d, qui suit le milieu de la face interne de l’ovi-
ducte, et vient s’ouvrir en od au sommet de la pointe du cœur de la
papille.
9. Partie de la chambre péribranchiale correspondant à l’orifice interne du
siphon postérieur ; elle est vue par la partie antérieure, la branchie étant
rejetée sur la gauche de l’observateur.
Ce qu’il faut observer dans cette figure importante, ce sont:
19 La grosse papille cordiforme terminant l’oviducte, 00, placée dans le
fond de l’angle dièdre formé par le manteau et la branchie, son orifice
ayant une forme toute particulière, et l’ouverture od du spermiducte
au sommet de l’angle de la papille cordiforme.
Cette disposition est caractéristique de l'espèce et suffirait à elle seule
pour la faire reconnaître ;
20 L’anus, a, avec l’extrémité libre du rectum, aplati ;
3° Le foie, f, est accolé à la branchie et uni au manteau, comme c’est l’ha-
bitude ;
40 La valvule Va, très développée et ployée sur la ligne médiane en
arrière.
PLANCHE XIX.
Molgule à siphon échinulé (Molgula echinosiphonica).
Fic. 1. Groupe de Cynthia rustica de grandeur et de couleur à peu près natu-
relles, sur lequel est une Molgula echinosiphonica, peut-être un peu
grossie, mais naturelle de port et de couleur.
la. Les deux siphons épanouis montrent bien et la couleur et les autres ca-
ractères de l'espèce. Le siphon B ou branchial offre surtout ce caractère
particulier spécifique. |
1b. Le siphon antérieur grossi avec ses épines contractées à moitié. Si l’on
considère l'étendue du diamètre et le peu de largeur des épines, on peut
comprendre que si l'épanouissement n’est pas complet, ce caractère
spécifique puisse échapper dans une observation superficielle.
2, Côté droit d’un animal dépouillé de sa tunique.
Fic.
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 665
Il faut observer :
4o L’anse intestinale, à, dont la longueur est la moins considérable peut-
être de toutes les espèces ;
20 L’anus @, qui est assez bas et détaché ;
30 Les rapports des glandes mâle T et femelle O;
40 Les amas d’embryons, e.
. Même animal vu par le côté gauche. Les quatre lobes du foie, f, se mon-
trent sur ce côté. Le corps de Bojanus, R, est petit et son corps inorga-
nique central est concret.
. Anse intestinale, à, avec son manchon ;e, un embryon; 7, le testicule en
grappe avec un seul orifice excréteur, od ; 0, l’oviducte, courbé en crosse ;
00, son orifice. :
. Fin du rectum avec l'anus à, à bords libres, renflés en bourrelets; Br, une
très petite portion de la branchie.
. Une partie de la branchie imbibée au carmin, vue par la face postérieure,
pour montrer les entrées des infundibulums 1 et les trémas, {, ayant la
même direction que les parallèles P.
. Une portion de méridien détachée des fuseaux interméridiens, également
imbibée.
Les infundibulums sont très remarquablement coniques et leurs tre-
mas, {, sont tellement grands que, vus de côté, ils ressemblent à des
échancrures.
. Une section perpendiculaire d’un méridien, montrant la direction des côtes
10.
4.
et leur grandeur comme leur position relative.
Région prénervienne. La glande G est remarquable par sa largeur et sa
direction perpendiculaire aux côtés de l'angle origine du raphé posté-
rieur Rp. Le ganglion N est supérieur et fortement porté sur la droite.
L’organe vibratile V est petit et bombé. Sa fente est en croissant, ses
extrémités peu recroquevillées.
L'un des plus grands tentacules.
PLANCHE XX.
Molgule sociale (Molgula socialis).
. Deux individus des Sables d'Olonne, grandeur et teinte à peu près natu-
relles. On doit remarquer qu'ils sont très villeux.
. Animal vu du côté gauche. Ce qu’il faut observer dans cette figure, c’est
la forte courbure de l’anse intestinale enfermant la glande génitale ©.
Côté gauche. L’étendue du foie, f, est faible ; le corps de Bojanus, R, est
très bas incliné à 45 degrés et la aide génitale très différemment
placée que la glande droite.
Paroi postérieure de la chambre péribranchiale.Les mêmes observations que
pour les figures 2 et 3 pourraient se reproduire ici. Le foie, f, est fort
petit, la valvule de l’orifice postérieur peu développée.
. L’anus, a, avec la marge dentelée,
. Région buccale. Bo, bouche, montrant bien les relations du raphé anté-
rieur Ra avec les six méridiens du côté gauche, Le bord du rap posté-
rieur Rp est un peu inégal, comme ondulé.
. Extrémité inférieure du raphé antérieur, montrant les papilles p, p, dont
elle est couverte ; m, le petit repli péricoronal, et l'extrémité, &, inférieure
de la gouttière.
666 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Fic. 8. Glandes génitales du côté droit; T, le testicule ; O, l'ovaire allant très en
avant ; 00, l'ouverture ovarienne large ; d, le canal déférent; od, l'orifice
de ce canal. |
9. Mèêmes organes que dans la figure précédente, seulement le testicule T
est reporté tout à fait vers l’orifice ovarique et son orifice od s'est déta-
ché de l’oviducte.
10. L'un des gros tentacules avec la couleur naturelle, Ce qu’il y a à remar-
quer ici, c’est la présence des papilles couvrant le rachis ainsi que les
origines des divisions primaires, et le très grand nombre des subdivi-
sions rendant le tentacule très touffu.
11, Une des dernières divisions de quatrième ou cinquième ordre.
PLANCHE XXI.
Molgule sociale (Molgula socialis).
Fic. 41. Une MolgulaSocialis pèchée dans la rade de Brest. La largeur des siphons,
sa grande taille et le faible développement des villosités de la tunique
frappent dans la comparaison avec la figure 1, pl. XX, représentant une
Molgule des Sables d'Olonne.
2 et 3. Coupes de l'intestin montrant le bourrelet intérieur, vrai typhlosolis qui
parcourt tout le canal intestinal dans la figure 3. Le bourrelet est
massif dans la figure 2, qui le représente dans une autre partie de l’in-
testin. 11 forme une lame recourbée qui limite un second tube inté-
rieur.
4. Région prénervienne, Le ganglion N, la glande grosse et transversale G,
et l’organe vibratile V, sont très bas au-dessous de l'angle.
L’organe vibratile V a les extrémités de son croissant fort recroque-
villées et son ouverture dirigée en haut.
5 et 6. Têtes de terminaisons buccales des méridiens, et origine du cordon
les unissant au raphé antérieur et postérieur, La figure 6 se rapporte au
même animal que la figure 6, pl. XX.
7. Un tentacule, dont l’origine ne me paraît pas absolument définie. Il a été
trouvé sur un individu qui ressemblait extérieurement et intérieurement
à beaucoup d’égards à la Molgula socialis, mais dont la branchie, fig. 8,
et la tête des méridiens, fig. 5, présentaient de notables différences.
Est-ce une variété ou une autre espèce? Je ne saurais le dire, n'ayant
pas trouvé d’autres échantillons et n'ayant pas disséqué celui que j’ob-
servais avec tous les ménagements désirables.
Il est certain que si l’on compare les figures 7, pl. XXI, et 10,
pl. XX, on a de la peine à admettre que les tentacules qu’ils représen-
tent appartiennent à la même espèce.
8. Branchie imbibée appartenant à l'individu dont le tentacule est représenté
fig. %
Le méridien est peu saillant, les trémas sont fort longs, les côtes rap-
prochées, les capillaires peu nombreux et droits.
9. Portion de méridien imbibée au carmin montrant les infundibulums à
_ trémas fort irréguliers, mais surtout un réseau capillaire très irrégulier,
fort riche, 1m, sur les fuseaux interméridiens.
10. Une portion de ce réseau grossie, montrant des papilles nombreuses
fi
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 667
saillantes, p, sur les capillaires, c, passant en sautoir au-dessus des
trémas, é.
PLANCHE XXII.
Molqula ampulloïdes.
Nora.— Ces dessins ont été faits sur un individu conservé dans l’al-
cool que m'avait fort obligeamment envoyé M. Van Beneden.
F1G. 1. Partie postérieure de la chambre péribranchiale ; a, l'anus béant à bord
dentelé; Va, la valvule de l’orifice anal 4, à peine saillante ; O, l'ovaire ;
T, le testicule ayant plusieurs orifices. On remarquera combien les ori-
fices des glandes femelles sont éloignés de l’ouverture interne du si-
phon postérieur À.
2, Côté gauche de l'animal dépouillé de sa tunique,
On doit remarquer : que l’anse intestinale est fortement courbée,
mais ne descend pas beaucoup; que le testicule T est supérieur à
l'ovaire ; que les deux glandes sont presque horizontales ; que le qua-
trième lobe hépatique au-dessous de l'intestin est assez développé ; que
la portion du corps comprise entre le sommet de l’anse intestinale et
l’orifice branchial B est presque égale à la moitié de la largeur totale.
3. Côté gauche du même individu : petitesse du foie, f, et petitesse de l’or-
gane rénal, R, en même temps que la position horizontale des glandes
génitales, O, T, et rénale, R, voilà les faits intéressants qu'il faut noter.
4. Région prénervienne. Les crigines du raphé postérieur Rp forment à
peine un angle, la glande prénervienne G est très grande et allongée
en travers; le ganglion nerveux N est petit, assez inférieur, très porté à
droite. L’organe vibratile a l’ouverture de son croissant en haut et un
peu à gauche et sa courbure est très forte.
5. Une petite portion du manteau portant les prolongements qui de sa sur-
face pénètrent dans la tunique dont ils se sont détachés. C’est un de
ces exemples qui viennent à l'appui de l'opinion que je soutiens, que
les vaisseaux de la. tunique sont une dépendance du manteau et ont
pénétré en s'allongeant dans l'épaisseur de l’enveloppe externe.
6. Région buccale, montrant les six têtes de méridiens de chaque côté.
7. Un tentacule imbibé au carmin. Arborescences nombreuses, les premières
de très grande taille, les dernières fort petites. Les gros troncs sont
hérissés de papilles.
8. Portion imbibée en rouge de la branchie Im, comprise entre deux mé-
ridiens M, M, dont les côtes sont larges, C, et les capillaires, c, très
gros et très nombreux.
Le réseau capillaire, formé par les ramifications des gros troncs par-
tant des parallèles, masque les trémas qui se contournent autour de diffé-
rents centres,
9. Portion prise dans la partie précédente et grossie. Les capillaires, €, €, c,
forment un réseau à mailles irrégulières en dessus des trémas, qui sur
un plan inférieur se contournent tantôt par rapport à un centre, tantôt se
tordent bizarrement en sens inverse.
Remarque. — Les figures 8 et 9 suffisent pour donner une idée exacte
du caractère de la branchie.
Dans la figure 8 laphysionomie générale a été largement indiquée
668 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
avec les proportions des parties, tandis que dans la figure 9 les dispo-
sitions ont été copiées servilement à la chambre claire.
PLANCHE XXIII,
; Ctenicelle de Lanceplaine (Ctenicella Lanceplaini).
Fig. 14. Deux individus de très belle taille fixés sur un rocher avec des Spi-
rorbes, grandeur et couleur à peu près naturelles.
-1b. L'un des individus de la figure précédente couché sur le côté et bien
épanoui, fortement grossi. La partie supérieure de la tunique est lisse
et les grains de sable fixés ne sont qu’au pourtour du corps de lani-
mal.
1c. Un individu fixé sur un fucus.
2. Animal vu du côté droit, mais un peu aussi par Le côté postérieur.
Le testicule, T, et l’ovaire, O, sont bien distincts en arrière de l’in-
testin, #, qui est presque vertical; e est un amas d’embryons d’une très
grande taille.
3, Côté gauche de l’animal. Le groupe allongé d’embryons du côté droit ar-
rive jusqu'auprès du raphé antérieur.
Testicule et ovaire sont aussi fort distincts, leur couleur jaune un peu
rougeâtre les fait bien reconnaître.
Le rein R est sur le milieu du corps à peu près, et présente une con-
crétion fort nette, ayant un noyau arrondi vers le milieu de la lon-
gueur.
4. L'orifice À un peu contracté laisse voir les dentelures des festons.
5. Orifice branchial, à six lobes, montrant les trois appendices de chaque
lobe. |
6. Un orifice postérieur À fortement grossi, avec sa tunique, naturel, sans
préparation, dessiné à la chambre claire sur un individu vivant bien
épanoui. On voit dans l’intérieur de chaque crénelure une petite bande
rouge qui est due à la couleur même du manteau.
7. Dessin important montrant le testicule T blanc, supérieur à l'ovaire O jaune
rougeätre.
Le canal déférent a été représenté noir, ce qui n’est pas dans la na-
ture; pour le distinguer des tissus voisins il s’ouvre par un orifice au
sommet d’un canal unique od.
Quant à l’oviducte 0, 0, il se porte en avant et s'ouvre au-dessous
de l'intestin ; c’est là un caractère important à remarquer.
Un embryon, e, encore enfermé dans sa coque, et muni d’une longue
queue enroulée, a été dessiné au-dessous, pour montrer à quelle énorme
proportion arrivent les jeunes avant de sortir de la cavité incubatrice.
Cette préparation, que je conserve, a été dessinée à la chambre
claire; elle est facile à faire et parfaitement démonstrative.
8. Portion droite de la région buccale, montrant les têtes des méridiens, 7,
dentelées, et le raphé postérieur, Rp, également très fortement denté.
C’est un caractère important à remarquer.
9. Portion de la branchie de la même variété que dans la figure 8 ; variété à;
les trémas sont parfaitement ordonnés par rapport à un centre placé
sous les méridiens, m, mais ils sont coupés entre les parallèles par une
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 669
bande large de tissus qui les interrompt. On remarquera que le méri-
dien le plus antérieur, m', est extrêmement petit.
Fi, 10, Variété 6, brachytréma, excessive petitesse des méridiens et des trémas ;
ceux-ci ressemblent à de petits trous dans une membrane ; on peut ce-
pendant remarquer qu’ils tournent suivant une coordination centrale.
11. Portion de branchie de la variété ;, appelée eugyranda, petitesse des mé-
ridiens et grandeur des trémas. Ceux-ci tournent élégamment autour
d’un centre placé sous les méridiens.
Les trémas du bord antérieur de la branchie, {, sont surtout caracté-
ristiques de la forme dans cette variété,
PLANCHE XXIV.
Ctenicelle de Morgate (Clenicella Morgatæ).
Fi. 1. Un groupe de trois individus fixés sur un tube d'Hermelle, grandeur et
couleur naturelles.
. Côté droit de l'animal dépouillé de la tunique. Il faut remarquer le peu de
courbure de Fintestin et sa position sur le bord antérieur du corps, et
surtout la forme des glandes génitales.
. Côté gauche. R, le corps rénal, est d’une petitesse très caractéristique ;
l’orifice, 00, de l’oviducte est dirigé en avant à droite comme à gauche.
Les rapports des glandes génitales et du corps de Bojanus sont aussi
fort exceptionnels.
4. Orifice branchial vu normalement et avec les caractères du genre, On re-
marque les tentacules grêles formant un réseau délicat dans le fond noir
du tube.
5. Orifice postérieur vu comme le précédent, dessiné d’après un animal vi-
vant.
6. Région buccale, montrant les sept têtes des méridiens avec les longs filets
les unissant aux raphés.
‘Deux choses importantes à noter : liberté de la tête du premier méri-
dien postérieur, m; elle est entourée par le raphé postérieur, qui a son
bord dentelé et qui s’unit directement au deuxième méridien postérieur
droit.
7. Partie postérieure de la chambre péribranchiale, On y voit: a, l’anus avec
son bourrelet; Va, la valvule très développée de lorifice postérieur;
l’anse intestinale, à, dont les deux branches sont écartées ; les testi-
cules, T, fort distincts de l'ovaire, 0; l’oviducte, o, allant horizontalement
en avant ; 00, l'ouverture de l’oviducte à droite sous l’anse intestinale.
Enfin l’organe rénal fort petit, n’ayant de rapports avec le testicule
que par une de ses extrémités,
8. Région prénervienne ; elle a été à tort dessinée renversée, tandis que par-
tout ailleurs on la voit dans la position naturelle.
Ce qu’il importe de noter ici, c’est la grosseur de l’organe vibratile V,
et la forme en «on couchée de la fente. Le raphé postérieur, Rp, a dans
l'angle et un peu au-dessus de lui deux lèvres, qui le transforment en
canal presque clos. J
9. Trois embryons urodèles ou qui l’ont été, a est un têtard qui commence
en v à pousser deux appendices destinés à devenir des villosités,
Le)
CA
& à
670 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. À
b en est un autre, dont la forme est changée par les villosités très
grandes, et dont la queue est déjà dépourvué de la partie centrale,
c est un embryon anoure trouvé dans la cavité péribranchiale et qui
a perdu sa quete,
F1G, 10. Un tentacule des plus grands. On voit la partie colorée, fort étroite, ses
branches latérales fort petites et sa partie bouillonnée fort grosse. Ce
tentacule est contracté.
11. Coupe d'un méridien imbibé, montrant la grandeur et la disposition des
côtes.
12. Terminaison inférieure du raphé antérieur montrant à la surface quelques
papilles.
13. Portion d’un méridien de la branchie imbibée, et le fuseau qui lui corres-
pond. À gauche, la figure se termine par la première côte, C, d’un mé-
ridien qui n’est pas dessiné.
Les trémas sont grands, les infundibulums réguliers et longs, et les
vaisseaux capillaires réduits à un seul pour chaque infundibulum, le-
quel coupe les trémas en descendant du haut du sommet des culs-de-
sac infundibulaires, 1; les parallèles P sont bien nettement accusés.
PLANCHE XXV.
Ctenicelle appendiculée (Clenicella appendiculala).
Fie. 1, Deux individus de couleur et de grandeur naturelles pêchés et observés
vivants à Banyuls-sur-Mer,
Les caractères du genre et de l’espèce sont parfaitement accusés, aussi
bien sur la variété rouge que sur la variété jaune.
Il faut remarquer la divergence et la longueur des deux siphons.
2 et3. Les orifices branchiaux et expirateurs à moitié contractés.
4. Un orifice B branchial de la variété jaune dans un parfait état d’épanouis-
sement, vu de profil.
5. Région péribuccale. On y remarque le croissant gauche ou Supérieur de
la bouche, Bo, qui pénètre dans la cavité ; il est creusé d’un sillon.
On y compte sept méridiens remplis de chaque côté, dont les deux
antérieurs ont leurs têtes éloignées de la région buccale; aussi leurs
filets de terminaison sont-ils allongés.
. Le bord libre du raphé postérieur Rp est finement dentelé.
6. Un tentacule. Il est fort régulièrement composé, très long comparative-
ment à son épaisseur; il a des branches latérales, régulières, et des
divisions courtes de troisième’ ordre quelquefois bifurquées. A leur som-
met, la éface colorée est doublée d’une membrane mince godronnée fort
évidente,
7. Tête d’un méridien vu obliquement ; les nombreuses côtes de la surface
se présentent saillantes et pourraient faire croire à une série de petites
dents.
7 bis. (Le mot bis a été omis par le graveur.) Région prénervienne. Glande G
énorme, dépassant les côtes de l’angle d’origine du raphé postérieur;
ganglion nerveux, grand, et organe vibratile V, ayant la forme très re-
marquable d’une $S retournée S,
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 671
2
PLANCHE XXVI.
Ctenicelle appendiculée (Ctenicella appendiculata) (suite).
FiG, 1. Portion imbibée de la branchie, comprenant deux méridiens rejetés l’un à
droite, l’autre à gauche, afin de montrer les côtes C', C"',C!”', Civ, Cv, des-
cendues sur la moitié de l’espace intermédiaire. Il y a donc quatre côtes
sur le fuseau et septsur la face du méridien. La partie 2m, ne présentant pas
de côtes, est couverte par un réseau capillaire, irrégulier. Les trémas
sont parallèles aux côtes et mesurent à peu près la moitié de la surface
des infundibulums. Ceux-ci sont longs et digitiformes; un vaisseau les
suit de chaque côté du sommet jusqu’à la base, entre les cloisons qui:es
séparent.
2, Côté droit du corps. Le foie, f, est à peu près nul sur cette face du corps,
l’anse intestinale est assez courbe (demi-circonférence). Les glandes
mâles et femelles, T et O, rappellent par leur disposition celles de la Ct,
Morgaiæ.
Le manteau est rempli de petits paquets musculaires que représen-
tent très bien de petites hachures. La masse glandulaire génitale droite
est horizontale.
3. Le côté gauche ne présente à considérer que deux choses : la position
horizontale des glandes génitales et le rapport particulier du corps de
Bojanus, R, qui est petit eu égard à la grande taille de l’animal,
4, Extrémité grossie d’un infundibulum. Les trémas ou les parties de la
branchie qui les limitent tournent en une spirale fort lente qu’on ne dis-
tingue que grâce à de très bonnes préparations et à un grossissement
suffisant. |
5. Préparation qu'on retrouve à peu près pour toutes les espèces, et qui
montre les rapports principaux des organes fournissant les caractères im-
portants.
Le foie, f, paraît à droite de la branchie Br ; l'anus a, bilobé, est libre
d’adhérences. La valvule, Va, offre deux lobes prolongés qui lui donnent
une physionomie particulière.
Les glandes mâles, T, sont antérieures aux glandes femelles, GO, et leurs
conduits, uniques pour chacune d’elles, se voient à une assez grande
distance de l’orifice postérieur du siphon anal.
Le canal déférent, od, arrive à peine au milieu de la longueur de
l'ovaire.
PLANCHE XXVII.
Eugyre arénacée (Eugyra arenosa).
. Fic. 3, Un individu pêché à la Basse d’Astan, un peu plus grand que nature, avec
ses orifices tachés de points rouge-carmin à demi fermés, mn
L'animal adhère à des débris de coquille dans lesquels il semble
s'être logé,
2, Côté droit de l’animal débarrassé de sa tunique ; ce côté est fort intéres-
sant à considérer. D'abord on voit combien, toutes proportions gardées,
l'intestin est volumineux; ses parois fort minces laissent voir dans les
deux tiers de sa partie terminale postérieure de gros vermicelles excré-
mentitiels jaunâtres,
672
Pre
a « | ÿ
HENRI DE LACAZE-DUTHIERS.
Le manteau est fort mince et l’on distingue les moindres détails re-
latifs aux rapports de l'intestin et des glandes génitales. Ainsi l’on voit
que la glande génitale n’est plus enfermée dans la concavité de la courbe
intestinale. C’est le premier exemple où nous voyions ainsi les organes
de la reproduction passer entre le feuillet interne du nranteau et l’in—
testin, pour croiser celui-ci tout à fait en sautoir ; il y a un carac=
tère certainement important dans ce rapport.
Une autre particularité qu'on reverra encore dans les figures 3 et 4,
c’est le développement et la séparation des fibres musculaires des deux
tubes ou siphons, on reconnaîtrait certainement un individu d’Eugyra
mêlé à d’autres espèces, en voyant combien le manteau est mince, com-
paré aux tubes dont les fibres longitudinales surtout s'arrêtent d’une
façon si brusque et si marquée.
Enfin on voit toujours des points oculiformes d’un rouge-carmin vif entre
les dents des festons des oscules.
3. Côté gauche. On aperçoit au travers du manteau les bases des infundibu-
lums, ce qui permettrait presque de diagnostiquer l’Eugyra. Mais ce
qui ne laisserait aucun doute, c’est l’absence de toute glande génitale
sur ce côté.
On n'y trouve que le corps rénal R, qui, très élevé, arrive jusqu’au
contact du foie, f.
n. Cette figure est un peu différente de celles qui représentent la face posté-
rieure de la chambre péribranchiale, bien qu’elle ait cependant pour but
de montrer les mêmes caractères.
L'animal est couché sur le côté gauche, etle manteau, coupé le long du
bord droit du raphé antérieur, a été rejeté à gauche. Aussi voit-on la
face de la branchie, Br, avec les séries de bases d’infundibulums carac-
téristiques ayant un centre obscur qui est le sommet de l’infundibulum
saillant dans la cavité branchiale,
Le foie, f, paraît adhérer à la branchie, et frappe par la grande taille
de ses cæcums jaunes verdâtres,
L’anus, a, sur sa marge libre est dentelé.
L'orifice femelle 00 est très voisin de l’anus.
L’orifice od du canal déférent unique s’ouvre sur une papille centrale
vers le milieu de l'ovaire et réunit tous les canalicules des lobes et lo-
bules du testicule T.
Enfin, on peut constater l'absence complète de la valvule à l’ouverture
interne du tube postérieur, et les points d’un rouge carmin oculiformes
entre les dents des oscules sont toujours évidents.
5. Portion de branchie imbibée et prise dans le voisinage du raphé antérieur,
Ra.
On voit au centre un mamelon entouré de tours de spire concentri-
ques ; les trémas, fort allongés, coniques, sont séparés par des baguettes
fort grêles que relient entre elles des filets capillaires rayonnant du
centre ou sommet à la circonférence. 3
Le mamelon, 1, est un infundibulum que ne soutient pas même une
côte. Celle-ei se voit à gauche, elle est tombée sur le côté, et n’a au-
cune adhérence avec l’infundibulum; seulement elle est continue en haut
et-en bas avec les parallèles, qui sont toujours fort nettement dessinés.
Sur la droite on voit une autre côte ayant à son côté droit une série
de petits infundibulums, fort rapprochés et placés entre le méridien pré-
cédent, semblable à tous les autres, et le raphé antérieur.
4
|
Le
ASCIDIES SIMPLES DES COTES DE FRANCE. 673
I yalàun caractère très précis que complète la série de petits fais-
ceaux musculaires, m, m, qui sont perpendiculaires au raphé antérieur,
Ra, et qu’on voit entre celui-ci et la série des infundibulums.
6. Sommet d’un infundibulum dessiné à la chambre claire, à un grossisse-
ment d’une centaine de fois ; il montre qu’il y a deux trémas qui à partir
de la base s’enroulent en marchant en sens inverse, mais qui ne se con-
tinuent pas au sommet de l’infundibulum.
7. Une des baguettes de la branchie à un grossissement de trois cents fois
montrant des cellules avec gros noyaux régulières et saillantes sur les
côtés.
8. Région buccale ; elle est fort curieuse. On voit les cæcums du foie, f, gros
et jaunes verdâtres, au-devant desquels passent les extrémités des côtes
correspondant aux méridiens rudimentaires représentés par une côte
unique. Les terminaisons des raphés antérieur, Ra, et postérieur, Rp,
se continuent avec les côtes, et le tout forme un ovale autour de la
bouche, Bo.
9. Région prénervienne. La glande G, bien évidente, est sur le côté gauche.
L’organe vibratile V se présente comme un véritable croissant peu
courbé et tourné vers la droite et en bas; l’angle d’origine du raphé
postérieur Rp ne mérite pas ce nom. Un tentacule, y, a été conservé
dans cette préparation; c’est l’un des plus grands. On voit, comme dans
la figure suivante, qu’il est peu développé et ramifié.
10. Tentacule grand antérieur ; il est très semblable à celui de la figure précé-
dente. è
La partie postérieure ou godronnée ne paraît pas très développée.
REMARQUE.
Le nombre des couleurs employées dans le tirage des planches de cette mono-
graphie n’est pas assez grand pour que toutes les variétés de nuances et des teintes
des espèces aient pu être obtenues. Toutes les couleurs des animaux ne sont pas ab-
solument naturelles. Les rouges, par exemple, sont trop forts ou trop faibles quel-
quefois.
De même, les jaunes devant donner avec les noirs légers des jaunes verdâtres, se
trouvent souvent un peu trop jaunes, par exemple pour le foie, ou le contenu du tube
digestif.
Ces réserves faites pour plus d’une espèce, la coloration des planches rend très
lisibles bon nombre de caractères. C’est ainsi que les branchies, toujours diffi-
ciles à interpréter quand elles ne sont pas teintées en rose par le carmin, l’éosine ou
autre, deviennent facilement compréhensibles par la couleurrouge quiles représente.
C’est pour cette raison que toutes les branchies ont été ainsi représentées en rose.
ARCH. DE ZOOL.*EXP. ET GEN. — T. VI. 1877. 43
so
ss
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
TOME VI
Agassiz (Alex.). Note préliminaire sur le
développement des Plies, p. 305.
Amsterdam, p.1.
Balanophyllie (Voir de Lacaze- Duthiers).
>alfour. Développement des nerfs spi-
naux des Elasmobranches, N. et R.,
pe XXVI.
Bryozoaires des côtes de France (Voir
L. Joliet).
Bulschli. Etudes sur les phénomènes de
la segmentation, N. et R., p. vir.
Caryophyllie (Voir de Lacaze-Duthiers).
Coagulation du sang (Voir Fredericq).
Coupes (Voir de Lacaze-Duthiers).
Crustacés parasites inférieurs (Voir C.
Vogt).
Dareste. Recherches sur la production ar-
tificielle des monstruosités ou essais de
tératogénie expérimentale, N. et R.,
DIX.
Echinodermes (Voir E. Hæckel).
Elasmobranches (Développement
nerfs spinaux des) (Voir Balfour).
Fécondation (Voir Hertwig).
Fol (Prof. Hermann). Sur le commence-
ment de l’hénogénie, chez divers ani-
maux, p. 145.
— (Voir Hertwig).
— Réponse à quelques objections for-
mulées contre mes idées sur la péné-
tration du spermatozoïde, p. 180.
Fractionnement (Voir Herlwig).
Fredericq. De l'existence dans le plasma
sanguin d’une substance albuminoïde
se coagulant à + 56 degrés centigrades,
Net D. xiv.
des
Générations alternantes (Voir E. Hæckel). |
Giard (Voir H. Fol).
Halisarca (Voir Schulze).
Hæckel (Ernest). La forme en comète des
Etoiles de mer et la génération alter-
nante des Echinodermes, N. et R,
P>XXXIIT.
Hénogénie (Voir H. Fol).
Hertwig (Dr Oscar). Nouvelles contribu-
tions à la connaissance de la formation
de la fécondation et du fractionnement,
p. 171.
Heriwig (Richard). Sur le Leplodiscus
medusoïides, N. et R., p. xLI1.
Histologie (Voir Pouchet et Tourneux).
Joliet (Lucien). Contributions à l’histoire
naturelle des Bryozoaires des côtes de
France, p. 193.
— (Voir Vejdovsky).
— (Voir 4. Agassiz).
De Lacaze-Duthiers. Laboratoire de z00-
logie expérimentale de Roscoff, compte
rendu des améliorations et des travaux
de 1874 à 1878, p. 311.
— Observations sur la déglutition et la
vitalité des Caryophyllies de Smith et
Balanophyllie royale, p. 377.
— Sur un procédé pour faire des coupes,
Net R., pv
— Histoire des Ascidies simples des
côtes de France, 2e partie, p. 457.
Mollusques de Saint-Paul et Amster-
dam (Voir p. 98).
Saint-Paul (Voir p. 1).
Pavy. La physiologie du sucre en rap-
port avec le sang, N.et R.,fp. xvir.
— Nouvelle méthode pour la détermina-
tion quantitative du sucre dans le
sang, N. et R., p. xxIT.
Pénétration du spermatozoïde (Voir H.
Fol).
Perez (Voir H. Fol).
Plies (Voir À. Agassiz).
Pouchet et Tourneux. Précis d’histologie
humaine et d’histogénie, N. et R.,
p. XXXII.
Rhizopodes ((Voir E. Schulze).
Roscoff (Voir de Lacaze-Duthiers).
Sang (Voir Pavy ou Fredericq).
Schneider (Voir Schulze).
— (Voir Butschli).
— (Voir E, Schulze).
. e sa N
dk +
*
e M, à;
676 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES... * .
Schneider (Voir E. Hæckel). l'œuf et sur le mâle de Le ner viri-
— (Voir R. Hertwig). dis. N.et R., p. xLVI.
Schulze. Recherches sur l’organisation et Velain. Observations générales sur la
le développement des Spongiaires, N. | ‘ faune des îles Saint-Paul et Amster-
et R., p.1 (genre Halisarca). dam, p. 1.
— Etudes sur les Rhizopodes, N.etR,., Vénus (Passage de). Expédition française
P. XXIIL. aux îles de Saint-Paul et Amsterdam,
Segmentation (Voir Butschli). p'41
Spongiaires (Voir Schulze). Vogt (Carl). Sur les organes reproduc-
Tératogénie (Voir C. Dareste). teurs de quelques Trématodes marins
Trématodes (Voir C. Vogt). ectoparasites, p. 363.
Vejdovsky (Franz). Sur la formation de — Recherches côtières, p. 385.
TABLE DES PLANCHES
TOME VI.
Planche I, Carte de l’île Saint-Paul.
Planches IT, IIT, IV, V, Mollusques des îles Saint-Paul et Amsterdam, par M. VELAIN.
Planches VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII et XIII, Organisation et développement des
Bryozoaires, par M. Luc. JoLieT.
Planches -XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIIT, XXIV,
XXV, XXVI, XXVIL #REMWMI, Les Molgulides des côtes de France, par
H. DE LACAZE- DUTHIERS.
2
PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE D’ARCET, 7.
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