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"^ïhxïïï^ oî tljf p;«scum
OP
COMPARATIVE ZOOLOGY,
AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, ËASS.
jFounUe'O ïjg prffaate suïjscrfptfon, în 1861.
ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
SCIENCES
EXACTES ET lATUMllES
PUBLIEES PAR
LA SOCIÉTÉ HOLLANDAISE DES SCIENCES A HARLEM,
ET RODIGÉES PAR
E. H. VON BAUMHAUER
Secrétaire de la Société,
AVEC LA COLLABORATION DE
MM. R. van Rees, 0. Bierens de Haan, C. A. J. A. Oudemans, W. Koster
et J. A. Herkiots.
TOME CINGIUIÈME.
LA HAYE,
MARTINUS NIJHOFF,
<Svl870.
TABLE DES MATIÈRES.
Programma de la Société Hollandaise des Sciences à Harlem
pour l'année 1870 Pag. i — vu
J. A. Groshans , Sur la chaleur de vaporisation et les chaleurs
spécifiques des corps solides et liquides Pag. 1
F. J. Stamkart , Sur une méthode simple pour la comparaison
exacte des mesures de longueur // 15,
F. J. Stamkart, Sur la détermination de petites différences de
longueur , la mesure de faibles épaisseurs dans les petits objets .
et l'observation de faibles déplacements dans les grands objets. " 24,
Emil Selenka , Sur la morphologie des muscles de l'épaule chez
les oiseaux // 48 ,
P. C. DoNDERwS, Les mouvements de l'œil éclairés à l'aide du
phénophthalmotrope: // 55 .
P. A. W. MiQUEL, Nouveaux matériaux pour servir à la con-
naissance des Cycadées // 74.
P. A. W. MiQFEL, Contributions à la Plore du Japon // 89.
E. H. VON Baumhauer, Sur la densité de l'alcool et des mélanges
d'alcool et d'eau // 97 .
W. P. R. SuRiNGAR, Une nouvelle espèce d'argostemma, con-
tribution à la Plore de l'Inde Néerlandaise / 116.
J. A. Herklots, Deux nouveaux genres de crustacés vivant en
parasites sur des poissons, — epictliys et ichthyoxenos // 120.
N. W. P. Rauwenhoff, Observations sur les caractères et la
formation du liège dans les dicotylédones // 138.
H. Vogelsang, Sur les cristallites. Etudes cristallogénétiques. . v 156.
.T. A. Groshans, Sur les chaleurs spécifiques des corps solides
et liquides y 193.
C. K. Hoffmann et H. Weyenbergh Jr. , Sur la place du
Chyromys dans la méthode naturelle " 214.
G. P. W. Baehr, Notesur les résultats d'une étude mathématique
des mouvements de l'œil // 233 .
H. Hartogh Heys van Zouteveen, La forêt pétrifiée du Caire ,
les collines de tessons de poterie de la Basse-Egypte et la
première cataracte du Nil -/ 238 .
H. Hartogh Heys van Zouteteen , Sur la synthèse du sulfo-
cyanate d'ammonium (rliodan-ammonium) // 240.
T A ]î L E DES MATIÈRE
V. S. M. VAN DEK WiLLiGEN, Obscrvatious sur la niacliiiie
électrique de Holtz Pag. 212 .
A, C. OuDEMANs Jk.. , Sur le dosage vohiinétrique du fer par
riiyposulliie de soud(! u 248 .
H. Weyenbeugh Jk. , Quelques observations de parthénogenèse
chez les lépidoptères // 258 .
C, RiTSEMA Cz. . Sur l'origine et le développement du periphyllus
testudo V. d. H // 265 .
J. VAN Geuns et E. H. von Baumhauer, Extrait d'un rapport
sur la purilication de l'air des hôpitaux par la combustion des
germes organiques // 270 .
P. J. VAN Kerckhofe, Sur la constitution de quelques carbures
d'hydrogène // 273 .
P. J. A^AN Kerckhofe, Quclqucs essais concernant le titrage
des alcoloïdes du quinquina i' 284 .
A. Nyland , Sur la durée et la marche des courants galvaniques
d'induction // 292 .
A. W. M. VAN Hasselt, Etudes sur le pholcus opilionoïdes
Schrank // 340 .
P. A. Bergsma , Sur la variation diurne de l'inclinaison luag-
nétique à Batavia " 357 .
W. Marshall , Notes pour servir a la connaissance du presbytes
albigena . Gray " 364 .
F. Seelheim , Matériaux pour la connaissance du basalte // 369 .
Hugo de Vries , Matériaux pour la connaissance de l'influence
de la température sur les plantes // 385 .
W. Marshall, Quelques observations sur la splanchnologie du
rhinochaetes jubatus , Ver. et Desm // 402.
J. A. Herklots, Sur quelques monstruosités observées chez des
Crustacés " 410.
H. Weyenbergh Jr. , Sur la manière de vivre de l'eurytoma
longipennis Walk // 420 .
A. Heynsius , La preuve directe que les globules du sang
fournissent de la fibrine // 428 .
H. Hartogh Heys van Zol^teveen, Nouveaux résultats de
mesures par le planimètre polaire d' Amsler // 440 .
H. J. VAN Ankum, Note sur la nidification de vespa germanica Eabr. // 443 .
D. BiERENS de Haan, Sur quelques nouvelles formules de
réduction dans la théorie des intégrales définies // 447.
A. Adriaansz , Sur le dosage de l'acide phosphorique en présence
de l'oxyde de fer et de l'alumine // 471.
ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
Sciences exactes et naturelles,
SUR LA CHALEUR DE A/APORISATION ET LES CHALEURS
SPÉCIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES ,
J. A. GROSHANS.
1. J'ai communiqué dans ce journal (T II, 1867) un extrait
d'une brochure publiée sous le titre de Etudes et considérations
sur la nature des Elé^nents {corps non-décomposés) de la chimie,
où j'ai traité de quelques propriétés physiques des corps , points
d'ébullition et volumes spécifiques, dans leurs relations avec la
composition atomique.
2. Dans cette brochure j'ai donné une liste de 28 corps,
Cp Hy Or, qui s'accordent en la propriété que les densités
d de vapeur, à 0'",76 et aux points d'ébullition, sont exactement
proportionnelles aux nombres p -^ q -^ r ^=. n.
3. De ces 28 corps j'en mentionnerai ici trois; — je calculerai
la densité d par la formule
rf=: 62,167
273 -h s
dans laquelle a est le poids atomique (moléculaire) des corps.
as d n
1. Ether C4 HjoO 74 34,9 Kopp. . . . 14,94 15
2. Ether propionique C, HjoO, 102 100 Pierre ... 17 17
3. Ether oxalique . .CgHjoO^ 146 180 Mitscherlich 20,04 20
Archives Néerlandaises, T. V. 1
2 .T. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ET LES
4. J'ai montré dans la brochure, qu'on pouvait admettre pour
tous les corps, composés de C, de H et de 0, la propriété
énoncée par la formule:
d' _ n' x'
dF '^ V' ' 'ôc'
les nombres x étant des constantes, que j'ai appelées déviations ^
et dont j'ai donné les valeurs.
5. Il résulte de cette propriété, qui doit être la même à toutes
les pressions, qu'on peut admettre pour deux corps quelconques:
273 4- /' _ 273 + s'
273 + (' "~ 273 -h s"
(V et t' étant des températures correspondant à une pression p,
autre que 0'«,760.)
6. Il résulte de la dernière formule, que quand on admet:
/> = F (T)
(T étant la température d'une vapeur saturée, augmentée de 273),
on a ^ , Tz= Constante, pour toutes les vapeurs sous la même
pression /?; la constante elle-même variant avec la valeur de p.
7. Quoique cette dernière formule ne se vérifie pas exactement
pour tous les corps, les différences entre les résultats du calcul
et ceux de l'observation ne peuvent être attribuées qu'à l'action
des forces moléculaires.
8. La formule _?. T z=: Constante (pour toutes les vapeurs sous
dr
la même pression) contient la preuve de la vérité d'une proposi-
tion importante en physique, qui a été énoncée pour la première
fois par Despretz, et qui se trouve dans plusieurs Traités de physique :
„que, sous la même pression, la chaleur de vaporisation varie
en raison inverse de la densité de la vapeur."
Cette proposition a été souvent combattue, et elle n'est pas
encore généralement admise. M. Zeuner , dans son ouvrage : Théorie
mécanique de la chaleur, observe que quand on prend pour base
des calculs les dernières expériences de M. Regnault, cette pra-
CHALEURS SPECIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 6
position ue se vérifie nullement; et il conclut, „que ces nombres
(trouvés par M. Kegnault) diffèrent cependant assez peu les uns
des autres, pour qu'on puisse dire, au moins, que la chaleur de
vaporisation de l'unité de volume de la vapeur est approxima-
tivement la même pour toutes les vapeurs sous la même pression."
9. En admettant donc cette proposition et, en même temps, que
les différences entre les résultats du calcul et ceux de l'obser-
vation peuvent être attribuées à l'action encore peu connue des
forces moléculaires, on peut tirer de cette proposition des consé-
quences très-importantes, entre autres les lois des chaleurs spéci-
fiques des corps solides et liquides.
10. Il me faut recourir pour cela au phénomène des volumes
réduits égaux, que j'ai signalé dans la brochure; je rappel-
lerai ici que j'ai nommé volume réduit le volume observé à la
273
température de l'ébullition s, multiplié par la fraction
vr ^ V s.
273
273
273
Je mentionnerai ici les volumes réduits des trois corps du
paragraphe 3.
vs s vr
1. Ether C, H^o 0 106,1 Kopp 35 94,0
2. Ether propionique . C5H,o02 125,8 Kopp 100 92,1
3. Ether oxalique. . . C^E^^O^ 166,8 Kopp 180 100,5
11. Nous avons de fortes raisons pour croire que les volumes
spécifiques sont comparables aux points d'ébullition, et le phéno-
mène des volumes réduits égaux est une de ces raisons; — il
s'ensuit de cette hypothèse qu'il faut admettre: „que tous les
liquides, en passant d'une tension de 760'«''* à celle de (760 +jy),
se dilatent ou se contractent d'une quantité égale."
12. Il n'est pas difficile de faire des observations à ce sujet;
on est en possession de tables exactes de dilatation pour un grand
nombre de liquides, et, d'autre part, on sait (paragraphe 5) que quand
deux corps ont leur point d'ébullition à s' et /, on a des températures
1*
J. A. GROSHAINS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATIOiX ET LES
m
correspondantes en prenant les températures — (273 + .s') et
m
_ (273 + s").
n
18. En faisant des observations pareilles^ on peut constater
que pour un grand nombre de liquides les dilatations, sans être
égales, ont cependant une certaine ressemblance.
14. Pour les deux corps suivants on a à peu près l'égalité.
Pour ces deux corps, qui donnent:
cl z=r n,
les points d'él^Uition observés s'accordent avec les points d'ébul-
lition calculés.
s cale.
1. Ether méthyl-benzoïque . . . . Cg H« 0, 196,7
2. Ether propionique C^ H^o O2 100
A la température 0° de l'éther propionique correspond / = 70^,7
de l'éther méthyl-benzoïque; j'ai calculé, d'après les expériences
de M. Kopp, la dilatation de l'éther méthyl-benzoïque del2%6en
12°,6, intervalle correspondant à 10 degrés pour l'éther propionique,
en prenant pour unité le volume de l'éther méthyl-benzoïque à
70", 7; il en est résulté le tableau suivant:
Comparaison des dilaialions de l'éther inélhyl-henzoïque et des
deux éthers isomères entre eux, V ether méthyl-butyrique et r ether
propionique j à des températuree correspondantes.
ETHER Méthyl-benzoïque.
ETHERS C5 H,„ O,
Vol. 0^
Vol. 70^7::=: 1
Methyl-butyrique. i Propionique.
70°,7
83 ,3
95 ,9
108 ,5
121 ,1
133 ,7
146 ,3
158 ,9
171 ,5
181 ,1
196 ,7
1,0684
1,0819
1,0959
1,1103
1,1254
1,1410
1,1572
1,1740
1,1915
1,2097
1,2286
1
1,0127
1,0257
1,0392
1,0534
1,0680
1,0832
1,0989
1,1152
1,1323
1,1509
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
1
1
1,0122
1,0130
1,0247
1,0261
1,0378
1,0396
1,0514
1,0533
1,0655
1,0678
1,0804
1,0828
1,0959
1,0984
1,1123
1,1151
1,1294
1,1325
1,1475
1,1510
CHALEURS SPECIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 5
15. Cependant, quelquefois il n'y a pas même de ressemblance ,
et il serait facile d'indiquer des liquides, dont on peut être
assuré parfaitement que les volumes ne sont pas comparables,
dans l'état actuel de la science, ni à la pression de 0,76, ni à
toute pression moindre.
16. Ce seraient par exemple:
Le mercure , dont le volume de 0^ à 350° se dilate de 6J pour cent ;
L'eau, dont le volume de 0^ à 100"" se dilate de 4 pour cent;
L'acide formique, dont le volume de 0° à 105"^ se dilate de
12 pour cent.
17. J'admettrai ici, que les volumes des trois corps mentionnés
dans les paragraphes 3 et 10 se dilatent d'une égale quantité,
quand la pression change de 760'^'»^ à (760 -h /?).
18. De ce qu'on a pour ces corps:
1^ __ 273 + s'
v7' ~" 273 -h s"
il s'ensuit: qu'un centimètre cube de chaque liquide, à s° , étant
réduit en vapeur par la chaleur, donnera un nombre égal v de
centimètres cubes de vapeur k s^ et k 0'",76.
19. D'après la proposition de Despretz, ces v centimètres de
vapeur contiennent pour chaque liquide une quantité égale de
chaleur de vaporisation = q.
20. En fournissant donc à un centimètre cube de chaque liquide
une quantité égale de chaleur q (qu'on peut se représenter
comme très-petite) , et en empêchant la vapeur de se former , ces
centimètres cubes s'échaufferont de i' et r" degrés, la pression
deviendra (760 -\- p) et la dilatation sera égale pour chaque corps.
21. Les quantités q peuvent donc être regardées comme les
chaleurs spécifiques pour un centimètre cube de liquide et pour
un nombre de degrés capable d'augmenter la pression de 760»'»^
à (760 H- p).
22. Il est maintenant facile de calculer les chaleurs spécifiques
pour Vunilè de poids et pour un degré centigrade.
23. Les poids spécifiques des trois liquides sont respectivement
■=.n' ^lï' et n'^' y oU; en nombres, = 15; 17; et 20.
6 J. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ET LES
24. On a donc, pour deux liquides A et B, en appelant les
chaleurs spécifiques de l'unité de poids c' et c":
n' n"'
25. Cette expression se rapporte aux nombres de degrés t' et r" ;
les chaleurs spécifiques pour un degré sont inverses à ^^ et t",
et comme, pour celles-ci,
a'
T^ _ 273 + 5' ___ n'
7' ~" 273 + s" ■" 7''
on a pour les chaleurs spécifiques de l'unité de poids, pour un degré :
^
n
c'
7'
9
X
7 __ a"
7^ 7
^11
n"
d'où & a' = c" a".
26. Il est donc bien établi : que les chaleurs spécifiques a' c' et
a" c" sont égales pour deux corps qui ont la même déviation et
le même volume réduit.
27. M. Kopp a trouvé par la voie expérimentale, que deux corps
isomères, ayant des caractères chimiques distincts et des points
d'ébullition différents, par exemple, l'acide butyrique et l'éther
acétique, qui ont tous deux la formule chimique C 4 Hg 0 2, ont la même
chaleur spécifique ; il est facile de prouver cette loi par la théorie.
28. Il faut se rappeler que ces deux corps ont le même
volume à leurs points d'ébullition respectifs; admettons que
les points d'ébullition sont pour l'éther = 74° et pour l'acide
=: 156^; alors les quantités de vapeur, mesurées en centimè-
tres cubes, produites par un centimètre de chaque liquide^
seront entre elles comme (273 + 74) et (273 + 156), ou comme 347
et 429; par conséquent, les quantités de chaleur q seront dans
le même rapport; on aura donc, pour les températures T'et^",
c : c ■=. a' : q"
et pour un seul degré.
CHALEURS SPECIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 7
il est facile de voir que ^ = -i = 1 ; car on a :
q' : q" = 347 : 424
et
x' : t" = 347 : 424.
29. La loi du paragraphe 26 peut donc être étendue de la
manière suivante:
„Les chaleurs spécifiques, a' c' et a" c' , sont égales pour tous
les corps du même rang."
30. Il sera nécessaire ici de rappeler ce qu'on doit entendre
par le rang des corps.
31. Le rang des corps indique le degré de simplicité des com-
binaisons de la chimie; les corps suivants appartiennent tous au
premier rang et doivent avoir les mêmes chaleurs spécifiques:
1. Eau H^ 0
2. Carbure de soufre C S 2
3. Brome Br^
4. Acide formique. . C H, Oo 0,536 Kopp de 24° à 45° 46 24,6
On voit que, pour ces quatre corps, les résultats du calcul et
ceux de l'observation coïncident à peu près.
32. En ajoutant à H- 0 un atome de C et 2 atomes de H, on
obtiendrait C H^ 0, formule de l'alcool méthylique, ou d'un
isomère; ce corps aurait le deuxième rang.
33. En ajoutant pareillement C H^ à l'acide formique, on ob
tiendrait C^ H4 Oo, formule de l'acide acétique ou d'un isomère;
ce corps aurait aussi le deuxième rang.
34. En continuant de la sorte, on obtiendrait les corps du
troisième rang, C^ Hg 0 et C3 Hg O2.
35. Il y a beaucoup de corps pour lesquels on ne connaît pas
de combinaison avec C Ho ou (CHJ«; ces corps, qui compren-
nent en général les métaux , les oxydes , les sulfures . . . , ap-
partiennent tous au premier rang; ce rang contient aussi les mé-
talloïdes, N^; H^; 0=^; S^ CP ; Br^ ; I^ ; etc.
c
a
c a
1,013 à 100° Regn.
18
18,2
0,243 à 48° Regn.
76
18,5
1,07 Andrews à?.
160
17,1
8 J. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ET LES
36. Il faudra encore beaucoup d'études sur le rang des corps,
lequel constitue une idée scientifique nouvelle; il est quelquefois
difficile d'assigner le rang auquel appartient quelque substance ; pour
les corps qui contiennent de l'hydrogène, le rang (m) est souvent
donné par une des formules suivantes, dans lesquelles q indique
le nombre des atomes d'hydrogène:
q q -\-2
2 2
On peut assimiler les atomes de Cl, Br et I aux atomes de l'hy-
drogène, de manière que q signifiera le nombre des atomes de
l'hydrogène -h les atomes de chlore, brome, etc.
37. Quant aux produits a' c' et a" c" de corps de rangs m
différents, on peut commencer par admettre les formules
a' c' __ x^
et
X-
38. La forme de la dernière fonction doit être facile à trouver;
nous avons déjà plusieurs exemples de fonctions analogues ; ainsi ,
pour les corps d'une série complète, on a pour les densités cl
de vapeur:
d' n' x'
formule dans laquelle:
x' ^m
1 =/(-').
" n"' X''
x" l^m"
Pour les volumes spécifiques de corps de rangs différents (vo-
lumes qui sont indépendants des points d'ébullition et des dévia-
tions), on a:
vs' a' n" x'
vs' à' ' n ' x'
formule où:
x' m'
^' ~~ m!''
CHALEURS SPECIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 9
On peut admettre d'avance que pour les chaleurs spécifiques
on aura :
c' a m ^m
c' a" m" l^^^^'
et les résultats de l'expérience devront permettre de choisir avec
certitude entre ces deux formules.
39. En calculant les nombres relatifs de centimètres cubes de
vapeur, que donne un centimètre de liquide à s^ , pour les corps
d'une série homologue complète , on trouve:
m centimètres de vapeur.
1.
1;
_ 1
2.
0,7071
___ 1
^2
3.
0,5774
_ 1
V/3
4.
0,50
__ 1
1/4
Les quantités i' de vapeur développées par un centimètre cube
de liquide sont donc:
V *^ m
m
40. En consultant les résultats des expériences pour les liqui
des aux points d'ébullition , lesquelles expériences sont en petit
nombre, j'ai cru pouvoir admettre provisoirement comme probable
la formule :
x' ^m'
^ ^^m
On pourrait donc conclure:
les produits a c sont proportionnels aux racines carrées des
rangs m, c'est-à-dire.
c' a' ^ m'
^m"
10 J. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ET LES
Ce rapport est le même que celui des volumes réduits, dans
les séries homologues complètes:
vr' ^m' .
d'à"
vr"
c' a' vs'
273 H- s'
273 + s'
vr" \y^„
on a donc pour ces séries:
c' a' vr'
et
Les deux dernières formules sont aussi applicables aux corps
de même rang, ayant des volumes réduits égaux.
41. Si l'on avait:
s' Z= 5"
c'est-à-dire, si les points d'ébullition étaient égaux, ce qui serait
possible pour des corps appartenant à des séries différentes,
on aurait:
42. Voici quelques exemples pour faire voir le degré de con-
cordance entre les résultats du calcul et ceux de T observation.
Il résulte de la formule
c' a' ^ m'
c"a' l/^.
cette autre formule
:
— — riormtante
\^m' ^m'
Série C«H(2« + 2) 0
C a
m. 0 c a — ^
1. Eau H^ 0 1,013 à 100'^ Regn. 18,24 18,24
2. Aie. méth. . C H, 0 0,645 à ? Kopp. 20,64 14,60
3. Aie. éth. . . C,H« 0
4. C3H3 0 0,7641 à 78° Regn. 35,15 20,30
5. Ether. . . . C, H^o 0 0,5500 à 35° Regn. 40,70 18,20
CHALEURS SPÉCIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 11
Corps du même rang (m := 3)
c ac
Alcool C, Hg 0 0,7641 à 78° R. 35,15
lodure d'éthyle . . C^ H^ 1 0,1732 à 70 R. 27,22
Liq. des Holl . . . C, H^ Cl^ 0,3293 à 84 R. 32,60
Acétone C4 H^ 0 0,5505 à 55 R. 31,93
Moyenne. . . . 31,72
ac
'^ = 18,31;
1^3
la lettre R signifie Regnault.
m =z b
1. Ether C^ H^o 0 0,5500 à 35° R. 40,70
2. Sulfure d'éthyle. . . C^Hj^S 0,4788 Moyenne R. 43,10
Moyenne. . . . 41,90
1^^ = 18,73.
43. De ces considérations il résulte, quant aux chaleurs spé-
cifiques, des manières de voir dont quelques-unes diffèrent essen-
tiellement de celles qui ont cours ; ainsi il en découle , que
les chaleurs spécifiques ne sont comparables qu'aux points d'ébul-
lition ou à des températures correspondantes; et encore, que ces
chaleurs sont inversement proportionnelles aux poids atomiques
(ou plutôt moléculaires).
44. Depuis quelques années, on s'est écarté du chemin qui
semblait indiqué d'une manière si claire par la loi de Dulong et
Petit et par celle de Neumann , lesquelles admettaient toutes les deux
que les chaleurs spécifiques sont (toutes choses égales d'ailleurs)
inversement proportionnelles aux poids atomiques (moléculaires);
il résulte des considérations précédentes que le rapport indiqué
a lieu dans tous les cas.
45. Si, après avoir lu ces considérations, on consulte les
données de l'expérience concernant les chaleurs spécifiques d'un
grand nombre de corps solides, comprenant entre autres des mé-
taux, des sulfures, des oxydes, des chlorures etc. métalliques, il
12 J. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ET LES
faut d'abord réfléchir que ces expériences n'ont pas été faites à
des températures correspondantes; on peut supposer cependant,
qu'à de grandes distances des points d'ébullition les chaleurs
spécifiques ne varient que lentement avec la température.
Comme les métaux, leurs oxydes, sulfures, chlorures, bromu-
res et iodures appartiennent en général au même rang (le
premier), il s'ensuit que tous ces corps doivent avoir la même
chaleur spécifique, ca. Or les expériences pour des températu-
res de 0"^ à lOC^ donnent des valeurs différentes, comprises en
général entre 6 et 20.
46. M. Kopp ayant observé:
1. que pour un grand nombre de métaux (et autres corps
simples) le produit a c est en moyenne environ =: 6,4 ;
2. que pour les corps R Cl , R Br , RI le produit a c est en
moyenne 1=: le double de 6,4; et enfin
3. que pour les corps RCU, RBr^ et Rio le produit ac est
en moyenne environ le triple de 6,4;
conclut que a c est proportionnel au nombre d'atomes simples.
Cette règle ne serait cependant pas applicable à des corps ren-
fermant de l'hydrogène, de l'oxygène, du carbone, du soufre,
du silicium et quelques autres corps.
47. D'après les considérations que j'ai développées, les produits
a c n'auraient aucun rapport avec les nombres des atomes des corps,
et, pour tous les corps des trois catégories mentionnées, les pro-
duits a c devraient être égaux (à des températures correspondantes).
48. Je ferai remarquer d'abord , que les rapports simples observés
par M. Kopp se rapportent aux poids atomiques, tandis qu'il aurait
fallu employer les poids moléculaires; ensuite, il me paraît peu
utile d'établir une règle générale et d'admettre en même temps
un si grand nombre d'exceptions.
49. Il me semble que l'apparence de proportionnalité, qui a
lieu quand le nombre des atomes n'est que de 1 , 2 ou 3 , s'évanouit
entièrement lorsque le nombre des atomes devient = 4, 5, etc.
Enfin, la mesure commune elle-même, la moyenne == 6,4, varie
de 5,2 (soufre) à 6,9 (iode et molybdène).
CHALEURS SPECIFIQUES DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 13
50. En tenant compte de la nécessité de faire les expériences
à des températures correspondantes , il est permis , ce me semble ,
de conclure des expériences relatives aux chaleurs spécifiques des
corps solides, que la température ordinaire peut être regardée,
en un certain sens et par approximation, comme température
correspondante pour les métaux entre eux, pour les oxydes et
les sulfures entre eux, et pour les chlorures, bromures , etc.
entre eux; mais que les résultats ne sont pas comparables pour
les métaux, d'une part, et les chlorures etc., d'autre part.
51. Nous savons d'ailleurs que le produit c a peut varier pour
certains corps du simple au double avant la fusion et après
la fusion; tandis que pour d'autres corps la fusion n'a que peu
d'influence sur ce produit.
52. Je rappellerai ici que les chaleurs spécifiques de l'eau et du
brome sont comparables dans l'état liquide; tandis qu'elles ne le
sont pas pour ces corps à l'état solide.
53. En résumé, on ne saurait dorénavant négliger tout-à-fait
l'indication de faire des expériences à des températures comparables.
APPENDICE.
54. Ceux qui s'intéressent à l'étude des propriétés physiques
des corps, s'accordent généralement en ceci, que toutes ces pro-
priétés (points d'ébuUition , volumes spécifiques et chaleurs spécifi-
ques) doivent être expliquées d'une manière analogue.
55. Ce que j'ai dit (paragraphe 44) des lois de Dulong et
Petit et de Neumann, pourrait être répété quant aux lois de
Mariotte, d'Avogadro et de Gay-Lussac; toutes ces lois sont
simples et générales, et indiquent les rapports qui existent entre
les propriétés (points d'ébuUition et volumes spécifiques) et la com-
position atomique.
56. Les points d'ébuUition (augmentés de 273) représentent les
volumes spécifiques des vapeurs; les deux espèces de volumes,
ceux des vapeurs sous la même pression et ceux des liquides
14 J. A. GROSHANS. SUR LA CHALEUR DE VAPORISATION ETC.
SOUS la même tension, sont d'abord proportionnels aux poids
atomiques; c'est la signification de la formule connue:
a
vs ^ — .
D
En adoptant cette hypothèse sans réserve, on aurait trouvé pour
ainsi dire la moitié de la loi cherchée; resterait à trouver la
signification de D; quant à moi, il m'a semblé extrêmement
probable que D signifiait le nombre d'atomes; ce qui s'est trouvé
d'accord avec la vérité.
57. M. de Tchermack était arrivé, de son côté, à la même con-
clusion; mais il regardait comme températures comparables les
points de fusion, au lieu des points d'ébullition.
58. Ainsi, les points d'ébullition et les volumes spécifiques sont
proportionnels aux poids atomiques et inversement proportionnels
aux nombres d'atomes; avec cette donnée, on peut composer des
groupes étendus de corps dont les propriétés s'accordent entre
eux parfaitement.
Enfin, pour lier entre eux les groupes différents, il y a encore
de certaines constantes, que j'ai réussi à trouver.
L'époque à laquelle nous vivons exige souvent , et principalement
dans les sciences de la physique et de la chimie, qu'on exprime,
en aussi peu de mots que possible, des idées dont le développe-
ment aurait occupé autrefois plusieurs pages; en me conformant
donc à cette nécessité, je dirai que la manière dont M. Kopp,
partageant les idées de MM. Schroder et Woestijn, a traité
les questions concernant les propriétés physiques des corps, points
d'ébullition et volumes et chaleurs spécifiques, me rappelle la
philosophie qui inventait les cycles et les épicycles, pour expli-
quer les phénomènes astronomiques; tandis que la philosophie qui
a inspiré le système de Copernic et les lois de Kepler et de Newton ,
me semblé représentée, en physique, par Mariotte, Gay-Lussac,
Avogadro , Dulong et Petit , et Neumann.
ROTTERDAM, 16 Décembre 1869.
SUR UNE METHODE SIMPLE
POUR LA. COMPARAISON EXACTE DES MESURES
DE LONGUEUR,
PAR
P. J. STAMKART,
Vérificateur des Poids et Mesures à Amsterdam.
{Algemeene Konsi- en Letterbode , août 1839.) ')
Pour la comparaison ou la vérification des mesures de longueur ,
il existe différents instruments, connus sous le nom de compara-
teurs. Ceux dont les bureaux de vérification des poids et mesures
sont pourvus de la part de l'Etat, appartiennent au modèle le
moins composé, et ne donnent la différence des mesures de longueur
que jusque dans les dixièmes de millimètre; d'autres, construits
avec plus de soin, et surtout ceux qui sortent des mains d'ar-
tistes habiles, peuvent indiquer les différences de longueur avec
') Mr. le Dr. F. J. Stamkart, actuellement professeur à l'école polytechnique de
Delft en Hollande , a inventé , il y a plus de trente ans , un appareil très-simple
pour la comparaison mutuelle exacte d'étalons linéaires. Une desciiption détaillée
de son comparateur à miroir, avec des recherches qui en démontrent la valeur,
fut publiée par M. Stamkart en 1839, et en 1851 il donna la description
d'une multitude d'applications, qu'il avait faites de son appareil depuis cette
première époque. Ces deux petits traités, écrits dans la langue hollandaise et
publiés dans des journaux hollandais, comme la plupart des autres travaux de ce
savant distingué , sont restés tout à fait inconnus à l'étranger et aussi au célèbre
physicien de Munich, M. le Conseiller de Steinheil, qui, plusieurs années après
M. Stamkart, conçut presque la même idée. Lorsque, dans la séance de la
commission permaaente de la conférence géodésique internationale, tenue à Elo-
rence le 27 Septembre 1869, M. Bauemfeind décrivit et loua le comparateur à
miroirs de M. de Steinheil, je me crus obligé de réclamer la priorité de l'invention
pour M. Stamkart, sans vouloir contester à aucun égard les mérites éminents
de M. de Steinheil, dont j'admire le génie et respecte ie noble caractère.
16 F. .T. STAMKART. SUR UNE MÉTHODE SIMPLE POUR LA
une précision considérablement plus grande. Le moyen, propre à
conduire au même but, que je désire faire connaître ici, est une
nouvelle application de Finvention aussi simple qu'heureuse de
l'illustre Gauss, à l'aide de laquelle on peut observer aujourd'hui,
avec une exactitude inconnue jadis, les variations qui se mani-
festent dans la déviation de l'aiguille magnétique. Comme on le
sait, cette invention consiste à fixer à l'extrémité du barreau
aimanté un petit miroir, dans lequel, par la réflexion des rayons
lumineux, on peut lire les divisions d'une échelle placée à une
certaine distance, auprès de l'observateur. Le plus petit change-
ment de direction qu'éprouvent le barreau aimanté et, par con-
séquent, le miroir, se trouve, de cette manière, amplifié un
grand nombre de fois et rendu visible ; un simple calcul trigonomé-
trique fait ensuite connaître la valeur angulaire de ce changement en
secondes. Il est clair que, dans cette manière d'opérer, la per-
pendiculaire au plan du miroir, laquelle occupe toujours le milieu
entre les rayons incidents et les rayons réfléchis , peut être regardée
comme un prolongement du barreau aimanté; de plus, lorsqu'un
point , ou plutôt une droite située dans le plan du miroir conserve
une position invariable, ou que le miroir, comme dans les sex-
tants, tourne autour d'un axe fixe, cette même perpendiculaire
peut être considérée comme le long bras d'un levier coudé, dont
le miroir lui-même constituerait le bras court. C'est cette idée
qui m'a conduit, au mois de septembre de l'année précédente
(1838) à construire le comparateur suivant.
AB (Voyez PI. I, fig. 1) est une forte pièce de bois, pour
laquelle on a utilisé, dans le cas présent, le corps d'un des
Maintenant qu'il s'agit de fixer le prototype du mètre et de le multiplier par
des copies exactes, je crois qu'il pourrait être utile de connaître l'appareil de
M. Stamkart, non-seulement à cause de la priorité de son invention, mais sur-
tout à cause de sa simplicité extrême et des applications nombreuses imaginées
par son auteur. C'est à ma prière que la Rédaction des Archives Néerlandaises
a bien voulu reproduire les deux mémoires de M. Stamkart, après les avoir
fait traduire en français, et j'espère que cette reproduction sera accueillie avec
intérêt par les personnes qui s'occupent de cette question.
Le Y DE, le 12 Janvier 1870. F. Kaiser.
COMPARAISON EXACTE DES MESURES DE LONGUEUR. 17
deux comparateurs qui se trouvent au Bureau de vérification d'Am-
sterdam^ mais pour laquelle on peut prendre tout autre bois bien
sec, d'une épaisseur convenable. Sur ce madrier A B, est fixé solide-
ment un morceau de bois eu forme de parallélépipède c d, d'une hau-
teur d'environ 15 à 20 millimètres, et sur le plan c de ce parallélé-
pipède est attaché , avec de la poix ordinaire , un morceau de verre à
glace, dans une position aussi exactement que possible perpen-
diculaire à la direction de A B. La surface de ce fragment de
verre est recouverte de papier appliqué à la colle, mais dans
lequel on a découpé une petite ouverture, d'un millimètre carré
au plus, destinée à servir de point d'appui.
Un autre morceau de bois dur e f ki, qui est entièrement libre
et peut être placé sur le madrier A B ou enlevé à volonté , porte
deux petites chevilles en acier fc et ea, de longueur égale et
fixées à la même hauteur au-dessus de AB. Les extrémités c et
a de ces chevilles sont façonnées en pointe légèrement arrondie,
dont le rayon de courbure peut être évalué approximativement
à I de millimètre. Le petit bloc efik repose lui-même sur une
lame de verre plane , fixée sur A B ; et , afin que cette pièce
mobile conserve toujours exactement la même position par rapport
à la face supérieure du madrier A B , on a enfoncé dans sa
face inférieure trois petits clous en cuivre; de manière que,
reposant sur les têtes arrondies de ces clous, la pièce ne
s'appuie que par trois points sur la plaque de verre fixe. Enfin,
le petit bloc mobile porte encore un miroir vertical g h, qui,
de même que le miroir fixe d'un sextant, n'est étamé que sur
sa moitié inférieure. C'est ce miroir g h qui doit jouer un rôle
analogue à celui du miroir des appareils magnétiques.
Un second point d'appui fixe est fourni par la pièce m l, qui
est également pourvue d'une cheville en acier /6, fixée dans une
position telle que la ligne qui joint les points a Qi h soit paral-
lèle à AB, au moins à très peu près. L'extrémité h de cette
cheville n'est pas arrondie, comme les pointes a et c; elle est
au contraire taillée suivant une surface plane, d'une étendue
d'environ un millimètre carré, afin que les mesures de longueur
Archives Néerlandaises, T. V. 2
18 F. J. STAMKART. SUR UNE METHODE SIMPLE POUR LA
puissent être pressées contre elle sans crainte de détérioration.
Pour la pièce d'appui m / on a pris le talon mobile du compa-
rateur, lequel, au moyen d'une vis de serrage, peut être fixé
sur le madrier à une distance quelconque de A.
Perpendiculairement à la direction A B , et à quelques mètres
de distance du miroir, se trouve placée l'échelle CD, divisée
en centimètres , et sur laquelle peut glisser le curseur pqr.
La partie supérieure rs de ce curseur est taillée en biseau,
à la manière des verniers ordinaires, et le bord s est divisé
en millimètres, ce qui équivaut à une division en millimè-
tres de l'échelle C D elle-même , dans toute son étendue, p q
est une petite planchette attachée verticalement au curseur, et
recouverte d'un papier blanc , sur lequel est tracée , vers le milieu
P, une ligne noire verticale. Une ligne verticale analogue, mais
ayant une largeur environ moitié moindre, est tracée en Q sur
le mur opposé de la chambre. Enfin, exactement en face de ce
dernier point, en E, on a disposé une petite lunette.
Le madrier AB, l'échelle CD et la lunette doivent garder
une position invariable l'un par rapport à l'autre, ainsi que par
rapport à la ligne tracée sur le mur.
Pour comparer maintenant au moyen de cet appareil deux
mesures de longueur, deux mètres par exemple, on prend
l'une d'elles, que je nommerai la première, et on l'applique
sur le madrier AB, dans la position abj en pressant l'un
des bouts contre la cheville / b ; ensuite on place la pièce
mobile e f k i, de telle sorte , que la pointe c de la che-
ville fc touche le point d'appui fixe c, et que l'extrémité
a de l'autre cheville e a soit en contact avec le bout a de la
mesure de longueur ab, A l'aide de la lunette, et à travers la
partie supérieure , non étamée , du miroir g h, on vise alors la ligne
verticale tracée sur le mur en Q, et on fait glisser le curseur
pqr, jusqu'à ce que l'image réfléchie de la ligne verticale P soit
vue , dans le miroir qh, exactement dans le prolongement de la
trace Q, après quoi on note la position que le curseur occupe
sur l'échelle C D. Pour plus de sécurité, il est bon de déranger
COMPARAISON EXACTE DES MESURES DE LONGUEUR. 19
le curseur de sa position , d'auiener de nouveau les lignes P et Q en
coïncidence , et de faire une nouvelle lecture ; en tout , il est bon de
répéter cette opération un nombre pair de fois . par exemple quatre
fois, en faisant glisser le curseur deux fois de droite à gauche et
deux fois de gauche à droite , jusqu'à ce que les lignes se mon-
trent dans le prolongement l'une de l'autre. Ordinairement on
trouvera une légère différence, ce qui tient à ce que la vision
se fait d'une manière plus ou moins distincte, à ce que le miroir
g h offre plus ou moins de netteté , et peut-être à d'autres cir-
constances encore; la moyenne des quatre lectures approchera
toutefois beaucoup de la vérité. — Cela fait , on enlève avec pré-
caution la mesure de longueur ab, et on la remplace par celle
qu'il s'agit de lui comparer; puis, on effectue sur celle-ci exac-
tement la même série d'opérations qui vient d'être décrite. Il est
clair que, s'il existe une petite différence de longueur entre les
deux mesures, cette différence s'accusera, amplifiée un grand
nombre de fois , par les positions différentes du curseur p q r sur
l'échelle C D. L'amplification en question est au moins le double
du nombre de fois que la distance des points a et c est comprise
dans la distance de l'échelle C D au miroir g h. Cette valeur
double est atteinte exactement lorsque le curseur est venu se
placer près de la lunette; quand le curseur est plus rapproché
des extrémités C ou D, l'amplification est encore un peu plus
considérable, comme il est facile de le reconnaître par un calcul
trigonométrique.
Après que la mesure de la seconde règle est terminée, il est
nécessaire de mesurer encore une fois la première, tant pour
constater qu'il n'est survenu aucun changement dans l'appareil,
que pour s'assurer qu'aucune erreur n'a été commise la première
fois; il faudra ensuite reprendre de même la mesure de la
seconde règle, et effectuer par conséquent, en tout, quatre mesures
distinctes. Des répétitions fréquentes, se succédant sans intervalles ,
auraient peut-être peu d'utilité, vu qu'il pourrait arriver , au moins
si les règles sont en métal, qu'une petite différence de tempéra-
ture s'établît entre elles par le fait même des manipulation^.
2*
20 p. J. STAMKART. SUR UNE iMETHODE SIMPLE POUR LA
Lorsque, dans l'appareil qui vient d'être décrit, le curseur se
trouve au-dessus de la lunette , et le miroir g h perpendiculaire à
la direction de A B , la distance de P au point milieu entre les
faces antérieure et postérieure de la glace s'élève à 6,765 mètres;
la distance entre les points a et c a été mesurée aussi exactement
que possible par un de mes collègues et moi, et a été trouvée
sensiblement égale à 19,63 millimètres. D'après cela, l'amplifi-
cation la plus faible est zz: 2 x = 689,2 fois, ce qui
1963
revient à dire que chaque millimètre de déplacement du curseur
correspond à une différence de longueur de = 0,0014509
^ ^ 689,2
millimètre. Quand le curseur se trouve à une certaine distance
de E, ce nombre, ainsi qu'il a été dit, devient un peu plus
petit, savoir:
à une distance de 2 décimètres . . .
. 0,0014495 millim.
4
. 0,0014452 „
n )■) )i » " >7 ...
. 0,0014382 „
etc.
A la rigueur, comme le point d'appui c est éloigné de 18 milli-
mètres de la ligne A B , ces nombres doivent varier légèrement ,
suivant que le curseur est placé à droite ou à gauche de E;
mais la différence est tout à fait négligeable, et il en est de
même de l'influence qu'exerce sur ces nombres la distance de a
ou c au miroir, distance qui est de 28 millimètres.
La perpendicularité du miroir au plan du madrier A B et de
l'échelle peut être obtenue facilement, avec une exactitude suffi-
sante, par un procédé à peu près semblable à celui qu'on em-
ploie ordinairement pour rendre le grand miroir d'un sextant
perpendiculaire au plan de cet instrument. Dans le cas présent,
on commence par s'assurer, au moyen d'un niveau ou de toute
autre manière, que la face supérieure du verre, sur lequel doit
reposer la pièce mobile e f i k , est sensiblement parallèle au plan
A B C D. Nous supposons que la lunette soit placée un peu plus
COMPARAISON EXACTE DES MESURES DE LONGUEUR. 21
bas que le milieu du miroir g h , par exemple de deux centimè-
tres environ , et que sur la planchette p q , en un point situé , de
la même quantité; plus haut que le milieu en question, on ait
fait une marque visible. On tourne maintenant e fi k de telle
sorte , que le miroir g h devienne à peu près perpendiculaire à
la ligue A B , puis , regardant par la lunette en 0 , on fait glis-
ser p qr jusqu'à ce que la planchette se voie dans le miroir. Si
cela n'arrive pas, quelle que soit la position donnée au curseur,
c'est un signe que le miroir penche plus ou moins en avant ou
en arrière , et il faut alors le redresser un peu sur son petit bloc ^
en sens opposé, jusqu'à ce que l'image de la marque faite sur
la planchette p q se montre à peu près au milieu du miroir.
Lorsque, après quelques tâtonnements, on y est parvenu, on
dérange légèrement la pièce e fi k, de façon que le miroir g h
cesse d'être perpendiculaire à A B , et ensuite on déplace le cur-
seur de la quantité nécessaire pour que, en observant par la
lunette, on aperçoive de nouveau dans le miroir la planchette
p q. Si alors la marque se voit à la même hauteur que précé-
demment (à la rigueur un peu plus bas, mais la différence
est insensible), et s'il en est encore ainsi dans toutes les
autres positions corrélatives du miroir et du curseur, le miroir
g h est perpendiculaire au plan sur lequel glisse e fi k, et ,
en outre , ce plan est parallèle au plan A B C D. Une légère
déviation, sous l'un ou l'autre rapport, est d'ailleurs incapable
d'exercer, d'une manière appréciable, quelque influence nuisible,
et cela d'autant plus que les longueurs à comparer différent moins
entre elles.
Pour qu'on puisse juger du degré d'exactitude que permet
d'atteindre ce comparateur, dans la construction réalisée, je rap-
porterai ici le résultat de la comparaison entre deux mètres en
fer, numérotés 88 et 90, qui appartiennent au Bureau de Vérifi-
cation d'Amsterdam, et dont le premier est le mètre étalon.
Le 25 mai dernier , le thermomètre Fahrenheit marquant 50°^ ,
le mètre W. 90 fut placé sur le comparateur; son côté étroit,
celui qui portait le numéro, était tourné en dessous , et, dans
22 F. 3. STAMKART. SUR UNE METHODE SIMPLE POUR LA
cette position , le contact des chevilles se faisait un peu au-dessous
du centre des extrémités de la verge. On trouva que la coïnci-
dence des deux traces P et Q avait lieu lorsque le curseur était
placé entre E et D, à une distance de E =r . . 4- 403,7 millim.
N". 88, placé de la même manière, donna + 415,7 „
N". 90, une seconde fois 4- 404,0 „
N«. 88, „ „ „ +415,0 „
La distance était donc, en moyenne, pour le N**. 88, =: + 415,35 ,
et pour le N^ 90, = + 403,85 millimètres; la différence est de
11,5 millimètres, quantité qui, multipliée par le facteur 0,001445,
donne pour l'excès de longueur de N". 88 sur N^ 90, 0,01662
millimètre.
Le talon mobile m l ayant été successivement déplacé de petites
quantités, on trouva encore:
28 mai, température 61^ N**. 88 — N^ 90, sur l'échelle
_l_ 34^50 — 23,55 = 10,95 mill. facteur 0,0014509. . . 0,01589 mill.
30 mai, température 67% N«. 88 — N". 90, sur l'échelle
— 160,50 + 17 1,00 =10,50 mill. facteur 0,0014496. . . 0,01522 mill.
2 juin, température 64°, N". 88 — N^ 90, sur l'échelle
— 181,29 + 193,05=11,76 mill.facteur0,0014496... 0,01704 mill.
Différence moyenne des deux mètres 0,01619 mill.
Le 1er octobre de l'année précédente, alors que le même com-
parateur avait encore une disposition un peu différente, l'échelle
C D se trouvant, entre autres, plus rapprochée, nous avions
obtenu pour la différence des deux mêmes mètres, mais mesurés
précisément au centre des extrémités , la valeur 0,0154 millimètre.
Il résulte de ce qui précède, que les mesures séparées se sont
écartées de la moyenne de toutes les opérations, d'une quantité
qui approche bien de — - de millimètre , mais qui toutefois
n'atteint pas cette valeur. Or, si l'on prend en considération que
le miroir n'était formé que d'un morceau de verre à glace ordi-
naire, de sorte que l'image réfléchie de la trace P ne se voyait
pas avec une entière netteté et paraissait avancer par petits bonds
COMPARAISON EXACTE DES MESURES DE LONGUEUR. 23
lorsqu'on faisait mouvoir le curseur, ce qui pourrait être évité
en employant un verre mieux taillé ; et si l'on réfléchit , en outre ,
qu'une différence de longueur, en plus ou en moins, de
1000
de millimétré peut déjà résulter d'une inégalité de tempéra-
ture de - de degré Fahrenheit entre les deux mètres, on recon-
6
naîtra que les résultats communiqués ci -dessus doivent être jugés
satisfaisants, ou, du moins, que l'équivalent n'a jamais été obtenu
jusqu'ici avec un comparateur d'une construction aussi simple et
aussi peu coûteuse.
11 va sans dire que lorsqu'il s'agira de comparer des mesures
à traits, entre elles ou avec des mesures à 60W/5, l'appareil devra
subir quelques modifications, de même que dans d'autres cir-
constances spéciales. Mon but était seulement de faire voir que
le principe de la réflexion, qui, dans son application à l'aiguille
aimantée, a déjà conduit à de si belles découvertes, peut aussi
servir avec avantage à la détermination de très petites différen-
ces de longueur.
SUR LA
DÉTERMINATION DE PETITES DIFFÉRENCES DE LONGUEUR,
LA MESURE DE FAIBLES ÉPAISSEURS DANS LES PETITS OBJETS,
ET l'observation
DE FAIBLES DÉPLACEMENTS DANS LES GRANDS OBJETS;
PATI
P. J. STAMKART.
{Tijdschrift voor de Wis- en NatuurJcundige Wetenschappen, uitg. door de Eerste
Masse van ket Kon. Ned. Inst. 1851, T. IV, p. 21.)
La détermination d'une petite différence de longueur est un
problème qui se présente continuellement dans les applications de
la géométrie; et cela est tout naturel, car l'exactitude de la
mesure, soit des lignes, soit des arcs ou des angles, dépend,
pour une grande partie, de la précision avec laquelle peut être
trouvée une faible différence de longueur. Aussi voit-on l'exacti-
tude des mesures suivre, pour ainsi dire, pas à pas l'art de
déterminer, entre des limites de plus en plus étroites, ces mini-
mes différences. Les moyens dont on s'est servi pour mesurer les
lignes avec précision sont essentiellement au nombre de trois:
d'abord, les transversales , qui figurent encore aujourd'hui sur les
échelles de nos étuis de mathématiques; en second lieu, les
verniers , et en dernier lieu , les vis micrométriques. Ces dernières ,
construites par des artistes habiles, et combinées avec des mi-
croscopes de lecture, donnent actuellement une précision de me-
sure, qui ne semble plus laisser grand'chose à désirer. Les ver-
niers viennent après les vis micrométriques sous le rapport de
F. J. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES ETC. 25
l'exactitude qu'ils permettent d'atteindre , mais ils sont d'un usage
plus étendu, à cause de la facilité des lectures. Ils demandent
également d'être construits avec soin. Les transversales ont dis-
paru depuis longtemps de nos instruments de précision.
Un quatrième procédé pour mesurer de petites différences de
longueur est celui que je crois avoir trouvé le premier, il y a
plus de dix ans, et que j'ai fait connaître dans le Konst en
Leiterhodej 1839, N". 36. Ce procédé est fondé sur une applica-
tion, modifiée conformément à la différence de but, du principe
de réflexion, dont Gauss s'est servi avec tant de succès pour la
mesure des déviations de l'aiguille aimantée. La précision que
ma méthode comporte est, j'en ai la confiance, au moins égale
à celle que donnent les vis micrométriques, à condition que les
différences à mesurer soient très petites. De plus, l'appareil ne
dépend pas, au même degré, de l'habileté de la construction, ce
qui le rend moins coûteux. Dans les années qui se sont écoulées
depuis ma première Note, j'ai eu fréquemment l'occasion de faire
usage de cette méthode pour la comparaison de mesures de lon-
gueur, d'y apporter, suivant l'occurrence, de légères modifica-
tions, et aussi de l'appliquer à des fils suspendus verticalement
ou fils à plomb; de sorte que je crois avoir des motifs suffisants
pour revenir aujourd'hui sur ce sujet. J'aurais toutefois tardé
encore à faire cette communication, si les Astronomische Nachrich-
ten, N". 684, n'avaient publié la description d'un nouveau cercle
méridien, de l'invention de M. Steinheil, description d'où il ré-
sulte que M. Steinheil a également conçu l'idée de déterminer
les petites différences de longueur au moyen d'un miroir. M. Stein-
heil donne à ce miroir le nom très convenable de Fûhlspiegel
(miroir palpeur) et dit qu'il a aussi appliqué le principe à la
comparaison des mesures à bouts, sur laquelle il promet une com-
munication ultérieure. Cette communication toutefois, si elle a
paru, n'est pas encore venue à ma connaissance. La Classe
voudra donc bien me permettre de lui exposer brièvement, à ce
sujet, quelques idées qui me sont propres.
On sait comment, dans les octants et les sextants, l'angle
26 F. J. STAMKART. SUR LA DÉTERMINATION DE PETITES
compris entre deux objets se mesure par le double de l'angle que
font entre eux les deux miroirs. L'un de ceux-ci, celui qu'on
appelle le petit miroir, est fixé sur l'instrument, tandis que
l'autre tourne autour d'un axe. Chaque point de ce dernier
miroir, le grand, décrit dans ce mouvement un arc d'un même
nombre de degrés, mais qui, sous le rapport de l'étendue, est
plus long ou plus court suivant la distance du point à l'axe de
rotation. Toutefois, comme le miroir lui-même est petit, les lon-
gueurs des arcs parcourus par ses différents points restent aussi
toujours petites, et il en est de même de leurs sinus. Si l'on
suppose maintenant que l'angle, mesuré par l'octant ou le sex-
tant, soit connu de quelque autre manière, il est facile de
calculer aussi la longueur de l'arc qui a été décrit par un point
quelconque du miroir, situé à une distance connue de l'axe.
Dans les magnétomètres , le miroir est fixé sur le barreau aimanté ;
on connaît la distance du miroir à l'échelle, et les divisions de
cette échelle se lisent dans le miroir. Par là, se trouve déterminé
l'angle que le miroir décrit autour de l'axe, ainsi que les arcs
que décrivent autour de ce même axe les divers points du miroir.
Faire servir les sinus de ces arcs comme mesures des petites
différences de longueur, tel est, en peu de mots, le principe de
la méthode que j'ai appliquée à l'évaluation de ces différences.
Le procédé donné en 1839, dans le Konst- en Lelterbode , pour
comparer deux mètres, ou, en général, deux mesures de lon-
gueur différant peu entre elles, se réduit à ceci: Soit E (PL I
fig. 2) un point d'appui fixe; EB une mesure à bouts y en contact
avec ce point fixe; A un petit plan d'environ 1 millimètre carré ,
perpendiculaire à la direction E B, et servant également de
point d'appui; F G H I un parallélépipède de bois, qui repose, par trois
points d'appui arrondis (non figurés) sur un plan horizontal, a
la surface duquel il peut se déplacer. En avant, cette pièce est
garnie de deux pointes d'acier ou de cuivre FA et G B , et en
dessus elle porte un petit miroir vertical C D.
Pour comparer une mesure de longueur E B avec une autre
mesure de longueur EB', on les applique, l'une après l'autre,
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 27
contre le point d'appui E , et on fait glisser la pièce G F H I
de manière que les pointes FA et G B viennent toucher respec-
tivement le petit plan A et l'extrémité B ou B' de la mesure de
longueur. Il est clair que, si les deux mesures ont une longueur
égale y le miroir C D prendra dans les deux cas une même direc-
tion ; mais que , à la moindre différence B B' des mesures de
longueur, les deux positions du miroir feront un angle entre
elles. Si maintenant, comme dans les magnétomètres , ces posi-
tions du miroir ont été observées chaque fois sur une échelle, on
pourra calculer l'angle qu'elles comprennent entre elles. Soit cet
angle B A B' = « , et la distance des pointes A B et A B' =i r,
on aura pour la différence des mesures de longueur B B' = r sin «.
On peut se faire une idée plus ou moins exacte de la précision
que comporte cet appareil si simple, à l'aide des mesures rap-
portées dans le numéro cité du Konst- en Lelterbode. D'après ces
données , on a trouvé pour la différence entre deux mètres étalons :
le 25 mai 1839 0,01662 mm.
„ 28 „ „ 0,01589 „
„ 30 „ „ 0,01522 „
„ 2 juin „ , . . . 0,01704 „
Moyenne. . . 0,01619 mm.. Erreur
prob. = ± 0,00027 mm.
Un second procédé de comparaison de deux mesures de lon-
gueur est représenté dans la figure 3. Ici, A et B sont deux
points d'appui fixes, contre lesquels on applique alternativement
les mesures A B et CD; F E indique la position du miroir
quand A C s'appuie contre A et B D contre B; E' F' est la
position du miroir lorsque les mesures ont été substituées l'une
à l'autre, c'est-à-dire, lorsque AC occupe la position BC, et
B D la position AD'. Il est évident que l'angle formé par les
deux directions E F et E F' du miroir doit maintenant être le
double de celui qu'on obtenait dans la première méthode de
comparaison, représentée par la figure 2. Par conséquent, si r
exprime de nouveau la distance des pointes A et B de la pièce
28 F. J. STAMKART. SUR LA DÉTERMINATI0]V DE PETITES
de bois, fig. 2, et « l'angle entre les deux directions EF et
E' F', fig. 3, on aura dans le cas actuel:
Différence des mesures de longueur =zr x sin - «.
Cette méthode paraît mériter la préférence sur celle qui a été
décrite en premier lieu, mais je n'en ai pas encore fait l'essai.
Chacune de ces deux méthodes de comparaison exige le rempla-
cement des mesures , ce qui doit naturellement se faire en évitant
le contact immédiat avec les doigts, afin de ne pas donner lieu
à une dilatation inégale par la chaleur. Le moyen le plus simple
consiste à saisir les règles avec un linge. Il est facile aussi d'im-
merger tout l'appareil, savoir, les règles, les points d'appui fixes
et la pièce qui porte le miroir, dans un liquide, par exemple
dans l'eau 5 le miroir seul doit alors rester en dehors du liquide.
Pour assurer la permanence du contact, tant contre les points
d'appui fixes qu'entre les pointes de la pièce mobile et les extrémités
des règles, on peut, si l'on veut, faire usage de ressorts à pres-
sion légère; toutefois, les résultats communiqués ci-dessus, et
obtenus sans l'emploi de ressorts, paraissent indiquer que, même
en l'absence de cette précaution, les contacts peuvent être main-
tenus d'une manière satisfaisante.
La figure 4 représente un mode de comparaison dans lequel les
mesures de longueur restent invariablement en place, sans qu'il
y ait à y toucher, tandis que le miroir est appliqué successive-
ment , par les pointes saillantes de la pièce qui le porte , contre les
extrémités A et C et contre les extrémités B et D. Dans cette manière
d'opérer, les points d'appui fixes des deux figures précédentes
disparaissent complètement. Il est évident que, si les mesures de
longueur A B et C D sont égales entre elles, les droites qu'on
peut mener de A en C et de B en D seront parallèles, mais
que ces droites devront former un certain angle, pour peu que
les deux mesures diffèrent.
Soit maintenant N M une ligne droite , parallèle à la direction
des deux règles , et plaçons , aussi bien du côté de N que du côté de
M, une lunette et une échelle divisée: la première lunette tournée vers
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 29
M et la seconde vers N, de manière qu'elles se regardent réci-
proquement. On commence par déterminer , dans la lunette placée
en N, l'angle de la ligne N M avec la perpendiculaire au
plan réfléchissant F E. Ensuite , on enlève la pièce F E H G ,
on l'applique contre les extrémités B et D, dans la position
F'E'H'G', et on détermine, par observation dans la lunette en
M, l'angle que fait avec la même droite N M la perpendiculaire
au plan E' F'. Si les deux angles ainsi obtenus sont égaux, et
si, dans les deux cas, les perpendiculaires s'écartent de la direction
NM vers le même côté de l'observateur, il est clair que les plans
F E et F' E' sont parallèles et que les mesures de longueur A B
et G D sont égales. Mais , supposons que le premier angle soit
= « , le second = «% et la distance A G = B D des pointes saillan-
tes fixées à la pièce mobile , comme précédemment , = r ; on a alors :
Différence des mesures de longueur = r (sin. ^' — sin «).
Une condition nécessaire, dans cette manière d'opérer, est que
les directions, suivant lesquelles on vise de N vers M et vice-
versâ de M vers N, soient directement opposées. A cet effet,
on pourra disposer dans le prolongement de N M, aux deux
extrémités, des signes méridiens, tels que des fils verticaux
noircis, se projetant sur un fond blanc. Les distances de ces
signes aux lunettes devront être égales aux chemins que les
rayons lumineux ont à parcourir des échelles divisées aux lunet-
tes. Si alors on tend un mince fil métallique de N en M, entre
ces signes méridiens, les centres des objectifs des deux lunettes
devront tomber verticalement au-dessous de ce fil tendu, ce qui
peut s'obtenir avec une précision suffisante.
La circonstance qu'on n'a plus à toucher aux mesures à com-
parer, une fois qu'elles sont en place, fait que la méthode décrite
en dernier lieu convient particulièrement quand il s'agit de con-
fronter de longues règles, de celles, par exemple, qui ont 5
mètres de longueur. De pareilles règles, pour offrir la solidité
nécessaire, ont besoin aussi d'avoir une plus grande épaisseur
et, par conséquent, un plus grand poids, ce qui rend la substitu-
30 F. J. stamkart. sur la détermination de petites
tion de Tune à l'autre, telle que l'exigent les deux premières
méthodes, peu commode, et surtout gênante lorsqu'on veut répé-
ter la comparaison un certain nombre de fois. Pour mettre de la
diversité dans les mesures suivant la figure 4, on peut faire
glisser un peu dans la direction NM l'une des règles, ce qui
donne nécessairement une autre valeur à chacun des angles " et «' ,
sans apporter aucun changement à la différence sin « — sin <i\
Même alors toutefois, après qu'on a fait un nombre suffisant de
comparaisons dans la position indiquée par la figure, il est bon
d'échanger les règles une fois , de mettre A B à la place de C D
et vice-versâ, puis de répéter les comparaisons. Par là, on élimine
aussi les légères erreurs qui pourraient provenir de ce que les
lunettes ne se dirigeraient pas avec une exactitude absolue sui-
vant une même ligne N M , ou de ce que le plan du miroir F E
ne serait pas parfaitement ou suffisamment parallèle à la ligne
AC, qui joint les points A et C, parallélisme que nous avons
supposé exister, au moins d'une manière approchée. En général,
la substitution réciproque des règles (quand on prend ensuite le
résultat moyen), fait disparaître toutes ces petites erreurs qui
tendraient à leur attribuer une inégalité purement apparente.
Au mois de juillet 1843, j'ai comparé par ce procédé, pour
notre savant collègue M. F. Kaiser, deux règles en fer de cinq
mètres, tant entre elles qu'avec une longueur composée de
5 mètres placés bout à bout. Ces règles, construites par M. E.
Wenckebach, d'Amsterdam, se trouvent maintenant à l'observa-
toire de Leyde.
Jusqu'ici il n'a été question que de la comparaison de deux
mesures, toutes deux à bouts -^ pour la comparaison d'une mesure
à bouts avec une autre à traits, le principe de la réflexion s'ap-
plique avec le même succès, seulement avec le secours addi-
tionne] d'un microscope fixe, pourvu de fils au foyer. Voici, par
exemple , comment on pourra procéder. Soient , figure 5 , A B
une mesure à bouts , E F une autre à traits , C et D les traits
qui sur cette dernière indiquent les extrémités de la mesure, et
G H le microscope. On placera les deux règles A B et F E bout
DIFFÉRENCES UE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 31
à bout, et de façon que le trait limite D se voie exactement
sous l'un des fils du microscope. Cela peut se faire aisément, en
appuyant les deux mesures en F contre l'extrémité d'une vis de
rappel , de telle sorte que le trait D tombe originellement un
peu à gauche du microscope. Il suffit alors de tourner la vis,
pour que les deux mesures avancent simultanément et que le trait
D arrive sous le microscope. Cela obtenu, on étudie à l'aide
du miroir, de la manière indiquée en premier lieu, fig. 2, la
position de l'extrémité B. Ensuite, on enlève la mesure A B,
et on déplace la mesure E F , de façon que le trait limite C
vienne sous le microscope; au cas où les mesures sont parfaite-
ment égales, l'extrémité E doit alors tomber exactement en B.
On détermine de nouveau à l'aide du miroir la position de E,
et de la différence entre les deux indications du miroir se déduira
la différence des deux mesures de longueur. Il va sans dire qu'il
faudra recommencer ensuite la première opération de mesure.
La comparaison de deux mesures à traits peut être effectuée
de la manière suivante : G H et E F , fig. 6 , représenteront les
règles, A et B, C et D les traits qui marquent les extrémités
des mesures. On dispose de nouveau les règles bout à bout, puis
on dirige un microscope sur le trait limite D, un autre sur le
trait limite B: ces deux microscopes doivent être fixés dans cette
position d'une manière invariable. On déplace ensuite les deux
règles de façon à amener le trait limite C sous le premier mi-
croscope en C; en cas d'égalité absolue, le trait limite A tom-
bera alors sous le second microscope S'il n'en est pas ainsi, si
A tombe en A', un peu à gauche, on ajuste le petit miroir
contre une des extrémités F' ou H', C restant sous le premier
microscope, et on note la position du miroir. Ensuite, on amène
A' exactement sous le second microscope en A", et on étudie de
nouveau, à l'aide du miroir, la position de F' ou de H': la
différence entre les deux indications fera connaître la différence
des mesures. Au lieu d'opérer comme il vient d'être dit, il sera
peut-être plus simple de diriger les microscopes sur les deux
traits limites, par exemple C et D, d'une des mesures, puis
32 p. J. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
d'enlever cette mesure et de mettre l'autre à sa place. Si l'on
éprouvait quelque difficulté à pointer simultanément, avec une
exactitude suffisante, chacun des deux microscopes sur un des
traits limites, on pourrait déterminer au moyen du miroir la
différence restante, et c'est peut-être là le procédé le plus con-
venable de tous. On ne glisse alors qu'un des traits limites sous
le microscope , et on prend l'indication du miroir ; puis on amène
l'autre trait limite sous le second microscope, et on consulte de
nouveau le miroir. Il est clair qu'on peut aussi, de cette manière ,
étudier l'égalité des divisions d'une règle graduée.
Ce qui vient d'être dit suffit pour montrer comment on par-
viendra, dans chaque cas, à déterminer de petites différences de
longueur par l'application du principe de réflexion. Je veux
maintenant exposer encore une méthode propre à faire connaître,
en général, la différence entre deux mesures de longueur, et
cela sans emploi obligé de règles exactement graduées ou de
longues vis micrométriques, mais uniquement à l'aide du miroir
et de quelques petites règles, qui, à leur tour, peuvent être
étudiées, chacune à part, et une fois pour toutes, au moyen
du miroir.
Le miroir ne se prête naturellement qu'à la détermination de
petites différences de longueur, que nous admettrons devoir at-
teindre tout au plus 1,1 à 1,2 mm. Supposons maintenant qu'il
s'agisse de comparer deux mesures ayant une différence de lon-
gueur notablement plus grande, par exemple, une mesure prus-
sienne de 3 pieds et un mètre, mesures que nous supposerons
être toutes deux à bouts. Si , à la plus courte des deux mesures ,
dans le cas actuel à la mesure prussienne de 3 pieds, on jux-
tapose bout à bout une longueur connue, choisie de telle sorte
que l'ensemble soit égal, à lii 1 mm. près, à la mesure la plus
longue, c'est-à-dire au mètre, la différence restante pourra
être déterminée au moyen du miroir; ou, d'une manière plus
générale, si à l'une et à l'autre mesure on ajoute des rallonges,
dont la différence soit exactement connue et s'accorde, à moins
de 1 mm. près, avec la différence des mesures, — la rallonge
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 33
la plus courte s'ajoutant à la mesure la plus longue et vice-
versâ, — on peut ensuite trouver, à l'aide du miroir, la petite
différence qui subsiste entre ces mesures allongées. La question
se trouve donc réduite à savoir réaliser, dans tous les cas qui
peuvent se présenter, les rallonges nécessaires. Pour cela, j'ai
fait confectionner, ou ai confectionné en partie moi-même, les
règles suivantes:
1 °. Une règle de 5 décimètres = 0,5 mètre
^"' ?7 11 11 ^ 11 ^^ ^1^ 11
3". Trois règles, chacune de 1 décimètre, ensemble = 0,3 „
Lesquelles, ajoutées bout à bout, font une longueur de 1,00 mètre.
Ensuite, un décimètre divisé de la même manière, et composé
par conséquent de:
4". Une règle de 5 centimètres = 0,05 mètre
^^'11 11 11 ^ 11 ^^ ^fi^ 11
6^ Trois règles, chacune de 1 centimètre, ensemble = 0,03 „
Lesquelles, ajoutées bout à bout, font une longueur de 0,10 mètre.
Enfin, la même longueur de un décimètre, mais divisée en
neuf parties, et composée de:
7". Deux règles, chacune de 335- mm. de long,
ensemble = 0,066| mètre
8". Trois règles, chacune de 11 J mm. de long,
ensemble • = 0,0334- „
Lesquelles, ajoutées bout à bout, font de
nouveau une longueur de =: 0,100 mètre.
Toutes ces règles, grandes et petites, peuvent, à l'aide du
miroir, être comparées entre elles et avec le mètre. On com-
mence, par exemple, par les trois règles de 1 décimètre, qu'on
compare entre elles; puis, on compare le double décimètre avec
deux décimètres juxtaposés ; ensuite , la règle de 5 décimètres est
comparée avec trois décimètres et le double décimètre, unis bout
à bout; enfin, la série 0,5 + 0,2 + 3x0,1 est comparée avec
Archives Néerlandaises, T. V. 3
34 F. J. STAMKAUT. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
le mètre entier: on peut alors calculer, pour chacune des sub-
divisions séparément, l'erreur qui l'aifecte.
On procède de la même manière à l'égard des règles de plus
petite dimension, qui sont comparées entre elles, et dont l'assem-
blage est comparé avec un des décimètres. La subdivison de
l'unité, mètre ou décimètre, en dixièmes et en neuvièmes y au
moyen de règles, aurait aussi pu se faire d'une autre manière *).
Pour comparer maintenant avec le mètre la longueur d'une
règle quelconque , que nous supposerons plus courte que le métré ,
il est clair d'abord qu'on peut assembler autant de décimètres,
ou autant plus un, que la règle en compte en nombres ronds,
ce qui donne une règle composée, différant de moins de 100 mm.,
en plus ou en moins, de la règle proposée. Soit la différence x
intermédiaire entre a Qi a -\- 1mm.: il faut alors composer , avec
des 9èmes et des lO^mes parties de décimètre, une rallonge com-
prise entre ces limites. A cet effet, réduisons la différence x en
QOèmes ^e décimètre, et soit
X > — L L et < — ^ ^ décimètres ,
90 90
p et q représentant des nombres entiers ^9. On a alors, S
étant un nombre entier quelconque:
-^^* = (/> + Î-SS) X 1 + (10S-?)x i
En remplaçant , dans cette formule , p et q par leurs valeurs numé-
riques, et donnant ensuite à S une valeur telle, que p + q — 9 S
1) Ce qu'il y aurait de plus rationuel, ce serait de réaliser la division en 10
..,.,, - 1 2 3 4 5 6 7 8 9
parties par 9 reg.es, d une longueur ^e - , ^ . ^ . - > ^ , ^ , -^^ , -^- , ^^ ,
avec addition d'une seconde règle de _ - ^ pour la vérification de toutes les autres ;
12 8
et pareillement , la division en 9 parties , par 8 règles = ^ . ïï " " ' " "q - ^^^^
encore une = — De cette manière, on n'aurait jamais à assembler plus de
deux règles, ce qui est certainement un avantage.
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR^ LA MESURE DE FAIBLES ETC. 35
reste < 9 et 10 S — q <10 7 ce qui est toujours possible^ on
trouve le nombre de O^mes et de lO^^ii^s ^n décimètre, qui, pris
ensemble, constituent^ à moins de ih ly^ mm. près , une rallonge
de X mm., ou bien, dont la différence s'élève à jo mm.
Prenons, comme exemple, une règle de 3 pieds de Prusse:
désignant cette longueur par «, on a
a = 0,94156 mètre.
Cette longueur peut être comparée soit avec une longueur de 9
décimètres, soit avec le mètre : dans le premier cas, x = 41,56 mm.
37,4 ,, . 37 , 38 ^, ,
z= - — ^ decim. > — et < — Nous avons donc:
90 90 90*
10. ;^zi:3,(? = 7et^> (10—9 S) X ^ + (lOS— 7)x-i-décim.,
2'. p=:3,q = Setx<, (11—9 S) X - -h (lOS— 8) x — décim.
Dans l'un et l'autre cas, on ne peut prendre que S n= 1, ce qui donne :
1 3 ., .
ip > - H- — decim.
9 10
X <: H- — décim.
9 10
On peut donc comparer le triple pied de Prusse, au moyen
du miroir, avec une longueur de:
(9+ 1 + —) décim. zz: 0,94111 mètre.
V 9 10/
(2 2 \
9 H — 4- — I décim. := 0,94222 mètre.
9 10/
Si l'on veut comparer la mesure de 3 pieds de Prusse avec
le mètre lui-même, celui-ci est la règle la plus longue, et l'on a*
X = 58,44 mm. =z — — décim. , c.-à-d. > et < — décim. ,
90 ' 90 90
par conséquent:
V, p = 6,q^2eix:>(l — 9^)x ^ + (lOS — 2)x -décim.
2». /?=:5,^=:3eta?<(8~9S)x 1 4-(10S — 3) X — décim.
3*
36 F. J. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
Dans ces deux cas , on peut faire S = 0 et S = 1 ; on obtient
ainsi :
n 2 3 8^ , /8 3 1 7x ,, .
x> \ — — = h \eta;< - — — = — - + — \ decim.
V9 10 9 ^ lOJ V9 10 9 ^ 10 j
On comparera donc:
7
a_i décim. = 1,01934 mètre 1
^9 ' (
avec lm.+-l „ =1,02000 „ j
ou a-\ décim. = 1,02156 „
avec lm.4-?. „ =1,02222 „
y
OU a-{ décim. = 1,03045 „
avec Im.+A „ =1,03000 „ \
7 .
ou enfin a -4 décim. := 1,01156 ,. j
^10 (
avec Im. 4-- „ =1,01111
Dans chacun de ces quatre cas, de même que dans les deux
précédents, la différence des règles qu'il s'agit de comparer est
inférieure à 1 mm., et cette différence peut être déterminée ex-
actement au moyen du miroir; d'ailleurs, il reste une lati-
tude suffisante pour qu'on puisse varier les épreuves expéri-
mentales autant qu'il est nécessaire pour se prémunir contre les
chances d'erreur.
Un point essentiel, dans cette manière d'opérer, est que les
contacts entre toutes les règles, grandes et petites, qui doivent
être juxtaposées, soient bien intimes et qu'ils se fassent toujours
dans les mêmes points. A cet effet, les subdivisions du mètre, jus-
qu'au décimètre inclusivement, sont taillées à l'un des bouts en
plan perpendiculaire à la direction longitudinale , et à l'autre
bout en calotte sphérique. Les règles plus petites, ou subdivisions
i
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 37
du décimètre, sont cylindriques, faites de fil d'acier d'une épais-
seur de 4 mm. Leurs extrémités pourraient être taillées de même
en surface plane et en surface sphérique. Mais, en réalité, j'ai
donné à ces extrémités la forme de coins tronqués, disposés de
telle sorte que les arêtes des faces terminales se croisent à angle
droit. Pour assembler ces petites règles , on peut les placer entre
deux plans inclinés, formant une espèce de gouttière, qui les
élèvent à la hauteur de l'axe des grandes règles qu'elles doivent
prolonger, ou des points d'appui contre lesquels elles doivent
buter. On fera faire, par exemple, 9 petits blocs de bois, de la
forme indiquée dans la fig. 7, pour porter les divisions décimales
du décimètre, et 8 autres petits blocs destinés aux divisions
novénaires. La longueur A B de chacun de ces petits blocs doit
naturellement être un peu moindre que la longueur de la règle
simple ou composée qu'il doit recevoir, afin que les extrémités
de la règle dépassent un peu le support. De cette manière, ces
règles pourront être placées , par exemple , entre les points d'appui
fixes A et B (fig. 3) et les mesures de longueur qu'il s'agit de
comparer, ou bien contre le point d'appui E, fig. 2. Du reste,
la forme à donner aux supports des petites règles est chose acces-
soire, et l'on pourra adopter d'autres dispositions si on le juge
préférable. Mon seul but a été ici d'indiquer le principe à l'aide
duquel on peut, sans règles divisées, combiner un comparateur
qui convienne pour toutes les longueurs quelconques.
Une autre application du miroir , comme instrument de mesure ,
consiste dans la détermination d'une petite épaisseur , -psiY exemple ,
du diamètre d'un fil métallique délié. La manière dont je m'y
suis pris est représentée dans la fig. 8. E est encore une pièce
de bois, portant un petit miroir E F. Cette pièce repose sur trois
petits pieds minces d'acier G, G' et H, pour lesquels on a pris
des aiguilles ordinaires, épaisses de 0,7 mm., qui ont été
cassées au bout, puis usées suivant une surface plane. Les sur-
faces terminales G et G' sont des rectangles, dont les côtés longs
se trouvent dans le prolongement l'un de l'autre. La surface
38 p. J. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
terminale de H est un segment de cercle, dont l'arc mesure en-
viron 300". C est une autre pièce de bois , reposant sur trois pointes
arrondies. Cette pièce porte également un petit miroir ^ mais qui
est environ trois fois plus étroit que le miroir E F , de sorte que ,
vu de 0 , CD ne couvre que l de E F. Les deux pièces re-
posent sur une plaque de verre KL — 0 A B est une échelle
verticale, le long de laquelle peuvent monter et descendre deux
règles L et M, perpendiculaires à 0 A B. Sur Tun des côtés plats
de chacune de ces règles est collé un papier blanc, qui porte en
son milieu une ligne noire horizontale. Les côtés recouverts de
papier et présentant les traces rectilignes sont tournés vers les
miroirs. Latéralement à l'échelle AB, la règle inférieure est
percée de plusieurs ouvertures, d'une largeur suffisante pour qu'on
puisse y fixer une lunette, qui alors est portée par la règle et
monte et descend avec elle. Pour mesurer au moyen de cet ap-
pareil l'épaisseur d'un objet, on commence, les pièces qui portent
les miroirs étant mises en place sur le verre K I , par élever ou
abaisser la règle L avec sa lunette, jusqu'à ce que l'image de la
ligne noire L se voie dans le miroir C D. Le point 0 , où cela
a lieu , appartient alors à une perpendiculaire au plan C D. En-
suite, on déplace la règle M, jusqu'à ce que l'image de la trace
noire M , dans le miroir E F , paraisse en coïncidence avec l'image
de la trace L dans le miroir C D. Pour que cela arrive , il faut ,
lorsque M se trouve un peu au-dessus de 0, par exemple en A,
que le miroir E F penche un peu en arrière , ou C D un peu en
avant. Après avoir noté sur l'échelle la distance 0 A , on place
l'objet dont on veut mesurer Tépaisseur sous le pied H, ce qui
fait incliner le miroir E F plus ou moins en arrière. On élève
alors la règle M, jusqu'à ce que l'image de la ligne M se montre
de nouveau en coïncidence avec l'image de la ligne L, et on
mesure sur l'échelle la distance 0 B.
Soient 0 A^=x, OBz^-z;', la distance de 0 à F E = /?? , et
l'angle de soulèvement du point H au-dessus de Kl, décrit d'un
point de l'axe GG', = '^, on aura d'une manière approchée:
I '\ 2m ) V 2m / ■
sin. (f •=. —
2m
DIFFERENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 39
Si; de plus, r désigne la perpendiculaire abaissée de H sur
G G', c'est-à-dire, sur la droite qui joint les côtés éloignés des
rectangics G, G', on a pour réi)aisseur cherchée:
épaisseur zz: r sin ç.
La perpendiculaire r doit être comptée du point où a lieu le
contact entre l'objet et le pied H, jusqu'à la droite G G', telle
qu'elle vient d'être définie. Si l'objet est plat, le contact se fait
sur la corde du segment H; s'il est convexe en dessus, comme
lorsqu'il s'agit par exemple d'un grain de sable, on doit tâcher
d'estimer en quel point du plan H s'établit le contact. Un fil
métallique peut être placé sous le pied H de façon que le con-
tact ait de nouveau lieu sur la corde ; il suffit pour cela de don-
ner au fil la direction de H vers G G'. S'il s'agissait de mesurer
uniquement l'épaisseur d'objets plats, on pourrait donner au des-
sous du pied H une forme légèrement sphérique, ce qui ferait
tomber le contact toujours au milieu de la petite surface H.
Pour déterminer la longueur de la perpendiculaire abaissée de
H sur G G', j'ai procédé de la manière suivante. Les pieds de
la pièce reposant sur une glace, dont la surface avait été ternie
par un peu d'huile, je la fis glisser le long d'une règle. Il se
forma ainsi deux ou trois lignes brillantes, sur le verre terni:
deux , lorsque les traces des pieds G et G' se confondaient , trois ,
lorsque cela n'avait pas lieu. En mesurant la distance de ces
lignes brillantes , ainsi que leurs largeurs , il était facile de trouver
la valeur de la perpendiculaire r et les largeurs des petits plans
G, G' et H, — soit directement, soit à l'aide d'un petit calcul,
quand les lignes tracées étaient au nombre de trois. Ce dernier
cas est le plus favorable, à condition que les traces de G et de
G' soient très rapprochées l'une de l'autre. On a trouvé ainsi:
Largeur des petits plans G et G' dans la
direction de la perpendiculaire =: 0,18 mm.
Rayon du segment de cercle H = 0,36 „
Distance du côté éloigné G G' au centre de H = 10,76 „
Distance du côté éloigné G G' à la corde. := 10,66 „
40 F. J. STAMKART. SUR LA DETERxMINATION DE PETITES
J'ai mesuré, entre autres, avec cet appareil, l'épaisseur de
quelques échantillons de fil de cuivre, tel qu'on le trouve dans
le commerce, enroulé sur des bobines; savoir:
Fil d'une bobine marquée N". 5 zn 0,3125 mm.
„ „ „ „ N«. 7 =0,2625 „
„ „ „ „ N». 9 =0,1855 „
Lorsque les épaisseurs à mesurer sont inférieures à 0,1 mm., il
est plus simple, et en même temps plus facile, d'employer, au
lieu d'un miroir, un niveau, comme le montre la fig. 9. E est de
nouveau un parallélépipède de bois , reposant sur trois petits pieds
en acier, tout comme la pièce E de la fig. 8. Sur ce petit bloc
est fixé, dans une entaille, un niveau CD, qui permet de me-
surer un petit angle de soulèvement du pied H. L'emploi de ce
petit appareil est suffisamment clair, d'après ce qui précède: on
note la position de la bulle d'air, avant et après que l'objet a
été placé sous le pied H. L'espace parcouru par la bulle donne
l'angle de soulèvement (p, et ensuite V épaisseur de l'objet qui se
trouve sous H, =rsîn.(p.
Les mesures effectuées sur la pièce E m'ont donné:
Perpendiculaire abaissée du centre du plan H
au côté éloigné G G' des petits rectangles r. = 10,35 mm.
Largeur des petits rectangles G et G'. . . .= 0,1 7 J „
Rayon du petit plan H := 0,36 ,,
On a laissé ici à ce petit plan H la forme d'une cercle entier.
Les divisions du niveau ont chacune une longueur de 2 mm.,
et représentent une valeur angulaire de 45',8. Il suit de là que
chaque division du niveau correspond à une épaisseur de 10,35 x sin.
45 ',8 zz: 0,00229 mm., savoir, quand l'objet est placé sous le
centre du petit plan H. Il vaudrait peut-être mieux prendre le
rayon r plus grand et le niveau plus sensible: par là, l'influence
de la diversité de position du point de contact, à la base du
pied H, deviendrait proportionnellement plus faible.
Comme exemple de l'emploi de ce petit appareil, je citerai la
mesure que j'ai faite, le 9 décembre 1849, de l'épaisseur d'un
cheveu d'un enfant de 12 ans;
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR^ LA MESURE DE FAIBLES ETC. 41
Position du milieu de
la bulle d'air.
Rien sous le pied H 33,30
Le cheveu „ „ „ „ 7^35
Rien „ „ „ „ 33,30
Le cheveu •„ „ „ „ 7,75
i^ien „ „ „ „ 32,95
Par conséquent : Déplacement de la bulle 1 " 33,30 — 7,35 =: 25,95
2« 33,13 — 7,75 =25,38
Moyenne. . . =25,66
Epaisseur du cheveu = 25,66 X 0,00229 = 0,0588 mm.
J'ai trouvé de la même manière:
Epaisseur d'un cheveu d'un autre enfant,
âgé de 16 ans =: 0,0563 mm.
Poil de chat =: 0,0307 „
Poil de souris =0,0136 „
Fil de verre = 0,0382 „
Plomb en feuille, enveloppant des bonbons. = 0,0146 „
Or battu faux, pour doreurs =0,0015 „
Or battu fin = 0,0008 „
L'erreur probable de cette dernière
détermination est = + 0,000076 „
En dernier lieu, j'ai appliqué le principe de réflexion à des
fils suspendus verticalement , ou fils à plomb , afin de rendre visible
l'indication, par ces fils, de très petits changements de position
éprouvés par des objets verticaux. Soit AE, fig. 10, un fil de
cuivre suspendu verticalement, tendu par un poids ou plomb E,
et auquel est adapté, à une certaine hauteur au-dessus du poids,
un petit miroir. Cette adaptation peut se faire en enchâssant le
miroir dans une petite boîte de bois ou de cuivre, qui se fixe
par des vis de pression au fil, lequel passe alors soit devant,
soit derrière le miroir. Le fil doit se trouver serré assez forte-
ment pour qu'il se torde ^ lorsqu'on imprime au miroir un mouve-
vement de rotation autour du fil considéré comme axe vertical,
42 F. J. STAMKART. SUR LA DÉTERMINATION DE PETITES
Derrière le miroir, dans la boîte qui l'enchâsse, est fixée l'extré-
mité inférieure ou aiguë d'une aiguille B C , de telle sorte , que
la pointe fasse saillie en arrière. Lorsque le fil , chargé du miroir
et du poids, vient d'être suspendu au point fixe A, et qu'on
l'abandonne à lui-même, il possède ordinairement encore une
certaine torsion, par suite de laquelle le miroir et le poids subis-
sent une rotation d'un ou plusieurs tours ou d'une fraction de
tour, puis oscillent pendant quelque temps, avant de s'arrêter
dans une position fixe. Quand cette position est atteinte, la
torsion du fil est détruite. Si alors on force le miroir à tourner
d'une circonférence entière ou d'une partie de circonférence, de
manière à donner à la partie supérieure du fil une torsion qui
tende à mouvoir en avant la pointe B de l'aiguille, mais qu'en
même temps on empêche ce mouvement de se produire, en oppo-
sant à la pointe un plan fixe B, le miroir prendra de nouveau
une certaine position déterminée. Le plan fixe B sera, par exemple, la
tête dressée d'un clou, assujetti, derrière le miroir, dans le mur
auquel est fixé également le point de suspension A. La position
du miroir est maintenant déterminée par la force de torsion dans
la partie du fil située au-dessus du miroir, par la pesanteur,
qui tire de haut en bas le poids E, le miroir et le fil, et par
la situation relative des points A et B. L'effet de la force de
torsion est de presser la pointe de l'aiguille contre le plan B,
mais, en même temps, d'écarter un peu de la direction verticale,
en avant, la portion du fil au-dessus du miroir. La pesan-
teur du poids E, du miroir et du fil tendent à ramener le
fil dans la direction verticale, et entre ces diverses forces il
s'établit un équilibre, grâce auquel le miroir reste en repos,
bien entendu, aussi longtemps que les points A et B demeu-
rent invariables. Supposons, au contraire, que, par une cause
quelconque, le mur auquel sont liés les points A et B prenne
une légère inclinaison en avant ou en arrière, il est clair
qu'alors la position du miroir devra immédiatement changer. Dans
le. premier cas , en effet , le point A avancerait relativement au
point B, et par conséquent l'arête D du miroir éprouverait aussi
DIFFÉREiNCES DE LOx^GUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 43
un déplacement en avant. Dans le second cas, A reculerait par
rapport à B^ et par suite l'arête D du miroir subirait une rota-
tion rétrograde. Dans ces mouvements^ B est toujours le centre
autour duquel le miroir tourne. Or, comme la rotation du miroir
peut être observée sur une échelle éloignée , on a ainsi le moyen
de mesurer avec exactitude le plus petit déplacement relatif de
A et B, et par conséquent la plus légère déviation du mur par
rapport à sa position initiale.
Soient: la longueur du fil, depuis le point de suspen-
sion A jusqu'à la hauteur de l'aiguille C, = /,
la distance du point C au fil =z r ,
la distance du miroir à l'échelle qui lui est opposée .=zm,
1 déplacement noté sur cette échelle zzrA,
et le changement survenu dans la position verticale
du mur ^= " ? *
on a, à très peu près:
r II f
a - X sm. V = , et par conséquent « =r X h.
l 2 m 2 hn sin. 1"
Prenons, comme exemple:
/ = 4 mètres ■= 4000 mm.
r = 1 centimètre =: 10
m := 5 mètres z= 5000
n
n
il vient, en secondes:
«= ^ , X h =0,103 X h.
2000000 sin. 1"
Dans ce cas, chaque millimètre sur l'échelle divisée corres-
pondra donc environ à 0',! de changement dans la position du mur.
Depuis l'année 1841, un fil à plomb, de la nature de celui
qui vient d'être décrit, est suspendu au mur nord du Bureau de
vérification d'Amsterdam, et indique régulièrement les variations
d'inclinaison de ce mur. On distingue avec évidence, dans ces
variations, une période diurne et une période annuelle. Un second
fil à plomb, de construction semblable, a été fixé dernièrement
au mur est du même bâtiment.
44 F. .1. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
L'emploi des fils à plomb à miroir n'est pas borné exclusive-
ment à l'indication des changements de position de murs verticaux :
il me semble qu'ils pourraient aussi être adaptés avec fruit à
quelques instruments astronomiques ^ par exemple ^ aux lunettes
zénithales. Qu'on se figure un rectangle dont les côtés longs aient
une direction verticale. Un de ces côtés représentera un axe ver-
tical, l'autre une lunette zénithale pouvant tourner autour de cet
axe. A l'anneau de cuivre qui enchâsse l'objectif de la lunette
sera suspendu directement un fil à plomb à miroir, ou, mieux
encore, deux de ces fils, l'un au nord ou au midi, l'autre à
l'est ou à l'ouest. Si alors on prend les points d'appui fixes des
miroirs sur quelque partie dé l'appareil auquel sont attachés les
fils immobiles qui occupent le foyer de la lunette, les fils à
plomb feront connaître les changements de position relative qui
se produiront entre l'objectif et le réticule, abstraction faite de
toutes les autres parties entrant dans la construction de la
lunette. Mais, comme la lunette est supposée mobile autour de
l'axe vertical, et que les fils à plomb sont nécessairement entraî-
nés dans cette rotation , il faudrait aussi que l'échelle sur laquelle
se lit la position des miroirs pût partager ce même mouvement ,
ce qui, bien que possible à la rigueur, susciterait de graves em-
barras. Pour parer à cette difficulté , on pourra fixer à la lunette ,
derrière le miroir d'un des fils à plomb (et le dépassant soit en
dessus, soit en dessous), un autre miroir, dont la normale indi-
quera le zéro de l'échelle. Ce zéro et ensuite l'angle des deux
miroirs, le miroir fixe et le miroir suspendu, peuvent être déter-
minés de la manière marquée dans la fig. 8. On pourrait aussi
adopter une disposition analogue à celle des sextants, tourner
l'une vers l'autre les faces réfléchissantes du miroir fixe et du
miroir suspendu, et observer l'angle que ces faces font entre elles ,
en visant, dans une petite lunette, au voisinage immédiat de
l'oculaire de la lunette zénithale, les divisions d'une échelle,
tant directement qu'après une double réflexion. Cette disposition
aurait l'avantage qu'il suffirait d'un petit déplacement de l'œil
pour que l'observateur pût reconnaître de suite la position du fil
DIFFÉRENCES DE LONGUEUR, LA MESURE DE FAIBLES ETC. 45
à plomb. La lunette, Taxe, les fils à plomb et les miroirs peu-
vent d'ailleurs être entourés d'une enveloppe de matière peu conduc-
trice — ne laissant que les ouvertures nécessaires, fermées par
des disques de verre — tant afin de prévenir les brusques chan-
gements de température, que pour mettre les miroirs à l'abri des
courants d'air. Il faudra aussi, ce qu'il est facile d'obtenir, que
les fils à plomb puissent être immobilisés sans secousses , afin qu'ils
n'éprouvent pas d'oscillations quand la lunette doit tourner autour
de l'axe. Pour observer avec cet appareil la déclinaison d'une
étoile qui traverse le méridien très près, du zénith, on pro-
cédera, j'imagine, de la manière suivante. Peu de temps avant
le passage de l'étoile, on tournera l'un des miroirs au nord ou
au sud et on notera sa position ; ensuite on mesurera , à l'aide
du fil mobile du micromètre, la distance de l'étoile au zénith,
jusqu'à ce que l'étoile soit arrivée très près du passage. La lunette
sera alors tournée de 180° autour de l'axe et, immédiatement
après, les mesures de la distance seront reprises et continuées
aussi longtemps que possible. Pour terminer , on notera de nouveau
la position du miroir, qui, maintenant, se dirigera vers le sud
ou vers le nord. Je n'ai malheureusement pas l'occasion de mettre
à l'essai le moyen que je viens d'exposer, et je ne puis donc
décider s'il offrirait réellement le degré d'exactitude dont il me
paraît susceptible. Comme simple projet, il me semble d'une
exécution plus facile et moins coûteuse que celui communiqué par
M. Faye dans les Comptes rendus (joj. N^* 12 et 14, 17 sept, et
1 oct. 1849), tout en présentant, comme celui-ci, l'avantage de
laisser l'objectif tout entier disponible pour l'observation de l'étoile.
Les fils à plomb pourvus d'un miroir peuvent aussi être utilisés
pour rendre sensibles de très petits changements azimutaux, dans
la supposition, bien entendu, que le sol lui-même n'en éprouve
pas de pareils. Soient A et B , fig. 11, deux points — tels , par
exemple, que les extrémités d'une lunette ordinaire ou les extré-
mités de l'axe d'une lunette méridienne — dont on demande de
trouver les petits déplacements azimutaux relatifs. Figurons par
C D un fil métallique, aussi long que possible, disposé horizon-
46 F. J. STAMKART. SUR LA DETERMINATION DE PETITES
talement au-dessus du sol; et tendu avec force; et par A E et
BF deux fils à plomb à miroir, suspendus aux points A et B.
Si alors les bords G et H des deux miroirs ou des montures qui
les maintiennent sont bien rectilignes , et si les fils A E et B F
ont une torsion telle que ces bords appuient contre le fil métal-
lique tendu CD; il est clair que tout déplacement horizontal,
perpendiculaire à la direction C D , que subira A ou B , sera
accusé par les miroirs. De la différence de ces déplacements,
combinée avec la distance A B, on déduira immédiatement la
valeur du changement azimutal de A par rapport à B. J'ai ap-
pliqué ce moyen avec succès à une lunette qui était placée dans
le premier vertical, pour l'observation de passages d'étoiles, des-
tinés à donner la latitude.
Le fil à plomb à miroir pourrait encore, ce me semble, inter-
venir avec avantage dans la détermination de la dilatation par
la chaleur. Si, aux deux extrémités de la barre dont il s'agit
d'étudier la dilatation, sont suspendus des fils à plomb, tordus
dans le même sens, et dont les miroirs arrêtent contre des appuis
fixes, la différence des rotations subies par les miroirs, dans le
même sens, fera connaître la dilatation ou le raccourcissement
de la barre. Par appuis fixes, j'entends seulement ceux qui sont
soustraits à l'influence de l'augmentation ou de la diminution de
chaleur appliquée à la barre, et qui, par conséquent, sont fixes
l'un par rapport à l'autre. Comme tels, je pense qu'on pourrait
de nouveau employer convenablement deux fils métalliques tendus
avec force, horizontaux et parallèles, qui seraient attachés, par
exemple, à droite et à gauche, aux murs d'une chambre. Si on
le juge utile, on peut même, à chaque mur, relier entre eux les
points d'attache des fils métalliques, par des tiges de verre par
exemple, et suspendre à cet endroit des thermomètres, afin de
tenir compte de petites variations de température qui pourraient
modifier légèrement l'éloignement mutuel de ces points d'application.
La barre à étudier étant maintenant plongée dans un bain réchauf-
fant ou refroidissant, vers le milieu de la chambre et au-dessus
des fils métalliques tendus , et chacun des deux miroirs appuyant ,
47
de même que dans la fig. 11, contre un de ces fils tendus, la
dilatation ou la contraction de la barre pourra être observée com-
modément et avec exactitude. Pour que les fils à plomb puissent
pendre librement aux extrémités de la barre, il conviendra que
celles-ci fassent légèrement saillie en dehors de l'auge qui contient
le liquide réchauffant ou réfrigérant, saillie qui du reste n'aura
pas besoin de dépasser 1 mm., par exemple. Il serait possible,
en outre , que la chaleur du bain occasionnât quelque changement
dans la force de torsion de la partie supérieure des fils aplomb;
mais il n'en résultera aucun effet nuisible, si l'on a eu soin de
prendre pour les deux fils à plomb des portions d'un même fil
métallique, et de leur donner à chacun la même torsion; car,
dans ce cas, l'influence éventuelle, exercée par la chaleur sur
l'énergie avec laquelle les fils tendent à se détordre, serait égale
et de même signe pour chacun de ces fils, et disparaîtrait par
conséquent du résultat final. De même que plusieurs des idées pré-
cédentes, celle-ci n'a pas encore reçu d'application.
En général, je suis porté à croire qu'il y a dans la géométrie
pratique des cas assez nombreux où les miroirs et les fils à plomb
à miroir trouveraient un emploi avantageux. Ainsi, pour citer
encore un exemple, le miroir fig. 8 peut utilement servir à
mesurer de petites flexions , produites par une légère augmentation
de charge. On n'a, pour cela, qu'à faire reposer les pieds G et G'
sur un plan fixe, et le pied H sur un point de la barre qui
fléchit. A l'aide des miroirs, il serait facile aussi de constater si
des barres de fer deviennent un peu plus longues ou plus courtes
sous l'influence d'une aimantation temporaire, et, de même, si
des barres d'acier éprouvent quelque changement appréciable dans
leurs dimensions, quand on leur communique une force magné-
tique permanente.
Si, parmi les idées que je viens d'esquisser, et dont beaucoup
sont restées à l'état de simple projet, quelques-unes pouvaient
trouver une application utile, le but de la présente communica-
tion serait largement atteint.
SUR LA
MORPHOLOGIE DES MUSCLES DE L^ÊPAULE
CHEZ LES OISEAUX,
EMIL SELENKA,
Professeur à l'Université de Leide.
Dans la myologie comparée des animaux vertébrés , il ne s'agit
pas de paralléliser tous les muscles de même fonction, ou de
même forme et situation, ou de même innervation: il importe
plutôt de tenir compte de tous ces points de vue à la fois, pour
ramener les muscles de structure compliquée aux muscles plus
simples, et, dans l'accomplissement de cette tâche, c'est non-seule-
ment le scalpel, mais aussi la manière différente de vivre et le
développement du squelette , qui doivent servir de guides.
C'est ainsi, par exemple, que la myologie comparée nous a
appris que le musculus reclus abdominis des Mammifères et des
Oiseaux doit être rattaché, morphologiquement, aux muscles in-
tercostaux: tous les deux, en effet, sont situés au même niveau,
tous les deux se confondent chez les vertébrés inférieurs, où les
côtes manquent ou deviennent rudimentaires , tous les deux , enfin ,
sont innervés de la même manière. C'est ainsi encore , que les
muscles de la main de l'Oiseau ne diffèrent pas beaucoup, au
point de vue morphologique, des muscles de la main du Mam-
mifère, bien que, sous le rapport fonctionnel, il existe une dif-
férence très grande: car les points d'insertion peuvent subir des
déplacements notables et tels que tous les mouvements de la main
de l'Oiseau sont réduits, presque exclusivement , à l'abduction et à
E. SELENKA. SUR LA MORPHOLOGIE DES MUSCLES ETC. 49
radduction. La conformation des articulations et les passages d'un
type à un autre doivent donner ici l'explication des faits.
L'accroissement énorme que reçoivent chez l'Oiseau les muscles
de l'épaule va de pair avec le développement considérable de la
ceinture osseuse de cette partie. Et, de même que l'os coracoï-
dien, la fourchette et l'appareil épisternal des Oiseaux peuvent
être ramenés à l'apophyse coracoïde de l'omoplate, à la clavicule
et à l'épisternum d'autres animaux vertébrés, de même on par-
vient à retrouver les muscles de l'aile des Oiseaux, si puissam-
ment développés, dans les faibles muscles de l'épaule d'autres
animaux, notamment des Reptiles.
Je me propose de donner ici quelques indications au sujet de
différents muscles dont la signification a été mal comprise jusqu'à
présent.
Pectoralis maior et minor.
Comme muscles de la poitrine on trouve cités , dans les auteurs ,
sept muscles différents. Néanmoins, ainsi que M. Rolleston l'a montré
le premier, l'Oiseau ne possède que deux muscles pectoraux , qui
correspondent au grand et au petit pectoral des classes animales
voisines. Tous les autres muscles, décrits comme muscles pecto-
raux, sont des homologues des muscles sous-clavier, coraco-bra-
chial et deltoïde d'autres vertébrés.
Ce qu'on a appelé jusqu'ici grand pectoral, est un muscle
composé. La partie superficielle, plus forte, est le grand pectoral
véritable, la partie plus profonde est le petit pectoral.
Il est vrai que presque toujours ces deux muscles se confon-
dent partiellement entre eux. La preuve que la masse musculaire
est composée d'un muscle grand pectoral et d'un muscle petit
pectoral proprement dits, est fournie par les faits suivants.
1 ^ Chez les embryons il n'y a pas encore de soudure ; les deux
muscles sont distincts, et ce n'est qu'à mesure des progrès du
développement, que leurs bords se soudent de plus en plus in-
timement. Toutefois, la soudure ne paraît jamais s'étendre à la
surface entière par laquelle les deux muscles se touchent. Du
moins, chez un grand nombre d'Oiseaux, j'ai toujours trouvé un
Archives Néerlandaises T. V. 4
50
E. SELENKA. SUR LA MORPHOLOGIE DES MUSCLES
endroit où les deux pectoraux glissaient encore l'un sur l'autre,
sans avoir contracté d'union.
2". Chez le Pélican, il n'y a qu'un petit nombre de fibres
marginales du petit pectoral qui se soudent avec le grand pec-
toral , mais les tendons qui terminent les deux muscles se réunis-
sent à peu de distance de l'insertion sur l'humérus. Un fait que
j'ai observé drns cet animal, et qui m'a paru nouveau, c'est
l'existence d'une scissure profonde du muscle petit pectoral,
scissure dont on voit une représentation fidèle PL IL Néan-
moins, dans ce cas encore, l'union des tendons terminaux
des deux muscles pectoraux se fait d'une manière très intime ,
car les fibres tendineuses du petit pectoral passent, tout à fait
irrégulièrement, dans les deux tendons terminaux du grand pec-
toral, qui se montrent sous leur forme typique.
Ramifications des nerfs du
plexus brachial du Canard domes-
tique, prises au côté gauche et
vues de la face ventrale de l'animal.
Les chiffres placés à côté des
nerfs indiquent les muscles que
ces nerfs innervent : 1 . Pectoralis
major. 2. Pectoralis minor. 3. Bi-
ceps et antebrachium. 4. Triceps.
5. Antebrachium et membrana
anterior alae. 6. Latissimus dorsi.
7. Deltoides. 8. Teres maior. 9.
Subclavius. 10. Coracobrachialis
brevis.ll.Coracobrachialislongus.
Le nerf du sous-clavier, qui
perce la chair du court coraco-
brachial, envoie également un
rameau très faible à ce dernier
muscle.
3». L'innervation des deux muscles pectoraux se fait chez les
Oiseaux de la même manière que dans les classes voisines: du
plexus nerveux situé près du creux de l'aisselle, part un nerf
dichotome, dont l'une des branches se rend au muscle grand
pectoral, et l'autre au muscle petit pectoral.
4». La soudure des deux muscles pectoraux s'observe aussi dans
d'autres classes d'animaux, par exemple, chez le Mus decumanus.
DE l'Épaule chez les oiseaux. 51
Subclavius.
On doit désigner sons le nom de sous-clavier un muscle
qui est situé au-dessous du grand pectoral , qui prend son origine
à l'angle du sternum et aussi à la membrane coraco-claviculaire,
s'élève le long de l'os coracoïdien , dont souvent il reçoit aussi
des fibres ; traverse ensuite^ à l'état de tendon (et en donnant
lieu à la formation d'une bourse muqueuse), le foramen tri-osseum ,
fait en ce point un léger coude, passe sur la capsule articulaire
de l'épaule, et s'insère enfin à l'humérus. L'action du tendon de
ce muscle consiste dans la rotation de l'aile, quand celle-ci est
repliée; quand elle est étendue, l'effet produit est l'adduction ou,
si celle-ci est empêchée, l'élévation de l'aile.
Ce muscle est ce que les auteurs appelaient le second pec-
toral. Il est certain que lorsqu'on compare sa surface d'origine
chez les Oiseaux avec celle qu'il présente chez les Reptiles et
les Mammifères, ou est frappé de sa large insertion sur le ster-
num. Mais cela ne constitue pas une difficulté sérieuse ; car chez
l'Emeu, la portion sternale du sous-clavier est déjà très petite,
et chez l'Autruche, où du reste le sous-clavier existe encore très
distinctement, cette portion sternale manque tout à fait. Déplus,
M. RoUeston a fait voir que le nerf qui se ramifie dans le sous-
clavier est formé d'une manière homologue chez les Oiseaux et chez
les Mammifères. Enfin, on doit se rappeler que nous avons déjà,
ci-dessus , assigné sa place au second, pectoral.
Le sous-clavier des Oiseaux est, à très peu d'exceptions près,
un muscle penniforme ; des fibres musculaires s'insèrent de part
et d'autre à un tendon moyen, qu'elles recouvrent de leur sub-
stance. D'après cela, le raccourcissement que le muscle total
éprouve dans la direction longitudinale, à la suite d'une con-
traction , est moins considérable que si ses fibres marchaient dans
le même sens que le tendon terminal; mais, en revanche, la
traction exercée par le tendon sous-clavier, qui doit élever l'aile
entière, est beaucoup plus énergique.
C'est chez le Didunculus strigirostris que j'ai trouvé le muscle
sous-clavier le plus fortement développé; viennent ensuite le Pin-
4*
52 E. SELENKA. SUR LA MORPHOLOGIE DES MUSCLES
gouin, les Pigeons, les Gallinacés , les Canards ; les Perroquets.
Chez les Oiseaux de proie il est passablement petit.
Il est également court, mais pourtant fortement développé,
chez le Pélican. Il prend ici naissance: 1". sur le sternum, entre
la crête et le bouclier sternal; 2». pour la partie la plus grande,
sur la membrane coraco-furculaire , dont il recouvre presque en-
tièrement la face extérieure; 3". par un faisceau spécial, tout à
fait isolé à l'origine, sur le bord médian de l'os coracoïdien.
Coracobrachialis longus.
Les données concernant ce muscle varient d'une manière re-
marquable. Il part, en général, du bord abdomino-latéral de l'os
coracoïdien, et s'insère, par un tendon robuste, sur le tuberculiim
inferius s. mains liumeri. Le muscle peut tirer le bras en arrière,
mais il paraît que c'est dans la rotation du bras autour de son
axe longitudinal qu'il exerce son effet principal.
Il n'est pas rare de voir aussi quelques fibres musculaires
prendre naissance sur la lame sternale.
Ce muscle ne doit pas être pris, comme on l'a fait ordinaire-
ment, pour un muscle pectoral véritable, et ce n'est que la con-
sidération superficielle de sa position au-dessous du pectoral pro-
prement dit , qui a pu lui faire attribuer cette signification. Meckel
le regarde comme le coraco-brachial , opinion à laquelle Retzius
objecte qu'il pénètre dans la fosse sous-claviculaire , entre la
clavicule et l'os coracoïdien; d'après cela, il serait l'homologue
du sous-clavier de l'Homme, et si son insertion est différente de
ce qu'elle est chez l'Homme, il y a plusieurs autres Mammifères,
rOrnithorhynque par exemple, chez qui il s'attache également à
l'extrémité antérieure de l'humérus. Ce raisonnement est loin
toutefois de prouver l'homologie présumée, et, en faisant même
abstraction de la circonstance que le sous-clavier a déjà été
reconnu plus haut, la manière dont le nerf pénètre dans le
muscle en question le détermine indubitablement comme muscle
coraco-brachial. En outre, l'origine et l'attache terminale du
muscle conduisent directement à lui appliquer ce nom.
DE l'Épaule chez les oiseaux. 53
Des auteurs anciens désignent notre muscle sous le nom de
allollens humeri ou de depressor humeri. Les mêmes divergences
existent dans les détails donnés au sujet du trajet du muscle,
bien que le muscle ne varie que d'une manière très secondaire
chez les différentes espèces. On éprouve réellement de l'embarras
à rapporter à un seul et même muscle toutes les descriptions
qui en ont été faites jusqu'ici. La réunion partielle avec le court
coraco-brachial et les dénominations diverses dont notre muscle
a été gratifié ont mis le comble à la confusion qui règne à
cet égard.
Coracobrachialis brevis.
Les descriptions anciennes de ce muscle sont également toutes
défectueuses et embrouillées, et beaucoup de travaux, du reste
très détaillés, ne le nomment même pas. Cuvier ne parle que
d'une manière générale de deux muscles qui partent de l'os cora-
coïdien et s'insèrent à la tête de l'humérus: ce sont ceux que
nous décrivons ici comme coraco-brachiaux. Tiedemann cite un
deltoïdeus minor et un levator scapulae, qui répondent, au moins
en partie, au coracobrachialis brevis. Gurlt, Wiedemann, Mer-
rem, Aldrovandi n'en font aucune mention.
Le muscle court coraco-brachial peut prendre naissance en quatre
portions différentes, partant de l'omoplate , du coracoïdien, du bord
supérieur du sternum et du ligament sterno-furculaire. Ces quatre
ventres musculaires se réunissent ensuite en un muscle unique,
qui s'insère à la tête de l'humérus; ou bien la portion sternale
se rend isolément à l'humérus et s'y fixe par un tendon propre.
La masse principale du muscle ne se montre que lorsque le
sternum avec ses dépendances est séparé du tronc et qu'on l'examine
du côté interne. On voit alors le muscle prendre naissance au
bord extérieur du sternum, et se diriger obliquement en haut et
en dehors, en se renforçant de fibres parties du ligament sterno-
furculaire et de l'os coracoïdien. Dans son trajet ultérieur, il
reçoit une seconde portion de fibres, moins considérable, venue
du coracoïdien, et enfin une troisième portion originaire du bord
54 E. SELENKA. SUR LA MORPHOLOGIE DES MUSCLES ETC.
extérieur de l'omoplate. Le tendon d'insertion peut, comme il a
été dit plus haut, être simple ou double.
L'action du muscle se confond avec celle du coraco-brachialis
long us.
Je terminerai cette Note en annonçant que je donnerai bientôt,
dans l'ouvrage paraissant sous le titre de „Bronn, Klassen imd
Ordnungen des Thierreichs , Ahlheihinq: Vôgel/' un aperçu systé-
matique des formes principales des muscles dont il vient d'être
question.
Explication de la Planche IL
Muscles de l'épaule et du bras du Pelecanus onocrolalus, en
demi grandeur naturelle.
Au côté gauche, le muscle grand pectoral a été coupé, et on
n'en a laissé subsister que le tendon terminal ; de cette manière ,
on a mis à nu le petit pectoral, dont le tendon terminal est
double chez le Pélican.
Au côté droit, on a enlevé les muscles grand et petit pec-
toral, ce qui laisse à découvert le muscle sous clavier. La tête
inférieure de l'humérus n'a pas été dessinée ici.
X. Origine du grand pectoral.
y. Origine du petit pectoral.
^. Sternum.
a. La partie du bouclier sternal non couverte par les
muscles.
H. Humérus.
F. Fourchette.
C. Os coracoïdien.
LES MOUYEMEJNTS DE L^ŒIL
ÉCLAIRÉS À L'AIDE DU PHÉNOPHTHALMOÏROPE
p. C. DONDER
Les mouvements de l'œil ont été étudiés avec beaucoup de
soin, de sorte que leur mécanisme passablement compliqué est,
en général, élucidé d'une manière satisfaisante. Nous connaissons
les lois suivant lesquelles ces mouvements s'exécutent, et nous
savons en outre dans quelles conditions se présentent certaines
déviations à ces lois, déviationi; légères d'ailleurs et qui ne sont
pas tout à fait semblables pour des yeux différents. Mais, en
dépit de cette perfection relative de nos connaissances, ce point
de doctrine est resté une pierre d'achoppement pour beaucoup
d'ophthalmologistes. Dans nos livres, on ne saurait le nier, il
règne à cet égard, et surtout au sujet de ce qu'on appelle le
mouvement de roue, une certaine confusion, et dans l'enseigne-
ment, on voit les efforts les plus consciencieux pour donner une
idée claire du mécanisme en question, échouer auprès d'un grand
nombre d'auditeurs.
A diverses reprises, on a essayé de venir en aide à la faculté
de représentation, au moyen de certains instruments qu'on a
appelés ophthalmotropes. D'une manière générale, ces appareils
ont pour but de rendre visible l'action des muscles de l'œil.
Mais, ce qui importe avant tout, c'est qu'on se fasse une idée
exacte des mouvements eux-mêmes. C'est en cela que paraît
résider la difficulté principale pour la plupart des personnes. Une
fois qu'elles se rendent nettement compte des mouvements, elles
56 F. C. DONDERS. LES MOUVEMENTS DE l'œIL ,
reconnaissent sans peine quels sont, dans la production de ces
mouvements, les muscles qui se raccourcissent activement, et
quels sont ceux qui s'allongent d'une manière passive. Pour ce
motif, il m'a semblé utile de construire un instrument qui rendît
sensibles, en premier lieu, les mouvements. On pourrait le distin-
guer des oplithalmotropes déjà connus, par le nom de phénoph-
thalmotrope (de (pnii'ot rendre visible, offdaino, œil et rocVr// action
de tourner). Pour faire comprendre ses usages, nous passerons
en revue les mouvements de l'œil, en les rattachant à la des-
cription de l'instrument.
11 fut un temps où l'on partait des muscles de l'œil, pour
chercher à remonter de ceux-ci aux mouvements du globe oculaire.
Les quatre muscles droits de l'œil étaient alors regardés comme
suffisants pour donner toutes les directions voulues à la ligne de
fixation, passant par le point de rotation et le point de mire
dans l'espace, et l'on croyait que de cette manière toutes les
conditions du problème étaient satisfaites. Il fallait donc trouver
une autre fonction aux muscles obliques de l'œil. Au lieu d'une,
on en découvrit deux. La cause du pouvoir d'accommodation
n'était pas connue: on se demanda si les muscles obliques de
l'œil ne seraient pas capables, par pression sur le globe oculaire ,
d'allonger l'axe visuel et de pourvoir ainsi à l'accommodation.
Sans preuve aucune, on se contenta de cette solution réciproque
de deux inconnues. Dans l'effet supposé, les muscles agissaient
de concert. Mais on sut aussi assigner une tâche à leur action
isolée. De la direction des muscles obliques on conclut qu'ils
devaient être en état de faire tourner l'œil autour de l'axe op-
tique, et, effectivement, M. Hueck crut avoir reconnu une pareille
rotation pendant les mouvements d'inclination latérale de la tête :
jusqu'à concurrence de 25 à 28% l'inclination de la tête serait
compensée, de chaque côté, par une rotation autour de l'axe
optique, de sorte que les méridiens verticaux ne cesseraient pas
de rester verticaux. Le premier rôle attribué aux muscles obli-
ques de l'œil tomba de lui même avec la découverte de la cause
de l'accommodation, et la rotation autour de l'axe visuel ne put
ÉCLAIRÉS à l'aide DU phénophthalmotrope. 57
se soutenir en présence du fait, facile à constater, qu'en incli-
nant la tête sur le côté, les images consécutives formées sur la
rétine se déplacent dans la même direction et, certainement, à
à peu près de la même quantité. L'idée heureuse de consulter
les images consécutives pour se rendre compte de la position de
l'œil, est due à M. Ruete, qui sut également assigner bientôt
leur signification véritable aux muscles obliques. Il trouva, en
effet, que le méridien vertical conserve sa position verticale, tant
lorsque l'œil, tournant autour de Taxe transversal, se dirige
directement en haut ou en bas, que lorsque, tournant autour de
l'axe vertical, il se meut à droite ou à gauche dans un plan
horizontal; mais qu'au contraire, quand l'œil se dirige en haut
de côté, le méridien vertical s'incline de ce même côté, tandis
que si l'œil se porte en bas de côté, ce méridien penche du
côté opposé. Or, il est clair que si, en regardant directement en
haut ou en bas , les seuls muscles actifs étaient les muscles droits
supérieur et inférieur, dont la direction fait un angle d'environ
20° avec l'axe optique, le méridien prendrait une position obli-
que, et que cette obliquité ne peut être compensée que par le
concours du muscle oblique inférieur avec le droit supérieur et
du muscle oblique supérieur avec le droit inférieur. Dans l'un
et dans l'autre cas, deux muscles agissent de concert et se sou-
tiennent mutuellement sur l'axe transversal, tandis qu'ils se neu-
tralisent sur l'axe visuel, et ce n'est que de cette manière que
le méridien vertical peut garder sa position verticale quand les
lignes de fixation se dirigent droit en haut ou droit en bas.
Dans cette méthode, comme on le voit, on commença par
déterminer le mouvement de l'œil, pour en déduire ensuite l'ac-
tion des muscles. C'est là, ainsi que je l'ai fait remarquer, la
seule voie pouvant conduire à dévoiler le mécanisme d'un mou-
vement. Permis à l'anatomiste de se demander, en faisant la
description d'un muscle, quel mouvement résulterait de la con-
traction de ce muscle s'il se présentait réellement isolé ; — la tâche
du physiologiste est d'étudier les mouvements eux-mêmes, pour
rechercher ensuite quels sont, dans le nouvel état d'équilibre, les
58 G. C. DONDERS. LES MOUVEMENTS DE l'œIL,
muscles allongés ou raccourcis, et à quelle tension ils se trouvent
soumis. M. Hueck avait cru s'être assuré de l'existence du mou-
vement de roue, dans l'inclination latérale de la tête, par le
changement de direction des vaisseaux visibles de la conjonctive.
A cela j'objectai que, dans les expériences de M. Hueck, les
lignes de fixation, pour continuer à se porter sur un même point
rapproché de l'observateur, devaient changer de direction par
rapport à la tête, et que l'inclination qui en résultait pour les
méridiens verticaux pouvait simuler un mouvement de roue. Une
expérience qui me semble tout à fait décisive, est celle où l'œil
se contemple lui-même dans un petit miroir tenu entre les dents,
et voit alors, à chaque mouvement de la tête, les vaisseaux de
la conjonctive et les points visibles de l'iris conserver invariable-
ment la même position par rapport aux paupières, aux angles
de l'œil et aux lignes du visage. Je reconnus en outre , en faisant
usage des images consécutives d'un ruban vertical, que, pour
chaque direction déterminée de la ligne de fixation, relativement
à la tête en position verticale, et quels que fussent les détours
employés pour arriver à cette direction, la situation du méridien
vertical, et par conséquent celle de l'œil tout entier, restait in-
variablement la même.
La loi ainsi trouvée est formulée par M. Helmholtz, qui lui
donne le nom de loi de Donders , de la manière suivante :
„L'angle du mouvement de roue de chaque œil n'est, en cas de
parallélisme des lignes visuelles, fonction que de l'angle ascen-
sionnel et de l'angle de déplacement latéral."
On voit que M. Helmholtz, pour déterminer la position de
l'œil, introduit un angle de mouvement de roue. Plus loin nous
reconnaîtrons ce que M. Helmholtz entend par cette expression.
Quant à moi, je crus devoir l'éviter, parce que le mouvement
de roue ne me paraissait pas démontré, — et, en effet, d'après
la loi de Listing, il ne peut être question d'un véritable mouve-
ment de ce genre dans le passage de la position primaire à une
position secondaire, quelle que soit celle-ci. Il me sembla que
par l'inclinaison du méridien vertical primitif, dans la situation
ÉCLAIRÉS à l'aide DU phénophthalmotrope. 59
normale de la tête , la position de l'œil était déterminée tout aussi
bien, et en accord avec la direction des images consécutives.
Dans mon Mémoire, j'arrivai à la conclusion que les méridiens
verticaux s'inclinent d'autant plus que, pour une même élévation
ou un même abaissement, le regard se porte plus de côté, et
aussi d'autant plus que, pour une même déviation latérale, le
regard se meut davantage vers le haut ou vers le bas. Plus tard
j'exécutai, d'après une méthode que j'avais développée dans mon
Mémoire ' ) , un grand nombre de mesures de l'écart de la posi-
tion verticale, tel qu'il correspond à chaque direction de la ligne
de fixation; mais, comme je ne réussis pas à ramener ces écarts
à une loi déterminée, cette seconde partie de mon travail ne fut
pas publiée. D'autres ne furent pas plus heureux que moi dans
leurs tentatives. C'est par une voie différente que la vérité se
fit jour: une loi fut énoncée à priori; il ne fut pas difficile de
la soumettre au contrôle de l'expérience, et il se trouva heureu-
sement qu'elle résistait à cette épreuve.
Le principe posé hypothétiquement par M. Listing ^) s'énonce
ainsi: „Lorsque l'œil passe de la position normale (primaire) à
une position secondaire quelconque, on peut se représenter ce
changement de position comme le résultat d'une rotation autour
d'un axe déterminé, lequel, passant par le centre de l'œil, serait
toujours à la fois perpendiculaire à la direction primaire et à la
direction secondaire de l'axe optique; par conséquent, chaque
position secondaire se trouve par rapport à la position primaire
dans la relation en vertu de laquelle la rotation projetée sur l'axe
optique est =z 0."
M. Meissner trouva les résultats de ses recherches conformes
à cette loi; mais c'est de nouveau à M. Helmholtz que nous
devons l'expérience simple par laquelle chacun peut se convaincre
de l'exactitude du principe. Cette expérience repose sur l'emploi
^) Uollàndische Beitràge zu den anatomischen und physiologischen Wissenschaf-
ten, 1846, T. I, p. 135.
*) Communiqué d'abord par M. Ruete, Lehrbuch der OpMhalmologie ^^Qéàii,,
Braunschweig , 1853, T. I, p. 36.
60
des images consécutives. Nous avons vu plus haut que l'image
consécutive d'un ruban vertical reste verticale lorsque, la tête
conservant la position normale, nous élevons et abaissons le
regard dans un plan vertical, c'est-à-dire, dans la direction du
ruban. Or ceci est vrai, non-seulement d'un ruban vertical,
mais aussi d'un ruban ayant une autre direction quelcon-
que: il suffit qu'on fasse mouvoir l'œil de telle sorte, que la
ligne de fixation et le ruban tendu se trouvent dans le même
plan. En traçant sur un mur des rayons, partant d'un centre
autour duquel peut tourner un ruban de couleur claire , on pourra
faire coïncider celui-ci successivement avec chacun des rayons:
après avoir fixé le ruban de l'œil, dans la position verticale de
la tête, on verra alors, chaque fois, l'image consécutive suivre
le rayon lorsque le regard se meut suivant sa direction, tandis
que, si le regard se promène le long d'un autre rayon, l'image
s'en écartera constamment. Ce résultat implique l'exactitude de
la loi de Listing. L'expérience montre en effet, que le méridien
dans lequel est situé le ruban conserve sa direction quand la
ligne de fixation se meut dans le plan de ce méridien. Ce mé-
ridien tourne donc, dans ce cas, autour d'un axe qui le coupe
perpendiculairement, savoir, au centre de rotation lui-même. En
d'autres termes, l'œil, en passant de la position primaire à la
position secondaire, tourne autour d'un axe perpendiculaire au
plan qui comprend les lignes de fixation primaire et secondaire:
c'est là la loi de Listing.
C'est cette loi qu'il faut maintenant, en premier lieu, rendre
sensible par le phénophthalmotrope.
Dans cet instrument (PI. III, fig. i , vu de côté, en perspec-
tive) , le globe oculaire 0 tourne avec l'anneau R R (dont il sera
question plus loin) dans l'anneau E.'; dans la position figurée,
l'axe autour duquel se fait cette rotation est horizontal et montre
une de ses extrémités en a'. La ligne de fixation se meut donc
dans un plan vertical, en s'élevant ou s'abaissant. L'axe a' porte
un petit disque circulaire pourvu d'un arc gradué g' \ l'index i' ,
qui dans la figure marque 0^, est fixé sur l'anneau R' par deux
ÉCLAIRÉS à l'aide DU PHÉNOPHTHALiMOTROPE. 61
vis s y s'. Lorsque le globe oculaire tourne autour de Taxe a', on
peut donc lire sur g' la valeur angulaire de cette rotation.
Dans l'anneau r , placé en avant du globe occulaire^ peuvent
être vissées deux tiges minces k k ; elles sont mobiles avec l'an-
neau r autour de la ligne de fixation, et l'index /^ indique sur
le limbe divisé g'^ de combien elles ont tourné. Dans la position
que l'instrument occupe ici, la direction verticale des tiges cor-
respond à 0°. Ces tiges représentent le méridien vertical. Quand
l'œil tourne autour de l'axe transversal a' , le méridien conserve
sa position verticale. Ainsi la ligne de fixation se meut dans un
plan vertical, quand l'œil se porte directement en haut ou direc-
tement en bas. Cela ne demande aucune autre explication.
On peut maintenant donner à l'instrument une position diffé-
rente. Dans la figure 1 , la poignée S , qui est assujettie à l'anneau
R', est placée tout en haut. Mais, à l'aide de cette poignée, on
peut donner à l'anneau R' toute autre direction dans le plan
vertical de l'anneau R". L'index i" marque alors sur le bord
gradué g" la quantité de cette rotation, laquelle, dans la fig. 2,
s'élève à 45°. Il est clair que l'axe a a' est entraîné dans le
mouvement de l'anneau R'; la figure 2 montre le phénophthal-
motrope après que ce mouvement a eu lieu , et lorsque , en outre ,
l'œil a déjà tourné autour de l'axe à' a' dans sa nouvelle position.
Avant cette rotation, les tiges kkj qui avaient suivi l'inclina-
tion de la poignée S, ont été placées de nouveau verticalement,
ce qui a eu pour effet de faire marquer à l'index i° le même
nombre de degrés que marquait l'index i" . La position des tiges
représente celle du méridien vertical de l'œil. L'œil peut donc
être considéré comme s'il n'avait pas été tourné, à l'aide de la
poignée S, dans l'anneau extérieur: tout se passe comme si
l'œil vivant, resté dans la position primaire, se disposait seu-
lement à regarder obliquement en haut ou obliquement en bas.
Dans la figure 2, comme il a été dit, ce mouvement est déjà
exécuté , et , par suite de la rotation autour de l'axe a' a' , la
ligne de fixation s'est dirigée à droite et en haut. La quantité
dont elle a tourné autour de cet axe est de nouveau marquée
62
par l'index ^% et s'élève, dans la figure 2, à 45°. Dans le cas
que nous avons choisi pour exemple, l'œil a donc tourné de 45°
vers le haut , autour d'un axe a' a' incliné de 45° sur Taxe hori-
zontal. En tournant la poignée S, on peut donner à cet axe a' a'
toutes les inclinaisons qu'on désire et, par suite, faire mouvoir
la ligne de fixation, de sa position primaire, dans toutes les
directions, toujours autour d'axes invariablement situés dans le
plan de l'anneau R^', lequel coïncide à peu près avec l'équateur
de l'œil ' ). Telle est l'illustration de la loi de Listing.
En partant de la position primaire, qu'on établit chaque
fois de nouveau en plaçant les tiges verticalement, nous faisons
toujours mouvoir la ligne de fixation de telle sorte qu'elle se
rapproche ou s'éloigne directement de la poignée S , laquelle reste
par conséquent, avec les positions primaire et secondaire de la
ligne de fixation, dans le méridien qui, durant cette rotation,
conserve invariablement sa situation primitive. Les images consé-
cutives de lignes situées dans ce méridien doivent donc aussi,
évidemment, rester en coïncidence, pendant la rotation, avec les
images directes d'objets placés dans ce même méridien. C'est ainsi
que le phénophthalmotrope éclaire la démonstration donnée par M.
Helmholtz de l'exactitude de la loi de Listing. Si nous avions
laissé aux tiges la direction de la poignée , elles seraient restées ,
durant la rotation, dans le méridien immobile.
Mais le méridien vertical , est-il aussi resté vertical pendant cette
rotation? C'est précisément pour pouvoir en juger que nous
avons mis, avant la rotation, les tiges dans la position verti-
cale; or, le résultat de l'expérience montre que ce méridien a
réellement cessé d'être vertical, qu'il incline visiblement du côté
droit, — tout comme l'image accidentelle d'un ruban vertical,
lorsque nous regardons en haut à droite. Le phénophthalmotrope
nous permet donc encore de retrouver le changement de position
^) Le centre du mouvement (le point de rotation) est situé un peu en arrière
du centre de l'œil; l'anneau R^ se trouve donc un peu derrière l'équateur, dans
un plan parallèle à celui-ci.
ÉCLAIRÉS à l'aide DU phénophthalmotrope. 63
du méridien vertical, tel qu'on l'avait constaté par l'observation
des images consécutives.
Il est facile, en outre, d'évaluer en degrés l'inclinaison qu'a
prise le méridien vertical: pour cela, on n'a qu'à chercher de
combien de degrés se déplace l'index i° , lorsque les tiges k k
sont ramenées dans un seul et même plan vertical avec la ligne
de fixation. Cette opération peut s'exécuter avec précision, en
munissant d'un réticule le canal axial du globe oculaire, puis
visant par ce canal un fil vertical suspendu, avec lequel on fait
coïncider les tiges.
Pour arriver, dans ces expériences, à bien se rendre compte
du mouvement de son propre organe, il est bon de placer l'un
ou l'autre de ses yeux directement derrière le phénophthalmo-
trope, après avoir préalablement disposé celui-ci à la hauteur
convenable. Il est aisé alors de suivre tous les mouvements, de
se représenter clairement les positions correspondantes de l'axe
de rotation, et de saisir les rapports entre ces mouvements et
les expériences relatives aux images consécutives.
Rappelons encore une fois, que tous les axes autour desquels
Tceil tourne, lorsqu'il passe de la position primaire à la position
secondaire, s'obtiennent par la rotation de l'anneau R' dans R',
et que tous par conséquent sont situés dans l'équateur. Tous ces
axes sont donc perpendiculaires à la ligne de fixation ; par suite ,
il ne peut être question ici d'une rotation autour de la ligne de
fixation, d'un mouvement de roue. C'est, comme l'exprime la
formule donnée par M. Ruete à la loi de Listing: „une relation
en vertu de laquelle la rotation projetée sur l'axe optique est z= 0."
On doit donc se demander: en quel sens M. Helmholtz parle-
t-il ici de mouvement de roue? Or, cette question aussi est par-
faitement élucidée par le phénophthalmotrope. M. Helmholtz part ,
dans l'analyse des mouvements oculaires, d'un plan fixe situé
dans l'œil, V horizon rétinien, lequel, pour la position normale
de la tête, coïncide avec le plan de fixation dirigé sur l'horizon
infiniment éloigné: c'est donc le méridien horizontal du phénoph-
thalmotrope, lorsque tous les index sont pointés sur 0° (fig. 1).
64 F. C. DONDERS.
La direction que la ligne de fixation a obtenue en réalité par
rotation autour d'un axe oblique (l'axe a' a' dans la fig. 2),
M. Helmholtz la fait résulter — le point de départ étant la posi-
tion primaire — de deux rotations différentes, réalisables toutes
les deux dans le phénophthalmotrope , savoir: P. une rotation
autour de l'axe transversal a' a' (angle ascensionnel de M. Helm-
holtz) par laquelle la ligne visuelle est portée en haut ou en bas,
2°. une rotation autour de l'axe a a (angle de déplacement latéral
de M. Helmholtz) par laquelle la ligne visuelle est dirigée de
côté. Ce second axe « a se trouve sur l'anneau R, et l'angle
latéral se lit sur le limbe gradué g , de même que l'angle ascen-
sionnel sur le limbe g': remarquons que l'axe a a, qui est per-
pendiculaire à l'horizon rétinien, change de direction avec cet
horizon lors de la rotation préalable autour de l'axe a' a' , mais
en restant toujours dans le même plan vertical. Lorsque mainte-
nant , par rotation autour des axes a a et a' a' , on a donné à la
ligne de fixation une direction identique à celle qui, dans la
figure 2, a été obtenue, suivant la loi de Listing, par rotation
autour de l'axe a' a' , incliné de 45°, on trouve que le méridien
vertical a pris une inclinaison différente. Il penche encore plus
vers le côté droit. Pour arriver à la position que l'œil, en tour-
nant d'après la loi de Listing, prend effectivement, il faut donc
ajouter encore un troisième mouvement, savoir, une rotation
autour de l'axe visuel, un mouvement de roue, — de droite à
gauche dans le cas supposé.
Cette analyse détermine rigoureusement la position des yeux
et des lignes de fixation par rapport à la tête, et elle se prête
très bien à l'application du calcul. Mais on doit la considérer
comme une fiction mathématique, non comme une réalité physio-
logique. Dans la rotation autour d'un axe oblique, selon la loi
de Listing (fig. 2), il n'y a pas plus de mouvement de roue,
c'est-à-dire de rotation autour de l'axe de fixation, que dans les
rotations successives autour des axes a a et a' a' (en partant de
la position représentée fig. 1): toutes ces rotations, en effet,
s'exécutent autour d'un axe perpendiculaire à l'axe de fixation.
ÉCLAIRÉS A l'aide DU PHENOPHTHALMOTROPE. 65
Nous n'avons à admettre un mouvement de roue que dans les
cas où l'œil s'écarte des lois de Donders et de Listing.
Du reste, le phénophthalmotrope nous permet de rendre visible
et de mesurer en degrés, pour chaque position, le mouvement
de roue, au sens qu'y attache M. Helmholtz. En faisant tourner
la poignée S , on donnera à l'axe a' a' une direction quelconque
(marquée sur ^ ') , puis on placera k k verticalement et on impri-
mera à l'œil une rotation arbitraire autour de a' a' (marquée sur
g'). On déterminera alors (V. page 63) de combien de degrés le
méridien vertical s'est incliné à droite ou à gauche par suite de
cette rotation conforme à la loi de Listing, et, visant par le
canal axial, on notera le point de l'espace sur lequel la ligne
de fixation se trouve dirigée. Ensuite, on ramènera l'œil dans
la position primaire, la poignée placée tout en haut, et l'axe
a' a' par conséquent horizontal ; on rendra la ligne k k de nouveau
verticale, puis, visant par le canal axial et faisant tourner à la
fois autour des axes a a et a' a' , on dirigera la ligne de fixation
sur le même point de l'espace auquel elle répondait dans l'ex-
périence précédente. On s'apercevra immédiatement que k k s'est
éloignée de la position verticale plus que dans le premier cas,
et on déterminera de nouveau l'inclinaison, en ramenant dans le
plan vertical et prenant l'indication du cadran g°. La différence
d'inclinaison, qu'on aura trouvée ainsi entre les deux cas, est
le mouvement de roue de M. Helmholtz: les chiffres s'accordent
avec ceux du tableau donné par ce savant '). Ceci éclaircit
en outre un point qui était resté obscur aux yeux de beaucoup
de personnes, savoir, comment M. Helmholtz pouvait parler, par
exemple, d'un mouvement de roue de droite à gauche lorsqu'on
fixe à droite en haut, bien que, dans ce cas, le méridien ver-
tical s'incline à droite, ainsi que le prouve l'observation de
l'image consécutive ; c'est que , comme nous l'apprend la compa-
raison des deux expériences décrites ci-dessus, le méridien ver-
tical aurait pris une inclinaison à droite encore plus considérable,
*) Physiologische Optik, p. 467.
Archives Néerlandaises, T. V.
66 F. C. DONDERS. LES iMOUVEMEINTS DE LŒIL,
si la direction secondaire de Taxe de fixation avait été obtenue
par rotation autour des seuls axes a a et a' a'.
Nous avons maintenant encore à examiner comment M. Helm-
holtz détermina directement, à l'aide des images consécutives,
le mouvement de roue qu'il introduisait dans son analyse du
phénomène. La signification et la légitimité de cette analyse res-
sortiront alors d'une manière encore plus évidente.
M. Helmholtz part, comme nous l'avons déjà dit, d'un plan
fixe dans l'œil, l'horizon rétinien. Un ruban horizontal, tendu
dans ce même plan sur une paroi verticale, forme son image
rétinienne dans cet horizon. Quand l'horizon rétinien pivote autour
de l'axe a' a' , il continue à couper la paroi suivant des lignes
horizontales, et l'image consécutive, à quelque hauteur qu'elle
se transporte, continue par conséquent à coïncider avec des lig-
nes horizontales tracées sur la paroi: le phénophthalmotrope met
cela immédiatement en évidence, lorsqu'on a tourné l'anneau rde
manière à donner aux tiges k' k' une direction horizontale. Mais
que l'on fasse pivoter maintenant autour de l'axe a a (angle de
déplacement latéral) : les tiges k' k' abandonnent alors la position
horizontale (si l'angle ascensionnel pouvait atteindre 90°, elles
tourneraient même dans un plan vertical , de manière à s'écarter
d'un degré entier de la direction horizontale pour chaque degré de
rotation); mais, en regardant par le canal axial, on reconnaît
que, projetées sur la paroi, elles continuent à coïncider parfaite-
ment avee les lignes horizontales qui y sont tracées. Cela pro-
vient de ce que, dans la rotation autour de aa, l'horizon rétinien
reste exactement dans le même plan, vu qu'il est perpendiculaire
à rt rt ; il doit donc continuer à passer par le prolongement de
la ligne horizontale, qui est aussi située dans ce même plan. Le
phénophthalmotrope nous fait voir cela très clairement. Mais,
d'un autre côté, on trouve que l'image consécutive d'un ruban
horizontal ne continue pas, quand le regard se porte latéralement
vers le haut ou vers le bas, à coïncider avec des lignes hori-
zontales tracées sur la paroi; par rapport à celles-ci, l'horizon
rétinien, quand on regarde vers le haut, a tourné en sens opposé.
ÉCLAIRÉS A l'aide DU PÉHNOPHTHALMOTROPE. 67
Il y a donc eu, dit M. Helmholtz, un mouvement de roue en
sens opposé, et c'est là précisément le mouvement de roue que
son analyse demande.
Il est facile en effet de se convaincre que si, lorsqu'on regarde
obliquement en haut, l'image consécutive d'un ruban vertical
s'écarte du même côté par rapport à des lignes verticales, l'image
consécutive d'un ruban horizontal dévie au contraire en sens
opposé par rapport à des lignes horizontales. Les deux lignes
pleines perpendiculaires entre elles c v
et ch (iig. 1), qui représentent deux
;' rubans de couleur claire tendus sur la
paroi , étant fixées par l'œil dans la po-
sition primaire au point c , compris dans
l'horizon rétinien, montrent, lorsqu'on
-" '" les projette à droite en haut, leurs
^T^ ' fi ima^-es consécutives dans la direction
c FIG. 1. ^
des deux lignes pointillées cv' et c h' :
dans ce mouvement ascensionnel de l'œil, l'image consécutive
du ruban vertical a donc dévié du même côté; celle du ruban
horizontal, du côté opposé. Il n'est pas nécessaire de chercher
beaucoup pour trouver l'explication de ce fait. Une ligne verticale
coïncide avec toute autre ligne verticale sur laquelle on la pro-
jette, quelle que soit d'ailleurs la place que ces deux lignes oc-
cupent l'une par rapport à l'autre ou par rapport à l'œil. Mais,
pour les lignes horizontales, il en est tout autrement: une ligne
horizontale, qui s'éloigne de nous, est vue montante quand elle
est située plus haut que notre œil, descendante, quand elle est
située plus bas. Dans une projection du champ visuel, — chaque
dessin, chaque photographie peut nous l'apprendre, — toutes les
lignes verticales restent verticales , et toutes les lignes horizon-
tales prennent une inclinaison, dépendante de la direction et de
la hauteur que les lignes affectent dans l'espace, relativement à
l'œil. D'après cela, une ligne horizontale, tracée à un niveau
supérieur à celui de notre œil, sur une paroi verticale et paral-
lèle au plan de notre visage ; est vue descendante, et c'est par
5*
68 F. C. nONDRRS. LES MOUVEMENTS DE l'œIL
rapport à cette projection que Timage consécutive d'une ligne
horizontale ; qui avait été vue dans le plan de la position pri-
maire et par conséquent non descendante, montre une déviation
de h en h' , fig. 1 , — opposée à celle qui déplace de v en v' l'image
consécutive d'un ruban vertical. Qu'on projette l'image consécutive
d'une ligne horizontale sur une surface telle que tous les points
d'une ligne horizontale s'y trouvent placés à la même distance
de l'œil, et la différence de déviation des images consécutives
horizontales et verticales aura disparu. Cette condition serait
remplie dans tous les cas, si l'œil était situé au centre d'une
sphère ou sur l'axe d'une chambre de forme cylindrique, et s'il
projetait sur la paroi de cette sphère ou de cette chambre ').
Mais il suffit déjà que le plan vertical, dans lequel se trouve la
ligne visuelle lors de la projection ,
soit perpendiculaire à la paroi.
Donc, si l'on a deux parois ver-
ticales, dont w et w' (fig. 2) soient
les sections, et si l'œil o, dans sa
position primaire , fixe sur la paroi
w le point de croisement c des
rubans y et A, la projection des
images consécutives sur la paroi iv' , perpendiculaire au plan qui
passe par la ligne de fixation o w', montrera ces images déviées
toutes les deux dans le même sens (fig. 3). Et si l'on se trouve
dans une chambre carrée, de sorte que
V v'
l'angle x soit un angle droit, la pro-
jection sur w' , au voisinage de l'angle
X, donnera à h une déviation non-seu-
lement de même sens , mais encore plus
grande que celle de v, parce que des
lignes horizontales, tracées sur w' y se
rapprochent de l'œil à partir de l'angle
h X. L'expérience est très frappante lorsque
FiQ. 3. l'image consécutive d'un assez long ru-
') Les génératrices et les lignes horizontales d'un cylindre, dont l'axe passe
par le centre d'une sphère, coïncident, vues de ce centre, avec les méridiens
et les parallèles de la sphère
ÉCLAIRÉS A l'aide DU PHENOPHTHALMOTROPE. 69
ban horizontal, dont l'œil a fixé le milieu dans la position pri-
maire^ est projetée, dans une pareille chambre carrée, sur l'angle
X, de façon qu'elle tombe en partie sur w et en partie sur w :
en w l'image consécutive s'élève alors relativement à la ligne
horizontale, tandis qu'en iv' elle s'abaisse fortement.
Ce que les images consécutives viennent de nous montrer, on
peut l'imiter facilement à l'aide du phénophthalmotrope. Les ex-
périences peuvent se faire, soit séparément avec des tiges verti-
cales k k et avec des tiges horizontales k' k' , soit simultanément ,
en vissant des tiges égales en u et u' , d'où résulte une croix
(comme dans la fig. 2) , ou en se bornant à deux tiges k k' ,
placées à angle droit l'une par rapport à l'autre. Si on regarde
alors par le canal axial, on voit ces tiges se projeter, sur une
paroi quelconque, dans la même direction où s'y montrent les
images consécutives.
Le lecteur aura sans doute reconnu que, pour se représenter
les mouvements de l'œil, on peut à volonté partir, avec M.
Helmholtz, de l'horizon rétinien, ou, avec moi, du méridien ver-
tical. Le méridien vertical me semble préférable en ce sens que,
toutes les lignes verticales se projetant rigoureusement l'une sur
l'autre, quelle que soit leur situation par rr.pport à l'œil, il rend
peut-être la représentation plus simple et plus facile.
J'ai encore à ajouter quelques détails au sujet du phénoph-
thalmotrope considéré comme instrument. Il est exécuté ' ) en
grand et en petit modèle; le premier convient particulièrement
pour les démonstrations.
Tout l'instrument est en cuivre; dans le petit modèle seule-
ment, le globe oculaire proprement dit est fait de bois de buis.
Il est soutenu sur une colonne en cuivre D, qu'un tirage permet
d'allonger ou de raccourcir, pour amener l'appareil à la hauteur
de l'œil de l'observateur, quand on veut regarder par le canal
axial; le tout repose sur un large pied. A la place du canal
axial, on peut adapter en avant une lentille et en arrière un
') Par M. Olland, mécanicien à Utrecht.
70 P. C. DONDERS. LES MOUVEMENTS DE l'œIL /
verre dépoli , sur lequel est dessiné une croix ; on peut alors
comparer avec cette croix la position des images dioptriques que
forment sur le verre dépoli des lignes verticales et horizontales
vues dans diverses directions.
On construit aussi des phénophthalmotropes plus simples, aux-
quels manque la rotation autour de l'axe a a, de sorte qu'ils
reproduisent seulement les mouvements d'après la loi de Listing,
mais non l'analyse de ces mouvements d'après Helmholtz. Cette
simplification offre l'avantage que le globe oculaire devient alors
mobile, dans l'anneau interne R, autour de l'axe de fixation;
on peut donc, après avoir fait tourner la poignée S, ramener
toujours dans la position verticale un seul et même méridien fixe
du globe oculaire, ce qui permet d'assigner aussi, sur ce globe,
des points d'insertion fixes aux muscles. Cela peut servir, en cas
de besoin, à mieux se représenter, pour chaque position de
l'œil, la situation des muscles et, par suite, la part qu'ils ont
prise au mouvement.
Le phénophthalmotrope donne les mouvements tels qu'ils résul-
tent des lois de Donders et de Listing. Mais , comme nous l'avons
déjà fait remarquer en commençant, l'œil n'obéit pas à ces lois
d'une manière parfaite.
En premier lieu, il est connu que, même dans la position
primaire, les images de lignes verticales, formées sur les deux
rétines, ne sont pas projetées au dehors exactement l'une sur
l'autre ; d'où il suit que , dans cette position , les méridiens verticaux
ne coupent pas les deux rétines en des points rigoureusement
correspondants. On n'a pas besoin d'appareils compliqués pour
se convaincre de ce fait. Il suffit d'un prisme, qu'on tient, l'angle
tourné en haut, devant l'un des deux yeux: une ligne verticale
montre alors un léger coude au point où la vision par l'un des
yeux passe à la vision par l'autre. Mais il n'est pas même
nécessaire de recourir à un prisme. Quand les yeux se fixent
dans la position primaire sur un fil vertical, même suspendu à
une grande distance, on remarque très distinctement que vers le
haut et vers le bas il se sépare en images doubles. Si alors, les
ÉCLAIRES A L AIDE DU PHENOPHTHALMOTROPE. 71
yeux étant tenus constamment ouverts, on fait glisser un petit
écran noir (au besoin, la main) alternativement devant l'un et
devant l'autre œil , on constate que les images inclinent l'une
vers l'autre. En alternant avec prestesse, et jetant aussi de temps
en temps un rapide coup d'œil avec les deux yeux à la fois,
on obtient facilement que l'œil caché derrière l'écran reste bien
fixé, de manière qu'il n'ait pas à se déplacer latéralement au
moment où on le découvre, ce qui rendrait le jugement moins
net. Cette difficulté est levée complètement si, les deux yeux
étant fixés sur le fil, on se borne à en couvrir un seul; bien
que l'effet soit alors moitié moindre qu'en interceptant alternati-
vement la vue des deux yeux, on voit clairement le fil incliner
un peu vers le côté opposé, — et cette apparence, une fois pro-
duite, ne se dissipe même pas très facilement. Dans la vision
binoculaire, nous combinons en une image verticale les deux
images également inclinées l'une vers l'autre. Pour cette raison,
les expériences concernant les images consécutives, bien que pou-
vant se faire binoculairement , réussissent pourtant mieux, surtout
en cas de convergence, lorsqu'un des yeux est tenu couvert. Par
l'effet de cette convergence, ainsi que MM. Meissner et Volk-
mann l'ont fait voir, l'inclaison réciproque des images verticales
s'accuse davantage : c'est là une première dérogation aux lois géné-
rales. En outre, comme nous l'a appris M. Helmholtz, ces lois
ne sont pas rigoureusement applicables aux limites extrêmes
du champ de fixation, où les irrégularités ne manquent pas.
Enfin, dernièrement, M. Javal a observé chez des astigma-
tiques, en cas d'inclination latérale de la tête, une petite
rotation autour de l'axe visuel „de sorte que," comme s'exprime
M. Helmholtz, „la position de l'œil n'est pas indépendante de
celle de la tête aussi rigoureusement que l'affirme la loi de
Donders ^)."
•) Voyez: Helmholtz, Optique ^physiologique , p. 671. Paris, 1867, trad. par
E. Javal et N. W. Klein. En un autre endroit (Astigmatisme. Voyez Wecker,
Traité théorique et pratique des maladies des yeux, T. II, p. 828, Paris, 1869),
72
Toutes ces anomalies doivent trouver leur solution et leur ex-
plication dans le problème si compliqué de la transformation de
nos impressions en perceptions dans la vision binoculaire.
Il a encore été reconnu que la myopie, — laquelle constitue,
il est vrai, une condition pathologique de l'œil, — amène sous
le rapport des lois dont nous traitons, comme sous beaucoup
d'autres rapports, de petites déviations, qui méritent toute notre
attention, surtout au point de vue de l'accommodation des orga-
nes à l'usage que les nécessités leur imposent.
Pour finir, encore un mot sur l'étude des mouvements de l'œil
en cas de troubles paralytiques des muscles. Nous mettons ici le
pied sur un terrain où l'esprit créateur de M. Albert de Graefe ^)
s'est exercé de préférence et où il a laissé peu de chose à faire
à ses successeurs. Des anomalies du mouvement et de la posi-
tion des images doubles, observées rigoureusement et analysées
avec sagacité , M. de Graefe a su déduire le diagnostic , — déter-
miner avec précision la nature et le degré de chaque trouble.
Dans les cas ordinaires, ces méthodes d'examen atteignent par-
faitement leur but. Mais il y a deux circonstances où elles nous
laissent plus ou moins en défaut. L'une se présente quand les
phénomènes paralytiques affectent les deux yeux à la fois , ce qui
n'est pas extrêmement rare; l'autre, quand un seul œil a con-
servé sa faculté visuelle. Dans le dernier cas, la comparaison
d'images doubles nous échappe d'elle-même; dans le premier, la
complication des phénomènes en rend l'analyse difficile, sinon
impossible. Or, dans ces cas, je crois pouvoir recommander
M. Javal , se fondant sur l'observation d'une légère torsion , a cru devoir ressusciter
la théorie de Hueck; je dois lui rappeler que, d'après cette théorie , les méridiens
verticaux conserveraient invariablement leur direction jusqu'à une inclinaison de 25°
à 28°, la torsion donnant lieu à une compensation parfaite; je l'engagerai, en
outre , à vouloir bien se donner la peine de répéter les expériences qui , il y a
nombre d'années déjà, ont amené la chute de cette théorie {HoUàndische Bei-
tràgs, 1846, p. 105 et suiv. , et surtout p. 33-1).
' ) Voir ses mémoires classiques dans VArchiv fur OpMhalmologie , et sa Sym-
ptomerJehre der Augenmuskellàhmungen , Berlin, 1867.
ÉCLAIRÉS A l'aide DU PHÉNOPHTHALMOTROPE. 73
l'étude des images consécutives, étude qui, du reste, n'est jamais
à négliger. C'est particulièrement l'expérience décrite ci-dessus
(p. 59), par laquelle M. Helmholtz a démontré la loi de Listing,
qui mérite d'être prise ici en considération. Si, dans la position
normale de la tête, l'image consécutive ne suit pas exactement
le ruban tendu , la loi de Listing n'est pas satisfaite : il y a
mouvement de roue, et le côté vers lequel l'image dévie indique
immédiatement le sens de ce mouvement. On peut répéter l'expé-
rience pour toutes les directions du ruban, et projeter les images
consécutives tant vers le bas que vers le haut, en suivant les
directions marquées par des lignes noires. On obtient ainsi une
série d'indications qui, combinées avec les désordres que peuvent
manifester les mouveaients, suffisent amplement à établir le
diagnostic.
Il est vrai qu'en cas de paralysie musculaire bilatérale ou de
cécité du second œil, les moyens nous manquent de donner à la
tête exactement la position qu'exige l'examen des images consé-
cutives. Mais je me suis assuré que la petite erreur qui peut en
résulter ne fait aucun tort sensible à la valeur des indications
fournies, d'autant moins, que la conclusion ne se déduit pas de
la déviation relative à une seule direction du ruban, mais de la
comparaison des différentes déviations, suivant différentes direc-
tions, qui sont nécessairement liées à l'existence des troubles
paralytiques.
NOUVEAUX MATÉRIAUX
POUR SERVIR À LA CONNAISSANCE DES CYCADÉE8,
PAR
F. A. W. MIQUEL 0.
Sixième partie.
REVISION. — CLASSIFICATION.
Cycas.
Lorsque je donnai, dans la première partie de ces Matériaux,
une revue du genre Cycas, je n'étais pas à même de comparer
quelques espèces décrites par Griffith, vu qu'il m'avait été im-
possible de me procurer les Nolulae ad Plantas Asiaticas ^ ^ivMiées
à Calcutta. Cela m'ayant enfin réussi tout récemment, je puis
aujourd'hui combler la lacune qui était restée dans mon travail.
La compilation, faite avec soin, dont le genre Cycas a été
l'objet de la part de M. A. De Candolle (DC. Prodr. Vol. XYl),
fut exécutée d'une manière tout à fait indépendante de mon
travail. Par suite de circonstances particulières, l'auteur avait
été obligé de se hâter. On trouvera plus loin l'indication de
quelques points de différence entre nos vues respectives. Il
faut sans doute attribuer à un lapsus calami l'assertion que le
rachis des feuilles a une „praefoliatio stricta", que les folioles
seules ont la préfoliaison circinale, et que le cône mâle provient
d'un bourgeon latéral. Bien que, à l'égard de ce dernier point,
) Voyez, Arch. Néerl. T. III, p. 403.
F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR ETC. 75
il n'existe pas de recherches organog-éniqnes spéciales, la circon-
stance qu'après la chute du cône mâle le sommet de la plante se
ramifie, plaide pourtant en faveur de l'opinion opposée.
En ce qui concerne les espèces, je relèverai ci-dessous quel-
ques inexactitudes de moindre importance.
Les Cycas décrits et figurés par Griffith diffèrent sous beaucoup
de rapports des espèces connues jusqu'à présent; j'ai essayé de
les caractériser par les diagnoses suivantes:
1. C. Jenkinsiana Griff. Notulae ad Plantas asiaticas (a°. 1854)
p. 9, tab. 360, fig. 1 et 2, et tab. 362, fig. 1 (carpophylla).
Truncus saepe ramosus; folia quadripedalia petiolo lateribus spi-
nuloso longo suffulta, foliolis coriaceis linearibus falcatis costâ
utrinque prominente; carpophylla brevia (vix 5 poil, longa) rubi-
gineo-tomentosa, lamina sterili partem reliquam aequante lato-
cordato-triangulari crasse cuspidatâ pectinato-pinnatifidâ , seg-
mentis parti indivisae | trans verse aequilongis apicibus cum
laminae facie interiore glabris; ovulis in superiore carpophylli
parte fertili utrinque 1 — 5 (numéro in carpellis exterioribus mi-
nori). — Truncus diametro usque tripedali; foliola 7 — 8 poil,
longa, 3[ lin. lata. Semina matura ellipsoidea leviter compressa,
18 Im. longa, 12 et 16 lata, e fusco flavescentia. — Crescit in
Assam inferiorey circa Gowahatty, ubi detexit Jenkins. — Ab hac
specie non diversa videtur:
C. pectinala (Griff.) /. c. p. 10, tab. cit. fig. 3, cuius carpo-
phylla fere matura seminibus ideo magnis globoso-ellipsoideis
flavescentibus instructa, lamina sterili iisdem sursum magis re-
pulsâ. An sit diversa ab homonyma supra enumerata, in Horto
Calcuttensi culta et ab Hamilton ita dicta, ultro inquiretur. Si
conspecifica sit, nomen ab Hamilton datum servari oportet.
2. C. dilalata Griff. /. c. p. 15. Folia cum petiolo circiter 4
pedes longa, petiolo canaliculato-convexo lateribus spinuloso;
foliola 7 — 8 poil, longa, "d^ lin. lata, basi decurrenti-inserta,
valde coriacea; carpophylla ferrugineo-tomentosa, lamina sterili
subcordatâ, lateribus pectinatâ, segmentis subulatis subpungen-
76 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR
tibus viridibus, apice latiore subulato-acuminatâ , parte fertili
panciovulatâ. — Locus natalis non adnotatus.
3. Cycas macrocarpa Griff. /. c. p. 11 et p. 13; tab. 360:
figura ad sinistrum absque numéro; tab. 362, fi^. IL Truncus
10 — 12-pedalis; folia usque 8-pedalia, petiolo subtetragono an-
gulis lateralibus spinulosis; foliola numerosissima subopposita
decurrenti-inserta linearia subfalcata in acumen subpungens sensim
attenuata, marginibus ochroleucis recurvata, 10 — 16 poil, longa^
\ lata; conus masc. breviter pedunculatus 13 — 14 poil, altus,
androphyllis rubiginoso-tomentosis cuneatis, (excepto acumine
subulato refracto-arrecto semipollicari) 9 lin. longis, 6 apice latis;
carpophylla brunneo-tomentosa elongata gracilia (iisque 10 — 12
poil, longa), lamina sterili parvâ triangulari basi intégra caeterum
subspinoso-pauci-pectinatâ (segmentis glabris centrali multo maiori),
pluri- (usque 8-) ovulata; semina matura ellipsoidea leviter com-
pressa, 2 — 3 poil, longa. — Prope Ayer Pumius et Tabong [Malacca],
ubi probabiliter plantata.
Observ. Cycadis species sexla Griff. /. c. p. 16 et prob. tab.
377, absque nomiue descripta, in Mergul détecta, in littoribus
maris umbrosis prope Cliedea copiose proveniens, videtur eadem
ac C, Rumphii,
La valeur de ces espèces, qui du reste paraissent être très
caractérisées, ne pourra être jugée que par une comparaison
ultérieure avec les échantillons originaux. Ce n'est qu'à l'égard
de quelques-unes de ses espèces que Griffith déclare les avoir
comparées à d'autres pour fixer les différences. En outre, il faut
tenir compte de ce que les descriptions datent d'époques diverses
de la vie active de l'auteur, et qu'elles ont tous les caractères
de simples annotations préliminaires. — En comparant ses figures
de C. Jenkinsiana et de C. pectinala (sans autorité), il m'a été
impossible de saisir une différence entre ces deux espèces. Or il
est très probable qu'il a connu le Cycas pectinata Ham., et par
suite il est permis de supposer que le nom de Jenkinsiana n'était
SERVIR A LA CONNAISSANCE DES CYCADEES. 77
que provisoire. Si Griffith les avait réellement regardées comme
des espèces distinctes, il aurait indubitablement fait mention de
leur ressemblance prononcée et de la manière dont elles diffè-
rent. — J'ai décrit précédemment un cône mâle de C. pecfinafa
qui m'a été communiqué du jardin botanique de Calcutta.
Aussi longtemps toutefois que l'identité du C. pectinala Ham. avec
\e C. pectinatadeB Notulae de Griffith, et de celui-ci avec le C Jew-
kinsiana Griff. ne sera pas démontrée , ce qu'il y a de mieux à
faire, c'est de ne rien changer aux noms actuels.
Je n'ose décider si le C, circinalis que Griffith mentionne,
/. c. p. 2 et 5, est l'espèce véritable, fondée sur les figures de
VHorius Malabaricus , ou bien le C. Rumphii , qui porte le nom
de C. circinalis dans le jardin botanique de Calcutta et dans les
ouvrages de Roxburgh. La description du carpophylle, qui se
trouve p. 5, ne s'accorde pas avec C, Rumphii. C'est avec plus
de confiance que je rapporte à cette dernière espèce, d'après la
forme du carpophylle, que Griffith décrit clairement, son Cycas
W. 6 {Notulae p. 16).
De la remarquable espèce sans épines de la Nouvelle-Calédonie,
Cycas Armstronyii Miq., j'ai reçu de l'établissement de M. van
Houtte, à Gand, une feuille qui évidemment a appartenu à une
plante plus âgée que la feuille de Kew dont il a été question
plus haut; toutes deux proviennent du reste de la même espèce,
mais elles diffèrent un peu, par des folioles plus longues, de la
feuille rapportée de Port Essington. — La feuille entière (de van
Houtte) est longue de plus de 2 pieds: pétiole entièrement dé-
pourvu d'aiguillons, cylindrique-triquètre, d'un vert foncé; folioles
conformes à la description donnée précédemment, mais au nombre
de 20 à chaque côté, les plus grandes longues de 8 pouces,
larges de 5 lignes, les inférieures longues de 5| pouces.
Encephalartos. — Macrozamia.
Je n'ai que peu de chose à ajouter au sujet des genres
Encephalartos et Macrozamia,
De VE. Ghellinckii Lem. {Zamia Hort.) , rapporté à VE. cy-
78 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR
cadifoliusj j'ai reçn un exemplaire original, d'un âge peu
avancé. Tronc ovoïde , à laine épaisse ; cinq feuilles , mesurant en
longueur, avec leur court pétiole, 2 pieds, et en largeur 4 — 2^
pouces; folioles très nombreuses, linéaires-étroites, insérées presque
horizontalement, longues de 2 — 1| pouces, convexes en dessus,
concaves et de couleur pâle en dessous ; pétioles et rachis laineux
et quadrangulaires-comprimés.
Sous le nom de Zamia cycadifolia, M. Verschaffelt a envoyé au
jardin botanique d'Utrecht le rare E. caffer; feuilles, y compris
le pétiole (qui mesure [ — | de pied) , longues d'environ 2 pieds ;
folioles au nombre de 50 — 56 à chaque côté, les moyennes lon-
gues de 3 pouces et larges de 3 lignes, du reste répondant sous
tous les rapports à la description donnée antérieurement.
Du Macrozamia Pauli Gmlielmi , M. van Houtte m'a envoyé des
feuilles de trois pieds de longueur, comptant 170 folioles à
chaque côté; je dois aussi à la bienveillance de MM. Haage et
Schmidt d'Erfurt (dans le célèbre établissement desquels cette
espèce, introduite d'Australie sous le nom à'E. villosus, a fleuri
au mois d'octobre 1868) communication d'une figure du cône
mâle en fleur. — J'ai reçu encore de M. van Houtte des feuilles
du M. teriui/olia Horl. Kew., lesquelles m'inspirent quelques dou-
tes au sujet de la réunion de cette espèce avec le M, Pauli
Gulielmi.
Zamia. — Ceratozamia.
Le genre Zamia, tel qu'il est circonscrit aujourd'hui, forme
un groupe très naturel, surtout depuis que M. Brongniart en a
séparé le genre Ceratozamia. En ce qui concerne les caractères
tirés des androphylles , je dois toutefois répéter la remarque déjà
faite antérieurement, que, dans aucune espèce, ces androphylles
ne sont exactement peltés, mais qu'ils inclinent toujours plus ou
moins vers la forme en coin, de sorte qu'il n'existe pas de
limite fixe entre le stipe et le pelta. Entre les degrés extrêmes
de cette modification il y a un passage continu d'une espèce à
l'autre. C'est pour ne pas avoir connu cette circonstance, que
SERVIR A LA CONNAISSANCE DES CYCADEES. 79
j'avais cru autrefois pouvoir diviser le genre Zamia en sections
d'après cette différence, et que j'avais proposé comme type d'une
de ces sections, Microcycas , le Z. calocoma, qui à cette époque
se trouvait encore très isolé. Mais l'étude d'un plus grand nombre
d'espèces me convainquit bientôt que cette classification ne pou-
vait se soutenir. Dans les Z. Brongniartii et Z. Poeppigiana, qui
du reste diffèrent tant de l'espèce que je viens de citer, on trouve
la même tendance à affecter la forme en coin, fait sur lequel
M. Grisebach (Catal. PL Cubens., p. 217) a encore attiré l'atten-
tion tout récemment, et que j'avais déjà signalé dans le Prodr.
Syst. Cycad.y p. 23. Pour ces raisons, je ne puis en aucune
façon suivre M. A. De Candolle, qui reconnaît à cette section
Microcycas une valeur encore plus grande et qui l'élève (Prodr.
XVI, p. 538) au rang de genre distinct. J'attribue ce résultat à
la circonstance que l'auteur, sur les 26 espèces mentionnées par
lui, n'en a vu que 6, et encore seulement en échantillons des-
séchés et incomplets. — La distribution des espèces en groupes
est, dans le genre Zamia comme dans tous les genres naturels,
chose difficile. M. De Candolle propose deux groupes, nommés
l'un Chiqua, l'autre Euzamia; le premier à „peltae masculae
heptagonae", (c'est-à-dire à six faces latérales et une face ex-
terne, avec stipe large); le second à „peltae superne vix inflatae
subconvexae plus minus hexagonae, faciebus lateralibus nuUis
aut vix distinctis, stipite angusto". Mais cette classification est
artificielle, ne fournit pas de ligne de démarcation et repose sur
une appréciation morphologique inexacte des androphylles, les-
quels, tous construits sur un même modèle, ne subissent que des
modifications légères. Et en effet, dans l'application de cette mé-
thode, les espèces les plus disparates se trouvent rapprochées
l'une de l'autre, tandis que des espèces analogues sous tous les
rapports sont séparées par de grands intervalles.
Entre les genres Zamia et Ceralo zamia il existe une différence
plus profonde que ne l'indiquerait le fait seul d'avoir des peltae
inermes ou pourvues de deux cornes. Aux caractères que j'avais
signalés autrefois, on en ajouté plus tard d'autres, empruntés à
80 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR
la structure anatomique de la tige et des feuilles ^ et dont j'ai
fait mention plus haut. — Quant au Lepidozamia de Regel, dès
1862 je l'avais fait connaître comme espèce de Macrozamia ^ de
sorte que ce genre doit être entièrement supprimé.
Dans la détermination des espèces du genre Zamia et, l'on peut
dire, de toutes les Cycadées, on rencontre des difficultés assez
sérieuses. Rarement on est embarrassé de distinguer le genre,
même quand il s'agit d'exemplaires stériles. Mais l'espèce ne
s'offre ordinairement à nous que dans un seul exemplaire, et
des différences d'âge ainsi que des modifications individuelles
assez notables viennent compliquer l'appréciation. Il est à noter
en effet, que chez les Cycadées les caractères individuels s'ac-
cusent tellement, que des pieds de la même espèce, parvenus au
même âge, montrent encore des différences manifestes. Des exem-
plaires complets, avec tige et feuilles, ne se trouvent en général
que dans les jardins botaniques, tandis que les exemplaires sau-
vages ne sont représentés dans les herbiers que par leurs feuilles
et, quelquefois seulement, par leurs cônes. Les Cycadées éprou-
vent aussi des changements frappants par la culture. Pour s'en
convaincre, on n'a qu'à comparer par exemple des pieds diffé-
rents de Zamia integrifolia dans les jardins botaniques. En regar-
dant la figure du Botanical Magazine (tab. 1850) comme l'image
du type vrai et invariable de l'espèce, on serait conduit à édifier
toute une série d'espèces distinctes. Le Cijcas revohita existe dans
nos jardins avec des pétioles tantôt longs, tantôt courts, avec
des folioles longues ou courtes, rapprochées ou distantes, étroites
et plus ou moins enroulées ou larges et planes. Les folioles du
Cycas Rumphii et des espèces voisines deviennent d'autant plus
étroites que la température est plus basse. Le Cycas siamensis
développe dans nos serres des feuilles qui diffèrent, sous une
foule de rapports, de celles que portaient les mêmes exemplaires
lors de leur introduction de Siam en Europe. Ces variations
toutefois ne dépendent pas uniquement des influences extérieures ,
elles sont aussi en partie individuelles.
Dans quelques groupes ces difficultés se font sentir à un très
SERVIR À LA CONNAISSANCE DE CYCADEES. 81
haut degré; en ce qui concerne le genre Zamia, ce sont les petites
espèces à folioles étroites {migiistifolia, Yalesii, strictay etc.), qui,
déjà très semblables entre elles, varient considérablement suivant
l'âge, la culture, etc. Le nombre des folioles, par exemple,
augmente continuellement avec l'âge, et leur longueur ainsi que
leurs nervures subissent des changements remarquables. — Des
exemplaires reçus récemment de plusieurs jardins belges m'ont
permis de faire à ce sujet quelques observations, que je vais
faire connaître en même temps que la description d'une espèce
nouvelle.
Zamia Yatesii. — Juvenilis sed iam fructifera profert folia petiolis
elongatis , lamina brevi dense foliolatâ , foliolis utrinque v. c. 10 ;
adultior foliis ratione laminae brevius (| ped.) petiolatis, lamina
longiore (1| pedali), foliolis densis vel distantioribus 15 — 22
utrinque, usque 7^ poil, longis, 2 — 7 nerviis. Compage foliolo-
rum flaccidiore iisque apice pauci-serratis caeterum inter affines
distincta, cum Z. anguslifolia Jacq. quatenus ex eius icône et
exemplari auth. a me antea explorato constat, haud coniungi
posse videtur.
Zamia angiistissima. Exemplaris provectioris folia hic describam :
petioli ima basi valde dilatati caeterum subsemiteretes , 3 — 4J
poil, longi; rhachis pedalis vel longior, foliolis utrinque 24 — 32
subaequilongis , 6} — 8 poil, longis, rhachi antice planiusculae
insertis, inferioribus oppositis, superioribus fere vel omnino alter-
nis, basi parum augustatis, versus apicem pedetentim attenuatis,
in apicem integerrimum extremo subteretiusculum acutum termi
natis, in universum valde angustatis, vix 1 lin. latis, marginibus
leviter incrassatis et subrevolutis , supra in vivo planis vel leviter
convexis , subtus nervis prominulis 3 , quorum médius centricus
vel leviter excentricus, passim subquinquenerviis , laterali nervo
tum utrinque sub margine recondito; siccatorum nervi supra dis-
tinctiores evadunt et hac in re ex aetate et compage differentiae
observantur. — Haec Z. strictae certe perquam affinis, apice
foliolorum integerrimo in his provectioribus etiam ita observato
Archives Néerlandaises, T. V. 6
82 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATÉRIAUX POUR
ab ea constanter differre videtur. — Probabiliter hue pertinet
Z. mullifoliolala A. DC. Frodr., L c. p. 545.
Sous le nom de Zamia Potemkini on trouve depuis quelque
temps une espèce dont je n'ai vu que des exemplaires jeunes,
lesquels pourraient peut-être appartenir au Z. Loddigesii. —
Truncus ellipsoideus , perulis e basi latâ abrupte lanceolatis
cuspidatis; petiolus aculeatus; foliola elliptico-oblonga , superiora
et foliorum aliorum magis lanceolata, ab l- longitudinis ab apice
inde serrulata, utrinque attenuata.
Zamia floridana A. DC. /. c. p. 544 est le vrai Z. pumila de
Linné. Pursh l'avait trouvé dans la Floride: „Z. integrifolia" ;
des échantillons recueillis plus tard par M. Torrey, dans le
même pays, m'ont été communiqués par M. Asa Gray, et c'est
de la même source que provient l'espèce décrite par M. De Can-
dolle. Dans sa Flora Americae Sept. II, p. 648, Pursh dit:
„dans la Floride orientale; cette espèce ne se trouve qu'en Flo-
ride, car toutes les recherches que j'ai faites pour la découvrir
en Géorgie sont restées sans succès." — Or M. De Candolle cite ,
au sujet du Z. pumila: „Florida (Torrey)"; et il est évident que
dans les deux cas il s'agit de la même plante.
Zamia Versc/ia/f'ellii n. sp. Petioli aculeati teretiusculi apice
tetragoni ; rhachis dorso convexa antice bifacialis ; foliola pauci-
iuga basi lata rhachi antice inserta (basibus oppositorum prorsus
contiguis) lato-oblongove-lanceolata sensira acuminata, basi nunc
supra nunc infra convexiora, in margine superiore rectiore ad \
ab apice, in inferiore ad j spinoso-serrulata , coriacea, lucida,
nervis 30 — 35 simplicibus paucioribusque bifidis pellucidis utrinque
prominulis striulata.
A Z. muricata differt : foliolis crassioribus , ratione folii maioribus , basi lata
magis in antica rhacheos facie quam in lateribus insertis (ita ut, ubi opposita
sunt foliola , insertioues plane sint contiguae) , supra basin vix constrictis . per
totam longitudinem magis aequilatis nec ad formani ellipticain tendentibus ,
nervis utrinque prominentibus striatis, petioli dense aculeati forma, denique
patriâ. — Plantae adultioris truncus subconicus semipedem altus, inferne ^ pedis
SERVIR A LA CONNAISSANCE DES CYCADEES. 83
crassus, desquamatus. Folia pauca tantum adsunt. Peiiokis propriiis 10 — 14 poli,
longus ex olivaceo pallide fusculus, aculeis teretiusculis tenuibus apice pallidis
patentibus vel leviter decurvis , rectis vel leviter arcuatis praesertim in parte i in-
feriore petioli confertis armatus , ima basi substipulaceo-dilatatus , caeterum
praeter supremam partem obtuso-tetragonam teretiuscuius , pennam olorinam
crassus. Rhachis tenuior inter suprema foliola in apiculum mucroniformem rigi-
dum acutum excurrens , dorso convexa , antice bifacialis , acie obtusa interiecta ,
ubique inermis. j pedem longa, sed probabiliter etiam longior, viridis. Foliola
fere opposita vel subopposita vel fere alterna, sed propter insertionem latam et
antice sitam opposita contigua, 5-iuga vel iugis paullo numerosioribus , crasse
coriacea, sed flexibilia, supra saturate viridia lucida, subtus pallide gramineo-
viridia, marginibus laevibus leviter incurva, supra basin insertionis i pollicem
perpendiculariter latam non nisi leviter angustata, aequilato-lanceolata sursum
sensim angustata in acumen acutum, serraturis versus apicem pedetentim con-
fertioribus demum confertissimis , recta vel laeviter falcata, basi nunc supera
nunc infera convexiore, in universum margine superiore rectiore, inferiore (nec
constanter) leviter convexiore, nervis in medio foliolo 30 — 35, aliquibus, et
infra 4 folioli longitudinem , bifîdis striulata, 9- -12 poil, longa, l-J. — 1| vulgo
paullo infra médium lata.
Ex imperio Mexicano introduxit A. Verschaffelt, qui in Catalogis Z. fuscam
latifoliam dixit.
Système.
D'après les principes aujourd'hui admis, le groupement des
genres suivant leurs affinités mutuelles repose sur les caractères
morphologiques, estimés selon leur valeur relative. Dans le cas
présent, il est impossible de prendre en considération l'élément
paléontologique , l'affinité d'après la généalogie, vu que nous ne
connaissons pas suffisamment les relations des Cycadées de la
période actuelle avec celles des époques précédentes.
M. A. De Candolle a fait à la classification que j'avais suivie
dans le Prodromiis Syst. Cycad. quelques modifications, qui, tout
en paraissant de peu d'importance au premier abord, sont pour-
tant le résultat d'une appréciation des caractères à laquelle je ne
puis me rallier. — Ce n'est peut-être qu'un changement superflu
d'avoir remplacé le nom de ma première tribu, Cycadinae, par
celui de ,^Cycadeae'' (pour la famille entière c'est le terme
,^Cycadaceae" qui a été choisi). — Mais il en est autrement lorsque
le savant auteur réunit mes 2e et 3e tribus, Stangerieae et En-
6*
84 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR
cephalarteae , en une seule „Encephalarteae'' , qu'il partage en-
suite en deux sous-tribus ( „Stangerieae et Encephalarleae'' ). La
différence entre ces deux groupes est si essentielle ^ que j'applau-
dirais plutôt à un changement destiné à marquer une opposition
plus tranchée, qu'au changement en sens inverse dont il est ici
question. — Placer le genre Dioon dans la tribu des Encephalar-
teae me paraît un classement très inexact, tant à cause de l'in-
sertion des folioles, laquelle est plutôt articulée que non arti-
culée, qu'à cause de la forme des androphylles, qui sont construits
d'après le type de plusieurs espèces de Zamia (par ex. des Z.
Lindleyi, Brongniartii , etc.). Il faut ajouter à cela le mode diffé-
rent de croissance des tiges, et l'absence des interruptions carac-
téristiques dans la couche du cambium, par laquelle toutes les
Cycadées américaines se distinguent des Encep/ialarleae, et dont
j'ai fait mention dans la cinquième partie de ces Matériaux. 11
en est de même des cellules spéciales, semblables à des cellules
libériennes, de l'épiderme des feuilles, lesquelles sont propres
aux genres américains.
Je fais suivre ici un tableau de toutes les Cycadées, rangées
d'après les affinités naturelles.
Ord. CYCADEAE.
Trib. I. CYCADINAE.
I. Cycas LINN.
§ 1. ovulis tomentosis emersis.
1. C. revoluta thunb. — Ludens: '« planifolia, ^ brevifrons, ; inermis (C. iner-
mis MIQ,. in Cat. Hort. Amstel. excl. syn. lour.).
§ 2. ovulis glabris, carpophylli marginibus basi immersis.
a. petiolo lateribus spinuloso.
2. C. siamensis miq,.
3. C. dilatata ghiff.
4. C. Jenkinsiaua guiff.
5. C. pectinata ham. , cum praeced. ultro conferenda.
6. C. circinalis linn.
7. C. média r bu,
8. C. angulata u. bu.
9. C. macrocarpa griff.
10. C. gracilis miq.
11. C. spkaerica roxb.
SERVIR A LA CONNAISSANCE DES CYCADEES. 85
12. C. Rumphii miq.
13. C. Thouarsii r. br.
14. C. Riuminiana hort. mosqd.
Dubiae, stériles, supra (in parte I) enumeratae hic omissae.
b. petiolo inermi.
15. C. Armstrongii miq.
Trib. II. STANGERIEAE.
II. Slangeria th. moore.
1. St. paradoxa ejusd.
Trib. III. ENCEPHALARTEAE..
III. Macrozamia miq,.
§ I. Genuinae.
1. M. Eraseri miq.
2. M. Miquelii fr. muell.
3. M. spiralis miq.
4. M. Macdonelli F. muell.
5. M. Oldfieldii miq.
6. M. Macleayi miq.
§ 2. Parazamia miq,
7. M. Pauli Guilielmi hill et f. muell.
§ 3. Lepidozamia miq.
8. M. Peroifskyana miq.
IV. Bowenia hook. fil.
1. B. spectabilis ejjsd.
V. Encephalartos lehm.
§ 1. foliolis linearibus.
1. E. cycadifolius lehm.
2. E. pungens lehm.
3. E. tridentatus lehm.
§ 2. foliolis lanceolatis.
4. E. eloDgatus lehm.
5. E. Lehmanni eckl. ,
6. E. longifolius lehm.
7. E. lanuginosus lehm.
8. E. caffer miq.
§ 3. foliolis ellipticis oblongisve . ■utplurimum utroque margine spinulose
dentatis
9. E. villoSUS LEMAIRE.
10. E. Altensteinii lehm. — ^ semidentatus , — /' eriocephalus.
86 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR
§ 4. foliolis latis glaucis praesertim margine inferiore lobatodentaiis.
11. E. liorridus lehm. — ^ Hallianns — / aquifolius.
12. E. latifrons lehm.
Trib. IV. ZAMIEAE.
VI. Dioon LiNDL.
1. D. edule lindl. — s imbricatum — y angustifolium.
VII. Ceratozamia ad. bhongn.
§ 1. genuinae, petiolis aculeatis, foliolis praesertim iuveniliuin latiusculis.
1. C. mexicana a. buot^ign. — Pro aetate valde di versa.
2. C. Miqueliana h wendl.
§ 2. Species petiolo inermi foliolis lineari-angustis insignis.
3. C. Kuesteriana regel.
VIII. Zamia linn. excl. sp.
§ 1. petiolis aculeatis, foliolis magnis.
a. glabris.
1. Z. Skinneri warcz.
2. Z. muricata willd.
3. Z. Loddigesii miq.
b. subtus furfuraceis.
4. Z. furfuracea ait.
c. multiiugis angustis.
5. Z. Lindleyi waticz.
6. Z. spartea a. dc. Prod/r.
§ 2. petiolis inermibus.
a. foliolis latis vel latiusculis.
t apice obtuso irregulariier serrnlatis.
7. Z. integrifolia ait.
8. Z. debilis willd.
9. Z. média linn.
10. Z. pumila linn.
t f apice obtuso vcl acuio aut anuminato magis distincte serrulatis ,
serraturis quandoque et in margines descendentibus.
11. Z. Poeppigiana mart. et eichl.
12. Z. Eischeri miq.
13. Z. Kickxii miq.
14. Z. Ottonis miq.
15. i. pygmaea sims.
SERVIR à LA CONNAISSANCE DES CYCADEES. 87
è. foliolis lanceolatis.
t iniegerrimis.
16. Z. calocoma miq.
17. Z. pseudoparasitica yates.
f f serrulaiis.
18. Z. Brongniartii wedd.
19. Z. tenuis willd.
c. foliolis anguste linearibus.
20. Z. Yatesii miq.
21. Z angustifolia jacq.
22. Z. stricta miq.
23. Z. angustissima miq.
Le Dombre total des espèces aujourd'hui connues, et distribuées
en huit genres, s'élève donc à:
Zamia 23
•^ ^ j Somme des espèces vivantes: 64, dont:
Encephalartos 12 i
Macrozamia sf Amérique 27
Ceratozamia 3[ Afrique ') 13
Dioon il ^sie'') 11
Bowenia 1 ! Nouvelle- Hollande .... 13
Stangeria. 1 '
En comparant cette classification avec le tableau donné dans
le Prodromus DC, on remarque plusieurs différences, dont quelques-
unes ont déjà été signalées ci-dessus ou bien sont suffisamment
intelligibles d'elles-mêmes; mais il y en a d'autres au sujet des-
quelles je veux donner quelques mots d'explication, pour autant
qu'elles ont rapport à la synonymie et à la nomenclature ou
qu'elles sont de nature purement systématique. Je n'entre dans
aucun détail morphologique ou anatomique, ces sujets n'étant pas
traités dans le Prodromus DC.
Cycas celebica Miq. Commentar, phytogr. p. 126 fait partie des
synonymes de C. Rumphii. Il en est de même de C. circinalis
^ javana. — C. Thouarsii K. Br. est regardé comme douteux par
M. DC. Mais il y a d'autant moins lieu de supposer que Du
') Sans Cycas.
') Y compris le Cycas Thouarsii.
88 F. A. W. MIQUEL. NOUVEAUX MATERIAUX POUR ETC.
Petit Thouars n'aurait vu à Madagascar que des exemplaires
cultivés, que Ton a aussi trouvé un Cycas à rUe Maurice, pro-
bablement le même que celui qui est indubitablement indigène
aux Iles Comores. La figure que Du Petit Thouars a donnée du
carpophylle fait connaître cette partie comme si bien caractérisée,
si différente de ce qu'elle est dans toutes les autres espèces , que ,
à moins de soupçonner cet auteur d'une inexactitude grossière,
il n'y a pas de motifs de rejeter le C. Thouarsii de R. Brown.
Le C. inermis décrit par Loureiro doit, d'après la communica-
tion de M. Caruthers relative à l'exemplaire stérile du British
Muséum , disparaître comme espèce , ainsi que M. A. De Candolle
avait eu la bonté de me le faire savoir.
De VEncephalartos longifolius il faut exclure les deux variétés
que j'y avais rapportées; la varietas Hookeri DC. est le vrai
représentant de l'espèce. — A 1'^*. ca/fer appartient, non comme
variété mais comme simple synonyme, VE. brachyphyllus,
Dioon strobilaceum Lem. est le même que D. edule.
Le nom de Zamia Chigua Seem. doit, en toute justice , s'effa-
cer devant celui de Z. Lindleyi, — Z. spartea DC. est une des
rares Cycadées que je n'ai vues ni à l'état vivant, ni à l'état
desséché; mais, d'après la description détaillée, je la regarde
comme une espèce bien distincte. — Z. latifolia Lodd. , dont je
n'ai vu que des folioles et dont la plante mère a disparu, n'est
pas , suivant toute probabilité , une espèce , mais un jeune état du
Z. furfuracea. — Z. mexicana Miq., adopté par DC, est une des
jeunes formes de l'espèce si variable Z. Loddigesii. — Z. Galeotli
De Vriese n'est autre chose que le Ceratozamia mexicana Brongn.
Les espèces de Ceratozamia que j'avais admises antérieurement
sont placées par M. A. DC. parmi les espèces douteuses. Comme
les caractères que j'avais mentionnés ne se sont pas montrés
constants, j'ai ramené ces espèces au C. mexicana. Par rapport
aux deux autres espèces , elles offrent de grandes différences. Il
reste d'ailleurs toujours incertain si la connaissance des organes
de la fructification ne conduirait pas à distinguer un plus grand
nombre d'espèces.
CONTRIBUTIONS A LA FLORE I)U JAPON,
PAR
F. A. W. MIQUÈL.
(Y. Arch. des se. ex. et nat. T. IV , p. 219.)
IL MELANTHACEES.
Ce groupe est fortement représenté au Japon, de même qu'il
l'est dans l'Amérique du Nord. Aux découvertes de Thunberg , de
Siebold et de Buerger, beaucoup d'espèces intéressantes ont été
ajoutées par les voyageurs américains ainsi que par MM. Maxi-
mowicz et Tschonosky. Au moment où je donnai dans le Prolusio
Florae Japonicae un aperçu de la végétation de ce pays, les dé-
couvertes des deux botanistes nommés en dernier lieu ne m'étaient
encore connues que partiellement; mais, peu de temps après,
l'herbier de l'Etat, à Leyde, reçut de l'herbier de St. Pétersbourg
un envoi important, ce qui me met ajourd'hui à même de jeter
quelque jour sur différents points demeurés obscurs.
Parmi les Mélanthacées japonaises le Chamaelirium luteum avait
attiré spécialement mon attention , parce que le Melanthium luteum
de Thunberg, espèce si longtemps méconnue, en recevait enfin
de l'éclaircissement, et que je reconnus en outre que cette plante
est identique à l'espèce nord-américaine (Ch. Carolinianum W.),
avec cette particularité qu'elle est hermaphrodite au Japon, dioï-
que en Amérique (Prolus.j p. 308). — M. Maximow^icz , à qui
ces observations étaient encore inconnues , bien que présumant déjà
l'identité de la plante avec celle de Thunberg, la regarda comme
90 F. A. W. iMIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON.
formant un genre distinct (Chionographis japonica, Bullet Acad.
St. Pèlersh. XI, p. 210). Je suis porté à croire que les fleurs
examinées par lui n'étaient pas tout à fait à l'état normal, mais,
en ce qui concerne l'identité de sa plante avec celle que nous
devons à Siebold, l'étude des échantillons qui nous ont été com-
muniqués par M. Maximowicz lui-même ne laisse aucune incer-
titude. Sa description confirme d'ailleurs que le fruit est une cap-
sule, et que les fleurs ont la couleur blanche (comme en Amérique)
et ne deviennent jaunes que par suite de la dessiccation. Il trouva
cette plante le long de petits ruisseaux dans les forêts de Kiousiou
et sur les montagnes de Koundsho-San.
L'idée que j'avais émise (Prolus., p. 310) que mon Zygade-
nus japonicus (Versl. en Med. 2e Sér. , II, p. 88) pouvait
être le Verafrum Maackii Regel {FI. Ussur. p. 154) a été plei-
nement confirmée par M. Maximowicz. Mais j'hésite à adopter
l'opinion beaucoup plus radicale de ce savant, d'après laquelle
l'espèce en question devrait être rangée parmi les formes du
Verafrum nigrum. Ses feuilles linéaires étroites, entre autres
caractères, forment un contraste si frappant avec les feuilles lar-
gement ovales de cette espèce, que, à moins d'une série complète
de formes intermédiaires , la réunion me paraît trop hasardée. —
M. Maximowicz a découvert cette plante près de Yokohama, avec
des fleurs tantôt pourpres tantôt blanches.
Le Veratrum nigrum Linn. avait déjà été récolté antérieurement
par M. Small: M. Maximowicz en a trouvé, près de Hakodade,
une variété, ^ var. intermedium, qui toutefois ne s'écarte que
peu de l'espèce.
Le Veratrum album Linn. présente au Japon des formes très diver-
gentes , en plus grand nombre que dans aucun autre pays , et s'éloig-
nant davantage du type de l'espèce que, par exemple, le V. Lobelia-
num dans notre continent. M. Maximowicz nous a fait part de
deux formes qui diffèrent beaucoup entre elles; ('■ var. grandifto-
rum, récoltée près de Hakodade, plante robuste, à feuilles gran-
des et très larges, à fleurs grandes, longues de 4 lignes ou même
davantage; — ^ var. parviflorum^ recueillie par M. Tschonosky
F. A. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON. 91
dans la province Nambou de l'île Nippon, et qui s'éloigne consi-
dérablement de la variété précédente. Toute la plante a un aspect
délicat; les feuilles intérieures sont elliptiques, les supérieures
lancéolées, les grappes composées et chargées de poils gris, les
fleurs remarquablement petites, longues de 1^ ligne. Je n'ai
toutefois pu découvrir d'autres différences essentielles sur les
échantillons desséchés.
Il m'est impossible de partager l'opinion de M. Maximowicz
que le genre Sugerokia peut être réuni avec le genre Helmwpsis.
Les capsules de ce dernier genre, que j'ai reçues de M. Asa Gray,
présentent de grandes différences quant au nombre , à la forme et
à la structure des graines, différences qui sont généralement
regardées comme de première valeur pour l'établissement des
genres dans ce groupe. Si l'on rejette ce caractère, toute la
méthode de classification des Mélanthacées tombe d'elle-même. —
Eelionopsis breviscapa Maxim, (paiiciflora olinij non A. Gray)
n'est, d'après les échantillons authentiques, qu'une forme plus
petite de Sugerokia japonica.
CONSPECTUS MELANTHACEARUM JAPONICARUM.
Tofjeldia huds.
1. T. nulans W. — In prov. Nambu legit tschonosky.
2. T. sordida iMaxim. Bull. St. Pélersb. XI, p. 212. — In mon-
tibus circa Jedo leg. maxiimowicz.
3. T. japonica miq. Prol. p. 365 et 368. In Nippon leg. keiske
et in regione circa Mikawa kaiso.
Chamaelirium willd.
1. Ch. liiteum a. gray Manual éd. 1. p. 478. >iiq. Prolus. p.
308. 368. Melanthium luteum thunb. — M. Japonicum willd. —
Helonias japonica R. S. — Chionographis japonica mâx. (Eelonias
lutea ait. — H. dioica pursh. H. pumila jacq. — Melanthium Dioicum
WALT. — M. densum lam. — Veratrum luteum linn.). — In
Nippon siebold; in Kiusiu m. Kundsho-San secus rivulos, in
Kumamoto in sylvis Cryptomeriae maximowicz.
92 F. A. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON.
Sugerokia miq.
1. S. japonica iMiq. Frol. p. 309. — Scilla japonica th. Helio-
nopsis japonica et H. breviscapa (pauciflora olim) maxim. In ins.
Kiusiu m. Wunzen et in ins. Nippon prov. Sennano et Nambu
iegerunt iMAXiMowicz et tschonosky, antea in iisdem regionibus
legerunt sugerok, keiske , siebold.
Helionopsis a. gray.
1. H. pauciflora a. gray. — miq. Prol. p. 310, excl. pi. maxi-
Mowiczii homonyma.
Verairum linn.
1. V. Maackii regel FI. Ussur. p. 154. Zygadenus japonicus miq.
Prolus. p. 310.
2. V. nigrum linn. — In ins. Jeso leg. small.
3. V. album linn. — var. qrandiflorum maxim. (cf. supra); var.
parviflonim maxim. (cf. supra).
Streptopus l. g. rich. (michx).
1. S, amplexifolius dc. — In promontorio Sova leg. wright.
2. S. roseus michx. — In ora Ochotsk et in ins. Aleuticis.
Disponim salisb.
1. /). sessile don, et var. (? minus miq. Prolus. p. 311. — In
Nippon, in Kiusiu prope Kokuro legit buerger — .^ in m.
Wunzen keiske.
2. D.pullum skLiSB. — Variis locis leg. siebold, buerger, mohnike.
3. D. smilacinum a. gray. — In Simoda, prope Hakodade in
pinetis leg. collectores americani.
Sept genres au Japon contre douze dans TAraérique du Nord;
deux genres japonais qui manquent en Amérique (Helionopsis et
Sugerokia), sept genres américains qui ne se trouvent pas au
Japon. — Parmi les espèces japonaises il y en a 5 , peut-être 6 ,
qui croissent aussi en Amérique.
F. A. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON. 93
m. VALÉRIANÉES.
Dan mon aperçu de la flore du Japon (Prolusio Florae Japo-
nicae) j'avais mentionné neuf espèces de Valérianées, auxquelles
M. Maximowicz eu ajouta plus tard encore deux autres. Bien
que ses recherches eussent en général fourni des résultats sem-
blables aux miens, je reconnus pourtant, en étudiant les échan-
tillons que ce savant voyageur a communiqués dernièrement à
l'Herbier de l'Etat, que nos déterminations , par suite de la condition
plus ou moins parfaite des échantillons dont nous avions disposé,
offraient de certaines différences et que nos résultats pouvaient
se compléter réciproquement. Cela est applicable surtout à quel-
ques espèces de Valeriana et de Palrinia, que j'avais déterminées
sans fruits mûrs. C'est ainsi, jjar exemple, que ma conjecture,
que plusieurs espèces placées dans le genre Valeriana pouvaient
appartenir au genre Palrinia, s'est trouvée confirmée par les
échantillons fructifères qui nous ont été envoyés par M. Maximo-
wicz. — Pour cette raison, je donne ici un aperçu corrigé des
espèces de ces deux genres.
I. Valeriana linn.
1. Valeriana dioica miq. Prolus. p. 378.
2. Valeriana o/ficinalis linn. — miq. /. c. — Cette espèce si
largement répandue paraît varier encore plus au Japon qu'en
Europe. Une variété remarquable, que j'ai décrite à l'endroit cité
sous le nom de ,^^ lalifolia, a été trouvée aussi par M. Maximo-
wicz dans le pays de l'Amour, et une autre, avec trois paires
de folioles lancéolées et dentées en scie, près de Nagasaki et
sur le mont Kigo San; ces deux formes, que M. Maximowicz
compare au V. sambucifolia^ furent recueillies, de même que
nos exemplaires, sur la montagne d'Obama et le long de
ruisseaux et de rivières dans les îles de Nippon et de Kiousiou.
Chez toutes, le nombre des folioles est beaucoup plus petit que
dans les formes ordinaires du V. officinalis, et ces formes japonaises
94 F. A.. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON.
se lient très intimement à l'espèce voisine V, sambucifolia Mik.,
bien que je n'y aie pas observé de stolons, un des caractères
de cette dernière espèce. On pourrait donc conclure des formes
japonaises, que le V". sambucifolia doit être regardé comme une
forme locale du Y. officinalis. — On est fortifié dans cette ma-
nière de voir quand on compare le V. officinalis des flores de
différents pays ; on acquiert alors la conviction , que beaucoup
de contrées donnent naissance à des modifications particulières,
de nature à augmenter temporairement le nombre des espèces
insoutenables.
3. Valeriana flaccidissima Maxim. Mélang biolog. l. c. ( V, Hard-
wickii Wallich var. leiocarpa Miq. /. c. p. 279). Cette espèce est
si rapprochée de l'espèce citée de Wallich que je ne l'en avais
distinguée que comme variété. L'espèce japonaise produit, d'après
l'observation de M. Maximowicz, des stolons, lesquels man-
quaient toutefois à nos échantillons. De Candolle attribue à
la plante indienne de Wallich une „radix estonolosa", mais il
n'avait vu qu'un exemplaire imparfait. Pourtant, des échantillons
du Khasia, que j'ai examinés postérieurement, ne possédaient
pas non plus de stolons, ce qui semble confirmer la différence.
Ce caractère, joint aux particularités que j'avais déjà signa-
lées dans l'espèce japonaise, paraît bien légitimer sa distinc-
tion d'avec l'espèce indienne. Les stolons sont très grêles, fili-
formes, portant des feuilles rondes extrêmement petites; les
feuilles radicales sont deux fois plus courtes que le pétiole,
ovées, très obtuses, légèrement cordiformes à la base, cré-
nelées en scie, longues de 6 — 8 lignes; les feuilles caulinaires
inférieures sont pinnatipartites-lyrées ; lobes disposés en deux
paires, avec un lobe terminal beaucoup plus grand, les lobes
latéraux inférieurs très réduits; vers le haut les feuilles se par
tagent en moins de lobes, et les feuilles supérieures sont simple-
ment lancéolées. — Keiske a découvert cette espèce dans les
forêts de Nippon, Maximowicz près de Nagasaki.
F. A. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPOM. 95
4. Valeriana diversifolia Miq. /. c. — Espèce bien distincte ^
caractérisée par des feuilles à pétioles remarquablement longs,
mais dont la place dans ce genre est encore un peu douteuse,
vu que le fruit est inconnu jusqu'à ce jour.
IL Patrinia juss.
1. Patrinia scahiosaefolia Link. — Miq. /. c. — Commun au
Japon et dans les parties voisines du continent asiatique.
2. Patrinia villosa Juss. — Miq. /. c. p. 280. Un examen plus
attentif m'a fait reconnaître l'inexactitude de l'observation que
j'avais faite, à l'endroit cité, au sujet de l'origine de la paillette.
La „palea ad fructum adnata" est, en réalité, une bractéole
agrandie , mais qui , dans cette espèce , se trouve tellement serrée
par sa face supérieure convexe contre le fruit, qu'elle y paraît
en quelque sorte soudée. On peut toutefois séparer les deux parties ,
sans aucune déchirure des tissus. — Cette espèce est d'ailleurs
une de celles qui sont le plus répandues au Japon.
3. Patrinia gibbosa Maxim. Mélang. bioL VI, p. 276.
Praecedenti non absimilis, sed folia praeter pilos subtus in
nervis adpressos glabra, in petiolum brevem magis minusve de-
currentia, varie gradu pinnatiloba, inferiora rotundata, reliqua
ovalia, suprema ovato-lanceolata et tantum duplicate grosse ser-
rata. Flores majores quam in P. villosa, gibbere valde evoluto.
Bracteolae lanceolatae calycem excedentes et ei appressae. Calycis
glabri limbus 5-crenatus. Caulis superne et praesertim inter in-
florescentiam bifacialiter pubescens. Corollae faux glabra. — Prope
Hakodade detexit auctor.
4. Patrinia triloba Miq. /. c. p. 279 sub Valeriana. Patrinia
palmatifida Maxim. /. c. — Calcar in floribus bene evolutis co-
rolla duplo brevius, in nostris alabastriferis uon nisi gibberis
instar efformatum ; bracteola (palea) rotundata fructui non adnata ,
sed eum tantum suffulciens.
96 F.' A. W. MIQUEL. CONTRIBUTIONS A LA FLORE DU JAPON.
Cette espèce très reconnaissable a été découverte par Siebold.
En l'absence de fleurs et de fruits parfaitement développés ^ je
l'avais regardée, à tort, comme une Valériane. M. Maximowicz
nous en a communiqué des échantillons très complets, pourvus
de fruits. Il Ta trouvée à Nippon, dans les provinces de Sénano
et de Nambou.
5. Patrmia japonica Miq. /. c. sub Valeriana. — Bracteola
lanceolata calyci florenti appressa eoque longior; corolla lato cam-
paniformis basi leviter inaequalis; calicis limbus brevissimus;
cymae pauciflorae; folia caulina vix 1 lin. lata.
Les échantillons, en somme assez imparfaits, rapportés par
Siebold, sans mention spéciale de localité, s'éloignent tellement
de toutes les Valérianées japonaises, par leurs feuilles étroites
et en général petites et presque sessiles, que cette espèce doit
être regardée comme encore très douteuse. La position de la
bractéole, immédiatement au-dessous du calice, conduit à la
rapporter plutôt au genre Patrinia qu'au genre Valeriana.
Aux détails donnés, à l'endroit cité, sur le Valerianella olitoria
Mônch, je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que M. Maximowicz
a aussi récolté la plante près de Nagasaki.
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ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
Sciences exactes et naturelles.
SUR LA
DENSITÉ DE L'ALCOOL ET DES MÉLANGES
D'ALCOOL ET D'EAU,
PAB
E. H. VON BAUMHAUER.
Il y a maintenant dix ans que j'ai présenté à la Classe phy-
sique de. l'Académie royale des Sciences d'Amsterdam les résultats
d'un travail considérable, que j'avais exécuté avec M. F. H. van
Moorsel, pour rechercher jusqu'à quel point les déterminations
existantes de la densité des mélanges d'alcool et d'eau à diffé-
rentes températures, — surtout celles faites de 1790 à 1794 par
Gilpin et calculées de nouveau en 1811 par Tralles, et celles
faites en 1816 et 1822 par Gay-Lussac, — offraient un caractère
suffisant de certitude, pour pouvoir servir de base à la construc-
tion de tables alcoométriques, dans la nouvelle loi sur les bois-
sons distillées, qu'on préparait à cette époque dans notre pays.
Ces recherches ont été communiquées dans mon Mémoire sur la
densilé, la dilatation, le point d'ébullition et la force élastique de vapeur
de l'alcool et des mélanges d'alcool et d'eau, qui a paru en 1860
dans le Tome IX des Mémoires de l'Académie royale des Sciences.
La loi du 20 juin 1862 (Journal officiel des Pays-Bas, n°. 62),
contenant des dispositions relatives à l'accise sur les produits dis-
tillés indigènes, et l'arrêté royal dn 20 aviillS^S (Journal officieh
Archives Néerlandaises, T. V. 7
100 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE L ALCOOL
connaît la richesse, et réciproquement. Quant à ce dernier point,
il reconnaît lui-même (p. 275) que, malgré toute l'exactitude de
ses déterminations, il n'a pas été plus heureux que ses prédé-
cesseurs, et qu'il n'est pas parvenu à trouver la loi en question.
Ses recherches, qui ont été faites avec un degré extraordinaire
de précision, en observant toutes les précautions imaginables, et
où l'auteur a appelé à son secours toutes les ressources des ma-
thématiques, pour le calcul des erreurs possibles, des corrections
et de l'interpolation, — ses recherches, non-seulement confirment
entièrement les résultats de ses devanciers, mais démontrent
encore que l'exactitude à laquelle on peut prétendre, dans la
détermination de la densité des mélanges d'alcool et d'eau à
différentes températures, a une limite, due à toutes sortes d'in-
fluences perturbatrices, et par suite de laquelle il est impossible
de trouver la proportion d'alcool dans un mélange à moins de
ih un dixième pour cent près.
Je ne mentionnerai qu'en passant, comme ayant peu d'impor-
tance pratique, la discussion étendue à laquelle M. Mendelejeff
s'est livré concernant les plus grandes erreurs probables qui affec-
tent les résultats de chacun des expérimentateurs; je me bornerai
à relever les inexactitudes qu'il a commises à propos de nos
expériences.
Les griefs que M. Mendelejeff articule contre ces expériences
sont: d'abord, que nous avons employé la pesée hydrostatique,
au lieu de la pesée au matras, cette méthode devant, d'après
l'auteur, donner lieu à une diminution de la richesse alcoolique
des mélanges; ensuite, que le cône en verre dont nous avons
fait usage pour cette détermination n'avait qu'un volume de
12,865 gr. (lis. CC). Cette dernière allégation est vraie en ce
qui concerne la détermination de la densité des mélanges d'alcool
et d'eau, mais elle ne l'est pas pour la détermination de la den-
sité de l'alcool absolu, densité dont l'exactitude, ainsi que je
l'ai dit, a, au point de vue scientifique, une importance prépon-
dérante. Pour celle-ci, nous nous sommes servis d'un cône de
verre d'environ 54 CC, et, en outre, nous avons fait une déter-
ET DES MÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 101
mination dans un petit matras fermé et pourvu d'un thermomètre,
d'une manière analogue à celle dont M. Mendelejeff lui-même a
procédé. Les résultats obtenus par ces deux méthodes, 0,79407
et 0,79428, bien que différant peu entre eux, montrent pourtant
que la pesée hydrostatique a donné une densité plus faible que
la pesée dans le matras fermé, ce qui ne devrait pas être si,
pendant l'exposition à l'air, l'alcool avait absorbé de l'eau. Ayant
négligé, dans le compte rendu de nos expériences, d'énumérer,
comme M. Mendelejeff, toutes les mesures de précaution qui ont
été prises, je dois faire remarquer ici, que la manière dont nous
avons exécuté la pesée hydrostatique réduisait à bien peu de chose
le danger de variation du liquide, vu que le temps nécessaire
pour verser l'alcool dans le verre et pour achever la pesée ne
s'est jamais élevé à une minute entière. Voici comment ce résultat
s'obtient : après que le verre a été rincé à plusieurs reprises avec
le liquide , puis rempli , on fait une pesée hydrostatique provisoire ,
dans laquelle on se contente d'une exactitude de 1 à 2 milli-
grammes; les poids demeurant sur la balance, on vide le verre,
on le remplit de nouveau d'alcool de la même espèce et on le
replace sur la balance, qui peut alors rester fermée, attendu
que, pour compléter la pesée, on n'a plus qu'à manœuvrer le
petit cavalier représentant le milligramme. Lorsqu'on a une bonne
balance (telle que la balance d'Oertling, de Berlin, qui m'a tou-
jours servi), dont l'aiguille ne donne jamais d'indications fausses ,
et qu'on ne poursuit pas une exactitude supérieure à celle d'un
demi-milligramme, la pesée entière est terminée en moins d'une
minute. Immédiatement après la pesée, on consultait de nouveau
le thermomètre, et la détermination n'était regardée comme bonne
que si cet instrument continuait à marquer 15° C, température
à laquelle le liquide avait été amené avant l'opération. L'exacti-
tude des pesées a été dans nos expériences de ± 0,0005 mgr. ,
et non de ± 0,001 mgr. , comme le dit M. Mendelejeff. La surface
des appareils sur lesquels on opère étant sans cesse modifiée,
ainsi que l'ont montré MM. Kegnault et Stas, par toutes sortes
d'influences qui nous sont encore imparfaitement connues, telles
102 F. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE l'aLCOOL
que rélectricité^ la condensation des gaz, etc., une pesée mérite,
à mon avis, d'autant plus de confiance qu'elle a été faite eu
moins de temps. La détermination des fractions du milligramme
par le procédé qu'a employé M. Mendelejeff, c'est-à-dire, par les
oscillations de l'aiguille, observées à l'aide d'une lunette, est
plutôt, ce me semble, de nature à diminuer qu'à accroître le
degré d'exactitude. On ne peut attacher quelque valeur à ce pro-
cédé que lorsque, à l'exemple des deux savants cités plus haut,
on dispose sur les deux plateaux de la balance des appareils
formés de la même matière et présentant des surfaces égales,
sur lesquels les influences inconnues s'exercent alors de la même
manière. Cette précaution n'a pas été observée par M. Mendelejeff,
qui a pesé des appareils en verre avec des poids en cuivre.
M. Mendelejeff, qui dit avoir poussé l'exactitude dans la mesure
5
des températures jusqu'à — L— d'un degré centigrade, nous reproche
naturellement le peu de précision de nos propres mesures, qui
s'arrêtent aux dixièmes du degré. J'admire certainement cette
grande exactitude, obtenue d'ailleurs en dirigeant le fil de la
lunette à - de la hauteur du ménisque, à partir du sommet, et
en appliquant des corrections pour la mince colonne de mercure
contenue dans la partie du thermomètre qui s'élève au-dessus du
liquide. Mais, tout en l'admirant, je ne puis y attacher que bien
peu d'importance, quand je vois en même temps que les degrés
•des thermomètres employés, thermomètres qui ne pouvaient aller
de 0° jusqu'à 100^ C, ont été déterminés par comparaison avec
un thermomètre étalon, et que celui-ci marquait, en 1859, -{- 0,08
au point 0 et 100,103 au point 100, et, en 1864, -h 0,500
au point 0; le point 100 ne paraît pas avoir été déterminé à
cette dernière époque. M. Mendelejeff ajoute que le zéro de son
thermomètre étalon, qui se trouvait à 0,08 en 1859, s'éleva peu
à peu jusqu'à 0,500 en 1862, et que depuis lors il resta con-
stamment à la même hauteur. Quant à cette dernière circonstance,
je me permets de la révoquer en doute d'après le résultat de
ET DES MÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 103
mon expérience. Nous avons fait usage pour nos observations
d'un thermomètre étalon n^ 381 de Fastré aîné, de Paris, avec
une division arbitraire, mais uniforme, en 745 parties; les indi-
cations données par M. Fastré au sujet de ce thermomètre, en
juin 1854, étaient les suivantes : B =z 756, T =: 12,50, ^ = 755,05,
P=: 99,80, le point 99,80 =z 683,0, le point 0 = 22,0; le vrai
point 100 était donc à cette époque, à 760^"!, =: 684,3. En 1858 ,
ayant examiné ce thermomètre moi-même, je retrouvai le point
0 == 22,0 ; quant au vrai point 100, le thermomètre entier étant placé
dans une double enveloppe de vapeur, j'obtins à 160^^ z=z 685,0.
Le 26 décembre 1869, j'ai contrôlé ce thermomètre de nouveau,
et trouvé le point 0 =r: 25 ; le 29 décembre suivant eut lieu la
détermination du point 100, lequel, à 764mm^8 et 2^,4 C, fut
trouvé = 687,5, ce qui donne le vrai point 100 =: 686,24. Comme
chaque degré du thermomètre est égal à 6,6224 divisions (environ
3,78 millimètres), le point 0 était donc de 0,45 degré plus
élevé qu'en 1854 et 1859, et le point 100 de 0,25 plus élevé
qu'en 1854 et de 0,19 qu'en 1859. Lorsque, le même 29 décembre,
quelques heures plus tard, je déterminai de nouveau le point 0,
je le trouvai, non plus à 25, mais à 24, c'est-à-dire à 0,15
degré plus bas qu'avant l'introduction du thermomètre dans la
vapeur. Du reste, c'est un fait généraletnent connu que, dans les
thermomètres très sensibles, le point 0 ne reste pas constant
quand l'instrument est porté à de hautes températures.
Le 25 lévrier et le 20 mars 1870 on constata que le point 0
s'était maintenu à 24; dans l'intervalle écoulé depuis le 29 dé-
cembre 1869, le thermomètre n'avait pas été exposé à une tem-
pérature élevée.
J'ai vérifié de même un thermomètre étalon de Salleron , de
Paris, également à division arbitraire, et qui se trouvait déjà en
ma prossession depuis une dizaine d'années. Le 29 décembre
1869 le point 0 fut trouvée = 156,0 et le point d'ébullition,
à 764"in^8 et 2 ,4 C. , = 714,0; par conséquent le point 100
à 760'ïi'" ::^ 712,84. Une heure après on constata que le point
0 correspondait à 153,0; en partant de ces dernier nombre, on
i04 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE L ALCOOL
trouve pour la longueur de chaque degré 5,5984 divisions, et
pour la valeur de chaque division 0°,178. Le déplacement du
point 0 s'élevait donc à 0,534 degré.
Après la date indiquée la thermomètre ne fut plus employé à
une température élevée. Le 25 février 1870 et le 20 mars suivant
on procéda à une nouvelle détermination du point 0; la première
fois on le trouva à 154,5 et la seconde à 155^0.
En faut-il davantage pour prouver qu'un thermomètre à mercure,
en verre , n'est pas un instrument avec lequel on puisse obtenir dans
la mesure des températures une exactitude d'un centième de degré ?
En présence de ces résultats, on ne sera pas surpris si je
n'attribue que peu de valeur à la détermination de demi-centièmes
de degré, et si je continue à me contenter des dixièmes de
degré dans la mesure des différences de température, de même
que je me contente des demi-milligrammes dans les pesées où il
s'agit de comparer entre elles des matières hétérogènes, par
exemple des appareils en verre avec des poids en cuivre.
Finalement, M. Mendelejeff dit encore que si l'on détermine la
dilatation d'un liquide à l'aide d'un dilatoraètre placé dans un vase
rempli d'eau chaude qui se refroidit, l'erreur dans la détermina-
tion de la température peut s'élever à 0°,5 C. Je l'accorde,
si le volume du liquide à examiner est très grand et celui
de l'eau ambiante relativement petit; mais, de la manière dont
nos expériences ont été faites, dans un cylindre de verre qui
contenait plusieurs litres d'eau et où, pour maintenir une tempé-
rature uniforme , l'eau était continuellement agitée par un courant
d'air, la plus grande erreur ne peut, à mon avis, dépasser 0'',1 C,
ce qui donne pour la densité une erreur, non pas de 0,0004 à
0,0005, mais tout au plus de 0,0001.
Mais tournons-nous plutôt du côté des résultats des recherches,
et comparons ceux qui ont été obtenus par M. van Moorsel et
moi, tant avec ceux de M. Mendelejeff, qu'avec ceux de nos pré-
décesseurs, Gilpin, Gay-Lussac, Drinkwater, Fownes et autres.
En premier lieu, nous devons nous occuper de l'alcool absolu.
ET DES MÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 105
puisque c'est de la détermination exacte de sa densité que dépend
la valeur de tout le travail; pour éviter les développements trop
étendus^ je suis forcé de renvoyer à mon Mémoire pour tout ce
qui concerne les détails.
Avant tout, je dois présenter une observation qui, dans l'ap-
préciation de cette question, n'est pas dépourvue d'importance.
Nous n'avons aucun moyen certain de nous assurer que ce que nous
nommons de l'alcool absolu est de l'alcool éthylique chimiquement
pur. Par des distillations successives sur des substances avides d'eau ,
distillations répétées jusqu'à ce que la densité du produit ne
diminue plus, nous obtenons un liquide qui peut être regardé,
avec grande probabilité, comme entièrement privé d'eau. Mais il
n'est nullement prouvé que ce liquide, cet alcool éthylique, ne
renferme pas un autre alcool, d'une densité plus grande ou plus
faible, un éther, un aldéhyde, ou quelque autre matière volatile,
dont le point d'ébullition diffère peu de celui de l'alcool éthylique.
Le traitement répété par la chaux vive éloigne la probabilité de
la présence d'acides volatils; mais quelle est l'action de cette
chaux vive sur l'alcool, surtout à des températures un peu élevées ?
Quand on distille l'alcool sur la chaux vive, à une température
de 80'^ à 90^^ C, le résidu de la distillation est presque incolore ,
et on peut supposer d'après cela qu'il n'y a pas eu de décom-
position. Il en est autrement avec la baryte caustique, qui a été
emplo}ée par M. Mendelejeff en même temps que la chaux vive;
la baryte caustique ne colore pas l'alcool hydraté , mais elle donne
à l'alcool anhydre, même à la température ordinaire, une teinte
jaunâtre, qui par la chaleur passe à l'orangé; il est plus que
probable qu'il se fait ici une décomposition, bien que nous ne
sachions pas quels en sont les produits.
On ne doit pas oublier, en outre, que les liquides alcooliques
retirés de différentes matières premières contiennent différents
autres alcools, dont on ne parvient à les débarrasser, et encore
imparfaitement, qu'avec beaucoup de peine, par des distillations
fractionnées et des traitements par divers agents. La cerlilucle
d'avoir affaire à de l'alcool éthylique chimiquemenl pur ne peut
106 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE l'aLCOOL
être acquise par aucun moyen, et je ne comprends pas comment
M. Mendelejeff, qui n'a opéré que sur une seule et même espèce
d'alcool, a pu donner „comme preuve suffisante de la pureté de
l'alcool préparé par la chaux, le fait qu'en mélangeant cet alcool
avec de l'eau , il obtenait des liquides ayant les mêmes propriétés
que lorsqu'il emp oyait, pour composer les mélanges, de l'alcool
moins concentré." Quant à nous, pour le motif qui vient d'être
indiqué, nous avons fait usage dans nos recherches de deux
espèces d'alcool de provenance tout à fait différente; l'un de ces
alcools avait, sans aucun doute, été extrait de l'eau-de-vie de
grains; l'autre, à ce qu'on m'assura, était un produit de la vigne.
Tous les deux avaient été livrés sous le nom d'alcool absolu, et
contenaient un peu plus de 1 pour cent d'eau. Cet alcool ne
perdit les dernières traces d'eau qu'après une distillation sur du
carbonate de potasse fortement desséché et cinq distillations suc-
cessives sur de la chaux vive; avant chacune de ces opérations,
on laissait l'alcool pendant plusieurs jours en contact avec l'agent
de déshydratation, dans un endroit chaud, en ayant soin d'agiter
de temps en temps. Le liquide qui passait en premier à la dis-
tillation n'était pas employé aux expériences, mais servait à
rincer trois fois de suite les récipients préalablement sèches (des
matras de 200 CC.) ; la distillation , qui avait toujours lieu au
bain-marie, était arrêtée aussitôt que les deux tiers environ de
l'alcool avaient passé. Pour les expériences, on ne fit donc usage
ni des premières portions distillées, ni des dernières; la remarque
de M. Mendelejeff, que probablement, par suite de l'ignorance du
fait de la densité supérieure des premiers produits distillés, ses
précécesseurs ont trouvé pour l'alcool absolu une densité trop
forte, cette remarque n'est par conséquent pas applicable à nos
expériences. Je répète ici, d'après mon Mémoire, que l'alcool
n'était regardé comme absolu que lorsqu'il continuait à présenter
la même densité après deux distillations successives, avant chacune
desquelles le produit de la distillation précédente était resté pen-
dant plusieurs jours, à une douce chaleur, dans une cornue fermée
avec des bouchons de caoutchouc et remplie de chaux récemment
ET DES iMÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 107
calcinée. Les nombres obtenus dans une de ces opérations, àlo^C.
et par rapport à l'eau également à 15° C, furent:
Alcool avant la distillation 0,7990
Après la distillation sur le carbonate de potasse. 0,7982
Après la 1^^*^ distillation sur la chaux. ..... 0,7979
« « 2^ „ „ « „ 0,7970
n « 3® n >' « « 0,7958
>j ?? 4^ r> 75 r « 0,7953
,, 5, 5e „ „ „ „ 0,7947
. „ 6e „ „ „ „ 0,7947.
On ne peut pas non plus appliquer à nos expériences une autre
observation de M. Mendelejeff (p. 242), savoir, que l'excès de
densité trouvé par ses devanciers doit être attribué en partie à
ce qu'ils n'ont pas eu égard à l'absorption de l'humidité de l'air,
ni à celle de l'air sec lui-même, pendant la distillation et pen-
dant la conservation de l'alcool absolu. Dans nos expériences,
l'extrémité recourbée du tube de verre du réfrigérateur de Liebig
bouchait presque complètement le col des matras de verre, où
il pénétrait de quelques centimètres; ces matras, d'une capacité
de 200 ce, se remplissaient en peu de minutes jusqu'à une
assez grande hauteur dans le col; ils étaient alors immédiatement
fermés avec des bouchons de caoutchouc préalablement bouillis
dans une lessive de potasse, dans l'eau et enfin dans l'alcool,
de sorte qu'il ne restait tout au plus dans les matras qu'une
couple de centimètres cubes d'air. Il serait difficile de comprendre
comment de l'alcool ainsi préparé et conservé aurait pu enlever
de l'humidité à l'air, ou absorber plus d'air que dans les expé-
riences de M. Mendelejeff, qui, en définitive, a également distillé
dans l'air. Le fait de l'absorption de l'air par l'alcool absolu ne
m'était d'ailleurs pas inconnu, ainsi qu'on peut le voir dans la
cinquième section de mon Mémoire, où je traite de la force élas-
tique de la vapeur de l'alcuol.
Comparons maintenant les résultats des différents observateurs
concernant la densité de l'alcool absolu. Dans le tableau suivant,
108 E. H. VOIS BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE L ALCOOL
je donne non-seulement les résultats calculés par moi pour la
température de 15^ C; mais aussi ceux que M. Mendelejeff lui-
même a calculés pour 20^ C, et cela^ à cause du reproche qu'il
m'adresse (p. 118; note), sans le motiver toutefois, d'avoir com-
mis mainte erreur dans les réductions et les corrections que j'ai
fait subir aux expériences de Fownes. J'ajoute également les
chiffres obtenus par M. le professeur R. S. Me. Culloh, lequel a
fait, en 1848, des recherches considérables pour le gouvernement
des Etats Unis de l'Amérique du Nord; ces chiffres, qui m'étaient
inconnus à l'époque de mon travail, ont été communiqués dans les
Reports from tfie Secretary of the Treasury of scietUi/icinvestigadons ^
30 et 31, Congress, Washington, 1848 et 1851. Les recherches de
M. Me. Culloh sont également peu exactes, suivant M. Mendelejeff
(p. 119); il ne leur fait même pas l'honneur d'un jugement en règle.
Observateurs. Densité réduite à 15° C. , Densité réduite à 20^ C. , d'après
d'après mon calcul. le calcul de M. Mendelejeff.
Lowitz 0,7940 0,7899
Richter 0,7950 0,7909
Meissner 0,7940 0,7899
Muncke et Gmelin. . 0,7940 0,7895
De Saussure 0,7950 0,7909
Gay-Lussac(;i816) . . 0,7941
„ (1822) . . 0,7940 0,7898
De Gouvenain .... 0,7976 0,79348
Delezenne 0,7984 0,79361
Dumas et Boullay . . . 0,7931
Kopp 0,7970 0,79277
Connell 0,7936
Pierre 0,8029 0,79777
Drinkwater 0,7938 0,78958
Fownes 0,7938 0,78959
Me. Culloh 0,7944
Wackenroder 0,7941
PoniUet 0,7940 0,7898
Mendelejeff 0,79367 0,78945
Von Baumhauer et. . ( 0,79406 \ q 1S99
VanMoorsel ( 0,79415 ( '
109
Je crois que ces chiffres et les noms des observateurs qui les
ont obtenus justifient ce que j'ai dit dans mon Mémoire fp. 11):
„I1 ne peut exister de doute sur la densité de l'alcool absolu ;
elle ne peut différer notablement de 0,7940 à 15° C, comparée
à l'eau au maximum." Cette conclusion est d'ailleurs en parfait
accord avec celle de Pouillet (p. 21 de son Mémoire sur la
densité de l'alcool): „ Après cette longue discussion et les expé-
riences qui la terminent, je conclus avec la plus entière con-
viction que les expérimentateurs qui ne retombent pas sur les
nombres de Lovvitz et de Gay-Lussac (tous les deux 0,7940
à 15° C.) pour la densité de l'alcool, doivent supposer hardi-
ment qu'ils se trompent, qu'il y a quelque méprise sur la
nature du liquide ou quelque cause d'erreur dans la méthode
d'observation."
Aussi longtemps que d'autres expériences, d'une exactitude
égale ou supérieure, ne seront pas venues démontrer le contraire,
je continuerai à croire que, par la déshydratation seule, la den-
sité de l'alcool éthylique, à 15'' C. et comparée à celle de l'eau
au maximum de condensation, ne peut être abaissée au-dessous
de 0,7940, et que les valeurs plus faibles, trouvées par MM. Men-
delejeff, Connel, Fownes, Drinkwater et Dumas et Boullay, doi-
vent être attribuées à des impuretés de l'alcool ou à une décompo-
sition partielle subie pendant l'opération de la déshydratation. A
ce sujet, j'appellerai encore l'attention sur ce que dit M. Mendelejeff
(p. 248): „Je dois faire observer que l'alcool absolu, obtenu à
l'aide de la chaux, possède une légère odeur éthérée, qui va en
s'affaiblissant à mesure qu'on multiplie les distillations; cette cir-
constance n'exerce d'ailleurs aucune influence sur la densité de
l'alcool, ainsi que je m'en suis assuré expérimentalement." Je
n'ai jamais remarqué cette odeur d'éther à l'alcool préparé par
nous, et je ne pense pas qu'elle puisse se présenter dans l'alcool
parfaitement pur.
110 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE l'aLCOOL
Le point d'ébullition de l'alcool absolu a été fixé par différents
observateurs aux températures suivantes:
Gay-Lussac (1816) 78^41 C. à 160^^.
Dumas et BouUay 76 ,6 „ „ „
Yelin 77 ,3 „ „ „
Pierre 78 ,4 „ „ „
Fownes 80 ,7 „ ,. „
Kopp 78 ,4 „ „ „
Mendelejeff. 78 ,300 à 78,307
Von Baumhauer i -q qq
et Van Moorsel )
On voit que M. Mendelejeff trouve de nouveau une valeur un
peu plus faible que Gay-Lussac, MM. Pierre, Kopp et nous,
dont les résultats convergent tous vers 78°,4.
Pour la dilatation de l'alcool absolu, voici les nombres obte-
nus par divers savants, tous ces nombres étant rapportés au
volume à 0° C, pris pour unité:
Temp. Gay-Lussac. Muncke. Kopp. Mendelejeff. v. Baumliauer
^ ^'*- -^■' — - ^ - "'— ■ — - -— "— -^ et V. Moorsel.
1816 1822 I. II. I. If. 111.
5« 1,00506 1,005022 1,005150 1,00517 1,00521 1,00530 1,00521 1,0052
10» 1,01016 1,010164 1,010441 1,01043 1,01047 1,01065 1,01049 1,0103
15° 1,01533 1,01472 1,015414 1,015857 1,01574 1,01578 1,01604 1,01585 1,0156
20» 1,02060 1,020749 1,021884 1,02115 1,02118 1,02151 1,02128 1,0210
25° 1,02600 1,026163 1,027007 1,02666 1,02668 1,02706 1,02678 1,0265
30» 1,03151 1,03094 1,031647 1,032713 1,03229 1,03227 1,03270 1,03238 1,0321.
M. Mendelejeff attache un grand prix à l'accord intime qui se ma-
nifeste entre ses résultats et la moyenne des trois séries données
par M. Kopp, bien qu'il reconnaisse lui-même que l'alcool de
M. Kopp n'était pas absolu. Mais, en comparant ces trois séries,
on voit clairement que les deux premières possèdent un plus
haut degré de probabilité que la troisième, qui s'écarte assez
notablement des deux autres. Par rapport à la moyenne de ces
ET DES MÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 111
deux premières séries de M. Kopp, nos résultats n'offrent guère
ele plus grandes différences que ceux de M. Mendelejeff; ils sont
intermédiaires d'ailleurs entre ces derniers et ceux de Gay-Lussac.
Enfin, en ce qui concerne la contraction qu'on observe dans
le mélange de l'alcool avec l'eau, M. Mendelejeff parvient à la
même conclusion qui résultait de nos expériences et de celles de
nos prédécesseurs, savoir: que le maximum de contraction a lieu
quand les proportions de l'alcool et de l'eau sont celles de 1
molécule 0^ H'^ G pour 3 molécules H- O, c'est-à-dire, en poids,
dans le mélange de 46 pour cent d'alcool et 54 pour cent d'eau.
La valeur de cette contraction, à 15'^ C, serait, d'après M.
Mendelejeff, 3,7S40, et d'après nos expériences 3,762; en d'autres
termes, 53,703 volumes d'alcool et 50,060 volumes d'eau se
contractent de manière à ne plus occuper que 100 volumes.
Pouillet a calculé la contraction d'après les expériences de Gay-
Lussac et trouvé le nombre 3,77; ce résultat tombe entre la
détermination de M. Mendelejeff et la nôtre.
Ce qui précède peut suffire pour la partie scientifique de la
question, sur laquelle, en ce qui concerne les résultats, les
recherches de M. Mendelejeff ne me paraissent avoir jeté aucun
jour nouveau. Sa méthode est sans contredit plus exacte que celle
de ses devanciers , mais elle n'a conduit à aucune différence de
quelque valeur; d'un autre côté, pour ce qui regarde la densité,
ses chiffres peuvent, à mon avis, faire naître des doutes sur la
pureté de l'alcool absolu dont il s'est servi.
Si nous considérons maintenant la question au point de vue
pratique, nous devrons formuler la même conclusion: les expérien-
ces exécutées par M. Mendelejeff ont une grande valeur, mais
surtout pour avoir levé tous les doutes qui auraient pu subsister
112 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITE DE L ALCOOL
encore relativement à la base sur laquelle repose l'alcoométrie
dans les divers pays. Cette base, nous la devons principalement
aux recherches de Gilpin, dans le siècle précédent, et aux
recherches postérieures de Gay-Lussac; les résultats de ces deux
expérimentateurs ne diffèrent entre eux que de ± un dixième
pour cent d'alcool (en volume) pour les mélanges à 15° C. ou
15°,55 C. (60° F.), température à laquelle les expériences ont
été faites, tandis que, à 0^ C. et 30° C, ces différences s'élè-
vent tout au plus à deux dixièmes pour cent. A cet égard nous
avons acquis une certitude complète, depuis que, — grâce à une
communication à laquelle la publication de notre travail, en 1860,
n'a probablement pas été étrangère, — nous sommes entrés en
possession des chiffres officiels d'après lesquels Gay-Lussac avait
calculé les valeurs de son histruclion pour Vusaqe de V alcoomètre
centésimal y chiffres dont on ne connaissait jusqu'alors que quel-
ques uns , cités par Berzelius dans la seconde édition de son
Traité de Chimie (1828). La communication à laquelle je fais
allusion est celle que M. Collardeau a adressée à l'Académie des
Sciences de Paris, dans la séance du 18 novembre 1861, et où
il donne les densités des mélanges d'alcool et d'eau à 15° C.
(l'eau à 15° C.=:l) pour chaque centième en volume d'alcool,
densités empruntées à la table officielle de Gay-Lussac. Comme Ber-
zelius, auquel Gay-Lussac avait certainement communiqué les chiffres
en question , ne parle que des mélanges renfermant 30 à 100 pour
cent d'alcool en volume, on peut toutefois se demander si Gay-
Lussac a bien expérimenté sur des mélanges plus pauvres, et si,
au-dessous de 30 pour cent, il n'a pas déduit ses chiffres des
expériences de ses devanciers. M. Mendelejeff non plus n'a pas
fait de déterminations au-dessous de 32 pour cent en volume,
sauf une, à environ 12 pour cent, qui confirme les résultats de
Gilpim, de Drinkwater et les nôtres.
Pour nos recherches, deux séries de mélanges ont été faites,
à l'aide des deux espèces d'alcool dont j'ai parlé ci-dessus. Les
19 mélanges qui composaient chaque série, et dont la richesse
augmentait progressivement d'environ 5 pour cent, furent préparés
ET DES MÉLANGES d'aLCOOL ET d'eAU. 113
le même jour^ à la suite les uns des autres , et par conséquent
dans les mêmes conditions. Voici comment on s'y prit. Un flacon
rempli d'alcool absolu était placé dans de l'eau maintenue à
15^ C; ce flacon était fermé par un bouchon de caoutchouc
percé de deux ouvertures, dans l'une desquelles était fixé un
tube à chlorure de calcium, pour préserver l'alcool de l'humidité
de l'air, tandis que l'autre livrait passage à un siphon, qui com-
muniquait avec une pipette dont la capacité avait été exactement
divisée au moyen du mercure. A l'aide de cet appareil , on mesura
successivement 95, 90 à 5 C.C, d'alcool, dans des matras d'une
contenance d'au moins 100 CC, qui avaient été préalablement
bien séchés, fermés avec des bouchons de caoutchouc et pesés
exactement; aussitôt après l'introduction du liquide, ces matras
étaient rebouchés et soumis à une nouvelle pesée. Le flacon d'al-
cool fut alors remplacé par un flacon rempli d'eau distillée, bien
bouillie, puis refroidie dans le vide, flacon qu'on maintint éga-
lement à une température de 15° C. pendant toute la durée de
l'opération. On introduisit ensuite, de la même manière que ci-
dessus, 5, 10 à 95 d'eau dans les matras, et, ceux-ci ayant été
bouchés immédiatement, on en détermina de nouveau le poids
avec soin. Ce ne fut que le jour suivant, après que les matras
avaient été secoués toutes les demi-heures, que nous commen-
çâmes les déterminations de densité; comme nous ne visions pas
à une exactitude plus grande que celle de la quatrième décimale ,
le grand cône de verre dont nous nous étions servis pour la
détermination de la densité de l'alcool absolu, fut remplacé ici
par un cône plus petit, mesurant environ 13 CC. Les résultats
directs de nos pesées ont été communiqués dans mon Mémoire.
C'est à dessein que nous n'avons pas exécuté nous-mêmes les
calculs auxquels ces résultats donnaient lieu: nous devons ces
calculs et les interpolations nécessaires à la complaisance de M.
le Dr. H. C. Dibbits, aujourd'hui professeur à l'Ecole moyenne
du degré supérieur d'Amsterdam. Qu'une erreur ait pu se glisser
dans l'une ou l'autre des 152 pesées que comprennent nos 38
déterminations, c'est ce que je ne veux certainement pas contes-
Archives Néerlandaises, T. V. 8
114 E. H. VON BAUMHAUER. SUR LA DENSITÉ DE l'alGOOL
ter. Mais, si Ton compare nos résultats avec ceux des autres
observateurs et avec ceux de M. Mendelejeff lui-même, qui a
poussé l'exactitude des déterminations beaucoup plus loin que
nous ne l'avions jugé nécessaire, on voit qu'il existe le plus
souvent un accord parfait ; dans un petit nombre de cas on trouve
une différence de un dixième pour cent en volume, et une fois
seulement, savoir, pour le mélange d'environ 46 pour cent d'alool
en volume ou 39 pour cent en poids, cette différence s'élève à
deux dixièmes d'un pour cent d'alcool en volume. Un degré su-
périeur d'exactitude, non-seulement n'est pas exigé, mais encore je
pense qu'il sera difficilement atteint dans des recherches ultérieures.
J'accorde volontiers à M. Mendelejeff la satisfaction d'avoir
obtenu des résultats plus rapprochés de ceux de Gilpin que ceux
de Gay-Lussac et les nôtres (p. 274); mais je lui conteste le
droit de comparer, ainsi qu'il le fait à l'endroit cité, ses nombres
avec ceux de Gilpin, de Drinkwater et de Gay-Lussac dans la
supposition que l'alcool normal de Gilpin contenait, non 89,2
pour cent, comme l'avait calculé Tralles, mais 89,06 pour cent
en poids d'alcool absolu , et que l'alcool de Gay-Lussac renfer-
mait 0,11, celui de Drinkwater 0,047 pour cent en poids d'eau,
et n'étaient donc pas anhydres comme nous l'avons admis précé-
demment.
Une preuve tout à fait concluante eu faveur de l'opinion que
je soutiens, savoir, que la poursuite d'une exactitude extrême
dans la détermination des densités des mélanges d'alcool et d'eau
ne conduit à aucun résultat, est fournie par M. Mendelejeff lui-
même , à la dernière page de son Mémoire , où , après avoir donné
un tableau de la densité des mélanges de 5 en 5 pour cent à
O'', 10^, 20° et 30° C, il ajoute: „A l'aide de ces chiffres,
déduits directement de l'expérience , on a calculé par interpolation
le tableau suivant." Or, que voit-on en comparant ces deux
tableaux? Que les différences entre les chiffres trouvés et les
chiffres calculés dépassent plus d'une fois 0,0001 et même 0,0002 ,
comme pour le mélange de 40 pour cent en poids à 20° C, où
l'on a trouvé 0^93511 et calculé 0,93536, différence de plus de
ET DES MÉLAiXGES u'aLCOOL ET d'eAU. 115
2
— pour cent en volume. Une fois même, la différence s'élève à
plus de 0,0003, savoir pour le mélange de 30 pour cent àO'^C.,
où Texpérieuce a donné 0,96540 et le calcul 0,96508, résultats
3
dont la différence équivaut presque à — pour cent en volume.
Quant à la grande différence qui correspond au mélange de 80
pour cent à 10^ C, savoir 0,82515 à 0,85210, elle doit être
attribuée à une faute d'impression, qui se rencontre aussi bien
dans le mémoire russe de M. Mendelejeft' (p. 115), que dans
l'extrait donné par les Annales de Poggendorff (p. 279).
En résumé, de tout ce qui précède je crois pouvoir conclure
que les recherches de M. Mendelejeff, bien qu'ayant une grande
valeur intrinsèque et méritant toute notre reconnaissance, n'ont
fait que confirmer les résultats de ses devanciers, et qu'il n'existe
par conséquent aucun motif d'apporter quelque changement aux
'tables que j'ai construites dans le temps pour l'administration
néerlandaise. Au sujet de l'emploi de ces tables à l'étranger, je
répéterai ici ce que j'ai dit dans l'avant-propos de l'édition officielle
(p. 15): „En France, en Belgique et en Allemagne, pour la
perception de l'accise, la force des liquides alcooliques est cal-
culée, de même que dans les tables suivantes, en centièmes de
volume d'alcool pur: en France et en Belgique d'après l'alcoolo-
mètre de Gay-Lussac et à la température normale de 15^0., en
Allemagne d'après l'alcoolomètre de Tralles et à la température
4 5
normale de 12"^- R. (15°- C). Bien que les densités d'où l'on
est parti dans la construction de ces alcoolomètres diffèrent légè-
rement, dans quelques cas, de celles qui ont servi de base au
calcul de nos tables, la plus grande différence ne s'élève pour-
tant, et encore ça et là seulement, qu'à 2 — 3 dixièmes pour
cent; on peut donc, au moins pour les calculs ordinaires, regar-
der les indications de ces alcoolomètres comme égales à celles
de nos tables, les unes et les autres à la température de 15''C."
8
UNE NOUVELLE ESPÈCE D'ARGOSTEMMA ,
CONTRIBUTION A LA
FLORE DE L'INDE NÉERLANDAISE
PAR
M W. F. R. SURINGAR.
(Lu à la séance de l'Académie Royale des Sciences, du 30 Janvier 1869.)
ARGOSTEMMA COENOSCIADICUM.
Descr: caulis herbaceus 11 decim. altus basiradicans suberectus
teres praesertim superne pilosus. Folia par paria 7 — 8 opposita
inter se aeqnalia, longiuscule (aà. 2 cm) pedicellata ovalo-lanceolata ,
longitudine (4 — 6 cm) latitudinem bis superante , infima minora
caduca, suprema approximaia breviter pedicellata basi rotundata,
omnia in pagina superiore et subtus in nervis dense hirsuia, pilis
erectis plus minus incurvis rigidiusculis albis; stipulae interpetio-
lares e basi dilatata cum pedicellis cohaerente laie ovatae, saepius
acutiusculae s. breviter acuminatae latitudiue longitudinem subae-
quante glabrae cilialae. Umbella terminalis sessilis definita com-
posita mulliflora foliis (hoc loco minoribus) et stipulis (hoc loco
majoribus) involucrata 4:-radiata, radiis 2^ cm longis umbellidis
itidem definitis 4 — 8 floris , terminali majore, involucellorum foliolis
parvis (2 mm.) late ovato-acuminatis v. acutis, pedunculis 3 — 5
mm. longis. Flores pentameri. Gklw cum pendunculis dense lanaio-
pilosuSy pilis longis cripulis patentissimis , lobis parvis late ovafis
acutis vel acutiusculis. Corolla rotato-infiindibuliformis qiiinquefida
alba, laciniis ovato-lanceolalis aculiuscuHs extus sparse pilosis.
Stamina imo fundo corollae inserta, filamentis brevibus, antheris
in conum concretis rostratis basi rimis longitudinalibus introrsum
dehiscentibus. Discus planus. Stylus filiformis tubo antherarum
inclusus, stigmate vix exserto capitato. Ovarium inferum 2-locu-
lare placentis reniformibus carnosis septi superiori parti affixis multi-
W. F. R. SURINGAR. UNE NOUVELLE ESPECE ETC. 117
ovulatis; ovulis hemitropis. (Fructus ante maturitatem deciderunt),
Floruit in Horto Lugduno-Batavo ubi sponte provenerat e terra
cum aliis plantis ex horto Bogoriensi insuiae Javae allata.
L'espèce qui vient d'être décrite appartient à un genre peu
nombreux mais remarquable de la famille des Cinchonacées , com-
posé de petites plantes herbacées , et dont les feuilles opposées
montrent dans certaines espèces la même particularité qui est
propre aux Mélastomacées , savoir l'inégalité de grandeur des feuil-
les de la même paire, tandis que les fleurs largement ouvertes
et les anthères conniventes en cône et parfois soudées entre elles
rappellent le genre Solanum. L'inflorescence, qui constitue en
général une cyme, s'allonge parfois sous forme d'épi, mais, le
plus ordinairement , se contracte en forme d'ombelle ou de corymbe.
Dans notre espèce on trouve une ombelle composée, dont l'om-
bellule centrale se développe avant les autres, de même que,
dans chaque ombellule considérée à part, c'est la fleur centrale
ou terminale qui s'ouvre la première; l'inflorescence est donc une
ombelle définie composée, caractère auquel est emprunté le nom
spécifique coenosciadicum.
Lorsque Wallich établit, en 1824, le genre Argostemma, il en
décrivit quatre espèces, auxquelles Blume ne tarda pas à en
ajouter quatre autres, originaires de Java. En 1838, Bennet fit
une nouvelle étude du genre: 21 espèces furent énumérées, dont
une de la côte occidentale de l'Afrique tropicale, et toutes les
autres de l'Inde. Parmi celles-ci, le nombre des espèces javanai-
ses s'était accru d'une unité; cinq autres espèces avaient été
découvertes, également par Horsfield, à Sumatra; une, par Al.
Brovs^n, à Bornéo. Dans la Flora van NeerL Indie de M. Miquel
se trouvent encore décrites trois espèces nouvelles, toutes de
Sumatra, et dont deux recueillies par Junghuhn, une par Kort-
hals; en outre, ce dernier explorateur avait déjà décrit lui-même ,
antérieurement, une autre espèce qu'il avait observée dans le
même pays. Nos possessions des Indes orientales ont donc fourni
la majorité des espèces: Sumatra seule en compte 14, d'après
l'ouvrage de M. Miquel, cité ci-dessus. Elles croissent pour la
118 W. F. R. SURINGAR. UNE NOUVELLE ESPECE d'aRGOSïEMMâ
plupart, ainsi que Horsfield l'a fait remarquer, dans les forêts
des montagnes, à une altitude de 5 à 7 mille pieds au-dessus
du niveau de la mer.
Parmi les espèces déjà décrites, VA. coenosciadicum doit venir
se placer auprès de celle qui a été recueillie à Java par Blume,
Horsfield et Keinwardt, et que le premier de ces savants a fait
connaître sous le nom de A. montanum ^). Il s'en distingue avant
tout par l'ombelle, qui est composée et riche en fleurs (non simple ,
à 4 — 6 fleurs) , et par le défaut de développement des articles
supérieurs de la tige, ce qui a pour résultat que les feuilles su-
périeures sont très rapprochées et que l'inflorescence (sessile)
succède immédiatement aux feuilles. Ensuite, les feuilles sont en
général plus grandes, plus larges relativement à leur longueur,
plus ovées et, surtout les supérieures, arrondies à la base. Les
stipules sont dans l'A. montanum bl. plus oblongues et plus ob-
tuses; dans VA. coenosciadicum plus larges, parfois aussi larges
que longues, et, près des feuilles médianes, presque aiguës ou
acuminées. Dans cette dernière espèce les fleurs sont un peu plus
petites , les lobes du calice relativement plus larges , presque deux
fois plus courts; en outre, le bec des anthères, qui dans VA.
montanum bl. forme environ la moitié de la longueur totale de
l'anthère, est ici habituellement un peu plus court, égal à ^ de
l'anthère. Sous certains rapports, il y a donc plus d'analogie
avec VA. pauciflorum bl., qui doit en effet être regardé comme
s'en rapprochant le plus, bien que son inflorescence très pauvre
(1 — 3 fleurs) et ses feuilles membraneuses et transparentes lui
donnent un aspect tout difterent.
En ce qui concerne les poils, les feuilles de VA. montanum 'rl.
ont été décrites (Bennet, dans Horsfield PI. jav. rar., p. 92,
tab. 22) comme à poils écartés, et la figure n'en montre même
pas du tout sur les feuilles ; tandis que notre plante se fait
remarquer au premier coup d'œil par ses poils serrés et dressés.
Toutefois, j'ai reconnu que les différents échantillons à' A. mon-
• ) UA. horagineum bl. se distingue immédiatement par l'inflorescence , qui
n'est pas en cyme ombeWforme mais en cyme corymbijorme , ensuite par la forme
et la grandeur des teuilles, etc.
CONTRIBUTION A LA FLORE DE l'iNDE NEERLANDAISE. 119
tanum s'éloignent assez notablement les uns des autres quant à
la proximité plus ou moins grande des poils, et que plusieurs se
rapprochent même beaucoup, sous ce rapport, de VA. coenoscia-
diciini] en outre, dans la figure citée de VA. montmium , les pé-
doncules et le calice sont représentés, il est vrai, avec des poils
couchés; mais, en réalité, les échantillons que j'ai consultés étaient
pourvus, de même que V A. coenosciadicum , de poils longs , dressés ,
un peu crépus. Etudiés isolément, au microscope, les poils n'offrent
aussi aucune différence de l'une à l'autre des deux espèces. Dans
l'A. pauciflorum au contraire (où la feuille est en outre plus mem-
braneuse et plus transparente) les poils se distinguent par un plus
grand diamètre, tandis que dans VA. Teysmanniamum miq., par
exemple, ils ne sont pas seulement plus courts et plus minces, mais
aussi, au lieu d'être élargis à la base, un peu rétrécis en ce point.
Explication de la Planche IV.
1. Port de la plante, grandeur naturelle.
2. Une partie de la tige, avec une couple de feuilles et de sti-
pules : les stipules, dirigées en avant, ont, à dessein , été redres-
sées légèrement, afin d'en faire voir la forme.
3. Poils de la feuille, grossis 20 fois.
4. Fleur vue de côté, avec bractéoles.
5. // // en dessus.
6. Calice vu en dessus, avec le disque.
7. Corolle coupée verticalement, avec l'insertion des étamines.
8. Coupe longitudinale du calice et de l'ovaire.
9. // // trois fois grossie, perpendiculaire à la cloison.
10. // // parallèle à la cloison.
11. Coupe transversale de l'ovaire.
12. Colonne des étamines; en haut, le stigmate fait saillie.
13. Etamine vue en dedans.
14. '/ // de côté.
15. Deux étamines unies, vues en dedans.
16. Ovules grossis 70 fois.
Fig. 1, 2, 4 — 8 grandeur naturelle. Fig. 9 — 15 grossies trois fois.
DEUX NOUVEAUX GENRES
DE
CRUSTACÉS YIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS,
EPICHTHYS et ICHTHYOXENOS
PAR
J. A. HERKLOTS.
Un des groupes les plus remarquables des Crustacés est sans
contredit celui que forment les genres parasites des Cymothoadiens.
Leur histoire biologique a été peu ou point étudiée^ et, quant
à leur manière de vivre, nos connaissances se réduisent presque
à savoir qu'ils habitent sur des poissons, fixés à la peau ou aux
branchies , ou , très rarement , dans la cavité buccale.
Cette existence parasite, uniquement et exclusivement sur des
poissons, jointe à une analogie singulière d'aspect et d'organisa-
tion extérieure , fait de ces animaux un groupe des plus naturels.
Les caractères tirés des dimensions du thorax et de l'abdomen,
de la forme du front , de la conformation des pattes et du rapport
entre la longueur et la largeur du dernier segment, ont suffi
jusqu'ici pour réunir les formes relativement peu nombreuses en
genres nettement limités.
La distribution de Leach, — qui le premier assigna aux Lso-
podes, rapportés avant lui aux Insectes, leur place parmi les
Crustacés, — fondée sur ces caractères , a passé dans tous les systè-
mes postérieurs , le plus souvent modifiée seulement par la réunion ou
la séparation de certains genres; M. Milne Edwards et, après
J. A. HERKLOTS. DEUX xNOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES ETC. 121
lui, M. Bleeker furent les seuls qui ajoutèrent chacun un nou-
veau genre à ceux qui étaient déjà connus.
Là où se rencontre une pareille stabilité de la classification,
on doit l'attribuer à une de ces deux causes: ou bien la majorité
des formes existantes est connue, ou bien il y a arrêt dans les
recherches. Dans le cas actuel, je pense que la dernière cause
est la véritable.
En effet, après M. Milne Edwards, on n'a décrit qu'un petit
nombre d'espèces ; une série de quinze espèces nouvelles , telle que
celle dont nous devons la connaissance à notre savant compatriote,
M. Bleeker, est un fait absolument unique.
Mais , ce qui est encore plus significatif que le nombre presque
stationnaire des espèces, c'est le résultat auquel on arrive quand
on étudie les échantillons non déterminés qui se trouvent déjà
dans les collections. A chaque pas , on rencontre des formes qui ,
tout en présentant la plupart des caractères d'un certain genre,
en diffèrent complètement sous d'autres rapports.
Ce résultat indique en outre la nécessité de modifier les dia-
gnoses des genres existants ; mais , pour ce travail , les matériaux
recueillis, du moins ceux qui ont été rendus accessibles, ne suf-
fisent pas encore.
Comme preuve de ce qui vient d'être dit, et peut-être aussi
comme pouvant avoir quelque utilité pour le changement reconnu
nécessaire dans la classification, je me propose de donner ici la
description d'une couple de Cymothoadiens , faisant partie de la
collection du Musée de l'Etat, à Leyde.
Le tableau que donne M. Milne Edwards de la distribution de
ses Isopodes Cymothoadiens parasites — qu'il ne faut pas con-
fondre avec les Isopodes parasites de M. Harting — sépare d'abord
les formes où les segments abdominaux sont fixés ou soudés entre
eux et par conséquent immobiles. Son genre Ourozeukles , qui ne
comprend que V Ourozeukies Owenii, est isolé par ce caractère.
Tous les autres genres ont les segments de l'abdomen parfaite-
ment distincts et mobiles. A cette catégorie appartient aussi un
de nos échantillons.
122 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
Il a, de pins, la base de l'abdomen presque aussi large que
l'extrémité postérieure du thorax, et est dépourvu de prolonge-
ments spiniformes sous les angles latéraux des anneaux de l'ab-
domen. Le front est reployé en dessous et forme un écusson entre
la base des antennes. L'abdomen est assez grand et ne se rétrécit
que peu vers l'extrémité postérieure.
D'après ces caractères nous aurions affaire à une espèce du
genre Anilocra de Leach, et, comme les appendices abdomi-
naux postérieurs sont à peu près d'égale grandeur , elle appartien-
drait au genre Canolira du même auteur, qui toutefois n'est pas
adopté comme tel par M. Milne Edwards, mais seulement
comme section.
Mais la comparaison des autres caractères génériques montre
tant de différences, qu'il n'est pas possible de réunir cette espèce
avec les autres Anilocres sous une seule et même diagnose géné-
rique. La description détaillée de l'échantillon mettra ces diffé-
rences en pleine lumière et justifiera l'établissement d'un nou-
veau genre, bien qu'il soit impossible, l'espèce étant unique, de
séparer les caractères génériques et spécifiques, et, par consé-
quent, de formuler une diagnose générique.
Epichthys giganteus.
Le corps de ce plus grand de tous les Cymothoadiens connus
est très allongé, à bords latéraux très légèrement arqués; la
plus grande largeur tombe sur le cinquième anneau thoracique
et n'atteint pas même le tiers de la longueur, tandis que cette
largeur ne diffère que peu, eu égard à la longueur, de celle du
premier anneau thoracique et de celle de l'abdomen mesuré dans
sa partie la plus étroite. Par contre, le corps est fortement con-
vexe, car la plus grande hauteur, qui tombe également sur le
cinquième anneau thoracique, est égale à un peu plus de la
moitié de la largeur, sur une longueur quatre fois et demie plus
grande, non compris le dernier segment abdominal.
Le tête est large, mesurant à sa base presque la moitié de
VIVAiM EI\ PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 123
la largeur du premier segment, sur une longueur égale aux
trois quarts de sa largeur; elle est arrondie aux côtés, réguliè-
rement convexe, avec une éminence transversale sur le vertex
et des yeux très grands, ronds, à cornée lisse chez les individus
adultes. En avant des yeux le bord céphalique s'infléchit en dedans,
au-dessus des larges antennes, puis, se continuant dans le
bord frontal, il se dirige de nouveau en dehors. Le front, vu
en dessus, se termine par un bord ou une crête bien distincte
et légèrement échancrée au milieu; sa face plane montre une
légère impression; en dessous il se prolonge, entre les anten-
nes, en une languette triangulaire; c'est l'écusson triangulaire
ordinaire, qui a ici une largeur égale au tiers de celle de la
base de la tête et une longueur égale aux deux tiers de sa lar-
geur, et qui s'étend jusque sur le bord antérieur du premier
article des antennes de la seconde paire.
Les antennes de la première paire ont leur base cachée
sous la partie réfléchie du front. Elles sont courtes et n'atteig-
nent pas, le long des côtés, le bord postérieur du premier
segment thoracique. Elles se composent de huit articles , dont le
second et le troisième sont élargis en dedans, c'est à-dire en
avant, et arrondis au bord antéro-interne. Ces deux articles,
joints au premier qui, bien que non élargi, a la même épaisseur
que les deux suivants, forment en quelque sorte une tige, sur
laquelle sont implantés les cinq autres articles, plus minces, plus
arrondis et de grandeur régulièrement décroissante.
Les antennes de la seconde paire sont beaucoup plus longues
et atteignent, étendues le long des côtés du thorax, le milieu
du deuxième segment thoracique. Elles se composent de dix arti-
cles, dont les quatre premiers sont très élargis, et dont les autres
deviennent successivement plus étroits et décroissent régulièrement
en longueur.
Les parties de la bouche sont, pour autant que j'ai pu les
étudier, conformes à celles du genre Cymothoa; extérieurement,
les pattes-mâchoires se présentent sous forme de lames rectangu-
laires recouvrant la cavité buccale et s' appliquant contre la lèvre
124 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
supérieure, qui est grande, saillante et semi -circulaire , tandis
que les côtés sont occupés par les grands palpes tri-articulés des
mandibules.
Le premier anneau du thorax est aussi long que les deux
autres pris ensemble; il a le bord antérieur un peu échancré au
milieu, et des deux côtés, le long de la tête, il se prolonge en
lobes qui s'avancent jusque vers le milieu des yeux; ses bords
latéraux se dirigent, avec une courbure rapide à la hauteur des
lobes et ensuite plus douce, vers le bord postérieur fortement
courbé et un peu échancré au milieu, avec lequel ils forment des
angles aigus à sommet arrondi. Le deuxième anneau thoracique
est le plus court; les suivants sont successivement plus grands
jusqu'au sixième, qui est le plus grand de tous et mesure plus
du double de la longueur du septième ou dernier.
Les boucliers dorsaux des deux premiers segments sont coupés
postérieurement à angle droit, ceux des trois suivants sont suc-
cessivement plus arrondis, à bord latéral s'écartant en arrière
et en dehors; le sixième a le bord latéral plus droit et l'angle
postérieur droit et arrondi, tandis que dans le septième une in-
cision le partage en deux parties, dont celle de derrière forme
avec le bord postérieur recourbé en arrière, un angle aigu, en
donnant ainsi naissance à un prolongement pointu.
Le bord postérieur du second et du troisième segment est aussi
légèrement échancré sur le dos; le quatrième jusqu'au sixième
segment ont le bord postérieur droit; dans le dernier segment,
ce bord, arrivé aux côtés, se recourbe en arrière sous forme
de pointe.
Les épimères sont grands: celui du second segment s'étend
en arrière plus loin que le bord latéral de ce segment; ceux des
troisième, quatrième et cinquième segments se prolongent de
moins eu moins loin, de sorte que le bord latéral du cinquième
segment reste à moitié découvert.
Les épimères de ces segments s'avancent toutefois chacun
d'autant plus en avant, que celui qui précède se prolonge moins
en arrière, de sorte qu'ils forment à eux seuls le bord du thorax.
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 125
La forme des deux premiers est en languette allongée, à bord
postérieur large et obtus; le troisième devient déjà plus pointu à
l'extrémité, et cette forme s'accuse de plus en plus dans les
épimères suivants.
L'abdomen est relativement court et n'atteint pas la longueur
des sixième et septième segments tlioraciques réunis. Il se montre
comme partagé en quatre régions ; le milieu s'élève en une carène
large, obtuse et arrondie, sur laquelle le bord postérieur des
cinq premiers segments est légèrement échancré; de chaque côté,
le bord postérieur se dirige un peu obliquement en arrière , puis
il . s'infléchit pour passer dans les pièces latérales descendantes ,
et cette inflexion forme de nouveau une espèce de carène.
Le premier anneau , caché presque entièrement sous le thorax ,
est régulièrement arrondi au bord postérieur sur toute la face
dorsale, et ne s'étend, sur les côtés, que peu en dehors et en
dessous. Les segments suivants ont des pièces latérales de plus
en plus longues, sauf le cinquième, qui est coupé presque en
ligne droite sur la face dorsale et ne descend que peu sur les
côtés. Le dernier segment consiste en un anneau bien distinct , qui
s'élargit aux côtés pour l'insertion des appendices latéraux, et
auquel est attaché le pygidium, dont un sillon profond le sépare.
La lamelle est ovoïde pointue, sa largeur dépasse le tiers
de sa longueur, et son milieu est occupé par une carène qui,
large à l'origine, s'eiïace avant d'avoir atteint l'extrémité. Elle
se compose d'une partie antérieure^ dont l'aspect ressemble tout
à fait à celui des téguments du corps , et qui se termine en arrière ,
sur la ligne médiane, par une pointe obtuse; et d'une partie
postérieure, qui est plus membraneuse et a de l'analogie avec
les fausses pattes.
Les pattes sont toutes ancreuses et toutes de même forme. Le
fémur est comprimé latéralement , et au côté externe il est pourvu
d'un bord relevé ou crête, un peu courbé d'arrière en avant, le
long duquel s'étend, au côté postérieur, un sillon plus ou moins
profond, dans lequel se retire le tarse. La hauteur de cette crête ,
ainsi que la largeur et la profondeur du sillon, augmentent de
126 J. A. HERKLOTS, DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
la première à la dernière paire de pattes, de sorte que déjà
les cuisses de la quatrième paire possèdent un troisième côté
et sont triquètres. Le bord antérieur relevé du sillon forme
dans les trois dernières paires de pattes une saillie, petite
dans les cinquième et sixième paires, grande et inclinée en
avant dans la dernière.
Les pattes augmentent successivement de longueur, mais la
dernière paire dépasse les autres de plus d'un tiers; cet accrois-
sement porte presque entièrement sur le tibia et le tarse , la lon-
gueur du fémur étant presque la même que dans les paires pré-
cédentes.
Des pattes abdominales; celles des cinq premières paires sont
grandes , ovales , celles de la cinquième paire froncées sur la face
supérieure. Les fausses pattes de la sixième paire sont très gran-
des, implantées au bord antérieur du segment, et terminées en
deux appendices longs et étroits , dont l'extérieur est falciforme ,
tandis que l'intérieur, qui est le plus long, a une forme ovale
très allongée. Ils dépassent, bien que de très peu, le bord pos-
térieur du dernier article.
Les deux individus qui se trouvent au Musée de Leyde sont
du sexe femelle. Leur poche incubatrice est formée par de très
grands appendices ovales des cinq premières pattes thoraciques:
la lame la plus externe, qui naît en avant des pattes de la
sixième paire, s'étend en largeur jusqu'à la moitié des pattes
repliées, du côté opposé, en longueur jusqu'en avant des pattes
de la cinquième paire et jusqu'au bord antérieur des appendices
abdominaux.
La poche incubatrice était occupée par de jeunes individus,
chez lesquels on observe, de même que dans d'autres Cymothoa-
diens, une forme larvaire; la ressemblance avec les Anilocres
est ici moins frappante, à cause de la plus grande largeur du
thorax. Nos connaissances relativement aux larves observées sont
si restreintes et si imparfaites, que je ne suis pas à même de
faire ressortir, par une description comparative, les caractères
précis qui distinguent les jeunes de V Epiclithys giganteus. Je
VIVANT EN PARASITES SUR UES POISSONS ETC. 127
dois donc me borner, pour le moment, à une courte descrip-
tion isolée.
La tête est très grande, avec des yeux agglomérés, réunis
en taches oculaires ovales; les antennes sont plus longues que
chez les individus adultes et composées d'articles non élargis.
Le thorax est très large et compte six anneaux, dont le deu-
xième est le plus large et dont les suivants diminuent peu a
peu en largeur, de sorte que l'ensemble du thorax et de la tète
a une forme ovale élargie.
L'abdomen compte six articles, de longueur à peu près égale;
en largeur il concorde avec le dernier segment thoracique, et il
conserve cette dimension transversale sur toute sa longueur. Le
dernier article est onguiforme, de grandeur moyenne, et a des
appendices étroits, plus de deux fois aussi longs que l'article
lui-même. Les pattes sont très longues, minces, nulle part élar-
gies ou épaissies, pourvues d'ongles longs et peu courbés, et
ne montrant pas encore les caractères de pattes ancreuses. La
tête et les bords latéraux du thorax et de l'abdomen sont colorés
en violet foncé, et la même couleur, en teinte claire, recouvre
le corps entier.
La patrie de cette espèce ne m'est pas connue avec certitude,
pas plus que l'espèce de poisson sur laquelle elle vit; il est
probable toutefois qu'elle habite l'archipel des Indes.
Ses dimensions sont les suivantes:
longueur totale 95'''
„ de la tête 9'"
„ du thorax 49
„ de l'abdomen 36
„ du dernier segment abdominal ... 24
largeur au cinquième anneau thoracique ... 29
„ „ sixième anneau abdominal .... 19'
128 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
Si VEpichlhys , qui vient d'être décrit, paraissait au premier
abord, par beaucoup de ses caractères, appartenir aux Anilocres,
l'autre espèce que nous avons maintenant à considérer se rap-
proche le plus du genre Ourozeukles M. Edw\ , le seul de la divi-
sion à segments abdominaux soudés.
Ce n'est pas, il est vrai, dans les caractères propres à ce
genre que l'analogie se manifeste principalement ; mais tout l'aspect
extérieur indique clairement une affinité plus étroite avec ce
groupe générique qu'avec tous les autres, et la description mon-
trera qu'on peut en effet saisir, entre les deux formes, bien des
traits de famille.
M. Milne Edwards n'avait pour sa description que des indivi-
dus femelles; ayant eu à ma disposition l'un et l'autre sexe, je
pourrai donner une caractéristique plus complète.
Ichtliyoxenos Jellinghausii.
Chez les individus mâles le corps est très légèrement convexe,
ovale-allongé 5 la largeur est assez considérable, relativement à
la longueur, vu qu'elle s'élève à un peu plus de la moitié de
cette dernière. La tête est petite, triangulaire-élargie, longue des
deux tiers de sa largeur; le front s'étend en avant et recouvre
les premiers articles des antennes; il est un peu défléchi, mais
non reployé.
Les antennes sont courtes et subulées ; la paire antérieure , qui
est un peu plus courte que l'autre et atteint à peine le bord
postérieur des yeux, se compose de huit articles cylindriques,
courts et épais ; la seconde paire est plus déliée , s'étend à environ
un tiers du bord latéral du premier anneau thoracique et montre
dix articles. Les yeux sont très visibles, ovales, granulés et situés ,
à une grande distance l'un de l'autre, aux côtés de la tête.
Le thorax est ovale, sa plus grande largeur est égale à la
distance de l'extrémité antérieure de la tète à son bord postérieur ,
mesurée sur la ligne médiane. Sur la face dorsale le premier
anneau thoracique est le plus long; les suivants diminuent suc-
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 129
cessivement de longueur. En largeur , il y a accroissement du pre-
mier au troisième anneau, de sorte que les anneaux forment un
arc continu et que la plus grande largeur du corps correspond
au troisième; au-delà, les anneaux diminuent un peu de largeur,
de façon que le dernier anneau tboracique n'a plus qu'environ
les deux tiers du troisième.
Le bord antérieur du premier anneau présente au milieu une
échancrure profonde, dans laquelle est logée la tête, et comme
l'anneau entoure aussi les côtés de la tête , jusqu'au delà du bord
postérieur des yeux, il est plus ou moins courbé en fer àcbeval:
le bord postérieur forme un arc de cercle, qui, sur la ligne
médiane, se prolonge en pointe plus ou moins distincte. Le deu-
xième anneau a un bord postérieur qui n'est que peu courbé à
la surface du dos, et un bord latéral qui se dirige en avant
avec une faible arqûre. Dans le troisième, le bord postérieur est
droit ou même un peu infléchi en avant au milieu, avec des
angles latéraux arrondis.
Dans les anneaux suivants cette inflexion du bord postérieur
se prononce davantage , de sorte que le sinus sur le dos devient de
plus en plus grand et que les anneaux s'élargissent de plus en plus
sur les côtés; Téchancrure du dernier anneau mesure un tiers de
la distance des extrémités de cet anneau, et elle enveloppe plus
de la moitié de Tabdomen, l'article terminal non compris.
Les épimères du second et du troisième anneau forment de
simples bordures, qui sont étroites et occupent tout le côté de
l'anneau: aux anneaux suivants, ils se montrent sous forme de
tubercules, dans les incisions qui séparent les segments, au bord
antérieur du segment auquel ils appartiennent.
L'abdomen, bien que se détachant distinctement, n'est pas
beaucoup plus étroit que le dernier anneau tboracique; il a les
bords presque parallèles et ne se rétrécit pas vers l'extrémité.
Son premier anneau est recouvert sur les côtés par les parties
latérales, rejetées en arrière, du dernier anneau tboracique; les
autres anneaux sont tout à fait libres. Ils sont courts, régulière-
ment infléchis en arrière sur les côtés, et à sinus dorsal de plus
Archives Néerlandaises, T. V. 9
130 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
en plus effacé. Sur la partie médiane de la face dorsale des
segments abdominaux s'élève une carène bien distincte, qui, sur
le premier article, occupe toute la largeur entre les ailes latérales
du dernier segment thoracique, et, sur le dernier article, se
termine en une espèce de tubercule. Le dernier anneau abdominal
a le bouclier dorsal onguiforme et les bords libres un peu rabat-
tus, ce qui le fait paraître cordiforme.
A la face inférieure on voit les pattes, qui sont de grandeur
moyenne et toutes pourvues d'ongles en crochet; le premier article
du tarse est plus grand et plus épais que les autres, mais non
élargi. Repliées, c'est-à-dire amenées dans leur position naturelle,
les pattes ne laissent voir qu'une très petite partie des anneaux
thoraciques ; de ceux-ci , le troisième et le quatrième sont les plus
longs, et le dernier possède deux appendices en forme de mame-
lons, qui sont partagés sur ia ligne médiane par une scissure
distincte, s'étendant à une profondeur égale aux deux tiers de
la longueur de l'organe.
Les appendices foliacés des pattes abdominales sont entièrement
recouverts par les deux appendices juxtaposés du premier anneau ;
ils sont oblongs, terminés en pointe arrondie; la membrane de
l'avant-dernier anneau n'est pas froncée.
Les appendices du dernier article sont de même longueur, dé-
passant un peu le bouclier, lancéolés-aigus.
Les individus femelles ont presque le double de la taille des
mâles. La largeur du corps est égale aux deux tiers de sa lon-
gueur; il a une forme assez régulièrement ovoïde et est plus
convexe sur le dos.
La tête , proportion gardée , est semblable à celle du cf ; les
antennes sont plus courtes, les antérieures atteignent la moitié
des yeux, les postérieures dépassent les yeux très légèrement;
leurs premiers articles sont cachés par la saillie du front.
Les parties de la bouche sont situées plus en avant, mais
du reste conformées d'après le type fondamental des Cymo-
thoadiens.
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 131
Les anneaux du thorax ont sur la ligne médiane du corps les
mêmes rapports de longueur que chez le ^ , mais , quant à la
forme, elle n'est semblable que pour le dernier anneau.
Le premier, large et cernant entre ses prolongements tronqués
la tête jusqu'au bord inférieur des yeux, a les bords latéraux
droits, et le bord postérieur presque droit ou courbé très légère-
ment en arrière. Le bord postérieur du second anneau est droit;
le troisième montre une faible courbure en arrière, et les sui-
vants sont de plus en plus courbés en ce sens, de même que
chez le c? , niais avec un développement plus prononcé des pièces
latérales, de sorte que les prolongements latéraux du dernier
segment thoracique ne recouvrent pas seulement le premier anneau
abdominal, mais s'étendent jusque sur le troisième.
Les épimères sont tous analogues à ceux des quatre derniers
segments thoraciques chez le d^ ; ils constituent des épaississements
tuberculeux au bord antérieur de leurs segments respectifs; ceux
du deuxième et du troisième forment des prolongements, qui en-
cadrent les côtés du segment précédent. En grandeur, les épimè-
res décroissent régulièrement.
L'abdomen est aussi large à sa base que le dernier anneau
thoracique sans les épimères; sa longueur, le pygidium non
compris, est égale à la distance des pièces latérales du dernier
segment thoracique. Les anneaux sont courts, de longueur crois-
sante, de sorte que l'avant-dernier est le plus long. Leur bord
postérieur est régulièrement courbé, sauf dans l'avant-dernier
anneau, où le bord est droit, les pièces latérales seules étant
courbées en arrière et en dehors. La carène, sur le milieu de la
face dorsale de l'abdomen, est plus large et moins prononcée
que chez le mâle. Le dernier segment abdominal a la même
forme que chez celui-ci.
Les pattes sont toutes des pattes ancreuses et augmentent en
grandeur, bien que faiblement, de la première à la dernière
paire. Le premier article du tarse s'élargit régulièrement, du côté
interne, dans les paires successives, et est surtout développé, et
de plus fortement comprimé, dans la dernière paire.
9*
132 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
Les appendices abdominaux sont oblongs, à bord interne pas-
sablement droit , et allongés en pointe ; ceux du dernier article
sont étroits et terminés en pointe aiguë, de grandeur égale, et
ne dépassant que de très peu la pointe du pygidium.
A la face inférieure du thorax se voit, entourée comme d'une
couronne par les courtes pattes, la poche incubatrice, qui est
très gonflée dans tous les individus et fait même, chez la plu-
part, saillie au-delà des pattes, ce qui doit être attribué au
développement plus avancé des jeunes. La couverture de cette
cavité se compose de membranes squamiformes , rondes, dont
chacune des suivantes recouvre partiellement celle qui la précède,
tandis que celles d'un côté recouvrent aussi en partie celles de
l'autre. Chez un individu où cette poche incubatrice était très
dilatée et où je la débarrassai de la couvée qu'elle renfermait,
les membranes en question gardèrent une position telle qu'il res-
tait une ouverture entre les deux avant-derniers appendices des
deux côtés.
Les jeunes individus offrent, quant à la forme générale, beau-
coup de rapports avec les adultes du genre Anilocre, mais non
avec la larve d'une espèce, figurée par M. Milne Edwards. Ils
montrent les caractères ordinaires des larves, une grande tête et
de grands yeux, des antennes subulées à articles de même lar-
geur , des segments dont les bords suivent des directions parallèles.
Le dernier segment abdominal est proportionnellement court, en
forme de bouclier; il a des appendices lancéolés, qui sont de
moitié plus longs que le bouclier lui-même, et qui, tout comme
celui-ci, sont couverts de longs poils.
Tout le corps, ainsi que les pattes, est couvert de dessins
noirs, ramifiés et étoiles, qui sont surtout alignés le long des
bords postérieur et latéral des segments , plus entassés sur le corps
du dernier segment.
Ces petites étoiles s'observent aussi sur les individus adultes;
mais ordinairement ce ne sont alors que des points noirs, dissé-
minés parcimonieusement sur tout le bouclier dorsal, nombreux
surtout à la surface de la tête.
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. l33
Les dimensions sont les suivantes:
cf *
longueur totale 10 ' ^' 19 '''
„ de la tête l/^'5 2 "'
„ du thorax b'" ^,'"b
„ de l'abdomen 3/'^5 l/"b
„ du dernier segm. abdom. . . 2 ''' 4
largeur au troisième anneau thor. ... 6 ''' 12
sixième anneau abdom. . . 2/''5 4/''5
jj j?
Le parasite dont la description précède est le même que celui
dont j'avais signalé au mois de décembre de Tannée passée, dans
une communication préliminaire, i) le genre de vie et l'habitat,
ignorant que M. Bleeker eût déjà attiré l'attention sur ces faits
longtemps auparavant. La particularité que l'espèce présente par
rapport à son séjour me paraît exiger que l'histoire soit rap-
portée ici en son entier.
Dès 1860, 2) M. Jellinghaus, alors Résident-adjoint de Sou-
madang , écrivait à la Société physique des Indes néerlandaises :
„Dans la petite rivière de Tjikerang, district de Tjilokotot,
régence de Bandong, on trouve des poissons qui ont dans le
ventre un trou, dans lequel est logé un petit animal paraissant
appartenir au genre des Crustacés.
„A ma prière, un grand nombre de ces poissons furent pris
en cet endroit, et tous sans distinction, grands et petits, mon-
traient la même particularité, tandis que, à ce que m'ont assuré
les indigènes, cela n'est pas le cas dans la rivière voisine, où
cette espèce de poissons se rencontre également.
„ D'après les renseignements des indigènes, le nom du poisson
est B enter y et celui de l'animal en question Songkeat."
*) Proces-verhual van de gewone vergadering der afdeeling Natuurkunde van
de Koninkl. Akad. van Wetensch. 1868 — 1869, No. 6.
*) Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Indie, publié par la Société
physique des Indes néerlandaises, T. XXII, p. 378, dans le Compte rendu de
la réunion du Conseil du 28 juin 1860.
134 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACES
A cette lettre étaient joints des exemplaires du poisson^ qui
furent reconnus par M. Bleeker comme appartenant au genre
Sijstomus (Barbodes) , mais sur lesquels on ne trouva pas la par-
ticularité signalée. Le Conseil de la Société invita M. Jellinghaus
à envoyer de nouveaux exemplaires ; les comptes rendus ne nous
apprennent pas s'il fut satisfait à cette demande.
L'ancien Gouverneur général de l'Inde néerlandaise, M. L. A.
J. W. Sloet van de Beelen, pendant un voyage qu'il fit à l'in-
térieur de Java, eut connaissance de la particularité dont il s'agit,
et, grâce au bienveillant intérêt de son Excellence, le Musée
d'histoire naturelle de Leyde entra en possession de différents
exemplaires, tant du poisson que du crustacé.
D'après les étiquettes qui accompagnaient ces objets, ils avaient
été recueillis par M. Jellinghaus, dans la rivière déjà mentionnée
par sa lettre, et ils portent dans le pays les noms de Benter
et de Songkeat. M. Bleeker donna au poisson le nom de Puntius
(subg. Barhodes) maculatus. L'envoi dont je viens de parler ayant
remis le fait lui-même en mémoire à M. Bleeker, ce savant trouva
dans sa collection deux exemplaires du poisson, sur lesquels se
rencontrait le Songkeat, exemplaires qu'il soumit à TAcadémie
royale d'Amsterdam dans une de ses séances. ')
Le fait existe chez tous les exemplaires du poisson reçus par
le Musée de Leyde, exemplaires qui diffèrent d'ailleurs notable-
ment sous le rapport de la taille et par conséquent de l'âge, le
plus petit ayant cinq centimètres de longueur, tandis que le
plus grand en mesure huit et demi.
Les téguments extérieurs du poisson sont percés d'une ouver-
ture transversale, au-dessous où immédiatement en arrière des
nageoires ventrales. Relativement à l'individu cette ouverture est
considérable, mais par rapport au parasite elle est insignifiante,
vu qu'elle atteint tout au plus un quart de la largeur de la femelle.
Elle conduit dans une cavité en forme de poche, qui monte
obliquement en se dirigeant vers l'extrémité antérieure du pois-
) Proces-verbaal etc. 1862 — 63.
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 135
son, et qui est formée simplement par écartement des parties
internes, car on n'observe aucune déchirure des membranes.
Chez un de nos exemplaires il existe, immédiatement derrière
les nageoires ventrales et sur la ligne médiane du corps, une
seconde ouverture, qui a une direction longitudinale, et qui ne
paraît être due qu'à un déchirement accidentel, occasionné par
la distension assez forte de la peau. Elle aboutit dans la même
cavité où conduit l'ouverture transversale.
Mais il y a un autre individu qui présente de chaque côté de
la ligne médiane une ouverture donnant dans une poche distincte ,
et chez lequel ces deux poches, entièrement séparées par une
cloison membraneuse, sont occupées chacune par des parasites.
Chaque cavité contient un couple de ces parasites, mâle et
femelle. La femelle a le dos tourné vers la paroi extérieure, et
le mâle est placé au-dessus d'elle; dans tous les échantillons que
j'ai vus, ce dernier était appliqué par le dos sur la face ventrale
de la femelle, les extrémités postérieures des deux individus se
trouvant à la même hauteur, immédiatement au-dessus de la
surface de la peau du poisson.
Un pareil habitat est jusqu'à présent un fait absolument isolé
chez ces parasites.
La plupart des Cymothoadiens vivent en parasites sur la peau
des poissons, Cxjmoîhoa Stromalei Bleeker vit dans la cavité buc-
cale du Stromatus niger y mais je ne connais aucun autre exemple
d'une espèce de ce groupe, perforant les téguments de son hôte
et y demeurant constamment à l'état d'accouplement.
Du rapport entre le diamètre de l'ouverture et la largeur beau-
coup plus considérable de la femelle, on doit conclure que c'est
dans le jeune âge que celle-cî vient occuper sa demeure. La
taille moindre du mâle lui permettrait à la rigueur d'entrer et
de sortir, vu l'élasticiié de la peau du poisson à l'état vivant,
et l'on pourrait supposer d'après cela qu'il ne visite le séjour de
la femelle que pour s'accoupler. Mais ce qui prouve que tel n'est
pas le cas, c'est d'abord la place que le mâle occupe dans îa
cavité, derrière ou au-dessus de la femelle, et ensuite la circon-
136 J. A. HERKLOTS. DEUX NOUVEAUX GENRES DE CRUSTACÉS
stance que la plupart des femelles ont la poche incubatrice en-
tièrement remplie d'œufs ou d'embryons, — on en a compté
quatre-vingt-quatre chez une seule femelle , — ce qui leur fait
prendre un tel accroissement qu'on ne peut guère se figurer la
possibilité d'un mouvement dans la cavité.
Il est à remarquer que le poisson ainsi habité appartient aux
poissons d'eau douce, *) parmi lesquels il n'est encore que la
seconde espèce chez qui on ait observé des parasites de ce
groupe, ceux-ci ne se trouvant en général que dans la mer.
Quant aux relations entre les deux nouveaux genres et ceux
qui étaient déjà connus, ainsi qu'à la place qu'ils devraient prendre
dans la série systématique, c'est un sujet auquel je crois ne pas
devoir toucher pour le moment. L'étude d'autres représentants du
groupe, qui existent dans notre Musée ou que j'espère pouvoir
y réunir, ouvrira certainement de nouveaux points de vue et
rendra les rapports entre les différentes formes plus clairs qu'ils
ne le sont encore actuellement. Ailleurs également, des espèces
et des genres inconnus seront rassemblés et décrits, et c'est ainsi
que nous arriverons à la connaissance de la majorité des formes
existantes, seule base possible d'une classification stable.
1) M. le Dr. E. von Martens a traité dernièrement (Troschel's Archiv f. Na-
turgescUchte , T. XXXIV, 1868) des animaux marins qui se rencontrent dans
l'eau douce. Il cite un grand nombre d'exemples dans différentes classes anima-
les , entre autres , dans celle des Crustacés. Dans la section des Isopodes nageurs
il mentionne la famille des Sphaeromacés , dont une espèce a été trouvée au
Japon, et les deux tribus de la famille des Cymothoadiens ; de la première de ces
tribus , celle des Errants , il nomme une espèce à'Aega , découverte par lui dans
la rivière Capouas , à l'intérieur de Bornéo , tandis que la seconde tribu , celle
des Parasites , n'est représentée que par le Cymothoa amurensis Gerstfeld , observé
sur le Cyprinus lacustris dans la rivière Amour. A cet exemple, l'observation de
M. Jellinghaus est venue en ajouter un second.
VIVANT EN PARASITES SUR DES POISSONS ETC. 137
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
(Voyez planche V.)
Epichthys giganteus.
Fig. 1. Femelle, grand, nat.
„ 2. Front, vu en dessous, f.
„ 3. Antenne gauche de la première paire, |.
„ 4. „ „ de la seconde paire, f.
„ 5. Patte droite de la troisième paire, \.
„ 6. „ „ de la cinquième paire, f.
„ 7. „ „ de la septième paire, ^.
„ 8. Appendice gauche du dernier article, vu du côté
supéro-intérieur , grand, nat.
„ 9. Le même, vu du côté externe, grand, nat.
Ichthyoxenos Jellinghausii.
Fig. 10. Mâle, vu en dessus, 4-
„ 11. Femelle, vue en dessus, |.
„ 12. La même, vue en dessous, }.
13. Antenne gauche de la première paire, j
25
T
14. ,, „ de la seconde paire, \^.
15. Patte droite de la troisième paire, |.
16. „ ,. de la cinquième paire, y.
17. „ „ de la septième paire, f.
18. Appendice gauche du dernier article, vu en
dessus , \.
OBSERVATIONS SUR LES
CARACTERES ET LA FORMATION DU LIÈGE
DANS LES DICOTYLÉDONES ,
N. W. P. RAUWENHOPF.
Il n'y a aucun organe sur lequel les recherches soient demeu-
rées aussi incomplètes que sur le liber: voilà ce qu'écrivait, il y
a quelques années, M. Hugo de Mohl, dans un mémoire où il
nous faisait connaître mainte particularité importante concernant
cette partie de la plante ^). Il aurait pu hardiment, à cette
époque, généraliser davantage cet énoncé et l'appliquer à l'écorce
tout entière.
Depuis ce temps, plusieurs botanistes ont publié des travaux
de grand mérite, qui ont notablement augmenté les connaissan-
ces que nous possédions sur ce sujet.
Mais, même après ces recherches des dernières années, il s'en
faut encore de beaucoup que nous ayons une intelligence com-
plète de la composition de l'écorce, de son développement et des
changements qu'elle subit.
Je pense donc que ce ne sera pas répéter purement des choses
connues, que de communiquer ici quelques-uns des résultats de
mes observations sur le liège, partie de l'écorce dont l'étude
m'occupe depuis longtemps.
Rappelons d'abord, en quelques mots, l'historique de la question.
') Einige Ândeutungen ûber den Bau des Bastes, dans: 5o^. ^e;V. 1855 , p. 873.
N. W. P. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES ETC. 139
Anciennement, on a émis bien des opinions différentes sur la
nature et la signification du liège et du liber. Mais il est
tout à fait superflu de mentionner ici ces opinions, soit parce
que les observations sur lesquelles elles reposent, datent d'une
époque où la connaissance anatomique des plantes était encore
très imparfaite, soit parce que M. Hugo de Mobl, dans un ex-
cellent travail publié en 1836, a déjà donné un aperçu de ces
théories anciennes.
Ce travail est devenu le point de départ de toutes les recher-
ches postérieures, et beaucoup des résultats fournis par ces
recherches ne sont que la confirmation de ce que M. de Mohl
avait déjà trouvé.
M. de Mohl distingue quatre couches dans l'écorce de la branche
d'un an: Vépiderme, la couche subéreuse j composée de 3 — 5
rangées de cellules à parois minces, incolores, sans contenu gra-
nuleux; la couche parenchijmateuse y formée d'un nombre plus ou
moins grand de cellules à parois minces, renfermant de la chlo-
rophylle; le liber j qui contient les fibres allongées , et qui, à un âge
plus avancé , se compose de couches distinctes, disposées en feuillets.
Cette division, empruntée à la structure du chêne-liége, a été
suivie par la plupart des auteurs postérieurs. Nous pouvons
l'adopter également, avec une légère modification. Si l'on étudie,
en effet, un état de développement moins avancé que celui décrit
par M. de Mohl, on ne trouve pas de liège sous l'épiderme,
mais quelques couches de cellules parenchymateuses d'une forme
différente de celles qui composent la couche de parenchyme avec
chlorophylle de M. de Mohl; dans beaucoup de cas c'est du col-
lenchyme, qui touche alors à l'épiderme. Lorsque la couche su-
béreuse décrite par M. de Mohl est déjà développée, l'épiderme
n'existe souvent plus qu'en partie, çà et là, et, en tout cas,
ses fonctions ont cessé. Pour que nous puissions nous rallier à
la division de M. de Mohl, il faut donc comprendre par couche
subéreuse la couche qui , plus tard , donne fréquemment naissance
à du liège.
Après la publication de ce chef-d'œuvre, il se passa un temps
140 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
assez long avant que le sujet donnât lieu à de nouvelles recher-
ches spéciales. Dans la description de plantes ou de familles
particulières on fit bien mention également du liège: c'est ainsi
que M. Schleiden parle de cette partie dans son Anatomie des
Cactées, et que MM. Hartig et Schacht communiquent aussi dif-
férentes observations qui la concernent. Mais, en général, on
s'en tint aux résultats des recherches de M. de Mohl, lesquel-
les, comme la plupart des autres travaux du même maître, ne
peuvent être étudiées sans rappeler, suivant les paroles de
M. Schleiden, les larmes d'Alexandre.
Le travail le plus important qui a paru sur le liège, depuis le
mémoire de M. de Mohl , est celui que M. Hanstein a publié sous
le titre de: Untersuchungen ûber den Bau und die Entwickelung
der Baumrinde, 1853. Prenant pour point de départ les recher-
ches de M. de Mohl, avec lequel il est d'accord dans la plupart
des cas, M. Hanstein cherche surtout à faire mieux connaître
l'histoire du développement du liège. A cet effet, il a étudié et
décrit avec détail 17 espèces différentes d'arbres, et il a éclairé
ses observations par d'excellentes figures. Les vues générales aux-
quelles il a été conduit peuvent se résumer ainsi:
Pendant que le tronc continue de s'accroître par la formation
de tissus secondaires aux deux côtés du cambium, l'écorce pri-
maire a allongé et multiplié ses cellules dans la direction pé-
riphérique. Dans la direction du rayon elle ne ' donne , en gé-
néral, lieu à aucun développement; elle laisse ce soin à l'écorce
secondaire.
L'épiderme, cessant bientôt de pouvoir suivre la croissance du
tronc, se déchire. Du liège vient le remplacer. Les cellules exté-
rieures du parenchyme , en se multipliant , ont formé un tissu propre
à protéger les parties vivantes contre les influences du dehors. Ces
cellules ne se prêtent pas à l'échange osmotique des liquides. Par
suite, elles ne restent que peu de temps en vie. Cette enveloppe
subéreuse contient des cellules parenchymateuses de formes très
diverses, mais toujours elle est caractérisée par la matière par-
ticulière qui constitue ces cellules, par leur mode de développe-
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 141
ment et par leur disposition régulière. M. Hanstein appelle ce
tissu périderme, nom que M. de Mohl avait employé dans un
sens plus restreint ^ pour indiquer spécialement les cellules subé-
reuses tabulaires.
Avec les progrès de l'âge, la première couche de périderme
ne peut plus, dans beaucoup de plantes, suivre le développe-
ment du tronc. Au commencement, le périderme se renouvelle à
la face interne à mesure qu'il se détruit au côté externe; mais
bientôt du périderme se forme dans des couches plus profondes,
et celui qui est situé en dehors se dessèche et meurt.
Après cette description , en général exacte , bien que demandant
çà et là à être confirmée et étendue, les études sur le liège ont
de nouveau subi un temps d'arrêt assez long, savoir, jusqu'au
travail développé que M. Sanio lui a consacré il y a peu
d'années (Pringsheim's Jahrh., II, p. 39). Ce savant s'est surtout
proposé d'observer, dans différentes plantes, les premières phases
de la formation du liège ; il en a étudié avec beaucoup de soin
les états les plus jeunes, et, sous ce rapport, il a notablement
étendu notre horizon. Mais il ne s'est pas occupé de Fécorce de
plantes plus âgées.
Ce travail est le dernier de quelque importance qui me soit
connu. Moi-même j'ai suivi cette question avec intérêt depuis plu-
sieurs années, et j'ai répété la plupart des recherches auxquelles
elle a donné lieu. Le plus souvent j'ai trouvé ainsi la confirma-
tion de ce que d'autres avaient fait connaître; dans quelques cas
toutefois, mes observations indiquaient des inexactitudes et des
lacunes que j'ai cherché alors, autant que possible, à redresser
ou à combler. Je me suis convaincu surtout que nous aurions,
en général, une idée plus complète de la partie en question, si
l'on avait toujours suivi son développement depuis les états les
plus jeunes jusqu'aux plus avancés. En 1859, j'ai essayé de
donner un aperçu de ce développement successif de l'écorce pour
le Rohinia Pseudo- Acacia (Ned. Kruidk. Archief, T. V, p. 1 — 28).
Postérieurement, j'ai étudié de la même manière un grand nom-
bre d'autres plantes. J espère pouvoir faire connaître plus tard
142 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
ces observations avec tous leurs détails. En ce moment je veux
présenter seulement, comme résultats provisoires de mes recher-
ches, quelques remarques sur:
1°. les formes des cellules du liège,
2^. leur mode de multiplication,
3^ la place où le liège prend naissance normalement,
4". les changements qui interviennent, sous ce rapport, à
un âge plus avancé de la plante.
I. Formes des cellules du liège.
Il y a, comme M. de Mohl en a déjà fait l'observation, deux
formes principales, deux types de cellules subéreuses; l'un est
celui des cellules cubiques^ l'autre celui des cellules tabulaires.
Les cellules cubiques sont ordinairement à parois minces , trans-
parentes, à contours foncés, par suite de la grande force réfrin-
gente des parois. Le contenu est de l'air. Souvent les parois,
surtout dans la direction radiale, sont ondulées ou sinueuses.
On les trouve avec ces caractères chez nombre de plantes
telles que: Sambucus nigra, Aesculus Hippocastanum ^ Lonicera
Caprifolium, Quercus suber , Morus nigra, Rhus Colinus y Rhus
typhiniim. Toutefois, il y a encore des différences considérables
dans l'épaisseur des parois de cette forme de cellules; on n'a
qu'à comparer, par exemple, sous ce rapport, Iq Syringa vulgaris
et le Morus nigra. Dans cette dernière espèce les cellules se rap-
prochent souvent du type tabulaire.
Chez les Syringa, Larix , Rerberis, Philadelphus , les cellules
continuent encore longtemps à croître dans la direction du rayon
et deviennent ainsi allongées radialement , avec des parois sinueu-
ses. Ce n'est que chez un petit nombre de plantes qu'elles con-
servent leur forme cubique à un âge plus avancé. Le plus sou-
vent, l'accroissement du tronc est cause que les cellules se
développent principalement dans la direction périphérique, pour
qu'elles puissent continuer à embrasser la circonférence agrandie.
Les modifications qu'on rencontre dans ce cas sont d'autant
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 143
plus considérables que les parois des cellules sont plus minces
et plus extensibles. C'est ainsi que les cellules subéreuses du
Vilis vinifera, du Philadelphus coroiiarius , du Ribes rubrum ,
d'abord cubiques ou même allongées radialement^ deviennent
peu à peu allongées dans le sens périphérique.
Bien que les cellules cubiques, comme il a été dit, aient en
général des parois minces, on trouve pourtant des exceptions à
cette règle, par exemple, chez le Morus nigra et surtout dans la
vieille écorce de VAbies excelsa. Parfois, il arrive aussi que la
paroi n'est épaissie que d'un côté; on en voit un exemple re-
marquable dans le Larix europaea, où la paroi supérieure ou
inférieure offre seule une épaisseur considérable et montre de
plus des canaux ponctués.
Les cellules cubiques épaissies et allongées périphériquement
forment la transition au second type principal, celui des cellules
tabulaires. Ici les parois sont presque toujours épaissies, parfois
à un très haut degré, et alors souvent colorées en jaune. Dans
les cellules on trouve en ce cas un contenu brun , opaque , trouble.
Les cellules subéreuses tabulaires , dont la plus grande dimension
est toujours parallèle à la surface de la plante, forment quelque-
fois, chez des plantes déjà âgées, une couche dense qu'on ap-
pelle périderme.
Il y a du reste, ici également, une grande différence dans le
rapport des deux dimensions: presque cubiques chez le Cytisus
Laburnum^ les cellules sont plates dans le Querciis pedunculata ^
le Q. siiber à l'état de jeunesse, le Larix, le Betula; très plates
dans le Tilia grandi folia , le Populus tremula et surtout dans le
Fagus silvaiica. Les cellules très plates sont souvent convexes au
côté extérieur, et alors reconnaissables surtout à leur contenu
obscur; c'est ce qu'on voit d'une manière très nette dans Fécorce
âgée du Fagus silvatica et de la racine de Ratanhia.
Les deux formes principales de cellules du liège se rencontrent
très fréquemment dans la même plante en couches alternatives,
composées en majeure partie tantôt de l'une, tantôt de l'autre
espèce. M. de Mohl et M. Schacht ont même puisé dans ce fait
144 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
des caractères propres à distinguer Fécorce d'un arbre de celle
d'un autre, et tous les deux ont fondé en grande partie leur
distribution des arbres qui produisent du liège ^ sur la présence
des deux espèces de cellules et sur leur proportion relative. Bien
que l'observation soit exacte, comme on peut s'en assurer chez
le Belulaj le Quercus , etc., les deux formes passent pourtant l'une
à l'autre d'une manière trop insensible, pour qu'on puisse y trou-
ver une base fixe de classification. Cela devient surtout évident
quand on examine l'écorce d'arbres âgés, par exemple celle du
Pinus sylvestris. Dans les couches subéreuses qui contribuent à
former ces vieilles ècorces, on trouve souvent des formes diffé-
rentes de celles qui sont propres à la jeune branche. La distinc-
tion est donc extrêmement difficile. En général, les cellules
tabulaires paraissent prendre naissance quand le développement
des cellules cubiques s'arrête, de sorte qu'une couche de liège,
composée de cellules de cette dernière espèce, est ordinairement
limitée à l'intérieur par des cellules tabulaires. Il est possible que
ce changement dans la forme des cellules soit dû à la même
cause à laquelle M. Sachs [Lehrb. cl. Bofanik, p. 409) est porté
à attribuer la différence de forme des cellules du bois printanier
et du bois autumnal, savoir, à ce que les tissus qui prennent
naissance à l'automne sont soumis, dans la direction radiale, à
une pression plus forte que ceux dont la formation a lieu au
printemps.
En ce qui concerne la nature chimique des parois des cellules
du liège, on les a regardées autrefois comme composées d'une
matière particulière , appelée subérine. Cette matière semblait dis-
tinguée de la cellulose par l'action différente que font éprouver
aux deux substances l'acide sulfurique et l'acide nitrique.
Quelques-uns admettaient même dans la subérine la présence
de l'azote. D'après les recherches postérieures toutefois, la paroi des
cellules du liège doit être regardée comme consistant en cellulose
pénétrée de graisse, de cire, de résine ou de lignine. Cette
opinion trouve surtout un appui dans la circonstance que l'acide
subérique, qui se forme par l'action de l'acide nitrique sur le
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 145
liège, prend également naissance dans l'oxydation des matières
grasses sous l'influence de l'acide nitrique.
Cette manière de voir est aussi confirmée par une observation
que j'ai faite sur le liège frais du Quercus suber, où un certain
nombre de rangées des cellules subéreuses les plus jeunes deve-
naient rouge violet par l'action du mélange de chlorure de zinc
d'iode et d'iodure de potassium, tandis que toutes les autres
cellules prenaient, comme d'ordinaire, une teinte jaune brunâtre.
Les premières contenaient aussi encore de l'humidité, et se dis-
tinguaient sur une coupe fraîche, même à l'œil nu, comme une
couche différemment colorée.
IL Mode de naissance et de multiplication des
cellules du liège.
La manière dont les cellules du liège prennent naissance est
demeurée longtemps inconnue et ce n'est que dans les derniers
temps qu'elle a été èclaircie. Il est vrai qu'elle n'est pas toujours
facile à observer.
M. de Mohl n'a pas traité ce point dans son travail classique;
il s'est borné a l'étude de plantes dans lesquelles la première
apparition du liège avait déjà eu lieu. M. Hanstein ne s'est
également occupé que du développement et des modifications ulté-
rieures des couches subéreuses, bien que, en quelques endroits
de son mémoire, il parle de la multiplication cellulaire qui donne
naissance aux cellules du liège et lui assigne pour siège la rangée
de cellules située sous l'épiderme. M. Schleiden, qui a examiné
la question de l'origine des cellules, déclare ne pas être parvenu
à l'élucider complètement. Il met cette origine en connexion avec
l'accumulation supposée d'une masse mucilagineuse jaunâtre dans
les cellules épidermiques , laquelle finirait par faire éclater les
parois latérales de ces cellules, en soulevant les parois supérieu-
res réunies sous forme de membrane continue. En même temps,
des cellules subéreuses prendraient naissance dans cette matière.
Ces vues ne seront probablement plus défendues par personne.
Une idée plus exacte du phénomème a été donnée par M. de Mohl ,
Archives Néerlandaises, T. V. 10
146 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
dans une figure représentant la formation du liège chez le Cereus
periivianus (Vegetab. Zelle, p. 58). M. Schacht a décrit cette for-
mation chez deux autres Cactées (Die Pflanzenzelle, p. 239,
Anal. il. Phys. der Gew. I. p. 287); elle aurait lieu, d'après lui,
dans les cellules de l'épiderme.
Mais le sujet a été étudié pour la première fois d'une manière
exacte et approfondie par M. Sanio, en 1859 (Pringsheim's /aArè.
/. wiss. Bot. II; Livr. 1, p, 38 — 108). Selon cet observateur,
la cellule subéreuse prend toujours naissance par une multiplica-
tion, une division, due à l'apparition de cloisons placées dans
le sens tangentiel. Faisant usage d'un procédé très heureux pour
obtenir des coupes minces, et débarrassant par un lavage les
cellules de leur contenu, il est parvenu à découvrir la naissance
première et la multiplication des cellules subéreuses, ce qui
n'avait réussi à aucun de ses devanciers. Dans la division en
question il signale les variétés suivantes:
a. Elle peut être purement centripète ^ c'est-à-dire, que lors-
qu'une cellule a subi une division, la cellule-fille inférieure se
partage de nouveau en deux autres cellules, dont la supérieure
devient subéreuse; et ainsi de suite.
t). Elle peut être purement centrifuge, quand, des deux cellules-
filles formées en premier lieu, c'est l'extérieure qui se divise de
nouveau; le même phénomène se répétant continuellement.
c. Entre ces deux modes fondamentaux on observe en outre,
d'après M. Sanio, plusieurs modes intermédiaires, savoir:
Une division centripète-intermédiaire , dans laquelle les deux
premiers partages sont centripètes , tandis que le troisième se fait
dans la plus extérieure des deux celluli^-fiUes formées en dernier
lieu. Les deux divisions suivantes sont alors de nouveau centripètes.
d. Une division centrifuge-réciproque , quand, de la direction cen-
trifuge, la division saute pour ainsi dire dans la direction cen-
tripète. Il se forme d'abord, en direction centrifuge, 3, 4 à 5
cellules-filles, après quoi le partage cesse et les cellules-filles
extérieures , au nombre de 1 , 2 ou 3 , commencent à se changer
en liège. La cellule interne ou les deux cellules internes devien-
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 147
nent alors du parenchyme cortical (Korkrîndenzellen) , et la cel-
lule-fille située eiitre elles et les cellules subéreuses continue plus
tard la division dans la direction centripète.
e. Enfin, nue division cenfrifuge-intermêdiaire , qui diffère peu de
la précédente. Ici, le second partage se fait dans la cellule-fille
externe; des deux cellules-filles auxquelles il donne naissance,
l'externe devient subéreuse et Tinterne continue la division dans
la direction centripète, tandis que la plus intérieure des cellules
formées en premier lieu devient du parenchyme cortical.
J'ai répété les recherches dont il vient d'être question, et j'ai
trouvé d'un excellent usage la méthode qui y est indiquée. Le
résultat de M. Sanio, que les cellules du liège prennent toujours
naissance par division de cellules-mères, a été entièrement con-
firmé par mes observations. Aucune exception ne m'est encore
connue, de sorte que je diffère complètement d'avis, à cet égard,
avec M. Cas. de CandoUe, qui, dans un écrit publié en 1860,
soutient l'opinion que le premier liège de bonne qualité (dit liège
femelle) naîtrait par formation cellulaire libre.
Pour ce qui regarde toutefois les divers modes de division
admis par M. Sanio, leur distinction me paraît un peu trop sub-
tile, et, avec tout le soin possible, je n'ai pas réussi à les re-
trouver toujours tels qu'il les a décrits. J'ai bien vu, par exemple
chez Betula alba, Berheris vulgaris , Rhus Cotinus et typhinum,
des divisions répétées dans la direction centrifuge , et chez Daphne
Mezereum et Sorbus aucuparia une division centripète; mais je
n'ai pu saisir distinctement les modes intermédiaires. Je dois
avouer aussi que je n'attache pas une très grande importance à ce
que la 3^ ou 4^ cellule-fille soit la plus intérieure ou la plus ex-
térieure, parce que cette différence ne me semble pas être suffi-
samment constante. M. Sanio lui-même fait remarquer que, sui-
vant les circonstances , l'ordre de division des cellules peut varier.
Il cite comme exemple le Viburnum Opulus , qui présente trois
modes différents, selon qu'on l'examine à différentes époques de
l'été. La division centripète, qui donne lieu immédiatement à
une couche de liège, se produit en automne, tandis qu'en Juillet
10*
148 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
se montrerait la division centrifuge-réciproque, laquelle n'est
suivie que plus tard de la formation de liège. Il est clair que
la même chose se retrouvera dans d'autres plantes, de sorte que
la connaissance de ces variétés de division ne me semble pas
avoir une importance proportionnée aux difficultés de leur étude.
En outre, après les premières divisions de cellules, toutes les
suivantes sont centripètes; il n'y a d'ailleurs jamais, à un mo-
ment donné, qu'une seule rangée de cellules en voie de mul-
tiplication.
Pas plus que M. Sanio, je ne suis parvenu à découvrir les
cloisons des cellules-filles avant que leur formation soit complète.
Il m'est bien arrivé de voir le contenu des cellules partagé en
deux, sans qu'il existât déjà de cloison apparente; mais partout
où cette dernière se montrait, même à l'état de ligne à peine
visible, elle parcourait la cellule tout entière, d'une extrémité à
l'autre. Dans quelques-unes de mes préparations , conservées dans
la dissolution récemment recommandée d'acétate de potasse, ces
parois minces des cellules sont restées plus visibles qu'en faisant
usage de la glycérine, laquelle donne à toutes les parties une
transparence extrême. Plusieurs de ces préparations sont encore
en fort bon état après un laps de temps de six années.
III. Place où naissent les premières
cellules subéreuses.
La place où apparaissent, à l'état normal, les cellules subé-
reuses n'est pas moins importante à connaître que leur mode de
multiplication. Sur ce point également, on est resté longtemps
dans le doute. M. Schleiden croyait que le liège se forme dans
l'épiderme. MM. Schacht , de Mohl et Hanstein regardèrent comme
le siège de cette formation la rangée de cellules située immédia-
tement au-dessous de l'épiderme. Le dernier de ces auteurs fit
connaître en outre pour quelques plantes, telles que Vitis vini-
feray Ribes grossidaria, Caprifolium italicum , une production de
liège à une profondeur plus grande dans l'écorce. C'est encore
M. Sanio qui a étudié ce point de la manière la plus appro-
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 149
fondie. Il a montré que le liège peut se former à tous les en-
droits mentionnés^ en des points différents chez des plantes
différentes^ mais toujours au même point chez une même plante ^).
Dans sa description du liège il partage même les plantes d'après
ce caractère, quoiqu'il reconnaisse que pour l'étude de l'état
adulte et de la vieillesse de la plante et pour donner un tableau
aussi complet que possible du développement du liège, la divi-
sion la plus naturelle est celle en arbres qui ne forment
qu'une seule fois du liège et en arbres qui en produisent indé-
finiment.
J'ai examiné les faits avec soin dans un grand nombre de
plantes, et je suis heureux de pouvoir confirmer presque toujours
bs résultats de M. Sanio.
Ainsi que lui, j'ai vu les premières cellules subéreuses dans
l'épiderme lui-même chez plusieurs Pomacées, telles que Sorbus
aucuparia, Pyrus commiinis, P. Malus y chez le Viburnum Lantana
et chez le Daphne Mezereum.
Mais, dans la grande majorité des plantes, j'ai trouvé les
*) M. Duchartre ne s'exprime pas d'une manière tout à fait exacte lorsqu'il
dit {Eléments de botanique, le partie, p. 155) que MM. Schacht et Sanio ont
fait connaître la formation première des cellules subéreuses, et ont montré que
le plus souvent les cellules de l'épiderme se divisent à cet effet chacune en deux par
une cloison parallèle à la surface externe de la tige; mais que parfois, d'après
M. Sanio, la rangée extérieure de cellules de l'enveloppe cellulaire se divise
également de la manière indiquée. Si l'on consulte les deux auteurs cités, on
trouve chez M. Sachs {Fflanzmzelle , p. 239). „Le liège se forme primitivement
dana l'épiderme ou au-dessous^' et M. Sanio dit en termes formels, (Prings-
heim's Jahrb. II, p. 42). „Ce n'est que dans des cas relativement assez rares
que le liège se développe dans l'épiderme. Il est beaucoup plus fréquent de le
voir naître dans l'enveloppe cellulaire, et alors, chez la très grande majorité des
plantes , dans la rangée la plus externe des cellules de cette partie de l'écorce.
Chez un petit nombre d'espèces , au contraire , il prend naissance dans la seconde
ou la troisième rangée des dites cellules , ou même encore plus profondément , etc."
Ces passages ne s'accordent ni l'un ni l'autre avec la manière dont M. Duchartre
présente les opinions des deux auteurs. Ce que l'on trouve sur ce sujet dans le
traité de M. Oudemans {Leerboek der plantenkunde , T. II, p. 421), est em-
prunté presque littéralement à M. Duchartre, avec les mêmes inexactitudes.
150 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
premières cellules du liège dans la rangée la plus externe de
cellules de l'enveloppe cellulaire, situées immédiatement sous
l'épiderme. C'est ce que m'ont offert entre autres les espèces
suivantes: Beliila alha, Fagus sylvalicay Alnus gliilinosa, Rhiis
Cotinus, R. lyphinum y Tilia grandi folia, Popuhis Iremula^ Ilex
aquifolium, Morus nigra, Aesculus Hippocaslanum , Syringa vul-
garis, Viburnum opuhis , Quercus pedunculala, Q. Ilex, Q. cas-
tanea, Q. suher , Calycanlhus floridus , Platanus occidentalis ,
Corylus avellana , Sambucus nigra.
Dans quelques cas, comme chez la plante nommée en dernier
lieu, les cellules-mères sont passablement grandes et leur pre-
mière division est facile à constater ; ailleurs au contraire , comme
dans le genre Quercus, le phénomène échappe facilement à
l'observation.
Chez certaines plantes, qui ont une cuticule épaisse , telles que
Ilex aquifolium, la formation du liège commence tard, de sorte
que plusieurs naturalistes (par ex. Schacht, Anat. u. Phys. d. Gew.,
I, 291), se trompant à cet égard, ont annoncé à tort qu'il ne s'en déve-
loppe pas du tout. Chez d'autres végétaux, tels que Aesculus Hippo-
caslanum, on ne saurait arriver trop tôt, si l'on veut épier les pre-
mières phases de la production subéreuse. Longtemps avant que
le nouveau jet, formé au printemps, ait atteint toute sa longueur ,
il s'est développé une couche de liège composée de plusieurs
rangées de cellules.
Dans quelques cas peu nombreux, le liège apparaît à une
plus grande profondeur dans le tissu de l'enveloppe cellulaire. Les
Légumineuses semblent être particulièrement remarquables sous
ce rapport. M. Sanio a observé le phénomène chez le Robinia
Pseudo- Acacia, le Cytisus Laburnum et le Gleditschia triacanlhos.
En ce qui concerne le Robinia, j'ai montré ailleurs {Kruidk.
Archief, 1859, T. V, p. 1—28) avec détail, que la division se
fait dans la 2e rangée de cellules, et dans la 3e ou 4e rangée,
là où existent les côtes saillantes de la tige. Plus tard, j'ai
trouvé exactement la même chose dans le Glycine chinensis. Chez
le Cytisus Laburnum au contraire, qui ne possède pas de ces
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 151
côtes, les cellules subéreuses naissent, sur toute la périphérie,
dans la 2e rangée.
Parfois même le siège de la première formation du liège s'en-
fonce encore plus profondément dans le tissu de la plante; c'est
ainsi qu'il se trouve à la limite interne de Fécorce primaire,
immédiatement au-dedans d'une rangée de grandes cellules polyé-
driques à parois épaisses , chez le Berheris vulgaris, le Ribes rubrum
et le Lonicera Caprifolimn , ou immédiatement contre les faisceaux
libériens, comme dans le Rubus Idaeus.
Enfin , il arrive aussi que le premier liège se forme dans l'écorce
secondaire, par exemple chez le Philadelphus coronarius et le
Vitis vinifera; pour cette dernière plante, le fait a été décrit et
figuré exactement et dans tous ses détails par M. Hanstein.
(Unters. û. d. Bau u. d. Entw. d. Baumrindey p. 61 — 71).
Une circonstance qui mérite encore d'être signalée, c'est
rinègalitè d'origine des cellules subéreuses dans les tiges à
côtes saillantes. Chez les autres plantes on voit constamment,
sur toute la circonférence, le liège prendre naissance à la même
distance sous l'épiderme ou dans l'épiderme lui-même, quoiqu'il
ne soit pas rare que la formation du liège commence à un
côté de la tige plus tôt qu'à l'autre. Dans les végétaux à côtes
saillantes, il n'en est plus de même. J'ai déjà fait remarquer
tout à l'heure que, chez le Robinîa Pseudo-Acacia ^ la formation
du liège commence, au-dessous des côtes, à une plus grande
profondeur que dans les points situés à côté. La chose se voit
encore beaucoup mieux chez le Larix europaea , où les côtes sont
plus proéminentes. Ici le liège apparaît, au-dessous des côtes,
dans la 4e ^u 5e rangée de cellules, et, à la limite des côtes,
dans la le rangée, de sorte que l'anneau des cellules subéreuses
forme un cercle qui finit par isoler toute la série des côtes. Un
fait analogue a été observé et décrit par M. Sanio chez le
Casuarina torulosa, et j'ai retrouvé la même disposition dans les
Casuarina quadrivalvis et stricia. Quelques faisceaux libériens , qui
chez ces plantes se trouvent dans les côtes, sont isolés de cette
manière par les premières couches subéreuses.
152 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
Tout ce qui vient d'être dit s'applique exclusivement aux cel-
lules subéreuses qui se forment en premier lieu et qui se rencontrent
dans la tige d'une manière normale. Dans des circonstances anor-
males et à un âge plus ou moins avancé, la plante produit du
liège aux points les plus divers.
Pour ce qui regarde les progrès de l'âge , on sait comment les
couches subéreuses meurent successivement au côté externe, et
s'accroissent à l'intérieur par la formation de nouvelles cellules.
Chez quelques arbres, tels que le Fagus silvaticaj cela continue
ainsi pendant très longtemps; mais, finalement, il se forme aussi
de nouvelles couches de liège plus à l'intérieur du tissu, analo-
gues à celles qui apparaissent dans un temps beaucoup plus
court chez le Chêne, le Peuplier et d'autres arbres. D'après cette
considération, M. de Mohl les avait déjà distinguées sous le nom
de Borke ou rhijtidome. Ces nouvelles couches subéreuses se relient
aux premières par leurs extrémités, et de cette manière elles
isolent une partie de Técorce qui alors se dessèche rapidement
et éprouve des altérations chimiques, par suite desquelles, entre
autres , la réaction de la cellulose cesse de pouvoir être observée.
Successivement, des couches de liège se forment en des points
de plus en plus profonds de l'écorce primaire , puis elles envahis-
sent l'écorce secondaire, de sorte que, finalement, une partie des
fibres libériennes est également rejetée en dehors; à l'extérieur,
les parties plus anciennes se fendent et se déchirent, et donnent
à la surface des arbres leur aspect rugueux bien connu (Schup-
penhorhe). Ou bien, il se forme de temps en temps, à l'intérieur ,
de nouveaux anneaux de liège, indépendants des couches plus
extérieures, et chaque fois tout un anneau de parties libériennes
est séparé du reste de l'écorce; c'est ce qui se voit par exemple
chez la Vigne (Ringelborke, Hanstein).
Les modifications remarquables que subissent les parties ainsi
isolées de l'écorce, surtout celles de l'écorce secondaire , méritent
aussi de fixer l'attention. Ces modifications n'ont pas toujours
été appréciées exactement et elles ont donné lieu à des erreurs.
C'est ainsi que M. Wigand, dans un mémoire d'ailleurs fort inté-
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 153
ressant (Ueber die Desorganisation der Pffansenzelle: voir Prings-
heim's Jahrh.j IIÏ, p. 115 — 182), a décrit sous le nom de //orw-
hasi ou Hornprosenchym (prosenchyme corné) un tissu prétendue-
ment nouveau. M. Oudemans a réclamé (Bot. Zeit., 1862, p. 43)
la priorité de cette découverte, en rappelant qu'il avait décrit et
figuré les particularités de ce tissu à l'article du Cortex canellae albae,
dans ses Aanteekeningen op de Pharmacop. Neerlandica ; mais qu'il
n'avait pas jugé nécessaire de donner à ce tissu un nom spécial ,
parce qu'il devait être rapporté aux fibres libériennes. M. Oude-
mans demande à M. Wigand quels seront les caractères de ce
prosenchyme corné , attendu que , parmi ceux qui ont été indiqués , les
uns manquent dans certaines plantes et les autres dans d'autres plantes.
Mais il paraît avoir échappé aux deux auteurs qu'on n'a nul-
lement afi'aire ici à un tissu nouveau, non encore décrit, mais
à une modification des cellules grillagées de l'écorce secondaire,
modification qui se produit, avec plus ou moins de rapidité, par
l'effet de la pression à laquelle ces cellules sont soumises durant
et après leur croissance, eu égard d'ailleurs à la solidité des
parois et à la quantité du contenu liquide. Dans l'écorce se-
condaire à groupes irrégulièrement placés de fibres libériennes
épaissies, l'assemblage de parois rapprochées entre elles, plissées
et parfois plus ou moins soudées, affectera une disposition irré-
gulière, comme on le voit chez beaucoup d'espèces de Prunus.
C'est pourquoi, dans les couches anciennes du liber, l'origine de
ce prétendu prosenchyme corné n'est pas toujours facile à recon-
naître; mais si l'on choisit une écorce à cellules et à fibres pla-
cées en couphes régulières, et si l'on examine le liber tant dans
ses parties les plus jeunes que dans les plus âgées, on aperçoit
aisément que ce que M. Wigand a signalé comme un tissu nouveau
se compose simplement de cellules treillisées et d'autres cellules
allongées.
Déjà en 1859, j'ai fait connaître ce tissu dans ma description
de l'écorce du Robinia Pseudo- Acacia, citée ci-dessus. Qu'on me
permette de reproduire ici le passage suivant de ce mémoire {Ned.
Kruidk. Archief , T. V, p. 23), à ce qu'il parait, peu connu:
154 N. W. p. RAUWENHOFF. OBSERVATIONS SUR LES CARACTERES
„Daiis les couches les plus âgées ou les plus extérieures de
cette partie (l'écorce) on trouve^ entre les cellules parenchyma-
teuses qui joignent immédiatement le faisceau libérien, une ou
plusieurs raies incolores, qui ont l'aspect de cellules serrées Tune
sur l'autre, dont le contenu aurait disparu et dont les parois for-
tement pressées se seraient plus ou moins soudées entre elles. A
mesure qu'on examine des couches plus jeunes, ces aggloméra-
tions se disjoignent et laissent déjà çà et là des ouvertures entre
leurs éléments. Si Ton arrive dans des parties encore plus récen-
tes , on voit les amas en question se résoudre peu à peu en parois
d'une forme légèrement irrégulière et sinueuse. Enfin, entre les
troisième, quatrième et cinquième rangées de faisceaux libériens,
comptées à partir de l'intérieur, on reconnaît un tissu de cellu-
les larges, à parois minces, parmi lesquelles se trouvent d'autres
cellules également à parois minces, mais plus étroites. C'est dans
la troisième rangée que ces cellules se voient le plus distincte-
ment, et elles y ont un contenu jaune clair, coagulé en une
masse unique.
Si l'on étudie ensuite cette même partie de l'écorce sur une
coupe longitudinale radiale, on rencontre, dans les couches les
plus anciennes , les mêmes amas d'éléments confondus et non dis-
cernables. Dans les parties plus jeunes ces amas deviennent
moins serrés, et dans les troisième et quatrième rangées, désig-
nées ci-dessus, on voit clairement que les amas sont formés des
cellules treillisées de M. de Mohl ou tubes cribreux deM. Hartig,
dont le fin treillissage se distingue surtout aux extrémités.
En suivant ainsi le développement des éléments à parois min-
ces du liber , et les étudiant dans leurs états successifs , il devient
donc évident que les raies énigmatiques , jaunes ou parfois jaune -
brunâtres, qu'on rencontre dans la vieille écorce du Robinia,
ne peuvent être auti-e chose que les restes, chimiquement et
physiquement modifiés, des parois des tubes cribreux et des fibres
séveuses.
J'insiste un peu sur ce point parce que M. Hartig, le seul qui
à ma connaissance ait fait mention de ces raies, en a donné
ET LA FORMATION DU LIEGE DANS LES DICOTYLEDONES. 155
une interprétation fausse. Dans ses écrits il professe que les raies
en question (dont il a aussi très bien reconnu l'existence dans
les genres Piniis et Acer) doivent être regardées comme les cel-
lules-mères d'une couche de liège, bien que sa description elle-
même l'ait presque conduit à la vérité. Il les décrit en effet
comme: „des stratifications verticales, irrégulières, d'une masse
ayant l'apparence de membranes soudées entre elles"; mais, chose
assez singulière, il les appelle „ couche génératrice du liège".
D'après l'ensemble de mes observations toutefois, les minces
couches subéreuses du liber, dans le Robinia et dans d'autres
espèces ligneuses, naissent constamment de cellules parenchyma-
teuses, tandis que les amas membraneux jaunes ne sont rien
autre chose que les parois affaissées des cellules treillisées, qui
n'ont qu'une faible consistance."
Voilà ce que j'écrivais en 1859. Après avoir étudié ces jours-ci
la question de nouveau, et avoir comparé avec soin mes prépa-
rations de cette époque et celles d'une date postérieure, j'ai trouvé
mes vues d'alors entièrement confirmées.
Janvier 1870.
SUR LES CRISTALLITES
ETUDES CUISTALLOGENÉTIQUES ,
H. VOGBLSANG.
Introduction.
Les recherches et »les considérations théoriques dont il sera
question dans ce Mémoire et dans quelques autres qui le suivront,
touchent un sujet pour lequel il est à peine nécessaire d'invoquer
spécialement l'intérêt du naturaliste philosophe. Comprendre le
mode de naissance et de développement des cristaux, et fixer les
lois empiriques auxquelles les individus inorganiques, dans leurs
innombrables transformations, ne cessent d'obéir, ce sont là
des problèmes qui, en signification profonde pour les sciences
naturelles, ne le cèdent guère qu'aux questions concernant l'ori-
gine et l'évolution de la vie à la surface du globe. Mais, si le
problème lui-même peut se passer de recommandation, il en est
tout autrement de chaque nouvelle tentative faite pour en obtenir
la solution. D'une part, en effet, on doit reconnaître que les
travaux consciencieux et pénibles d'un grand nombre de savants
distingués n'ont fourni que bien peu de points d'appui fixes pour
ces questions importantes; et, d'autre part, on ne saurait oublier
les résultats malheureux de tous les essais ayant eu pour but de
fonder une théorie satisfaisante sur des combinaisons spéculatives
hasardées. Ce double insuccès a produit, chez la plupart des na-
turalistes qui font entrer la cristallographie dans le cercle de
leurs études, une certaine froideur et une défiance légitime à
l'égard de toutes les tentatives théoriques de ce genre.
H. VOGELSANG. SUR LES CRIST ALLITES. 157
Ce que j'ai à craindre toutefois pour mes recherches, ce n'est
pas qu'on les accueille avec trop de défiance, mais plutôt qu'elles
ne donnent lieu à une attente exagérée; car les observations
auxquelles m'a conduit un heureux hasard pourraient de prime-
abord; par leur caractère frappant de simplicité, faire naître des
espérances dont on chercherait en vain la réalisation dans la suite
de mon travail.
J'espère échapper à ce danger en indiquant brièvement le
point de départ et la direction de mes recherches. Tous les
travaux relatifs à la théorie de la formation des cristaux ,
pour autant qu'ils ne tombaient pas dans le domaine de la
cristallographie descriptive, ont suivi essentiellement une double
voie. Ou bien on a considéré les cristaux dans leur ensemble,
sans égard à leur développement individuel, et on a cher-
ché à expliquer les conditions et les limites de la cristallisa-
tion en général, la possibilité ou la nécessité théorique des diffé-
rents systèmes cristallins, et les lois remarquables que la cristal-
lographie descriptive a découvertes dans les relations des axes et
des paramètres ; ou bien , s'attachant à la considération des indi-
vidus cristallins eux-mêmes , on s'est appliqué à saisir les rapports
entre leurs attributs les plus importants , la forme cristalline et
la composition chimique, et on s'est proposé de construire en
quelque sorte une formule de cristallisation, dont les divers ter-
mes devaient représenter des propriétés caractéristiques déterminées ,
et qui, dans sa forme la plus générale, devait aussi fournir
l'expression du principe même de la cristallisation. Comme ré-
sultat essentiel des recherches poursuivies dans cette voie induc-
tive, on doit regarder la doctrine de l'isomorphisme. Les études
qui suivaient la première direction partaient d'hypothèses philo-
sophiques générales, et se mouvaient de préférence sur le terrain
de l'abstraction mathématique ; beaucoup plus rarement elles s'adres-
saient à l'expérience et cherchaient à ouvrir de nouveaux points
de vue dans le domaine des faits. Or, bien que les déductions
mathématiques sur le groupement régulier des points matériels
soient de la plus haute importance pour l'explication des lois
158 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
cristallographiques et pour la délimitation des différents systèmes,
bien que d'autres théories cristallogénétiques ne puissent évidem-
ment trouver leur expression complète et définitive que dans les
formes abstraites de la mécanique analytique, il est certain que
tous les travaux qui ont pour but de fixer les démarcations entre
les individus cristallins, d'approfondir les relations réciproques
entre les propriétés morphologiques, physiques et chimiques, de-
vront continuer à s'attacher à l'étude objective comme à leur
base nécessaire. C'est seulement par l'observation matérielle, que
nos vues sur la signification physico-chimique des plus petites
particules cristallines ou sur les conditions et modifications de
la naissance, de l'accroissement et du groupement régulier des
cristaux, pourront s'élever au dessus de la condition d'hypothèses
précaires. Jusqu'ici toutefois, les expériences et les observations
ont été extrêmement rares, et, en présentant mes propres recher-
ches, je crois devoir faire remarquer expressément qu'elles n'ont
aucun rapport avec les travaux antérieurs sur le même sujet, et
qu'elles ne doivent nullement leur origine, comme la plupart de
ceux-ci, à des considérations et des tendances théoriques.
La plupart des recherches cristallogénétiques expérimentales
partent de la supposition que les premiers groupements et trans-
formations des plus petites parties cristallines ne sont pas acces-
sibles à l'observation directe; elles s'en tiennent donc toujours aux
cristaux déjà achevés, et elles étudient les modifications de la
croissance et des combinaisons dans leurs rapports avec la nature
physico-chimique du dissolvant. Mon travail renferme une série
d'observations par lesquelles l'hypothèse en question , dans sa forme
générale, se trouve réfutée; il a essentiellement pour but de
suivre dans ses phases successives, dans son origine et dans son
développement, un état préliminaire remarquable de la forme
cristalline, que le hasard m'a fait connaître.
D'après cela, je crois pouvoir me dispenser de parler des tra-
vaux antérieurs, vu qu'ils appartiennent à un tout autre ordre
de recherches. Je n'en mentionnerai qu'un seul, dans lequel le
sujet a été' considéré à un point de vue analogue au mien ; c'est
R. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 159
un Mémoire peu étendu de H. F. Link : Ueber die erste Entstehung
der Kry stalle; Poggendorff's Annal. ^ XLVI, 1839. Link a observé
sous le microscope ; au moment de leur formation, des précipités
chimiques de carbonate de chaux et d'autres combinaisons; il est
parvenu de cette manière aux résultats suivants:
P. Que tous les précipités, qu'ils passent ultérieurement à
l'état cristallin ou non, se composent primitivement de corpus-
cules sphériques.
2°. Que ces corpuscules sphériques ne sont nullement solides,
mais qu'ils se réunissent et se confondent manifestement entre eux.
3°. Que c'est seulement après cette fusion en masses plus
grandes, que la force de cristallisation propre à la substance
s'éveille et donne naissance à un corps solide, symétrique.
Je donne ces conclusions telles que je les trouve; jusqu'à un
certain point elles sont confirmées par mes propres résultats,
comme on le verra dans la suite. Du reste, les recherches de
Link étaient loin de pouvoir justifier l'admission de conclusions
aussi générales; aussi M. Frankenheim, dans son dernier grand
Mémoire (Poggend. Ann., XXI, 1860) les a-t-il critiquées avec
raison, bien qu'il ne les ait pas réfutées sur tous les points. En
tout cas, les observations de Link sont insuffisantes, et son as-
sertion, que les globules en question sont des vésicules creuses
„comme des bulles de savon" n'est nullement motivée et, de
plus, nullement nécessaire pour sa théorie.
Les recherches expérimentales de M. Frankenheim concernent
presque uniquement la croissance et le groupement de cristaux
déjà formés. L'auteur appelle le microscope à son aide, et, dans
le Mémoire qui vient d'être cité, il rapporte aussi quelques obser-
vations qui, au premier abord, paraissent se rapprocher des
miennes; il opère en effet, comme moi, sur des dissolutions de
soufre et de phosphore. Mais il n'a d'autre but que de montrer
la formation de gouttes sursaturées; il ne s'est pas attaché à
entraver ou à ralentir la cristallisation, et, pas plus chez lui
que chez Link, il n'est question d'une tendance à l'individuali-
sation de ces éléments sphériques, ni de leur groupement régu-
160 H. VOGELSANG. SUR LES GRISTALLITES.
lier. Je reviendrai plus tard sur quelques-uns des points touchés dans
ce Mémoire. En somme, il n'offre avec mon travail qu'un rapport
éloigné et superficiel, et ce rapport je ne l'ai aperçu qu'après
coup, lorsqu'une autre voie m'eut conduit aux mêmes observations.
En insistant ainsi sur l'indépendance de mes recherches , je
n'entends d'ailleurs élever aucune prétention au sujet de l'origi-
nalité des idées théoriques auxquelles elles m'ont conduit et aux-
quelles elles doivent servir d'appui. Le principe si simple, que la
formation des cristaux dépend d'une action mécanique réciproque des
plus petites parties , a déjà été invoqué si souvent et pour des con-
sidérations théoriques si diverses, qu'il serait difficile de remonter
jusqu'à l'origine première de cette théorie, qui se perd dans
les ténèbres des spéculations métaphysiques. Quant aux vues mo
dernes relatives à ce sujet, j'aurai l'occasion de les rappeler à
la fin de mon travail, dans la section qui traitera des consé-
quences théoriques.
On peut appeler cnstalliies toutes les productions inorganiques
dans lesquelles on reconnaît un agencement ou un groupement régu-
lier , mais qui ne montrent du reste , ni dans leur ensemble ni dans
leurs parties isolées, les caractères généraux des corps cristallisés
notamment des contours polyédriques réguliers.
Les cristallites ne doivent donc pas être regardés comme des
cristaux imparfaitement limités, déformés ou rudimentaires , tels
qu'on les rencontre si fréquemment parmi les produits naturels
ou artificiels. Dans ceux-ci, il est vrai, la forme extérieure n'offre
souvent presque plus de trace de régularité; mais alors le clivage ,
les caractères de l'élasticité, nous autorisent encore à regarder
ces irrégularités comme des altérations secondaires de la forme,
ou à y voir le résultat de combinaisons oscillatoires, de groupe-
ments réguliers ou irréguliers, etc. Un fragment de clivage d'un
cristal oblitéré de galène, une lamelle d'un cristal arrondi de
gypse ne présentent dans leurs caractères physiques, dans leur
structure moléculaire, rien qui les distingue d'autres fragments
tirés de cristaux à contours parfaitement réguliers.
H. VOGELSANG. SUR LES GRISTALLITES. 161
Nous savons qu'on éprouve quelque embarras à formuler une
bonne définition positive de l'état d'agrégation amorphe, vu que
le développement polyédrique de la forme extérieure^ le clivage
distinct, l'inégalité de l'élasticité suivant différentes directions; sont
bien des attributs habituels, mais non pas absolument nécessaires
des cristaux. Néanmoins, s'il est impossible d'établir sous ce
rapport, même à l'aide des propriétés optiques, une distinction
tranchée, personne n'a pourtant jamais hésité à appeler amorphe
un corps auquel manquaient tous les attributs énumérés, surtout
quand la même substance n'était pas connue en cristaux réguliers ,
ou même, en général, quand on ne pouvait pas y constater une
composition stœchiométrique constante. Je crois devoir prévenir
que ce n'est que dans ce sens strictement exact que j'emploierai
ce mot, sans y rattacher aucune idée déterminée concernant la
forme ou l'arrangement des plus petites parties chimiques ^ c'est-
à-dire, des molécules ou des atomes.
De même que les résultats de l'expérience, d'accord avec les
théories régnantes, n'imposent pas une limite inférieure déter-
minée aux dimensions des cristaux proprement dits, de même le
volume des cristallites n'est pas, à la rigueur, assujetti à une
limite supérieure; néanmoins, l'instabilité des conditions requises
dans les liquides pour que les cristallites puissent y prendre nais-
sance et s'y développer, aura en général pour effet de restreindre
les formes à des dimensions purement microscopiques.
On ne saurait nier toutefois qu'il ne se présente ici une diffi-
culté très sérieuse. Dans la constatation des propriétés générales
des corps, comme dans celle de leurs formes particulières, nous
sommes bornés par les limites de nos facultés perceptives, et la
caractérisation des individus devient naturellement d'autant plus
difficile et plus incertaine que nous nous rapprochons davantage
de ces limites. Pour la détermination de l'état d'agrégation, cette
difficulté n'a pas une grande importance aussi longtemps qu'on s'en
tient à la simple opposition de cristallin et d'amorphe. Mais dès
qu'entre ces deux termes extrêmes on veut en intercaler un ou
plusieurs autres, destinés à marquer certains stades de transition,
Archives Néerlandaises, T. V. 11
162 H. VOGELSANG. SUR LES GRISTALLITES.
certains degrés de développement de l'état cristallin, la première
condition à remplir c'est de limiter exactement, d'un côté comme
de l'autre, ces termes intermédiaires. Or si, dans maintes cir-
constances, l'état de développement est facile à reconnaître, de
sorte qu'il ne reste pas de doute si l'on a affaire à des cristaux ^
à des agrégats cristallins ou à des cristallites , dans beaucoup
d'autres cas ce doute subsiste bien réellement, et doit d'autant
plus être pris en considération que, d'après toutes les analogies
naturelles, on ne saurait admettre ici à priori une démarcation
tranchée, ni par conséquent s'abstenir de la constater expérimen-
talement. Les cristallites doivent être regardés comme des cris-
taux non développés y embryonnaires ; quant à savoir à quel point
précis de l'évolution nous devons abandonner l'un des deux
termes, pour nous servir de l'autre, c'est une question qui peut
rester indécise provisoirement. En transportant à la nature nos
distinctions traditionnelles, appropriées aux besoins journaliers,
nous ne faisons qu'imposer des entraves inutiles au libre essor
de l'esprit.
Du reste, l'incertitude en pareil cas ne dépend pas directement
de doutes laissés par l'observation; il ne s'agit pas de savoir si
les formes en question ont ou n'ont pas des contours nettement
polyédriques, et encore beaucoup moins si elles appartiennent à
tel ou tel système cristallin. Nous voyons avec pleine évidence
que ces caractères décisifs des cristaux entièrement développés
font défaut, et, d'un autre côté, nous pourrons constater, d'une
manière indubitable, que des formes sphéroïdes, conoïdes ou cy-
lindroïdes se rencontrent dans les vrais cristallites. Mais cela ne
nous autorise nullement à conclure que partout où nous trouvons
des configurations arrondies, indéterminées, nous ayons affaire
à des cristaux imparfaitement développés, dans le sens des
cristallites; de même qu'il n'est pas permis d'exclure un corps
de la classe des cristallites, par cela seul qu'on y aura observé
par exemple des joints linéaires ou des contours aciculaires. Les
recherches dont j'ai à rendre compte tendent plutôt à établir
qu'il n'existe pas et qu'on ne doit donc pas vouloir tracer une
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 163
démarcation tranchée entre les cristallites et les cristaux; plus
j'ai étudié les phénomènes dont il s'agit^ plus j'ai acquis la con-
viction qu'ils promettent de combler peu à peu l'intervalle qui
paraissait séparer les divers états d'agrégation, de manière à
faire apparaître de plus en plus, ici comme partout ailleurs; la
simplicité de la marche évolutive de la nature.
I. Cristallites du soufre.
Depuis que l'examen microscopique m'a fait découvrir , il y a quel-
ques années, dans une scorie de haut-fourneau, ces productions
remarquables qui se présentent comme des groupements réguliers
de corpuscules ayant chacun séparément une forme sphéroïdale,
mon attention a été constamment tournée vers les cristallites, et
j'ai cherché à rassembler de nouveaux faits pour donner une base
suffisante à la solution des graves questions auxquelles ces pro-
ductions donnaient lieu. L'étude de nombreux échantillons de
scories et de verres m'a sans doute fourni l'occasion d'observer
d'intéressantes modifications des cristallites; mais il était presque
impossible de cette manière d'arriver à des notions précises sur
leur origine et leur développement, vu que les matières scoria-
cées et vitreuses, comme on a à peine besoin de le dire, ne se
prêtent à ces recherches minutieuses qu'après leur entière solidi-
fication. Il fallait donc avoir recours à des cristallisations qui,
se faisant en l'absence de températures élevées, rendissent pos-
sibles les observations génétiques, et chercher à introduire dans
ces cristallisations les conditions auxquelles était due, dans les
verres, la production des cristallites; ce ne fut qu'après des
recherches longues et laborieuses que je parvins à un résultat
satisfaisant. Comme les observations faites dans cette nouvelle
direction facilitent l'intelligence de ce qui se passe dans les
matières siliciées, et comme elles ouvrent des points de vue
particuliers pour la formation des cristaux en général, je vais
en rendre compte avant de donner la description des cristallites
qui prennent naissance au sein des verres naturels et artificiels.
L'étude des cristallites des scories ne m'avait laissé aucun
11*
164 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
doute qu'ils ne dussent principalement leur origine à ce que la
séparation d'une combinaison chimique déterminée, la différenci-
ation du magme total , était accompagnée de la solidification pro-
gressive de ce magma dans toutes ses parties , à ce que le milieu
ambiant amorphe passait de l'état liquide à l'état solide en même
temps que la matière cristallisante. Le milieu amorphe opposant
par ce passage une certaine résistance à la manifestation de la
forme et au groupement des plus petites particules, la formation
des cristaux pourra être arrêtée et fixée dans ses divers stades,
et le degré de développement auquel les individus inorganiques
s'offriront à l'observation dépendra, en général, du rapport entre
la force de cristallisation de la substance qui se sépare et la
résistance du milieu qui l'entoure. La grandeur de cette résis-
tance est déterminée par la constitution physico-chimique du
milieu; il y a à tenir compte en première ligne de son état
d'agrégation et de sa densité; mais sa nature chimique, l'apti-
tude de la substance à cristalliser, la température etc. ont aussi
les relations les plus intimes avec la grandeur de la résistance.
Le problème qui s'imposait à l'étude synthétique du sujet était
donc celui-ci: faire cristalliser une substance par la voie humide,
— la seule qui rende possible l'observation des phénomènes, —
en lui offrant, sous la forme d'un corps qui se solidifie peu à
peu, une résistance qui puisse ralentir et arrêter dans leur libre
cours la formation et le groupement des plus petites parties de
la substance cristallisante. Je pensai d'abord que la manière la
plus simple d'atteindre le but serait de mêler des dissolutions
salines avec des matières colloïdales, c'est-à-dire avec des ma-
tières n'ayant pas la propriété de cristalliser; mais j'eus beau
essayer les substances les plus diverses, faire varier les propor-
tions et la température, je ne parvins de cette façon à aucun
résultat satisfaisant. J'obtins bien, dans les cas les plus favo-
rables, des productions semblables à des cristallites, mais toujours
elles étaient déjà à un état de développement plus avancé et
devaient être regardées , au fond , comme des agrégats de cristaux.
Le plus souvent, la séparation et la solidification du sel se pro-
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 165
duisaient à si peu d'intervalle Fune de l'autre ; que les phéno-
mènes de cristallisation ne montraient aucune différence essen-
tielle avec ceux qu'on observe dans les dissolutions aqueuses
ordinaires. Ces résultats négatifs semblaient indiquer que les
phases de solidification amenées par Tévaporation de l'eau étaient,
à un même moment , trop différentes pour la combinaison cristalli-
sante d'une part et pour la substance colloïdale de l'autre; de
sorte que la résistance due à la consistance pectineuse du milieu
était y au moment de la séparation , encore excessivement petite
par rapport à la force de cristallisation du sel employé. Peut-être
aussi l'évaporation de l'eau, à la température ordinaire, consti-
tuait-elle pour le sel séparé un mode de solidification trop lent,
de sorte que les parties pouvaient se grouper régulièrement avant
l'isolement complet du sel et que, lors de la disparition des der-
nières traces du dissolvant, la séparation, la formation et le
groupement des particules cristallines semblaient, pour l'observa-
teur, avoir lieu dans un seul et même instant. En donnant cette
explication, j'anticipe sur certaines vues qui ne trouveront leur
justification que dans les expériences qui seront décrites plus tard.
J'étais donc conduit à faire choix de substances telles que,
l'évaporation du liquide dissolvant se faisant avec plus de rapi-
dité, l'agent enrayeur conservât pourtant la consistance convenable.
Il est inutile de rappeler tous les essais infructueux auxquels je
me livrai. Si la patience ne m'abandonna pas , il faut l'attribuer
en partie à l'attrait spécial que présente l'observation des phé-
nomènes si variés de la cristallisation, en partie aussi à la con-
viction dont j'étais animé q'il s'agissait de réaliser un état anormal,
difficile à saisir. Finalement, je trouvai dans la dissolution du
soufre dans le sulfure de carbone, avec une matière résineuse
(baume du Canada) pour agent de résistance , le mélange désiré.
Les autres corps solubles dans le sulfure de carbone, notamment
le phosphore et l'iode, n'offrirent pas autant d'avantages que le
soufre. Tous les deux possèdent une force de cristallisation beau-
coup moindre ; avec le phosphore , les manipulations sont en outre
trop incommodes. Sous d'autres rapports, il sera peut-être utile
166 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
plus tard de comparer entre elles des substances différentes. Mais
ici, où il ne s'agit que d'apprendre à connaître, sur un corps
quelconque bien cristallisable , l'influence d'un agent de résistance ,
je me borne à décrire, dans toutes les modifications que j'ai ob-
servées, le cas spécial indiqué ci-dessus. Je ne puis qu'engager
le lecteur à exécuter une couple d'essais très simples , pour prendre
une idée nette des phénomènes. A cette fin, je donnerai aussi
exactement que possible la manière de composer le mélange, de
sorte qu'on pourra être passablement sûr d'obtenir, sans beaucoup de
peine , des préparations très instructives. Il y a deux points prin-
cipaux auxquels ou doit avoir égard , savoir, le degré de consistance
ou de viscosité du baume du Canada et la proportion du soufre
relativement à celle de cet agent de résistance; le rapport entre
la quantité de sulfure de carbone et celle des deux autres éléments
est de moindre importance. Jusqu'à un certain point, on est tou-
jours réduit à faire des essais successifs; le mieux sera, d'après
mon expérience, de procéder de la manière suivante.
Dans un petit vase pouvant être couvert — un petit creuset de
porcelaine, auquel on a donné de la stabilité en le mastiquant
sur une planchette, convient très bien — on met environ un
demi-centimètre cube de baume du Canada avec un volume
double de sulfure de carbone , et on mélange les deux substances
intimement à l'aide d'une baguette de verre. On obtient ainsi
un liquide parfaitement limpide et sans viscosité. D'autre part,
on dissout un fragment de soufre, de la grosseur d'un petit pois,
dans trois ou quatre fois son volume de sulfure de carbone,
et on verse cette dissolution dans le liquide précédent. Le mélange
ainsi préparé, on en porte, à l'aide d'une baguette de verre bien
propre, quelques gouttes sur un porte-objet, pour les observer au
microscope, sous un grossissement de 100 à 200 fois. Après chaque
essai, la baguette de verre doit être nettoyée, afin que le soufre
qui s'y est déposé ne vienne pas en contact avec le liquide; ce
nettoyage s'opère facilement lorsque, entre les essais, la baguette
est maintenue dans un petit flacon rempli d'alcool ; on peut alors
l'essuyer commodément avec un linge. Pour corriger le mélange,
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 167
quand cela est reconnu nécessaire , on se sert , non pas directement
du soufre ou du baume du Canada ^ mais de leur dissolution ou
mélange avec le sulfure de carbone. Si la cristallisation marche
trop rapidement, de sorte qu'on ne peut en suivre les stades
successifs et qu'il ne se forme que de vrais cristaux ou agrégats
de cristaux 7 on ajoute peu à peu du mélange de baume du
Canada ; si au contraire la cristallisaton s'arrête dans le premier
stade , de façon qu'il ne se produit aucune espèce de groupement
ou de transformation , on ajoute goutte à goutte de la dissolution
de soufre; lorsque le baume du Canada est trop épais, on peut
l'étendre d'un peu d'essence de térébenthine. Une fois qu'on a
atteint le point convenable, on peut se servir du mélange pen-
dant longtemps et dans des conditions toujours uniformes ; sauf
à remplacer de temps en temps, avant que des cristaux ne se
montrent dans le liquide, le sulfure de carbone qui s'évapore.
Pour l'intelligence de la description qui va suivre, je renvoie
à la planche VI, dont les nombreux détails sont presque tous
empruntés à une seule préparation, particulièrement heureuse.
Portée sous le microscope, une goutte du mélange s'y montre
d'abord claire, homogène, et sans mouvement, lorsque sa surface
n'est pas couverte de fines particules de poussière qu'agite le
mouvement moléculaire interne. Peu à peu se manifeste au bord
de la goutte la séparation de petites sphères jaunes mobi-
les. On les voit se diriger en courant rapide du bord vers
le centre, où, dans les premiers moments, elles sont dissoutes
de nouveau par le sulfure de carbone en excès. Mais, il s'en
forme toujours de nouvelles, elles sont toujours en plus grand
nombre, elles pénètrent toujours plus loin dans l'intérieur, jusqu'à
ce que le mouvement se soit étendu sur la surface entière ; après
quoi, l'évaporation continuant à faire des progrès , ce mouvement
se ralentit et finit par s'arrêter complètement.
Les globules jaunes, aussi longtemps qu'ils apparaissent à
l'état de sphéroïdes liquides, ne sont pas simplement du soufre,
qui n'est pas liquide à la température ordinaire; ce sont des
gouttes d'une dissolution sursaturée de soufre dans le sulfure de
168 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
carbone. Comme telles, elles possèdent toutes les propriétés géné-
rales des lames liquides. Leur surface est constituée par une
pellicule liquide, qui est douée d'une certaine élasticité et d'un
certain pouvoir de résistance. A proprement dire, cette pellicule
est double: il y en a une interne, qui appartient à la goutte,
et une externe qui est formée par le milieu ambiant. La pellicule
met à la réunion rapide des gouttelettes un obstacle de plus en
plus grand à mesure que l'évaporation fait des progrès. A l'ori-
gine, le contact est suivi presque immédiatement de la réunion
et par suite de l'accroissement des gouttelettes; plus tard, les
petits sphéroïdes viennent bien se juxtaposer et s'aligner, mais
le contact doit se prolonger pendant un temps plus ou moins long ,
avant que le mouvement moléculaire interne ait rompu la pelli-
cule et par là rendu possible la réunion. Cette réunion , cette
fusion de plusieurs sphéroïdes entre eux , paraît être le seul mode
de croissance de ces productions; un accroissement direct, molé-
culaire, ne s'y observe pas. Lorsque, accidentellement, la cris-
tallisation se déclare en un point dès le commencement et
qu'une aiguille cristalline vient à flotter dans le liquide, cette
aiguille grandit, aussi longtemps que la résistance du milieu
reste faible, exactement de la même manière que nous l'observons
dans une dissolution aqueuse ordinaire; mais, dans le même
liquide où l'aiguille de soufre croît rapidement, par voie molé-
culaire, les gouttes liquides nagent sans éprouver un changement
quelconque dans leur forme ou dans leur grosseur.
Les sphéroïdes qui apparaissent au sein du liquide sont donc
indubitablement des gouttes sursaturées. Mais lorsque , au moment
où le dernier reste du dissolvant s'échappe, le milieu ambiant a
acquis la consistance convenable, la résistance qui en résulte
empêche définitivement la transformation ou le groupement des
sphéroïdes et le soufre se solidifie sous la même forme, à l'état
de globules transparents et isotropes.
Nous donnerons à l'avenir le nom de globulites à ces petits sphé-
roïdes , qui nous présentent la forme primitive sous laquelle un corps
cristallisable se sépare d'un milieu qui lui offre une certaine résistance.
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 169
Avant d'aller plus loin , je présenterai quelques remarques qui
se rattachent aux travaux déjà cités de Link et de Frankenheim.
J'ai dit que dans mes expériences les gouttelettes se figeaient
sous la forme sphérique, qu'elles se changeaient en globules
solides 7 isotropes. La meilleure preuve qu'on puisse donner de
ce changement d'état est celle qui résulte de la connexion des
phénomènes avec ceux dont nous aurons à parler plus loin ; car ,
dans les silicates par exemple, où Ton observe des productions
tout à fait analogues ; il ne peut guère être question de leur
attribuer l'état liquide. Dans les préparations microscopiques faites
avec le soufre, le baume du Canada est complètement durci au
bout d'un petit nombre d'heures ; je conserve quelques-unes de ces
préparations depuis plus d'un an déjà, et pourtant les globules
sont encore aussi diaphanes qu'au moment de leur formation,
quoique sans aucune espèce d'action sur l'appareil de polarisation.
Dans ces conditions, et eu égard aux propriétés générales des
corps employés, ce serait, non pas l'existence de l'état solide/
mais celle de l'état fluide, qui exigerait une preuve spéciale.
M. Frankenheim a opéré simplement avec des dissolutions de
soufre dans l'essence de térébenthine ou dans le sulfure de carbone.
Il se forme alors également des gouttes sursaturées, mais qui,
en se solidifiant, donnent, sans exception, des cristaux ou des
agrégats de cristaux, précisément parce que la faculté de résis-
tance fait défaut au milieu. Du reste , au point de vue du grou-
pement régulier , de la formation des cristallites proprement dits ,
l'état d'agrégation des globules n'est, à vrai dire, qu'un point
accessoire; la tendance à l'individualisation existe déjà, en tout
cas, dans les gouttelettes liquides. On peut donc aussi très bien
parler de globulites liquides, et, à l'occasion, j'emploierai le
mot dans ce sens.
L'opinion de Link, que les globules de ce genre sont des vé-
sicules creuses, n'est motivée par rien et se réfute facilement. Il
suffit de chaufi'er une préparation sous le microscope : on ne verra
les globules ni crever, ni éprouver une dilatation sensible. Je
ne veux toutefois pas décider si les productions sphéroïdales ob-
170 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
servées par Link étaient bien réellement des globulites. J'ai mo-
difié les expériences de cet auteur, en ce que j'ai ajouté une
dissolution de gélatine aux liquides dans lesquels j'observais la
formation de précipités chimiques. Je mentionnerai ici une de
ces expériences, parce que, sous un autre rapport, elle présente
un intérêt plus général. Lorsqu'on mêle une dissolution assez
étendue de gélatine avec de l'eau de chaux, et qu'on laisse se
dessécher lentement à l'air une goutte du mélange, le carbonate
de chaux se sépare sous forme de petites sphères, et celles-ci
se groupent d'une manière caractéristique. En ajoutant du
carbonate d'ammoniaque étendu, j'ai obtenu aussi des groupe-
ments dendritiques et rayonnes délicats. Ces formes me rappelè-
rent immédiatement les productions singulières et souvent discutées
qu'on a trouvées dans certains calcaires anciens , et qui ont été
décrites, sous le nom à'Ëozoon, comme les foraminifères les plus
anciens. Je signale ici simplement cette ressemblance, laissant à
des juges plus compétents le soin d'en apprécier la valeur. Ce
que j'ai vu moi-même, sous le nom à' Eozoon canadense, ne mon-
trait que des formes beaucoup plus imparfaites que celles de
mes précipités artificiels.
Tous ces précipités agissaient du reste sur la lumière polarisée ,
de sorte qu'on ne peut pas les placer, sans réserve, sur la même
ligne que les globulites de soufre, bien que la double réfraction,
comme on sait, soit loin d'être exclusivement propre aux sub-
stances cristallines proprement dites.
Je reviens maintenant à la description de mon expérience fon-
damentale, à la production des cristallites.
Il n'est guère possible de décider, vu l'imperfection des moyens
de mesure , si la forme primitive des plus petits globulites revient
effectivement, suivant les apparences, à celle d'une sphère par-
faite, ou si elle est plus ou moins ellipsoïdale.
Lorsque le baume du Canada exerce une résistance suffisante,
tout le soufre se solidifie sous forme de globulites. Lorsque au
contraire on n'a ajouté que du baume d'une consistance fluide,
et en petite quantité^ la cristallisation s'établit rapidement, et
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 171
ce n'est ordinairement qu'au bord de la goutte que des globuli-
tes persistent sous leur forme initiale. Entre ces deux limites se
trouvent les différents stades d'un groupement lent, d'une trans-
formation lente des éléments sphéroïdaux ^).
Les petits globulites restent, d'une manière permanente , clairs ,
jaunâtres, transparents, et ils sont optiquement isotropes, car ils
ne manifestent aucune action dans l'appareil de polarisation. Les
gouttes de dimensions plus grandes montrent ordinairement à
l'intérieur, au moment de la solidification, une condensation ou
un groupement régulier, qui fait apparaître une croix foncée ou
un rectangle au milieu du disque, dont la forme extérieure cir-
culaire n'est du reste pas modifiée. Dans cet état le disque
reste à réfraction simple, et pendant quelques instants il con-
serve sa transparence , probablement à cause des traces de sulfure
de carbone qui sont encore emprisonnées entre les particules
solides du soufre. Au moment où ces dernières traces s'échap-
pent, la sphère devient opaque, d'un jaune blanchâtre, tout à
fait amorphe en apparence.
En ce qui regarde maintenant le groupement des globulites,
il faut distinguer la disposition en files ou en amas, qui est dé-
terminée principalement par les courants extérieurs ou , en général ,
par le mouvement moléculaire du magma ou dissolvant, de l'ar-
rangement qui est dû spécialement à l'activité moléculaire in-
terne des globulites , — dans notre cas , à la force de cristallisa-
tion du soufre.
En général , il n'est peut-être pas possible de séparer nettement
les effets de ces deux actions mécaniques dans la formation des
cristaux; pour l'explication des formes cristallines spécifiques ou
l'interprétation du polymorphisme, le rapport variable entre l'ac-
tivité moléculaire externe et interne peut avoir une importance
majeure, mais, jusqu'ici, l'observation n'a pas encore fourni des
') Quand, au lieu de soufre, on prend du phosphore, on parvient à peine
à un groupement régulier de globulites; quant à la cristallisation, je n'ai pas
encore réussi à l'obtenir.
172 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
jalons suffisants pour qu'on puisse suivre cette direction avec
fruit. Lorsque nous parlons par exemple de la force de cristalli-
sation du soufre , il demeure incertain quelle influence le sulfure
de carbone, employé comme dissolvant, a pu exercer sur la
forme spécifique rhomboïdale des cristaux du soufre; quant au
baume du Canada, avec sa consistance pectineuse, on peut sup-
poser qu'il ne joue d'autre rôle dans le groupement et la trans-
formation des globulites du soufre que celui d'un agent de résis-
tance, opérant à l'extérieur d'une manière symétrique.
Par l'effet du courant moléculaire du magma et par celui de
l'attraction et de l'adhésion réciproques des globulites, ceux-ci
se groupent ou se réunissent dès le moment où ils commencent
à se séparer du liquide. L'alignement et le mouvement des glo-
bulites se font en général dans le sens des rayons, de sorte
qu'il se forme au bord de la goutte des groupes qui convergent
vers l'intérieur, et du sommet desquels partent de simples cor-
dons de globulites plus gros, qui s'avancent vers le centre. Un
pareil groupement montre donc toujours un rapport déterminé avec
la forme générale de la goutte ; mais il n'y a pas à douter que ,
à lui seul, le travail moléculaire interne des globulites tend
aussi à leur donner et leur donne en effet, dans le cas le plus
simple, un arrangement sériaire.
Pour faire cette observation, on doit chercher à obtenir, en
augmentant la proportion de baume du Canada, un mélange qui,
après l'évaporation du sulfure de carbone, apparaisse comme un
champ plus ou moins étendu semé en quelque sorte de globulites
de la plus petite dimension. On voit alors, quand déjà le liquide
extérieur est entré tout à fait en repos, et souvent même encore
longtemps après, un mouvement particulier dans l'amas de glo-
bulites , mouvement qui imprime aux sphérules isolées un balance-
ment lent et alternatif, et finit par les rapprocher l'une de l'autre
suivant certaines directions. Tous les globulites ne prennent pas
part au mouvement, les efforts moléculaires se neutralisant pro-
bablement pour beaucoup d'entre eux; mais, finalement, on voit
pourtant un grand nombre de petits chapelets , les uns droits , les
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 173
autres courbes, disséminés entre les formes isolées, comme le
représente notre PL VI dans la partie gauche supérieure du champ.
Ainsi qu'il a été dit, les mouvements persistent encore , ou plutôt
ils commencent seulement dans la forme indiquée, quand déjà
tout le sulfure de carbone s'est volatilisé et que les gouttes
les plus grosses sont depuis longtemps arrivées, de la manière
décrite ci-dessus, à l'état solide et cristallin. Lorsque la cristal-
lisation proproment dite s'empare de la préparation microscopique ,
il reste encore fréquemment, près du bord, une large zone à
petits globulites ; mais ici la couche est ordinairement trop mince ,
et l'adhésion au verre et à la surface supérieure du baume du
Canada met obstacle à la liberté des mouvements. Néanmoins,
on voit encore parfois se former dans cette zone des petits cha-
pelets semblables à ceux dont il a été question plus haut.
Ces globulites enchaînés suivant une seule direction constituent
donc la forme la plus simple des cristallites composés. Si l'on
veut donner à ces formes un nom particulier, on peut choisir
convenablement celui de manjariies, à cause de la ressemblance
avec un collier de perles. Les cristallites des roches naturelles
seront décrits plus tard , dans un chapitre spécial ; nous mention-
nerons pourtant, dès â présent, qu'on trouve fréquemment dans
les roches vitreuses, et surtout dans les perlites de la Hon-
grie, des matières silicatées microscopiques dont la forme res-
semble exactement à celle des margarites de soufre dont il vient
d'être parlé.
En dépit du mode caractéristique de formation, tel que nous
avons appris à le connaître dans le cas particulier qui nous
occupe,' on se déciderait difficilement à voir dans le simple en-
chaînement linéaire un degré particulier d'individualisation, si
ces formes ne se liaient pas de la manière la plus intime, par
des passages, au degré immédiatement supérieur, dans lequel
apparaît un agencement axonal bien déterminé.
Ce degré supérieur de développement des cristallites est carac-
térisé par la circonstance que les globulites s'unissent régulière-
ment entre eux non plus suivant une direction unique, mais
174 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
suivant des directions différentes , qui se coupent sous des angles
déterminés. De cette manière il se forme dans le baume du Ca-
nada^ quand le mélange a la composition convenable, des grou-
pements semblables à ceux qui sont figurés PI. VI , dans la partie
moyenne gauche du champ.
La forme la plus élevée, qui s'avance à gauche vers l'intérieur,
est la plus régulière, et constitue un réseau d'axes dans lequel
les globulites sont groupés manifestement suivant deux directions
perpendiculaires entre elles; une troisième direction, perpendicu-
laire aux deux premières, n'a pu être reconnue avec certitude;
en tout cas, les deux directions situées dans le plan d'étalement
de la goutte paraissent toujours rester prédominantes dans le
groupement.
Les cristallites tout à fait réguliers, comme le précédent, et
dans lesquels les globulites constituants ont aussi à peu près la
même grandeur, sont rares; mais, si l'on tient compte des con-
ditions défavorables , ils paraîtront encore assez fréquents. On com-
prend en effet, que la séparation successive et irrégulière des
globulites et l'attraction des surfaces doivent, dans une couche
liquide aussi mince, entraver la production de formes régulières.
Mais les formes de transition, telles qu'on les voit au milieu et
dans la partie gauche de la figure, ont aussi un grand intérêt
théorique, parce qu'elles nous dévoilent clairement, même sans
l'observation de la marche successive du phénomème, la manière
dont elles ont pris naissance. On reconnaît en effet que ces cris-
tallites sont le produit de l'attraction réciproque des globulites,
car jusqu'à une certaine distance, qui représente le rayon de la
sphère d'attraction pour le cas considéré, on ne voit pas de
globulites isolés, ces globulites étant tous entrés, comme maté-
riaux, dans la masse des cristallites. Dans les formes du milieu
de la figure, on remarque en outre que les petits globulites se
sont d'abord réunis en globulites plus grands, mais que, par
suite de la résistance croissante, le groupement n'a pu se faire
que d'une manière imparfaite. Le caractère optique de ces cris-
tallites est très remarquable. Les globulites isolés restent tous
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 175
isotropes , comme il a été dit. Avec le groupement apparaît aussi ,
en général^ la double réfraction; mais, plus les cristallites sont
imparfaits, plus Faction est faible dans l'appareil de polarisation.
Les formes semblables à celles qui occupent le milieu de la
PI. VI n'agissent pas sur la lumière polarisée ou n'agissent que
très peu; mais les formes plus régulières qu'on voit en haut et
à gauche de la planche montrent très distinctement la double
réfraction, bien qu'on n'y observe rien qui ressemble à une cir-
conscription régulière des individus séparés.
Des faits qui précèdent il résulte que l'attraction des globu-
lites du soufre, lorsque l'agent de résistance extérieur ne s'y
oppose pas, s'exerce principalement suivant deux directions per-
pendiculaires entre elles. L'effacement de la troisième direction,
la forme simplement linéaire des margarites décrits ci-dessus,
enfin la circonstance que chez les cristallites, comme chez les
cristaux, l'accroissement se fait toujours avec beaucoup plus de
rapidité dans l'une des deux directions principales que dans
l'autre, tous ces faits pourraient autoriser peut-être à conclure
que la force d'attraction des globulites agit essentiellement selon
trois directions perpendiculaires entre elles, mais avec une inten-
sité inégale. On voit que nous sommes ici sur la voie d'une
théorie sur le caractère fondamental du système cristallin rhomboïdal.
Nous avons expliqué plus haut comment les globules s'accrois-
sent par confluence. Dans ce cas le globulite qui s'est accru
reprend toujours, aussi longtemps que la résistance extérieure est
trop faible pour s'y opposer, la forme de l'équilibre parfait,
c'est-à-dire la forme sphérique. Mais lors qu'une pareille fusion
se fait entre des éléments qui ont déjà commencé à se grouper
en cristallites, ou après que le groupement est achevé, il en
résulte naturellement des formes unitaires dont la circonscription
est tantôt plus ou moins onduleuse, tantôt cylindrique, tantôt en
cône aigu. La PI. VI montre dans sa partie inférieure des for-
mes de ce genre, pour lesquelles on a pu constater bien réelle-
ment le mode de production indiqué. J'ai aussi obtenu quelquefois
des formes régulièrement cylindriques ou en cône aigu, et la
176 H. VOGELSANG. SUR LES GRISTALLITES.
réunion des globalités en aiguilles semblables n'a pas lieu de
nous surprendre après les observations qui ont été communiquées.
Cette transformation de formes sphéroïdales en formes allon-
gées ; qui toutefois continuent à ne pas montrer de contours polyé-
driques, est de la plus grande importance pour l'explication des
cristallites. Dorénavant j'appellerai longulites ces aiguilles à sur-
face non anguleuse mais arrondie, qui par leurs caractères
appartiennent aux cristallites.
Nous avons donc appris à connaître les globulites et les lon-
gulites comme des cristallites simples, ou comme les éléments
constituants des cristallites composés, articulés; il existe entre
ces formes simples et les formes composées exactement la même
relation qu'entre les cristaux isolés et les squelettes cristallins,
qui nous montrent des groupements réguliers, à axes parallèles,
d'un grand nombre d'individus.
Une mention spéciale est due maintenant aux formes plates,
tabulaires, qui sont représentées dans notre figure en haut à
gauche, à côté des cristallites dont il vient d'être question. La
production de ces tables se fait beaucoup plus rapidement que
celle des formes décrites précédemment; elles ne prennent nais-
sance que rarement, et je ne saurais dire dans quelles con-
ditions spéciales. Les tables sont hexagonales, mais du système
rhombique, et elles montrent à la surface un dessin d'apparence
cellulaire; on n'a pu reconnaître si ce dessin était formé par des
limites de densités ou par de véritables fissures. Le plus souvent
toutefois ces tables sont traversées distinctement par des axes
corporels, et parfois, lorsque la matière s'est trouvée en quantité
insuffisante , on y observe une structure articulée tout à fait sem-
blable à celle des cristallites; les axes ne sont pas perpendicu-
laires entre eux, mais leurs angles ne peuvent être donnés avec
certitude.
La place que ces tables occupent dans la série des degrés de
développement des cristaux est douteuse. Je crois pourtant que,
en dépit de leurs contours rectilignes, on ne doit par les regar-
der comme des tables cristallines proprement dites; il est plus
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 177
probable qu'elles consistent en un assemblage de très petits lon-
gulites et globulites^ assemblage prenant naissance lors d'une
séparation rapide et régulière du soufre. Nous reparlerons plus
loin de formes analogues.
Le phénomène le plus remarquable auquel donne lieu la sé-
paration du soufre ; dans les conditions spécifiées ^ est finalement
la transformation des globulites en cristaux véritables. Lors^ en
effet, que le mouvement moléculaire intérieur des globulites peut
encore vaincre suffisamment la résistance extérieure du baume
du Canada, la gouttelette sphérique se change, au moment de
la solidification, en la pyramide à contours tranchés qui est la
forme primitive du soufre rhombique. Ordinairement on voit se
former, autour d'un cristal déjà séparé, un squelette cristal-
lin, tel que le représente la PL VI dans la partie inférieure
à droite; les globulites sont amenés successivement par le
courant moléculaire, et, au moment du contact, ils se solidi-
fient subitement, en passant à l'état cristallin. Les nouvelles
pyramides se placent de manière que leurs axes soient parallèles
à ceux des précédentes, auxquelles elles se joignent tantôt par
le sommet tantôt par les arêtes latérales, quoique, en général,
plus souvent dans la direction de l'axe le plus long ou des
angles aigus que dans la direction perpendiculaire. C'est ainsi,
par exemple, qu'on voit naître fréquemment des formes sembla-
bles à la seconde et à la troisième des longues aiguilles qui
s'avancent à gauche dans le champ de la figure.
Pour que la transformation des globulites s'opère, il faut qu'ils
se trouvent à un degré bien déterminé de développement ou de
sursaturation, comme il résulte déjà du fait qu'ils nagent quelque-
fois entre les cristaux, et les touchent même, sans subir la
métamorphose, tandis qu'un peu plus tard, à un autre endroit,
ils se changent subitement en octaèdres au moment du contact.
Quant à savoir quel est le rôle que jouent dans ce phénomène
les cristaux déjà formés; si la solidification est peut-être en
rapport avec une rupture de la pellicule à l'instant du choc; si
un mouvement moléculaire conforme, encore existant dans le
Archives Néerlandaises, T. V. 12
178 H. VOGELSAWG. SUR LES CRISTALLITES.
cristal solide, détermine l'orientation parallèle du cristal nou-
veau, — ce sont là des questions qui restent sans réponse. On
constate toutefois que, par l'adjonction et la transformation suc-
cessives de globulites, il se forme finalement des squelettes ana-
logues à ceux des cristallites, et qui, en vertu du parallélisme
universel des axes, peuvent être considérés comme un cristal
simple, au sens cristallographique.
Il est intéressant d'observer comment la résistance du magma
extérieur devient peu à peu trop grande, et comment alors
il ne se forme plus de cristaux mais des cristallites , tels qu'ils
ont été décrits précédemment et qu'ils sont figurés dans la partie
inférieure de la PL VI (le groupe entier représenté par cette
planche, avec les divers stades des cristaux et des cristallites,
est emprunté à une seule préparation). Dans cette phase, si quelques
globulites isolés sont encore entraînés vers les cristaux proprement
dits, ils y restent bien attachés, mais ils ne changent plus
de forme.
La rapide cristallisation des formes aciculaires relativement
grandes, que l'on peut observer d'ailleurs dans la plupart des
expériences, n'offre pas un grand intérêt. Ce sont ordinairement des
aiguilles qui sont constituées par un assemblage d'octaèdres, et
dont notre planche représente différentes modifications. Fréquem-
ment on voit des formes, comme celle du bas de la planche,
qui, par suite d'une croissance inégale suivant les différentes
directions, sont devenues spiculaires. Elles montrent en outre,
de distance en distance, des angles rentrants, et, à l'inté-
rieur, des assemblages rhombiques de joints ou de stries. La
plupart des aiguilles peuvent se comparer à des épées dente-
lées ou à des scies doubles, et toujours l'angle obtus de la
pyramide occupe le côté de l'aiguille, tandis que l'angle aigu
est dans la direction longitudinale. La formation et la croissance
de ces aiguilles cristallines se font ordinairement avec trop de
rapidité pour qu'on puisse en suivre les détails; quelquefois
pourtant j'ai vu des cristaux de ce genre s'accroître très dis-
tinctement par l'accession et la transformation de globulites.
H. VOGELSANG. SUR LES GRISTALLITES. 179
IL Cristallites dans des verres artificiels.
Les observations sur la formation des cristallites de soufre ,
dont il a été question dans le chapitre I , ont notablement avancé
nos connaissances au sujet du mode de naissance de ces produc-
tions cristallines embryonnaires. Nous savons que leur formation
repose sur un rapport spécial entre la force intérieure de cristal-
lisation de la substance qui se sépare et la résistance mécanique
du milieu ambiant. Dans un mélange aussi hétérogène que celui
constitué par la dissolution de soufre et le baume du Canada,
en présence de conditions d'espace et de masse aussi défavora-
bles et d'états de solidification aussi inégaux que nous les offrent
des préparations microscopiques, nous ne pouvons pas espérer
de rencontrer les cristallites à leur état de développement le plus
net et le plus parfait. Les conditions sont fréquemment plus fa-
vorables dans de grandes masses de silicates en voie de solidi-
fication, au sein desquelles se sépare une combinaison chimique
déterminée, dont la complète individualisation est contrariée par
le magma environnant, qui tend également à passer à l'état
solide. Dans les verres artificiels les cristallites sont loin d'être
rares et, sans aucun doute, on aurait encore beaucoup plus
souvent l'occasion de les observer, si les produits troubles et
opaques n'étaient pas contraires à l'intérêt des fabricants de verre.
Les scories de forge sont à l'abri de considérations de cette
nature; aussi les productions cristallitiques y sont-elles géné-
ralement répandues ; mais , on comprend que même ici les con-
ditions de solidification soient rarement assez favorables, pour
qu'on puisse étudier les diiférents degrés de développement dans
une seule et même scorie. Nous allons faire connaître en détail
quelques-uns de ces cas rares, en ayant soin d'éclairer la des-
cription des faits au moyen de bonnes figures.
Les Planches VII et VIII sont des vues microscopiques d'un
laitier de haut fourneau de la forge Frédéric-Guillaume près de
Siegburg , par lequel mon attention a été attirée pour la première
12^^
180 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
fois sur les cristallites. J'ai déjà décrit ce laitier dans une occa-
sion antérieure (Poggcnd. AnnaL , CXXI, pag. 101). Il ne présente
rien de particulier dans sa composition chimique; sa couleur est
le vert poireau foncé , nuancé de vert olive et de noirâtre ; sa
cassure est parfaitement conchoïdC; son éclat vitreux mat. Il
n'est pas rare d'y rencontrer des concrétions cristallines , de couleur
claire, bleuâtre ou jaunâtre, et qui atteignent parfois un diamètre
de deux centimètres. Quant à la masse foncée principale , la pâte
du laitier, elle se résout sous le microscope, à un grossissement
de 500 fois, en images semblables à celles que reproduisent les
Planches VII et VIII. Sur un espace restreint, l'état de dévelop-
pement présente une certaine uniformité ; on voit rassemblées par
exemple, soit des formes analogues à celles de la PI. VII, soit
des cristallites en feuille de fougère semblables à ceux de la
PI. VIII. Toutefois , dans la plupart des préparations ayant environ
2 centimètres carrés de surface, on peut trouver tous les degrés
de développement que nous avons figurés.
Pour Fintelligence complète des figures, je dois prévenir qu'elles
se rapportent à des lames taillées, minces, d'une épaisseur de
0,05 à 0,08 mm. D'après cela, non-seulement des productions
d'apparence rudimentaire se montreront aux surfaces qui limi-
tent la préparation , mais encore aucune forme allongée , à moins
qu'elle ne soit par hasard située précisément dans le plan de la
préparation, ne pourra être vue dans toute son étendue, même
si nous projetons les différents niveaux de la préparation sur le
plan du dessin. Le plus souvent nous n'avons donc pas devant
nous les formes complètes, puisque celles-ci ont été mises en
pièces. Ensuite on ne doit pas supposer que les cristallites mon-
trent toujours la même forme, la même position et le même
groupement qu'ils avaient au moment où ils ont pris naissance;
ils peuvent croître, se réunir ou aussi s'endommager réciproque-
ment, pendant qu'ils se meuvent avec et dans la masse vitreuse
liquide. Dans le cas spécial qui nous occupe , les phénomènes de
ce genre ne jouent toutefois pas un grand rôle, de sorte que
nous ne nous appesantirons pas davantage sur ce sujet.
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 181
Sur la PL VII on reconnaît de suite les globulites et les lon-
gulites, tels qu'ils ont été décrits et figurés d'après les observa-
tions faites sur la séparation du soufre. Les globulites individuels
ont des diamètres qui vont jusqu'à 0^08 mm., et leur forme,
pour autant qu'on peut en juger par des observations microsco-
piques, est celle d'une sphère parfaite. Assez souvent les globu-
lites sont accumulés irrégulièrement, mais, en général, on les
voit groupés, au nombre de quatre ou de huit, dans un même
plan, autour d'un centre commun ou autour d'une sphère cen-
trale. Lorsque la sphère centrale est couverte d'autres globulites
sur toute sa surface, on ne peut guère reconnaître de régularité
dans le groupement; mais de pareils agrégats sont rares chez
ces globulites de grande dimension; le groupement en un plan
est de beaucoup le plus fréquent.
Il n'est pas rare que le groupement des globulites soit accom-
pagné de leur union partielle ou totale, et on a surtout fréquemment
l'occasion d'observer des formes dans lesquelles on saisit un passage
entre les groupes à huit sphères distinctes et des corps tétragonaux à
contours rectilignes , qui ressemblent tout particulièrement à des tra-
pézoèdres. Les formes sont trop petites pour permettre une détermina-
tion exacte , et il est impossible de savoir avec certitude s'il s'agit
réellement d'une cristallisation régulière. En tout cas, il s'est fait
ici une réunion de plusieurs globulites en une forme d'ensemble^
à laquelle nous ne pouvons refuser les caractères morphologiques
généraux des cristaux véritables. Toutes ces formes sont absolu-
ment sans action sur l'appareil de polarisation.
Le groupement ou plutôt l'union simplement linéaire des glo-
bulites se rencontre aussi fréquemment. Je n'ai pas observé de
margarites proprement dits, mais, par leurs étranglements et
leurs divisions transversales , les formes allongées laissent encore
facilement reconnaître les globulites individuels dont l'assemblage
les a constituées. Ces formes ne présentent pas toujours une direc-
tion rectiligne suivant leur longueur, soit que le groupement ait
manqué de régularité dès l'origine, soit que les formes aient
subi plus tard une incurvation.
182 H. VOGELSANG. SUR LES CRIST ALLITES.
On ne voit que rarement des formes semblables à celle qui
est représentée sur la PI. VII, en haut à droite, c'est-à-dire des
formes qui manifestent un agencement régulier, ordmairement
rectangulaire, quoique le cristallite entier se montre composé de
globulites de grande dimension.
Du reste, la plupart des longulites, et en particulier toutes
les aiguilles en cône aigu, que nous remarquons sur la planche,
ne doivent pas leur origine, ou ne la doivent qu'en partie, au
simple groupement linéaire des globulites. Ces aiguilles sont tou-
jours énantiomorphes ; à l'une des extrémités elles se terminent
en une pointe extrêmement fine, qui parfois porte encore une
petite étoile très déliée; à l'autre extrémité elles s'épaississent,
montrent fréquemment une division transversale simple, et se
terminent ordinairement en bouton, soit par un gros globulite,
soit par un groupe stelliforme. Dans cette dernière direction,
l'aiguille paraît s'être accrue par simple enchaînement linéaire de
globulites de grande dimension. Au côté aigu, au contraire, on
peut souvent reconnaître que les aiguilles ne se sont pas formées,
dans cette partie, par simple jonction sériaire, comme oela est
le cas pour les margarites, mais que les éléments sphériques, de
la plus petite espèce, ont aussi convergé latéralement de diver-
ses directions, pour venir se réunir en longulites. Là où une
aiguille se montre ainsi composée de globulites de la plus petite
dimension, ceux-ci sont toujours situés de manière à alterner entre
eux latéralement. On observe d'ailleurs tous les degrés différents
d'union des globulites, depuis la simple juxtaposition, qui les
laisse voir isolément, surtout à la surface de taille de la prépa-
ration (PL VII, en haut à gauche), jusqu'à une union assez in-
time pour ne plus se dénoter que par de faibles indices d'articu-
lation transversale. Le plus souvent toutefois, les aiguilles sont
si lisses et à bords rectilignes si nets, que, sans les formes
intermédiaires susdites, il serait impossible de deviner leur mode
de formation. Il arrive pourtant quelquefois que ces aiguilles
lisses sont chargées latéralement de séries alternes de globulites
de la plus petite espèce, et à la pointe on voit fréquemment une
H. VOGELSAi\G. SUR LES CRISTALLITES. 183
étoile très menue, résultat du groupement des plus petits globu-
lites après que leur réunion en longulites s'est trouvée arrêtée
par la résistance du magma (PI. VII, à droite). Dans les cas
dont il vient d'être question, les globulites de la plus petite
espèce mesurent tout au plus 0,0005 mm.
Il est probable que cette formation de longulites par rappro-
chement latéral de globulites a aussi eu pour point de départ
un groupement quaternaire ou octonaire; malheureusement cela
n'a pu être constaté par l'observation directe. A un grossissement
tel qu'il est nécessaire pour ces objets (1000 fois), de pareilles
déterminations deviennent incertaines; la disposition alterne des
globulites sur chaque côté de l'aiguille a seule pu être re-
connue d'une manière indubitable. Dans quelques cas parti-
culiers, du reste, la constitution ternaire de l'aiguille m'a paru la
plus probable.
D'autres particularités, dont l'importance pour la connaissance
du mode de groupement n'est pas moindre, ont pu être observées
avec plus de certitude. Les formes de transition, dans lesquelles
les globulites ne s'étaient unis que partiellement, ne montraient
pas, en effet, chez ces aiguilles aiguës et fines, une division
transversale analogue à celle des aiguilles plus épaisses; mais
les lignes de séparation suivaient une direction diagonale uniforme ,
qui mettait en pleine évidence le fait d'un arrangement spiral
des moléculites. Quelquefois on ne voyait que ces fines stries
spirales sur la surface conique aiguë de l'aiguille, mais, dans la
plupart des cas, l'aiguille elle-même se tordait en spirale. Cela
était facile à constater nettement, vu que, dans la position
horizontale de l'aiguille, il n'y avait que les sections équivalentes
des spires successives, qui se trouvassent simultanément au foyer.
La spirale était toujours assez allongée, mais du reste l'angle
d'inclinaison n'avait pas une valeur tout à fait constante dans
une même aiguille; au gros bout les circonvolutions étaient les
plus rapides, vers la pointe l'angle d'inclinaison diminuait en
même temps que le rayon. Je n'ai observé que des spirales tour-
nant à droite (spirales lambda). La forme hélicoïde s'accusait
184 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
avec le plus de netteté chez quelques aiguilles qui se présentaient,
non comme des cônes enroulés à section circulaire, mais comme
des rubans spiraux. Ces formes, qui peuvent être comparées à
un brin d'herbe tordu, se résolvaient en général distinctement
en leurs globulites élémentaires, lesquels, dans ce plan enroulé,
étaient placés l'un à côté de l'autre en position alterne. La
Planche VII montre quelques indications de pareilles aiguilles
spirales; on ne pouvait les représenter plus distinctement, si
l'on voulait faire ressortir leur rapport de grandeur avec les autres
formes, car ce ne sont que les plus déliés de ces longulites qui
montrent un enroulement spiral. Avec un bon grossissement (800 —
1000 fois) le phénomène peut être facilement observé dans tous
ses détails.
Un groupement régulier des longulites mêmes est rare dans
le laitier que nous examinons. Quelquefois, à une aiguille plus
longue, sont attachés latéralement, à angle droit, des articles
plus courts , ainsi que le représente la PI. VII dans sa partie in-
férieure. Karement on voit une croix rectangulaire simple, formée
par quatre grands longulites. Le plus souvent, les formes allon-
gées semblent jetées tout à fait irrégulièrement les unes à travers
les autres, comme un tas d'algues. Reste à savoir si elles n'ont
pas affecté primitivement une disposition plus régulière , qui aurait
été bouleversée par les mouvements de la masse. Pour le cas de
notre laitier toutefois, il est difficile d'admettre qu'une pareille
action ait exercé une grande influence.
Ainsi qu'il a été dit, on peut souvent suivre, sur un espace
restreint, le passage des formes sphériques et aciculaires simples
de la PI. VII aux agrégats complexes reproduits dans la PL VIII.
Je dois toutefois remarquer expressément, qu'il n'est question ici
que d'un passage en ce qui concerne l'accumulation relative de
l'une ou de l'autre espèce de formes, et non d'un progrès du
développement, en vertu duquel les aiguilles et les sphères devraient
être regardés, en général, comme des degrés préliminaires con-
duisant au groupement filiciforme de la PI. VIII. Nous revien-
drons sur ce point tout à l'heure. Faisons d'abord une connais-
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 185
sance un peu plus intime avec la forme extérieure de ces cris-
tallites remarquables.
Les troncs ou axes principaux ne sont pas toujours parfaite-
ment rectilignes dans toute leur étendue^ et, par suite, les
angles ne sont pas absolument constants. En général, toutefois,
c'est à angle droit que partent de l'axe (ou rachis) les divisions
secondaires (les pinnae, si nous voulons poursuivre la comparaison
avec une feuille de fougère) , et celles-ci forment à leur tour avec
les divisions de second ordre (les pinnules) des angles, soit de
45, soit de nouveau de 90 degrés. Dans la plupart des formes
étendues eu ligne droite, la terminaison , pour autant qu'elle est
comprise entre les surfaces limites de la préparation, paraît se
faire par une sorte d'étoile corolliforme ; de pareils groupes
rayonnes d'axes se voient d'ailleurs aussi, fréquemment, sans
aucune espèce de pédoncule, développés symétriquement dans
toutes les directions. Les différents axes ne sont donc pas tous
situés dans un même plan, comme la figure pourrait le faire
croire ; néanmoins , la croissance en un plan semble avoir été
spécialement favorisée, même dans les formes à groupement cen-
tral. Les formes allongées montrent ordinairement une ramification
suivant deux plans perpendiculaires entre eux ; dans les étoiles ,
avec leurs divisions multiples , les angles de 45 ou de 90° restent
encore prédominants. Ces dernières formes constituent pour ainsi
dire un squelette d'axes orthoédrique , dans lequel se sont déve-
loppés surtout les axes principaux et les axes intermédiaires
formant avec les premiers un angle de 45°.
Si nous considérons séparément un de ces plans d'axes, —
et, comme nous l'avons dit, il y en a ordinairement un qui se
distingue par l'étendue et l'uniformité de développement, —
nous voyons huit troncs qui convergent au centre sous des angles
égaux, de 45°. De ces huit troncs, ceux qui sont placés l'un à
côté de l'autre présentent un développement inégal , ceux de rang
alterne sont de même grandeur, de sorte que nous pouvons dis-
tinguer une croix principale et une croix accessoire, ou plutôt
une croix de premier ordre et une croix de second ordre. Chacun
186 H. VOGELSAi\G. SUR LES CRISTALLITES.
des quatre bras de la première constitue, à son tour, un squelette
d'axes dirigés dans deux plans perpendiculaires entre eux ; quant
à la croix de second ordre, chacun de ses bras est formé d'un
axe longitudinal, d'apparence cylindrique, qui émet des deux
côtés, sous des angles de 45°, des branches plus longues. Ces
branches sont donc de nouveau parallèles aux divisions de premier
ordre, et elles montrent aussi, en petit, exactement la même forme
et la même subdivision orthogonale. D'après cela, l'étoile est
entièrement composée de branches à ramification rectangulaire,
dont les quatre plus grandes, représentant les axes principaux,
se coupent au centre, tandis que les autres, plus petites, se
rencontrent sur la ligne des axes intermédiaires , l'intersection des
unes comme des autres se faisant d'ailleurs à angle droit.
Si, poursuivant notre analyse, nous cherchons maintenant à
résoudre chaque branche en ses derniers éléments simples, nous
voyons bien , dans les cristallites tout à fait intacts , que les bords
et les pointes extrêmes sont toujours formés de petits globulites ,
mais le milieu des cônes et des aiguilles est trop dense et trop
opaque pour qu'on .puisse , sans autre précaution , en reconnaître
la structure intérieure. Nous atteignons toutefois très bien notre
but en étudiant les surfaces limites de la préparation, où, par
la taille, les formes ont en quelque sorte subi une dissection
anatomique. De cette manière , on peut constater en toute évidence
que les diverses branches , aussi bien celles du premier ordre que
celles du second, sont composées dans toute leur épaisseur de
petits globulites , et que jamais les axes ne sont formés de longu-
lites unitaires, cylindriques ou coniques. Partout où de pareils
axes corporels se présentent, ils ont tout au plus la valeur de
ceux des longulites, décrits ci-dessus, que nous avons aussi pu
résoudre entièrement en globulites groupés latéralement. Pour
plusieurs des formes représentées, spécialement pour celles qui
se trouvent au milieu de la PL VIII, on a cherché a reproduire
des sections du genre de celles dont il s'agit ici.
Dans les formes allongées , à grandes divisions latérales , chaque
division a une structure analogue à celle des branches des étoiles :
H. VOGELSAIVG. SUR LES CRISTALLITES. 187
l'axe se compose aussi le plus souvent de globulites distincts,
mais fréquemment il montre une section analogue aux formes de
transition qui ont été signalées précédemment et qui s'expliquent
par la juxtaposition de 4 ou 8 globulites de grande dimension.
L'extension et la ramification ultérieure des branches sont^ à
part la division à angle droit, très inégales; dans les étoiles
toutefois , les branches de même ordre montrent souvent une con-
formité remarquable, qui se manifeste par l'analogie et la symétrie
de la ramification , par l'égalité de développement , d'élargissement
ou de rétrécissement des différentes parties. Les formes allongées
se font parfois remarquer, sous ce rapport, par une interruption
caractéristique; à des distances régulières on voit l'axe donner
naissance à de grandes branches , entre lesquelles ne se sont dé-
veloppés que des ramuscules courts et simples.
Les différentes branches, dont les rameaux, d'après ce qui
précède, convergent les uns vers les autres sous des angles de
45, de 90 ou de 180 degrés, n'arrivent pourtant jamais en con-
tact immédiat; jamais on ne voit d'entrelacements en forme de
treillis. Ce n'est que sur l'axe ou au centre que les divisions des
divers ordres se rencontrent; partout ailleurs il reste entre elles
un espace bien distinct, quoique souvent très étroit, espace qui
est occupé par la matière vitreuse.
En ce qui concerne les propriétés optiques des cristallites de
ce laitier, nous avons déjà dit plus haut qu'ils se montrent com-
plètement isotropes, sans la moindre action sur l'appareil de
polarisation. Mais, de cette circonstance seule, il serait hasardé
de tirer la conclusion que nous avons affaire à des formes régulières
ou à des rudiments de cristaux réguliers.
En beaucoup d'endroits le fond clair du laitier est encore par-
semé de cristallites extrêmement petits, qui ont la forme de
simples groupes d'axes étoiles, et qui sont composés, conformé-
ment à ce qui a lieu dans les cristallites plus grands, soit de
quatre, soit de six globulites.
Si nous examinons maintenant la planche VIII dans ses rapports
avec la planche VII, en tenant compte des notions acquises par l'étude
188 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
de la cristallisation du soufre, il ne pourra rester aucun doute
au sujet de la signification des différentes formes. Pour les cris-
tallites de la PL YIl, le mouvement moléculaire interne, tant
celui des globulites formés que celui du magma ambiant, était
encore si considérable, et la résistance due à la pellicule des
globalités et à l'état d'agrégation du magma était si faible, que
le groupement régulier, auquel les globulites tendaient en vertu
du travail de cristallisation intérieur, a pu être accompagné ordi-
nairement de la réunion, de la fusion de ces globulites en formes
unitaires. Toutes les formes relativement grandes et d'apparence
simple ont pris naissance de cette manière , par la réunion de petits
globulites. Même la différence remarquable qui existe entre les
formes arrondies et les formes allongées est peut-être aussi due,
comme pour le soufre, à de pareilles modifications mécaniques,
au lieu de reposer sur une diversité réelle, substantielle.
La résistance du milieu venant à augmenter, il en résulta
d'abord que les globulites ne purent plus conserver la forme
d'équilibre la plus simple, mais que, suivant les directions dans
lesquelles ils se joignaient, il dut se produire des arêtes, des
angles et des étranglements, jusqu'à ce qu'enfin, la condensation
devenant tout à fait impossible, il ne resta plus aux globulites
que la faculté de se grouper en série linéaire ou en étoile. C'est
ainsi que s'expliquent les formes leucitoédriques et les autres
formes intermédiaires.
La planche VIII ne nous montre que des groupements régu-
liers de globulites de la plus petite espèce, mais ce sont précisé-
ment ces formes qui démontrent le mieux que déjà dans ces
plus petits globulites il existe une certaine polarité du mouvement ,
qui appelle et favorise l'attraction, le groupement et la réunion
suivant des directions axonométriques déterminées. Et comme les
petits globulites qui composent ces formes en feuilles de fougère
se trouvent, sous le rapport de l'individualisation, au même degré
que les sphères beaucoup plus grosses de la Planche VII, nous
pouvons aussi construire par la pensée, à l'aide de ces sphères
et des longulites unitaires, les cristallites richement développés
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 189
de la Planche VIII , et par là nous faire une idée , non-seulement
de la nature et du mode de leur croissance exogène , mais pro-
bablement aussi des directions du mouvement moléculaire inté-
rieur. En admettant des conditions physiques partout égales^ ou
du moins variables avec uniformité, pour le magma de silicates,
et en même temps une certaine durée de temps pour la sépara-
tion des plus petits globulites, les cristallites de la PL VII seraient
les plus anciens, les premiers séparés, ceux qui, en un certain
sens, se rapprochent davantage d'un degré d'individualisation plus
élevé. Mais les cristallites pourraient aussi s'être séparés simul-
tanément, et dans ce cas leurs degrés différents de développe-
ment s'expliqueraient par des différences locales, par des inéga-
lités dans les conditions physico-chimiques, la température, la
fusibilité , etc ; irrégularités qui doivent nécessairement se produire
dans une masse de laitier en voie de solidification.
Dans aucun autre produit métallurgique je n'ai rencontré des
cristallites aussi grands et de formes aussi diverses que dans le laitier
de Siegburg; mais, sous de plus petites dimensions et avec des
formes ordinairement plus irrégulières, on les trouve probablement
dans tous les laitiers verts, dont ils constituent tout spéciale-
ment le principe colorant. Je ne puis mentionner ici les nom-
breuses modifications que j'ai observées, et dont quelques unes
ont déjà été décrites et reproduites antérieurement. Comme
d'un intérêt spécial, on peut citer les formes irrégulières, den-
dritiques, bryoïdes, dans lesquelles le groupement régulier des
globulites a été empêché probablement par le mouvement de la
masse ou par quelque autre cristallisation concomitante ^). Des
formes analogues se trouvent aussi dans beaucoup de roches
cristallines.
Il n'est nullement certain que dans tous ces cas les cristallites
représentent une seule et même combinaison chimique. Ils peuvent,
en qualité de silicates d'oxydule de fer, ne pas s'éloigner beau-
») V. H. Vogelsang, Philosophie der Géologie und mikroskopische Gesieinsstu-
dien, PL Y, fig. 1.
190 H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES.
coup de la composition de l'augite ou de l'olivine ; mais , abstrac-
tion faite du manque de moyens exacts de détermination, l'im-
perfection même de leur individualisation nous défend de les
identifier avec l'un ou l'autre de ces minéraux. Il est très pos-
sible que dans un seul et même laitier, et même dans un seul
cristallite, la nature et le groupement des atomes ne soient pas
exactement les mêmes pour tous les globulites. En effet, les con-
ditions générales d'un pareil groupement régulier embrassent très
probablement des systèmes cristallins tout entiers, et par suite
exigent bien dans les divers globulites constituants un certain
isomorphisme, mais non pas une similitude complète de compo-
sition chimique. Au reste, ces vues purement théoriques échappent
encore aujourd'hui au contrôle de l'observation directe, de sorte
que nous pouvons nous en tenir provisoirement à l'idée la plus
simple, savoir que, au moins dans un seul et même laitier, les
cristallites représentent une combinaison chimique déterminée,
identique dans leurs diverses parties.
J'attache pour le moment plus d'importance à l'observation
que, lorsqu'un magma de silicates est à l'état liquide, une diffé-
renciation peut s'y déclarer sans que la cristallisation progresse
régulièrement avec la solidification, avec le déeroissement de la
température. Nous ne faisons qu'appliquer par analogie les résultats
expérimentaux de l'étude de la formation des cristaux dans les
solutions aqueuses, quand nous demandons, comme première
condition de la cristallisation dans les magmas de silicates , une
mobilité des particules aussi grande possible, un degré déterminé
de fluidité de la masse. Ce n'est que lorsque cet état est atteint,
que les réactions physico-chimiques, par exemple l'abaissement
de la température, peuvent donner lieu à un groupement régulier
de molécules homogènes. Nous aurons encore plusieurs fois l'oc-
casion , dans la suite , de revenir sur cette considération si simple ,
qu'on a trop souvent perdue de vue en traitant de la formation
des cristaux dans les magmas de silicates à l'état de fusion ignée.
Pour terminer, nous décrirons encore un laitier qui est propre
à démontrer jusqu'à un certain point, précisément pour le degré
H. VOGELSANG. SUR LES CRISTALLITES. 191
de développement des cristallites que nous avons appris à con-
naître dans le laitier de Siegburg, la justesse de la considération
théorique qui vient d'être rappelée.
Fig. 1 , PL IX est l'imag-e microscopique d'un laitier de haut
fourneau de la Konigshùtie en Silésie. Ce laitier a l'aspect d'un
émail, sa couleur est d'un vert vif, avec des raies plus claires
et plus foncées, où l'on reconnaît distinctement la direction du
mouveaient de la masse, un dessin fluidal. Sous le microscope,
la pâte se montre comme un verre très clair, presque incolore,
dans lequel d'innombrables cristallites sont disposés parallèlement
à la direction du courant. Ce sont tous des aiguilles longues et
aiguës, dont le gros bout porte un bouton étoile, et qui ressem-
blent par conséquent tout à fait aux cristallites énantiomorphes
que nous avons décrits et figurés dans le laitier de Siegburg.
Les aiguilles sont pour la plupart des lougulites unitaires, mais
chez un grand nombre d'entre elles la fusion des globulites n'a
pas été complète; à l'aide d'un fort grossissement elles se résol-
vent, en tout ou en partie, en globulites distincts. Il est rare
que les longulites viennent à se grouper; du reste, en admettant
même que la tendance au groupement ait existé, elle a dû être
contrariée par le mouvement de la masse. Dans les raies fluida-
les claires les cristallites sont en petit nombre, mais de grande
dimension; dans les parties foncées ils sont nombreux, mais
petits. Tous, comme nous l'avons dit, sont situés, d'une manière
générale, dans la direction du courant; parfois on remarque un
amoncellement des aiguilles, et il n'y a pas à douter que leur
séparation n'ait eu lieu ou du moins n'ait commencé pendant
que la masse vitreuse liquide était en mouvement. Considérés
sous le rapport de la position de la pointe et du bouton, les
cristallites ne sont du reste pas orientés de la même manière,
ainsi que le montre la figure ; parfois , une étoile forme le milieu
de deux cristallites placés symétriquement. Fréquemment on voit
de ces petits cristallites étoiles sans aiguille, mais jamais je n'ai
vu d'aiguille sans étoile, à moins que celle-ci n'eût été enlevée
par l'opération de la taille. Les étoiles montrent de nouveau un
192 H. VOGELSAIN'G. SUR LES CRISTALLITES.
groupement quaternaire ou octonaire^ qui toutefois n'est que peu
prononcé dans la plupart des petites formes arrondies. Les aiguilles
les plus grandes ont une longueur d'environ 0,2 mm,^ avec un
diamètre de 0^006 mm. au gros bout ; l'étoile qui surmonte celui-ci ,
mesure environ 0,01 mm. dans son plus grand diamètre. La
grande majorité des cristallites reste toutefois beaucoup au-dessous
de ces dimensions. Les longues aiguilles montrent aussi quelque-
fois un enroulement bélicoïde , et , en général , on retrouve ici presque
toutes les particularités qui ont été décrites en détail à l'occasion
du laitier de Siegburg. La figure 2, PI. IX, sera décrite dans le
chapitre suivant.
PI. IV.
Pl.V.
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I
ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
Sciences exactes et naturelles.
SUR LES
CHALEURS SPÉCIFIQUES DES CORPS
SOLIDES ET LIQUIDES
PAB,
J. A. GROSHANS.
1. Il résulte des considérations que j'ai communiquées dans
ces Archives , Tome V , page 1 , que les chaleurs spécifiques des
corps (à l'état liquide) sont comparables entre elles, aux points
d'ébullition, ou à des températures correspondantes, et qu'il est
nécessaire de rapporter ces chaleurs aux poids moléculaires , et non
aux poids atomiques, qu'on a employés pour cela jusqu'aujourd'hui.
2. On trouve alors, que les chaleurs atomiques des éléments
sont égales aux chaleurs atomiques de l'eau H2 0, du carbure
de soufre C S^ , et de l'acide formique CH2O2.
3. Ces chaleurs atomiques (des éléments) sont aussi les mêmes
que celles d'un très-grand nombre de combinaisons simples métal-
liques , telles que des oxydes , des sulfures , des chlorures ,
bromures et iodures des formules RCl et R^Cl^, RBretR2Bi'2J
RI et R2I2; ainsi que d'un grand nombre de sels métalli-
ques j carbonates , nitrates , arséniates , phosphates , etc.
4. Tous ceux qui traiteront des chaleurs spécifiques (des corps
solides et liquides) trouveront de grandes ressources dans les deux
mémoires étendus de M. H. Kopp [Annalen der Cliemie und Phar-
macie, 3r Supplementband , 1864 et 1865).
5. Dans ces deux mémoires, qui occupent ensemble 179 pages,
M. Kopp a exposé l'histoire et l'état général de la science , en ce qui
Archives Néerlandaises, T. V. 13
194 J. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
concerne les chaleurs spécifiques ; il y a rassemblé les résultats
d'un très grand nombre d'observations de M. Regnault et d'autres
physiciens; à quoi il a ajouté le détail d'un nombre considérable
d'expériences exécutées par lui-même ; il y a énuméré les opinions
des principaux savants qui se sont occupés de ce sujet, et enfin
il a coordonné tous les résultats connus dans une théorie qui lui est
propre , quoique reposant pour une grande partie sur les opinions
de MM. Schroeder et Woestyn.
6. En exposant mes vues , qui sont quelquefois opposées à celles
de M. Kopp , il me sera nécessaire de revenir de temps en temps
sur les opinions de ce savant et de présenter les modifications
qu'elles me paraissent devoir subir.
7. Par exemple; M. Kopp considère comme une erreur l'opi-
nion ancienne d'après laquelle les corps solides seraient en général
comparables aux corps liquides (lorsque les formules chimiques
des uns et des autres sont analogues ou ressemblantes) ^ quant
aux rapports entre la chaleur spécifique et le poids atomique.
C'est ainsi qu'on croyait que l'oxyde Cu^O, dont la chaleur
atomique est = 15^6; pouvait être comparé avec l'eau liquide H2 0,
dont la chaleur atomique est z=z 18.
Selon M. Kopp , il faudrait dans ce cas comparer avec le corps
solide Cu^O, l'eau H2 0 à l'état de glace , dont la chaleur
atomique est = 8, 6.
8. C'est cette opinion de M. Kopp que je crois susceptible de
modification.
On pourrait citer un nombre considérable de savants, qui ont
cru reconnaître dans les chaleurs atomiques, 15,6 et 18, des deux
corps Cu^ 0 et H^ 0, dont les formules se ressemblent, un cas
de la loi de Neumann , et il faut avoir de fortes raisons , pour se
refuser à cette espèce d'évidence et maintenir l'opinion contraire,
celle qui consiste à vouloir plutôt comparer les nombres 15,6 et
8,6. Avant tout, il faut consulter les résultats de l'expérience, quant
aux chaleurs atomiques de corps possédant des formules chimiques
analogues et dont les uns soient solides et les autres liquides
à la température ordinaire.
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES.
195
9. Je prendrai pour premier exemple H2SO4, l'acide sulfu-
rique , corps liquide , que je comparerai aux corps solides K H S O4 ,
K., S O4 et Na2 S O4 , qui ont tous la même formule que H^ S O4 ;
voici les résultats de cette comparaison (les expériences sont
toutes de M. Kopp lui-même):
formules, chaleurs spéc. poids atomiques, chaleurs atomiques.
corps liquide.
H,S04 0,343 98 33,6
corps solides.
KHSO4 0,244 136,1 33,2
K,S04 0,196 174,2 34,1
Na,S04 0,227 142 32,2
On voit que ces quatre corps ont une chaleur atomique égale.
10. Pour second exemple je prendrai le mercure ; M. Regnault
a trouvé pour ce corps à l'état solide la chaleur atomique = 6,4
et à l'état liquide = 6,6; ces deux valeurs diffèrent assez peu
l'une de l'autre , pour qu'il soit permis de dire que la chaleur atomique
du mercure peut être comparée, tant dans l'état liquide, que
dans l'état solide, à celle de la généralité des autres éléments.
11. A ces deux exemples on peut maintenant ajouter les chaleurs
atomiques des corps Cuj 0 = 15,6, et H^ 0 (à l'état liquide) = 18.
12. Il résulte de ces trois exemples, que des corps solides et
des corps liquides (quand les formules chimiques sont sembla-
bles) peuvent avoir des chaleurs atomiques égales. L'opinion de
M. Kopp n'est donc pas vraie d'une manière absolue.
13. On ne doit cependant pas admettre qu'on puisse, en
général , comparer les chaleurs atomiques de corps solides à celles
de corps liquides (les formules chimiques étant semblables) ; on
sait que l'eau, dans les deux états de liquidité et de solidité,
a des chaleurs atomiques différentes ; et il en est de même pour
le brome et l'iode; cela tient à l'action des forces moléculaires,
qu'on n'a pu assujettir jusqu'aujourd'hui au calcul; mais il m'a
semblé important de constater que cette action des forces molé-
culaires n'est pas liée nécessairement aux deux états de liquidité
et de solidité; en outre, j'ai voulu montrer que la théorie de
13*
196 J. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
M. Kopp^ qui repose pour une grande partie sur la chaleur atomique
de l'eau à l'état de glace, chaleur atomique qui paraît (d'après
les exemples cités) être plus anomale que celle de l'eau à l'état
liquide, a besoin d'être discutée avant d'être acceptée.
14. Aux trois exemples cités on peut en ajouter encore d'autres,
qui sont d'une nature moins directe. M. Regnault a trouvé pour
les deux corps liquides suivants:
chai. spéc. a chai. at.
SnCl^ 0,1476 260 38,37
TiCl, 0,1914 192 36,75;
et d'un autre côté on a pour les corps solides suivants (expériences
de M. Regnault, citées par M. Kopp):
chai. spéc. a chai. at.
SnCl^ 0,1016 189 19,2
PbCl^ 0,0664 278 18,5
Si l'on considère maintenant que Sn et Pb sont des métaux
tétratomiques , on voit qu'il faut doubler les formules et les poids
atomiques, ce qui donne:
chai. spéc. a chai. at.
Sn^Cl^ 0,1016 378 38,4.
Pb^CU 0,0664 556 37,0;
et Ton constate alors que , pour ce cas encore , l'accord entre les deux
corps solides et les deux corps liquides est aussi précis qu'on
aurait pu le souhaiter.
15. J'ai appelé ces derniers exemples d'une nature moins directe ;
non-seulement parce qu'il faut admettre pour les corps Sn2Cl4 et
Pb^ Cl 4 une densité de vapeur qui, quoique probable, manque cepen-
dant du contrôle nécessaire de l'expérience; mais aussi parce qu'il
se présente ici un cas nouveau, celui de corps R CI4 et
R2 Cl 4, ayant des chaleurs atomiques égales; on voit bien que
ces deux formules ont une certaine ressemblance, chacune
renfermant 4 atomes de chlore; mais ce n'est pas une
ressemblance dans l'esprit de la loi de Neumann. Suivant
mon opinion, que j'ai déjà communiquée dans ce journal,
les lois de Dulong et Petit et de Neumann ne seraient
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 197
toutes deux que des cas particuliers d'une loi nouvelle , qu'on peut
énoncer ainsi:
Les chaleurs atomiques sont égales pour des corps qui ont le
même rang.
16. Quand on admet les formules doubles pour SnCl2 et Pb
Cl 2; il faut doubler nécessairement les formules pour les bromures
et les iodures analogues; et même faire cette opération pour les
chlorures, bromures et iodures, RCU , des corps suivants: Ba, Ca,
Mg, Mn , Sr , dont les chaleurs atomiques sont de même ■=z 18 ou 19.
17. J'ai déjà dit que, d'après ma manière de voir, les chaleurs
spécifiques sont comparables aux points d'ébullition ou à des tem-
pératures correspondantes. Il est vrai que la comparaison à ces tem-
pératures donnerait lieu, pour beaucoup de corps, à des difficultés
insurmontables ; mais , en consultant les résultats de l'expérience , on
peut admettre que, pour des corps qui bouillent à des tempé-
ratures très élevées, la comparaison peut se faire aussi à la tem-
pérature ordinaire. On peut faire au moins à cette température
beaucoup d'observations intéressantes; seulement il faut songer
que, dans beaucoup de cas, on observerait, à des températures
élevées, des phénomènes nouveaux, qui demeurent cachés quand
on opère à la température ordinaire ; — c'est ainsi, par exemple,
que la chaleur atomique de l'iode liquide est double de celle de
l'iode solide (expériences de MM. Favre et Silbermann).
1 8. Je vais traiter maintenant de la question des poids moléculaires ;
on sait que les deux notions de poids moléculaires et de poids
atomiques n'ont été généralement séparées que depuis un petit
nombre d'années.
19. Je commencerai par rappeler quelques idées déjà anciennes
sur les rapports entre les chaleurs spécifiques et les poids atomi-
ques; j'emprunterai pour cela une partie de deux tableaux de
l'ouvrage de MM. H. Buff, H. Kopp et F. Zamminer, intitulé:
Lehrbuch der Physik und theoretische Chemie , Brunswick, 1857.
Tableau I.
chai. spéc. a chai. at.
Al 0,2143 13,7 2,94
S 0,2026 16 3,24
198 J. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
chai. spéc. a chai. at.
Fe 0,1138 28 3,19
Cu 0,0952 31,7 3,02
Cd 0,0567 56 3,18
Sn 0,0562 58 3,26
Tableau II.
P 0,1887 31 5,85
As 0,0814 75 6,10
Ag 0,0570 108,1 6,16
I 0,0541 127,1 6,88
Sb 0,0508 120,3 6,11
Au 0,0324 197 6,38
20. On voit qu'en 1857 on admettait que les chaleurs atomi-
ques des éléments sont égales entre elles, ou dans un rapport
simple, comme 1 à 2; on sait d'ailleurs que plusieurs chimistes
avaient proposé de changer les nombres adoptés pour les poids
atomiques, de manière à obtenir des valeurs égales pour les
chaleurs atomiques de tous les corps; ainsi M. Regnault intro-
duisit l'uniformité à cet égard en faisant (le poids atomique
du fer étant = 28) le poids atomique de l'argent =: 54. On
peut dire que les progrès de la science ont donné raison à
M. Regnault; seulement ce n'est pas le poids atomique de l'ar-
gent qu'on a diminué de moitié, c'est le poids atomique du
fer, qui a été doublé; ce qui revient en quelque sorte au même.
21. Voici maintenant qu'en 1864, sept années après la pu-
blication de ces deux tableaux, M. Kopp donne un autre tableau
(dans les mémoires cités plus haut), dont je ferai ici un extrait
pour les corps des deux tableaux du paragraphe 19:
chai spéc.
a
chai. at.
Al 0,2143
27,4
5,87
S 0,2026
32
6,48
Fe 0,1138
56
6,38
Cu 0,0952
63,4
6,04
Cd 0,0567
112
6,36
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 199
chai. spéc.
a
chai. at.
Sn 0,0562
118
6,53
P 0,1887
31
5,85
As 0,0814
75
6,10
Ag 0,0570
108
6,16
I 0,0541
127
6,88
Sb 0,0508
122
6,11
Au 0,0324
197
6,38
22. En voyant cette uniformité admirable, que les chimistes
avaient souhaitée si longtemps, sans pouvoir l'atteindre, on aurait
pu croire que la question était définitivement résolue; ou qu'au
moins de grands changements dans les nombres du dernier tableau
ne seraient nécessaires qu'après un temps plus ou moins long.
23. Tel n'est cependant pas le cas ; l'introduction nécessaire des
poids moléculaires, qui remplaceront les poids atomiques, aura
pour résultat que tous les nombres du dernier tableau seront
doublés , et il pourrait même arriver que les rapports simples entre
les chaleurs atomiques (moléculaires) des éléments, dont on se
croyait débarrassé, reparaîtront en plus grand nombre.
24. Avant de traiter le cas général des poids moléculaires, je
prendrai pour exemple particulier le soufre.
La chaleur atomique du soufre , rapportée au poids atomique 32 ,
est en moyenne 5,9. Celle de plusieurs combinaisons ES est en
moyenne 11,9.
25. Si ces deux nombres 5,9 et 11,9 sont en raison de
1 à 2 , c'est bien évidemment parce qu'on a employé pour la chaleur
atomique du soufre la moitié du nombre qu'il aurait fallu prendre.
26. On peut faire la même observation pour les corps suivants:
formules atomiques formules moléculaires.
Br BrBr RBr
I I I RI
Mais je crois inutile d'insister sur ce point; on peut admettre
que ceux qui traiteront à l'avenir des chaleurs spécifiques (même
sans avoir pris connaissance de mon travail) , reconnaîtront qu'il n'y
a pas de différence essentielle entre les chaleurs atomiques (à la
200 J. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
température ordinaire) des éléments SS, BrBr et II, d'une part,
et des combinaisons RS, RBr et RI, d'autre part; — il n'y a
vraiment aucune raison pour ne pas substituer dans la théorie des
chaleurs spécifiques les poids moléculaires aux poids atomiques,
comme on l'a fait déjà depuis longtemps dans d'autres parties de
la science, par exemple, quant aux volumes de vapeur, où l'on
compare ClCl, BrBr et II à HCl, HBr et HI.
27. La nécessité de cette substitution me semble résulter , entre
autres, de la considération que par là les éléments sortiront enfin de la
classe exceptionnelle, tout à fait distincte de celles des
corps composés, dans laquelle ils ont été à tort placés jusqu'au-
jourd'hui; aussi longtemps qu'on a pu croire que les élé-
ments avaient une chaleur atomique, = 3 ou 6, plus petite que
celles des combinaisons les plus simples , il a été permis de voir dans
ce fait un indice que les éléments (corps non décomposés) pourraient
bien être des corps réellement simples, ou à peu près ; mais cette
hypothèse perdrait par la substitution des poids moléculaires aux
poids atomiques son unique fondement.
En faisant donc cette substitution, les produits des chaleurs
spécifiques par les poids moléculaires , pour les corps , S , Se , Br
et I, deviendront environ i= 13, à la température ordinaire ; puis,
quand on comparera ces produits, à des températures correspon-
dantes, avec la chaleur atomique de l'eau, on trouvera probablement
que les chaleurs atomiques de ces quatre corps approcheront de celle
de l'eau =z 18. On sait déjà qu'il en est ainsi pour le brome ; quant
à l'iode, ce corps double sa capacité calorifique en se fondant,
ce qui donne environ 27, nombre beaucoup plus grand que 18; je
reviendrai plus loin sur cette circonstance.
28. On pourrait croire, au premier abord , que, par l'introduction
générale -des poids moléculaires, les nombres pour les chaleurs
atomiques passeront tous , ou presque tous , d'une valeur comprise
entre 6 et 7 , à la valeur 13 environ ; tel serait en effet le cas si
la formule moléculaire d'un élément quelconque R était = RR;
mais ce n'est pas là l'opinion des chimistes.
29. On sait qu'il y a des éléments métalliques dont on con-
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 201
naît la densité de vapeur; ce sont, premièrement, le mercure, le
zinc et le cadmium; — pour ces corps, on admet que les formu-
les moléculaires sont égales aux formules atomiques et, par con-
séquent , les poids moléculaires égaux aux poids atomiques ; en sorte
que, par la substitution proposée , la constante 6,4 ne changerait
pas pour Hg, Zn et Cd.
30. En outre, on admet les formules moléculaires suivantes:
Arsenic As As As As
Phosphore P P P P
Pour ces deux corps la constante 6,4 serait quadruplée , ce qui
donnerait environ 25.
31. Il semblerait donc que la substitution des poids molécu-
laires aux poids atomiques aura pour premier effet de
détruire l'uniformité agréable du dernier tableau de M. Kopp.
32. Je ne crois pas que cette crainte doive nécessairement
se réaliser; mais, dût même l'uniformité en question disparaître,
elle ne mériterait certes pas d'être conservée si elle n'était
plus d'accord avec les faits, et, en tout cas, elle doit pouvoir
supporter la discussion.
33. En traitant maintenant du cas général de la substitution
des poids moléculaires aux poids atomiques , je diviserai tous
les éléments en cinq classes.
La première contiendra les corps S , Se , Br et I.
La seconde se composera des métaux Hg, Zu et Cd, dont on
connaît la densité de vapeur.
La troisième classe renfermera les corps As et P , pour lesquels
on admet les formules moléculaires As 4 et P^.
La quatrième classe comprendra les métaux Ag, Cu, Fe, Na,
K, et généralement tous les éléments dont on ne connaît pas la
densité de vapeur.
La cinquième classe ce composera des corps C, Si et B, qui
forment des exceptions apparentes à la loi de Dulong et Petit.
34. Quant aux corps de la première classe, je n'ai plus rien
à ajouter.
35. Les corps de la seconde classe contiennent le mercure, le
202 J. A. GROSHANS. SUR LUS CHALEURS SPÉCIFIQUES
zinc et le cadmium; on admet, pour ces corps, que les poids
atomiques et les poids moléculaires sont égaux, et on se fonde
sur ce que les poids atomiques forment deux volumes,
comme pour Feau H^O; c'est cette opinion que je désire dis-
cuter; toutefois je me bornerai à parler du mercure seul.
36. J'emprunterai au traité connu de M. Kékulé la citation suivante:
„La diatomicité du mercure est prouvée, tant par la densité
de vapeur de ses combinaisons volatiles, que par son caractère
chimique général. On a Hg" ==: 200 = 1 atome = 1 molécule. La
molécule de vapeur du mercure consiste en un seul atome ; en cela le
mercure présente une exception par rapport à la plupart des éléments,
pour lesquels on connaît la grandeur relative de la molécule gazeuse ;
il montre une certaine analogie avec ces carbures d'hydrogène, qui
jouent le rôle de radicaux diatomiques.
,,Les densités connues des combinaisons du mercure sont:
formule moléculaire. densité de vapeur.
calculée.
observée.
Mercure Hg"
6,92
7,03
Chloride de m.
Hg'
'Cl,
9,38
9,8
Bromide de m.
V
Br,
12,46
12,16
lodide de m.
J7
I.
15,7
15,9
Éthylure de m.
J7
(C.H3),
8,58
9,97
Chlorure de m.
r
Cl
8,15
8,35
„Oependant, quant au chlorure de mercure, il paraît plus pro-
bable que la formule moléculaire est Hg''2Cl2, et que ce qu'on
appelle sa vapeur est un mélange des produits de décomposi-
tion : le chloride de mercure et le mercure. Au moins on trouve
pour les sels qui correspondent au chlorure du mercure , l'expres-
sion la plus simple, en admettant que 2 atomes de mercure
s'unissent en un radical composé (Hg^)."
37. L'hésitation de M. Kékulé est manifeste ; premièrement, après
avoir dit : on a Hg" =: 200=: 1 atome := 1 molécule, il convient qu'en
cela le mercure présente une exception relativement à la plupart des
éléments pour lesquels on connaît la grandeur relative de la molécule
gazeuze; ensuite, tout en affirmant que les densités de
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 203
vapeur prouvent que la molécule du mercure, dans ses com-
binaisons, est=:l atome, il dit qu'il est cependant plus probable
que le chlorure de mercure Hg'' Cl est en effet =: Hg''2 CI2, et
cela nonobstant la densité de vapeur; ou peut conclure de là,
que la densité de vapeur est à elle seule insuffisante pour déter-
miner la grandeur de la molécule.
38. Après ce que j'ai dit dans les paragraphes 14 et suivants de
la chaleur atomique des corps RCl^, il me semble nécessaire
d'étendre Texception , admise par M. Kékulé pour Hg" Cl, aux corps
Hg"Cl2, Hg" Br^ et Hg' lo, et d'écrire ces formules Hg^ Cl^ ,
Hg.Br, et Hg^ Ï4.
39. J'irai même plus loin , et je dirai que la densité de vapeur
du mercure lui-même ne peut donner la mesure de sa molécule,
et qu'elle n'exclut pas la formule moléculaire HgHg et le poids
moléculaire =: 400.
40. En effet, quoique la très-grande majorité des corps connus,
dont on a pu déterminer la densité de vapeur , donnent 2 volumes ,
comme l'eau H., 0, il n'en existe pas moins un nombre relati-
vement grand d'exceptions à cette règle, c'est-à-dire de vapeurs qui
donnent 4 volumes ; et ce nombre tend à augmenter successivement.
41. M. Kékulé attribue la densité de vapeur apparente du chlo-
rure de mercure Hg Cl à une décomposition ; — pour le mercure
on ne peut pas admettre, il est vrai, une décomposition; du
reste il n'est pas prouvé que le phénomène des 4 volumes, quand
on s'attendait à 2, puisse dans tous les cas être attrilnié à une
décomposition.
42. En comparant entre elles les formules:
0 (C,H,),
S (C,H,),
Hg (C,H,),
Zn (C,H,),
il me semble probable que les molécules des corps 0, S, Hg
et Zn ont tous la même grandeur, et qu'il faut les écrire:
00, SS, Hg Hg et Zn Zn.
43. C'est ici le lieu d'examiner ce qu'on entend par poids
moléculaire.
204 .1. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
M. Kékulé donne les définitions suivantes:
„La considération des métamorphoses chimiques nous conduit à
admettre deux plus peliles quantités différentes , qu'il faut séparer
nettement par la pensée et que nous appelons atome et molécule/'
„Par atome nous désignons la quantité la plus petite de
matière, qui est chimiquement indivisible, et que nous admettons
en combinaison avec d'autres parties de matière.
Nous appelons molécule la quantité la plus petite de substance ,
qui peut exister à l'état libres et qtii comme telle entre en action
dans les métamorphoses chimiques."
44. Il est à remarquer qu'on n'a pas réussi, au moyen de
cette définition, à fixer la grandeur de la molécule des éléments
dont on n'a pu déterminer la densité de vapeur.
45. Peut-être pourrait-on admettre la définition suivante:
Les poids moléculaires des éléments sont ceux qui, étant mul-
tipliés par les chaleurs spécifiques des corps à l'état solide, don-
nent une constante qui est environ = 13.
46. Cette définition serait applicable à tous les éléments connus ,
en exceptant le carbone, le silicium et le bore.
47. Quant à ces trois derniers corps, il ne me semble pas
utile de faire à leur égard une hypothèse particulière ; l'exception
qu'ils présentent relativement à la loi de Dulong et Petit n'est
certainement qu'apparente; nous nous trouvons, quant à cette
exception , dans un embarras analogue à celui dans lequel on
était , il y a quelques années , par rapport à la densité anomale
de la vapeur du soufre, laquelle, suivant un auteur
spirituel, faisait depuis longtemps le désespoir des chimistes.
48. On peut admettre que dans un avenir plus ou moins éloigné ,
lorsque la science aura fait de nouveaux progrès , cette exception
apparente à la loi de Dulong et Petit disparaîtra ; — et , quoiqu'il ne
soit pas possible d'indiquer, même d'une manière générale, comment
et de quelle manière ces corps rentreront dans le cas général , on
peut au moins comparer leur cas particulier à la difficulté que nous
aurions à expliquer la chaleur atomique de l'eau , H^ 0 , en supposant
que ce corps ne nous fût connu qu'à l'état solide , celui de glace ;
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 205
car, bien que la chaleur atomique de l'eau liquide nous paraisse
très-régulière, quand nous la comparons à celles du brome Br^
et du carbure de soufre CS2, la chaleur atomique de la glace,
H^ 0 = 8,6, ne semble pas avoir le moindre rapport , ni avec cel-
le des éléments , ni avec celle d'aucune combinaison.
49. Dans la suite de ce mémoire je me servirai de l'expression ,
chaleur spécifique moléculaire ou chaleur moléculaire, au lieu
de chaleur atomique.
50 Je vais maintenant appliquer à des cas particuliers les prin-
cipes établis dans les paragraphes précédents.
Je commencerai par former un tableau de corps (éléments et
combinaisons) dont les chaleurs moléculaires sont environ izz 12
à 14 ; je rapporterai un petit nombre des observations rassemblées
par M. Kopp pour chaque espèce de corps.
Je désignerai dans ce tableau les noms des observateurs par
des lettres: K. Regnault; Kp. Kopp; N. Neumann.
formules moléculaires.
chaleur spéc.
a
chaleur moléculaire.
Al Al
0,2143 R
54,8
11,74
SS
0,163 Kp
64
10,44
FeFe
0,1138R
112
12,74
CuCu
0,0952 R
126,8
12,08
CdCd
0,0542 Kp
224
12,14
SnSn
0,0562 R
236
13,26
PP
0,0202 Kp
62
12,52
As As
0,0814 R
150
12,22
AgAg
0,0570 R
216
12,32
II
0,0541 R
256
13,74
SbSb
0,0508 R
244
12,40
Au Au
0,0324 R
394
12,76
Sulfures et Arséuiures,
AsS
0,1111 N
107
11,9
CoS
0,1251 R
90,8
11,4
FeS
0,1357 R
88
11,9
HgS
0,0512 R
232
11,9
SnS
0,0837 R
150
12,6
142,8
15,9
79,4
11,3
216
11,2
223
11,4
87
13,8
60
11,5
150
14,0
82
14,0
206 J. A. GROSIIANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
Oxydes.
Cu. 0 0,111 Kp
CuO 0,1420R
HgO 0,051 8 R
PbO 0,0512 R
MnO^ 0,159Kp
SiO^ 0,1913R
SnO, 0,0933 R
TiO^ 0,1703R
J'observerai que plusieurs de ces corps ont probablement une formule
double ; p. e. Sn S et Pb 0 ; les chaleurs moléculaires se rappro-
chent alors de celles des sels RCO3, dont je parlerai plus loin.
Chlorures, Bromures et lodures.
AgCl 0,0911 R
CuCl 0,1383 R
KCl 0,1 730 R
LiCl 0,2821 R
NaCl 0,2140 R
AgBr 0,0739 R
KBr 0,1 132 R
Agi 0,0616 R
Cul 0,0687 R
Kl 0,0819 R
51. S'il était possible maintenant de comparer les chaleurs
moléculaires de tous ces corps (éléments et combinaisons) aux
points d'ébullition , on peut admettre que, pour tous, les nombres
exprimant les chaleurs moléculaires deviendraient plus grands;
quelques nombres s'élèveraient jusqu'à 15, 16 et 17; d'autres
s'approcheraient beaucoup du nombre 18,3 , chaleur moléculaire
de l'eau. Ho 0; d'autres encore dépasseraient 18,3 de plusieurs
unités et pourraient bien aller jusqu'à 28 et même un peu au-delà.
52. L'objection se présente assez naturellement, que des
nombres aussi différents entre eux ne peuvent être assimilés à un
seul nombre 18,3 , chaleur moléculaire de l'eau au point d'ébullition.
143,5
13,1
98,9
13,7
74,6
12,9
42,5
12,0
58,5
12,5
188
13,9
119,1
13,5
235
14,5
190,1
13,1
166,1
13,6
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 207
53. C'est ici le lieu de faire une petite digression au sujet de
Inaction des forces moléculaires.
54. La proposition , que les chaleurs moléculaires des corps des
derniers tableaux sont égales entre elles à des températures corres-
pondantes , est un exemple de ces expressions abrégées , comme on
a rhabitude d'en employer dans les sciences; — il faut sous-
entendre , que ces chaleurs moléculaires seraient égales s'il n'y avait
pas l'action des forces moléculaires; ou si l'on était en état
de calculer les corrections nécessaires résultant de cette action;
ou encore si cette action avait lieu pour tous les corps dans le
même sens.
55. Tant qu'on n'attribuera pas une large influence à cette
action des forces moléculaires^ on ne pourra découvrir ou recon-
naître dans la chimie beaucoup de lois importantes , dont les effets
sont souvent masqués par cette action.
56. Il me semble utile de rappeler quelques exemples connus ,
qui peuvent être rapportés à l'action des forces moléculaires.
La chaleur moléculaire change ordinairement par le passage
d'un corps de l'état solide à l'état liquide, par la fusion.
Jusqu'à présent on a observé un accroissement dans tous les
cas; mais cet accroissement diffère d'un corps à l'autre: il
est considérable pour l'eau, l'iode et le brome, et très-petit pour
le mercure. A l'état solide les chaleurs moléculaires du brome,
BrBr, et de l'iode, JJ, sont environ = 13 à 14; — à l'état
liquide elles deviennent 18 et 27; cependant ces deux derniers
nombres doivent être considérés comme égaux , comme ne présentant
de différence que par suite de l'action des forces moléculaires.
57. Dans un autre ordre d'idées, on a observé que des corps
qui se suivent dans une série homologue, ont ordinairement des points
de fusion qui s'élèvent à peu près régulièrement d'un certain
nombre de degrés , environ 20 , pour chaque groupe C H o . Il
y a toutefois de nombreuses exceptions, qui indiquent de gran-
des différences dans les états moléculaires; ainsi l'éther méthyl-
oxalique, C^HeO^, fond à 51^, tandis que son homologue,
l'éther éthyi-oxalique, GgHjo04, reste liquide au-dessous de 0°.
208 J. A. GROSIIANS. SUR LKS CHALEURS SPECIFIQUES
58. On peut encore attribuer à cette action la densité de vapeur
anormale de quelques corps, par exemple , celle du soufre entre
400° et 500°
59. Ce qu'on appelle en chimie l'action des forces moléculaires
se rencontre, comme l'on sait, dans tous les sujets de recherche;
ce sont des causes particulières, nombreuses, la plupart inconnues
ou peu connues, agissant en même temps que les lois qui,
par leur simplicité et leur généralité , ont pu être constatées ou admi-
ses ; leur action finale est quelquefois minime, et quelquefois assez
considérable pour efîacer ou masquer les effets des lois connues.
60. Ce sont ces causes qui modifient les formes des individus
d'une espèce , formes qui , sans elles , seraient identiquement égales.
Quand nous voyons un animal de l'espèce de nos chiens domestiques ,
nous le reconnaissons sans peine pour ce qu'il est, quoique les
individus, qui constituent cette espèce, soient très-différents de
grandeur et de formes. De même, on reconnaît dans l'étude des
langues , les formes : digitus , doigt , dedo , dito pour des transfor-
mations différentes du même mot.
61. En admettant donc que tous les corps des derniers ta-
bleaux ont essentiellement la même chaleur moléculaire , et que les
nombres qui expriment cette chaleur sont compris entre 18 et
28, tandis que pour quelques corps ils peuvent descendre un
peu au-dessous de 18, et pour d'autres s'élever un peu au-dessus
de 28, on pourra augmenter cette classe de corps d'un grand
nombre de sulfures, d'oxydes et spécialement de sels: RCO3
RSiOs, RBO.,, RASO3, RPO3, RCIO3, RNO3 etc.
62. Seulement il est utile d'observer que, plus il y aura de res-
semblance entre les formules chimiques de deux corps , plus petite
aussi sera la différence entre les deux chaleurs moléculaires, qui
pourront se rapprocher presque jusqu'à l'égalité; c'est cette cir-
constance qui a été la cause de la découverte des lois de Dulong
et Petit et de Neumann.
63. Ainsi un très-grand nombre de corps ont la même chaleur
moléculaire que l'eau. Il y en a ensuite d'autres qui ont la
chaleur moléculaire convenant aux corps du deuxième rang; ce
DES CORPS SOLIDES ET LtQUIDES. 209
sont entre autres (voyez paragraphe 14 et suivants) , les substances
représentées par les formules:
RCI4 et R, Cl,
RBr^ et R^ Br^
RI, et R, I,
64. Il pourra être souvent difficile de savoir à laquelle des deux
espèces de corps appartient un composé donné ; il faudra pour cela
des études nouvelles. Si les chaleurs moléculaires des corps
du premier rang et du deuxième rang pouvaient être exprimées
par des nombres déterminés (en supposant nulle l'action des forces
moléculaires) , ces nombres c . a et c' . a' seraient liés entre eux par
la formule
c . a c' . a' ^.
nrr- = m- = ConSt. ,
constante qui^ calculée pour l'eau, est = 18,3; mais, par suite de
l'action des forces moléculaires, la formule n'est applicable qu'aux
moyennes fournies par un grand nombre de corps des deux
espèces.
65. Il doit donc être encore plus difficile de reconnaître les
chaleurs moléculaires des corps des rangs supérieurs.
66. Cependant, en admettant pour les corps de la formule RS 0^
le premier rang; et ensuite (selon l'observation) que les rangs
augmentent d'une unité pour chaque groupe CH^, H^, ou
H^O, j'ai fait le calcul suivant:
Chaleur at. Constante.
9fi 1
RSO, 26,1 moyenne ^ z= 26,1
^1
CuSO. H-H. 0 35,8
35,8 Pape v^ 2
'— = 25,3
44 6
CuSO, + 2 H, 0 44,6 Kopp L:- = 25,8
50 9
FeSO, -h 3H,0 50,9 Pape ^ = 25,4
Archives Néerlandaises, T. V. 14
210 J. A. GROSHANS. SUR LES CHALEURS SPECIFIQUES
67. Je terminerai ce mémoire par une courte appréciation de
la méthode d'explication des chaleurs moléculaires (atomiques) de M.
Kopp. Il sera nécessaire pour cela de mentionner quelques opinions
de M. Kopp; qui ont eu une grande influence sur sa manière
d'expliquer les rapports entre les propriétés physiques des corps et
leur composition atomique; ces propriétés sont les points d'ébuUition ,
les volumes liquides et les chaleurs moléculaires (atomiques); j'ai déjà
observé qu'on est généralement d'accord que la même méthode
doit être suivie pour toutes ces propriétés.
68. Mais, comme l'on sait, il existe dans les sciences de la physique
et de la chimie deux manières de se représenter les faits , lesquelles
conduisent quelquefois à des résultats entièrement différents. Ces
manières de penser existent, sous des formes modifiées , dans les
recherches scientifiques en général, mais je me bornerai ici à l'ap-
plication qui s'en fait en physique et en chimie.
69. L'opinion de M. Kopp (et de tous ceux qui pensent de
même) est que, quand un élément fait partie d'une combinaison ,
il conserve ses propriétés individuelles ; par suite , M. Kopp , dans
un liquide Cp Rq Or , distingue parfaitement (en quelque sorte
par un effort d'imagination) les atomes de carbone (C = 6)
des atomes d'hydrogène, quoique (suivant lui) ils aient les uns et
les autres le même volume :=. 5,5 ; il distingue aussi les atomes
d'oxygène (0 = 8), et s'aperçoit aisément que, souvent dans le
même liquide, il s'en trouve de deux espèces, ceux qui ont un
volume m 6,1 et ceux dont le volume est izz: 3,9. On retrouve les
mêmes idées dans sa théorie des chaleurs atomiques ; les chaleurs
de C, de H et de 0 (C = 12, H=l, 0=16) sont suivant lui
respectivement 1,8, 2,3 et 4. Toutes ces valeurs (pour les volumes
et les chaleurs atomiques) ont été déterminées par ce que M. Kopp
appelle la méthode indirecte; j'ai déjà observé que toute vérifi-
cation par l'expérience serait impossible.
70. Par suite des mêmes idées, M. Kopp affirme que l'eau de
cristallisation est contenue dans les sels à l'état de glace , et par
conséqueut avec la chaleur atomique 8,6 pour chaque atome d'eau.
71. Que cette manière de penser n'est pas exclusivement propre
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 211
à M. Kopp, mais qu'elle est partagée par un grand nombre de
savants, c'est ce qui peut être inféré de plusieurs écrits publiés sur les
propriétés physiques des corps; je me rappelle un mémoire sur les
volumes liquides, dans lequel Fauteur affirmait que les atomes
de carbone de l'alcool, s'y trouvent à l'état de diamant et
non pas à l'état de graphite.
72. A cette manière de penser est opposée directement l'opinion
qui admet qu'un élément (ou groupe atomique), dès qu'il fait
partie d'une combinaison , perd ses propriétés individuelles , et que
les combinaisons sont soumises à des lois générales. C'est ainsi
que les corps CpRgOr ont deux volumes de vapeur, quel que
soit le nombre des atomes; et que les densités des vapeurs
(à 0°^,76 et aux points d'ébullition) sont proportionnelles aux nom-
bres d'atomes; ce qui est aussi le cas pour les pesanteurs spéci-
fiques de ces corps, à l'état liquide et aux points d'ébullition.
73. En général, la théorie contraire à celle de M. Kopp conduit
à s'occuper , en premier lieu , de la recherche des lois générales
et des propriétés des combinaisons.
74. Il y a encore une opinion de M. Kopp, qui a influé sur
sa méthode et qui ne me paraît pas non plus parfaitement fondée ;
c'est celle-ci: „quand on a observé en beaucoup de cas une cer-
taine régularité dans les propriétés j^hysiques des corps, et qu'on
a constaté en même temps un cas dans lequel cette régularité n'a
pas lieu, sans qu'on puisse voir la cause probable de cette excep-
tion , il faut conclure que la régularité observée ne constitue pas
une loi de la nature."
75. Par suite de cette opinion, la loi de Dulong et Petit
ne semble pas généralement vraie à M. Kopp, parce que le car-
bone , le silicium et le bore constituent des exceptions à cette loi.
76. Pour moi, il me semble que si une personne entendait
énoncer cette loi pour la première fois, et qu'on produisît comme
confirmation expérimentale les résultats suivants:
14*
212 J. A. GROSHANS. SUh LES CHALEURS SPECIFIQUES
Corps
chaleur spéc.
poids atom.
chai, at,
P
0,202 Kp
31
6,3
K
0,1655 R
39,1
6,5
Fe
0,1138R
28
6,4
Co
0,1067 R
58,8
6,3
Ni
0,1092R
58,8
6,4
Pd
0,0593 R
106,6
6,3
Sn
0,0562 R
118
6,6
Sb
0,0508 R
122
6,2
Au
0,0324 R
197
6,4
Hg
0,0319 R
200
6,4
Pb
0,0314 R
207
6,5
Bi
0,0308 R
210
6,5
il devrait se produire chez cette personne une conviction si grande de
l'exactitude générale de la loi, que cette conviction ne pourrait
pins être ébranlée par l'exception que semble offrir le carbone;
cette personne conclurait, je crois, que l'exception n'est pro-
bablement qu'apparente et que, la loi demeurant intacte, il faut
attendre la solution de l'énigme des progrès futurs de la science.
77. Cette conviction naîtrait, suivant moi , de plusieurs considé-
rations; premièrement, du caractère mathématique de la loi pro-
posée, caractère commun à un grand nombre de lois de la
nature, dont la forme générale peut être énoncée de la manière
suivante : telle propriété des corps est proportionnelle ou inverse-
ment proportionelle à telle autre propriété, ou au carré de cette
propriété, ou à la racine carrée. Ensuite, en observant les
valeurs différentes inscrites dans les colonnes 2 et 3 du tableau
précédent et les concordances de la quatrième colonne, on trou-
verait facilement des considérations, tirées de la théorie des pro-
babilités , qui seraient suffisantes pour produire la foi presque absolue
à l'idée que la régularité observée est bien réellement une loi de
la nature.
78. Une loi qui possède ce caractère mathématique n'exige
ordinairement qu'un petit nombre d'exemples, pourvu que ces
exemples aient la précision nécessaire; selon moi, la moitié des
DES CORPS SOLIDES ET LIQUIDES. 213
exemples du dernier tableau , et même un nombre plus petit , eût
été SI]
iffisant; p.
e. :
Corps
chaleur spéc.
poids at.
chai. at.
P
0,202
31
6,3
Co
0,1067
58,8
6,3
Pd
0,0593
106,6
6,3
Hg
0,0319
200
6,4
car on ne pourrait guère attribuer au hasard des concordances
aussi frappantes. L'application de la théorie des probabilités à des
recherches de cette nature me semble tout à fait nécessaire.
79. M. Kopp trouve, tant dans sa théorie des volumes liqui-
des , que dans sa théorie des chaleurs moléculaires , que sa méthode
donne l'explication d'un nombre considérable de faits, et cela avec
ce qu'il appelle des moyens très-simples ; — je ne saurais par-
tager cette opinion ; on ne peut contester certainement l'accord
entre les résultats du calcul et ceux de l'expérience ; mais il est
plus difficile de reconnaître la simplicité des moyens.
80. Toutes les explications de M. Kopp reposent sur un très-
grand nombre de constantes, qui paraissent un peu arbitraires;
ces constantes ne semblent pas avoir une existence plus réelle
que les constantes a , 6 et c de la formule servant à représenter
la dilatation d'un liquide,
vzizl + a t + b r^ ^ c t^ ,
avec lesquelles elles ont d'ailleurs la plus grande analogie.
81. La véritable et unique utilité de ces constantes et des hy-
pothèses qui les combinent entre elles, utilité d'ailleurs très grande ,
me paraît consister en ceci: qu'elles ont inspiré à M. Kopp le
courage pour entreprendre et la patience pour exécuter tant de
belles et laborieuses expériences, par lesquelles il a grandement
enrichi la science et s'est acquis des droits à la reconnaissance
de tous ceux qui s'intéressent aux sujets qu'il a traités.
Rotterdam, Avril 1870.
SUR LA PLACE DU CHIROMYS DANS LA
MÉTHODE NATURELLE,
C. K. HOFFMANN et H. WEIJENBEIIGH Jr.
Parmi les questions mises au concours, en 1867, par la Société
Hollandaise des Sciences, il en était une qui demandait de dé-
crire et de figurer exactement les os et les muscles du Scmriis
vulgaris , de les comparer à ceux des Lémurîdés et du Cliirormjs ,
pour autant que ces derniers sont connus , et de déduire de cette
comparaison la place qui revient au Chiromys dans la classifica-
tion naturelle. Un travail adressé par nous en réponse à cette
question, a été couronné par la Société dans sa réunion du 15 mai
1869, et vient d'être publié dans le Tome I troisième série de ses
Mémoires. Nous nous proposons de faire connaître ici les résultats
essentiels de ce travail, en renvoyant au Mémoire lui-même ^)
pour tout ce que nous avons dû emprunter aux recherches d'au-
tres observateurs (Chap. II, Sur les Lémuridés, et Chap. III,
Sur le Chiromys), et même pour les détails de nos propres étu-
des sur Fostéologie et la myologie de l'Ecureuil (Chap. I), vu
qu'il eût été presque impossible d'en donner un résumé à la fois
court et intelligible,
A l'extérieur le Chiromys ressemble le plus aux animaux du
) Dr. C. K. HofFmann und H. Weijenbergh Jr. , Die Osteologie und Myologie von
i ulgans L., verglichen mit der Anatomie der Lemuriden und des Chiromys ,
und liber die Stelliing des letzteren im naliirlichen Système, Harlem, Héritiers
Loosjes, 1870, in— 4°.
C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLACE ETC. 215
genre Galago, notamment aux G. crassicaudatus etAlleniy sur-
tout en ce qui concerne le pelage, la queue, la largeur de la
tête et les oreilles larges et nues , tandis que , par la brièveté du
museau , il se rapproche davantage du genre Tarsius. Le premier
orteil a un ongle plat, comme chez tous les Lémuridés , et le tarse
est court, comme dans les genres Lichanolus et Lemur. Le mu-
seau est plus court que chez aucun Rongeur; chez ceux-ci, les
yeux sont aussi situés plus en arrière et de côté, l'os inter-
maxillaire est plus grand et la tête plus plate. La lèvre supé-
rieure du Chiromys n'est par fendue comme chez les Ecureuils,
et ne couvre pas les dents aussi complètement que chez la plu-
part des Rongeurs. Bien que l'ouverture de la bouche soit moins
large que chez les Makis , elle est pourtant plus grande que chez
aucun Rongeur de la même taille.
Le Chiromys a, de même que le Tarsier, quelques longs poils
aux lèvres et aux sourcils. La poitrine est plus large que chez
la plupart des Rongeurs, et le pelage de l'Aye-Aye ne ressemble
pas non plus à celui des animaux de cet ordre; les poils de sa
queue n' affectent pas autant la disposition en plume que chez
les Ecureuils; ils sont répartis un peu plus uniformément tout
autour de la queue, comme chez les Galagos.
L'Aye-Aye montre, plus clairement que tout autre mammifère,
qu'on ne peut attribuer, dans la classification, qu'une valeur
relative à la conformation des dents et des membres ; car , suivant
qu'on accorde à celles-là ou à ceux-ci une importance taxinomi-
que exclusive ou prépondérante , on est conduit nécessairement à le
comprendre parmi les Rongeurs ou parmi les Quadrumanes. En
ce qui regarde le rapport de la longueur des membres antérieurs
à celle des membres postérieurs , ainsi que la conformation des
doigts et leur différence de longueur, le Chiromys se rapproche
tout à fait des Galagos.
Déjà à un degré plus élevé de la série des Quadrumanes , savoir
dans le genre Atèle , nous voyons le quatrième doigt acquérir la
plus grande longueur ; cette particularité se prononce ensuite de plus
en plus à mesure qu'on descend plus bas dans l'ordre des Qua-
216 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLACE
drumanes, elle devient un caractère général pour les Lémuridés
(à l'exception du Tarsier)^ et atteint son maximum chez le Chi-
romys. Parallèlement à l'allongement du quatrième doigt, on observe
un raccourcissement progressif du doigt indicateur, quand on descend
dans l'ordre des Quadrumanes; ce raccourcissement, déjà sensible
chez les Atèles , est plus prononcé chez la plupart des Lémuridés
que chez le Chiromys (dans le genre Perodicticiis l'index est tout
à fait rudimentaire).
Tandis que, chez beaucoup de Rongeurs et surtout chez les
Sciuridés , le pouce est très peu développé , l' Aye-Aye se rapproche
entièrement des Lémuridés sous ce rapport, et présente un pouce
court, gros, opposable et très mobile. La forme du doigt du
milieu peut être regardée comme un caractère propre au Chiromys.
Le Chiromys a les mamelles placées, il est vrai, aux deux
côtés de l'ombilic; mais aussi il n'en a qu'une seule paire (sans
aucune trace de mamelles pectorales), tandis que les Rongeurs
montrent trois paires de mamelles , ou davantage , sous le ventre ^ ).
Au premier abord , le système dentaire de l' Aye-Aye ressemble
incontestablement à celui d'un animal de l'ordre des Rongeurs;
mais il ne faut pas oublier que d'autres Lémuridés se rapprochent
également des Rongeurs sous ce rapport; c'est ainsi, par exemple,
que le genre Lichanohis n'a qa'une seule paire d'incisives à la
mâchoire inférieure , et que , des deux paires de la mâchoire supé-
rieure , la médiane est la plus grande , caractères qui se retrouvent
chez le Tarsius et surtout chez le Propithecus. La division bien
distincte de l'incisive supérieure de l' Aye-Aye en une partie anté-
rieure, plus épaisse, garnie d'émail, et une partie postérieure
qui se rétrécit brusquement, pourrait faire naître l'idée que
cette dent est l'homologue de deux incisives soudées entre elles;
mais les larges incisives antérieures du Propithecus, qui occu-
pent presque tout l'os intermaxillaire, nous donnent seules l'ex-
plication véritable de la nature des incisives du Chiromys, et
^) Tarsius et Stenops ont des mamelles non seulement au ventre, mais aussi
au creux de l'aisselle.
DU CHIROMYS DANS LA MÉTHODE NATURELLE. 217
montrent que celles-ci nous autorisent tout aussi peu à ranger
l'animal parmi les Rongeurs , que les dents du Wombat ne suffisent
à le faire entrer dans le même ordre.
Bien que^ par leur grandeur ^ leur courbure, la profondeur de
leur implantation et leur structure, les incisives ressemblent
beaucoup à celles des Rongeurs, elles sont pourtant, proportionel-
lement à leur longueur , notablement plus étroites que chez aucune
espèce de cet ordre ; en somme , la ressemblance avec les incisives
supérieures du Propilhecus et avec les canines des Lemur est encore
plus grande qu'avec celles des Rongeurs. Le Wombat montre,
sous ce rapport, plus d'analogie avec les Rongeurs que l'Aye-Aye.
Néanmoins , chez le Wombat comme chez l'Aye-Aye , les incisives des
deux mâchoires se projettent plus en avant et ont une position
plus oblique que chez les vrais Rongeurs. Les molaires sont aussi
placées plus verticalement l'une au-dessus de l'autre, et leur calotte
d'émail simple les éloigne évidemment du type propre aux Ron-
geurs , pour les rapprocher de celui qui caractérise les Quadrumanes.
Le nombre peu considérable des dents et leur petitesse chez
l'Aye-Aye font exception parmi les Lemuridés, et indiquent que
l'animal se nourrit de matières faciles à triturer.
L'Aye-Aye nous fournit un nouvel exemple de l'importance que
présente l'étude du système dentaire dans son développement suc
cessif, durant la vie fœtale et pendant les premiers temps après
la naissance.
Les recherches de M. Peters ont appris, en effet, que la dispo-
sition des dents de lait est, chez le CA/rom?/5, tout autre que celle
des dents de remplacement, et qu'elle indique d'un côté un rap-
prochement vers les Soricidés, de l'autre vers les Prosimiens.
Sous le rapport du nombre des vraies vertèbres, on peut dire
que le Chîromys s'accorde aussi bien avec les Makis et les Tar-
siers qu'avec les Ecureuils. Dans la structure des vertèbres , l'Aye-
Aye montre une affinité spéciale avec les agiles Ecureuils, qui
se meuvent sur le sol par bonds, en imprimant à leur épine
dorsale des courbures notables.
Les diapophyses des vertèbres sont bien développées chez les
218 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERG. SUR LA PLACE
Sciuridés , surtout à la neuvième vertèbre dorsale chez les Scinrus
et à la dixième chez les Anomalurus ; chez le C/iiromys au contraire ,
de même que chez les autres Quadrumanes, les diapophyses ont
un développement moindre aux deux dernières vertèbres dorsales.
Les apophyses transverses sont, chez les Sciuridés, plus longues
et plus dirigées en avant que chez le Chiromys et les Lémuridés.
La partie des apophyses transverses des vertèbres cervicales,
qu'on appelle pleurapophyse , est plus développée chez les 5c2:Mn^5 ,
de la troisième à la sixième vertèbre , que chez le Chiromys, Les
hémapophyses sont bornées chez le Chiromys , commQ chez les
Lémuridés à longue queue, aux espaces entre les troisième et
quatrième et entre les quatrième et cinquième vertèbres lombaires ;
chez les Ecureuils et autres Rongeurs à longue queue, on trouve
des traces des arcs hémaux sur une beaucoup plus grande lon-
gueur de la région caudale.
Quand on compare la tête de FAye-Aye à celles de l'Ecureuil
ou de quelque autre Kongeur de même taille, on remarque de
suite que la cavité crânienne a chez FAye-Aye, aussi bien re-
lativement qu'absolument, une plus grande capacité, surtout
dans la partie qui est formée par les os frontaux et pariétaux ,
partie que est abaissée et plate chez les Sciuridés , voûtée et pour
ainsi dire en forme de dôme chez le Chiromys.
Le grand trou occipital est, proportionnellement à la cavité
crânienne , plus large chez les Rongeurs que chez FAye-Aye ; chez
les premiers il est placé verticalement, de manière à regarder
directement en arrière, et l'os occipital supérieur ne forme pas
postérieurement de saillie au-dessus de lui, comme cela a lieu
chez le Chiromys , où le plan de cette ouverture est aussi tourné
encore plus en dessous que chez d'autres Lémuridés.
Ni chez Chiromys , ni chez Sciurus , on ne voit de tente osseuse ;
dont Meckel a observé un faible rudiment chez le Sienops graci-
lis y tandis que van Campen n'en a pas trouvé trace chez le Potto.
Le trou rond, que W. Vrolik décrit comme fissure orbitaire
supérieure chez les Sienops tardigradus et javanicus , et que la
seconde édition des Leçons d'anatomie comparée de Cuvier indique
DU CHIROMYS DANS LA MÉTHODE NATURELLE. 219
aussi comme se réunissant à la fissure orbitaire supérieure chez
le Lichanoliis Avahi, se montre isolé chez l'Aye-Aye.
Chez les Rongeurs les ailes du sphénoïde n'atteignent pas les
os pariétaux, mais chez TAye-Aye elles s'élèvent jusqu'à la
hauteur de l'os écailleux. Chez l'Aye-Aye l'anneau osseux de
la cavité orbitaire est entièrement fermé, ce qui n'est jamais le
cas chez les Eongeurs; même quand il existe chez eux une apo-
physe post-orbitaire , celle-ci est toujours libre à son extrémité.
Sous ce rapport, le Chiromys montre donc encore une analogie
évidente avec les Quadrumanes, tandis que l'absence de cloison
entre la fosse orbitaire et la fosse temporale indique à quelle
division il appartient.
Il se manifeste également une grande différence dans la direc-
tion des orbites , celles-ci regardant tout à fait en dehors chez les
Rougeurs , et étant dirigées plus en avant et en haut chez le Chi'
romijs. La portion zygomatique du temporal commence chez l'Aye-
Aye à la suture lambdoïde et se dirige en avant, tandis que
chez les Rongeurs elle commence bien au devant de cette suture et
se recourbe en avant et en dessous. L'os jugal, par sa largeur
et son union avec le frontal et la portion écailleuse du temporal,
plaide en faveur de l'affinité de l'Aye-Aye avec les Lémuridés
et contre son rapprochement avec les Rongeurs ; de même que
chez les Lémuridés, cet os ne se joint pas aux grandes ailes
du sphénoïde, ainsi qu'il arrive chez les Quadrumanes supérieurs.
Chez les Rongeurs, la lame postérieure de l'os écailleux est
longue et étroite, et fixe l'os tympanique et l'os mastoïde aux
côtés du crâne; l'Aye-Aye ne montre pas trace d'une pareille
disposition.
La lame faciale de la mâchoire supérieure est creusée chez les
Ecureuils d'un canal vertical profond , et aucun Rongeur ne montre
la fosse lacrymale et le trou lacrymal sur la lame faciale en de-
hors du cercle de l'orbite, ainsi qu'on le voit chez l'Aye-Aye;
c'est là un signe important de l'affinité étroite qui lie le Chiromys
aux Lémuridés, chez lesquels l'ouverture du canal lacrymal est
toujours située en dehors de la fosse orbitaire.
220 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLACE
L'intercalation de l'os inter- maxillaire entre les os nasaux et
la mâchoire supérieure constitue une des plus grandes différences ,
sinon la plus grande, entre TAye-Aye et les Lémuridés; cette
déviation est sans doute en rapport avec le grand développement
des dents incisives.
La cloison du nez se prolonge jusqu'à l'ouverture inférieure
chez le Chiromys et les Lémuridés ^ tandis que chez les Sciuridés
elle n'atteint pas cette ouverture , à beaucoup près. Les ptérygoïdiens
ne montrent pas trace, chez l'Aye-Aye, de canal pour l'artère
carotide externe, canal qui existe si généralement chez les Ecu-
reuils et autres Rongeurs.
Il n'est pas sans intérêt non plus de voir que les sinus fron-
taux, qui existent dans les Quadrumanes supérieurs mais man-
quent toujours aux inférieurs, reparaissent chez le Chiromys.
Les rangées d'alvéoles de la mâchoire supérieure convergent plus
ou moins en avant dans tous les Rongeurs, caractère qui ne s'observe
pas chez l'Aye-Aye. Chez celui-ci, l'espace dépourvu de dents est
plus ou moins tranchant et situé en grande partie à la mâchoire
supérieure; chez les Sciuridés il est large et correspond surtout
à l'intermaxillaire.
L'os écailleux est long et à bord supérieur droit dans les Ron-
geurs; l'origine de l'apophyse zygomatique y est longue et la
surface articulaire pour la mâchoire inférieure est longitudinale
et profonde; tous caractères qui font défaut chez le Chiromys y
dont l'os écailleux ressemble au contraire à celui des Lémuridés.
La partie intermaxillaire du palais osseux est plus longue chez
les Rongeurs que chez l'Aye-Aye ; sous le rapport de la largeur , il
y a plus d'égalité dans les deux cas.
L'apophyse condyloïdienne de la mâchoire inférieure du Chi-
romys se rapproche, par la forme et la situation longitudinale,
de celle des Rongeurs. Chez tous les animaux de cet ordre le
condyle est situé plus haut que les molaires, l'angle de la mâ-
choire s'étend plus ou moins sous le condyle en arrière, et l'apo-
physe coronoïde est longue, étroite et fortement infléchie en
arrière ; la mâchoire inférieure du Chiromys ne possède aucun de
\
DU CHIROIMYS DANS LA METHODE NATURELLE. 221
ces caractères , tandis que la position avancée du condyle est une
particularité qui nous rappelle les Quadrumanes.
L'omoplate de l'Aye-Aye diffère de celle des Rongeurs et res-
semble à celle des Makis par le rapport entre la fosse sus-épineuse
et la fosse sous-épineuse; sa face antérieure ne montre pas les
lignes musculaires, qui sont ordinairement si bien accusées chez
les Rongeurs ; son bord inférieur n'est pas non plus recourbé aussi
fortement que chez les Ecureuils.
L'existence d'une ouverture au-dessus du condyle interne de l'hu-
mérus est la règle chez les Lémuridés, l'exception chez les Ron-
geurs, et la perforation entre les deux condyles, qui est assez
générale chez les Rongeurs (bien qu'elle manque chez les Ecu-
reuils) , ne se trouve pas dans les Lémuridés.
Sous le rapport de la longueur de l'humérus, comparée à celle
du thorax, il y accord entre le Chiromys et les genres Lemur et
Nycticebus, tandis que chez les Sciurus cet os est relativement
plus court. Le bord extérieur droit de la ligue deltoïde est aussi
un caractère des Lémuridés, et l'affinité du Chiromys avec ce
groupe et avec celui des Platyrrhinés se trahit en outre , tant dans
la composition de l'articulation cubitale, que dans la structure
compliquée du carpe.
L'os central existe dans l'Aye-Aye, de même que l'os sésamoïde
accessoire (scapho-trapézio-sésamoïde). L'os scaphoïde montre le
rapport de longueur par lequel les Lémuridés se rapprochent plus
des Carnivores que des Quadrumanes ordinaires. Les Ecureuils
possèdent bien un os central, et aussi l'os sésamoïde en question .
mais l'os lunaire est confondu avec le scaphoïde. D'autres Ron-
geurs s'éloignent encore plus, quant à la structure du carpe, du
type des Lémuridés, type qui se retrouve au contraire dans
le Chiromys.
Le bassin de l'Aye-Aye rappelle tout à fait celui des Lému-
ridés, tant par l'étendue de l'os iliaque, et l'aspect uni de sa
face externe , que par le développement médiocre de la tubérositè
ischiatique. L'angle ilio-pubien, qui est de 110° dans l'Aye-Aye
et de 145^ dans les Ecureuils, éloigne positivement le premier
222 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLAGE
de ces animaux des seconds. Chez la plupart des Rongeurs les
os iliaques sont courbés en dehors ^ épais et rugueux à l'extrémité
supérieure^ et leur face externe montre une ligne longitudinale;
d'un autre côté, les tubérosités ischiatiques ne sont par tournées
en dehors chez les Rongeurs , comme c'est lecsisahezle Chirotnys
et chez les Quadrumanes. Les trous obturateurs sont aussi pro-
portionellement beaucoup plus grands dans les Rongeurs que dans
le Chiromys et dans les Lémuridés.
Le fémur , dont la longueur est égale à celle des dix dernières
vraies vertèbres, offre par là plus d'analogie avec celui des Lémuridés
qu'avec celui des Rongeurs. Chez ces derniers, le troisième tro-
chanter est aussi ordinairement mieux prononcé que dans l'Aye-
Aye. La même affinité se manifeste dans les condyles du fémur.
Le tibia fait aussi ressortir le type quadrumane chez le Chiromys ,
en ce qu'il est presque de même longueur que le fémur. Chez les
Rongeurs le tibia est plus long que le fémur, tandis que dans
les Quadrumanes il n'y a guère que le Tarsius et l' Otolicnus Peli
où le premier de ces os surpasse le second. Le péroné , qui dans
les Sciuridés est uni au tibia par ankylose, reste plus libre et
est situé plus en arrière chez l'Aye Aye et chez les Lémuridés.
Parmi les Rongeurs à cinq doigts, les Ecureuils sont ceux où
la structure du tarse ressemble le plus à celle qu'on trouve dans
l'Aye-Aye; toutefois, la partie interne de l'os naviculaire, qui
est articulé avec l'os ento-cunéiforme , devient un os séparé dans
les Ecureuils et autres genres.
Par la conformation du pouce et des articulations mé^acar-
po-phalangiennes , le Chiromys ressemble aux Quadrumanes,
et au point de vue du rapport entre la longueur du tarse et celle
de la jambe et du pied, il se rapproche le plus de Lichanotus
et de Propilhecus.
L'étude des muscles conduit à des résultats de même nature
que la considération du squelette.
Le muscle masséter est très fortement développé dans l'Aye-
Aye , mais , de même que chez les Lémuridés , on n'y trouve pas
DU CHIROMYS DANS LA METHODE NATURELLE. 223
le faisceau oblique de l'épine et de la fosse maxillaire supérieure ,
lequel existe chez tous les Rongeurs.
Au cou, la présence d'un plafysma />iy/o*'f/e.<f et d'un sterno-clido-
mastoïdien à double attache attire de suite notre attention, vu
que, chez les Sciuridés, le premier manque et le second n'a
qu'une origine unique (sur la clavicule). Chez beaucoup de
Singes c'est au contraire la portion claviculaire du m. sterno-
clido-mastoïdien qui manque , mais on la trouve dans les Stenops
tardigradus et javanicus. Chez VOtolicnus Peli et chez le Tarsius
ces deux branches sont entièrement séparées.
Le m. omo-hyoïdien manque chez beaucoup de grands Mam-
mifères , mais existe dans les Singes , et dans quelques Carnivores
et Marsupiaux. M. Owen ne parle pas de ce muscle dans sa des-
cription du Chiromys. Le muscle digastrique possède deux ven-
tres chez l'AyeAye, comme chez le Potto et les Stenops tar-
digradus et javanicus. Les Singes ont ordinairement trois musles
scalènes, et il en est de même du Tarsius-^ Lemur , Stenops et
Chiromys n'en ont que deux.
Si nous étudions les extrémités, nous trouvons des diffé-
rences très notables entre Chiromys ^ Sciurus et les Lémuridés.
Le m. petit rond est un muscle distinct chez le Chiromys et chez
les Lémuridés, tandis que chez l'Ecureuil il est si peu développé
qu'on ne peut y voir que quelques faisceaux isolés du m. sous-
épineux. Un sixième anconé, muscle que M. Owen a décrit dans
l'Aye-Aye et M. Burmeister dans le Tarsier, ne se trouve pas
chez l'Ecureuil.
Le muscle abaisseur de l'épaule, que M. Burmeister a
rencontré dans le Tarsier et M. Kingsma dans VOtolicnus Peli,
manq e chez le Potto. Le biceps du bras présente d'après
Vrolik deux têtes chez le Stenops javanicus y d'après Meckel une
seule chez les autres espèces de Stenops, d'après M. Kingsma
deux chez VOtolicnus Peli, enfin d'après M. Burmeister deux
également chez le Tarsius et chez le Chiromys {?). Le fléchisseur
du bras n'a qu'une tête chez l'Ecureuil, il en a deux chez
l'Aye-Aye et chez les Lémuridés (Stenops ^ Tarsius, etc.)
224 G. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLAGE
Le m. carré pronateur , qui existe dans tous les Lémuridés , se
trouve aussi chez l'Aye-Aye^ mais manque dans rEcureuil.
L'état rudimentaire du pouce chez T Ecureuil indique déjà, à
priori , que les muscles de cette partie doivent être aussi beaucoup
moins développés que chez TAye-Aye et les Lémuridés, où nous
trouvons un pouce au moins partiellement opposable. Le m. long
extenseur du pouce, qui existe dans Stenops , Tarsius et autres
genres, et qui se rencontre-également dans le ChiromySj ne se
trouve pas chez Sciurus. Ce dernier genre montre un faisceau
tout à fait interne du m. brachial antérieur, qu'on ne voit pas
dans Stenops et Tarsius, ni dans Chiromys.
L'examen de l'extrémité inférieure nous apprend de suite que
dans les Lémuridés (0/o/icm(5, Stenops, Tarsius), de même que
dans le Chiromys, le système des muscles abducteurs est beau-
coup plus fortement développé que celui des adducteurs; chez
l'Ecureuil, c'est tout le contraire.
Le tenseur du fascia lata paraît manquer dans les Lémuridés;
du moins Meckel, Burmeister et van Campen l'ont cherché en
vain. M. Owen n'en fait pas mention chez le Chiromys. Chez le
Potto, comme chez les autres espèces de Stenops, le m. biceps
crural n'a qu'une seule tête; il en est de même de V Otolicnus
Peli et du Chiromys. Chez le Chimpanzé, l'Orang et d'autres
Singes , Schroeder van der Kolk a trouvé au contraire une double
origine à ce muscle, ce que Meckel avait constaté également
dans les genres Ateles et Stentor.
Le m. pectine possède chez l'Ecureuil, comme en général chez
tous les Rongeurs, deux ventres entièrement séparés, et, de son
côté, le m. long adducteur naît par deux faisceaux distincts;
chez l'Aye-Aye et chez les Lémuridés ces muscles sont beaucoup
moins développés.
Le m. long plantaire ne se voit pas chez l'Ecureuil, mais
bien chez Chiromys et, parmi les Lémuridés, chez Otolicnus et
Tarsius (non chez Stenops).
Le m. court extenseur du gros orteil , qui manque chez l'Ecu-
reuil , existe dans les genres Chiromys , Stenops et Tarsius. Il en
DU CHIROMYS DANS LA METHODE NATURELLE. 225
est de même du m. long fléchisseur du gros orteil ^ qui^ absent
chez l'Ecureuil, est très fortement développé dans les Lémuridés
et dans FAye-Aye. La disposition des tendons de ces muscles est
d'ailleurs, chez Chiromys , la même que chez les Lémuridés.
Le cerveau du Chiromys se reconnaît de suite comme étant
celui d'un animal de la division des Gyrencéphalés , et,
pas le nombre des circonvolutions, leur forme générale et leurs
rapports , il ressemble tout à fait à celui des Lemur : le cerveau
proprement dit s'étend aussi au-dessus du cervelet, ce qui n'est
par le cas chez les Rongeurs.
Le floccidus cerebelli (dans lequel Foville a constaté l'origine
du nerf auditif) existe aussi bien chez beaucoup de Rongeurs
que chez Stenops et Tarsius, deux genres entre lesquels Chiromys
tient pour ainsi dire le milieu.
De même que dans les Lémuridés supérieurs et dans les autres
Quadrumanes, les lobes olfactifs sont recouverts par le cerveau
chez le Chiromys, ce qui n'a jamais lieu chez les Rongeurs (et ne
paraît même pas être le cas chez le Tarsier).
Le canal intestinal du Chiromys montre aussi plus de
ressemblance avec celui des Lémuridés qu'avec celui de
l'Ecureuil; le cœcum, par exemple, présente de grandes
différences : chez les Sciuridés , il est le plus étroit là où il se
continue avec l'iléon, et plus bas il devient très large et très
ample; chez les Lémuridés on observe tout le contraire. Or,
sous ce rapport, le Chiromys se range tout à fait du côté des
Lémuridés, de même qu'en ce qui concerne la longueur relative
du canal intestinal et les proportions des lobes du foie.
La langue des Sciuridés, et des Rongeurs en général, est
courte et épaisse, surtout entre les molaires, et montre ordinaire-
ment en ce point les empreintes des replis palatins. La langue
de l'Aye-Aye n'a aucun de ces caractères, et ressemble à celle
des Lémuridés et des Quadrumanes en général.
En négligeant beaucoup d'autres analogies (de moindre im-
portance) entre le Chiromys et les Lémuridés, on peut encore
Archives Néerlandaises, T. V. 15
226 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERCxH. SUR LA PLACE
mentionner le système vasciilaire et surtout la structure des or-
ganes de la génération. Chez tous les Rongeurs, les testicules
peuvent rentrer dans la cavité abdominale, pour n'en sortir
qu'à l'époque du rut; chez le Chiromys, pas plus que chez les
Quadrumanes, on n'observe un pareil phénomène. L'absence de
vésicules séminales éloigne aussi l'Aye-Aye des Rongeurs, tandis
que la grandeur et la forme de la prostate et des glandes de
Cowper le rapprochent des Lémuridés. La verge est pendante,
comme chez tous les Quadrumanes , et non , comme chez l'Ecureuil ,
renfermée dans un prépuce s'ouvrant à proximité de l'anus.
La manière de vivre et surtout la nourriture du Chiromys
sont, en général, assez conformes à celles des Slenops, Tarsius
et Galago; et, quoique cela ne constitue pas une preuve, on
peut bien rappeler que sa patrie (l'île de Madagascar) est appelée
tout spécialement le pays des Makis.
Après tout ce qui vient d'être dit, il ne peut plus y avoir de
doute, à notre avis, sur la question de savoir si le Chiromys
doit être rangé parmi les Prosimiens ou parmi les Rongeurs; le
classement dans la première de ces divisions, proposé par de
Blainville et par M. Owen, nous paraît pleinement justifié.
C'est uniquement au point de vue du système dentaire qu'on
pourrait encore élever des objections contre cette manière de voir.
Mais nous avons déjà fait remarquer qu'on ne doit accorder dans
la classification qu'une valeur relative aux caractères tirés des
dents. Si l'importance de ces parties croît à mesure que l'unifor-
mité de leur disposition s'étend sur un groupe plus nombreux , il
n'est pas permis de leur attribuer une valeur prépondérante dans
la considération de chaque espèce particulière. Pour arriver à une
classification exacte , il est nécessaire , en eifet , de ne pas attacher
une trop grande importance aux organes qui sont le plus exposés
à subir des modifications par suite de changements dans les con-
ditions d'existence, mais de mettre au contraire en première ligne
les organes ou parties qui ne participent qu'à un moindre degré
DU CHIROMYS DANS LA METHODE NATURELLE. 227
à ces modifications. Ce sont ceux-là qui indiquent le plus sûre-
ment la voie à suivre pour trouver les alliés primitifs des espèces
dont la forme s'est modifiée. Quand même les premiers ancêtres
de ces espèces devraient nous rester à jamais inconnus , nous
avons au moins la chance de découvrir les animaux dont elles
présentaient , à une époque plus ou moins reculée , les formes fonda-
mentales, et qui ont eu par conséquent la même origine qu'elles.
Nous croyons pouvoir regarder comme une vérité aujourd'hui
généralement reconnue, qu'une classification qui rapproche les ani-
maux d'après leurs rapports d'origine et de descendance est de
beaucoup préférable à celle qui s'en tient exclusivement à la simi-
litude des organes, quelque importants que ceux-ci puissent être
d'ailleurs pour l'animal lui-même. Plus un organe déterminé a
d'importance pour l'animal au point de vue des besoins biologi-
ques , plus s'y accuseront les changements et modifications de struc-
ture qui deviennent nécessaires par suite d'un nouveau genre
de vie imposé à cet animal; en d'autres termes, dans la diffé-
renciation des espèces, les modifications porteront principalement
sur les organes qui sont le plus exposés à l'influence de l'usage,
du défaut d'usage et de la sélection naturelle.
11 est clair aussi que ce sont surtout ces modifications d'une
si grande utilité pour l'animal, qui se transmettront d'une géné-
ration à l'autre sous cette influence sans cesse croissante de l'usage
et de l'absence d'usage.
Parmi les organes qui , par leur liaison intime avec la manière
de vivre, sont surtout exposés à subir des changements et des
modifications , il faut placer en première ligne l'appareil entier
de la 'digestion (dents, intestins, muscles servant à la mastica-
tion, etc) et les organes de la locomotion (membres et queue).
Pour la classification , nous voudrions voir accorder une impor-
tance plus grande aux organes qui n'éprouvent pas aussi direc-
tement cette influence du genre de vie , par exemple , dans le cas
de l'Aye-Aye, à la structure du crâne.
Sous le rapport de la nourriture, les Lémuridés, surtout Ste-
nopsy Tarsiiis et Galaqo, sont de vrais Insectivores, et ils mon-
15*
228 C. K. HOFFMANN ET H. WEI.TENBKRGH. SUR LA PLACE
trent en conséquence dans leur appareil dentaire, plus ou
moins diversifié du reste suivant la manière de vivre des diffé-
rentes espèces, des analogies remarquables avec les animaux
de cet ordre; sous le rapport de la conformation des mem-
bres au contraire, les mêmes Lémuridés, grimpeurs agiles et
habitants des arbres, se rapprochent beaucoup des Singes. Par
leurs incisives, quelques-uns d'entre eux (en particulier le Chi-
romys) rappellent la famille des Sciuridés, et l'analogie n'existe
pas seulement dans la structure de ces organes , mais aussi dans
l'usage que les animaux en font.
Si, chez les Sciuridés, la queue est devenue, par la disposi-
tion caractéristique des poils , un instrument excellent pour diriger
les mouvements, nous retrouvons un instrument tout pareil, ser-
vant au même usage, chez certains Lémuridés (particulièrement
chez les Galago). Les mêmes particularités de conformation de
la queue et d'aspect général s'observent encore dans une famille
d'un autre ordre, dont les espèces ressemblent aux précédentes
par la manière de vivre; nous voulons parler de la famille des
Grimpeurs (ordre des Insectivores), et spécialement des genres
Ptilocerciis et Cladohales.
Pour prouver que, chez les Didelphes également, un même
genre de vie entraîne des modifications semblables dans les mêmes
organes, nous n'avons qu'à rappeler le Wombat, dont le système
dentaire se rapproche de celui des Rongeurs (--— — —- 1 , et
les Pédimanes qui, en leur qualité d'insectivores quadrumanes,
sont en quelque sorte parallèles aux Lémuridés parmi les Mam-
mifères monodelphes.
Que de pareils changements dans la structure des organes , en
connexion avec le genre de vie, se produisent réellement, c'est
ce qu'il est difficile de nier; mais, quant à la manière dont ces
changements s'effectuent , bien que quelques-uns puissent être expli-
qués, on ne peut que répéter avec M. Owen : „autre chose est la
conception de l'origine des espèces par l'action continue d'une
cause ou loi secondaire, autre chose la connaissance de la nature
et du mode d'action de cette cause."
DU CHIROMYS DANS LA METHODE NATURELLE. 229
Nous ne hasarderons donc aucune hypothèse pour essayer d'ex-
pliquer comment des incisives à racine fermée peuvent se trans-
former en incisives à racine non fermée , telles qu'on les rencontre
chez les Rongeurs.
La nourriture du Chiromys se compose de larves d'insectes, qui
vivent dans le bois souvent très dur des arbres des forêts de Ma-
dagascar. Pour la recherche de ces larves, ses grandes oreilles
lui sont d'une utilité spéciale. Lorsque l'animal a acquis la con-
viction qu'une branche recèle une de ces proies qu'il convoite , il
doit en ronger le bois vert, mais dur, jusqu'à ce qu'il ait atteint
la galerie où la larve se cache; et dès que cette galerie est
ouverte, il doit en extraire la larve aussi rapidement que pos-
sible, pour ne pas lui laisser le temps de se retirer dans une
autre partie de son conduit. Pour opérer cette extraction , aussitôt
qu'une petite ouverture a été pratiquée à la galerie, l'animal se
sert de son doigt médian, long, mince et armé d'un ongle aigu.
Une première conséquence de cette manière de se procurer sa
nourriture doit être le grand développement des muscles de la
mastication, qui, à leur tour, entraînent des modifications dans la
forme, la croissance et la grandeur des mâchoires (par exemple , en ce
qui concerne l'apophyse coudyloïdienne de la mâchoire inférieure). Le
travail de ronger le bois, qui incombe aux dents incisives, doit
activer dans celles-ci le mouvement de rénovation moléculaire, y
augmenter la dépense et par suite aussi l'afflux des matières nutri-
tives. Ce sont surtout les incisives antérieures qui se chargent de
la besogne; la paire latérale, qui s'exerce moins, reçoit moins de
nourriture, s'atrophie, disparaît même entièrement. Les canines
subissent le même sort que les incisives latérales. Il est évident
d'ailleurs que ces changements, suite de l'activité ou de l'inertie
des parties, ne peuvent devenir sensibles qu'après une série de
générations. Les recherches déjà citées de M. Peters sur la première
dentition du Chiromys viennent à l'appui de la justesse de ce
raisonnement, car elles nous apprennent que dans ses premiers
rudiments l'appareil dentaire de cet animal ressemble effectivement
à celui des Lémuridés, mais qu'avec les progrès de l'âge , par suite
230 C. K. HOFFMANN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLAGE
du rôle passif auquel sont condamnées quelques-unes de ses par-
ties, il se rapproche de ce qu'on observe chez les Rongeurs.
On comprend de même que, par l'introduction incessante du
doigt médian dans les trous pratiqués dans le bois, ce doigt a
dû devenir peu à peu , à travers une suite de générations , un in-
strument de mieux en mieux approprié à l'opération dont il est chargé.
„L'hérédité conserve et perfectionne les formes organisées" dit avec
raison M. A. Laugel (Revue des Deux Mondes, 1 Mars 1858,
p. 130—156).
Du reste, quand même le raisonnement qui précède serait à
l'abri de toute objection, il est clair que nous n'aurions pas encore
la solution complète du problème déjà signalé ci-dessus : comment
les modifications dont il s'agit peuvent-elles donner lieu à la trans-
formation d'une incisive à racine fermée en incisive de Rongeur^
à racine non fermée?
Une autre question, qu'il nous reste à examiner , est celle-ci : Si
le Chiromijs fait parti des Lémuridés, quelle est la place qu'il
doit prendre dans ce sous-ordre?
En général, les animaux de ce groupe paraissent avoir une
grande tendance à éprouver des modifications dans la forme des
membres, témoin le long tarse des Tarsius et des Galago , l'index
rudimentaire et jusqu'ici inexplicable du Perodicticus et le médius
grêle du Chiromijs. Pour la distribution des genres, on peut
donc, à l'exemple de Van der Hoeven, emprunter les caractères
tant aux membres qu'à l'appareil dentaire.
Avec les grands Lémuridés (Lichanotus, Lemur , etc.), à
yeux dirigés latéralement, TAye-Aye présente des diiférences
trop considérables; et, d'un autre côté, on ne peut songer
non plus à le rapprocher du genre Stenops , qui s'accorde avec
Lemur par le système dentaire et qui n'a pas de queue ou n'en
possède qu'une très-courte. Aussi bien par l'aspect général que
par le genre de vie et la nature des aliments, c'est avec les
genres composant la famille des Macrolarsi que le Chiromys a
le plus de rapports. Comparé au Tarsius toutefois, il montre
encore trop de différences pour pouvoir prendre place à côté
DU CHIROxMYS DANS LA iMETHODE NATURELLE. 231
de lui dans le système; avec le genre Otolicnus (Galago Geoffr.)
les analogies sont plus nombreuses, par exemple ^ le tarse moins
allongé (plus court que chez le Tarsius) et la queue plumeuse.
L'admission des Microcebus (à tarse encore plus réduit) dans le
genre Galago, à titre de sous-genre, confirme le droit que nous
avons de placer le Chiromys dans le voisinage de ce genre Olo-
licnus (Galago), bien qu'il ne possède pas un tarse allongé.
En résumant et pesant toutes les analogies et les différences,
nous croyons ne pas agir tout à fait arbitrairement en ajoutant
au sous-ordre des Prosimiens une quatrième famille , sous le nom
de Macrotarsi , et en y admettant les genres : 1 " Microcebus Geoffr.
et 2" Chiromys Cuv.
Dans le Manuel de Zoologie de Van der Hoeven, le genre
Microcebus se trouve caractérisé de cette manière : „species parvae
„ab Otolicno diversae auriculis pilosioribus, vibrissis facialibus,
,^incisivis superioribus latioribus.'' Or, dans ces caractères, surtout
dans celui qui est exprimé en dernier, nous croyons voir un
rapprochement entre les Microcebus et les Chiromys.
La disposition systématique pourrait alors être établie de la
manière suivante:
MAMMALIA.
Ordre IL QUADKUMANA.
Sous-Ordre IL Prosimiae.
Famille 1 Lemurini. — Fam. 2 Nycticebini. — Fam. 3 Ma-
crotarsi. — Fam. 4 Microtarsi.
Cette 4me famille serait distinguée par des tarses peu ou point
allongés , et par des différences dans le système dentaire , surtout
dans la forme des incisives; elle aurait en commun avec les
Macrotarsi la longue queue , les grands yeux dirigés en avant et
les grandes oreilles. Nourriture composée d'insectes ^).
') Après avoir écrit ce qui précède, nous avons eu connaissance de ce qui
concerne ces animaux dans le Manuel de Zoologie de Carus et Gerstàcker.
Dans cet ouvrage, le Chiromys est également rapporté aux Prosimiens, où il
232 C. K. HOFFMAiNN ET H. WEIJENBERGH. SUR LA PLACE ETC.
Genre 1. Microcelms Geoffr. Species parvae auriculis pilosiori-
bus, vibrissis facialibus, incisivis superioribus latiori-
l3Ug. — Deux espèces, de Madagascar: M. murinus
Wagn. et M. myoxinus Peters.
Genre 2. Chiromys Cuv. Dentés incisivi compressi, acuminati;
1-1-3
molares lemurini m ,obducti, tuberculata, corona
1 + 3
detrita plani. Pedes pentadactyli , pollice amoto
(praecipue postici) , ungue piano , digitis longis , quarto
longissimo; cauda elongata, villosa; structura uni-
versa lemurina. — Une espèce, de Madagascar:
Ch. madagascariensis Dm.
L'espèce unique de ce genre pourrait être carac-
térisée ainsi:
Ch. madagascariensis Dm. (Aye-Aye) Synon. Lemur
Psilodactyhis de Blainv. Chiromys manus digito me-
dio gracili, ungue aliquomodo cuspidato, oculis
magnis, auriculis nudis et magnis.
forme, à lui seul, une quatrième famille, sous le nom de Gliromorpha (= Lepto-
dadyla III. = Bauhentonia Gray = Glirisimiae Dahl := Chiromyida Bonap.)
Cette famille est définie ainsi par les auteurs: .,Gebiss /-, c , r-, m- (Milch-
^ 10 0 3
2 12..
gebiss e-, c, p-). Die Schneidezâline gross, comprimirt, nagezahn-àhnlich ,
/i \J /i
wurzellos. die untern riickwàrts bis unter den Kronfortsatz reichend; dann
folgen auf eine weite Liicke (die von den Milchzâlinen ,ausgefûllt wird) die
Backenzàhne. — Einger und Zehen frei; liinter und vorn der vierte der
làngste. Vorderdaumen breit , dritter Finger selir diinn ; aile Einger ausser dem
Dauraen mit krallenartigen Nàgeln. Scliwanz lang , mit starren Haaren. Zwei
inguinale Zitsen. — Einzige Gattung, Chiromys Cuv. (Aye-Aye). Art. Chiromys
madagascariensis Dm. etc."
Il y a donc, entre M. Carus et nous, accord quant au point principal,
l'établissement d'une quatrième famiUe pour le Chiromys. Mais, sans nous
dissimuler les différenes qui existent entre les Microcekis et le Chiromys, nous
croyons devoir persister à rapprocher ces deux genres et à désigner cette qua-
trième famille sous le nom de Microtarsi.
NOTE SUR LES
RÉSULTATS D'UNE ÉTUDE MATHÉMATIQUE
DES MOUVEMENTS DE L'ŒIL,
G. F. W. BAEHR.
(lue à l'Académie des Sciences d'Amsterdam, le 29 Avril 1870.)
Le mouvement continu de l'œiL de même qu'en général le
mouvement de rotation autour d'un point fixe, se fait comme
si une surface conique, ayant son sommet au centre de
rotation et à laquelle le globe oculaire serait invariablement
lié, roulait, sans glisser, sur une autre surface conique ayant le
même sommet et gardant une position fixe par rapport à la tète.
La position et les dimensions du cône fixe sont déterminées
immédiatement par la surface conique que doit parcourir la ligne
de regard oi: l'axe optique de l'œil, ligne dont la direction
détermine à son tour, d'après les lois de Donders et de Listing,
à chaque instant, la position du globe oculaire.
Ceci posé , le caractère particulier du mouvement de l'œil est
que les deux surfaces coniques en question sont, dans ious les cas y
égales et semblables ^ et qu^ elles ont , pendant toute la durée du mouve-
ment, une position symétrique par rapport au plan tangent commun.
Quand la ligne de regard doit décrire un plan passant par la
droite qui joint les centres de rotation des deux yeux, de sorte
que, pour la position horizontale de cette droite, le point de
regard parcourrait une ligne horizontale sur un plan vertical qui lui
est parallèle, les deux surfaces coniques sont des cônes circulaires droits,
dont V angle au sommet est un angle droit. Le cône fixe est divisé
234 BAEHR. NOTE SUR LES RÉSULTATS d'uNE ETUDE
en deux parties égales par le plan vertical; son ouverture est
tournée vers le côté postérieur de la tête, et l'angle que son
axe fait avec la position primaire de la ligne de regard est égal
à la moitié du complément de l'élévation de cette ligne. D'après
cela, lorsque la ligne de regard, fixe dans le globe oculaire , suit
le roulement du cône mobile, son élévation reste constante,
et elle décrit par conséquent le plan indiqué.
Si la ligne de regard doit décrire un plan perpendiculaire au
plan passant par la position primaire de la ligne de regard et la droite
qui joint les centres de rotation des deux yeux, de sorte que,
pour la position horizontale de cette droite, le point de regard
parcourrait une ligne verticale sur un mur vertical, les deux
cônes sont encore circulaires droits, et leur angle au sommet
est un angle droit. Le cône fixe est maintenant divisé en deux par-
ties égales par le plan horizontal 5 son ouverture est tournée vers
le côté antérieur de la tête, et l'angle que son axe fait avec la
position primaire de la ligne de regard est égal à la moitié du
complément de la déviation initiale de cette ligne. Quand alors
la ligne de regard suit le mouvement du cône roulant, sa
déviation latérale et son élévation changent simultanément, de
manière que son extrémité parcourt sur un mur vertical une
ligne verticale.
Si la ligne de regard doit décrire un cône droit, dont le pro-
longement de sa direction primaire soit une des génératrices,
de sorte que l'extrémité de la ligne de regard décrirait sur le globe
oculaire , supposé sphérique , un cercle passant par le point occipital ,
l'œil tourne autour d'un axe fixe qui est perpendiculaire au plan
de ce cercle. L'extrémité de la ligne de regard parcourt alors
sur une paroi verticale, qui est en même temps perpendiculaire
à la position primaire de cette ligne, les hyperboles tangen-
tiellement auxquelles peuvent être déplacées les images persistantes
quelconques formées dans la position primaire.
Mais lorsque la ligne de regard doit décrire un cône circulaire
droit autour d'une ligne quelconque prise pour axe, de sorte que son
extrémité décrirait sur le globe oculaire, supposé sphérique, un cercle
MATHÉMATIQUE DES iMOUVEMENTS DE l'œIL. 235
quelconque, les deux cônes sont bien encore du second degré,
mais ils ne sont plus circulaires droits. Si l'on mène un plan
par la position primaire de la ligne de regard et l'axe du cône
que cette ligne doit décrire , ce plan est un plan principal , et la
bissectrice de l'angle de ces deux droites un axe principal
du cône fixe , de sorte que les sections perpendiculaires à cet axe
sont des ellipses. En prenant, dans un système de coordonnées
rectangulaires, cet axe principal pour axe des x et ce plan
principal pour plan des x z , l'équation du cône fixe serait :
(1 H- C05 v) icos f- H- COS i/ ) x'^ — (1 — cos'^ >!') 1/-
— (1 — cos *; ) {cos '■'■ + cos ',") ^ - = 0 ,
dans laquelle c est l'angle compris entre la position primaire
de la ligne de regard et l'axe du cône qu'elle doit décrire, et
y le demi-angle au sommet de ce cône. Si maintenant on écarte
la ligne de regard de sa position primaire, de manière
que, restant dans le plan xz, elle fasse un angle v avec l'axe
du cône donné , elle décrira la surface de ce cône quand elle suivra
dans son mouvement le cône roulant.
Il y a encore à faire la remarque suivante. Une image persistante
horizontale, formée dans la position primaire, ne coïncide
plus avec la ligne horizontale , lorsque l'œil , quittant sa position ,
se porte sur quelque autre point d'une paroi verticale, qui est
en même temps perpendiculaire à la direction primaire de la
ligne de regard. On conclut de là que l'horizon rétinien a tourné
d'un certain angle. De même, de ce que l'image persistante
verticale, produite dans la position primaire, dévie de la ligne
verticale, on tire la conséquence que le méridien vertical pri-
maire a fait une rotation. Les déviations en question ne sont
toutefois pas égales aux angles de rotation de ces plans. Elles
présentent cette propriété remarquable , que la déviation de l'image
persistante horizontale est précisément égale à l'angle de rotation
du méridien primaire, et, réciproquement , la déviation de l'image
persistante verticale précisément égale à l'angle de rotation de
l'horizon rétinien. Il ne paraît pas que cette circonstance ait été re-
marquée dans Jes expériences faites pour contrôler la loi de Listing.
LA FORÊT PÉTRIFIÉE DU CAIRE,
LES COLLINES DE TESSONS DE POTERIE DE LA BASSE-EGYPTE ET LA
PREMIÈRE CATARACTE DU NIL.
H. HARTOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN.
Pendant un voyage en Egypte, entrepris dans les
mois de Novembre et de Décembre 1869, j'ai fait quelques
observations, qui ne me semblent pas tout à fait dénuées d'in-
térêt. La première se rapporte à la forêt pétrifiée du
Caire. Comme on sait, ce gisement se compose de millions
de morceaux de bois pétrifié , (jui sont mêlés au sable du désert ,
de la même manière que les cailloux sont mêlés au sable de
notre diluvium caillouteux. Ces fragments de bois pétrifié se com-
posent de silice, et non pas de carbonate de chaux ; ils ne mon-
trent pas de vestiges d'avoir été roulés, car leurs arêtes sont
aiguës. Ils sont de grandeur différente ; il y en a de deux pieds
de longueur et d'un demi-pied de largeur. Les espèces les plus
répandues sont le dattier (?) et le sycomore. Je crois pouvoir
affirmer, que ces morceaux de bois étaient déjà pétrifiés lorsquHls
ont été apportés dans ces lieux. La preuve en est fournie, entre autres,
par un morceau du troue d'une plante monocotylédone , dont j'ai
fait cadeau à la collection géologique de l'école polytechnique
de Delft. Ce morceau est couvert en grande partie d'une boue
noire, parsemée de petits cailloux, et qui a, pour ainsi dire,
été pétrifiée aussi, car la croûte forme avec le bois une
seule masse pierreuse. Cette boue et ces cailloux
diffèrent notablement par leur aspect du sable du désert envi-
ronnant , ce qui |)rouve avec évidence , à mon avis , qu'ils étaient
déjà fixés au bois et que par conséquent ce dernier avait déjà été
H. HARÏOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN. LA FORET ETC. 237
pétrifié, avant qu'il fût apporté dans ces lieux. Quand on
adopte ce point de vue, il n'en devient que plus étrange que les
morceaux ne montrent pas de traces d'une action violente des
eaux, qu'ils possèdent des arêtes aiguës et n'aient pas été brisés
après leur pétrification (ce dernier point résulte de la différence
d'aspect entre l'extérieur du bois et l'intérieur, différence qui devient
visible quand on casse un morceau). On pourrait expliquer le fait
en supposant que le bois fut transporté, flottant sur les eaux,
avant d'avoir été pétrifié, et qu'il resta sur le sol après l'écoule-
ment des eaux ; mais cette hypothèse n'est plus admissible après
l'inspection du fragment rapporté par moi.
En second lieu je veux fixer l'attention sur de grandes
collines, composées d'une terre noirâtre mêlée d'innom-
brables tessons de poterie, qu'on trouve près du Caire, près d'Alexan-
drie et dans d'autres localités de la Basse-Egypte. Aucune plante
ne croît sur ces collines, probablement parce qu'elles s'élè-
vent au-dessus du niveau de l'eau du Nil pendant l'inondation.
Les tessons de poterie prouvent que l'homme a eu part à leur forma-
tion. Les Egyptologues ne paraissent pas savoir les expliquer.
Dans ces derniers temps, on a découvert que la terre noirâtre
qui se trouve entre les tessons de poterie était un engrais excellent ,
ce qui me rappelle les terramares de l'Italie. Ces collines n'in-
diqueraient-elles pas des stations humaines des temps préhis-
toriques ?
Ma troisième observation se rapporte à la première cataracte
du Nil et à l'île de Philae. Comme on sait, cette première
cataracte n'est, à vrai dire, qu'une succession de rapides, com-
mençant déjà plus ou moins près de Philae et ne finissant tout
à fait que près d'Eléphantine. Au milieu de ces rapides s'élèvent
partout du sein de l'eau d'énormes blocs de granité (le granité
de Syène n'est pas de la syénite, ce qu'on a cru être de la
hornblende n'étant que du mica noir). Par-ci et par-là ce granité
est couvert d'une autre espèce de pierre, noire, offrant l'aspect
238 H. HARTOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN. LA FORET
du basalte ; et que l'on dirait avoir été coulée sur le granité à
l'état fluide. Par l'action de l'eau , la surface de cette pierre a
été parfaitement polie; quand on la casse elle présente une
surface mate et grisâtre. Le professeur Vogelsang, de Delft^ s'occupe
en ce moment d'un examen microscopique et chimique de cette
pierre ; dont je lui ai rapporté un morceau.
Quand on se trouve à l'île de Philae^ on voit dans les bras
du fleuve qui l'entourent, et sur l'île elle même, d'énormes
rochers de granité. Les bords du Nil , du côté de l'intérieur du conti-
nent, nous font voir aussi des rochers, formés de morceaux de
granité amoncelés, arrondis par l'action des eaux. En observant
ces rochers, l'hypothèse se présenta immédiatement à mon
esprit, qu'ils ne sont que les débris d'une digue naturelle, qui
autrefois retenait ici les eaux du Nil. Celles-ci, s'élançant au-
dessus de cet obstacle, retombaient de l'autre côté, et for-
maient ainsi sans doute une véritable cataracte. Après que, par un
travail séculaire , le fleuve eut brisé ses entraves , cette cataracte
de Philae disparut, et fut remplacée par la série de rapides
qu'on voit aujourd'hui entre Philae et Eléphantine. D'après cette
hypothèse, la cataracte se serait donc déplacée en aval dans
le cours des siècles, juste à l'inverse du Niagara, qui se
déplace en amont. Avant la rupture de la chaîne de rochers de
Philae , le niveau du fleuve , entre la première et la seconde cata-
racte, devait être de plusieurs mètres plus élevé qu'aujourd'hui.
J'avais fait cette observation, cette hypothèse, lorsque , en lisant
l'aperçu de l'histoire ancienne d'Egypte par A. Mariette-bey , je
fus frappé par les mots suivants, qu'on y trouve à la page 25:
„I1 existe au-dessus de Ouady Halfa, près du village de
Semneh, des rochers situés à pic sur le fleuve, et qui portent à
7 mètres au-dessus des plus hautes eaux actuelles des inscrip-
tions hiéroglyphiques. Or, de la traduction de ces inscriptions,
il résulte que, sous la Xll^ie et la XlII^ne dynastie, le Nil,
dans sa plus grande hauteur, s'élevait jusqu'au point où ces
légendes sont tracées. 11 y a 40 siècles, le Nil montait donc, à
la deuxième cataracte, à environ 7 mètres plus haut qu'il ne
PÉTRIFIÉE DU CAIRE. 239
monte aujourd'hui. Il y a là un problème digne cV attention et que
la science na pas encore résolu. Le chaugement de niveau du
Nil à la seconde cataracte est-il dû aux grands travaux hydrau-
liques entrepris par les rois du Moyen-Empire , dans le but , soit
de régulariser les inondations de ce fleuve impétueux ^ soit
d'élever un rempart naturel entre l'Egypte et ses plus redoutables
ennemis , en rendant cette cataracte impraticable aux navires qui
descendaient du Soudan? C'est ce que je ne pourrais dire."
Je crois que la solution du problème se trouve dans la
destruction de la digue naturelle , qui autrefois retenait les
eaux du Nil à Philae. La destruction de cette chaîne de rochers
n'a pas été l'œuvre de la main de l'homme, mais celle du fleuve
lui-même, qui y a employé une série de siècles.
SUR LA SYNl^HÈSE DU SULFOCYANATE
D'AMMONIUM
(r H 0 D A N - A M M 0 IV I U m).
PAR
H. HARTOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN.
On lit dans le Jahresherichl ûher die Forlschritte der Chemie ,
publié par M. A. Strecker pour 1868, Prem. fasc, 15 Février
1870, pag. 160:
„M. Berthelot hat die Existenz des Kolilenoxysulfides bestatigt
und einige weitere Angaben liber dasselbe gemacht. Wâhrend
Schwefelkohlenstoff bei gewobnlicher Temperatur auf Ammoniak-
fllissigkeit nur langsam und auf gasfornaiges Ammouiak selbst
bei mebrstlindigem Contact uicht einwirkt, verbindet sicb das
Oxysùlfid mit demselben leicht und zwar mit dem Gase zu krystalli-
niscbem oxysulfocarbamins. Ammonium nacb der Gleichung:
€ô^ + 2NH3=€SNH, (NH^)©. Dureb Erbitzung ihrer
wâsserigen Lôsung in gescblossenen Gefassen gebt dièse Verbin-
dung in Scbwefelcyanammonium uber."
Suivant M. Berthelot, le sulfure de carbone ne réagirait donc
pas à la température ordinaire sur l'ammoniaque gazeuse. Ceci
est en contradiction directe avec une expérience faite par moi
en Décembre 1866 et que je n'ai pas encore publiée. Je
faisais traverser du sulfure de carbone par un courant d'ammo-
niaque gazeuse bien sécbée au moyen de la potasse caustique. Le
sulfure de carbone se colora en jaune, et bientôt il se déposa
un précipité rouge brique , tandis que le liquide se décolorait. Ce
précipité rouge fut dissous dans l'eau. En faisant évaporer
cette solution au-dessus d'une lampe de Bunsen jusqu'à la moitié
H. HARTOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN. SUR LA SYNTHESE 241
de son volume, elle se décolora en répandant des vapeurs de
sulfure de carbone et de sulfure d'ammonium, tandis qu'un peu
de soufre se déposa. Ce qui restait, était une solution de sulfo
cyanate d'ammonium , très reconnaissable à sa réaction sur le
chlorure de fer. La réaction du sulfure de carbone sur l'ammo-
niaque gazeuse avait donc été la suivante. D'abord ils s'étaient
unis en formant du sulfocarbaminate d'ammonium :
0^2 -h2NH,=:CâNH, (iSIH^)^, tout comme
aOS-h2NH3=OSNH, (NHJQ.
Le sulfocarbaminate d'ammonium s'était partagé, par l'action de
la chaleur sur sa dissolution aqueuse, en sulfure de carbone,
sulfure d'ammonium et sulfocyanate d'ammonium:
2eSNH,(NH,)S=GS,+(NH,),S+ ^^[^
Je crois que cette méthode de synthèse du sulfocyanate
d'ammonium (corps organique, contenant de l'azote et faisant
partie de la salive de plusieurs animaux) est nouvelle.
On pourrait aussi se figurer la réaction comme il suit. D'abord
le sulfure de carbone et l'ammoniaque forment ensemble du sulfo-
carbouate d'ammonium et de la sulfocarbamide :
0§ \ ^^1
20S,+4NH3=^^ HJ,r^ + ^M.^
2 ?
H,
tout comme l'acide carbonique forme avec l'ammoniaque gazeuse
du carbonate d'ammoniaque et de la carbamide :
GO / ^^j
2GQ, -h4NH3= .^ g . JO, +H, N,.
En faisant bouillir ce mélange, le sulfocarbonate d'ammonium
se décompose , et il ne reste que de la sulfocarbamide , qui n'est
autre que le sulfocyanate d'ammonium, car:
h/
Archives Néerlandaises, T. V. 16
OBSERVATIONS
SUR LA MACHINE ÉLECTRIQUE HE HOLTZ,
PAR
V. s. M. VAN DER WILLIGEN.
1. Les observations que j'ai à communiquer sur la machine de
Holtz^ bien que n'ayant peut-être pas une grande importance , ne
sont pourtant pas, me semble-t-il^ tout à fait dépourvues d'intérêt.
Je me suis servi pour mes expériences d'une machine dite à quatre
éléments, construite par Borchardt, d'après le modèle décrit et
figuré dans les Annales de Poggendorff, tome CXXVII; p. 320.
Il est connu que lorsqu'on éloigne les conducteurs l'un de l'autre
à une distance assez grande pour que l'étincelle cesse de jaillir
entre eux , et qu'ensuite on les rapproche de nouveau , le courant
se trouve ordinairement renversé; d'un autre côté, la manière
dont les éléments en papier sont continuellement alimentés n'est
pas toujours expliquée d'une manière satisfaisante. Ce sont sur-
tout ces deux points que je me propose d'élucider.
2. D'abord je demanderai qu'on se débarrasse entièrement de
toutes les notions plus ou moins claires de courants de charge et
de décharge , et de deux courants positifs et deux négatifs qui se
mouvraient simultanément dans le conducteur. L'explication de
l'appareil et de son mode de fonctionnement n'a réellement pas
besoin d'être aussi compliquée. Je m'en tiendrai simplement aux
termes et aux idées qui ont cours relativement à l'électricité posi-
tive et négative et à l'influence ou induction.
Lorsque la lame d'ébonite frottée est tenue exactement devant
l'ouverture, on observe, en faisant tourner la machine , de petites
étincelles qui se succèdent entre les conducteurs, mais la charge
n'augmente pas; le phénomène persiste aussi longtemps que la
plaque d'ébonite conserve de l'électricité. Cette plaque, en effet,
remplit ici tout à fait le rôle d'un élément de papier; seulement,
V. s. 31. VAN DER WILLIGEN. OBSERVATIONS, ETC. 243
comme elle n'est pas alimentée, sa tension s'affaiblit peu à peu
par l'influence de l'air, etc. , et , par suite , l'action finit par s'arrêter.
Lorsque la lame d'ébonite est placée devant l'élément de papier ,
ou même en contact avec lui, l'électricité négative de la lame
dissimule l'électricité positive du papier, tandis qu'elle repousse
l'électricité négative mise en liberté; celle-ci, ne pouvant, à travers
le papier , se frayer facilement un chemin au dehors , se porte sur
le verre du disque fixe, et, y pénétrant de plus en plus profon-
dément, elle exerce à son tour de l'influence sur le disque
tournant, dont elle dissimule l'électricité positive et refoule
l'électricité négative, qui s'écoule dans le conducteur. Le plateau
doit déjà être en mouvement avant qu'on applique la lame
d'ébonite, car, sans cela, l'électricité positive de ce plateau ne
tarderait pas à se combiner , à travers la mince couche d'air ,
avec l'électricité négative devenue libre sur le papier.
11 y a, naturellement, un grand avantage à rendre les deux
disques très voisins l'un de l'autre, et même on peut hardiment
replier les pointes de carton en dedans , de façon qu'elles touchent le
plateau tournant. M. Holtz recommande seulement de rapprocher ces
pointes autant que possible du disque mobile, mais je me suis toujours
bien trouvé de les laisser traîner littéralement à la surface de ce disque.
Aussitôt que le segment du disque tournant échappe à l'influ-
ence du premier élément de papier , l'électricité positive qui y était
dissimulée devient libre, et, pour autant qu'elle se trouve à la
face interne du segment, elle passe, par la pointe traînante du
second élément, dans le papier; celle qui se trouve à la face
externe du verre est recueillie par le conducteur.
De cette manière , le second élément est chargé à son tour ; le
papier agit par influence, à travers le verre du disque fixe , sur le
plateau tournant, c'est-à-dire, qu'il y dissimule de l'électricité négative
et chasse une nouvelle quantité d'électricité positive dans le conducteur.
L'électricité négative, dissimulée pendant un instant, devient
libre dès que la partie du disque mobile sur laquelle elle se trouve
est soustraite à l'influence du second élément; cette électricité
va alors charger négativement le troisième élément.
16*
244 V. s. M. VAN DER WILLIGEN. OBSERVATIONS
Par une action tout à fait analogue, le troisième élément com-
munique une charge positive au quatrième, et de cette manière,
en un temps très court, les quatre armatures de papier sont
chargées alternativement d'électricité négative et d'électricité posi-
tive, et l'appareil est prêt à fonctionner. A mesure qu'on tourne
plus rapidement , le même segment du disque mobile passera , dans
le même temps , de plus en plus fréquemment devant les éléments
de papier et les peignes des conducteurs ; mais , d'un autre côté ,
il restera à l'électricité momentanément dissimulée sur le plateau
tournant de moins en moins de temps pour se porter , à travers la
couche d'air, sur l'électricité contraire des papiers. A mesure que
la tension s'élève dans l'appareil, j'attends donc moins d'avantages
d'un très grand rapprochement des deux disques, vu que par
là ce transport devient de plus en plus facile.
Une preuve de la réalité de l'explication précédente , c'est que , ait
bout de très peu de temps, on peut recueillir, à l'aide du plan
d'épreuve, de l'électricité positive sur tout le quadrant du disque
mobile venant à la suite d'un conducteur qui a soutiré de l'élec-
tricité négative. De même, sur les quadrants qui se trouvent
derrière un peigne positif, on recueille partout de l'électricité libre
négative, jusque tout près de ce peigne lui-même.
Notre manière de voir est aussi confirmée par les phénomènes
lumineux qu'on observe dans l'obscurité. En effet, on trouve des
aigrettes positives aux pointes des conducteurs qui, selon cette
manière de voir, sont censés soutirer de l'électricité négative; une
pareille aigrette positive se voit aussi à la pointe de carton qui
termine le premier élément de papier, celui qu'on charge direc-
tement. Lorsque l'élément de papier, où l'électricité se meut avec
tant de peine , acquiert une charge suffisamment forte , on finit par
voir de temps en temps au côté opposé , là où le carton est à bord
arrondi , une auréole négative , dirigée , comme le montre l'aigrette
positive qui s'y rattache , vers les pointes du conducteur ; cela prouve
qu'il s'échappe dans ce cas de l'électricité négative , qui se combine
avec l'électricité positive devenue subitement libre en face des peig-
nes. On constate donc réellement ici l'effet nuisible dont j'ai parlé plus
SUR LA MACHINE ÉLECTRIQUE DE HOLTZ. 245
haut, savoir, le transport à travers Tair de l'électricité accumulée.
3. Naturellement, l'électricité positive de deux des bras du conduc-
teur s'écoule continuellement vers l'électricité négative des deux autres
bras; mais je ne vois aucune raison, comme je l'ai dit, d'obscurcir cette
notion si simple par l'admission de courants de charge et de décharge.
Il est facile de comprendre maintenant comment le courant
peut se renverser dans le conducteur, d'une manière en apparence
tout à fait capricieuse. Ce renversement se produira aussitôt — mais
seulement alors — qu'un quadrant du plateau passera du peigne
A au peigne B avec de l'électricité libre négative , au lieu de passer
avec de l'électricité positive; ou vice-versâ. Or, cela arrive dès
que les conducteurs sont écartés suffisamment pour que l'étincelle
ne puisse plus jaillir de l'un à l'autre; l'électricité, tant positive
que négative, déjà recueillie se rejette alors sur le verre, et un
quadrant déterminé, au lieu de continuer à tourner avec de l'élec-
tricité libre négative, tourne avec l'électricité libre positive reçue
du conducteur; ou réciproquement. J'ai pu très bien observer ce
phénomène avec une jolie machine à deux éléments , construite par
Ruhmkorff et appartenant à mon ami M. Hanekuik; lorsque j'écar-
tais les conducteurs au-delà de la distance explosive, et que je
faisais continuer la rotation de l'appareil, j'entendais immédiatement
le bruit crépitant de la décharge sur le verre; mais lorsque je
faisais arrêter brusquement, je prévenais l'excès de tension et la
décharge sur le verre et je ne percevais plus aucun bruit.
Le moyeu indiqué par M. Holtz (Poggendorff's Annalen, T. CXXX,
p. 171) pour empêcher ce renversement spontané du courant, moyen
appliqué aujourd'hui dans la construction des machines de Borchardt,
consiste simplement dans l'emploi d'un conducteur secondaire à peig-
nes, qui donne aux électricités repoussées l'occasion de se réunir très faci-
lement, avant que la rotation les ait amenées devant l'élément suivant*
4. Avec mon appareil à quatre éléments, j'ai un moyen très
simple de renverser le courant aussi souvent que je le désire,
tout en maintenant les conducteurs à la distance ordinaire. Je n'ai
besoin pour cela que de tourner un instant le plateau à contre-
gens; aussitôt que je me remets alors à tourner dans le sens habi-
246 V. s. M. VAi\ DER WILLIGEN. OBSERVATIONS
tnel; je trouve le courant renversé; en peu de minutes je puis
ainsi produire l'inversion un grand nombre de fois.
L'explication est facile: un papier à charge négative met de
l'électricité positive en liberté sur le plateau tournant ; au lieu de
laisser celle-ci s'écouler, comme d'habitude^ sur les peignes des
conducteurs, je la fais rétrograder et la transporte, en partie sur
la branche immédiatement précédente du conducteur, en partie
sur l'élément de papier immédiatement précédent, élément dont la
pointe traîne sur la face interne du plateau; en un instant, cet
élément, qui jusqu'alors avait une charge positive, est chargé néga-
tivement. De cette manière, les charges de tous les éléments se
trouvent renversées simultanément; la partie de l'électricité, qui s'est
portée sur le conducteur, contribue à l'action, en ce qu'elle rend libre
de Télectricité positive pour le second élément précédent. Si l'on recom-
mence alors à tourner dans le sens normal , le courant est renversé.
La seule précaution à observer est de ne pas prolonger assez long-
temps la rotation à rebours pour que toute l'électricité libre se perde.
5. Lorsqu'on présente le doigt ou un fil de cuivre à la fenêtre
d'un des éléments, et qu'on le rapproche de plus en plus de la
face interne du plateau tournant, le bout du doigt ou la pointe
du fil deviennent fortement lumineux, preuve qu'ils s'emparent
aussi d'une partie de l'électricité dégagée. Si le peigne placé vis-
à-vis du doigt, de l'autre côté du plateau, recueille de l'électricité
négative, il est clair que l'électricité qui s'écoule dans le doigt
doit aussi être négative; et, en effet, on voit alors une aigrette
positive jaillir du doigt. Les dents du peigne, la pointe du bord en
carton de l'élément de papier, et l'extrémité du doigt ou du fil de
cuivre qu'on tient, à côté de la pointe en carton , près du plateau
tournant , toutes montrent à la fois des aigrettes positives. Il ne me
paraissait pas bien évident que l'électricité soutirée par le doigt dût
entrer en défalcation de celle que reçoit le conducteur , car , pour
arriver jusqu'aux peignes, elle aurait à traverser d'abord toute
l'épaisseur du verre; d'un autre côté, M. leDr. Kayser, de Leyde,
construit des machines composées d'un disque fixe et de deux disques
tournants, et il obtient ainsi une action beaucoup plus intense. Je
SUK LA iMACHINE ÉLECTRIQUE DE HOLTZ. 247
pensai, d'après cela, qu'on parviendrait peut-être à augmentera
quantité d'électricité recueillie en transportant aussi sur le conducteur
l'électricité de la face interne du plateau. Je fis donc construire quatre
branches courbes et creuses , qui pouvaient s'adapter aux cylindres à
peignes du conducteur malgré la présence des dents , ces branches
étant fendues dans toute l'étendue nécessaire; au-delà, elles pas-
saient librement par dessus le bord des disques et arrivaient , par
une partie droite, juste en face des fenêtres des éléments , où elles
étaient garnies de peignes. Par cette disposition Je recueillais réel-
lement sur le conducteur l'électricité de la face interne et de la
face externe du plateau; mais, à ma grande surprise, si une
ou deux branches n'exerçaient pas beaucoup d'influence, l'effet
se trouvait prodigieusement affaibli quand on faisait usage des
quatre branches à la fois. Je m'étais donc fourvoyé, et mon
essai avait échoué, pour la raison , facile à reconnaître à posteriori ,
que j'avais privé les éléments de papier et leurs pointes en carton
de l'alimentation nécessaire, détournée au profit du conducteur.
Cette tentative infructueuse m'a pourtant appris quelque chose.
Je voulais essayer encore une fois de renverser le courant, en
tournant la manivelle en sens contraire, mais il me fut impossible
d'y parvenir, bien que, peu de semaines auparavant, j'eusse répété
la même expérience avec succès des centaines de fois peut-être.
Je remarquai alors qu'une des branches recourbées était restée
adaptée au conducteur; or, cette branche avait recueilli en faveur
du conducteur l'électricité contraire qui arrivait en ce point, et
avait ainsi préservé de son action la pointe en carton voisine ; un
élément de papier, au moins, avait donc conservé sa charge nor-
male, et, aussitôt que la rotation reprenait son sens habituel, le
courant ne tardait pas à se rétablir dans son intensité primitive.
Toutes les machines électriques de Borchardt sont soumises à
une épreuve avant d'être livrées; la mienne a certainement atteint
entre mes mains la force qu'on lui avait trouvée a Berlin, ce qu'on peut
inférer de la circonstance que j'ai déjà perforé et brisé, dans le cours de
mes recherches, le condensateur en bâton qui accompagnait l'appareil.
SUR LE
DOSAGE VOLUMÉTlIiaUE DU PEli
PAR L'MYPOSULFITE DE SOUDE,
PAR
A. C. OUDEMANS Jr.
Il y a trois ans environ, ys^ii^YOï^oBé {Zeitsclirift fur analylische
Chemiej VI, 129; Archives Néerlandaises, ÏY, 55) une méthode
de dosage du fer dans les sels ferriqiies, méthode fondée sur ce
que ces sels, en présence d'une petite quantité d'un sel cuivrique,
subissent, sous l'influence de l'hyposulfite de soude, une réduc-
tion facile et rapide, dont la fin est indiquée par la disparition
de la coloration communiquée à la liqueur par une addition de
rhodanure de potassium.
Dans la troisième édition de son Lehrbuch der chemisch-
anahjtischen Tilrirmelhode, M. F. Mohr vient de soumettre cette
méthode à une critique, dont la conclusion est qu'elle ne peut
rendre aucun service.
Je ne puis garder le silence sur cette appréciation, d'une
part, parce que je ne veux pas laisser croire que j'accepte la
condamnation prononcée par M. Mohr, et, d'autre part, parce
que les raisons qu'il invoque sont en grande partie dénuées de
tout fondement et fournissent la preuve qu'il n'a pas lu ou n'a
lu que très superficiellement mon Mémoire original et, en tout
cas, qu'il n'a pas compris le principe sur lequel la méthode
repose.
A. C. OUDEMANS JR. SUR LE DOSAGE VOLUMETRIQUE ETC. 249
„J'ai trouvé cette méthode", ainsi commence la critique de
M. Mohr (/. c. p. 291), „tout à fait impropre, car, vers la fin,
la liqueur est toujours troublée par un précipité de rbodanure
cuivreux, qui ne permet plus de rien distinguer. Si, en dépit
du précipité, on enlève par Thyposulfite de soude toute trace
de coloration, et qu'on ajoute alors encore quelques gouttes de
solution cuivrique, le précipité augmente considérablement et la
couleur rouge du rbodanure de fer se montre de nouveau. La
quantité d'byposulfite nécessaire dépend donc de la quantité de
vitriol de cuivre qu'on a ajoutée."
Ce que M. Mobr avance dans la première phrase de ce passage
n'est pas tout à fait exact. Lorsque dans l'addition du rbodanure
de potassium et du sel de cuivre on dépasse certaines limites,
il se forme en effet toujours un précipité; mais lorsque la quantité
d'un de ces deux réactifs n'est que très petite, la liqueur reste
claire, et sa coloration, de plus en plus affaiblie à mesure de
l'arrivée de l'byposulfite de soude, finit par s'effacer complète-
ment. Dans mon Mémoire j'avais recommandé d'ajouter à la disso-
lution férrique acide une ou deux gouttes d'une solution assez
concentrée de vitriol de cuivre et 2 — 5 CC. d'une solution à 1 p. c.
de rbodanure de potassium. J'avais fait de cette manière un
grand nombre d'analyses, dont les résultats laissaient peu de
chose à désirer ^).
Postérieurement, j'ai trouvé qu'il valait mieux employer un peu
plus de sel de cuivre et, par contre, beaucoup moins de rbodanure
de potassium. Comme la réussite de l'expérience dépend des quan-
tités des réactifs ajoutés, je crois qu'il ne sera pas inutile de
donner à ce sujet des indications précises. J'ajoute à la dissolution
férrique, peu importe qu'elle soit plus ou moins concentrée, 3 CC.
') Comme contre-partie de la critique donnée par M. Mohr, je me permettrai
de citer ici un Mémoire de M. C. Balling {Oesterreich. Zeitschr. f. Berg- mid
llïdtenwe^:en . 1869, No. 19; Dingler's Fol. Journ., t. 192, p. 410; Fresenius,
Zeitschr. f. analyt. Chemie , t. IX, p. 99), dans lequel ce savant exprime sa
satisfaction au sujet de ma méthode et déclare qu'elle ne lui a pas fait com-
mettre d'erreurs plus grandes que 0,8 p. c,
250 A. C, OUDEMANS JR. SUR LE DOSAGE VOLUMETRIQUE
d'une solution de vitriol de cuivre à 1 p. c., puis 2 CC. d'acide
chlorhydrique concentré , et enfin ^ pour chaque 100 CC. de liqueur
ferrique, 1 CC. de solution de rliodanure de potassium (1 p. c).
L'acide chlorhydrique libre ^ bien loin de nuire, exerce plutôt
une influence favorable sur la réaction, à condition seulement
qu'on n'élève pas trop la température. Il s'oppose en outre à la
formation du rhodanure de cuivre.
J'ai reconnu aussi qu'il est bon de ne pas étendre des disso-
lutions concentrées (pourvu qu'elles ne renferment pas un trop
grand excès d'acide libre), mais d'y laisser couler immédiatement?
après l'addition de KRn et Cu SO4, la solution d'hyposulfite,
d'abord sous forme de filet , ensuite goutte à goutte ; pendant cette
opération la liqueur doit être maintenue constamment en agitation.
Pour ce qui est maintenant de l'assertion contenue dans la
2e et la 3e phrase du passage cité de M. Mohr, j'y donne mon
plein acquiescement. Dès qu'il se forme un précipité, Fessai est
perdu; mais c'est précisément à prévenir cette formation
qu'on doit s'appliquer. Or rien n'est plus facile, comme chacun
pourra s'en assurer, s'il consent à suivre fidèlement la marche
prescrite ci-dessus.
Mais, écoutons de nouveau M. Mohr:
„ Cette méthode est réellement la première où l'on propose de
faire intervenir deux indicateurs. Toutefois, le sulfate de cuivre
n'est pas un indicateur proprement dit; il joue lui-même un rôle
dans la décomposition et détruit une partie de l'hyposulfite de
soude , laquelle est ensuite portée au compte de l'oxyde de fer.
Lorsqu'on mêle du sulfate de cuivre et de l'hyposulfite de soude,
qu'on chauffe légèrement, puis qu'on ajoute du rhodanure de potas-
sium, on obtient le précipité gris-bleuâtre semblable par l'aspect
à l'iodure de cuivre. Il va sans dire qu'une partie de l'hyposulfite
a été employée à la production de ce précipité; or c'est là un
défaut dans un indicateur."
Les phénomènes dont il est question dans les deux dernières
phrases sont trop connus pour qu'il y ait lieu de s'y arrêter. Mais
M. Mohr les met, bien à tort, en rapport avec la réaction fonda-
DU FER PAR l'hYPOSULFITE DE SOUDE. 251
mentale de ma méthode, et il donne une idée tout à fait fausse
de ce que je me suis proposé et de ce que j'ai écrit.
En effet, ce n'est pas comme indicateur que j'emploie le sel
de cuivre , mais comme moyen d'accélérer la réduction du sel de
fer par Thyposulfite. Le rhodanure de potassium seul est ici indi-
cateur; le sel de cuivre, qui est transformé alternativement en
sel cuivreux sous l'influence de l'hyposulfite et en sel cuivrique
sous l'influence du sel ferrique, joue un rôle analogue à celui
des matières dites de contact (Fresenius, ZeilschriftYI, p. 131 — 131).
L'assertion de M. Mohr, que le sel de cuivre décompose une
partie de l'hyposulfite, est tout à fait inexacte; car, lorsque le
dosage est terminé et qu'on a ajouté tout juste assez d'hyposulfite
pour décolorer entièrement le liquide, mais rien de plus, le sel
de cuivre se trouve finalement dans la liqueur à l'état de com-
binaison cuivrique. Si alors on ajoute encore plus de réactif, il
commence à se former du sel cuivreux qui persiste comme tel , et
cela parce qu'il ne rencontre plus de matières capables de le trans-
former en combinaison cuivrique.
Tout cela avait déjà été dit en 1867 (Zeitschr. f. anal. Chem. ,
VI, p. 131 et suiv.), mais il fallait bien l'exposer encore une
fois ici, avec plus de détails, puisqu'il paraît que ma première
explication n'était pas suffisamment claire ou du moins n'a pas
été comprise par M. Mohr. Mais peut-être est-ce moi qui n'ai pas
bien saisi l'idée de M. Mohr; peut-être pense-t-il que l'hyposulfite réduit
d'abord d'une manière permanente le sel de cuivre ajouté, et
ensuite seulement le sel de fer. Tel toutefois ne peut être le cas ,
comme il résulte suffisamment de tout ce que nous savons au sujet
de l'action que les dissolutions acides de sels d'oxydule de cuivre
exercent sur les dissolutions de sels de peroxyde de fer ; cette action ,
pour la résumer en peu de mots, consiste eu ce que les sels
ferriques sont réduits par les sels cuivreux suivant la formule
générale
Cu, Ro + Fe, Re ~ 2 (Cu R,) -h (Fe R, : ,
aussi longtemps que manquent les conditions nécessaires pour la
252 A. C. OUDEMANS JR. SUR LE DOSAGE VOLUMETRIQUE
formation d'un composé cuivreux insoluble. La nature de ces con-
ditions ne saurait être indiquée d'un seul mot; mais il est certain
qu'elles dépendent de la concentration des liquides , de la présence
ou de l'absence d'acides libres, etc.
La fausseté de l'hypothèse émise ci dessus ressort d'ailleurs encore
des faits suivants:
1» La quantité plus ou moins grande du sulfate de cuivre ne
change rien (pourvu qu'il ne se forme pas de précipité de
rhodanure de cuivre) à la quantité d'hyposnlfite qu'exige la déco-
loration d'une quantité déterminée de combinaison fernque addi-
tionnée de rhodanure de potassium.
2» La détermination du fer dans une dissolution exempte de
cuivre par le procédé de M. Mohr (chauffer avec Kl et doser
par l'hyposumte l'iode mis en liberté) fournit des résultats par-
faitement d'accord avec ceux que donne nw. méthode, appliquée
à la même solution ferrique, avec addition de quantités mnaft/e.
de sulfate de cuivre; or, cela serait impossible si le sel de cuivre
exerçait une influence perturbatrice.
M. Mohr termine sa critique par les mots suivants :
Du reste, la modification proposée ne répond à aucun besoin ,
puisqu'il existe déjà des méthodes beaucoup plus précises. La
difficulté de saisir la fin de l'opération est bien plus grande
dans le procédé de M. Oudemans que dans tous les autres.
L'auteur recommande, il est vrai, de n'employer qu'une petite
quantité de solution cuivrique, mais comme, d'un autre cote
il ignore combien d'oxyde de fer se trouve dans la liqueur, U
introduit dans le travail un élément tout à fait arbitraire.
Après ce qui a été dit plus haut, il sera inutile d'insister sur
le peu de fondement de la dernière de ces assertions.
Il ne me reste donc qu'à répondre au reproche contenu dans les
deux premières phrases de ce passage.
Je reconnais volontiers qu'on possède des méthodes très-exactes
pour la détermination du fer dans les sels de peroxyde; mais a
nl„part sont d'une exécution trop longue. La réduction des sels
érriques par le zinc (pour pouvoir titrer ensuite par le caméléon)
DU FER PAR l'hYPOSULFITE DE SOUDE. 253
demande beaucoup de temps ; le dosage par la méthode de M. Mohr
exige, selon les prescriptions données par l'auteur, J- heure, et ou n'est
jamais sûr qu'après ce temps la réduction est e/î^/èreme?/Y achevée ;
la détermination par le bichromate de potasse (après une réduction
fastidieuse) est désagréable, parce que le liquide reste coloré et
qu'on ne peut arriver à connaître la fin de la réaction que par
l'essai d'une goutte de la liqueur par le ferricyanure de potas-
sium; la réduction des sels de peroxyde de fer par le bichlo-
rure d'étain prend de nouveau un temps considérable , vu que le
réactif doit être ajouté peu à peu au liquide bouillant et qu'il
faut toujours déterminer préalablement le titre de ce réactif.
A ces griefs on peut encore ajouter que, dans la méthode de
M. Marguerite, l'opérateur dépend de la pureté du zinc employé
à la réduction , et que la solution réduite doit ordinairement être
filtrée pour séparer un résidu de carbone ou de métal (plomb
provenant du zinc, etc.), ce qui donne de nouveau occasion à
la production de sel ferrique; — que, dans la méthode de
M. Mohr, l'exactitude du résultat dépend de la pureté de l'iodure
de potassium employé; que le poids atomique du chrome et par
conséquent aussi le poids moléculaire du bichromate de potasse
sont incertains, etc.
Les défauts que je viens de signaler dans les méthodes connues
pour la détermination du fer dans les sels de peroxyde, sont
assez sensibles pour que personne ne soit surpris que j'aie cherché
un procédé commode, permettant d'exécuter en peu de temps un
grand nombre de dosages du fer. Je croyais avoir découvert
ce procédé dans la réaction de l'hyposulfite de soude sur les
sels de peroxyde de fer, lorsque je reconnus que j'avais été
devancé, et que MM. Scherer, Landolt et Kremer s'étaient déjà
servis de l'hyposulfite dans le même but.
En étudiant les phénomènes qui se passent dans l'action de
l'hyposulfite de soude sur les sels de peroxyde de fer, je remar-
quai par hasard que la réduction de ces sels était singulièrement
accélérée par la présence des sels de cuivre, et c'est ainsi que
je fus conduit à adopter la méthode communiquée primitivement
254 A. C. OUDEMANS. .IR. SÛR LE DOSAGE VOLUMETRTQIIE
dans le Zeilsclirifl f. anal. Chemiej méthode qui m'a toujours
donné des résultats très satisfaisants et que d'autres chimistes
ont également jugée acceptable (Voir le Mémoire de M. Balling,
cité ci-dessus p. 275).
La fin de la réaction n'est vraiment pas aussi difficile à saisir
que M. Mohr le donne à entendre ; il ne s'agit ici que d'avoir acquis
un peu d'habitude. D'un autre côté, la décoloration graduelle du
liquide, en permettant d'apprécier à chaque instant les progrès
de la transformation, offre un avantage qu'on ne retrouve, au
même degré, dans aucune des autres méthodes.
Néanmoins, j'ai cherché à lever la difficulté signalée par
M. Mohr, en apportant à ma méthode une légère modiiication , qui ,
sans nuire à la rapidité du travail, permet d'atteindre une
exactitude plus grande. Voici en quoi consiste ce changement. Je
procède de la manière décrite ci-dessus, à cela prés qu'au lieu
d'attendre anxieusement le moment où la liqueur a reçu tout
juste assez d'hyposuîfite pour se trouver décolorée, j'ajoute
en une fois une quantité telle de réactif qu'il ne puisse
rester aucun doute concernant la disparition de la couleur jaune.
En opérant ainsi, on ajoute un peu trop d'iiyposulfite ; cet excès,
on le détermine (après addition d'eau d'amidon) à l'aide d'une
solution décime d'iode. Avec un peu d'habitude, il est
facile de ne pas dépasser beaucoup le point où la réaction est
complète, de sorte que le dosage par reste ne demande qu'une
petite quantité de solution d'iode et qu'une erreur dans le titre
de celle-ci ne peut exercer qu'une influence très faible.
On voit que, ainsi améliorée, ma méthode revient au fond à
celle qui a été proposée par MM. Landolt et Kremer; toutefois,
elle a sur celle-ci l'avantage de conduire beaucoup plus rapide-
ment au but, et de donner de bons résultats même en présence
d'une grande quantité d'acide chlorhydrique libre ou dans des
dissolutions très étendues.
Pour être en droit de proposer la modification que je viens de
décrire, il fallait naturellement s'assurer d'abord que le sel de
cuivre et le rhodanure de potassium n'apportaient aucune influence
DU FER PAR l'fIYPOSULFITë DE SOUDE. 255
perturbatrice dans le dosage par reste; d'autant plus que, par
l'addition d'un excès d'hyposulfite , une partie du sel cuivrique
est eJBfectivement réduite à l'état de sel cuivreux.
A cet effet, j'ai exécuté l'essai suivant. Des volumes égaux
de solution décime d'hyposulfite reçurent des quantités diffé-
rentes de sulfate de cuivre; à chaque mélange on ajouta de
l'acide chlorhydrique et de l'eau d'amidon , et ensuite de la solu-
tion décime normale d'iode jusqu'à l'apparition de la couleur bleue
de l'iodure d'amidon.
Je trouvai ainsi que, à la seule condition de pouvoir éviter la formation
ij II
d'un précipité de Cu^ lo ou de Cu^ Rn^ , les solutions d'hyposulfite
et d'iode correspondaient parfaitement l'une à l'autre, soit que le
sel de cuivre fut eu quantité plus forte ou plus faible. J'ai même
pu mêler 10 CC. d'hyposulfite avec 8 CC. de dissolution de sul-
fate de cuivre (= 80 milligrammes de sulfate cristallisé) , 6 CC.
d'acide chlorhydrique concentré et 400 CC. d'eau, puis titrer le
mélange par la solution d'iode, sans qu'il se formât immédiate-
ment un précipité, et dans ce cas j'ai vu qu'il fallait aussi
précisément 10 CC. de solution d'iode pour donner naissance à
la coloration bleue de l'iodure d'amidon.
Il résulte de là que , à la fin de l'essai , le sel cuivreux formé
sous l'influence de l'hyposulfite est de nouveau transformé en
sel cuivrique sous l'influence de l'iode, et que la coloration
de l'amidon ne se produit pas avant que tout le sel de cui-
vre ne soit revenu à l'état primitif de combinaison cuivrique.
Ceci est du reste en parfait accord avec le fait qu'une dissolution
de chlorure cuivreux dans l'acide chlorhydrique décolore l'iodure
d'amidon aussi longtemps qu'il ne se forme pas de précipité de
II
Cu2 J2 (phénomène qui peut être prévenu par l'addition d'une
grande quantité d'acide chlorhydrique).
Quant au rhodanure de potassium, je n'ai également pu
découvrir aucun effet nuisible résultant de sa présence.
Je vais donner maintenant les résultats de quelques analyses
exécutées suivant la méthode modifiée.
256
A. C. OUDEMANS JR. SUR LE DOSAGE VOLUMETRIQUE
La solution d'iode fut obtenue en dissolvant 12,6533 grammes
J dans un litre d'eau ' ).
La force de la dissolution d'hyposulfite fut déterminée au
moyen de cette liqueur iodifère.
Les dissolutions de rhodanure de potassium et de sulfate de
cuivre contenaient 1 p. c, de sel cristallisé.
le SÉRIE.
8.517 grammes de cordes de piano (99.7 p. c. Fe) furent dis.
sous, en observant les précautions nécessaires, dans l'acide chlor-
hydrique additionné de KO., Cl , et la liqueur fut amenée au volume
de 1 litre. La dissolution d'hyposulfite avait une concentration
telle qu'elle indiquait, par centimètre cube, 10.985 milligr. de fer.
Volume mesuré de
Hyposulfite
Jode
Fe
Fe
dissolution ferrique.
ajouté.
ajouté.
trouvé.
calculé.
1) 25 ce.
20.0 ce.
0.7 ce.
0.2120 Gr.
0.2127 Gr.
2) 25 //
20.2 //
0.9 //
0.2120 ./
0.2127 //
3) 50 //
39.0 //
0:35 //
0.1240 //
0.4254 //
4) 35 //
28.0 //
0.9 //
0.2977 //
0.2978 /.
5) 20 //
16.7 //
1.2 //
0.1702 "
0.1702 //
6) 20 //
15.9 //
0.45 //
0.1697 '/
0.1702 //
Un essai par la méthode de M. Mohr exigea pour 25 CC. de
dissolution ferrique 19,4 C.C. Hyposulfite 1= 0,2131 gr. Fe.
2e SÉRIE.
13,719 g;rammes d'alun ferri-ammonique en grands cristaux,
dissous dans 200 C.C. d'eau.
Dissolution d'hyposulfite à
y'(j de titre normal.
' ) Je dois faire observer que M. Mohr , dans la dernière édition de son Traité ,
continue à prendre pour le poids atomique de l'iode le nombre 127, au lieu du
nombre 126.533 obtenu per M. Stas et, suivant toute probabilité, plusexact.il
est clair qu'en employant de l'hyposulfite dont le titre a été déterminé au moyen
de l'iode, on doit commettre des erreurs de 0.4 p. c. , si l'on part du premier
nombre et que le second représente la valeur réelle.
DU FER PAR L HYPOSULFITE DE SOUDE.
257
Volume mesuré
de dissolution
ferrique.
^^o- IhyposuI-! ^ ,
dau.de. g^^ Jode
P""^- : ajouté. «^io^té.
ajoute. I
Fe
Ee
trouvé. calculé.
1) 25 ce.
2) 25 //
3) 25 //
4) 25 //
5) 25 //
6) 25 //
7) 1 .
(150 ce. eau)
8) 1 //
(500 e.e. eau)
3 ce.
le.e.
le.e.
37.6 e.e.
0.9 e.e.
0.2022 Gr.
3 //
3 //
i //
36.1 ,/
0.45 //
0.1996 //
3 //
5 //
1 //
37.1 //
1.5 //
0.1994 //
6 //
1 //
i //
35.8 //
0.3 //
0 1988 //
12 //
1 //
è //
36.2 //
0.6 //
0.1994 //
6 //
1 //
4 "
36.2 //
0.6 //
0.1994 u
4 //
1 //
1 //
2.0 /'
0.6 //
0.9978 //
6 //
1 //
1 //
.0 //
14 //
0.0099 //
0.1993 Gr.
0.1993 //
0.1993 //
0.1993 //
0.1993 //
0.1993 //
0.0079 >f
.0.0079 //
A l'essai n°. 6 on avait ajouté \ graDime de sulfate de nickel
et I gramme de sulfate de cobalt.
3e Série.
0,9548 gramme de cordes de piano (99,7 Fe) dissous dans
l'acide chlorhydrique avec KO 3 Cl et amenés à 200 C.C.
Volume mesuré
de dissolution
ferrique.
Sel Acide
^^^- Ichlorh.
wique | . , ,
. ^ , , aioute.
ajoute 1 '
Rho-
dan. de
pot.
ajouté.
Hyposul-
fite
ajouté.
Jode
ajouté.
Ee
trouvé.
Ee
calculé.
1) 25 e.e.
3 e.e.
le.c
i e.e.
22.0 e.e.
0.6 e.e.
0.1198Gr.
0.1190 Gr.
2) 50 //
3 //
1 //
i "
42.6 //
0.45 //
0.2360 //
0.2380 //
3) 50 //
3 //
1 //
\ "
43.4 //
0.8 //
0.2386 //
0.2380 //
4) 45 //
3 //
1 .
\ "
39.0 //
0.8 //
0.2139 //
0.2142 //
4e Série.
Essais sur des portions séparées d'alun ferri-ammonique. (Le
même produit que ci-dessus).
A chaque essai ajouté 3 C.C. de sel de cuivre, 1 C.C d'acide
chlorhydrique, | C.C. de rhodanure de potassium.
Archives Néerla?<daises, T. V. 17
258 A. C. OUDEMANS JR. SUR LE DOSAGE VOLUMETRIQUE ETC.
Poids d'alun
ferri-ammonique.
Hyposuifite
ajouté.
Jode
ajouté.
V,o N.
Ee
trouvé.
Fe
calculé.
1) 1.M19 gram.
30.1 ce.
0.2 ce.
0.1674 Gr.
0.1675 Gr.
2) 2.1748 //
45.7 /
0.4 //
0.2537 //
0.2527 //
3) 3.0812 //
64.4 /
0.6 //
0.3573 //
0.3580 //
4) 2.3524 //
49.1 /
0.5 //
0.2721 //
0.2734 //
5) 2.0420 //
43.0 /
0.8 //
0.2363 //
0.2373 //
6) 1.6960 //
35.4 /
0.2 //
0.1971 //
0.1971 /'
7. 2.8841 //
61.0 ,
0.9 „
0.3366 //
0.3351 //
QUELQUES OBSERVATIONS
DE
PARTHÉNOGENÈSE CHEZ LES LÉPIDOPTÈRES,
H. WEIJENBERGH Jr.
A l'automne de 1866^ je trouvai sur une clôture en bois de
mon jardin, à Harlem , deux individus de Liparis dispar L. en
copulation, et quelques jours après je vis au même endroit un
petit tas d'œufs (environ 500) de ce papillon. La femelle de cette
espèce, n'étant pas apte à voler, ne s'éloigne pendant toute sa
vie que très peu de l'endroit où elle est sortie de la chrysalide;
par des battements d'ailes et par d'autres moyens, dont on ne
connaît pas encore au juste la nature (Voy. Snellen van Vollen-
hoven, Gelede dieren van Nederland, p. 102), elle attire le mâle
près d'elle, et, après un accouplement assez prolongé, elle pond
une multitude d'œufs, rassemblés ordinairement en un seul tas,
H. WEIJENBERGH JR. QUELQUES OBSERVATIONS DE, ETC. 259
sur un mur, un tronc d'arbre etc. , là où les jeunes pourront trouver
leur nourriture à proximité. La femelle recouvre les œufs du duvet
de son abdomen, pour les garantir du froid de l'hiver, et, au
printemps suivant, ces œufs éclosent.
Je formai le projet d'élever les larves qui proviendraient des œufs
trouvés dans mon jardin, et de faire avec cette couvée, sur une
grande échelle, une étude de la parthénogenèse de cette espèce.
La parthénogenèse est, comme l'on sait, la production par un
individu-mère, sans accouplement préalable, d' œufs doués de vita-
lité, ou de jeunes vivants ^). Pour ne pas hâter l'éclosion des œufs
et la faire arriver à une époque où la nourriture manquerait encore ,
je les laissai à l'air libre pendant tout l'hiver et ne les portai à
l'intérieur de la maison qu'au commencement d'avril 1867.
Dans la seconde moitié de ce mois les larves sortirent succes-
sivement. Je leur donnai leur nourriture habituelle, savoir des
feuilles de saule et de poirier ; mais elles mangeaient presque avec
la même avidité des feuilles de tilleul et d'autres arbres; cette
espèce est, pour ainsi dire, omnivore. Le terme de la croissance
était atteint dans la première quinzaine de juin, et vers le milieu
de juillet apparurent les papillons. Comme il est facile, avec un
peu d'habitude, de distinguer les sexes dès l'état de chenille,
j'avais enlevé, avant leur transformation en chrysalides, tous les
individus mâles; quant aux chrysalides femelles, après les
avoir encore une fois examinées, pour voir s'il ne s'y cachait
pas de mâle, je les avais placées dans une caisse parfaitement
fermée. Je reconnus plus tard que je n'avais commis qu'une seule
erreur dans ce triage; un jour, en effet, je trouvai dans la caisse
un papillon mâle qui venait de quitter son enveloppe. Comme
toutes les femelles, au fur et à mesure de leur apparition , avaient
été transportées immédiatement dans une autre caisse , également
bien fermée, j'étais sûr qu'aucune ne pouvait être fécondée, à
l'exception, tout au plus, de trois femelles qui étaient sorties en
ï) Voy. V. Siebold. Wahre Parthenogenem hei Schmetterlinge und Bienen,
Leipzig, 1856.
17*
260 H. WEIJENBERGII JR. QUELQUES OBSERVATIONS DE
même temps que le mâle dont je viens de parler ; ces trois femelles
furent sacrifiées. En tout; j'avais obtenu 150 insectes parfaits ^ dont
65 femelles. A l'égard des 60 femelles que je conservai dans la
caisse , il ne me restait aucun doute ; pour elles , la possibilité
d'accouplement n'avait pas existé.
Il arrive fréquemment que des insectes femelles , qui n'ont pas
reçu le mâle, pondent des œufs; mais, en général, ces œufs sont
privés de la faculté de se développer, ils ne renferment pas de
germe viable; aussi finissent-ils ordinairement par se rider et se
dessécher complètement. L'éclosion de pareils œufs, c'est à-dire
l'existence d'une véritable parthénogenèse , est encore au nombre
des faits rarement observés. Mes femelles vierges de L. dispar
pondirent également des œufs , les unes plus , les autres moins , et
le printemps suivant devait les voir éclore ou se dessécher.
La privation d'accouplement paraît exercer une influence dépri-
mante sur l'émission des œufs, car mes 60 femelles vierges pon-
dirent ensemble à peine autant d'œufs que leur mère fécondée
en avait donné à elle seule , l'année précédente. Les œufs étaient
bien contenus en même quantité dans les ovaires, mais il n'étaient
pas expulsés. Un tiers des papillons ne pondit pas d'œufs du tout ;
des 40 autres , la plupart ne donnèrent que 1 , 2 ou 3 œufs ,
quelques-uns 10 à 20, et celui qui en pondit le plus n'atteignit
que le quart environ du nombre qu'avait fourni sa mère. A la fin
de juillet tous les papillons étaient déjà morts.
Les œufs recueillis furent mis tous ensemble dans une boîte de
carton. Pendant l'automne ils n'éprouvèrent aucun changement
(bien que cette espèce donne parfois deux génération en une
année); mais lorsque, le 13 avril 1868, j'ouvris de nouveau la
boîte pour la première fois, j'eus la surprise d'y voir ramper un
grand nombre de petites chenilles, que je plaçai immédiatement
sur des feuilles de saule dans un bocal de verre. Il fut facile de
constater toutefois, que les œufs et les larves ainsi obtenus par
parthénogenèse avaient une vitalité moins énergique que dans le
cas ordinaire, où la fécondation a eu lieu. En effet, je n'obtins
que 50 chenilles environ, dont 40 seulement survécurent à la
PARTHÉNOGENÈSE CHEZ LES LÉPIDOPTÈRES. 261
première mue. Au total, cette éducation ne me donna , à la fin
de juillet, que 27 papillons, dont 14 étaient des femelles. La
moitié seulement de ces femelles, restées de nouveau sans fécon-
dation , donna des œufs , en nombre moyen. Ces œufs , pondus au
mois d'août, passèrent Thiver, et en avril 1869 il en sortit de
jeunes chenilles.
Cette couvée parut être de nouveau plus forte que la précé-
dente: aussi bien les chenilles obtenues, que les papillons qui
en provinrent, étaient en plus grand nombre que l'année d'aupa-
ravant- Dans la proportion entre le nombre des femelles et celui
des mâles je ne trouvai pas de différence. La récolte d'œufs
fut plus abondante que celles des deux générations antérieures
obtenues par parthénogenèse; quelques papillons pondirent même
autant d'œufs que la femelle de 1866, leur bisaïeule.
Ces œufs passèrent l'hiver au même endroit et dans les mêmes
conditions que ceux des années précédentes; mais, au printemps
de 1870, j'attendis en vain l'apparition des jeunes chenilles.
Les œufs se desséchèrent, pas un seul ne vint à éclosion, et il
était ainsi mis fin à mon expérience.
En résumé , le résultat a été celui-ci : œufs fécondés de l'automne
de 1866, éclos en avril 1867, papillons en août 1867; de ceux-
ci, sans fécondation, œufs éclos en avril 1868, papillons en août
1868; de ceux-ci, sans fécondation, œufs éclos en avril 1869,
papillons en août 1869; de ceux-ci. sans fécondation, œufs ?ion
éclos au printemps de 1870, mais desséchés.
Les observations de parthénogenèse chez les Lépidoptères sont
encore assez peu nombreuses ; voici la liste de celles qui me
sont connues:
Sphinx ligustri L. , 1 fois (Treviranus).
Smerinlhus popuHL., 4 fois (v. Nordmann , Brown, Newnham,
Kipp).
Smerinthus ocellatus L., 1 fois (Johnston).
Ewprepia caja L. , 5 fois (Brown, Lehocq, Robinson, Schlapp,
Barthélémy).
262 H. WEIJENBERGH JR. QUELQUES OBSERVATIONS DE
Eîiprepia villica L., 1 fois (Stowell).
Saturnia polyphemiLs , 2 fois (Curtis, de Filippi).
Gastropacha pini L., 3 fois (Scopoli, Suckow, Lacordaire).
Gastropacha quercifolia L. , 1 fois (Basler).
Gastropacha polaioria L. , 1 fois (Burmeister).
Gastropacha quercus L., 1 fois (Plieninger).
Liparis dispar h., 2 fois (Carlier, Tardy).
Liparis ochropoda, 1 fois (Popoff.).
Orgyia pudibunda, 1 fois (Werneburg).
Psyché apiformis , 1 fois (Kossi).
Bombyx mort L. , bien des fois (v. v. Siebold /. c.)
Il y a peu de remarques à faire au sujet de ces observations ;
toutes ont fourni aussi bien des femelles que des mâles, ordi-
nairement dans la proportion de 2 à 3. M. Westwood^ qui
rapporte l'observation de M. Tardy sur le Liparis dispar L.,
ajoute seulement que cet observateur a poursuivi la parthéno-
genèse jusque dans la troisième génération, et qu'alors il n'a
plus obtenu que des mâles. L'observation de M. Tardy diifère
donc sous un rapport essentiel de la mienne , quoique le résultat
final ait été le même, savoir, l'extinction.
La parthénogenèse existe encore, comme mode très ordinaire
de reproduction, chez les espèces suivantes de Lépidoptères:
Psyché hélix v. Sieb. (mâles encore inconnus) (v. Siebold).
Solenobia lichenella L. (v. Siebold).
Solenobia triquetrella F R. (v. Siebold, Weyenbergh, etc.).
De ces deux dernières espèces on connaît, il est vrai, les
mâles; mais les individus nés par parthénogenèse sont tous, et
toujours, des femelles.
J'ai aussi à communiquer une observation à l'appui de la
parthénogenèse chez le Gastropacha polatoria L.
Dans le courant de l'été de 1868, je recueillis une chenille
de cette espèce, qui, à en juger par la taille, me parut être
une femelle; cette présomption se trouva effectivement confirmée
PARTHENOGENESE CHEZ LES LEPIDOPTERES. 263
lors de la métamorphose , qui eut lieu en automne. L'insecte ,
tenu dans une boîte bien fermée , à l'abri de tout rapprochement
avec un mâle, n'en donna pas moins des œufs, mais en petit
nombre, tout au plus une trentaine. La boîte, dans laquelle
j'avais déposé aussi une annotation concernant l'origine des
œufs, s'égara, et ce ne fut qu'à la fin du mois de mai de
l'année suivante qu'elle me tomba de nouveau sous la main. Je
reconnus alors que trois œufs seulement étaient éclos, tous les
autres se montraient desséchés. Malheureusement, les trois petites
chenilles étaient déjà mortes d'inanition.
Dans l'automne de la même année, je trouvai une chrysalide
de Liparis monacha L., qui me donna un papillon femelle. Ce
papillon pondit aussi quelques œufs (cinq), mais dont aucun
n'est venu à éclosion. Chez cette espèce, très voisine de Liparis
dispar L., la parthénogenèse n'est donc pas encore constatée.
J'ai fait connaître ailleurs (Nederlandsch Tijdschrift voor Ento-
mologie^ t. XI, p. 90, 1868) une observation relative à la
parthénogenèse chez le Solenohia triquetrella FE,. , observation
que je reproduis ici brièvement.
Il est généralement connu que cette espèce, outre le mode
de reproduction ordinaire, présente aussi la multiplication par
voie de parthénogenèse. J'ai été à même de vérifier les obser-
vations déjà faites à cet égard.
Les individus sur lesquels j'ai expérimenté, développés au
commencement de juin, et tous du sexe femelle, ne vécurent
qu'une couple de jours, et laissèrent alors le sac qui leur avait
servi de demeure rempli d'œufs. Ces œufs, assez grands propor-
tionnellement à la taille de l'insecte, étaient de forme ovale et
de couleur jaune. Environ un mois après que les œufs eurent
été pondus, les jeunes chenilles sortirent du sac, et s'entourèrent
264 H. WEIJENBERG JR. QUELQUES OBSERVATIONS, ETC.
immédiatement d'une petite poche construite avec des filaments
détachés du sac maternel. Ces jeunes chenilles, qui avaient
environ 1 millimètre de longueur, étaient d'une couleur blanc
sale; la tête seule était noire, et sur le dos des deux premiers
anneaux on voyait une trace noire nébuleuse. L'éclosion des œufs
eut lieu régulièrement le matin. Je réussis à élever les chenilles
avec différentes espèces d'herbes, mais leur croissance fut
extrêmement lente. L'année suivante apparurent les insectes
parfaits, tous du sexe femelle, et l'espèce se propagea de nou-
veau de la même manière. Le génération qui suivit se composait
encore exclusivement de femelles, dont les œufs non fécondés
donnèrent de nouveau naissance à des chenilles; mais celles-ci
périrent par négligence de ma part.
J'avais donc acquis la certitude que trois générations succes-
sives s'étaient produites par parthénogenèse, et que les deux pre-
mières n'avaient fourni que des femelles.
Il y aurait de l'intérêt à continuer l'éducation de ces insectes
pendant une série d'années, pour tâcher d'obtenir une réponse
aux questions suivantes:
Pendant combien de générations l'espèce peut- elle se reproduire
par parthénogenèse, et à quelle génération la fécondation ordi-
naire par le mâle devient-elle nécessaire pour prévenir l'extinction
de Fespèce ? Apparaît-il finalement une génération qui fournit d'elle-
même des mâles, et, en cas d'affirmative, à quel terme de la série
ce phénomène se manifeste-t-il ? Ou bien , les œufs issus d'une vierge
ne donnent-ils toujours naissance, de génération en génération,
qu'à des femelles? Comment ce fait, supposé reconnu , pourrait-il
s'expliquer, alors que chez les Abeilles les œufs non fécondés
produisent, tout à l'inverse, exlusivement des mâles, et que chez
les autres Lépidoptères où l'on a observé la parthénogenèse, les
œufs non fécondés donnent aussi bien des individus mâles que
des individus femelles?
SUE L'ORIGINE
ET LE
DÉVELOPPEMENT DU PERIPHYLLU8 TESTUDO v. d. H. ,
PAK
C. RITSEMA Cz.
(Présenté à l'Académie des sciences d'Amsterdam, dans sa séance du 29 Janv. 1870).
Dans le tome sixième (anuée 1863) du Nederlandsch Tijdschrift
voor Entomologie, le professeur J. van der Hoeven fixa l'attention
sur un petit Hémiptère qu'on trouve en abondance sur les feuilles
de VAcer campestris et de VAcer Pseudo-plalanus, et il le désigna
sous le nom de Periphyllus Tesludo.
Cet insecte avait été observé en 1852 par M. J. Thornton , qui
lui avait donné le nom de Phyllophorus tesludinatus et le consi-
dérait comme la larve d'une nouvelle espèce d'Aphide , pour laquelle
on serait même obligé probablement de créer un genre nouveau ^ j.
Plus tard (1858) M. Lane Clarke paria de ce même animalcule
sous le nom de Chelymorpha phyllophora, et le regarda comme
la larve d'une espèce intermédiaire entre les genres Aphis et Coc-
cus ^). Ces deux auteurs ne firent toutefois à son sujet qu'une
communication très courte. Il fut ensuite figuré et décrit avec plus
de détails sous le nom de Periphyllus Tesludo ^) , par van
1) Voyez: Transactions of the Entomoloyical Society , 1852. noiiv. série, t. II,
Proceedings , p. 78.
*) Voyez: Ohjects for the 3Iicroscope , being a popular description of the most
instructioe and beautiful subjecls for exhibition , par L. Lane Clarke , Londres ,
1858; en 1863 il a paru une seconde édition de ce petit ouvrage.
^) Van der Hoeven, en rejetant les noms génériques imaginés par MM. Tliornton
et Lane Clarke, donne pour motif que ces noms avaient déjà été employés anté-
rieurement: celui de Phyllophora avait été appliqué successivement à un genre
de Crustacés, de Coléoptères, d'Orthoptères et de Diptères, tandis que, dès
1834, M. Chevrolat avait érigé un genre C,4e/y;;^or/)/i« dans l'ordre des Coléoptères.
Il est plus difficile de savoir pourquoi van der Hoeven changea le nom spéci-
fique de testudinatus , donné par M. Thornton , en celui de Testudo , et je crois
même qu'il n'existait pas de raison pour faire ce changement. Toutefois , comme
on a désigné ici sous un nom spécial ce qui n'est qu'une forme larvaire d'un
266 G. RITSEMA CZ. SUR l'oRIGINE ET LE
der Hoeven (/. c). Ce zoologiste le regarda comme appartenant aux
Hémiptères liomoptères, mais n'osa décider s'il fallait le rapporter
aux Aphides ou aux Coccides, tout en étant d'avis qu'on pou-
vait difficilement le réunir aux premières.
Ce n'est qu'en 1867 qu'on apprit quelque chose concernant
l'origine de cet élégant insecte , grâce à une communication adressée
par MM. Balbiani et Signoret à l'Académie des Siences de Paris,
sous le titre de „Note sur le développement du Puceron brun de
l'Érable" (Compter; rendus, 17 Juin 1867) ^). Le résultat des recher-
ches de ces deux savants est que le Periphyllus Tesludo v. d. H ,
loin de constituer une espèce distincte ou même un genre nou-
veau, n'est autre chose qu'une forme anormale, stérile Ae V Aphis
Aceris L., forme provenant d'individus identiques à ceux qui
donnent naissance à des larves normales, aptes à se développer
et à se reproduire; quelquefois même, les auteurs ont pu s'assurer
qu'une seule et même mère engendrait les deux formes. D'après
eux , on ne peut considérer les Periphyllus que comme une modi-
fication constante du type spécifique, produite par les générations
normales. Ils font remarquer, en terminant, l'application qu'on
pourrait faire au cas actuel des observations de M. Landois
sur la loi du développement sexuel des insectes - ) , loi qui nous
apprend que chez ces animaux les sexes dépendent simplement
des conditions d'alimentation auxquelles les larves sont soumises.
De ce que les Pucerons anormaux (les Periphyllus) sont actuelle
ment dépourvus de la faculté de se reproduire , soit par génération
sexuelle, soit de toute autre manière, il ne faudrait pas conclure
que les conditions d'alimentation ne puissent se modifier un jour
insecte connu et décrit depuis longtemps, de sorte que ce nom est condamné à
disparaître, j'ai cru devoir m'écarter des règles rigoureuses du droit de priorité
et m'en tenir au nom proposé par van der Hoeven, plntôt que d'augmenter encore
le nombre des synonymes.
>) Cette Note a été traduite en anglais dans; The Armais and Magazine of
Natural Rhtory , lie Sér., 18G7, t. XX, p. 149-152, d'où elle a passé sans
changement, mais avec addition d'une ligure du Periphi/llus Testudo A^^&^^i'à-
wicke's Scie?ice-Gossip du mois de septembre de la même année.
2) Voyez: Comptes rendus de V Académie des Sciences, 4 févr. 1867.
DÉVELOPPEMENT DU PER[PHYLLUS TESTUDO V. D. H. 267
de manière à leur faire acquérir, avec les attributs du sexe, la
faculté de se propager directement d'une manière indéfinie ; ces
individus anormaux deviendraient alors à leur tour l'origine d'une
espèce nouvelle, produite par déviation d'un type spécifique antérieur.
Au printemps de 1867, n'ayant pas encore connaissance des
recherches qui viennent d'être résumées, j'avais fait moi-même
quelques observations sur ce sujet. Ce sont les résultats de ces
observations, répétées et complétées en 1869, que je vais faire
connaître.
Dès les premiers jours de février, je remarquai sur un petit
pied à' Acer Pseudo-platanus L. de jeunes larves d'une espèce de
Pucerons, et, en examinant une branche de plus près, je décou-
vris aussi sur l'écorce, principalement à l'aisselle et à la base
des bourgeons, les petits œufs noirs, brillants et de forme ovale ,
d'oii ces larves sortaient.
Ces larves étaient longues d'environ 0.5 mm., et d'une couleur
vert foncé, presque noire. Après avoir mué cinq fois, elles étaient
parvenues dans les derniers jours de mars à l'état de nourrices
non ailées, longues de près de 3 mm., fortement renflées, vert
foncé ou brunes, lesquelles ne tardèrent pas à donner naissance
à des larves vert clair, qui elles-mêmes atteignirent leur déve-
loppement complet dans la seconde moitié d'avril, après avoir
subi quatre mues seulement. Dans cet état, quelques-unes étaient
ailées, d'autres aptères.
Dès la première génération, à l'aide des „ Descriptions of Aphides"
de M. Walker, insérées dans The Annals and Magazine of Na-
tural Historij j 2e Série, t. I et suiv. , j'avais pu déterminer
l'espèce et y reconnaître V Aphis Aceris L., détermination qui se
trouva confirmée par la comparaison des individus ailés de la
seconde génération avec la description que MM. Kaltenbach et
Koch ont donnée de cette espèce.
Après que les nourrices de la seconde génération eurent produit
beaucoup de jeunes qui ressemblaient exactement au premier âge
de leurs mères, je vis naître, conformément aux observations de
MM. Balbiani et Signoret , des individus dans lesquels je reconnus
268 C. RITSEMA CZ. SUR l'oRIGINE ET LE
immédiatement le Periphyllus Testudo. Les larves ordinaires con-
tinuèrent à se développer, et étaient devenues vers la fin de
mai des nourrices, les unes pourvues, les autres privées d'ailes ,
tandis que les Periphyllus n'avaient subi aucun changement.
La troisième génération engendra à son tour, d'abord des
larves ordinaires, et ensuite des Periphyllus, ces derniers toute-
fois en plus grand nombre que dans la génération précédente.
Mais ce qui me surprit particulièrement , ce fut de trouver parmi
ces larves des individus qui établissaient évidemment une transi-
tion entre les deux formes, celle des larves ordinaires et celle
des Periphyllus] chez ces individus, en effet, les appendices foli-
acés étaient moins nombreux, avaient une forme lancéolée plus
étroite, et parfois même constituaient un passage aux poils or-
dinaires. Aucune de ces formes intermédiaires ne montrait les
dessins réguliers qui ornent le dos des Periphyllus, mais toutes
possédaient les deux rangées de tubercules garnis de soies et les
deux tuyaux mellifères, qu'on trouve sur la face dorsale des lar-
ves ordinaires, mais qui manquent chez les Periphyllus. Ces indi-
vidus avancèrent en développement, et après la première mue ils
étaient tout à fait semblables aux larves ordinaires.
Les membres de cette quatrième génération, à l'exception des
Periphyllus , étaient devenus dans les derniers jours de mai des
nourrices adultes , et commencèrent dès lors à se reproduire ; mais ,
à l'inverse des deux générations précédentes, qui avaient fourni
d'abord des larves ordinaires et ensnite des Periphyllus , les mem-
bres de la quatrième génération donnèrent d'abord une multitude
de Periphyllus , puis quelques formes intermédiaires , et finalement
un nombre comparativement petit de larves ordinaires.
Malheureusement, par suite d'une négligence de ma part, ces
larves moururent, de sorte que je ne pus acquérir de certitude
au sujet d'une présomption qui s'était formée dans mon esprit,
savoir, que les nourrices de cette cinquième génération se repro-
duiraient uniquement par des Periphyllus.
Je continuai néanmoins à observer attentivement les Periphyllus
des différentes générations. Jusqu'aux derniers jours d'août je ne
DÉVELOPPEMENT DU PERIPHYLLUS TESTUDO V. D. H. 269
pus remarquer chez eux aucun changement appréciable. Mais, à
ce moment, leur corps devint plus gros et commença à laisser
apercevoir faiblement, aux deux côtés du dos, un contenu opaque.
Un peu plus tard, dans les premiers jours de septembre, je
trouvai des Periphyllus occupés à changer de peau.
Après cette première mue ils ressemblaient déjà parfaitement
au second âge des larves ordinaires, et moins de quinze jours
après ils avaient atteint leur développement complet, état dans
lequel tous étaient aptères. Ces nourrices commencèrent immédiate-
ment à se reproduire par des larves ordinaires d'un jaune pâle,
qui elles-mêmes changèrent de peau pour la dernière fois à la
fin de septembre , et restèrent privées d'ailes comme leurs mères.
Les larves qui provinrent de ces nourrices ressemblaient à peu
près à celles de la génération précédente, et avant même le
milieu d'octobre elles se changèrent en insectes parfaits, ailés,
mâles et femelles ; ceux-ci s'accouplèrent aussitôt , après quoi les
femelles pondirent environ huit œufs d'un jaune brunâtre, qu'elles
fixèrent sur l'écorce du petit Erable. Ces œufs devinrent peu à
peu complètement noirs; au commencement de février 1870 il en
sortira de nouveau la première génération de VAphis Aceris L.
Arrivé à la fin de ma communication ; je résumerai brièvement
les résultats qui se déduisent de mes recherches. Il a été constaté :
P. Que le Periphyllus Tesfiulo v. d. H. n'est pas une espèce
distincte, mais le premier âge d'une forme larvaire spéciale
de VAphis Aceris L.
2°. Que cette forme de larve n'est pas, comme on l'avait cru
jusqu'ici, inapte à tout développement ultérieur, mais qu'elle est
seulement soumise, dans son premier âge, à un arrêt de déve-
loppement prolongé, ce qui restreint considérablement la multi-
plication de l'espèce.
3°. Qu'elle est engendrée seulement par les générations qui
comprennent à la fois des individus ailés et des individus aptères.
4". Qu'elle naît aussi bien des nourrices ailées que de celles
qui n'ont pas d'ailes, conjointement avec les larves ordinaires,
à développement rapide, et avec des individus qui forment le
passage de Tune aux autres.
270 C. RITSEMA CZ. SUR l'oRIGINE ET LE ETC.
5". Que, dans les générations successives, les Periphyllus
deviennent chaque fois plus abondants , tandis que le nombre des
larves ordinaires diminue de plus en plus, de telle sorte que la
quatrième génération (c'est-à-dire la troisième de celles qui
produisent des Periphyllus) ne donne plus que très peu de
larves normales. Je crois pouvoir inférer de là que la cin-
quième génération, qui à mon grand regret a péri dans mes
expériences, engendre seulement des Periphyllus. Si tel est
effectivement le cas, il en résulte uu obstacle puissant à la
multiplication excessive de l'espèce dans le courant de l'été.
EXTRAIT D'UN RAPPORT
SUR LA PURIFICATION DE L'AIR DES HÔPITAUX PAR LA
COMBUSTION DES GERMES ORGANIQUES ,
PAR
J. VAN GEUNS et E. H. VON BAUMHAUER.
M. le Ministre de l'Intérieur du royaume des Pays-Bas ayant
consulté l'Académie des Sciences au sujet d'une communication de
M. C. Woestyn, de Paris, qui proposait de purifier l'air des
salles d'hôpitaux par la combustion des germes organiques avant
de le rejeter dans l'atmosphère, l'Académie avait chargé deux
de ses membres de lui adresser un rapport sur ce projet.
Ce rapport a été présenté à l'Académie dans sa séance du
29 avril 1870; nous en extrayons les passages suivants.
Il y a ici deux choses à distinguer:
V. les questions qui se rattachent immédiatement au principe
en général;
2°. les résultats qu'on peut attendre de l'application.
J. VAN GEUNS ET E. H. VON BAUMHAUER. EXTRAIT d'uN RAPPORT, ETC. 271
P. Quelque plausible que paraisse l'opinion qui voit dans les
germes organiques la cause de Finfection, ce n'est pourtant jus-
qu'ici qu'une hypothèse ; en l'admettant sous cette réserve ,
resterait encore à résoudre la question de savoir si l'appareil de
M. Woestyn détruira complètement les propriétés vitales de
ces germes.
Le passage de l'air dans des cheminées d'appel disposées
comme le recommande M. Woestyn, ne peut être mis, quant à
l'effet produit, sur la même ligne que le passage à travers des
tubes chauffés au rouge , selon la méthode usitée par les chimistes
et les physiologistes. Le fait rapporté par M. Woestyn , que l'air
qui s'échappe de la cheminée d'une lampe en combustion est
privé de particules organiques, peut difficilement être regardé
comme bien concluant en faveur du moyen qu'il propose; il est
permis au contraire de conserver des doutes relativement à
l'efficacité de ce moyen pour la destruction totale des miasmes.
En tout cas, l'auteur n'a pas jugé à propos de fournir la
preuve expérimentale qui pourrait sembler nécessaire.
2°. M. Woestyn paraît attacher une grande importance à ce
que l'air des salles de malades soit purifié avant d'être versé
dans l'atmosphère. Si l'expérience "avait mis hors de doute les
effets nuisibles de ce mélange , il y aurait certainement un grand
intérêt à opérer la purification de l'air vicié. Mais nos connais-
sances positives ne permettent encore de rien affirmer à cet
égard ; il ne serait même pas difficile de citer une série de faits
rendant extrêmement problématique l'existence de cette infection
répandue dans l'air qui émane des hôpitaux et s'étendant avec
lui sur tout ou partie de la ville. C'est ainsi, par exemple,
qu'à Amsterdam, où l'hôpital intérieur est entouré de différents
côtés de maisons particulières, on n'a jamais constaté, que nous
sachions, d'influence fâcheuse exercée sur les habitants de ces
maisons. Nous ne prétendons pas, toutefois, qu'à un point de
vue hygiénique général, il ne soit prudent de débarrasser l'air
des salles de malades des matières nuisibles qu'il peut contenir.
Si l'on croit devoir combattre par la destruction des germes la
272 j. van geuns et e. h. von baumhauer. extrait d'un rapport,etc.
propagation des maladies miasmatiques ou contagieuses, la
première condition est évidemment d'employer des procédés offrant
la garantie que le but sera atteint aussi complètement que
possible. Ce qui se présente alors en premier lieu, c'est la
désinfection à l'intérieur des salles, non-seulement de l'air, mais
de tout ce qui s'y trouve, des objets de pansement, des eifets
d'habillement et, avant tout, des déjections.
On doit donc continuer à attacher une importance prépondé-
rante aux agents de désinfection proprement dits, tels que
l'acide phénique , le chlorure de chaux , le sulfate de protoxyde
de fer, etc.
Accessoirement , on pourra alors s'occuper de la purification de
l'air à sa sortie des salles. Mais, pour cet objet, la méthode
de M. Woestyn se recommande-t-elle bien spécialement?
Il résulte déjà de ce qui précède que cette méthode ne contient
rien de neuf; mais, en outre, nous croyons pouvoir dire que le
système est encore très incomplet et que, comparé à d'autres
dispositions du même genre, il leur est évidemment inférieur. Il
y a environ dix ans, nous avons établi dans une des salles de
l'hôpital intérieur d'Amsterdam un système de chauffage et de
ventilation qui satisfait dans une plus large mesure aux exigences
de la purification de l'air. Non-seulement il y a un appareil de
ventilation pour entraîner l'air par une cheminée d'appel, mais
les poêles à gaz sont construits de telle sorte que l'air frais du
dehors vient d'abord s'échauffer à leur contact avant de se répan-
dre dans la salle. En outre, l'air qui quitte la salle traverse
également le poêle; au moyen d'une disposition particulière, cet
air est d'abord mélangé avec le gaz destiné à la combustion,
lequel s'allume ensuite au-dessus d'une grille de gaze métallique ;
de cette manière, il n'y a aucun danger que quelques-unes des
molécules organiques de l'air vicié échappent à la combustion,
ce qui n'est au contraire que trop à craindre dans le système de
M. Woestyn.
ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
Sciences exactes et naturelles.
SUE LA CONSTITUTION
DE QUELQUES CARBURES D'HYDROGENE,
PAR
P. J. VAN KERCKHOPP.
(lu à l'Académie des sciences d'Amsterdam dans la se'ance du 19 Mars 1870).
Les carbures d'hydrogène que je veux examiner, dans leurs
rapports avec le benzol , sont : le styrol , la naphtaline et Tanthra-
cène. Dans cette étude je partirai de la supposition qu'on regarde
comme fixée la formule du benzol. Il est vrai qu'il règne encore
des divergences à cet égard. Parmi les nombreuses formules de
constitution qui ont été proposées, la formule de M. Kolbe est
celle qui, en apparence, s'écarte le plus des autres; toutefois,
elle peut y être ramenée , attendu que M. Kolbe lui-même attribue
à ses radicaux substituants une valeur de combinaison ou valence.
Bien qu'il s'efforce de repousser à l'arrière-plan la valence des
atomes, il l'admet pourtant en réalité. En effet, lorsque le groupe
CH3 ou C2 H5 etc. entre dans une combinaison en qualité de
substituant, il prend la place de 1 atome H; de même CH^,
C._,H^ etc. prennent la place de 2 atomes H, et C H, C 2 H., etc.
celle de 3 atomes H. Or, la valence de ces groupes ne peut guère
être dérivée que de la quadrivalence de l'atome C et de l'uni-
valence de l'atome H.
En ce sens , la théorie de M. Kolbe ne s'éloigne donc pas autant
qu'on pourrait le croire de la manière de voir qui est le plus
généralement adoptée.
Archives NéerlaiNDaises, T. V. 18
274 p. .T. VAN KERKHOFF. SUR LA CONSTITUTION
M. Kolbe regarde chacun de ces groupes comme un seul tout,
agissant comme tel; mais il ne s'explique pas au sujet de l'origine
de leur valeur de substitution; or, ce n'est sans doute pas dans
les atomes H, mais uniquement dans les atomes C, que cette
origine doit être cherchée. Du reste, la différence d'opinion qui
peut exister à l'égard de la constitution du benzol? n'a aucune
importance dans le cas actuel. De quelque manière qu'on se repré-
sente l'union mutuelle des 6 atomes C et des 6 atomes H du ben-
zol, il n'en reste pas moins certain que c'est une matière dans
laquelle se trouvent 6 atomes H susceptibles de substitution, et
où les atomes C sont unis en une chaîne fermée , dont quelques-
uns des anneaux sont toujours liés entre eux par plus d'une valence.
Après l'explication lumineuse donnée à ce sujet par M. Kekulé
(Ber. Ch. Ges. 1869, p. 362), je crois qu'il est inutile d'entrer
dans plus de développements sur la constitution du benzol, d'autant
plus que c'est un point d'importance secondaire pour la considé-
ration du rapport qui existe entre cette matière et les trois sub-
stances nommées en commençant.
Néanmoins, pour se représenter le choses plus clairement, il
est bon de s'appuyer sur une des formules de constitution qui ont
été proposées pour le benzol; je choisis à cet effet la formule de
M. Kekulé, qui, bien que non démontrée, a en sa faveur une
grande probabilité.
Eig. 1.
H H
C=C
/ \
HC CH
\ /
C — C
H H
Les trois carbures en question, le styrol, la naphtaline et
l'anthracène , se distinguent, par de tout autres propriétés et
une stabilité beaucoup plus grande sous l'action de la chaleur,
de ceux des produits substitués du benzol où l'on trouve une ou
plusieurs chaînes latérales , qui sont bien en rapport par le noyau
DE QUELQUES CARBURES d'hYDROGÈNE. 275
benzolique mais Don liées directement entre elles; tel est par
exemple le phényl-acétylène
CgH, (C^H) ou C,H(C6H,)
Acétényl-beuzol. Phényl-acétylène.
G laser
dont il existe probablement un isomère^ savoir:
Ce H, (C, HO ou C,H, (C,HO
Acétylène-benzol. Phénylène-acétylène.
D'après la considération que le styrol peut être obtenu par
synthèse (sans élimination de quelque autre produit) à l'aide du
benzol et de l'acétylène ^ et aussi par simple condensation de
4 molécules d'acétylène , on serait conduit , si l'on s'en tenait exclu-
sivement à ce point de vue^ à regarder comme la formule de
constitution la plus probable
Fig. 2.
H H
Ci=C
/ \
HC CH
Il II
HC CH
. \ /
c— C
H H
Mais le styrol se forme aussi, avec séparation de 2 atomes
H, par l'action réciproque du benzol et de l'éthylène, et d'après
cela il pourrait être représenté par
Fig. 8.
H
H
c=c
/
\
H
.cîi
c
C-
-C=
\
//
H
c-
-C
H
H
18 =
276 p. J. VAN KERCKIIOFF. SUR LA CONSTITUTION
OU par
Fig. 4.
H H
/
HC CH
\ /
c — c
1 I
HC — CH
H H
On sait déjà aujourd'hui, grâce à M. Berthelot, que lestyrol,
obtenu par des voies différentes, ne possède pas toujours les mêmes
propriétés ; il y a donc au moins deux modifications isomériques ,
et peut-être davantage.
Le styrol , en particulier , qui a été obtenu par M. Berthelot au
moyen du benzol et de Féthylène sous l'influence de la chaleur,
et qui par l'action ultérieure de l'éthylène peut se changer en
naphtaline, ce styrol, précisément parce qu'il se forme de cette
manière et parce qu'il peut donner naissance à la naphtaline, a
pour formule de constitution la plus probable celle qui a été donnée
en dernier lieu.
Dans cette constitution, l'anneau benzolique primitif est conservé,
ce qui est d'accord avec l'apparition de combinaisons du benzol
lorsque le styrol est attaqué par des agents énergiques donnant
lieu à des produits de dédoublement.
A l'égard de la naphtaline, deux principales formules de con-
stitution ont été proposées : la première par M. Erlenmeyer et ensuite
par MM. Graebe et Liebermann, qui regardent cette matière
comme formée de deux molécules de benzol réunies en un seul
tout, avec élimination de C^H^; la seconde par M. Kolbe,qui,
partant de l'hypothèse que le benzol est un tricarbol C3 Hj 2 , dans
lequel le groupe C H s'introduit trois fois à la place de 3 ato-
mes H, fait ensuite dériver la naphtaline du benzol par la sub-
stitution de C4 H5 aux trois autres atomes H.
DE QUELQUES CARBURES d'hYDROGÈNE. 277
A chacune de ces deux manières de voir on peut faire de graves
objections.
Bien que la formule de MM. Graebe et Liebermann soit, en
beaucoup de cas, assez bien d'accord avec les produits d'altération
que la naphtaline fournit par l'oxydation ou par l'action du chlore,
tels, par exemple, que le bichlornaphtaquinone et la pentachlor-
naphtaline , cette formule ne rend pas compte de la manière dont
la naphtaline se déduit expérimentalement d'autres hydrogènes
carbonés.
Elle n'offre d'ailleurs aucun avantage particulier pour expliquer
la formation de l'acide phtalique.
La formule de M. Kolbe a une probabilité encore moindre, vu
qu'elle ne donne pas d'explication simple des produits de dédou-
blement, et qu'elle laisse sans explication aucune la production
de la naphtaline, telle qu'on l'observe expérimentalement.
En proposant ces formules de constitution, on a un peu trop
perdu de vue les importantes recherches de M. Berthelot, dans
lesquelles ce savant a réussi à produire les carbures d'hydrogène
dont il est ici question , ainsi que beaucoup d'autres , au moyen de
composés hydrogénés moins riches en carbone. M. Berthelot donne
à ces actions , qui ont lieu à une température élevée , le nom de
condensation. Toutefois , elles sont de deux genres différents : celles
où un hydrogène carboné est polymérisé, c'est-à-dire où il se
forme, par simple union et sans élimination d'une autre matière ,
un nouveau carbure , dont les atomes sont en nombre absolu plus
grand mais du reste dans le même rapport; et celles où deux
hydrogènes carbonés s'unissent en une combinaison plus élevée,
avec élimination d'hydrogène.
De même qu'on emploie les produits de décomposition des corps
comme données pour parvenir à la connaissance des formules de
constitution, on peut, avec tout autant de droit, prendre la for-
mation synthétique comme critérium propre à fixer cette
constitution. C'est aussi ce qu'a fait M. Berthelot, mais d'une
manière qui lui est propre. En effet, il néglige entièrement la
valence des atomes élémentaires et le mode d'union qu'ils affectent
278 p. J. VAN KERKHOFF. SUR LA CONSTITUTION
entre eux. Ses formules, bien que n'étant pas tout à fait empi-
riques, mais jusqu'à un certain point rationelles, sont pourtant
plutôt synoptiques, et en tout cas elles ne donnent pas la con
stitution dans ses détails. Le plus souvent toutefois elles peuvent
très bien, comme j'espère le montrer, être mises d'accord avec
des formules de constitution.
Si nous fixons maintenant notre attention en premier lieu sur
la manière dont le styrol a été obtenu par M. Berthelot, nous
trouvons que la production la plus abondante de cette matière
se fait aux dépens de molécules égales de benzol et d'éthylène,
avec dégagement d'hydrogène, ce que M. Berthelot exprime par
l'équation
^6^6 -i-CoH4=:C 6 H4 (C2 H^) -hB.^.
Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer plus haut , cette équation ,
dans le cas actuel et en tenant compte de la formation de la
naphtaline au moyen du benzol et de l'éthylène , paraît plus pro-
bable que la suivante
Ce He H- C^ H4 =C 6 H., (C2 H3) H- H2,
qui servira peut-être pour un isomère du styrol.
D'une manière graphique, le styrol peut être représenté, en
conformité avec l'opinion de M. Berthelot, par la Fig. 4.
Lorsque la production du styrol résulte de l'action réciproque
du benzol et de l'acétylène , ce qui a aussi été réalisé par M. Ber-
thelot, bien que plus difficilement, on doit admettre que l'acé-
tylène, qui, comme on sait, s'annexe si facilement une molécule
H, s'en empare aux dépens du benzol, et que l'éthylène ainsi
formé sature immédiatement les deux valences devenues libres du
benzol. On arrive alors à la même formule de constitution que
ci-dessus.
Dans cette formule on suppose que l'union des deux molécules,
avec ou sans élimination d'hydrogène, se fait de telle sorte que
deux atomes C d'une des molécules entrent respectivement en
rapport avec deux atomes C de l'autre molécule , et qu'il se forme
par conséquent une double chaîne fermée. Si la combinaison s'effec-
DE QUELQUES CARBURES d'hYDROGÈNE. 279
tuait d'une autre manière, c'est-à-dire, si un atome C de la première
molécule se liait à un atome C de la seconde, avec élimination
d'hydrogène, on obtiendrait une chaîne fermée avec une chaîne laté-
rale , et par conséquent une matière autrement constituée , isomère
mais non identique, savoir CqB.^ (C^Hg).
La manière dont le styrol se comporte sous l'influence des agents
d'oxydation, tels que l'acide nitrique, conduit à regarder cette
dernière constitution comme peu probable.
devenons maintenant à la naphtaline. Elle a été produite par
M. Berthelot en soumettant à l'action d'une température élevée un
mélange, soit de styrol et d'éthylène, soit de benzol et d'éthy-
lène, soit de styrol et d'acétylène:
Ce H, (C, H J + C, H, =Ce H, (C, H, [C, H,]) + 2 H^
CeH,+2C,H, == „ +3H^
2
2
Cg H.i (C^ H4) + C2 H^ = „ + H2.
On peut, d'après cela, admettre pour la naphtaline la consti-
tution suivante
Fig. 5.
H
H
C:
\
c-
1
=C
\
CH
-/
I
1
HC-
1
1
-CH
1
1
HC:
= {)H
Une confirmation de cette manière de voir se trouve dans l'action
de l'acide iodhydrique sur la naphtaline; il en résulte différentes
combinaisons plus hydrogénées, dont la formation se déduit très
simplement de notre formule de constitution.
Un autre fait, qui non-seulement n'est pas en opposition avec
elle, mais lui donne même un plus haut degré de probabilité,
280 p. J. VAN KERKHOFF. SUR LA CONSTITUTION
c'est la présence de l'acide phtalique, à côté de l'acide oxalique ,
parmi les produits d'oxydation de la naphtaline.
Si la vraie formule du styrol était Cg H5 (C2H3), il faudrait
i C H
admettre pour la naphtaline la formule Cg H^ n^ tt% parce que
cette matière prend naissance, avec élimination de 2 atomes H,
par l'action de l'acétylène sur le styrol. — Mais une pareille con-
stitution de la naphtaline offre bien peu de probabilité; elle
représenterait un benzol avec deux chaînes latérales , qui donnerait
des produits tout différents de ceux de la naphtaline, et qui
n'aurait pas, à une température élevée, la stabilité propre, en
général, aux carbures d'hydrogène constitués en chaînes fermées.
En effet, des combinaisons benzoliques de ce genre, qui com-
prennent un ou plusieurs carbures d'hydrogène en chaînes laté-
rales, sont ordinairement transformées par la chaleur en d'au-
tres combinaisons, telles que la naphtaline, l'anthracène et le
chrysène.
L'anthracène a été obtenu par M. Berthelot de différentes ma-
nières, par l'action d'une température élevée, P. sur un mélange
de styrol et de benzol, 2°. sur un mélange de benzol et d'éthylène,
3". sur un mélange de benzol et d'acétylène. L'auteur exprime
ces réactions ]iar les équations suivantes:
1 C6H6 4-CgH4(C2H4)=rCj4H,o-|-2H2,
^CeHg-hC^H^ =C, 4 H, 0 H- 3 H2 ,
Dans tous ces cas nous voyons l'anthracène naître de sub-
stances qui, ensemble, renferment au moins deux restes ben-
zoliques Cg H4. Il y a donc de fortes raisons pour admettre
dans l'anthracène deux de ces restes benzoliques. C'est ce qu'ex-
prime la formule C6H4 (C^H^ [C(jH4]), qu'on peut aussi
Sri "LT
^^. La constitution graphique devient alors
O6H4
DE QUELQUES CARBURES d'hYDROGÈNE. 281
Fig. 6.
H
H
C=
=C
/
HC
CH
C-
1
1
1
HC-
1
1
-CH
1
1
C-
1
-C
h/
\
CH
\
Cz
/
=C
H
H
Cette constitution est en parfaite harmonie avec celles du styrol
et de la naphtaline. Elle indique que la synthèse de Tanthra-
cène , par l'action de la naphtaline sur le benzol , ne peut se faire
sans élimination de carbone ou de carbures d'hydrogène; d'un
autre côté, elle rend très bien compte des modes de production
découverts par M. Berthelot, Elle n'est pas non plus en contra-
diction avec la dérivation de l'anthracéne du chlorure de benzyle.
Elle diffère essentiellement de la constitution qui a été proposée
pour l'anthracéne par MM. Graebe et Liebermann, laquelle part
de l'hypothèse que trois molécules de benzol sont unies en une
chaîne triple, après élimination, non-seulement d'hydrogène, mais
aussi de carbone. Elle ne suppose que deux anneaux benzoliques ,
reliés entre eux par l'intermédiaire du groupe C^H^, mais non
pas directement, comme l'admettent MM. Graebe et Liebermann.
Cette constitution est-elle maintenant la plus probable pour tout
hydrogène carboné de la formule empirique C j ,, H ^ „ ? A cette
question on doit répondre négativement. On connaît en effet , d'après
les recherches de M. Glaser, un phényl-acétylène dont la consti-
tution est très probablement
C 6 H 5 — c — c — H ,
282 p. J. VAN KERKHOFF. SUR LA CONSTITUTION
et un di-acétényl-phényle
C„H,-C EC-C =C-C,H,;
or, le premier de ces composés pourrait, par la substitution de
CgHr, à l'atome H, donner une combinaison
C,H,-C EC-CeH,,
qui aurait par conséquent aussi pour formule empirique C , 4 H ^ ^ ,
mais qui, si la formule que j'ai attribuée à l'anthracène d'après
les expériences de M. Berthelot est exacte, serait isomère mais
non identique avec cette dernière substance. Effectivement, le
tolane, découvert par MM. Limpricht et Scliwanert, qui répond
à la formule C ^ 4 H j 0 et présente des caractères (un point de
fusion par exemple) tout autres que l'anthracène, peut être regardé
comme possédant réellement la constitution écrite en dernier lieu ,
surtout quand on considère qu'il tire son origine du toluylène (stilbène)
et qu'on tient compte de la constitution de ce corps ainsi que de
celle du ditolyle.
Bien que les formules de constitution qui viennent d'être pro-
posées soient fondées sur les importantes recherches de M. Berthelot
et aient par conséquent la probabilité en leur faveur, il ne sera
permis de les tenir pour vraies que lorsqu'une étude plus complète
aura tranché la question. D'autres modes de synthèse devront
être essayés, les produits de substitition et de dédoublement devront
être analysés en détail, et en outre on aura à rechercher s'il
n'existerait pas encore d'autres isomères de ces carbures d'hydrogène.
Si l'on réussit à isoler le carbure C4 H^ , le diacétylène, ce que
les expénences de M. Berthelot et les considérations théoriques
de M. Limpricht donnent lieu d'espérer, il sera possible de trouver
dans les résultats de l'action de C^ H4 sur le benzol, etc., des
arguments pour ou contre la constitution proposée.
En terminant , je ferai remarquer que des carbures des formules
CjoHg, CJ4H10, CjgH^, (chrysène) pourraient consister en
une chaîne fermée unique.
Ces carbures seraient alors dans un rapport intime avec des
polymères plus condensés de l'acétylène, et ils se déduiraient de
DE QUELQUES CARBURES d'hYDROGÈNE. 283
ceux-ci par élimination d'hydrogène et établissement d'une liaison
double entre certains atomes C.
Dans le benzol ^ d'après M. Kekulé, la liaison entre les atomes
C successifs est alternativement double ou simple , et par conséquent
représentée par les chiffres 2. 1. 2. 1. 2. 1. Si la même chose
existait dans les polymères plus élevés de l'acétylène , C i q H ^ o
donnerait naissance à CjoHg par l'élimination de 2 atomes H,
en même temps que deux atomes C , unis jusqu'alors par un lien
simple, contracteraient une liaison double.
La liaison
2. 1. 2. 1. 2. 1. 2. 1. 2. 1. de CjoH^o
deviendrait alors
2. 1. 2. 1. 2. 2. 2. 1. 2. 1
au
lieu de 1.
De la même manière, Cj^ H, 4, venant à perdre deux fois H ^ ,
donnerait naissance à C j 4 H j 0 , où les liaisons mutuelles des
atomes C seraient exprimées par le schéma suivant
2. 1. 2. 1. 2. 2. 2. 1. 2. 1. 2. 2. 2. 1
au au
lieu de 1. lieu de 1.
Ainsi encore , au nonacétylène C j g H ^ g pourrait se rattacher
génétiquement le chrysène C ^ 0 H j ^ ? dont les atomes C seraient
liés entre eux conformément au schéma
2. 1. 2. 2. 2. 1. 2. 1. 2. 2. 2. 1. 2. i. 2. 2. 2. 1.
au au au
lieu de 1. lieu de 1. lieu de 1.
QUELQUES ESSAIS
CONCERNANT LE
TITRAGE DES ALCALOÏDES DU QUINQUINA ,
PAR
P. J. VAN KERCKHOFF.
(lu à l'Académie des Sciences d'Amsterdam dans sa séance du 30 janv. 1869.)
Ce n'est pas mou intention de parler des nombreuses méthodes
qui ont été proposées pour le dosage des alcaloïdes en général
ou pour celui des alcaloïdes des écorces de quinquina en parti-
culier. La plupart de ces méthodes ont leurs avantages et leurs
inconvénients spéciaux. Je ne m'occuperai que d'un seul point,
celui de savoir s'il existe pour les alcaloïdes du quinquina une
bonne méthode de titrage.
C'est à MM. Glénard et Guillermond que nous devons le
premier procédé de détermination, par voie de titrage, de la
quinine de l'écorce de quinquina. La méthode qu'ils ont décrite
est en eiïet très simple ^). Elle consiste à pulvériser l'écorce,
à en peser 10 gr. , à humecter avec de l'eau, mélanger avec du
lait de chaux, sécher, réduire en poudre, faire digérer pendant
I d'heure avec de l'éther exempt d'eau et d'alcool (100 C.C),
décanter l'éther clair, en mêler 20 C.C. avec un volume déter-
miné d'acide sulfurique ou oxalique titrés, et doser, après addi-
tion de teinture de bois de Ste-Marthe, avec de l'ammoniaque titrée.
Dans ce procédé, la quinine seule est déterminée; il n'est
tenu aucun compte de la présence des autres alcaloïdes. En
outre , différentes objections ont été faites à cette méthode par
M. Faget et par MM. Thomas et Taillandier; pour une bonne
partie, on peut remédier aux défauts signalés. Mais la grande
difficulté réside, d'abord dans l'emploi, pour des poudres si
') Répertoire de Chim. appliq. T. 1., p. 132 ; T. 2, p. 61 ; T. 4, p. 58.
p. J. VAN KEKGKHOFF. QUELQUES ESSAIS CONCERNANT ETC. 285
fines et si hygroscopiques ; d'éther qui doit être absolument exempt
d'eau et d'alcool; ensuite, et surtout, dans le mesurage de
volumes exacts d'un liquide aussi volatil et aussi dilatable que
l'éther. L'erreur qui en résulte ne peut être évitée entièrement,
même en faisant usage d'appareils clos , et elle exerce une influence
notable, vu qu'on n'opère que sur une fraction de l'éther employé.
En suite de l'idée émise par MM. Glénard et Guillermond,
mais en m'écartant assez notablement de leur méthode, j'ai
exécuté quelques essais de titrage, dont je prends la liberté de
soumettre à l'Académie la marche et les résultats.
J'ai cru devoir éviter, non pas précisément l'emploi de l'éther,
mais le mesurage de cet éther; en outre, il m'a paru désirable
de doser aussi, au moins approximativement, les autres alca-
loïdes de l'écorce, tout en m'opposant, autant que possible, à
l'entrée en dissolution d'autres principes constituants. A cet effet,
je me suis servi de l'excellent dissolvant de la plupart des
alcaloïdes indiqué par MM. Uslar et Erdmann i), savoir de
l'alcool amylique, sans toutefois m'astreindre à la méthode de
ces savants pour l'extraction des alcaloïdes des matières premières.
J'ai cru surtout devoir éviter l'emploi de l'ammoniaque, qui est
prescrit dans les deux méthodes que je viens de rappeler, dans
la dernière pour la mise en liberté des alcaloïdes, dans l'autre
pour le dosage par reste.
Voici la marche que j'ai suivie dans l'analyse.
MARCHE DE l'aNALYSE.
Piler l'écorce, triturer et bien mélanger la poudre.
Sécher la poudre à 100% la laisser refroidir dans l'exsiccateur ,
puis peser.
Humecter la poudre avec de l'eau, puis la mêler avec un
excès d'eau de chaux récemment préparée.
Sécher le mélange à 100" dans une étuve.
Faire digérer la matière sèche, dans un matras et à chaud,
avec de l'alcool amylique pur.
') Annal, d. Ch. u. Pharm. T. CXX , p. 121.
286 p. J. VAN KERGKHOFF. QUELQUES ESSAIS CONCERNANT LE
Porter la masse sur un filtre, et laver le résidu sur le filtre
avec de Talcool amylique chaud, à différentes reprises.
Ajouter à la dissolution amyl-alcoolique , reçue dans un matras ,
un volume déterminé d'acide chlorhydrique étendu et titré, qui
se rassemble au-dessous de l'alcool amylique; ensuite, chauffer
doucement, boucher le matras et secouer.
Séparer la dissolution chlorhydrique de l'alcool amylique, à
l'aide d'un entonnoir à robinet.
Secouer l'alcool amylique dans l'entonnoir avec un nouveau
volume déterminé d'acide titré, puis séparer les liquides. Répéter
cette opération une troisième fois. — Ensuite, laver l'alcool
amylique dans l'entonnoir avec de l'eau distillée.
Réunir les diverses liqueurs acides et les eaux de lavage,
ajouter un peu de teinture de bois de Ste-Marthe, puis titrer
au violet avec la soude caustique.
Ajouter à la dissolution neutre assez de soude caustique pour
précipiter les alcaloïdes.
Recueillir le précipité sur un filtre, le laver plusieurs fois
avec de l'eau froide et le sécher au-dessous de 100".
Épuiser le contenu du filtre et le filtre lui-même avec de l'éther
anhydre , et répéter cette opération avec de petites quantités d'éther.
Mêler à la dissolution éthérée un volume déterminé d'acide
oxalique titré, ajouter un peu de teinture de bois de Ste-Marthe,
puis titrer en retour par la soude caustique jusqu'au rose faible.
EGLAIRAISSEMENTS SUR QUELQUES POINTS.
L'alcool amylique doit être pur et surtout parfaitement neutre.
Le traitement par ce liquide doit se faire dans une cage bien ven-
tilée , à cause de l'action désagréable et nuisible de l'alcool amylique.
Le titrage de l'acide chlorhydrique se fait avec plus de précision
à une douce chaleur, et, en opérant sur un acide si faible, il
n'y a pas à craindre qu'il s'en volatilise une partie.
La teinture de bois de Ste-Marthe , à raison de la rapidité du passage
d'une teinte à l'autre, est beaucoup plus sensible que celle de cam-
pêche ou de tournesol. Quand on emploie des alcalis caustiques , elle
ne laisse rien à désirer. — Le passage au rose est le point juste.
TITRAGE DES ALCALOÏDES DU QUINQUINA.
287
Dans le dosage de la quinine seule on n'a à se préoccuper
que de la teinte de passage, non de la formation d'un précipité,
dont l'apparition a lieu quelquefois plus tôt, à cause du peu de
solubilité de l'oxalate de quinine.
On ne peut nier qu'une erreur dans le titrage ne se reporte
agrandie sur la richesse en alcaloïdes. Pour ce motif, il est
absolument nécessaire d'employer des liqueurs de titrage étendues
et d'opérer avec tous les soins possibles.
PREMIÈRE ESPÈCE DE QUINQUINA.
I.
IL
m.
Poids de l'écorce pilée et
séchée
8.4108 Gr
7 2961 Gr
!0 5042 Gr
Alcool amylique employé...
120 ce.
12i) ce.
170 ce.
x\cide chlorhyclrique employé.
75 //
75 //
75 /,
Eorce de l'acide chlorhydrique
en ce. de dissolution de
soude caustique
1 ce. de dissolution de soude
75CC=32.5CC.
75Ce = 32.5eC.
75 CCr:r32.5('C.
caustique contient 0,031 Gr.
m, 0. _
Titré au violet.
Dissolution de soude employée.
31.1G ce.
31.204 ce.
30.462 ce.
(en partie décime).
Alcaloïdes exprimés en disso-
lution de soude
1.340 //
1.296 //
2.038 //
Idem idem en Na^ 0. . .
0.04127 Gr.
0.03992 Gr.
0.06277 Gr.
Idem idem en Na^ 0 %
de l'écorce *
0.489
0.549
0.597
Acide oxalique décime employé
21.75 ce.
20.00 ce.
25.00 ce.
Titré par reste avec dissolution
de soude
15.62 //
15.34 //
18.13 //
Equivalent à acide oxalique
décime .
15.93 //
15.65 //
18.49 //
Donc, poids d'acide oxalique
cristallisé pour la quinine.
0.0367 Gr.
0.0274 Gr.
0.0410 Gr.
Comme on a : oxalate de chi-
,
nine = 2C,„H,,N,0,,
C H 0 .. .. . . .
0.1887 '/
0.1409 /'
.2 -^^2 V-r^. .......
il Vient pour la qumme
0.2109 //
ou en % de l'écorce
2.23
1.93
2.01
correspondant à Na^ 0 en % .
0.213
0.185
0.192
Ueste donc pour les autres al-
caloïdes en '/■ Na^ 0
0.276
0.364
0.405
Calculé % cinchonine
2.74
3.61
4.02
Moyenne en %
Quinine
^^"'^97 ~"
Cinchonine
3.81
288 p. J. VAN KERCKIIOFF. QUELQUES ESSAIS CONCERNANT LE
DEUXIÈME ESPÈCE DE QUINQUINA (CaltSCiya).
I.
II.
1
III.
Poids de l'écorce pulvérisée
et séchée à lOQo
12.7399 Gr.
8 6386 Civ
16.1241 Gr.
265 ce.
Alcool araylique employé
185 ce.
D.lJ»J(JvJ VJIl.
185 ce.
Acide chlorliydrique employé.
Iforce de l'acide chlorliydrique
100 //
100 //
100 //
eu ce. de dissolution de
soude caustique
10CCr=4.55eC.
|Ar;r;_4 KKnn
10Cerr4.55CC.
1 ce. de dissolution de soude
-l \J V-V V-/ — ^ 12, tf o KJ KJ ,
caustique contient 0,02619
Gr. Na, 0.
1 ce. de dissolution sodique
décime = 0.00263 Gr.
Na, 0.
Titré au bleu-violet.
Dissolution sodique employée.
39 ce.
40 ce.
39 ce.
Dissolution sodique décime
employée
30.50 //
29.00 //
15.95 //
Alcaloïdes exprimés en Na^ 0.
0.09001 Gr.
0.06776 Gr.
0.12828 Gr.
Idem idem en Na.^ 0 > de
l'écorce
0.741
0.784
0.794
Acide oxalique décime em-
ployé
60 ce.
35 ce.
60 ce.
Force de l'acide oxalique dé-
cime en dissolution sodique
décime
10 = 11.785 ce.
]o = 11.785 ce.
10 = 11.785 ce.
Acide oxalique décime ^ em-
ployé , exprimé en dissol.
sodiqne décime
70.71 ce.
41.25 ce.
70.71 ce.
Titré par reste avec dissol.
sodique décime
57.95
34.20
55.40
Donc, quinine exprimée en
dissol. sodique décime
12.76
7.50
15.31
Quinine exprimée en Na^ 0.
0.0335639 Gr.
0.0185443 Gr.
0.0402714 Gr.
Quinine exprimée en Na, 0 %
de l'écorce
0.276
0.215
0.249
On ajouta ensuite dissol. so-
dique décime
12.76 ce.
7.05 ce.
15.21 ce.
d'oii résulta dans les trois
essais un précipité qui n'aug-
menta pas par une nouvelle
goutte de dissol. sodique
décime .
Pour s'assurer si l'augmenta-
tion de la quantité d'acide
oxalique et de soude dans
la liqueur avait quelque influ-
ence, on ajouta, aux liqueurs
maintenant troubles , acide
oxalique décime
25 ce.
25 ce.
TITRAGE DES ALCALOÏDES DU QUINQUINA.
289
II.
III.
ce qui donna, en chauffant
légèrement , des dissolutions
limpides .
Cet acide oxalique décime
correspond à dissol. sodique
décime
29.46 ce.
29.46 ce.
Titré par reste avec dissol.
sodique décime
16.25
13.70
Donc , quinine exprimée en
dissol. sodique décime. . .
13.21
15.76
Quinine exprimée en Na.. 0.
0.0347476 Gr.
0.0414551 Gr.
Quinine exprimée en N a. ^ 0 %
de l'écorce
0.286
0.257
Comme 62 parties Na^ 0
équivalent à 618 parties de
quinine, on a quinine en % de
l'écorce d'après le 1er dosage
2.881
2.217
2.602
// // 2e //
2.989
2.686
En retrancliant des alcaloïdes
exprimés en dissol. sodique
0.711 y^
0.784 %
0.794 %
décime la quantité de qui-
nine du premier dosage
exprimée en dissol. sodique
décime, il reste pour les
0.276
0.215
0.249
autres alcoloïdes exprimés
en dissol. sodique décime.
0.465
0.569
0.585
Dans la supposition que tout
le reste fût de la cinchonine ,
on calculerait pour
Cinchonine en % de l'écorce.
4.62 %
5.65 %
5.85 %
EXAMEN COMPARATIF DE DEUX ESPECES DE QUINQUINA,
A
B
Calisaya.
Huanuco.
I. 1
II.
Poids de l'écorce pulvérisée
et séchée à 100^
7.3683 Gr.
15.9552 Gr.
8.0181 Gr.
Alcool amylique employé
170 ce.
210 ce.
145 ce.
Acide chlorhydrique employé
100 //
103 //
100 »
Force de l'acide chlorhydrique
en ce. de dissol. de soude.
ioee.=:4.55ec.
ioee=4.55ee.
ioee.==4.55ce.
1 ce. de dissol. de soude con-
tient 0,02619 Na'O.
1 ce. de dissol. sod. décime
contient 0.00263 Na3 0.
Titré au violet.
Dissolution de soude employée.
40 ce.
40 ce.
40 ce.
Archives Néerlandaises, T. V.
19
290 p. .T. VAN KERCKHOFF. QUELQUES ESSAIS CONCERNANT LE
B
Huanuco.
II.
Dissol. sodique décime em-
ployée
Alcaloïdes exprimés en Na^ O.
Idem idem en Na^ O % de
l'écorce
Acide oxaliq^^e décime em-
ployé
qui exigeraient en dissol.
sodique décime
Titré par reste avec dissol.
sodique décime
Donc, quinine exprimée en
dissol. sodique décime. . . .
Quinine exprimée en Na^ O.
Idem idem en Na.^ 0 %
de l'écorce
Quinine en % de l'écorce. . .
31.60 ce.
0.060924 Gr.
0.820
35 ce.
41.25 //
35.85
5.40 ce.
0.0142092 Gr,
0.193
2.017
1.30 ce.
0.176375 Gr.
1.105
25 ce.
29.46 //
26.50.
2.96 ce.
0.007786 Gr.
0.048
0.501
15.65 ce.
0.102870 Gr,
1.283
25 ce.
29.46 //
26.60
2.86 ce.
0.007523 Gr,
0.093
0.972
Le précipité produit par un excès de dissolution de soude
n'était pas floconneux. Celui de A donnait une forte réaction de
quinine , celui de B n'en donnait qu'une faible. La petite quantité
de matière que le Huanuco abandonne à l'éther consiste donc
essentiellement en cinchonicine , et peut-être aussi en quinidine,
substances qui sont un peu solubles dans l'éther. En effet , d'après
les expériences de MM. Thomas et Taillandier, 100 CC. d'éther
dissoudraient 0,244 gr. de quinidine et 0,040 gr. de cinchouicine.
RÉSUMÉ.
Première espèce de quinquina.
Deuxième // // //
Troisième // // '/
Quatrième f » "
2.23%
2.88
2.99
2.02
0.50
Richesse en quinine.
II.
1.93%
2.25
0.97
III.
2.01%
2.60
2.69
TITRAGE DRS ALCALOÏDES DU QUINQUINA. 291
Il résulte de ce qui précède:
P. que l'emploi de Téther comme liquide volumétro-analytique
(proposé par MM. Grlénard et Guillerraond) peut être
entièrement évité;
2^ que le dosage proposé^ exécuté avec soin, donne des
résultats très satisfaisants;
^^. qu'en faisant par cette méthode des essais comparatifs sur le
même quinquina , on obtient des chiffres bien concordants ;
4". que la méthode se recommande par la facilité avec
laquelle ou se débarrasse des autres matières contenues
dans l'écorce et on obtient une dissolution incolore;
5". que d'un côté, il est vrai, elle tend à donner une
proportion de quinine un peu trop forte , parce que la
quinidine (si celle-ci existe réellement dans l'écorce) et la
cinchonine ne sont pas tout à fait insolubles dans l'éther;
mais que cette erreur est contre-balancée par une autre agis-
sant en sens contraire , qui provient de ce que la quinine
n'est pas absolument insoluble dans l'eau;
G^. que la méthode ne devient propre à faire connaître la
proportion de quinidine et de cinchonine, que si la partie
insoluble dans l'éther est soumise à un traitement ultérieur,
traitement auquel la méthode de M. De Vrij paraît pouvoir
s'appliquer avec succès. Dans les essais dont je viens de
rendre compte, je n'ai pas effectué cette séparation.
19*
SUR LA DUREE ET LA MARCHE
COURANTS GALVANIQUES D'INDUCTION,
A. NYLAND.
Des expériences, faites il y a quelques années, avaient appris
à M. le professeur Donders que l'électricité , qui jaillit entre les
extrémités de l'hélice secondaire lors de l'ouverture du courant
primaire, se compose de plus d'une étincelle. Ce savant s'était
servi , selon la méthode qui a été suivie également par M. Fedder-
sen dans ses observations sur la décharge de la bouteille de Leyde
(Pogg. Ann.j CXIII et CXIV), d'un miroir tournant à rotation
relativement lente. Ce n'est que lorsque les extrémités de l'hélice
secondaire étaient à peu près éloignées l'une de l'autre à la limite
de la distance explosive, qu'on voyait dans le miroir une étincelle
unique (Voir Nederl. Archief voor Genees- en Natuurkunde , 1865,
II, p. 332).
L'emploi fréquent des étincelles d'induction, pour la détermina-
tion du temps physiologique, fit naître chez M. Donders le désir
d'étudier ces étincelles avec plus de soin. Dans le courant de l'année
1868 il exécuta différentes expériences d'après une méthode de
beaucoup supérieure à la première et que je ferai connaître plus
loin. Ses résultats ont été communiqués à l'Académie royale des
Sciences, et on en trouve un résumé dans les Onderzoelanqen
A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE ETC. 293
gedaan in fiel Physiologisc/i Laboratoriwn der iJtrechtsche Hooge-
school, II, 1868 — 69, p. 316 — 318. M. Donders fit observer à
bon droit que les résultats déjà obtenus étaient d'un grand intérêt
pour la théorie de Télectricité d'induction, et que la méthode
employée promettait de donner encore beaucoup plus si l'on avait
le temps de l'appliquer d'une manière suivie et complète.
Grâce à l'entremise de M. le professeur Grinwis, M. Donders
a bien voulu m'autoriser à continuer les recherches commencées
par lui , et il a même eu la bienveillance de mettre à cet effet à
ma disposition une des salles du Laboratoire physiologique de
l'université. De son côté, M. le professeur Buijs Ballot m'a permis
de faire usage de tous les instruments du Cabinet de physique
dont je pouvais avoir besoin.
C'est d'après leurs conseils que j'ai entrepris ce travail, et si
je n'ai épargné ni temps ni peine pour multiplier les expériences
et leur donner le degré de précision nécessaire, je me plais à
reconnaître que mon zèle a été animé et soutenu par l'appui
qu'ils ont bien voulu me prêter.
§ 1. MÉTHODE.
La plupart de mes expériences ont été faites avec le grand
i n d u c t e u r de Ruhmkorff du Cabinet de physique de l'Université.
Avec cet appareil, en employant comme batterie inductrice 6 à
10 éléments de Grove, on obtenait il y a quelques années des
étincelles de 25 centimètres de longueur. Depuis lors, par une
cause inconnue, il a perdu de son énergie, et, pendant toute la
durée de mes recherches, sa force, maintenant constante, s'est
traduite par des étincelles de 8 à 10 centimètres. Je ne me suis
toutefois pas servi de l'inducteur complet dans toutes les expé-
riences , car une étude rationnelle des courants galvaniques induits
doit partir de la disposition la plus simple, composée uniquement
d'une hélice inductrice et d'une hélice induite. Pour obtenir dans
cette expérience délicate une action assez intense pour pouvoir
être mesurée par la méthode employée, ou a besoin d'une hélice
secondaire très longue, et c'est aussi ce que je trouvais dans mon
294 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
appareil de Rulimkorff lorsque T hélice primaire intérieure et le
noyau eu étaient enlevés.
11 ne sera donc pas inutile de donner d'abord la description
de cet inducteur^ qu'on voit iiguré dans la planche I.
Au centre se trouve un faisceau de quelques centaines de fils
de fer mou, chassés dans un cylindre mince de bois. C'est ce
qu'on appelle le noyau magnétique. Ce noyau est recouvert de
300 tours d'un fil de cuivre de 2 mm. d'épaisseur, entouré de
soie; le fil est enroulé avec assez de force pour serrer le bois,
de sorte que le faisceau et l'hélice forment une masse unique,
qu'on peut retirer de l'appareil après avoir enlevé les deux dis-
ques épais de gutta-percha qui se trouvent aux extrémités et dont
l'un est visible dans la figure. Cette hélice primaire, que
traverse le courant de la pile, constitue avec le noyau magné-
tique la partie inductrice de l'appareil. Les extrémités de l'hélice
primaire aboutissent en B et C.
Autour de cette hélice se trouve un cylindre de caoutchouc durci,
sur lequel est enroulé le fil induit. Celui-ci est un fil de cuivre
entouré de soie , beaucoup plus mince que le précédent , épais de
% mm. et long de 100,000 mètres. Dans notre inducteur les tours
de spire ne sont pas encore partagés en groupes, comme dans
les „machines cloisonnées" construites d'après les indications de
M. Poggendorft', mais ils s'étendent sur toute la longueur, en
formant plusieurs couches séparées entre elles par des couches
minces de caoutchouc. Les extrémités de cette hélice secon-
daire se trouvent en a et h.
Dans le support de l'appareil est logé le condensateur, qui
consiste en deux feuilles d'étain d'une grande surface, pliées et
séparées par un morceau plié de taffetas. Avec ces feuilles d'étain
communiquent les boutons A et D.
Sur ces feuilles métalliques peut se répandre le courant primaire
lorsque son circuit est ouvert. L'extra-courant de riiélice primaire,
le courant induit de l'hélice secondaire et les courants magnéti-
ques induits du noyau contrecarrent le courant primaire lors de
la fermeture, et à l'ouverture ils accélèrent par conséquent le cou-
DES GOURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTIOIV. 295
rant primaire, qui trouve alors une issue dans le condensateur.
L'étincelle d'ouverture du courant primaire est en effet beaucoup
plus faible quand on fait usage du condensateur.
L'inducteur complet comprend encore un iuterrujDteur de Foucault ,
mais je ne me suis jamais servi de cette partie de l'appareil, vu
que mon étude exigeait de tenir les courants d'ouverture et de
fermeture séparés les uns des autres et de pouvoir déterminer
exactement le temps du renversement du courant. C'est pourquoi
je ne ferai pas autrement mention de cet interrupteur.
Pour étudier maintenant le courant induit obtenu à Taide de
cet inducteur, on laisse s'enregistrer son action sur un cylindre
qui tourne rapidement.
Ce cylindre (v. planche I) est en laiton, et a un diamètre de
19 cm. et une longueur de 25 cm. L'axe est pourvu à l'une de
ses extrémités de pas de vis qui s'engagent dans un écrou fixe,
de sorte que le cylindre prend un mouvement progressif lorsqu'on
fait tourner la manivelle adaptée à l'autre extrémité de l'axe. Ce
cylindre est recouvert bien uniformément de papier noirci à la
fumée d'une lampe à pétrole. En avant du cylindre , sur un pied
isolant, se trouve un diapason, dont l'une des branches porte une
pointe d'acier qui s'applique avec une légère pression contre le
papier du cylindre, tandis que l'autre branche est garnie , comme
contre-poids , d'une petite pièce métallique équivalente. Si l'on relie
maintenant une des extrémités a de l'hélice secondaire avec le
cylindre en G , et l'autre b avec le diapason S , le courant induit
trouve un passage qui n'est interrompu qu'entre la pointe d'acier
et le cylindre, c'est-à-dire sur l'épaisseur du papier. En ce point
le courant, sous forme d'étincelle, percera donc le papier et laissera
une trace.
Sur du papier ordinaire on voit les ouvertures percées; sur du
papier enfumé on voit des ouvertures entourées d'un espace blanc,
qui est dû à la dispersion de la suie. En imprimant au cylindre
un mouvement de rotation rapide, après avoir mis le diapason
en vibration , les marques des étincelles se trouveront sur la sinusoïde
296 A. INYLAND. SUR LA DUREE ET LA iMARGHE
chronoscopique que la pointe du diapason trace sur le cylindre.
Le grand avantage de cette méthode consiste en ce qu'on peut
faire tourner le cylindre librement, à la main, attendu que les
vibrations du diapason fournissent des unités chronoscopiques , qui
mesurent exactement la durée de chaque rotation ainsi que celle
de deux étincelles successives.
Pendant une rotation, le courant primaire est deux fois fermé
et deux fois ouvert. A cet effet, le courant primaire va du pôle
zinc de la pile au bouton B, traverse ensuite l'hélice primaire
et ressort de nouveau en C, puis passe au bouton F et de là
dans la petite tige de cuivre qui est en rapport avec lui. Le
pôle platine de la pile communique avec le bouton E et
par conséquent avec l'autre tige de cuivre. Les deux tiges
de cuivre s'appuient fortement, par ressort, sur un anneau,
qui est isolé du cylindre par des lames de caoutchouc
durci, mais qui y est fixé solidement et tourne par
conséquent autour du même axe. Cet anneau est divisé
en quatre parties et formé moitié de cuivre, moitié d'ivoire.
Pendant une révolution du cylindre , le courant primaire est donc
fermé quand les deux tiges appuient sur le cuivre, ouvert quand
elles passent sur Tivoire, puis de nouveau fermé et ouvert suc-
cessivement dans le passage sur le second quadrant de cuivre
et sur le second quadrant d'ivoire. Les tiges de cuivre sont
d'ailleurs supportées par un pied isolant, fixé à une planche qui
partage le mouvement progressif du cylindre, de sorte que les
tiges ne cessent pas de glisser sur l'anneau. Pour que l'ouver-
ture et la fermeture du courant se fassent régulièrement et in
stantanément , il est nécessaire que la séparation du cuivre et de
l'ivoire reste bien nette et, pour cela, que l'anneau entier soit
fréquemment frotté avec du papier à Fémeri fin et essuyé avec
un linge. Mais, en outre, une disposition essentielle est que les tiges
de cuivre ne frottent pas sur l'anneau directement, mais par
l'intermédiaire de petits couteaux tranchants d'argent, vissés à
l'extrémité des tiges et perpendiculaires à la surface de l'anneau ;
ces couteaux interrompent le courant primaire au moment où ils
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 297
glissent sur la fine ligne de séparation du cuivre et de l'ivoire.
Les pointes de platine, dont M. Donders s'était servi antérieure-
ment^ donnaient un résultat moins satisfaisant, parce que leur
forme s'altérait par l'usure due au frottement et aux nettoyages,
et parce que le platine est moins bon conducteur que l'argent.
Avec ces couteaux, on peut ouvrir et fermer le circuit des cen-
taines de fois de suite, sans que la moindre irrégularité se fasse
remarquer. Je crois pouvoir affirmer, d'après mon expérience
personnelle, que cette manière de fermer et d'ouvrir le courant
mérite la préférence sur toutes les méthodes connues jusqu'à présent.
Lorsque le cylindre a été tourné une fois, de sorte que la
manivelle se retrouve au même point, on a donc obtenu, sur
cette sinusoïde unique, deux décharges à la fermeture du courant
et deux à l'ouverture. Sur le même rouleau de papier on peut
enregistrer ainsi plus de 20 expériences.
Le diapason employé faisait 246 vibrations par seconde, et,
à l'aide de l'instrument de mesure que M. le Dr. Engelmann
mit à ma disposition, il était facile d'évaluer sur le papier les
vingtièmes parties de chaque vibration , de sorte que cette méthode
permettait de déterminer les cinq-millièmes de seconde. Le nombre
des vibrations du diapason fut trouvé en enregistrant simultané-
ment, et ces vibrations, et les indications d'une horloge, intro
duite dans le circuit primaire de façon que son pendule, qui
battait les secondes, ouvrît et fermât le courant primaire. La
faible influence de la température avait été déterminée par M.
Donders, au moyen du changement du nombre des battements
obtenus avec un autre diapason maintenu à une température
invariable. A la fin de l'expérience, la pointe du diapason et
les deux tiges de cuivre E et F étaient détachées du cylindre et
de l'anneau, à l'aide de petits leviers que la figure ne montre
pas; on enlevait alors le papier du cylindre, on numérotait les
expériences, on inscrivait auprès de chacune d'elles les observations
nécessaires, et enfin on passait le papier dans une dissolution
alcoolique de vernis , pour fixer le noir de fumée.
La seule résistance que les courants galvaniques induits aient
298 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
à vaincre dans ces expériences est, outre celle du circuit, la
résistance d'un papier fin. Selon que les expériences l'exigeaient,
j'ai fait usage de différentes espèces de papier: pour les courants
très faibles, de papier brouillard très mince, appelé papier à
fleurs, dont la résistance peut bien être regardée comme un
minimum; pour des courants plus forts, de papier de poste très
fin, dit m ail papier, et de papier vélin lustré d'un côté. Le
papier préparé chimiquement, par imbibition avec du prussiate
jaune de potasse et du nitrate d'ammoniaque (ce dernier sel
ayant pour but de maintenir le papier humide), tel qu'on l'emploie
pour les télégraphes écrivants, donne aussi un tracé net du
courant, mais satisfait moins bien que le mailpapier ou le papier
à fleurs. Le Dr. Hoorweg et M. Donders ont expérimenté avec ce
papier. Tout courant induit, qui est physiologiquement percevable,
peut aussi être enregistré sur le papier à fleurs; c'est là, ce me
semble, une preuve de la sensibilité du procédé.
Par cette méthode le courant induit est donc enregistré; il ne
reste plus qu'un problème à résoudre, celui d'enregistrer avec
une exactitude égale, à côté de chaque expérience, l'instant de
l'ouverture et de la fermeture du courant primaire.
Il faut quelque habitude de l'expérimentation pour apprécier
convenablement la difficulté de ce problème et par conséquent
la valeur de la solution, car une exactitude poussée jusqu'aux
millièmes de seconde est une condition nécessaire. Aussi ne pourrai-je
faire connaître de quelle manière je suis parvenu à atteindre
complètement le but, qu'après avoir communiqué un certain nombre
de résultats. Un point qui doit encore être pris en sérieuse con-
sidération dans ces recherches, est le suivant. Si l'on veut
recueillir en totalité des courants induits énergiques, il est
nécessaire que les divers conducteurs de ces courants soient isolés
aussi parfaitement que possible; tous les fils conducteurs doivent
être en fil de cuivre épais, recouvert d'une couche de gutta-
percha, et l'appareil entier qui sert aux mesures doit reposer
sur une table bien isolée, soit par des pieds de verre, soit d'une
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 299
autre manière. Un isolement absolu, pendant une longue durée,
est impossible 5 mais aussi cette condition ne peut-elle être exigée
que lorsqu'on cherche à déterminer des chiffres absolus. Bien
que j'aie procédé comme s'il s'agissait d'obtenir ce degré
d'exactitude, je n'entends pourtant faire valoir mes résultats que
comme des grandeurs relatives, et si je cite quelques chiffres
absolus, par exemple pour la vitesse de l'électricité induite,
cela n'a lieu qu' afin de faire apprécier la méthode.
Quant à savoir si ces chiffres peuvent être mis à côté ou au-
dessus de ceux d'autres observateurs, c'est un point que j'aban-
donne au jugement du lecteur.
Pour avoir une idée claire de l'enregistrement du moment de
l'ouverture et de la fermeture du courant primaire, on peut con-
sulter, comme type de mes expériences, une série de décharges
d'ouverture et de fermeture du Ruhmkorff complet, figurée sur
les planches II et III. Le courant inducteur était fourni par une
pile de 10 éléments de Grove, et le cylindre était recouvert de
mailpapier. D'après la méthode décrite, nous obtenons sur la sinu-
soïde ; après une rotation du cylindre, deux expériences d'ouver-
ture et deux de fermeture. La décharge de fermeture, aussi bien
que celle d'ouverture, donne une série de plus décent étincelles,
qui, d'abord assez éloignées entre elles, se rapprochent ensuite
très près l'une de l'autre, et dont l'ensemble dure pendant 12,
13 ou 14 vibrations. Plus tard nous reviendrons avec détail sur
ces décharges; occupons-nous maintenant de l'enregistration du
courant primaire.
A quel instant le courant primaire est -il ouvert
ou fermé ?
Naturellement, à l'instant où les couteaux des tiges E et F
(v. PI. I) glissent sur la séparation de l'ivoire et du cuivre. Rien
ne serait donc plus simple que de détacher du cylindre et de
l'anneau la pointe du diapason et les tiges E et F , de faire rétro-
grader le cylindre jusqu'à ce que les couteaux , passant de nouveau
sur la séparation, reproduisent l'étincelle, puis d'abaisser la pointe
du diapason et de lui donner un petit choc, de manière à impri-
300 A. I\YLAi>D. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
mer sur le cylindre le point marqué. Le point ainsi obtenu,
immédiatement avant la première étincelle des décharges ou pres-
que en coïncidence avec elle, indiquerait alors le moment de
l'ouverture ou de la fermeture. Mais il est facile de voir que ce
mode d'enregistration n'est pas le meilleur dont on puisse faire
choix. Même en employant une forte loupe pour reconnaître la
position des couteaux, et en opérant avec toute la précision possible, le
résultat reste dépendant du degré d'exercice de la main et de l'œil, et
c'est ce que montrent en effet les expériences exécutées de cette manière.
Il vaut infiniment mieux laisser l'électricité s'enre-
gistrer elle-même. Mais on ne peut demander aucun effet
mécanique à Tétincelle de fermeture du courant primaire , car elle
est trop faible; et quant à l'étincelle d'ouverture, bien qu'elle
soit plus forte, on ne peut pas davantage la charger de percer
du papier, attendu que la moindre résistance empêche la ferme-
ture, qui pourtant doit nécessairement précéder la rupture du
courant. Pour ce motif, j'ai enregistré de la manière suivante.
Après achèvement de l'expérience, dans laquelle le cylindre a
été tourné à la main aussi rapidement que possible , par exemple
en % de seconde, on interrompt pour un instant le contact de
la pointe du diapason et des couteaux avec le cylindre et l'an-
neau , on fait rebrousser le cylindre jusqu'au point d'où l'on était
parti, puis on laisse retomber la pointe et les couteaux dans la
position d'appui. On recommence alors, sans passer préalablement
l'archet sur le diapason, le mouvement direct du cylindre, en
tournant très lentement, surtout aux points de séparation entre
l'ivoire et le cuivre ; la pointe du diapason trace alors une ligne
droite s' étendant sur le milieu de la sinusoïde. A l'instant de
l'ouverture et de la fermeture du courant primaire il passe de
nouveau des étincelles entre la pointe du diapason et le cylindre ,
mais toute la série de ces étincelles , au nombre de plusieurs cen-
taines, coïncide en apparence et forme sur la ligne droite un seul
trou, qui maintenant indique le moment précis de l'ouverture et
de la fermeture (v. PL II). Quand on tourne avec beaucoup de
lenteur, la coïncidence s'obtient très nettement.
DES GOURANTS GALVANIQUES d'iNDUGTION. 301
Dans cette manière de procéder; voici , évidemment, comment
les choses se passent.
Supposons que la première étincelle de la décharge arrive x
vibrations après Tinstant où le courant primaire a été fermé (ou
ouvert), de sorte que tout le courant d'étincelles ait été déplacé
de X vibrations. Si alors on tourne assez lentement pour que le
courant soit réduit à une seule étincelle, il s'agit de savoir de
combien cette étincelle arrive en retard.
D'autres expériences, que j'ai faites, il résulte que la rapidité
d'ouverture et de fermeture est sans influence sur la durée de la
décharge du courant induit. Mais la décharge entière est main-
tenant, par suite de la lenteur de la rotation, réduite à une étin-
celle unique ; désignant donc par v la vitesse de rotation dans la
première expérience, par / la durée totale du courant induit et
par /' le retard; de même par v' la vitesse de rotation de la
seconde expérience, dans laquelle la durée du courant induit est
restée la même et où le retard sur le papier est de :r' vibrations,
nous avons:
dans la le expérience une durée de décharge z=z 14 vibrations = v t.
et un retard x :=zvl',
dans la 2e expérience une durée de décharge =: 1 étincelle =: v' t.
et un retard x' z=v' l'.
Comme 14 vibrations sont maintenant réduites à 1 étincelle ou
à moins de ^-o ^^ vibration, on a v' <2èô^ ^^ par conséquent
aussi x' < y|^ X ; en mesurant donc la distance entre l'étincelle
unique de l'enregistration du courant primaire et la première
étincelle de la décharge, l'erreur ne peut dans ce cas atteindre
.jijf de la valeur. Si cette distance est, par exemple, de 3*^ de
vibration, le retard est 3V X 0 le^ sec. = 0,000136 seconde, valeur
qui ne peut être en défaut de ^ millionième. Il va sans dire que
la mesure des trentièmes de vibration offre des difficultés entraînant
des erreurs plus grandes que celle qui vient d'être évaluée ; mais ,
ici, il ne s'agit que d'apprécier l'exactitude de la méthode.
Le lecteur attentif aura remarqué que, dans la pratique, cette
méthode revient simplement à faire chaque expérience deux fois:
302 " A. NYLAND. SUR TA DUREE ET LA MARCHE
d'abord très rapidement et ensuite très lentement,
ce qui a pour résultat d'éliminer le temps.
Cette méthode m'a servi à étudier différents points^ dont je
traiterai dans l'ordre suivant. En premier lieU; l'induction
volt aï que pure, ou l'action de deux spirales Tune sur l'autre;
ensuite l'induction due à une spirale dans laquelle on introduit
différents noyaux de fer, et celle de l'inducteur de Ruhm -
korff. Puis: l'influence qu'une résistance et une bouteille
de L e y d e ont sur le courant induit ; l'influence que les courants
d'ouverture et de fermeture exercent les uns sur les
autres en cas d'ouverture et de fermeture rapides ; enfin , l'induc-
tion unipolaire. Une modification de la méthode nous donnera
les images de la décharge.
§ 2. INDUCTION VOLTAÏQUE PURE.
Le cas le plus simple qui se présente dans l'induction, est
l'action produite sur une spirale secondaire par une spirale
primaire qu'on y introduit.
Pour faire cette expérience, rien n'eût été plus facile que de
retirer le noyau de fils de fer de l'inducteur de Ruhmkorff, et
d'expérimenter ensuite avec les deux spirales restantes; mais,
dans l'inducteur que j'avais à ma disposition, ce noyau était
fixé si solidement à l'intérieur de la spirale primaire , que je
dus les enlever ensemble et introduire à leur place une autre
spirale primaire. Celle-ci consistait en une seule couche de circon-
volutions, formées par un fil de cuivre, recouvert de soie, long
de 30 mètres et épais de 21 millimètres. A priori, avec une
spirale primaire de ces dimensions, une spirale secondaire telle
que celle qui enveloppait l'inducteur, de 100,000 mètres de
longueur, et 10 bons éléments de Grove comme batterie induc-
trice, on s'attendrait à obtenir une action passablement énergique.
Mais cette action est au contraire extrêmement faible et, physio-
logiquement, à peine sensible. Malgré cela, j'ai parfaitement
réussi à enregistrer les décharges de ces courants induits sur le
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 303
papier à fleurs et sur le mailpapier. Je donne ici les résultats
moyens de plusieurs centaines d'expériences.
Sur le papier à fleurs on obtient une décharge de ferme-
ture qui dure \ vibration et se compose de 10 à 12 étincelles
distinctes. La première étincelle est faible, la deuxième et la
troisième sont bien visibles , les suivantes vont de nouveau en
décroissant. Sur le mailpapier on obtient une décharge qui
consiste en 2 , 3 ou 4 étincelles bien visibles et qui dure environ
\ de vibration. La décharge d'ouverture a une durée plus
courte: sur le papier à fleurs, -\ de vibration, partagé en 7 ou
8 étincelles, dont la première est la plus forte; sur le mail-
papier, l de vibration, avec 3 ou 4 étincelles parfaitement
visibles à l'œil nu.
Si l'on enregistre aussi le courant primaire , on voit que chaque
décharge est un peu retardée, celle d'ouverture de 2V ^ 2V de
vibration. Ce retard correspond au temps que l'électricité emploie
à parcourir tout le circuit secondaire et à accroître sa force
jusqu'au point où elle est capable de percer le papier. Sur du
papier plus épais le retard est toujours un peu plus long, et à
la décharge de fermeture il est aussi un peu plus grand qu'à la
décharge d'ouvertuie. La première étincelle de fermeture étant
faible, et la distance à l'étincelle d'enregistration du courant
primaire devenant par suite incertaine, je me borne à donner
le retard constaté lors de l'ouverture.
Des données qui précèdent il résulte donc que, sur le papier
à fleurs, la décharge de fermeture dure presque 0,002
seconde (1 vibration ■= ^{jr 8ec.)'^\si décharge d'ouverture
est plus courte et ne persiste que pendant environ 0,0013 seconde;
l'une et l'autre sont composées d'étincelles distinctes, qui sont
plus fortes pour la décharge d'ouverture. M. Beetz a obtenu une
décharge de fermeture de 0,012 sec. et une décharge d'ouverture
de 0,003 seconde.
Il en résulte encore que le courant d'induction, qui, selon
tous les physiciens, prend naissance en même temps que le
courant primaire, met -j'o X 24-6 sec. rzr^g'^y sec. à parcourir les
304 A. NYLAiND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
50,000 mètres du circuit secondaire , et à s'élever à une intensité
suffisante pour pouvoir percer du papier à fleurs : cela équivau
drait à une vitesse de 246,000 kilomètres par seconde.
Nous reviendrons plus tard sur ce dernier point.
§ 3. SPIRALE PRIMAIRE RENFORCEE
PAR DES NOYAUX DE FER.
Le premier noyau essayé était un barreau de fer mou de
82 centimètres de longueur et 22 millimètres d'épaisseur. En
employant comme batterie inductrice, de même que dans les
expériences précédentes, 10 éléments de Grove, on obtint les
résultats suivants, qui, comparés à ceux du paragraphe 2,
montrent l'influence considérable qu'un noyau exerce sur le
courant induit.
La décharge de fermeture dure sur le papier à fleurs 10 vibrations.
„ „ mailpapîer 2^ „
„ „ papier vélin 2% „
La décharge d'ouverture dure „ „ papier à fleurs lOj^ „
„ „ mailpapier 4c „
„ „ papier vélin 3 ,,
La décharge de fermeture commence par une étincelle faible,
qui est en retard d'environ y'^ de vibration.
La décharge d'ouverture commence par une étincelle forte
en retard de .y'o ^^ vibration. Ainsi qu'il résulte des chiffres
ci-dessus, cette décharge dure un peu plus longtemps que celle
de fermeture; ses étincelles, à en juger par l'aspect, sont aussi
plus fortes. Nous verrons d'ailleurs plus tard que la décharge
d'ouverture est capable de vaincre la résistance d'une couche
d'air de 14 mm. d'épaisseur, ou, eu d'autres termes, de donner
des étincelles de cette longueur, tandis que la décharge de
fermeture ne peut donner d'étincelles dépassant 6 mm.
La décharge d'ouverture présente donc à la fois une durée
plus longue et une action mécanique plus forte.
Les étincelles obtenues sur mailpapier ont les mêmes caractères
que celles sur papier vélin de la PI. II, mais elles ne montrent
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNRUCTION. 305
pas d'interruptions; on en compte environ 20 par vibration. Les
étincelles sur papier à fleurs ne diffèrent que très peu des
précédentes.
D'autres expériences furent faites avec un noyau composé d'un
faisceau de 45 fils de fer mou, longs de 53'^ cm. et épais
de 1 mm., de sorte que la faisceau avait une épaisseur totale
d'environ 11 mm. Ces fils avaient été rougis, et se trouvaient
par suite recouverts d'une couche d'oxyde, qui les isolait suffi-
samment.
En comparant la masse de fer de ce faisceau à celle du barreau ,
on voit qu'elle est beaucoup moins considérable. Aussi les courants
d'induction obtenus eurent-ils une durée beaucoup plus courte.
La décharge de fermeture dura sur le papier à fleurs 1% vibrations.
„ „ mail papier M „
„ „ papier vélin ^L „
La décharge d'ouverture dura „ „ papier à fleurs l'i „
„ „ mailpapier % „
„ „ papier vélin Va v
Les décharges ressemblent beaucoup à celles du barreau , à cela
près qu'elles s'achèvent en un temps beaucoup plus court. Les
étincelles de fermeture s'accusent presque avec la même force que
les étincelles d'ouverture, mais le retard est un peu plus grand
pour les premières.
Des données qui précèdent , et qui sont de nouveau les moyennes
d'un grand nombre d'expériences, il résulte donc que la décharge
d'ouverture, sauf sur le papier vélin, dure aussi longtemps
que la décharge de fermeture, mais que son retard est moindre.
Des expériences ultérieures, avec éléments de résistance, nous
apprendrons que les décharges peuvent donner, à l'ouverture, des
étincelles de 6 mm., et, à la fermeture, des étincelles de 5 mm.
Au sujet de ces résultats il convient encore de faire la remar-
que suivante.
L'assertion ordinaire, que la décharge d'ouverture donnerait des
étincelles plus fortes parce qu'elle a une duréepluscourte que
la décharge de fermeture, ne paraît pas se vérifier ici. Je
Archives Néerlandaises, T. V. 20
306 A. NYLANI). SUR LA DUREE ET LA MARCHE
regarde comme beaucoup plus probable que la cause doit être
clierchée dans l'acroissemeut plus rapide du courant
j u s q u' à un maximum d' i u t e n s i t é ^ car la durée totale a
peu ou point d'influence: les résultats obtenus avec le barreau
conduiraient même à la conséquence que la cause réside dans la
durée plus longue. La durée totale a peu d'influence^ mais
la faiblesse du retard et la vivacité de la première
étincelle sont en rapport, je pense, avec l'énergie de l'action.
A ce cas d'induction se rapporte aussi l'effet de notre inducteur
complet de Ruhmkorff, où le faisceau se compose de plusieurs
centaines de fils minces de fer mou, tandis que la spirale pri-
maire, beaucoup plus longue que celle employée d'abord, forme
trois couches de circonvolutions.
Nous allons étudier avec soin ces courants d'induction énergiques ,
parce que beaucoup des particularités qu'ils offrent se rencontrent
aussi dans les autres cas.
Commençons par enregistrer sur mailpapier l'induction produite
par une batterie de 10 éléments de Grove. Dans ces expériences
nous n'employons pas de condensateur et nous relions le bouton
a au diapason et b au cylindre.
La décharge de fermeture commence par quelques étin-
celles faibles , mais , après 4 de vibration environ , se montrent
déjà des étincelles mieux accusées. La décharge se transforme alors
complètement: il vient de fortes étincelles, qui se suivent avec
des interruptions de une vibration environ; quelques unes
d'entre elles ne sont pas entourées d'un espace blanc; mais , en regar-
dant contre le jour, on voit, à des distances régulières , les ouver-
tures passablement grandes. Après 6, 7 ou 8 de ces étincelles,
apparaît , sur une longueur de 4 , 5 , 6 ou 7 vibrations , une série
d'étincelles se succédant rapidement, d'abord au nombre de 12
environ par vibration, ensuite plus nombreuses et, dans quelques
expériences, montant jusqu'à 30 par vibration. Ces étincelles décrois-
sent régulièrement en intensité vers la fin et se suivent de plus
en plus rapidement. La durée totale de la décharge est de 13 à
DES COURANTS GALVAiMQUES d'iNDUCTION. 307
14 vibrations ou de ^W ^ ivtï ^^ seconde. On distingue ici claire-
ment trois périodes: la première , s'étendant sur \ de vibration
et composée de petites étincelles accroissantes; la seconde, com-
prenant 6^ 7 ou 8 vibrations et dans laquelle les étincelles se
suivent avec des interruptions d'environ 1 vibration, enfin la
troisième, d'une longueur de 4 à 7 vibrations et qui consiste en
une succession rapide d'étincelles décroissantes. Le courant d'in-
duction correspondant à la fermeture s'élève donc en i de vibration
jusqu'à une certaine intensité, la conserve pendant 6 à 8 vibra-
tions, puis va de nouveau en s'affaiblissant.
Il faut noter ici que , dans la seconde période , parmi les étin-
celles séparées, il peut s'en rencontrer quelques-unes qui 'soient
remplacées par 3 ou 4 petites étincelles.
Le retard s'élève à j'q de vibration environ.
La décharge d'ouverture, qui succède à celle que nous
venons d'étudier, montre un autre caractère, car elle n'a que deux
périodes; en outre, toutes les étincelles sont plus vigoureusement
marquées que celles de la décharge de fermeture. La première
étincelle est ici la plus forte, la seconde ne vient qu'après
une interruption de plus d'une vibration, la troisième après une
interruption un peu plus courte, et à la quatrième ou cinquième
commence la décharge régulière. Celle-ci donne d'abord 6 ou 7
étincelles par vibration, puis environ 12, et, vers la fin, jusqu'à
30. Tout le courant d'étincelles, depuis la première jusqu'à la
dernière, est décroissant, quant à la grandeur des étincelles et
quant à la durée des interruptions. On pourrait admettre ici, presque
à tout aussi bon droit, une période unique, car la période d'in-
terruptions n'est pas limitée nettement.
Le décharge totale dure 14 à 15 vibrations et donne une figure
élégante, — semblable à un collier de perles ondulé.
Le retard , dans cette décharge , est plus petit , mais susceptible
d'une détermination plus rigoureuse , parce que la première étincelle
est forte ; il s'élève , dans la plupart des expériences , à ^V ^^ vibration.
La seconde décharge de fermeture est de tout point semblable
20*
308 A. NYLANI). SUR LA DUREE ET LA MARCHE
à la première, et il en est de même quant aux décharges d'ou-
verture successives.
La description qui précède est applicable à 25 expériences,
exécutées, dans l'espace d'une heure environ, sur une même feuille
de papier. La registration du courant primaire, destinée à déter-
miner le retard, a eu lieu directement après chaque expérience.
Sur cliaque feuille d'expériences ces étincelles de repère sont situées
exactement sur une même ligne droite, ainsi qu'il convient. Les
Planches II et III rendent fidèlement toutes ces particularités,
mais les interruptions, qui sont si nombreuses et si bien
dessinées sur la PI. III, semblent contredire ce que j'ai dit ci-des-
sus de celles des décharges de fermeture. Cela tient à ce
que, dans l'une comme dans l'autre série d'expériences que
reproduisent les deux planches, la communication a été établie
entre a et le cylindre et entre b et le diapason. J'avertirai,
par anticipation, que les interruptions ne caractérisent pas les
décharges d'ouverture ou de fermeture, mais qu'elles sont mo-
difiées par le mode de liaison. Ce fait ressortirait avec
évidence de la comparaison d'un plus grand nombre de figures
de décharges, relatives tant à l'un qu'à l'autre mode de
liaison.
Après avoir communiqué cette expérience sur mailpapier y qui
a déjà servi de type antérieurement, nous allons rechercher quelles
sont, parmi les particularités citées, celles qui peuvent être
regardées comme constantes. A cet effet, nous nous appuierons
sur différentes expériences faites d'une autre manière et dans d'au-
tres conditions.
a. Examinons d'abord ce qui a rapport à la durée. Il ne faut
pas perdre de vue que le papier qui enveloppe le cylindre agit
comme résistance, et qu'il y a par conséquent à tenir grand compte
de la nature du papier employé. Plus celui-ci est mince , plus les
décharges du courant induit persistent longtemps, et cela pour
deux raisons: d'abord, avec du papier plus mince, les dernières
petites étincelles de la décharge seront encore visibles; ensuite,
et surtout, la résistance moindre du papier mince prolongera la
DES COURAiNTS GALVAMQUES d'iISDUCTIOxN. 309
durée du courant, ce dont on donnera plus loin des preuves
frappantes.
C'est p:râce à ces deux circonstances que , sur le papier à fleurs,
toutes les autres conditions restant les mêmes , on obtient un courant
de fermeture qui se prolonge pendant 1 7 vibrations et un courant
d'ouverture d'une durée de 18 vibrations.
Sur le papier vélin glacé, qui est plus épah que le mai (papier ,
la décharge de fermeture dure pendant 5 vibrations et la décharge
d'ouverture pendant 8 vibrations. Mais il ne faut pas croire que ,
sur ce papier plus épais , la queue tout entière des décharges fasse
défaut parce que les dernières étincelles , qui sont toujours les plus
faibles, n'ont pas eu assez d'intensité pour percer le papier. La
durée totale a été raccourcie par suite de la résistance ,
comme nous le verrons plus tard.
L'emploi du condensateur n'a pas d'influence sur la
durée des décharges. Comme il était facile d'opérer alternativement
avec ou sans condensateur, j'ai chaque fois examiné l'effet qui
en résultait sur la durée, mais sans jamais trouver une action
appréciable.
La rapidité d'ouverture et de fermeture n'apporte
pas non plus de changement dans la durée, pourvu que cette
rapidité ne soit pas assez grande pour que les décharges de fermeture
et d'ouverture réagissent l'une sur l'autre. Je pouvais faire tourner
le cylindre 1 ou 4 fois par seconde : le nombre de vibrations qui
exprimait la durée des décharges n'en restait pas moins le même
dans les deux cas.
Il va sans dire que la force de la batterie a de l'influ-
ence , mais la durée des décharges ne croît pas proportionnellement
au nombre des éléments.
Il est aussi très important de remarquer que la durée de la
décharge de fermeture est presque toujours plus petite que celle
de la décharge d'ouverture; avec une batterie énergique , les deux
décharges sont pareilles sous ce rapport. A l'appui de ces deux
faits je citerai quelques observations comparatives faites avec une
batterie de 1 — 10 éléments de Grove.
310 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
Durée de la décliarge de fermeture. Durée de la décharge d'ouverture.
Nombre
Papier à
Papier
Papier à
Papier
d'élémentj
i. Heurs.
Mailpapicr.
véliu.
fleurs.
MailpaiÀer.
. vélin.
1
3 vibr.
0 vibr.
0 vibr.
6 vibr.
2% vibr.
1 % vibr,
2
6 //
21/4 "
0 //
9 //
6% /'
4 //
3
9 //
5 //
0 //
11 //
7% //
5 //
4
10 //
7 //
2 //
12 //
8% //
5% //
5
13 ./
81/2 //
214//
14 //
10 //
6% //
6
14 //
10 //
3 //
14 //
11 //
7 //
7
14 //
11 //
3 //
13 //
11% //
7 //
8
14%.
121/2 "
31/2//
15 //
12% //
7% //
9
15 //
131/2 //
31/2'/
16 „
13 // -
8 //
10
16%.
14 //
41/2//
17%//
15 //
8% //
Je n'ai jamais employé plus de 10 éléments, et dans les expé-
riences avec résistance jamais plus de 4, parce que je craignais
de surcharger l'inducteur. Les chiffres rapportés n'indiquent d'ail-
leurs pas la nécessité d'aller plus loin.
Pour maintenir la batterie autant que possible constante, les
lames de zinc doivent être bien amalgamées, de manière que
lorsqu'on démonte les éléments, ces lames sortent de l'acide sul-
furique étendu avec une surface métallique parfaitement nette;
dans ce cas, la batterie reste suffisamment constante pendant plu-
sieurs heures.
Le mode d'union des éléments n'est pas indifférent. Pour
vaincre une forte résistance extérieure à la batterie, il faut dis-
poser les éléments à la suite les uns des autres, le zinc du
2e élément relié au platine du 1er, le zinc du 3e au platine du
2e, etc. Ce mode d'union était celui qui convenait le mieux pom-
mes expériences, car en plaçant les éléments à côté l'un de
l'autre, de manière à combiner entre eux tous les pôles zinc et
de même tous les pôles platine, l'action obtenue était moins
énergique.
Dans les expériences relatives à l'induction voltaïque, où la
spirale primaire était plus courte, les deux modes d'union produi-
saient le même effet.
Le mode de liaison {a avec le diapason et b avec le cylin-
DES COL'BAMS GALVAMQCES d'lNDUCTIO.N. 311
dre, ou a avec le cylindre et h avec le diapason) n'a d'influence
que sur les interruptions ^ comme on le verra plus loin.
h. Les interruptions, dont il a déjà été dit quelques mots
ci-dessus, méritent bien de faire l'objet d'un examen spécial.
Ainsi que nous l'avons indiqué, elles sont surtout nombreuses
dans la 2c^t- période de la décharge de fermeture, lorsque
b est relié au cylindre et a au diapason. Quand on se sert de
papier vélin , sur lequel les interruptions sont très longues (quel-
ques-unes de 3 vibrations) , on voit distinctement , pendant l'expé-
rience, de la lumière électrique voltiger à la surface du papier,
ce qui ne serait pas possible si l'électricité choisissait le chemin
le plus court entre la pointe du diapason et le cylindre. De plus, —
et ce fait est en relation évidente avec le premier, — il n'est pas
rare de trouver en pareil cas-, sur le noir de fumée, une ligne
ou trace granuleuse et mate , visible sous une incidence oblique
de la lumière, et s'étendant sur une partie plus ou moins consi-
dérable de riuterruptiou, jusqu'à l'endroit de l'étincelle précédente,
surtout lorsque celle-ci a percé dans le papier un trou relativement
grand. La trace mate a le même aspect que si, jusqu'à une cer-
taine distance, de l'électricité avait afflué de chaque point de la
sinusoïde vers le trou : partout elle part manifestement , en se diri-
geant à peu près par le chemin le plus court , du côté des vibra-
tions tourné vers le trou.
Quand on renverse le courant induit, en reliant le bouton
h au diapason et a au cylindre, ce sont les décharges d'ou-
verture qui offrent le plus d'interruptions {v. PI. III), tandis
que dans le cas précédent elles se montraient surtout dans la
décharge de fermeture. La décharge figurée sur la PI. III peut
donc , en ce qui concerne les interruptions, passer aussi
bien pour une décharge d'ouverture que pour une décharge de
fermeture. Or on sait, d'autre source, que le courant d'induction
auquel donne lieu la fermeture a une direction opposée à celle du
courant induit à l'ouverture du circuit primaire, de sorte qu'il est
certain que la décharge présente d'autres interruptions lorsque
Télectricité se rend de a, à travers le cylindre, vers le diapason ,
312 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
que lorsqu'elle prend le chemin opposé. Il est d'ailleurs aisé de
comprendre que le cylindre , vu la grande étendue de sa surface ,
doit exercer une certaine influence. Après avoir façonné en pointe
aiguë les extrémités G et S des deux conducteurs d'égale lon-
gueur a G et h S, je les mis en contact avec le cylindre entier.
En d'autres termes: je laissai enregistrer les deux élec-
trodes a et b. A la fermeture du courant primaire, on obtient
alors deux tracés à côté l'un de l'autre, et de même à l'ouver-
ture (v. PL IV). Or, entre le tracé de a et celui de hj on ne
distingue, quant à l'aspect des étincelles, absolument aucune
difîerence; les interruptions seules sont dissemblables. L'électrode
a donne lors de la fermeture moins d'interruptions que h , mais
elle en donne plus que b lors de l'ouverture. La différence de
chemin et par conséquent l'influence du cylindre se manifestent
ici avec pleine évidence. Du reste , le fait qu'il se produit de très
belles interruptions, d'aussi longue durée que dans la méthode
ordinaire , — mais un peu moins nombreuses, parce que la décharge
entière, à cause de la double résistance du papier , est plus courte
(à côté on enregistrait par la méthode ordinaire) , — ce fait prouve
que le cylindre, qui n'est ici traversé que sur une très petite
partie, n'est pas la cause unique des interruptions. C'est ce que
confirment des expériences postérieures (v. § 8).
L'épaisseur du papier, ainsi que nous l'avons déjà dit, a une
grande influence sur la durée des interruptions , celles ci étant plus
longues sur le papier vélin que sur le mailpapier, tandis que sur
le papier à fleurs elles sont encore plus courtes que sur le tnail-
papier. Dans quelques expériences même , je n'ai pas obtenu une
seule interruption sur le papier à fleurs ; mais alors on voit , à des
distances d'une vibration entière ou d'une demi- vibration, des étin-
celles plus fortes, tranchant sur les étincelles plus faibles qui
les précèdent et les suivent , de sorte que les espaces vides sont
ici remplis par de petites étincelles, ce qui est également une
preuve de périodicité.
L'influence de la force de la batterie ressort des chiffres sui-
vants , relatifs à la durée de la première interruption
DES COURANTS GALV4IVIQUES D INDUCTION.
313
lors de la décharge d'ouverture, dans 4 expériences sur
papier vélin, où l'on employait 1 à 10 éléments de Grove comme
batterie inductrice (v. PI. V, sur laquelle sont figurées deux de
ces expériences).
Durée de la première interruption à l'ouverture,
lèie expér. 2e expér, 3^ expér. 4e expér.
1 élément 0 vibr. 0 vibr. 0 vibr. 0 vibr.
2
4
5
6
7
8
9
10
U
11
2
2îi
2V4.
2V4.
211
1
H
11
m
ii
3
li „
1^4
3/4 „
l'A
l'A "
2^
2 //
2î^
2 //
21
2 //
234
2 //
2%
2è '^
2J
3 //
3
On voit clairement que la durée de la première inter-
ruption est plus grande à mesure que la batterie est
plus forte.
Ces quatre expériences ont été exécutées (deux à deux) direc-
tement l'une après l'autre.
Si les chiffres obtenus dans ces quatre expériences ne sont pas
exactement les mêmes, il faut en accuser probablement le défaut
d'homogénéité du papier ; mais la régularité de leur accroissement ,
à une exception près, démontre complètement le fait avancé.
A la fermeture, l'interruption est, dans ces mêmes expériences ,
plus grande avec 10 éléments qu'avec tout autre nombre plus
faible , mais l'accroissement n'est pas aussi régulier. On doit aussi
tenir compte ici de ce que la décharge de fermeture ne devient
bien visible sur ce papier qu'avec une batterie de 5 éléments, et
de ce que les premières et faibles étincelles (i'. plus haut) ne
limitent pas nettement les interruptions.
c. L'étude des étincelles, à part les interruptions, ne nous
apprend pas grand'chose.
Le nombre des étincelles à la fin de la décharge, sur papier
vélin, est ordinairement de 16 par vibration, tant à l'ouverture
qu'à la fermeture ; sur mailpapier il est de 25 à 30 , et sur papier
314 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
à fleurs encore plus grand. Au milieu, ce nombre est plus petit,
de sorte qu'il est parfois impossible de savoir où les interruptions
cessent. Dans la plupart des expériences toutefois , après la décharge
en étincelles éloignées l'une de l'autre de 3, 2 ou 1 vibrations,
commence brusquement la décharge en étincelles de 20 par vibration.
L'examen microscopique des différentes étincelles montre que
l'ouverture percée dans le papier est assez grande pour les premières
étincelles de la décharge, plus petite pour les suivantes, surtout
pour celles de la dernière période. Quelquefois les trous sont per-
cés obliquement , quelquefois des fibres du papier ou des particu-
les charbonneuses sont restées adhérer à l'intérieur ; dans les der-
nières étincelles les trous sont douteux , mais on continue à obser-
ver les espaces blancs qui se voient aussi autour des ouvertures ,
grandes ou petites, et qui sont dus à ce que les particules de
noir de fumée ont été projetées et réunies en particules plus gros-
ses , de sorte que la surface blanche du papier est devenue appa-
rente. Le bord des ouvertures est roussi par combustion; cette
partie roussie est visible à l'envers du papier, et toujours la décharge
transporte à travers le papier des particules charbonneuses, qu'on
retrouve sur le cylindre après en avoir enlevé le papier. Contre
la luQiière les ouvertures se voient facilement. Entre deux étincelles
voisines on ne peut observer aucune différence de forme; il est
aussi impossible de distinguer dans quelle direction l'électricité
a traversé le papier. Si l'on retourne le papier sur le cylindre,
de ffiçon que la pointe du diapason écrive sur la face blanche,
il n'en vient pas moins des ouvertures entourées d'une zone blanche
sur la face noircie.
§ 4. IiN'FLUEIS'CE d'une RESISTANCE.
La méthode que nous suivons dans notre étude expérimentale
consiste, au fond, à offrir au courant induit la résistance d'un
papier mince et à conclure, de l'action produite sur celui-ci, la
durée et la marche du courant. Pour savoir quelle est cette durée
lorsqu'il n'y a aucune résistance autre que celle des conduc-
teurs, il faudrait employer une méthode n'apportant absolument
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 315
aucun obstacle à la propagation du courant. M. le professeur
Donders a pu réaliser cette condition à l'aide d'un artifice que
j'ai appliqué également, avec une légère modification. M. Donders
dit (Onderzoekitigen gedaan op het Physiol. Labor. te Utrecht, II,
1868—69, p. 317): ,,Lorsque, la pointe du diapason vibrant
étant en contact avec du métal, l'électricité d'induction peut s'écou-
ler immédiatement et d'une manière continue, la décharge dure
beaucoup plus longtemps , et, 0,1 sec. (24 vibrations) après l'ouver-
ture, il se décharge encore des étincelles lorsque la pointe vient
à passer du métal sur le papier."
Les expériences de M. Donders furent effectuées en enveloppant
le cylindre d'une feuille de tain, recouvrant celui-ci de papier,
et découpant dans le papier, à l'endroit où devaient se faire les
décharges d'ouverture et de fermeture, un triangle rectangle, de
manière à fournir à la pointe traçante un contact métallique.
Dans tous les tours, les premières étincelles des décharges
d'ouverture et de fermeture se trouvaient, sur une ligne parallèle
à l'un des côtés de l'angle droit, à une petite distance en avant
ou à l'intérieur des triangles respectifs^ et la pointe quittait le
triangle du côté de l'hypothénuse, après un contact métallique
dont l'étendue augmentait successivement, depuis le premier
tour, qui correspondait au sommet de l'angle aigu, jusqu'au
dernier.
Afin de pouvoir faire photographier l'expérience, j'ai supprimé
le tain , qui devait servir à rendre les vibrations visibles , et je
me suis borné à découper, à l'aide d'un couteau bien tranchant ;
des triangles dans le papier enfumé, aux endroits indiqués
ci-dessus. La pointe aiguë du diapason, tout eu continuant
d'appuyer, passait alors du papier sur le cuivre et repassait ensuite
sur le papier, sans déchirer celui-ci. Même sur le papier à fleurs
l'expérience réussissait toujours très bien.
Le résultat de cette trouée faite dans le papier est donc que,
lors de la décharge et pendant un temps plus ou moins long , le
courant n'éprouve aucune résistance. Le plus sûr est de laisser
tomber sur le papier au moins les premières et les dernières étin-
316 A. IVYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
celles; alors il n'y a pas de doute relativement à la durée ^ car^
à Taide des vibrations qui précèdent et qui suivent , on peut déter-
miner, avec un degré suffisant de précision, le nombre des vibra-
tions invisibles que la pointe du diapason a exécutées sur le cuivre.
L'expérience est figurée, avec ses résultats, sur la PI. VI.
Dans le cas du courant induit de 4 bons éléments de Grove,
lequel, sur papier vélin, à l'ouverture du circuit primaire, dure
pendant 6^ vibrations, le contact métallique produit l'effet suivant:
Décharges d'ouverture.
vibr. sui' métal 4 y2 vibr. sur papier, ensemble 7 vibr.
H II II 4 ^l<^ Il II II II 8 ^l'z II
Il II II 3 ^4 " " " " 12 "
Il II II 3 // // // // 12 //
// // // 3 // // // // 13 //
// // // 2% // // // // 14 //
// // // 11^ // // // // 21 !4 //
// // // 1 // // // // 24 //
// // // y^ " " " " 29'/^ //
// // // 1/2 // // // // 26% '/
%
vibr.
sur
papier
2
%
Il
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'/
31/2
%
II
//
II
8
%
II
//
II
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%
"
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II
9 14
%
II
//
II
11
%
r
//
II
19
1
II
//.
II
22
1
II
//
II
28
1
II
//
II
25
1
II
//
II
27
28%
11 résulte de ces expériences, surtout des dernières, que le
courant, là où il est sans résistance, dure presque 5 lois
aussi longtemps.
Sur papier à fleurs, où l'expérience fut appliquée tant aux
décharges d'ouverture que de fermeture, la durée de la décharge
était, dans les deux cas, de 16 vibrations, et le contact métallique
avait l'effet suivant:
Décharges de fermeture. Décharges d'ouverture.
Siu- papier. Sur métal. Sm- papier. Ensemble. Sur papier. Siu- métal. Siu' papier. Ensemble.
1 vibr. 2 Va vibr. 13 vibr. 16 1/2 vibr, 1 vibr. 1 vibr. 1 1 Ya vibr. 1 6 y^ vibr.
Va
// 6
//
12 /
18%
//
%
II
3%
//
12
Il m^
y2
// 10
'/
10 /
' 20%
//
%
II
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%
// 10%
II
10
/ 21
II
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II
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//
9
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%
// 12
II
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II
%
II
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//
6
// 203^
¥2
» 15
II
6 /
21%
II
%
II
17%
//
5
// 2314
%
// 16
II
5 /
/ 21%
II
%
II
18
'/
5
// 2334
DES COURANTS GALVANIQUES D INDUCTION.
317
Une autre série crexpérieiices sur papier vélin, où le triangle
était coupé de telle sorte que , dans les premières expériences , la
1ère étincelle tombait sur cuivre, et dans les suivantes sur papier ,
me donna les résultats suivants:
Décharges d'ouverture.
Sur papier.
Siu-
métal.
Sur
papier.
Ensemble.
0 vibrations.
r4 vibrations.
51/2 vibrations.
5%
vibrations,
0
1%
If
51/4
Il
^^3/i
■
0
2%
II
5
II
7y2
II
0
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II
4
II
7X
»
0
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II
4
II
8%
II
0
7
II
31/2
II
ioy2
II
0
8
II
3%
II
11%
II
Sur le bord.
9%
II
3
II
121/2
,1
% vibrations.
91/2
II
2%
II
1214
„
Va
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II
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II
%
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il
2
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II
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15
II
2
II
18
II
1 //
17
II
2
II
20
II
11^
20
II
2
II
2314
II
114
21%
//
1%
II
2414
II
1%
25
1'
%
II
27
II
Ces expériences nous apprennent deux faits:
P. Lorsque la résistance esti=0 le courant
dure plus longtemps: 5 fois aussi longtemps qu'avec la
résistance du papier vélin, et au moins 1% fois aussi longtemps
qu'avec la résistance du papier à fleurs. Ce fait pouvait être prévu ,
car nous savions déjà que le même courant de 4 éléments dure
6^^ vibrations sur papier vélin et 16 vibrations sur papier à fleurs.
2". Le courant d'ouverture et celui de ferme-
ture ont la même durée. C'est ce qu'indiquaient déjà toutes
les décharges, mais l'expérience actuelle sur papier à fleurs , avec
résistance nulle, le démontre de nouveau.
Ces deux faits soulèvent naturellement les questions suivantes :
Quelle idée doit-on se faire de la décharge pour expliquer le
premier fait et , en même temps , cet autre , trouvé précédemment ,
318 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
que la première interruption est plus longue à mesure que la bat-
terie devient plus forte?
Comment le second fait peut-il s'accorder avec la théorie ordi-
naire^ d'après laquelle toute Faction du courant induit à l'ouver-
ture est plus énergique que celle du courant de fermeture ^ p a r c e
que la durée est plus courte?
Je ne hasarderai pas d'hypothèses relativement à la première
question ; attendu que cela a été fait avant moi par d'autres;
c'est un point sur lequel nous reviendrons dans nos conclusions.
La réponse à la seconde question a déjà été donnée ci-dessus.
(v, p, 306.)
A côté de ces expériences se place la suivante de M. Donders ,
dans laquelle la résistance zéro est remplacée par celle du mica.
Quand on colle sur le papier des triangles de mica, de manière
que la pointe du diapason glisse sur le mica pendant une fraction
de plus en plus grande de la décharge, le courant s'abrège à
mesure que la résistance du mica dure plus longtemps. Dans une
expérience sur papier vélin, où la décharge d'ouverture de 4 élé-
ments de Grove durait pendant 7 vibrations , 3 vibrations sur mica
étaient suffisantes pour supprimer le reste de la décharge.
La résistance ordinaire dont j'ai fait usage est la r é s i s t a n c e
de l'air entre les deux pointes d'un micromètre à étincelles,
introduit dans le fil conducteur qui relie a ou b au diapason. Avec
cette résistance il a été fait un grand nombre d'expériences, qui
ont fait ressortir clairement trois faits principaux, savoir:
Inaction mécanique plus intense de la décharge
d'ouverture;2"un retard qui croît avecla résistance;
3** l'influence du condensateur.
On a employé ici le Euhmkorff complet, quoique d'abord sans
condensateur, et 4 éléments de Grove. Le micromètre à
étincelles était introduit dans le fil conducteur allant de b au
diapason. L'instant de l'ouverture ou de la fermeture du cou-
rant primaire était toujours enregistré avec une distance micromé-
trique = zéro.
DES COURANTS GALVANIQUES F) L\I>U(yriOIV.
319
Pour les décharges d'ouvert u r e on obtint sur papier vélin
les chiffres suivants:
Distance des pohites. Durée de la décharge. Retard.
6.4 vibrations. 0,05 vibrations.
4.8 // 0,05
4.5 // 0,05 //
4 /' 0,05 //
4,3 // 0,05
3.2 // 0,05
3,2 // 0,06 //
2 // 0,06
2,5 " 0,12
2,5 " 0,15 ff
1.5 // 0.32 //
1.9 // 0,33
1,8 // 0,35
1.6 // 0,44
1,5 // 0,51
1,2 /' 0,60
0,5 // 0,72
0,25 // 0,68
0,50 // 0,74 //
1 étincelle. 0,74 //
0,2 vibration. 0,74 //
1 étincelle. 0,70 //
1 // 0,70
rien. — //
0
millim
1
//
2
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3
II
4
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II
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II
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II
13
II
14
II
15
II
16
II
17
II
18
II
19
II
20
II
21
II
22
II
23
II
La durée des décharges croît donc à mesure que
la résistance augmente, mais non pas dans le même rap-
port. Si l'on prend les résistances pour abscisses et les durées
pour ordonnées, on obtient une ligne de forme parabolique.
Le retard croît avec la résistance jusqu'à un maximum
d'environ ^ de vibration, après quoi il ne paraît pas augmenter
davantage , comme on peut le voir plus haut et comme il résulte
d'ailleurs de toutes les autres expériences. On pourrait croire qu'il
s'agit ici, au lieu d'un retard, de la non-observation de la première
étincelle; mais, pour la décharge d'ouverture, cela n'est pas pos-
sible, vu qu'ici la première étincelle est la plus forte et la seule
320 A. NYLAIVn. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
qui passe jusqu'à ce que la résistance atteigne 23 millimètres d'air.
Kelativement à ces résultats^ on ne doit pas oublier que la
résistance se compose ici d'une partie croissante, due à l'air, et
d'une partie constante, due au papier (en négligeant la résistance
habituelle, celle du fil conducteur).
Les décharges qu'on obtient en introduisant cette résistance res-
semblent parfaitement aux décharges ordinaires, pour ce qui con-
cerne les interruptions, le nombre des étincelles, etc.
Lorsque le micromètre à étincelles est placé entre b et le cylin-
dre, on n'observe d'abord aucune différence , mais , avec une résis-
tance plus grande, on conserve la décharge unipolaire constante
de a (v. plus loin), ce qui était à prévoir.
La décharge de fermeture, qui, sur ce papier vélin,
avec une distance microraétrique = 0, dure pendant trois vibra-
tions, est déjà entièrement supprimée par une résistance de
2 millimètres. Avec 1 millimètre de résistance j'obtenais encore,
parfois, une étincelle unique. C'est là une différence capitale avec
la décharge d'ouverture, qui est en état de vaincre une résistance
d'air de 22 millimètres.
Mais il ne suffit pas d'avoir reconnu le fait de la prompte
cessation des décharges de fermeture, il faut encore voir quelles
sont les étincelles qui disparaissent les premières, afin d'en tirer
des conclusions relativement à la marche du phénomène.
A cet effet, portons le micromètre à étincelles à des distances
plus petites que 1 et expérimentons sur le papier à fleurs. Avec
3 éléments de Grove on obtient alors les résultats suivants:
Décharges d'ouverture. Décharges de fermeture.
Distance
des pointes. Durée. ^ Retard.
0 millim. 8 Va vibrât. 1/20 vibrât.
14. // 41/2 " 1/20 "
2/4 // 4 // 1/20 /'
^ I ', " 4' // 1/20 " " —
'^ / 4 // 3 // ^ 1 2 0 " "
De ces expériences et de beaucoup d'autres il résulte donc
que la décharge de fermeture, longue de une vibration, qui se
Durée.
Retard.
8 f,i vibrât.
1/20 vibrât.
1
rien.
1/3 „
nES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 321
produit encore avec %, de millim. de résistance d'air, est répartie
sur la première et sur le commencement de la seconde vibration,
d'où Ton peut conclure que la décharge ordinaire de S% vibra-
tions a atteint son maximum après une demi-vibration environ,
ainsi que nous l'avons déjà avancé précédemment, (v. p. 307.)
Les décharges d'ouverture commencent ici, comme partout,
par une forte étincelle.
Ces expériences avec 3 éléments de Grove montrent les décharges
d'ouverture comme très faibles, mais, quant à la durée, en
cas de distance micrométrique zéro, comme aussi
longues que les décharges d'ouverture.
Avec 10 éléments de Grove elles sont plus intenses et peuvent
déjà vaincre une résistance d'air de 5 millimètres.
Voici les résultats sur papier à fleurs:
Décharg
es d'ouverture.
Décharges c
le fermeture.
Distance
des pointes.
Durée.
Retard.
Durée.
Retard.
1 milliin.
15
vibrât.
W20
vibrât.
13 vibrât.
1/20 vibrât.
2 //
10
Il
'/20
Il
71/2 /'
2/2 0 "
3 //
10
II
^' 2 0
II
7 "
3/20 "
4 /'
9
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*/2 0 "
5 f
6 /'
8
8
II
^/20
II
0% //
rien
V20 "
II
*/io
II
1 " 1 " ^1 10 " " ■ ~
On voit que la décharge de fermeture, qui avec 5 millim. de
résistance d'air s'étend encore sur Q% vibrations, s'arrête brus-
quement pour une résistance plus grande; c'est là un fait très
caractéristique.
En outre, cette décharge, qui, étudiée sans résistance d'air,
ne montre pas d'interruptions proprement dites , mais des étincelles
périodiquement plus fortes, commence, en cas de résistance de
1, 2, 3, 4 et 5 millim. d'air, par 5^ vibration d'étincelles faibles et
croissantes, et offre alors, pendant 4 vibrations, des interruptions
telles qu'on ne trouve qu'une couple d'étincelles par vibration ;
ensuite, il vient encore, sur une longueur de 2 à 2% vibrations,
des étincelles serrées les unes contre les autres, d'environ 20 par
Archives Néerlandaises. ï. V. 21
322
NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
vibration. Ces deux faits corroborent ce que nous avons dit antérieure-
ment de la division du courant de fermeture en 3 périodes.
Lorsqu'on exécute les mêmes expériences avec le conden
sateur^ on observe deux grandes différences. D'abord on peut
pousser la résistance beaucoup plus loin lors de la décharge
d'ouverture, et ensuite le retard est beaucoup plus petit.
Pour introduire le condensateur dans le circuit primaire, on a
relié le bouton de cuivre C avec D, et B avec A.
Avec une batterie de 4 éléments de Grove j'ai fait, à une demi -
heure d'intervalle, les deux expériences suivantes sur papier à
fleurs; à ce moment, la batterie était déjà en action depuis 5
heures, de sorte que sa force ne peut avoir varié beaucoup pen-
dant ces deux expériences.
Décharges d'ouverture.
Sans condensateur.
Avec (
îonden
Lsateur.
Distance
des pointes.
0 millim.
Durée.
13 vibr.
Retard.
0,05 vibr.
Distance
des pointes.
0 millim.
Durée,
13 vibr.
Retard.
0,05 vibr.
2
Il
5%
Il
0,05
II
2
II
5%
II
// //
4
II
4
II
0,07
'1
4
II
4%
II
// //
6
II
31/2
II
0,10
II
6
II
31/2
II
// //
8
II
3
II
0,14
II
8
II
3
II
// //
10
ti
2%
II
0,10
II
10
II
22/.
"
// //
12
II
2
II
—
II
12
II
2
II
//
14
II
1%
II
0,13
II
14
"
1%
II
// //
16
II
1
II
0,!2
II
16
II
1%
II
// //
18
II
1
II
0,20
II
18
II
1%
II
// //
20
II
%
II
0,27
H
20
"
1%
II
// //
22
II
'/«
II
0,42
II
22
II
Mi
II
// //
21
II
une étinc.
0,48
II
24
II
1^/4
II
// //
26
II
rien.
II
26
28
30
32
34
36
38
40
II
II
II
II
II
II
1
1
%
%
%
y^
Va
'/s
II
II
II
II
II
II
II
// //
0,09 //
— Il
0,09 //
0,10 //
0,10 II
0,10 //
42
II
une étinc.
0,10 //
44
II
Il
— //
DES COURANTS GALVÂ.MQUES I) INDUCTION.
823
Le condensateur accélère donc le courant
d'ouverture, prolonge sa durée et lui fait vaincre
une plus grande résistance.
Les décharges de fermeture cessèrent complètement, dans les
deux cas, pour une résistance de 2 millimètres.
Sur papier vélin, avec 4 éléments plus forts, j'obtins les
nombres suivants :
Décharfres d'ouverture.
Sans condensateur.
A^
rec
condensateur.
Distance
Distance
des pointes.
Durée.
Retard.
des
pointes.
Durée.
Retard.
25 millim.
une étinc.
0.62 ribr.
25
millim.
1
vibr.
0,17 vibr.
30 //
rien.
— //
30
Il
2
étinc.
0,14 1'
35 /'
Il
— //
35
II
Il
— //
40
II
II
0,20 //
45
II
II
0,22 /'
50
„
II
0,20 /'
55
II
II
0,21 1'
60
II
II
0,20 //
65
II
,1
0,25 /'
nombres d'où les conclusions tirées plus haut ressortant avec
encore plus de force.
§ 5. COURANTS d'induction RENFORCES
PAR UNE BOUTEILLE DE LEYDE (voir PI. YIII).
Le renforcement des décharges des courants d'induction par
une bouteille de Leyde est un fait connu.
Dans mes expériences, la bouteille était placée entre a et h
{y. PI. I), de telle sorte que (/ communiquait avec l'armature
extérieure de la bouteille et h avec l'armature intérieure, ou
vice-versâ, ce qui n'amène aucune différence.
L'électricité induite qui vient des extrémités a et h de la spirale
secondaire se répand alors sur les armatures de la bouteille, —
celle de a sur l'armature extérieure, celle de h sur l'armature
intérieure , — où elle se condense : mais immédiatement après
elle se décharge , par les conducteurs a G et /^ S , entre la pointe
du diapason et le cylindre. Elle ne retourne pas dans la
spirale secondaire; c'est ce qu'établissent les expériences.
21*
324 A. NYLANI). SUR LA DUREE ET LA MARCHE
Ces décharges sont beaucoup plus fortes que les décharges
ordinaires^ bien qu'elles aient une durée au moins égale. Les
étincelles individuelles ont un autre aspect: elles sont plus
irrégulières, et les espaces blancs autour des ouvertures sont
beaucoup plus larges et se confondent entre eux. Les ouvertures
ont aussi un tout autre caractère : si , précédemment , elles
paraissaient comme brûlées , maintenant elles ressemblent à des
trous percés dans le papier au moyen d'une pointe aiguë, et
autour desquels le papier montrerait un bord relevé; ce bord est
relevé aussi bien à l'ouverture qu'à la fermeture du courant
primaire et soit que a ou h communique avec le diapason , de
sorte qu'on serait conduit à penser que l'électricité a toujours
marché du cylindre, à travers le papier, vers la pointe du
diapason , ce qui pourtant ne peut avoir été le cas. Mais on doit
être prudent dans les inductions sur la direction, car il y a ici
encore autre chose à voir. Les étincelles sont liées entre elles;
on dirait que chaque étincelle a une queue qui l'unit à la suivante,
parfois à une suivante qui n'a pas percé de trou; de sorte qu'il
semblerait que l'électricité qui arrive perce une ouverture et que celle
qui marche en sens opposé prend son chemin par cette même
ouverture.
Le nombre des étincelles est, sur papier vélin, plus petit que
dans les décharges sans bouteille de Leyde, mais nous avons
ici une autre distribution. D'abord, il n'y a pas d'interrup-
tions, de sorte que la décharge sur mailpapier, par exemple,
commence immédiatement par des étincelles au nombre d'une
vingtaine sur chaque vibration ; ce nombre devient plus petit
vers la fin de la décharge, et les dernières vibrations ne comptent
que 6 ou 8 étincelles, ou moins encore. Au contraire, sans
bouteille dans le circuit, les décharges montrent, dans le même
cas, beaucoup d'interruptions et un nombre d'étincelles qui croît
vers la fin.
Le papier à fleurs, sur lequel j'enregistrai avec et sans bouteille
de Leyde, au moyen de 5 éléments de Grove, accusait aussi
cette différence très-distinctement:
DES COURANTS GALVA.MQUES d'iNDUCTION. 325
Décharges d'ouverture.
Avec bouteille de Leyde. Sans bouteille de Leyde.
Durée totale. Nombre d'étincelles. Durée totale. Nombre d'étincelles.
14 Va vibr. sur la 1^ vibr. 24i 18 vibr. sur la le vibr. 10
// // 3e // 21 // // 3e ,/ 12
// // 7e // 20 // // 7e ,/ 20
// // 12e „ 12 ,/ „ 12e „ 24-
// // dernière // 8
Décharges de fermeture.
Avec bouteille de Leyde. Sans bouteille de Leyde.
Durée totale. Nombre d'étincelles. Durée totale. Nombre d'étincelles.
13 vibr. sur la le vibr. 30 environ. 12^^ vibr. sur la le vibr. 30 environ.
3e ,/ 30
7e // 30
12e . 12
3e // 30
7e // 30
12e „ 40
Dans les décharges d'ouverture sans bouteille de Leyde ou
voit en outre quelques étincelles plus grandes que les autres,
mais dans celles avec bouteille de Leyde les étincelles décroissent
régulièrement en grandeur et en nombre.
Le retard est à peu près le même dans les deux cas.
La durée totale des décharges est, avec bouteille de Leyde,
un peu plus longue, ainsi qu'il ressort des chiffres ci-dessus.
Lorsqu'on introduit un micromètre à étincelles dans la partie b S
du circuit, les décharges de fermeture s'arrêtent. La décharge
d'ouverture donne un coup intense et marque sur le papier un
petit nombre d'étincelles, entourées de larges espaces d'un blanc
mat; avec 25 millimètres de distance des pointes et sans con-
densateur, il ne passe plus qu'une seule de ces étincelles, qui
est en retard de ^ . de vibration. Cette décharge est incapable
de vaincre une résistance plus grande, tandis que la décharge
sans bouteille de Leyde pouvait surmonter , dans ce cas , une
résistance de 40 mm. d'air et avait alors le même retard.
En résumant les résultats , nous voyons que les décharges avec
bouteille de Leyde dans le circuit sont plus intenses, qu'elles
n'ont pas d'interruptions, qu'elles sont un peu plus
longues que les décharges ordinaires , que le nombre d'étincelles
326 A. NYLANU. SUH LA DUHÉK ET LA MARCHE
est plus petit et diminue vers la fin de la décharge, et que
celle-ci est moins apte à vaincre la résistance de l'air.
11 n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que ces décharges s'éloignent
tant des décharges ordinaires, car nous avons affaire ici à un phéno-
mène tout différent : l'électricité s'accumule d'abord sur les armatures
de la bouteille de Leyde, et ce n'est qu'ensuite qu'elle se décharge.
§6. influence reciproque des courants
d'ouverture et de fermeture.
La méthode suivie dans nos recherches est combinée de manière
à maintenir toujours séparées les décharges d'ouverture et de
fermeture, afin de pouvoir les étudier chacune à part. Quant à
ce qui doit arriver lorsque les deux courants peuvent agir l'un
sur l'autre, il est possible de le prévoir jusqu'à un certain point ;
car, de quelque manière qu'on se représente les actions d'induc-
tion, celles qui se manifestent à l'ouverture du courant primaire
doivent toujours être en sens contraire de celles auxquelles
donne lieu la fermeture de ce courant, de sorte qu'on peut
s'attendre, dans ces expériences, à une neutralisation ou un
renversement réciproque. Lorsqu'on ferme par exemple le circuit
primaire, le noyau devient magnétique et induit un courant dans
la spirale secondaire; si alors on ouvre le circuit avant que le
noyau ait pris le maximum de magnétisme, il se produit un
renversement on une destruction totale ou partielle du magnétisme
et par conséquent aussi du courant induit. La question est seule-
ment de savoir avec quelle rapidité ce renversement ou cette
destruction de courants peut se faire.
En collant des bandelettes de papier sur le cuivre , ou de tain
sur l'ivoire de l'anneau du cylindre, je réussis aisément à faire se
succéder l'ouverture et la fermeture en un temps moindre que celui
qui est nécessaire aux courants pour s'écouler. La décharge
ordinaire d'ouverture de 10 éléments de Grove, de force médiocre ,
durait sur mailpapier 8 vibrations, et la décharge de fermeture
6 vibrations, tandis que l'ouverture avait lieu parfois moins d'une
vibration après la fermeture.
DES COURANTS GALVANIQUES u'iNDUCTION. 327
Lorsque la rupture du circuit primaire s'effectuait y^ vibration
après la fermeture, la fin de la décharge de fermeture et toute
la décharge d'ouverture étaient perdues; lorsque la rupture s'opérait
après ^ de vibration, j'obtenais pendant^ vibration des étincelles
d'ouverture. Il en était de même dans le cas opposé: en fermant
de nouveau, 2 vibrations après l'ouverture du circuit primaire,
rien ne se produisait sur le papier; en fermant après 3 vibra-
tions, j'obtenais pendant 2 vibrations des étincelles de fermeture,
qui apparaissaient très rapidement. Les étincelles d'ouverture
décroissent rapidement par le renversement, et V20 ^^ vibra
tion après la dernière et très petite étincelle
d'ouverture se montre déjà la première étincelle de ferme-
ture, de sorte que le passage d'une décharge à l'autre a lieu
en V20 cle vibration.
Le tableau suivant présente une série passablement régulière
(ce qui du reste ne s'obtient pas à volonté par cette méthode) :
ï'ermer après une dccLarge d'ouverture de 2 vibr. donne rien.
// // // // // // 3 // // 2 vibr. de déch. de ferm.
// // // // // // 3 y<i II II 2 ^/2 I' I' " " "
Il II II II II II 4 // '/ 3 // // // // //
// // '/ // // Il ^ Il II 4 // // // '/ '/
La première ligne de ce tableau ne prouve pas encore directe-
ment qu'il y a eu destruction ; mais j'ai mis le fait hors de doute
par une expérience postérieure. En effet , quand , après 3 vibrations ,
j'ouvrais de nouveau, le courant produit avait sa durée normale
de 8 vibrations, ce qui eût été impossible s'il était encore resté
quelque action confuse.
Ces expériences mettent de nouveau en lumière la vitesse pro-
digieuse de l'électricité, puisque le renversement du courant peut,
dans le temps excessivement court de V20 de vibration ou V'4920
de seconde, se propager jusqu'à l'extrémité de la spirale secon-
daire longue de 100,000 mètres.
Pour certaines expériences physiologiques, ces résultats ont de
Fintérêt sous un autre rapport: lorsqu'on introduit un micromètre
à étincelles dans le circuit induit, et qu'on place les pointes à
328 A. NYLANU. SUR LA DUREK ET LA MARCHE
une distance telle qu'il ne passe qu'une seule étincelle , on peut,
en fermant immédiatement après, obtenir, au bout de '/-(, de
seconde , une seconde étincelle d'ouverture , de même force que
la première.
§ 7. INDUCTION UNIPOLAIRE.
Jusqu'à présent nous avons toujours réuni les deux extrémités
de la spirale secondaire, ou au moins nous les avons placées à
une distance assez petite pour que l'étincelle de décharge du
courant d'induction pût jaillir de l'une à l'autre. Maintenant il
s'agit d'examiner si l'on observe aussi une action d'induction aux
extrémités de la spirale secondaire non fermée. Nous savons
déjà d'autre source qu'il en est réellement ainsi. M. Du Bois-
Reymond (Jahresbericlite , 1845) désigne ces phénomènes de tension
sous le nom d'induction unipolaire, induction qu'il ne faut pas
confondre avec celle de même nom , qui prend naissance par la
rotation d'un aimant autour de son axe et qui a été étudiée par
M. Weber.
Pour enregistrer les décharges unipolaires, je reliais l'un des
boutons a ou b avec le diapason, tandis que l'autre restait isolé.
Ces décharges durent peu de temps, mais elles se composent
également d'étincelles distinctes.
Avec 10 éléments de Grove j'obtins sur mailpapiery a commu-
niquant avec le diapason et h étant isolé, une décharge
de fermeture très faible, de Y^ de vibration et de 4 étincelles;
mais, par contre, une décharge d'ouverture de V/2 vibration.
Lorsque b communiquait avec le diapason et que a était
isolé, la décharge de fermeture durait 1% vibration et celle d'ou-
verture 1% vibration.
Quand, l'une des électrodes communiquant avec le diapason,
l'autre est rattachée à une conduite de gaz, les décharges
sont déjà beaucoup plus énergiques:
a donne alors à la fermeture une décharge de 2^ vibrations.
„ l'ouverture „ „ „ 4% „
b donne alors à la fermeture „ „ „ 5'^ „
„ l'ouverture „ „ „ 4 „
X
DES COURANTS GALVANIQUES D INDUCTION.
329
Une particularité qui paraît appartenir exclusivement aux décharges
unipolaires est la suivante. Les décharges; qui se font sans com-
munication de a ou // avec la conduite de gaz, se composent
manifestement de deux parties: la It'ic commence par une
étincelle assez forte; les étincelles suivantes décroissent, jusqu'à
ce que la décharge ait duré environ une demi-vibration ; alors vient
une interruption, et ensuite la 2àe partie, qui est tout-à-fait
semblable à la première, sauf que ses étincelles sont un peu
plus fortes.
Les expériences avec résistance montrent que les décharges
unipolaires ne sont pas aussi faibles qu'elles le paraissent; et
dans ces expériences la particularité précédente apparaît de nouveau,
sous une autre forme.
Lorsque j'introduisis, en effet, un micromètre à étincelles dans
le circuit entre a et le diapason, h restant isolé, et ensuite dans
le circuit entre h et le diapason, a restant isolé, j'obtins avec
des résistances croissantes, sur maitpapier, les résultats suivants:
Décharges d'ouverture.
De a. De L
Distance
Distance
des
pointes.
Durée.
Retard.
des
pointes.
D
urée.
Retard.
0
millim.
1 vibr.
1/20
^àhr.
0
millim.
1
vibr.
1/20 vibr.
2
Il
1 //
2/20
//
2
Il
1
Il
2/20 "
4
//
1 //
V20
//
4
II
%
II
3/20 "
6
II
¥2 "
•0/20
//
6
II
%
II
3/20 ''
8
II
14 //
11/20
i>
8
II
'A
II
1^/20 "
10
II
% //
1 1/20
II
10
II
'k
II
1^/20 "
12
Il une
étincelle
1-^/2 0
II
12
II
'A
II
1^/20 "
14
// //
II
13/20
II
11
Il une
étincelle
lij.^Q II
16
// //
II
13/20
II
16
// //
II
15/20 »
18
II
rien
18
//
rien
La décharge de r/fait, entre 4 et 6 millimètres de distance des
pointes , un saut en durée et en retard , ce qui est dû à ce que
la 1ère partie (voir ci-dessus) disparaît à ce moment, après avoir
déjà subi une rédaction dans les décharges précédentes. La même
chose a lieu pour la décharge de b lorsque la distance des pointes
passe de 6 à 8 millimètres.
330 A. NYLAIND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
Avec le condensateur, l'induction unipolaire est capable
de vaincre une résistance de 38 millimètres. On voit alors se
reproduire les propriétés du condensateur dont il a été parlé p. 322.
§8. IMAGES UES ÉÏIJNCELLES DE DECHARGE.
(Voir PI. IX et X).
Par une légère modification de la méthode habituelle, je suis
parvenu à obtenir sur le papier de très belles images des diffé-
rentes étincelles de la décharge des courants d'induction, images
qui offrent de l'intérêt, comme formant la contre-partie de celles
de Feddersen.
Lorsqu'on laisse écrire sur le cylindre, ainsi que nous l'avons
déjà fait au §36, les deux extrémités , terminées en pointe aiguë ,
de la spirale induite, le courant est enregistré par une double
série d'étincelles. Le courant passe alors d'une des électrodes, par
le papier, par une partie du cylindre et de nouveau par le papier ,
dans l'autre électrode, ou vice-versâ.
Mais lorsque les extrémités sont assez rap-
prochées pour que l'électricité préfère cheminer
au-dessus du papier plutôt que de le traverser deux
fois, alors , surtout si les électrodes ont leurs pointes tournées l'une
vers l'autre, l'électricité s'écoule entre elles en rasant la surface
du papier, et elle est forcée d'imprimer sa route dans le noir
de fumée. Chaque étincelle marque ainsi sa trace, et la décharge
entière se traduit par une série d'images.
Cette trace est composée de trois parties. La partie moyenne
figure une ligue noire très fine, formée par de la suie restée en
place, ainsi qu'on le reconnaît facilement au microscope; départ
et d'autre de cette ligne, et perpendiculairement à sa direction,
la suie a été chassée, de sorte que deux bords blancs limitent
la ligne noire. On dirait, d'après cet aspect, que l'étincelle elle-
même est sans action mécanique, mais que celle-ci est due à
l'air échauffé, qui s'échappe des deux côtés, en enlevant la suie.
Quand on tourne très rapidement, chaque décharge d'ouverture
et de fermeture est analysée en une série de ces images d'étincelles.
Les décharges, qui se font sans bouteille de Leyde dans le
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 331
circuit induit^ commencent par une étincelle unique; vient alors
une interruption de quelques vibrations , puis une série de plusieurs
étincelles très rapprochées. Ces longues interruptions doivent être
attribuées en partie à des étincelles qu'on voit jaillir à une certaine
distance du papier, entre d'autres points que les extrémités des
électrodes, en dépit de ce que celles-ci offrent à l'électricité le
chemin le plus court.
Lorsqu'on place les électrodes écrivantes à une distance telle
que la résistance à travers le papier et le cylindre soit égale à
la résistance à travers la suie qui recouvre le papier, on obtient
des décharges alternatives. Celles qui traversent le papier sont
marquées, de même que plus haut au §36, par de petits trous,
entourés chacun d'un espace blanc et disposés sur les lignes
droites que tracent les électrodes; les décharges qui rasent le
papier sont indiquées par les trois parties décrites ci-dessus. On
peut de cette manière obtenir des alternatives dans une seule et
même décharge, et alors on reconnaît bientôt que la ligne noire
remplace le trou , tandis que les bords blancs représentent la zone
blanche circulaire qui entoure le trou.
Quand on introduit une bouteille de Leyde dans le circuit
induit, les étincelles deviennent beaucoup plus fortes, mais elles
donnent du reste les mêmes images. Ces décharges consistent en
étincelles sans interruptions (Voir p. 324) , de sorte qu'elles se
montrent très régulières, sous forme d'une série de figures ellip-
tiques, qui se dessinent surtout nettement lorsque les pointes
écrivantes ne font que toucher légèrement le papier. Quand les
pointes n'écrivent pas, mais sont à une très petite distance de la
surface enfumée qui tourne au-dessous d'elles, on obtient, au lieu
d'ellipses, des bandes d'un blanc mat, qui ressemblent parfaite
ment aux figures données par M. Feddersen de la décharge d'une
bouteille de Leyde chargée d'électricité statique (Voir PL VII,
fig. 20, dans Poqg. Ann. CXIII). Si l'on place les pointes très
près l'une de l'autre sur le cylindre , on obtient , en tournant très
rapidement , des figures plus circulaires , parce que la ligne noire
et les bords blancs s'élargissent.
332 A. NYLAiND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
Pour avoir des images bien belles et bien grandes, je fis par-
courir à rélectricité des chemins plus longs. A cet effet , je recou-
vris le cylindre de papier épais, de façon que, même en écartant
beaucoup plus les électrodes entre elles (à 1 centimètre), l'élec-
tricité n'en passât pas moins à la surface du papier, au lieu
de le traverser. La durée des décharges diminue dans ce cas,
et de même le nombre des étincelles , mais celles-ci sont beaucoup
plus longues et plus larges. Tantôt l'image de chaque étincelle
composée de trois parties parallèles, reste entière et forme
une ligne en zigzag, une ligne ramifiée ou une ligne courbe;
tantôt elle se résout en deux portions symétriques, ou parfois
non symétriques, qui représentent deux flammes dirigées l'une
vers l'autre.
Quelque belles et détaillées que soient ces figures, il m'est
impossible d'indiquer, dès à présent, les faits qui peuvent être
regardés comme constants. La forme des électrodes , leur distance
mutuelle, leur pression plus ou moins forte sur le papier, etc.
ont une trop grande influence , pour qu'on puisse esquisser l'image
dans ses traits généraux. Les figures des PI. IX et X ne font
connaître que quelques formes particulières.
Il est certain que ces images ne le cèdent en rien à celles de
Feddersen en finesse de détails, de sorte que j'ai l'intention
d'exécuter par la même méthode, mais avec des appareils per-
fectionnés, toute une nouvelle série d'expériences.
Observation générale. Le lecteur pourrait objecter que
tous les faits énumérés jusqu'ici traduisent peut-être très exactement
les propriétés du grand inducteur de Ruhmkorff dont j'ai fait
usage, mais non les propriétés des courants galvaniques induits
en général. Pour le tranquilliser, je dirai que j'ai aussi expéri-
menté avec un plus petit inducteur de Ruhmkorff et avec l'appa-
reil à traîneau de du Bois-Reymond , et que ces expériences ont
fourni des résultats analogues; mais ces inducteurs avaient une
action trop faible pour que les courants pussent être étudiés
convenablement dans toutes les circonstances.
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 333
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
En renvoyant pour les nombreux détails aux pages précédentes ,
je rappellerai ici brièvement les faits principaux qui ont été mis
au jour.
l'^. Les courants dus à l'induction voltaïque pure
sont très faibles (à peine sensibles pbysiologiquement) , et durent ,
sur papier à fleurs, 0,002 seconde à la fermeture et 0,0013 seconde
à l'ouverture. Dans ces expériences, la batterie inductrice se
composait de 10 éléments de Orove, la spirale primaire de 30
mètres de fil de cuivre épais de 2\ millim. et recouvert de soie;
la spirale secondaire était celle du grand inducteur de Rubmkorff.
Ces décharges se composent , de même que toutes les suivantes ,
d'étincelles séparées; le retard de la décharge, c'est-à-dire le
temps qui s'écoule entre l'ouverture ou la fermeture du courant
primaire et la première étincelle du courant d'induction, est un
peu moindre à l'ouverture qu'a la fermeture, — inférieur , dans les
deux cas, à ^V ^® vibration (1 vibration = ^iu ^e seconde).
2°. Lorsqu'on introduit des noyaux de fer dans cette
spirale primaire, les courants induits deviennent beaucoup
plus énergiques et de plus longue durée. Un barreau de 82
centim. de longueur et 2,2 centim. d'épaisseur donne, avec la
même batterie inductrice, des courants qui, sur papier à fleurs,
durent 10 vibrations à la fermeture et 10^ vibrations à l'ouverture.
Le retard de la décharge est de nouveau plus court lors de l'ou-
verture que lors de la fermeture. Les courants d'ouverture peuvent
traverser une couche d'air de 14 millim., ceux de fermeture une
couche de 6 millim. seulement. Si, à la place du barreau, on
introduit dans la spirale primaire un faisceau de 45 fils de fer
longs de 53 .V centim. et épais de 1 millim. , on obtient des courants
induits de plus courte durée qu'avec le barreau, mais qui repro-
duisent, du reste, les mêmes particularités.
3^ Le Ruhmkorff complet donne les courants les plus éner-
giques et nous apprend les faits suivants:
334 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
a. Les décbarges se composent de centaines d'étincelles
distinctes, qui , d'abord séparées par des interruptions , se suivent
ensuite régulièrement, en augmentant en nombre et dimi-
nuant en g r a n d e u r. Dans les décbarges d'ouverture c'est
la première étincelle qui est la plus forte, dans les
décharges de fermeture ce sont les étincelles de la 2t'me
vibration.
h, La durée des décbarges d'ouverture et de fermeture est la
même, au moins quand la résistance est faible; sur papier à
fleurs, par exemple, elles durent l'une et l'autre 17 à 18 vibra-
tions. Une plus grande rapidité d'ouverture ou de fermeture n'a
pas d'influence appréciable sur la durée. La durée des décbarges
croît avec le nombre des éléments de la batterie , mais non dans
le même rapport.
c. Les interruptions entre les étincelles sont tantôt plus nom-
breuses dans les décharges de fermeture et tantôt dans les dé-
charges d'ouverture, suivant que l'électrode r/ communique avec le
diapason ou avec le cylindre. Toutefois, quand on laisse les
deux électrodes écrire sur le cylindre, on n'en trouve
pas moins des interruptions dans le tracé double de chacune
des décharges, de sorte que ces interruptions doivent être une
conséquence du mouvement de l'électricité dans les conducteurs.
La première interruption des décharges d'ouverture
croît régulièrement avec la force de la batterie,
celle des décharges de fermeture croît aussi, mais moins régu-
lièrement.
d. Le retard des décharges d'ouverture est de ^^y de vibration
ou moindre ; celui des décharges de fermeture est de J^ de vibration
ou moindre.
e. Les expériences sans résistance (les extrémités de la
spirale secondaire étant en contact métallique) apprennent que,
dans ce cas , toutes les décharges durent beaucoup plus long-
temps; réciproquement , une grande résistance , par exemple celle
du mica, raccourcit la durée.
/. Lorsque les décharges ont à vaincre une couche
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNDUCTION. 335
d'air entre les pointes d'un micromètre à étincelles,
les décharges de fermeture disparaissent déjà entièrement,
même avec les courants les plus énergiques, pour une distance
de 5 millim. entre les pointes. A mesure que la résistance de
l'air augmente, la décharge d'ouverture décroît régu-
lièrement en durée et montre un retard croissant.
L'influence du condensateur est ici très appréciable:
des courants d'ouverture qui , pour une distance des pointes égale
à 24 mm., sont réduits à une seule étincelle et ont un retard
de 0,48 vibration, peuvent, avec le secours du condensateur,
franchir une distance de 42 mm. entre les pointes, en n'accusant
qu'un retard de 0,1 vibration.
çj. Une bouteille de Leyde, introduite dans le
circuit secondaire, renforce en apparence les décharges , qui
alors font plus de bruit et impriment leurs étincelles plus forte-
ment sur le papier; mais ces décharges ne peuvent vaincre une
aussi grande résistance que les décharges ordinaires. Les
étincelles diminuent en nombre vers la fin des déchar-
ges et elles se succèdent sans interruptions.
h. Si la succession des ouvertures et des ferme-
tures est assez rapide pour que les courants d'induction
n'aient pas le temps de s'écouler régulièrement, on obtient une
destruction totale ou partielle de l'action , et un passage brusque
(en 2^0 ^^ vibration) d'une des décharges à l'autre.
i. Les décharges unipolaires sont de courte durée
{1% vibration), se composent aussi d'étincelles séparées et peuvent
vaincre des résistances presque aussi grandes que les décharges
ordinaires. Les deux extrémités de la spirale secondaire donnent
les mêmes décharges. On peut prolonger la durée de la décharge
à l'une des deux extrémités en faisant communiquer l'autre avec
la terre.
k. Les images des décharges, qui peuvent être regar-
dées comme une analyse ultérieure des étincelles, ne nous ont
appris jusqu'ici, outre les choses déjà trouvées, qu'un seul fait
nouveau concernant le mode de décharge, savoir, que ce n'est
336 A. NYLAND. SUR LA DUREE ET LA MARCHE
pas Tétin celle elle-même, mais l'air qu'elle traverse, qui
paraît exercer l'action mécanique.
Quelques-uns des faits que nous avons constatés tendent à
confirmer la théorie mathématique par laquelle on a cherché à relier
entre eux les phénomènes de l'induction voltaïque pure. Les résultats
relatifs à cette induction s'accordent assez bien avec ceux qui
ont été obtenus par M. Beetz, bien que notre méthode ne soit
pas la meilleure pour l'observation de ces courants faibles. Les calculs
de M. du Bois-Reymond sont aussi confirmés par nos expériences.
Plusieurs faits nouveaux se trouvent toutefois complètement
isolés et pourront servir à l'édification d'une théorie des décharges
électriques, pour laquelle d'autres matériaux ont déjà été fournis.
Parmi ces faits nouveaux je citerai:
P. La décharge en étincelles distinctes, qui se montre aussi
dans les images du § 8.
2". L'accroissement du nombre de ces étincelles vers la fin des
décharges.
3". L'égalité de durée des décharges d'ouverture et de ferme-
ture , en cas de résistance nulle ou faible , bien que les décharges
d'ouverture puissent vaincre une résistance beaucoup plus grande.
4". Les interruptions, — et spécialement l'accroissement de la
première interruption à mesure que la force de la batterie augmente.
5". La prolongation des décharges par le contact métallique
des électrodes, et leur raccourcissement par une résistance, telle
que celle du mica par exemple.
6". L'accroissement du retard à mesure que la résistance augmente.
Au sujet de ces faits je présenterai encore les observations
suivantes.
Isious apprenons à connaître les courants d'induction par leurs
effets. Parmi ceux-ci, les phénomènes de lumière et de chaleur,
les actions physiologiques et magnétiques ont déjà été bien étudiés.
Je me suis servi exclusivement d'une méthode propre surtout à
faire connaître les actions mécaniques, et il n'est donc pas étonnant
que nous ayons trouvé des faits donnant de la décharge mécanique
DES COURANTS GALVANIQUES d'iNPUCTIOjN. 337
une notion à laquelle la plupart des autres méthodes ne pouvaient
conduire.
Cette notion est celle de la décharge oscillante.
Ce caractère d'oscillation se trouve aussi dans la décharge d'une
bouteille de Leyde chargée d'électricité statique, ainsi qu'il a été
prouvé par M. Feddersen (Poyg. Ann., CXIII et CXVI), qui, à
l'aide d'un miroir animé d'une rotation rapide, a projeté l'image
de l'étincelle sur une plaque préparée photographiquement et a
obtenu ainsi une représentation qui indiquait des mouvements de
va-et-vient de l'électricité.
Pour les décharges des courants galvaniques induits je rappellerai,
comme ayant montré des faits analogues , les expériences récentes
de M. Helmholtz, dont on trouve un résumé, sous le titre de
„Ueber die electrische Oscillationen", dans les Verhandlungen des
nalurhisiorischenmedizinischen Vereinszu Heidelberg^ 1869. M. Helm-
holtz a pu observer sur un nerf de grenouille 45 maxima et
minima de la décharge entre les armatures d'une bouteille de
Leyde, et les mêmes oscillations se sont manifestées dans les
décharges unipolaires sans bouteille de Leyde.
Les indications qui précèdent ont uniquement pour but de pro-
voquer un examen approfondi des faits que j'ai observés, car je
sais parfaitement qu'il appartient à des juges plus compétents de
décider si mes expériences peuvent réellement contribuer en quelque
chose à la connaissance des phénomènes encore si énigmatiques
de l'électricité.
Archives Néerlandaises, T. V. 22
338 A. NYLAND. SUR LA DURÉK ET LA iMARCHE
REMARQUES
CONCERNANT LES PHOTOGRAPHIES.
Neuf expériences , choisies dans ma riche collection , seront suffi-
santes pour rendre intelligible le langage des vibrations et faire
connaître en même temps quelques-unes des principales décharges ,
telles qu'elles se montrent en réalité. Dans ce choix j'ai été guidé
par les considérations suivantes:
1". Le papier vélin et le mailpapier étaient les seuls qui se
prêtassent aux manipulations photographiques, de sorte qu'on n'a
pu reproduire aucune des expériences délicates sur papier à fleurs.
2^ Certains courants s'enregistraient si faiblement , par exemple
ceux de l'induction voltaïque pure et de l'induction unipolaire,
que la description satisfaisait mieux que la représentation.
3". Quelques faits se montraient uniquement sous le microscope
et disparaissaient dans la photographie.
4^^. D'autres faits ne ressortaient qu'après élimination des cir-
constances accessoires, par la comparaison d'expériences variées,
qui, chacune séparément, n'apprenaient rien.
Pour la parfaite intelligence de la méthode, il ne faut pas
perdre de vue que les photographies sont des images négatives,
car les expériences originales forment des dessins blancs sur fond
noir. Dans ces photographies toutes les décharges vont de gauche
à droite.
Les décharges déréglées ou intempestives, qui se trouvent sur
la Planche II en bas et dans la sixième registration à partir du
bas , sur la Planche IV en bas à gauche , et sur la Planche VIII
au milieu, proviennent de légères traces d'impuretés qui se for-
maient de temps en temps sur l'anneau du cylindre.
Au sujet de chaque planche en particulier, j'ai à faire les
remarques suivantes:
Les Planches II et III donnent les décharges ordinaires sur
mailpapier quand h communique avec le diapason et a avec le
cylindre (voir § 36). L'étincelle sur la ligne droite indique l'instant
de l'ouverture ou de la fermeture du courant primaire. Avec ce
DES COURANTS GALVANIQUES u'iNDUGTION. 339
mode de communication , les interruptions les plus nombreuses se
tiouveut dans les décharges de fermeture ; si a avait été relié au
diapason et b au cylindre ^ ce seraient les décharges d'ouverture
qui montreraient ces interruptions multipliées.
La Planche IV donne les décharges à l'ouverture; les petits
arcs de cercle unissent les décharges qui sonrt en rapport entre elles
(voir § 36).
La Planche V reproduit deux des quatre expériences décrites.
Les chiffres renversés indiquent le nombre d'éléments de la batterie.
Il faut fixer son attention sur la première étincelle à gauche et
mesurer la distance qui la sépare de la seconde étincelle vers
la droite.
Sur la Planche VI le triangle noir est le cuivre du cylindre,
avec lequel la pointe du diapason vient en contact.
Sur la Planche VII les chiffres renversés indiquent la distance
des pointes en millimètres. La ligne droite verticale, menée par
toutes les étincelles de registration du courant primaire, m'a
servi, conjointement avec les petites lignes passant par la première
étincelle du courant secondaire, à mesurer le retard.
Sur la Planche VIII le courant primaire n'a pas été enregistré ,
afin de conserver aux figures toute leur pureté.
Les Planches IX et X donnent des images des étincelles de
décharge, pour le cas d'une faible distance des électrodes écri-
vantes. Beaucoup d'autres figures, relatives aussi au cas d'une
distance plus grande des électrodes , ont dû être omises ; en outre ,
ces deux planches ne reproduisent pas les détails délicats.
Comme, sur la Planche II ainsi que sur les Planches
III , IV VIII , la même expérience se répète un grand nombre de
fois, le lecteur peut juger de l'exactitude de la méthode, qui
nous rend les mêmes courants sous une forme toujours la même.
En terminant, je me plais à reconnaître que les photographies
ont été exécutées avec beaucoup de soin par M. W. C. van Dijk,
d'Utrecht.
22'
ÉTUDES SUR LE
PHOLCUS ()P[L[ONOri)ES SCHRANK
PAR
A. W. M. VAN HASSELT.
Lorsqu'un entomologiste, dans une période d'explorations d'en-
viron 15 années, ne rencontre aucune trace d'un insecte qui est
commun ailleurs , qui n'appartient nullement aux espèces de petite
taille, mais qui se reconnaît au contraire facilement par des traits
caractéristiques, il est assez naturellement tenté de conclure que
ce résultat négatif fournit la preuve de la non-existence de l'ani-
mal dans l'étendue du champ d'exploration.
C'est là du moins ce qui m'était arrivé par rapport à l'araignée
dont il est ici question; j'avais renoncé à l'espoir de l'inscrire
dans notre Faune, même après que, il y a six ans, un exem-
plaire unique d'une espèce très voisine, plus méridionale, eut fixé
de nouveau mon attention sur ce sujet.
Ce n'est que l'année passée que J'ai appris à la connaître comme
très probablement indigène. En effet, de 18G8 jusque dans l'été
de 1869, je reçus, en quelque sorte coup sur coup, plusieurs
individus vivants, trouvés en différentes occasions et sur différents
points de notre pays.
Cette dernière particularité, en contraste avec l'absence antéri-
eure de l'espèce, est elle-même des plus remarquables, car il
est certain que le Pholcus doit continuer à être regardé comme
„rare" chez nous, ce qu'on peut inférer, entre autres, de la circon-
A. W. M. VAN HASSELT. ÉTUDES SUR LE, ETC. 341
stance que dans mes innombrables excursions, tant au loin que
dans mon voisinage immédiat, je ne l'ai jamais rencontré moi-
même. Sous ce rapport, le proverbe „ qui cherche, trouve" ne s'est
pas encore vérifié en ma faveur.
Le premier Pholcus vivant que j'eus l'occasion de voir, me
fut donné en 1863 par M. van den Brink, jardinier en chef du
jardin botanique de l'Université d'Utrecht. Il avait été trouvé dans
une grande caisse en bois, qui avait servi au transport de „ plan-
tes des ludes." C'était un beau c/' , parfaitement conservé, mais
beaucoup plus petit que le Pholcus ordinaire ou commun de l'Eu-
rope, que j'appris à connaître plus tard; il était aussi marqué
d'un dessin beaucoup plus élégant, très analogue, ainsi que je le
constatai postérieurement, à celui des Pholcus méridionaux ou
tropicaux, surtout du rivulalus et de Velongatus. Vu les conditions
dans lesquelles il avait été trouvé, je ne crus pas devoir le regar-
der comme indigène, et aujourd'hui encore je persiste dans cette
idée, au moins pour l'individu en question. Mon opinion se forti-
fiait d'un doute exprimé par un savant suédois, M. Westring,
quL avait aussi trouvé à Gothembourg une espèce de Pholcus (recon-
nue toutefois, depuis^ identique à notre espèce „ ordinaire") , mais
seulement „un petit nombre de fois" et dans ^certaines années,"
une fois sur un montant de porte de la „ maison des Indes orien-
tales" (Osl hidiska huset) , une autre fois dans le bâtiment de la
douane du port (Curia Portorii). En décrivant cette espèce dans
les Araneae Suecicaej p. 297, M. Westring se demandait à cette
époque (1861) : „An re verd ad Faunam Sueciae perlinens" ? Je con-
tinuai à me poser la même question, — avec raison, à ce que je
crois , — pour mon exemplaire , le regardant comme une rareté
étrangère ou comme un voyageur égaré loin de son pays.
Cinq ans après, au commencement de 1868, ma fille k. me
rapporta un second individu mâle vivant de Pholcus , qu'elle avait
aperçu dans un magasin de quincaillerie, à Utrecht, au moment où
il descendait du plafond au milieu de quelques articles de luxe.
Cette araignée toutefois différait considérablement de la précédente ,
tant par la taille que par les ornements, et je m'assurai que
342 A. W. M. VAPJ HASSELT. ÉTUDES SUR LE
c'était le vrai Pholcus opilionoïdes de l'Europe centrale et méridi-
onale. Mais, ici encore, l'endroit où la découverte avait eu lieu
n'était-il pas suspect ? Avait-on bien affaire à un animal indigène ?
Ne pouvait-il avoir été apporté simplement de France ou de quelque
autre contrée du sud de l'Europe, caché dans l'emballage d'ar-
ticles de mode? Le doute concernant ^l'indigénat" subsistait donc
toujours dans mon esprit, d'autant plus que l'animal construisit
bien à deux reprises un cocon, mais composé d'œufs stériles , qui
se desséchaient et que la mère détruisait elle-même.
Je ne dois pas oublier de faire remarquer que ce doute puisait
une grande force dans la circonstance, que jamais , à ma connais-
sance, un individu de ce genre ne s'était présenté à aucun des
autres entomologistes de notre pays , pas même à notre compatriote
M. G. A. Six, qui, après s'être distingué jadis comme aranéolo-
gue des plus zélés, n'a pas fait figurer le P/io/a/^ sur les „Listes
d'araignées" qu'il a insérées dans les Bouwsto/fen voor de Fauna
van Nederland j tome II, et dans le Nederl. Tijdschr. voor Ent.,
tome VI.
Ce fut seulement au printemps de 1868 que j'acquis la connais-
sance que le Ph. opilionoïdes fait partie de la Faune des Pays-
Bas, ou que du moins il peut, dans certaines circonstances , vivre
et se reproduire chez nous. Ma respectable amie, Mn^e. y. V. d'Am-
sterdam , me communiqua à cette époque , en une seule fois , plu-
sieurs individus (/ et ?, les uns encore très jeunes, les autres
adultes, tous provenant d'un réduit à tourbes ^) situé au rez-de-
chaussée de sa maison.
Ces individus appartenaient tous, incontestablement, à l'espèce
ordinaire de l'Europe centrale.
Par un hasard des plus singuliers, la même dame, ayant fait
dans l'été de la même année une visite à sa famille , à Dordrecht ,
*) Au sujet de la possibilité d'une origine étrangère pour cette colonie amster-
dammoise de Pholcus, je ne dois pas laisser ignorer que le même endroit servait
aussi de décharge pour des kranjangs , nattes des Indes orientales employées à
emballer le sucre. On n'a d'ailleurs plus trouvé d'autres Pholcus en cet endroit ,
postérieurement à la première découverte.
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 343
me rapporta de cette localité deux nouveaux exemplaires vivants ,
dont un cT extrêmement grand ^ exemplaires qui avaient été cap-
turés dans un angle obscur d'un corridor , au second étage d'une
maison de rentier touchant immédiatement, d'un côté à la „rivière" ,
et de l'autre au „port" '). U y avait en cet endroit un grand
nombre de ces araignées , — selon qu'il me fut rapporté , „ au moins
quarante, grandes et petites", — au moment où Mme. y. V. les décou-
vrit, mais la propreté hollandaise, représentée par le balai de la
servante, avait pris les devants et avait anéanti tout espoir d'une
capture plus importante.
Un peu plus tard, toujours dans l'été de la même année, je
reçus encore, de Delft, avec d'autres araignées très communes,
que feu notre bibliologue entomologiste , M. Hartog He js van de
Lier , avait eu la bonté de recueillir pour moi , un individu conservé
dans l'alcool, qui avait été pris sur le plafond d'un „cabinet
d'aisances", à l'intérieur de la maison-).
Enfin, au mois de Septembre de cette année, étant occupé,
avec mon savant, ami M. van Vollenhoven, à examiner la collection
d'Arachnides du Musée de Leyde, je remarquai, parmi quelques
autres araignées non déterminées , un flacon sans date , mais por-
tant l'étiquette: Ex horlo holanico ^) Lugduno Batavo ,à2i\i^\Qqwç\
se trouvait un Pholcus ordinaire cT , qui avait sans doute été pris
jadis par notre confrère M. Herklots, ou reçu par lui de quelque
autre personne.
De ces diverses observations il résulte avec certitude , que l'araig-
née en question peut vivre dans notre pays (Utrecht , Delft , Leyde)
et s'y reproduire (Amsterdam, Dordrecht) , bien que peut-être
seulement à l'état d'exception ou sous forme de colonie. La haute
^) On remarquera de nouveau que cette trouvaille a été faite près d'un endroit
ou sont amarrés ordinairement plusieurs bâtiments des Indes orientales.
*) Se pourrait-il, vu que mon ami recevait fréquemment des caisses ou des
paquets de livres de l'étranger, que cet individu, analogue à l'individu unique
de la boutique de quincaillerie d' Utrecht, eût été un voyageur français ou allemand?
^) Je dois rappeler toutefois, à cette occasion, ce qui a été dit ci-dessus con-
cernant les doutes attachés à une découverte faite, dans un lieu analogue, à Utrecht.
344 A. W. M. VAN HASSELT. ÉTUDES SUR LE
température qui a caractérisé^ comme l'on sait, l'été de 1868,
a-t-elle contribué à rendre possibles l'existence et surtout la repro-
duction de l'espèce? Ou bien celle-ci, tout en étant extrêmement
rare, appartient-elle, re verà, à la Faune de la Néerlande ? Je
crois que cette dernière hypothèse est conforme à la vérité ; mais ,
pour obtenir une certitude absolue, il faudra de nouvelles obser-
vations, que la connaissance des lieux où la découverte a déjà
été faite, rendra plus facile. ( Voir la Note à la fin de ce Mémoire).
Quoi qu'il en soit, la possession répétée d'exemplaires de cette
araignée, — que je maintins en vie pendant des semaines et des
mois entiers, de la manière ordinaire, en les plaçant dans de
grands bocaux de verre à plafond de bois et en les nourrissant
de mouches, — m'a permis de soumettre le Pholcus ^) à une
étude dont je vais faire connaître quelques-uns des résultats.
Le Pholcus opilionoïdes Schrank ou phalanqoïdes Walck. , —
ainsi appelé à cause d'une vague ressemblance extérieure avec
certaines espèces du genre bien connu des „ Faucheurs" , — ap-
partient à une „ Famille" .extrêmement restreinte, celle des Phol-
cides Koch, qui mérite à peine le nom de famille , vu qu'elle n'est
représentée que par le seul genre désigné ci-dessus, lequel com-
prend huit espèces nominales, réductibles, à mon avis, à cinq
ou, tout au plus, à six.
Ces araignées sont très facilement reconnaissables , non-seulement
à la disposition caractéristique de leurs yeux latéraux, réunis de
chaque côté au nombre de trois en un petit groupe, — ce qui
M L'étymologie de ce nom donne lieu de relever un singulier lapsus graecus ,
commis par M. Vinson dans ses: Aranéides de Madagascar , etc. Cet auteur
dit avec raison que le nom Pholcus dérive du grec cpoXy.o; , mais il traduit ce
mot à tort par nu, et met cette étymologie en connexion „évidente" avec les ovules
nus {Voir plus loin) de cette araignée. Mon vieux Hedericus m'a de nouveau
appris qu'il est toujours prudent de contrôler, en remontant aux sources, ces
assertions philologico-entomologiques ; en effet, (foly.oz ne signifie pas «?<6??^5 (nu) ,
mais strahus (louche). Cette dernière significaton trouve d'ailleurs ici une appli-
cation beaucoup plus juste, à cause de l'obliquité caractéristique de la position
des yeux dans ce genre.
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 345
ne se voit chez aucune autre Aranéide, — mais i)lus encore , et
au premier coup-d'œil, à leurs pâlies, qui sont très longues et
minces, chez quelques espèces même filiformes, garnies de poils
très réguliers et excessivement fins, et pourvues aux fémurs et
aux tibias de jolis anneaux blancs et noirs. La longueur des pattes
est telle, que la paire la plus longue (la première) est environ
6 fois plus longue que le corps ^ ) ; on cite même une espèce de
Pholcus de la Grèce, chez qui les pattes dépasseraient 8 ou 9
fois la longueur du corps!
A Texception de deux espèces, — le Ph. caudalus Dufour,
d'Espagne, dont l'abdomen se termine en pointe conique, comme
chez notre Epeira conica ; et le Pli, sisyphoïdes Doleschall , d' Am-
boine, qui possède (de même que le Ph. Borbonicus Vinson, de
l'île Bourbon, lequel me paraît n'en différer que peu ou point) un
abdomen sphérique, comme celui des Therididae; — les autres,
aussi bien les espèces tropicales que celles d'Europe, tout en
offrant quelques différences de grandeur, se ressemblent parfaite-
ment par leur corps plus allongé et de forme cylindrique, sem-
blable à celui des Tétragnathes ordinaires.
Ces espèces sont: le Ph. rivulatus Savigny, d'Egypte et d'Ita-
lie, — le Ph. elongalus Vinson, de Maurice, — \e Ph. inipressus
Schuch, le Ph. nemaslomoïdes Schuch , tous deux de la Grèce, —
et le Ph. opilioîioides , du sud, du centre et, passim, du nord ^)
de l'Europe, mais qui prospère aussi parfaitement dans nos colo-
nies des Indes orientales.
') Le plus grand individu de ma collection possède, avec une longueur de
corps de 1 centimètre, des pattes antérieures longues d'environ 6 centimètres.
*) Je regarde tous les individus trouvés dans le nord de notre continent (à
l'exception d'un des miens , capturé dans une caisse de plantes des Indes orien-
tales) comme appartenant au Ph. opiliono'ides ou à ses variétés. La différence
que M. Siemaschko croit avoir constatée sur son exemplaire trouvé à St. Péters-
bourg, ne me paraît pas assez importante pour qu'on doive le rapporter à une
autre espèce, ce que du reste M. S. lui-même ne propose pas. Voir son Mémoire ,
Ferzeichniss der in der Umgegend von St. Petersburg vorkommenden Arachniden ,
publié dans les Horae Societatis Entomologicae Rossicae , Eascic. I, 1861,
p. 129 , mémoire sui- lequel mon attention a été attirée par notre confrère M. Ritsema.
346 A. W. M. VAN HASSELT. ÉTUDES SUR LE
Parmi ces espèces, il me semble toutefois, après une compa-
raison attentive des descriptions et de quelques figures, que le
rivulatus , Veloiufalus et même Vimpressus ne s'éloignent que très
peu l'un de l'autre, — Qt qn^Quire le nemaslomoïdes etVopilionoïdes
il n'existe pas non plus de différence bien caractéristique.
Leur dessin présente , — sauf quelques diversités dans la couleur
du fond (blanchâtre, grisâtre ou gris de souris, brunâtre) et dans
les taches accessoires ^ ) , — une grande uniformité. Ordinairement
il se compose d'une ligne longitudinale, simple, bifurquée ou
double, brune ou noire, sur le milieu du céphalothorax: d'une
ligne , également brune ou noire , ramiforme ou même foliiforme , —
ayant, chez les plus belles espèces, l'aspect d'une feuille com-
posée, — sur la face dorsale de V abdomen: enfin, de quelques
petites taches foncées le long des côtés. J'ai reconnu toutefois
que ce dessin, qui est le plus élégant chez le rivulatus QiVelon-
gatus , mais beaucoup moins beau et moins fin chez les autres,
peut varier considérablement dans la même espèce , à tel point que
chez certains individus il ne reste plus qu'une ligne médiane,
entière ou interrompue, sur le dos', et que chez d'autres même
on ne distingue presque plus aucune trace de dessin, au moins
sur l'abdomen. Koch ne paraît pas avoir observé ce changement
ou cette perte de coloration chez certaines variétés, et dans sa
description du phalangioïdes avec dessin dorsal, il manifeste quelque
surprise au sujet de la figure de cette même espèce donnée par
son collaborateur et prédécesseur Hahn, laquelle est sans aucune
sorte de dessin. M. Vinson, au contraire, a fait la même ob-
servation que moi -), car il dit: „Si le Pholcus a séjourné long-
temps dans un lieu très obscur, il est très brun, et les dessins
décrits se confondent dans la couleur générale," pag. 137.
*) Par ex.: un sternum noir ou rayé de noir, une tache ««r^^/e ovale et jaunâtre
au-dessus des filières , un abdomen à face ventrale noire ou rayée de noir , etc.
2) Voyez, sur la variation de couleur chez une même espèce, mon observation
relative au Latrodectiis {Necl. Tyds. v. Entom., t. III, p. 56), ainsi qae celle de
M. Six {Ibid., t. I, p. 186), exemples auxquels il ne serait pas difficile d'en
ajouter encore d'autres.
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 347
Par là s'explique aussi comment il se fait que quelques aranéologues
figurent ces araignées autrement qu'ils ne les décrivent, ce qui arrive,
par exemple, à Blackwall et aussi, dans une certaine mesure, à
Walckenaar ^ ), pour V opilionoïdes, à Koch pour le nemastomoides, etc.
Les Pholcus en général, et Vopilionoïdes en particulier, mènent
un genre de vie assez uniforme. Ils habitent volontiers des maisons
solitaires, des caves et des réduits, et préfèrent les recoins les
plus écartés, à la partie supérieure des murs, sous les toits ou
sous les plafonds, dans des endroits où la lumière du jour ne
pénètre que peu ou point. C'est là sans doute une des raisons pour
lesquelles cette araignée est restée si longtemps inaperçue chez
nous. En ce qui me concerne, il est aussi très possible que ma
vue basse m'ait empêché , çà et là , de la découvrir dans ses retraites
élevées et obscures, ou qu'elle m'ait échappé à cause de sa res-
semblance avec les ^faucheurs," dont je ne fais pas une étude
spéciale.
Elle ne construit d'ailleurs pas de toiles remarquables par leurs
dimensions ou par quelque autre particularité. Se contentant d'un
petit nombre de fils lâchement tendus, disposés irrégulièrement,
mais très gluants, elle s'y tient au centre de la face inférieure,
dans une situation renversée, à la manière des Linyphies. Des
qu'on touche à sa toile, l'animal, à ce qu'on raconte générale-
ment, commence à sautiller ou à se trémousser, comme le font
certains Cousins, et comme on peut le voir journellement chez
notre Epéire diadème ; de là le nom de Zitterspinnen que les
aranéologues allemands donnent à ces araignées.
Bien qu'il me soit arrivé maintes fois d'observer pendant long-
temps un ou plusieurs individus dans mes bocaux, je n'ai jamais
vu un seul d'entre eux exécuter ces mouvements si caractéristi-
ques. Je n'ai pu constater non plus ce que M. Simon et d'autres
ont dit du Ph. opilionoïdes , à savoir, qu'après avoir sucé sa proie
il la rejette immédiatement de sa toile; mes individus ne s'occu-
*) Comparez, entre autres, la „description" dans ses ^/j^tVe^avecla ,, planche"
dans son Hist. nat. d. araignées.
348 A. W. M. VAN HASSELT. ÉTUDES SUR LE
paient pas de ce soin , mais laissaient pendre les mouches à l'en-
droit où ils les avaient tuées, tout autour de leur siège habituel.
Par contre, j'ai bien vu qu'au moyen des crochets tarsaux de
leurs pattes antérieures, ils savaient attirer à eux, de la péri-
phérie de la toile jusqu'au centre où ils se tiennent ordinairement,
les mouches capturées et enveloppées; une fois même, j'ai observé
l'usage très remarquable que, dans cette manœuvre , mon araignée
faisait de ses mandibules , s'en servant en guise de ciseaux, pour
détacher ses premiers lacs, placés à une distance trop grande ').
J'ai aussi été plus d'une fois témoin de l'adresse vraiment mer-
veilleuse, et que M. Simon nous a si bien fait connaître, avec
laquelle elle enveloppe une mouche prise dans ses filets. Il est
bien connu qu'elle enlace sa proie uniquement à l'aide de ses
deux pattes postérieures, qu'elle passe alternativement le long
des filières; mais, ce qu'on doit voir pour y croire, c'est que ces
pattes, il est vrai très minces, exécutent leurs mouvements avec
tant d'agililéj que l'œil ne peut souvent suivre leurs déplacements
rapides, et que même, par moments, on ne distingue plus rien
ni des pattes ni des fils, rien, si ce n'est leur effet sur la mouche.
Comme le Pholcus J montre à découvert un appareil génital
remarquablement bien développé, j'avais nourri l'espoir d'ajouter
une observation intéressante au grand nombre de celles que j'ai
déjà faites concernant la manière dont les parties des palpes
agissent dans l'accouplement des araignées. Mais, à cet égard,
j'ai été extrêmement malheureux. Je suis bien parvenu deux fois ,
avec grand'peine, à réunir un couple de Pholcus, mais, dans
les deux cas, l'aventure a pris une fin tragique!
La première fois, je gardais déjà depuis un mois dans un de
mes bocaux une $ entièrement développée et assez grande , lorsque
je devins maître d'un c/ également adulte. Celui-ci, introduit
dans le même verre, essaya, avec un empressement extraordinaire
(comme je l'ai observé dans une infinité d'autres expériences du
') On trouvera, à ce sujet, une description un peu plus détaillée dans le
Tijdsvhr. v. Eniom., t. lY, p. 27.
PHOLCUS OPILIONOIDES SCHRANK. 349
même gem*e); à se rapprocher de la femelle; mais, dès ses pre-
mières tentatives; il fut repoussé avec fureur , de sorte qu'il alla
se réfugier au fond du bocal , où il tissa une petite toile , tandis
que la i^ resta fixée au plafond artificiel du bocal , sa place ha-
bituelle. Le second jour, je vis le d" risquer de nouveau, à diffé-
rentes reprises, quelques tentatives très prudentes, mais chaque
fois en vain; le soir, les deux adversaires se tenaient parfaitement
tranquilles à leurs places respectives. Comme j'avais eu soin,
pendant ces deux jours, de leur fournir une abondante provision
de mouches vivantes, dont je les avais vus se nourrir tous les
deux, la faim ne pouvait les avoir armés l'un contre l'autre; et
pourtant .... le troisième matin, — le mâle s'étant sans doute ,
pendant la nuit, approché trop témérairement, — je trouvai son
corps épuisé de sucs suspendu par ses longues pattes , rassemblées
en faisceau, au centre de la partie supérieure du bocal, à côté
du siège de la femelle i). Ce jour-là, la femelle ne s'empara
d'aucune mouche, et le matin du cinquième jour de cette union
forcée, je la trouvai elle-même morte dans sa toile, accrochée
par l'une des pattes de derrière.
Peu de temps après, je me vis de nouveau en possession d'un
'Pholcus vivant, mais cette fois d'un beau cT de forte taille , qui,
en sa qualité de premier occupant, alla s'établir à l'étage supé-
rieur de mon bocal. Après qu'il y fut resté plusieurs jours dans
la solitude, le hasard me fournit l'occasion de lui adjoindre
une $, qui, bien qu'à peine adulte, ne lui cédait que peu ou
point en taille et en développement. Cela se fit le soir , et , après
une heure d'observation, durant laquelle il ne se passa rien de
particulier, si ce n'est que ce fut maintenant la $ qui se con-
struisit une retraite au fond du verre, — je quittai mon nouveau
couple sans appréhension, convaincu que ce r^ ne courait aucun
danger d'être accablé par sa jeune et évidemment plus faible
') M. Simon dit doue à tort: „elle ne lui fait point de mal" , mais il ajoute
avec plus de vérité: „cependant il n'ose s'approcher d'elle et semble la redouter
beaucoup."
350 A. W. M. VAN IIASSELT. ÉTUDKS SUR LE
compagne, et rempli d'ailleurs de confiance dans la galanterie
éprouvée des araignées mâles, en général, à l'égard de leurs
femelles. Jamais, en effet, je n'avais eu d'exemple d'une ? nu-
bile tuée par un r^ de la même espèce, même en cas de jeûne
prolongé et d'une grande supériorité de force chez ce dernier ^).
Grande fut donc ma déception, ma stupéfaction même, en
reconnaissant, le lendemain matin, qu'il fallait renoncer, non-
seulement à mon nouvel espoir d'observer les amours d'un couple
de Pholcus, mais aussi à mes illusions au sujet de la courtoisie
des araignées mâles. Le Pholcus mâle, sans motif apparent (car
lui aussi avait eu de la nourriture en abondance) , avait tué sa
femelle ! Mais , chose singulière , ici comme dans le cas du couple
précédent, le meurtrier ne survécut pas longtemps à son crime;
je soir même, je trouvai le cf privé de vie.
D'où vient que, dans les deux cas , la veuve du premier mariage
et le veuf du second aient succombé si peu de temps après la
mort de leurs conjoints respectifs ? Je présume que dans la lutte ,
soutenue avec des armes suffisamment égales chez les deux sexes ,
le vainqueur aura aussi reçu , chaque fois , une blessure mortelle.
J'ai , en effet , souvent remarqué combien les araignées en général
supportent mal les morsures qu'elles se font mutuellement. Il est
très probable que l'humeur venimeuse de leurs crochets mandi-
bul aires joue ici un rôle. Maintes fois j'ai vu l'Epéire diadème
f/, blessé très légèrement à l'abdomen par la femelle, puis
aussitôt soustrait , avant tout enlacement , aux étreintes mortelles de
cette dernière , n'en succomber pas moins au bout de peu de minutes.
Depuis les essais dont je viens de rendre compte, je n'ai plus
eu l'occasion de mettre en présence l'un de l'autre des Pholcus
vivants des deux sexes, ce qui m'aurait pourtant intéressé encore
sous un autre rapport , savoir , pour la continuation des mes études
sur le développpement du cocon des Pholcus. J'ai bien eu trois
fois en ma possession, à diverses époques, une ? avec cocon,
') Voyez, eutre autres, ma communication relative à V Argyroneta aquatica
{Ned. Tijdschr. v. Entom., t. II, p. 20).
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 351
mais dans aucun de ces cas les jeunes ne sont éclos. Chez une
de ces araignées ^ le cocon a disparu après 14 jours au moins,
sans laisser aucune trace, et cela jusqu'à deux fois de suite.
Quant au cocon de l'autre araignée, après l'avoir observé pendant
un mois, je l'ai mis en temps opportun dans l'alcool, pour
compléter ma collection. Il est généralement connu, et les /'/m/? /a
et autres Icbneumonides nous en offrent de fréquents exemples ,
que certains insectes font servir les cocons d'araignées à l'ali-
mentation de leurs larves. Mais que des araignées elles-mêmes
dévorent les œufs des cocons d'autres espèces d'araignées, c'est
là un fait rapporté seulement , à ma connaissance , par Walckenaer,
qui déclare l'avoir observé chez le Cluhiona holosericea et qui
ajoute, comme son opinion personnelle: „que beaucoup d'autres
araignées font la même chose." Quant à moi, je ne l'ai jamais
constaté; mais, par contre, j'ai bien vu quelquefois , tout comme
M. Menge, que des araignées tenues en captivité et à jeun suçaient
de petits morceaux de viande crue qu'on leur jetait. Quoi qu'il
en soit, à deux reprises différentes, un de mescocons de Pholcus,
au lieu d'être seulement sucé, disparut complètement; je suis
donc obligé d'admettre que la mère elle-même a mangé ses
propres cocons '). L'appétit ne devait d'ailleurs pas lui manquer
pour cela, à en juger par la circonstance que, en quatorze jours,
je ne l'avais pas vue lâcher une seule fois son cocon. Néanmoins,
elle n'a pu être contrainte par la faim seule , car je ne cessai
pas de lui fournir de temps en temps une mouche vivante, à
laquelle toutefois elle paraissait ne faire aucune attention. Il est
possible que la mère se soit aperçue que ses œufs étaient stériles ;
ceux-ci, en effet, restaient toujours également petits, tandis que
mon troisième cocon de Pholcus, que la mère avait épargné pen-
dant près d'un mois, laissait voir clairement l'augmentation de
volume et le changement de couleur des œufis. Pour la parfaite
') Peut-être cela n'arrive-l-il que clans l'état de captivité, tout comme chez
certains vertébrés, entre autres chez la souris ordinaire, que j'ai vue plus d'une
fois dévorer tous ses petits.
352 A. W. M. VAN HASSELT. ÉTUDES SUR LE
intelligence de ce qui précède , je rappellerai que les Pholcus , —
de même que les Dolo^nedes , les Ocyale, les Scy Iodes et quelques
autres , — ne déposent pas librement leur cocon globuleux, ou ne le
traînent pas après eux fixé à l'abdomen, à la manière des L?/co5a,
mais que , pendant plusieurs semaines , ils le portent constamment
près de la bouche, maintenu entre les mandibules ^ ) et en partie sou-
tenu par les palpes. Je n'ai pu m'assurer si , comme quelques auteurs
l'ajoutent, le cocon est en même temps „collé plus ou moins sternum."
Une autre observation relative à l'ovulation des Pholcides con-
cerne la question de savoir s'il est bien exact de dire, avec
plusieurs aranéologues , „que le Pholcus ne fait pas de cocow pro-
prement dit, mais laisse la masse de ses œufs entièrement
à nu." On sait que non-seulement ces œufs sont assez grands,
comparés à ceux d'autres espèces, mais qu'ils se voient aussi
parfaitement chacun à part, ce dont M. Claparède a si bien
profité pour ses célèbres observations microscopiques Sur révolu-
tion des araignées; les Pholcus, en effet , sont , à ma connaissance ,
le seul genre d'araignées qui construise un cocon dans lequel
les œufs, au lieu d'être complètement recouverts de fils, comme
c'est le cas ordinaire, restent en apparence tout à fait nus et sont
directement observables. Mais une autre question est de savoir,
si l'assertion de Walckenaer, — adoptée sans réserves par son
compatriote M. Simon, ainsi que par M. Vinson, — ^qu'elle
agglutine ses œufs en une masse ronde (sic) et niiCj qu'aucun
tissu ne recouvre j" si cette assertion est bien conforme à la vérité.
Bien que je n'aie eu que trois fois l'occasion d'examiner avec
soin un cocon de Pholcus, et bien que je n'en possède qu'un
seul dans ma collection, cela m'a suffi pour reconnaître claire-
ment que les œufs sont non-seulement „agglutinés" entre eux,
mais recouverts en outre d'un tissu ^ qui, il est vrai, est extrê-
») M. Siemascliko paraît avoir ignoré cette circonstance. Du moins il écrit,
à l'occasion de la capture d'une $, qu'elle ,,n abandonna pas son cocon, mais
l'emporta entre ses mandibules." On peut inférer en outre de sa relation que,
tout comme nous à Utreclit, il n'a rencontré que rarement le Pholcus à
St. Pétersbourg.
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 353
mement lâche et mince. La chose devint surtout bien évidente
lorsque j'eus laissé le cocon immergé pendant quelque temps dans
une dissolution de carmin. Du reste, le fait que j'annonce n'a
absolument rien de nouveau, car d'autres aranéologues l'avaient
observé avant moi, Koch, Blackwall et surtout M. Claparède,
juge si compétent en cette matière, disent en termes presque
identiques: „que les œufs de Pholcus sont recouverts d'une en-
veloppe de fils très mince, transparente (d'un tissu extrême-
ment délicat, Blakw.)". Cela s'accorde d'ailleurs très bien avec
le fait, que cette araignée ne construit qu'une petite toile insi-
gnifiante et que ses fils sont en général excessivement minces , de
sorte que la première couche dont elle enveloppe sa proie se
distingue à peine et que la mouche, quelle que soit la rapidité
de l'opération, reste longtemps visible en entier, à travers son
linceul transparent.
Pour terminer, je dirai encore un mot de la distribution géo-
graphique de cette remarquable araignée, ne fût-ce qu'en souvenir
d'une visite que j'eus l'honneur de recevoir, il y a quelques an-
nées, à Utrecht, de la part de M. A. E. Griibe, professeur de
zoologie à Breslau , visite dans laquelle ce savant parut s'intéresser
tout spécialement , et jusque dans les détails , à notre faune arach-
nologique; ces remarques pourront servir d'ailleurs à rectifier
une conclusion légèrement inexacte que M. Griibe a formulée au
sujet de la distribution de ces Aranéides, dans son Verzeichniss
der Arachnoïden Liv- , Kur- und Estlilands (Arc/i. f. d. Naturkunde ,
2e Sér. t. I, Dorpat, 1859), dont il eut la bonté de m'envoyer
un exemplaire au moment de la publication.
A la page 19 de son Mémoire, M. Griibe dit: „ Puisque les
genres U, L, E, Pholcus ^ S, A '), — dont on ne rencontre
•) Je me suis borné à indiquer par leur initiale, comme n'ayant aucun rapport
à la question qui nous occupe, les autres genres d'araignées mentionnés par M.
Gr. A l'égard du dernier seulement, A {Ati/jjus) , je rappellerai ici que ce genre
habite également notre pays, un bel exemplaire ^ de AUjpus Sidzeri ayant été
trouvé par ma femme dans le bois de Zeist près d' Utrecht {Ned. Tydaohr. v.
Entom., 1869, t. XII. p. 25).
Archives Néerlandaises, T. V. 23
354 A. W. M. VAN HASSELT. ETUDES SUR LE
ordinairement que des représentants isolée dans l'Allemagne du
sud et en Angleterre, — ne se montrent même plus dans les
environs si favorisés de Dantzig, on doit en conclure qu'il n'y
a aucun espoir de les trouver dans la Livonie etc."
A l'époque où il écrivait (1859), M. Grlibe était parfaitement
autorisé à admettre l'absence des Pbolcides dans la région septen-
trionale en question 5 mais , depuis lors , nos connaissances ont
de nouveau fait un pas en avant.
Ce qui m'est connu jusqu'à ce jour au sujet des rapports géo-
graphiques du genre Pholcus en général et de notre opilioiwïdes
ou phalangoides en particulier , revient essentiellement à ce qui suit :
Ce genre d'araignées paraît vivre de préférence dans les pays
chauds, ou du moins dans des contrées plus méridionales que
celles qui appartiennent à notre climat. Dans la zone tropicale
(surtout en Asie et en Afrique), la famille qu'il constitue est
représentée, en effet, par des espèces, peu nombreuses il est
vrai, qui se distinguent plus ou moins nettement entre elles
(Borboniciis , sisyphoïdes, elongatus , rivulaius); la même chose
s'observe dans les parties méridionales ou chaudes de l'Europe,
telles que l'Espagne, l'Italie, la Grèce (caudatiis , nemaslomoïdes ,
impressus). Aussi, rien qu'à cause de ce fait général, je
ne fus pas peu surpris de voir émettre par un aranéologue
expérimenté, le regrettable Doleschall, la conjecture: „que le
Ph. phalangoides aurait probablement été transporté de l'Europe
dans ce pays-ci, — c. à. d. aux Indes orientales, — avec des
meubles, etc." (Doleschall , 2tle Bijdrage toi de kennis der Arach-
niden van den Indischen Archipel). En effet, de ce que la famille
en général prospère mieux dans les climats chauds , et de ce que
le nombre des espèces, même celui des individus, diminue à
mesure qu'on approche de pays plus froids , on est plutôt en droit
de conclure précisément l'inverse de la ^conjecture" précitée,
c'est-à-dire, d'admettre que notre Pholcus a été transporté des
contrées tropicales en Europe. C'est d'ailleurs à quoi j'ai déjà
fait plusieurs fois allusion dans l'introduction de ce travail. La
grande majorité des lieux de découverte, à moi connus, dans la
PHOLCUS OPILIONOÏDES SCHRANK. 355
partie septentrionale de l'Europe , témoigne aussi en faveur
de cette opinion : ce sont en effet , ou bien des poris de mer , en
relation avec les Indes orientales^ ou bien des endroits où une
introduction accidentelle des pays tropicaux ou sud-européens est
facilement admissible (jardins botaniques , magasin de quincaillerie ,
dépôt de nattes à sucre ou „kranjangs" etc.) En outre, lorsque
les auteurs indiquent , dans les zones chaudes ci-dessus désignées ,
l'existence de Pholcides, soit d'espèces différentes de la nôtre,
soit surtout de celle-ci, ils ajoutent fréquemment qu'elles y sont
„ abondantes," ou „ universellement répandues," ou „très communes"
(voy . entre autres , pour Java , Doleschall ; pour l'Afrique , Vinson ,
etc.). 11 en est tout à fait de même pour l'Europe méridionale
et centrale jusque vers 50'^ de latitude. (Voy. entre autres: Cla-
parède pour la Suisse, 46°; Doleschall pour la Hongrie, 47^;
idem pour les environs de Vienne , 48° ; même Walckenaer pour
Paris, 49°, et Hahn et Koch pour Nuremberg et Ratisbonne,
49° à 50°). Par contre, il est très remarquable que, dès qu'on
s'avance un peu plus vers le nord, au-delà de 50° L. N. , la
présence du Pholcus dans notre continent, — ainsi que M. Grtibe
l'avait déjà déduit des données alors connues, — commence à
devenir très rare; que même, jusqu'à ce jour, notre araignée n'a
pas encore été trouvée partout à cette latitude , et que là où son
existence a été constatée, on ne l'a rencontrée ordinairement
qu'en un petit nombre d'exemplaires et dans quelques localités
isolées.
Pour les localités qui me sont actuellement connues dans l'Europe
septentrionale, entre les longitudes 5° 0. et 30° E., le rayon
géographique est, en allant du sud au nord:
Ile de Wight Blackwall (1861) .... environ 50° L. N.
Pays-Bas (Amsterdam, IJtrecht, Dor-
drecht) van Hasselt (1868—69). . . „ 52° „ „
Angleterre (Liverpool) Blackwall (1861) „ 53° „ „
Suède (Gothembourg) Westring (1861) „ 55° „ „
Russie (St.-Pétersbourg) Siemaschko
(1861) „ 60° „ „
23*
356 A. W. M. VAN HASSELT. ETUDES.
La dernière de ces localités constitue la limite septentrionale
de l'aire du Pholcus, telle que je la connais aujourd'hui.
Comme preuve toutefois de ce qui a été dit ci-dessus concernant
la rareté du Pholcus entre 50" et 60% je donnerai la liste sui-
vante d aranéologues qui paraissent ne pas l'avoir rencontré
jusqu'ici: Reuss pour Francfort s.lM. (50'), Griibe pour Breslau
(51°), Ohlert pour Konigsbergen (53°j , Menge pour Dantzig
(54°), Grube pour la Livonie etc. (58° à 59°), Thorell pour
Upsal (60°).
Amsterdam, décembre 1869.
N.B. Pendant l'impression de ce travail , mes présomptions con-
cernant l'indig-énat reçoivent un très fort soutien, vu que j'ai
trouvé ce matin (14 avril 1870), dans une chambre de ma maison
(Amsterdam, Prinsengracht), qui communique avec le jardin, un
nouvel exemplaire vivant (? pulliis) de Pholcus, bien que je sois
certain qu'aucun de mes hôtes de l'année dernière ne s'est échappé.
V. H.
SUR LA VARIATION DIURNE
DE L'INCLINAISON MAGNÉTIQUE À BATAVIA,
PAR
P. A. BERGSMA.
Les observations dont les résultats seront communiqués dans ce
Mémoire ont toutes été faites au même endroit, à l'Observatoire
magnétique de Batavia. Cet observatoire est un bâtiment en bois ,
dans la construction duquel il n'est entré aucune pièce de fer;
il est situé dans un jardin privé , à une distance d'environ quarante
mètres du plus rapproché des édifices environnants. La position
géographique de cet observatoire est: Latitude 6^ IT 0'^ sud,
Longitude 7^ 7"^ 19s est de Greenwich.
L'instrument avec lequel les observations ont été faites est un
cercle d'inclinaison de Barrow, de 3 pouces de diamètre; pour
toutes les observations on s'est servi de la même aiguille. Chaque
observation d'inclinaison au moyen de cet instrument demande
environ quarante minutes. L'observation commençait à vingt minutes
avant l'heure entière et finissait à environ vingt minutes
après l'heure entière ; le résultat donné par cette observation était
alors accepté pour valeur de l'inclinaison à l'heure entière exacte.
Trois séries différentes d'observations ont été exécutées.
La première série s'étend du 29 mai LS68 au 22 août 1868;
elle comprend des observations faites à douze jours différents,
d'heure en heure, depuis 7 h. avant midi jusqu'à 5 h. après
midi; dans ces observations on a donc obtenu pour chaque jour
onze valeurs de l'inclinaison. En commençant cette série, je m'étais
proposé de la continuer au moins pendant un an ; mais au bout
de trois mois je fus obligé de m'arrêter, l'observation devenant
trop fatigante pour la vue.
358
p. A. BERGSMA. SUR LA VARIATION DIURNE
La seconde série comprend des observations faites à 10 heures
du matin et à 4 et 10 heures du soir, pendant 21 jours, distri-
bués entre le 26 août 1868 et le 3 novembre 1868. Au com-
mencement de novembre je tombai sérieusement malade, de sorte
qu'il me fut impossible de me livrer à aucune observation ; ce ne
fut qu'au mois de décembre que je me trouvai assez bien rétabli
pour pouvoir me remettre à la besogne.
La troisième série est composée d'observations faites à 10 heures
du matin et à 4 heures du soir, pendant 103 jours, répartis entre
le 1er décembre 1868 et le 30 novembre 1869; ces observations
eurent lieu autant que possible deux jours par semaine, de manière
à obtenir 8 ou 9 jours d'observation dans chaque mois.
La table I renferme la première série d'observations. L'inclinaison
est: sud 21° -h les nombres de la table; ces nombres indiquent
des minutes.
TABLE L
Batavia
Temps moyen.
7 h.
mat.
8 h.
mat.
9 h.
mat.
lot,
mat.
Uh
mat.
Midi.
h. I
2 h. 3 h.
soir. soir. | soir.
I I
4 h.
soir.
5 h.
soir.
Mai 29
Juin 4
Juin 12
Juin 19
Juin 25
Juillet 2
Juillet 9
Juillet 16
Juillet 23
Juillet 30
Août 13
Août 22
Moyen, horair.
22'.o4
20.05
19.58
19.16
19.04
17.58
20.32
21.72
20.37
17.88
20,73
22.04
20.08
20/.56
20.23
19.82
17.31
19.58
19.67
18.94
20.30
18.42
18.64
22.03
20 58
19.67
.17
18M;3
19'.94
2r.5l
19^94
53
19.20
18.37
18 68
18.84
79
18.55
17.71
19.12
19.25
33
18.81
19.37
20.04
20.25
78
18.84
18.93
19.44
18.82
04
17.73
16.97
18.42
19.82
71
20.27
19.03
19.97
22.19
17
18.03
20.41
20.34
20.99
93
19.03
19.80
21 . 08
20,74
19
19.00
19.07
18.97
18.93
10
21.67
20.67
20.14
22.01
49
19.06
18 42
19.92
19.36
60
19.07
19.06
19.80
20.10
22.05
20.48
23.64
20.60
20.29
19.29
24.89
20.88
23.42
21.48
21.76
20.84
21.64
Les moyennes horaires déduites de ces observations montrent
que l'inclinaison sud à Batavia décroît depuis 7 h. du matin
jusqu'à 10 h. du matin, où elle est un minimum, et qu'ensuite
elle croît depuis 10 h. du matin jusqu'à 5 h. du soir.
DE l'inclinaison MAGNETIQUE à BATAVIA.
359
La table II donne les différences qu'on trouve en retranchant
la valeur de l'inclinaison à 10 h. du matin de la valeur de
l'inclinaison aux autres heures.
TABLE IL
Batavia
Temps moyen.
7 h. 8 h. 9 h.
mat. mat. i mat.
lOli. 11 h. 1 h.
mat. mat. ^^^- soir.
2 h.
soir.
3 h. 4 h. I 5 h.
soir. soir, soir
Différences.. . .
1' .48 1' .07 0' .57 0' .00 0' .47 0' .46 1' .20 1 .50 2' .03 2' .56'3'.04
' i
Le décroissement de l'inclinaison de 7 h. du matin à 10 h. du
matin et l'accroissement de 10 h. du matin à 5 h. du soir sont
assez réguliers ; la seule irrégularité est celle que montre la diffé-
rence obtenue pour l'heure de midi.
La table III comprend la deuxième série d'observations.
TABLE m.
Batavia
Temps moyen
10 h. matin,
4 h. soir.
10 h. soir.
Août 26
Août 29
Septembre 1
Septembre 4
Septembre 8
Septembre 12
Septembre 15
Septembre 18
Septembre 21
Septembre 25
Septembre 29
Octobre 7
Octobre 9
Octobre 11
Octobre 20
Octobre 22
Octobre 23
Octobre 27
Octobre 29
Octobre 30
Novembre 3
Moyennes lioraires
27°
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
18^39
18.65
22 24
19.52
1 9 . 82
18.14
20.44
21.12
23.21
19.98
20.43
21.25
21.98
20.33
22.33
18.04
23.18
20.08
18.01
14.41
18.88
20.02
27*
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
20'.04
21.24
23.18
22.78
22.55
21.56
19.18
22.73
27.22
22.21
25.67
23.98
24.^)5
24.47
25.07
21.76
27.24
27.1:3
19.62
22.10
23 . 39
23.19
27°
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
27
21 '.76
21.02
22.96
22.39
23.48
22.24
25.20
22.94
27.39
22.14
24.74
23.93
24.19
26 . 20
22.17
24.73
25.10
20.68
21.22
23.04
19.11
23.17
360
p. A. BERGSMA. SUR LA VARIATION DIURNE
Les moyennes horaires déduites de ces observations apprennent
que l'inclinaison a la même valeur à 4 h. du soir qu'à 10 h. du
soir. Ce résultat, combiné avec l'accroissement régulier de l'incli-
naison de 10 h. du matin à 5 h. du soir, tel qu'il résulte de la
première série d'observations, indique que l'inclinaison est un
maximum vers 7 h. du soir.
La table IV fait connaître les résultats de la troisième série
d'observations. Il serait trop long de donner toutes les observations
particulières ; pour ce motif, je ne communique que les moyennes
horaires pour chaque mois et pour l'année entière. La cinquième colonne
de cette table IV renferme les différences qu'on obtient en retran-
chant la valeur de l'inclinaison à 10 h. du matin de celle à 4 h.
du soir.
TABLE IV.
Nombre des
1
jours
10 h. matin.
4 h. soir.
Diôerences.
d'observation.
Décembre 1868.
9
27-^
19'.49
27°
22^52
3'.03
Janvier 1869.
9
27
18.82
27
22.59
3.77
Février //
8
27
19.00
27
22.50
3.50
Mars //
9
27
20.76
27
24.56
3.80
Avril //
8
27
22.23
27
25.18
2.95
Mai //
9
27
21.61
27
24.06
2.45
Juin //
9
27
22.08
27
25.32
3.24
Juillet //
9
27
21.51
27
25.27
3.76
Août //
9
27
23.19
27
25.58
2.39
Septembre //
8
27
22.68
27
25.69
3.01
Octobre //
8
27
23.02
27
25.02
2.00
Novembre '/
8
27
23.53
27
24.90
1.37
Moyennes annuelles.
27
21.46
27
24.42
2.96
Ces observations montrent que pendant toute l'année l'inclinaison
sud à Batavia est plus grande à 4 h. du soir qu'à 10 h. du matin.
Sur les 103 jours où l'inclinaison a été observée à 10 h. du matin
et à 4 h. du soir, il y en a eu 96 où elle était plus grande au
second de ces instants qu'au premier.
DE l'inclinaison MAGNETIQUE A BATAVIA. 361
La différence moyenne entre l'inclinaison à 10 h. du matin et
celle à 4 h. du soir, dans l'année commençant le 1er décembre
1868 et finissant le 30 novembre 1869, est de 2',96. La table
IV indique que cette différence varie dans les différents mois ; des
observations continuées pendant plus longtemps montreront peut-
être que cette différence est assujétie à une variation annuelle
régulière.
La variation diurne de l'inclinaison dans l'hémisphère sud n'a,
pour autant que je sache, jamais été déduite d'observations faites
au cercle d'inclinaison. Le général Sabine a déduit la variation
diurne de l'inclinaison à Ste. -Hélène (latitude 15^ 56' 41",2 sud,
longitude 0^ 22m 41s,9 ouest de Greenwich) des variations diurnes
de la force horizontale et de la force verticale, observées depuis
le 1er janvier 1843 jusqu'au 31 décembre 1846. Comme Ste.-
Hélène est, de tous les points de l'hémisphère sud où la variation
diurne de l'inclinaison est connue, celui dont la latitude se rap-
proche le plus de celle de Batavia, je transcris dans la table V
( Voir à la page suivante) les résultats du général Sabine (E. Sabine ,
Observations al St. ffelena, t. II, p. LXI).
Ces résultats présentent un accord remarquable avec ceux qui
se déduisent de mes observations. Dans la demi-année d'avril à
septembre, qui est celle où fut faite la plus grande partie de ma
première et de ma seconde série d'observations, l'inclinaison dé-
croît de 7 h. du matin à 10 h. du matin, est un minimum à
10 h. du matin, croît de 10 h. du matin à 7 h. du soir, est un
maximum à 7 h. du soir, et atteint à 10 h. du soir à peu près
la même valeur qu'à 4 h. du soir.
La différence entre les moyennes annuelles pour 10 h. du matin
et 4 h. du soir est , à Ste. -Hélène , de 2',05 ; la différence entre
les moyennes annuelles pour ces mêmes heures, à Batavia, est
de 2', 96. D'après cela, il est probable que l'amplitude de la va-
riation diurne, dans les moyennes annuelles, est plus grande
à Batavia qu'à Ste. -Hélène. Ce fait serait d'accord avec les
résultats déduits par le général Sabine des variations de la force
horizontale et de la force verticale à Ste. -Hélène, au Cap de
362
p. A. BERGSMA. SUR LA VARIATION DIURNE
TABLE V.
INCLINAISON SUD à
STE.
-HÉLÈNE.
Ste.-Hélène
Moyennes semi-annuelles. j
Temps moyen.
Avril à
Septembre.
Octobre à
Mars.
annuelles.
Minuit.
22^
0'.38
22^
0'.52
22"
0'.45
1 h. du mat.
22
0.28
22
0.38
22
0.33
2 h. du mat.
22
0.17
22
0.25
22
0.20
3 h. du naat.
22
0.03
22
0.17
22
0.10
4 h. du mat.
21
59.98
22
0.05
22
0.02
5 h. du mat.
21
59.85
21
59.98
21
59.92
G 11. du mat.
21
59.68
21
59.92
21
59.80
7 11. du mat.
21
59.52
21
59.63
21
59.58
8 h. du mat.
21
59.17
21
59.17
21
59.17
9 h. du mat.
21
58.88
21
58.85
21
58.87
10 11. du mat.
21
58.48
21
58.62
21
58.55
11 h. du mat.
21
58.57
21
58.53
21
58.55
Midi.
21
58.75
21
58.62
21
58.G8
1 h. du soir
21
59.38
21
59.02
21
59.20
2 h. du soir
21
59.98
21
59.62
21
59.80
3 h. du soir
22
0.42
22
0.12
22
0.27
4 h. du soir
22
0.58
22
0.62
22
0.60
5 h. du soir
22
0.78
22
0.85
22
0.82
G 11. du soir
22
1.02
22
1.05
22
].03
7 h. du soir
22
1.13
22
1.10
22
1.12
8 h, du soir
22
0.92
22
0.88
22
0.90
9 h. du soir
22
0.82
22
0.90
22
0.87
10 h. du soir
22
0.70
22
0.73
22
0.72
11 h. du soir
22
0.52
22
0.68
22
0.60
Bonne-Espérance (Voir: E. Sabine, Observations at Si. Helena^
t. II, p. C.) et à Hobarton (Voir: E. Sabine, Observations at Ho-
barlon , t. II, p. XLV.); la table suivante fait connaître ces
résultats :
DE L INCLINAISON MAGNETIQUE A BATAVIA.
363
TABLE VI.
Latitude sud.
! Différences entre les
_ valeurs des moyennes
annuelles de l'inclinai-
son sud aux lieures du
maximum et du
minimum.
Ste.-Hélèue
Cap de Bonne-Espérance.
Hobarton
15^56'
83 56
42 48
2^57
1.50
1.26
Ces résultats indiquent un décroissement de l'amplitude de la va-
riation diurne de l'inclinaison, dans les moyennes annuelles, à
mesure que la latitude s'élève.
Je me propose de continuer mes observations d'inclinaison
à 10 h. du matin et à 4 h. du soir deux fois par semaine. L'objet
principal que j'ai en vue par là, est d'acquérir une connaissance
parfaite de la différence entre les inclinaisons à deux heures diffé-
rentes du jour. J'espère trouver ainsi un moyen de contrôler les
résultats que je serai peut-être un jour à même d'obtenir, au
moyen des magnétograplies , pour chacune des vingt-quatre heures
de la journée. Jusqu'à présent il a été impossible de faire fonctionner
les magnétographes , faute d'un local approprié.
Batavia, 24 décembre 1869.
NOTES POUR SERVIR A LA CONNAISSANCE
DU PRESBYTES ALBIGEKA, GRAY,
W. MARSHALL.
Dans le courant de l'année 1869, le Musée d'histoire naturelle
de Leyde reçut du Jardin zoologique de Rotterdam deux indi-
vidus morts d'un singe rare, le Presbytes alhigena Gray. Le ssiYs.nt
chef du Musée, M. le Directeur Schlegel, m'invita à faire l'étude
anatomique de ces animaux ; cette étude a conduit à quelques
résultats que je crois devoir faire connaître, en les comparant
successivement avec ce qui a été observé chez les singes des
genres les plus voisins, les Semnopithèques et les Cercopithèques.
Chez les Semnopithèques, — groupe dans lequel je comprends
les genres : Semnopiihecus F. Cuv. avec ses sous-genres , Nasalis
E. Geoffr. , Vetulus Rchb. et Colohiis Illig. , — la partie neurale
du crâne est arrondie, brachycéphale , et la partie viscérale est
peu saillante. L'angle facial s'élevait, en moyenne, chez les in-
dividus jeunes (3 crânes) à 78° 55', chez les vieux (9 crânes) à
50° 38'; un crâne très jeune de Nasalis y dont les fontanelles
n'étaient pas encore fermées, mesurait 83° 30' ; un très vieux, 45°.
Chez les Colohus la mesure de 5 crânes adultes donna pour
l'angle facial une valeur moyenne de 46" 24'.
Dans le genre Cercopithecus et ses sous-genres, où le crâne
est beaucoup plus allongé ^) et où sa partie faciale fait une
^) Il n'est pas sans intérêt de remarquer que le crâne des Semnopithèques,
groupe essentiellement asiatique , est brachycépliale , celui des Cercopithèques ,
qui appartiennent à l'Afrique, dolichocéphale; uii phénomène pareil est offert,
comme l'on sait, par les Anthropomorphes dasypyges , car l'Orang-outan . espèce
asiatique, est brachycéphale, tandis que le Chimpansé et le Gorille, propres à
l'Afrique, sont dolichocéphales.
W. MARSHALL. NOTES POUR SERVIR A LA, ETC. 365
saillie bien plus forte, je trouvai, après mensuration de 12 crânes,
un angle moyen de 30° 45'; le crâne du Presb. albigena avait
exactement 39°.
Un examen superficiel des crânes suffit déjà à faire reconnaître
que chez les Semnopitbèques les yeux sont beaucoup plus écartés
entre eux que chez les Cercopithèques. Chez les premiers , d'après
des mesures prises sur 19 crânes, le plus grand diamètre des
orbites était de 21,5 mm. et leur distance mutuelle de 9 mm.;
chez les Cercopithèques je trouvai, d'après 12 crânes, un diamètre
maximum de 21,7 mm. et une distance de 3,7 mm.; chez le
Pr. albigena enûn, le diamètre mesurait 21mm., la distance 4 mm.
Chez les Semnopitbèques et les Cercopithèques les fosses maxillaires
sont en général peu développées, ce n'est que chez les Cerc.
aethiops et fuliyinosus , singes appartenant au sous-genre Cerco-
cebus , qu'elles forment une impression profonde; la même chose
s'observe, à un degré encore beaucoup plus prononcé, chez le
Pr. albigena y en sorte que le bord infra-orbitaire y fait une
forte saillie. Je n'ai pas remarqué que le muscle canin fût par-
ticulièrement développé, ce qui toutefois peut devoir être attribué
à ce que cette région avait été plus ou moins endommagée
pendant la préparation de la peau.
Les facettes articulaires de la mâchoire inférieure sont, chez
les Semnopitbèques, longues et étroites, les diamètres transver-
saux n'ayant que le tiers de la longueur des diamètres longitu-
dinaux ; ceux-ci convergent fortement en arrière ; le bord posté-
rieur de l'apophyse condyloïde est légèrement concave, le bord
antérieur est convexe. Chez les Cercopithèques, les diamètres
diffèrent peu entre eux, de sorte que la facette articulaire est
presque arrondie; j'ai trouvé qu'il en est de même chez le
Presbytes albigena.
Il y a encore d'autres différences ostéologiques , qui concernent
surtout les proportions relatives du tronc et des extrémités , celles
des extrémités entre elles et celles des divers doigts. Le tableau
suivant résume les résultats des mesures que j'ai effectuées sur
5 squelettes:
366
W. MARSHALL. NOTES POUR SERVIR A LA
Tableau des dimensions des différentes parties du squelette
en millimètres.
Semno-
pithecus
en tell us ,
Wagn.
Nasalis
larvatus ,
Geoflfr.
Colobus
pcrsonatus
Temiu.
Cerco-
pitbecus
r liber ,
liinné.
Presbytes
albigena,
Gray.
Tronc
310
589
117
132
76
31
157
143
92
47
470
550
181
209
122
47
216
185
136
72
445
850
153
163
107
6
198
180
129
55
295
510
108
116
61
26
120
116
76
42
305
540
Bras
112
Avant- bras
127
Doigt médian
Pouce
85
42
Cuisse
Jambe
145
140^
Orteil médian
Gros orteil
92
51
Je ne puis malheureusement donner aucun renseignement sur
la dernière molaire, cette dent n'ayant encore percé dans aucun
de nos deux individus ').
Tous les os creux du Fr. albigena avaient la forme ramassée
de ceux des Cercopithèques.
En ce qui concerne le système viscéral, on sait, — et cette
particularité constitue même un des caractères génériques du
groupe, — que les Cercopithèques sont toujours pourvus d'aba-
joues; ces poches sont aussi très apparentes chez le Pr. albigena.
') On a souvent attribué une valeur exagérée aux caractères des dents, ainsi
que devront l'avouer tous ceux qui connaissent les nombreuses variations que ces
organes présentent, sous le rapport du nombre des tubercules, etc., chez l'être
le mieux connu, savoir chez l'homme. La môme chose peut arriver chez les
singes en question ; c'est ce que montre , entre autres , un crâne de Colobm ou
de Semnopithecus , récemment acquis par notre Musée, qui présente la formule
dentaire suivante;
2.1.3.4.
2 n . 3 . 4^
par conséquent, un excès de 8 dents.
CON>AISS\NCE DU PRESBYTES ALBIGENA , GRAY. 367
La langue montre , à la partie antérieure , de nombreuses papilles
fongiformeS; de couleur blanche; les papilles caliciformes sont au
nombre de 3 et, de même que chez plusieurs Cercopithèques,
elles sont placées en triangle à la base de la langue ; leur diamètre
est de plus de 2 mm. L'œsophage n'offre rien de bien caractéristique.
L'estomac , qu'avant la dissection je m'étais attendu à trouver
composé comme chez les Semnopithèques, et que je me proposais
d'étudier sous le microscope, était simple comme chez les
Cercopithèques. Sa forme était arrondie, le fond à peine
développé; le cardia et le pylore étaient très rapprochés, de
sorte que la grande courbure mesurait 202 mm. , la petite seule-
ment 60 mm. L'intestin grêle était peu distinct au pylore; son
calibre intérieur était faible, sa longueur égale à 1,13 mètre. Le
cœcum était fortement développé , avait la forme d'un cône tronqué et
une longueur de 35 mm. Le gros intestin était long de 5,8 déci-
mètres ; les ligaments du côlon étaient fortement prononcés , solides ,
et larges de 5 mm.; les appendices épiploïques , que je n'ai encore
trouvés chez aucun singe , manquaient également dans le cas actuel.
La disposition du côlon était très remarquable: en effet, il
n'y avait pas de côlon ascendant, le cœcum était situé dans
l'hypochondre droit, sous le bord du foie, et de là le côlon se
dirigeait; en pente assez rapide, vers le côté gauche du bassin,
de sorte qu'il n'était pas question non plus d'un côlon transverse
proprement dit. A l'S du côlon et au rectum il n'y avait rien
de particulier à observer.
Le foie avait 3 divisions antérieures, plus grandes, et trois postéri-
eures , plus petites ; la plus volumineuse de ces dernières était située
au côté gauche et faisait partie du lobe gauche, les deux autres
étaient des lobules de Spiegel. La vésicule du fiel avait la même
forme que chez l'homme, et il en était de même du pancréas et de
la rate; seulement, cette dernière était relativement plus petite.
Au larynx je ne pus rien découvrir d'analogue aux poches laryn-
giennes des Semnopithèques. Le poumon droit était 3-lobé, le
gauche 2-lobé.
Le système utogénital ne montrait rien de particulier.
368 W. M/VRSFIALL. NOTES POUR SERVIR A LA, ETC.
D'après ce qui précède , il me semble qu'il ne peut guère rester de
doute que le singe en question n'appartient ni au genre Presbytes,
comme le veut Gray, ni au groupe des vrais Semnopithèques , à
la tête desquels le place Reichenbach. A mon avis, c'est un
véritable Cercopithèque, qui, il est vrai , par son aspect extérieur ,
rappelle fortement les Semnopithèques.
Il ne me Paraît pas inutile d'en donner encore une fois une
courte diagnose.
Cercopilhecus albigena.
Presbytes albigena Grray, Proc. zool. Soc. Lond. 1850, p. 77.
Semnopithecus alb. Reichenbach, Vollstànd. Naturg. der
A/feu, p. 93, n. 226.
Couleur générale d'un noir mat ; à la gorge , aux côtés du cou
et surtout aux joues, des poils plus longs et grisâtres; au-dessus
de chaque œil une touffe dirigée en avant; sur le sommet de la
tête une touffe semblable , plus grande , qui se perd vers la nuque ;
aux côtés du tronc une crinière, dont les poils sont légèrement
teintés de roux à l'extrémité.
Face et mains noires, à poils très fins; callosités ischiatiques
petites, jaunâtres; yeux d'un brun clair. Les dimensions des diffé-
rentes parties se déduisent du tableau ci-dessus.
Trois individus au Musée de Leyde, deux adultes (qui ont servi pour
la présente étude), etuu jeune, sans lieu d'origine, reçu de M. Schaufuss.
Par une communication verbale de mon ami M. van Bemmelen ,
directeur du Jardin zoologique de Rotterdam, j'ai appris que ce
singe, dont l'établissement en question a reçu successivement
5 exemplaires, provient du royaume de Loango, sur la côte
occidentale de l'Afrique.
Dans l'établissement ils étaient nourris avec du maïs, du pain
et des choux blancs; ils recevaient en outre, chaque jour, un
peu de viande crue et quelques œufs. Malheureusement on n'a
pas réussi jusqu'ici à conserver ces animaux longtemps en vie.
Dans les individus que j'ai étudiés les poumons étaient tuber-
culeux à un haut degré.
Leyde, Septembre 1870.
PJ I
INDUCTEURdeRUHMKORFF avecAPPAREIL d'enrégistration,
PI. II*.
Grand Ruhmkorff, sans condensateur; 10 éléments de Grove.
Décharges de fermeture. (Mailpapier).
Peu d'interruptions , parce que b communiquait avec le diapason et a avec le cylindre.
PI. m*.
*
«
v^î^v/^
/^A/wv
Grand Kuhmkorff, sans condensateur; 10 éléments de Grove.
Décharches d'ouverture. {Papier vélin}.
Beaucoup d'interruptions , parce que b communiquait avec le diapason et
a avec le cylindre.
PI. IV*.
iW/KÈH,
v^ yy ^^
/ \/ ^/: V V ^-.i.^./».
émàtmiémirieit:
^ — — ; •<-♦- *h-« — tw mimoiiwni-- '
jT"~ :zz:
— r->
17Z
"««^IsS"-
■> — »»«■*«■"*—«'*
Grand Ruhmkorff, sans condensateur; 10 éléments de Grove.
Les deux électrodes écrivant à la lois. [Maiipapier).
PI. Y'
xV.A.^.,A/
A^'V--.
A.''^'V^y^•..y'\/%/^
Grand Ruhmkorfî , sans condensateur; 1 — 10 éléments de Grove.
Durée de la première interruption à l'ouverture. {Papier vélin).
Grand Ruhmkorff, sans condensateur; 8 éléments de Grove.
Durée de la décharge d'ouverture, croissant avec l'étendue du
contact métallique. (Papier vélin).
PI. VIP.
V \
Grand Ruhmkorff, sans condensateur; 4 éléments de Grove.
Décharges d'ouverture avec micromètre à étincelles. (Papier vélin),
PI. VIII*.
|VV\/\yWVV^/v\A;A^i^
Wi#V%^-
,A
y\
-^V/^v.'^^.^^
^%^\
•y V
Grand Ruhmkorff, 10 éléments de Grove.
Décharges d'ouverture avec bouteille de Leyde. {Papier vélin).
PI. IX*.
ï^^.
^»
MRfîr:
Tsm
im-
^W
^
^ir
3«fe
Grand Ruhmkorff, 10 éléments de Grove.
Images des étincelles de la décharge de fermeture, avec bouteille
de Leyde. {Papier vélin).
ARCHIVES NÉERLANDAISES
DES
Sciences exactes et naturelles,
MATÉRIAUX POUR LA COINNAISSANCE DU BASALTE
F. SEELHEIM.
Les recherches dont je vais rendre compte doivent leur origine
première à une question purement pratique^ dont la solution
toutefois entraînait nécessairement dans des considérations intimement
liées à la composition et au mode de formation du basalte. Comme,
sur ces deux points, il règne encore toujours des incertitudes et
des divergences d'opinion, je crois devoir communiquer les résultats
obtenus, d'autant plus qu'ils ont conduit à une vue bien déter-
minée relativement à la genèse de la roche en question.
Parmi les prismes de basalte employés, à Middelbourg, dans
la construction d'un quai de déchargement, au port du nouveau
canal, il s'en trouvait un grand nombre qui donnaient lieu
d'observer un phénomène particulier : les prismes bien constitués ,
à cinq ou à six pans, parfaitement intacts, éclataient d'eux-
mêmes, comme on disait, en une foule de petits fragments. Après
être restés exposés quelque temps à l'influence des agents atmos-
phériques, les prismes montraient un grand nombre de fentes
longitudinales et transversales , qui les divisaient en parties irré-
gulières, de la grandeur de la main; dans quelques-uns même
la désagrégation était poussée si loin, qu'on pouvait les réduire
Archives Néerlandaises, T. V. 24
370 F. SEELÏIEIiM. MATÉRIAUX POUR LA
SOUS les doigts en grains de la grosseur d'un pois. Comme ce
phénomène n'était pas borné à quelques cas isolés, mais se
manifestait sur des centaines de prismes , je fus prié de chercher
un caractère qui permît de distinguer ces pierres, impropres à
tout service , de celles qui avaient la solidité requise.
Les prismes où la décrépitation se prononçait le plus fortement
provenaient de la carrière du Romerichkopf; près de Linz, sur
la rive droite du Rhin. Dans cette carrière même je reconnus
également le fait dont il s'agit, tant sur des fragments détachés ,
éparpillés sur le sol, que, çà et là, sur les prismes en place,
surtout sur ceux qui étaient rapprochés des pentes, tandis que,
plus vers le centre de la montagne , la roche , dressée en colonnes
élancées , à angles obtus , reliées entre elles par de minces couches
d'argile , paraissait de qualité irréprochable. A la surface les prismes
montraient, sur l'épaisseur d'une feuille de papier, la couche altérée
bien connue , de couleur grise; à l'intérieur ils étaient noirs, à cassure
inégale et très grenue , parsemés de grains d'olivine, et sans autre
trace d'altération qu'une teinte rougeâtre répandue quelquefois sur
ces grains d'olivine jusqu'à une profondeur de 1 centimètre.
Poids spécifique =: 3,006.
Mon premier soin fut maintenant de chercher la cause de la
rupture. Il ne fallait pas songer ici à un effet de dessiccation , vu que
des petits fragments de basalte frais, laissés pendant plusieurs
semaines dans l'exsiccatenr, en présence de l'acide sulfurique, ne
perdaient rien de leur poids ; il ne pouvait être question davan
tage d'une pénétration d'humidité, car lorsque les fragments,
immergés dans l'eau , étaient portés sous le récipient de la
machine pneumatique et maintenus pendant longtemps dans le
vide, il ne s'en séparait d'autres bulles que celles qui provenaient de
la couche d'air adhérente à la surface, tandis que le poids des
fragments , essuyés à la surface , ne dénotait aucune variation ,
et que l'intérieur ne laissait voir aucune trace de pénétration
d'humidité.
Lorsqu'au contraire on exposait les fragments, dans une étuve
à air ou à eau chaude, à une température de 50*^ seulement.
CONNAISSANCE DU BASALTE. 371
ils ne tardaient pas à se remplir de fissures , devenaient friables ,
et montraient à la surface, ainsi que dans toute la masse, une
quantité de points étoiles, d'un gris clair , particularité qui s'obser-
vait aussi sur les fragments éclatés spontanément et dans beaucoup
de morceaux encore compactes, à la surface de la cassure.
Le même phénomène ne se produisait pas quand les fragments
étaient introduits dans un mélange réfrigérant de sel de Glauber
et d'acide chlorbydrique , et qu'ils restaient pendant douze heures
dans ce mélange plusieurs fois renouvelé et donnant lieu à un
froid d'au moins lé''.
D'après cela, le signe auquel on pouvait reconnaître la propriété
d'éclater, savoir, l'effet d'un échauffement modéré, était trouvé:
car toutes les autres variétés de basalte , à cassure unie ou moins
grenue, traitées de la même manière, ou même chauffées jusqu'à
100° et au-delà, gardaient leur cohérence.
Une autre question était de savoir de quelle manière réchauffe-
ment occasionnait la rupture. En cherchant la réponse à cette
question , je songeai d'abord à l'assertion de M. Mohr ' ) , d'après
laquelle le basalte renfermerait une petite quantité d'eau , contenue
dans des cellules capillaires closes de toutes parts: dans le cas
où cette eau remplirait toute la capacité des cellules, sa
dilatation par la chaleur pouvait donner l'explication du
phénomène.
Mais , en admettant même la réalité de l'existence de ces cellules ,
on devrait s'attendre à voir la dilatation due à la congélation de
l'eau produire le même effet que réchauffement; or, comme cela
n'avait pas lieu, je renonçai à cette explication, bien qu'il ne
soit pas impossible que la cause indiquée contribue au résultat.
J'instituai maintenant une expérience à l'effet de constater si
l'un ou l'autre gaz à l'état libre, par exemple de l'acide carboni-
que , pouvait se trouver emprisonné dans de semblables pores du
basalte. Un grand morceau de basalte ayant été placé dans un
vase de cuivre susceptible d'être fermé hermétiquement, on fit le
') F. Mohr, GescUchte der Erde.
24*
372 F. SEELHEIM. MATÉRIAUX POUR LA
vide dans ce vase au moyen de la pompe pneumatique à mercure
de Geissler. Après que le mercure du manomètre se fut maintenu
pendant un demi-jour au même niveau dans les deux branches ^
on chauffa le vase à une température de 100^. La rupture eut
lieu successivement, avec un bruit de crépitation , et il se forma
un enduit d'humidité dans le tube qui reliait le vase à la pompe
pneumatique; mais, lorsque cette humidité eut été absorbée
par le chlorure de calcium de l'appareil de dessiccation , le mercure
du manomètre ne montra qu'une différence de niveau très insi-
gnifiante y et bien que , en faisant fonctionner de nouveau la pompe ,
de l'eau de baryte interposée se troubla légèrement, ce trouble
était trop faible pour qu'il y eût lieu d'en tenir compte. Il n'y
avait donc pas non plus de gaz emprisonné dans le basalte.
Le poids spécifique n'est pas changé après la décrépitation.
C'est donc la dilatation passagère, due à réchauffement, qui
produit la rupture. Or, lorsqu'un corps solide homogène est soumis
à un échauffement uniforme, son volume total peut bien aug-
menter, mais il est tout à fait impossible qu'il se brise. Par
conséquent il faut, ou bien que réchauffement ne soit pas uni-
forme, ou bien que la masse ne soit pas homogène. Si c'était le
défaut d'égalité dans réchauffement qui occasionnait la rupture,
le phénomène devrait s'observer également dans les autres sortes
de basalte; comme il ne se manifeste toutefois, même après
une application prolongée de la chaleur , que chez la seule variété
dont il est ici question, il ne reste d'autre alternative que de
l'attribuer à une inégalité de dilatation due à l'inégalité de structure
de l'agrégat minéral, et par suite de laquelle les points où la
tension est la plus forte se réunissent par des fissures. Ainsi
s'explique aussi pourquoi la dislocation atteint tout spécialement
les basaltes qui présentent une cassure à gros grains, car il est
probable que chez ceux-là l'hétérogénéité de structure est plus
grande que chez les basaltes à cassure unie, lesquels, toutefois,
ne sont pas entièrement à l'abri du phénomène. Au Domkopf près
d'Unkelbach sur le Rhin, au Meissner en Hesse, et dans d'autres
localités, j'ai vu de ces masses réduites en fragments , — souvent
CONNAISSANCE DU BASALTE. 373
cimentés de nouveau par de l'oxyde de fer et du carbonate de
chaux, — parmi les prismes détachés et épars sur le sol; à
l'intérieur des montagnes basaltiques, là où la roche en place
est préservée de l'influence des rayons solaires, je n'ai jamais
rien remarqué de semblable. Les petites taches étoilées, d'un gris
clair, que montre le basalte éclaté, sont les particules de la
pâte qui ont été rompues violemment lors de la division de la
masse, et qui paraissent plus claires parce qu'elles réfléchissent
plus de lumière.
Le phénomène dont il s'agit ici est donc entièrement différent
de celui de la division du basalte en prismes, lequel, comme
M. Mohr l'a prouvé clairement, est dû au retrait occasionné par
la transformation du carbonate de fer en oxyde magnétique.
Pour contribuer à la connaissance de la nature du basalte , sur
laquelle on ne possède pas encore des recherches suffisamment
complètes, je donne ici les résultats de l'analyse détaillée que
j'ai faite d'un échantillon.
Le basalte réduit en poudre extrêmement fine , privée de toute
humidité dans l'exsiccateur, fut digéré pendant longtemps avec
un grand excès d'acide chlorhydrique pur et concentré ; on évapora
alors à siccité, on procéda comme pour les silicates solubles
ordinaires, et on s'empara de l'acide silicique soluble par une ébulli-
tion prolongée et répétée avec du carbonate de soude. La masse qui
avait résisté à l'action de ces agents fut fondue avec du bisulfate
de potasse; à ce sujet, je remarquerai que le traitement par
l'acide sulfurique concentré suffit également, lorsqu'on le continue
pendant longtemps. L'acide silicique fut extrait par une dissolution
faible de soude. Enfin le résidu insoluble fut attaqué et analysé
ultérieurement par les méthodes connues. L'acide carbonique fut
déterminé, sur 50 grammes de matière, en faisant absorber le
gaz par l'eau de baryte; le dosage de l'oxyde de fer eut lieu
par la méthode iodoraétrique de M. Mohr.
374 F. SEELHEIM. MATÉRIAUX POUR LA
L'analyse donna en 100 parties:
En équivalents.
/ Acide silicique 25,72 0,838 i
l Alumine 4,20 0,0819
Partie insoluble \ Chaux 4,01 0,1432
40,64 j Magnésie 2,18 0,1090
Soude et un peu de potasse 1.82 0,0587
Oxydule de fer 2,71 0,0753
Partie attaquable Acide silicique 1,89 0,0613
par le bisulfate \ Alumine . . 1.72 0,0335
de potasse j (renfermant une très petite
3,61 \ quantité de fer).
Partie attaquable
par l'acide
chlorhydrique
55,47
Acide silicique 20,43 0,6630
Alumine 11,80 0,2302
Chaux 5,32 (— 0,44) 0,1743
Magnésie 2,00 0,1000
Potassse 0,36 0,0076
Soude 2,50 0,0806
Oxyde de fer 3,49 0,0436
Oxydule de fer 6,67 0,1853
Acide carbonique 0,12
Acide phosphorique 0,25
Eau 2,53
99,72
Des résultats de cette analyse on peut déduire , avec un degré
suffisant de certitude, la composition minéralogique du basalte.
0,4914 SiO, -4- 0,0819 AI2O3 H- 0;Ô587NaO"-H~0^2 Ca 0
donnent le rapport 6:1:1, ou la formule
RO, AI2O3, esio^,
c'est-à-dire du feldspath normal, dans lequel RO est représenté
par de la soude, de la chaux et très peu de potasse.
0,3434 Si 0 , + 0,Ï200CaO -f"^Î090MiO~H- 0,Ô753FeO
donnent approximativement le rapport 1:1, ou la formule
RO, SiO^,
qui est celle du pyroxène, RO comprenant, comme éléments
vicariants , les monoxydes chaux , magnésie et oxydule de fer.
Le silicate d'alumine, la partie attaquable par le bisulfate de
potasse, présente le rapport 1:2, c'est-à-dire la formule
Al,03,2SiO,.
CONNAISSANCE DU BASALTE. 375
Pour ce qui regarde la partie soluble^ il est probable que les
petites quantités d'acide carbonique et d'acide phosphorique sont
unies à de la cbaux. On obtient ensuite:
0,0436 Fe^Og + 0,0436 FeO = FeO ; Fe.Og ,
ou du fer oxydé magnétique ; puis
0j417F?O-r^Î000 MgO -h 0,1208 SiO^ ,
ou le rapport 2 : 1 z= 2 RO , SiO^ ,
c'est-à-dire la composition de l'olivine. Comme les analyses de
l'olivine montrent toujours très exactement le rapport 1 : 1 entre
les quantités d'oxygène, on peut faire ce calcul avec une entière
certitude.
Vient alors un silicate d'alumine et de chaux, savoir
0,1743 CaO + 0,1743 AUO. + 0,3486 SiO., ,
donnant le rapport 1:1:2, ou la formule
CaO, AI2O3 , 2810^ ,
qui est celle de l'anortbite;
0,1677 SiO, + 0,0559 AI2O3 + 0,0559 NaO,
correspondant à la formule
AUO3, 2SiO, +^^^jSiO,,
qui représente la natrolite; enfin,
0,0259 SiOo + 0,0247 NaO -f- 0,0076 KO,
fournissant un résidu de silicate alcalin.
D'après cela, la composition minéralogique du basalte analysé
peut être exprimée de la manière suivante:
NaJ
Eeldspath K O, Al,03,6 SiO, 2], 82 p%.
Ca'
CaJ
Pyroxène Mg 0, SiO, 18,83
Argile AUO3, 2 SiO, 3,62
Auorthite Ca O, Al^Og, 2 SiO, 24,56
Natrolite Na 0, A\^0„ 3 SiO, 9,76
Olivine 2 ^^^ j O, SiO, 10,83
M Fev oxydé magnétique 5,06
Carbonate de chaux 0,27
Phosphate de chaux CasPhOg 0,54
Silicate alcalin (Résidu) 1,90
Eau 2,53
~99;r2"
376 F. SEELHEIM. MATERIAUX POUR LA
Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette composition , c'est
la présence d'un élément argileux. Est-ce de l'argile véritable ^ —
auquel cas il faudrait lui rapporter aussi une partie de l'eau , —
ou bien quelque autre silicate alumineux ? J'opine pour la première
hypothèse, attendu que la présence de cet élément se laisse aussi
constater par simple lévigation : il suffit même de concasser en
gros grains, sous l'eau, quelques petits morceaux de basalte, pour
que l'eau se trouble fortement par de l'argile mise en suspension
et qui ne se dépose qu'après un repos prolongé. Cette argile ne
peut d'ailleurs être regardée comme un produit de décomposition
du basalte, car la roche analysée était parfaitement intacte et
inaltérée. Nous verrons plus bas quelle est la signification qu'on
doit y attacher.
Le silicate alcalin figure ici naturellement comme simple résultat
de calcul, comme reste, dans lequel se concentrent les erreurs
de détermination des autres éléments. Néanmoins , il paraît exister
réellement un peu de silicate alcalin libre dans le basalte: en
effet, quand on fait bouillir dans l'eau la matière pulvérisée, on
obtient une solution à réaction fortement alcaline et qui renferme
une petite quantité de silicate alcalin.
Je m'abstiens de tout calcul ultérieur relativement à la distribution
de l'eau, afin de n'obscurcir l'analyse par aucune interprétation
arbitraire.
J'aborde maintenant la question de la formation du basalte par
la voie humide , — car , après les arguments et les preuves que
M. Mohr a fait valoir contre l'admission d'une origine ignée,
celle-ci ne peut plus guère se soutenir. Il est vrai que , en dépit
de cette démonstration, les partisans de l'hypothèse plutoniste
continuent à prétendre que certains basaltes, tels par exemple
que celui du Meissner, dans la Hesse, ont produit sur les roches
avoisinantes des métamorphoses qui ne peuvent s'expliquer que
par une température élevée; mais, au moins en ce qui concerne
le basalte qui vient d'être cité, je suis en mesure de contester
cette assertion. Le lignite bacillaire noir qu'on trouve au Meissner
I
CONNAISSANCE DU BASALTE. 377
n'est pas du lignite brun altéré par la chaleur; c'est ce que
M. Bischof avait déjà remarqué et ce dont il est facile de s'assurer,
sur les lieux , par la simple inspection. Le lignite bacillaire noir
étant situé en couches au-dessus du lignite conchoïde brun, il
serait impossible qu'il eût été modifié par une action calorifique,
émanant du basalte, sans que la masse ligniteuse sous-jacente
eût éprouvé un effet analogue, puisqu'elle se trouve également
en contact avec la roche basaltique. Le fait seul, que les deux
variétés sont fortement bitumineuses, prouve qu'elles n'ont pas
été exposées à une haute température. Entre le basalte et le
lignite, s'interpose une couche mince d'argile, qui, là où elle
arrive au jour, montre une structure bacillaire et feuilletée et
une couleur rouge. L'argile offre souvent une cassure lisse, ainsi
qu'une cohérence et une imperméabilité remarquables. En ce qui
concerne cette matière, M. Bischof lui-même paraît porté à croire
qu'elle a dû sa structure bacillaire à l'influence d'une forte chaleur.
D'autres, à cause de sa couleur rouge et de sa grande cohérence , —
que du reste elle n'acquiert que lorsqu'elle est restée pendant
longtemps dans un lieu sec, — la regardent comme de l'argile
calcinée ou du jaspe-porcelaine. Mais d'abord, d'une manière
générale, ce que l'on appelle jaspe-porcelaine est le plus souvent,
non de l'argile calcinée, mais de l'argile qui a été pénétrée par
de l'acide silicique et des silicates, et dont le poids spécifique,
ordinairement égal à 2,5 — 2,6, ne s'accorde pas avec l'hypothèse
qui attribue à la calcination l'aspect de la masse. Ensuite, dans le
cas actuel, on voit très clairement que la matière n'est pas autre
chose qu'un produit de décomposition du basalte; car, lorsqu'on
casse de gros morceaux, il n'est pas rare d'y trouver un noyau
de basalte à gros grain, montrant, de dedans en dehors, des
traces de plus en plus prononcées d'altération et de transforma-
tion en argile rouge , de sorte que le passage insensible du basalte
au jaspe-porcelaine est incontestable. Il faut ajouter que l'argile
renferme de l'eau, qu'elle abandonne par la calcination. La couleur
rouge, qui s'observe surtout aux surfaces exposées à l'air, n'a
besoin d'aucune explication , attendu que le peroxyde de fer doit
378 F. SEELHEIM. MATERIAUX POUR LA
nécessairement faire partie des produits de la décomposition du
basalte; d'un autre côté, la décoloration, qui se voit ailleurs,
est un effet de réduction dû au lignite. Il résulte donc de ce qui
précède, que le basalte n'a joué, par rapport au lignite, qu'un
rôle purement passif, et que c'est plutôt ce dernier qui, avec le
concours de l'atmosphère , a déterminé la métamorphose du basalte
en argile.
Si l'hypothèse de l'origine ignée du basalte peut être considérée
aujourd'hui comme appartenant à l'histoire de la géologie, on
doit reconnaître pourtant que la simple affirmation de la production
par la voie humide ne constitue pas une explication suffisante,
et que la nature mystérieuse du phénomène demande encore à
être èclaircie. M. Mohr dit à ce sujet: „Nous restons dans le
doute , si le basalte doit être regardé simplement comme le résultat
de l'infiltration, dans des terrains calcaires, de liquides chargés
de silice et d'alumine, ou si, dans certains cas, tous les éléments
de la roche ont pu se trouver en dissolution et se déposer simul-
tanément." En supposant l'infiltration dans une roche calcaire, il
faudrait, pour donner naissance à du basalte, qu'environ 90 pour
cent du calcaire eussent été emportés et remplacés par une quantité
équivalente d'autres éléments basaltiques, de sorte que, au fond,
il n'y aurait pas grande différence entre une infiltration de ce
genre et une formation de toutes pièces au sein d'une dissolution.
Une pareille formation par cristallisation, au milieu des terrains
stratifiés, auxquels le basalte appartient exclusivement, consti-
tuerait toutefois une énigme beaucoup plus obscure que celle
qu'elle serait destinée à expliquer.
Au sujet des vues de MM. Grandjean et Bischof, qui font
dériver le basalte de l'argile, — vues qui ont été développées,
mais non établies avec évidence , dans le Traité de M. Bischof, —
M. Mohr fait la remarque suivante: „L'argile est un produit de
la décomposition du basalte, elle n'est pas sa matière première.
Nulle part on ne trouve des masses d'argile telles qu'elles seraient
nécessaires pour rendre compte des prodigieux dépôts de basalte
qui existent dans la nature. Les vues de M. Bischof ou de M.
CONNAISSANCE DU BASALTE. 379
Grandjean ne reposent par conséquent sur aucune base scientifique
ou positive."
De pareilles masses d'argile sont toutefois beaucoup plus faciles
à trouver que les matériaux qu'exigerait la production du basalte
au sein d'une dissolution. C'est ainsi qu'à peu de distance d'ici , dans
la cour de la prison de Goes (île de Sud-Béveland) , on fore un puits
artésien, qui a déjà pénétré à une profondeur de 170 mètres
dans une couche d'argile, — que j'ai suivie de pied en pied et
sur laquelle je communiquerai peut-être plus tard quelques
détails, — sans l'avoir traversée. Si cette argile était employée
à former du basalte , elle pourrait donner naissance à une montagne
qui n'aurait pas trop à rougir devant ses sœurs plus anciennes.
D'ailleurs, les schistes argileux anciens, dont les dépôts sont
beaucoup plus puissants, ne doivent-ils pas aussi, incontestable-
ment, leur origine à des argiles? L'objection tirée de la masse
du basalte ne semble donc pas avoir un bien grand poids.
Une autre question est de savoir si la formation du basalte aux
dépens de l'argile rentre dans les possibilités chimiques et géolo-
giques. Pour décider cette question , il est nécessaire de comparer
la composition des argiles avec celle du basalte, et, à ceteifet,
je prendrai pour exemple le résultat d'une analyse d'argile,
que j'ai exécutée il y a quelque temps:
Argile diluvienne de Westervreyhe.
Acide carbonique 12,37
Chaux 11,03
Partie l Acide silicique 2,26
soluble dans I Alumine 3,42
l'acide i Oxyde de fer 3,55
chlorhydrique. f Magnésie 2,01
' Potasse 0,50
\ Soude 3,39
Eau 5,70
Matière organique 0,77
( Alumine 6,39
f Acide silicique 12,51
Partie insoluble,
essentiellement: Acide silicique 33,01
100,06
380 F. SEELHEIM. MATERIAUX POUR LA
On voit que l'argile renferme tous les éléments nécessaires
pour la formation du basalte, et qu'on n'a pas besoin de recourir
à une infiltration préalable de principes étrangers ; la seule réaction
mutuelle des matières en présence, principalement celle du car-
bonate de cbaux et du silicate alcalin sur l'argile et sur la partie
insoluble, ainsi que la réduction de l'oxyde de fer par la matière
organique, suffisent pour faire concevoir la possibilité de la
transformation en basalte.
Mais, j'ai aussi à donner un argument chimique positif en
faveur de cette origine du basalte , savoir la production artificielle ,
au moyen de l'argile, par la voie humide, de silicates, et
précisément de silicates qui se trouvent réellement dans le basalte.
Je me suis servi d'un kaolin pur, qui fut d'abord mis en digestion
dans l'acide chlorhydrique , ramené à siccité, humecté avec de
l'acide chlorhydrique concentré, puis lavé; l'acide silicique mis
en liberté fut alors extrait au moyen de l'ébullition avec du
carbonate de soude. L'argile purifiée fut soumise une seconde
fois à la même série d'opérations, de sorte qu'elle ne pouvait
plus rien contenir de soluble. Cette argile fut alors mélangée
avec une dissolution de silicate de soude, et le mélange liquide
fut introduit dans un tube de cuivre forgé, qui se fermait à l'aide
d'un bouton à vis et qui était capable de supporter une très
forte pression. Le tube ainsi rempli fut chauffé pendant huit
heures, dans un bain d'air, à une température de 200 — 300^.
Après le refroidissement, le tube ayant été ouvert, le contenu
se présenta sous forme d'un liquide clair, tenant en mélange
une poudre grenue , cristalline , qui se laissait facilement séparer
par lévigation et qui se déposait immédiatement au fond du vase.
Examinée sous le microscope, cette poudre se montra composée
de magnifiques groupes cristallins, d'une forme sphéroïdale et
d'une structure bacillaire-radiée et concentrique, exactement
comme ou le voit dans la wavellite et la natrolite. Les grains
cristallins furent lavés par le procédé de Bunsen, puis sèches
en les pressant d'abord entre du papier brouillard et les laissant
ensuite séjourner quelque temps dans l'exsiccateur. Leur analyse, —
CONNAISSANCE DU BASALTE. 381
ils formaient un silicate attaquable par l'acide chlorhydriqiie ^ —
donna ^ après déduction d'un reste d'argile non transformée, les
résultats suivants :
Acide silicique 47,68
Alumine 24,11
Soude 18,86
Eau 9,35
~ 100.00
résultats qui permettent d'établir, avec une assurance suffisante,
la formule
AI2O3, 2810^ 4-NaO, SiO, + 2H0,
montrant que le corps cristallin qui a pris naissance est de la
natrolite.
Or l'analyse du basalte a conduit, de la manière la plus
naturelle, à y reconnaître la présence de la natrolite, de sorte
qu'on peut regarder comme démontrée , analytiquement et synthéti-
quement, la formation de la natrolite basaltique au moyen de
l'argile, par la voie humide. L'existence, dans le basalte, d'une
certaine quantité d'argile non altérée et ayant échappé jusqu'ici
à la transformation, fournit un nouvel appui à l'opinion qui fait
dériver le basalte de l'argile. En renfermant dans mon tube de
cuivre de la chaux carbonatée cristallisée , du kaolin et de l'eau ,
j'ai également obtenu un silicate alumino-calcique attaquable par
l'acide chlorhydrique , sur lequel je me propose de revenir ulté-
rieurement, de même que sur l'action que l'argile éprouve, par
la méthode indiquée, de divers autres agents. Dès à présent
toutefois, je crois pouvoir regarder comme prouvée , sous le rapport
chimique, la transformation de l'argile en basalte.
Les considérations géologiques, de leur côté, ne contredisent
pas cette opinion, mais tendent plutôt à la confirmer. Le
basalte se présente dans la nature sous forme de nappes, de
dômes et de filons. Les nappes se reconnaissent pour des
couches soulevées: tel est, par exemple, le Meissner, qui a
un versant rapide et un autre moins incliné, et qui est placé
entre des couches également soulevées de muschelkalk , de keuper
et de grès bigarré. Les dômes et les cônes montrent ordinairement
382 F. SEELHEIM. MATERIAUX POUR LA
le mieux la division prismatique, dans le sens vertical et à
partir des surfaces de contact. Or, comme la division pris-
matique est due à la résistance que le basalte a éprouvée dans
son retrait, par suite du frottement sur les faces de contact, il
a dû arriver que là où ce frottement était le plus considérable,
c'est-à-dire sur la base horizontale , les vides ont été plus grands
qu'à la partie supérieure; il a pu en résulter dans les prismes
une tendance à l'obliquité vers un axe central, et ainsi
s'expliquerait, jusqu'à un certain point, la structure voûtée
des cônes basaltiques. Je n'attache toutefois qu'une médiocre
importance à cette remarque, attendu que c'est certainement la
désagrégation par les agents atmosphériques qui a le plus contribué
à produire la forme en dôme. Aux surfaces de contact la roche
est ordinairement altérée. J'ai observé un très beau contact,
presque vertical, entre le basalte et le schiste argileux , à l'entrée
de la carrière de basalte d'Unkelbach: les prismes étaient dirigés
perpendiculairement aux joints du schiste, et j'en remarquai
quelques-uns, en place dans leur position naturelle, qui étaient
tout à fait intacts à une de leurs extrémités, tandis qu'à l'autre
ils montraient un passage insensible à une argile schistoïde
renfermant des paillettes de mica; ces prismes consistaient donc
à un de leurs bouts en schiste altéré, lequel passait successive-
ment au basalte. En général, beaucoup de basaltes, lorsqu'ils
sont en voie de décomposition, offrent clairement une division
par joints parallèles, de sorte que les prismes se transforment
plus ou moins en plaques. J'en ai vu un bel exemple au Meissner.
Quant à la question de savoir pourquoi une argile se métamorphose ,
totalement ou partiellement , tantôt en basalte , tantôt en schiste ar-
gileux, je ne hasarderai aucune explication à ce sujet; peut-être
le phénomène est-il en connexion avec la formation du mica sous
haute pression (voyez Mohr, Geschichte der Erde).
La forme de filon , que le basalte affecte souvent , est tout
à fait analogue à celle des filons d'argile. J'ai eu l'occasion
d'observer, entre autres, un très beau filon d'argile dans la tourbe
de l'île de Walcheren, près de Middelbourg.
CONNAISSANCE DU BASALTE. 383
Les matières étrangères que le basalte renferme quelquefois
fournissent une nouvelle preuve de l'origine que nous lui attri-
buons. J'ai trouvé un prisme de basalte, provenant du Romerich ,
qui contient j enclavé dans la pâte, un fragment irrégulièrement
arrondi de schiste siliceux à veines noires. Le prisme ayant été
cassé en trois morceaux, le fragment étranger peut être extrait
de sa cavité, ou y être replacé, à volonté. La masse basaltique
s'est adaptée exactement à chaque inégalité du fragment ; dans
les joints on trouve un peu de carbonate de chaux. On ne peut
expliquer ce fait, qu'en admettant que le fragment a pénétré
dans la masse argileuse, qui plus tard a donné naissance au
basalte, à l'époque où elle était encore molle ; pendant la transfor-
mation, le fragment lui même a d'ailleurs dû rester intact, car,
autrement, il aurait contracté une adhérence plus intime avec la
pâte basaltique.
On peut maintenant se représenter à peu près de la manière
suivante la formation du basalte et les changements successifs
qu'il subit. Dans la première période on a une masse argileuse
plus ou moins plastique , dans laquelle l'eau peut se diffuser
suivant toutes les directions. Les divers éléments en présence com-
mencent à agir les uns sur les autres. Le peroxyde de fer est
réduit par les matières organiques. Les carbonates de fer, de
chaux et de magnésie, les silicates alcalins, etc. réagissent sur
l'acide silicique et sur l'argile. La masse commence à se remplir de
productions cristallines, qui se groupent autour de centres distincts
et donnent naissance à la structure grenue. L'acide carbonique
mis en liberté peut s'échapper lentement, avec l'eau, entre les
particules argileuses qui ne sont pas encore entièrement décom-
posées. La matière prenant une dureté cristalline, tout en étant
encore pénétrée de particules argileuses non attaquées, il s'établit
nécessairement à l'intérieur un état de cohérence très inégale. La
masse montre, au moindre changement de température, le phéno-
mène de la décrépitation, ou est sujette à éclater , sous l'influence
d'un pareil changement, en grains anguleux marqués de points
étoiles. Si , dans ce stade de durcissement progressif, il se fait un
384 p. SEELFIEIM. MATÉRIAUX POUR LA
échange d'acide carbonique contre de l'oxygène , on une formation
de fer oxydé magnétique, d'après la théorie de Mohr , la division
prismatique s'opère dans la masse parvenue au degré extrême
de fragilité. Enfin, il vient un moment où, la transformation
étant achevée , il s'établit un état de stabilité , dans lequel la
masse est devenue partout compacte et imperméable et où les
communications entre les éléments ont cessé. C'est là la seconde
période , de laquelle le basalte passe , quand les circonstances sont
favorables ; dans un troisième stade. Les parties de fer oxydé
magnétique qui, étant rapprochées de la surface des prismes,
sont exposées à l'influence de l'air, commencent à s'oxyder.
L'oxyde de fer, qui sert, comme l'on sait, de véhicule à l'oxygène ,
transmet cet élément, d'atome en atome, aux parties intérieures ,
et les prismes s'entourent, de dehors en dedans, d'une couche
colorée en rouge , qu'on trouve, par exemple, très bien caractérisée
dans les prismes du Minderberg. Comme l'oxydation, dans sa
marche progressive vers l'intérieur, est directement proportionnelle
à la surface de la partie attaquée et inversement proportionnelle
à son volume, elle avancera plus rapidement à partir des angles ,
où le quotient de la surface par le volume est plus grand, et
la limite d'oxydation se rapprochera de la forme sphéroïdale ou
ellipsoïdale. Simultanément, la modification chimique détermine
un changement de structure et^ par suite, une tendance à la
formation de sphéroïdes, ou même une division formelle des
prismes en sphéroïdes. Lorsque enfin, — et c'est là la
quatrième et dernière période, — l'oxyde de fer est réduit et
entraîné par les agents extérieurs, la roche devient poreuse, l'eau
s'y infiltre, l'altération commence, et, dans la dernière phase
de cette période, le basalte retombe à l'état d'argile; d'autres
fois, peut-être, il-subit une transformation en trachyte.
En terminant ces considérations, j'ai à peine besoin de dire
que je ne les donne que comme une simple tentative pour approcher
peu à peu de la connaissance de la nature du basalte.
MiDDELBouRG, juillet 1870.
MATERIAUX
POUR LA CONNAISSANCE DE l'iNFLUENCE
DE LA
TEMPËRATUKE SUR LES PLANTES,')
PAR
HUGO DE VRIES.
Le but de ia physiologie est d'expliquer les phénomènes de la
vie par des lois physiques et chimiques. La conviction de la
vérité de cette proposition a conduit à une méthode d'investigation
qui est déjà depuis longtemps généralement adoptée dans la
physiologie du corps humain, où elle donne journellement d'im-
portants résultats. Dans la physiologie végétale, au contraire,
elle n'a pas encore été suivie d'une manière aussi complète, et
cela par suite de l'extrême imperfection de notre connaissance
des lois physiques et chimiques qui devraient servir à rendre
compte des phénomènes vitaux des plantes.
Dans le Mémoire dont le titre est cité ci-dessous, en note, j'ai essayé
de faire à une partie de la physiologie végétale , pour autant que le
permettaient les observations déjà recueillies, l'application de cette
méthode. Le résultat aurait été plus satisfaisant si un plus grand
nombre de faits avaient pu être traités de la même manière.
Mais mon travail m'a donné l'occasion de constater que notre
connaissance des faits, en ce qui concerne l'influence de la
1) Extrait d'un Mémoire ])ublié sous le titre de: De invloecl der iemjperatnnr
cp de leven.sverschijitsele/i der plant en, par Hugo de Yries , La Haye. Nijhoff, 1870.
Archives Néerlandaises, T. V. 25
386 HUGO DE VRIES. MATERIAUX POUR LA CON?^AISSAISCE
température sur les plantes, laisse encore beaucoup à désirer.
J'ai donc entrepris quelques recberches pour contribuer à combler
cette lacune, et ce sont les résultats de ces recbercbes que je
vais faire connaître.
I. Limite supérieure de température pour la
vie végétale.
Relativement à cette limite, M. Sacbs *) a trouvé qu'elle est
située dans l'air vers 50 — 52^, et dans l'eau vers 45 — 47"", mais
qu'elle est susceptible de varier légèrement suivant l'âge de la
partie étudiée. D'après cela, et aussi d'après le fait que beaucoup
d'algues vivent, dans des sources thermales, à une température
beaucoup plus élevée , il était permis de supposer qu'en étendant
davantage les expériences on trouverait des écarts plus ou moins
considérables des limites assignées.
Mes recherches ont confirmé cette présomption. Renvoyant à
mon Mémoire original pour la méthode d'exécution , qui ne
diffère que dans les détails de celle suivie par M. Sachs, je me
contenterai ici d'en communiquer, sous forme de tableaux, les
principaux résultats. Les colonnes A donnent les plus hautes
températures ^) inoffensives qui ont été observées ; les colonnes B ,
les plus basses températures mortelles observées; la température-
limite est donc située entre ces deux; la durée du séjour dans
l'enceinte à température constante était de 15 à 30 minutes.
Les expériences du premier tableau ont eu lieu sur des plantes
cultivées en pots.
Pour celles des expériences du tableau II qui ont été
faites dans l'air, j'ai pris des plantes en pots; pour celles qui
ont eu lieu dans l'eau, je me suis servi de feuilles radicales ou de
branches feuillées coupées.
1) Sachs, Ueher die obère Temperaturgrenze der Végétation , < Flora,
1864, p. 5.
2) La température sera constamment donnée en degrés centigrades.
DE L INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES.
387
I. Phanérogames.
ESPECES.
K a c i n e s
I Dans l'eau.
I A. B.
Dans la terre
sèche.
A. B.
Tig
feuil
dans
A.
es
lées
'eau.
B.
Zea Maïs
Tropaeolum majus
Citrus Auraiitium
Phaseolus vulgaris
Calendula officiualis
Cannabis sativa
Aquilegia vulgaris
Petroselinum sativum , . . .
Campanula latifolia
Rosa sp
Brassica Napus
Cytisus Laburnum
Lupinus luteus
Secale Céréale
Agrostemma Githago . , , .
Lupinus albus
Phaseolus haematocarpus .
Helianthus annuus
Convolvulus tricolor
Polygonum Eagopyrura. . .
45,5"
45,5
47,8
45,5
45,5
45,0
45,0
45.0
45,0
45,5
47,0'
47,0
50,5
47,0
47.0
47.5
47.5
47,5
47,5
47,0
50,1'
50,5
50,0
46,2
52,0
47,9
48,0
50,5
52,2°
52,0
51,5
50.3
52,8
51,0
51,8
46,0°
44,1
50,3
44,1
46,5
44,1
44,1
44,1
44,1
44,1
44,1
46,8°
45,8
52,5
45,^
48,5
45,8
45,8
45,8
45,8
45,8
45,8
IL Phanérogames.
ESPÈCES.
Partie étudiée.
Daus l'eau.
A. B.
Daus l'air.
A. B.
Lis florentiua
// //
Iris sambucina. . . .
Antheric. ramosum .
// //
Viuca minor
// //
Erica carnea
// //
Taxus baccata
// //
Funkia japonica. . ,
Saxifraga umbrosa,
Salisburia acliantif. ,
Hedera Hélix
SoDimet de la feuille radicale
Base de la môme
Sommet de la feuille radicale
Base de la même
Sommet de la feuille radicale
Base de la même
Jeunes feuilles
Vieilles feuilles
Jeunes feuilles
Vieilles feuilles
Jeunes feuilles
Bases de vieilles feuilles. . .
Feuille radicale
Vieille feuille
Feuille adulte
Feuille adulte
49,0o
49,7
50,1
52,1
50,1
51,5
46,2
47,8
48,5
52,0
50,6
52,0
48,2
50,6
48,5
48,5
49,7^^
53,2-
51,5
55,0
52,1
53,0
55,0
51,5
51,7
53,0
47,8
50,1
53,3
50,6
52,0
50,1
52,0—
52,0
55,0
50,6
52,0
55,0°
57,3(?)
55,0
57,0
53,0
54,0
53,3
17,2
2b'-^-
388
HUGO DE VRIES. MATERIAUX POUR LA CONNAISSANCE
III. Cryptogames.
(Plantes entières dans l'eau).
ESPÈCES.
A.
B.
ESPÈCES.
A.
B.
Physcoinitriuni pyrifornie .
46,4'
47,50
Hydrodictyon utriculatum .
44,2'^
46,0^^
Fimaria hygrometrica. . . .
40,2
43,4
Nostoc rufescens
30,2
42,2
Dicranum scoparium
43,4
Oscillaria Frohlichii
43,4
45,1
Marchantia polymorplia. . ,
44,9
46,4
auguina
43,4
45,1
Lunularia vulgaris
43,4
46,4
" chlorina
43,4
45,1
Oedogonium sp
42,2
44,2
Spiruliiia .Teitiieri
43,4
45,1
40,5
44,2
Il résulte de ces tableaux que, pour la majorité des espèces
observées, la température-limite de la vie se trouve, dans l'eau,
entre 45 et 47°, et dans l'air (ou dans la terre sèche), entre
50 et 52°; mais que, pour certaines espèces, cette limite est
située plus haut , et pour d'autres plus bas. Si l'on tient compte ,
en outre, des algues qui végètent dans les sources thermales,
on voit qu'il n'est pas encore possible d'indiquer une température-
limite absolue pour la vie végétale en général. Mes expériences
confirment d'ailleurs que, dans les cas étudiés, la limite est
située plus bas pour les feuilles jeunes que pour les feuilles plus
âgées , et plus bas aussi pour le sommet des feuilles allongées
que pour leur extrémité inférieure. Les expériences relatives au
Citrus Aurantium prouvent, en outre, que la température-limite
peut aussi être différente pour des organes différents de la même
plante.
II. Refroidissement des plantes jusqu'à 0''.
L'observation de M. Bierkander '), que les Cucumis salivas ^
C. Melo j Cxicurhita Pepo , Impatiens Balsamina, Ocymum basilicum,
Portulaca oleracea et Solaniim tuberosum ont péri dans des nuits
de septembre, à une température de 1 — 2' au-dessus du point
de congélation de l'eau, a donné lieu de supposer que ce degré
de température serait directement nuisible aux plantes en question.
Pour décider si cette conjecture est fondée, j'ai pris des pieds
1) Voyez: Goppert, Die JVàrme-Enfwickelung , 1830, p. 124.
DE l'influence DE LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES. 389
vigoureux, cultivés en pots, de ces plantes (sauf du 6'. Melo , de
nnipaliens et du Solanum , que je n'avais pas sous la main),
et je les ai plongés, avec leurs tiges et leurs feuilles, dans un
mélange d'eau et de glace, où ils ont été maintenus pendant un
quart d'heure. Comme tous les organes de ces plantes sont suffi-
samment minces, ils avaient eu tout le temps de s'abaisser
exactement jusqu'à la température de 0". Or, ni immédiatement après
l'expérience, ni pendant les trois semaines qui la suivirent, on ne put
constater aucun effet nuisible. L'observation de M. Bierkander ne
prouve donc rien pour la nocuité de températures entre 0^ et 2°.
Le seul autre fait qui semble plaider en faveur d'une influence
nuisible directe, exercée sur les plantes par de basses tempéra-
tures au-dessus de 0"", est celui rapporté par M. Hardy. ') Cet
observateur a vu, en Algérie, un grand nombre de jeunes
arbres des pays tropicaux périr, en automne, à des températures
de H- 1 à -h 5 degrés. Je n'ai pu soumettre à l'expérience que
deux des espèces mentionnées par M. Hardy, savoir, le Bixa
Orellana , qui, d'après lui, était mort à -f- 3^, et le Crescentia
Cujete , qui était mort à -4- 5". De ces deux espèces , des feuilles
ayant tout leur développement ont été immergées pendant 15
minutes dans la glace fondante. Ni dans les premiers instants
après l'expérience, ni pendant tout le mois suivant, on n'a pu
reconnaître que les feuilles eussent souffert de ce traitement.
Des essais tout semblables, exécutés sur quantité d'autres
végétaux tropicaux, m'ont donné le même résultat.
Pour les plantes de M. Bierkander il est donc prouvé , et pour
celles de M. Hardy il est très probable qu'elles rentrent dans
cette règle générale: que les plantes peuvent, sans inconvénient
pour leur vie, être refroidies pendant peu de temps jusqu'à 0^.
IIL Innocuité, pour la vie végétale, de
changements brusques de température.
C'est un fait universellement connu que le dégel rapide d'organes
végétaux gelés , c'est-à-dire un changement brusque de température
J) Voyez: Bot. Zeitung , 1854, p. 202.
390 HUGO DE VRIES. iMATÉRIAUX TOUR LA CONNAISSANCE
aux environs de 0°, entraîne ordinairement la mort de ces parties. M.
Karsten , se fondant sur ce fait , a énoncé la proposition suivante ^ ) :
„Les variations de température subites et fortes sont nuisibles aux
plantes et peuvent les rendre malades ou les tuer, même à des
degrés de réclielle qui, en eux-mêmes, ne font courir aucun
danger à la santé ou à la vie des plantes."
La loi générale ainsi formulée, bien que n'ayant reçu aucune
démonstration , a trouvé accès dans plusieurs Traités élémentaires ,
et la mort par congélation se trouve toujours citée pour exemple.
Mais il est évidemment illogique de vouloir tirer, des phénomènes
observés lors du dégel rapide, des conclusions relativement à
l'influence des changements brusques de température en général.
Il m'a donc paru utile d'éclaircir ce point expérimentalement.
Le plus grand changement de température qu'une plante puisse
subir, entre la limite supérieure de sa vie et le point de congé-
lation de ses sucs, est, pour la plupart des Phanérogames, de
de 0 — 50° dans l'air et de 0 — 44° dans l'eau, puisque, le plus
souvent, la limite de la vie n'est elle-même située qu'un
peu plus haut. Par conséquent, si l'on maintient une plante
à 0° jusqu'à ce qu'elle ait pris cette température, et qu'on la
transporte ensuite dans de l'eau à 44° ou de l'air à 50°, le
résultat de cette expérience décidera si les changements brusques
de température sont nuisibles ou non. Dans l'air, le changement
sera plus grand , mais moins rapide , vu que , au moment de
l'introduction de la plante dans l'enceinte chauffée, celle ci se
refroidit, par suite de l'air chaud qui s'en échappe et de l'air
froid qui y pénètre. En outre, l'air n'ayant qu'une très faible
capacité calorifique, il se refroidira d'une manière appréciable en
cédant de la chaleur à la plante. Dans l'eau, la variation est
plus petite, mais plus brusque, parce que l'immersion de la
plante froide n'abaisse pas sensiblement la température du bain
chaud , quand celui-ci présente un volume un peu considérable. Pour
ce motif, j'ai donné la préférence à la seconde méthode, par
1) Bot. Zeitung, 1861, p. 289; Pogg. Amalen, t. 115, p. 159.
DE l'iINFLUEiNCE DE LA TEiMPEKATURE SUR LES PLANTES. 391
laquelle j'ai étudié plusieurs espèces. Pour que l'influence
morbifique supposée par M. Karsteu pût mieux s'accuser,
le changement brusque de température a toujours été répété
plusieurs fois.
I. Des plantes croissant depuis longtemps en pots furent soumises
à l'expérience suivante — après que les pots, qui devaient rester
retournés durant Texpérience, eurent été pourvus d'un couvercle
composé de deux moitiés et solidement fixé: Les tiges feuillées
des plantes annuelles ou les feuilles radicales des espèces vivaces
étaient d'abord maintenues pendant 4 minutes dans de l'eau à
43 — 44^, et ensuite plongées subitement dans de l'eau ramenée à
0° par de la glace fondante. Après y être restées pendant 4
minutes et avoir pris par conséquent la température 0°, elles
étaient de nouveau immergées subitement dans l'eau à 43 — 44"^,
puis l'opération tout entière était répétée une seconde fois ; la tempé-
rature de l'air était de IQ"". Les variations successives étaient
donc: 1^, 19—44°, 2^. 44—0^, 3^.0—44°, 4^. 44— 0% 5e. 0—44°,
()C. 44 — 19^. Les plantes ainsi étudiées étaient les suivantes:
A. Tiges feuillées: Iberis wuhellaia , Agrostemma Githago ,
Phaseokis vulqaris , Ph. haematocarpiis , Pisum sadvum, Laihyrus
odorafus, Cylisiis Laburnum , Lamiiim purpureum (enûenr) , Vinca
minor , Cannabis saliva, Secale Céréale, Zea Maïs.
B. Feuilles radicales: Aquilegia vulgaris, Fragariasp., Funkia
japonica, Iris sambucina, 1. /lorentina, Anthericum ramosum.
Pendant l'expérience, immédiatement après, et dans les semaines
suivantes, jusqu'au moment où les observations furent arrêtées,
les plantes restèrent vigoureuses et bien portantes. Aucune action
nuisible n'a donc pu être constatée.
IL Les racines des plantes terrestres suivantes , cultivées dans
l'eau, avec exclusion de terre, furent soumises à la même
expérience que ci-dessus, sous le numéro I:
Phascolus vulgaris, Aijroslemma Gilhago, Secale Céréale.
Il ne se manifesta de nouveau aucun changement dans la
croissance normale des plantes, ni dans les premiers moments
après l'opération, ni dans les deux semaines qui suivirent.
892 HUGO DE VRIES. MATÉHIAUX l'OUIl LA COiN NAlSSAiNCK
III. Des branches des plantes aquatiques suivantes furent
traitées de la môme manière:
Myriophyllum spicatinn , Ceralophyllum submersum, Volaitwfjelon
crispus y P. perfolialus.
Plus d'une semaine après, elles étaient parfaitement saines , et
l'examen microscopique lui-même n'y dévoilait aucune moditication.
IV. Hydrodiclyon ulricukUum (exemplaires jeunes), Oedogoniiun
et Spirocjyra subirent le même traitement, avec cette différence,
que la température de l'eau chaude n'était plus que de 40° chaque
fois. Quatre jours après l'expérience, les plantes ayant été exposées
à la lumière solaire, l' Hydrodiclyon et l' Oedogonium , dégagèrent
de l'oxygène en abondance. Pour le Spirogym le fait ne put être
constaté, attendu que ses filaments étaient relativement peu nom-
breux et entremêlés avec les autres; toutefois, même au bout
d'une semaine, ils se montraient, sous le microscope, frais et
turgescents, de même que ceux des deux autres espèces.
Ces recherches conduisent toutes à la conclusion, que
les changements de température, quelque grands et rapides qu'ils
soient, pourvu qu'ils restent en dessous de la limite supérieure
trouvée pour les vie, et au-dessus du point de congélation,
n'ont directement pas d'influence nuisible sur la vie des plantes.
La loi de M. Karsten, rappelée ci-dessus, se trouve donc réfutée
par mes recherches.
IV. Influence des changements rapides de
température sur les mouvements du proto plasma.
Il résulte des recherches de M. Hofmeister i ) que réchauffement
ou le refroidissement rapides de cellules végétales dont le
protoplasma est en mouvement , peut occasionner la cessation
de ce mouvement, même dans le cas où réchauffement ou le
refroidissement lents, jusqu'aux mêmes degrés, ne produiraient
pas un pareil arrêt. Ce résultat rend probable que des
variations de température moins rapides donneront lieu, non à
un arrêt, mais à un ralentissement des mouvements protoplas-
matiques. La grande irrégularité du mouvement dans les poils
1) Hofineister , Die Lehre von cler Pjianzenzelle , 1867, p. 53— 35.
DE l'lNFLUëNCE de LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES. 393
des plantes terrestres empêchait de chercher chez celles-ci la
solution expérimentale du problème ; mais y avec les poils radicaux
de njydrocharis Morsus Raitae, je réussis à mettre le ralentisse-
ment du mouvement en évidence. Un fragment de racine étant
placé dans Teau, entre la lame porte-objet et un autre verre
luté sur le premier , on nota un de ses poils, et on s'arrangea
de manière à pouvoir retrouver promptement ce poil sous le
microscope, à l'aide d'une position déterminée donnée à la coulisse
de la platine; après quoi on mesura la vitesse du mouvement à
la température de Tappartement. L'objet, toujours placé entre les
deux lames de verre, fut ensuite porté dans de l'eau chaude,
où on le tint tout près du réservoir d'un thermomètre qui indiquait
la température de l'eau. Au bout de quelques minutes, le porte-
objet fut rapidement essuyé, puis on détermina de nouveau la
vitesse du mouvement. Lorsque la préparation eut pris la tempé-
rature de l'appartement et que la vitesse initiale se fut rétablie ,
on effectua un second échauffement, puis encore un troisième. ')
Je trouvai ainsi:
Dans un premier poil:
à la température de 21°, 7 — 1 mm. était parcouru en 205 sec.
après échauff'. à 28^,2 — „ „ ,, „ „ 226 „
Dans un second poil:
à la température de 20", 8 — 1 mm. était parcouru en 164 „
après échauff. à 27°, 1 — „ „ „ „ „ 203 „
„ „ „ 34°,0 — le mouvement s'arrêtait.
Dans un troisième poil:
à la température de 20°,8 — 1 mm. était parcouru en 99 „
après échauff. à 24'',3 — ,, „ „ „ „ 126 ,,
„ „ „ 33°, 1 — le mouvement s'arrêtait.
i ) Les nombres donnés sont des moyennes ; ils ont été calculés d'après
l'observation du temps que des granulations , situées tout près des parois du
protoplasma, mettaient a parcourir 1 division d'un micromètre oculaire
( = gi- mm. de l'objet) sous un grossissement de 320 fois.
394 HUGO DE VRIES. MATERIAUX POUR LA GONNAISSA.NGE
On voit que le mouvement éprouve un ralentissement d'autant
plus considérable, que la variation de température comprend un
plus grand nombre de degrés.
J'ai aussi constaté un pareil ralentissement lorsque les poils
radicaux sont refroidis rapidement. Des poils , dans lesquels le
mouvement avait à la température de 22^,0 une vitesse moyenne
de 1 mm. en 174 sec, ayant été portés lentement à 28°,4, —
ce qui avait accru la vitesse , — puis refroidis rapidement à 22^,0,
ne montrèrent plus qu'une vitesse de 1 mm. en 198 sec. Après
échauifement lent à 40^^ et refroidissement brusque à 22",0, on
trouva: 1 mm. en 230 sec; après refroidissement de 42',ô à
22°,0, le mouvement s'arrêta.
V. Influence de la température sur
l'imbibition des parois des cellules vivantes.
A peu d'exceptions près, le mouvement des sucs dans les
plantes se fait toujours par osmose et imbibition. La vitesse de ce
mouvement doit donc augmenter avec Taccroissement de la tem-
pérature, si cet accroissement favorise les deux phénomènes en
question. Pour l'imbibition , le fait, bien que très probable, n'était
pas encore prouvé, ce qui m'a engagé à faire quelques expériences
concernant l'influence de la température sur l'imbibition des parois
des cellules vivantes. Les questions que je me suis surtout proposé
de résoudre étaient les deux suivantes : 1 ". comment le maximum
de la proportion d'eau dans les parois cellulaires dépend-il de
la température ? 2^ les mouvements d'imbibition augmentent-ils de
vitesse lorsque la température s'élève ?
Voici la méthode d'après laquelle j'ai opéré.
Dans les entre-nœuds qui croissent vigoureusement, le paren-
chyme possède, comme l'on sait, une tendance à s'allonger,
mais il est empêché d'obéir à cette tendance par l' épidémie. Cette
action réciproque a pour effet que chaque ruban d'épiderme,
garni de parenchyme, qu'on enlève d'un pareil entre-nœud, prend
une courbure dans laquelle le parenchyme occupe le côté convexe.
Ce parenchyme n'est pas saturé d'eau: il peut en absorber une
nouvelle quantité , ce qui augmente sa longueur et , par suite ,
DE l'influence DE LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES. 395
la courbure du ruban. Il n'est pas rare de voir de semblables
rubans s'enrouler en hélice^ lorsqu'ils sont plongés dans Feau
ou dans une dissolution saline très étendue. La quantité d'eau
absorbée par l'épiderme lui-même est très faible. Les recherches
de M. Hofmeister ont montré i) que la cause de ce changement
de tension réside exclusivement dans les parois cellulaires , et que
la tension du contenu des cellules est sans influence sur la forme
du tissu considéré dans son entier. L'enroulement en hélice des
rubans est donc le résultat de l'imbibitiou de l'eau dans les parois
des cellules du parenchyme ^ et toute cause qui vient à modifier
cette imbibition , se manifestera par un changement dans les tours
de spire. Cette méthode ne permet pas une détermination absolue
de l'allongement du parenchyme, mais, par contre, elle est
propre à mettre en évidence de très petites différences. Les détails
de la méthode varient suivant la nature du problème qu'il s'agit
de résoudre.
Dans l'examen de la question : si les parois des cellules vivantes
peuvent contenir plus d'eau, ou moins d'eau, à une température
plus élevée qu'à une température plus basse, on est arrêté par
cette circonstance, qu'il est très difficile, et peut-être impossible,
de faire absorber son maximum d'eau à une paroi de cellule
vivante. En effet, lorsqu'un tissu, placé dans de l'eau d'une
température déterminée, a cessé d'en absorber d'une manière
visible à l'œil, il ne s'ensuit pas encore qu'il contienne toute la
proportion d'eau qu'il pourrait contenir à cette température; —
de même qu'une dissolution saline n'est pas saturée, par cela
seul que, se trouvant en contact avec un excès du sel à l'état
solide, elle n'en dissout plus en quantité appréciable. J'ai
donc dû me contenter d'observer les parois cellulaires dans l'état
où elles renferment toute l'eau qu'elles sont capables d'absorber
à la température existante.
L Un ruban de parenchyme, avec épiderme, d'un jeune entre-
nœud de tige de Valeriana officinalis forma en 15 heures, dans
1) Hofmeister,, < Flom , 1862, p. 508.
396 HUGO DE VRIES. MATERIAUX POUR LA CONiXAlSSANCE
l'eau à 15°, trois tours de spire, après quoi il ne changea
plus, pendant 6 heures, dans cette même eau à 15°. Dans l'eau
à 43° sa courbure augmenta, en 1 heure de temps, de manière
que le bout libre (l'autre était fixé) avança de 3 mm. Un séjour
ultérieur de 12 heures dans de l'eau à 15° ne lui fit pas perdre
cet excès de courbure.
II. Un ruban analogue , placé dans de l'eau à 20°, avait cessé
de se contourner au bout de 5 heures; mais ensuite, dans de
l'eau à 44°, il forma encore, en 10 minutes, un demi-tour
supplémentaire ; dans l'eau froide il ne se déroula pas. La même
chose fut observée sur d'autres rubans.
III. Des rubans d'épiderme et de parenchyme de jeunes entre-
nœuds de: Taraxacum officinale, Oenanlhe fistulosa , Silaus
tenuifolius , Sfachys setifera et Veronica Buxbaumii ^ après être
restés pendant 12 heures dans de l'eau à 20°, ne montrèrent
plus aucun accroissement de courbure , à cette température , pendant
les 5 heures suivantes. Tenus pendant 1 heure dans de l'eau à
40'^, ils prirent tous un surcroît d'enroulement; reportés ensuite
dans de l'eau à 20°, ils conservèrent la forme acquise.
On voit que, dans tous ces cas, les parois des cellules
s'imbibent plus à une température élevée qu'à une température
plus basse; mais que l'eau, une fois absorbée , ne se dégage plus
par un refroidissement subséquent.
Pour la solution de la seconde des deux questions que je
m'étais posées, il y avait à tenir compte des résultats suivants
d'une étude préliminaire: P. La rapidité avec laquelle le liquide
s'imbibe est d'autant plus grande que le tissu est plus éloigné
du point de saturation. 2". Plus un ruban est large, moins il
forme , dans les mêmes conditions , de tours de spire : les rubans
comparés étant d'ailleurs supposés de même longueur et pris sur
le même entre-nœud. 3". Sauf dans le cas où l'on opère sur des
parties extrêmement jeunes, le nombre des tours de spire est,
cœteris paribus , d'autant plus petit que la partie étudiée est plus
âgée. 4". Dans les dissolutions salines le parenchyme s'allonge
également, mais d'autant moins que la dissolution est plus
DE l'lNFLUEIVGE DE LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES. 397
concentrée. Dans des dissolutions trop concentrées, les parois
cellulaires perdent de nouveau Teau qu'elles avaient d'abord
absorbée.
Les rubans destinés à des expériences comparatives doivent
donc avoir la même largeur, être pris sur le même entre-nœud,
à la même hauteur, et être mis en expérience pendant des
temps égaux. Pour éliminer les différences individuelles, il est
bon aussi d'employer les moyennes ou les sommes; j'ai toujours
donné la préférence à ces dernières, qui, lorsqu'on prend les
précautions nécessaires, méritent le même degré de confiance.
De ce qui précède on peut déduire deux méthodes propres à
faire connaître l'influence de la température sur la rapidité avec
laquelle les parois des cellules s'imbibent dans l'eau ou dans des
dissolutions salines: P. On compare des rubans égaux et pris
sur le même entre-nœud, qui s'imbibent à des températures
différentes. 2". On n'emploie qu'un seul ruban : on le laisse
s'imbiber à une certaine température et, au bout de quelque
temps, on détermine la vitesse d'absorption de l'eau, par exemple,
ia quantité d'allongement en une demi-heure; ensuite on porte
le ruban dans de l'eau d'une température plus élevée ou plus
basse et, après une demi-heure, on constate si l'allongement a
été plus grand que dans la demi-heure précédente. Si tel est le
cas , on peut en conclure avec certitude — vu que la vitesse
à température constante diminue de plus en plus — que la vitesse
a été plus considérable à la température employée en dernier
lieu qu'à celle employée en commençant. J'ai toujours fait usage
des deux méthodes à la fois.
Renvoyant pour l'ensemble des expériences à mon Mémoire
original, j'en communiquerai ici une seule série, afin de faire
connaître plus en détail la manière de procéder.
De jeunes fragments de tiges de différentes espèces furent
étudiés selon les deux méthodes. Les résultats obtenus par la
première sont compris dans le tableau suivant. De chaque espèce de
plantes, cinq jeunes parties de tige furent coupées à une longueur de
100 mm. et fendues chacune eu trois rubans égaux. Les trois
398
HUGO DE VRIES. MATERIAUX POUR LA CONiXAlSSANCE
séries de cinq rubans furent alors immergées, pour s'imbiber, dans
de Feau à trois températures différentes : un des rubans de chaque
entre-nœud fut ainsi étudié à la température de 40^, un autre à
la température de 21° et le troisième à la température de 1°.
Les rubans restaient dans l'eau pendant une heure ; on comptait
les tours de spire, d'abord immédiatement avant l'introduction
dans l'eau, puis après une J^ heure et 1 heure d'immersion.
Dans le tableau , le chiffre placé devant le signe — indique le
nombre de tours de spire entiers , le chiftVe placé après , le nombre
de huitièmes de tour ; c'est ainsi , par exemple , que 1 — 3 signifie
IJ tour de spire.
TexMPÉrature :
Taraxacum officinale. ,
Stachys excelsa
Veronica Buxbaumii . ,
Althsea officinalis ....
Cirsiuin tuberosum . .
Chenopodium Gluinoa
1—0
1—5
0
0-5
1—3
1—5
0
0—3
3—0
1—6
2
1—6^
0
0-3
1—2
1—1
-1 23-1
15-2
18-1
24-7
13-0
17—2
21—6
21—2
27—0
20-5
8-7 j
16-2
10-1|
12—7
16-0
31— 5|26— 2 21-6
16— 2jl4-2 10-1
18— 1 1 17— 7 16— 7
i 21—3
|ll-7
i i21— 4
Pour l'examen par la seconde méthode, des rubans qui étaient
restés pendant une heure dans de l'eau à 21° furent portés
dans de l'eau à 40°, et d'autres qui avaient été tenus pendant
une heure dans de Feau à 1° furent introduits dans de Feau
à 21°. Les chiffres du tableau suivant représentent, comme
ceux du précédent, les sommes des tours de spire de cinq
rubans, longs chacun de 100 mm. La colonne D — C donne
l'allongement dans la deuxième demi-heure, la colonne E — D
celui dans la troisième demi-heure, par conséquent après le
changement de température.
DE L INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES.
399
ESPÈCES.
TEMPÉRATURE
1
TOURS DE SPIRE APRÈS: 1
^ . .
y-^- -^
•.^--— — -^\
de la
de la
pre-
mière
dernière
demi-
1 heure .
1 heure.
li heure.
heure .
heure.
A.
B.
C.
i
]).
E.
D -C.
E— D
Cirsium tuberosum. . .
Althsea officinalis
Taraxacum officinale. .
Stachys excelsa
Veronica Buxbaïunii. .
Chenopodiuin Quinoa.
21° !
21 I
21 !
21 I
21 I
21 i
40'
40
40
40
40
40
21—2 ! 22—2 24—7
21-6 I 23—0
23—1 j 26—2
13-0
17-2
27-0
14-2
17-7
30—3
25-7
31-0
16-6
19—2
34—0
1-0
1—2
3—1
1—2
0—5
3—3
2—5
2-7
4-6
2—4
1—3
3—5
Cirsium tuberosum . . .
Althsea officinalis
Taraxacum officinale. .
Stachys excelsa
Veronica Buxbaumii. .
Chenopodium Q,uinoa.
21
! 12—7
14-7
17-0
2--0
21
|19-1
21 3
24 3
: 2—2
21
! 20—5
21—6
26-0
1—1
21
, 8-7
10—1
12—0 j
1—2
21
16-2
16-7
17-7
0—5
21
16-0
21-4
26—1
i 5-4
2—1
3-0
4-2
1-7
1-0
4—5
Les deux tableaux montrent très clairement que, dans toutes
les espèces étudiées , la vitesse d'imbibition est d'autant plus grande
que la température est plus élevée.
Les résultats qui se déduisent des expériences rapportées et
de toutes les autres sont les suivants:
Les parois des cellules (vivantes) renferment, à l'état de
saturation, d'autant plus d'eau que la saturation a eu lieu à
une température plus élevée.
Les parois des cellules absorbent l'eau et les dissolutions salines
étendues avec d'autant plus de rapidité que la température est
plus élevée.
Les parois des cellules cèdent leur eau d'imbibition aux agents
de déshydratation avec d'autant plus de rapidité que la température
est plus élevée.
Une conséquence directe des deux derniers résultats est que:
Les perturbations locales de l'état d'équilibre de l'eau d'imbi-
400
HUGO DE VRIRS. MATERIAUX POUR LA CONNAISSANCE
bitioiî dans un système de parois cellulaires s'effacent d'autant
plus rapidement que la température est plus élevée.
D'après cela^ il est très probable aussi que les perturbations
locales de l'état d'équilibre des matières dissoutes dans le liquide
d'imbibition s'effaceront plus rapidement à une température plus
élevée qu'à une température plus basse.
VI. Influence de la température
sur la rapidité de la germination.
La relation entre la germination et la température a été
étudiée jusqu'ici par trois méthodes différentes : P. On a déterminé
le temps qui est nécessaire à la radicule pour percer l'épisperme.
2". On a mesuré la longueur que la radicule et la plumule
atteignent en un temps fixé. 3". On a observé le temps nécessaire
pour le déploiement complet des parties du germe.
J'ai fait l'application de la seconde de ces méthodes, — que
M. Sachs ^) a employée le premier, — à la germination d'un
certain nombre d'espèces. Les graines étaient placées dans
l'appareil de chauffage décrit par M. Sachs, et y germaient à
une température constante, choisie à volonté. Au bout de 48 heures
elles étaient retirées de l'appareil, et on mesurait la longueur de
leur radicule. Les deux tableaux suivants donnent les moyennes
des valeurs ainsi trouvées ; on a pris pour longueur de la radicule la
distance entre son extrémité et le point où sont insérés les cotylédons.
Longueur (en mm.) atteinte par la radicule en 48 heures
(en 2 X 48 h. pour les tempér. de 15° et de 21", 2) .
15,0'
21,2126,8"
29,0°
31,5^ 34,0"
37,0"' 38,6" 4-2,5^
Phaseolus vulgaris 8,3 31,1
Helianthus annims i 15,6 I 56,6
Brassica Napus
Cannabis sativa.
8,0
4,8
27,0
24,2
21,1
25,3 , 30,3
8,7 11,8
6,0 1 16,2
32,0 22,0 I 17,0 ; 13,5
37,9 ; 34,4 18,0 9,9
16,2 ' 5,3 ^ 0 , 0
25,5 I 15,0 12,5 I 7,5
2,0
0
0
1,5
1) Sachs, Physiol. Unters. uh. die Âhhàngigkeit der Keimung von der Tempe-
rat iir , < Pringsheini's Jahrh., II. 1860, p. 338.
DE L IXFLUKXCE DR LA TEMPERATURE SUR LES PLANTES.
401
Longueur (en mm.) atteinte par la radicule
en 48 heures.
15,1" 21,6^
27,4'
30.6'
33,9'
37,2'
Cucumis Melo
Siuapis alha
Lepidium sativum . .
Liniim usitatissimum
3.8
5,9
1.5
24,9
38,0
20.5
]8,2
5:>,0
71,9
44,8
27,1
44,1
44,6
39,9
38,6
30,2
26,9
28,1
70,3
10,0
0
9,2
Ces deux tableaux confirment le résultat déjà obtenu par M.
Sachs, savoir, qu'il y a pour chaque espèce un point d'élection
(optimum) , où la croissance se fait avec plus de rapidité qu'à toute
autre température , et qu'au-dessous de ce point la longueur atteinte
augmente à mesure que la température s'élève, tandis qu'au-
dessus, elle diminue à mesure que la température monte.
La comparaison du second de ces tableaux avec les résultats
obtenus par M. A. De Candolle '), d'après la première des trois
méthodes rappelées , montre que le point d'élection , pour
le Cucumis Melo y est situé, d'après la méthode de De Candolle ,
à 25°, et, d'après la méthode de Sachs, vers 37°,2 ou même
au-dessus. Chez les trois autres plantes, ce point se trouve à
21° suivant M. De Candolle, et à 27°,4 d'après mes expériences.
Chez toutes, par conséquent, la température qui convient le
mieux dans les conditions choisies par M. Sachs, est plus élevée
que celle qui favorise le plus la première apparition de la radicule
à l'extérieur.
1) A. De Candolle, De la germination etc.. -< Bihl.
XXIV, p. 243.
iv. de Genève , 1865 ,
Archives Néerlandaises, T. V.
26
QUELQUES OBSERVATIONS
SUR LA
SPLANCHNOLOGIE DU RHINOCHAETES JUBATUS, VER. ET DESM.
W. MARSHALL.
Un des oiseaux les plus intéressants qui aient été découverts
dans ces derniers temps est , sans contredit , \q Rhinochaetus jubatiis.
La position systématique de cet oiseau ne semble plus guère
douteuse, surtout depuis que M. Parker nous a fait connaître
son ostéologie dans une superbe monographie ' ) ; mais il ne sera
peut-être pas sans utilité de communiquer quelques détails sur
la structure de ses viscères , en prenant pour terme de comparaison
les données qu'on possède sur les mêmes organes chez d'autres
Echassiers et Cigognes (au sens de L. Bonaparte et de V. Carus).
L'individu dont j'ai eu l'occasion d'examiner le tronc à l'état frais ,
était mort au Jardin zoologique d'Amsterdam , et sa dépouille montée
se voit aujourd'hui dans le musée — peu considérable par l'étendue
mais riche en objets précieux — qui est annexé à cet établissement.
La langue, qui est presque entièrement cornée, diffère par sa
forme de la langue triangulaire — aiguë , propre , en général ,
aux autres Echassiers et Cigognes ; elle est cochléariforme , étranglée
1) W. Parker, Onthe Osteology ofthe Kagîi (Rli. jubatus) , dans: Transactions
of Zool. Soc. 0/ Lonclon, vol. VI, p. 501. 1869.
W. MARSHALL. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LA^ ETC. 403
en arrière du milieu , excavée ; il n'y a pas de papilles à son
bord postérieur^ mais seulement^ à peu de distance en avant,
une élévation arrondie, de grandeur médiocre. L'os hyoïde se
compose de six pièces, dont deux forment la partie médiane,
tandis que deux autres, de chaque côté, constituent les cornes
de l'os. La pièce antérieure, impaire, qui est composée des os
entog-losses (counale ceraiohyal , Parker) ici soudés ensemble, est
lancéolée, imitant en petit la forme de la langue , non entièrement
ossifiée, mais cartilagineuse à la partie antérieure. Au milieu
elle est pourvue d'un trou, et dans ce trou joue une apophyse
assez longue, garnie de facettes articulaires sur les côtés de
la seconde pièce impaire, du basi-hyal (Geoffroy), de sorte que
la langue peut se mouvoir avec beaucoup de liberté. Au-dessus
de ce point se trouve l'élévation de la langue dont il a été
parlé plus haut, et cette élévation est creuse à l'intérieur, de
manière que l'apophyse y pénètre quand la langue elle-même se
meut. L'uro-h} al est ici un appendice cartilagineux du basi-hyal.
Les cornes de l'hyoïde, qui s'articulent également, bien qu'avec
peu de mobilité, sur le basi-hyal, se composent chacune de deux
pièces, une antérieure, plus grande, cylindYÏqnQ (proximal thyro-
hyal, Parker), et une postérieure, conique {distal Ihyrohyal,
Parker), qui se courbe en dedans et en dessus: entre les deux
pièces osseuses de chaque corne se trouve une masse cartilagi-
neuse considérable, qui est plus épaisse que les os mêmes.
La longueur de l'os entoglosse est = 15 mm.
\ basi-hyal i ^^
" " " ( uro-hyal \ " — "^^ "
„ „ „ la partie antér. de la corne est = 29 „
,, r J7 >; 71 poster. „ „ „ „ z= 20 „
L'œsophage, qui n'est pas très large et qui est garni à
l'intérieur de plis prononcés, n'a pas de jabot; mais, quand on
le remplit avec de l'eau, il se montre susceptible d'une forte
dilatation, comme dans les genres Haematopus , Ardea et Grus.
Le ventricule succenturié se divise en deux parties; dans
la partie antérieure se trouvent les follicules, qui n'atteignent
26*
404 W. MARSHALL. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LA
pas une très grande dimension; tout au plus 2 mm., et qui
ne sont pas divisés. Entre cette région à follicules, large de
30 mm., et le cardia de l'estomac proprement dit, se voit une
zone, large de 15 mm., qui est dépourvue de glandes. C'est là
une particularité que je n'ai jamais observée moi-même chez
d'autres Echassiers ou Cigognes, et dont l'existence dans ces
familles n'est aussi mentionnée par aucun des ouvrages que j'ai
à ma disposition. Le ventricule succenturié n'est pas étranglé du
côté du gésier, mais se continue avec lui en s'élargissant suc-
cessivement; à l'intérieur, le cardia est nettement accusé par
l'épitliélium du gésier.
Tantôt le gésier des Echassiers se présente comme une poche
plus ou moins membraneuse , à parois faiblement développées (le
degré extrême se voit dans l'Otis), et alors les deux puissants
disques tendineux sont situés en avant et eu arrière; tantôt il
montre une structure analogue à celle de l'estomac des Coqs,
des Canards, etc., et dans ce cas les couches musculaires sont
souvent très considérables , et les disques tendineux se rapprochent
plus des côtés de l'estomac (par exemple, chezles Tringa, Grus ,
Gallinula). Chez les Cigognes l'estomac est membraneux , à portion
pylorique souvent distincte du reste. Le Rh.juhalus2i\mQ^iom^Q
membraneux , faiblement développé , presque semblable à celui de
rOutarde , mais pourvu à l'intérieur d'une couche épithéliale beaucoup
plus épaisse, de couleur foncée. La longueur du conduit digestif,
depuis la pointe de la langue jusqu'au pylore, est de 232 mm.
Dans l'intestin grêle se trouvent, comme chez les Tringa , les
Haematopus et d'autres genres, des plis disposés en zigzag, entre
lesquels on voit des villosités extrêmement fines.
Au point où l'intestin grêle s'abouche avec le gros intestin,
il existe deux cœcums terminés en pointe , remarquablement petits
pour un oiseau de cette famille: ils n'ont que 18 mm., c'est-à-dire
une longueur qui est à celle du canal intestinal entier environ
comme 1 : 50 , tandis que chez les Trinqa , par exemple , ce rapport
est de 1:11. Dans les Haemalopus (bien que ces appendices n'y
aient pas 6 pouces de longueur, comme le dit Meckel, mais
SPLAISCHNOLOGIE DU RHINOCHAETES JUBATUS, VER. ET DESM. 405
seulement 3 p. et demi), et surtout dans les Fulica, Gallinula
et Otis, les cœcums se montrent beaucoup plus développés.
Le gros intestin est long de 93 mm. et a un volume quatre
fois plus considérable que celui de l'intestin grêle : sa circonférence
mesure 20 mm. ; à l'intérieur il est lisse , de même que les cœcums.
Le cloaque ne présente rien de remarquable.
La longueur totale du canal intestinal, depuis le pylore jusqu'à
l'anus, est de 660 mnî.
Le diverticulum qui, d'après Stannius ^), se trouve presque
constamment dans les Rallus , ISumenius , Crex , Limosa, Tringa
et Gallinula, — ce que je puis confirmer pour ce qui regarde les
trois derniers de ces genres , — et qui chez les Grus et les Ardea
se rencontre au moins très fréquemment , manque totalement chez
notre oiseau.
Je ne puis rien dire au sujet des glandes de la tête et de la
cavité buccale, attendu que l'animal, comme je l'ai déjà fait
connaître, devait être empaillé.
Les grandes glandes de l'abdomen présentent des particularités
intéressantes.
Le pancréas , de couleur rougeâtre , se compose de deux glandes
entièrement séparées, entre lesquelles il m'a été impossible de
découvrir la moindre connexion. Le lobe supérieur est à peu près
de la longueur de la première anse intestinale, savoir de 51 mm. ,
et montre au côté droit un court conduit pancréatique. Le lobe
inférieur est d'un quart plus long que le supérieur et se continue ,
du côté gauche, avec deux conduits pancréatiques assez longs.
Le premier des trois conduits débouche dans l'intestin à 54 mm.
au dessus du deuxième, et celui-ci à 13 mm. au-dessus du
troisième. Le pancréas est simple, d'après M. Stannius -), chez
les Ciconia: dans le genre Otis il est composé de deux lobes
continus; chez les Grus et les Oedicnemus il est double.
Chez les Echassiers et les Cigognes le foie affecte presque
1) Stannius, Lehrbiich d. vergl. Anai. d. Wirhelth., le éd., 1846, p. 302.
2) /. c, p. 305.
406 W. MARSHALL. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LA
toujours la disposition ordinaire aux Oiseaux, c'est-à-dire que le
lobe droit y surpasse d'une manière notable, et souvent même
d'une manière considérable, le lobe gauche; une exception singu-
lière se rencontre toutefois chez le C/cowîa «/6rt et surtout, d'après
Nitsch, chez le Charadrius: chez le premier, les deux lobes
sont d'égale grandeur, et chez le second, c'est même le lobe
gauche qui prédomine. L'oiseau dont nous nous occupons ici m'a
offert le même rapport: le volume du lobe gauche du foie sur-
passait de plus d'un tiers celui du lobe droit.
La vésicule biliaire manquait, ce qui toutefois peut être une
anomalie individuelle , telle qu'on la rencontre assez fréquemment.
C'est ainsi que Collins ^) n'a pas trouvé de vésicule chez une
Grue, Perrault ^) chez deux des six individus à'Anlliropoides
virgo qu'il avait examinés, Blumenbach ") chez un Coq, et moi-
même, différentes fois, chez des Corbeaux et des Geais; du
reste, dans l'Homme lui-même"^), l'autopsie a fait constater plus
d'une fois l'absence de la vésicule. Les conduits hépato-entériques
débouchaient dans l'intestin au côté opposé à celui où arrivaient les
deux derniers conduits pancréatiques, et ils alternaient avec ceux-ci.
La rate , qui dans /' Otls est très petite , a ici une longueur de
25 mm., ce qui est considérable pour un Oiseau; elle est en
forme de fève et de couleur rouge clair.
Les reins sont trilobés de chaque côté ; les testicules sont petits
et d'un noir brillant.
Au larynx supérieur manque complètement l'épiglotte rudimen-
taire, et les papilles de la fente de la glotte ne sont aussi que
peu développées. A la face interne de la pièce antérieure et
principale du cartilage thyréoïde se trouve , de même par exemple
que chez la Grue , une saillie qui avance dans la cavité laryngienne.
La trachée est plus aplatie par devant que par derrière ; ses
anneaux cartilagineux , — qui chez les Otis , par exemple , alter-
1) Collins, A System of anutomy , 1685, t. I, p. 456.
2) Perrault, dans les Mém. de l\ic. des Se. dep. 1666—1699, t. II, p. 323.
3) Blumenbach, Handb. d. vergl. Anat., 1805, p. 182.
4) Meckel, Handb. d. menscM. Anat., t. IV, p. 359.
SPLANCHNOLOGIE DU RHINOCHA ETES JUBATUS, VER. ET DESM. 407
nent sous le rapport de la hauteur, de telle sorte que, si l'un
d'eux est plus haut à droite et plus bas à gauche, c'est le
contraire qu'on observe chez le précédent et le suivant, — sont
partout de même hauteur et fermés sur toute l'étendue de la
trachée. Aux bronches (qui chez les Ciconia par exemple sont
également formées d'anneaux), on trouve au lieu d'anneaux des
tiges, qui sont unies en arrière par une membrane tympaniforme
interne très large; le diamètre intérieur de chacune des bronches
est plus grand que celui de la trachée dans sa partie inférieure.
Au larynx inférieur il n'y a pas de tambour proprement dit, et
la traverse est faiblement cartilagineuse. On trouve ici , comme chez
les Ardea, les Ralliis et la plupart des autres Echassiers et
Cigognes, deux paires de muscles, savoir, les muscles sterno-
trachéaux et broncho-trachéaux ; ces derniers toutefois ne s'insèrent
pas, comme chez les Ardea , à l'extrémité supérieure des bronches,
mais au dernier cartilage de la trachée ; ces muscles sont d'ailleurs
faiblement développés.
En ce qui concerne le système vasculaire, je mentionnerai
seulement que chaque artère innominée donne naissance à une
carotide primitive.
On voit, par les faits qui précèdent, que chez cet oiseau
le système viscéral aussi présente des particularités qui se ren-
contrent , en partie chez les Echassiers , en partie chez les Cigognes :
c'est ainsi, par exemple, que l'estomac, organe dont la forme
et la structure dépendent en première ligne du genre de vie, a
chez le Rh. jubaius la forme de poche et la consistance mem-
braneuse , comme chez les Ardéidés , tandis que chez les Gruidés
il est toujours très musculeux. D'un autre côté, et bien qu'il ne
faille pas attacher trop d'importance à ce fait , il est remarquable
que le caractère particulier du foie ne se retrouve que chez un
seul oiseau de l'ordre des Echassiers, chez le Charadrius.
En tout cas, ces divers faits ne sont nullement contraires à
l'opinion de M. Parker '), fondée sur l'ostéologie de l'oiseau,
1) /. c, p. 502 et 520.
408 W. MARSHALL. QUELQUES OBSERVATIONS SUR LA
savoir; que le Rli. jubatus est en quelque sorte une Grue „géné-
ralisée" et que, avec \ Eurypyffciy il se rapproche plus des
Nycticoracés , qui font j)artie des vrais Hérons ^ que des Grues
typiques ; lesquelles sont déjà des Echassiers ayant avec les
Ardéidés une affinité assez grande. Il paraît convenable de réunir
le Rhinochaetes et V Eurijpjjy a en nu SGul genre , à l'exemple de M.
V. Carus ^), et on peut acquiescer pleinement à l'avis de ce
savant; qui regarde ce genre comme composé de formes inter-
médiaires entre les Raies et les Hérons ^ et comme terminant le
mieux ; conjointement avec les Psopliia, la série des Echassiers
du côté des Cigognes.
J) V. Carus, Bandhuch der Zoologie etc., 1868, t. I., p. 341,
EXPLICATION DES FIGURES.
(Planche X.)
Fig. 1. Rhinochaetus juhatus.
a. Langue ; b. élévation qu'on voit à sa surface ;
c. fente de la glotte avec la saillie; d. papilles;
e, œsophage avec ses plis. — Grandeur naturelle.
Fig. 2. Même oiseau, os hyoïde.
a. os entoglosses soudés entre eux; b. basi-hyal;
c. uro-hyal cartilagineux ; d. grande pièce de la
corne de l'hyoïde ; e. petite pièce de la corne de l'hyoïde ;
/. cartilage intermédiaire entre ces deux pièces.
Les parties cartilagineuses ont reçu une teinte
foncée. — Grandeur nat.
Fig. 3. Même oiseau.
a. basi-hyal; avec son prolongement b (situé sous b
de la Fig. 1) montrant ses deux facettes articulaires ;
c. facette articulaire pour les cornes; d. uro-hyal car-
tilagineux. — Grandeur nat.
SPLANCHiNOLOGIE DU RHIA'OCHA ETES JUBATUS , VER. ET DESM. 409
Fig. 4. Même oiseau, paroi antérieure de restomaC; vue à
l'intérieur.
a. œsophage; h. portion glanclulifère du ventricule
succenturié ; c. zone dépourvue de glandes du même ;
d. gésier; e. sa faible paroi musculaire; /'. son épais
épithélium; g. pylore. — Grandeur nat.
Fig. 5. Gallinula chloropus , estomac.
a. ventricule succenturié ; h. h. muscles latéraux ;
c. c. muscles intermédiaires ; d. pylore. — Grandeur nat.
Fig. 6. Rh. jubatiis.
a. intestin grêle ; b. b. petits cœcums ; c. gros intestin. —
Grandeur nat.
Fig. 7. Tr'uHja arenaria , les mêmes parties, indiquées par les
mêmes lettres. — Grandeur nat.
Fig. 8. Rh. jubalus.
a. ventricule succenturié ; b. gésier ; c. intestin grêle ;
dy d'. les deux lobes séparés du pancréas; e, e', e". les
trois conduits pancréatiques: /'. le petit lobe droit,
et /'. le grand lobe gauche du foie; g , g', les deux
conduits hépato-entériques ; h. rate. — Grandeur réd.
de %.
Fig. 9. Même oiseau, bifurcation de la trachée.
a. muscle sterno-trachéal; b. muscle broncho-trachéal. —
Grandeur nat.
Leyde, octobre 187U.
SUR QUELQUES MONSTRUOSITÉS
OBSEUVEES CHEZ DES CRUSTACES,
J. A. HERKLOTS.
Littérature.
Mart. Bernh. a Beruiz, Chela Asfaci marini monstrosa (Obs. C.) et Chela
Âstaci marini monstrosa alia (Obs. C I.) . dans Miscellmiea curiosa medico-physica
Acad. NaUirae Curiosorum , nve Ephemeridum medico-physicarum germanicarum,
curiosarum Jmms secundus, anni scilicet 1671 , p. 174.
J. E. Valentiui , Chela Astaci fuviatilis tribus apicibus praedita (Obs. CXXVI.) ,
dans Acta Acad. Caes. Leopold. Carol.Natiirae Curiosorum , t. Il, p. 285 ; 1730.
A. J. Roesel von Rosenhoff, MonatlicJie Lisekien-Belustigmigen , t. III.
Der Elijsskrebs hiesigen Landes, pi. LX et LXI; 1755.
F. Tiedemann , Beschreibung einiger seltnen Thier-missgeburten , dans Deutsches
Archiv Jiir Physiologie, t. V, p. 127; 1819.
Dr. G. Jaeger, Zwei Beispiele missgebiideter Krebssclieeren , dans Meckel's
Archiv filr Anatoniie u. Physiologie , Année 1826, p. 95.
H. Lucas, Notice sur quelques monstruosités observées dans les Crustacés
appartenant aux genres Carcinus, Lupa , Homanis et Astaciis , dans A?inales de
la Société entomologiqne de France, 2e Série, t. II, p. 41; 1844.
Dr. G. Jaeger, Vergleicbende Darstellung der missgebildeten Scheere des
gemeinen Flusskrebses (Astac. fiumatilis) und der missgebildeten Scheere einer
Krabbe {Cancer uca L. , Uca ima Latr.) aus Surinam, dans Jahreshefte des
Fereins filr vaterlàndische Naturkiinde in Wiirtemherg , Année VII , p. 33 ; 1851.
J. A. Herklots, Notice carcinologique , dans Dierkundige Bijdragenuitgegeiien
door het L'on. Zool. Genootschap Natura artis magistra te Amsterdam, t. I,
fasc. 5; 1852.
J. A. HERKLOTS. SUR QUELQUES MONSTRUOSITES, ETC. 411
On n'a fait connaître jusqu'ici qu'un nombre relativement
très petit de monstruosités , chez les Crustacés. Von Berniz ouvrit
la liste des descripteurs , il y a près de deux siècles, par ses
observations sur deux pinces monstrueuses du Homard. Valentin ,
Roesel, Tiedemann et M. Jaeger décrivirent tous des anomalies
de l'Ecrevisse commune. Plus tard , M. Jaeger présenta dans les
Wttrtembergische Jahreshefte un résumé des monstruosités qui lui
étaient connues ; aux sept cas recueillis par Roesel et Tiedemann
et aux deux que lui-même avait déjà publiés antérieurement, il
en ajouta encore deux autres; il donna en outre la figure et la
description d'une anomalie très compliquée de V Uca una Latr.
La Notice de M. Lucas , qui renfermait un exemple observé chez
l'Ecrevisse commune, un chez le Homard et deux chez des Crabes,
le Carciniis moenas Bast. et le Lupa f/«'caw //m Latr. , avait échappé
à M. Jaeger.
Dans tous ces cas ^) la monstruosité portait sur une pince de
l'animal. Cette circonstance tient-elle à l'excessive rareté des
anomalies dans d'autres parties des Crustacés, ou bien est-elle
due à ce que le sujet n'a pas suffisamment attiré l'attention des
observateurs ? C'est là une question que je dois laisser indécise.
Pour ce qui me regarde, je n'ai rencontré jusqu'à présent
qu'un seul exemple, offert par le tarse d'une patte de la deuxième
paire du Lilhodes arctica Lam., tandis que je viens d'observer
chez des Crabes deux nouveaux cas de pinces monstrueuses,
dont je vais donner la description. Les figures (PL XI.) qui accom-
pagnent ce travail sont dues à mon ami et collègue M. Snellen
van Vollenhoven, auquel j'adresse ici mes sincères remercîments.
L'anomalie dont je parlerai en premier lieu , parce qu'elle est
la plus simple, se montre chez une espèce du genre Xaniho de
Leach, en donnant à ce genre l'extension que lui attribuait de
Haan, c'est-à-dire en y réunissant les Xantho et les Chlorodius ,
' ) E-oesel parle aussi d'une lésion par suite de laquelle on trouverait au
nez de l'Ecrevisse une excroissance particulière ayant une forme monstrueuse.
Je ne connais toutefois ni figures ni descriptions d'une semblable déformation.
412 J. A. HERKLOTS. SUR QUELQUES MONSTRUOSITES
qui étaient distingués principalement par la conformation des pinces.
Dans les espèces qui composaient le genre 67i/oro6/ù/5 de Leach,
les extrémités des doigts sont élargies et creusées à la pointe,
de manière à former en quelque sorte des cuillers.
C est à ce groupe qu'appartient notre individu, Xaniho
pitnclulatus de Haan, de la Mer Rouge (Voy. PI. XI, fig. 1 — 4).
La main ainsi que le pouce sont constitués d'une manière tout
à fait normale ; la portion digitale de la main , vue du côté externe ,
est plus large que d'ordinaire, et elle est bifurquée dans sa
moitié antérieure.
Au bord supérieur l'index se courbe en dessus et en dehors,
et forme une extrémité moins développée que d'habitude, mais
ayant du reste la conformation normale.
Au bord inférieur le doigt donne naissance à la seconde branche.
A partir du point où celle ci se sépare de l'extrémité supérieure ,
elle se porte en dessous et en dedans , et forme dans cette direction
une extrémité également creusée en cuiller , qui est unie presque à
angle droit avec la première.
Les dents du doigt immobile se continuent sur l'extrémité
supérieure ; l'autre extrémité en est dépourvue. La surface préhensile
de la branche inférieure est tournée obliquement en dedans, et
tout à fait hors de la portée de celle du pouce; quant à la
branche supérieure , sa cuiller n'est que partiellement atteinte par
le pouce , à cause de la direction vers l'extérieur que cette branche
a prise, bien que les deux cuillers soient situées presque dans
le même plan horizontal.
L'impression linéaire inférieure, qui dans la pince normale est
parallèle au bord inférieur, se trouve ici placée plus haut, se
divise à la bifurcation du doigt et se continue sur chacune des
deux branches.
A la face interne de la pince on ne remarque rien d'irrégulier.
Le second exemple de monstruosité (Voy. PI. XI, fig. 5 — 8)
dont je ferai part ici, concerne un individu à! Eriphia spinifrons
Herbst, provenant de la Mer Méditerranée; c'est une femelle,
OBSERVÉES CHEZ DES CRUSTACES. 413
dont la taille ') est au-dessous des dimensions ordinaires, mais
qui du reste dans toutes ses parties, sauf dans la pince gauche,
est conformée absolument selon le type normal.
Chez cette espèce, comme l'on sait, les pinces des deux côtés
ne diffèrent pas seulement par la grandeur, mais aussi par la
forme des parties et par la sculpture. La plus petite des deux
pinces, — qui, sur les huit spécimens de notre Musée, ne se
trouve qu'une seule fois au côté droit, — a les doigts plus faibles ,
plus comprimés latéralement et découpés en dents à leur bord
aigu. Des sillons dirigés longitudinalement permettent d'y distinguer
différentes parties. Le côté externe de la main montre sur toute
sa surface, au lieu des éminences tuberculeuses que la grande
pince possède sur sa moitié supérieure, des saillies spiniformes,
entre lesquelles sont implantés des poils raides.
Dans notre individu la petite pince se trouve également au
côté gauche. Pour ce qui regarde la main et le doigt mobile , la
structure et la sculpture ont gardé tout à fait leurs caractères
ordinaires; mais la partie antérieure de la main, que l'on
désigne sous le nom d'index, présente des anomalies très
remarquables.
Au côté inférieur on voit un index un peu raccourci se courber,
sous un angle presque droit , vers le bas. Vis-à-vis de cet index
se trouve un pouce ayant la conformation habituelle: ces deux
parties constituent donc une pince qui fait un angle droit avec
l'axe normal de la main. Au-dessus du pouce de cette pince
inférieure s'élève un autre pouce, également perpendiculaire à
l'axe de la main, mais dirigé vers le haut, et faisant par consé-
quent un angle droit avec le pouce normal. Entre les deux pouces
désignés en dernier lieu se trouvent deux index, ne consistant
pour ainsi dire que dans leur partie supérieure, dentée, et unis
entre eux par une côte élevée mais étroite, qui résulte de la
soudure des portions moyennes et inférieures des deux doigts,
et qui est placée obliquement, sous un angle d'environ 45"",
1 ) La carapace a 34 mm. de largeur sur 25 mm. de longuem*.
414 J. A. HERKLOTS. SUR OUKI-OnES MONSTRUOSITES
relativement à l'axe de la main. Ces doigts sont d'environ un
tiers plus petits que l'index de la pince inférieure, et aussi d'un
tiers plus petits que ne l'exigerait le rapport avec leurs pouces
respectifs. Ils sont arrondis à la pointe.
La main ou , pour mieux dire , la pièce basilaire de la portion
digitale de la main, est prolongée pour l'insertion de ces doigts
surnuméraires , et la portion médiane de ce prolongement s'étend
jusque devant le pouce. La partie intermédiaire entre les pouces
les plus divergents et la face d'insertion des index soudés, se
dirige obliquement en haut et en arrière jusqu'au-dessous de
l'implantation du pouce normal. Au bord inférieur l'insertion de
l'index se fait sur un prolongement carré.
Toute la partie surajoutée porte des épines, qui ne sont pas
distribuées régulièrement sur la surface, mais entassées sur les
pièces basilaires des différents doigts.
Le côté interne de la main , où ces parties surabondantes se
distinguent encore mieux, est tout à fait lisse.
Tous les pouces paraissent avoir été libres et mobiles : du moins ils
montrent tous les parties articulaires, tubercules et cavités, or-
dinaires et normales. Si tel a été effectivement le cas , ce qu'il
est difficile de décider sur des exemplaires desséchés, le
mouvement des doigts de la pince inférieure a été normal; le
mouvement de la pince moyenne n'a pu produire qu'une action
restreinte , à cause du peu de développement de l'index ; enfin le
pouce supérieur, normal, se mouvait en arrière de son index et
ne formait pas avec lui une pince proprement dite. Par contre,
les pouces des pinces moyenne et supérieure se rencontraient et
se croisaient au bout dans leurs mouvements, et constituaient
ainsi une tenaille qui a pu être d'usage à l'animal.
Après avoir décrit ces monstruosités , il ne sera pas tout à fait
sans intérêt d'examiner quelle place elles doivent prendre dans
la série des formes connues.
M. Jaeger a déjà présenté un aperçu comparatif des anomalies
des pinces de l'Ecrevisse commune et de V Uca una Latr. ,mais.
OBSERVÉES CHEZ DES CRUSTACES. 415
par suite de l'ignorance où il a été au sujet des observations
de M. Lucas ; son travail est resté nécessairement incomplet.
Les deux plus anciens auteurs sur cette matière ne sont pas
nommés par M. Jaeger. L'un deux, Valentin, rapporte simple-
ment qu'il possédait une pince d'Ecrevisse commune munie de
trois extrémités; en l'absence de tout détail descriptif et de toute
figure ; on doit se borner à prendre note du fait.
Von Berniz au contraire a figuré les deux pinces d'Astaciis
marinus sur lesquelles ont porté ses observations.
Dans son Observation C il représente une pince gauche de
Hotnarus vulgaris M. Edw. ^ chargée de différentes productions
étrangères; aussi la désigne-t-il comme chela variis marinis in-
crustaia. Outre ces tubes de Serpules etc., la pince montre, au
bord interne du doigt immobile, deux incisions situées l'une
derrière l'autre et divisant le doigt en trois parties. Le pouce a,
d'après les indications de von Berniz, deux saillies, qui ressem-
blent à un nez et à une lèvre supérieure. Ces saillies sont situées
à la base du pouce, mais, plus en avant, il y a encore un
autre appendice, beaucoup plus grand et plus saillant.
L'impression que donne cet ensemble est, à mon avis, qu'on
a afiaire au produit d'une lésion externe de l'index, et que la
déformation subie par le bord inférieur du pouce résulte de son
adaptation au bord supérieur déformé de l'index.
La pince fossile qui fait le sujet de l'Observation C I est
simplement figurée; l'auteur n'ajoute pas un seul mot de descrip-
tion, mais renvoie à la planche pour prendre connaissance de
l'anomalie. L'examen de cette planche ne me semble toutefois
pas suffisant pour donner tous les éclaircissements désirables ; l'étude
de la pièce originale , si celle-ci existe encore , serait absolument
nécessaire. Je me contenterai donc de dire ici que la forme, la
brièveté et la terminaison en pointe effilée de l'index, ainsi que
ses rapports avec la main et avec le pouce, mettent presque
hors de doute qu'il s'agit d'un doigt régénéré, qui à son tour
a modifié également la forme et la courbure du pouce.
Dans l'aperçu qui va suivre, je crois donc qu'il vaudra
416 .T. A. ÏIERKLOTS. SUR QUELQUES MONSTRUOSITES
mieux ne pas tenir compte de ces formes imparfaitement connues.
Il suffit de les avoir mentionnées pour mémoire,
M. Jaeger a coordonné les anomalies dont il avait connaissance
en une série ^ dans laquelle le rang est déterminé par la nature
de la partie affectée et par le degré de la déformation.
Il commence par les anomalies du pouce, dans lesquelles, à
côté du pouce normal, plus ou moins modifié, il existe une
branche accessoire, qui reste simple ou bien se subdivise. Des
exemples appartenant à cette section se voient, sur la planche
de M. Jaeger, dans les figures 1, 2 et 3, cas observés par lui-
même, et dans les figures 4 et 5, cas observés par Roesel; ces
derniers sont représentés sur les planches LX, f. 29, et LXI,
f. 33, des fnsekten Belusligungen.
La seconde section de notre auteur comprend les anomalies de
l'index ou de la partie prolongée de la main , où l'on rencontre ,
d'après les figures et les descriptions , soit des appendices simples ,
pointus, à la partie basilaire de l'index: Jaeger fig. 6 := Roesel
pi. LXI, fig. 31, et Lucas pi. I, fig. 2, — soit aussi la scission
et division de l'index proprement dit: Jaeger, fig. 7, 8 et 9.
A la suite de ces déformations M. Jaeger place celle qui est
représentée par sa fig. lOrzrRoesel pi. LXI, fig. 32, où l'index
se termine par deux extrémités, tandis que vers le milieu du
doigt se détache, en direction oblique, une branche assez sem-
blable à la moitié antérieure d'un doigt normal.
Une troisième section est formée par M. Jaeger des anomalies
qui atteignent la main proprement dite.
Il y rapporte sa figure ll=:Iloesel pi. LX, fig. 28, qui
montre sur la face latérale de la main , avant l'origine du doigt
immobile, une excroissance divisée en trois branches.
Il place dans la même section l'anomalie de VUca una Latr. ,
représentée par ses fig. 12 et 13.
Dans cette dernière anomalie toutefois, il me semble qu'on
doit reconnaître une rubrique entièrement différente, dont nous
avons déjà eu une espèce d'avant-coureur dans le cas des deux
extrémités antérieures de l'index représenté par Roesel, fig. 32.
OBSERVÉRS CHEZ DES CRUSTACES. 417
Dans toutes les formes considérées jusqu'ici '), nous n'avions
affaire, selon ma manière de voir, qu'à de simples appendices,
excroissances ou autres productions accessoires purement acciden-
telles, et il n'y avait pas la moindre apparence d'une multipli-
cation d'organes normaux.
Déjà dans la première anomalie que je viens de décrire, celle
du Xantlio , on voit la manifestation de ce phénomène à un
faible degré. Il se montre à un degré plus prononcé dans
le cas figuré par M. Lucas , fig. 1 ; où il existe également un
doublement latéral de l'index. A ce cas se rattache celui représenté
par la fig. 4 de M. Lucas, où l'un des index ainsi formés se
divise encore une fois en deux parties à la pointe.
Ce même doublement latéral de l'index , je crois le reconnaître
dans la fig. 12 de M. Jaeger, mais ici il y a en outre existence
d'une double pince.
Dans la 2e figure de M. Lucas, où le pouce porte les doigts
surnuméraires, mais où il n'y a pas de véritable doublement de
la pince , attendu que trois des quatre doigts sont unis entre
eux d'une manière immuable, je vois un degré inférieur de ce
développement anormal.
Un degré plus élevé se rencontre dans V Uca de M. Jaeger,
chez lequel chacun des deux index a en face de lui un pouce
mobile , encore que le pouce de la pince inférieure soit uni d'une
manière immuable à l'index de la pince supérieure.
Mais l'anomalie la plus complexe, dans cette direction, nous
est offerte par la pince à! Eriphia décrite ci-dessus, où chacun
des trois pouces peut se mouvoir séparément, et où, par le
renversement d'une couple d'appendices, il se forme trois pinces
complètes.
J ) Il est très possible que quelques-unes des anomalies déjà connues , par
exemple celle de Jaeger fig. 3 , ou celle de Roesel pi, LX , fig. 29 , doivent
être rapportées à cette rubrique. Toutefois, dans aucun de ces cas, il ne saurait
être question de mobilité des parties surnuméraires , et je dois faire remarquer
que l'idée générale de Roesel au sujet des monstruosités observées par lui, les
présente comme un simple résultat de blessures ou de meurtrissures.
Archives Néerlandaises, T. V. 27
418 J. A. HERKLOTS. SUh QUELQUES MONSTRUOSITES
A cette même rubrique de déviations du type par voie de
multiplication d'organes ^ il faut rapporter aussi l'anomalie que
j'ai fait connaître antérieurement dans \q^ Dierkundige Uijdrafjen ,
et dont, pour ne rien omettre , je reproduirai ici la description
et la figure (Voy. pi. XI, fig. 9 et 10).
Cette anomalie a été observée au tarse de la patte gauche de
la deuxième paire, chez un spécimen de Lithodes arctica Lam.,
qui se voit encore dans le Musée de la Société royale zoologique
Nalura artis magistrat à Amsterdam.
La patte droite et tous les articles de la patte gauche, à
l'exception du dernier, ont la conformation normale. Le tarse
gauche n'a qu'environ la moitié de la longueur qu'il devrait
atteindre ; il s'élargit en une espèce de main , qui se termine par
trois doigts, inégaux de grandeur, et non situés dans le même
plan, car celui du milieu se replie en arrière, tandis que
l'antérieur se porte en avant. Les épines manquent au bord
supérieur du tarse; ce n'est qu'au doigt antérieur qu'on voit des
vestiges d'épines.
A la fin de son travail M. Jaeger communique les résultats
auxquels l'a conduit l'étude des anomalies arrivées à sa con-
naissance ; ce sont des considérations sur lesquelles je ne m'étendrai
pas ici. A cette occasion , l'auteur fait ressortir aussi l'intérêt
qu'offrirait l'étude anatomique des parties anomales. En même
temps il indique comment on pourrait décider, par l'observation ,
si ces anomalies persistent sans modification, ou bien si, lors de
la mue des Crustacés, le renouvellement de leur enveloppe
tégumentaire conduit à une atténuation ou à une aggravation de
l'écart existant.
Relativement à ce dernier point , Roesel assure que ces excrois-
sances se maintiennent invariablement dans les mues successives.
Il ne dit pas toutefois jusqu'à quel point cette assertion repose
sur des observations personnelles.
Les phénomènes sont encore compliqués par la faculté de
reproduction de membres perdus ou mutilés que possèdent les
OBSERVEES CHEZ DES CRUSTACES. 419
Crustacés ; et dont l'action mieux connue nous fournirait peut-être
des éclaircissements sous maint rapport. L'intelligence parfaite
de l'ensemble du phénomène ne peut évidemment être attendue
que d'observations heureuses sur des individus anomaux vivants ,
combinées avec l'étude anatomique à l'état frais.
Les Crustacés sont d'ailleurs si généralement et si abondamment
répandus, qu'il ne semble pas que l'espoir d'atteindre un jour à
cette connaissance doive nécessairement être rangé parmi les pi a
vota. Il ne s'agit que de tirer parti des circonstances favorables.
EXPLICATION DES FIGURES.
(Planche XI).
Fig. 1. Pince gauche normale du Xanl/io punctulalus deEsi3in^
I grand, naturelle.
„ 2. Pince gauche anomale de la même espèce, vue d'en
dehors , f grand, nat.
„ 3. La même, vue obliquement d'en bas et d'eu dehors,
^ grand, nat.
„ 4. La même, vue tout à fait d'en bas, ^ grand, nat.
„ 5. Pince gauche normale de V Eriphia spinifrons Herbst,
grand, nat.
„ 6. Pince gauche anomale de la même espèce, vue d'en
dehors, grand, nat.
„ 7. La même retournée, vue du côté interne, grand, nat.
„ 8. Les pinces supérieure et moyenne, vues d'en dehors,
I grand nat.
„ 9. Tarse de la deuxième patte droite du Lithodes arciica
Lam., grand, nat.
„ 10. Tarse de la deuxième patte gauche du même individu,
grand, nat.
27
SUR LA MANIERE DE VIVRE
DE L'EUEYTOMA LOiNGIPENNIS walk.,
PAR
H. WEYENBERGH Jr.
Le genre Eurytoma (Illiger), qui compte environ 60 espèces
européennes^ appartient à la sous-famille des Euryfomidae (Wal-
ker) , famille des Chalcididae (Westwood) , section des Enlophaga
(Westwood) , division des Terebrantia (Linné) , ordre des Hymenop-
lera (Linné) ou Piezala (Fabricius).
Dans presque tous les Traités de zoologie on trouve mentionné,
relativement au genre Eurytoma, que les espèces vivent en
parasites à l'intérieur d'autres insectes, comme cela a lieu pour
les Eurytomides et les Clialcidides en général.
11 paraît toutefois que plusieurs espèces d' Eurytoma font exception
à cette règle générale. C'est ainsi qu'on verra, par les détails
dans lesquels nous allons entrer au sujet de l' Eurytoma longîpennis
(Walker) , que la larve de cette espèce vit dans des excroissances
en forme de galles du Psamma arenaria L. (en lioll. duinhelm). Il
est encore une autre espèce du même genre qui , à ma connaissance ,
a les mêmes habitudes. On trouve en effet, dans les Transactions
of the enlomological Society of London , III^ Série , t. 2 {Proceedings) ,
p. 141, le passage suivant, extrait d'un recueil périodique amé-
ricain, et relatif à V Eurytoma flavipes (Forstev) : „Oftlie Eurytoma
ftavipes for instance we learn that its déprédations hâve been so
great in the central part of the State (New-York) that, unless
H. WEYEiNBEKGH JR. SUR LA MANIERE DE VIVRE ETC. 421
some relief is found, barley will hardly appear in our sensal
reports. It is worth remarking by the way that the New-York
farmers appear from this to hâve no objection to making returns
of the yield of their crops." Il est donc probable que cet Eurytoma
occasionne des déformations aux épis de l'Orge, de même que
l' E. longipennis à ceux du Psamma. Le dommage qui doit en résulter
pour les récoltes de cette céréale est facile à comprendre.
C'est en 1868 que j'eus pour la première fois l'occasion d'étudier
les déformations du Psamma arenaria , sur des échantillons trouvés
à Zandvoort, près de Harlem, par un de mes amis. A l'extrémité
de la tige existe une dilatation qui a l'aspect extérieur d'un bouton
de fleur court et épais. Cette galle se voit représentée dans la
fig. 1 (PI. XII): a est ici la tige, b. b les feuilles externes, c les
feuilles internes soudées avec l'excroissance. Lorsqu'on ouvre une
pareille galle, en enlevant les feuilles une à une, on trouve
entre les feuilles centrales intimement soudées, dans une substance
verte, d'apparence médullaire, une larve d'une couleur jaune clair.
C'est cette larve qui, agissant comme cause d'irritation anomale ,
donne lieu au développement morbide du tissu végétal.
La larve est logée dans un conduit au milieu de la matière
médullaire verte, dont elle paraît faire sa nourriture. Je regarde
cette matière comme un exsudât de la plante, épanché par suite
de l'inflammation que détermine la larve, et solidifié peu à peu.
Au mois d'août Ja larve n'a encore que 2,5 millimètres de
longueur, mais, à cela près, elle ne diffère pas des larves qui
ont atteint toute leur croissance et qu'on trouve depuis la fin de
l'automne jusqu'au printemps. Ces larves adultes sont longues
d'au moins 5 millim.
La forme de la larve est en général assez allongée, et la
couleur, comme nous l'avons dit, d'un jaune clair. Les douze
segments du corps se distinguent facilement. Sur la face dorsale
de plusieurs des anneaux on remarque des saillies en forme de
verrues; ces tubercules se voient nettement depuis le quatrième
jusqu'au dixième anneau, et c'est sur le sixième et le septième
qu'ils sont le plus grands. L'extrémité céphalique est un peu plus
422 H. WEYENBERGH JR. SUR LA MANIERE DE VIVRE
pointue que l'extrémité caudale , et celle ci montre, à sa terminaison
obtuse, une petite impression que je regarde comme l'ouverture
anale. La tête est petite et présente une paire de mâchoires
triangulaires, plus ou moins courbes, au-dessus desquelles on
voit, sur la tête, une impression transversale. Je n'ai pu observer
d'autres particularités à cette larve, dont les divers segments se
ressemblent d'ailleurs parfaitement par la forme et la couleur et
ne diffèrent un peu que par la dimension. A l'aide d'un fort
grossissement on découvre çà et là un petit poil aux segments
postérieurs. La figure 2 montre la larve grossie, et la figure 3
est une représentation très amplifiée de la tête. Un des anneaux
du milieu est représenté fortement grossi dans la figure 4, pour
donner une idée exacte de la forme et de la position des mamelons
verruqueux. A ce grossissement on distingue quelques petits poils
sur ces mamelons. Comme on le reconnaît sur la figure, la saillie
des mamelons s'abaisse plus doucement vers la surface générale
du corps à leur côté antérieur qu'à leur côté postérieur.
Me trouvant il y a quelque temps à Zandvoort, je profitai de
l'occasion pour me faire indiquer l'endroit où les Psamma déformés
avaient été découverts, et j'en recueillis encore de nombreux
exemplaires. Le lieu où ils se trouvaient est une petite dépression
dans les dunes, à quelques pas au sud de l'Hôtel des bains; les
plantes attaquées occupaient surtout la pente intérieure de la
dune qui borde la plage, et il était facile de les distinguer à
distance, une fois qu'on avait appris à en connaître une seule.
Bien qu'on fût déjà au mois de décembre, je ne remarquai encore
aucun changement dans les larves. Jusque tout récemment, Zand-
voort était resté la seule localité de notre pays où l'Hyménoptère
en question eût été observé; antérieurement à cette découverte,
il ne comptait pas parmi les espèces indigènes. Au mois d'août
1870, M. Hugo de Vries l'a retrouvé dans les dunes de la Hollande
méridionale, près de Naaldwijk et de Voorne. — La larve et la
manière de vivre de cette espèce étaient inconnues jusqu'à présent.
Une circonstance qui attira particulièrement mon attention,
c'est que plusieurs des galles du Psamma étaient attaquées et
DE l'eURYTOMA LOA'GIPENNIS walk. 423
montraient un assez grand trou, qui; de l'extérieur, pénétrait
jusqu'à l'endroit où avait résidé la larve; quant à celle-ci, elle
avait toujours disparu des excroissances attaquées. En examinant
ces trous avec plus de soin, j'y reconnus des traces évidentes
de l'action des dents d'un animal rongeur, ce qui me conduit à
supposer que les Campagnols cherchent dans ces larves une nourriture
succulente pendant la saison rigoureuse, alors que leur table
n'est en général pas trop abondamment servie.
Dans les premiers jours du mois de mars de cette année, je
me rendis de nouveau à l'endroit désigné et rassemblai encore
quelques galles; je trouvai les habitants toujours dans le même
état qu'à l'époque de ma première visite, sauf qu'ils avaient
peut être pris un peu d'accroissement. J'ouvris alors aussi une des
excroissances que j'avais rapportées en automne et qui avaient
passé l'hiver dans ma chambre, dans un verre sec; mais je ne
remarquai aucune différence avec celles qui étaient restées en plein
air. A l'une des galles je vis un petit trou, par lequel je supposai
qu'un Ichneumonide avait pu sortir, et dans une couple d'autres
je trouvai une petite coque allongée, à tissu très fin, qui me
parut également provenir d'un Ichueumon. A la fin de juillet
j'obtins de ces coques le parasite Bracon caudiger (Nées ab Es.),
Hyménoptère dont l'existence dans notre pays était également
restée inconnue. Les coques de ce Bracon variaient en couleur
du blanc clair au gris foncé, et les plus foncées fournissaient
toujours des individus mâles. La larve de cette espèce a échappé
à mon observation.
Même au commencement d'avril les larves de l' Eurytoma lotigi-
pennis persistaient encore dans le même état ; mais , vers le milieu
de ce mois, elles étaient changées en nymphes, où l'on ne
distinguait plus que des contours obscurs et dont la couleur était
le jaune clair uniforme. L'abdomen se terminait en une petite
pointe noire, à laquelle pendait encore, sous la forme d'une
membrane blanche, la dépouille ridée de la larve. Peu à peu les
formes devinrent plus distinctes et les linéaments des diverses
parties commencèrent à s'accuser , à partir du dos. Une couple de
424 H. WEYENBERGH JR. SUR LA iMANIERE DE VIVRE
jours avant Téclosion, la couleur était partout d'un noir brillant.
Cette coloration avait commencé par la formation d'un point noir
sur le milieu de l'abdomen et l'apparition d'une teinte foncée
sur les yeux, puis elle s'était étendue successivement à tout
l'abdomen, à la tête et au thorax, et en dernier lieu aux étuis
des ailes et aux pattes. La fig. 5 montre la nymphe telle qu'elle
est au moment où la larve vient de passer à cet état , et la fig. 6
la représente peu de temps avant l'apparition de l'insecte parfait ;
les yeux sont alors bruns, et aux segments de l'abdomen ainsi
qu'aux organes appendiculaires se voient encore les restes de la
couleur jaune. La tête (que la fig. 7 représente de face) offre une
forme triangulaire et des antennes à gaines crénelées et assez
courtes. Les pattes sont de longueur médiocre, les ailes sont
appliquées sur la face antérieure de l'abdomen et un peu plus
longues que celui-ci. Le thorax est très bombé sur le dos, et
l'abdomen assez obtus à l'extrémité.
Les nymphes se transformèrent en insectes parfaits à la fin de
mai et en juin. L'état de nymphe dure donc environ six semaines.
Pendant que j'attendais de jour en jour le développement des
insectes parfaits, j'eus encore la surprise de voir apparaître un
Coléoptère du genre Dasytes Payk. (famille des Dasytidae, des
Malacodermes (Marseul)), sslyoïyIq Dasytes nobilis (IWigQr) , espèce
qui était également nouvelle pour la faune néerlandaise , et dont ,
quelques semaines plus tard (le 9 août) , M. J. Kinker captura un
individu à Bergen dans la Hollande septentrionale. Lorsque ce
Coléoptère se montra pour la première fois, je crus à une méprise;
mais, après que d'autres individus eurent suivi le premier, j'examinai
la chose de plus près, et je me convainquis que ces animaux ve
naient bien réellement de l'intérieur de la galle, à laquelle ils
pratiquaient un trou semblable à celui dont j'ai fait mention plus
haut, en parlant du Bracon caudiger. En tout, je recueillis 4 ou
5 exemplaires de Dasytes, et je reconnus que dans toutes les
galles qui avaient été habitées par ces Coléoptères, les larves
di Eurytoma avaient disparu. Le Dasytes nohilis paraît donc être
aussi un parasite de V Eurytoma long {permis , ce qui est d'ailleurs
DE l'eURYTOMA LONGIPENxMS walk. 425
en parfait accord avec le régime zoophage des larves et des insectes
du genre Dasyles. Les premiers états de ce Coléoptère me sont
toutefois restés inconnus, attendu que rien n'avait pu me faire
deviner sa présence.
Pour éviter les redites , je serai bref dans la description de
V Euryioma longipennis à l'état parfait, dont M. Walker a déjà
fait connaître les caractères dans les Ann. and Magaz. of ISat. hist. ,
1845, t. XV, p. 496.
La nymphe n'est pas entourée d'une coque, mais repose librement
au milieu du conduit, qui passe par Taxe de la galle.
Description de l'insecte parfait (Voyez: fig. 8, l'insecte entier;
fig. 9, une antenne grossie; fig. 10 et 11, les ailes).
La forme générale est allongée, et la couleur générale est le
noir brillant, parfois avec un éclat légèrement métallique. Cette
couleur recouvre les parties suivantes: la tête et les yeux, qui
sont grands, les antennes assez courtes, les mâchoires, le cou,
qui se distingue assez bien, le thorax, qui est allongé et plus ou
moins rude et inégal à la face dorsale, enfin l'abdomen, qui est
piriforme et terminé en pointe. Les hanches , la partie supérieure
des fémurs, surtout au côté interne des pattes de devant, la
partie moyenne des tibias des pattes postérieures et les tarses
sont également noirs ; le reste des pattes a une couleur brunâtre ,
passant du brun clair au brun foncé. Les ailes ne sont pas très
diaphanes, mais plus ou moins troubles et un peu irisées à la
pointe. Les pattes ne sont pas longues; par contre, les ailes
dépassent de beaucoup la pointe de l'abdomen, de sorte que
cette espèce porte à assez bon droit le nom de longipennis.
La nervure primaire des ailes est colorée en brun clair. La lon-
gueur de l'insecte est d'environ 4 millimètres, l'expansion des
ailes mesure 7 à 8 millimètres. Les sexes se distinguent, non-
seulement par la forme plus ou moins aiguë du bout de l'abdomen
et la présence ou l'absence de la tarière, mais aussi par les
antennes, qui sont plus longues chez le mâle, et par les ailes
supérieures, dont la pointe montre chez les femelles une petite
nervure transversale.
426 H. WEYENBERGH JR. SUR LA MANIERE DE VIVRE
L'œuf m'est resté inconnu, et mes petits Hyménoptères captifs
ue s'accouplèrent pas. A l'état de liberté, l'accouplement, la
ponte et l'éclosion des œufs paraissent se suivre à d'assez courts
intervalles, car dès le commencement d'août on trouve de nouveau
de jeunes larves. Il est probable que l'introduction de l'œuf dans
la tige du Psamma se fait de la manière ordinaire.
Ces animaux sont d'un naturel inerte et apathique ; le vol
paraît leur être difficile, et souvent ils restent des journées
entières sans changer de place, et cela soit qu'on les tienne dans
l'obscurité, ou qu'on les expose aux rayons solaires, ou qu'on
leur envoie des bouffées de tabac. Ce défaut de mobilité explique
en partie le peu d'abondance de l'espèce, surtout si l'on tient
compte de ce qu'elle est en butte aux attaques d'Ichneumons, de
Coléoptères et de Campagnols, ennemis auxquels viendront s'ajouter
maintenant les entomologistes.
J'ignore si, outre l'Euryloma ici décrit et F E. flavipes , qui vit
dans l'orge, il y a encore d'autres espèces de ce genre qui aient
les mêmes habitudes phytophages. Par contre , le régime zoophage ,
parasite, est bien constaté pour un grand nombre d'espèces, telles
que: E. ahrotani (Panzer) dans le Bombyx pini L. et le Liparis
dispar L., E. abielicola (Katzeburg) dans \q Curculio violaceusF. ^
E. extiucta (Ratzeb.) dans le Nemafus angiislatmKl.y E. aciciilala
(Ratzeb.) dans le Nematus pedunculi Kl. et dans le Cecidomyia
salicina Low. , E. cosfata (Ratzeb.) dans des cocons de Microgasier
provenus du Pieris crataeLfi L., E. flavovaria (Ratzeb.) dans
l'Hylesinus fraxini F., E. plumata (Illiger) dans le Microqaster
liparidis Ratz. , E. signala (Nées ab Es.) dans des galles de Cynips ,
E. striolata (Ratzeb.) dans r Eccoplogaster intricatusM2i\. , et beau-
coup d'autres. Il y a bien encore une espèce qui a été citée comme
vivant sur une plante, savoir l'E. exilis (J)ViioVix) suyXc Centaiirea
niqra L. ; mais on n'indique pas de quelle façon elle y vit , si
c'est dans une galle ou de toute autre manière.
M. Westwood dans son Introd. to modem classif.y t. II, p. 161
(Note) , et M. Blanchard dans son Hisl. nal. des ins. ne croyaient
pas encore que certains Eurytoma produisissent eux-mêmes des
DE l'eurytoma longipennis walk. 427
galles, mais pensaient que ces insectes ne se trouvent dans ces
excroissances que „pour se nourrir des vrais habitants."
On sait peu de chose concernant la distribution géographique
de V Eurytoïiia longipennis. L'auteur qui l'a décrit le premier l'a
trouvé en i\ngleterre; il a été rencontré ensuite dans la Néer-
lande, aux endroits indiqués ci-dessus, par MM. Hugo de Vries
et Kitsema, ainsi que par moi-même.
Harlem, 1870.
EXPLICATION DES FIGURES.
(PI. XII).
Fig. 1. Galle du Psamma arenaria. L.
„ 2. Larve de l'Eurytoma longipennis Walk. (grossie).
„ 3. Tête de la larve (très grossie).
„ 4. Un des segments moyens (très grossi).
„ 5. La nymphe, peu de temps après sa formation (grossie).
„ 6. La nymphe , peu de temps avant la sortie de l'insecte
parfait (grossie).
„ 7. La tête de la nymphe, de face (grossie).
„ 8. Euryloma longipennis Walk. ? (grossi).
„ 9. L'antenne d'un mâle (grossie).
„ 10. L'aile supérieure d'un mâle (grossie).
„ 11. L'aile inférieure d'un mâle (grossie).
„ 12. Une patte de derrière (grossie).
„ 13. Une partie d'une aile (très grossie).
NB. Les poils nombreux qui couvrent les ailes, comme on le
voit dans les fig. 10 et 11, se trouvent chez les deux
sexes. Dans la fig. 8 , pour plus de clarté , ce caractère
n'a pas été exprimé.
LA PREUVE DIRECTE
QUE LES
GLOBULES DU SANG FOURNISSENT DE LA FIBRINE,
A. HEYNSIUS.
M. van der Horst avait remarqué ') que si le sang d'un
animal est reçu immédiatement, au sortir des vaisseaux, dans
une solution de Cl Na d'une concentration telle que la coagulation
soit empêchée, et si, après que les globules se sont déposés, le
plasma étendu est saturé de ClNa, il apparaît à la surface du
liquide une couche de matière albuminoïde insoluble, semblable
à la fibrine, tandis que, au fond du vase, il se forme un pré-
cipité floconneux de matière albuminoïde soluble dans le chlorure
de sodium étendu et susceptible d'être coagulée dans cette disso-
lution. M. van der Horst avait constaté en outre qu'en ajoutant
aux globules du sang, séparés avec soin, des dissolutions salines
et traitant ensuite le mélange par l'eau, on peut extraire des
globules une matière albuminoïde, qui par ses caractères, ainsi
que l'avait déjà remarqué M. Denis, se rapproche le plus de
la fibrine.
Postérieurement, j'avais trouvé que cette matière s'obtient
aussi, du moins avec du sang d'oiseau, quand le sang défibriné
est mêlé rapidement avec une grande quantité d'eau, et j'avais
) Voyez Arch. néerl., t. IV, p. 97 et suiv.
A. HEYNSIUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES, ETC. 429
moDtré que la matière ainsi séparée renferme au moins 1 "/o de soufre ' ).
J'avais trouvé de plus que lorsque le sang, aussitôt qu'il a
été retiré des vaisseaux, est mêlé avec une certaine quantité de
de phosphate de soude, il fournit, dans la grande majorité des
cas, plus de fibrine que le sang qui n'a pas subi ce mélange,
et j'avais même pu communiquer quelques expériences dans
lesquelles la proportion de fibrine avait été, de cette manière,
plus que doublée -).
J'avais montré enfin que lorsque le sang est reçu dans une
solution faible de sel marin , refroidie à 0°, le plasma ainsi étendu
donne, même après qu'on y a ajouté de la globuline, beaucoup
moins de fibrine qu'on n'en retire du sang lui-même ^•).
Ces résultats m'avaient forcé de renoncer à l'opinion générale-
ment adoptée depuis J. Millier, d'après laquelle la fibrine, —
ou la matière fibrinogène selon l'hypothèse de M. Schmidt, —
proviendrait du plasma; ils m'avaient conduit à indiquer au
contraire le stroma des globules comme la source principale de
la fibrine du sang.
C'était là, en effet, la seule explication que permettaient les
résultats obtenus. L'expérience sur laquelle se fondait J. Millier
pour regarder la fibrine comme partie intégrante du plasma, —
savoir, la coagulation du sang de grenouille après qu'il a été
privé de ses globules par la filtration , — ne constitue évidemment
pas une preuve suffisante; cette manière de voir est, au moins
sous certains rapports, en complète opposition avec les phéno-
mènes observés par moi, tandis que, d'un autre côté, tous les
faits connus se concilient parfaitement avec l'hypothèse que le
plasma du sang vivant ne renferme pas de matière fibrinogène en
1 ) Voyez Jrch. néerl. , t. IV, p. 133.
2) Loc. cit., p. 147. Depuis lors j'ai encore répété cette expérience plusieurs
fois et toujours avec le même succès. Il est inutile de faire connaître ces
nouveaux résultats, attendu que j'ai maintenant des arguments plus décisifs à
produire en faveur de la proposition que les globules du sang renferment de
la fibrine.
3 ) Loc. cil. , p.
430 A. IIEYNSIUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES
quantité notable , mais que c'est seulement après l'extraction du
sang que le stroma des globules cède cette matière au plasma.
Mais, quelque probabilité que mon hypothèse reçût des phéno-
mènes observés, la preuve directe que les globules donnent de
la tibrine manquait encore. Avec les globules isolés je ne parve-
nais plus à produire une coagulation , une séparation de fibrine.
„Ce résultat négatif/' disais-je '), „ne constitue du reste pas
un argument contre l'hypothèse que la fibrine soit fournie en partie
par les corpuscules du sang. Si ces corpuscules ont perdu leur
vitalité et si, par suite, comme dans d'autres organismes élémen-
taires, une partie plus ou moins considérable du contenu albumineux
s'est coagulée, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'on ne réussisse
pas à obtenir une seconde coagulation. Nous aurons alors beau
dissoudre cette matière dans des dissolutions salines, nous n'y
verrons pas plus de coagulation que dans les solutions de myosine
ou de quelque autre protoplasma coagulé, — pas plus que dans
les solutions de la fibrine elle-même." Néanmoins, il va sans
dire qu'il me paraissait toujours très désirable de donner la
preuve directe en question, si la chose était possible.
Jusqu'alors j'avais opéré surtout sur du sang de vache, de
veau, de chien, de lapin et de poulet, et, pour faire déposer
les globules et maintenir le plasma liquide, ce sang avait été
mélangé ordinairement, au sortir de la veine, avec une solution
de Cl Na d'environ 3"/o. Or on sait que, pour observer les phé-
nomènes de contraction du protoplasma , il faut éviter l'intervention
de tous les agents énergiques , et employer une dissolution saline
de tout au plus y^ ^ l^/o? si l'on ne veut pas voir ces phéno-
mènes de contraction s'arrêter très promptement par suite de
la coagulation du protoplasma.
Pour cette raison, j'avais déjà essayé antérieurement si des
solutions de sel, moins concentrées que celles dont il avait été
fait usage primitivement, ne seraient pas également capables de
prévenir la coagulation du plasma. J'avais trouvé qu'en refroi-
1) Loc. cit., p. 142.
GLOBULES DU SANG FOURNISSENT DE LA FIBRINE. 431
dissant rapidement à 0°, ou pouvait effectivement se contenter
d'une proportion de sel un peu moindre, mais, même dans ces
conditions, le sang- des animaux précités ne restait liquide que
lorsque la proportion de sel s'élevait au moins à 2,5"/o.
Parmi les différentes sortes de sang , celui de cheval se distingue
par la lenteur de sa coagulation. A la température ordinaire ce
sang reste liquide pendant une heure et plus après l'extraction,
et lorsqu'on prend les soins convenables pour le refroidir rapi-
dement à 0^, on peut, comme Ton sait, lui conserver l'état
liquide pendant beaucoup plus longtemps et même pendant
24 heures.
D'après cela, si les globules du sang fournissent réellement
de la fibrine, je pensai qu'il ne serait peut-être pas impossible
de réaliser avec le sang du cheval ce que j'avais jusqu'alors
vainement tenté d'obtenir avec le sang d'autres animaux. Peu
importe que l'on ignore la raison pour laquelle ce sang se coagule
plus lentement ; le fait seul donnait lieu d'espérer qu'on parvieu-
drait peut-être, avec lui, à fournir la preuve directe désirée. Peut-
être des solutions salines plus faibles suffiraient-elles pour con-
server à ce sang sa liquidité et par conséquent pour maintenir le
protoplasma des globules lui-même à l'état vivant, non coagulé.
Comme, pour obtenir ce résultat, le refroidissement rapide à
0- était certainement une condition nécessaire, je remis l'exécution
de l'expérience jusqu'au moment où je pourrais disposer des grands
froids de l'hiver. Dans mes expériences antérieures la température
de l'air avait été le plus souvent au-dessus de 0^, et, bien que
le sang après son extraction eût toujours été refroidi à 0°, cette
circonstance pouvait bien ne pas être tout à fait étrangère au
fait que la solution saline devait contenir au moins 2% p. c. de
Cl Na pour maintenir le plasma liquide.
Je pris donc, pour commencer, des solutions de chlorure de
sodium à 4 p. c, à 3 p. c. et à 2 p. c, et dans 1000 ce. de ces
solutions je laissai se déposer environ 100 ce. de sang de cheval.
Comme moyen de contrôle je fis, pour chacun de ces degrés de
concentration, deux expériences différentes. Les flacons et les
432 A. HEYNSIUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES
solutions salines étaient pesés d'avance et refroidis à 0°. Le sang ,
reçu dans des verres gradués refroidis à 0"", était versé immé-
diatement dans la solution saline, et le mélange était placé dans une
masse considérable de glace fondante. Après qu'il y était resté
pendant assez longtemps pour que sa température se fût abaissée à
0^, on déterminait par une pesée la quantité de sang ajoutée.
Lorsque les globules du sang étaient entièrement déposés, on
décantait avec précaution et d'une manière aussi complète que
possible le sérum étendu. Le flacon était ensuite pesé de nouveau ,
ce qui donnait le poids des globules déposés plus le plasma
étendu qui leur était resté adhérent. Les globules ainsi obtenus
étaient en partie délayés dans du sérum de vache refroidi à 0^,
en partie dissous dans de l'eau refroidie puis chauffés à 40^.
L'épreuve réussit parfaitement. Dans chacune des six expériences
instituées il y eut coagulation évidente; mais c'est surtout avec
les globules séparés du sang par la solution de chlorure de
sodium à 2 p. c. , que le résultat fut frappant. Avec ceux-là
on obtint une coagulation en caillot bien formé.
La réussite ainsi constatée, j'entrepris naturellement une déter-
mination quantitative, qui me donna les chiffres suivants:
Richesse Quantité Globules Proportion
de la de sansr, déposés, de fibrine , ^^ , •
.1..^;,.,. „., „_"" J „.. ' en r Observations.
0,07 Mélangé avec du sér. de vache.
0,08 „ „ de l'eau.
0,08 „ „ du sér. de vache.
0,11 „ „ de l'eau.
0,14 „ „ du sér. de vache.
0,13 „ „ de l'eau.
Ce résultat est certainement très satisfaisant. Le sang lui-même
ayant fourni 0,6 p. c. de fibrine, on voit que l de cette quantité
peut encore être retiré des globules. Il est impossible de faire dériver
cette fraction du plasma adhérent, car dans cette hypothèse, en
admettant par exemple qu'il faille encore déduire du poids des
globules la moitié pour le plasma qui leur adhère, on arriverait
Apei
solution
de Cl Na.
en gr.
en gr
1.
4%
102
52
2.
4 „
115
58
3.
3 „
104
47
4.
3 „
101
44
5.
2 „
117,5
79
6.
2 „
105
53
GLOBULES DU SA>G FOURNISSENT DE LA FIBRINE. 433
à des chiffres absurdes pour la richesse en fibrine de ce plasma.
Prenons le cas le plus défavorable (expérience 1), celui dans
lequel a été obtenue la plus petite quantité de fibrine. Supposons
que le poids des globules provenant de 102 gr. de sang ne soit
que de 26 gr. , et que le reste des 52 gr. trouvés , c'est-à-dire
26 gr. , doive être attribué au plasma qui mouille les globules.
Le poids total de la solution saline dans laquelle le sang a été
reçu s'élevait à 1120 gr. Dans ce poids total il aurait donc dû
se trouver 3,5 gr. de fibrine, ce qui assignerait au plasma sanguin
lui-même une richesse en fibrine d'environ 4,5 p. c.
Mais la proportion de fibrine du plasma a aussi été déterminée
directement. On prit 200 ce. de plasma soigneusement séparé
des globules, — lequel plasma était parfaitement incolore dans
les expériences 3 — 6, mais d'une teinte rouge clair dans les
expériences 1 et 2, — et on les chauffa à 40°, après les avoir
étendus d'une quantité d'eau telle que la proportion de sel
fût de 2 p. c. dans tous les liquides. Par ce traitement, il ne
se sépara du liquide de 5 et 6 qu'une quantité insignifiante de
matière albuminoïde, du liquide de 3 et 4 un peu plus, et de
celui de 1 et 2 une quantité assez notable. Dans aucune de ces
expériences la coagulation ne donna lieu à un caillot , partout on
n'obtint que des flocons. La détermination quantitative fournit le
résultat suivant:
Fibrine Eibrine
en grammes. du plasma
en %.
1.
0,120
c'est-à-dire 0,68
2.
0,098
0,55
3.
0,020
0,11
4.
0,020
0,11
5.
0,007
0,04
6.
0,001
0,04
Le chiffre plus élevé obtenu dans les expériences 1 et 2, où
le plasma était un peu coloré, faisait naître la présomption que
les liquides abandonneraient plus de fibrine si on les mélangeait
Archives Néerlandaises, T. V. 28
434 A. HEYNvSIUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES
avec du sérum. On ajouta par conséquent à chacun d'eux 25 ce.
de sérum de vache, après quoi on obtint:
ribrine Fibrine
en grammes du plasma
en o/.
1. 0,014 c'est-à-dire 0,08
2. 0,0J2 „ 0,06
3. 0,034 „ 0,19
4. 0,029 „ 0,15
5. 0,045 „ 0,20
6. 0,030 „ 0,16
La quantité totale d'albumine coagulable (fibrine) dans le
plasma s'élevait donc à:
1 0,76 o/o
2 0,61 „
3 0,30 „
4 0,26 „
5 .... , 0,24 „
6 0.20 „
On pourrait penser toutefois que par suite de l'une ou l'autre
circonstance, telle par exemple que la trop forte proportion de
sel dans le liquide, la coagulation du plasma avait été incom-
plète. Pour ce motif je cherchai encore combien de matière al-
buminoïde il était possible de retirer du plasma à l'aide de la
saturation par Cl Na. Je trouvai ainsi dans 200 ce. :
1. 0,175 c'est-à-dire 0,85 "/o
2. 0,183 „ 0,99 „
3. 0,166 „ 0,88 „
4. 0,151 „ 0,89 ,.
5. 0,155 „ 0,70 „
6. 0,117 „ 0,62 „
On voit d'après cela que la quantité de fibrine ou de matière
fibrinogène contenue dans le plasma est absolument incapable de
rendre compte de la quantité de fibrine qui a été retirée des
globules séparés du sang.
GLOBULES DU SANG FOURNISSENT DE LA FIBRINE. 435
Cette conclusion est d'ailleurs en parfait accord avec la pro-
portion de fibrine du sang lui-même. J'ai trouvé en effet:
Sang
Fibrine
Fibrine
en grammes.
en grammes.
en %.
103
0,601
0,59
62,5
0,419
0,67
82
0,513
0,64
Quelque satisfaisant qu'eût été le résultat, je tenais pourtant
à répéter l'expérience encore une fois. Il avait été reconnu qu'une
solution de Cl Na à 2 ^j^ était bien suffisante pour maintenir le
sang à l'état liquide, et c'est précisément avec cette solution
faible qu'on avait extrait le plus de fibrine des globules. Peut-
être était-il possible d'employer des solutions salines encore moins
concentrées. Les expériences communiquées ci-dessus avaient eu
lieu le 3 février dernier , par une température qui , bien que peu
élevée, était pourtant de quelques degrés au-dessus de 0^. Je
voulus donc recommencer l'épreuve à une température encore plus
basse, et recevoir en outre le sang dans des solutions salines
encore plus faibles. En conséquence, le 14 février , la température
de l'air étant de 3 — 4° au-dessous de 0^ , du sang de cheval fut
recueilli, de la manière indiquée précédemment, dans des solu-
tions de Cl Na à 0,5 p. c. et 1 p. c.
Dans la solution à 0,5 p. c. les globules du sang ne se dé-
posèrent qu'imparfaitement ; en outre , la solution se colora for-
tement et après 24 heures elle était partiellement coagulée.
Au contraire, dans la solution à 1 p. c. de ClNa, le dépôt
des globules se fit de la manière la plus nette: le liquide ne
montrait aucune trace de coloration ni de coagulation. Les
globules déposés formaient sur le fond du vase une couche
d'un rouge vif. Ils furent délayés dans du sérum refroidi à 0^,
puis abandonnés à eux-mêmes dans une pièce chauffée. Une
coagulation parfaite , en caillot , s'y produisit , et la détermination
quantitative donna le résultat suivant:
28^*^
436 A. HEYNSTUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES
Richesse de
Quantité
Globules
Proportion
Expérience.
la solution
de sang ,
déposés ,
de librine.
de Cl Na.
en grammes.
en grammes.
en%.
7
1^
112
61
1,1
On prit 630 ce. du plasma étendu et limpide dans lequel les
globules s'étaient déposés, et, après y avoir ajouté 50 c.c. de
sérum de vache, on chauffa à 40". On obtint ainsi 0,067 gr. de
fibrine. Les globules avaient été mélangés avec 1064 gr. de
liquide ; on avait donc trouvé pour la quantité totale de plasma
sanguin 0,114 gr. ou 0,1 p. c. de fibrine; par la saturation avec
Cl Na on en précipita 0,65 p. c. de matière albuminoïde.
On effectua également une détermination quantitative de la
fibrine du sang lui-même, sur une portion de ce liquide recueillie
immédiatement après la première. 290 gr. de sang fournirent
1,21 p. c. de fibrine (déterminée par le lavage du caillot).
Le résultat, comme on voit, ne laisse rien à désirer. Il est
établi que quand du sang de cheval est reçu, sous des condi-
tions favorables, dans une solution de Cl Na à 1 p. c. , le plasma
ne renferme que 9 p. c. de la quantité de fibrine du sang , tandis
que les globules fournissent le reste, c'est-à-dire 91 p. c.
La proposition, que les globules du sang sont
réellement la source principale de la fibrine de ce
liquide, est donc aussi démontrée directement.
Lorsque les globules du sang, déposés, comme on vient de le
dire, dans une solution de chlorure de sodium à 1 p. c. , sont
portés sous le microscope, on ne constate d'abord aucun chan-
gement dans leur forme. Mais, au bout de très peu de temps,
leurs contours deviennent irréguliers. Ils commencent à s'agglu-
tiner entre eux et forment des grumeaux d'une matière gélatineuse,
colorée en rouge. On acquiert donc aussi immédiatement , par la
vue, la preuve de la coagulation des globules du sang.
J'aurais volontiers étudié de plus près, sous le microscope,
ces phénomènes de coagulation , mais je n'ai pas été à même de
le faire, n'ayant plus pu obtenir du sang de cheval. Surtout pendant
l'hiver, qui est la saison la plus favorable pour ces recherches,
GLOBULES DU SA>'G FOURMSSE.NT DE LA FIBRINE. 437
on n'aime pas à laisser subir une saignée à un cheval. Au prin-
temps on l'accorde plus facilement, et j'espère par conséquent
avoir bientôt l'occasion de reprendre cette étude ^).
La même raison m'a empêché de rechercher si une proportion
de fibrine aussi élevée que celle donnée par l'expérience 7 se
présente plus fréquemment chez le cheval. Dans l'expérience pré-
cédente la quantité n'avait pas été aussi grande. L'animal qui
avait fourni le sang était sain , mais vieux. Le sang se coagulait
très lentement , en partie , sans doute , par suite de la basse tempé-
rature; or la coagulation lente semble augmenter, en général,
la proportion de fibrine.
Dans une autre expérience , 480 gr. de sang du même cheval
qui avait fourni la matière de l'expérience 1, furent mélangés
avec 5 litres d'une dissolution de Cl Na à 1 p. c. refroidie àO'',
et les globules déposés furent délayés dans assez de sérum de
vache pour que le volume total fût de 500 ce, c'est-à-dire à
peu près égal à celui du sang employé. Ici également on obtint
un caillot parfait, qui donna 12,345 gr. de fibrine humide. — Cette
fibrine, soumise au lavage, n'abandonne que très difficilement la
matière colorante qui l'imbibe, et elle reste toujours d'une teinte
un peu grisâtre. Sous ce rapport, elle se comporte comme la
matière qui se sépare du sang défibriné de poulet , quand on le mêle
avec de l'eau: cette matière non plus ne peut être obtenue en-
tièrement incolore.
Quoique la nature albuminoïde de la matière obtenue par la
coagulation des globules du sang se démontre facilement par les
réactifs ordinaires, je n'ai pourtant pas négligé d'en contrôler la
composition élémentaire. Avant de la soumettre à l'analyse je la
1 ) Bien que je ne mécouuaisse pas l'importauce d'une pareille étude micros-
copique, je crois pourtant — ce qui du reste a déjà été constaté dans beaucoup
de recherclies raicrocliimiques très diverses et, pour le sang en particulier, dans
celles de M. Briicke {Sitzungsher. d. IFien. Akad. , t. LIX) et de M. Rollet
{U-dtersuch. aus dem Institute in Graz , 1870) — qu'elle peut simplement servir
de guide et de moyen de contrôle pour l'étude macroscopique, mais qu'elle est
tout à fait incapable de nous éclairer sur la véritable nature chimique des prin-
cipes constituants.
438 A. HEYNSIUS. LA PREUVE DIRECTE QUE LES
fis bouillir à différentes reprises avec de l'étlier et de ralcool;
puis sécher à une température de 130°.
0,2834 gr. donnèrent 0,5552 gr. CO^ et
0,1881 „ H,0.
0,2802 gr. donnèrent NH3 en quantité suffisante pour sa-
turer 3,25 ce. d'acide cblorhydrique normal.
0,2842 gr. donnèrent 0,0336 gr. BaSO^.
La matière renfermait par conséquent :
C 53,4
H 7,4
N 16,3
S 1,2
0 21,7
Bien qu'il soit prouvé maintenant que les globules du sang
fournissent de la fibrine lorsque ce liquide est extrait des vais-
seaux , cela ne veut pas dire que la fibrine soit un élément con-
stitutif des globules vivants. Au contraire , si elle faisait , comme
telle, partie constituante des globules vivants, il est clair qu'elle
ne pourrait plus être cédée par les globules au plasma. Quant à
la forme sous laquelle la matière fibrinogène existe réellement
durant la vie, c'est ce qu'il m'est tout aussi impossible de préciser
pour la matière fibrinogène des globules du sang que pour celle des
muscles et du protoplasma en général. Mais, d'un côté comme de
l'autre, les phénomènes observés nous conduisent à l'hypothèse, que
cette matière fibrinogène existe dans le protoplasma vivant à
l'état de combinaison avec d'autres matières, et que cette com-
binaison se défait au moment de la mort.
Lorsque, à ce moment, le protoplasma est en contact avec
un liquide, une partie plus ou moins considérable, suivant
les circonstances, de la matière fibrinogène elle-même, ou
peut-être de sa substance-mère, passe dans ce liquide. Le reste
se coagule dans le protoplasma même.
Il est difficile de dire combien il existe de cette matière fibri-
nogène dans le plasma du sang vivant. Mes expériences montrent
que la quantité n'en peut être grande. La dissolution de Cl Na
GLOBULES DU SANG FOURiMSSENT DE LA FIBRINE. 439
à 1 p. c. , dans laquelle s'étaient déposés les globules du sang,
n'a donné qu'un poids de fibrine correspondant à une proportion
de 0,1 p. c. de cette matière dans le plasma, tandis que le sang
lui-même en fournit 0,2 p. c. Le plasma vivant ne peut donc en
avoir contenu plus de 0, 1 p. c. , mais il y a de fortes raisons
pour croire que la proportion de fibrine du plasma vivant doit
être évaluée à moins encore, car 1° ce plasma étendu n'est pas
exempt de cellules, surtout de globules blancs du sang, et 2^ il
est probable que les globules du sang, en se déposant, ont cédé
au liquide une certaine quantité de leur fibrine.
Avec le sang d'autres espèces animales je n'ai pas réussi
jusqu'à présent à produire, au moyen des globules isolés, une
coagulation véritable. En opérant sur le sang du chien , par un
froid rigoureux, on trouve bien que les globules se déposent
parfaitement dans une dissolution de Cl Na à 1 p. c. et que le
liquide ne se coagule pas , mais les globules séparés ne donnent ,
après avoir été mêlés avec du sérum ou dissous dans l'eau , que
la quantité de fibrine qui peut être attribuée au plasma adhérent.
Néanmoins , ici encore on retire du plasma étendu beaucoup moins
de fibrine qu'on n'en obtient du sang lui-même. Dans le sang
des animaux autres que le cheval , la substance-mère de la fibrine
paraît donc se décomposer plus rapidement, et donner lieu à la
coagulation dans les globules mêmes, avant qu'ils puissent être
séparés du plasma. Pourtant, je pense que personne ne fera
difficulté de regarder comme s'appliquant aussi au sang d'autres
animaux ce qui a été reconnu pour celui du cheval.
L'insuccès des expériences chez les animaux autres que le cheval
n'est pas sans importance sous un autre rapport. La question pourrait
s'élever si la matière fibrinogène ne serait pas entraînée avec les
globules d'une manière mécanique, et ainsi précipitée du plasma.
Le résultat négatif obtenu avec le sang des animaux autres que
le cheval, montre qu'il ne peut en être ainsi. En effet, si la
matière fibrinogène était entraînée mécaniquement par les globules ,
lorsque ceux-ci se déposent dans une solution saline étendue,
toutes les sortes de sang devraient se comporter de la même manière.
NOUVEAUX RÉSULTATS DE MESUKES
PAR LE PLANIMÈTRE POLAIIIE D'AMSLER,
PAR
H. HARTOGH HEYS VAN ZOUTEVEEN.
Dans le tome IV de ce Journal j'ai fait connaître le résultat
de mesures exécutées, à l'aide du planimètre polaire , sur la
Carte géologique du Dr. Staring. Depuis lors, j'ai encore reçu
trois cartes supplémentaires, faisant partie du même travail: la
première indique la constitution du Limbourg et de la Hesbaye,
après qu'on a enlevé par la pensée les dépôts quartaires; la se-
conde représente la Néerlande, telle qu'elle serait en supposant
les digues absentes et le pays inondé par la mer à la
hauteur du flux ordinaire et par les rivières au niveau le
plus élevé possible; la troisième est une carte hypsométrique des
Pays Bas. J'ai fait à ces trois cartes l'application du planimètre
polaire d'Amsler, et je crois qu'il ne sera pas sans intérêt de
publier également le résultat de ces nouvelles mesures.
Quand on fait abstraction en idée des terrains quartaires, les
terrains plus anciens occupent dans la partie du Limbourg néer-
landais située au sud d'une ligne allant de Papenhoven à Broek-
Sittard, l'étendue suivante:
Terrain houiller : 110 hectares.
Système aaclieiiien 260 //
Système liervien 900 //
Système galoppien 9410 //
Système maestriclitien 13580 //
Système tongrien inférieur 5980 //
Système tongrien supérieur 1280 //
Système rupélien inférieur 8590 »
Gravier d'Elsloo 280
Système boldérien, Lignites du Limbourg 21670 //
Total 77777." 6^2060' hectares ;
H. HARTOGH HEYS VAM ZOUTEVEEN. NOUVEAUX RESULTATS ETC. 441
à quoi il faut ajouter que, dans les limites indiquées , il se trouve
encore , le long de la rive droite de la Meuse , au nord de Wyk ,
plus de 3000 hectares de terrain laissé en blanc.
Le tableau ci-dessas donne donc pour les
terrains primaires 110 hectares
// secondaires 2^150 //
// tertiaires 37800 //
En comparant ces nombres à ceux qui ont été publiés anté-
rieurement, on trouve que les terrains en question se montrent
au jour (non recouverts par des dépôts quartaires) sur l'étendue
suivante :
Terrain liouiller 0 hectares ou 0 po
Système aachenien 120 // // 46,1
Système hervien 596 // // 66,2
Système galoppien 176 // // 1,8
Sjstème maestrichtieu 556 // // 4,0
Système tongrien inférieur 124 // // 2.0
Système tongrien supérieur 120 // // 9,3
Système rupélien inférieur 248 // // 42,8
Gravier d'Elsloo 8 // // 42,8
Système bolderien, Lignites du Limbourg. 554 // // 42,5
c'est-à-dire :
Terrains primaires 0 hectares ou 0 pour cent
// secondaires 1418 // // 6 // //
// tertiaires 1054 // // 2,7 " "
Total 7^50^ // // 4 //
u" cent.
Les mesures effectuées sur la seconde carte nous apprennent
que, si les digues n'existaient pas, 1,060,160 hectares ou 32,2
pour cent de la surface de la Néer lande seraient couverts par la
mer à chaque marée haute. C'est donc seulement cette partie du
sol qui peut être regardée comme conquise sur les eaux, et on
voit d'après cela combien est fausse cette idée, répandue surtout
à l'étranger , que notre pays presque tout entier aurait été arraché
aux flots par la main de l'homme. Dans l'hypothèse de la non-
existence des digues, il y aurait, en outre, 411,280 hectares,
ou 12,5 pour cent de la superficie du sol, qui seraient submergés
442 H. lïARTOGH HKYS VAN ZOUÏEVEEN. NOUVEAUX RESULTATS
par les rivières lors des plus fortes crues. Si Ton déduit la somme
des deux nombres précités de l'étendue totale de la Néerlande,
soit 3,283,998 hectares (d'après les mesures cadastrales de 1860),
on arrive à ce résultat, que 1,812,558 hectares ou 55,1 pour cent
de la surface ne seraient envahis , ni par la mer dans les marées
ordinaires, ni par les rivières au maximum connu de leur élévation ^).
L'application du planimétre à la troisième carte a produit le
tableau suivant:
Hauteur eu mètres au-dessus
ou au-dessous de A. P.
(zéro de l'échelle d'Amsterdam).
Nombre
d'hectares.
Rapport à la superficie totale ;
exprimé en centièmes.
plus bas que 2,5 — A. P.
81650
2d,76 )
2,5 — A. P. jusqu'à à A. P.
846080
A. P. jusqu'à 1 + A. P.
449930
13,70 ^
1 + A. P. jusqu'à 5-j-A. P.
436300
13,28
8,70 1
23,48 71,69
10,48 i
1,46 1
5 H- A. P. jusqu'à 10 + A. P.
2S6650
10 -h A. P. jusqu'à 25 + A. P.
771160
25 -h A. P. jusqu'à 50 + A. P.
344400
50 H- A. P. jusqu'à 100 + A. P.
48130
plus haut que 100 + A. P.
19610
0,59
Total
3283910
99,93
Le résultat brut de la mensuration était un peu plus élevé : la
somme des nombres obtenus montait à 3,315,960 hectares, et
surpassait par conséquent d'environ ^/^^ pour cent l'évaluation
cadastrale. Cette mensuration n'avait donc pas tout à fait le
même degré d'exactitude que celle de la Carte géologique, ce
qui est dû sans doute à ce que la carte mesurée en dernier lieu
est à une échelle beaucoup plus petite. Néanmoins, la différence
avec le chiffre réel de la superficie est encore extrêmement faible.
Chacun des résultats bruts de l'opération a été réduit de ^j^q
pour cent, et c'est ainsi qu'ont été obtenus les nombres d'hectares
qui figurent au tableau précédent. Quant aux rapports centésimaux ,
' ) Il n'a pas été possible d'obtenir ce dernier nombre par voie directe . attendu
qu'une grande partie de la province de Linibourg ne ligure pas sur la carte.
DE 31ESURES PAR LE PLANIMÈTRE POLAIRE d'aMSLER. 443
ils ont été déduits directement des nombres fournis par la men-
suration. De même que pour la Carte géologique, les mesures
embrassent tout ce qui peut être regardé comme faisant partie
de la terre solide, mais non les plages et les bas-fonds qui assè-
chent à marée basse.
Le dernier tableau me paraît également très propre à donner
une idée plus juste de Fétat de notre sol, surtout aux étrangers.
Ceux-ci se représentent ordinairement la surface de notre pays
comme tout à fait plane , comme étant située au-dessous du niveau de
la mer dans la plus grande partie de son étendue , et comme ne
s'élevant, dans tout le reste, que très peu au-dessus. Le tableau
nous montre, au contraire, qu'il n'y a qu'environ 28 pour cent
du sol qui soient inférieurs au niveau moyen de la mer (A. P.),
tandis que prés de 72 pour cent, ou les ^ environ, dépassent
ce niveau et s'élèvent à des hauteurs variées , qui atteignent 100
mètres sur une grande étendue du territoire et qui peuvent même
aller jusqu'à 200 mètres. Les points les plus bas ne sont presque
jamais à plus de 5 mètres au-dessous de A. P.
NOTE SUE LA
NIDIFICATION DE VESPA GERMANICA FABR.,
PAR
H. J. VAN ANKUM.
C'est un fait universellement connu que la Vespaqermanica, l'espèce
de Guêpes sociales la plus commune dans notre pays, construit
son nid sous terre, de préférence dans une cavité déjà existante.
Il en est de même des Vespa vulgaris anct. et Vespa rufa L. , deux
espèces dont la première se rencontre fréquemment chez nous,
tandis que la seconde y est plus rare. Dans quelques cas pour-
tant la Vespa vulgaris fait son nid, non pas au-dessous, mais
444 H. J. VAN ANKUM. NOTE SUR LA NIDIFICATION
au-dessus du sol. M. Smith du moins rapporte [Zoologiste l, n». VI,
}). 166) que cette espèce place quelquefois ses guêpiers dans des
granges, etc., que lui-même en a découvert un dans une vieille
pompe en bois, et que M. Westvvood possède des individus pro-
venant d'un nid qui se trouvait attaché au toit d'une maison.
M. Wood (Homes withoul hands , P. VIII, p. 256) dit également
que les guêpiers de Vespa vnlgaris sont quelquefois construits
au-dessus du sol, et qu'il existe au musée d'Oxford un très grand
spécimen, trouvé dans de semblables conditions.
Quant aux deux autres espèces de Guêpes souterraines {ground
wasps, comme les Anglais appellent les espèces sociales, qui construi-
sent leurs guêpiers dans le sol), leurs nids, pour autant que je
sache, n'ont jamais été trouvés autre part que sous terre.
Pendant Tété de l'année actuelle, il arriva qu'un nid de
Guêpes fut construit dans une serre du ci-devant Jardin bota-
nique de Rotterdam, sur une planche située à environ 3 mètres
au-dessus du sol. Sur cette planche se trouvaient plusieurs cou-
vertures de chanvre, destinées à être posées sur le vitrage de
la serre, pour abriter les plantes, lors des grands froids. Ces
couvertures étaient roulées sur elles-mêmes et empilées les unes
sur les autres. C'est dans un des rouleaux inférieurs, dans une
cavité restée accidentellement entre les plis de l'étoffe, que les
Guêpes avaient établi leur nid. A cause de l'embarras qu'ils occa-
sionnaient , les insectes furent expulsés au commencement du mois
de septembre. Ayant appris ces circonstances, il y a quelques
semaines, je me rendis sur les lieux, et voici ce que je constatai.
Le nid se composait de 4 rayons. Deux de ces rayons , les plus
grands , avaient une forme ovale très allongée , sans aucun doute
parce que l'espace disponible n'avait pas permis aux Guêpes de
leur donner la forme ronde ordinaire. L'un de ces gâteaux, —
qui avait servi à élever des individus mâles , ainsi que je le reconnus
par l'examen d'une nymphe assez bien développée qui se trou-
vait encore dans un des alvéoles, — 'était long de 220 mm. et
large de 6 mm. Le second gâteau, qui avait été occupé par des
individus femelles, présentait un diamètre longitudinal de 190
DE VESPA GERMANICA FABR. 445
mm. et un diamètre transversal de 6 mm. Les deux autres rayons,
qui avaient également servi à élever des femelles, étaient
beaucoup plus petits que ceux dont il vient d'être question: l'un
était un peu plus grand qu'une pièce de cinq francs, l'autre n'avait
guère la dimension d'une pièce de deux francs.
A l'inspection d'une couple de spécimens de l'insecte , qui se trou-
vaient près du nid, je reconnus immédiatement que celui ci appar-
tenait aux Guêpes souterraines. En effet , aussi bien chez la femelle ,
qui vivait encore au moment où le nid fut enlevé, que cbez le
mâle, les yeux atteignaient la base des mandibules, et le premier
article des antennes ne montrait pas de couleur jaune. Il était
évident aussi que le nid ne pouvait provenir de Vesparufa, aucun
des deux individus n'ayant sur le second segment de l'abdomen
les taches rouges caractéristiques de cette espèce. L'individu femelle
montre sur le chaperon jaune trois petits points noirs; le premier
segment de l'abdomen est jaune avec trois taches noires, dont
celle du milieu a une forme rhomboïdale ; enfin les taches qui se
voient le long des épaules, des deux côtés du thorax, sont de
forme triangulaire'). Tous ces caractères prouvent suffisamment,
qu'il s'agit ici de la Vespa germanica. D'ailleurs, j'ai encore
examiné les organes générateurs mâles , qui, d'après les recherches
de M. vSmith [Zoologist , IX, n». CVII, Appendix, art. XXVII,
p. CLXXVIII; idem, X, n". CXXI, p. 3703), offrent des diffé-
rences assez prononcées dans beaucoup de nos espèces indigènes.
Cet examen a complètement mis hors de doute l'identité de l'espèce.
Nous avons donc ici un premier exemple d'un nid de Vespa
germanica, construit au-dessus du sol. L'écart est toutefois
moins grand qu'il ne semble au premier abord, puisque l'insecte
s'est servi, comme d'ordinaire, d'une cavité préexistante.
Mais l'étude du nid montra, qu'il était encore intéressant sous
0 Pour la distinction des femelles et des ouvrières des Vespa germanica et
indgaris, on doit tenir compte surtout de la forme de ces tackes ; chez la première
espèce, elles sont plus triangulaires, chez; la seconde, linéaires. J'ai fixé récem-
ment l'attention sur la valeur de ce caractère , dans mon mémoire sur les guêpes
sociales indigènes („Inlandsche sociale wespen").
446 H. J. VAN ANKUiM. NOTES SUR LA NIDIFICATION, ETC.
d'autres rapports. En effets les rayons n'étaient pas régulièrement
fixés les uns au-dessous des autres par de petits piliers, comme
c'est ordinairement le cas dans les nids de Guêpes et les ouver-
tures des alvéoles n'étaient pas non plus tournées en dessous.
Chacun des rayons était attaché isolément à la couverture de chan-
vre, par conséquent aux parois de la cavité, qui était plus ou
moins cylindrique. On aura une idée exacte de la disposition du
nid , en se figurant les 4 rayons placés à côté et les uns près des
autres sur une couverture étendue horizontalement , puis se figurant
cette couverture enroulée , de manière à laisser subsister un petit
espace occupé précisément par les rayons.
Le nid était remarquable aussi par l'absence d'une enve-
loppe. La même chose a été observée une fois dans le nid
de Vespa Crahro L.-M. de Saussure {Monographie des Guêpes soci-
ales, p. XCVI, PI. XVI, tig. 2) mentionne un nid de cette espèce,
conservé au Musée de Londres, bâti dans un tronc d'arbre creux
et qui manque totalement d'enveloppe. Pour les Guêpes sou-
terraines un fait analogue n'avait pas encore été signalé , au moins
à ma connaissance. Dans le nid que je viens de décrire, on ne
trouvait, ça et là, que de très faibles traces d'une enveloppe,
ce qui est tout à fait d'accord avec la remarque suivante de M. de
Saussure iloc. cil., p. C) relativement au nid des Guêpes souter-
raines: „Son enveloppe ne sera nécessaire qu'autant que la cavité
laissera des fentes à boucher ou des orifices à diminuer; elle
pourra donc être ou nulle ou incomplète , ou complète mais irré-
gulière; le hasard seul en décidera et les convenances locales
serviront de guide aux travaux que dirige chez les Guêpes aériennes
une loi fixe et immuable."
SUR QUELQUES
nouvelles formules de réduction
DANS LA
THÉORIE DES INTÉGRALES DEFINIES,
PAR
D. BIERENS DE HAAN.
Mém. de l'Ac. Rov. fies Sciences. Sciences Phys. et matliera. T. XII.
1. Parmi toutes les méthodes différentes que Ton a inventées
pour la réduction des intégrales définies, il y a une qui est tou-
jours d'un grand intérêt. C'est celle où il s'agit de développer
en série indéfinie un facteur de la fonction à intégrer. Or, d'une
part elle constitue un lieu entre la théorie des intégrales défi-
nies et celle des séries , théories dont on ne peut méconnaître la
liaison intime, et d'un autre côté elle offre beaucoup d'intérêt au
point de vue de l'analyse. C'est-à-dire qu'ici les conditions de
convergence jouent un grand rôle et qu'il faut être prudent
dans l'application des règles qui ont généralement cours ; et encore ,
que parfois Ton tombe sur des résultats, soit très simples , soit très
curieux, auxquels ou ne se serait pas attendu. Dans plusieurs
de mes notes antérieures les exemples n'en manquent pas, et dans
celle-ci il s'agit encore de ces intégrales, qui s'y trouvent dans
une position particulièrement extraordinaire.
En général, dans ces sortes de recherches, il est absolument
nécessaire d'exclure tout à fait les séries qui seront divergentes
entre les limites de la variable, dont on fait usage. Et cela est
tout naturel, puisque seulement dans le cas de séries convergentes
448 D. BIERENS DE IIAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
on a affaire à des intégrales continues. Les intégrales discon-
tinues mènent à des séries divergentes , et Ton peut dire généra-
lement qu'elles se soustraient à toute discussion. Dès lors il
peut paraître dangereux et même illicite d'introduire une sorte de
séries divergentes ^ comme nous allons le faire: mais pourtant
j'ose croire que les résultats seront suffisamment établis , pourvu
qu'on ne néglige pas les mesures de précaution^ que la mé-
thode démontre être indispensables ^ mais en même temps suffi-
santes.
2. Toute fonction qui peut être développée suivant les sinus
ou les cosinus des multiples de la variable x ou plutôt du pro-
duit SX j — et c'est une propriété assez étendue, — peut être
exprimée par une sommation par rapport à l'indice n
a a
/, (x) = V A« Sin nsx, . . (a) f\ (x) ^= Bq + -T B« Cos nsx ; . (h)
1 ' 1
où l'on n'a pas mis le Bo sous le signe de sommation,
parce qu'il arrive souvent dans la suite que les fonctions, qui con-
tiennent Bq , ne suivent pas la même loi que celles qui contien-
nent le B«.
Maintenant soit q, (x) une fonction quelconque de a?, et /9 et
q des limites quelconques de cette variable: il vient
çq a ^q
I (f>{x)f^ (x)dx=z:^ An j (f'{x) Sinnsx dx, (A)
çq M a .q
I (f> {^)fi W dxz=z^Q I (p (^x) dx -h V B« j (f {x) Cos nsx dx . . (B)
Pour que ces formules puissent servir, il est nécessaire que les inté-
grales qui se trouvent sous le signe de sommation , ainsi que celle
qui est facteur de Bq, soient toutes continues: puis, que les séries
sous les signes de sommation soient convergentes , dans le cas de a
infini, c'est-à-dire lorsque ces séries deviennent infinies. Car lorsque
les intégrales elles-mêmes sont discontinues, on ne saurait les som-
mer : et lorsque les intégrales sont continues , mais que la série est
divergente, il ne peut y avoir un signe d'égalité entre les deux
D. BIEREXS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 449
membres de chaque équation : les séries divergentes ne représen-
tant aucune fonction bien définie.
Quand une fois ces conditions sont remplies^ il ne reste plus
qu'à déterminer les intégrales
I (p (x) clx ^ . . . (c) I (f (x) Sin ux dx,. . [d) I (ç {x) Cos ux dx ; . (e)
de sorte qu'il faudra choisir la fonction (p {x) et les limites j) et
q telles que cette intégration soit possible. Dès lors on peut en-
core étendre cette méthode.
3. Prenons une seconde fonction, que l'on puisse développer
suivant les sinus ou les cosinus des multiples du produit te; ex-
primons-la par une sommation par rapport à l'indice m , on aura
c c
/g {x) = V Cm Sin m(x, . . (/) /\ (x) 1= Do + -S" Dm Cos mtx\ . {g)
1 1
où le coefficient Dq n'est pas pris sous le signe de sommation,
par la même raison qui, au N^. 2, s'appliquait au coefficient Bo-
Maintenant dans les théorèmes (A) et (B) l'on n'a qu'à rem-
placer go (.r) par go {x) f^ {x) ou par ^ {x) f\ {x) : puis il faut
réduire les produits des sinus et des cosinus à une somme ou
à une différence d'autres fonctions goniométriques, de telle sorte
que l'on revienne toujours aux mêmes intégrales (c), (f/), (e) ; c'est
ainsi que l'on trouve les théorèmes suivants.
I «P (^0 f\ (=^) /s C-^) ^^^ = ^ A« 2" C;rt I q> [x] Sin nsx. Sin mix dxzzz
Jp 1 1 Jp
= - ^ K sQm I cf{x)dx[Cos ! [ns^mt)x ] —Cos | {ns^mt)x j ] , (C)
Z \ 1 J p
Cl ^ C9
I ^ {^) f\ (•^) /4 {p^) f^-^ = Do ^ A« j (f [x) Sin nsx dx -+-
J P 1 Jp
a c çq a rq
-h 2^A« vDw j (fj{x)Sinnsx.Cosmtxdx—iyQ 2 kn \ cf[x)Sinnsxdx-V-
1 1 Jp 1 Jp
a c rq .
S An y; Dm I ^{x)dx [Sin | {ns-\-mf)x -f- Sin | {ns — mt)x j ] , (D)
l 1 Jj)
1 ^
Archives Néerlandaises, T. V. 29
450 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
V (^) ./2 (^) f?. (^) ^^**' = Bo ^ Cm j (p {xj Sin mtx dx -{-
p \ J p
a c rq ^ ^ Cl .
-f- :i" B« ^ C/« 1 (p (x) Cos nsx.Sin mtx dx^^^ i:Gm\ q>{x)Sin mtxdx-\-
i \ Jp 1 Jp
-I- - V Btt V Cw j cp [x) dx [Sin | {ns-\-mt) x j — Sin { {us — 7nl) x\]^ (E)
2 i i Jp
f^ix)/^ WA {^)dx=BQ Do P(p(a')^*^+Bo Id.^ [\>(x)Cosmtxdx-{-
Jp Jp 1 *'io
a rq a c rq
-h Do ^ B« I (?5 (o-') Cos nsx dx -\- 2: Bn ^ T)m I <? [x] Cos nsx. Cos m Ix dxz=
i Jp i i J p
rq ^ Çl ^ Cl
=BoDo I (p{x) dx-\-làQ 2 Dm (p{x)Cosmlxdx-ï-Do vB« | (f{x)Cosnsxdx-\-
Jp 1 Jp 1 Jp
H- - 1 Bn 1 D;« r <P {x) dx [Cos j {ns + mt)x \-{-Cos\ {ns — mt) x]]. (F)
2 1 1 Jj-;
Ces quatre théorèmes exigent les mêmes conditions que les précé-
dents (A) et (B). Ils donnent lieu à quelques remarques.
4. Dès que la fonction <p (x) est de telle nature que l'intégrale
(c) n'est qu'un cas particulier de l'autre (e) pour u zéro , et que
Bo et Do se déduisent de Bn et Dm pour n et m zéro , l'on peut
simplifier les résultats, en admettant le terme détaché sous la
sommation, pourvu qu'on commence celle-ci pour n ou m zéro,
au lieu de l'unité. Lorsque de plus, en pareil cas, la valeur de
l'intégrale (d) s'annule pour u zéro , on peut en faire de même rela-
tivement aux sommations qui en dépendent pour cause de symétrie.
En outre, cette propriété de la fonction q, (x) donne lieu à
une autre quant aux seconds membres de nos théorèmes. Car
alors, dans le cas où la différence ns — mt s'annule, on peut
garder ce terme sous le signe de sommation, sans altérer le
résultat. Il en est de même pour ns — mt négatif: aussi long-
temps que les intégrales (d) et (e) conservent leur valeur pour
un u négatif.
Mais si au contraire la valeur de ces intégrales (d) et (e)
change pour un u négatif, ou si l'intégrale (c) , pour ns — mt
zéro , n'est plus un cas particulier de l'autre (e) , nos théorèmes
J). BIERENS DE HA N. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 451
changent de forme. Dorénavant il faut beaucoup de précautions
quant aux intégrales qui ont un facteur Sin \ (us — ml) x\ ou
Cos \{ns — mt)x\\ et d'abord il faut partager ces intégrales
sous le signe de sommation en deux groupes, selon que
ns — ml est positif ou négatif, ou bien qu'il s'annule. En géné-
ral sr. et ix sont des multiples simples de x : après leur substi-
tution le signe de {ns — mt) x dépendra d'une relation simple
entre les indices n et m : il faudra en tenir compte à l'égard des
limites a et c de la sommation par rapport à ces indices n et m.
Mais ce partage des séries doubles qui résultent de la multiplica-
tion des séries /' entre elles, offrira des difficultés particulières.
Quand, en premier lieu, cette série double est finie, la sépara-
tion des deux parties se fait suivant une série de termes diago-
naux, pour ainsi dire, qui alors en même temps donnent lieu
à d'autres valeurs propres; l'une des moitiés de la série répond
au signe positif de la différence ns — mt , l'autre moitié au
signe négatif. De plus, lorsqu'on n'a pas l'égalité absolue de
s ç^i t, ces termes diagonaux ne se trouvent pas dans chaque
série partielle horizontale, ou dans chaque série partielle verti-
cale. De sorte qu'il faut user ici de beaucoup de circonspection,
et même ordinairement on ne pourra pas exprimer le résultat
par une même formule générale. Ce qui vient d'être remarqué
par rapport à une série double finie, s'applique encore à plus
forte raison à une série infinie dans l'une des directions, ou
dans les deux directions (pour a =z co , c = co ).
Ainsi cette série se trouve dans le même cas qu'une inté-
grale double, où la fonction à intégrer devient discontinue entre
les limites de l'intégration et où, par suite, il n'est pas permis
d'intervertir l'ordre des intégrations, comme on le fait générale-
ment. Si pourtant on se décide à cette interversion , afin de pou-
voir trouver la valeur de l'intégrale, il devient nécessaire d'ajouter
une correction, dont la forme est connue. De même ici, dans la
sommation de la série, il faut prendre des précautions analogues.
5. Toutes ces difficultés s'accroissent , dès que l'on passe à l'ap-
plication pour des formes particulières d'une des fonctions f(x)f
29*
452 D. BIERENS DE ITAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
et il devient plus utile, sinon nécessaire, de séparer la méthode
en ses deux parties consécutives. Il est vrai que de la sorte
on ne peut se passer des mesures de précaution, mais mainte-
nant il sera beaucoup plus facile de les introduire.
De la même manière que l'on a déduit au N". 3 les théorèmes
(C) à (F) , on aura ici
q, {x) Sin uoe,/i {îp) dx z=. ^ kn I 9 (i^) Sin ux. Sin nsx dx =
p 1 ^ p
\ ^ rî
z=: -2 knl (f {x) dx [Cos I {ns — ii)x] — Cos j {ns -{- u)x ] ] , . (G)
^ l Jp
/q « /•?
cp (x) Cos ux.f^ {x)dx:=.:^ kn\ (f [x] Cos ux. Sin nsx dx =
p 1 J p
\ a çq
:=z- 2 kn\ (p{ix) ds [Sin \{ns -\- u) x ) + Sin { {ns — ii)x\],. (H)
2 1 Jp
l (p (x) Sin ux. f^ [x] dx =: Bq / g, [x] Sin ux dx -h
Jp " ''p
a Ci r?
H- ^ Bw I (p(x) Sin ux. Cos nsx dx-zn^^ \ (p [x) Sin ux dx -\-
1 ^p V
-h ^ - B« / ff> {x) dx [Sin \ {ns -^u)x] — Sin ( {ns — u)ûr.\],. . (I)
^ 1 Jp
I (f {x) Cos ux. f^ {x) dx z= Bq I (p {x) Cos ux dx ■+■
Jp ''p
a rq rq
-h -^ Bw I (p {x) Cos ux. Cos nsx dx = Bq | <? {x) Cos ux dx -^
1 •';, Jp
1 ^ /»?
H-^^B« / cr.{i^)dx[Cos[{ns-\-u)x]-\- Cos\{ns — u)x\] . .{K)
^ i J p
Dans ces formules toutes les intégrales du second membre dépen-
dent, comme toujours, des intégrales (c), (fi), {e).
On peut employer ces théorèmes au lieu des précédents (A) et
(B). Ici l'on a introduit le facteur Sin ux et Cosux, afin que plus
tard , en employant le facteur /\ (x) ou /], (x) , on n'ait qu'à
sommer ces Sin ux et Cosux pour obtenir des théorèmes analo-
D. BIEREiNS DE HAAN. NOUVELLES F0R31ULES DE REDUCTION. 453
gues aux théorèûies (C) à (F). Toutefois il est évident que, dans le
cas où (p {x) contient déjà un facteur de cette nature , il n'est plus
besoin d'eu introduire; alors les théorèmes (A) et (B) sont suffi-
sants ; leurs seconds membres acquièrent dès lors la forme des
premiers membres de ces formules (G) à (K).
Il s'agit maintenant d'écrire ces formules pour quelque valeur
spéciale convenable de la fonction <p {x) , de calculer les inté-
grales du second membre , et de développer les sommations,
autant qu'il est possible. De la sorte on obtient autant d'in-
tégrales définies qui sont rendues propres à notre but. Lorsqu'on
y écrit ml pour u, qu'on les multiplie respectivement par Qm et
par Dm , — ici il ne faut pas oublier le terme détaché à coeffi-
cient Dq , — et qu'on en prend la sommation par rapport à
l'indice m , les premiers membres sont devenus les mêmes , comme
on vient de le remarquer, que ceux des théorèmes (C) à (K) : mais
on a séparé les réductions aux seconds membres en deux opéra-
tions consécutives, et c'était justement ce que nous voulions faire.
6. Maintenant il faut faire le choix de la fonction (p (x) , afin
que les intégrales (c), (t/), (e), soient connues entre les limites p et
q. Soit p^=.0, q:=zco, et prenons q) {x) tel que, outre un isiO,-
tem' Sin 91 SX ou Cosmx, il s'y trouve encore un facteur
q"^ — x"^
ou . Alors on trouve dans mes Nouvelles Tables d'In-
q'^ — x"^ '
tégrales Définies, Table 17, N°. 1, et Table 161, N'>. 5, 4, 6
et 3, les intégrales suivantes
Ç"^ qdx ^ n\ ("^ qCosnsx , n
I __^ = 0, . . {h) \ \ — - dx = - Sm nqs,
JQ q — x-^ J 0 q^ — x-^ ^
(0
q^ — x^ J 0 q
J r\ n- ;/? ^ 2
I u. ^uo fe ou. ^,^,___ Q^^ ^^^^^ Q^ (nqs) + Sin nqs. Si (nqs) , (/)
xSinnsx , ^ ^ //\
dx zzz — - Cos nqs J [k)
q- — x--
X Cos USX
g'
l 9_^^' ^^, _- ;§|J^ jig^^ Qi (^j^^j — Cqs ^qg^ Si (îiqs) ; (m)
J 0 q"^ — x"^
q^ — X
454 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
OÙ les fonctions Ci (?/) =^ — l dx et Si (y) =: I ' - ' ' dx
J y X ' Jo X
sont les Sinus-intégral et Cosinus-intégral ^ que Ton connaît.
Quand on fait usage des relations gonioniétricjves connues pour
changer un produit de sinus et de cosinus en une somme ou une
différence de ces fonctions, il vient
Sinpa;.Sin nsw — := — - Cos pq. Sin nqs [p > ns] ,
0 q- — w"^ ^
:= — - Sin pq. Cos nqs [p < ns] ,:=. — - Sin 2 pq [p = ns] ; . . {n)
Li •de
Sin px. Cos nsx — = Cos pq. Cos nqs [p > ns] ,
G q- — x^ ^
z= - Sinpq. Sin nqs [p < ns], = — •- Cos 2 pq [pz=ns] ; . . (o)
/xclx ^
Cos px.Sin nsx ^iz - Sin pq. Sin nqs \p > ns] ,
G q"^ — x''- ^
z= — -T Cos pq. Cos nqs [p < ns] ,■=. — - Cos 2 pq [pz=:ns] ; . . [p)
£i 4
/ Cos px. Cos nsx — r-=:= o -^'^^ PR- ^^^ M^ [v > ^'^]?
0 q'^ — X- 2
= ^ Cos pq. Sin nqs [p <:ns],ziz —■ Sin 2 pq [pzzzns]] ...(</)
J 4
/<^ . xdx 1
Sin px.Sin nsx — z=: - *b7w pq. [Sin nqs. } 0/ [{ns -\- p) q] +
0 Q X ' ^
xdx 1 ,,.
-h Ci [{ns — p) q] } — Cos nqs. | Si[{ns-rp) q] -f /S'i'[(//5 — p)q] \ ] —
^ Cos pq. [Cos nqs. j Ci [(/«^ H- p) f/] — Ci [{ns — p) q] | +
+ Sin nqs. | ^7 [{ns -+■ p) q] — Si [{ns — p) q]]], W
qdiT 1 ^,.
4- Si [{ns~p) q] ] -h Cos nqs. \ Ci[(ns-hp) q] + Ci[{ns—p) q]\]-{-
-\- _ Cos pq. [ — Cos nqs. j *SV [{tis -\- p) q)] — Si [{ns — p) q] } -{-
+ Sin nqs. \ Ci [{ns -+- p) q] — Ci [{ns — p) q] \] , {s)
/ Sin px. Cos nsx — L =: - Sin pq. [Sin nqs. | Si [{ns + p) q] H-
0 Q X " ^
/
/
D. BIERE.NS DE HAA.N. NOUVELLES FORMULES DE RÉDUCTION. 455
Cospx.Sinnsx ^ ■= - Sinpq.[8in nqs. ! Si [{ns + p) q\ —
0 q — X z
- Si [(us — p) q] j H- Cosnqs. j Ci[{ns+p) q] + Ci [[ns — p)q] | ] +
- - Cospq. [ — Cos nqs. j Si [ (ns -{- p) q] -h Si [{ns — p) q] ) -h
Cl
-Sinnqs, j Ci [{ns -\- p) q] — Ci [{ns — p) q] \], (/)
ocdcc 1 . (
Cospx.Cosnsx—^ ^^-=z - 8in pq. [Sin nqs. [ Ci[{ns -h p) q] —
G q " — — X ^
— Ci [{ns — p) q\ j — Cosnqs. j Si [{7is-\-p) q] — Si [(tis — p) q] \] -h
+ - Cospq. [Cos nqs. \ Ci [{ns -h p) q] + Ci [{ns — p) q] \ -f-
-f- Sinnqs. } Si [{ns -{- p) q] + Si [{ns — p) q]\] {u)
Dans les quatre premières formules , le signe de ns — j» a
eu une grande influence sur les valeurs des intégrales. Il n'en
est pas ainsi des quatre dernières. Par contre, celles-ci sont
bien moins développées. Mais ici il faut prendre des mesures
de précaution pour éviter des cas de discontinuité : il ne peut pas
y en avoir pour le Sinus intégral , puisque Si{0)z=:0: mais pour
le Cosinus-intégral on a Ci (0) = go .
Donc , pour éviter ce cas , il faut et il suffit que ns — p diffère
de zéro, ou que, n étant toujours quelque nombre entier, - ne
s
soit pas un nombre entier. Cette supposition devra donc toujours
être prise en considération dans la suite.
Maintenant, au moyen des intégrales (m), de {i) et [h), de (k) et
(/), les théorèmes (A) et (B) nous donnent
^ ûdx ^
/j {x) — ^ -=2 1' kn [Sin nqs. Ci {nqs) — Cos nqs. Si {nqs)]. ,{1)
0 (?^ — x"^ 1
"/. {^) -^^^=^^"^^nSinnqs=^-f\ {q) , (Il)
" /, te) -^^ = -Yskn Cos mis=-l l/\ (,/) _ A, I , (III)
0 q^ — X- ^ i ^
"a(^)-î^ = ^ (IV)
0 q^ — X^
456 D. BIEREINS DE HAAN. NOUVELLES FORiMULES DE REDUCTION.
On voit que la dernière intégrale est discontinue, à cause de
l'intégrale
r- xdx _ ^ l , . ^ ,,r
= — ^ Bo \co — lq^\ z= — œ.
On i3eut y remédier en faisant usage de la fonction
a
f\ (x) z=: Z B« Cos nsx , (v)
1
au lieu de /\ (x) dans (h). On pourrait prendre ici
a
fi (-^y — Bq HZ ^ B« Cos nsx,
1
et l'on trouve
/** xdx ^
f'% G'^) i=:-^'Brt [Cosnqs.Ci(nqs) — Sin?iqs.Si{7iqs)].{ÏVa)
0 q^ — x^ 1
7. Mais la même fonction 9 (x) peut servir pour les théo-
rèmes (G) à (K), où l'on change le u en p: dans les réductions
on n'a plus besoin de l'intégrale (h) , mais seulement des suivantes (i)
à (w). Quant au signe de ns — p, il a influence pour les inté-
grales (n) à (q) ; ce n'est pas le cas dans les suivantes (r) à (u).
Aussi longtemps que p^ as , la plus grande valeur de n , qui
est n = a, ne peut rendre p — 71s négatif, et il faut eniployer
les premières valeurs des intégrales (w) à (9'). Quand onap=za,s',
ce qui vient d'être dit est encore vrai pour toute la sommation , de
n:=zl à n-=a — 1 : mais pour le dernier terme de la somma-
tion, pour nz:=.a, on a p — ns=.Oy et par suite il faut prendre
pour ce terme la troisième valeur des intégrales. Quand enfin
on a p ^ as, il y aura une certaine valeur d de n (où l'on a
1 <.d <. a) , telle que p — ds soit encore positif, mais que pour le
n suivant, nz=:d -\- 1 , on ait p — {d -[- 1) s négatif. Dès lors,
pour la première sommation , de 7iz=:l à n:=:d ,i\ faut employer
la première valeur des intégrales , mais de nz=:d-\- 1 à n = a
il faut au contraire en prendre la deuxième. Il peut y avoir en-
core un cas d'exception , c'est lorsque p est égal à ds. Dans ce
cas il faut diviser la sommation en trois parties distinctes : la
D. BIERENS DE HAAi\. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 457
première, une sommation de ?i zz: 1 k nzzid — 1, avec la pre-
mière valeur des intégrales ; ensuite un terme détaché pour n-=z.d
suivant la troisième valeur; et enfin une seconde sommation, de
nz=zd-\- 1 à 71=: a, avec la deuxième valeur des intégrales.
Ici d est le plus grand nombre entier qui soit contenu dans
la fraction -; l'on se sert de la notation connue d z=z /^l^;etla
s ^^^ s
différence des deux cas consiste dans la condition, que la pre-
mière fois !- était fractionnaire, c'est-à-dire dp <: 6- < (f/ + 1) /? ;
s
tandis que la seconde fois on avait dpzzzs < (d-\-l) p et L était
s
entier. On écrit ces conditions ainsi : dzzz T '- fraction etd=:)^L
entier ; les mots fraction et entier ne regardant que la fraction — .
s
Maintenant le chemin est frayé pour avoir des résultats sûrs
et que l'on puisse représenter d'une manière claire et convenable.
On trouvera des valeurs quelquefois différentes pour les divers cas ,
et plus tard on pourra introduire la fonction /'. {x) ou /\ (x).
8. Pour donner une idée des résultats, employons la formule
(«) avec /j (x) j et (o) avec /\ (x), on trouve
f
ûdx ^ ^ . \
/j (x)Sinpx — = — - Cospq, v KnSin nq^^^i i
=z — l Cospq. f\[q), ]
:=: — ~-Cospq,:>: knSinnqs—-^Sinpq. Z knCosnqs, .... (V6)
^ 1 ^ d+l
p < as ,
z=z — — Cospq.Zkn Sinnqs-\-'^ ^AnSin ! (ns — p)q \ ziz
^ 1 - '^ d+l
a
= — - Cospq. f, {q)-{- 2:AnSin \{ns — p)q], I, . . . . (Vc)
^ d+l
458 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
n ^ n ^ i
— — - Sinpq.Z kn Cas nqs— - 2' knSin [ {ns~p)q \ =-L- p ^ as,
^-.-Sinpq.\f,^{(l)—A,\—-2:AnS{n \{ns-p)q
'\
[p ^ un, -|
'■ri
(Vd)
A (
J 0
x) Sin px — — — - = — ^ Bo Cos pq—
q^ — x^ ^
71 ^ n
— — Cos pq . Z Bw Cos nqs:=z — - Cos pq ./^ (q'>,
\p > as\ , . (Nid)
:=: — - Bo Cos pq— - B« Cos 2pq — — Cospq .2. B« Cos nqs= ... ( VI6)
2 4 2 i
= — - Eo Cos pq-h - B« — - Cos pq,Z B« Cos nqs = [/? = as\ ,
Z 4 2 X l
;.A('^)4-7B«,
. . . (Vie)
= — - B^Cospq — - Cos pq.I^^nCos nqs~\- - Sinpq.Z^BnSinnqs,
(VI^)
= — -BoCospq— ~ Cospq.ZBnCosnqs+ - i:BnCos\{ns-~p)q\—[
^ ^ 1 ^ d+\
n 71 " ,
= •— - (7o6^ pq.f^ [q) -i-- SBnCosI (ns—p) q ,
= — -Bq Cospq-\- - Sinpq.2^BnSinnqs— -i:BnCos \ {ns—p)q ) =|
p-> as,
s
fraction
(Vie)
— -Bo Cospq-^ ~ Sinpq. f^ (q)-~ ^ ^B« Cos \ {ns—p) q j ,
(VI/)
d—\
= — - Bo Cos pq — - Cospq.Z B« Cos nqs — -Bu Cos2pq -i-
2i Z i 4
+ - Sm pq. 2:Bn Sin nqs ,
^ d+l
= — - B^^Cospq+ - B^—- Cospq.i:BnCosnqs+ - ^B« Co^j (;ns—p)q\ —
^ 4 2 1 2^4.1
=-- Cospq._f\_ (,y)4_^B^ + ^ 2^ B« (7o6- j [ns—p..q \ ,
^ 4 2^4.[
=— - BqCos pq— ~ Bd+ - Sinpq.ZBnSinnqs— - ZBnCos\{^ns~p)q\ —
p-> as,
entier
(VI?)
(vi/0
7T ^^ 71
d—l
=^— -BqCos pq—~Bd+ - Sinpq. f\ {q) — ^ ^ ^» ^^^ î i*^^—P)9 I •
(VI/)
D. BIERENS DE HAAIN'. iNOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 459
Avant d'aller plus loin, quelques remarques.
En premier lieu, la troisième valeur de {n) est contenue dans
les deux premières valeurs comme valeur limite, puisqu'on a
— - Sin nqs. Cos nqs zzz. — - Sin 2 nqs ■==. — Sin 2 pq.
Ainsi dans les formules (Va) à (V^) il n'y avait pas lieu de dis-
tinguer entre les cas de p > as et de p^=z as , ou bien de !- frac-
s
tion ou entier. Au contraire, cela était bien nécessaire pour l'in-
tégrale suivante, puisque dans {p) la troisième valeur ne se
déduit pas des deux premières. Dès lors il devait y avoir diffé-
rence entre (Via) et (VI6j, entre (Yld) à (Ylf) et {Ylg) à (VU).
Quelquefois il y avait lieu de réduire la sommation à la fonction
/i (9) 0^^ .A {9) : on en a profité, sans faire de distinction en
ce cas entre les coefficients A« et B«. Enfin , puisqu'on a toujours
a a d
2: = n — i:,
d+l G 1
l'on a donné le résultat tant par la première sommation que par
la dernière ; afin d'en laisser le choix , suivant que a — d est
ou non plus petit que d, c'est-à-dire que a est ou non plus
petit que 2d.
9. Pour l'application de ces formules, qui forment le premier
pas dans notre méthode , il est nécessaire de choisir des fonctions
/i (•^) q^^i fournissent des coefficients kti et B« propres à donner
au second membre des expressions assez simples ; s'il est possible ,
de telle manière que la sommation de 1 à ^, et de f/ -1- 1 à a
soit facile à exprimer.
Prenons à cet effet
^. / V r Sin SX ^ o •
/, [x] ■=: = Z r« Siti nsXj
1 — 2r Cos SX + r'^ i
/^ {x) zz: ^^ z= 1 -h 2 J r« Cos nsx^
1 — 2r Cos SX ~h r^ 1
1 — 2r Cos SX -\- r^ l
460 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
puisqu'on a eu même temps
G l—2rCosiis-\-r'' i l~2rCosqs-hr'' '
i rn Sin nq, = ' ^'" ^^ ~ ^'' ^''' ''"^^ ~^ ^^'"^' ^''' I (^-1) ^^ U
1 1 — 2r Cos qs ~\- r"^
i rn Cos nqs= ^ Co^ qs-r^—r^ Cas kqs+r^+i Cos \ (/.-— 1) qs \ ^
1 1 — 2r Cos qs-\- r^
* ^ o- / ^^'^^ f^Qs — ^ '^ïw I (A; — 1) <^5 i
2, r^ Sin nqs •=. r^ 1 Lj^ ,
k 1 — 2r Cos qs-{- r^
•^ ^ ; Cos kqs — ?' Cos \ (k — 1) as \ , ,
Z r^ Cosnqs-=zrk 1 JJ^ ^ ^ ' ; {x)
h 1 — 2r Cos qs-\-r' ' ^ ^
qui valent pour — 1 < r < 1 . Comme « est infini , on a tou-
jours p < C5 ; ainsi les cas de p <:cs ou pz=cs ne sauraient
se présenter ici.
Substituons la fonction /\ dans les équations (I) et (III); la
fonction f^ dans (II) , et la deuxième des relations {x) dans
(IVa), il vient
— ^ =z -T r« ISiu tiQs. Cl (nos) —
0 l — 2rCossx-hr'' q'^—x^ l ^ ^ ^^^
— Cos nqs. Si {iiqs)] - (Ij
f"^ I — r2 qdx ^
I --* z= n 2. r^ /Sin nos =
Jo l--2r ^05 6'^ + r2 q^ — x^ i
7r r /Sm qs
1 — 2r Co5 SX -hr'^^
/(l — rMrCo^À-^ qdx ^ /-, . on ^ o-
-^ i L = - 1 4-r2) ^ r« /S'îw y«OA^ =
0 i-'2rCossx-i-r'' q'^—x'' 2 i
5 (1 + r^) r /Sm qs ,...
2 1 — 2r Co5^5-+-r2 ' ' '
"* î' aS<'w SX xdx ^ ^. ^
z= — - ^ r« Cos nqs =
2r Co5 SX -\-r'^ q^ — x^ 2 i
Tir Cos qs — r ,.,
= ^ ^ , (4)
2 1 — 2r Cos qs -\- r^
io 1
D. BÏERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 461
r"^ r [Cos SX — r) xdx ^^ r^ ^- / n ,
/ -^ 1 = 2, r« \Cos nos. Ci (nos) -+-
J 0 l — 2rCossx-{-r''- q' —x'' i ^ ^ ^^^
-h Sin nqs. Si (nqs)] (5)
Ici, pour les intégrales suivantes, il est à préférer de ne faire
usage dans les cas particuliers que des formes non réduites,
puisque dans les réductions (x) se trouvent toutes les somma-
tions dont on a besoin. De cette manière les théorèmes (VI6), (Via)
et (Vlg) nous donnent :
Z*'^ r Sin sx. Sin px qdx n ^ f,
I ^ — ^ = Cos pq. i: r« Sin nqs —
J 0 l — 2rCossx + r'' q"" —x'- 2 i
^ CY- ^ ^ ^ ^i rSinqs — rd+^Sin\{d-k-\)qs\-{~
— - mn pq, 2. r^Cos nqsz= Cos pq ^— ^^ '
2 d+i 2 1 — 2r Cos qs -i-
-hrd+2Sinqs __ n ^.^^ ^^^^^^ Cos\{d-hl)qs\ — r Cos dqs ___
4-r2 2 l — 2rCosqs-^r^
^ — r Sin qs. Cos pq + r^+^ Siu j (ds + 5 — P) ^\ H-
~^2 1 — 2r Cos qs -\-
-i-r^^2Sin[ids-p)q\ V.^rE ^fraciion] ... (6)
— ^rSinqs ^"^—J^osdqs p__^P^ entier 1 . . .(6a)
r°^ (1 — r'^)8inpx xdx n n o t «^
1 ^^ ^ ' — == CospQ Cospq.22Jr^Cos7iqs4-
J ol—2rCossx-hr''q'-—x^ 2 ' ' 2 '^ 1 ^^
4- - Sin pq. 2 2: r'« Sin nqs = — - Cos pq —
2 d+i 2
^ rCosqs — r^ — r^+^ Cos {{d-]~l) qs]-{- rd+2 Cos dqs
jt.ospq l—.2rCosqs-{-r'^
_i(l— r2)Co5p9 4.
, , , Sin {d^l]qs — r Sin dqs 2
-hnSinpq.r^+^ ._1A-^ ^^ ' Lz=7t
'^^ l—2rCosqs-hr'' l—2rCosqs-\-
-f-r^+i Cos \ {ds-f-s—p)q \ —r^+2 Cos j {ds-p)q j r ,_ y p frac- T ._
4. r^ ' L "" 5 ' tion J
462 D. BIERENS DE IIAAN. NOUVELLES FORMULES DE RÉDUCTION.
:= — - Cos pq Cos pq. 2 ^ r« Cos nqs r^ Cos 2 pq -j-
2 2 i 2
+ Stn pq. 2 2J r« Sin nqs rz: — Cas pq -{-
2 d-hi 2
+ n Cos pq ^^ ^^^ ^'^ — r ^ — r^^ Cos dqs + r^+ ^ Cos \ (ri — 1) ^.v j _
1 — 2r Cos qs -{- r^
— - r« Cos 2 pq -i- n Stn pq. r«+l ' -^ ^^— ^ ± ■=.
2 1 — 2r Cos qs + f ^
2 1 — 2r Co^ç^ + r^ ' L ^ ^^ J
/"^rfl — r^jCossx.Sinpx xdx it ^ ^
-— i=r r^ (7o5 pq —
0 l — 2rCossx + r'' q'^—x'^ 2
— Cos pq.{l+r'^)::i:r»Cosnqs^ — Sinpq{\-\-r'^)2:r^^Sinnqs——r'^ Cospq—
2 1 2 d+\ 2
TT ^ ,. ^ , rCos qs ~r^ -_r«^+l Cos ! (f/+l)7^ I _Lr^'+2 Cos dqs
— -Cospq.{]-{-r^) ^ ^ V ', ^ +
2 1 — 2r (7o5^5 + r^
+ - Sm pq. Il ~\- r^) r^+^ Î_L_Z — ^ ^ ' i_ —
2 '^ ' ^ 1 — 2r Co5^5 + r^ ~"
^ — (1 — r -)rCos pq. Cos qs-{- ( 1+r - ) r«^+i (7o6- j (ri5 -|- 5 — ;?) ^ | —
_-- ___
_^1 + ,.),.^2C,,|(,,_^),|^ r/::z:/:i\ fraction! . . . (8)
— 2r Cos qs -^r^ L * J
= — - r^ Cospq ■ Cospq. (l+r^) 2^ r^ Cos nqs (i H-
+ r 2 ) f û? (7o,s 2pq-i- - Sin pq. {1-i-r'^) 2: r^ Sin nqs = — - r - Cos pq —
2 d+i 2
_ln j^ri)nn.^J^'^'^'—^''—'''^^^''k^'-^rd+i Cos\{d—\)qs\
2 l—2rCosqs-{-r''
--il+r^)rc^Cos2pq+^[l+r^)Sinpq.rd+^ g^U^+ljg.j -r^mc/g.
4' ^'2^ ^ ^^ l — 2rCosqs^r''
— Cospq. Cos qs-\. - r«^— 1( 1 -|-r ^ )
= lr{l-r^) ^ ^ frf^ ^^\ entier"(;(8.)
^ 1 — 2rCosqs-i-r^ L -^ J
D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 463
10. Maintenant on peut employer ces intégrales pour déduire
un nouveau système de formules de réduction générales, au
moyen des formules (/) et {g) du N^. 3. Car, lorsque dans les
intégrales (6), (7) en (8) on fait p = mt, il se trouve sous le
signe d'intégration le facteur sin mtx , de sorte qu'elles peuvent
servir pour le développement (/"). Multiplions par Qm et sommons
par rapport à m de m:=:l à m =: c ; comme dans ces inté-
grales on a calculé toutes les sommations, de telle manière qu'il
n'y eût plus de n , on pourra changer ici le m en n. Mais il y a
quelques particularités à observer :
1°. Aussi longtemps que la plus grande valeur de p, qui na-
turellement est ici cf y reste moindre que s, on a d zévo , puisque
ce d est par hypothèse le plus grand nombre entier contenu
dans la fraction — : de sorte qu'il faut employer les valeurs (7)
s
et (8), à l'exclusion de (la) et [Sa).
2^. Quand la plus grande valeur de p^ c'est-à-dire et , devient
égale à s, alors ce qui vient d'être remarqué s'applique à la som-
mation de n •= 1 jusqu'à n = c — 1: mais pour w=:c, on ob-
tient le terme correspondant à d=ily de façon qu'ici pour le
terme détaché il faut employer non les valeurs (7) et (8), mais
les valeurs (7^) et (8a) =
3o. Soit et plus grand que s , mais plus petit que 2^, 5 < c/ < 2^;
il se peut que s soit un multiple de t^ ou non. En premier lieu ,
supposons que s se trouve entre deux multiples consécutifs de
/, c'est-à-dire, /./ < 5 < (k H- 1) /: alors on a premièrement la
sommation du cas 1° de n=:l à nz=zk, avec f/ z= 0 ; ensuite une
seconde sommation de nzzik -\-l à n-=LC, où d-=.l: ces som-
mations exigent toutes deux les valeurs (7) et (8). — En second
lieu, supposons que s représente un multiple exact de /, soit s-=:ktj
où k moindre que c: premièrement il vient la sommation du cas
1° de n-=.l à n-^k — 1, pour d-=:0, où il faut employer les in-
tégrales (7) et (8) ; ensuite vient le terme détaché, auquel s'appliquent
les intégrales {la) et (8^), pour nzzzk et f/ = l; enfin la dernière
sommation de nz=. k -{- 1 à nzizc, où maintenant ^ izz 1 , exige
de nouveau les intégrales (7) et (8).
464 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
4°. Quand ci devient égal au double de s , ct=z 2s, il y a de
nouveau à distinguer deux cas , suivant que s est ou non un multiple
de /. Dans le second de ces cas , soit s situé entre deux multiples con-
sécutifs de ^ ; p. e. kt < 5 <: {k-\-l)t ; il faut prendre la sommation du
1° de n = l à n^=k pour dzzzO, et la seconde sommation du
3° de M = A' + 1 à n:=zc — 1 ; ensuite il faut ajouter un terme
détaché à coefficient Ce, on d = 2, et où il faut employer les
intégrales (7a) et (8a). — Quand au contraire s est un multiple
exact de /, c'est-à-dire sz=kf, la sommation du 1^ doit se faire
de n nz l à n:=.k — 1; elle sera suivie d'un terme détaché ,
calculé d'après 2°: après cela viennent la seconde sommation
de 3° de w =zz A -f- 1 k n=zc — 1 ^ et le terme détaché pour
71 i=z c, comme auparavant.
5°. Lorsque et est plus grand que le double de 5 , mais moindre
que le triple, nous avons quatre cas différents. Supposons pre-
mièrement que s ne soit pas un multiple exact de t, donc
kt ^s ^{k -h 1) t et par suite 2 A;/ < 2^ < 2 f/v + 1) / : ici il
peut se présenter trois cas. En premier lieu soit 2kt ^2s <^{2k-{-i)t,
ce qui comprend la première inégalité par rapport à s: on a une
première sommation comme au 1° de w i= 1 à n:=:k] une deux-
ième sommation comme au 3° de w nz A; -h 1 k n = 2k : enfin
une troisième sommation de n=:2k -\- 1 à nz=c, où maintenant
on a d=z2, et à laquelle conviennent les intégrales (7) et (8). —
En second lieu soit (2A;-|-1) / < 25 < 2 (A--hl)^ qui comprend encore
la première inégalité pour s ; alors aux sommations précédentes il n'y
a rien à changer que les limites : la deuxième va de n=zk-\-l
à nz=:2k -^ ly la troisième de ?« = 2A; -h 2 à « zz: c. — En trois-
ième lieu 2s peut être un multiple exact de /, et alors il faut qu'on
ait 2sz={2k -h 1) /, à cause des limites de 2^: dans ce cas la
première sommation du 1° va de nz=l à w = A; ; la seconde
sommation du 3° va de n = k-^l knzz: 2k , et est suivie d'un terme
détaché pour « = 2 /<; + 1 , où dz=z2,Qi où il faut employer les
intégrales (7a) et (8a) : enfin on a la troisième sommation de plus
haut , de nz=^2 k -^ 2 à n-=.c. — En quatrième lieu il se peut
que s soit un multiple exact de /, soit s = kt'^ dès lors il est
D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE RÉDUCTION. 465
2s := 2kt : dans ce cas on a la sommation du 1° de w = 1 à
n^=z k — 1 ^ un terme détaché comme au 2"" pour n'=zk et ci-=z\
avec le coefficient C/t, une deuxième sommation du 3° à.Q n •=. k -\- i
k ti =i2 k — 1 , un nouveau terme détaché comme au 4° pour
nz=z2k et d::=2 avec le coefficient O^k, enfin une troisième som-
mation comme auparavant de n:=.2 k -\- 1 k n:= c] pour les
sommations il faut employer les intégrales (7) et (8) ^ pour les
termes détachés ^ les intégrales {la) et {Sa).
6'^. Dans le cas où et devient plus grand encore, on suivra
la même marche. Soit et z=: Is -{- s', où s' <. s , il faudra diviser
la sommation en / + 1 sommations partielles , allant chacune
d'un multiple de k, — k est toujours le plus grand nombre contenu
dans -, donc kl <s^ {k + 1) /, — au multiple suivant, c'est-à-
dire de nz=zXk à n z=: {l -\- 1) k ] on y a donc d:=X. Seulement
dans les cas où , pour n^=i^ k^ on a /^ kl égal à 5 ou à un
multiple de 5, il faut prendre le terme détaché correspondant,
de telle sorte que la sommation précédente finisse par n-=.^ k — 1 :
dans ce terme on a toujours d^z^ -{- 1 , et il faut y employer les
intégrales {la) {Sa), tandis que dans les sommations c'est toujours
les intégrales (7) et (8) qui paraissent.
11. A l'aide de l'application de ces remarques on obtient par
l'intégrale (6)
/•'^ .. , , Sin SX qdx
I /s [^) =
Jo 1 — 2r Cos SX -h r^ q^ — x^
jt p c
2(1 — 2rCosqs-\-r^) ]_ i
-\-{Cosqs—r)2iCnSinnlg \= {r—Cosqs)^QnSinnlq=
1 J 2{\—2rCosqs-^-r'^) i
n r — Cosqs
= ôi o n ^LT^^^f?). [cl<cs],
2 1 — 2r Cos qs-\- r^
Archives Néerlandaises, T. V. 30
466 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
Sin SX qdx
2r Cos SX H- r^ q'^ — x'^
— 1
io 1 —
— . 1 (r — Cos qs) 2J CnSi?i nlq-\-Cc{ — Sin qs. Cos qs-\-
2(1 — 2r Cos qs^r'^)\_ 1
-^rr Sin qs~r '^ . 0) 1 — - '^ ~~ ^""^ ^^ \' Z^nSinnlq^{^oSinq^ —
^ \ 2 \—2rCosqs^-r'' L i J
n r — Cos qs i. n. a- ^ ^ *' — Cos qs . , , p ^ ,
21— 2r Cos qs+r^ l ^ 2 l~2rCosqs-\-r-^'^ ^''^'' ^ ^
— "^ I (r — Cos qs) ZQn Sin niq — [Sin qs —
2(1 — 2r Cos qs -\- r'^) L i
— rSin2qs'{-r-Sinqs) ^QnCosntq — r[Cos2qs — rCosqs)ZQnSinntq 1 :=.
k+l k-\-l J
[c
(r — Cos qs) Z Q>„Sin niq— Sin qs.{l — 2rCos qs-{-
1
c c -,
+ r^) Z Q^n Cos niq H- Cos qs, (1 — 2r Cos ^5 + r^) v q^ ^[^^ ,,^^ I ^
k+\ k^\ J
= ÔT^ ^ X-2-. V' - ^'' ^'^ 'f- (^) + (^- ^'' ^'^ ^^' "^
2(1 — 2t Cos qs-\-r^) L
r — Cos
.A (?) +
)5;+i J 2 Ll — 2r67o5^5-4-r
-F^C^/Sm 1(^^ — 5)^)1 [5<c^<25, kl<.s<,{k-\-\)i\,
k^\ J
[y^— 1
fr — Cos ûs) Z CnSin niq-uCk( — Sin qs. Cos qs-u
1
c
-\-rSin qs—r^ .0)—{Sin qs—rSin2qs+r^Sinqs)2:CnCosnfq — r{Cos2qs —
k-\-l
—rCosqs)ZCnSinntq 1^-- — — —— 1 {r—Cosqs)2CnSinniq-^
^ k+\ A 2{l—'2rCosqs-\-r-)[_ l
+ (1 - 2r Cos qs + r^) Z Cn Sin \ (ni - s) q\ + Ok. o"| =
k+: J
=::?r_In^^iii_/, [q)+i:CnSin ( (n/-*)^ 1 T [A^^=* <c^ <2,9],
2LI — 2rCo<s3'-^4-r2 " k-\-\ A
D. BIERENS DE IIÂAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION. 467
/°^ Sin SX qdx
0 '^^ ^^ 1 _ 2r Cos SX + r2 ^^ — x'^ ~"
(r — - Cos as) 2: Cn Sin nia —
1
c— 1
— [Sin qs — rSïn 2 g s -\-r^ Sin qs) ^ C« Cos ntq — r ( Cos 2 qs —
— r Cos qs) Z Qn Sin ntq + C^ Sin qs. (r^ — Cos 2 qs) \ =
/t-hl J
[c
[r—Cosqs) Z CnSin nfq-\^{l—2rCos qs-^
1
-^r^)2:CnSin\{nl — s)ç\^Cr.0~\:=='V -~^'''^' /3 (r/)+
[/c
(r — Cos qs) Z Qn Sin ntq — Sin qs. (1—
1
2/t 2k
— 2rCos(is-{'r'-) 2: d, Cos ntq — r[Cos2qs — r Cosqs)i:Q„Sin ntq —
k+\ k-\-l
c
— [Sin qs — r- Sin 3qs + r ^ Sin 2qs) 2 Cn Cos ntq — r'^{Cos 3qs —
2/î:+l
— r Cos 2 qs) 2 Cn Sin ntq 1 zz:
2yî:+l J
= "" [{r—Cosqs)2;CnSinntq-i~{l—2rCosqs-^
2(1 — 2r Cos qs + r^ ) L 1
2k c
+r2) zCn Sin j {ni — s)q \ — {Sin qs—r^Sin3qs-^r-'Sin qs)2: CnCosntq^
k+i 2k-\-l
+ {Cos qs — r — r- Cos ?,qs + r^ Cos qs) Z Cn Sin ntq\ =
2k-\-l J
2k
_ -_r r—Cosqs _^ J ^^ ^.^^ , [nt—s)q j +
2\_\ — 2rCosqs-\-r' a-+i * '
1
4-
i^2rCb79H-r'^ ^^^^ ^^''' I ^''^~'^'^ i -'^C^'^'^^+r'^^in \ {3s-nt)q | +
30*
468 D. BIERENS DE HAAN. NOUVELLES FORMULES DE REDUCTION.
r — Cos
+ ,■' Sin\{nt-2s)q\]\ = | f '—^""l' /,(,) +
' J 2 Ll — 2r Cos qs-i-r^
+ 2:0nSin I {nt—s)q \+ ZQn [Sin j {nl—s)q \ -^rSin j {nt—2s)q \] \ =
k+\ ' 2^+1 J
— ^ r rj--Cosj^ (9) +i C. ^m | (^i/ — ^) r; | +
-\-rhOn Sin \ {nt—2s) q\l , [2s<ct^ 3s, 2kl < 2^ < (2A;-i-l)/] ,
2k^l J
[k
(r — Cos ns) Z C« Sm ntq — Sin qs.{l —
1
2/^4-1 2>t4-l
— 2rCosqsj^r'^)ZQn Cos ntq — r{Cos2qs~r Cos qs)2;Qn Sin ntq —
c
(Sin os — r^ Sin S qs -^ r^ Sin 2 qs) Z CV Cos ntq — r^ {Cos 3qs —
2/^+1
— r Cos2 qs) Z C« Sin ntq I z=z
2k+2 J
[{r — Cos qs) /3 (ç) -f- ( 1 — 2r Cos qs +
2{1— 2r Cos qs-^r^)
/ 2k+l c
-\-r'') ^ Z C« Sin I [ni — s) q\ + ^ C« {Sin \ {nt — s) q \ —
^ I k-^i ^ 2k+2
n ^ 1 ^ r r Cos qs /. / ^
_ r Sin (n/ — 2* ç = - ^ ^r— ^ —7—^ /3 (7) -h
' ^ ^ J 2 L 1 — 2 r Co* $5 H- r ^
-\-2:Cn Sin \ {7it — s) q\-^r 2: Cn Sin \ {nt — 2s)q]'],
k+l 2^42 J
[2s <cl<. 3s, {2k + l)t<.2s<.2 {k^l) t],
k
— "1 V(r — Cos qs) Z (^n Sin ntq — Sin qs. (1 —
" 2{l—2rCosqs-hr'') L 1
2k 2^
— 2r Cos qs-^r'^) 2:Cn Cos ntq — r{Cos 2qs — r Cos qs) 2; Cn Sin ntq-{-
k-\-i ^^+1
c
■i-C2k+lSinqs.{r'^ -Cos2qs)- {Sinqs—r'^ Sin3qs-hr^ Sin2qs)2:CuCos ntq—
2k-\-2
— r^ {Cos 3qs — r Cos2 qs) 2 C« Sm ntq =
2k+l J
0. BIERENS DE HÂA.N. NOUVELLES FORMULES DE RÉDUCTION. 469
Sin SX gdx
/^ mn SX qau;
0 -^^ ^^^ T—2r Cos sx-^r^ q^ — x-
2 (1— 2r Cosqs^r'^)
(,. — Cos qs) Z C« Sin ntq-\-{\ — 2r Cos qsJ^
+ r-) Z C« Sin \[ni—s) q \ + C2/î:+l. 0 + (1 — 2r (7o<s qs -\-
k-\-\
2/^+2 J
2 Ll — 2r Cos qs-\-r^ &+i
+ r 1 C« ^m I w^ — 2^) 9 I X [(2A;+1) ^ =: 2^ < c^ <: 3*],
2/t+
>^— 1
— . !! \(r — Cosns)ZCnSin ntq^Qki — Sin qs.Cos qsJ^
-'2{l— 2r Cos qs + r^)V i
2k-\-\
4_ ;. Sin qs — 0} ~ [Sin qs — r ^/« 2qs-^r- Sin qs) ^ C« Cos ntq —
2/î:+l
— r (Cos2qs~-rCosqs) ^ CnSinntq-\- C2k Sinqs.{r^ -- Cos2 qs)-+-
k+]
c
4- (Sin QS — r'^ Sin 3 qs -\- r^ Sin 2 qs) Z ^n Cos ntq — r'^{Cos3qs —
2/t+l
— r Cos 2 qs) Z Cw Sin ntq 1 =:
2k+l J
-- ^ V(r — Cos qs) 2 C« Sin ntq + C/^. 0 + (1 —
2(1— 2r(7o5r^5 + r2) L l
— 2r (7o5 qs+ r^) Z Qn Sin [ {nt—s) q \ + C2k. 0 4- (1 — 2r Cos qs +
k+i
n Y r — Cos qs
-2r Cos qs -{-r
A (9) +
H- r-^) 1 Cn Sin j («^ - 2*) 9 1 1 = ^ f .
2/t+l J J Ll
C„5i/i I (»^./— .9)9 1 +r2:CnSin I (n/— 2^)9 ) 1 , [2kt=2s <z et <^ 3s]
1 ' 2k+i J
k+
470 D. BIERE.NS DK HAA-N. NOUVELLES FORMULES DE RÉDUCTION.
12. Pour bien comprendre les réductions dont on a fait usage,
observons qu'en premier lieu on a toujours développé suivant les
préceptes du N^. 10 et qu'ensuite on a étendu de // = 1 à n = c\ix
première sommation, qui allait de «=1 à nz=:zk — 1 ou à n=zk,
h c a
puisque Z ■=. :^ — Z. Les fonctions à soustraire pouvaient dès
1 i //+i
lors se combiner avec la deuxième sommation, et ainsi jusqu'à la
fin de la formule. Il est clair que les termes détachés pou-
vaient être admis, en entier ou en partie , sous les sommations. En
comparant les résultats, au nombre de neuf, on voit qu'on peut
les réduire aux quatre cas suivants, qui seuls diffèrent entre eux.
/
"^ 8in SX qdx ^r r — Cos qs
0 ^' ^^^ \ — 2r Cos SX J^V" q'^-xJ "~ 2 \—2r Cos qs^r'^ ^ ' ^'^''
[cl^s] (Xlllrt)
- r r-Cosq^ ^ ç^^ ^ .^^ __ , -I
2 Li—2rCosqs-hr' '-'' /c+i ' 'J
[/a^s^cl^2s], . . . (Xlllb)
— -f '^~",^^''^' fJq)^lCnSm\(nt~s)q\-i-ryCnSin\{nt- 2s)q\] ,
2L1 — 2rio6'qs-^r'^- ^+1 2/^+1 J
[2s<ct<:3s, 2kt^2s<{2k^l)t], . . (XIIIc)
^T r- Cosqs ^^^( )+^c ^^V?!(^i/-.9)^|+ric.^e/i!{n/-2.')7il ^
2Li-2rCosqs-^r-^-'-'^k+i * *2/-+2 ' U
[2^ < et < Ss, {2k-{-l)t < 2s^2 :k+l)t], . . (XIIW)
Cet exemple suffira pour faire comprendre l'usage de la méthode,
dont on pourra trouver plusieurs autres applications dans le
Mémoire lui-même.
SUE LE
DOSAGE DE L'ACIDE PH08PH0RIQUE
EN PRÉSENCE DE L'OXYDE DE FER ET DE L'ALUMINE
PAR
A. ADRIAANSZ.
Il y a environ trois ans ') j'ai communiqué un certain nombre
de dosages de l'acide phosphorique, exécutés par la méthode de
M. Chancel; c'est-à-dire^ au moyen du nitrate de bismuth. La
dissolution de nitrate de bismuth avait été préparée exactement
d'après le procédé indiqué par M. Chancel, et, vu que même
les plus faibles traces de chlore et d'acide sulfurique empêchent
la précipitation complète du phosphate de bismuth, on avait
toujours ajouté à la dissolution un peu de Ag NO "^ et de Ba (NO^)^,
puis séparé par la filtration le précipité produit. La valeur de
la méthode, dans le cas où l'acide phosphorique ne se trouve en
présence que des alcalis, ressortait avec évidence des résultats
que j'avais obtenus, savoir:
Quantité de P*0* trouvée dans 25 ce.
de dissokition de phosphate de soude.
par la
par le
par la
par le
magnésie.
bismuth.
magnésie.
bismuth.
N^
le
série.
N^
Ille
série.
1
0,05596
0,05565
1
0,04892
0,04979
2
0,05658
2
0,04861
0,05000
3
0,05646
3
0,04966
4
0,05658
4
0,04978
Ile
série.
5
0,04972
1
0,11340
0,11369
6
0,04948
2
0,11334
ï) Voyez Arch. néerl., t. III, p. 186.
472 A. ADRIAANSZ. SUR LK DOSAGE DE l'aCIDE PHOSPHORIQUE EN
Les expériences de M. Holzberger ' ) , qui avait trouvé qu'il
se précipite toujours du sous-nitrate de bismuth avec le phosphate
de bismuth, m'étaieut encore inconnues à cette époque , et
j'avais cru pouvoir expliquer le léger excès de P^O', que me
donnait habituellement le dosage par le bismuth, par la faible
solubilité du précipité magnésique dans l'eau de lavage. Pour
III N^ 2 l'eau de lavage fut mesurée, et il en résulta une
correction 2) de 0,00128 P^O^ ; 0,04861 devenait par conséquent
0,04989 , quantité qui s'accordait avec celle trouvée par le bismuth.
J'avais aussi essayé la méthode en présence de la chaux, ce
qui m'avait donné :
N°. par la magnésie. par le bismuth.
1 0,04892 0,04967
2 0,04861 0,04897
Enfin j'avais dosé l'acide phosphorique dans une dissolution
à laquelle on avait préalablement ajouté du nitrate d'alumine et
du nitrate de fer. Comme, dans ces conditions, le phosphate de
bismuth renfermait toujours un peu de fer et d'alumine, le précipité
était dissous dans H Cl, le bismuth séparé par H -S, l'excès de
H=^S chassé par la chaleur, le fer oxydé à l'aide de quelques
gouttes d'acide nitrique, et enfin, après l'addition de très peu
d'acide citrique pour maintenir en solution les très petites quantités
de fer et d'alumine, l'acide phosphorique était dosé, par la
magnésie. J'avais ainsi obtenu:
Ni alumine ni fer De l'alumine et du fer
dans la dissolution ; dans la dissolution ;
directement par la par le bismuth et
N". magnésie. ensuite par la magnésie.
1 0,05596 0,05469
2 0,05596
3 0,05539
j) Archiv der Pharmacie, t. 116, p. 37.
2) Tresenius, Anîeitung zur qualit. chem. Anal. (1866). p. 333.
PRÉSENCE DE l'oXYDE DE FER ET DE l'aLUMINE. .473
De ces chiffres j'avais cru pouvoir conclure que la méthode
de M. Chancel donne des résultats très exacts, même quand il
existe dans la matière des sels de chaux, de fer et d'alumine,
et je n'avais par conséquent pas hésité à la recommander pour
le dosage de P^ 0^ dans les terres arables. Il fallait dans ce
cas précipiter par l'ammoniaque l'extrait chlorhydrique de la
terre arable , redissoudre le précipité dans H N 0 ^ , éloigner les
traces de Cl et de H- SO* par AgNO^ et Ba(NO-^)S précipi-
ter l'acide phosphorique par le nitrate de bismuth, et dans le
précipité doser P'^ 0' par la magnésie, ainsi qu'il a été dit ci-
dessus.
Peu de temps après la publication de ma Note, j'appris de
différents côtés que la détermination de P^ 0^ dans les terres
arables, telle que je l'avais conseillée, avait conduit à des résul-
tats très peu satisfaisants, à ce point qu'il était souvent impos-
sible de déceler l'acide phosphorique dans les terres par le bis-
muth, bien que cet acide y existât.
J'ai donc tâché de découvrir à quoi il fallait attribuer cet
insuccès. L'idée la plus naturelle était que la précipitation se
trouvait empêchée par une grande quantité de fer et d'alumine.
Pour m'en assurer je fis les expériences sui^-antes.
Une solution qui contenait 0,0544 P^ 0^ -1-0,0414 Fe^ 0^ +
0,0230 Al- 0^ donna un précipité par la liqueur bismuthique au
bout d'environ dix minutes; il se forma également un précipité
dans une solution de 0,0544 P^ 0^ + 0,1242 Fe^O^ +0,0690
Al^O^ Mais lorsqu'on ajouta un très grand excès de dissolution
de fer et d'alumine, on n'observa plus le moindre précipité, même
après un temps très long.
Il s'agissait maintenant de savoir si les sels de fer et d'alumine
entravaient à un égal degré la précipitation du phosphate de
bismuth. Quant au fer, tandis qu'un précipité prenait immédia-
tement naissance lorsque la quantité d'acide phosphorique était
un peu grande par rapport à celle du fer, je trouvai qu'une so-
lution de 0,0544 gr. P^ 0^ + 0,2070 Fe^ 0% c'est-à-dire de
26,2 P^O'' sur 100 Fe^ 0% ne montrait après un laps de trois
474 A. ADRIAAiNSZ. SUR LE DOSAGE DE l'aCIDE PHOSPHORIQUE EN
jours qu'un trouble très léger, et qu'une quantité encore plus
forte de fer maintenait le phosphate de bismuth complètement en
solution. Les sels d'alumine au contraire mettaient beaucoup moins
d'obstacles à la précipitation, comme des expériences préliminai-
res l'avaient déjà appris, et il parut en conséquence intéressant
de rechercher jusqu'à quel rapport entre les quantités de P-O"^
et AP 0'' la détermination quantitative de P^ 0^ par le nitrate
de bismuth restait possible.
Le dosage de P"^0^ dans le précipité de phosphate de bis-
muth se lit par la magnésie , suivant la méthode indiquée pré-
cédemment. Les résultats obtenus sont les suivants:
P2 05
en
solution,
A1^03
ajoutée à
l'état de
nitrate.
I trouvé dans
lephospli. de
bismuth par
la magnésie.
OBSERVATIONS.
0,0^)38
0,1970
32,7
0,0645
Après l'addition du ni-
trate de bismuth, la li-
queur fut abandonné à elle-
même pendant 36 heures.
0,0638
0,3940
16,0
0,0631
Idem.
0,05i4
0,8050
6,6
0,0582
Chauffé pendant 3 heu-
res , puis abandonné pen-
dant 24 heures.
0,0688
1,1810
5,4
0,0642
Abandonné pendant 36
heures.
0,0255
1,1879
2,2
0,0260
Chauffé pendant 4 heu-
res , puis abandonné pen-
dant 8 jours.
0,0255
2,5236
1,1
0,0228
Chauffé pendant 4 heu-
res , puis abandonné pen-
dant 8 jours.
0,0255
2,5286
1,1
0,0241
Idem.
0,0255
5,0172
0,5
0.0118
Idem.
0,0255
8,8326
0,28
—
Dans cette dernière expérience, la liqueur ne montra pas le
PRÉSENCE DE l'oXYDE DE FER ET DE l'aLUMJNE. 475
plus léger précipité, après être restée en repos pendant 3 jours
et avoir été chauffée pendant plusieurs jours. Avant l'addition
du nitrate de bismuth les solutions furent toujours fortement
étendues ; le chauffage avait lieu au bain-marie. La petite
quantité de P^ 0^ , qui ordinairement a été trouvée de trop,
doit probablement être attribuée à la difficulté d'obtenir parfaite-
ment blanc par la calcination le pyrophosphate de magnésie pro-
venant d'une dissolution qui renferme de F acide tartrique ou
de l'acide citrique.
Le tableau précédent montre que lorsque la proportion de
P^O^ ne tombe pas au-dessous de 2 p. c. environ de celle
de AP 0^ , l'acide phosphorique peut être déterminé quan-
titativement, avec l'exactitude nécessaire, au moyen du nitrate
de bismuth; tandis que nous avons vu plus haut que P- 0^ ne
peut plus être décelé qualitativement par ce réactif, même lorsque
sa proportion s'élève encore à 26,2 p. c. de celle du fer existant
dans la liqueur. Dans le cas toutefois où Fe^ 0^ existe en quan-
tité beaucoup moindre, sa présence n'est pas un obstacle à ce
que P-0^ puisse être déterminé à l'aide du bismuth; c'est ce
qui résulte des trois dosages communiqués ci-dessus , et aussi de
ceux exécutés récemment par MM. Birnbaum et Chojnacki , ' )
qui ont également séparé P- 0^ du phosphate de fer par le
moyen du bismuth; la quantité de P-O^, comparée à celle du
fer, a donc dû dépasser ici de beaucoup 26,2 p. c, sans quoi
il eût été impossible de trouver la proportion voulue de P^O^.
Quoi qu'il en soit , mes expériences apprennent qu'il n'est pas
prudent de séparer l'acide phosphorique directement par le bis-
muth, lorsqu'il, est en présence du fer.
Il faut donc éloigner le fer, et pour cela j'ai procédé de la
manière suivante.
Si à une dissolution convenablement étendue d'oxyde de fer
et d'alumine dans l'acide chlorhydrique on ajoute une dissolution
d'hyposulfite de soude, T oxyde de fer, comme Ton sait, est
1) Fresenius, Zeitschrift fur analytische Chemie , IX, 20o.
476 A. ADRIAANSZ. SUR LE DOSAGE DE l'aCIDE PHOSPHORIQUE EN
transformé après quelque temps en oxydule , et si alors on chauffe
la liqueur, l'alumine est précipitée , tandis que l'oxydule de fer
reste dissous ; dans le cas où la liqueur renferme en même temps
de l'acide pbosphorique, cet acide est complètement précipité avec
l'alumine , il n'en reste pas une trace en dissolution. C'est de
cette réaction que j'ai fait usage.
Une solution renfermant P^ 0^ , Fe^ 0-^ et AP 0^ fut additionnée
d'hyposulfite de soude, abandonnée à elle-même jusqu'à ce que
tout le Fe^ 0^ fût réduit en Fe 0 , puis chauffée ; de cette manière ,
le fer se trouva éloigné et l'acide phosphorique transporté sur
l'alumine.
Le précipité d'alumine et d'acide phosphorique fut alors dissous
dans HNO% l'acide phosphorique précipité de nouveau par le
bismuth et finalement dosé dans cette combinaison par la mag-
nésie. Lorsque le fer existe en très grande abondance, il arrive
quelquefois qu'après réchauffement avec l'hyposulfite de soude
l'alumine précipitée contienne un peu de fer. L'alumine est alors
redissoute dans H Cl et traitée encore une fois par l'hyposulfite.
Par ce moyen, quelque grande que soit la quantité de fer, l'acide
phosphorique se laisse doser avec l'exactitude nécessaire; il ne
faut pas perdre de vue toutefois que, d'après ce qui a été dit
précédemment, la quantité de P- 0'^ ne doit pas être inférieure
à 2 p. c. par rapport à celle de Al-0^.
Je cherchai encore à trouver quelque moyen de doser l'acide
phosphorique même lorsqu'il se trouve vis-à-vis de l'alumine en
proportion plus faible; je pensai que dans réchauffement d'une
dissolution d'alumine et d'acide phosphorique avec l'hyposulfite
de soude , on pourrait peut-être découvrir une période où tout le
P-0^ se précipiterait avec une partie de Al-0% ce qui per-
mettrait de transporter l'acide sur une fraction seulement de
l'alumine ; mais des expériences faites à ce sujet montrèrent que
les choses ne se passent pas ainsi. Nonobstant cela, on est
pourtant en état, par une extension de la méthode indiquée, de
déterminer P^ 0^ quantitativement, même quand sa proportion,
par rapport à celle de l'alumine, est beaucoup au-dessous de
PRÉSENCE DE l'oXYDE DE FER ET DE l'aLUMINE. 477
2 p. c. En effet, après avoir transporté, à l'aide de J'hyposulfite
de soude, l'acide phosphorique sur l'alumine, et avoir redissous
celle-ci dans HNO^ , on peut ajouter une quantité co?wi/e d'acide
phosphorique, quantité telle que l'acide atteigne ou plutôt dépasse
2 p. c. de l'alumine présente; alors seulement P-0^ pourra être
précipité par le bismuth , puis dosé ; le résultat de ce dosage ,
diminué de la quantité ajoutée , fera connaître la quantité cherchée.
Par tout ce qui vient d'être dit, je crois avoir établi que la
méthode de M. Chancel convient surtout pour séparer P^ 0^ des
dissolutions contenant de la chaux et de l'alumine; qu'elle peut
servir au même usage quand la liqueur renferme une petite
quantité de fer , mais non lorsque le fer y existe en abondance ;
qu'il est par conséquent toujours prudent, en cas de présence du
fer, de transporter l'acide phosphorique sur l'alumine au moyen
du traitement par l'hyposulfite de soude ; enfin , qu'en présence
de l'alumine, quelque grande qu'en soit la quantité, ou peut
toujours, par l'addition d'une quantité connue de P^O^, déter-
miner la proportion d'acide phosphorique qui existait dans la liqueur.
Toutes les difficultés que le dosage rencontre dans les terres
arables sont donc surmontées. En peu de mots , et pour le répéter
encore une fois, voici la marche que je suis actuellement.
A la dissolution chlorhydrique convenablement étendue on
ajoute de l'hyposulfite de soude, et, après que la transformation
de Fe^O^ en FeO est achevée , on chauffe ; le précipité d'alumine
chargée d'acide phosphorique étant lavé et dissous dans HNO'% on
ajoute un peu de AgNO^ et de Ba(NO^)''' pour se débarrasser du
chlore et de l'acide sulfurique, on étend fortement, on ajoute le
nitrate de bismuth, on chauffe pendant 2 ou 3 heures au bain-
marie, au bout d'une couple de jours on sépare par la filtration
le phosphate de bismuth, et enfin on y dose l'acide phosphorique
par la magnésie, comme il a été indiqué précédemment.
Par cette méthode on a encore exécuté les déterminations sui-
vantes sur des échantillons de terres séchés à 120°.
478 A. AORfAANSZ. SUH LE DOSAGE DE l'aCIDE, ETC.
Quantité de terre ou
PjOs d'argile employée
ti-ouvé. poui- l'analyse.
Terre végétale du jardin du
Laboratoire 0,22 p. c. 150 grammes.
Terre du même jardin, deux
mois plus tard 0,257 „ 150 „
Argile de Frise 0,36 „ 50 „
Argile déposée par la mer
dans l'île d'Ameland, en
fragments arrondis .... 0,14 „ 25 „
Alluvion du Wahal à Nimègue 0,17 ,, 5 „ (environ)
AUuvion de l'Yssel à Deventer 0,21 „ 12 „ „
Vase très fine déposée par
l'eau de la Meuse à
Rotterdam 0,196 „ 4 „ „
Dans ces analyses l'alumine fut dosée également, et on trouva
que, par rapport à la quantité de cet élément, celle de l'acide
phospliorique variait de 2,2 à 4 p. c. , sauf pour l'argile marine
déposée à Ameland, dans laquelle la proportion relative n'était
que de 1,8 p. c.
Laboratoire de chimie de l'Athénée dAmsterdam. Juillet 1870.
ERRATA.
Pag. 268 ligne 5 au lieu de: Au printemps de 1867; lire: Au printemps
de 1868.
// 270 ligne 15 et 16 au lieu de: Elles se changèrent en insectes par-
faits, ailés, mâles et femelles; lire: Elles se changèrent en
insectes parfaits, mâles ailés et femelles aptères.
Pî. X
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