I
79^99
L’ART
DE COMPOSER FACILEMENT
ET A PEU DE FRAIS,
LES LIQUEURS DE TABLE,
LES EAUX DE SENTEURS,
ET AUTRES OBJETS D’ÉCONOMIE
DOMESTIQUE,
Publié jusqu’ici sous le titre de nouvelle
CHIMIE DU GOUT ET DE L’ODORAT;
NOUVELLE ÉDITION,
ornée de figures,
REVUE ET ENTIÈREMENT CHANGÉE,
• ' 1 * .
Par M. BOUILLON -LAGRANGE.
DE l’IMERIMERIE DE J. GRATIO.T.
A PARIS,
Chez Delalain Fils , Libraire , quai des
Augustins, N°. 38.
$ .
A N XIV. — i8o5.
V!
*
AVERTISSEMENT.
La Chimie du goût et de l’odorat ,
telle qu’elle a paru dans l’édition de
1765 , ne m’a jamais semblé un sujet
assez important pour me porter à croire
qu’il exigeât plus de soin et de travail
que n’en comporte un ouvrage de celte
nature* je veux dire un ouvrage de pur
amusement. Chargé de le revoir, je
n’ai eu en vue que de lui donner un
nouveau degré de perfec tion 3 j’ai pensé
que, travaillé avec plus de soin, et en-
richi de toutes les augmentations dont
il elait susceptible , cet ouvrage pouvait
devenir plus utile. Frappé de cette rai-
2 AVERTISSEMENT,
son d’utilité, entraîné d’ailleurs par
l’exemple de plusieurs sa va ns illustres
qui n’ont pas dédaigné de consacrer
leur plume à la perlection des arts, j ai
cru pouvoir donner quelques momens
de loisir à la perfection d un art qui
tient de si près à la conservation de
la vie.
doit donc s’attendre à trouver
ici de grands clian genre ns,, beaucoup
d’augmentations, de corrections, de-
claircissemens, et il le fallait j car
tel
est le sort des ouvrages qui dépenden
de l’expérience , il y a toujours a ie-
toucher, à corriger et à perfectionner.
J’ai augmenté les recettes particu-
AVERTISSEMENT. 3
Hères , et j’ai multiplié autant qu’il m’a
été possible les procédés généraux, faci-
lement applicables aux opérations qui
leur sont analogues ; de manière que
cet ouvrage est devenu entièrement
nouveau, et l’on peut dire qu’il ne
reste de l’ancien que quelques recettes,
encore y en a-t-il bien peu où l’on
n ait été obligé de rectifier quelque
chose.
Enfin, ce livre étant particulière-
ment des (me a celui qui vit à la cam-
]3agne, et aux pères de famille, j’ai
cru devoir y réunir d’utiles procédés
disséminés dans plusieurs ouvrages d’é-
conomie, et spécialement les extraits
des Journaux d’économie rurale et do-
A 2
4 AVERTISSEMENT.
mestique y ou Bibliothèque des pro-
priétaires ruraux , devenus le depot de
ce que M. Cadet-de-V aux publie sur
cette science.
‘ \
i
L> A R T
DE COMPOSER FACILEMENT,
ET A PEU DE FRAIS,
LES LIQUEURS DE TABLE
ET AUTRES OBJETS
D’ÉCONOMIE DOMESTIQUE.
PRINCIPES GÉNÉRAUX.
L’a rt que l’on enseigne ici tient plus de
l’amusement que du travail. Il exige cepen-
dant des soins, de l’application, du discer-
nement.. Sans être fort pénible, ni dispen-
dieux , il nous apprend à être économes et
attentifs 3 mais aussi dédommage-t-il ample-
ment de quelques peines légères. A l’aide des
principes , avec quelques substances qui se
trouvent communément sous la main , de
l’eau-de-vie, du sucre, on va produire des
combinaisons nouvelles et très-agréables.
Comme la bonté des liqueurs dépend , en
grande partie , des substances aromatiques que
l’on emploie , l’artiste serait inexcusable s’il
négligeait les connaissances nécessaires pour
6
l'art de composer
le guider, non-seulement dans le choix qu’il
doit en faire , mais encore dans les moyens
qu’il doit employer, tant pour les recueillir
que pour les conserver.
Les simples , soit plantes, racines ou fruits ,
sont toujours meilleurs lorsqu’ils croissent
dans une distance convenable : alors , ils ne
végètent point aux dépens les uns des autres;
leur nourriture est plus abondamment répar-
tie; par conséquent ils doivent avoir plus de
vigueur et de vertu.
On donnera toujours la préférence aux sim-
ples qui ont plus d’odeur, de saveur et de
couleur, lorsque naturellement ils doivent
avoir ces qualités, comme le safran, le ge-
nièvre, tons les fruits rouges.
Toutes les saisons , toutes les heures du jour
ne sont point également propres pour recueil-
lir les plantes, les fleurs, les fruits aroma-
tiques. On ne doit faire cette récolte qu’apres
le soleil levé , et lorsqu’il aura dissipé par son
ardeur la rosée et l’humidité surabondante
qui couvre les plantes; jamais par un tems
nébuleux , et encore moins pendant la pluie ,
ou même immédiatement après.
Il faut aussi attendre pour recueillir les
plantes , quelles aient acquis une maturité
parfaite ; elles sont alors dans leur plus grande
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 7
vigueur, c’est-à-dire, remplies de principes.
O11 reconnaît cet âge quand les fleurs com-
mencent à s’épanouir 3 de meme les fruits
doivent être parfaitement mûrs , surtout
lorsqu’on a dessein de leur faire subir la fer-,
mentation vineuse.
La récolte des racines 11e doit se faire que
lorsqu’elles sont sans tige , c’est-à-dire , au
printems ou en automne 3 dans toute autre
saison , elles sont ligneuses , et de mauvaise
qualité , parce qu’alors la sève qui monte,
pour nourrir la tige, appauvrit la racine.
11 faudra, autant qu’il sera possible , choi-
sir les racines entières , vigoureuses , bien
nourries, sans cependantl’être trop, de crainte
qu’elles ne soient plus remplies de phlegme
que d’huile.
Bien des gens se trompent dans la cueillette
des fleurs. On s’imagine qu’elles deviennent
plus odorantes à mesure qu’elles s’épanouis-
sent davantage : l’expérience m’a appris tout
le contraire. Elles perdent alors plus de la moi-
tié de leurs vertus 3 elles en ont encore moins
lorsqu’elles se détachent elles-mêmes de leur
calice. Le vrai tems de cueillir les fleurs est
donc lorsqu’elles commencent à s’épanouir.
L’analyse m’a encore appris que le principe
odorant de beaucoup de fleurs réside, non
S l’art de composer
dans les pétales, mais dans le calice. Telles
sont toutes les plantes labiées , comme le ro-
marin, la sauge , etc. Le peu d’odeur qu ont
les pétales de ces fleurs ne leur vient que par
communication , souvent même elles n’en ont
point du tout. Pour vous en convaincre , lai-
tes sécher de ces sortes de pétales séparés de
leur calice ; après leur dessiccation , à peine
sentirez-vous une légère odeur; soumettez-
les ensuite à la distillation avec de l’eau com-
mune, le produit ne sera que très-peu odo-
rant. Faites la même expérience sur les calices
seuls, la distillation vous donnera une eau
très - aromatique , beaucoup plus chargée
d’huile volatile.
Au contraire, il y a des plantes dont les
fleurs n’ont point de calice , et qui sont ce-
pendant très-odorantes. Telles sont toutes les
liliacées, comme la tubéreuse, la jacinthe, le
narcisse , etc. 11 ne faut pas attendre que ces
fleurs aient commencé è s’épanouir pour les
employer; il faut saisir le moment qui pré-
cède l’épanouissement. C’est alors qu elles ont
plus de vertu, et quelles fournissent le plus
d’odeur, soit par la distillation ou autrement;
on en tire même bien peu , ou même point
du tout par la distillation , à cause de leur
volatilité , et jamais d’huile essentielle. 11 est
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 9
bon de remarquer aussi qu’aucune des fleurs
de la classe des liliacées ne conserve son odeur
après la dessiccation 5 il en est de même des
roses pâles et des roses muscades, qui ont
beaucoup d’odeur étant fraîches, et peu, ou
point du tout, après avoir été desséchées.
Les roses rouges, appelées roses de Provins,
sont différentes 5 elles out très -peu d odeur
étant fraîches, et elles en acquièrent consi-
dérablement , elles la conservent meme très-
long-tems lorsqu’on les a fait sécher, et sur-
tout si on a soin de les cueillir avant leur en-
tier épanouissement.
Les violettes de jardin , que l’on nomme
de mars, sont infiniment plus odorantes que
celles de campagne ou de bois, leur couleur
est plus foncée ; elles sont préférables en
tout, il faudra les cueillir dans un tems se-
rein, bien sec, lorsqu’elles seront bien épa-
nouies , et avant qu’elles 11e soient décolorées
et desséchées.
11 y a des plantes qui produisent des fleurs
d’une petitesse extrême, et qu’il serait diffi-
cile de recueillir séparément. Dans ce cas, on
cueille la plante presque entière lorsqu'elle
est bien fleurie, ou du moins une partie de
la tige à laquelle les fleurs sont adhérentes.
C’est ce que l’on nomme sommités fleuries.
IO
l’art de composer
1 elles sont l'absinthe , l’hysope , la marjo-
laine , l’origan , la sauge , le thym , etc.
Toutes les semences ne sont point égale-
ment bonnes pour l’objet que nous nous pro-
posons ; elles sont communément formées de
deux lobes qui renferment le germe , et d'une
écorce qui enveloppe le tout.
Ces lobes ont des qualités différentes rela-
tivement à l’espèce qui les produit; les uns
renferment un suc huileux et mucilagincux
en même tems : telles sont les amandes , les
graines de melon, de citrouille, etc.
Les autres fournissent une substance muci-
lagineuse très-desséchée, qui ne donne abso-
lument rien par expression, et que l’on ob-
tient en poudre ou farine par la trituration :
telles sont les fèves , les pois, et généralement
tous les grains.
Enfin, l’on connaît des semences dont à
peine on aperçoit les lobes, et dont l’inté-
rieur paraît aussi dur, aussi ligneux que l’ex-
térieur : telles sont la coriandre , le semen-
contra, etc.
On peut donc ranger les semences sous trois
espèces: les huileuses, les farineuses et les
sèches. Les semences farineuses 11e nous peu-
vent être d’aucune utilité, «à moins que l’on
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. II
ne se propose d’en extraire de l’eau-de-vie au
moyen de la fermentation, foutes les hui-
leuses , et même les sèches ne sont pas éga-
lement avantageuses. On ne doit employer
que celles qui sont fort abondantes en huile
essentielle ou volatile.
Pour recueillir les semences , il faut atten-
dre qu’elles soient parfaitement mûres ; on
choisit dans chaque espèce celles qui sont
grosses, bien nourries, bien pleines, bien en-
tières , d’une odeur forte, et d’une saveur
pénétrante.
Quand on emploiera les fruits , il faudra
les choisir nouvellement cueillis , bien mûrs ,
bien sains, d’un goût, d’une couleur et d’une
odeur qui annoncent qu’ils n’ont encore rien
perdu de leur qualité.
Les bois résineux et aromatiques doivent
être choisis pesans , sans aubier, se précipi-
tant au fond de î’eau : ils doivent être pris dn
tronc des arbres de moyen âge : celui des
branches n’est jamais si bon.
Comme on peut n’avoir pas toujours l’oc-
casion d’employer les substances aromatiques,
lorsqu’elles sont encore toutes récentes, il est
fort avantageux de savoir les conserver avec
toutes leurs qualités , pour y avoir recours
dans le besoin.
Le moyen le plus sûr pour bien conserver
les plantes , est sans contredit la dessiccation;
mais pour réussir , toutes les méthodes ne sont
pas également bonnes.
Après avoir bien mondé les plantes que
vous avez dessein de conserver, vous les ex-
poserez au soleil , étendues sur des toiles
élevées de terre, afin que l’air puisse circuler
librement autour. On aura soin de n’en point
faire les couches trop épaisses, de crainte que
l’humidité ne puisse pas s’en séparer facile-
ment, ce qui ferait jaunir les plantes. On les
remuera plusieurs fois le jour, pour présentei
successivement et souvent leur surface au so-
leil , ce qui accélère beaucoup le dessèche-
ment. On les mettra tous les soirs à couvert ,
pour les préserver de l’humidité de la nuit.
Les plantes aromatiques demandent à ctre sé-
chées le plus promptement qu’il est possible ;
cependant, pour produire cet effet , il ne faut
pas employer un degré de chaleur trop vio-
lent , de peur de dissiper le principe odorant
et très-volatil qu’elles contiennent. Préparées
suivant la méthode qu’on vient de prescrire ,
elles deviennent fragiles, cassantes ; leurs cou-
leurs sont vives; elles paraissent à la vérité
avoir perdu beaucoup de leur odeur immé-
diatement après l’exsiccation , mais quelques
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l5
jours après elles se ramollissent et acquièrent
considérablement de parfum.
Il y a des plantes et des fleurs d’une si grande
délicatesse qu’elles perdent beaucoup de leurs
qualités, lorsqu’on fes fait sécher à l’air libre.
Pour remédier à cet inconvénient , on les dis-
tribuera par petits paquets , on les envelop-
pera de papier , et on les exposera au soleil
dans cet état.
Vos plantes étant bien desséchées , vous les
renfermerez dans des sacs de papier, que vous
arrangerez proprement dans des boîtes de
carton.
11 ne faut pas choisir les fruits que l’on a
dessein de conserver pendant quelque tems ,
lorsqu’ils ont atteint le degré de parfaite matu-
rité 5 il vaut mieux les prendre un peu verts ,
c’est-à-dire , lorsqu’ils sont bien près d’ètre
mûrs. On les enveloppera dans du coton re-
couvert de papier, et on les arrangera dans
un lieu qui ne soit ni trop humide , ni trop
sec. On conçoit bien que je n’entends par-
ler ici d’aucun fruit rouge , ou d’une nature
approchante , comme les abricots , les pê-
ches etc.
Les baies et les semences sèches seront rem-
fermées dans des boîtes garnies de papier. Les
unes et les autres perdent beaucoup de leur
4 l’art de composer
qualité en vieillissant ; on s’aperçoit qu’elles
dépérissent lorsqu’en les secouant, elles jètent
de la poussière.
Les bois, les racines, les écorces demandent
à être séchés promptement , a cause de l’hu-
midité dont iis sont toujours fort chargés. Il
y a plusieurs racines qui, quoique parfaite-
ment desséchées , attirent puissamment l’hu-
midité 3 elles sont sujettes à s’amollir, et peu
après elles moisissent. 11 faudra donedetems
en teins les exposer à l’air , et les dessécher
encore 3 ce qui donne occasion à certains in-
sectes de les piquer et d’y déposer leurs œufs 3
ces œufs venant à éclore, les jeunes insectes
se nourrissent de tout ce que la plante con-
tient de ligneux : ces racines paraissent alors
toutes vermoulues. Bien des gens s’imaginent
qu’elles ont perdu de leurs qualités, cepen-
dant il n’en est rien , parce que les insectes .
dans leur ravage, 11e s’emparent que de la
partie inutile de la racine 3 ils ne touchent point
aux résines dans lesquelles seules consiste
toute sa vertu. Il faudra donc bien se donner
de garde de rejeter les racines vermoulues,
puisqu’elles ne perdent par cet accident que
les parties qui n’ont aucun principe.
Il serait à souhaiter que l’artiste eut assez
de connaissances pour 11e pas se laisser trom-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. *5
per dans l’achat de certaines substances aro-
matiques sujettes à être falsifiées , parce
qu’elles sont quelquefois fort chères. Il est
donc de la plus grande importance pour lui
d’en savoir faire le discernement. Nous allons
lui communiquer ce que l’expérience nous a
appris à ce sujet.
Rien de plus facile à contrefaire que les
huiles essentielles ou volatiles. Comme elles
sont très-odorantes, il en faut une très-pe-
tite quantité pour parfumer beaucoup d’autre
huile , pourvu que celle-ci n’ait point d’odeur
particulière bien sensible ; aussi les falsifica-
teurs ne se servent -ils guère que d’huile de
Ben ou Behen, très -propre à pallier facile-
ment leur fraude, parce qu’elle est blanche,
limpide, sans saveur et sans odeur. On y
ajoute une petite dose de véritable huile es-
sentielle; celle-ci se mêle intimement à l’autre,
elle la rend très - odorante ; et à moins que
d’en faire l'épreuve , il est impossible de s’aper-
cevoir de la fraude. Cette épreuve n’est point
difficile. Versez de bon esprit-de-vin sur une
petite portion d’huile essentielle dont vous
soupçonnez la pureté; si elle n’a point été
sophistiquée , l’esprit-de-vin la dissoudra en
entier ; s’il s’y trouve un mélange d’huile
grasse, celle-ci se précipitera au fond du vase.
i6 l’art de composer
On falsifie encore les huiles essentielles par
une addition d’esprit-de-vin. Pour découvrir
cette fraude, il sufiit de verser un peu d’eau
commune sur l’huile que l’on soupçonne 3 si
elle est mélangée , sur-le-champ elle devien-
dra laiteuse , parce que l’esprit-de-vin quitte
l’huile essentielle pour s’unir à cette même
eau, et laisse l’huile très-divisée , suspendue ,
mais non dissoute. Cette couleur laiteuse 11’a
point lieu lorsque l’huile essentielle ne contient
pas d’esprit-de-vin 3 elle se divise à la vérité
en globules fort petits lorsqu’on agite l’eau
violemment , le mélange devient meme un
peu blanchâtre , mais les globules ne tardent
pas à se réunir 3 il ne faut qu’un instant de
tranquillité pour les voir former des masses
qui surnagent le liquide, ou se précipitent au
fond relativement à leur pesanteur spécifique.
11 y a des falsificateurs qui s’y prennent
plus adroitement encore pour cacher leur
fraude, ils mêlent de l’huile de térébenthine
parmi les plantes ou fleurs dont ils ont des-
sein d’extraire l’huile essentielle , et distillent
ce mélange en même teins , au moyen de
quoi ils obtiennent une bien plus grande
quantité d’huile essentielle , mais aussi d’une
qualité fort inférieure à la véritable. On dé-
couvre cette friponnerie en trempant un linge
dans
LES LIQUEURS DE T AELE, etc. 17
dans l’huile que l’on soupçonne , et en l’ap-
prochant de la chaleur d’un feu modéré; dans
l’instant tout le parfum s’évapore , et il ne
reste que l’odeur de térébenthine. Les essen-
ces de cédra , de bergamotte , de citron , de
fleurs d’orange , les huiles essentielles de rose,
de lavande , etc. , sont fort sujettes à être fal-
sifiées.
On contrefait aussi l’huile de canelle , mais
c’est moins une falsification proprement dite,
qu une simple substitution. Le cassia-lignea
fournit une huile essentielle qui a beaucoup
de rapport avec l’huile de canelle , et rien
n est plus difficile que de remarquer la diffé-
rence de ces deux huiles , à moins que l’on
ne soit pourvu d’huile de canelle parfaite ,
pour servir de terme de comparaison.
Le poivre de la Jamaïque distillé fournit
une huile qui ressemble beaucoup à celle du
girofle , et qu’on lui substitue par cette rai-
son. Je 11e connais point d’autre moyen pour
se garantir de cette fraude que celui que je
viens d’indiquer au sujet de l’huile de canelle ;
c’est d’avoir de la bonne et véritable huile de
girofle pour servir de terme de comparaison,
car celle-ci est toujours moins haute en cou-
leur , et son odeur est beaucoup plus péné-
trante et plus aromatique.
B
iS l’art de composer
Outre celle substitution on falsifie encore
f huile de girofle , en la mêlant avec de l’huile
d’olive ou de lin. On s’aperçoit du mélange
quand on place la bouteille dans une cave
bien fraîche ; alors l’huile de girofle ne man-
que pas de se séparer et de se précipiter 3 ou
bien on peut faire l’épreuve à l’esprit-de-vin ,
comme nous l’avons dit plus haut , en parlant
des autres huiles essentielles : l’esprit-de-vin
dissoudra la véritable huile de girofle , tandis
que toute autre huile se manifestera en surna-
geant sous la forme de petits globules.
L’huile de romarin a beaucoup de ressem-
blance avec l’huile de lavande , et se vend à
bien meilleur compte ; ainsi on les mêle sou-
vent. Vous reconnaîtrez la fraude par une
simple comparaison de l’une avec l'autre.
L’huile de romarin est beaucoup plus grasse,
plus onctueuse que l’huile de lavande 5 la sa-
veur de la première est aussi beaucoup plus
amère.
On peut être trompé de deux façons dans
l’achat de la canelle 5 par une substitution et
par une altération. Dans le premier cas , on
vend le cassia-lignea pour la canelle même.
Nous indiquerons par la suite la différence
de ces deux écorces. Dans le second cas , on
vend la canelle après avoir été distillée. Dans
LES LIQUEURS RE TABLE, etc. 19
cet état elle conserve encore un peu de par-
fum, mais elle' est dépouillée de la plus grande
partie de son huile essentielle , il ne lui reste
qu’une saveur très -piquante et même assez
désagréable ; la fraude par conséquent est très-
facile à découvrir : il en est à peu près de
même des clous de girofle.
Le safran est souvent falsifié avec de l’huile
qui en augmente le poids et en altère le par-
lum 3 outre cela on a coutume d’exprimer
l’huile du safran, on le forme en gâteau, et
on le vend sous cette forme. On prend en-
core du safran bâtard que l’on nomme aussi
fleurs de carthame 5 on le réduit en poudre
et on le mêle avec le safran véritable , ou bien
on mêle un peu de poudre de celui - ci avec
beaucoup de safran bâtard , ou bien enfin on
vend le safran bâtard pur , mais entièrement
déguisé sous la forme de poudre. La falsifi-
cation et la substitution sont également faciles-
à reconnaître. L’odeur du safran bâtard est
moins forte et très-différente de celle du safran
gatinois ÿ de plus , le safran bâtard ne donne
qu’une faible teinture à l’eau dans laquelle on
l’infuse , en comparaison de celle que donne
le vrai safran.
Depuis qu’on a transplanté le café dans nos
colonies , il est devenu très-commun ; c’est
B 2
20
l’art de composer
une raison de plus pour qu’il soit assez diffi-
cile de se procurer du véritable café d’Arabie ,
le seul qui réunit toutes les bonnes qualités
dans un degré supérieur. On peut bien dire
qu’il règne dans les calés une différence égale
à celle qui règne dans les vins. Chaque climat,
chaque pays , chaque territoire , chaque can-
ton produit un vin particulier qui ne ressem-
ble à aucun autre. 11 en est de meme des
cafés 3 mais aucun n’est comparable a celui du
royaume d’Hyemen , communément appelé
Café Moka. 11 est assez rare maintenant d’en
trouver de cette espèce parfaitement pur 3 on
ne le trouve que fort mélangé , ou même
substitué par le café de l’île Bourbon , qui
effectivement en approche un peu lorsqu’il
est fort vieux , mais qui ne le vaut cependant
pas.
Le véritable café Moka est d’une grosseur
moyenne , de couleur jaune pâle , tirant
quelquefois sur un vert extrêmement tendre.
Lorsqu’il a été torrifié , il répand un parfum
admirable , et sa teinture est d’une saveur
aromatique , dont aucun autre café n’ap-
proche.
Le café Bourbon est plus petit , sa couleur
est d’un jaune bleuâtre 3 lorsqu’il est fort
vieux il jaunit un peu plus, mais il conserve
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 1t
toujours pour l’ordinaire sa teinte bleue.
On reconnaît aisément les autres cafés
qui sont moins bons , soit à la grosseur de
leur grain , soit à leur couleur , soit à leur
saveur.
Pour falsifier les gommes simples et les
gommes-résines, on les fait fondre 5 et avant
que de les réduire de nouveau en leur con-
sistance naturelle, on y mêle plusieurs subs-
tances qui ont quelque affinité avec leurs qua-
lités spécifiques. Pour mieux déguiser la su-
percherie , on mêle souvent beaucoup d’im-
puretés et de corps étrangers , de l’espèce de
ceux qui se trouvent ordinairement dans les
vraies gommes , au moyen de quoi le poids
s’en trouve considérablement augmenté. On
ne saurait découvrir une fraude pareille qu’en
comparant ce que l’on veut acheter avec des
échantillons dont on soit sûr 5 et lorsque les
impuretés paraissent en très-grande quantité,
il faut dissoudre les gommes que l’on soup-
çonne dans des menstrues convenables, et les
filtrer ensuite 5 de cette manière on pourra
connaître au juste la quantité proportionnelle
de ces impuretés.
Les baumes aromatiques, les racines, les
semences , les bois , surtout ceux qui sont
fort chers , et qui nous viennent des Indes ,
sont tous sujets aux falsifications \ et quoique
ces différentes substances soient très-faciles à
distinguer les unes des autres , quand elles
sont pures et sans altération , il n’en est pas
de meme lorsqu’elles sont sophistiquées ; il
faut s’en rapporter sur cela aux caractères
spécifiques qui leur sont propres -, à la cou-
leur , à l’odeur, à la pesanteur , etc. 11 serait
donc à souhaiter que l’artiste eût toujours un
échantillon de chaque substance aromatique,
dont l’extrême pureté lui fut connue , pour
en faire la comparaison avec celles qu il a
dessein d’acheter.
Le choix des substances aromatiques sur
lesquelles on a dessein de travailler étant fait,
il s’agit d’en extraire par une forte teinture
tout ce quelles contiennent de plus aroma-
tique. On est obligé pour cela de les faire
macérer dans une menstrue convenable , qui
ne peut être que l’csprit-de-vin , ou l’eau-
de-vie.
De V Eau- de-vie.
L’eau-de-vie est un produit de la distilla-
tion du vin.
A cet effet, on prend du vin rouge géné-
reux , on le met dans la cucurbite d’un alam-
LES LIQUEURS DE TABLE, ClC. 35
Lie, onia recouvre de son chapiteau , on y
adapte son serpentin et à ce dernier un réci-
pient ÿ ou lutte avec des Landes de papier
enduites de colle d’amidon , et l’on procède
à la distillation , par une chaleur modérée ,
pour obtenir la liqueur spiritueuse qui porte
le nom d’eau-de-vie.
Si l’on met celte liqueur dans le bain-marie
d’un alambic et qu’on le place dans sa cucur-
bite, en procédant à la distillation afin d’ob-
tenir un produit égal à la moitié de l’eau-de-
vie employée, on aura pour produit une
eau-de-vie très-forte , que l’on désigne dans
le commerce par le nom d’esprit-de-vin , et
que les chimistes appellent alcool.
Comme l’eau-dc-vie est destinée à être la
base des liqueurs potables , il est essentiel
qu’elle soit privée de toute âcreté étrangère ,
d’odeur empyreumatique , et autant qu’il est
possible de couleur, ce qui paraîtra incom-
patible avec une autre qualité qu’on désire
dans les eaux-de-vie , celle d’être vieille ; mais
on les conserve sans couleur pendant plu-
sieurs années, en les tenant dans de vastes
bouteilles de verre , qui contiennent l’une
portant l’autre , trente pintes.
Indépendamment des bonnes qualités pour
constituer de bonne eau-de-vie, il est encore
M l’art DE COMPOSER
essentiel de choisir celles que l’on prépare
avec des vins de meilleure qualité. Les vins
du Roussillon , du Languedoc et autres sem-
blables , fournissent à la bouillerie une plus
grande quantité d’eau-de-vie et d’eau-de-vie
plus forte; mais les vins de ces contrées étant
très-visqueux et abondans en substance ex-
tractive , ces eaux-de-vie portent essentielle-
ment une acreté que n’ont pas les eaux-de-
vie du Limousin , de la Saintonge et du pays
d Aunis ; c’est donc ces dernières auxquelles
on donne la préférence pour fai re des liqueurs,
parce qu’a mérite égal, elles sont plus suaves.
Mais un autre choix aussi essentiel , c’est
celui qui est relatif à la force des eaux-de-vie
qu’on veut employer. Choisira-t-on l’eau-de-
vie la plus forte , pour la remettre artificiel-
lement au titre de l’eau-de-vie ordinaire , ou
faut-il se procurer cette eau-de-vie telle qu’elle
est livrée par le fabricant sous le titre d’eau-
de -vie simple ? La question sera aisée à ré-
soudre , lorsqu’on fera attention que l’eau que
l’on est obligé d’ajouter à l’eau-de-vie forte
ou double, pour en faire de l’eau-de-vie
simple , 11e peut jamais et dans aucun cas ,
ni être comparée au phlegme du vin, qui
passe avec l’eau-de-vic proprement dite , par
la distillation, ni y être aussi exactement com-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 25
binée. Si donc , dans quelque circonstance
particulière, on veut se servir d’eau-de-vie
double , on court le risque que' l’eau-de-vie
ne sera pas exactement comparable à l’eau-de-
vie simple, et que la liqueur a besoin d’être
long-tcms en mélange avant d’acquérir le ton
de saveur agréable qu’aurait la même liqueur
faite avec l’eau-de-vie sans mélange 3 en sorte
que l’on peut donner la préférence à l’eau-
de-vie simple.
Ce qu’il y a à dire sur l’esprit -de-vin , tient
aux observations faites sur l’eau-de-vie 3 car
dans ses plus grands degrés de ‘rectification ,
cet esprit participe toujours des bonnes ou
mauvaises qualités de l’eau-de-vie , dont il
est tiré : ajoutons seulement, qu’à degré égal
de rectification, il faut donner la préférence
à l’espèce d’esprit-de-vin qui est passé le
premier dans la distillation.
J’observe que les eaux-de-vie de cidre ,
de poiré et de grains , sont absolument incom-
patibles avec toute espèce de liqueur.
De l’Eau.
Quant à l’eau , quelque simple que paraisse
cet ingrédient, quelque facilité qu’on puisse
avoir de s’cn procurer de pure, on ne sau-
36 l'art de composer
rait croire cependant combien le choix de ce
fluide est important pour la fabrication des li-
queurs. Je ne parle pas ici des eaux de puits ,
elles ne valent absolument rien dans les li-
queurs; mais Ce sont, les eaux de rivière ou
de source , dont le choix n’est rien moins
qu’indifférent. Il y a à Paris, indépendam-
ment de l’eau de rivière, deux espèces d’eaux
de source, celles qui nous viennent d’Arcueil,
et celles que fournit le coteau de Mesnil-
Montant , Belleville , etc. Il est reconnu que
les eaux d’Arcueil ne font, pas des liqueurs
aussi agréables que lorsqu’on emploie celles
de Belleville ; mais quand toutes choses se-
raient égales, l’eau d’une grande rivière, prise
dans un teins où elle n’est ni trop basse , ni
trop débordée , mérite la préférence ; trop
débordée , elle tient en une espèce de solu-
tion des substances qui lui donnent une sa-
veur fade et terreuse , même après avoir été
filtrée ; trop basse , elle est sujette à contenir
une quantité remarquable de matières ani-
males en putréfaction , ce qui influe singuliè-
rement sur les liqueurs. 11 faut donc bien
goûter l’eau ; la saveur la plus générale qu’elle
imprime est. une douceur qui ne tient rien
de fade ; il faut d’autre part qu’elle soit très-
lirnpidc.
LES LIQUEURS DE TABLE, Ct.C. 27
Quand , par hasard , on n a point d eau qui
ait ccs bonnes qualités naturelles , il faut la
faire bouillir et la filtrer ensuite.
Lorsque la proportion de l’eau est peu
considérable , ce qui arrive , ou parce que
la liqueur est faite avec de l’csprit-de-vin qui
exige beaucoup d’eau dans la combinaison
du liquoriste, ou enfin, parce que le liquo-
riste en a dépassé la proportion 5 alors , on
reconnaît cette surabondance d eau par une
certaine fraîcheur fade , qui se développe
après la saveur piquante de l’eau-de-vie ou
de l’aromate.
Du Sucre.
Le troisième ingrédient essentiel aux li-
queurs , est la substance sucrante , et il n’y
a pas trois manières à choisir ; c’est ou le sucre,
ou la cassonade ; la cassonade doit être choi-
sie blanche , sèche , et bien cristallisée 5 on
l’emploie de préférence pour toutes les li-
queurs colorées , parce qu’elle porte avec
elle une douceur , un velouté que le sucre
n’a point.
On prend le sucre pour toutes les liqueurs
dont un des mérites est d’ètrc blanches 5 dé-
pouillé qu’il est de la substance extractive ,
2$
l’art de composer
ou plutôt de 1 eau-mère dont est accompagnée
kt cassonade , ses parties sont moins sujettes
a colorer la liqueur , et moins propres à lui
concilier le velouté de la cassonade. 11 faut
Lien se garder de prendre, comme quclques-
uas le font , ce sucre extrêmement blanc,
( • ^ihiu sous le nom de sucre royal , ou sucre
0 » Foîlande j pôur être extrêmement blanc ,
il n en est pas plus propre aux liqueurs.
BES OPÉRATIONS ESSENTIELLES.
De la Dislillation.
On ne distille jamais de l’eau-de-vie qu’à
dessein de lui associer quelque substance
ai o ma tique j car la distillation , à dessein de
la convertir en esprit-de-vin , n’est pas essen-
tiede pour les liqueurs. Or, les aromates qui
peuvent être associées à l’eau-de-vie ou à J’es-
prit-dc-vin par la voie de la distillation étant
de différentes espèces , soit à cause du tissu qui
les renferme , soit à cause de leur nature hui-
leuse ou résineuse, il en résulte, que la pra-
tique de distiller doit varier en proportion.
Si l’aromate est très-subtile , ou encore si l’on
désire que l’esprit n’en conserve qu’une petite
partie , la distillation au bain-marie est pré-
LES LIQUEURS T) E TABLE, etc. 29
fcrable ; si au contraire ces aromates sont ou
tenaces ou pesans , ii n’y a que la distillation
à feu nu qui puisse les détacher ; encore
faut-il observer de laisser passer une partie du
phlegme vers la fin de la distillation (i). Ce
phlegme qui exige ordinairement un degré
de chaleur plus fort , est seul capable de vola-
tiliser de pareils aromates. Mais comme dans
cet état la liqueur est souvent acre, sans être
pour cela empyreumatique , il est essentiel
de redistiller au bain-marie , afin qu’il 11c
monte avec l’esprit que les portions les plus
subtilisées de l’aromate une fois détachées.
Cette rectification consiste à verser dans la
cucurbite d’un alambic la liqueur déjà dis-
tillée , et à y ajouter une certaine quanti le
d’eau, qui dans ces circonstances donne oc-
casion à l’huile trop abondante de se rap-
procher en globules , et de se séparer de l’es-
prit dans lequel elle est évidemment 5 c’est
cette rectification que l’on confond souvent
avec la cohobation.
Cohober une liqueur, c’est verser sur le
résidu de la distillation le fluide déjà distillé ,
(1) Ceux qui voudraient se procurer des alambics ,
peuvent les luire établir d’après le modèle que nous
donnons ici. Voy. la planche.
pour continuer l’opération que ce reverse-
ment n’a pas dû interrompre; or, il faut con-
venir que celte cohobation est plus nuisible
qu’utile à pratiquer.
Le long séjour des matières dans l’alambic,
exposé à la chaleur, leur fait contracter une
acreté dont la liqueur qui distille n’est pas
exempte; ainsi toute cohobation doit être faite
avec beaucoup de circonspection, si l’on se
décide à la pratiquer dans quelque cas parti-
culier.
Il n’en est pas de même de la rectification :
toutes les fois que l’on est obligé de distiller
à feu nu, la rectification de la liqueur dis-
tillée est essentielle si l’on veut avoir un aro-
mat délicat.
Cette rectification qui se fait toujours au
bain-marie, est beaucoup moins difficile à
conduire que celle à feu nu ; pour celle-ci ,
il est à craindre que les substances qui ne
sont pas fluides ne s’attachent au fond de
l’alambic ; il n’est quelquefois pas possible
d’ajouter à l’eau-de-vie , de l’eau , qui devien-
drait un obstacle à l’extraction des aromates;
il faut donc avoir grand soin de tenir le ré-
frigérant et le serpentin froids , de conduire
le feu avec précaution pour ne faire naître
qu’un filet de médiocre grosseur, et empè-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 3l
cher autant qu’il est possible , et l’àcreté et
l’empyreume ; car si ces deux accidens arri-
vent , il faudra recommencer l’opération avec
de nouvelles matières. Dans la rectification ,
au contraire , l’artiste n’a presque point de
précautions à observer , autres que celles de
rafraîchir.
Le rafraîchissement, tant du serpentin que
du chapiteau , est une chose essentielle pour
la perfection de la liqueur : soit que la cha-
leur troplong-tems continuée occasionne dans
les vapeurs, avant qu’elles se condensent, une
réaction qui fasse naître de l’âcreté ÿ soit que
plus tôt ces vapeurs sont condensées, plus les
parties grossières de l’aromate en sont sépa-
rées } soit enfin qu’il y ait un juste milieu à
saisir pour le refroidissement dans la combi-
naison des aromates avec l’esprit, en sorte
qu’il soit également dangereux que le froid
soit trop ou trop peu énergique ; toujours
est- il certain que la meme eau-de-vie , les
memes ingrédiens dans les mêmes doses dis-
tillés par trois artistes différens, dont l’un aura
négligé le soin de rafraîchir son serpentin ,
l’autre aura conduit son feu trop lentement ,
et le troisième y aura mis la vigilance et le
soin que nous indiquons ÿ non-seulement les
résultats en seront différens , mais il n’y aura
02 l’art de composer
de parfaite que la liqueur du troisième ar-
tiste.
C'est ici le lieu de dire un mot de la ma-
nière dont un liquoriste doit considérer les
aromates qu'il veut employer : ou ce sont des
huiles essentielles, déjà extraites par d’autres ;
quoiqu’elles diffèrent entr’elles de légèreté ,
de couleur, de fluidité et de saveur, elles
sont de tous les aromates l’espèce la plus vola-
tile et celle dont il faut mettre la moin-
dre quantité : ou ce sont des substances
qui contiennent ces huiles aromatiques , et
qui peuvent les donner facilement , comme
sont les fleurs , les écorces d’oranges , des
citrons , et leurs analogues : toutes choses
égales , ces substances sont préférables aux
huiles mêmes , et le traitement des uns et des
autres pour en faire des esprits aromatiques,
se fait très-bien au bain-marie. Les aromates
peuvent encore être les écorces et bois durs,
dans lesquels rôdeur est comme résinifiée ou
combinée avec d’autres substances j telles sont
la canelle, le girofle , le bois de Rhode : pour
celles-ci, il faut nécessairement employer
l’énergie du feu nu. Enfin il y a des aro-
mates , tels que la vanille , l’ambre , qui ne
peuvent absolument point monter par la dis-
tillation, et qu’il faut toujours se garder de
faire
IES LIQUEURS DE TABLE, etc, 33
✓ '
faire entrer dans les ingrédiens des recettes
qu’on doit distiller.
Les aromates n’ont souvent rien d’agréa-
ble , et le liquoriste doit savoir les associer
dans ses liqueurs 3 ainsi la badiane seule a une
odeur peu agréable , un peu d’anis vert lui
sauve ce disgracieux ; l’ambre seul ne donne
pas d odeur , un peu de musc lui donne le
relief nécessaire 3 le coing seul est détestable ,
un peu de girofle relève et corrige son par-
f um y la vanille associée au sucre , a plus
d odeur que si on ne la tricturait pas avec cette
substance j 1 association d’un peu de girofle
corrige l’arrière goût de la canelle ; l’absinthe
même , l’absinthe trouve place dans les li-
queurs , pourvu que le zeste de citron s’asso-
ciant à son aromate , en fasse disparaître
l’amertume.
De V Infusion.
L action de mettre dans un liquide quel-
conque les substances qui ne sont point na-
turellement sèches, et de les y faire séjour-
ner pendant un tems, s’appelle infusion : les
pharmaciens la distinguent en deux classes j
ils appellent macération celle qui se fait à
froid et dans une grande quantité de fluide ,
* G
54 l’art de composer
et ils donnent le nom d’infusion à celle qui
se fait à l’aide d une chaleur plus ou moins
douce et dans un véhicule moins abondant.
Le liquoriste ne connaît que l’infusion sans
aucune distinction 3 cette opération est en-
core plus essentielle que la distillation poui
le liquoriste , puisqu’il peut exécuter par son
usage tous les procédés qui semblent exigei
la distillation , et que les liqueurs qui en ré-
sultent sont toujours plus agréables et moins
âcres , toutes choses égales d’ailleurs que cejles
qui doivent leur première existence à la dis-
tillation.
L’infusion a bien d’autres avantages : elle
extrait, d’une manière uniforme et sans les
altérer , les substances aromatiques ; ces subs-
tances conservent , par ce moyen , plus de
ressemblance à leur état naturel ; il en faut
une beaucoup plus petite quantité pour don-
ner une saveur égale ; la combinaison des
différens aromates s’en fait plus exactement ,
parce que ne devant pas être réduites eu
vapeurs , leurs différentes pesanteurs spécifi-
ques ne mettent aucun obstacle à leur mé-
lange. Ajoutez à cela que l’esprit dans lequel
se font ordinairement les infusions, que ce
soit de l’eau-de-vie ou de l’esprit-de-vin , con-
serve sans altération les bonnes qualités qui
LES LIQUEURS DE TAîiLE,etC. 55
résultent de son bon choix; en soric que je
ne fais pas de difficulté de conseiller à tout
liquoriste de préférer l’infusion à la distilla-
tion , excepté dans les cas où il lui faut une
liqueur absolument exemple de couleur; car
le défaut unique de l’infusion, si tant est que
c’en soit un , est d’extraire des différées in-
grédiens une teinture colorante, qui influe
plus ou moins sensiblement sur celle de la
liqueur qui en résultera.
Quoique j’aie dit que l’infusion se fait ordi-
nairement dans les liqueurs spiritueuses , il
n’est cependant pas sans exemple que quel-
ques liqueurs se préparent par l’infusion des
ingrédiens- dans l’eau ; mais ces cas sont si
rares et si peu connus qu’ils ne valent pas la
peine qu’on s’y arrête.
Si , généralement parlant , chaque espèce
de liqueur exige que ces ingrédiens infusent
plus ou moins long-tenu, cependant il est à
peu près démontré qu’à quelques exception^
près , 1 infusion doit -être d’une très-courte
durée ; en sorte que s’il y en a telle pour la-
quelle deux heures suffisent, la plus longue
ne doit pas durer plus de quatre jours.
Ce que nous disons ici, n’a pas de rapport
a la fabrication des ratafias , proprement
dits. On fait durer l’infusion des fruits ou
C 2
36 l’art de composer
des fleurs écrasés un tems beaucoup plus
long 3 telles vont jusqu’à plusieurs mois) mais
nous développerons à leur article les causes
de ce procédé.
11 y a telle infusion qui exige que les subs-
tances que l’on fait infuser demeurent dans
leur entier 5 dans le plus grand nombre des
circonstances il est essentiel qu’elles soient
incisées ou concassées : toute infusion doit
être faite dans un vase qui ne soit pas entiè-
rement plein , mais qui soit exactement bou-
ché. Sitôt que l’on juge que l’infusion a suffi-
samment duré , il est de première nécessité
de séparer les ingrédiens qui ont infuse 3 un
plus long séjour nuirait à la délicatesse du
parfum. Pour retirer plus commodément ces
ingrédiens, quelques artistes sont dans l’usage
de les mettre dans un nouet 3 c’est ordinai-
rement une toile d’un tissu peu serré , dans
laquelle ils sont enfermés d’une manière lâche,
et suspendue au milieu du fluide : on ne peut
disconvenir que cette méthode 11e mette obs-
tacle à l’exactitude de l’infusion : les ingré-
diens vers un point central , ne sont pas aussi
efficacement exposes a 1 action de ce fluide
que lorsqu’ils y nagent en liberté. Comme
on est dans l’usage de remuer de tems à autre
les vases oii se font les infusions , cette agita-
les liqueurs de table, etc. 07
*ion déplaçant et les molécules des ingrédiens
et celles du fluide , concoure nécessairement
à une extraction plus énei'gique que Ton dé-
sire : il faut donc , dans les cas où l’on met-
trait les ingrédiens dans un nouet , exprimer
ce nouet de teins à autre , et donner plus
de durée à cette opération.
L’infusion n’est pas toujours l’opération
préalable ; il y a des circonstances où elle
n’a lieu quaprès le mélange de la liqueur
faite , comme dans les ratafias 3 c’est qu’alors
les aromates sont l’accessoire ou l’assaisonne-
ment , tandis que dans les liqueurs propre-
ment dites ils font la base fondamentale.
Je ne dois pas quitter cet article sans faire
mention d’une espèce d’infusion beaucoup
plus preste et peut-ctre plus énergique; elle
consiste à jeter les ingrédiens aromatiques
tout concasses dans le sirop bouillant destiné
au mélange , et à 1 y laisser infuser jusqu’au
parfait refroidissement, la chaleur du fluide,
son état salin et ordinairement visqueux ,
concourant à extraire promptement les subs-
tances aromatiques et a les conserver.
Du Mélange.
Ayant dit, que toute liqueur était le résul-
58 l’art DK COMPOSER
tat d’un mélange d’esprit , d’eau et de sucre*,
chargés les uns ou les autres de substances
aromatiques , dont le nombre et les espèces
sont si multipliés , que ce serait chose inu-
tile que d’en exposer ici la nomenclature j il
nous reste à parler de la manière de procé-
der au mélange de ces trois ingrédiens. 11 est
rare que ce mélange se fasse à chaud , la cha-
leur pouvant exalter les parties aromatiques
qu’il est essentiel de conserver. Quelques-
uns se contentent de mettre dans un seul et
même vase les ingrédiens dans leur dose res-
pective , et de les agiter pendant plusieurs
jours, jusqu’à ce que le sucre étant fondu,
on ne doute plus que le mélange est parfait }
d’autres sachant que le sucre se résout d’au-
tant plus difficilement dans l’eau , que cette
eau est combinée avec l’esprit, prennent la
. # r
précaution de dissoudre leur sucre dans la
quantité d’eau qui doit entrer dans le mélan-
ge ; mais , soit que l’usage , soit que la réfle-
xion ait éclairé les liquoristes , ils se sont
aperçus que le sucre , fondu de ces deux ma-
nières, ne communiquait point aux liqueurs
ce velouté, cette saveur couverte qui en re-
cédant, pour ainsi dire, celle de l’esprit, rend
les liqueurs plus savoureuses, plus délicates,
et plus Unes; c’est qu’en effet, par la simple
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 09
solution à froid du sucre dans l’eau , chacune
de ses molécules peut bien être rendue fluide)
ruais le fluide dans lequel elles nagent n’en
est pas uniformément chargé , et , d’autre
part, quelles que soient les parties consti-
tuantes du sucre, elles ne sont pas divisées,
développées, comme il paraît qu’elles le sont
dans la troisième méthode que nous allons
décrire.
On prend la quantité de sucre qui doit en-
trer dans une dose de liqueur, et la quantité
d’eau qui y est prescrite ) on les met dans une
bassine bien propre , et on leur fait prendre
ensemble un bouillon ou deux : il s’en faut
de beaucoup que , dans la plupart des cas ,
le liquide qui en résulle puisse être appelé
sirop , si l’on ne doit donner ce nom qu'aux
liqueurs chargées de deux parties de sucre ,
contre une de fluide ) mais, par une exten-
sion très-permise , quelle que soit la consis-
tance de ce fluide , les liquoristes l’appellent
leur sirop. Lors même que l’on prend de la
cassonade au lieu de sucre, comme on doit
la choisir blanche , il est très-rare qu’il faille-
la clarifier au blanc d’œuf ; comme le total
doit être filtré, la clarification deviendrait
une opération superflue, qui pourrait même
détruire un peu de la viscosité du sirop.
4° l’art de composer
Ce sirop une fois fait, on le laisse à demi
refroidir , pour le verser dans le vase où est
déjà la dose d’esprit aromatique : aussitôt le
mélange fait, on bouche le vase , et on l’agite,
de tems en tems , jusqu’à ce que le tout pa-
raisse intimement combiné. Ici commence
une diversité singulière entre les différens ar-
tistes ; les uns filtrent leurs liqueurs après
deux ou trois jours de digestion au plus; les
autres la laissent digérer un plus long-tems.
On appelle digestion , en termes de liquoristes
et de pharmaciens, le séjour d’une liqueur
toute faite dans des vases assez grands pour
que cette liqueur ne les emplisse point. Quel
que soit le mouvement intestin qui se passe
dans cette circonstance, toujours est-il cer-
tain que les liqueurs y acquièrent une finesse
singulière, et surtout une uniformité de sa-
veur , qui concourent à*leur agrément. D’au-
tres, au contraire, ne filtrent les liqueurs
qu’après les avoir laissé digérer : ils croient
que , par ce moyen , les esprits se dissiperont
moins dans la filtration, et que cette dernière
opération assurera un mélange qui se rafine
toujours mieux dans un grand vase que dans
plusieurs petits. Comme la première méthode
n’a pas d inconvénient , et que la seconde pa-
raît seulement plus conforme à la saine phy-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. /fl
sique, sans blâmer absolument la première t
je ne dissimulerai pas que la seconde mérite
la préférence.
C est après le mélange fait , et avant la fil-
tration, qu’un bon liquoriste doit bien exa-
miner sa liqueur , pour voir si Je résultat en
est aussi parfait qu’il le désire 5 il doit toujours
avoir dans son laboratoire une provision de
matières propres à y faire les corrections qu’il
jugera nécessaires. Il lui est facile , en con-
séquence, de remédier aux inconvéniens qu’il
pourrait y rencontrer* ainsi, par exemple ,
s il ne croit pas sa liqueur assez aromatique ,
il lui est possible de faire infuser quelque peu
des ingrediens propres à cette liqueur 3 la
croit -il au contraire trop aromatique , une
nouvelle dose d’eau-de-vie et de sucre, en al-
longeant celle qu il a déjà faite, étendra la
partie aromatique. 11 en est de même pour
i état plus ou moins spiritueux , et pour la
sa\eur plus ou moins sucrée. Une pratique
absolument condamnable est celle de faire du
mélange dans la bassine où a cuit le sirop ;
ces sortes de vases présentent trop de sur-
face, et la première chose qui s’évapore est
toujours 1 esprit. Le mélange une fois fait et
parfait, digéré ou non, suivant l’idée du li-
quoriste , il procède à sa filtration.
De la Filtration.
S’il est essentiel que, pour être agréable ,
une liqueur soit exactement dosée dans les
proportions de son aromate , de sa partie spi-
ritueuse, et du sucre qui combine le tout en-
semble 5 il n’est pas moins essentiel, pour la
satisfaction de ceux ou qui vendent ou qui
consomment les liqueurs, qu’elles soient de
la plus exacte limpidité.
J’ai déjà indiqué dans un chapitre précé-
dent, que toutes les fois qu’on en avait le
loisir, le simple repos suffisait pour procurer,
à la longue il est vrai, la plus belle limpidité
que puissent prendre les liqueurs; mais tou-
tes les liqueurs n’en sont pas susceptibles, et
tous les artistes n’ont pas la commodité de
mettre ce procédé en usage. Toutes celles ,
par exemple, qui portent le nom d’huiles,
sont un trop long tems à s'éclaircir; et l’on ne
prévoit pas toujours, à moins qu’on n’en soit
consommateur comme marchand , les tems
éloignés où l’on aura besoin d une liqueur ;
ceux-ci même peuvent être surpris par un
débit trop prompt, ou 11e pouvoir pas , quoi-
que bons artistes d’ailleurs , faire de grosses
avances, ouïes faire pour des tems trop re-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 4^
culés. En vain quelques-uns ont imaginé d’ac-
célérer la clarification de leurs liqueurs , en y
ajoutant des précipitans , tels que l’alun , la
colle de poisson , ou les blancs d’œufs. Ces
intermèdes ont , d’une manière plus ou moins
marquée, le désavantage d’influer sur la sa-
veur ou sur la couleur des liqueurs ainsi cla-
rifiées.
Le plus expédient, le plus à la main de
chaque artiste , le moins sujet à inconvénient,
de tous les moyens de concilier aux liqueurs
cette limpidité désirée , a donc été la filtra-
tion , ou l’action de faire passer un liquide à
travers un tissu suffisamment serré, pour que
toute espèce d’hétérogénéité y fût retenue ,
et qu’il ne passât que le fluide extrêmement
limpide. 11 s’est présenté plusieurs moyens
de remplir cette intention : ce sont le coton,
le papier et les étoffes de laine.
Mais il n’est pas indifférent de savoir ou
quel intermède on préférera, ou comment
on procédera à la filtration.
Toutes les fois que la transparence n’est
troublée que parle mélange d’un esprit quel-
conque et d’un sirop , rien n’est plus aisé que
la filtration, parce que les matières qui lov-
chissent la liqueur , n’ont aucune adhérence
avec le liquide 3 c’est presque toujours un peu
44 l’art de composer
de terre / visqueuse à la vérité , qui se sépare
du sucre : mais lorsque l’opacité est due ou
à des matières huileuses extrêmement divisées,
ou à des substances résineuses , ou enfin à des
corps très - visqueux , la filtration devient
d’autant plus embarrassante , que ces matières
ont, d’une part, plus d’adhérence avec les
liquides dans lesquels elles sont , et que , de
l’autre , en se déposant sur le filtre , elles en
bouchent les pores d’une manière plus effi-
cace : de là les différentes pratiques usitées
même en employant le même filtre. Sans en
faire ici l’application à aucune liqueur parti-
culière , nous dirons, en général, que ces
intermèdes sont ou le lait dont on garnit le
filtre, surtout quand il est de coton ou d’é-
toffe de laine , ou les blancs d’œufs battus ,
ou bien encore la pâte d’amandes dont on a
retiré l’huile.
Le premier de ces intermèdes, en plaçant,
pour ainsi dire, entre les mailles du filtre
quelques portions de matières volumineuses ,
arrête les parties huileuses et résineuses , et les
empêche de se coller sur les pores : la pâte
d’amande saisissant , par son extrême séche-
resse, tout ce qui est huileux ou résineux, les
concentre en une seule masse, et les préci-
pite avec elle au fond de la chausse. Si ce
LES LIQUEURS DE TABLE, elC. 45
sont des matières visqueuses, comme elle a
la propriété d’absorber beaucoup d’humidité,
il en résulte que ces matières visqueuses per-
dent de leur viscosité , et rendent par con-
séquent plus facile à filtrer le reste du fluide;
enfin les blancs d’œufs fouettés remplissent
aussi la même intention , et conviennent par-
faitement dans les circonstances où il est à
craindre que la liqueur ne contracte une sa-
veur étrangère.
Mais v inconvénient presque indispensa-
ble de la filtration proportionnée au long
teins que dure cette opération, et à la surface
que présente le liquide eu filtrant, tel artiste
a cru remarquer qu’il devait uniquement à
la filtration la saveur mieux combinée de sa
liqueur, espèce d’avantage que procure réel-
lement la filtration ; mais il n’a pas fait atten-
tion que souvent il le devait aussi à l’évapo-
ration considérable de l’esprit, qui seul est
dans le cas de s échapper abondamment ; en
sorte que lorsque l’on vient à empêcher cette
évaporation, la liqueur se trouve toujours
plus spiritueuse qu’elle ne l’aurait été sans
cette précaution : on a imaginé pour cela des
entonnoirs de verre avec leur couvercle de
même matière ; d’autres ont fait faire des en-
îonnoirs’de fer-blanc pareillement garnis d’un
/fi l’art de composer
loua croie, ces deux instruments sont tres-avan-
tageux pour les cas où l’on filtre , soit au coton
ou au papier j niais comme toutes choses
égales d’ailleurs , la filtration à la chausse peut
équivaloir à ces deux premières méthodes ,
et a sur elles l’avantage de la plus prompte
expédition , et de pouvoir recevoir une plus
grande quantité de liquide à la lois , je vais
décrire ce moyen de liltrer a la chausse dans
un entonnoir.
11 est inutile de prévenir, que lorsque l’on
filtre avec des entonnoirs , ces instrumens se
doivent placer sur des cruches ou sur des
bouteilles d’orifice assez larges pour que
l’entonnoir enfonce jusqu’au tiers a peu près
de sa hauteur sans y comprendre la tige. La
raison de cette précaution est facile à sentir :
si l’entonnoir est vaste et qu’il ne soit posé
que par celte tige sur la bouteille , le plus
léger accident cassera facilement cette tige
si l’entonnoir est de verre , ou le renversera
de quelque matière qu’il soit.
Quant aux chausses , 1 usage est d en garnir
le haut de quelques boucles laites en ruban,
que l’on passe dans des baguettes pour les
poser à volonté, ou sur deux tréteaux , ou sur
le dos de deux chaises. D’autres ont encore
imaginé de monter ces chausses sur un cercle
LES LIQUEURS DE T AELE, etC.
ou sur un cadre de Luis , et de l’attacher à
une corde , qui elle-même passe à une poulie
fixée au plancher pour pouvoir hausser , bais-
ser et déplacer les chausses à volonté; mais
venons-en à l’appareil.
On place , à l’aide de quatre anneaux et d’au-
tant d ag rafles , une chausse tellement propor-
tionnée , que lorsqu’elle est placée et pleine de
liquide, i! y eut dans toutes les dimensions pos-
sibles un bon pouce de distance entr’clle cl l’en-
tonnoir : cette chausse doit être, par préféren-
ce , de l’espèce d’étofïe connue chez les mar-
chands merciers , sous le nom de basin à poil
croisé ; toute autre élotYe plus épaisse ou plus
mince serait incommode. Lorsque l’on veut
liltrer une liqueur, on prend la chausse et
on la plonge toute entière dans un sirop pareil
à celui qui a composé la liqueur : soit que
cette précaution remplisse le tissu du fil
d une substance capable de retenir les ma-
tières étrangères sans quelles bouchent les
pores de la chausse , soit que cette eau sucrée
agisse en dissolvant ces mêmes parties hui-
leuses ou résineuses, toujours est-il certain
que cette légère manipulation suffit pour
filtrer quelqu’espèce de liqueur que ce soit :
cette précaution prise , et la chausse mise dans
l’entonnoir , on eu place la pointe dans l’ori-
fiee d’une cruche , et Ton achève de boucher
cet orifice avec un linge : on verse dans la
chausse la liqueur à filtrer , on place le cou-
vercle sur l’entonnoir, et ori est dispensé de
veiller à la tiltration sans crainte d’aucun
risque, jusqu’à trois pintes par jour, dans
une chausse qui peut en contenir cinq.
Je viens de dire qu’on n’était pas obligé
de surveiller cette opération dans l’appareil
que je viens de décrire, parce que dans toute
autre espèce d’appareil, il arrive presque
toujours qu’on est obligé de changer de filtre :
le coton , parce qu’il se trouve surmonté d’un
limon trop épais pour donner issue libre à la
liqueur à filtrer 3 le papier, parce qu’il s’en-
duit de toute part d’un pareil limon, et les
chausses, parce qu’elles sont gorgées jusque
dans leurs tissus de ce même dépôt.
Les chausses de basin à poil , ou toute au-
tre espèce d’étoffe qu’on emploierait à cet
effet, doivent être soigneusement lavées sitôt
qu’elles 11e servent plus, en les laissant macé-
rer s’il le faut dans plusieurs eaux de suite ,
car il est dangereux de les passer au savon et
à la lessive 3 il en résulterait un mauvais goût
que rien ne pourrait leur enlever. 11 est avan-
tageux d’avoir di lïe rentes cluiusscs, non-seu-
lement pour les différentes espèces de li-
queurs ;
les liqueurs de table, etc. /,q
queurs , mais aussi pour ne pas filtrer dans
la même des liqueurs colorées et des liqueurs
non colorées. Lorsque les chausses ont été
bien lavées et séchées , il faut les conserver
soigneusement enveloppées dans du papier ,
pour empocher toute espèce de poussière de
s y déposer.
Je ne dirai rien ici de Ta nécessité où on
sc Douve assez souvent, de retirer les pre**
nnères parties filtrées , ou même de passer le
total du liquide filtré par une seconde chausse,
pour lui concilier toute la limpidité possible.
Je ne parlerai pas non plus d’intermèdes
plus singuliers qu usités , tels que la mousse ,
les éponges, etc. 11 nous suffit d’avoir exposé
dans le plus grand détail les différentes mani-
pulations , connues , et nécessaires à l’art du
liq uoriste , et d avoir essayé de développer
les raisons précises qui doivent faire préférer
les unes aux autres.
Nous passons maintenant à la composition
immédiate des différentes espèces de liqueurs
connues.
Be la Coloration artificielle des liquides .
Dans tout ce qui précède , on a vu des
liquides , ou colorées naturellement, comme
D
5o l’art de composer
sont celles qui résultent des sucs des fruits ,
fermentés ou non , ou des liqueurs légale-
ment colorées en jaune par 1 infusion de
substances sèches , ou enfin des liqueurs, qui
résultantes de la distillation , sont absolument
incolores ) chacune de ces trois classes de
liqueurs , considérées sous ce point de vue ,
présente au liquoriste des observations im-
portantes.
Nous avons déjà fait mention de l’altération
que souffraient à la longue les liqueurs colo-
rées en rouge par les sucs (les Iruits. Jus-
qu’ici , le liquoriste ne connaît aucun expé-
dient pour remédier à cet accident : il est
meme démontré , que quelques moyens qu’il
essaie , il ne fera qu’altérer de plus en plus
la couleur de la liqueur , bien loin d’y remé-
dier. Quant aux liqueurs que l’infusion a co-
lorées en jaune , elles sont susceptibles en
vieillissant de se foncer de plus en plus , et
elles peuvent recevoir quelques couleurs arti-
ficielles , qui rendent leur première colora-
tion plus agréable ou même qui la changent
entièrement.
Pour ce qui est des liqueurs absolument
incolores , elles se prêtent à toutes les colo-
rations que l’artiste peut imaginer. Avant de
détailler quels sont ces moyens de coloration,
LES LIQUEURS DE TABLE; et C. ?!
il faut jeter un coup d’œil sur la cause géné-
rale qui altère les couleurs naturelles ou artifi-
cielles de nos liqueurs 3 elles sont composées
d’une liqueur spiri tueuse, d’une autre liqueur
phlegmatique et de sucre : la première de ces
liqueurs contient évidemment une substance
saline , de nature acide , puisque les teintures
violettes , melees a 1 esprit-de-vin, tournent
au rouge : d’autre part , le sucre une fois
résout, est susceptible de fermentation, lente
à la vérité dans le cas dont il s’agit ; et si d’une
pai t celte fermentation concourt à la plus
grande perfection des liqueurs , elle ne peut
de 1 autre , avoir lieu sans que les substances
salines qui se meuvent dans cette circons-
tance , ne rougissent sur les parties colorantes.
Ces considérations préliminaires rendent rai-
son de la variété singulière que l’on remarque
dans la vétusté des liqueurs, relativement à
leur coloration : si l’on ajoute à cela , l’état
d<*ja colore de 1 eau-de-vie , que certains ar-
tistes préfèrent à cause de la vétusté , il sera
aisé au liquoriste le moins intelligent de ren-
dre raison de toutes ces variétés. 11 nous suf-
fit de les avoir exposées , de manière à prou-
\er aux incrédules, que l’art le plus indiffé-
rent en apparence peut cependant mériter les
regards du physicien et du chimiste. Il nous
D a
52 l’art de composer
reste à dire , comment le liquoriste s y prend
pour donner à ses liqueurs des couleurs aiti-
fîcielles. Une petite charlatanerie , imaginée
pour faire varier , au moins par le nom , la
meme espèce de liqueur , a pu donner nais-
sance à ccs differentes colorations : les puis
usitées sont la couleur jaune , depuis l’état le
plus délayé, jusqu’au jaune foncé 5 les diflé-
rentes rouges , le violet et le vert.
Pour concilier la couleur jaune , il n y a
que deux substances qu 011 puisse légitime-
ment employer , le caramel et le sali an.
Le caramel est du sucre qui ayant peidu
son humidité , commence à se décomposer.
Le point essentiel du liquoriste est , que sa
torréfaction ne soit pas poussée au point de
donner de l’acre te , ni meme de lameitums
au caramel. On delaie dans une quantité
d’eau , dont 011 ajoute dans la liqueur faite ,
ce qu’il faut pour concilier la nuance jaune
que l'on désire. Cette substance donne tou-
jours un jaune obscur, et la liqueur colorée
avec elle est sujette à brunir. Le safran , dont
la description serait déplacée ici , et qu il no
faut pas confondre avec le curcuma dont nous
allons parler ; le safran donne une couleur
jaune dorée , soit qu’011 l’infuse dans l’eau
ou dans l’esprit-dc-vin 5 cette double pro-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 53
priété rend son usage beaucoup plus com-
mode , en ce que la couleur qui en résulte
est moins sujette à altération , puisque l’acide
de l'esprit-de-vin ne fait autre chose que de
développer sa couleur : on fait donc dans
1 une ou l’autre de ces liquides une forte in-
fusion de safran, et l’on s’en sert comme du
caramel pour donner aux liqueurs le jaune
d huile d’olive et toutes les nuances plus mar-
quées : le safran serait sans reproche, s’il était
possible de lui enlever sa saveur, qui n’est
pas du goût de tout le monde , c.t qu’on ne
peut méconnaître , quelque faible que soit
la dose.
Le curcuma ou safran bâtard est employé
par certains liquoristes , qui imitent en cela
les teinturiers : ces derniers retirent deux
couleurs du curcuma , une première qui est
jaune, mais très-passagère, et une seconde
qui est d’un rouge assez vif, que l’esprit-de-
vin altère très-promptement. Outre ces deux
inconvéniens , le curcuma est dangereux à
employer dans des liqueurs , par une pro-
priété purgative qu’il développe sur une in-
finité de tempéramens : peut-être ne sera-t-
on pas fâché à cette occasion de la digression
suivante :
Un navire marchand, chargé uniquement
54 l’art de composer
de curcuma , se disposant à entrer dans le
port du Havre , échoua à la rade 3 les pé-
cheurs qui revinrent quelque teins après ,
vendirent leurs poissons suivant l’usage : tous
leshabitans furent attaqués d’une dyssenterie
fort incommode. On remarqua que toute la
mer, depuis la rade jusqu’au port , était jaune 3
et sans la précaution que l’on prit d’interdire
la pêche , jusqu’à ce que l’eau de mer eût re-
pris sa couleur naturelle , il est certain que
toute la ville eût été très-inconnnodée d’une
épidémie qui aurait pu alarmer.
La couleur rouge se concilie aux liqueurs
avec beaucoup de substances 3 mais la coche-
nille et le bois de Fernambouc paraissent être
les deux que l’on préfère : il n’est guère pos-
sible d’employer l’une et l’autre de ces subs-
tances , sans y mêler un peu d’alun qui fixe
et développe la nuance. Le Fernambouc est
sujet à jaunir très-promptement 3 on met la
cochenille immédiatement dans la liqueur
avant de filtrer. Ce n’est pas qu'en toute ri-
gueur on ne puisse se servir avec avantage
d’une teinture de cochenille préparée sépa-
rément; mais, et nous le disons ici une fois
pour toutes, il est essentiel de filtrer les li-
queurs après leur coloration , pour donner à
la couleur un œil plus vif. Si , au nombre des
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 55
substances colorantes en rouge , 11 n’a été
question ici ni de l’orcanète , ni du roucou ,
ni du tournesol , ni du coquelicot , c’est que ,
quoique ces substances paraissent faire rouge
■d’abord, elles tournent davantage au violet;
ce sont même elles , et surtout le tournesol ,
qu’on met en usage pour cet effet. Pour dire
la vérité, les liqueurs colorées en rouge, sur-
tout lorsque la nuance est extrêmement faible,
car avec la cochenille , on peut donner la cou-
leur de lie de vin , la couleur de grenat , la
couleur vive du grenat , et enfin toutes les
nuances du beau rouge ; au lieu qu’avec les
autres ingrédiens colorans, les couleurs sont
toujours susceptibles de destruction. 11 est
très-rare que l’on veuille donner à des li-
queurs la couleur verte, mais enfin on y par-
vient en mettant ensemble de la teinture de
tournesol et de ,1a teinture de safran , ou bien
du sirop de violette avec cette même teinture
de safran.
Maintenant que nous avons développé ,
dans leur première simplicité , quelles sont
les matières colorantes, et leurs effets pour
les liqueurs , il est aisé de concevoir comment,
entre les mains d’un habile artiste, la même
liqueur pourra être diversifiée, en ne la con-
sidérant ({ue du coté de la couleur; si on
/
56 l’art DE COMPOSER
ajoute à cela ce que nous avons dit sur la dif-
férente proportion de sucre qui peut entrer
dans la meme liqueur ; si ensuite on considère
que sans rien ajouter ni ôter des ingrédiens
aromatiques ou odorans, on peut seulement
en varier les proportions, on sentira aisément
que les memes substances peuvent fournir un
nombre infini de liqueurs différentes en ap-
parence , et dont la dénomination dépendra
du caprice et de l’industrie de celui qui les
aura composées.
PRINCIPES PARTICULIERS
o u
RECETTES.
DES PRODUITS DU RAISIN NON FERMENTÉ (i).
Baisiné,
Ce nom convient particulièrement à une
espèce de marmelade assez agréable qu’on
prépare dans tous les cantons vignobles, avec
le suc, la pulpe et la peau des raisins non fer-
mentés, les plus mûrs, les plus sucrés et les
plus parfumés 3 on y ajoute souvent d i fié -
rens fruits, des racines potagères et des aro-
mates 5 mais jamais, du moins au midi de
(.i) Cet article est de M. Parmentier.
I
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. ^
l’Europe, du miel ou du sucre 3 ces deux
condimens qui, comme on sait , constituent
toutes les autres confitures, sont remplacés
dans ces contrées par le mucoso-sucré des
raisins eux-mêmes, qui, dans les pays chauds
et dans les années sèches, sont abondamment
pourvus de ce principe.
On présume bien que la préparation du
raisiné doit être aussi ancienne que l’art de
faire le vin 3 on la trouve décrite dans nos pre-
mières pharmacopées, sous différons noms :
c’était la confiture de nos bons aïeux 3 elle est
encore du goût de toutes les classes de la so-
ciété , et tellement nécessaire , que , dans les
lieux les plus éloignés des cantons vignobles ,
leurs habitans en font avec les fruits à pépins
et à noyaux , en y employant pour véhicule ,
au lieu du moût de raisin , le suc de pommes
et de poires récemment exprimé , c’est-à-
dire , le poiré et le cidre doux.
La consistance du raisiné varie depuis l’élec-
tuaire jusqu’à celle d’un sirop ; dans ce der-
nier état, il est facile de le délayer dans l’eau,
pour en faire des boissons édulcorées : les ha-
bitans de l’Archipel paraissent meme conti-
nuer de préparer ceite espèce de raisiné li-
quide 3 car M. Boudet , pharmacien en chef
de l’armée d’Orient 3 a trouvé , dans les ma-
58 l’art de composer
gasins d’Alexandrie 5 des bouteilles de terre ,
d une forme agréable , qui en étaient rem-
plies ; elle avait la consistance de la mélasse.
On en compose aujourd’hui en Egypte une
espèce de sorbet.
Sans vouloir rappeler ici tous les avantages
qu’on peut obtenir du raisiné , nous nous bor-
nerons aux principaux. On sait d’abord que
les élémens dont il est composé sont élaborés ,
combinés et mélangés de manière à présenter
tous les caractères d’une confiture agréable ,
et à mettre , pendant un certain tems , à
1 abri de la fermentation , l’extrait , la gelée ,
et la pulpe des fruits.
Dans les années où les fruits à noyaux
manquent, lorsque les ménagères les plus
diligentes ne peuvent s’occuper de faire leurs
provisions en gelées, en marmelades , et que
la saison a été favorable au raisin, ce dernier
offre le moyen de remplacer ces confitures ,
et ce remplacement produit en même tems
une grande économie sur le. sucre, qui n’en-
tre point dans le raisiné, à moins que ce ne
soit dans les années humides, à l’ouest et au
nord de la France , où la vigne réussit , lors-
que les raisins sont verts; car nous sommes
loin de croire que ce condiment puisse, en
aucun cas , préjudiciera la qualité du raisiné ;
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 59
quand il était à un prix peu élevé, son addi-
tion ne formait pas une augmentation de dé-
pense sensible , mais ce prix étant triplé au
moins, et le sucre étant devenu pour la France
une matière en quelque sorte exotique , tous
les eiforts de l’industrie doivent tendre à en
restreindre la consommation. Le raisiné qui
en contiendrait une certaine proportion ces-
serait d’ailleurs d’être considéré comme une
confiture populaire 3 il 11’y en aurait plus à la
portée de toutes les fortunes , les gens aisés
seuls pourraient y atteindre.
Je sais qu’il est au pouvoir de l’art de cor-
riger la mauvaise qualité des vins et de les
améliorer considérablement , par l’emploi du
Sucre et du miel ajoutés avant la fermenta-
tion , et qu’à l’aide de ce moyen 011 peut
aflbiblir leur trop forte acidité 3 mais très-
heureusement le raisin des années favorables
à la vigne n’a besoin nulle part de ce secours.
Augmenter les fabriques de raisiné , dimi-
nuer, pour le présent et pour l’avenir, la
consommation du sucre , c’est concourir à
l’intérêt général et particulier.
Choix des Fruits pour le Raisiné.
Si les différentes espèces de raisins ne cou-
6o
l’art de composer
viennent pas à la cuve, tomes sont également
bonnes pour la confection du raisiné 3 plu-
sieurs d entr’elles sont si abondamment pour-
vues du principe mucoso-sucré , qu’il faut
nécessairement leur ajouter des fruits pul-
peux , apres , acerbes , mûrs ou non mûrs ,
et des aromates pour en relever la trop grande
fadeur 3 tandis que d’autres exigent, suivant
le climat et la saison , l’addition d’un peu de
miel, de mélasse ou de cassonade , pour mas-
quer leur excès d’acidité.
Car toutes les années ne sont pas aussi fa-
vorables a la qualité et à l’abondance comme
celle-ci, qui fera époque dans le siècle pour
la quantité et la grosseur des grappes , pour
le volume et la maturité des grains 3 aussi le
raisin des départemens septentrionaux , com-
munément moins savoureux , se trouve-t-il
presque aussi sucré que la meme espèce pro-
venant du ci-devant Dauphiné et de la Bour-
gogne, et le raisiné qui en résultera pourra
braver facilement des années entières. L’alté-
ration qu’il éprouve à mesure qu’il vieillit ,
c’est de se candir ou de se liquéfier 3 dans
le premier cas , on le décuit au tems de la
vendange , avec de nouveau moût 3 dans le
second , an contraire , on l’expose un peu au
feu. C’est ainsi qu’on peut rajeunir sa pro-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 6l
vision , et la mettre encore en état de passer
l’hiver.
On remarque que , dans les contrées mé-
ridionales , où l’on fait ordinairement plus
de raisiné qu’ailleurs , les raisins reconnus
comme les plus propres à cette préparation,
sont : le muscat blanc, le muscat rouge et le
chasselas. Ils y parviennent à une maturité
si parfaite , et contiennent une si grande
quantité de principe sucré , que les vins qu’on
obtient de la décomposition de ce principe
fournissent à la distillation jusqu’à un tiers
de leur poids d’une eau-de-vie riche enalcool ;
à Montpellier , c’est le raisin blanc ou noir;
dans les départe mens plus septentrionaux ,
c’est le franc-pineau ou le maurillon noir qui
est la variété la plus estimée pour ce genre
de confiture.
Mais pour cueillir le raisin destiné à faire
le raisiné , il faut attendre sa parfaite matu-
rité , ne le récolter, autant que possible , que
par un tems sec et un soleil ardent ; avoir
soin surtout.de l’cgrapper et de le monder
exactement , vu que quelques grains gâtés et
un brin de rafle suffiraient pour préjudicier
à la saveur gracieuse du raisiné.
Lorsqu’on jouit encore , après la vendange,
de quelques rayons de soleil , et qu’il n’y a
62
l’art de composer
rien a redoute]’ de la part des oiseaux et des
insectes , il serait utile d’en profiter pour lais-
ser plus long-tems Je raisin sur le cep 3 dans
le cas contraire , il faut le rentrer à la mai-
son, et l’exposer sur la paille, comme pour
en faire le vin de liqueur de ce nom. Ou
parviendrait par ce moyen à diminuer les
irais de l’évaporation , à tenir moins long-
tems exposé à l’action du calorique le raisiné,
qui alors donne un résultat plus abondant ,
moins coloré et d’une saveur plus agréable.
Ce conseil, à la vérité, que je donne aux
ménagères qui ne dédaignent point de. pré-
parer elles-mêmes le raisiné de leur consom-
mation, ne. pourra jamais devenir la règle
de ceux qui en font une branche de com-
merce , qui visent particulièrement à la quan-
tité et au bon marché. Mais chaque chef de
famille, dans quelque position qu’il se trouve,
peut, à l’aide de quelques ceps, obtenir sa
confiture annuelle à tel degré de bonté qu’il
voudra.
Le raisiné ne consiste pas toujours dans le
suc de raisin plus ou moins rapproché par
l’évaporation; on y fait Souvent entrer des
fruits à pépins, des fruits à noyaux, selon
les ressources locales; dans le nombre des
meilleurs , sont les poires et les coings, puis
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. 65
les pommes , enfin les prunes ; mais il faut
que ces fruits soient âpres et austères , pour
en relever la saveur trop douceâtre.
D’après ces observations rapides , le bou-
vard , le martin sec , la lampe , le rnesstre-
jean , s’allient très-bien avec les élémens du
raisiné. Comme ces espèces n’existent pas
toujours en quantité suffisante, on emploie
séparément la poire de vigne de la Norman-
die , le catïllac et le grossin ; ces derniers
ont beaucoup plus d’âcreté. Enfin, la prépa-
ration du raisiné fournit l’occasion de tirer
parti des fruits tombés avant la maturité ; il
suffit alors de les cuire d’avance, de les mettre
en marmelade , et de les conserver dans cet
état jusqu’à la vendange.
Les fruits extrêmement sucrés , succulens ,
d’une pulpe mollasse, parvenus à leur point
de maturité, sont peu propres à la confection
du raisiné ; ils perdent pendant la cuisson,
les avantages qu’ils avaient étant crus, et pa-
roissent, après l’avoir subie, plutôt décom-
posés que perfectionnés.
Les poires , les pommes et les prunes ne
forment pas toujours la base du raisiné 3 on
y fait entrer le potiron, des côtes de melon
qui n’ont pu mûrir ; les racines sucrées , telles
que la carotte. Mais ce n’est pas seulement la
G/j- l’art de composer
qualité des fruits , leur proportion et l’état de
maturité où ils se trouvent , qui concourent à
la perfection du raisiné. Le procédé dont on
se sert pour opérer leur combinaison et leur
cuisson, n’a pas moins d’influence sur la qua-
lité et le prix auquel il revient ; il est donc
nécessaire que cette préparation, toute simple
quelle paraisse , soit méthodiquement gou-
vernée.
Quoique ce soit une coutume assez uni-
versellement suivie dans les cantons vignobles
du midi , de faire à la maison , la provision
de raisiné pour l’hiver, toutes les ménagères
ne connaissent pas à fond le véritable pro-
cédé pour le bien faire. Elles ne font pas assez
attention que les raisins les plus sucrés et les
moins aqueux n’exigeut pas autant d’évapo-
ration , et vice versâ. La plupart font trop
de feu , et poussent trop loin la cuisson ; à la
longue il s’épaissit; d’autres restent en deçà ;
alors il se ramollit , il s’en sépare un sirop ,
une mélasse , et finit par s’aigrir vers la fin de
l’hiver , surtout lorsque la saison est douce
et humide. 11 est donc d’une nécessité indis-
pensable d’assujétir cette préparation à des
règles dont on 11c doit s’écarter que le moins
possible.
Procède
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 65
Procédé pour la préparation du Raisiné.
r J i- - • l.y ' * * i- < « : V ' ‘ . >
Une règle générale à établir dans la con-
fection du raisiné -, quelle qu’en soit la con-
sistance , c’est d’y procéder en deux tems,
et d’avoir soin , dès que le liquide épanché est
réduit aux deux tiers, de le passer tout chaud,
de le distribuer dans des terrines non ver-
nissées , et de l’y laisser jusqu’au lendemain
malin 5 alors on ramasse , à la faveur d’une
écumoire , la pellicule saline qui en recouvre
la surface et on décante la liqueur j ce qui
est cristallisé au fond du vase et à la super-
ficie , n’est autre chose que des cristaux de
tartre , dont la séparation est un moyen de
diminuer l’acidité trop marquée du raisiné
préparé dans les cantons septentrionaux > et
peut-être de sa disposition laxative : car il y
a tout lieu de présumer que c’est à la pré-
sence du tartre et au corps muqueux que con-
tient le suc du raisin , qu’est due la propriété
qu’a ce fluide de relâcher ; propriété qu’il
perd en passant à l’état de vin , attendu que
la fermentation a converti l’un en alcool , et
a précipité une grande .partie de l’autre dans
la lie. --o-j . ' -
**• * * i » J *J I l) } f , . 4 « f
En séparant ainsi du suc de raisin évaporé
E
l’art DE COMPOSER
jusqu’aux deux tiers , la quantité de tartre qui
ne peut plus rester en dissolution , on aug-
mente d’autant la puissance du sucre qui,
n’ayant plus à masquer l’acidité , devient
beaucoup plus sensible soit dans le raisiné ,
soit dans le sirop , soit dans le vin cuit et les
liqueurs qu’on en prépare.
Une autre condition pour rendre le raisiné
aussi parfait qu’il est possible , c’est que ,
quand il s’agit de faire entrer dans sa compo-
sition des fruits ou des racines, il faut toujours
que les uns et les autres soient mondes de
leurs peaux , de leurs pépins et de leurs
écorces , et ne les ajouter à la liqueur que
quand elle a été amenée , par l’évaporation y
à la consistance de sirop , qui se décuit bien-
tôt , et conserve la fluidité necessaire pour
favoriser son action sur les fruits , operei leur
ramollissement, leur cuisson et leur combi-
naison , de manière à former une marmelade
égale et homogène.
Üne troisième et dernière condition , c est
de remuer , sans discontinuer , le liquide com-
posé , et de faire en sorte que la chaleur soit
très-modérée : peut-être seroit-ii prudent de
n’achever la cuisson du raisiné quà la tem-
pérature du bain-marie, comme on a la
louable habitude de le faire dans nos labora-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 67
toires , pour les extraits , et alors , il y aurait
infiniment moins de risques à courir pour
le brûler.
La nature des vaisseaux dont on se sert
pour préparer le raisiné mérite aussi quelques
considérations. O11 s’est plaint, dans quelques
endroits , que son usage avait occasionné des
coliques. En supposant que ces plaintes soient
fondées , 011 parerait toujours à cet inconvé-
nient, en n’employant à sa préparation que
des vases de cuivre jaune ou de cuivre rouge,
parfaitement étamés, afin d’empêcher que la
liqueur, qui a toujours un caractère éminem-
ment acide , n’exerce sur le métal vénéneux,
une action marquée et n’en dissolve quel-
ques parcelles. M. Chaptal a dit avoir vu à
Montpellier , mettre des clefs de fer dans
la chaudière , pendant la cuisson du raisiné 5
elles étaient toutes rouges quand on les en
retirait. Les méthodes les plus généralement
adoptées pour préparer les confitures dont il
s’agit , se trouvent insérées dans le supplément
du Cours complet d’ Agriculture , au mot
raisiné.
E 2
68
i/art de composer
Observations sur les phénomènes qui s’opè-
rent dans le Raisiné.
Comme les autres marmelades de fruit , le
raisiné présente dans sa confection, plusieurs
phénomènes auxquels on n’a pas fait assez,
d’attention , parce que cet ordre de prépara-
tion est devenu le domaine particulier d’un
art qui, se trouvant séparé de la pharmacie }
n’a pas encore mérité , de la part des savans,
une étude approfondie.
Les fruits dont ces marmelades sont com-
posées y ont éprouvé des changemens nota-
bles dans leur saveur et dans leur couleur ,
quelle en est la raison ? Nous croyons la trou-
ver dans la décomposition que les parties
constituantes du fruit ont subie par l’action
du calorique et par la nouvelle combinaison
qu’elles ont formée avec l’eau , combinaison
qui , par cela quelle est dilïérente de 1 an-
cienne , doit exercer des effets différens sur
les organes 5 nous ferons même à cet égard
une observation , c’est que la saveur sucrée
d’un fruit , d’une semence ou d’une racine
11’est pas toujours en raison de la quantité de
mucoso-sucré que ces parties des végétaux
renferment } et que , dans cette circonstance ,
LES LIQUEURS DE TABLE-, etc. 69
il arrive , par les mélanges et. les modifica-
tions que produit la cuisson, une appropria-
tion à la saveur sucrée.
Si les feuilles des plantes perdent , par une
simple dessiccation à l’air libre , une partie de
leur vertu 3 si les fruits et. les racines devien-
nent coriaces et beaucoup moins sapides par
ce moyen , on est en droit de conjecturer
que la chaleur douce qui a produit la dessicca-
tion de ces parties des plantes n’a pu enlever
que leur humidité surabondante 3 si la culture
leur donne une saveur nouvelle , que ne doit
pas faire sur elles l’action de la chaleur por-
tée au point de mettre l’eau qu’elles contien-
nent en ébullition, qui a alors un degré supé-
rieur à l’eau bouillante ? Cette action pro-
duit nécessairement l’effet remarqué 3 on ne'
peut pas attribuer à une autre cause la dif-
férence sensible qui existe entre les plantes
potagères et légumineuses , considérées dans
leur état de crudité , de dessiccation et de
cuisson.
Mais comment cette combinaison nouvelle,
produite dans les fruits par la chaleur de
l’ébullition, s’altère -t-elle en y restant ex-
posée au delà du terme convenable ? Elle
éprouve le sort de toutes les combinaisons
70 l'art DE COMPOSER
végétales ; elle subit nécessairement et suc-
cessivement diverses modifications, a mesure
que le calorique lui enlève quelques-uns de
ses principes; de là les soins à prendre pour
ménager l’évaporation des marmelades , et
pour saisir le degré de leur cuite , le point
où elles sont le moins altérées possible. Aussi,
en raffinant le sucre évite -t- on de l’exposer
à un feu trop fort , qui lui ferait éprouver
une décomposition partielle, augmenterait la
quantité de son eau-mère , et lui donnerait
cet état que l’on appelle gra isser ; on se garde
donc de pousser trop loin la cuisson.
•Lorsque ces marmelades ne sont pas suffi-
samment cultes , qu’elles s’altèrent en vieillis-
sant dans une atmosphère humide , pourquoi
tournent-elles à l’aigre sans avoir éprouvé la
fermentation spiri tueuse ? C’est parce que ,
manquant des conditions sans lesquelles cette
fermentation n'a pas lieu et ne peut changer
le sucre en alcool , le mouvement qui la rem-
place agit d’abord sur les substances autres
que le sucre, plus disposées à être différem-
ment altérées. En effet, nous voyons que la
fermentation spiritucusc ne s’établit dans le
suc des fruits que lorsque les parties fluides
abondantes en principe doux cl sucré en sont
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 71
extraites et ont la liberté d’agir les unes sur
les autres avec le concours d’un certain degré
de chaleur.
Car l’humidité et la température sont deux
causes suffisantes pour que , sans le concours
de l’air et de la lumière , la fermentation
s’établisse : 011 sait que beaucoup de vins et
d’autres liqueurs fermentent dans des vais-
seaux très-bien bouchés, à l’abri du contact
de l’air et de la lumière.
Cette opération , considérée comme une
action et une réaction chimiques de la part
de plusieurs principes les uns sur les autres ,
peut s’exécuter par la seule force de la ten-
dance de tous les corps à la combinaison ■ du
vin qui a déjà fermenté peut fermenter une
seconde fois , si on le renferme dans une
bouteille entourée de papier noir , si on y
mêle du mucoso-sucré , et s’il est exposé à
une température de douze degrés , au dessus
de zéro. La preuve la plus certaine que cette
opération chimique a été bien exécutée, c’est
qu’en débouchant Je vase au bout de quelque
tems , on voit une quantité considérable d’a-
cide carbonique gazeux se dégager, produit
qui n’est dû qu’à la destruction de la matière
mucoso-sucrée. Le contact de l’air ne fait
donc ici que favoriser ce dégagement , sans
7 2 l’art DE COMPOSER
concourir à la forinalioii cle ce combiné. Si
ce gaz très-élastique n’était retenu par la force
du vase qui le contient et qui le comprime ,
il s’échapperait promptement. L’effort qu’il
fait continuellement pour se dégager étant
supérieur à la résistance du vase , celui-ci est
brisé avec fracas; donc, que ce gaz était pro-
duit antérieurement à l’époque où le liquide
a éprouvé le contact de l’air : il paraît donc-
plus exact de dire que le contact de l’air fa-
vorise le dégagement des diffère 11s gaz pro-
duits par la fermentation, que d’admettre
que la fermentation ne peut s’établir que par-
ie contact de l’air et de la lumière.
O11 sait que le raisin arrivé à maturité,
pourrit sur le cep , sans subir la fermentation
spiritueuse. Le jus des fruits y. est beaucoup
moins disposé, après qu’il a bouilli sur le
feu , parce qu’il a perdu , par l’ébullition ,
une partie de son ferment , lequel s'est séparé
sous la forme d’écume , et aussi quand il est
privé d’une trop grande quantité d’eau 3 le
suc de raisin conservé dans un lieu froid , se
clarifie sans fermenter, et offre bientôt à sa
superficie quelques points de moisissure; en-
lin, le miel et le sirop de sucre exposés dans
un endroit humide , éprouvent un mouve-
ment pareil à celui qui altère les confitures
LES LlÇUELRS DE TABLE, etc. 70
pcacuites : ils s’aigrissent l’un et l’autre comme
elles, sans avoir passé à la fermentation spi-
ri tueuse.
Cet exemple que nous venons île citer est
une nouvelle preuve de notre opinion sur la
fermentation spiritueuse. Dans le raisin , tel
qu’il existe sur la vigne , on doit considérer
un être jouissant d’une vie particulière, com-
posé comme tous les autres d’un système
d’organisation , où se trouvent des vaisseaux
de toute espèce, qui concourent à la nutri-
tion de l’individu , à son augmentation de
volume, en un mot, à sa perfection 3 si donc
tout est ici dans l’ordre naturel , ou si toutes
les parties organiques sont à leur place et
remplissent leurs fonctions , il est clair que la
fermentation ne pourra les déranger, qu’autant
que , par un accident quelconque, on vien-
dra à changer leur disposition , ;t les confon-
dre , et à en opérer le mélange pins ou moins
complet 3 alors , au milieu de celte confu-
sion , les ageus extérieurs exerceront leur
influence sur ces différentes parties, déter-
mineront, l’action intimé et réciproque de
chacune d’elles , et la loi de l’attraction n’é-
prouvant plus aucun obstacle , changera la
substance simple en composées binaires, ter-
naires, etc., et la désorganisation des corps,
1
74 l’art DE COMPOSER
en un mot , en sera le résultat; de sorte donc
que , toutes les fois que le raisin se pourrit
sur le cep , ce n’est pas toute la masse des
grains qui est attaquée à la .fois, c’est vers la
surface supérieure que l’altération commence,
elle devient successive et finit par déranger
tout le système, sans que la fermentation
alcoolique ait le tems de s’établir , et par ia
raison fort simple que toutes les parties se
désorganisent en particulier , et non dans
l’état de mélange.
11 arrivé également que le raisin entier
exposé au soleil , ou bien suspendu au plan-
cher du fruitier , pour le conserver toute
l’année , au lieu de fermenter , n’éprouve
d’autre altération que celle de la dessiccation
provenant de la perte d’une très-grande par-
tie de l'humidité; la fermentation 11e peut pas
s’établir dans ce cas , et moins facilement
meme que dans le premier , preuve que :
iü. toutes les fois qu’une substance fermen-
tescible perd une portion de l’humidité qui
doit concourir à produire ou à favoriser ce
mouvement, ce même mouvement est arrêté
ou détruit ; 20. que la perte de cette humi-
dité n’a rien dérangé à l’organisation inté-
rieure des grains de raisins , et. n’a produit
tout au plus que le rapprochement des par-
LEî. LIQUEURS DE T A B L E , etc. ^5
lies organiques , sans les diviser ni les con-
fondre 3 il est également facile de voir que
ce n’est pas du tout à la privation du contact
de l’air pour la matière renfermée dans la
pellicule des grains de raisins , que la fermen-
tation est retardée , car , par la même raison
que l’humidité intérieure s’évapore , ce qui
admet des pores sur cette pellicule , l’air ex-
térieur exerce une influence plus ou moins
marquée sur ce fruit , de même que la lu-
mière qui , comme on sait le traverse , puis-
qu’ds jouissent d’une lucidité assez marquée,
au moins les raisins blancs.
En admettant que la température de douze
à quinze degrés soit nécessaire , pour que la-
fermentation puisse s’exécuter , on ne peut
disconvenir , qu’une chaleur moindre , ou
qu’une température froide ne doive s’oppo-
ser à son établissement , la division et la dila-
tation des principes qui constituent le moût
n’étant pas portées assez loin, l’action chimi-
que ne peut s’exercer , et de là l'équilibre
qu’on observe dans le liquide 3 ces principes
sc séparent les uns après les autres , dans
l’ordre de leur gravité et l’attraction des par-
ties similaires , le muqueux se décompose à
la surface. , le tartre se précipite avec la ma-
tière colorante , le suc devient limpide , et
^6
l’art de composer
finirait meme par fournir la matière sucrée,
cristallisée , si on laissait détruire tout le mu-
queux qui l’enveloppe, en enlevant succes-
sivement les couches de moisissure qui se
forment à la surface de la liqueur.
Sirop de Raisiné.
Tl arrive souvent qu’au lieu de poursuivre
l’évaporation du moût jusqu’à la consistance
demi -solide, on s’arrête au moment où le
îiqujde a acquis l’état sirupeux , et il n’y a
pas de doute que celte préparation , à laquelle
on n’a peut - être pas donné une attention
assez suivie , trouverait encore son applica-
tion dans l’économie domestique.
L’art de concentrer le vin doux au moyen
du calorique, pour le conserver dans un état
liquide, était déjà connu et mis en pratique
chez les Lacédémoniens. Les Espagnols, après
avoir exprimé le suc de raisin, y ajoutaient
du plâtre nouveau qui, ayant la propriété de
décomposer le tartre, diminuait par consé-
quent la quantité de celui qui existait dans
ce liquide et son caractère acide ; c’est d’après
cotte double propriété qu’on a proposé der-
nièrement d’ajouter un peu de craie au suc
de raisin , pour en obtenir un sirop moins
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 77
aigrelet 3 voici quelques expériences que j’ai
laites dans la vue toujours d’économiser le
sucre , de tirer parti des productions locales
et de les améliorer.
Ou a pris six livres de suc de raisins noirs
bien mûrs et légèrement exprimés , afin d’é-
viter la trop grande quantité d’extractif 3 il
avait une couleur trouble , rougeâtre , une
saveur sucrée , aigrelette et mucilagineuse 3
on l’a placé sur un feu doux et on l’a fait
cuire en consistance de sirop , après l’avoir
clarifié avec l’albumen 3 ce sirop étant aci-
dulé en se refroidissant , déposait une matière
épaisse de couleur rougeâtre , semblable à la
liqueur.
D’après l’examen particulier de cette subs-
tance , on remarque qu’elle fournit une grande
quantité de tartrite acidulé de potasse , uni à
beaucoup de mucoso-sucré 3 la liqueur plus
limpide qui surnageait contenait, outre une
portion considérable de matière sucrée , des
acides malique et acéteux , et sans doute de
l’acide tartareux en petite quantité. L’abon-
dance de cette matière mueiiamneuse sucrée
o
contenue dans ce sirop, y aurait bientôt dé-
veloppé un mouvement de fermentation ,
malgré le degré de cuisson auquel on l’avait
réduit , mais il est possible de prévenir cette
7$ l'art de composer
fermentation à la faveur de l'alcool. Les six
liv res de moût employées ont produit envi-
ron une livre deux onces de sirop.
Ce sirop est d’une acidité agréable , en
l’clendant dans l’eau à l’instar des sirops de
groseille et de limon \ il peut tenir lieu et
remplacer par conséquent , les sirops prépa-
rés avec les fruits dont on fait usage pendant
les chaleurs de l’été.
Pour enlever des acides contenus dans Je
moût qu’on veut amener à l’état de sirop
doux, on peut mettre en pratique divers pro-
cédés j nous avons déjà fait voir qu’il était
possible , par la simple décantation , de le
dépouiller d’une portion de tartre , mais ce
n’est, que par la voie des combinaisons qu’on
peut le détruire en totalité, ainsi que les au-
tres acides.
Le point essentiel est de trouver une base
qui , se combinant avec eux , en formât des
sels insolubles , susceptibles d’être séparés
ensuite de la liqueur 5 et comme l’acide tar-
tareux forme avec la chaux un sel insoluble ,
on peut l’enlever par ce moyen. Si l’on em-
ploie dans ce procédé du carbonate calcaire
ou de la craie, la seule portion libre d’acide
tartareux se combine avec la chaux , mais la
portion de potasse qui tient la crème de lar-
LES LIQUEURS DE TüiLE, ClC. 79
tre (tartrite acidulé de potasse) demeure unie
à l’acide tartareux , et forme du sel végétal ,
tartrite de potasse ; si Fon se sert au con-
traire , de chaux vive , on la combine avec
tout l’acide tartareux , mais la potasse reste
dissoute dans la liqueur. Elle peut s’unir aux
acides malique et acéteux. En ajoutant une
plus grande portion de chaux vive , on neu-
tralise, à la vérité , tous les acides , mais celte
terre est en partie dissoluble dans l’eau , ainsi
que dans les malates et les acétates de chaux ;
il est difficile de les séparer du sirop sans l’al-
térer.
En se bornant cependant à saturer les aci-
des par la chaux , au moyen du carbonate cal-
caire , et en séparant le tartrite de chaux , on
peut obtenir un sirop dans lequel restent , à
la vérité , du tartrite de potasse , des malates
et acétates, mais en trop petite quantité pour
être sensible au goût. Dans cet état, le sirop
de raisin est mucilagineux et peut servir de
sirop ordinaire, surtout au midi de la France ,
où ce fruit est d’autant plus riche en sucre
qu’il l’est moins en tartre , et devenir , sous la
main du vigneron industrieux, une branche
importante d’économie , parce que la prépa-
ration dont il s’agit ne coûte presque que du
tems, des soins et du combustible.
6o
L * A R T DE COMPOSER
C’est surtout ie raisin blanc qu il faudrait
choisir de préférence pour cette préparation ,
vu qu’il fournit moins de matière colorante
et de tartrite acidulé de potasse que le raisin
noir , mais aussi il paraît moins facile à con-
server, tandis (pie la couleur de ce dernier
étant d’une nature un peu ambrée, est plus
propre à retarder la fermentation spiritueusc
du sirop. En y ajoutant queîquesaromates, ou
les rendrait fort agréables; iis se conservent
assez bien , mais ils ont le désavantage oc se
décuire facilement en laissant , comme tous
les sirops abondans en extractif , une portion
de sucre se cristalliser contre les parois tics
bouteilles.
Au reste, quelle que soit la nature du rai-
sin, pourvu qu’il ait atteint son point de ma-
turité,. la meme espèce peut fournir à l'exis-
tence de deux sirops distincts par leur cou-
leur et leur saveur ; le premier n’est que le
moût dépouillé d’une portion de tartre et
rapproché à la consistance requise ; le second
est ce même moût oans dequel on a jelc un
peu de craie pour neutraliser les acides , le-
quel, clarifié et évaporé au même degré de
consistance, donne un résultat compaiable
au sirop de sucre ayant le goût un peu miel-
leux.
On
LES LTQUEURS DE TABLE, etc. Si
On peut donc ainsi avoir toute l’année sous
la main , un sucre liquide 5 suppléer le sucre
ordinaire dans la préparation des ratafias et
des liqueurs , des confitures et des gelées
acides , dans les compotes de pommes et de
poires 3 il suflirait d’en verser une certaine
quantité sur les fruits cuits par la voie humide ,
dont la fadeur a souvent besoin d’ètre relevée
par un assaisonnement aigrelet 5 enfin ces
sirops peuvent être comparés à ceux qui ré-
sultent de certaines poires cuites au four par
la voie sèche, et qui nagent souvent dans un
fluide sirupeux, sans aucune addition de
sucre.
Sirop de Carottes.
Dans les ouvrages modernes d’économie
rurale et domestique, il n’est plus question
maintenant que du sirop préparé avec les ca-
rottes , la racine la plus sucrée après le cher-
vi , mais rien 11’est moins conforme à l’art ,
plus embarrassant et plus coûteux que le pro-
cédé indiqué pour sa préparation.
Eu examinant ce qui se passe dans une
racine charnue soumise à l’ébullition dans
l’eau , on remarque que les principes qui
la constituent sont isolés , pour ainsi dire , dans
F
82 l’art DE COMPOSER
l’état, naturel , se réunissent et se combinent
de plus en plus , acquièrent de la mollesse ,
de la flexibilité, d’où résulte ce qu’on nom-
me la cuisson , pendant laquelle une partie
de l’extrait a passé dans le véhicule, l’autre
demeure adhérente à la substance elle-même ,
défendue et recouverte par le tissu 3 enfin
la troisième partie s’est unie avec la matière
fibreuse.
En vain on continuerait de faire bouillir
une racine arrivée à l’etat de cuisson , dans
la vue d’en obtenir la totalité de l’extrait
qu’elle contient , l’eau ne se charge plus ,
même par des décoctions longues et 1 epe-
tées , que d’une petite portion , et elle par-
vient à l’état de squelette fibreux sans avoir pu
fournir à l’eau aidee de la chaleur , les pim-
cipcs que ce fluide était capable de dissoudic
et d’extraire, etc.
11 y a long - tems que j’ai dit et prouvé
que, pour obtenir tous les principes d’une
racine succulente , il fallait, non pas la cune ,
non pas la piler ou la froisser quand elle est
crue ou cuite , mais, après l’avoir lavée à plu-
sieurs eaux, la râper, déchirer les réseaux fi-
breux dans lesquels se trouvent renfermés
certains corps muqueux , comme dans des
étuis.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 85
Une autre condition à laquelle on ne fait
pas assez attention , lorsqu’il s’agit de sirops
préparés avec des racines charnues , c'est
que , quand le suc est exprimé , il ne faut
procéder à son évaporation qu’après l’avoir
laissé reposer pendant vingt-quatre heures ,
puis décanté 3 car j’ai démontré que la plu-
part de ces racines renfermaient de l’amidon
qui, à un certain degré de chaleur, se con-
vertissant en empois ou gelée , donnerait de
la consistance au liquide, et ne concourrait
pas à sa conservation.
Après avoir pris trois livres deux onces
de carottes , privées de leurs feuilles , de
leurs queues et de la superficie de leur
substance , qui ordinairement , malgré le
soin qu’on prend de les nettoyer, est sale
et imprégnée de matière hétérogène , je les
ai râpées 3 cette première opération faite ,
elles ont été fortement comprimées dans une
toile assez claire pour en retirer le suc na-
turel 3 j’ai obtenu un produit liquide à l’aide
d’une chopine d’eau bouillante que j’ai versée
sur le marc déjà exprimé , une livre deux
onces, et par conséquent deux livres de ré-
sidu pulpeux , que j’ai remarqué être forte-
ment sucré. (Je lui eus bien enlevé la totalité
de sa substance sucrée à l’aide d’un moyen
F 2
84- l’art de composer
r • .
mécanique, c’est-à-dire, par le pilon.) J ai
fait évaporer ce suc après l’avoir décante et
clarifié avec un blanc d’œuf, jusqu’à consis-
tance de sirop 5 j’ai retrouvé deux onces de
ce dernier.
il est donc à observer premièrement , que
trois livres deux onces de carottes , exprimées
seulement à l’aide de la force musculaire ,
produisent une livre deux onces de liquide
effectif 3 deuxièmement, qu’il serait possible
d’en obtenir une plus grande quantité pai
le moyen d’une presse, par l’ébullition ou
parla contusion , le résidu actuel ayant en-
core une saveur très-sucrée.
On conçoit qu’il est aisé de préparer un
sirop avec les fruits à baies tels que les rai-
sins , mais que les racines les plus abondantes
en sucre ne peuvent pas, a cause de leui con-
texture parenchymateuse et muqueuse , su-
bir aussi facilement cette préparation , parce
que , soit qu’on en sépare , par la râpe et la
presse , la totalité des principes quelles con-
tiennent, soit qu’on les fasse bouillir dans
l’eau pour l’extraire , la consistance du sirop
est autant due à l’abondance de la matièie
extractive , qu’au sucre concentré , et que ,
par conséquent, il est difficile de garantir pour
long-tems un pareil sirop de lu fermentation.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 85
Quel que soit le mode de préparation qu’on
découvre pour faire du sirop avec des ca-
rottes , quoique les racines les plus riches en
mucoso-sucré , il ne faut nullement compter
sur un pareil supplément ÿ elles offriront tou-
jours infiniment plus de ressources en subs-
tance comme assaisonnement , ou comme
nourriture.
Du Chocolat .
La conquête du nouveau monde a valu
quelques biens à l’Europe , qui ne compen-
seraient jamais les maux que l’Europe a causés
à cette contrée. Du nombre de ces biens, esr
la découverte que firent les Espagnols de la
boisson dont les Mexicains faisaient leurs dé-
•
lices : ils lui attribuaient des propriétés mer-
veilleuses. Les Espagnols crurent leurs nou-
veaux sujets , et se hâtèrent de transporter
dans leur pays, ce qui était nécessaire pour
préparer le chocolat. Laissons de côté les
vertus merveilleuses qu’on y a recherchées
avec assez d’enthousiasme pour ne les y pas
trouver. Tout le monde est d’accord que la
boisson du chocolat, est une sorte d’aliment
qui convient surtout aux estomacs paresseux,
et dont par conséquent les vieillards font un
86 l’art de composer
usage salutaire. Bientôt les autres nations de
l’Europe , parvinrent à découvrir le secret des
Espagnols 3 et l’on prépara de toutes parts du
chocolat aussi bon que celui qu’ils vendaient.
Ce sont nos limonadiers qui sont dans
l’usage de préparer la boisson appelée cho-
colat 3 mais la fabrication de la pâte avec la-
quelle on fait cette boisson, est demeurée le
partage de quelques ouvriers ambulans , qui
se transportent avec leurs appareils chez
celui qui désire en vendre 3 car à cet égard ,
limonadier , épicier , vinaigrier , et beau-
coup d’individus encore , outre ces trois
espèces de négocians, s’annoncent pour fa-
bricans de chocolat. Il n’y a pas jusqu’à
de pieux solitaires , qui , dans Paris, n’en fas-
sent un débit considérable. Avant de parler
de la fabrication du chocolat , il est juste de
dire un mot de ces ingrédiens : le cacao en
est la base 3 le sucre en est l’assaisonnement 3
la vanille et la cannelle en sont les aromates.
Le cacao est. une amande brune , composée
de plusieurs lobes irréguliers , recouverts
d’une double écorce, dont l’extérieur est
chagriné. Ces amandes sont la semence que
donne un arbre appelé le cacaotier , dont la
description botanique se trouvant dans pres-
que tous les livres, serait superflue ici. O11
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 87
distingue dans le commerce plusieurs espèces
de cacao 3 la première et la plus renommée ,
est le cacao appelé gros caraque , parce que
c’était une grosse espèce que l’on tirait de
Caraque. Ce cacao estimé , devenu très-rare ,
a presque toujours l’inconvénient d’ètre taclié
de moisissure dans son intérieur. Le moyen
caraque est le plus en usage 3 il est petit ,
mais applati comme le gros caraque : il est
fort sec , et a besoin d’ètre broyé long-tems.
Ces deux espèces sont presque tombées en
désuétude dans nos fabriques , depuis que
nos colons de Saint-Domingue et des autres
îles , sont parvenus à faire réussir le cacaotier
dans leurs plantations. Le cacao des îles est
plus renflé, d’un brun plus rougeâtre 3 il le
faut choisir bien mûr, ce que l’on reconnaît
lorsqu’en le mâchant il ne donne point d’a-
mertume. Enfin il y a dans le commerce ,
une quatrième espèce de cacao , qu’on appelle
cacao de Cayenne , qui approche plus pour
la grosseur du cacao caraque , mais qui con-
serve toujours une certaine amertume 3 la
plupart de nos fabricans ne prennent que
l’une ou l’autre de ces deux dernières espè-
ces 3 et quoique l’on dise du prétendu secret
des moines qui vendent du chocolat dans
Paris , ce secret ne consiste que dans le bon
$8 i/art de composer
choix du cacao. Nous ne dirons rien ici sur
le sucre qui ne soit connu.
On prend de préférence dans les îles , du
sucre terré , et en France de helle cassonade.
La vanille est le plus ancien aromate que
1 on emploie dans le chocolat : elle est encore
une production du Mexique ; ce sont des
gousses d’un brun luisant , longues de qua-
tre à cinq pouces, ridées à l’extérieur, sou-
vent garnies de petits flocons salins et neigeux,
et pleines dans l’intérieur, d’une quantité in-
nombrable de petits grains noirs, qui sont
attachés les uns aux autres par des filets im-
perceptibles 3 telle doit être la bonne vanille ,
dont tous les dictionnaires d’histoire natu-
relle et de matière médicale donneront d ail-
leurs une plus ample description, il suffit
ici , ainsi que pour le cacao , de mettre Je fa-
bricant à portée de distinguer la matière qu’il
veut employer. C’est pour celte raison que
nous 11e dirons rien 11011 plus de la cannelle.
Les instrumens nécessaires pour la fabri-
cation du chocolat, ne sont ru nombreux , ni
difficiles à comprendre ; on établit une es-
pèce de pied de table carré , Joug de trois
pieds , large de deux , et hajul do deux
pieds et demi ; les montans sont arretés haut
et bas par des traverses; sur celui d’en bas ,
LES LIQUEURS DE TABLE, ItC. 8()
pose une planche sur laquelle ou placera ,
lorsqu’il faudra , une poêle de fer avec du
feu allumé. Cette partie de table est le plus
souvent en forme de caisse, ayant une porte
pour poser et ôter la poêle ; cet encaissement
conserve plus de chaleur cl la répand plus
uniformément sous la pierre à broyer. Sur
les traverses supérieures , se pose d’une ma-
nière solide , une pierre de trois pouces d’é-
paisseur, creuse dans son milieu, c’est-à-dire,
que si les deux extrémités ont trois pouces ,
le milieu ne doit avoir que deux pouces , ce
qui fait une espèce de double pupitre , dont
les parties les plus hautes forment les deux
extrémités. D’autres artistes ne tiennent pas
leur pierre creuse, mais la posent en pente
sur la table , de manière que le côté le plus
haut se trouvera près de la poitrine de l’ou-
vrier lorsqu’il travaillera sa pâte. Du côté où
il travaille , il y a une planche de traverse
plus haute que la pierre sur laquelle i! appuie
le ventre lorsqu'il promène sa lame en rou-
leau.
On a, d’autre part, une barre de ier bien
arrondie , ayant en longueur la largeur de la
pierre ; on donne à cette barre un pouce et
demi de diamètre , et on la tient emmanchée
par ses extrémités , à deux morceaux de bois
90 l’art de composer
arrondis , un peu moins gros qu’elle , et por-
tanl chacun deux ou trois pouces de long.
Quelques artistes négligent ce dernier soin ,
et tiennent seulement leurs barres plus lon-
gues que la pierre n’est large. On a d’autre
part des couteaux à lames larges et ployantes ,
à peu près comme ceux dont les peintres
broient leurs couleurs, ou une planche plate
appelée amastet. Quelques fabricans ont une
seconde pierre qui est une plaque plate de
fer fondu , sur laquelle ils affinent leur pâte
avec un rouleau de cuivre.
Je ne parlerai pas des machines imaginées
pour mouvoir ces rouleaux sans le secours
des bras , les fabricans ne les ayant pas
adoptées.
Le fabricant grille son cacao dans une
poêle de fer , en le remuant constamment
jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que l’écorce se
détache facilement de l’amande ; alors on
verse le cacao sur un vau , pour séparer
exactement cette écorce d’avec l’amande ; 011
sépare par la même occasion , celles des
amandes qui paraissent gâtées ; et 011 remar-
que , que trois livres de cacao caraque don-
nent deux livres tout épluchées , ce qui
augmente son prix du tiers; en sorte que si
le caraque coûte 1 liv. 10 s. la livre, il rc-
LES LIQUEURS DE TABLE,etC. QI
vient tout épluché à 5 hv. 7 a 8 s. : le cacao
des îles, au contraire , 11e perd qu un quart;
en sorte que lorsqu’il coûte 17 sous la livre,
il revient , tout épluché à 21 s. 8 deniers.
On a mis sous la pierre assez de feu pour
pouvoir l’échauffer , au point d y poser la
main sans souffrir. On met le cacao qu on a
quelquefois commence a piler dans un moi -
t,ier de. fer ; on le met , dis-je , ou entier, ou
déjà écrasé sur cette pierre , et on 1 écrase à
l’aide de la barre que l’on y fait rouler , en
ayant soin de rapprocher avec le couteau ce
qui s’écarterait ; si la pierre devenait par
hasard trop chaude , on retire la poêle pour
quelques instans , ou bien on en recouvre la
braise avec des cendres , le point essentiel
étant que cette chaleur soit douce , égale et
continue. Lorsque le cacao commence à de-
venir pâteux et doux sous la barre , on y
ajoute, petit à petit, la quantité de sucre
bien en poudre , qu'on a dessein d employer;'
je dis qu’on a dessein , parce que sur ccl ar-
ticle les fabricans ne sont pas d’accord ; les
uns mettent livre pour livre ; les autres , au
contraire , ne mettent qu’un quarteron de
sucre par livre de pâte. S’il est possible dans
une diversité si grande , d’établir quelque
règle à l’aide de laquelle le fabricant puisse
92 L’ART DE COMPOSER
se déterminer , ce sera la nature du cacao
qu’il aura employé qu’il consultera 5 pour
en couvrir l’amertume , il surchargera la dose
du sucre. A plus forte raison , comme nous
le dirons par la suite, augmentera-t-il cette
dose , lorsqu’il voudra suppléer au cacao
d’autres substances qui n’y ont aucun rap-
port.
11 est bon que l’on sache, avant de passer
plus loin , que l’opération par laquelle on
fabrique le chocolat , consiste à développer ,
à l’aide de la chaleur , une substance onc-
tueuse que contient le cacao , à la rendre
miscible à l’eau , en faisant ce que les phar-
maciens appellent un oleo-saccharum , c’est-à-
dire, en combinant avec le sucre cette ma-
tière grasse j puis à remêler ce nouveau com-
posé de sucre et d’huile avec le parenchyme
du cacao. Le sucre bien incorporé , 011 con-
tinue de le broyer toujours uniformément et
par parties.
Lorsque la pâte est de toute finesse , qu’on
ne sent plus de grumeaux , il est tems d’y ajou-
ter les aromates ; et leur quantité , celle de
vanille, surtout, qu’on y ajoute, sert à dé-
terminer le prix marchand du chocolat. On
dit du chocolat de santé ou sans vanille , du
chocolat à une , deux , trois et quatre vanilles ,
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 90
ce qui signifie que dans une livre de chocolat ,
il y a depuis un scrupule , jusqu’à quatre
scrupules. Cette vanille, ainsi que la cannelle,
dont on met toujours une petite quantité ,
telle qu’un demi-gros par livre, doit être
au préalable pilée et broyée avec le double
de leur poids de sucre 3 011 les joint à la pâte ,
on broie de nouveau , et lorsque le tout est
bien mélangé , on dresse le chocolat de deux
manières 3 les uns dans des moules de ler-
blanc, arrangés de manière à diviser la demi-
livre qu’on y mettra en huit parties égales.
Ces moules sont une caisse de fer-blanc ,
haute d’un demi-pouce , large d’un et demi
ou deux 3 le fond de ces moules , au lieu d’être
tout plat est garni d’une rigole saillante ,
coupée par quatre petites rigoles transvei-
sales. L’ouvrier se dispense assez ordinaire-
ment de peser 3 si cependant il veut le faire
pour plus de justesse , il tare ses moules dans
sa balance. Autrefois on était, dans l’usage de
mettre un cachet qui prouvait que le cacao
venait de l’Espagne 3 ce cachet n’est plus
actuellement qu’un usage qui ne sert même
pas à faire connaître le fabricant, puisque ce
fabricant est le plus souvent un homme
ignoré. D’autres ont des feuilles de papier
sur lesquelles ils versent leur pâte par mor-
9i
l’art de composer
ceaux d’une once; cette pâte s’applatit , et
forme un pain rond qu’on appelle tablette.
La liquidité de cette pâte est due à la chaleur
de la pierre , l’espèce de beurre ou huile de
cacao ayant la double propriété de se liqué-
fier à une très-douce chaleur et d’être singu-
lièrement dure lorsqu’elle refroidit. La pâte
versée dans les moules ou en tablettes , s’en
détache très-aisément, et forme des masses,
brunes , luisantes d’un coté et mates de l’au-
tre , qu’on enveloppe avec soin dans des pa-
piers bleu-blancs , pour les vendre à titre de
chocolat de l’espèce de santé ou autres.
Ce n’est pas seulement en France que l’on
prépare des pâtes de chocolat 3 d nous vient
des îles un chocolat brun sans sucre et sans
aromate , qui n’est autre chose que le cacao
seul broyé et mis en une masse ou espèce de
bâton long , et du poids d’environ une livre
et demie. Ceux qui désireraient de ce cho-
colat , doivent le goûter bien attentivement ;
on en trouve qui est d’une amertume insou-
tenable , pour avoir été fait avec du cacao
trop vert 3 il y en a d autre qui est à peine
gras , pour avoir été privé en partie de son
huile ou beurre qui , seul et a part , fait un
objet de commerce. Ce n est pas que dans
l’Europe depuis , surtout , que la boisson du
LES LIQUEURS DE T À BLE, etc. < 5
chocolat est devenue si commune , il ne se
commette sur la fabrication du chocolat , des
abus équivalens.
Le plus connu de ces abus , c’est de tirer
une partie du beurre ou huile de cacao; on
broie la masse restante , que l’on surcharge
de cassonade et de cannelle , et l’on vend cela
pour du chocolat. D’autres riiêle-nt des aman-
des grillées et de la farine à une petite quan-
tité de cacao; d’autres se contentent de join-
dre à ces amandes une portion de cacao en
En goûtant, ces différens chocolats, il sera
aisé de ne s’y pas méprendre ; plus ils sont
âcres eu cannelle et sucrés, plus il faut s’en
défier , d’ailleurs le chocolat bien fait , lors-
qu’on le goûte , laisse dans la bouche une
fraîcheur qu’il doit à l’abondance de son
beurre; c’est meme un caractère distinctif du
beurre ou huile de cacao , que rien ne peut
suppléer ; ajoutez à cela, que le chocolat mal
fait n’a point de vanille , mais est aromatisé
avec le storax en pain , ce qui , quand on le
mâche , rend une odeur approchante de celle
de l’encens qu’on brûle dans les églises ; au
lieu que l’odeur de la vanille est douce et n’a
rien d’amer.
Ily a enfin un moyen certain pour n’ètre
q6 l’art de composer
pas trompé, c’est ou de faire faire le chocolat
sous ses yeux ., ou de le prendre dans ces
magasins tellement famés , que le plus léger
soupçon 11e puisse s’y glisser légitimement.
C est avec cette pâte que se prépare la liqueur
appelée chocolat , mot mexicain , que les
Espagnols ont conservé.
On prend une tablette ou une once de
pâte, on la râpe sur une râpe de fer-blanc 3
on fait bouillir de l’eau , et lorsqu’elle est
bouillante, on y verse le chocolat à mesure
qu’d se fond 3 dès qu’il est fondu , 011 le retire
du feu, e( on le tient seulement dans un en-
droit chaud , parce que la continuité de l'é-
bullition, quelque bien faite que soit d’ailleurs
la pâte, en détacherait bientôt un peu' de
l’huile ou beurre , ce qui rendrait la liqueur
détestable. A l’instant de servir le chocolat ,
on le verse dans une cafetière particulière ,
appelée chocolatière , dont le couvercle est
troué pour laisser passer le manche d’un
moussoir de buis , composé de cinq à six
rondelles de ce bois, échancrées comme une
roue dentée oblique 3 ces rondelles sont per-
cées par le centre pour être introduites dans
un bout du manche , dont le diamètre est
plus étroit à cet endroit que dans le reste de
sa longueur 3 ces rondelles sont assujetties par
LES LIQUEURS DE T AELE, etc. 97
Rue petite vis et un petit écrou 5 en roulant
la portion du manche qui passe à travers le
couvercle de la cafetière , on fait naître dans
la liqueur un mouvement assez considérable
qui la fait mousser j et c’est dans cet état
quon la verse dans les tasses. Celles-ci diffe-
rent des tasses à calé , en ce qu’elles sont
hautes et tiennent au moins le double. L’ac-
tion du mousson* remele le peu de beurre
de cacao qui pourrait s’être séparé , et em-
pêche la précipitation du parenchyme 5 elle
devient plus essentielle au mauvais fabricant,
qui aurait acheté du chocolat préparé avec
des substances étrangères au cacao , ou avec
du cacao déjà privé de son beurre. La bois-
son du chocolat , pour cire bien faite , doit
être d’un brun clair , bien uniforme , et ne
laissant que difficilement précipiter très-peu
de matière. Si , par hasard , on la laisse re-
froidir , on doit apercevoir quelques gouttes
rondes sur sa surface.
Le chocolat au lait ne diffière de celui dont
il vient detie question, qu en ce qu’ayant
fuit iondic le chocolat râpé dans une très-
pctite quantité deau, comme deux onces au
plus par tablettes, on y verse le lait bouil-
lant àl instant de servir, en ayant grand soin
G
98 l’art de COMPOSES
de le faire mousser un peu plus long-tems
que le chocolat à l’eau. Le mauvais chocolat
se soutient plus facilement dans le lait que
dans l’eau ; et comme l’usage de boire le cho-
colatà l’eau est presqu’anéanti dans les cafés,
il est plus facile à ceux qui en auraient de mal
fabriqué, de l’employer dans cette circons-
tance. Comme je suis porté à croire que le
limonadier qui ne fabrique pas sa pâte de cho-
colat, est le premier trompé dans l’achat quai
en pourrait faire , j’indique volontiers les si-
gnes auxquels on reconnaîtra de la pâte de
chocolat bien ou mal faite. La couleur de la
tablette doit être d’un brun rouge ; plus cette
couleur est mate , moins le chocolat est bon .
Sa surface doit être lisse , et meme luisante }
si ce luisant se dissipe seulement au toucher ,
C est une preuve qu il y a de la mixtion. Loi s-
qu’on casse du chocolat , il doit être uni dans
la fracture , point graveleux , et surtout
n’ayant aucun point luisant 3 car, nous la-
vons déjà observé , c’est avec le sucre que le
fabricant cherche à déguiser sa mal -façon.
Enfiin, en mâchant un peu de chocolat, il
doit Sé fondre doucenâcnt dans la bouche , ne
laisser apercevoir sur la langue aucune aspé-
rité , y répandre un frais agréable , et se dis-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 99
soutire entièrement dans la salive. 11 faut ab-
solument rejeter tout chocolat qui fait un
dépôt ; c’est , surtout pour les palais bien
exercés , la meilleure méthode de distinguer
les chocolats falsifiés , parce qu’en mâchant ce
dépôt, la saveur âpre ou amandée, la séche-
icsse du cacao épuise , enfin la saveur parti-
culieie des substances qu’on a pu y joindre,
se développe et se décèle facilement.
DES LIQUEURS.
Les principes généraux , quoique claire-
ment exposés , seraient assez inutiles,- si l’on
négligeait d’y joindre les détails instructifs et
lart de les appliquer. Rien de plus vrai qu’en
lait de pratique, ces détails font infiniment
de plaisir ; on les exige même, et jusqu’aux
répétitions , si fastidieuses partout ailleurs ,
deviennent nécessaires quand il s’agit de re-
cettes.
Mal-à-propos s attendrait-on à trouver ici
les recettes de toutes les liqueurs possibles ou
même connues; ce détail me mènerait trop
loin , peut-être même déplairait-il.
Je croirai donc avoir bien rempli mon
objet si je parviens a indiquer une méthode
G 2
joo l’art de composer
facile pour faire les liqueurs simples , les li-
queurs composées, et les liqueurs plus com-
posées. A laide de cette méthode nette et
- circonstanciée, on répétera, on inventera,
on perfectionnera sans peine toutes les li-
queurs connues et inconnues.
11 est bon d’avertir ici que quoique je me
sois fait une loi de marquer les doses avec
l’exactitude la plus scrupuleuse , il ne faudra
cependant pas toujours s’y conformer a la
lettre. 11 arrive souvent que les drogues que
l’on emploie ne sont pas toutes d’une égale
bonté ; les plantes sèches, par exemple , sont
bien différentes des plantes nouvellement
cueillies; la cannelle , les semences , les raci-
nes sont souvent altérées , soit de vétusté ou
par accident. Il peut donc arriver, surtout
dans les compositions compliquées , qu’une
drogue soit bonne , l’autre médiocre , et une
troisième fort mauvaise. Dans ces sortes de
cas, il faudrait agir avec prudence, avoir re-
cours aux règles de combinaison, substituei
une substance à une autre , etc. In peu de
pratique donnera celte intelligence.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. TOI
Du Cajé.
%
JNous appelons de ce nom le fruit d’un
arbre originaire de l’Arabie heureuse. Cet
arbre s’élève depuis six jusqu’à douze pieds 3
la circonférence du tronc porte dix , quelque-
fois quinze pouces.
Quand il a atteint toute sa hauteur , il
ressemble assez , pour la figure , à nos arbres
fruitiers de huit ou dix ans. Le bois en est
fort tendre , et si pliant , que le bout de sa
plus longue branche peut facilement être
amené jusqu’à terre sans se casser 3 son écor-
ce est blanchâtre, raboteuse 3 sa feuille np-
Pr oehe un peu de celle du laurier, mais pas
tout-à-fait si pointue. L’arbre de café est tou-
jours vert, et ne se dépouille jamais de tou-
tes ses feuilles à la fois 3 elles sont rangées
des deux cotés des rameaux à une médiocre
distance, et presque à l'opposite l’une de l’au-
tre. Pendant toute l’année, et dans le même
tems, on voit sur le même arbre, feuilles ,
fleurs et fruits , en différons degrés de matu-
rité 3 les fleurs sont blanches, et ressemblent
beaucoup à celles du jasmin 3 l’odeur en est
très-agréable , quoique la saveur en soit amè re 3
elles sont placées entre la queue des feuilles
102 L’ART DE COMPOSER
et la tige; chaque fleur produit un fruit très-
vert d’abord , mais qui devient rouge en
mûrissant , et ressemble à une crosse cerise :
il est fort bon à manger alors , nourrit et ra-
fraîchit beaucoup. Sous la chair de cette ce-
rise on trouve , au beu de noyau , la fève
que nous appelons café , enveloppée d’une
pellicule fort line; cette fève est alors extrê-
mement tendre, et sa saveur est assez désa-
gréable; mais à mesure que celle espèce de
cerise mûrit, la lève qu’elle renferme durcit
insensiblement. Enfin, Je soleil ayant, tout à
fait desséché ce fruit rouge , la pulpe que l’on
mangeait auparavant devient une baie de cou-
leur fort brune ; ce n’est plus qu’une écorce
qui enveloppe le café. La fève est pour lors
solide , et d’un vert clair; elle nage dans une
sorte de liqueur épaisse, noirâtre et très-
amère. La baie attachée à l’arbre par une
queue courte , est un peu plus grosse que la
baie dulaurier. Chaque baie contient une seule
fève qui se divise ordinairement en deux moi-
tiés , convexes d’un côlé, plates de l’autre ,
avec une rainure ou sillon dans toute sa lon-
gueur.
La récolte du café pourrait se faire en tout
tems; mais les Arabes choisissent assez volon-
tiers Je mois de mai. Quand ils veulent faire
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. I0'>
«•
leur cueillette, ils étendent de grandes pièces
de toile sous les arbres 3 en les secouant, le
café mûr se détache et tombe. On le met dans
des sacs pour le transporter ailleurs 3 on le ré-
pand en monceaux sur des nattes, afin tpi il
sèche au soleil pendant quelque tems. Etant
bien sec , on passe sur les baies des roulons de
pierre qui les écrasent 3 on vanne ensuite le
tout, et le café est pour lors dans l’état où
nous le recevons.
•
Depuis que le café a été transplanté dans
nos colonies , il est devenu fort commun ;
mais il s’en faut bien qu’il soit tout d’une égale
qualité , conséquemment il suppose du choix.
Le meilleur est toujours celui qui croît dans
le royaume d’Yemen , Surtout aux environs
«le Senam , de Galbini et de Bctel-Fagi , trois
villes des montagnes situées dans l’Arabie
heureuse. Celui d’Oudet, petit canton, est le
plus renommé parmi les orientaux 3 011 lui
donne en France le nom de Moka, non pas
qu’il y croisse, car il n’en vient point aux
enyirons de celte ville , ou bien s’il y en vient ,
il est aussi mauvais que celui des îles de l’ Amé-
rique 3 mais on a donné le nom de Moka au
calé de Betel-Fagi, d’Oudet, etc. , parce qu’en
1709 une. compagnie de Français, sous la
conduite du capitaine Merveille, a commencé
à faire le commerce du café dans la ville de
Moka , où résident les courtiers des Indes
pour le trafic de cette marchandise.
L’usage du café est plus propre à flatteries
sens qu’à servir de remède , c’est peut-être
pour cette raison qu’il est si généralement ré-
pandu -y je ne voudrais cependant pas nier
qu’il n’eût quelques vertus 3 car il fortifie le •
cerveau, il dissipe les vapeurs, et calme les
maux de tète j il empêche un peu ou dimi-
nue l’ivresse ; mais toutes ces propriétés
n’ont lieu qu’autant qu’on le prend avec mo-
dération. Quand 011 en aîmse , on ne tarde
pas a s’en ressentir ; le sang s’échauffe, les
nerfs sont agités, le sommeil disparaît. Les
•
personnes jeunes , vives, maigres, se ressen-
tent. plutôt de ces effets incommodes que les
personnes plus âgées et plus grasses 5 celles-
ci doivent le prendre sans lait et avec peu de
sucre j les autres, au contraire, 11c doivent
s’en permettre l’usage que rarement, et avec
beaucoup de sucre ci de lait.
Pour faire du café en liqueur, choisissez
trois livres de café- moka, du meilleur qu il
soit possible de trouver ; et comme les mar-
chands sont sujets à le méiauger avec d’autre
café moins bon, on se donnera la peine de
le trier grain à grain, rsous avons dit que le
LES LIQUEURS DE TABLE. CtC. Iü5
bon café moka était aisé à reconnaître ; son
grain est petit , assez rond, et d’une couleur
jaunâtre tirant sur le vert. Les autres cafés
communément ont la fève plus grosse ; elle
est toujours bleue ou grise. Faites torréfier
ces trois livres de café dans une poêle de fer.
Il ne faut pas qu’il le soit trop ; il sera à son
point quand il aura contracté une couleur de
marron fort clair 3 donnez-vous surtout bien
de garde qu’il ne soit noir, ou même d’un
brun foncé 3 vous le moudrez ensuite comme
si vous aviez dessein de le prendre à l’eau.
Mettez en infusion ces trois livres de café e n
poudre dans neuf pintes d’eau-dc-vic 3 ou si
vous voulez avoir une liqueur plus fine, et
qui ne se ressente pas des défauts de l’eau-
de-vie, prenez cinq pintes d’esprit-de-vin
parfaitement rectifié, ajoutez à cette quantité
quatre pintes d’eau commune , et mettez vo-
tre café en poudre infuser dans ce mélange.
On pratiquera ce que nous venons de dire
ici de l’esprit-de-vin pour toutes les infusions
dont nous parlerons par la suite.
Ayant laissé macérer votre café pendant
huit jours, vous verserez l’infusion dans h
cucurbite , vous y adapterez le réfrigérant ;
vous placerez l’alambic au bain - marie , e.
vous distillerez au filet assez fort. Ayant re-
io6
l’art de composer
tiré six pintes de liqueur, vous les reverserez
dans la cucurbite par le canal de cohobation ,
après quoi vous distillerez au très-petit blet ;
ayant retiré cinq pintes de liqueur spiritueuse ,
et bien imprégnée d’huile aromatique de café ,
vous arrêterez la distillation. Vous procéde-
rez ensuite à la siropation , comme il a été dit
dans les principes généraux, c’est-à-dire, que
vous ferez fondre cinq livres de sucre dans
cinq pintes d’eau de fontaine ou de rivière ,
vous mêlerez les esprits avec ce sirop, après
quoi vous filtrerez avec d’autant moins de
peine que le mélange ne sera point laiteux.
• Du Thé .
On ne trouve cet arbrisseau que dans quel-
ques provinces de la Chine , du Japon eî de
la Tartarie, et encore les feuilles n’en sont-
elles pas d’une égale bonté. La diflerence eu
est si grande, dit un géographe (Atlas Sini-
cus), qu’il y a tel thé qui ne vaut à la Chine
qu’une obole la livre, tandis qu’il y en a
d’autre qui se vend jusqu’à deux pièces d’or
et plus. Celui que les Chinois estiment da-
vantage , croît dans la province de Kiangnau ,
aux environs de la ville de Hoci-Gheu. C est
un arbrisseau dont la tige se partage en plu-
LES LIQUEURS DE TABLE, CÎC. 1 07
sieurs branches ; sa feuille ressemble assez à
celle du sumack, scs fleurs commencent à
paraître vers la fin de mai , elles sont de cou-
leur blanche tirant un peu sur le jaune , et
d’une odeur fort agréable. A cette lleur suc-
cède une baie composée de trois capsules ,
verte au commencement, et presque noire
quand elle entre en maturité.
Les Chinois préparent les feuilles de thé
avec des soins extrêmes 5 ce sont ces feuilles
qui leur servent, comme à nous, pour faire
cette boisson célèbre que nous appelons thé.
Ils les cueillent lorsqu’elles sont encore ten-
dres ; d’abord ils les présentent au feu , dans
un instrument qui ne sert qu’à cet usage ;
les feuilles ayant acquis un léger degré de
siccité, ils les roulent chacune séparément sur
elle - même, les présentent encore au feu , et
les roulent de nouveau jusqu’à ce qu’elles
soient parfaitement sèches 5 étant préparées
de la sorte, ils les conservent, dans des boites
d’étain.
Les orientaux font un grand usage ' du
thé , et cet usage s’est répandu jusqu’en Eu-
rope, mais plus particulièrement en Hollan-
de , en Angleterre , et dans les pays septen-
trionaux, où l’on boit cette teinture pendan»
tout le jour et une bonne partie de la nuitsao'
io8
l’art de composer
discontinuer : la manière de la préparer est
trop connue pour qu’il soit nécessaire de nous
y arrêter.
Plusieurs auteurs exaltent les rares qua-
lités du thé; l’expérience nous apprend qu’il
détruit les mauvais levains des premières
voies, qu’il dissout les matières visqueuses
rassemblées dans l’estomac, et capables d’al-
térer les bonnes qualités du chyle , et par
conséquent de former des obstructions dans
les glandes du mésantère. Le thé est encore
céphalique; il appaise la migraine, il dissipe
l’assoupissement, les vapeurs, l’étourdisse-
ment, il rend l’esprit libre; pris le matin
avec du lait, il purge doucement; il est fort
bon aux asthmatiques, aux pthisiques , aux
pulmoniques; mais ce qui est beaucoup plus
certain , c’est qu’il est fort apéritif.
Prenez quatre onces de bon thé impérial ,
c’est Je meilleur; à son défaut prenez le thé
vert, jetez cette dose dans une chopine d’eau
bouillante; après un bouillon, retirez la ca-
fetière du feu, fermez - la exactement, don-
nez le tems au thé de se développer. Cette
première infusion n’étant plus que tiède ,
vous aurez une forte teinture : verscz-la avec
les feuilles de thé dans neuf pintes d’eau-
de-vie ou d’esprit-de-vin tempéré, comme
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. IOQ
nous l’avons dit , avec de l’eau commune ,
bouchez bien la cruche, et laissez le tout en
• '
macération pendant huit jours. Si au bout
de ce tems , l’eau - de - vie n’a pas contracté
une odeur de thé agréable et tirant un peu
sur l’odeur de violette, ce sera une marque
que votre thé n’est pas d’une excellente qua-
lité. En ce cas, prenez encore deux onces de
thé ; jetez-les dans un demi-septier d’eau bouil-
lante ; tirez-cn la teinture , comme la pre-
mière fois , et ajoutez - la à votre infusion ,
que vous continuerez pendant huit autres
jours, il sera pour lors tems de distiller.
Vous commencerez cette opération et vous
la finirez au bain - marie , en observant de
pousser jusqu’au fort filet pendant les quatre
premières pintes qui sortiront ; vous les coho-
bercz , et apres avoir diminué le degré de
feu , vous continuerez la distillation au petit
filet jusqu’à l’occurrence de cinq pintes; vous
cesserez alors. Faites ensuite votre sirop à
froid , en faisant fondre cinq livres de sucre
dans cinq pintes d’eau; mettez -y vos cinq
pintes d’esprit de thé, et filtrez selon l’art.
La liqueur de thé, préparée comme nous
venons de le dire , est douce , fort agréable ;
elle ressemble assez à l’eau-de-vie d’Andaye,
elle en a même les propriétés, étant, ainsi
4
110 l'art de composer
9
qu’elle, souveraine pour aider à la digestion.
Comme elle est fort diurétique , elle dégage les
reins et appaisc les douleurs néphrétiques.
De la Cannelle .
Les anciens ont connu cet aromate sous le
nom de Ginamomum , qui veut dire bois aro-
matique de la Chine , apparemment parce
que les Chinois en ont fait le commerce les
premiers. Ils allaient en faire la traite dans
l’ile de Ceylan, et ils transportait ensuite
celte marchandise à Ormus, où les négocians
d’Alèp s’en étant fournis , ils la répandaient
par la Grèce , dans toutes les provinces de
l’ancien continent. Depuis la découverte des
Indes par les Portugais, la cannelle n’est plus
si rare, ni si chère; elle le serait beaucoup
moins encore , si les Hollandais , jaloux de
cette branche de commerce dont ils sont au-
jourd’hui possesseurs uniques, n’avaient eu
la précaution d’extirper presque partout l’ar-
brisseau qui la produit. Ils n’en ont réservé
la cidture que dans Pile de Ceylan , dans
laquelle seule vient aujourd’hui l’excellente
cannelle. C.’est la seconde écorce d’un arbre
grand à peu près comme l’olivier; il porte
ses branches droites et eu grand nombre ;
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. ïiï
t
ses feuilles sont très-vertes , médiocrement
larges, mais longues et assez semblables à
celle du laurier royal. La fleur en est blan-
che et d’une odeur assez agréable. Le fruit
ressemble fort à l’olive par sa figure et par
son novau 5 quand il rembrunit, il annonce
qu’il est tems de lever l’écorce de la cannelle.
Ce fruit est rempli d’une liqueur visqueuse ,
amère , piquante , et qui sent un peu le lau-
rier. La tige porte deux écorces 3 la première
n’est d’aucun usage, la seconde seule est
précieuse , c’est ce que nous appelons propre-
ment cannelle 3 elle est originairement grise
et peu odorante 3 elle ne devient rougeâtre ,
aromatique , et telle que nous la recevons ,
qu’après avoir été séchée au soleil 3 c’est par
la chaleur de cet astre qu’elle contracte la
couleur et l’odeur qui la distinguent , proba-
blement il s’y fait alors une fermentation qui
exalte l’huile essentielle.
La cannelle n’est pas le seul produit de
cet arbrisseau, toutes scs parties ont leur uti-
lité. On tire dans les Indes , de sa racine ,
une huile jaune , d’une odeur suave , mais qui
s’évapore aisément à cause de son extrême
volatilité 3 on en tire aussi une espèce de
camphre très - blanc , et plus estimé que le
camphre ordinaire. L’huile qu’on exprime
i r 2
l’art de composer
des feuilles, seul le clou de girofle, et sou
fruit fournit une espèce de suif dont on pré-
pare des chandelles odoriférantes , fort esti-
mées des Orientaux qui ont le* moyen de s’en
procurer.
11 y a une autre espèce de cannelle , de
beaucoup inférieure à celle dont nous venons
de parler, connue des botanistes, sous le
nom de Cassia-lignea . Cet arbrisseau croît
dans plusieurs endroits , à la Chine, dans les
provinces de Canton, Quan-sy, au Tonquiu,
dans les îles Philippines , dans le royaume de
Malabar, et ailleurs. Les droguistes rappel-
lent cannelle mate ; et ceux qui sont de mau-
vaise foi la font aisément passer pour de la
vraie cannelle , à qui elle ressemble beaucoup ;
la différence en est pourtant assez sensible.
La cannelle de Ceylan est longue , mince ,
cassante, roulée sur elle -même en bâtons
rougeâtres , d’une saveur piquante , mais agréa-
ble et aromatique. Le cassia-lignea l’est beau-
coup moins; son écorce est épaisse , et quand
on la mâche, elle devient raucilagineuse ; ce
qui n’arrive pas à la bonne cannelle.
Pour faire avec la cannelle une excellente
liqueur , et très-agréable à boire , prenez une
livre d’écorce longue, fine, cassante, douce
et un peu piquante au goût, suave et aro-
matique
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. Il5
matique à l’odorat; concassez bien cette can-
nelle , et meltez-la infuser pendant quinze
jours dans neuf pintes d’eau*de-vie, ou dans
cinq pintes d’esprit-de-vin très-rectifié et tem-
péré par cinq pintes d’eau; distillez l’infu-
sion au bain-marie. Comme l’huile de can-
nelle est très-pesante , conséquemment qu’elle
monte difficilement , vous distillerez au fort
filet : on ne risque rien de pousser d’abord le
feu un peu vivement. Après avoir retiré six
pintes de liqueur, il faudra les reverser dans
l’alambic par le canal de coliobation. Con-
tinuez pour lors la distillation au filet sim-
ple ; et si vous trouvez que votre esprit ne
soit pas assez imprégné d’huile aromatique ,
vous cohoberez pour la troisième fois; fai-
tes attention cependant qu’il ne faut pas trop
pousser le feu, parce que l’huile de cannelle
est très-susceptible d’empyreume; il ne faut
pas non plus que votre esprit soit trop chargé
d’huile aromatique; l’excès donnerait à votre
liqueur une saveur piquante et désagréable.
Ayant retiré cinq pintes d’esprit par la dis-
tillation , retirez le matras, et continuez le feu
très-vivement, vous obtiendrez une eau blan-
châtre , très-odorante et très-chargée d’huile
essentielle, que vous réserverez pour d’autres
usages.
H
JI4 l’art de composer
Ayant préparé votre sirop selon la règle
prescrite, vous le mêlerez avec votre esprit
de cannelle , après quoi vous filtrerez.
■Cette liqueur a toutes les vertus de la can-
nelle ; elle fortifie en échauffant modérément.
Les distillateurs qualifient du nom d’huile
toutes les liqueurs rendues épaisses et en
consistance d’huile par un sirop fort chargé
de sucre ; quelque impropre que soit cette dé-
nomination , nous l’adopterons pour nous con-
former à l’usage.
L’huile de Gy thère est une liqueur compo-
sée , qui a pour base le cinamomum dont nous
venons de parler; en voici la prépa ration :
Faites un sirop avec sepL livres de sucre et
quatre pintes d’eau ; versez dans ce sirop
cinq pintes d’esprit de cannelle, comme si
vous vouliez faire du cinamomum simple :
ajoutez à ce premier mélange une pinte de
scubac , dont nous donnerons la recette ci-
après; plus, dix gouttes d’huile essentielle de
cédra , autant d’huile essentielle de citron ,
quatre gouttes d’huile essentielle de girpfle ,
deux gouttes d’huile essentielle de berga*-
motte ; remuez bien le mélange ; ajouiez-y
du blanc d’œuf, parce que le mélange de-
viendra laiteux; placez-le au bain-marie peu-
LES LIQUEURS DE T ALLE, ClC. I l5
tlant douze heures , mais à une chaleur très-
tempérée , ensuite vous filtrerez.
Les propriétés de l’huile de Gythère sont
supérieures à celles du cinamomum liqueur j
comme elle agit plus vivement , l’excès en est
aussi nuisible à la santé ; mais prise avec dis-
crétion, elle produit de très-bons effets.
• ; •
Vu Citron et de la Citronnelle .
i , g
Depuis qu’on a adopté l’usage des serres et
des orangeries , le citronnier est devenu si
commun qu’il me paraît inutile d’en donner
ici la description.
Le citron a tout à la fois une double vertu.
La pulpe contient un acide très-rafraîchissant,
et l’écorce extérieure, que l’on nomme com-
munément zeste , échauffe médiocrement.
Comme ce zeste contient beaucoup d’huile
essentielle aromatique , et que la pulpe en
contient peu ou point du tout , celle-ci nous
devient inutile , au lieu que l’autre est très-
précieuse par le parfum exquis qu’exhale son
huile.
Pour cet effet choisissez trente citrons frais ,
dont 1 écorce soit épaisse, et qui n’aient pas
été beaucoup maniés, parce que l’huile essen-
tielle de citron étant très-volatile, pour peu
1 16 l’art de composer
que le fruit soit flétri ou passé , il ne reste
plus que les particules les plus grossières ;
vous enleverez l’écorce de vos citrons par
James fines et déliées , n’y laissant de blanc
que le moins qu’il sera possible; vous les met-
trez en infusion dans neuf pintes d’eau-de-vie
ou dans une quantité égale d’esprit-de-vin pré-
paré; vous ajouterez l’écorce de quatre oran-
ges , très-peu de coriandre concassée et quatre
clous de girofle. Cette addition n’est cepen-
dant pas nécessaire , à moins que l’on ait des-
sein de faire entrer la citronnelle dans la com-
position de l’huile de Jupiter.
Vous ferez durer la macération pendant un
mois , après quoi vous distillerez au filet très-
délié , et vous ne colioberez point , parce que
dès la première distillation, votre esprit sera
suffisamment imprégné d’huile essentielle aro-
matique; ces substances étant toutes deux
d’une pesanteur spécifique à peu près égale ,
elles doivent s’élever ensemble et se mêler
intimement l’une à l’autre. Ayant retiré envi-
ron cinq pintes par la distillation, vous les
mêlerez à une égale quantité de sirop ; la
composition vous donnera un mélange lai-
teux ; pour le clarifier , faites usage du blanc
d’œuf, comme nous l’avons expliqué dans les
principes généraux , ensuite filtrez.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 117
Du Cédra.
Le cédra est une espèce ou plutôt une va-
riété de citron, plus gros, plus odorant, plus
aromatique que le citron ordinaire 3 il en a
toutes les propriétés, mais dans un degré
bien supérieur, conséquemment il peut ser-
vir à faire une liqueur bien au dessus de la ci-
tronnelle. Elle se prépare , se distille et se
compose de la meme manière , à la réserve
que le cédra étant plus gros et plus aromati-
que , il en faut employer une moindre quan-
tité. Pour neuf pintes d’eau-de-vie , douze
beaux cédras suffiront 3 s’ils sont petits, on
en augmentera le nombre jusqu’à dix-huit 3
on n’ajoutera ni coriandre , ni girofle , ni
orange. Lorsqu’on teint la liqueur de cédra
en rouge, elle porte le nom de parfait amour.
L’huile de Jupiter est un composé des li-
queurs précédentes, préparées exprès avec la
cannelle, l’orange, le girofle et la coriandre.
Prenez trois pintes d’esprit imprégné d’huile
essentielle de citron, même dose d’esprit de
cédra , mêlez ces esprits dans un grand vais-
seau 3 ajoutez au mélange égale quantité de
sirop préparé comme nous l’avons dit à l’ar-
ticle de l’huile de Cythcre, c’est-à-dire, fort
ï 1 8 l’art de composer
chargé de sucre 5 plus , deux bouteilles de scu-
bac ; remuez bien le tout le mélange devien-
dra trouble. Pour le clarifier ^ prenez deux
blancs d’œuf, baüez-îcs bien dans une bou-
teille avec une chopine de votre liqueur; ver-
sez le tout sur la totalité de votre composition ,
remuez -la bien; placez votre vaisseau bien
bouché au bain-marie pendant douze heures ,
et à une chaleur très -modérée ; après quoi
filtrez.
Cette huile de Jupiter est une espèce d’élixir
très -cordial, très - agréable et très - elficace
dans toutes les indispositions de l’estomac.
De la Fleur d' Orange.
La raison qui nous a empêché de donner la
description du citronnier , nous dispense de
donner celle de l’oranger. Les fruits de ce
dernier di Itèrent relativement à l’espèce qui
les produit. Je parle ici de la pulpe , car pour
l’écorce extérieure toutes les espèces ont as-
sez de ressemblance cntr’elles. Cette écorce
n’étant point recommandable par un parfum
aussi distingué que les écorces de cédraet de
citron, on l’emploie rarement, seule; on se
contente de la faire entrer dans quelques com-
positions particulières où elle fait fort bien.
LES LIQUEURS LE TABLE, CtC. 1*$
C’est donc des seules fleurs d’orange dont
nous prétendons parler ici 3 l’excellente odeur
qu’elles répandent , et les vertus médicales
qu’on leur attribue, leur donnent une juste
préférence sur tontes les fleurs connues. Je
préviens d’avance nos artistes sur l'exactitude
qu’il faut: apporter dans l’opération qui va
nous occuper 3 la délicatesse du sujet ne per-
met pas la moindre négligence.
Prenez trois livres de fleurs d’orange , ayez
soin de les faire cueillir par un tenis serein ,
et immédiatement après le lever du soleil ,
c’est-à-dire , après que l’humidité en aura été
desséchée 3 elles sont plus odorantes alors :
mondez-les en séparant les étamines et les
pistils 3 mettez en infusion les pétales seule-
ment dans neuf pintes de bonne eau-de-vie,
ou égale quantité d’esprit-de-vin préparé (ce
qui vaut mieux), faites durer l’infusion pen-
dant un mois 3 distillez ensuite au bain-j narie.
Ayant retiré six pintes, versez ce premier
produit dans la cucurbite pour cohober 3 con-
tinuez l’opération. Quand vous aurez extrait
environ cinq pintes, et que vous apercevrez
quelque blancheur dans le récipient, il sera
tems de finir la distillation. Commencez pour
lors votre composition. Pour cet effet, faites
votre sirop avec six livres de sucre et quatre
1 20
l’art de composer
pintes d’eau de fleur d’orange double , mais
non spiritueuse , c’est-à-dire , sans esprit ar-
dent, dont nous donnerons la recette à l’ar-
ticle des odeurs^ mêlez vos esprits à ce sirop 3
si le mélange vous paraît trop spiritueux ,
ajoutez une dose convenable d’eau com-
mune; quand votre liqueur sera au ton que
vous désirez , vous la filtrerez , et vous
aurez une des plus gracieuses liqueurs qu’il
soit possible de boire , et même des plus sa-
lutaires.
Du C 'assis.
Cet arbrisseau méprisé pendant long-tems ,
ou du moins regardé avec beaucoup d indif-
férence , est devenu tout à coup fort célèbre
en Frauce. C’est une espèce de groseiller dont
le fruit en grappe devient noir en mûris-
sant. Il est un peu plus gros que le fruit du
groseiller ordinaire 5 sa feuille ne différé de
celui-ci que par son odeur forte , qui se
trouve la même dans le bois comme dans
le fruit ; il vient facilement de bouture, et
grandit en très-peu de teins. 11 se plaît beau-,
coup à l’ombre, et sa culture exige peu de
soins. Communément 011 en emploie le fruit
en ratafia 3 mais j’ai trouvé qu’il était in fi-
I 2 I
LES LIQUEURS DE TABLE, etc.
niment plus gracieux , préparé de la manière
suivante :
Faites infuser dans neuf pintes d’eau-dc-
vie , ou égale quantité d’esprit-de-vin tem-
péré par de l’eau , cinq livres de fleur de
cassis j si vous la cueillez dans un Lcms se-
rein, elle sera fort odorante 3 ajoutez demi-
once de cannelle concassée , et six clous de
girofle 3 placez l’infusion au soleil pendant
trois semaines ou un mois , remuez le vaisseau
deux fois par jour. Le tems prescrit pour
l’infusion , révolu , versez vos matières dans
la cucurbite 3 adaptez le chapiteau, et distil-
lez au bain-marie au très-petit filet. Si vos
esprits sortent de l’alambic bien imprégnés
d’odeur de cassis , vous ne cohoberez point ;
mais si vous croyez que l’esprit recteur n’y
est point en quantité suffisante , mettez encore
une ou deux livres de fleur dans la cucurbite ,
et versez par dessus ce que vous aurez re-
cueilli dans le récipient par la distillation.
Continuez pour lors l’opération 3 .allez lcntr -
ment, car la fleur de cassis est fort susceptible
d’empyrcurne. Ayant retiré cinq pintes d’es-
prit , mélez-les avec quatre ou cinq pintes
d’eau dans laquelle vous aurez fait fondre
cinq livres de sucre 3 le mélange passera ai-
sément par le filtre 3 au moyen de quoi vonc
122
l’art de composer
aurez une liqueur trcs-claire, très-limpide ,
très - chargée d’esprit recteur de cassis, qui
plaira infailliblement à ceux qui l’aiment 3 et
supposé que le cassis ait toutes les propriétés
qui l’ont rendu si célèbre , ce que je ne ga-
rantis pas, j’ose bien assurer que, prépare
comme nous venons de le dire , il produira
des effets supérieurs à ceux de toutes les pré-
parations connues.
De VJLnis , des Semences chaudes , et de
la Badiane.
11 y a tant d’analogie entre les graines de
toutes ces plantes , que nous ne croyons pas
pouvoir mieux faire que de les comprendre
ensemble sous le même article.
L’anis est une plante fort commune dans
les jardins • elle porte une tige mince , grêle ,
médiocrement haute, et divisée par plusieurs
rameaux , dont chaque extrémité se termine
par autant de brins, qui tous ensemble ne re-
présentent pas mal la ligure d’un parasol. On
trouve au bout dechaque brin plusieurs grai-
nes fort petites, c’est le fruit de la plante que
nous décrivons. La chair en est assez ferme,
et remplie de beaucoup d’huile essentielle.
On distingue les semences chaudes en ma-
D
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 13a
jeures et mineures 3 les u^es et les autres sont
au nombre de quatre. Les semences chaudes
majeures sont : l’anis , le carvi , le cumin, et le
fenouil. Les semences chaudes mineures sont :
Facile ou le persil , l’ammi , le panais sauvage ,
etl’amomc. Nous aurons peut-être l’occasion
de décrire ailleurs toutes ces plantes.
L’anis est un stomachique très-décidé. Il
est d’expérience qu’il aide à la digestion ,
qu’il résout les crudités , et qu’il chasse les
vents.
Pour faire la liqueur d’an i s , pilez en poudre
fine demi-livre d’anis 3 faites en sorte qu’il soit
de l’année ; infusez cette dose pendant, quinze
jours dans neuf pintes d’eau-de-vie ou de bon
esprit-de-vin tempéré avec de l’eau 3 distillez
au bain-marié et au filet médiocre 3 le produit
sera, à l’ordinaire, de quatre à cinq pintes
d’esprit. Dans la préparation du sirop, vous
aurez soin de diminuer .un peu la dose de su-
cre. En composant , le mélange devient lai-
teux à proportion de l’huile essentielle dont
la liqueur se trouvera chargée. Pour la rendre
parfaitement claire, servez -vous du moyen
que nous avons indiqué dans les principes
généraux , en parlant de la filtration. La co-
riandre , le fenouil et les autres semences
chaudes majeures et mineures se préparent
124 L * A RT DE COMPOSER
en liqueur comme i’anis ; on peut , d’après la »
dose prescrite ci-dessus , les joindre toutes
ensemble j en proportion égale, pour en faire
une liqueur très-carminative ; mais cette li-
queur ne sera point aussi agréable que l’anis
seul , quoique beaucoup plus efficace.
La badiane est une plante exotique , appelée
vulgairement Anis étoilé , parce qu’elle est
formée de six rayons qui représentent parfaite-
mentla figure d’une étoile. Son diamètre porte
un bon pouce 3 chaque rayon forme une cap-
sule qui ren ferme un pépin semblable au pépin
d’une pomme ou d’une poire , mais plus lisse et
plus luisant; sa couleur est d’un jaune brun ,
tirant un peu sur le rouge ; ce pépin est fort
odorant, et contient une grande quantité
d’huile ; la capsule n’est pas moins odorante ,
mais elle est beaucoup plus sèche.
On prendrait l’odeur de la badiane pour
celle de l’anis , tant elles ont de ressemblance ;
en y faisant cependant un peu d’attention ,
on y remarque quelque différence, surtout
après les infusions et distillations. La badiane
a quelque chose de plus suave et de moins
monotone; on dirait que ce sont plusieurs
aromates mêlés ensemble , dont l’anis forme
la dominante. Au surplus, j’ai reconnu par
l'analyse de l’un et l’autre fruit , qu’ils don-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 125
liaient à peu près les memes résultats , d’où
j’ai conclu que l’anis et la badiane devaient
avoir les mêmes vertus, et que l’on pouvait
s'en servir dans les mêmes cas, et pour re-
médier aux mêmes indispositions. 11 faut ce-
pendant avouer que la liqueur faite avec la
badiane est sans comparaison plus gracieuse ;
pour cette raison, j’en conseille l’emploi de
préférence à l’anis; vous la composerez donc
selon la méthode suivante :
Pilez en poudre fine six onces de badiane ;
faites infuser cette poudre pendant quinze
jours dans neuf pintes d’eau-de-vie ou d’es-
prit-de-vin tempéré par l’eau; distillez au fi-
let médiocre ; si l’esprit est suffisamment im-
prégné d’odeur , comme il arrive ordinaire-
ment dans cette opération , vous vous en
tiendrez à cette seule distillation; faute de
quoi , après avoir retiré six pintes d’esprit ,
vous cohoberez ; à la seconde fois, vous vous
contenterez de cinq pintes. Ce qui restera dans
la cucurbite sera fort odorant, mais peu ou
point du tout spiritueux; et comme la ba-
diane, ainsi que l’anis , donne beaucoup
d’huile essentielle , âcre et piquante , je ne
conseille pas de tirer à la quantité , de crainte
d’ôter à la liqueur la délicatesse qu’elle doit
avoir.
Vous prendrez donc vos cinq pintes d’es-
prit, et vous les mêlerez au sirop préparé
avec cinq livres de sucre et cinq pintes d’eau.
Le mélange contractera une couleur désa-
gréable , louche et laiteuse 5 il faudra le cla-
rifier au blanc d’œuf, et filtrer selon l’art.
De toutes les liqueurs, celle-ci embarrasse le
plus pour la filtration ; je suis bien aise d’en
prévenir, afin qu’on ne se livre point à l’im-
patience.
J’ai remarque que plus la badiane vieil-
lissait, et plus elle perdait son odeur et son
goût d’unis 3 elle 11’en devient pas moins
agréable pour cela , au contraire , je lui trouve
alors quelque chose de moins commun, qui
flatte par sa singularité. On teint cette liqueur
en violet ou en gris de lin : consultez sur cela
nos principes généraux.
Du Genièvre.
Le genièvre est un arbrisseau sauvage qui
se plaît sur les montagnes arides et souvent
à la lisière des bois. Les plus considérables sont
de cinq à six pieds de hauteur, il est même
rare d’en trouver d’aussi élevés. Pour l’ordi-
naire il jette des branches rampantes rà et là ,
à un demi-pied de terre tout au plus , elles
LES LIQUEURS DE TABLE, ClC. 1^7
sont extrêmement entrelacées , et forment
comme des petits buissons impénétrables.
Les feuilles sont vertes en toutes saisons ,
petites , étroites , oblongues , et terminées
par un aiguillon , ce qui fait qu’on en cueille
diirieilement les baies 3 elles sont rondes, de
la grosseur d’un pois, vertes d’abord, et en-
suite noires lorsqu’elles sont mûres 3 elles
sont placées entre les feuilles, dans un ordre
admirable. Le bois de genévrier est aussi fort
odorant , et presqu’aussi sudorifique que le
sassafras.
Choisissez des baies qui ne soient pas trop
vieilles, c’est ce que vous distinguerez aisé-
ment à leur épiderme 3 si elle est ridée, c’est
un signe qu’elles no sont point de l’année 3 si
elle est ferme et bien tendue , c’est un bon
signe. Prenez garde aussi qu’elles 11’aient point
fermenté , elles y sont fort sujettes 3 vous vous
en apercevrez à leur goût aigre et moisi. En
ayant choisi un demi-litron, écrasez-les dans
un mortier de marbre 3 ajoutez deux onces de
cannelle et quatre clous de girofle; mettez le
tout en infusion dans neuf pintes d’eau-de-vie
ou autant d’csprit-de-vin tempéré par l’eau ,
faites du rer l’infusion pendant quinze jours;
après ce teins distillez au bain-marie 3 vous
verrez a l’odeur plus ou moins forte de ge-
1 28
l’art de composer
iiicvre , s’il est nécessaire de cohober ; sinon ,
ayant retiré cinq pintes d’esprit, vous passe-
rez à la composition de votre liqueur, en
mêlant autant de sirop que vous aurez d’es-
prit. Le mélange , pour l’ordinaire , devient
louche et même laiteux, en ce cas, ayez
recours à ce que nous avons dit à ce sujet
dans les principes généraux , à l’article de
la Oltration.
Voulez-vous faire un esprit ardent de ge-
nièvre sans addition d’eau - de- vie ? Prenez
une assez grande quantité de baies bien mûres ,
écrasez-les, mêlez -y un peu de miel ou de
levure de bière avec assez d’eau pour qu’elle
surnage d’un bon doigt; je suppose que vous
aurez mis ce mélange dans des vaisseaux d’une
capacité relative au gonflement qu’excite la
fermentation : laissez le tout en macération
.jusqu'à ce que vous sentiez une odeur forte
et vineuse , ce sera un signe que la fermen-
tation s’opère bien. Versez pour lors vos ma-
tières dans la cucurbite avec un tiers d’eau ou
environ; adaptez le chapiteau, et distillez au
feu ouvert, jusqu’à ce que vous aperceviez
que ce qui tombe dans le récipient, n’a plus
de force, ce seront les phlegmes; il sera teins
de cesser. Si vous trouvez que cet esprit Con-
tient encore trop de phlegme, il faudra le
rectifier,
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. I 29
rectifier , en répétant la distillation dans un
petit alambic au bain-marie 5 après quoi, si
vous avez bien opéré , vous aurez un esprit
de genièvre , qui produira tous les clïèts
dont nous avons parlé plus haut, et cela plus
promptement et plus infailliblement. Il es^
bien vrai que cette liqueur sans sucre et sans
autre préparation, n’est pas trop agréable; sa
force pénétrante est extrême, mais elle est
bienfaisante , surtout dans les indigestions.
Lorsqu’elle est fort vieille , elle perd de sa
force , et devient un peu plus supportable.
Du Céleri.
Cette plante , si commune dans nos jar-
dins, n est autre chose que de Tache devenu
fort doux par la culture. Les vertus du cé-
leri ne sont ni en grand nombre , ni du
premier ordre , aussi est-il plus employé dans
les cuisines que dans les laboratoires. On
prétend qu il échauffé, mais d’ailleurs il n’est
point malfaisant. On peut faire avec cette
plante une liqueur à boire assez carminative,
et d une saveur fort agréable ; il faudra la
composer de la manière. suivante :
Coupez en petits morceaux trente ou qua-
rante pieds de céleri, plus ou moins, sui-
I
j3o l’art de composer
■vaut leur grosseur; faites-les infuser pendant
un mois dans neuf pintes d’eau-de-vie, ou
d’esprit-de-vin tempéré d’eau, comme nous
l’avons enseigné dans les principes généraux ;
distillez ensuite au fort filet : l’huile essen-
tielle montera difficilement , par conséquent
cohobez. Si vous trouvez que la distillation
vous a fourni un esprit trop peu chargé
d’odeur , pour l’augmenter , prenez encore
une bonne quantité de céleri bien blanc ,
faites-le bouillir dans une quantité suffisante
d’eau , exprimez et coulez cette eau ; em-
plissez votre cucurbite avec d autre célcii
cru et coupe en petits morceaux, "\cisez pai-
dessus cette même eau que vous avez retirée
par décoction et par expression, adaptez le
chapiteau , et distillez au feu nu. Cette opé-
ration est fort délicate, par le danger qu’il y
a de faire sentir l’empyreume à l’eau simple
de céleri que vous vous proposez de îetner;
par conséquent il faut régler la distillation au
moyen d’un feu très-doux ; il serait même à
propos de se servir d’une cucurbite garnie
d’une grille à son fond , pour empêcher la
combustion des matières solides. L’eau que
vous retirerez de cette manière, sans êtrespi-
ritueuse , sera fort odorante; vous vous en
servirez au lieu d eau commune poui fane
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l3l
votre sirop; comme il en faut une quantité
égale à votre esprit, vous vous réglerez sur
cette proportion , c’est-à-dire , que de neuf
pintes d’infusion , ayant retiré cinq pintes
d’esprit , il faudra vous arranger de façon que
vous puissiez avoir cinq pintes d’eau odorante
pour faire votre sirop. Le mélange étant fait,
vous filtrerez sans beaucoup de peine. Cette
liqueur, quoique très - agréable , n’a guère
plus de vertu que la plante qui en fait la
base.
De Y Angélique.
Les grandes vertus en tout genre que l’on
attribue à la plante dont nous allons parler,
lui ont valu ce beau nom. Elle est originaire
de Bohême j d’où nous la recevions autrefois.
Comme elle se plaît beaucoup en France ,
depuis sa transplantation , elle y est devenue
fort commune. Elle porte une tige assez
haute , grosse , creuse en dedans , et séparée
par nœuds, d’ou partent les feuilles et les
moyennes tiges; ses feuilles sont larges, et
profondément découpées. On trouve la se-
mence au sommet de la tige , en forme d’ai-
grette , dont chaque fil se termine par une
graine de la figure d’un croissant , plate ,
I a
132 l’art de composer
grise et légère. Toutes les parties de l’angé-
licjuc sont odorantes 3 beaucoup de gens se
servent de la graine pour faire leur liqueur \
quelques-uns s’en tiennent à la tige 3 d’autres
enfin à la racine.
Nous avons dit qu’on pouvait se servir in-
différemment des tiges ou côtes, de la graine
et des racines 3 si vous vous déterminez pour
la tige , vous observerez en tout la méthode
que nous avons prescrite pour le céleri 3 si
vous croyez que la graine soit préférable ,
consultez la recette pour l’anis : ce sont les
memes préparations et les mêmes doses 3
mais si vous voulez vous en tenir à la ra-
cine , prenez neuf onces de cette racine ,
concassez-la grossièrement dans un mortier ,
mettez -la en infusion dans neuf pintes d’eau-
de-vie, ou égale quantité d’esprit-de-vin tem-
péré par l’eau , comme nous l’avons dit ail-
leurs 3 ajoutez une once de genièvre , et au-
tant de cannelle 3 faites durer l’infusion quinze
jours 3 distillez ensuite au bain-marie , au fijet
médiocre, et sans chercher à cohober. Si
votre eau - de - vie est d’une bonne qualité ,
vous tirerez cinq pintes d esprit aromatique j
préparez votre sirop a 1 ordinaire. Dans la
'composition vous donnerez la coulcui qu il
vous plaira 3 le mélangé restera clair3 point
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. lr>3
de clarification par conséquent 3 filtrez ensuite
selon l’art.
Plus cette liqueur sera gardée, meilleure
elle deviendra; en vieillissant elle acquiert
une odeur d’ambre très - gracieuse ; il est à
présumer que ses vertus sont considérables ,
puisque la racine qui entre dans sa composi-
tion passe pour avoir quelques propriétés.
De V Absinthe.
11 y a plusieurs espèces d’absinthe ; l’étran-
gère , qui nous vient du Levant; la marine,
ainsi nommée parce qu’elle croît sur lesbonls
de la mer, en Provence et en Languedoc ;
la grande absinthe , fort commune dans nos
jardins ; et enfin la petite absinthe , égale-
ment commune , mais moins amère que la
précédente. Nous ne parlerons que de ces
deux dernières espèces; et comme on se sert
assez indifféremment Je l’une et de l’autre ,
nous ne les distinguerons pas.
L’absinthe croît facilement par-tout, mais
plus particulièrement dans les lieux secs.
C’est une plante médiocrement haute , sa
tige est ligneuse ,• ses feuilles assez petites,
très-échancrées , et d’un vert pâle ; elle porte
la semence au haut de scs tiges , de la forme.
de petits grains ronds , assez semblables à la
graine d’épinards ; son amertume est extrême.
On l’emploie en conserve, en extrait, en
sirop; on en fait des infusions dans du vin ,
dans de la bière, et toujours avec succès;
mais toutes ces préparations ont le désagré-
ment de conserver un goût d’amertume au-
quel on ne se fait pas. L’absinthe liqueur n’a
point ce défaut; elle joint aux propriétés des
autres préparations , celle d’être totalement
dépouillée de son amertume , et d’être fort
douce , et même agréable.
Prenez dix - Luit poignées d’absinthe ,
grande ou petite , verte ou sèche , n’importe
(nous entendons par poignée ce que la main
d’un homme peut contenir , en supposant
l’absinthe dans toute sa hauteur); plus, deux
onces de cannelle , un demi-litron de ge-
nièvre , trois gros de racine d’Angélique ,
deux gros de safran , six clous de girofle ,
un gros de macis , et un gros d’anis vert ;
mettez ces substances en infusion dans neuf
pintes d’eau-de-vie , ou pareille quantité
d’esprit - de - vin , bien entendu qu’il sera
tempéré par égal poids d’eau; faites durer
l’infusion pendant quinze jours ; remuez
la cruche de teins à autre ; après quoi
vous distillerez au bain-marie, au fort filet :
LES LIQUEURS DE TABLE, el.C. I '> ^
d’abord, votre esprit sortira blanc , clair, lim-
pide 3 il pourra se faire qu insensiblement
vous le voyiez changer , et tomber dans le
récipient, dune couleur ambre e 3 ue vous
alarmez pas si cet accident arrive , il ne gâte
rien à l’opération 3 continuez-la avec vos soins
ordinaires. Quand vous aurez recueilli la râ-
leur de six pintes desprit , versez le tout dans
la cucurbite , par le canal de eohobation , et
recommencez la distillation d abord au filet
médiocre, et ensuite au petit filet. Ayant ex-
trait cinq pintes d’esprit bien charge d odeur,
vous vous en tiendrez la. Pour procéder en-
suite à la composition , vous prendrez cinq
livres de sucre que vous ferez fondre dans qua-
tre pintes d’eau de fontaine ou de rivière 3 vous
ajouterez à cette quantité une pinte de bonne
eau de fleur d’orange double. V otre sirop étant
fait , vous le mêlerez avec vos cinq pintes d’es-
prit 3 si vous le jugez à propos , vous colo-
rerez le mélange en rouge avec la cochenille
et l’alun , comme il a été dit dans les princi-
pes généraux , observant toujours qu il faut
diminuer la mesure d eau a proportion de
celle que vous emploierez pour votre tein-
ture 3 vous finirez parla filtration.
De toutes les liqueurs celle-ci est sans
contredit la plus médicale.
i36
l’art de composer
Du Macaron .
J ai cru devoir nommer ainsi cette liqueur
parce qu’eile rappelle parfaitement la saveur
du macaron; aussi peut -elle tenir son rang
parmi les liqueurs les plus gracieuses ; il en
est peu meme qui soient d’un goût plus gé-
néral ? et c’est tout le mérite que je lui con-
nais; mais ce n’en est point un médiocre que
de plaire infailliblement, et à toutes sortes
de personnes.
Pour faire cette liqueur si agréable au goût,
pilez dans un mortier de marbre, une livre
d’amandes amères; faites bien attention qu’il
n’j ait point de noyaux d’abricots, ni d’au-
cune autre espèce parmi , ces noyaux ont ,
généralement parlant, une saveur trop âcre ;
mettez-les en infusion dans neuf pintes d’eau-
de-vie ou d’esprit-de-vin tempéré d’eau , re-
muez la cruche fréquemment. Le terme de
l’infusion passe , c’est-à-dire , au bout de
quinze jours, versez le tout dans la cucur-
bite, adaptez le chapiteau, placez l’alambic
au bain-marie, et distillez au pet il filet; en-
tretenez votre feu le plus également qu'il vous
sera possible , paixe que vous ne serez point
obligé de cohober. Ayant retiré cinq pintes
»
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. I07
d’esprit , vous ferez votre sirop avec cinq li-
vresdesucre , trois bouteilles d’eau commune,
et deux pintes d’eau de fleur d’orange double ;
si vous trouvez la liqueur trop forte d’esprit,
augmentez la proportion d’eau et de sucre.
Le sirop fait, et le mélange achevé, filtrez
par le papier gris. Votre liqueur passera
claire, limpide, brillante, également agréa-
ble au goût et à la vue.
Autre recette appelée Macaroni.
Prenez eau-de-vie à 24 degrés , vingt pin-
tes; amandes amères, trois livres; triturez
avec une livre d’eau : d’une autre part, con-
cassez girofles , six gros ; cannelle, une once;
mettez le tout en digestion pendant vingt-
quatre heures ; distillez ensuite au bain-marie
pour obtenir dix pintes de liqueur.
Prenez ensuite vingt livres de sucre quevous
ferez liquéfier dans douze pintes d’eau, cla-
rifiez avec six blancs d’œufs , coulez , mêlez
le sirop avec la liqueur spiritueuse ; lors-
qu elle sera refroidie, ajoutez huile essen-
tielle de cédras et de bergamottc de chaque
douze gouttes, que vous aurez délayées avec
un peu de sucre.
i58
l’art de composer
De la Singulière.
C’est sans contredit la plus parfaite et la plus
délicieuse liqueur que l’on connaisse ; mais ,
pouf F obtenir dans toute sa perfection , il ne
faut épargner ni peines , ni soins , ni dé-
penses.
Vous prendrez donc les zestes d’un gros
cédra , ou si vous n’en avez pas , les zestes de
deux beaux citrons , l’écorce fraîche de deux
oranges , une once de cannelle , deux gros
de macis , six clous de girofle , un demi-gros
d’anis vert , un gros de coriande , demi-gros
de racine d’angélique, demi-gros de sa Iran ,
deux gros de genièvre; ayant pilé , concassé
et écrasé toutes ces substances , mettez-les in-
fuser dans cinq pintes d’csprit-dc-vin le mieux
rectifié , que vous tempérerez par quatre
pintes d’eau commune. Faites durer 1 infu-
s on pendant un mois dans un endroit chaud ,
remuez de teins en tems votre cruche. Le
mois d’infusion expiré versez vos matières
dans la cucurbite , adaptez le chapiteau , lut-
tez-en les jointures avec de la colle de farine ;
placez l’alambic au bain-marie , distillez da-
bord au fort filet. Ayant retiré cinq à six
pintes, reversez-les dans la cucurbite , con-
tinuez à distiller à un feu très-doux, de ma-
LES LIQUEURS DE TABLE, CÎC. H'}
nière que la liqueur ne sorte que goutte à gou l te
sans faire le filet. Ayant retiré environ cinq
pintes d’esprit bien aromatique, vous vous
disposerez à la composition avec toute l’atten-
tion possible. D’abord vous commencerez par
le sirop que vous préparerez avec cinq a six
livres de sucre, trois pintes d’eau commune ,
et deux pintes d’eau de fleur d’orange double.
Le sirop étant préparé , vous y mêlerez votre
esprit aromatique, vous remuerez bien le
tout, et vous goûterez si rien ne domine ,
à l’exception de la fleur d’orange , qui doit
s’annoncer un peu plus que le reste, pas trop
cependant. Si vous apercevez que quelque
parfum domine plus que les autres , vous
tiendrez prêtes les builes essentielles de ccdra ,
de citron, de girofle, de cannelle, ou sim-
plement des esprits bien imprégnés de tous
ces aromates, que vous aurez toujours en
réserve pour vous en servir dans le besoin;
vous en verserez dans votre composition au-
tant qu’il sera nécessaire pour établir l’équi-
libre entre vos aromates; et. quand vous aurez
monté votre liqueur au ton convenable , alors
vous la colorerez en rouge cramoisi avec la
cochenille , comme nous l’avons enseigné
dans les principes généraux. Finissez par la
fibration.
De V Huile de H énus et des Eaux de
Barbades.
Réduisez. en poudre impalpable deux on-
ces de graine de carvi, deux onces de graine
de carotte sauvage , ou daucus commun ,
deux onces et demie de graine de daucus
creticus, quatre gros de macis , et une once
de cannelle ; faites infuser ces substances
pendant quinze jours dans neuf pintes d'eau-
de-vie ou d’esprit-de-vin tempéré par l’eau ,
après quoi vous distillerez au bain-marie, au
fort filet d’abord; ayant retiré six pintes,
vous les reverserez dans l’alambic , et vous
cohoberez. Ayant retiré à cette seconde dis-
tillation la valeur de cinq pintes d’esprit , vous
vous en tiendrez là ; vous siroperez ensuite
de la manière suivante : Faiics bouillir qua-
tre gros de safran dans trois pintes d’eau;
le safran ayant bien donné sa ieinturc , cou-
lez cette eau teinte en jaune toute bouil-
lante sur sept livres de sucre, remuez bien
le tout alîu qu’il fonde plus promptement;
étant fondu , laissez - le refroidir , versez
alors vos esprits sur votre sirop; le mélange
sera trop épais pour être filtré au papier gris;
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. I.jl
il faudra par conséquent vous servir d’une
chausse faite de toile de coton.
L’eau des Barbades a été inventée dans les
îles de l’Amérique qui portent ce nom. Soit
que les fruits soient plus aromatiques dans
ces pays-là qu’ailleurs , soit que les artistes y
aient une méthode particulière , soit enfin
que le passage de la mer influe sur la qualité
de l’espèce, il est certain que nous n’avons
encore pu les imiter qu’imparfaitement. On
s’est donné la liberté d’inventer et de varier les
recettes à l’infini; on a conservé à la liqueur
une pointe forte , pour ne rien dire de plus ;
c’est le caractère distinctif des eaux des Bar-
bades , et on les a hardiment débitées sous
ce nom imposant. Quoique je sois du senti-
ment de ceux qui pensent que l’usage habi-
tuel de cette liqueur trop violente est perni-
cieux , je ne laisserai pas que de donner la
méthode qui me paraît la meilleure pour en
composer de bonne.
Faites infuser durant quinze jours les zestes
de six gros cédras et deux onces de cannelle
dans neuf pintes d’eau-de-vie ou d’esprit-de-
vin tempéré par l’eau; après l’infusion, dis-
tillez au bain-marie, au filet moyen; ayant
retiré six pintes, démontez tout-à-fait votre
alambic , jetez comme inutile tout ce qui
1^2 l’art de composer
restera dans la cucurbite ; rincez -la propre-
ment, versez-y vos six pintes de la première
distillation , ajoutez les zestes de quatre au-
tres cédras et une once de cannelle ; adaptez
le réfrigérant ; distillez au bain-marie et au
petit filet; ayant retiré quatre pintes , versez-
les par le canal de cohobation , pour rectifier
les esprits une troisième fois ; ayant retiré
quatre pintes ou cinq , tout au plus, cessez,
liapez alors en poudre fine sept livres du plus
beau sucre, faites-le dissoudre dans deux pin-
tes d’eau chaude , mêlez vos esprits à ce sirop,
filtrez le mélange; vous aurez une liqueur
d’un parfum agréable à la vérité , mais d une
force étonnante , ,et qui ne deviendra sup-
portable que lorsqu’elle aura acquis de lon-
gues années. L’eau des Barbades varie selon
les caprices du goût ; on en fait à la berga-
motte , au macis , à l’orange , à la limette , etc.
La manipulation est la même pour tous les
genres d’aromates, en les substituant les uns
aux autres; la liqueur change de saveur et ue
parfum sans en devenir plus saine.
Pour faire la cremc des Barbades , mettez
en infusion pendant quinze jours, dans neuf
pintes d’eau-de-vie ou d’esprit-de-vin tempéré
par l’eau , les zestes do trois cédras , les zestes
de trois oranges , deux gros de macis , quatre
LES LIQUEURS DE TABLE, CiC. 1 /fi
gros de cannelle , six clous de girofle; vous
distillerez au bain - marie et aux fort filet ;
ayant retiré six pintes d’esprit, versez - les
dans la cucurbite , et cohobez. Contentez-
vous à cette seconde fois de tirer cinq pin-
tes d’esprit en distillant au très -petit filet;
après quoi faites fondre huit livres de sucre
fin dans quatre pintes d’eau; n’en mettez pas
davantage, parce qu’il faut un peu de vivacité
à cette liqueur ; vous la laisserez en blanc fin ,
c’est-à-dire, que vous ne la colerez pas.
Elixir de Garus.
Cet élixir n’est point , à proprement parler ,
une liqueur de table ; mais elle est d’une sa-
veur si agréable , ses propriétés médicales sont
si généralement reconnues et si fort recom-
mandées, que nous croyons bien faire d’en
parler ici. Cette composition a eu le sort de
toutes les compositions célèbres, c’est-à-dire ,
qu’elle a été souvent altérée , ou par l’igno-
rance , ou par la présomption de ceux qui
ont entrepris d’en faire. Je ne sais si la recette
que je donne ici est véritablement celle de
l’auteur; mais elle m’a si bien réussi , que j’ose
la recommander comme excellente.
Prenez deux onces et demie d’aloës succo-
1 44 l’art DE C O M POSER
toriiij demi-once de myrrhe, deux gros de
safran gatinois , vingt-quatre grains de can-
nelle , autant de clous de girolle , autant de
noix muscade ; pulvérisez bien toutes ces sub-
stances , mettez-les dans unmatras, versez
par dessus une pinte d’esprit-de-vin très-
rectifié et tempéré par trois onces d’eau com-
mune ; exposez votre matras bien bouché au
soleil , pendant vingt-quatre heures, ou, au
défaut du soleil , sur la cendre chaude , re-
muez-le bien de tems en tems j distillez en-
suite dans un alambic de verre au bain de sa-
ble, ou dans un bain-marie d’étain} vous re-
tirerez à peu près une pinte d’esprit bien
aromatique 5 mêlez à cet esprit poids égal de
sirop capillaire , lait selon la méthode pres-
crite à l’article de l’huile de Vénus; ajoutez
une quantité suffisante de fleur d’orange dou-
ble , uniquement pour parfumer davantage
votre élixir ; laissez reposer le tout pendant
quinze jours dans un bocal bien bouche, ou
jusqu’à ce qu’il soit clair-lin ; versez-le pour
lors par inclinaison dans les bouteilles où vous
voulez le conserver.
Des Ratafias.
La méthode de composer les liqueurs com-
munes
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 1^6
munes par infusion et sans distillation , est
sans contredit la plus ancienne; quoique ex-
trêmement simple, elle a cependant des avan-
tages bien réels ; la dépense en est rarement
considérable , et les soins qu’elle exige sont
encore moindres. Pour peu qu’on veuille être
attentif, on parviendra à faire des liqueurs
non-seulement supportables , mais encore
délicieuses. 11 est bien vrai que l’on ne doit
pas se flatter d’atteindre par ce moyen jusqu’à
la délicatesse des liqueurs fines, mais c’est de
quoi bien des gens s’inquiètent peu; pourvu
qu’on leur épargne la peine et la dépense, ils
sont assez contens. Nous voudrions pouvoir
les servir à leur gré , au point même de les
exempter de lire aucun avis préliminaire ;
mais comme cet excès de complaisance pour-
rait les exposer à travailler au hasard et à pure
perte , nous les invitons à jeter un coup d’œil
sur les observations suivantes :
I. Ne faites vos infusions que dans des vases
de verre , ou du moins dans des cruches de
grès; les vaisseaux de faïence seraient parfai-
tement bons, mais rarement on en trouve
d’assez commodes; surtout gardez-vous bien
de vous servir d’aucun vase de métal , de
cuivre, par exemple, d’étain, ni même de
fer-blanc.
K
1 46 l’art de composer
II. réemployez que l’eau-de-vie la plus
naturelle 3 faites bien attention au goût qu elle
peut avoir j qu’elle ne sente ni le feu, ni le
fût, c’est un goût de bois : cette attention
est d’une grande conséquence.
HT. 11 n’est pas moins important de faire
un bon choix , tant des drogues , que des
fruits ou fleurs qui doivent entrer dans vos
compositions 3 que les épices soient bien aro-
matiques, et fort chargées d’huile essentielle;
que les graines et semences soient nom edes
et séchées à propos 3 que les fruits soient bien
mûrs, sans l’ètre trop 3 que les fleurs soient
bien odorantes , toujours cueillies dans un
teins serein , et peu après le lever du soleil 3
enfin , prenez bien garde que rien 11e sente le
moisi 3 car quand une fois ce goût désagréable
subsiste , il n est pas possible d’y apporter
aucun remède.
1Y. Le tems de l’infusion sera toujours de
six semaines ou deux mois. Le choix du lieu
n’est pas indifférent 3 autant qu’il serapossi-
ble , il faudra placer vos vaisseaux au soleil ,
pendant l’été , et dans un lieu tempéré ,
pendant l'hivet , ayant grand soin de les
bouclier exactement pour obvier à l’eva-
poration.
V. On pourrait employer 1 esprit-de-vin
£es liqueurs de table, etc. 1 47
bien rectifié , au lieu de Teau-de-vie , vos li-
queurs en seraient bien plus fines; il y a
meme des cas où il faut l’employer de toute
nécessité , c’est lorsqu’on veut faire des rata-
fias avec des fruits qui donnent beaucoup
deau; si l’on 11’avait pas soin de les exalter
un peu au moyen de l’esprit-de-vin, ils se-
raient constamment trop faibles, et presque
de nulle saveur.
VI. Une des plus grandes sujétions à la-
quelle cette méthode des infusions simples
expose, c’est le passage à la chausse ou la
clarification. Si vous choisissez pour filtre
un tissu trop serré, ou la liqueur 11e passe
pas , ou elle passe si lentement que tous les
esprits ont le teins de s’évaporer; si le tissu
est trop lâche , tout passera sans être clair-fin ,
peine perdue par conséquent. Pour bien faire ,
il faudrait avoir plusieurs filtres , tous d’un
tissu différent les uns des autres , afin de les
employer selon la consistance plus ou moins
épaisse des liqueurs. Vous prendrez donc
différentes sortes d’étoffes , plus ou moins
serrées, comme du drap de Lodève, qui est
excellent dans bien des cas , de lafutaine , du
feutre , etc.; vous ferez tailler les uns et les
autres en sacs de forme triangulaire , et vous
les ferez coudre avec toute l’exactitude possi-
K 2
1 48 i/art de composer
ble. Cette espèce de sac est appelé vulgaire-
ment chausse j son côté large A , opposé à
la pointe B , formera l’ouverture ; vous re-
plierez les bords , et vous y coudrez un petit
cerceau de bois ou d osier, ce qui formel a
le b ourlet C; aux quatre points dddd , dia-
métralement opposes , vous attacherez quatie
cordons eee e d’égale grandeur, que vous
nouerez ensemble au point b , dans lequel
vous insérerez un anneau Gq à cet anneau
répondra une corde que vous attacherez au
plancher, et que vous ferez mouvoir par une
poulie , ou bien v ous passerez un bâton à ti a-
vers l’anneau, et vous poserez le tout sur
deux chaises d’égale hauteur , ou bien vous
suspendrez votre chausse à un crochet , ou
enfin comme vous jugerez à propos pour votre
plus grande commodité. Le grand point est
de passer votre liqueur sans courir les risques
de rien répandre.
La figure ci-jointe vous fera saisir tout cet
appareil beaucoup mieux que mon explica-
tion. Si , au premier passage , la liqueur n est
point exactement claire, vous la verserez de
nouveau dans la chausse , et vous recommen-
cerez jusqu’à ce que vous ayez atteint le dc-
gré de limpidité que vous souhaitez,
vil. Il est bon de vous faire observer en-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 1 49
corc qu’au bout d’un certain tems la chausse
s’empâte, alors la liqueur ne passe plus du
tout. Le seul moyen que je connaisse pour
remédier à cet inconvénient, c’est de chan-
ger de chausse ou de laver promptement celle
qui a servi. Faites attention en la lavant: de
ne la point tordre , contentez-vous de la pres-
ser en long, le plus qu’il sera possible.
Vin. Puisque le girofle et le macis, aussi
bien que la cannelle , entrent dans presque
toutes les infusions simples , ayant ample-
ment parlé de cette dernière épice , nous ju-
geons qu’il est nécessaire de parler également
des deux autres , avant que d’entrer dans
aucun détail particulier.
Le clou de girofle est ainsi nommé , parce
qu’il a toute la figure d’un petit clou ;• il nous
vient des îles Moluques. L’arbre qui le pro-
duit n’exige aucune culture; il est grand
comme un laurier ordinaire , sa feuille res-
semble beaucoup à la feuille de saule, mais
elle a l’odeur et le goût du girofle; les bran-
ches sont en assez bon nombre , sans aucun
ordre ni symétrie. On voit constamment sur
l’extrémité de chaque branche une fleur, et
ces fleurs se trouvent encore en grand nom-
bre dans toutes les insertions des feuilles ;
elles paraissent d’abord blanches, elles chan-
i5o l’ar t de c omposer
gent ensuite, et deviennent vertes 3 lors-
qu’elles sont parvenues à ce point , elles com-
mencent à répandre une odeur très-agréable 3
approchant de plus en plus du point de ma-
turité, elles deviennent rousses3 onles cueille
alors, et on les fait sécher au soleil, où elles
prennent la couleur brune foncée que nous
leur connaissons. On dit que pendant qu'elles
sèchent, 011 est obligé de les arroser d’eau de
mer, sans quoi elles tomberaient en poudre.
Les fleurs que l’on ne juge point à propos
de cueillir 11c tardent pas à nouer et à devenir
un fruit de la grosseur et de la figure d’une
olive 3 011 les confit dans le pays , et on les
nomme en Europe antophylli , en Franc e
mères-girofles ou clous matrices. Quand ces
jeunes fruits sont eu maturité parfaite, ils se
détachent de l’arbre , et étant tombés dans
la terre , leur germe se développe avec une
extrême facilité 3 on voit alors paraître des
arbrisseaux fort faibles dans les commence*
mens , mais qui , en moins de huit ans , at-
teignent le terme de leur accroissement par-
fait : on assure qu’ils subsistent cent ans et
plus.
On a observé qu’il ne croissait aucune sorte
de plante sous cet arbre 3 il a cela de commun
avec nos noyers : peut - être celle propriété
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 1 5 1
leur vient -elle d’une transpiration forte et
odorante qui suffoque toute espèce de planté.
On sait que toutes ies parties du noyer ont
beaucoup d’odeur, et nous avons remarqué
quelque chose de semblable dans le giroflier.
Tous les clous de girofle ne sont pas éga-
lement bons 3 les meilleurs sont noirs , pe-
sans, d’une odeur pénétrante , d’une saveur
piquante , remplis d’huile , ce que l’on aper-
çoit facilement en les pinçant avec l’ongle par
la queue.
Les propriétés du girofle sont assez con-
nues 3 indépendamment du grand usage que
l’on en fait dans les alimens , on l’emploie
encore avec un très-grand succès dans la phar-
macie 3 il est d’un secours très - efficace dans
les faiblesses d’estomac , dans les indiges-
tions.
Le macis est encore une production des
I rides orientales , dont nous recommandons
fort l’usage. Le macis est la seconde écorce
de la noix muscade , et la muscade elle-même
est un fruit produit par un arbre de la gran-
deur de nos poiriers 3 il est originaire des îles
Moluques, comme le giroflier; mais les plus
beaux se trouvent dans File de Banda,
Ce fruit est composé de deux enveloppes
et d’un noyau ou amande; la première en-
veloppe est épaisse et charnue comme celle
d’une noix commune; la seconde est mince
et tendre; elle couvre immédiatement la mus-
cade comme un réseau , et s’en sépare dans
le tems de la maturité , c’est-à-dire , après que
la première écorce s’est ouverte et est tombée ;
c'est cette deuxième écorce que l’on appelle
macis , ou improprement fleur de muscade ;
elle est d’un jaune rougeâtre ou orangé , d’une
odeur très - agréable , et fournit une huile
très -excellente pour les douleurs et les tu-
meurs des jointures. L’amande qui occupe
le centre du fruit est nommée muscade; elle
sert d’épice dans les cuisines , et tout le monde
la connaît.
Le macis est céphalique, cordial , hystéri-
que, stomachique , carminatif; il dissipe les
vents, il devient anodin et assoupissant lors-
qu’il est un peu torréfié et dépouillé de son
huile.
Telles sont les observations préliminaires
que nous avons cru devoir rapporter avant
que d’enseigner ce qu’il faut faire pour se
procurer des liqueurs simples , dont nous al-
lons donner les recettes particulières.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l55
Des Vins par imitation .
Le raisin n’est pas la seule substance vé-
gétale avec laquelle , au moyen de la fermen-
tation, on puisse faire du vin; tous les fruits
combinés des mêmes principes que le raisin
pourront produire un effet approchant, et la
différence sera toujours en raison de cette
combinaison. Ainsi, tous les fruits qui seront
combinés de principe inflammable , d’huile
essentielle légère , d’esprit recteur, d’eau ou
phlegme, de sels essentiels sucrés , etc. se-
ront propres à faire du vin; mais comme nous
avons remarqué que ces principes sont dans
une proportion très - variée dans les raisins ,
et que, par cette raison, les différens raisins
produisent, une différence très - grande dans
les vins, de même les vins que l’on fera avec
les diverses substances végétales, varieront
en raison de la proportion des principes de
ces mêmes substances. 11 pourra même arri-
ver, et le cas sera fréquent, que l’on sera
obligé de suppléer à ces défauts par une ad-
dition de ces mêmes principes tirés d’autres
substances. 11 n’est, pas moins vrai que dans
certaines années ces principes sV trouvent en
plus grande abondance que dans d’autres ; par
I 5 f. l'art de composer
exemple, lorsque la chaleur est très-considé-
rable , les fruits sont bien plus remplis du
principe sucré, que lorsque l’été a été froid
et pluvieux 3 circonstances très-importantes ,
et auxquelles il convient d’avoir égard, tant
pour la manipulation que pour le choix des
fruits.
Lors donc que vous employerez des fruits
très-remplis de phlegme , et fort peu abon-
dans en principe , il faudra suppléer à ce dé-
faut par une addition d’esprit-de-vin et de
sucre , afin de ramener les vins qui en résul-
teront , au ton des vins ordinaires.
D’après ces observations , nous allons don-
ner quelques exemples de la méthode qu’il
faut suivre pour faire d’excellens vins par
imitation de celui de raisin, en remarquant
toutefois qu’il ne faudra pas tellement s’asser-
vir aux doses que nous allons prescrire , que
l’on ne puisse, que l’on ne doive même s’en
départir , et y apporter les changemens con-
venables, lorsque le cas l’exigera.
Vin de Pèches .
Prenez cent livres de pèche; ne choisissez
que celles qui sont d’une espèce très-vineuse.
Les pèches de vigne, quoique les plus com-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. l55
mimes, sont fort bonnes, pourvu qu’elles
soient cl’une maturité parfaite. Is’en réservez
aucune d équivoque , telles que pourraient
être celles qui seraient tachées de pourriture,
ou trop vertes. Commencez par en ôter le
duvet avec un linge un peu rude et Lien pro-
pre , ou plutôt une brosse, ôtez-en les noyaux ;
pétrissez bien votre fruit jusqu’à ce qu’il soit
en marmelade , mettez - le en fermentation
dans de grands pots de grès , ou, si vous n’en
avez pas, dans un baquet proprement échau-
dé, couvrez-le d’un linge, placez-le dans un
lieu tempéré jusqu’à ce qu’il ait bien fer-
menté , ce qui n’arrivera guère qu’au bout
de quinze jours ou trois semaines , plus ou
moins, suivant la température de la saison;
lorsque vous n’apercevrez plus aucune mar-
que de fermentation sensible , ce que vous
reconnaîtrez à une odeur forte et vineuse ,
et encore mieux à la limpidité de la liqueur
qui se trouvera au dessous d’une croûte qui
se sera formée à la surface, vous passerez le
tout par un linge d’un tissu un peu lâche ;
pour lors vous ajouterez deux livres d’esprit-
de-vin bien rectifié , et quatre livres de sucre
en poudre , plus ou moins de l’un et de l’au-
tre , relativement à la force et à la saveur que
vous remarquerez à votre vin de pèche; c’est
i56 l'art de composer
ii i précisément le cas où nous ne pouvons
pas prescrire de dose exacte. V otre mélange
étant fait , versez-le dans un petit baril ou
dans de grandes cruches de grès , bouchez
bien le tout, et portez-le à la cave, où vous
le laisserez pendant un an ; vous tirerez en-
suite votre vin en bouteille. Si vous avez
atteint le juste point de proportion, vous au-
rez un vin admirable par sa saveur et par son
parfum.
Vin d’ Abricots.
Ensuivantle mémo procédé , vous pourrez
faire un bon vin d’abricots , et comme ce
fruit a beaucoup moins d’acide et plus de
sucre que la pèche , il faudra avoir egard
à cette qualité lorsqu’on en viendra à l’ad-
dition de l’esprit-de-vin et du sucre.
Vin de Cerises.
Choisissez une assez grande quantité de
cerises parfaitement mûres, ôtez - en toutes
les queues , écrascz-les , et expnmez-cn le suc
jusqu’à l’occurrence de cent livres, mettez-
les en fermentation dans un lieu tempéré ;
• si la saison est chaude, l’affaire sera faite en
moins de huit jours , peut-être un peu moins.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 1$7
Vous le reconnaîtrez à la limpidité du suc
qui doit être parfaitement clair lorsque la
fermentation est parvenue à son point; ajou-
tez alors trois livres d’esprit-de-vin rectifié et
six livres de sucre ; mettez le mélange dans
un baril , pîacez-le à la cave , et oubliez-le
pendant un an; tirez-le ensuite en bouteille.
Le vin de merise se fait de même.
Vin de Framboise.
La préparation du vin de framboise est un
peu différente des précédentes. Pour le bien
faire emplissez une très-grande cruche de
grès , de belles framboises parfaitement mû-
res , versez par-dessus le fruit, de bonne eau-
de-vie vieille, tant que la cruche en pourra
contenir; exposez-la bien bouchée au soleil
pendant deux mois , après quoi versez par
inclinaison dans une autre cruche ce qu’il y
aura de bien clair; écrasez bien vos fram-
boises en les pressant dans un linge d’un tissu
peu serré , passez le suc qui en proviendra
par la chausse, ajoutez -le à celui que vous
aurez prétédemment tiré par inclinaison, après
quoi vous mettrez six onces de sucre par pin-
te ; et si votre vin vous paraît un peu faible ,
vous le renforcerez par une addition de quel-
i 58 l’art de composer
ques verres de bon esprit-de-vin bien recti-
fié 5 l’ayant monté au ton convenable, vous
le remettrez dans des cruches bien bouchées ,
et vous l’oublierez pendant deux mois 5 s’il
est clair, vous le mettrez en bouteille.
Vin de Groseilles.
Prenez deux parties de groseilles égrenées
et bien mûres , et une partie de framboises ,
que la quantité soit suffisante pour en expri-
mer cent livres de suc 3 faites - les fermenter
selon les règles prescrites ci-dessus ; quand
la fermentation sera achevée , ce que vous
reconnaîtrez aux signes que nous avons indi-
qués précédemment, vous ajouterez trois li-
vres d’esprit-de-vin rectifié , et six livres de
sucre, plus ou moins , selon que vous verrez
que la qualité de votre vin l’exigera 5 versez
ensuite le tout dans ün baril , placez -le à la
cave, et oubliez-le pendant un an 3 Vous le
tirerez après en bouteille.
Vin d* Oranges et de Citrons.
Quiconque aura bien saisi la théorie des
procédés que nous venons de donner , sera
en état de faire des vins de toute espèce, avec
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l5g
différentes sortes de fruits, même avec des
oranges et des citrons. Quoique ces derniers
fruits soient les moins convenables par un
excès d’acide et de parfum , il faudra donc
suppléer à ce défaut par une addition plus
considérable d’esprit-de-vin et de sucre, et ne
mettre d’écorce que ce qu’il faudra pour don-
ner au vin un parfum suffisant et agréable.
Ratafia de fruits rouges.
On peut bien dire , au ÿujet du ratafia dont
nous allons parler , que c’est la ressource ge-
nerale et le supplément aux liqueurs plus
dispendieuses \ tout le monde en fait, tout
le monde se pique de le faire parfaitement ,
et cependant j’oserais presque assurer qu’il
n’y a pas deux recettes qui se ressemblent.
Si vous voulez réussir à bien faire ce ratafia ,
attendez que tous les fruits qui doivent en-
trer dans sa composition soient bien mûrs.
Prenez alors six livres de cerises belles ,
grosses , tirant sur le brun-rouge à force de
maturité 5 plus, trois livres de framboises ,
autant de fraises, autant de groseilles, deux
livres de merises , une livre de guignes noi-
res • épluchez bien ces fruits, écrasez-les ,
et laissez-les en fermentation vingt -quatre
i uo i/art de composer
heures seulement \ après ce terme, exprimez-
en le suc à travers un gros linge , et dont
le tissu ne soit point serré ; versez sur cha-
que pinte de suc, une pinte d’eau-de-vie, et
sur chaque piûte de ce mélange , cinq à six
onces de sucre en poudre ; ayant bien re-
mué le tout , si vous avez pour produit six
pintes de liqueur en tout , vous y ajouterez
une once d’amandes amères concassées, qua-
tre clous de girofle, deux gros de cannelle ,
demi-gros de macis, autant de poivre blanc ;
si vous avez une plus grande quantité de li-
queur , vous augmenterez les doses de ces
derniers ingrédieus dans une sage proportion.
Observez encore que si votre ratafia vous
parait trop faible , vous pourrez l’exalter un
peu, en y ajoutant quelques verres d esprit-
de-vin bien rectifié. Voilà la règle generale
dont il ne faudra jamais se départir.
Votre mélange étant achevé , et votre ra-
tafia au point où vous le désirez , tant pour
la saveur" que pour le parfum , bouchez vos
cruches d’un bon bouchon de liège , couvrez-
le d’une feuille de parchemin mouillée , et
placez vos cruches au soleil pendant six se-
maines ou deux mois , ayant grand soin de
les bien remuer tous les jours. Si vous n’etes
pas fort pressé , je vous conseille de 11e point
ouvrir
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. l6l
ouvrir vos cruches avant le mois de novem-
bre. Pour lors , goûtez votre ratafia 3 s’il y
manque quelque chose , vous y remédierez 3
s’il est parfaitement clair, et à son point de
perfection, vous verserez la partie limpide
dans une nouvelle cruche , et vous passerez
la partie trouble par la chausse , que vous
ajouterez ensuite au reste , après quoi vous
le mettrez en bouteille.
Les arbres qui produisent les fruits dont
nous venons de parler , sont si connus , qu’il
serait ridicule d’en donner la description .
mais parce que ces fruits sont tous originai-
rement assez rafraîchissans , on aurait tort de
conclure que le ratafia qui en provient pos-
sède la même qualité. Ces fruits ont vérita-
blement changé de nature , tant par la fer-
mentation qu’ils ont subie , que par leur mé-
lange avec l’eau-de-vie , le sucre et les épices.
Je ne connais , au ratafia de fruits rouges ,
aucune propriété médicale bien décidée.
Ratafia d' Œillets.
Quoiqu’en général tous les œillets puissent
passer pour variétés les uns des autres , ils ne
sont cependant pas tous également propres à
faire le ratafia qui porte ce nom 3 je n’en con-
L
162 l’art de composer
nais que d’une sorte qui puisse servir à ce
dessein. C’est un petit œillet fort simple ,
composé de quatre feuilles en tout , d un
rouge foncé presque noir et bien velouté 3 sa
racine pousse ordinairement une grande quan-
tité de tiges , qui fournissent une ou plusieurs
fleurs.
O11 vante assez les propriétés de cette es-
pèce d’œillet 3 011 en fait un sirop et une con-
serve. On dit aussi que la décoction de cette
fleur est un cordial.
Faites cueillir après le lever du soleil , et
dans un teins serein , assez d’œillets pour
en remplir le vaisseau que vous destinez à
l’infusion 3 vous éplucherez bien toutes ces
fleurs ., feuille à feuille , vous en couperez
même le blanc, et vous n’en réserverez que
le rouge 3 votre cruche ou vaisseau étant bien
rempli de fleurs, vous ajouterez quelques
clous de girofle , un peu de cannelle et un
peu de macis , le tout prudemment pour 11e
point trop affaiblir le parfum d’œillet qui
doit toujours dominer 3 vous verserez ensuite
autant d eau - de - vie sur vos fleurs que la
cruche en pourra contenir 3 bouchez-cn l’ori-
fice exactement, et placez l’infusion au so-
leil pendant six semaines. Ce tems révolu ,
les fleurs auront déchargé leur teinture et leur
LES LIQUEURS DE TABLE , etc. l65
odeur; l’eau-de-vie en étant imprégnée , ver-
sez-la par inclinaison , ou bien à travers un
tamis, pour en séparer les fleurs qui seront
devenues toutes blanches, par conséquent inu-
tiles. Faites ensuite fondre sur le feu, et dans
une assez petite quantité d’eau, six onces de
sucre par pinte d’eau-de-vie ; si vous en avez
employé six pintes, par exemple, vous la
tempérerez par deux pintes d’eau ou environ ,
plus ou moins , selon la force qu’il vous plaira
de donner à votre ratafia. Votre sirop étant
fait selon les règles, vous l’ajouterez à votre
eau - de - vie. Ayant remis le tout dans une
cruche , bouchez-labien , et placez-la encore
au soleil pendant trois semaines; si votre ra-
tafia est louche , vous le passerez à la chausse;
s il est clair, vous pourrez vous en dispenser.
Ratafia de Cassis.
Selon certaines gens , c’est le meilleur çt le
plus sain des ratafias ; il l’emporte , selon eux ,
sur les liqueurs les plus fameuses ; en un mot ,
c’est la liqueur par excellence. Ne disputons
point des goûts , ils sont personnels , et con-
tentons-nous de prescrire la manière de faire
ce ratafia tant prôné.
Prenez six livres de cassis bien mûr, éplu-
L 2
164 l’art de composer
cliez-le, grain à grain, ecrasez-le dans une
grande terrine , vous le jeterez ensuite ainsi
écrasé dans une cruche; ajoutez neuf pintes
d’eau-de-vie, et , pour chaque pinte, six on-
ces de sucre râpé ; si vous le jugez à propos ,
vous pourrez ajouter quelques clous de gi-
rofle et un peu de cannelle, mais très -peu.
Le parfum du cassis ne se marie pas facile-
ment. Vous exposerez votre infusion au soleil
pendant deux mois, après lesquels vous la
passerez par • la chausse , et vous aurez une
liqueur charmante pour la couleur, bien ve-
loutée , bien moelleuse , et d’un goût délicieux
pour ceux qui l’aiment; mais elle nestpai-
faite qu’au bout de trois ou quatre ans , et
même plus. Elle contracte alors une qualité
qui la ferait prendre pour un vin de Rota.
Ratafia de Noix vertes .
Il semble qu’il n’y ait rien dans ce fruit qui
puisse promettre un heureux succès quand on
l’emploie. Son goût est d’une àcreté insup-
portable ; il donne par infusion une couleur
noire comme de l’encre , et son parfum est
très-peu de chose. Mais enfin il ne faut pas
toujours chercher 1 agréable, 1 utile mente
bien aussi notre attention ; et puisqu on atui-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. l65
Lue à la noix préparée , comme nous allons
le dire, quelques propriétés, nous croyons
que ce ratafia peut tenir sa place après le
cassis.
Choisissez donc soixante ou meme cent
noix lorsqu’elles seront parvenues à toute leur
grosseur, cependant il ne faut point attendre
qu’elles soient en cerneaux, c’est-à-dire ,
qu’il faut que l’amande ou fruit intérieur
soit baveux 5 écrasez ces noix dans un mortier
de marbre avec leur écorce ou brou , met-
tez-les dans une cruche 3 ajoutez pour cette
quantité de noix , neuf pintes d’eau-de-vie ,
bouchez votre cruche , et placez-la en infu-
sion pendant un mois. Après ce teins, passez
votre liqueur au tamis de soie sans presser le
marc qui devient dès - lors inutile 3 remettez
la liqueur dans la cruche, ajoutez trois quar-
terons de sucre pour chaque pinte de liqueur,
quinze clous de girofle, une once et demie
de cannelle , et deux gros de macis. Laissez
le tout en infusion pendant un mois, goûtez
votre liqueur 3 si vous ne la trouvez pas au
point convenable, ajoutez ce que vous juge-
rez propre à la raccommoder 3 si elle vous
parait à son point, passez-la par la chausse.
Ce ratafia sera d’une couleur peu agréable ,
mais sa saveur sera supportable.
iG6
i/art de composer
AUTRE RECETTE.
Brou de Noix.
Eau-de-vie, huit pintes ; cent - cinquante
noix vertes 3 muscades, un gros; girofle, un
gros; sucre concassé, quatre livres. Choi-
sissez (les noix déjà un peu grosses , mais assez
peu formées pour que l’épingle passe facile-
ment au travers ; vous les pilez dans un mor-
tier de marbre , et les faites infuser pendant
deux mois dans de l’eau-de-vie ; vous les égoû-
tez dans un tamis au dessus d’un vase; vous
faites fondre le sucre dans cette liqueur , que
vous renfermez de nouveau dans un vase
pendant trois mois ; ensuite vous la decantez ,
et la mettez en bouteille.
Ratafia de Coings.
Le coing est très - aromatique ; on peut
donc en tirer parti pour en faire un très-
bon ratafia. On connaît deux especes de
coings , le male et la femelle ; cette dernière
espèce, plus grosse, et d’une couleur plus
belle, est toujours préférable. •
Ayant choisi des coings bien murs cl bien
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 167
parés, vous connaîtrez cette qualité a leur
couleur , elle est pour lors d’un jaune écla-
tant, et un peu au dessous du citron : comme
ces fruits sont toujours cotonneux , vous
essuierez proprement leur duvetavec un linge
blanc 3 servez-vous ensuite d’une râpe à sucre
pour râper chair et écorce jusqu’au cœur ou
pépins , que vous jeterez comme inutiles.
Quand vous aurez préparé de la sorte une
suffisante quantité de ce fruit pour en tirer
autant de suc que nous le dirons bientôt ,
vous le porterez dans un lieu tempéré poul-
ie faire fermenter pendant vingt-quatre heu-
res au plus ; vous apercevrez pour lors que
son odeur sera médiocrement vineuse, et il
sera tems de le presser dans un linge; cette
expression se fera à grande force pour en ex-
traire tout le suc. Dans six pintes de ce suc ,
vous ferez fondre trois livres de sucre en pou-
dre ; vous ajouterez quatre pintes d’eau-de-
vie , une pinte ou environ de bon esprit-de-
vin, douze clous de girofle, une once de
cannelle et un gros de macis ; si votre rata-
fia, après ce mélange, vous paraît trop vio-
lent, vous le tempérerez par une addition de
nouveau suc de coings; s’il vous paraît trop
faible , vous remédierez à ce défaut par une
nouvelle dose d’esprit-de-vin; bien entendu
i68
\
l’art de composer
qu’il faudra augmenter aussi Ja dose de sucre
à proportion de ce que vous y aurez ajouté de
nouveau. Votre liqueur étant au ton conve-
nable , bouchez bien la cruche , et placez-la
dans un lieu chaud , s’il est possible , ou du
moins dans un lieu tempéré ; il serait fort inu-
tile de penser à la mettre au soleil, il n’a pres-
que plus de force dans la saison où l’on peut
faire ce ratafia 3 les coings sont rarement
mûres avant le mois d’octobre. Pour bien
faire , il faudrait oublier ce ratafia pendant
tout l’hiver, afin de l’exposer l’été suivant au
soleil , au moyen de quoi je garantis qu’on
aura un ratafia délicieux 3 après l’avoir passé
par la chausse, il sera d’une couleur jaune et
bien ambrée. Ce ratafia est stomachique.
On peut faire, selon cette recette, des rata-
fias inconnus jusqu’à présent , en employant,
au lieu de coings, des pommes et des poires
aromatiques.
Ratafia d' Angélique.
Nous ne répéterons pas ce que nous avons
dit ailleurs des vertus de cette plante : nos re-
marquerons seulement qu’ayant une odeur
très-suave , on peut en faire un ratafia dômes ti-
LES L IQ UEUR S . D E, T A B L E , CtC. 169
que , aussi sain qu’agréable , et à très - bon
marché.
Prenez clés côtes d’ Angélique dans la sai-
son où elle est dans sa plus grande force ,
c’est-à-dire , quand la tige est dans toute sa
hauteur; il ne faut cependant point attendre
que la fleur en soit tout à fait épanouie 3
rejetez les feuilles comme moins bonnes ,
coupez les côtes par quartiers , écrasez - les
grossièrement dans un mortier de marbre ,
emplissez -en une cruche jusqu’à la moitié,
versez par-dessus de l’eau-de-vie, tant que la
cruche pourra en contenir, bouchez-la exac-
tement, et de la façon que nous l’avons dit
plus d’une fois 3 placez -la, conditionnée de
cette façon, au soleil pendant un mois 3 alors
versez votre infusion dans une autre cruche ,
laissez bien égoutter votre angélique pour 11e
rien perdre 3 ajoutez six onces de sucre en
poudre par pinte de liqueur, un peu de can-
nelle , un peu de macis, le tout, avec dis-
crétion, pour ne point affaiblir l’angélique
qui doit dominer 3 remettez votre liqueur au
soleil pendant un mois , ensuite passez par la
chausse.
Le céleri , et toutes les plantes à peu près
de même espèce, se préparent de la même
façon et dans les mêmes doses.
Ï'JO
l’art de composer
Ratafia d' Anis.
Cette plante a été décrite en son lieu. On
peut consulter le même article sur ce que
nous avons dit des vertus de cette graine. Pour
en faire un ratafia commun , concassez une
demi -livre d’anis vert, un quarteron de co-
riandre , deux gros de cannelle et un gros
de macis j mettez le tout en infusion dans neuf
pintes d’eau-de-vie, pendant un mois 5 vous
aurez soin de sucrer votre liqueur avant que
de bouclier votre cruche, six onces de sucre
pour chaque pinte suffisent j si vous 11e trou-
vez pas cette dose de sucre assez forte , vous
l’augmenterez un peu 3 il faudra casser votre
sucre par morceaux à peu près gros comme
le poing. Vous tremperez chaque morceau
dans de l’eau commune en le retirant promp-
tement , et vous le jeterez ainsi imbibé dans
la cruche. Cette petite opération est néces-
saire pour deux raisons : i°. pour faciliter la
fonte du sucre , qui , sans cela , 11e se dis-
soudrait dans l’eau-de-vie qu’avec beaucoup
de peine 3 3°. pour affaiblir un peu la force
de l’eau-de-vie. Sans cette précaution , la
pointe de l’anis augmentant celle de l’eau-de-
vic , rendrait la liqueur un peu trop violente.
LES LIQUEURS LE T A B I. E , etc. 17 I
Après le mois prescrit pour 1 infusion , passez
votre ratafia par la chausse.
Ratafia de Semences chaudes , appelé vul-
gairement Eau des sept graines.
Nous avons promis la description de ces
plantes et de leurs semences à l’article de
l’anis, où nous avons expliqué ce qu’il fallait
entendre par la qualification de carminativc ;
nous avons dit au même lieu que les semences
chaudes majeures étaient au nombre de qua-
tre , l’anis , le carvi , le cumin , le fenouil.
L’anis a été décrit dans son article parti-
culier 5 nous avons également décrit en peu
de mots le carvi , lorsque nous avons eu oc-
casion de parler de l’huile de Vénus ; reste
donc à parler des deux autres , c’est ce que
nous allons faire avec notre précision ordi-
naire.
Le cumin diffère peu du carvi , et on les
substitue souvent l’un à l’autre. Le carvi est
une plante qui vient par -tout en France et
ailleurs. Le cumin est originaire de l’ile de
Malte , d’où on nous l’apporte par Marseille;
voilà je pense leur plus grande différence.
Le fenouil ressemble beaucoup à i’anis, et
pour la tige et pour la graine ; il y en a de
172 l’art de composer
deux espèces : la semence de l’une est un peu
amère , la semence de l’autre est plus douce ;
il faut toujours préférer cette dernière.
Le fenouil est fort commun , parce qu’il
' croît très - facilement dans tous les jardins.
Comme les vertus de ces quatre graines, ap-
pelées semences chaudes majeures , sont pres-
que les mêmes, il serait inutile de nous y
arrêter plus long-tems ; nous ne ferions que
nous répéter.
Les quatre semences chaudes mineures
sont l’ache ou le persil , Tannni , le panais
sauvage et l’amome.
Les graines de céleri , de persil ordinaire ,
de percis de Macédoine , sont si semblables
en vertus, qu’on peut les substituer sans au-
cun risque les uns aux autres. Nous avons
parlé de Tache en parlant du céleri , il serait
ridicule de nous arrêter au persil ; il est trop
universellement connu pour douter qu’il soit
nécessaire de donner sur cela quelque ins-
truction.
L’annni est une plante sauvage qui vient
dans les prés; on la croit très-propre dans
toutes les maladies de l’estomac.
Le panais sauvage vient également dans les
prés ; il a la feuille un peu plus large que le
panais des jardins : la fleur en est jaune.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 17$
Il faut bien prendre garde de ne pas se trom-
per au sujet de cette dénomination amoraejon
l’attribue à plusieurs sortes de graines , à
celle de girofle , au poivre de la Jamaïque , à
une espèce de solanum , et enlïn à une plante
ombellifère, l’une des quatre semences chaudes
mineures : c’est de cette dernière que nous
voulons parler ici. Son véritable nom est si-
non. Elle croît comme presque toutes les au-
tres plantes carminatives mineures , dans les
prés , et elles ont toutes les mêmes vertus ,
parce qu’elles abondent également en huile
essentielle aromatique.
Avec la semence ou graine de ces sept ou
huit plantes carminatives, 011 prépare un ratafia
commun, bien célèbre, parce qu’une infinité
de personnes qui en ont été soulagées ne ces-
sent de déposer en sa faveur. Sa plus grande
vertu est d’expulser les vents , et ses effets
sont si prompts , qu’il est impossible de ne
pas les reconnaître. Ce ratafia peut encore
avoir d’autres propriétés ; mais comme
sont moins sensibles que celle dont nous ve-
nons de parler, et qui est généralement re-
connue , elles sont moins prônées.
Prenez deux onces de chaque graine ou
semence chaude , tant majeure que mineure ,
ce qui vous donnera à peu près une livre eu
174 l’art de composer
tout 5 pilez ces graines dans un mortier, met-
tez-les infuser pendant six semaines dans
neuf pintes d’eau-de-vie ; ajoutez , comme
nous l’avons dit en parlant du ratafia d’anis ,
six onces de sucre par pinte ; ayez soin de
le casser en morceaux gros comme le poing,
et de tremper chaque morceau dans l’eau
commune avant que de le jeter dans l’eau-de-
vie. L’infusion achevée au terme prescrit ,
passez votre ratalia par la chausse ; plus il sera
gardé , meilleur il deviendra.
Ratafia d'Eau de Noyaux.
On peut dire de ce ratafia ce que nous
avons dit des ratafias à fruits rouges , qu’il
est d’une grande ressource dans le ménage
et des plus communs, parce qu’il se fait à
bon marché.
Dans la saison où les abricots sont dans leur
point de maturité parfaite, emplissez de noyaux
(j^çe fruit, une cruche d’uue continence quel-
conque , de manière cependant que le demi-
tiers de la cruche reste vide 5 il faudra laisser
les noyaux entiers sans en oter le bois , et au-
tant qu’il sera possible, les mettre daus la
cruche au sortir du fruit 5 lorsque la cruche
en sera remplie jusqu’au point indiqué, cm-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 17 5
plissez-la d’eau-de-yie , bouchez -la exacte-
ment , et exposez-la au soleil pendant deux
mois. Ce terme expiré , passez votre infusion
par un tamis de soie pour en séparer les
noyaux, que vous jeterez comme inutiles.
Remettez votre infusion dans la cruche , et
ajoutez six onces de sucre par pinte \ vous
casserez votre sucre en gros morceaux, que
vous tremperez dans l’eau commune avant
que de les jeter dans l’infusion 5 vous bouche-
rez bien la cruche, et vous l’exposerez en-
core pendant huit jours au soleil, après quoi
vous filtrerez votre ratafia par la chausse , et
vous le mettrez en bouteille.
Le ratafia de noyaux de pêche se prépare
de même , et ces deux ratafias ont un carac-
tère particulier qui les distingue 5 l’un sent
l’abricot, l’autre la pêche, et cette différence
ne vient pas de l’amande du noyau , mais du
bois. Comme ce parfum est fort délicat, il
faut bien se donner de garde de mêler aucun
aromate étranger dans votre infusion, comme
la cannelle, par exemple, le clou de girofle,
le macis , etc., ce serait le moyen d’ôter à vo-
tre ratafia le parfum naturel qu’il doit avoir.
176 l’art de composer
Ratafia de Genièvre .
Ce ratafia a son mérite par les bons effets
qu’il produit. Pour lui dter une certaine mo-
notonie, qui n’est rien moins qu’agréable se-
lon bien des gens , suivez le procédé que j’in-
dique ici.
Concassez une demi-livre ou trois quarte-
rons de baies de Genièvres bien choisies ,
c’est-à-dire , fraîches, sans être vertes ni moi-
sies, et parfaitement mûres , mettez-les en in-
fusion dans neuf pintes d’eau-de-vie ; ajoutez
deux onces de cannelle, douze clous de gi-
rofle, deux gros de macis, un gros d’anis
vert , un gros de coriandre 3 une demi-livre
de sucre par pinte d’eau- de-vie , que vous fe-
rez fondre sur le feu dans une pinte d’eau
commune : votre sirop étant bien refroidi ,
versez-le sur votre infusion , bouchez bien la
cruche , et placez-la au soleil ou dans un lieu
tempéré, pendant six semaines 3 après quoi
passez votre ratafia par la chausse, et mettez-
le en bouteille.
Ratafia de Fleur d'Orange.
%
L’espèce de ratafia dont nous entreprenons
de
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 177
de donner la composition , quand il est fait
avec soin , peut aller de pair avec les li-
queurs les plus fines et les plus délicieuses.
11 y a trois difïërens procédés , connus peut-
être de bien du monde , mais auxquels on
se conforme rarement assez pour bien
réussir.
On pratique le premier procédé de la ma-
niéré suivante : Prenez une livre et demie de
fleurs d’orange mondées , c’est-à-dire que
vous n’emploierez que les feuilles blanches ,
tout le reste, quoique aromatique, doit être
rejeté comme inutile, parce qu’il est beau-
coup trop acre et trop amer 3 mettez cette
quantité de leuilles de fleurs d orange en
infusion dans neuf pintes d’eau-de-vie, pla-
cez votre cruche bien bouchée au soleil pen-
dant un mois 3 après ce tems, vous ajouterez
une demi-livre de sucre en poudre pour cha-
que pinte d’eau-de-vie3 vous reboucherez bien
votre cruche, et vous 1 exposerez de nou-
veau au soleil pendant huit jours, ayant soin
de la remuer souvent, afin que le sucre ac-
cumule au fond puisse se fondre. Au bout
de ces huit jours, goûtez votre liqueur, et
si elle ne vous parait point assez sucrée, ce
que vous reconnaîtrez à son amertume , ajou-
tez encore du sucre, ne l’épargnez pas jus-
M
17 8 L’ART DE COMPOSER
qu’à ce que vous ayez atteint le degré conve4-
nable y plus la liqueur en prendra , plus elle
sera moelleuse. Rebouchez encore votre cru-
che , et exposez - la de nouveau au soleil jus-
que vers la mi-octobre ÿ passez - la pour lors
par la chausse , et mettez-la en bouteille.
La seconde façon se pratique ainsi : Faites
fondre dans une pinte et demie d’eau com-
mune cinq livres de sucre , faites-le cuire à
la forte plume dans une poêle à confiture ; il
sera à son point quand après avoir passé 1 écu-
moire par la poêle, et Fay oir secouee en lair,
vous verrez le sucre se détacher et voler en
forme de plume y ayez soin de tenir prêtes
deux livres de fleurs d’orange bien épluchées ,
comme nous l’avons dit plus haut. Dès que
vous apercevrez que votre sucre sera au de-
gré de cuisson convenable , jetez vos fleurs
dans la poêle , laissez -les quelques momens
dans cet état , en remuant fortement le mé-
lange pour donner le tems à la fleur de jeter
son huile y quand vous verrez que les fleurs
commenceront à rissoler un peu, retirez la
poêle du feu, versez-y, à différentes repri-
ses, une pinte ou deux d’eau-de-vie pour
empêcher le sucre de se cristalliser ÿ versez-
en assez pour tenir votre sirop sous sa forme
liquide , ayant soin de remuer toujours le
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 179
mélange ; alors mettez le tout dans la cru-
che que vous destinez à l’infusion, ajoutez
le reste de votre eau-de-vie , que vous ferez
monter jusqu a neuf pintes en tout; boucliez
bien la cruche, et exposez -la au soleil pen-
dant six semaines; goûtez pour lors votre li-
queur; si elle ne vous paraît point assez su-
crée ou trop violente , ajoutez ce qu’il con-
viendra de sucre en poudre et d’eau com-
mune. Votre liqueur étant à son point , re-
mettez votre cruche bien bouchée au soleil
pendant une quinzaine de jours; au bout de
ce tems , vous passerez votre ratafia par la
chausse.
Notez qu’il faut que toutes ces opérations
se succèdent avec toute la promptitude pos-
sible; si on les faisait avec lenteur, on cour-
rait risque , d’un coté, de laisser caramcler le
sucre, ou même de le brûler; et, de l’autre,
délaisser évaporer l’eau-de-vie : deux incon-
véniens auxquels il faut bien prendre garde.
Le troisième procédé mérite une attention
particulière.
Faites bouillir dans une poêle à confiture
six livres de sucre et trois pintes d’eau de
fontaine, jusqu’à ce que le sirop soit fait à
moitié, c’est-à-dire, qu’il soit au perlé; vous
reconnaîtrez ce degré de cuisson en laissant
Ma
1 3o l'art dê CbM POSER
tomber une goutte sur votre doigt ; si elle
y reste sans s’étendre , vous aurez atteint ce
degré convenable; alors jetez-y une livre de
fleurs d’orange , que vous aurez cueilli un
peu apres le lever du soleil, parce qu’ai ors
elles sont plus odorantes; vous les choisirez
bien ouvertes, et vous les éplucherez feuille à
feuille, jetant le reste comme inutile; immé-
diatement après avoir jeté votre fleur d’orange
dans la poêle, retirez -la du feu en remuant
bien le tout , versez votre mélange dans un
vase de faïence , ajoutez-y huit pintes d’eau-
de-vie , couvrez bien votre vase, luttez -le
avec une bande de papier enduite de colle de
farine , placez-le au bain-marie à une chaleur
très -douce, et laissez -le ainsi pendant huit
heures; retirez-ledufeu, laissez-le refroidir,
et passez votre liqueur plusieurs fois par la
Chausse jusqu’à ce qu’elle soit clair-fin; met-
lez-la pour lors en bouteille.
Donnez-vous bien de garde de pousser le
feu avec trop de violence. Après les huit heu-
res d’infusion, laissez refroidir le vaisseau ,
et passez votre ratafia par la chausse.
Ces trois méthodes sont fort bonnes ; la
première n’exige presque aucun soin, mais
c’est la plus longue; la seconde en suppose
un peu davantage , elle vaut mieux ; enfin ,
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l8ï
la troisième en exige Je plus , mais en récom-
pense elle est la plus courte.
S eu bac .
Le safran fait la base de cette liqueur. On
appelle safran ? les etamines d’une fleur gris
de lin, ou bleu fort pâle. Cette fleur est beau-
coup cultivée dans le Gatinois. Quand la fleur
est bien épanouie , on la cueille , on en arra-
che les étamines, qui sont fort longues et d’un
rouge foncé; on les fait sécher à l’ombre, et
c’est ce qu’on appelle safran.
Comme il est fort employé dans les prépa-
rations galéniques, on peut présumer qu’il a
de grandes vertus. Les peuples septentria-
naux de l’Europe en font un très-grand usa-
ge, jusqu a l’employer dans l’assaisonnement
des viandes ordinaires. Il y a donc apparence
que le scubac leur doit sa première origine.
Les Français ne sont pas également décidés
sur les charmes de cette liqueur; quelques-
uns la trouvent insoutenable , même dégoû-
tante, d’autres la boivent par préférence aux
meilleures ; quoi qu’il en soit de cette diver-
sité de goût, le scubac ne figure pas mal en
France , surtout celui que ion nomme assez
raal - à - propos scubac d’Angleterre ou d’Ir-
i8a l’art de composer
lande 3 je dis» mal-à-propos, parce que bien
des distillateurs français le contrefont 3 encore
si dans cette falsification ils observaient un
bon procédé , le mal ne serait pas fort con-
sidérable 3 malheureusement ils en sont très-*
éloignés. Quelques-uns le distillent d’abord ,
ensuite ils lui donnent la teinture.
Pour faire le scubac bien sain et bien
agréable, faites infuser dans six pintes d eau-
de-vie, une once de safran, une once de baies
de genièvre, une denn-once danis vert, une
demi-once de coriandre , une once de can-
nelle , demi-gros de racine d’angélique , un
gros de macis , huit clous de girofle et douze
jujubeS3 concassez toutes ces drogues, ajou-
tez trois quarterons de sucre par pinte d’eau-
de-vie, cassez le sucre par morceaux, trem-
pez chaque morceau dans 1 eau commune
avant que de les jeter dans 1 infusion 3 bou-
chez bien la cruche , placez - la dans un lieu
tempéré , remuez-la souvent 3 au bout de trois
semaines, voyez si votre sucre est entière-
ment fondu 3 s’il ne l’est pas , vous l’écrase-
rez en rémiettant avec la main, ou eu le re-
muant avec une spatule 3 goûtez si votre li-
queur est suffisamment sucrée 3 si vous aper-
cevez un défaut de sucre , suppléez-y par une ^
nouvelle addition 3 et si la teinture de safran-'
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. l85
vous paraît maigre , ou trop peu épaisse , ajou-
lez-en encore quelques gros pour la renforcer.
Remettez le tout en infusion pendant trois
semaines , après quoi passez votre scubac par
la chausse ; une seule fois suffira : peut-être
sera-t-il louche , épais, onctueux; vous ne
devez pas le souhaiter autrement : le carac-
tère particulier de cette liqueur est d’avoir
beaucoup de corps. 11 est à présumer qu’en
vous conformant exactement aux doses pres-
crites de notre recette, votre scubac sera d’un
goût plus général que celui que l’on vend
communément, et auquel on imprime mille
saveurs discordantes. J’ajoute qu’il doit être
plus salutaire , puisque tous les ingrédiens qui
entrent dans sa préparation sont analogues
entr’eux.
Pour faire le scubac blanc , il faudra dis-
tiller votre eau-de-vie, bien imprégnée de
vos drogues aromatiques , après huit jours
d’infusion. La dose des drogues qui entre dans
cette infusion est la même que celle qui entre
dans la composition du scubac coloré, à l’ex-
ception du safran que vous augmenterez
d’une demi-once. Votre distillation étant fi-
nie, vous ferez votre siropation à l’ordinaire.
1
. ^
i Si l'art de composer
Ratafia de Cédrats.
Rien n’est plus facile que de faire avec les
cédrats un ratafia délicieux , et qui ne sera
pas de beaucoup inférieur à la liqueur dis-
tillée et préparée avec le même fruit, du moins
quant au parfum.
Prenez trois gros cédrats ou quatre moyens,
coupez-les en morceaux gros comme le pouce ,
ou environ , mettez-les en infusion dans six
pintes d’eau-de-vie ou d’esprit-de-vin recti-
fié et tempéré par l’eau , ajoutez six à sept
onces de sucre par pinte j il faudra casser
votre sucre par morceaux , que vous trem-
perez dans l’eau commune avant que de les
jeter dans l’eau-de-vie j faites durer l’infusion
pendant deux mois , goûtez pour lors votre
ratafia ; s’il ne vous parait point assez sucré ,
vous y ajouterez ce qu’il faudra de sucre ;
s’i,l est trop violent , vous y ajouterez un peu
d’eau ; s’il est trop faible , uu peu d’esprit-
de-vin. L’ayant mis au ton que vous désirez.,
continuez l’infusion pendant huit jours en-
core , après quoi vous passerez par la chausse
jusqu’à ce que votre liqueur soit bien claire.
Vous observerez la même méthode pour
faire une excellente citronnelle par infusion
LES LIQUEURS DE TABLE etc. l£tf>
simple. Pour six pintes d’eau-de-vie, prenez
les zestes de douze citrons; le reste se prati-
que comme pour les cédrats.
Ratafia de Grenoble sans feu.
Lorsque les merises sont séparées de leurs
noyaux , et que ceux-ci sont concassés , on en
exprime le jus à la presse, et on y fait fondre le
sucre de la même manière que ci-dessus.
Vous rectifiez l’eau-de-vie de meme eny ajou-
tant deux livres d’amandes dë cerises ou d’a-
bricots pour donner du goût à la liqueur.
Ratafia de Grenoble ou de Teisser.
Suc de merises, trente pintes; eau-de-vie ,
vingt-quatre pintes; cannelle , six gros ; gi-
rofle, deux gros; feuilles de cerises , deux
livres ; sucre concassé , quatorze livres.
Vous prenez une quantité suffisante de
merises dont vous supprimez les queues, vous
les écrasez dans une passoire d’osier en pres-
sant fortement avec une écumoire pour faire
passer la pulpe , de manière à ne laisser sur
la passoire que les noyaux que vous concas-
sez ; vous réunissez le tout et le mettez dans
une bassine sur un feu modéré , en remuant
i SG l’art de composer
avec la spatule jusqu’à ce qu’il ait reçu un
bouillon; alors vous le versez dans un vase de
faïence, puis, lorsqu’il est refroidi , vous le
soumettez à la presse pour en exprimer le
jus dont vous mesurez trente pintes, et dans
lequel vous faites fondre le sucre. Vous ver-
sez le mélange dans un petit tonneau.
Si vous n’avez pas de l’eau-de-vie rectifiée,
vous distillez sufîlsante quantité avec la can-
nelle , le girofle et les feuilles de cerises >
pour obtenir vingt-quatre pintes de liqueur
spiritueuse que vous versez dans le tonneau
avec votre décoction de fruits ; vous laissez
déposer le mélange , et lorsqu’il est suffisam-
ment clair , vous le soutirez et le collez ; au
bout de dix jours , vous le mettez en bou-
teille.
Ce ratafia aquiert un grand degré de per-
fection en vieillissant.
On peut, si l’on veut, mettre avec les me-
rises un quart de cerises de Montmorency
qui procurent au ratafia une agréable acidité.
Ratafia de Grenades .
Suc de grenades, trois pintes; eau-de-vie ,
six pintes; cannelle, deux gros; sucre con-
cassé, trois livres.
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. ï&J
Faites choix de suffisante quantité de belles
grenades bien mûres , bien saines et sans ta-
ches ; vous les ouvrez pour en extraire les
graines que vous rejetez, vous exprimez le
suc des grenades , et en mesurez trois pintes.
Vous rectifiez l’eau-de-vie au bain-marie
en y ajoutant la cannelle ; cela fait , vous
fondez le sucre dans le jus de grenades, vous
recuisez les liqueurs dans un vase, et au bout
d’un mois, vous décantez le ratafia; s’il n’est
pas assez clair , on le filtre.
Ratafia de Pcclies .
Suc de pèches , quatre pintes 3 eau-de-vie ,
huit pintes; sucre concassé, quatre livres.
Choisissez des pèches en plein vent, les
plus belles et les plus mûres , et surtout bien
saines , vous les envelopperez , séparés de
leurs noyaux, dans un linge, et en exprimez
le jus à la presse. Vous rectifiez l’eau-de-vie,
et, y réunissant le suc des pèches, vous dé-
cantez ce mélange au bout de six semaines ,
y faites fondre le sucre, et ensuite filtrez le
ratafia.
Lorsqu’on ne rectifie pas l’eau-de-vie , on
ne met que deux pintes de suc par huit pintes
d’eau-de-vie.
l’art de composer
y oq
i u &
Ratafia de Groseilles .
Suc de groseilles, deux pintes ; eau-de-vie ,
quatre pintes; cannelle concassée, un gros ;
g 1 ofîe , un gros; sucre concassé, deux livres.
Vous égrainez les groseilles et les soumettez
a la presse pour en exprimer le jus; vous
icctiliez 1 eau-de-vie en y ajoutant les aroma-
tes, vous reunissez les deux liqueurs, et un
mois après, vous décantez le mélange , vous
y laites fondre le suc et filtrez le ratafia.
Ratafia de Framhroises.
Suc de framhroises, quatre pintes; suc de
cerises, une pinte; eau-de-vie rectifiée, huit
pmtes; sucre, quatre livres.
\ ous faites fondre le sucré dans le jus des
fruits , vous y ajoutez ensuite l’eau-de-vie,
et laissez déposer le mélange. Quand la li-
queur est parfaitement clair, vous la décan-
tez et la conservez pour l’usage.
Si on emploie de l’eau-de-vie moins forte ,
on ne mettra que trois pintes de suc de fruits.
Rossdlis .
Roses muscates, huit onces; fleurs d’orange
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 189
épluchées , cinq onces 3 cannelle concassée ,
trois gros ; clous de girofle concassés , un
gros; eau , six pintes ; esprit-de-vin, trois
pintes j esprit de jasmin, deux onces 5 sucre
blanc concassé , six livres.
\ ous mettez dans la cucurbite les cinq pre-
mières substances et les distillez pour retirer
trois pintes de liqueur dans laquelle vous
faites ondre le sucre 3 vous y versez ensuite
1 esprit-de-vin et 1 esprit de jasmin, vous co-
lorez la liqueur en rouge cramoisi et la fil-
trez ensuite.
Ratafia de Roses.
Quatre pintes d’esprit-de-vin; deux pintes
pintes d’eau de roses ; un gros de cochenille ;
vingt-quatre grains de sel de tartre.
Laissez infuser la cochenille avec Je sel de
tartre dans trois pintes d'eau; faites fondre
dans cette eau à froid dix livres de beau sucre *
le snop fait, melez le tout et versez environ
cinq ou six onces de bonne crème; laissez
digérer le tout quelques jours ; filtrez ensuite.
Ratafia d jdnis ou huile u ydnis.
Badiane ou anis étoilé, cinq onces; eau-dc-
vie à vingt-quatre degrés, six pintes.
3 go l’art de composer
Distillez jusqu’à moitié; ensuite faites uti
•
sirop avec six livres de sucre et quatre pintes
et demie d’eau ; lorsque le sucre sera fondu et
écume , retirez du feu , ajoutez la liqueur
spiritueuse.
«
Parjait Amour .
Eau-de-vie , six pintes ; zestes de cédrats $
deux onces; zestes de citrons, quatre gros;
girofle , un gros ; eau de rivière , trois pintes;
sucre concassé , cinq livres.
Mettez les cinq premiers ingrédiens dans
le bain-marie de l’alambic pour retirer par la
distillation environ quatre pintes de liqueur»
Vous faites fondre le sucre sur le feu; quand
il est refroidi , vous faites le mélange que vous
colorez en rouge avec la cochenille et que
vous filtrez.
Cuirasseau.
Eau-de-vie , cinq pintes ; zestes de seize
bigarades ; cannelle fine concassée , deux
gros; macis, un gros; eau de rivière , trois
pintes; sucre, trois livres quatre onces.
Vous zestez les bigarades de manière à
n’enlever que la superficie de la première
écorce vous les mettez avec la cannelle et le
tES LIQUEURS DE TABLE, etc. iQï
macis in fuser dans de l’eau-de-vie pendant, huit
jours. Après ce tems , vous procédez à la
distillation au bain-marie pour retirer trois
pintes de liqueur spiritueuse.
Vous faites fondre le sucre, vous faites le
mélange et le filtrez.
Vespetro.
Graine d’Angelique , carvi , coriandre , fe-
nouil , de chaque , quatre gros; zestes de deux
citrons, zestes de deux oranges; eau-de-vie,
cinq pintes; eau de rivière ,.deux pintes; su-
cre concassé , trois livres huit onces.
faites infuser les sept premières substan-
ces avec 1 eau-de-vie pendant quatre ou cinq
jouis dans un grand vase que vous fermez
bien; après ce tems, vous mettez le mélange
dans le bain-marie pour retirer , par la distil-
lation, deux pintes et demie de liqueur.
\ ous faites fondre le sucre dans l’eau , vous
faites le mélangé et filtrez la liqueur.
p
Persicot.
Eau-de-vie , six pintes ; amandes d’abricots ,
deux livres; cannelle fine concassée, un
gros; eau distillée ^ deux pintes; eau de fleur
i§2 l’aRÏ jOE COMPOSER
d’orange, une chopine; sucre blanc, cinq
livres.
Vous pelez les amandes , les concassez et
les mettez dans le bain - marie de l’alambic
avec l’eau-de-vie, la cannelle , et soumettez
le tout, à la distillation. Quand le sucre est
fondu dans l’eau de rivière , vous y ajoutez
l’eau de fleur d’orange 3 vous faites le mélange
que vous filtrez.
Liqueur suave.
Eau-de-vie, huit pintes 3 girofle, deux gros 3
macis, un gros 3 eau distillée, trois pintes j
eau de fleur d’orange double, une livre 3 eau
de rose double, une livre 3 esprit de jasmin ,
quatre gros 3 esprit d’ambre , quatre gouttes 3
sucre blanc concasse , six livres quatre once s.
On distille au bain-marie l’eau-de-vie , le
girofle et le macis, pour retirer cinq pintes
de liqueur spiritueuse 3 on fait fondre le su-
cre flans l’eau , puis on y ajoute celles de rose
et de fleur d’orange 3 on forme le mélange
avec le produit distillé , et les esprits de jas-
min et d’ambre. On filtre la liqueur , et on la
met dans des bouteilles qui bouchent bien.
Cette liqueur a un parfum et une saveur
agréai; le.
Liqueur
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. I(j3
Liqueur au bouquet.
Eau-de-vie, six pintes; macis, un gros;
eau distillée , trois pintes ; esprit de jasmin ,
six gros; esprit de fleur d’orange, quatre gros ;
esprit de rose, quatre gros; esprit de réséda,
quatie gros ; esprit de vanille , deux gros; su-
cre blanc concassé, cinq livres.
On distille au bain-marie 1 eau-de-vie et le
macis, pour retirer trois pintes et demie de
liqueur : quand le sucre est fondu dans l’eau ,
on réunit tous les produits distillés, et on
compose la liqueur; on filtre ensuite.
u4msette de Bordeaux .
Eau-de-vie, huit pintes ; anis vert, six on-
ces; anis étoilé, quatre onces; coriandre, une
once; fenouil, une once; eau de rivière,
quatre pintes ; sucre , six livres quatre onces.
On concasse les graines et on les met avec
l’eau-de-vie dans le bain-marie de l’alambic ,
poui i etirer quatre pintes de liqueur, avec
1 attention de ne pas laisser passer de flegme,
qui rendrait la liqueur laiteuse et en diminue-
lait la qualité on fait fondre le sucre dans
1 eau, et Ion forme le mélange; on filtre en-
suite.
N
*9i
l’art de composer
Liqueur aux quatre fleurs.
Eau-de-vie, si* pintes} eau distillée , quatre
pintes ; esprit de rose, huit onces 3 esprit de
fleur d’orange , huit onces 3 esprit de jasmin ,
trois onces 3 esprit de réséda, deux onces 3
sucre blanc , cinq livres.
Rectifiez l’eau-de-vie au bain-marie 3 (ai tes
fondre le sucre dans l’eau 3 mêlez et filtrez.
B es Liqueurs appelées Crèmes et Huées.
Lesliqueurs appelées crèmes, doivent avoir
une consistance plus épaisse que les autres 3
on parvient ainsi en y faisant entrer plus de
sucre , qu’on fait chauffer jusqu’à ce qu’il soit
prêt à bouillir 3 et celles nommées huiles,
doivent avoir une consistance assez semblable
à celle de l’huile d’olive , ce qu’011 obtient en
augmentant la dose de sucre et lui donnant
un bouillon.
Crème de myrte.
Eau-dc-vie , douze pintes 3 fleurs de myrte ,
une livre 3 feuilles de pécher , quatre onces 3
une muscade 3 eau distillée , six pintes 3 sucre ,
neuf livres.
LES LIQUEURS DE T AELE, etc. HJ 5
Vous mettez dans un vase les feuilles de
pécher , les fleurs de myrte et la muscade
•concassée 5 vous versez l’eau-de-vie par-dessus,
et, après avoir laissé macérer le tout dans un
endroit chaud pendant quinze jours, vous
procédez à la distillation au bain-marie, pour
retirer six pintes de liqueur spiri tueuse.
Vous faites fondre le sucre dans l’eau sur
le feu. Quand il est prêt à bouillir , vous
formez le mélange et filtrez la liqueur à i’en-
tonnoir fermé , puis la mettez en bouteilles,
A défaut de fleurs de myrte, on peut em-
ployer les feuilles 3 mais la liqueur n’est bonne
quau bout de deux ou trois ans.
( 1 de JJ eur d orange , au lait et au vüi
de Champagne.
Eau-de-vie, bonne qualité, douze pintes ;
fleurs d’orange épluchées , deux livres huit
onces ; lait , trois pintes ; vin de Champagne ,
mx pintes; eau distillée, quatre pintes; sucre
blanc , dix livres.
? fheuez du lait, vous le mettez avec la fleur
d orange dans une bassine sur le feu; après
un seul bouillon , vous versez le mélange dans
un vase de faïence. Lorsqu’il est refroidi .
\ ou* y versez 1 eau-de-vie rectifiée , et, aussi-
IV 2
igG l’art de composer
tôt après avoir agite le tout ensemble , \ ous
filtrez la liqueur. Le parfum de la fleur que
le lait avait empêché de s’évaporer, se trouve
enlevé par l’eau-de-vie, et il 11e reste au fond
que la fleur et la portion d acreté quelle con-
tient et le lait caillé.
Vous concassez le sucre et le laites fondre
dans l’eau sur le feu. Lorsqu’il est entière-
ment fondu, vous y ajoutez le vm de Cham-
pagne et l’esprit de fleur d’orange, puis vous
filtrez la liqueur. Cette crème est très-blan-
che , d’une odeur très-agréable et sans goût
d’amertume.
Autre manière.
Esprit-de-vin rectifié , six pintes ; fleuis
d’orange épluchées , deux livres ; vin de
Champagne , six pintes 5 eau de riviere , six
pintes 5 sucre , dix livres.
On fait fondre sur le feu le sucre avec
l’eau y lorsqu’il est prêt à bouillir, on y j< te
la fleur d’orange ; après un bouillon , 011 \ ci se
le tout dans* un vase bien bouché. Lorsqu il
est refroidi, 011 y verse l’esprit-de-vin et le
vin de Champagne 5 et après un jour d’infu-
sion 011 filtre la liqueur.
La crème de fleur d’orange faite de cette
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 197
manière est un peu âcre et moins blanche que
la précédente 3 il faut la laisser vieillir pour
lui faire perdre son âcreté.
Crème de Vanille ou Cordial.
Eau-de-vie rectifiée , trois pintes 3 vanille ,
six gros 3 ambre , un grain 3 eau , trois pintes 3
sucre concassé, cinq livres quatre onces.
Vous coupez en deux les gousses de va-
nille 3 vous les mettez dans une cruche avec
le grain d ambre , puis mettez sur le feu avec
leau3 après un bouillon, on retire du feu,
et lorsque la liqueur est refroidie, vous ajoutez
1 esprit-de-vin , et laissez le tout macérer pen-
dant six jours 3 vous colorez la liqueur avec
de la cochenille et la filtrez.
Pour composer une bonne crème de vanille
on emploie de bon esprit de vanille, qu’on
obtient en faisant infuser dans l’esprit-de-vin
cette substance coupée en menus morceaux*
Lorsque vous voulez en faire usage , il ne
s agit plus que d’y ajouter quelques gouttes
desprit d ambre , le sucre fondu, puis de
colorer et filtrer le mélange.
o
Les personnes qui n’aiment pas l’ambre,
peuvent le retrancher*
rg8
l’art de COMPOSER
Crcme d' Absinthe.
Eau-de-vie, huit pintes} sommités d’absin-
the récentes , ufie livre } zestes de quatre ci-
trons ou oranges 5 eau de rivière , quatre
pintes } sucre , sept livres.
Vous distillez au bain-marie l’eau-de-vie
avec Fabsiiïthe et les zestes pour retirer quatre
pintes de liqueur. Lorsque le sucre est fondu,
vous opérez le mélange que vous filtrez.
Crème de Moka.
Café moka , une livre } zestes de deux oran-
ges; eau-de-vie , bonne qualité, huit pintes 5
eau de fontaine ou de rivière, quatre pintes;
sucre blanc , six livres huit onces.
Vous faites griller le café jusqu a ce qu’il
ait une belle couleur de cannelle. Vous le ré-
duisez en poudre avec un moulin à café , et,
le mettant dans un vase avec les zestes, vous
versez l’eau-de-vie par-dessus , et laissez le
tout en infusion pendant deux ou plusieurs
jours. Vous concassez le sucre et le faites
fondre au feu; vous Opérez le mélange et
fil irez la liqueur.
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. Ipq
Crème de Cacao.
Cacao , quatre livres 3 cannelle Une concas-
sée , quatre gros 3 eau-de-vie ,six pintes 3 esprit
de vanille, cinq gros 3 eau de rivière, trois
pintes 3 sucre, cinq livres.
Vous prenez du cacao caraquë, vous le
torréfiez comme pour le chocolat , et le con-
cassez dans un mortier de marbre ; vous le
mettez au bain-marie de l’alambic avec la
cannelle et l’eau-de-vie pour retirer, par la
distillation , trois pintes un quart de liqueur
Spiri tueuse.
Faites fondre le sucre dans l’eau sur le feu 3
lorsqu’il est refroidi , Vous formez le mé-
lange dans lequel vous versez l’esprit de va-
nille, puis vous filtrez la liqueur.
Crème de Laurier.
Eau-de-vie, huit pintel^ fleurs et feuilles
de myrte, douze onces 3 feuilles de laurier,
douze onces 3 une muscade concassée 3 gi-
rofle, un gros 3 eau de rivière, quatre pintes;
Sucre concassé, six livres huit onces.
Vous distillez les cinq premières substan-
ces au bain-marie pour retirer quatre pintes
200 l’art de composer
de liqueur. Vous faites fondre au feu le sucre
dans l’eau de rivière , le laissez refroidir ,
puis vous formez le mélange que vous fil-
trez.
Crème des Barbades.
Eau-de-vie, six pintes; zestes de six cé-
drats choisis ; cannelle fixe , quatre gros ;
macis , quatre gros ; eau de rivière , deux pin-
tes ; eau de fleur d'orange , une livre ; sucre
blanc, cinq livres huit onces.
Vous mettez les zestes , la cannelle et le ma-
cis, infuser pendant huit jours dans l’eau-de-
vie et dans un vase bien fermé, puis distillez.
Crème de Kirchwaser.
Kirchvvaser vieux, six pintes; eau de fleur
d’orange double , huit onces ; eau distillée ,
trois pintes ; sucre , cinq livres.
Vous rectifiez le kirchwaser pour obtenir
quatre pintes de liqueur, puis y ajoutez 1 eau
de fleur d’orange. Vous faites fondre au leu
le sucre avec l’eau de rivière ; quand il est
refroidi, vous formez le mélange et le fil-
trez.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 0.0 1
Crème de Menthe.
Eau-de-vie , huit pintes ; menthe frisée
récente, une livre huit onces 3 zestes de six
citrons; eau de rivière, quatre pintes ; essen-
ce de menthe poivrée, deux gros ; sucre, sept
livres.
Vous mettez dans le bain-marie de l’alam-
bic la menthe, les zestes et bcau-de-vie pour
retirer, par la distillation, quatre pintes de
liqueur spiritueuse dans laquelle vous faites
dissoudre de l’essence de menthe.
Vous faites fondre le sucre avec beau sur
le feu , vous le laissez refroidir et opérez le
mélange que vous filtrez.
Crème des cinq fruits.
Eau-de-vie, huit pintes; zestes des quatre
cédrats ; zestes de cinq oranges ; zestes de qua-
tre citrons ; zestes dç. quatre bergamotes 3
zestes de bigarrades 3 eau de fontaine, quatre
pin! es ; sucre , sept livres.
Vous faites infuser, pendant huit jours les
zestes dans l’eau-de-vie , puis les soumettez
à la distillation au bain-marie pour retirer
quatre pintes de liqueur. Vous faites fondre
202
l’art de composer
sur le feu le sucre dans leau , vous faites le
mélange et fi lirez la liqueur.
Eau Divine.
Sucre , treize livres 3 eau très-claire, treize
pintes y blancs d’œufs , n°. eau , une cho-
pine pour battre les blancs.
Clariliez et mêlez ensuite avec sept pintes
d’esprit-de-vin rectifié et deux livres d’eau de
fleur d’orange double. Conservez cette liqueur
quelque tems avant de la boire.
Autre maniéré.
Versez' quatre pintes d’esprit-de-vin très-
reclifié, dans une cruche de grès, un gros
d’huile essentielle de citron , autant d’huile es-
sentielle de bergamote ; plus , huit onces de
fleur d’orange double 3 remuez bien le tout ,
ensuite faites un sirop à froid, en faisant, fon-
dre quatre livres de sucre dans huit pintes
d’eau y ajoutez ce sirop au mélange prece-
dent, remuez -le bien encore; au bout de
trois ou quatre jours , si votre liqueur n’est
pas parfaitement claire, vous la filtrerez.
LES LIQUEURS DE TABLE, ClC. 203
Cédrat.
Pour faire du cédrat selon cette méthode,
versez , comme nous venons de le dire dans
la recette précédente , quatre pintes d’esprit-
de-v in dans une cruche de grès, quatre gros
d’huile essentielle de cédrat 3 si vous aperce-
vez que le mélange soit trop aromatique ,
vous diminuerez la dose d’huile essentielle ,
en ajoutant de l’esprit - de - vin autant, qu’il
sera nécessaire pour faire une bonne combi-
naison 3 remuez bien le mélange pour faciliter
la dissolution de l’huile essentielle par l’esprit-
de-vin 3 faites ensuite un sirop à froid en fai-
sant fondre quatre livres de sucre dans huit
pintes d’eau ; votre sirop étant fait, vous l’a-
jouterez à votre premier mélange 3 remuez-
le bien, laissez - le reposer ensuite trois ou
quatre jours, et puis filtrez. Notez que si
votre liqueur se trouve trop forte , il faudra
augmenter le sirop 3 si elle est trop faible, il
faudra augmenter l’esprit-de-vin.
En observant une juste proportion entre
l’csprit-dc-vin et le sirop, et en se procurant
d’ailleurs les huiles essentielles relatives à ce
genre de composition, non - seulement on
pourra faire presque toutes les liqueurs fines
20i l’art de composer
les plus en vogue, mais encore on pourra en
miaginer de nouvelles, très -agréables : tout
dépendra d une combinaison exacte des hui-
les aromatiques avec l’cspril-de-vin et le si-
rop. J avertis seulement que pour réussir par
Cette méthode , il ne faut jamais employer que
de l’esprit-de-vin très - rectifié et des huiles
essentielles de la plus grande perfection 3 le
moindre défaut dans l’une ou l’autre de ces
substances, serait un obstacle infaillible au
succès que vous vous proposez.
autre recette.
Eau île Cédrat.
Eau-de-vie, six pintes, zestes de huit cé-
drats j zestes de deux citrons j eau de rivière ,
trois pintes 3 sucre blanc , quatre livres.
On distille au bain-marie les zestes de cé-
drats et de citrons avec l’eau-de-vie , pour re-
tirer trois pintes de liqueur 3 on fait fondre le
sucre dans l’eau, 011 fait le mélange, et l’on
filtre.
Eau des quatre Graines.
Eau- de- vie, six pintes; graine de céleri ,
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2o5
une once 3 graine d’angélique, deux onces ,
graine de coriandre, deux onces 3 graine de
fenouil, une once 3 eau de rivière, trois pin-
tes 3 sucre concassé , quatre livres.
Concassez les graines , et après quatre jours
d’inlusion dans l’eau-de-vie , vous procédez
a la distillation pour retirer trois pintes et
demie de liqueur spiritueuse. Lorsque le su-
cre est entièrement fondu, vous formez le
mélange et le filtrez.
Eau d’œillets.
Eau-de-vie, huit pintes 3 œillets rouges
épluchés, deux livres 3 girofle concassé, deux
gros , eau de rivière , quatre pintes 3 sucre ,
six livres.
On met les fleurs d’œillets dans 1 eau-de-vie 3
après en avoir otéles onglets , on y ajoute le
girofle , et on laisse le tout en infusion pen-
dant six jours. Ce terme expiré, on procède
à la distillation pour retirer quatre pintes de
liqueur spiritueuse.
On fait fondre le sucre à l’eau de rivière 3
on forme le mélange 3 on colore la liqueur en
rouge, et l’on flltre.
2C-6 l’art de composer
Eau de Céleri.
Eau-de-vie, quatre pintes; graine de cé-
leri, une once; eau de rivière, deux pintes ;
sucre, deux livres huit onces.
Ou obtient par la distillation de la graine
de céleri avec l’eau-de-vie, deux pintes de
liqueur. On l'ait fondre le sucre dans l’eau ,
puis on forme le mélange, que l’on filtre.
Les Eaux des différences graines se font de
la meme manière en suivant les mêmes pro-
portions.
Eau Archiépiscopale.
Eau-de-vie, quatre pintes; zestes de quatre
cédrats ; mélisse fraîche , deux onces ; macis ,
un gros; eau de rivière, deux pintes; eau
de fleur d’orange , une livre; esprit de jas-
min , une once; sucre concassé, trois livres.
On distille les quatre premières substances
pour retirer deux pintes de liqueur; on fait
fondre le sucre à l’eau de rivière; on y ajoute
l’eau de fleur d’orange et l’esprit de jasmin ;
et lorsque le mélange est fait, on filtre la
liqueur.
LES LIQUEURS DE TABLE; 6ÎC. 207
Jt.au d'argent.
Eau-de-vie , six pintes ; zestes de six oran-
ges; zestes de quatre bergamotes; cannelle
fine concassée, quatre gros; eau de rivière
distillée, trois pintes; sucre blanc concassé ,
quatre livres huit onces.
On suit les memes procédés que pour l’eau
d’or, excepté qu’on laisse cette liqueur en
blanc, et que l’on y met des feuilles d’argent.
Eau d'or.
Eau-de-vie, quatre pintes; zestes de six ci-
trons; macis, un gros; eau distillée, deux
pintes; eau de fleur d’orange,, une livre;
sucre , trois livres.
On distille au bain-marie l’eau-de-vie avec
les zestes et le macis, et on retire deux pintes
de liqueur spiritueuse : quand le sucre est
fondu dans l’eau, et qu’on y a ajouté de l’eau
de fleur d’orange , on forme le mélange , que
l’on colore en jaune avec la teinture de safran ;
on filtre ensuite. Alors, ayant un livret avec
des feuilles d’or, on en fait tomber dans une
assiette, et en y ajoutant un peu de liqueur,
On les bat légèrement avec une fourchette, et
2o8
l’art de composer
on en met avec une cuiller dans chaque bou-
teille une suffisante quantité. -
Eau de Thé.
Eau-de-vie, six pintes 5 thé impérial, une
once 3 eau de rivière, trois pintes 3 sucre con-
cassé , quatre livres huit onces.
O11 fait infuser le thé dans l’eau-de-vie pen-
dant huit jours, puis on retire trois pintes de
liqueur par la distillation 3 on fait fondre le
sucre dans l’eau, on fait le mélange, et l’on
liitre.
Eau de Noyaux de Phalsbourg.
Eau-de-vie , douze pintes 3 amandes d’abri-
cots , deux livres 3 amandes de pèches et de
cerises , une livre 3 eau de rivière , six pintes ;
eau de fleur d’orange , une livre 3 sucre con-
cassé, huit livres.
On met la veille les amandes tremper dans
de l’eau tiède pour en attendrir la peau 3 011
les pèle le lendemain 3 on les met dans une
cruche infuser avec l’eau-de-vie pendant huit
jours , et on procède ensuite à la distillation.
Quand le sucre est entièrement fondu dans
l’eau
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 20Q
l’eau, on ajoute J’eau de fleur d’orange ; ou
fait le mélange, et l’on filtre ensuite.
Eau de Malte.
Eau-de-vie, six pintes; zestes de douze
oranges ; eau de fleur d’orange double, une
pinte; eau de rivière, deux pintes; sucre
concassé , quatre livres.
On fait infuser les zestes d’oranges dans
l’eau-de-vie pendant deux jours, puis on les
soumet l’un et l’autre à la distillation.
On fait fondre le sucre dans l’eau, on ajoute
l’eau de fleur d’orange , et l’on fait le mélange
que l’on filtre.
Eau de la Côte.
Eau-de-vie , six pintes ; cannelle fine con-
cassée , quatre onces ; zestes de deux cédrats ;
dattes , quatre onces ; figues grasses , quatre
onces.
On fait infuser ces substances dans l’eau-
de-vie pendant six jours, et on procède à la
distillation pour obtenir trois pintes de li-
queur.
Eau distillée, trois pintes; sucre blanc ,
quatre livres huit onces.
O
210
l’art de composer
On fait fondre le sucre dans l’eau , puis on
forme le mélange ; on (litre ensuite.
Eau-de-vie d' Andaye.
■Eau-de-vie, douze pintes 5 anis étoilé con-
cassé , deux onces; coriandre concassée, deux
onces; zestes de six oranges ; iris de Florence
en poudre , quatre onces; eau de rivière , six
pintes ; sucre blanc , cinq livres.
On distille au bain-marie les cinq premières
substances, pour retirer six pintes et demie de
liqueur ; on fait fondre le sucre dans l’eau , et
on réunit les produits; on liltrc ensuite.
On préfère ordinairement pour cette liqueur
de l’eau-de-vie d’Espagne.
Des jruils à V Eau-de-vie , de la Clarifica-
tion du Sucre , et des differens degrés de
cuisson.
L’espèce de liqueur dont nous allons parler
n’a qu’un rapport indirect avec les liqueurs
proprement dites ; ce n’est ni une liqueur
fine, ni ce que l’on appelle un ratafia; si
elle n’a pas tous les avantages de ces deux es-
pèces, elle eu a du moins quelques-uns , et
qui 11c sont point à mépriser.
les liqueurs de table, etc. 211
Comme celte méthode a beaucoup de rap-
port avec le procédé qui concerne les confi-
tures, il faut de toute nécessité connaître les
diffère ns degrés de cuisson du sucre , et le
moyen de le clarifier parfaitement ; c’estaussi
par où nous allons commencer.
O11 observera d abord , comme règle géné-
îale , qu il faut environ un demi-septier d’eau
de lontaine ou de rivière, et environ la moi-
tié d’un blanc d’œuf bien battu pour chaque
livre de sucre que l’on se propose de clari-
fier. Pour mieux me faire entendre , je crois
qu il ne sera pas mal d’établir une dose fixe
de sucre , et de suivre le procédé dans toutes
ses parties.
Commencez donc par prendre quatre livres
de sucre , que vous casserez par morceaux
gros comme le pouce ou environ 3 prenez
ensuite une poêle à confiture , dans laquelle
vous mettrez un ou deux blancs d’œufs avec la
coque cassée et froissée en petits morceaux 5
vous délayerez ce blanc d’œuf dans une clio-
pine et demie d’eau que vous verserez à diffé-
rentes reprises, ayant soin de bien fouetter
le mélange à chaque fois que vous verserez
de l’eau , et cela avec un petit balai d’osier ou
de bouleau. Quand vous aurez achevé de bien
incorporer la totalité de votre eau avec le
O 2
21 2
l’art de composer
blanc d’œuf, et que tout le mélange sera bien
en mousse, vous y jeterez vos quatre livres
de sucre , et vous mettrez votre poêle sur le
feu, en remuant le sucre de tems en tems; de
crainte qu’il ne s’attache au fond de la poêle ,
et ayant soin d’enlever l’écume , qui ne man-
quera pas de paraître lorsqu’il viendra à
bouillir. Après quelques bouillons, le su-
cre s’élèvera au point de passer les bords
de la poêle ; pour empêcher qu’il 11e se ré-
pande au dehors , il faudra l’abattre en y
versant un peu d’eau froide, ce qui vous don-
nera le tems de l’écumer. Après cinq ou six
bouillons , jetez encore un blanc d’œul bien
fouetté, mais sans eau 3 enlevez le reste de
l’écume qui pourra se présenter encore, et
continuez toujours d’écumer jusqu’à ce qu il
ne se fasse plus qu’une petite écume légère
et blanchâtre ; retirez alors la poêle du feu ,
prenez une serviette que vous mouillerez lé-
gèrement , vous l’étendrez sur une terrine
bien propre, et 'vous passerez votre sucre ,
qui se trouvera parfaitement clarifié.
Après la clarification du sucre , il faudra lui
donner le degré de cuisson relatif à l’objet
que vous vous proposez. Les artistes en ont
établi six par lesquels ils règlent toutes leurs
opérations. Quand ils veulent exprimer ccs
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2l3
difïerens degrés de cuisson , ils disent : cuire
le sucre au lissé , au perlé , au soufflé , à la
plume , au cassé et au caramel.
i°. On connaît que le sucre est cuit au lissé ,
lorsqu’après en avoir reçu une goutte sur le
pouce , et y avoir joint le doigt index, on les
sépare tout d’un coup ; si pour lors il se fait
un petit filet d'un doigt à l’autre , qui se rompt
tout de suite , vous pouvez être sur que votre
sucre est au lissé ; si le filet est presqu’imper-
ceptible, le sucre n’est cuit qu’au petit lissé.
Il 11e faut pas s’aviser, pour faire cette épreu-
ve , de tremper son doigt dans le sucre bouil-
lant, on se brûlerait immanquablement. Il
suffira donc de retirer l’écumoire qui doit tou-
jours rester dans la poêle , et l’élevant un peu
au dessus, vous recevez la goutte de sucre
qui coulera du bord sur votre pouce, ce qui
suffit pour faire votre essai.
2°. Votre sucre ayant jeté quelques bouil-
lons de plus, vous réitérerez le même essai;
si en séparant vos deux doigts le filet qui se
forme s’étend un peu sans se rompre, le su-
cre est censé cuit au petit perlé, et l’on appelle
grand perlé le sucre cuit au point de pouvoir
s’étendre entièrement sans se rompre, quoi-
que les deux doigts soient séparés l’un de l’au-
tre autant qu’ils peuvent l’être. On connaît
encore ce degré de cuisson à Ja figure du bouil-
lon ; il forme alors comme une manière d£
perles rondes qui paraissent rouler les unes
sur les autres.
5°. Après quelques bouillons encore . pre-
nez votre écumoire à Ja main, et l’ayant un
peu déchargé en frappant sur le bord de la
poêle, soufflez au travers des trous ; en allant
et revenant d’un coté à l’autre ; s’il en soit
comme une sorte de petite bouteille, votre
sucre sera au degré que l’on nomme au soufflé.
4°. Si vous laissez cuire votre sucre jus-
qu’à ce que vous aperceviez , au lieu des
perles dont nous avons parlé un peu plus
haut, des espèces de bouteilles qui, après
s’être élevées, crèvent tout de suite , et lais-
sent échapper beaucoup de fumée, vous pou-
vez établir que votre sucre est bien près d’être
à la plume. Passez alors votre écumoire par
le milieu de la poêle, retirez-le en le secouant
fortement en l’air 3 si vous apercevez le su-
cre voler comme une plume légère , mais un
peu large, il sera à la petite plume; si vous
continuez un peu plus long-tems la cuis-
son , eu secouant l’écumoire en l’air , vous
apercevrez votre sucre sous la forme de
filasse volante ; il sera pour lors à la grande
plume.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2 1 5
5°. Pour connaître si votre sucre est au
cassé, il faut prendre un verre plein d’eau
fraîche , vous y tremperez le bout de votre
doigt, que vous plongerez dans le sucre
bouillant, vous aurez soin de le retirer bien
vite pour le plonger dans le verre d’eau froide y
si pour lors , en froissant le sucre entre vos
doigts , le sucre adhérent se casse en faisant
un petit bruit, il sera au cassé.
6°. Le sucre cuit au cassé s’attache tou-
jours comme de la poix lorsqu’on en met
entre les dents 3 pour être au degré que l’on
nomme caramel , il faut qu’il casse net sous
la dent sans s’y attacher. Or , ce degré n’est
pas facile à saisir , car pour peu que vous
manquiez le point requis , votre sucre est
sujet à brûler, au moyen de quoi il 11’est plus
bon à rien. Il faudra donc être bien attentif,
etrépéter souvent l’essai sous la dent 3 dès que
le sucre commencera à ne plus s'attacher, il
sera au caramel.
Ayant acquis une connaissance exacte de
la cuisson du sucre , 011 pourra entreprendre
de faire les. fruits à l’eau-de-vie.
11 est peu de fruits que l’on ne puisse con-*
server dans l'eau-de-vie 5 cependant, comme
je ne crois pas qu’il soit facile de les em-
ployer tous avec un égal succès , nous ne par-
lerons que des fruits à qui l’expérience a fait
donner la préférence pour cette opération :
si l’on est curieux de faire des essais sur d’au-
tres fruits , les recettes suivantes pourront
servir de modèle à ceux qui voudront les en-
treprendre.
Pêches à V eau-de-vie.
Choisissez trente pêches , belles , bien co-
lorées 3 faites attention qu’il ne faut pas qu’elles
soient tout à fait mûres , mais seulement bien
près du point de maturité : ce fruit est tou-
jours chargé de duvet, il faudra l’ôterenvous
servant d’une brosse molle, ou en l’essuyant
avec un linge blanc. Vous l’inciserez ensùite
de toute sa longueur et jusqu’au noyau, afin
que le sirop puisse pénétrer jusque dans
l’intérieur. Toutes vos pêches étant préparées
de la sorte, faites fondre trois livres de sucre
dans une suffisante quantité d’eau pour le cla-
rifier, comme nous l’avons enseigné ci -des-
sus. Votre sucre étant clarifié, et le sirop
étant toujours sur le feu , et bouillant , vous
y jeterez votre fruit, ayant attention de le
remuer en tous sens avec l’écumoire , afin
que la chaleur agisse par tous les côtés ; dès
que vous apercevrez que le fruit s’amollit .
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 217
retirez -le de dessus le feu, et arrangez vos
péchés sur un tamis pour les faire égoutter.
Pendant qu’elles égoutteront , vous remettrez
votre sirop sur le feu, et s’il vous paraît qu’il
soit devenu trouble , vous le clarifierez de
nouveau avec du blanc d’œuf 3 faites-lui faire
trois ou quatre bouillons , et versez-le tout
bouillant sur vos pèches, que vous aurez eu
soin de transporter du tamis dans une grande
terrine vernissée. Laissez de la sorte votre
fruit tremper dans le sirop pendant vingt-
quatre heures , après quoi retirez encore vos
pêches du sirop que vous remettrez sur le
feu, vous lui ferez faire dix à douze bouil-
lons , et vous le reverserez de nouveau sur
vos pêches. Le troisième jour mettez le fruit
et le sirop tout ensemble sur le feu , et don-
nez quatre ou cinq bouillons couverts. Re-
tirez la poêle du feu, laissez refroidir le tout
à demi , ensuite prenez vos pêches une à une,
et rangez-les proprement dans un bocal , en-
suite examinez combien votre bocal peut con-
tenir de liquide 3 si vous jugez qu’il soit assez
grand pour contenir quatre pintes, par exem-
ple, vous emploierez deux pintes d’eau-de-
vie et deux pintes de sirop pour le remplir :
s’il 11e contient que trois pintes , vous ne
mettrez qu’une pinte et demie de sirop pour
2l8
l’art de composer
une pinte et demie d’eau-de-vie. Il n’est guère
possible d’assigner ici des doses précises ; un
peu de pratique suppléera à ce que nous ne
pouvons pas enseigner avec une exactitude
un peu scrupuleuse. Votre fruit étant recou-
vert de liquide, il surnagera d’abord, il res-
tera ainsi à la surface pendant un mois ou
deux ; mais à mesure qu’il sera pénétré par
la liqueur , il tombera au fond.
Abricots à V eau-de-vic.
Prenez la quantité d’abricots qu il vous
plaira ; cependant ne passez pas deux dou-
zaines, essuyez-les proprement avec un linge
pour leur oter leur duvet , jetez-ies dans l’eau
bouillante , d’abord ils se précipiteront au
fond, peu après ils remonteront sur l’eau;
alors lirez-les de la poêle, et arrangcz-les à
mesure sur un linge blanc , ou bien pour
mieux faire , jetez-les dans l’eau fraîche. lous
vos abricots étant blanchis de la sorte, vous
les retirerez de l’eau fraîche pour les faire
égoutter sur un tamis ; étant bien égouttes,
vous les jeterez dans un sirop que vous aurez
fait clarifier auparavant. Le reste du procédé
est le même que celui que nous venons d indi-
quer pour la pèche.
LES LIQUEURS DE TABLE, elC. 2lQ
Pèches ou Abricots à V eau-de-vie d'une
autre manière plus simple .
Prenez de belles pèches ou abricots qui
soient bien murs, essuyez-les légèrement avec
un linge , pour ôter leur duvet 3 pgsez ensuite
votre fruit , et pour chaque livre de fruit
vous prendrez un quarteron de sucre seule-
ment. Clarifiez votre sucre , faites-lc cuire
jusqu’au grand perlé 3 lorsqu’il sera à ce
point, mettez -y votre fruit, et faites -lui
prendre trois ou quatre bouillons. Pendant
ce tems-làayez grand soin de retourner \ otre
fruit en tous sens, afin qu’il prenne le sucre
partout, après quoi retirez la poêle du feu,
et arrangez vos pèches ou abricots un à un
dans un bocal. Le sirop étant plus de moitié
refroidi , vous y verserez l’eau-dc-vic à raison
de trois demi - septiers pour livre de fruit.
Comme votre sirop pourrait être un peu épais,
il ne faudra pas verser votre eau-de-vie tout
d’un coup , le mélange ne pourrait se faire
qu’avec beaucoup de difficulté 3 il faudra
donc verser votre eau-de-vie à plusieurs re-
prises, et toujours remuer pour faciliter le
mélange. Le mélange étant fait, vous le ver-
serez dans le bocal ou vous aurez arrangé
320
l’art de composer
votre fruit ; il surnagera d’abord, mais à me-
sure que le sirop et l’eau-de-vie le pénétre-
ront, il se précipitera au fond du bocal , et
c est alors seulement qu’il sera bon à manger.
Poires de Rousselet à V eau-de-vie.
Choisissez des poires de rousselet qui ne
soient pas tout à fait mures : comme il y a
deux espèces de rousselet, la grosse et la pe-
tite , il ne faut pas prendre l’une pour l’au-
tre 5 la petite, comme la plus odorante , est
la seule qui convienne à notre opération 5 on
la nomme aussi rousselet de Reims -, pi-
quez-îes avec une épingle en tous sens et de
tous cotes , et jetcz-les dans l’eau bouillante
pour les faire blanchir \ à mesure qu’elles
s’amolliront, vous les retirerez , et vous les
jetcrez dans l’eau fraîche ; aussitôt qu’elles
seront refroidies, vous les pelerez et les je-
terez encore dans l’eau fraîche , mais dans
un vase différent de celui qui aura servi à
les rafraîchir en sortant de dessus Je feu*
vous aurez soin d’exprimer le jus de deux
citrons dans l’eau qui doit les recevoir après
avoir été pelées 5 c’est le vrai moyen de les
entretenir dans une blancheur parfaite.
Faites ensuite clarifier du sucre dans une
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 33 1
quantité proportionnelle à votre fruit , et avec
assez d’eau pour que ce fruit y baigne à l'aise;
votre sucre étant bien clarifié, et encore bouil-
lant, vous y metterez votre fruit, et lui laisse-
rez prendre sept ou huit bouillons couverts,
après quoi vous retirerez la poêle du feu, et
vous verserez le tout dans une terrine pour
donner le tems au fruit de prendre sucre ;
vingt-quatre heures après, vous remettrez
le sirop sur le feu , dans la poêle , et vous lui
ferez prendre dix ou douze bouillons, apres
quoi vous le verserez tout bouillant sur vos
poires, qui seront restées dans la terrine,
pour les laisser encore vingt-quatre heures :
le troisième jour vous réitérerez la même
opération ; mais après le sixième ou huitième
bouillon vous coulerez tout doucement votre
fruit dans le sirop , et vous lui laisserez pren-
dre six bouillons; pour lors retirez votre
poêle du feu, ôtez l’écume, s’il y en a, lais-
sez refroidir le tout à demi , arrangez vos
poires dans le bocal, et mêlez votre sirop
avec une égale quantité d’cau-de-vie. Ce mé-
lange étant fait vous le verserez par-dessus
vos poires arrangées dans le bocal; deux mois
après vous pourrez en faire usage.
Nous n avons point exprimé ici la quantité
de sucre qu’il convient d’employer, parce
222
l’art de composer
qu’il faut se régler sur la quantité de fruit
que l’on a à confire; nous établissons seule-
ment pour règle générale , qu’il faut que le
fruit baigne à l’aise dans un sirop qui soit
d’abord au lissé, et ensuite au perlé; je dis
au lissé pour la première cuisson , et au perlé
pour la dernière.
Poires de beurré d' Angleterre à T eau-
de-vie.
Prenez de belles poires de beurré qui ne
soient pas trop mures, vous les mettez sur le
feu avec suffisante quantité d’eau que vous
ne faites point bouillir; lorsque vous sentez
que les poires mollissent sous le doigt , vous
les retirez et les mettez dans de l’eau fraîche ;
vous pelez et enlevez la tache noire de la tète ;
vous les piquez et les remettez sur le feu avec
de nouvelle eau, dans laquelle vous jetez un
peu d’alun et que vous faites bouillir à grand
feu : vos poires sont assez blanchies lorsqu’une
épingle passe à travers sans la moindre résis-
tance ; vous les retirez avec précaution à l’aide
de l’éçumoire , et les mettez dans de nouvelle
eau fraîche.
Vous clarifiez suffisamment le sucre et le
faites cuire au petit lisse; vous le versez boni!-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 22D
lant sur les poires 3 vous les égouttez le len-
demain , et lorsque le sucre est à la nappe ,
vous les y remettez frissonner un léger bouil-
lon 3 le surlendemain , vous réitérez la même
opération, les égouttez et les mettez en
bocaux.
Vous donnez quelques bouillons au sucre ,
puis le laissez refroidir 3 vous y versez les deux
tiers de sa quantité d’eau-de-vie à vingt-cinq
degrés 3 vous filtrez le mélange à la chausse ,
le versez sur les poires , et bouchez les bo-
caux.
Mirabelles à V eau-de-vie.
Choisissez des mirabelles bien mûres, pi-
quez-les partout avec une épingle, jetez-les
dans l’eau bouillante 3 sitôt que vous les
verrez monter sur l’eau, retirez-les du feu, et
jetez - les tout de suite dans l’eau fraîche ;
lorsqu’elles seront bien refroidies , vous les
retirerez de l’eau et vous les mettrez égout-
ter sur un tamis. Pendant quelles égoutte-
ront , faites clarifier du sucre dans une pro-
portion relative à la quantité du fruit que
vous employez 3 votre sucre étant clarifié et
bouillant encore, coulez - y votre fruit, et
faites-lui prendre quatre bouillons couverts 3
2 2,> l’art de composer
apres quoi retirez la poêle du feu , enlevez
l'écume, et versez votre fruit et le sirop dans
une terrine ; laissez reposer le tout jusqu'au
lendemain, versez le sirop sans le fruit dans
la poêle à confiture , faites - lui prendre sept
ou liuit bouillons , et jetez -le par-dessus le
fruit, dans la terrine. Le troisième jour met-
tez dans la poêle à confiture le sirop et le fruit
tout ensemble , faites-leur prendre unedixaine
de bouillons couverts , retirez la poêle du feu,
enlevez l'écume , s’il est nécessaire, laissez un
peu refroidir le tout , après quoi rangez pro-
prement votre fruit dans le bocal, mêlez dans
votre sirop pareille quantité d’eau-de-vie , que
vous verserez par-dessus le fruit dans le bo-
cal j il surnagera pendant quelque teins ; lors-
qu’il se précipitera au fond , il sera teins de
le manger.
Nota. Il faut bien ménager la mirabelle
lorsqu'on la blanchit , parce qu’elle est su-
jette à se lâcher. On peut, selon cette recette,
confire pareillement la.reine-claude.
Autre manière de confire la mirabelle et la
reinC'daudc à V eau-de-vie.
Choisissez la quantité qu’il vous plaira de
mirabelle ou de reine-claude , les unes et les
autres
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2dS
autres parfaitement mûres } essuyez-les légè-
rement avec un linge , pesez-les, et pour cha-
que livre de fruit, prenez un quarteron de
sucre ; ayant détermine la quantité de sucre
relativement à la quantité de votre fruit ,
faites-le clarifier, et ensuite cuire au grand
perlé j alors mettez votre fruit dans le sirop,
faites - lui prendre deux ou trois bouillons
tout au plus , en le remuant doucement avec
Fécumoire ; retirez pour lors votre fruit de la
poêle le plus proprement qu’il vous sera pos-
sible , et arrangez-le , ou sur un tamis , ou
sur des plats, ou encore mieux dans le bocal
même 5 votre sirop étant à demi refroidi,
ajoutez-y de l’eau - de - vie , à raison de trois
demi -sep tiers par livre de fruit, remuez bien
le mélange , et versez - le par - dessus votre
fruit, dans le bocal que vous boucherez bien
avec du liège et un parchemin mouillé par-
dessus. Ce fruit préparé selon cette recette se
conserve deux ans.
Cerises à V eau-de-vie.
Choisissez tout ce qu’il y a de plus beau et
de plus mûr en cerises , coupez la moitié de
chaque queue , et mcttez-les dans de l’eau
bien fraîche ; après une demi-heure, retirez-
P
226 l’art de composer
les, et fai tes-les égoutter sur un tamis ; étant
Lien égouttées , rangez-les proprement dans
un Local , de manière qu’elles remplissent
le Local presque en entier 3 ajoutez un quar-
teron de sucre par livre de fruit; mettez
dans un linge un bâton de cannelle , deux ou
trois douzaines de grains de coriandre , deux
feuilles de macis , un grain de poivre long ;
repliez Lien votre linge , et formez-en un
nouet que vous attacherez avec un fil, de
manière qu’il nage , ou du moins qu il 1 epo
se immédiatement sur le dernier lit de ce-
rises. Si votre quantité de cerises est un peu
considérable , il faudra augmenter en propor-
tion les drogues dont nous venons de parler.
Après six semaines ou deux mois d infusion,
goûtez votre fruit, et s’il a pris suffisamment
d’odeur, retirez le linge où sont enfermés les
aromates.
Oranges à V eau-de-vie.
Faites choix de belles oranges , vous les
tournez promptement , et après les avoii pi-
quées dans le milieu , vous les mettez à me-
sure dans de l’eau fraîche , puis sur le feu pour
les blanchir, et ensuite daus de nouvelle eau
fraîche.
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 22 7
Vous clarifiez du sucre à la petite nappe
et lorsqu’il n’est plus que très-chaud, vous le
versez sur les oranges et leur donnez un bouil-
lon couvert 3 vous réitérez cette opération
pendant les deux jours suivans , remettant
d abord séparément le sucre à la petite nappe ,
puis y versant les oranges pour leur faire re-
cevoir un bouillon. Le troisième jour , vous
les égouttez et les mettez en bocaux. '
Vous donnez quelques bouillons au sucre ,
lorsqu il est refroidi , vous y mettez les deux
tiers de sa quantité d’eau-de-vie à vingt-cinq
degrés 5 vous passez le mélange à la chausse,
vous le versez sur les oranges, et , quand les
bocaux sont remplis, vous les bouchez.
Noix blanches à l'eau-de-vie.
Choisissez des noix de la plus belle espèce 3
quand une épingle passe facilement à travers ,
vous les pelez jusqu’au blanc , que vous met-
tez à mesure dans de l’eau fraîche 5 vous faites
bouillir de l’eau dans laquelle vous avez jeté
un peu d’alun ou exprimé le jus d’un citron ,
pour conserver la blancheur des noix : quand
elles sont suffisamment blanchies , vous les
retirez et les mettez dans de l’eau fraîche.
\ ous prenez suffisante quantité de
. P a
sucre
22S l’art de composer
clarifié et le mettez au petit lissé; vous le ver-
sez tiède sur vos noix , et réitérez cette opéia-
tion pendant les trois jours suivans; le cpia
trième jour, vous faites cuire le sucre a la
nappe et le versez sur les noix jusqu’au len-
demain que vous les égouttez et les mettez en
bocaux.
Vous ajoutez au sucre cuit les deux tiers
de sa quantité en eau-de-vie à vingt-cmq de-
grés ; vous passez la liqueur à la chausse , et
la versant sur les noix, vous en remplissez
les bocaux qui les contiennent, puis les fei-
mez bien.
Cornichons conjits au vinaigre.
Vous prenez des cornichons bien vcits et
d’égale grosseur , vous en coupez la pointe et
la queue, et pour en enlever le duvet, vous
les brossez , ou , après avoir mis du sel dans
une nappe de grosse toile , vous les y frottez;
vous les lavez ensuite et les essuyez; vous les
mettez dans un bocal infuser pendant deux
ou trois jours dans de bon vinaigre blanc ;
au bout de ce tems, vous faites bouillir ce
même vinaigre dont vous avez séparé les coi -
nichons; quand il est réduit du tiers , et qu’il
y eu a cependant assez pour que les corni-
LES LIQUEURS DE T A B L E , CtC. 22g
chons puissent y baigner, vous les y jelez , et
après un bouillon , vous versez le tout dans
une terrine que vous couvrez 3 vous remuez
le mélange de tems en temS3 cinq à six jours
après, vous remettez *de nouveau les corni-
chons avec le vinaigre sur le feu, puis y ajou-
tez suffisante quantité de sel, de l’estragon,
quelques gousses d’ail, et mettez le tout en
pots.
Haricots verts confits au vinaigre .
Choisissez des haricots verts , lorsqu’ils sont
petits et très-tendres 3 vous en supprimez les
pointes et le filet qui est autour, et suivez ,
pour les confire, les mêmes procédés que pour
les cornichons.
Des moyens de tirer le parti le pins éco-
nomique de plusieurs Fruits > et princi-
palement de la Cerise.
(Extrait des Ouvrages de M. Cadet-de-Vaux.)
La cerise commence à rougir, et bientôt
on sera embarrassé de son abondance, dans
les pays où elle n’aura pas été exposée aux ra-
l’art de composer
vagcs de la gelée ; je vais offrir à 1 économie
les moyens de tirer parti de ce fruit.
Le plus avantageux ne sera pas de vendre
la cerise; les frais de cueille, de transport ,
absorbent les bénéfices ; mais bien d’en faire
des confitures , des marmelades avec ou sans
sucre , une compote d’hiver, du vin, du ra-
tafia , du kirchwaser, ou meme de les sé-
cher au four.
Des Cerises sèches.
Commençons par leur dessiccation , comme
étant la préparation la plus facile. On cueille
la cerise parfaitement mûre , car ce fruit est
naturellement acide , et le defaut de maturité
ajouterait à l’acidite qu elle rend apres sa des-
siccation.
11 y a plusieurs manières de faire sécher les
fruits. On les blanchit à l’eau bouillante avant
de les faire sécher : dans les pays très-chauds
on en sèche au soleil, mais dans les pays tem-
pérés , c’est par le moyen du feu , sur des
claies placées dans un four, au degré de cha-
leur qu’il conserve quand on en a tire le pain.
IXe cuit-on pas, on chauffera le four exprès
et modérément.
LES LIQUEURS DE TABLE, ClC. 25 1
En général on ne doit pas chercher à opé-
rer la dessiccation des fruits en une seule fois ;
il faut les mettre au four et les en retirer à
deux ou trois reprises. Les fruits évaporés
brusquement se décuisent , et attirent , quoi-
qu’en apparence secs, une humidité qui les
altère.
On sait que les fruits desséchés doivent
être enfermés dans des boites et conservés
dans un endroit plutôt sec qu’humide.
La cerise, dans cet état, est un fruit très-
agréable, très-salutaire, et que l’enfance aime
beaucoup.
Si elle a été desséchée avec soin, on peut
la faire aisément revenir à l’eau , dans laquelle
on met tremper sa cerise la veille au soir , pour
en préparer le lendemain une compote.
Des Confitures de Cerises.
Les confitures de cerises sont ma procédé
trop connu pour l’indiquer ; il ne varie que
par la quantité du sucre ; elle est ordinaire-
ment de quatre à huit onces par livre de fruit r
qu’on fait cuire ensemble et à petit feu, jus-
qu’à consistance requise. Pour avoir le sirop
de la confiture parfaitement clair, on peut le
252 l’art de composer
clarifier comme il sera indiqué plus bas pour
la compote d’hiver.
Marmelade de Cerises sucrée.
Otez les queues et le noyau de la cerise 5
pesez votre fruit, et ajoutez -y, par livre ,
une once seulement de sucre 5 laites cuire dans
une bassine de cuivre, à petit bouillon , jus-
qu’à ce qu’en en mettant refroidir , la marme-
lade ait pris une consistance de raisiné 5 car
la cerise 11e fait pas marmelade comme les au-
tres fruits, tels qu’abricots, coings, prunes,
pommes 3 versez-la dans des pots de faïence.
Marmelade de Cerises sans sucre.
Veut-on faire économie de sucre, on n’en
ajoute point à la cerise , et on a une marme-
lade un peu plus aigrelette , mais encore
agréable.
11 en est de même de tous les autres fruits :
on en fait des marmelades sans sucre , des
paies , qui ofi’réüt une ressource pour l’hiver.
C’est souvent le seul parti qu’011 puisse tirer
de l’abondance du Iruit.
Indiquons quelques précautions générales
pour la préparation des marmelades.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 355
Mieux vaut les cuire moins que plus , sauf,
si la marmelade se relâchait au bout de quel-
ques jours , à lui redonner un- coup de feu ,
ou à mettre les pots dans un four chaud , pour
la recuire.
Ce sont des pots de faïence dans lesquels
on doit mettre les marmelades pour les con-
server. Si on emploie du grès, il faut le choi-
sir parfaitement cuit, car, marmelades, con-
fitures, herbes même, se décuisent promp-
tement dans le grès poreux.
On peut encore , quand la marmelade a
déjà de la consistance, la mettre dans des
assiettes ou des plats, étendue sur du papier
huilé, et la porter au four pour s’y sécher à
une douce chaleur* car l’opération se réduit
à enlever à la marmelade l’humidité superflue
qui nuirait à sa macération.
Du reste , il y a un emploi fort simple à
faire de ces marmelades , si on en a préparé
au delà de la consommation , c’est de les ajou-
ter au raisiné , dans la saison où on le fait :
et ce raisiné, ainsi mélange d’autres fruits,
est excellent.
De la Compote des Cerises cT hiver.
Prenez des cerises , un peu avant leur par-
l’art de composer
faite maturité ; coupez moitié de la queue de
vos cerises, comme pour les confire; mettez-
les dans une poêle sur un feu doux : quand
la cerise aura donné son suc , retirez-la avec
une écumoire , ajoutez votre sucre à ce jus ,
pour le clarifier; il se clarifiera de lui-même :
enlevez l’écume et remettez vos cerises dans
le jus clarifié : continuez à faire mi - cuire le
fruit à petit bouillon ; alors retirez la compote
du feu et videz -la dans une cruche où vous
aurez mis de l’eau-de-vie : quelques ins* ans
avant de la retirer du feu, vous y ajouterez
de la cannelle.
Les proportions sont : cerises , six livres ;
sucre ou belle cassonade , de deux à trois
livres ; eau-de-vie , trois demi-septiers : cette
quantité d’cau-de-vie est à peine sensible , et
elle a pour objet la conservation de la com-
pote.
Il faut la subdiviser dans plusieurs bocaux ;
une grande quantité se conserverait moins
bien dans un grand vaisseau : on le bouche
exactement.
Je recommande de faire cuire à petit bouil-
lon, premièrement pour ne pas déformer le
fruit; secondement parce qu une trop forte
ébullition altère toutes substances végétales
ou animales qu’on y soumet : un bouillon ue
LES LIQUEURS DE T A B L E , CtC. ^35
viande est mauvais s’il a bouilli à trop grand
feu.
Je ferai une observation sur l’emploi de la
cannelle, du girofle, de la vanille et de tous
les aromates. 11 faut les pulvériser 3 un clou de
girofle réduit en poudre , avec une pincée de
sucre, produit plus d’arum que six ou huit
clous entiers. J’insiste sur les détails, ils ne
sont jamais minutieux pour celui qui opère.
Du Vin de Cerises.
Il 11e faut cueillir la cerise que parfaitement
mûre, en ôter queues et noyaux, les écraser
à la main. Si on fait du vin de cerises en
grand , cette manutention étant beaucoup
trop longue , portez les cerises à la presse ;
le suc s’en écoulera par la pression 3 vous en-
lèverez le marc et vous concasserez le noyau
dans un mortier de pierre : on peut ne pas
les concasser , mais le vin sera moins parfu-
mé. Séparer les queues étant aussi une opé-
ration longue , on peut les laisser : le vin
fermente bien avec la rafle. Mettez suc et
marc dans un tonneau dont on aura élargi
l’ouverture , pour pouvoir le vider commo-
dément 3 on fera faire une bonde de la lar-
geur de l’ouverture, ayant un fort bouton ,
236 l’art de composer
alin de pouvoir fermer et l’enlever avec fa-
cilité 3 on laissera un peu de vide dans le
tonneau, car la masse se boursouflera.
Comme la cerise n’est pas un lruit très-su-
crée , comme il a même une acidité assez mar-
qué, il faut, pour augmenter sa vinosité, y
ajouter de la matière sucrée, cassonade ou
miel : une ou deux onces par livre lui don-
neront beaucoup de spirituositc.
On fera donc dissoudre dans une portion ,
du jus de cerise , qu’on chauffera, la quan-
tité de sucre requise , et on le versera tout
chaud dans le baril qu’on tiendra exposé à
une atmosphère de douze à quinze degrés 3
011 agitera la masse avec un long bâton , au
moment du mélange 3 on pourra l’agiter de
nouveau, une ou deux fois dans l’espace des
premières vingt -quatre heures 3 après quoi
la fermentation s’établira 3 011 ne la dérangera
point; elle sera dirigée comme celle du vin,
car les lois de la fermentation sont unes et
également applicables a tous les sucs fermen-
tescibles. Cependant la fermentation du vin
de cerises étant plus lente que celle du vin,
on peut laisser cuver plus de tems 3 on tirera
donc du vin par la cannelle ou le fausset 3
quand il sera complètement vin , on le souti-
rera dans un tonneau, ou immédiatement en
LES LIQUEURS DE TABLE, ClC. 2~n
bouteilles , s’il est parfaitement clair. On ex-
primera le marc , qu’on laissera déposer 3 la
liqueur devenue claire , on la soutirera. Voilà
le vin de cerises. On peut, surtout si 011 n’a
pas concassé les noyaux , ajouter , dans le ton-
neau, de l’iris de Florence en poudre , ou
bien des feuillet de pêchers, qu’on brisera et
fera bouillir pendant trois ou quatre minutes
seulement, avec le sucre et le jus de cerises.
La proportion de ces arums est, pour soixante
pintes , une demi-once d’iris, ou une poignée
de tontures de pêchers.
Le marc mis à distiller dans un bain-marie,
avec addition d’eau, donnera du kirchwaser.
Le vin de cerises, beaucoup plus agréable
que celui de raisin, et qu’on priserait beau-
coup plus que tous les vins de dessert étran-
gers, s’il venait de Chypre ou des Canaries ,
est aussi le vin le plus économique : en effet ,
trois livres environ de cerises de trois sous ,
et c’est l’estimer cher pour le propriétaire,
donnent une pinte de vin ; ajoutez une ou
deux onces de matière sucrée d’un ou deux
sous : compterez-vous l’arum', les petits frais,
c’est du vin au plus à cinq à six sous la
pinte.
Les cerises ne mûrissant pas toutes à la
258 l’art de composer
fois , on est forcé de faire ce vin à plusieurs
reprises. Pour se conformer à une des règles
que j’ai prescrites pour la fermentation vi-
neuse , de couvrir sa cuve et de faire plon-
ger le fruit même dans le fluide , j’ai fait scier
en deux des tonneaux de diverses capacités ,
et disposer un couvercle qui entre dans mes
petites cuves , comprime la cerise et 11e laisse
point de vide. J’en conseille l’emploi, comme
simplifiant le procédé.
Du V^in de Pêches et d' Abricots.
On obtient, par le même procédé, des
vins de pêches , d’abricots, d’abricots-pêches,
mais en augmentant un peu la proportion du
sucre.
Je ne parle pas , dans cet article , du kirch-
waser, j’en ai publié le procédé dans \& Dé-
cade philosophique ; je me bornerai à dire
que j’en prépare tous les ans, avec toute es-
pèce de cerises, et que je ne connais pas de
kirchwaser plus agréable au goût.
%
Du Ratafia de Cerises.
Comme le vin de cerises est déjà vineux ,
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. a3g
en raison de la matière sucrée qui en aug-
mente la spirituosité , il ne lui faut qu’une
très-légère addition d’eau-de-vie , d’arum et
de sucre , pour en faire un ratafia.
Cette nouvelle addition de sucre n’a donc
plus pour objet que de sucrer, d’édulcorer,
et faire d’un vin, un ratafia.
En conséquence on ajoutera, par chaque
pinte de vin de cerises, un demi-septier d’eau-
de-vie, une ou deux onces de sucre : enfin
une demi-poignée d’œillet à ratafia , ou du
girofle , dont un seul clou , s’il est pulvérisé ,
suffira pour deux pintes : on peut y ajouter
encore une poignée de framboises. C’est le
plus agréable et le plus sain des ratafias; il
est infiniment préférable à toutes nos liqueurs,
que l’esprit-de-vin et les huiles essentielles
rendent trop échauffantes , et qui sont fort
coûteuses : ce ratafia ne revient pas à plus de
douze sols.
Du Ratafia de Fruits rouges.
Je terminerai cet article par la recette du
ratafia de fruits rouges, un des plus simples
et des plus agréables, car il n’est plus guère
question des ratafias de brou-de-noix et de
cassis, et qui n’ont d’agrément que celui de
24o l’art de composer
leur arum , et qui n’ont point de vertus : celie
même du cassis est suspecte.
Cerises, groseilles et framboises , tels sont
les fruits qui entrent dans le ratafia de fi uns
rouees. Les proportions sont : de cerises, huit
livres ; groseilles , quatre; framboises, deux.
Cette quantité de fruit rend à peu près dix
livres ou cinq pintes de suc. On y ajoute :
eau-de-vie, cinq pintes, cassonnade, deux
livres et demie. On peut augmenter le sucre,
si on veut une liqueur plus édulcorée , ou si
les fruits ne sont pas très-mûrs, et consé-
quemment point assez sucres.
On met dans une bassine , sur le feu , la
groseille égrenée , la cerise , écrasée et les
noyaux concasses avec le sucre , on fait pi cn-
dre deux ou trois bouillons pour cie\ei la
groseille, et on verse le tout dans une cru-
che où l’on a mis l’eau-de-vie, la framboise
entière, auxquelles on ajoute, pour paim-
mer le ratafia , de l’œillet qui porte ce nom ,
ou du girofle qui en tient lu u.
En faisant préalablement cuire les fruits,
c’est le ratafia de Teisserc , car on peut ega-
lement le faire à froid en écrasant les fruits
à la main.
On passe , on exprime fortement le marc ,
et on filtre à la chausse.
11
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. 2^1
ïl m’a été demandé, au nom d’une société
d'agriculture, de publier quelques observa-
tions sur le meilleur parti à tirer de l’abon-
dance actuelle des fruits. Je me fais un devoir
de répondre à celte invitation 3 c'est d’ailleurs
un nouveau tribut que je paye avec plaisir à
1 économie domestique et à la bonne ména-
gère, pour qui c’est une jouissance si douce
de pouvoir offrir à ses convives et à sa fa-
mille , de ces agrémens, de ces douceurs do-
mestiques qui 11e lui coûtent pour ainsi dire
que des soins.
Du Ratafia de la Ménagère.
Indiquons à la ménagère un des ratafias les
plus agréables et les plus économiques.
Dans une cruche de douze pintes, bien
bouchée , elle versera quatre pintes d’eau-de-
vie 3 le moment des Iruits arrivé, elle emplira
journellement sa cruche des cerises, prunes,
abricots , pèches , trop murs pour être ser-
vis, les écrasant à la main et en concassant
les noyaux : quand elle aura des restes de
compotes, des écumes, des marcs de confi-
tures, elle les ajoutera à sa provision, ainsi
que Je cœur des poires dans leur tems. Après
la saison des fruits , elle passera son ratafia .
Q
242 l'art de composer
en exprimera fortement le marc, sur lequel
elle versera deux ou Irois pintes de vin poiu
l’exprimer de nouveau. Elle laissera reposer
sa liqueur et la filtrera à la chausse 3 elle pourra
ajouter à son eau-de-vie un peu de cannelle,
de feuilles de pêcher ou d’œillets à ratalia ,
afin de le parfumer. 11 sera bien suffisamment
sucré : ainsi, avec quelques pintes d eau-dc-
vie et du fruit perdu , elle se procurera un
joli ratafia.
Des Pruneaux .
Je termine cet article par recommander
la préparation en pruneau , de la prune de
reine-claude ; il n’y en a pas qu’on puisse lui
comparer , crus ou cuits : les plus renom-
més 11e valent pas celui de reine-claude.
r
DIVERSES PREPARATIONS
DE LA GROSEILLE.
La groseille est de tous les fruits celui qui
offre le plus d’agrément à l’économie alimen-
taire , et de ressources à la bonne ménagère *
en même terns qu’il offre à la médecine un
remède aussi salutaire qu’agréable 3 l’écono-
mie et la médecine emploient la groseille de
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 245
la même manière : ce sont les mêmes prépa-
rations : le fruit , comme aliment léger * le
suc , exprimé et étendu dans l’eau , comme
boisson : c’est souvent la seule que la méde-
cine ordonne dans les fièvres ardentes , et
surtout dans les fièvres putrides 5 elle en pré-
pare un sirop qui enQ-e dans les tisanes , les
apozèmes , les potions , les gargarismes ;
enfin , la confiture de groseille ou sa gelee
est un des mets favoris de la convalescence ,
comme de l’enfance.
•
La groseille a de commun avec le raisin
de se conserver «6ur sa tige beaucoup au
delà du terme de sa maturité ; ils y acquièrent
même une maturité secondaire qui combine
et atténué lucide de ces fruits , de manière
à les rendre beaucoup plus doux et plus
agréables.
Le groseillier a de plus l'avantage de croître
à toutes les expositions , en sorte qu’en
contre-espaliers , au sud-est , le fruit mûrit
un mois plus toi que celui qui est au nord ;
avec Je soin d’abriter , pendant les fortes
chaleurs du jour , les groseillers exposés au
nord , et en les empaillant , on peut con-
server la groseille jusqu’aux gelées, et b’est
jouir de ce fruit sur l’arbre pendant cinq ou
six mois.
Q ^
244
l'art de composer
Groseilles 'poudrées ou glacees.
On sert souvent ce fruit poudre ou g^acé
de sucre : ce n’est pas la manière la plus
agréable de le manger 3 c’est une petite re-
cherche d’apprêt et de luxe que le palais
n’avoue pas 3 le sucre se fond d’abord dans la
bouche, et rend plus sensible l’aciditc du fruit.
La groseille mûre , égrenée , saupoudrée
de sucre est trcs-agréable 3 elle Pest infini-
ment plus , mêlée à la fraise et à la fram-
boise, qui lui donnent leur arôme , et à qui
elle donne son acide plus prononcé , en soi te
que ces fruits s’allient parfaitement pour le
goût et l’odorat. Voilà la compote froide.
Mais on ne peut pas se dissimuler que les
fruits verts n’aient quelque inconvénient
pour beaucoup d’estomacs , surtout chez
ks enfans, les femmes, les vieillards et les
malades.
On est assez généralement tenté de man-
ger les fruits sur l’arbre 3 et c’est une tenta-
tion à laquelle il est bon de résister 3 car
souvent on a à se reprocher d’y succomber,
indépendamment de ce que le fruit mangé
à l’arbre est. infiniment moins agréable que
xelui cueilli à l’avance 3 011 aperçoit une
LES LIQUEURS DE TABLE, etc.
belle pêche à l’espalier, l’eau en vient à la
bouche 3 on la détache , et on la mange 3
mais frappée des rayons du soleii , et con-
séquemment toute chaude et sans par uni ,
combien elle eût été préférable, cueillie de
la veille et attendue !
M. de Machault , qui aimait singulière-
ment la pèche , et qui avait, à Arnonviilc,
les plus beaux espaliers de ce fruit : n’en
mangeait qu après vingt -quatre heures de
séjour à la fruiterie. En effet, le fruit détaché
de l’arbre et déposé dans un lieu fra's , y
acquiert celte maturité secondaire que la vé-
gétation ne sait pas donner, et qu’on obtient
du tems seul 3 les principes constiluans se
combinent , l’arome se développe , le fruit
devient fondant. .Le cueillez-vous fondant ?
il est sans parlum. Les pommes, les poires
d’hiver , qu’on conserve dans les fruitiers ,
et qui ne sont bonnes à manger qu’après un,
deux, et souvent six mois, sont cueillies mûres 3
la queue se fane, se détache de l’arbre : elles
ont acquis toute la maturité de végétation 3
mais il leur faut celle du tems pour combiner
leurs priucjpcs constituans et en développer
le goût et la saveur exquise qui caractérisent
la crézane , le saint-germain, le bery-chau-
346 l’art de composer
martel , la royale d’hiver , le bon -chré-
tien , etc.
La pomme d’api , de fenouillet et de rei-
nette , prennent beaucoup’ de suc qui n exis-
tait pas au moment de la cueillette 3 c est la
maturité du tems qui développe et combine
les principes qui composent la matière sucrée
dans l’un et l’autre de ces fruits. Le cidre
ne serait pas aussi sucré sans la maturité
secondaire de la pomme. \ oila pour la sen-
sualité. Maintenant voyons pour la santé.
Les cerises que vous mangerez au pied, du
cerisier , et qui vous donneront des aigi eui s ,
des tranchées 5 quelquefois un mouvement
de dyssenterie , cueillies aujourd hui et man-
gées demain deviendront un aliment noui -
rissant , rafraîchissant , salutaire , et tout au
plus légèrement laxatif en même tems que-
beaucoup plus agréable.
C’est. pourquoi l’epoque des fruits dans les
campagnes devient souvent celte nalïcctions
fébriles et dyssentériques parte désordre que
jette dans les premières voies ce caractère
de fruits crus , surtout lorsqu’ils n’ont pas
acquis même leur maturité de végétation.
Cette petite dissertation me rappelle une
anecdote. Franklin était dans son jardin , a
Passy 3 j’allai l’y rejoindre : il était près d un
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. ll\J
cerisier nain , et mangeait des cerises ; je lui
tins compagnie pour une douzaine seulement 3
il continuait et m’invitait à en faire autant :
moi je l’invitai à cesser, en lui observan’t
que les fruits mangés à l’arbre avaient une
sorte de gaz végétatif, souvent préjudiciable; et
que d’ailleurs les cerises n’étaient pas parfai-
tement mûres. Nous nous promenâmes. Je
lui développai cette opinion : il en parut
frappé , et convînt qu’en effet il avait été
quelquefois dupe de ces petites débauches
de fruits.
Au bout d’une heure nous repassâmes de-
vant le cerisier ; Franklin en cueillit quelques-
unes ; je lui rappelai mon gaz végétatif et le
défaut de maturité : vous avouerez , mon ami ,
me répondit Franklin, qu’elles sont main-
tenant un peu plus mûres. 11 faisait une
chaleur étouffante : cette réponse donne une
idée de la gaîté enfantine qui caractérisait
ce philosophe.
Revenons à notre compte. C’est ainsi qu’en
posant un titre , on ne sait pas où il mène ;
mais cette digression éclaircira plusieurs per-
sonnes sur l’abus des fruits crus.
*
l’art de composer
243
Compote cuite de Groseilles.
Prenez un quarteron de groseilles égre-
nées 3 exprimcz-cn le sue 3 mettez-le sur un
feu doux , avec un quarteron de groseilles
en grappes mures , sans l’être trop. Ayez
deux ou trois onces de sucre concassé , selon
qu’on voudra la compote plus ou moins
sucrée , mettez le sucre peu à peu dans voire
compote pour que la groseille prenne in-
sensiblement sucre : elle le prendrait diffi-
cilement sans cetie précaution. Quand la com-
pote aura jeté cinq ou six légers bouillons,
elle sera faite, et la groseille aura conserve
sa forme.
Si c’est pour un estomac délicat, parfumez-
la , en la dressant dans le compotier , d’une
pincée de sucre à la vanille , ou au girolle.
N. B. Les aromates ne doivent point bouil-
lir. Ce degré de chaleur leur enlève leur
arôme , ils 11e laissent que leur àcreté , au
lieu de donner leur parfum 3 d ailleurs,
une portion de ces aromates , réduite en
poudre , parfume plus que le quadruple non
pulvérisé 3 en sorte qu d y a de 1 économie
à les employer sous cette première forme.
les liqueurs de table, etc. 249
Nous indiquerons, paria suite, ces légères
préparations.
Compotes cuites de Groseilles , de Fraises
et Framboises.
On aura égrené pour cette compote le
quarteron de groseille qu’on mettra dans le
suc de la groseille ; la dose de sucre sera
de trois onces; cette compote , cuite comme
la précédente , on la retirera du feu bouil-
lante , et on y jetera quatre ou cinq cuille-
rées à bouche de fraises et une de framboises;
on agitera les fruits avec la cuiller pendant
un moment; on dressera dans le compotier,
qu’on tiendra couvert et laissera dans un
endroit frais ; au moment de servir la.- com-
pote, on l’agitera de nouveau; la fraise et la
framboise auront par ce moyen conservé
tout leur parfum , en sorte qu’on n’a point
à 1 aromatiser comme celui des groseilles.
De la Gelée de Groseilles.
Nous avons dit que la gelée de groseilles ap-
partenait a la table comme une des confi-
tures les plus agréables , et à la médecine
comme aliment et remède; sous ce double
rapport il faut la bien préparer , et c’est la
a5o l’art de composer
chimie-pharmaceutique qui seule peut uti-
lement présider à l’art de la cuisine et de
l’office. La pharmacie se définit la science
qui apprend à connaître , a choisir , a pré-
parer , à mêler et à conserver les médica-
mens. Changez le mot médicament en subs-
tances alimentaires , c’est la définition de lart
de la cuisine et de l’office.
11 y a beaucoup de manière de faire mal
une chose , il n’y en a qu’une de la faire bien 3
tout ménage fait de la gclee de groseilles 3 îa-
rementelle estbien faite, et cela par suite d une
économie mal entendue, qui consiste a ne
mettre que demi- livre ou trois quarterons de
sucre par livre de fruit ; on exprime les sucs
de la groseille , on fait bouillir long-tems pour
arriver au degré de cuisson 3 il en résulte plus
de dépense en peine , en teins , en feu 3 on a
une confiture sans saveur , sans odeur , de
couleur et de consistance de sang caillé.
Voici donc la manière de la préparer.
Prenez groseilles rouges avant leur point
de maturité parfaite, dix livres 3 sucre, dix
livres : épluchez la groseille, et concassez le
sucre 3 mettez l’un et l’autre dans la poêle à
confiture écurée sur un feu clair et vif.
Faites prendre un bouillon couvert , c est-
à-dire , attendez que le bouillon qui coin-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2$!
mence à se former sur les bords , s’étende et
couvre toute la surface de la poele 3 retirez
alors la poele du feu , et coulez sur un tamis
de crin 3 laissez égoutter sans exprimer 3 ver-
sez dans vos pots : sans autre clarification que
le parenchyme de la groseille qui enveloppe
les légères impuretés du sucre , on a la gelée
la plus transparente.
Si on veut parfumer sa gelée avec l’odeur
de framboises , on étend sur le tamis une livre
de framboises épluchées, et on verse dessus la
la confiture toute bouillante. Si 011 veut avoir
un goiit plus prononcé de framboises , on en
mettra deux livres 3 mais alors on diminuera
de deux livres la quantité de groseilles , pour
ne pas trop s’écarter de la proportion des par-
ties égales de sucre et de fruits. On peut ex-
primer le marc sur un autre vase 3 cette por-
tion de gelée , toute aussi bonne au goût , a
de l’opacité et altérerait, si on 11e la mettait
pas à part, la transparence de la totalité 3 ou
bien 011 lave le marc dans l’eau pour en faire
de 1’ eau de groseille.
Cette gelée a la couleur du rubis, elle en a
la transparence 3 on y retrouve toute la sa-
veur et toute 1 odeur de la groseille 3 elle est
beaucoup plus salutaire pour la convales-
cence et pour l’enfance, parce que le fruit a
2$2 i/art de composer
perdu le moins possible , et qu’il n a subi 1 ac-
tion du feu que le tems su fïisant pour en ex-
traire et en combiner les principes, Elle se
conserve pendant plusieurs années j enfin ebe
est plus facile à faire, et peut-être plus éco-
nomique que par tout autre procédé.
Du Marc des Confitures.
Le marc des groseilles et des framboises ,
après avoir été ou non légèrement exprime ,
peut s’employer à tous les usages de la gro-
seille. Mis.dans un pot , il se conserve comme
la confiture même : on en fait de 1 eau de
groseille. Si c’est dans la saison de ce fruit ,
on prend partie égale de ce marc et des gro-
seilles qu’on exprime , on étend le tout dans
une suffisante quantité d’eau, on filtre a la
chausse , et on a une boisson d’un rouge plus
foncé et plus agréable que n’est l’eau de gro-
seille faite avec le fruit seulement exprime j
plus colorée, parce que l'ébullition de la gro-
seille avec le sucre enlève toute la partie colo-
rante qu’on n’obtient pas de ce h uit par 1 ex-
pression 3 plus agréable, parce que la cuisson
développe tout l’arome. Il en sera de meme
des glaces que l’on fera avec ce sorbet ; elles
seront plus colorées et plus parfumées . on ne
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 253
se fait pas d’idée de la différence pour la cou-
leur et la saveur des glaces faites avec un sor-
bet de fruit cuit.
JXous 11e parlerons du sirop de groseilles
que pour condamner cette préparation.
Le suc de la groseille et le sucre font na-
turellement gelée j et pour obtenir ce sirop
dans un état de fluidité, il faut faire subir au
fruit un commencement de fermentation qui,
mi-acide , mi-spi ri tueuse , en altère la couleur,
la saveur, le goût et le principe acide, c’est-
à-dire , que le sirop ne participe plus des
propriétés du fruit , et que les effets médici-
naux ne sont plus les mêmes. Ajoutons que
le sirop de groseilles n’est pas une boisson
agréable , ou qu’au moins on n’y trouve rien
de ce qui appartient à ce fruit.
Le véritable sirop de groseilles, c’est notre
gelee j etendue dans I eau , son état gélatineux
se perd en un instant, à l’aide de la plus lé-
gère agitation ; on en met une ou deux cuil-
lerées dans un bol de faïence , on la bat avec
la cuiller, et c’est du sirop 3 mais un sirop
doué de tout ce que l’autre a perdu par un
commencement de fermentation 5 il a conser-
vé son acide , sa couleur, son arôme , et tout
l’agrement du iruit. Le sirop de groseilles et
118
254 l’art de composer
notre gelée donnent deux boissons qui
peuvent pas se comparer j il suffit de verser
sur notre gelée battue, de l’eau , et elle s y dis-
sout complètement, propriété que n’ont pas
les gelées faites par d’autres procédés, et qui
ont une consistance couenneuse qui s’oppose
à leur solution complète. Nous invitons donc
à 11e pas surcharger les détails de l’office de
la mauvaise préparation connue sous le nom
de sirop de groseilles , et à augmenter la pro-
vision de gelée en pi'oportion de la consom-
mation du sirop.
D’ailleurs, notre gelée procure à toutes
les époques de l’annee , un sorbet , poui
glace de groseille et framboise, absolument
égal à celles qu’on prépare dans la saison
de ces fruits 5 et certainement un sorbet de
sirop de groseille ferait de bien mauvaises
places.
O
Des Confitures épépinées à Bar.
Quant aux confitures épépinées de Bar,
qui sont fort bonnes , mais fort chères , on
peut les faire également bonnes. La pro-
portion du fruit et du sucre est la même :
On épépine ou on achète la groseille épé-
les liqueurs DE TABLE , etc. 255
pince 5 on clarifie , on cuit son sucre à la
plume , et on y jette sa groseille ; au bout
de cinq minutes on retire la poêle du feu ,
et on verse dans des pots de verre , tels que
ceux de Bar.
Les confiseurs mêmes de Bar s’y trompe-
raient , parce qu’enfîn ce qu’on fait là , on
peut le faire ailleurs : de la groseille , du
sucre , et du fruit sont partout les mêmes.
11 n’y a de différence que dans le prix
qu’augmentent les petits bocaux de verre,
la boîte , 1 emballage et le port. D’ailleurs ,
pour se donner l’air de magnificence de tipcr
de Bar même ces confitures , on peut les
dresser dans les petits bocaux de ce pays.
Plus d’un maître d’hôtel profitera de la leçon ,
et fera payer des confitures de Bar faites à
l’office de son maître.
On fait les confitures avec la groseille
rouge ou blanche , égrappée ou non égrap-
pée.
Confiture de Groseilles à froid .
Quelques personnes vantent la gelée' de
groseilles à froid : pour la faire , on prend
poids égal de suc de groseilles et de sucre
256 l’art de composer
pulvérisé; on agite avec une cuiller jusqu’à
ce que le sucre soit fondu ; on verse dans
des pots, et sous peu de jours le mélange
prend une consistance de gelée. Mais cetie
gelée est infiniment moins agréable que celle
dont nous avons donne la recette.
Elle est constamment opaque , parce que
ni le suc , ni le sucre n’ont été clarifiés, ce
qu’opère le parenchyme du Iruit dans noire
légère ébullition ; elle n’a ni couleur ,, ni
parfum. Si c’est la groseille blanche qu on
emploie , on sait quelle a peu d’arome.
L’acide de la confiture fuite à froid est beau-
coup trop marqué ; enfin il arrive souvent
que cette confiture ne se garde point.
des sirops.
Jusqu’à présent nous n’avons parle que des
liqueurs spiritueuses ; il est une autre espèce
de composés très-agréables et même salutaires
dans tonies les saisons de l’année , mais p us
particulièrement dans les grandes chaleurs
d’été , au moyeu desquels on se désaltéré
promptement , et à peu de frais; ce sont les
sirops. Ces sirops sonten très-grand nombre ;
on peut considérer les uns comme purement
agréables, les autres comme d’exccllens re-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2^
mèdes ; nous ne parlerons de ces derniers
qu’autant qu’ils aifront un rapport direct avec
les premiers.
Sirop de Citron.
Exprimez des citrons jusqu’à la concur-
îence de huit onces de suc ; ce suc ne sera
point clair, il aura un œil louche; laissez-le
reposer quatre jours à la cave, après quoi,
passez-le parle papier joseph jusqu’à ce qu’il
soit clair; laites bien attention à ce qu’il ne
moisissse pas , car il y est fort sujet; prenez
ensuite quinze onces de sucre, cassez-le en
petits morceaux gros comme le pouce, mettez-
le de la sorte dans un malras de deux ou trois
pintes; versez par-dessus votre sucre , le suc de
citron bien clarifié au moyen du papier, bou-
chez l’orifice du matras avec un papier, et
placez-le sur le feu, au bain-marie, ou bien
faites fondre votre sucre dans un vase d’ar-
gent ou de faïence à une douce chaleur. Il n’est
pas nécessaire de pousser le feu jusqu’au de-
gré de l’eau bouillante , une chaleur plus mo-
dérée suffira pour opérer la dissolution du
sucre; aussitôt que vous vous apercevrez que
cette dissolution est complète , laissez éteindre
le feu et refroidir le matras ; quand il sera pres-
R
258 l’art de composer
que froid ? vous aromatiserez votre sirop avec
une bonne cuillerée d’esprit de citron. Cela
fait, vous verserez votre sirop dans des bou-
teilles. Le sirop de grenade se fait de même.
Sirop Violât.
Pilez , mais très-légèrement dans un mor-
tier de marbre, et avec un pilon de bois, une
livre de fleurs de violettes bien mondées de
leurs queues et de leurs calices; la violette
des jardins est préférable à la violette des
champs ou des bois. Ayant légèrement pilé
vos fleurs, mettez-les dans une cucuibite
d’étain , ou dans un vase de faïence , versez
par-dessus deux livres d’eau bouillante , bou-
chez exactement le vaisseau dans lequel vous
avez mis vos fleurs infuser; placez-le sur la
cendre chaude , et faites durer l’infusion pen-
dant douze heures, après quoi passez l’infu-
sion au travers d’une serviette , en la pressant
fortement pour en enlever toute la teinture ;
laissez reposer ce produit pendant une demi-
heure, décantez la liqueur par inclinaison
pour séparer un peu de fécule qui se sera
précipitée au fond; pesez-la , vous en trou-
verez à peu près dix - sept onces ; pour ces
dix-sept onces , prenez deux, livres de sucre ;
LES LIQUEURS DE TA BLE, CtC. 2^Q
vous le concasserez, vous le mettrez dans vo-
ire vase, vous verserez par - dessus vos dix-
sept onces d’infusion de fleurs de violettes 3
vous boucherez bien , et vous le placerez
au bain-marie , à un feu bien modéré 3 il fau-
dra remuer de teins en teins pour accélérer la
dissolution du sucre. Votre sucre étant dis-
sous , laissez éteindre le feu et refroidir Je
sirop ; alors vous pourrez Je verser dans des
bouteilles.
Les sirops d’oeillet , de fleur d’orange , de
coquelicot se font de même.
Sirop de Groseilles.
Prenez deux livres de groseilles un peu
avant quelles ne soient tout à fait mûres ,
une livre de belles cerises et autant de fram-
boises , otez-en les noyaux et tout ce qu’ii y
a de vert dans ces fruits, exprimez-en le suc
dans une terrine , passez ce suc par un tamis ,
et laissez-le reposer pendant deux fois vingt-
quatre heures, après quoi passez-!e par la
chausse jusqu a ce qu’il soit parfaitement
clair. Le parfum de la framboise est assez vo-
latil 3 il pourra bien arriver que votre suc
n en soit que très-faiblement imprégné. Pour
R 2
260 l’art de composer
remédier à ce défaut , prenez une certaine
quantité de framboises bien mûres , c est-à-
dire , proportionnellement à la quantité de
suc bien clarifié que vous aurez obtenu 3 met-
tez infuser ces framboises dans votre suc
pendant trois ou quatre jours , après quoi ver-
sez le tout sur un tamis de soie , laissez filtrer
tranquillement la liqueur sans presseï la fi am-
boise. Pour huit onces de ce suc , prenez
quinze onces de sucre concasse, mettez 1 un
et l’autre dans un matras, ou dans tout autre
vase , d’abord le sucre , ensuite le suc 3 placez
le malras au bain-marie sur un feu modéré 3
quand le sucre sera tout à fait fondu , vous
laisserez éteindre le feu et refroidir le vaisseau,
après quoi vous verserez le sirop dans des
bouteilles.
Autre manière défaire le même sirop.
Préparez votre suc de fruit , comme nous
l’avons dit 3 mais au lieu de la dose de sucre
que nous avons prescrite , contentez-vous de
mettre une demi-livre de sucre en poudre sur
une chopine de suc 3 mettez tout simplement
votre sucre et votre suc dans une poêle à
confiture 3 votre sucre étant bien fondu , don-
à
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. ^6l
nez quelques bouillons couverts à votre si-
rop, retiraz-le du feu, et étant presque re-
froidi , vous le mettrez en bouteilles.
Sirop de Vinaigre»
Prenez un bocal de verre, ou bien une
• *
cruche de grès \ faites infuser dans une pinte
et demie ou deux jointes de bon vinaigre ,
autant de framboises bien mûres et bien éplu-
chées qu’i: p entrer , sans que le v'uai-
gi e surnage $ après huit jours d’infusion
versez tout à la fois et le vinaigre et les fram-
boises sur un tamis de soie , laissez librement
passer la liqueur sans presser le fruit • votre
vinaigre étant bien clair et bien imprégné de
l’odeur de la framboise , vous en prendrez
seize onces, et pour ces seize onces, vous
prendrez trente onces de sucre que vous con-
casserez grossièrement • vous le mettrez dans
un vase de faïence , vous vçrsercz votre vi-
naigre aromatisé par-dessus, vous bouche-
îez bien, et vous le placerez au bain-marie ,
à un feu très-modéré 5 aussitôt que le sucre
sera fondu, laissez éteindre le feu, et votre
sirop étant presque refroidi , vous le mettrez
en bouteilles, que vous boucherez bien.
i
Sirop de Verjus.
Prenez du verjus bien vert, écrasez-Ie dans
une terrine, passez -le d’abord au tamis , et
ensuite par le papier joseph, jusqu’à ce qu il
soit clair 3 faites cuire ensuite six livres de
sucre au perlé 3 versez dans la poêle etsui le
sucre cuit au degré que nous venons de dire ,
trois livres de suc de verjus 3 laissez refroidit
votre sirop 3 meltez-le ensuite en bouteilles.
Sirop de Mûres.
Prenez deux livres de mûres un peu avant
leur parfaite maturité, parce que si vous at-
tendiez qu’elles lussent parfaitement mûres ,
votre sirop serait trop fade, et pour être bon
il doit être un peu aigrelet 3 réduisez en pou-
dre fine deux livres de sucre , que \ ous met-
trez dans une poêle à confiture avec les deux
livres de mûres 3 donnez-vous bien de garde
d’écraser le fruit , votre sirop resterait trou-
ble 3 mettez la poêle et ce quelle contiendra
sur un feu très-modere 3 la chaleur Ici a bien
lot crever les mûres qui , par ce mo) en, ren-
dront tout leur suc parfaitement clair, etee suc
dissoudra le sucre en poudre 3 laites prendre
LES LIQUEURS DE TABLE, eîC. 2<S5
quelques bouillons au mélange ; vous recon-
naîtrez le juste degré de cuisson, en faisant
tomber d’un peu haut, et sur une assiette de
faïence , du sirop que vous aurez pris dans
une cuiller; s’il n’éclabousse point , et qu’il
fasse comme un petit bourlet autour dê l’en-
droit où il sera tombé, vous jugerez qu’il est
suffisamment cuit. Retirez pour lors la poêle
du feu , et lorsque le tout sera à peu près re-
froidi, vous le mettrez en bouteilles.
Sirop de Coings .
Prenez des coings bien mûrs , râpez-en la
chair, passez-la par un linge pour en expri-
mer le suc , laissez-le rasseoir au soleil ou
dans Un lieu chaud , jusqu’à ce qu’il ait déposé
sa fécule ; passez-le pour lors par la chausse.
Votre suc étant bien clarifié , vous prendrez
une livre de sucre pour quatre onces de suc
de coings; après avoir clarifié votre sucre
selon l’art , vous y verserez votre suc de
coings , vous ferez cuire le . tout au perlé ,
alors vous retirerez la poêle du feu , et le
sirop étant presque froid vous le mettrez en
bouteilles.
Sirop de Pommes.
U y a un sirop de pommes fort en usage
dans la pharmacie 3 ce n’est point celui que
nous allons décrire : nous ne donnerons ici
que le sirop de pommes simple et de pur
agrément. Prenez six belles pommes de rei-
nette , pelez-ies et coupcz-les par petits mor-
ceaux, mettez-les dans un vase de faïence avec
trois quarterons de sucre en poudre, et trois
cuillerées d'eau 3 bouchez le vase etplaeez-le au
bain-marie ou vous le laisserez pendant deux
heures , le feu au degré de l’eau bouillante 3
ayez soin de remuer de teins en tems. Après
deux heures de cuisson , laissez éteindre le feu
et refroidir. Quand le sirop sera presque froid,
vous l’aromatiserez en y exprimant du suc de
citron, et en y ajoutant une cuillerée d’esprit
de citron , ou si vous l’aimez mieux , une
cuillerée d’esprit de cannelle, ou bien de l’eau
de fleur d’orange, ou enfin tel parfum qu’il
vous plaira. Vous pourriez bien voir pour
lors une espèce deféculese précipiter au fond3
0 laissez reposer le tout pendant quelques heu-
res encore , après quoi versez bien douce-
ment votre sirop dans les bouteilles 3 il faut
tâcher d’opérer avec assez d’adresse pour qu’il
ne sc trouble pas.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. sG5
Autre sirop de Pommes.
Vouiez-vous faire un autre sirop de pom-
mes agréable , mais qui ne se conserve p is
long - te ms ; prenez la quantité qu’il vous
plaira de pommes de reinettes , coupez-les
par rouelles assez minces, rangez-Ies par lits
sur des petites règles de bois fort, étroites ,
traversant en tous sens la terrine d’un bord à
l’autre ; commencez par faire un lit de rouelles
de pommes, ensuite un lit de sucre en pou-
dreet puis un lit de rouelles de pommes , et
encoi e un lit de sucre, jusqu’à ce que vous
n’ayez plus de pommes; portez votre terrine
ai langée de la sorte dans un lieu frais, pen-
dant vingt-quatre heures; le sucre ne man-
quera pas de se fondre et d’entraîner avec
lui tout ce qu il y a de plus savoureux et de
plus aromatique dans la pomme, et vous aurez
le lendemain un sirop très-agréable, qui le
deviendra encore davantage si vous Je par-
fumez avecl’esprit de citron ou l’eau de fleur
d’orange.
Sirop Capillaire.
Le capillaire, et nous n’entendons parler
ici que du capillaire de Canada , quoique ce-
lui de Montpellier soit tout aussi bon ; le ca-
pillaire est un végélal qui contient un prin-
cipe odorant , léger , et fort agréable. Ce prin-
cipe,extrêmement volatil, se dissipe engrande
partie pendant la cuisson du sirop , de manière
qu’après cela il ne reste guère que la partie
* extra tive de la plante. 11 faut donc y si Ion
désire conserver à ce sirop l’odeur du capil-
laire; il faut, lorsqu’il est suffisamment cuit,
le verser tout bouillant sur du nouveau capil-
laire coupé grossièrement, bien couvrir le
vaisseau, et le laisser ainsi en infusion jus-
qu’à ce qu’il soit parfaitement refroidi ; on le
passe ensuite par une étamine , pour séparer
les feuilles du capillaire; moyennant celte dou-
ble infusion le sirop contracte le goût et
l’odeur du capillaire. Cette observation pré-
supposée, prenez une once de capillaire de
Canada, mettez-la dans une terrine vernissée,
versez par-dessus quatre livres d’eau bouil-
lante , laissez durer l’infusion pendant douze
heures , sur de la cendre chaude , exprimez
et coulez cette infusion ; elle vous, donnera
une forte teinture de capillaire; laites fondre
dans cette teinture quatre livres de sucre ,
mettez le tout dans une poêle a confiture , que
vous placerez sur le feu, et que vous claiifie-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 26 1
rez au blanc d’œuf, selon l’art. Continuez la
cuisson; quand votre sirop sera cuit, versez-
le promptement sur du nouveau capillaire ,
que vous aurez mis dans une terrine, couvrez
bien cette terrine } et quand vous verrez que
le sirop se refroidira , vous pourrez l’aroma-
tiser,si c’est votre goût. Parfaitement refroidi,
mettez-le en bouteilles que vous boucherez
bien.
Sirop de Guimauve.
Prenez six onces de racines de guimauve
récente , lavez-les à plusieurs reprises pour
bien en emporter toute la terre , dtez-en la
première écorce en les ratissant légèrement,
coupez-les par tranches, faites -les bouillir
dans trois ou quatre livres d’eau, sept ou huit
minutes seulement, et pas davantage, parce
que les racines de guimauve en bouillant plus
long-terns formeraient un mucilage capable
de gâter votre sirop; passez cette décoction
par un tamis pour en séparer les racines , fai-
tes-y fondre six livres de sucre , clarifiez le
mélange au blanc d œuf , comme nous l’avons
dit, écumez-le avec soin, laites-ic cuire au petit
perlé; alors retirez promptement la poêle du
leu , laissez refroidir votre sirop , et mettez-le
en bouteilles.
268
l’art de composer
h
Sirop d’écorce de Citron.
Prenez cinq onces de zestes récens de. ci-
tron , mettez-les dans un vase convenable.
Versez sur vos cinq onces de zestes de citron
deux livres d’eau presque bouillante , bou-
cliez le vaisseau exactement, et placez-le sur
la cendre chaude pendant douze heures ;
après ce teins , coulez l’infusion sans expres-
sion des zestes, ajoutez deux livres de sucre
en poudre grossière, faites cuire le tout au
bain - marie jusqu’à ce qu’il soit au grand
perlé ; retirez pour lors votre sirop du leu,
et quand il sera à demi-refroidi , vous aug-
menterez son parfum en y versant quelques
gouttes d’esprit de citron.
Sirop d’Orgeat.
Prenez neuf onces d’amandes amères et au-
tant d’amandes douces , jetez-les dans 1 eau
bouillante, mais hors du feu; il faut les y
laisser tremper un demi-quart d heure , ou
du moins jusqu’à ce que la peau puisse s en
séparer facilement; epluchez-les pour lois ,
et à mesure jetez-les dans l’eau lroide ; après
quoi pilez-les dans un mortier de marbre ,
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 269
en y jetant de tems en teins une petite por-
tion de trois livres d’eau, dont le reste doit
vous servir dans le cours de l’opération 3 ainsi
pilez bien vos amandes jusqu’à ce qu’elles
soient réduites en pâte déliée, de manière
que l’on n’aperçoive aucun fragment d’a-
mandes 3 délayez cette pâte avec la plus grande
partie de l’eau dont nous venons de parler ,
réservez-en seulement six onces ou environ ;
passez la pâte délayée au travers d’une toile
lorte, au moyen de deux personnes qui l'ex-
primeront fortement 3 remettez le marc ex-
primé dans le mortier, pilez -le de nouveau
en ajoutant peu à peu le reste de l’eau que
vous aurez réservée 3 passez de nouveau le
mélangé par le linge, et tirez-en tout ce que
vous pourrez par expression 3 mêlez vos deux
produits ensemble, c’est ce que l’on appelle
lait d’amande.
ivlettez ce lait dans un vase de faïence ou
d argent, ajoutez cinq livres de sucre pilé
grossièrement, et placez le tout au bain-marie
ou sur les cendres chaudes. Lorsque le sucre
sera dissous entièrement, ce que vous accé-
lérerez en remuant de tems en tems , vous le
retirerez du feu 3 et lorsque le vaisseau sera
presque refroidi, vous aromatiserez votre si-
rop avec de l’eau de fleur d orange ou de
370 J/* ART DE COMPOSER
l’esprit cle citron, ou avec un mélange de ces
deux substances dans les proportions de deux
parties de fleur d’orange et d une partie d es-
prit de citron. Pour les quantités de sirop
ci_dessus, on peut mettre deux onces d’eau
de Heur d’orange, et six gros d’esprit de ci-
tron. Cela fait , vous pourrez passer le tout
au travers d’une étamine blanche, et eniin
vous le mettrez en bouteilles.
On peut encore préparer ce sirop dune
autre manière. Faites cuire la dose de sucre
prescrite dans une poele à confiture , et a la
forte plume j alors jetez-y votre lait d amande ,
faites-lui prendre un ou deux bouillons tout
au plus , et retirez -le sur-le-champ du feu 3
étant presque refroidi, vous 1 aromatiseï ez
avec de l’eau de fleur d’orange et de l’esprit
de citron, comme nous l’avons dit. Si vous
faites votre sirop d’orgeat selon cette dei nièi c
manière, prenez bien garde qu’il ne se fasse
une trop grande évaporation, votre su op
cuirait trop et deviendrait par-là sujet a se
candir : mais de quelque manière que vous
vous preniez pour faire celte espèce de sirop ,
après l’avoir mis dans des bouteilles bien bou-
chées , vous verrez au bout d un certain tems
que ce sirop se partage en deux parties ; la
partie inférieure devient claire et transpa-
r
I-ES LIQUEURS DE TABLE, etc.
rente , et la partie supérieure reste blanche
comme du lait, et opaque. JV’ailez pas vous
imaginer en voyant cela que votre sirop est
gâté; non, c est ainsi qu il doit être lorsqu’il
est bien fait. La partie supérieure n’est point
autre chose que le lait d’amande mêlé de son
parenchyme et d’un peu de sirop; et la partie
inferieure n’est. , à proprement parler, que
le sucre dissous. Lors donc que vous voudrez
faire usage de votre sirop , il faudra bien re-
muer votre bouteille de haut en bas, afin de
mêler exactement la partie supérieure avec la
partie inférieure; il faudra même de lems en
tems répéter ce mélange sans avoir dessein de
faire usage de votre sirop , et cela pour em-
pêcher que la partie supérieure , trop iong-
tems privée de sucre , ne moisisse. &
Les sirops ayant été préparés avec toutes
les précautions que nous avons indiquées
pourrontse conserver plusieurs années. Quel-
que tems après avoir été faits on pourra re-
marquer dans quelques-uns un léger mouve-
ment de fermentation ; il ne faut pas s’en
alarmer: si d’ailleurs Je sirop a été bien pré-
paré, ce mouvement n’aura point de suite,
dans peu il disparaîtra. Il n’en sera pas de
même si les sirops ont été préparés avec né-
gligence ; la fermentation pourra devenir si
272 l'art de composer
violente que les sirops se gâteront à ne pou-
voir jamais servir. Cet accident fâcheux peut
avoir plusieurs causes : tels sont surtout des
sucs mal épures , une cuisson trop faible ou
trop forte, des doses de sucre excessives ou
insuffisantes ; quand quelques - unes de ces
négligences ont eu lieu, les altérations ne tar-
dent pas à s’annoncer; on voit les sirops se
troubler, devenir mousseux; ils écument et
perdent insensiblement toutes leuis bonnes
qualités, au point de 11’être plus reconnais-
sables.
J’ai indiqué à chaque recette les précau-
tions qu’il fallait prendre pour éviter ces sor-
tes d’accidens , et auxquels je 11e connais point
de remèdes que de travailler de nouveau les
sirops dès que l’on commence à y remarquei
quelque défaut essentiel. 11 faudra donc
promptement les faire recuire , ou pour di-
minuer la dose du sucre, ou pour l’augmen-
ter, ou enfin pour les épurer des fécules que
l’on v avait laissées dans la première prépa-
ration; travail ingrat , souvent infructueux ,
surtout s’il s’est formé une moisissure qui
ait communiqué un mauvais goût à toute la
masse du sirop , ou bien si les sirops ont passé
de la fermentation vineuse a la fermentation
acéteuse: quand ils sont parvenus à ce der-
nier
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 27 J
nier degré d’altération , il n’y a plus rien à
foire. Il n’en est pas de même d’une petite
pellicule blanche que l’on pourra remarquer
sur la surface des sirops contenus dans des
bouteilles entamées; c’est une espèce de pe-
tite moisissure qui ne provient pas de ce que
les sirops ont été mal faits, mais d’un peu
d eau qui s est trouvée dans les bouteilles, et
qui ne saurait tirer à conséquence. Un excès
de sucre ou de cuisson peut occasionner des
ravages bien plus considérables ; le sirop ,
dans l’un et l’autre cas, entre à la vérité plus
difficilement en fermentation, mais elle est
tôt ou tard inévitable ; et lorsqu’elle vient une
fois à commencer, les progrès en sont rapi-
des et les suites terribles ; le sirop acquiert
une force expansive si grande, qu’il chasse
les bouchons avec violence, et se répand au
dehors en forme de mousse , ou si les bou-
chons sont assez bien arrêtés pour résister à
ce premier effort, dans la suite il rompt les
bouteilles avec éclat. Que l’on juge par ces
el/ets de la précaution qu’il faut prendre pour
bien préparer les sirops.
Mais supposons que l’on n’ait rien à se re-
procher touchant ce dernier article, et que
les sirops aient été préparés avec le plus
grand soin , il ne faut pas compter pouvoir
S
274 l’art de composer
les conserver pendant un tems un çeu consi-
dérable , à moins que Ton ne prenne de nou-
velles précautions ; elles ne sont ni en grande
quantité , ni lort difficiles : nous allons indi-
quer celles qui nous ont paru de quclqu un
portance.
11 11e faudra mettre vos sirops que dans des
bouteilles d’un très - petit diamètre, parce
qu’étant obligé de les laisser en vidange ,
moins votre sirop aura de surface , et moins
Pair pourra agir sur lui.
Quelque tems après que les sirops auront
été faits, il faudra déboucher toutes vos bou-
teilles , pour enlever avec une plume une pe-
tite pellicule souvent moisie qui se sera lor-
mée entre le bouchon et la surface du snop.
* 11 faudra enfin, autant que les circonstan-
ces pourront le permettre , placer vos bou-
teilles de sirop dans un endroit d’une tem-
pérature à peu près égaie dans toutes les sai-
sons , ni trop froide, ni trop chaude. Au
défaut d’un endroit semblable , pour plus de
sûreté, il faudra placer vos bouteilles à la
cave.
LES LIQUEURS DE TAREE, etc.
DES ODEURS.
Principes généraux pour la distillation des
substances odorantes.
JXotre principal objet doit être de chercher
cette huile volatile appelée esprit recteur, par-
tout où nous pourrons la trouver avec abon-
dance : comme elle est d’une extrême vola-
tilité ,et qu’il est impossible de pouvoir l’ob-
tenir seule et sans quelle soit unie à quelque
substance plus fixe qu’elle, il faut s’appliquer
a reconnaître les substances auxquelles elle
s’unit le plus volontiers , afin de les lui pré-
senter et de faciliter son union avec elles.
Or , l’expérience nous a appris que l’esprit
iccicur se mêlait assez bien avec l’eau natu-
1 elle ordinaire , beaucoup mieux cependant
avec les esprits ardens, mais supérieurement
bien avec les huiles essentielles. Ces trois cir-
constances nous offrent trois classes bien dis-
tinctes et bien naturelles sous lesquelles nous
pouvons ranger les odeurs : Eaux odorantes
simples, î,e. classe 3 eaux odorantes spiri-
îucuses, IIe. classe 3 huiles essentielles aro-
matiques, IIIe. classe3 et comme chacune de
ces classes a des résultats qui la caractérisent .
S 2
276 l’art de composer
chaque classe exige aussi une manipulation
qui lui est propre , c’est ce que nous allons
indiquer par ordre.
Dans tous les cas où les odeurs 11e s'an-
noncent pas comme actuellement unies aune
substance onctueuse inflammable, fort abon-
dante , et qui leur sert de base, il faut leur
présenter un sujet analogue auquel elles
puissent s’attacher et se fixer au moins pour
un tems assez considérable 3 l’eau naturelle
simple parait fort bien remplir cette vue.
Il ne faut cependant pas croire que l’eau en
toute sorte de quantité , puisse servir à ce
dessein 3 non sans doute , ce serait le moyen
de diviser l’esprit recteur en particules si
petites , qu’il ne produirait plus aucun effet
sensible. 11 convient donc de proportionner
la quantité d’eau à la quantité d’odeur que
le sujet sur lequel on travaille peut fournir 3
or, nous n’avons guère de règles générales
bien certaines sur cet article 3 il y a des fleurs
qui renferment assez de parfum pour aro-
matiser une assez grande quantité d’eau ,
telles sont la rose et la fleur d’orange 3 ce-
pendant si l’on outre- passe de beaucoup la
proportion d’eau requise , le parfum ou , si
l’on veut , l’esprit recteur, l’huile volatile,
trop divisé , ne produit presque plus d eflet.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 377
D’un autre côté , il y a des substances qui
paraissent extrêmement odorantes avant l’ana-
lyse , et dont on n’a jamais pu tirer un soupçon
d’odeur par la distillation ; telles sont les fleurs
de jonquille , de violette , de jasmin, et pres-
que toutes les liliacées. Ces sortes de fleurs
constituent une classe à part 3 elles exigent
un procédé particulier. Observons encore
que l’on peut tirer de deux sortes d’eau
simple de la plupart des substances odo-
rantes 3 l’une fort imprégnée d’odeur , mais
toujours^ en très-petite quantité , nous la dé-
signons sous le nom d’eau essentielle 3 l’autre ,
moins odorante, à la vérité, mais très-abon-
dante , que l’on nomme simplement eau odo-
rante. Nous allons donc communiquer ce que
l’expérience nous a appris touchant les pro-
portions qu’il faut observer dans l’extrac-
tion de ces deux espèces d’eau odorante
simple.
Procédé pour la Ire. classe.
Pour distiller l’eau essentielle des plantes,
prenez la quantité qu’il vous plaira de fleurs
ou de plantes aromatiques , emplissez-en la
moitié d’une cucurbite , et pas davantage 3
versez par-dessus un peu d’eau de rivière ,
278 l’art de composer
de manière que, soit vos fleurs, soit vos
sommités de plantes , ou enfin vos fruits ou
vos baies, n’en soient que médiocrement hu-
mectées ; couvrez la cucurbite de son cha-
piteau garni du réfrigérant , placez - le au
bain-marie , de crainte que vos fleurs ou
plantes brûlent au fond de la cucurbite ;
adaptez un matras pour récipient, collez les
jointures, de façon cependant que vous puis-
siez ménager une très-petite ouverture pour
donner passage à l’air surabondant qui se
développe en grande quantité pendant l'opé-
ration ; maintenez un feu moyen et toujours
égal, vous obtiendrez une liqueur très-odo-
rante , parfaitement claire , c’est notre eau
essentielle. Pour l’avoir pure , donnez-vous
bien de garde de tirer à la quantité , vous
gâteriez tout 3 il faudra donc vous contenter
de tirer trois gros de liqueur pour chaque
livre ou de fleur ou de plante , ou, etc.
Les eaux odorantes simples n’exigent pas
tant de précautions, et 011 en obtient davan-
tage. Remplissez la moitié d’une cucurbite
de quelque substance odorante que ce soit,
fleurs ou plantes ; versez par-dessus une forte
décoction ou du suc de la plante ou des
fleurs, objets de votre travail, et cela en
quantité suffisante pour que vos fleurs 11e
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 2"9
s’attachent pas au fond de l’alambic 3 distillez
à feu nu , mais sagement gradué.
En général les alambics dont on se ser-
vira dans la présente distillation , ne doivent
point être fort élevés. Voy. la jigure. Je
conseillerais aussi , pour avoir des eaux bien
imprégnées , d’avoir toujours recours aux
rectifications 3 c’est - à - dire , qu’après une
première distillation faite comme nous ve-
nons de le dire , il faudra prendre l’eau odo-
rante que l’on vient d’obtenir pour premier
résultat , et la verser sur nouvelle quantité
de fleurs ou plantes , et procéder ensuite à
une nouvelle distillation.
J’ai oublié de dire que si l’on emploie de
l’eau dans cette opération , soit pour tirer la
teinture des plantes par une forte décoction,
soit pour humecter les fleurs , si on ne juge
pas cà propos d’en tirer le suc , il faudra tou-
jours préférer l’eau de rivière à toute autre
eau.
Les eaux odorantes, quoique bien prépa-
rées de la manière dont nous venons de le
dire , ne se conservent guère plus de deux
ans 3 c’est beaucoup encore , surtout lorsqu’il
n’est pas possible d’en obtenir autrement l’es-
prit recteur, ou du moins sans qu’il en coûte
beaucoup de peine et de dépense. Telle est
280 l’art de composer
l’eau de rose , si agréable et si utile dans bien
des cas , sans parler de la fleur d’orange beau-
coup plus estimée encore.
Procédé pour la IP. classe.
Les esprits odorans qui forment la IIe. classe
se préparent tout différemment. L’objet de
notre travail dans ce procédé est d’unir l’es-
prit recteur à un esprit ardent quelconque,
mais plus particulièrement cà l’esprit-dc-vin 3
mais comme il y a une affinité plus marquée
entre l’esprit-de-vin et l’esprit recteur , ou
liuile volatile , qu’entre l’esprit recteur et
l’eau commune , l’union entre ces deux esprits
est bien plus intime et plus facile qu’entre
l’esprit recteur seul et l’eau.
i - • ^
Pour marcher avec quelque certitude dans
cette nouvelle route , voici les règles géné-
rales qu’il conviendra d’observer.
On ne se servira jamais que d’esprit-de-vin
parfaitement rectifié , et selon la méthode
que nous avons proposée : ceci est de la plus
grande conséquence. On emploiera toujours
la voie de macération pour préparatif 3 elle
durera le lems prescrit dans les recettes 3 on
ne se servira pour cet. effet que de vaisseaux
de verre ou de terre vernissés, et toujours
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 28l
flans un lieu convenable, soit à la cave ou à
l’étuve, comme nous aurons soin de le pres-
crire relativement à la nature des sujets qui
nous occuperont. Les macérations bien faites ,
on procédera à la distillation , toujours au
bain-marie et dans nos alambics ordinaires ,
soit de métal ou de verre. On aura recours
à la rectification dans toutes les distillations
du présent procédé. Comme il s’agit ici d’unir
intimement l’esprit recteur pur avec l’esprit
de vin pur, on 11e saurait prendre trop de
précaution pour écarter de celte union toute
Substance étrangère.
Les eaux spiritueuses odorantes nouvelle-
ment laites sont sujettes à sentir une petite
impression de feu qu’d est presqu’impossi-
ble d éviter, malgré toutes les précautions
que l’on pourrait prendre, mais il est facile
de leur dter cette impression qu’elles per-
dent d’cîlcs-mèmcs en vieillissant 3 il ne s’agit
pour cela que de les plonger dans un mélange
de glace pilée, et de sel, et dans des bou-
teilles d’un diamètre moyen.
Les eaux spiritueuses odorantes ont,, cet
avantage sur les eaux odorantes simples , que
celles-ci ne peuvent se conserver qu’un ou
deux ans tout au plus , au lieu que les autres
se conserveraient éternellement, ou du moins
282 l’art de composer
pendant fort long-tems. J’ai conseillé ci-
dessus la rectification des eaux spiritueuses
odorantes , et cela pour deux raisons : la
première , pour les dépouiller le plus cju il
est possible de toute espèce de pblôgme 3 la
seconde, pour faire entrer dans l’esprit-de-
vin, qui en fait la base , toute la quantité
d’esprit recteur dont il est susceptible. Il ne
faudra cependant pas prétendre 1 en charger
plus que de raison, il est un terme au delà
duquel l’esprit-de-vin n’admet plus d esprit
recteur 3 c’est le point de saturation qu il laut
apprendre à bien connaître , et on y par-
viendra avec un peu d usage et d attention.
Procédé pour la IIIe. classe.
I. Lorsqu’on voudra extraire l’huile essen-
tielle des plantes, il faudra toujours altendie
que la plante sur laquelle on se propose de
travailler, soit parvenue a un état de matu-
rité parfaite 3 trop jeune, elle 11e rend pres-
que que du phlegme par la distillation, et
très-peu d’huile essentielle 3 d ne faut cepen-
dant point attendre qu’elle soit trop vieille
qu entièrement desséchée sur pied 3 dans cet
état, l’esprit recteur est dissipé en gi an do
partie,
LES LIQ LEURS DE TABLE, CÎC. ü85
II. On aura grand soin de faire sécher à la
chaleur douce d’un air tempéré les plantes
dont on se proposera de tirer l’huile essen-
tielle, parce qu’au moyen de cette dessiccation
toute l’humidité qui interceptait les parti-
cules huileuses étant évaporée , ces mêmes
particules ne trouvant plus d’obstacles a
leur réunion, se rapprochent les unes des
autres, enveloppent plus efficacement l’esprit
recteur qui tend toujours à s’échapper, et se
manifestent en abondauce promptement et
facilement au moyen de la distillation \ voilà
pourquoi une livre de plante desséchée four-
nit autant d'huile essentielle que deux livres
de la même plante nouvellement cueillie et
encore toute fraîche. Cette préparation offre
donc un avantage bien réel, en ce que l’on
expédie, dans un teins donné, le double plus
de plante que l’on ne ferait sans cette prépa-
ration, et cela, parce que les plantes dessé-
chées, formant un moindre volume , votre
alambic en contient bien davantage ; il ne
faudra cependant pas porter cette dessiccat ion
trop loin , parce que si vous la poussiez jus-
qu’à une espèce de torréfaction, il arriverait
que l’huile essentielle la plus subtile et la plus
aromatique, excitée, par une chaleur trop
violente, sc dissiperait en grande partie, et
284 i/art de composer
qu’il ne vous resterait plus qu’une huile essen-
tielle épaisse , d’une couleur foncée , d’une
odeur peu gracieuse et peut-être empyreu-
matique. 11 n’en est pas de même des fleurs ,
elles n’exigent pas de dessiccation ; il suffit
de les cueillir dans un tems sec et serein, ja-
mais pendant la pluie.
III. O11 fera toujours macérer dans de l’eau
de rivière les substances odorantes dont on se
proposera de tirer l’huile essentielle , mais
vingt - quatre heures seulement et pas plus ;
on mettra trois parties -d’eau pour une partie
de substance odorante, on peut, si l’on veut ,
ajouter du sel marin, dans la proportion de
trois poignées pour neuf pintes d’eau ; c’est-
à-dire, qu’il faudra mettre, pour trois livres
de substance odorante, neuf pintes d’eau et
trois poignées de sel.
IV. On 11e remplira jamais son alambic
moins des deux bons tiers; car si vous laissiez
trop d’espace vide, l’huile essentielle aurait
trop de peine à s’élever jusqu’au haut du cha-
piteau ; que si l’on s’avisait, pour surmonter
cet obstacle , d’augmenter la force du feu ,
non-seulement on l’exposerait à dissiper une
bonne partie de l’esprit recteur, mais encore
on pourrait fort bien occasionner par là la
combustion des plantes. 11 ne faudra pas non
LES liqueurs de table, etc. ^85
plus remplir tout à fait, la cucurbite , de crainte
que les matières venant à se gonfler, ce qui
arrive presque toujours , elles ne montent
tout à coup jusqu’au haut du chapiteau , et
ne sortent en substance et pêle-mêle avec l’eau
dans le récipient ; et supposé que vous soyez
assez adroit pour éviter cet inconvénient, en
ménageant beaucoup votre feu, je doute fort
que vous le soyez assez pour empêcher que
1 huile essentielle ne soit fort troublée , et
chargée de particules étrangères. Il faudra
donc vous en tenir à la règle que nous ve-
nons d’établir, qui consiste à ne pas charger
trop votre cucurbite, ni trop peu, mais aux
deux bons tiers , y compris l’eau.
V. Comme les huiles essentielles que l’on
veut extraire ont des propriétés spécifiques
foie différentes les unes des autres, qu’il s’en
trouve de plus ou moins subtiles , de plus ou
moins pénétrantes, quelques-unes fort lé-
gères, d’autres très-pesantes, etc., il faut né-
cessairement employer divers procédés pour
opérer avec succès. Les huiles fort pesantes,
comme 1 huile de girofle , de cannelle , tou-
tes celles encore qui se figent au moindre
IVoid, comme celle d’anis, veulent être dis-
tillées à grand feu et dans des alambics fort
peu élevés. Les. huiles dont les qualités sont
oS6 l’art de composer
vives et pénétrantes, qui contiennent un sel
volatil abondant et âcre, comme l’huile de
romarin et de marjolaine , doivent être dis-
tillées à une chaleur très-tempérée ) si vous
leur appliquez un feu trop vif, vous vous
exposez à leur faire perdre leur odeur fine
et gracieuse ; et de plus , non-seulement elles
pourront contracter une saveur âcre et une
odeur forte, mais encore une couleur rebu-
tante de jaune foncé, ou même tout a fait
brune. On ne saurait se figurer combien le
seul degré de chaleur mal dirigée est capable
de produire de changement dans la substance
des huiles essentielles.
VI. Les huiles essentielles n’ayant ni la
même pesanteur spécifique , ni la même con-
sistance , 11e doivent point paraître sous la
même forme , ni de la même couleur ; c’est
à quoi il faut bien prendre garde pour 11e
pas prendre le change a la suite des résul-
tats de chaque opération , essentiellement
différons les uns pies autres. De là vient que
Ton aurait grand tort de conclure que l’on
a fort mal opéré, parce que différentes huiles
essentielles paraîtront ,1 une sous une forme,
l’autre sous une autre 5 l’huile de girolle , par
exemple , est très-blanche , l’huile essentielle
de cannelle de même ; si cependant on les
LES LIQUEURS DE TABLE, GtC. 287
laisse dans un flacon qui ne soil pas tout à
lait rempli, insensiblement l’air en altère la
couleur et leur donne une teinte d’abord
«
jaune et ensuite rousse. L’huile de lavande
est fort limpide , mais elle jaunit en vieil-
lissant. L huile de rhue est d’une couleur
brune , celle de 1 absinthe d’un vert noir ,
celle de fleur de camomille , ainsi que celle
de fleurs de mille -feuille , ressemblent au
plus bel azur ; mais cette couleur charmante
ne subsiste pas, elle dégénère en vieillissant,
et se change enfin en une vilaine couleur
jaune foncée. Je suis entré dans ce détail
pour rassurer ceux qui seraient tentés de
rejeter ces huiles essentielles comme mau-
vaises, parce qu’elles ne leur présenteront
pas un œil flatteur; il est de leur nature
d être telles que nous les avons désignées ,
c est-à-dire , un peu altérées au bout d’un
certain tems, ainsi il ne faut pas les désirer
autrement.
Vil. 11 y a des huiles essentielles qui ont
un grand inconvénient ; elles se figent comme
du beurre , et s attachent très-souvent aux
parois des vaisseaux qui servent à leur distil-
lation. Il est donc de la plus grande consé-
quence , après 1 opération , de rincer ces
memes vaisseaux avec de l’esprit-de-vin bien
288 l’art de composer
rectifié , afin d’enlever jusqu’à la moindre
trace de ces huiles essentielles. Si l’on néglige
cette précaution, il arrivera nécessairement
qu’en se servant des mêmes vaisseaux pour
extraire des huiles essentielles d’une espèce
différente , il arrivera , dis-je , que ces der-
nières huiles prendront une impression très-
sensible de celles qui auront été distillées
auparavant , et produiront par ce mélange
une discordance à laquelle on ne connaîtra
plus rien.
VIH. Il ne faut pas s’attendre à tirer la
même quantité d’huile essentielle de toutes
les plantes ou fleurs mdifleremmentj le pro-
duit de chaque espèce est en raison ne ses
propriétés spécifiques. Or , il y a des plantes
qui fournissent une quantité étonnante d’huile
-essentielle , tandis que d’autres n’en four-
nissent presque pas 3 nous avons déjà fait cette
remarque , nous allons en donner la preuve.
La sabine , par exemple , fournit par la dis-
tillation deux onces et demie d'huile essen-
tielle par livre ; et une livre de noix muscade,
n’en fournit qu’une once 3 il est vrai que l’on
peut en retirer par expression une assi z
grande quantité de ce qui reste au fond de
la cucurbite , mais cette dernière huile n’ap-
proche pas, à beaucoup près, de la première,
pour
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 289
pour la finesse et les autres qualités. Une livre
de fleurs de stœchas desséchées, fournit un
peu plus de quatre gros d'huile essentielle ;
la fleur de lavande , beaucoup plus aroma-
tique , plus pénétrante et plus subtile en
fournit moins j il en est à peu près de même
des feuilles de menthe desséchées. Mais le
calamus aromaticus , le serpolet, l’origan,
les deux camomilles, et d’autres fleurs ou
plantes, quoique très -aromatiques , 11e four-
nissent que très-peu d’huile essentielle.
Après avoir rapporté les observations qui
m ont paru les plus importantes pour guider
les artistes dans l’extraction des huiles essen-
tielles, nous terminerons cet article par le
procédé détaillé que cette opération exige.
On met dans un grand alambic de cuivre
étamé environ quarante livres de thym ré-
cemment cueilli et en fleurs , avec une suf-
fisante quantité d’eau, pour que les plantes
soient parfaitement baignées par l’eau. On
lute le chapiteau à la cucurbite , et le ser-
pentin au bec du chapiteau : on remplit d’eau
le réfrigérant et le serpentin : on ajoute un
grand récipient pour recevoir la liqueur qui
doit distiller , ou pour plus de commodité,
on se sert d un récipient de verre , long ,
étroit par le haut et large par le bas, fait à
T
29 o l’art de composer
peu près comme une poire alongée : au ventre
de ce vaisseau on a soude un tube de ven e ,
fait en S , par le haut, qui s élève jusqu à
deux ou trois pouces au-dessous de son ori-
fice , et qui produit l’effet d’un siphon 3
Voyez la planche de l’alambic. Avant de
placer ce vaisseau au bec du serpen-
tin, il faut le remplir d’eau pure ou d’eau
distillée , jusqu’au - dessus de l’ouverture.
L’eau seule sort par ce tube à mesure qu elle
distille , tandis que l’huile reste nageante dans
la partie supérieure de ce vaisseau : si ce
vaisseau 11e contenait pas d abord une cer-^
laine quantité d’eau , une partie de 1 huile qui
vient dans le commencement de la distilla-
tion s’introduirait dans le tube , et passerait
avec l’eau distillée. Ce vaisseau est très-com-
mode pour la distillation des huiles essen-
tielles qui nagent sur l’eau , en ce qu’011 11 est
pas obligé de changer le récipient continuel-
lement , parce qu’il ne peut jamais se remplir
entièrement : l’huile essentielle occupe tou-
jours la partie supérieure , tandis que l’eau
qui distille s écoulé a mesure par le lue du
siphon 1 on place sous le siphon une tei -
rine ou seau , pour recueillir cette eau :
mais si l’huile essentielle qu’on distille est
pesante , qu’elle aille au lond de 1 eau , aloi s
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 2QI
il faut se servir d’un récipient ordinaire.
Lorsque tout est ainsi disposé on procède à
la distillation par un feu gradué qu’on aug-
mente jusqu’à ce que la liqueur soit bouil-
lante : on lkentretient dans cet état jusqu’à
ce que la distillation soit finie j ce que l’on
reconnaît, lorsque l’eau cesse d’ètre laiteuse
et qu il ne passe plus d’huile essentielle.
Les premières portions de liqueur qui dis-
tillent sont quelquefois blanches , laiteuses ,
et quelquefois sans couleur. Cela dépend de
la manière dont on a administré le feu. Cette
piemiere portion est très-aromatique : elle
est chargée d’une grande quantité d’esprit
îecteui . c est. lui qui fait fonction de liqueur
spiritueuse, et qui dissout une portion d’huile
essentielle , qui 1 unit a 1 eau et qui lui donne
la couleur laiteuse. Lorsque cette liqueur
s élève , il se dégage une grande quantité
d air et de vapeurs très-raréfiécs qui feraient
rompre le récipient , si on le lutait trop
exactement. Immédiatement après cet esprit
recteur, il s’élève des vapeurs qui se con-
densent dans le chapiteau de l’alambic, et
dans le serpentin , et qui viennent se ras-
sembler dans le récipient. Cette liqueur est
blanche , laiteuse : elle entraîne avec elle une
certaine quantité d’huile essentielle qui se
T 2
292 l’art de composer
sépare , et vient nager sur l’eau distillée*. On
continue la distillation jusqu a ce que cette
huile cesse de passer ; alors on la sépare en
versant toute la liqueur à plusieurs reprises,
dans un entonnoir de verre qu’on bouche
avec un doigt : on laisse couler l’eau dans
une bouteille : lorsque 1 huile est rassemblée,
on la met à part dans un flacon qu’on bouche
bien : c’est ce que l’on nomme huile essen-
tielle de thym. 11 reste dans l’alambic la dé-
coction de la plante.
On prépare de la meme maniéré toutes
les huiles essentielles des végétaux et de leurs
parties : on les distille à feu nu , même les
fleurs les plus délicates , quoique quelques
personnes recommandent de distiller les
fleurs au bain-marie. J’ai remarqué que la
chaleur étant moins forte, on tire une moin-
dre quantité d’huile essentielle, et que celle
qu’on obtient est plus fluide : d’ou il arrive
qu’elle se mêle en plus grande quantité avec
l’eau qui distille.
Lorsqu’on distille les plantes aromatiques,
à dessein d’obtenir leurs huiles essentielles ,
il convient de tenir toujours tiède l’eau du
réfrigérant , parce que , lorsqu’on rafraîchit
entièrement et subitement le chapiteau de
l'alambic , le froid se communique jusque
LES LIQUEURS DE TABLE, etC. 2g 5
dans l’intérieur de la cucurbite , la distilla-
tion s’arrête en grande partie , l’huile essen-
tielle cesse de monter sur-le-champ , et elle
ne commence à distiller que lorsque l’eau
du réfrigérant a acquis un certain degré de
chaleur. Il n’en est pas de même du ser-
pentin; la fraîcheur de l’eau qu’il contient
ne se communique jamais jusque dans l’alam-
bic. On peut, lorsqu’il est nécessaire, le ra-
fraîchir subitement : les vapeurs qu’il ren-
ferme ne rétrogradent jamais ; mais lors-
qu’on distille une huile essentielle qui a la
propriété de se figer par le froid , comme
l’huile d’anis , par exemple , il est bon de ne
point rafraîchir entièrement ni l’eau du ser-
pentin, ni l’eau du réfrigérant, et de l’entre-
tenir toujours tiède, sans quoi l’huile, en se
figeant, boucherait le serpentin, elle ferait
crever avec danger.
Les huiles essentielles , quoique fort dé-
gradées, sans couleur, sans odeur, et presque
sans fluidité, ne sont pas sans remède; on
peut les rétablir dans toute leur pureté , et
même sans qu’il en coûte beaucoup. Il ne
s’agit pour cela que de les verser dans un
alambic sur des plantes ou fleurs de la même
espèce , y ajouter une suffisante quantité
d eau y et les distiller selon le procède que
29/f l’art de composer
nous avons établi plus haut, en parlant de
l’extraction des huiles essentielles.
Lorsque l’huile essentielle n’est pas tout à
fait altérée , mais quelle commence à perdre
sa couleur et sa ténuité , il suffit pour la ré-
tablir, de la verser dans une petite cornue
de verre que l’on place au bain de sable sui
un petit fourneau 5 on adapte un récipient ,
on allume et l’on maintient toujours égale-
ment un feu à peu près pareil a celui de
l’eau bouillante , et l’on distille jusqu’à ce
que les gouttes commencent à paraître un
peu jaunes 3 ce qui reste dans la cornue res-
semble beaucoup à la résine.
On conçoit sans peine qu il doit se perdre
beaucoup d’huile essentielle dans cette recti-
fication 3 quelquefois la perte va jusqu au
tiers et meme plus.
Pour conserver les huiles essentielles dans
toute leur pureté , et le plus long-tems quil
est possible , il faut en remplir des petits
flacons de cristal exactement bouchés avec
des bouchons de même matière , les placer
dans un lieu frais , et ne les ouvrir que dan?
la nécessité.
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 2^5
De V Eau-Rose.
La rose ne figure pas seulement avec éclat
dans nos jardins, elle tient encore une place
distinguée parmi les plantes médicales ; 011 en
distingue de plusieurs espèces, qui ont cha-
cune leur vertu particulière : nous ne parle-
rons ici que de celles que l’on emploie com-
munément pour faire l’eau odorante. C’est
la rose pale et simple , très-commune dans
nos jardins 3 à son défaut on peut se servir de
la rose pâle double, ou encore mieux , de la
rose blanche simple, leurs propriétés sont les
memes, à peu de chose près.
Pour faire l’eau essentielle de rose, il fau-
dra cueillir, deux heures après le lever du.
soleil, et par un tems bien serein, une assez
grande quantité de roses pour pouvoir en
exprimer quatre livres de suc. Pour plus
grande facilité , pilez vos roses dans un mor-
tier de marbre; quand elles seront en pâle ,
laissez-les reposer cinq ou six heures dans
leur suc, mettez-les ensuite à la presse, dans
un linge fort et d’un tissu peu serré, ou, si
vous n’avez point de presse, lordcz-les forte-
ment et à deux personnes, dans un linge tel
que nous venons de le sj écilier. Ayant ob-
2C)6 l’art de composer
tenu quatre livres de suc ou deux pintes ,
vous y mettrez en infusion quatre livres de
roses nouvellement cueillies , en y ajoutant
quelques poignées de sel commun 5 faites
durer l'infusion pendant vingt-quatre heures,
versez le tout dans un alambic de verre , si
vous en avez un d’une capacité assez grande ;
ou la moitié seulement, si vous ne pouvez
pas faire autrement , ou dans le bain-marie
d’un alambic. Le chapiteau étant adapté ,
placez l’alambic au bain de sable , commencez
la distillation par un feu très-doux , augmentez
son action par degré , et jusqu’à ce que les
gouttes se succèdent sans interruption. Prenez
bien garde de ne pas pousser votre feu avec
trop de violence , il pourrait bien arriver
que vos roses brûlassent au fond de la cucur-
hite , et tout serait perdu. Si vous craignez
cet accident, au lieu du bain de sable, faites
votre distillation au bain-marie ; l’opération
sera un peu plus longue , mais aussi vous
11’aurez aucun danger à craindre. Quand vous
aurez recueilli environ une once d’eau essen-
tielle , débitez le récipient , et voyez si ce
qui coule du bec du chapiteau est encore
fort odorant, en ce cas continuez la distilla-
tion; mais si cette dernière eau vous paraît
moins spirifueusc et moins odorante que
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 297
celle que vous aurez d’abord recueillie dans
le récipient, il faudra la recueillir dans un
autre récipient, parce que celte seconde eau
11e sera qu’une eau simple qu’il convient de
séparer de la première, qui est seule la véri-
table eau essentielle de rose. Par conséquent,
si vous voulez l’avoir excellente , ne tirez point
à la quantité, mais à la qualité. La seconde
eau sera encore fort bonne , peut-être sentira-
t-elle un peu l’empyreume. Pour lui. faire
perdre celte mauvaise odeur, il faudra l’ex-
poser au soleil pendant quelques jours , légè-
rement bouchée d’un morceau de papier.
C’est une attention qu’il faut avoir après
chaque distillation de quelque substance odo-
rante que ce puisse cire, et que j’ai oublié de
recommander en établissant les principes gé-
néraux.
Si vous 11e vous souciez pas d’avoir l’eau
essentielle de rose, et que l’eau simple vous
suffise, vous suivrez la méthode suivante :
Prenez quatre livres de roses , ajoutez six
livres d’eau ou trois pintes , laissez macérer
le tout pendant vingt-quatre heures, après
quoi vous le verserez dans un alambic de
métal garni de son réfrigérant 5 distillez, et
tirez tout ce que vous pourrez obtenir d’odo-
rant > dès que vous vous apercevrez que ce
2Ç)ft l’art de composer
qui sort de l’alambic sent le phlegme , arrêtez
votre distillation , démontez votre alambic ,
jetez comme inutile ce qui reste dans la cu-
curbite, rincez-Ja bien , emplissez-la aux deux
tiers de roses nouvellement cueillies ; versez
par-dessus l’eau de votre première distilla-
tion, et recommencez-en une seconde, tou-
jours au bain de sable ; vous tirerez tout ce
que vous pourrez obtenir d’eau odorante, et
vous baisserez éteindre le feu dès que vous
commencerez à vous apercevoir que ce qui
sort, commence à sentir le phlegme. C’est
une odeur fade et insipide que l’usage vous
apprendra bien vite à connaître.
L’eau rose est d’un très-grand usage; onia
recommande comme excellente pour quel-
ques maladies des yeux ; on en fait un col-
lyre, en la mêlant avec de l’eau de plantin.
Eau essentielle de Fleurs d'Orange.
Je ne saurais dire combien la manière
d’opérer , et. l’attention, influent sur la déli-
catesse et la bonté de l’eau de fleurs d’oranee.
o
Rien de si aisé que de faire une eau simple
qui sente médiocrement la fleur d’orange;
mais lorsque le plilegme y domine, sa bonne
odeur et ses autres propriétés disparaissent*
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 299
Il n’cst pas bien dilïicile de faire une eau de
fleurs d’orange très-odorante , il suffit pour
cela de piler dans’ un mortier de marbre ,
feuilles, pétales , étamines, etc.; on délaie
ensuite cette espèce de pâte dans l’eau com-
mune , 011 jette le tout dans un alambic , et
Ton distille au feu nu. L’eau que l’on re-
tire par ce procédé est fort odorante à la
vérité, mais elle a un défaut considérable j
son odeur a quelque chose d’austère , si
j’ose me servir de cette expression , qui la
rend désagréable, et qui porte même à la
tête. H y a d’autres procédés encore , on les
a même multipliés presqu’à l’infini ; chaque
artiste a le sien , et je ne prétends en décrier
aucun. Voici le mien qui 11e plaira peut-être
pas au grand nombre , parce qu’il suppose
de la patience , de l’attention , de l’adresse ,
mais qui dédommage amplement de tous ces
soins par l’excellence du résultat.
Cueillez , deux heures après le lever du
soleil , et par un tems serein, quatre livres
de fleurs d’orange , épluchez-les , pétale à
pétale, jetez les étamines et le pistile comme
inutiles, mettez vos pétales épluchées dans une
cruche de grès , avec une pinte d’eau , laissez
infuser le tout pendant un jour et une nuit,
pour lors versez l’infusion dans une cucur-
3oo l’art de composer
bite de métal ; lutcz bien les jointures, placez
1 alambic au bain-marie , adaptez le serpen-
tin , si vous en avez un; vous vous sou-
viendrez qu’il faut remplir le réfrigérant
d eau tiède , et le serpentin d’eau très-froide.
Si vous n avez pas de serpentin vous pourrez
vous en passer; pour lors vous adapterez le
récipient ou matras immédiatement au bec
du réfrigérant , ayant soin de laisser une
très - petite ouverture à l’endroit où vous
collerez l’orifice de matras , et cela pour
donner issue à l’air qui pourrait se dévelop-
per pendant l’opération ; placez votre alam-
bic au bain-marie, et distillez; le bain-marie
ne prendra pas plus de chaleur qu’il ne
faut.
Ayant retiré environ deux onces de li-
queur , délutez le récipient ou matras , et
examinez si l’eau qui distille est aussi odo-
rante que celle qui se trouve dans le matras;
si vous trouvez que l’eau qui distille actuel-
lement est moins forte que celle du matras ,
changez de récipient pour conserver pure
cette dernière, qui est la véritable eau es-
sentielle; mais si vous la trouvez également
odorante , vous remettrez le meme matras ,
et quelque terns après vous ferez un nouvel
essai pour voir si l’odeur commence à s’af-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3oi
faiblir. Quand ce moment sera arrivé , adap-
tez un nouveau matras, et distillez tout ce
qui pourra sortir de l’alambic. Celte seconde
eau ne sera pas , à beaucoup près , aussi
odorante que la première , mais enfin elle
ne sera pas sans quelque mérite , vous pou irez
la réserver à part pour certains usages. 1!
pourra se faire , surtout si vos fleurs sont
bien remplies d’esprit recteur, il pourra se
faire , dis-je, que vous remarquiez comme
une espèce de graisse qui nagera à la surface
de l’eau odorante que vous aurez distillée :
» '
ne vous y trompez pas , c’est le néroli , ou
1 huile essentielle de fleurs d’orange , que
vous aurez soin de recueillir de la manière
que nous 1 avons dit dans les principes gé-
néraux , et de mettre à part dans un flacon
de cristal cette huile dont nous aurons oc-
casion de parler dans son tems.
Si vous ne voulez distiller qu’une eau de
fleurs d’orange simple , prenez quatre livres
de fleurs d’orange , mettez - les dans une
cruche de grès, sans les éplucher, ajoutez
neuf pintes d’eau, mettez le tout en macéra-
tion pendant vingt-quatre heures, après quoi
versez ce qui est dans la cruche de grès dans
une cucurbite de métal un peu ample 3 placez
la cucurbite sur un fourneau à feu ouvert ,
3<)2 l’art, de composer
adaptez son réfrigérant, ensuite le serpentin ,
si vous en avez 3 à son défaut, adaptez le ma-
lras , comme nous l’avons dit ci-dessus , et
avec les mêmes précautions, et distillez à un
feu modéré d’abord , ensuite un peu plus fort ,
pas trop cependant 3 songez que le feu ouvert
tire à conséquence , et que vous risquez de
brûler vos fleurs en le poussant avec trop de
violence. Vous retirerez six pintes d’eau assez
odorante , mais simple 3 si vous la voulez plus
odorante encore et double , vous la rectilie-
rez en procédant à une seconde distillation 3
c’est-à-dire , que vous démonterez votre alam-
bic; vous jeterez comme inutile tout ce qui
se trouvera dans la cucurbite , vous la rin-
cerez promptement, vous y mettrez deux li-
vres de fleurs d’orange nouvellement éplu-
chées , vous verserez par-dessus 1 eau de fleurs
d’orange que vous aurez retirée de votre pre-
mière distillation, vous ajouterez deux pintes
d’eau commune , et vous recommencerez une
seconde distillation a feu ouvert, mais tem-
pérée , c’est-à-dire , qu’une goutte ne tarde
pas à suivre l’autre, sans faire le filet. Je ne
saurais prescrire au juste la quantité d’eau que
vous pourrez retirer, cela dépendra de la qua-
lité de vos fleurs, mais vous pouvez allri
hardiment jusqu’à cinq ou six pintes, alors
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3ü3
vous examinerez si ce qui coule par le bec du
réfrigérant ou chapiteau est encore bien odo-
rant 5 en ce cas, il faudra continuer la distil-
lation 3 mais si vous sentez une odeur de
phlegme bien marquée, il faudra cesser. Cette
dernière eau de fleurs d’orange bien rectifiée,
est ce qu on appelle fleur d’orange double.
Comme il pourrait se faire que votre eau de
fleurs d orange , tant la simple que la double ,
et même l’eau essentielle sentissent l’cmpy-
reume , il faudra les exposer au soleil pen-
dant quelques jours , bouchées simplement
de papier.
De quelque manière qu’on distille la fleur
d orange , comme elle n’est point spiri tueuse ,
elle ne se conserve guère plus de deux ans 3
au bout de ce teins, elle s’altère sensiblement.
On doit avoir remarqué dans plusieurs
cudioits de cet ouvrage , que l’eau de fleurs
d orange est d’un usage très-étendu dans nos
compositions 3 elle n’est point appréciable
seulement par son odeur aromatique ; ses
vei tus médicales lui donnent un mérite tout
particulier. On 1 emploie avec succès pour
dissiper les vapeurs, et dans toutes les affec-
tions nerveuses.
3(4
l’art de composer
Eaux de toute espèce.
Les différentes méthodes que nous venons
de proposer à l’occasion de la rose et de la
fleur d’orange , pourront servir de modèle
pour la distillation de toutes sortes de fleurs ,
excepté les liliacées , dont l’esprit recteur est
si volatil , qu’il est impossible de le fixer par
aucune espèce de distillation.
Mais si vous avez dessein de travailler sur
les plantes odorantes , telles que le thym ,
l’hysope , la marjolaine , l’absinthe, vous
procéderez de la manière suivante:
Emplissez les deux tiers d’une grande cru-
che de grès , avec les sommités de la plante
dont vous vous proposez d’extraire l’odeur 3
faites bouillir, dans une assez grande quantité
d’eau commune , d’autres branches ou som-
mités de la même plante 3 après quelques
bouillons , versez la décoction dans votre
cruche , de manière que les plantes y trem-
pent à l’aise, mais sans excès. Cette propor-
tion doit vous servir de règle pour la quantité
d’eau commune que nous avons spécifiée en
parlant de la décoction 3 faites durer l’infusion
deux jours , tout au plus; après ce tems, dis-
tillez au feu nu 3 ne tirez pas jusqu à siccité ,
vous
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3o5
vous risqueriez de faire brûler la plante au
fond de la cucurbite 3 ne retirez donc qu’en-
viron la moitié de l’eau que vous aurez ajou-
tée à vos plantes.
Si vous voulez que votre premier produit
soit plus aromatique , il faudra, après la pre-
mière distillation, démonter l’alambic , jeter
comme inutile ce qui restera dans la cucur-
bite , la remplir, jusqu a moitié , de nou-
velles branches ou sommités de la plante sur
laquelle vous travaillez , verser par - dessus
l’eau aromatique de votre première distilla-
tion , et en commencer une seconde 5 vous
obtiendrez , au moyen de celle-ci , une eau
très-odorante 5 et si la plante , objet de votre
travail, contient une certaine quantité d’huile
essentielle , elle ne manquera pas de surnager
dans le récipient 3 et si vous en êtes curieux,
vous pourrez la séparer selon l’art, et la con-
server à part dans un flacon bien bouché.
Ou peut par le même moyen distiller des
eaux de toutes les herbes odorantes, parti-
culièrement de celles qui servent à la cui-
sine, ce qui peut devenir d’une grande res-
source pour 1 hiver où ces plantes devien-
nent fort rares. Pour obtenir ces eaux capa-
bles de suppléer au persil, au cerfeuil, à la
pimprenelle, etc. , emplissez les deux tiers
V
5o6 l'art de composer
d’une cruche avec du persil , par exemple ; il
en est de même des au'res plantes potagères;
faites bouillir, dans une quantité convenable
d’eau commune, beaucoup d’autre persil ,
pour en retirer une forte teinture; coulez la
décoction et versez-la sur le persil que vous
aurez jeté dans la cruche ; faites durer l’infu-
sion pendant vingt - quatre heures ou deux
jours, tout au plus; distdlez au feu nu , avec
l’attention de ne pas le pousser trop fort pour
lie pas brûler l’herbe contenue dans la cucui-
bite. Après une première distillation , coho-
bez , ayant soin de remettre à chaque fois de
nouvelles herbes avec votre eau nouvellement
distillée; après trois ou quatre cohobations ,
vous aurez une eau plus odorante et plus
propre aux assaisonuemens que les herbes
mêmes.
Pour dissiper le goût d’cmpy reume que vos
eaux odorantes pourront avoir couiraclé , il
faudra les exposer quelques jours au soleil
dans des bouteilles bouchées d’un simple
papier.
Esprit ardent de Roses.
On peut compte*’ deux sortes d eaux spi-
ritueuses odorantes. Celles qui sont inflam-
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 5c>7
niables par elles-mêmes, sans mélange d’au-
cune autre substance, et celles qui ne le sont
que par l’addition d’un esprit ardent quel-
conque, mais d’une espèce différente. Nous
commencerons par donner un exemple des
premières , mais nous nous étendrons un
peu davantage en parlant des secondes.
Pour tirer l’esprit ardent des roses , pre-
nez vingt livres de cette fleur j il faut choisir
celles dont nous avons déjà parlé , et que
l’on nomme la rose pale, simple 3 écrasez-la,
sans l’éplucher, dans un mortier de marbre,
vous en formerez comme une pâte , étendez
cette pàtc , couche par couche , avec du sel
marin, dans une très-grande cruche de grès,
ou dans deux , si un£ 11’est pas suflisante ,
c’est-à-dire que vous saupoudrerez chaque
couche de pâte de roses , d’un demi-doigt de
sel commun ou environ 3 pressez vos cou-
ches les unes sur les autres , le plus qu’il
sera possible , bouchez bien votre cruche
avec un bouchon de liège trempé dans la
cire jaune fondue , recouvrez ce bouchon
avec d’autre cire encore , portez votre cruche
à la cave, et oubliez-la pendant six semaines
ou deux mois 3 après ce tems , débouchez la
cruche 3 si elle exhale une odeur forte et
vineuse, la fermentation sera à son point ;
V 2
5o8 l’art de composer
si vous n’y trouvez pas cette odeur, jetez
dans votre cruche un peu de levure de bière ,
et si vous n’en avez pas , prenez du levain
ordinaire, qui sert à faire le pain 3 je vous
conseillerais même, pour plus grande sûreté ,
de mettre ou la levure ou le levain parmi
vos roses , au moment que vous les pilez ,
vous seriez plus sûr , par ce moyen , d’exciter
la fermentation , sans laquelle vous 11’ob-
tiendrez jamais un atome d'esprit ardent.
Mais quand vous serez parvenu à exciter
une fermentation bien vive, vous pourrez
compter sur le succès de votre opération.
Prenez pour lors huit ou dix livres de votre
pâte de rose fermentée, mettez-la dans une
cucurbite ordinaire , adaptez le réfrigé-
rant , etc. , et distillez au bain-marie et à un
feu assez vif. Prenez garde à la liqueur qui
sortira 3 vous continuerez un feu toujours
égal , tant qu’elle vous paraîtra sensiblement
spiritueuse 3 mais sitôt qu’elle commencera
à ne plus annoncer d’esprit, cessez la distil-
lation. Vous distillerez de même le reste de
votre pâte, si vous n’avez pas employé le
tout à la première distillation, mêlant chaque
fois tous les produits ensemble. Quand vous
aurez achevé de distiller tout ce que vous
avez de pâte de rose fermentée , vous ver-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 5oQ
serez tous vos produits dans un alambic de
verre; vous placerez cet alambic au bain de
sable, ou au bain-marie , et vous distillerez
à petit feu; 1 esprit ardent sortira d’abord
pui et très-exalté. Prenez garde au moment
que le phlegme commencera à monter, afin
de conserver votre esprit ardent dans toute
sa force.
On peut faire , selon ce procédé , toutes
sortes d esprits ardens; mais je ne le con-
seille pas , l’ouvrage est trop pénible, et je
ne vois pas que ces sortes d’eaux spiri-
tueuses aient des avantages bien marqués
sur les eaux spiritueuses dont nous allons
parler.
Eau de Lavande.
Il y a deux espèces de lavande, la lavande
male et la lavande femelle ; elles ont toutes
deux les mêmes propriétés et. les mêmes
vertus , mais on se sert plus communément
de la seconde espèce , parce qu’elle est plus
aïomatique, et que son parfum est plus
agréable. On en borde les plates-bandes des
jardins, particulièrement des potagers , ce
qui produit, un très -bon effet par l’odeur
douce et agréable que cette bordure répand
5 10 l’art de composer
dans l’air. D’ailleurs cette fleur offre l’utile
aussi bien que l’agréable , par les propriétés
médicales qui la distinguent. Nous en par-
lerons avec un peu plus d’étendue lorsque
nous donnerons la manière d’extraire son
huile essentielle 3 nous nous contenterons de
parler ici de son esprit aromatique.
Rien n’est si aisé que de faire une eau spi-
ritueuse de lavande telle qu’on la vend chez
le commun des parfumeurs. On infuse un
peu de fleurs de lavande dans 1 eau-de-vic ,
on la distille , et tout est dit; mais pour la
faire excellente , il faut un peu plus de soins
et de dépenses.
Emplissez une cruche de grès d une gran-
deur proportionnée à la quantité d esprit de
lavande que vous* voulez faire ; emplissez
cette cruche jusqu’aux deux tiers , de fleurs
de lavande grossièrement épluchées , pourvu
qu’il ne reste ni feuilles ni tiges , cela suffit ;
versez sur cette fleur de l’esprit-de-vin par-
faitement rectifié ; vous laisserez le tout en
infusion pendant huit jours , moins même
si vous êtes pressé, après quoi vous distille-
rez au bain-marie à gouttes très-précipitées.
Vous retirerez presqu’aulant desprit de la-
vande , que vous aurez employé d’esprit-
de-vin. Si vous trouvez que votre produit
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3 1 I
ne sent pas assez la lavande , vous pourrez
le rectifier par une seconde distillation que
vous conduirez exactement comme la pre-
mière , c’est-à-dire , que vous verserez votre
esprit de lavande que vous ne trouvez pas
assez aromatique sur une quantité raison-
nable de nouvelle lavande ; après quelques
jours d’infusion , vous verserez le tout dans
un alambic , vous le placerez au bain-marie ,
et vous distillerez jusqu’à siccilé et à gouttes
précipitées. Après cette seconde distillation
vous pourrez vous flatter d’avoir une eau
de lavande parfaitement odorante et très-
spiritueuse.
On pourra distiller de meme l’esprit d’ab-
sinthe , de sauge , de myrte , de thym de
basilic , de camomille , de roses , de fleurs
d’orange , etc.
Eau de Cologne.
Esprit-de-vin rectifié , vingt-six livres 3 es-
prit de romarin , sept livres ; eau de mélisse
composée, quatre livres et demie; essence de
bergamote , six onces ; néroli , trois gros ; es-
sence de cédrat , demi-once ; essence de ci-
tron, six gros; essence de romarin, deux
gros.
312
l’art de composer
On mci toutes ces substances dans une grosse
bouteille , ou dans un flacon avec un bouchon
de cristal 3 on agite le mélange, et l’eau est
faite.
Si l’on veut que cette eau soit plus délicate ,
il faut la rectifier au bain-marie , à petit feu ,
pour tirer toute la liqueur à deux pintes
prè^.
Eau pour les dents.
Cannelle, deux onces 3 girofle, six gros 3
cresson d’eau, six onces 3 écorce récente de
citron , une once et demie 3 roses rouges ,
une once; cochléaria, demi-livre 3 esprit-de-
vin rectifié, trois livres.
On concasse ce qui esta concasser 3 on coupe
grossièrement le cresson et le cochléaria 3 011
fait macérer le tout dans l’esprit-de-vin pen-
dant vingt- quatre heures, dans un vaisseau
clos 3 on distille ensuite au bain-marie jusqu’à
siccité 3 après quoi on rectifie cette liqueur
au bain-marie.
Cette eau fortifie les gencives 3 on s’en sert
pour se laver la bouche : on l’emploie seule
ou mêlée avec de l’eau.
»
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 5 1 3
Eau de la Reine d'Hongrie .
On appelle de ce nom l’esprit-de-vin im-
prégné de l’esprit recteur du romarin.
Tout le monde connaît le romarin ; dans
les régions méridionales de l’Europe , les
bois en sont remplis ; il est un peu plus rare
dans les pays septentrionaux. On a été per-
suadé pendant fort long-tems que la fleur
de cet arbrisseau avait infiniment plus de
vertu que le reste de la plante ; on est
maintenant détrompé sur cet article. L’ex-
périence a fait connaître que les sommités
de la plante , ainsi que les feuilles , four-
nissaient autant et plus d’esprit recteur que
la fleur même.
Emplissez une cucurbite de fleurs , de
feuilles et de sommités de romarin jusqu’aux
deux tiers à peu près , et plutôt moins que
plus ; versez par-dessus de l’esprit - de - vin
rectifié de manière qu’il surpasse le romarin
d’environ un bon doigt; couvrez la cucur-
bite de son chapiteau , placez l’alambic au
bain - marie , et distillez fort lentement ; si
votre esprit-de-vin est tel qu’il doit être ,
c’est-à-dire , parfaitement rectifié, vous reti-
rerez à peu près la même quantité d’esprit
3 1 4 l'art de composer
aromatique , que vous rectifierez , si vous
le jugez à propos , de la manière que nous
avons dît dans l’article précédent en parlant
de l’eau de lavande, c’est à peu près le même
procédé.
L’eau de la reine d’Hongrie était autrefois
très - célèbre. On la donne intérieurement
depuis un scrupule jusqu’à une drachme dans
du vin ou dans quelque eau analogue à 1 in-
disposition que l’on ressent. On peut aussi
dans certains cas en respirer quelques gouttes
par le nez , et en mettre des compresses sur
les tempes et sur les sutures du crâne. On se
sert du même appareil dans le cas de rhuma-
tisme , de contusions , de fluxions , de même
qu’autour des yeux pour fortifier la vue , et
dans les oreilles , pour le soulagement des
maux auxquelles elles sont sujettes.
Esprit de Cédrats.
Nous avons déjà parlé -de l’extraction de
l’esprit de cédrats dans le cours de cet ou-
vrage ; mais comme il ne s’agissait pour lors
que d’une préparation relative au goût, nous
n’avons pas cru devoir donner alors le pro-
cédé relatif à l’odorat 5 ces deux procédés
sont à peu près les mêmes pour le fond 3 ce-
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 5 1 5
pendant comme celui qui concerne l’odorat
a pour objet une quantité beaucoup plus con-
sidérable d’esprit recteur, il suppose quel-
ques changemens dans la manipulation et
dans les doses, et c’est l'instruction que nous
nous proposons de donner dans cet article ,
que l’on pourra appliquer aux préparations
de tous les esprits ou eaux odorantes simples ,
dont nous donnerons la liste à la fin de ce
même article.
Prenez douze beaux cédrats , enlevez-en
les zestes avec un couteau, c’est-à-dire , toute
la partie jaune de l’écorce jusqu’au blanc ,
jetez ces zestes, à mesure que vous les enlevez,
dans deux pintes d’esprit- de - vin parfaite-
ment rectifié, laissez-les en macération pen-
dant huit jours dans un lieu tempéré et dans
un vaisseau de verre ou de grès parfaitement
clos 5 au bout de ce tems, versez votre infu-
sion dans une cucurbite , adaptez le réfrigé-
rant , et distillez au bain-marie jusqu’à sic-
cité, après quoi redistillez l’esprit de cédrats
que vous venez d’obtenir à un feu très-doux
jusqu’à ce que vous ayez retiré les cinq
sixièmes de votre premier produit; retirez
alors le matras , vous y trouverez un esprit
de cédrats que vous exposerez quelques jours
au soleil dans le matras même bouché légè-
3i6
l’art de composer
rement d’un papier, pour lui faire perdre
le peu d’empyreume qu’il pourrait avoir con-
tracté^ après cela vous le mettrez dans des
flacons qui ferment bien, au moyen de leurs
bouchons de cristal.
Vous pourrez distiller de même l’esprit de
citron , d’écorce d’orange et tous les fruits
aromatiques de la même espèce , en obser-
vant qu’il faudra augmenter la dose des zestes
proportionnellement au parfum qu’ils exha-
lent; ainsi , au lieu des zestes de douze cé-
drats seulement pour deux pintes d’esprit-
de-vin, il faudra prendre les zestes de trente
citrons pour la même quantité d’esprit-de-
vin ; en général , plus on mettra de substance
aromatique en infusion dans l’esprit-de-vin ,
et plus l’esprit que l’on recueillera après la
distillation sera odorant.
Vous observerez le même procédé pour
obtenir l’esprit de cannelle , de girofle , de
muscade, de coriandre , de carvi , de fenouil,
d’anis , etc. , ayant soin de les concasser dans
un mortier de marbre avant que de les mettre
en infusion dans l’esprit-de-vin , que vous
continuerez au moins pendant huit jours ;
vous les distillerez ensuite au bain - marie ,
et vous les rectifierez dans un alambic de
verre et au bain de sable.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3*7
JL au de Mélisse composée.
L eau de mélisse , vulgairement appelée
eau des carmes , soutient depuis long-tems
sa célébrité par les effets salutaires qu’elle
produit ; quand elle est faite avec soin, elle
est non - seulement odorante, mais encore
très-médicale. Comme elle est fort compli-
quée dans sa composition, il ne faut point
être surpris si l’on en trouve de si différentes
lune de 1 autre. Beaucoup de gens n’étant
pas propriétaires du véritable secret, ne font
que des à peu près 3 d’autres , qui ont peut-
être eu ce secret, y ont fait des changemens
arbitraires; les uns pour épargner la dépense ,
les autres pour exclure certains ingrédiens
très-salutaires en eux- mêmes , mais qui en
altéraient un peu l’odeur du côté de l’agré-
ment. J ai même lu dans des ouvrages fort
estimés des recettes de fantaisie, substituées
sans scrupule à la véritable.
Prenez demi-livre de cannelle , six onces
de cardamomum avec leurs gousses , six
onces danis vert, quatre onces de clous de
girofle , lmit onces de coriandre ; concassez
ces aromates dans un mortier de marbre , et
jetez-lcs dans une cruche de grès; ajoutez
5 ; 8 l’art de composer
l’écorce île huit citrons, un litron île baies
de genièvre écrasées , douze poignées de
niélisse , lorsqu’elle est dans toute sa lorce ,
six poignées de sommités de romarin , autant
de sauge , autant d’hysope , autant d’an g e -
lique, dont vous prendrez simplement les
côtes et non les feuilles , ni la graine, ni la
racine 3 marjolaine et thym, de chacun six
poignées, de l’absinthe une demi-poignée;
hachez toutes ces plantes , mettez-les dans
la cruche de grès, versez sur vos drogues
seize pintes d’eau-de-vie , et faites durer l’in-
fusion huit jours ; versez pour lors le tout
dans un alambic de métal , et distillez au
bain-marie , vous en retirerez d’abord dix
pintes , que vous rejeterez dans la cucur-
bite, continuant toujours votre feu au même
degré ; peu après vous le diminuerez de
façon que l’eau aromatique ne tombe plus
dans le récipient qu’à gouttes précipitées ;
vous continuerez votre distillation de la sorte
jusqu’à ce que vous ayez retiré sept pintes;
changez pour lors de récipient , vous pourrez
encore retirer une pinte ou deux d une eau
faiblement spiritueuse, mais qui ne sera pas
sans quelque vertu. 11 laudra rectifier les
sept pintes que vous avez d’abord retirées ;
pour cet effet vous les verserez dans une
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3ig
cucurbite d’étain; vous placerez la cucurbite
au bain-marie , vous y adapterez le chapi-
teau et le récipient , et vous distillerez à un
feu très -doux; après avoir retiré les cinq
sixièmes des sept pintes, vous laisserez étein-
dre le feu , vous exposerez votre produit au
soleil pour lui faire perdre le goût d ’empy-
reume , ou bien vous plongerez pendant six
ou , sept heures le matras dans de la glace
pdée , parmi laquelle vous mêlerez un tiers
de sel marin , après quoi vous verserez votre
eau de mélisse dans des flacons conve-
nables.
, Sl vous voulez faire une eau de mélisse
d une odeur plus gracieuse que la précé-
dente, mais moins salutaire peut-être , prenez
quatre onces de zestes da citrons ; muscade
deux onces ; coriandre , huit onces; girofle'
deux onces ; cannelle , deux onces ; racine
sèche d angélique , une once ; concassez et
pilez bien toutes ces drogues; mélisse citron-
née, en fleurs et récente, une livre; coupez-
la par petits brins menus , et mettez toutes
ces drogues en macération pendant cinq ou
six jours dans huit livres desprit - de - vin
très-rectifié ; après ce tems, versez votre in-
fusion dans un alambic de métal , et distillez
au bain-marie jusqu a siccité; vous retirerez
320 l’art de composer
huit livres d’esprit aromatique , quil faudra
rectifier au bain-marie dans un alambic de
verre 3 vous* ne retirerez , à cette seconde
distillation , que sept livres d’eau de mé-
lisse , que vous plongerez dans un mélange
de glace pilée , et de sel marin pendant sept
ou huit heures , après quoi vous mettrez votre
eau de mélisse dans des flacons qui aient leui-
bouchon de cristal.
L’eau de mélisse est fort estimée : on la
dit souveraine dans les vapeurs, dans les co
liques, etc. , enfin, cette eau s’est acquise une
réputation égale efl meme supérieure à celle
de la reine d’Hongrie 3 elle est préférée dans
une infinité de circonstances. On en donne
par cuillerée ou pure ou melee dans un
verre d’eau , suivant l’état de la personne
affligée.
Eau Vulnéraire.
L’eau vulnéraire a eu le sort de 1 eau de
mélisse , c’est-à-dire qu’on y a ajouté ou re-
tranché selon le caprice ou les vues parti-
culières de chaque artiste 5 les uns font in-
fuser leurs plantes dans l’eau, les autres dans
du vin blanc , quelques - uns dans l’eau-
de-vie.
Prenez
LES liqueurs de table, etc. 321
Prenez des feuilles récentes de sauge , d an-
gélique , d’absinthe ,de sariette, de fenouil, de
mentastrum, d’hysope, de mélisse, debasilic,
<le rhue, de thym, de marjolaine, de romarin,
d’origan , de calament, de serpolet, de fleurs'
de lavande , quatre onces de chacun de ces
plantes. On coupe grossièrement toutes ces
plantes : on les met infuser pendant dix à
douze heures dans l’esprit-de-vin : on pro-
cède ensuite à la distillation au bain-marie
pour tirer toute la liqueur spiritueuse. On
ja conscrve dans une bouteille qui bouche
bien. C’est ce que l’on nomme eau vulné-
raire spiritueuse et eau d’arquebusade.
Si 1 on emploie de l’eau en place d’esprit-
dc-vin , on obtient l’eau vulnéraire à l’eau,
qui est blanche, laiteuse , sur laquelle sur-
nage un peu d’huîle essentielle qu’on sépare;
on la nomme essence vulnéraire.
Enfin , si l’on emploie du vin blanc ou
du lîn longe , en place d’èau ou d’esprit-
de-vin , on obtient l’eau vulnéraire au vin,
qui est plus agréable que celle que l’on pré-
pare avec de l’eau.
X
522
l’art de composer
Eau Vulnéraire rouge , par infusion.
Si l’on fait infuser seulement, et sans dis-
tiller dans de l’eau-de-vie , toutes les plantes
qui entrent dans l’eau vulnéraire spiritueuse ,
cela forme l’eau vulnéraire rouge par infu-
sion. Elle a les mêmes vertus que la prece-
dente 3 elle s’emploie de la meme manière.
Comme l’eau vulnéraire distillée est extraor-
dinairement spiritueuse , il faudra bien se
donner de garde de l’appliquer toute pure
sur les plaies, llfaudra donc la tempérer par
une quantité proportionnée d’eau commune;
on prendra la même précaution lorsqu’on
remploiera pour l’usage intérieur.
T J v, « Il . i t ‘ '
Eau de Miel odorante .
\ f
Pour distiller l’eau de miel odorante ,
prenez trois livres d’esprit-de-vin rectifie,
huit onces de miel blanc , autant de coriandre
concassée , trois gros de vanille , une once
de zestes de citrons récens , six gros de gi-
rofle , quatre gros de muscade, autant de
stirax calamite , autant de benjoin , cinq
onces d’esprit de rose , autant d’esprit de fleur
d’orange. Vous ferez ces sortes d’esprits
LES LIQUEURS DE TABLE, elC. 3^3
selon le procédé que nous avons indiqué
pour faire l’esprit de lavande. Ayant con-
cassé toutes les drogues qui sont suscepti-
bles de cette préparation, vous mettrez le
tout infuser dans l’esprit-de-vin , l’esprit de
rose et l’esprit d’orange ; après trois ou quatre
jours de macération, vous verserez le mé-
lange dans une cucurbite de métal , vous
distillerez au bain-marie , vous rectifierez
cette première distillation , et vous en reti-
rerez à peu près une quantité égale à celle
desprit que vous aurez employé.
Eau de Bouquet , etc.
Une once d’eau de miel odorante, deux
onces d eau sans-pareille , dont nous donne-
rons la recette immédiatement après celle-ci ;
eau de jasmin, quatre gros et demi ; eau de
girofle, une demi-once, autant d’eau de vio-
lette 5 de souchet long , deux gros, autant
d’eau de lavande ; dix gouttes d’esprit de
néroli (cest de l’esprit de fleur d'orange*:);
mêlez toutes ces liqueurs ensemble dans un
flacon qui ferme bien avec un bouchon de
cristal , et elle sera faite; elle n’exige, ni dis-
tillation , ni rectification , et elle est char-
mante pour 1 odeur. Nous allons donner tout
X a
524 l’art de composer
de suite , et par ordre , la façon de faire le*
autres eaux qui entrent dans cette compo-
sition.
Eau Sans-Pareiïïe.
Prenez six livres d’esprit-de-vin rectifié ,
deux gros et demi d’huile essentielle de ber-
gamote , une demi-once d’huile essentielle
de citron , deux gros d’huile essentielle de
cédrats, eau de la reine d Hongrie huit onces;
mêlez bien toutes ces liqueurs ensemble dans
une cucurbite de verre , placez -la au bain
de sable, adaptez un chapiteau et un réci-
pient,et distillez à un feu très-doux. Vous re-
tirerez à peu près la même quantité d esprit-
de-vin et d’eau de la reine d’Hongrie que
vous y en aurez mis.
Eau de Jasmin .
Cette eau est encore nécessaire pour com-
poser l’eau de bouquet. Pour la faire , vous
prendrez une livre d’huile de .jasmin , dont
vous trouverez la composition ci -après;
vous verserez cette livre d huile de jasmin
sur une demi-livre d’esprit-de-vin , vous se-
couerez le mélange dans une fiole bien
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3a5
bouchée , et de toutes vos forces; après cette
operation le mélange deviendra trouble et
comme laiteux ; exposez ce mélange à la
gelée , soit naturelle , soit artificielle, l’huile
se figeia, et 1 esprit-de-vin se séparera après
s être emparé de tout l'esprit recteur du jas-
min; vous le verserez dans un flacon qui
ferme bien avec un bouchon de cristal.
Eau de Girofle.
Prenez une once de clous de girofle , con-
cassez-les grossièrement , faites-les macérer
pendant trois ou quatre jours dans une demi-
livre d esprit-de-vin rectifié ; versez l’infu-
sion dans une cucurbite de verre, adaptez le
chapiteau et le récipient, et distillez au bain-
marie jusqu à siccité. Rectifiez cette pre-
mière distillation selon l’art, c’est-à-dire,
suivant le procédé dont nous avons tant de
fois parlé , et conservez votre eau pour l’usage
oans un flacon bien bouché.
Eau de Violette.
Cette eau porte le nom de violette , quoi-
que cette fleur ny entre pour rien. A sa
place prenez quatre onces de racine d’iris de
526 l’art de composer
Florence , après l’avoir concassée , mettez-
la en infusion dans deux livres d esprit-de-
vin très- rectifié , faites durer l’infusion pen-
dant quinze jours , filtrez-la ensuite par le
papier gris , et conservez cette teinture dans
un flacon bien bouché. On ne parle point
ici de distillation ; c’est que l’esprit recteur
de la racine d’iris est si subtil qu il s éva-
porerait entièrement si on l’exposait au feu.
»
Eau de Souchet.
Prenez quatre onces de souchet long , Fai-
tes —les macérer dans deux livres d esprit-de-
vin rectifié 3 distillez et rectifiez comme nous
l’avons dit en parlant du genièvre.
Eau de Calamus Aromalicus.
C’est le même procédé et les mêmes doses
que les précédentes.
Toutes les préparations dont nous avons
parlé dans cet article ont rapport à l’eau de
bouquet; que l’on juge par-là combien celte
eau aromatique doit être odorante, puisque
l’eau sans -pareille l’est déjà beaucoup.
serais presque tenté , après cela, de néglige i
toutes les autres préparations. Je 1 aurais lait
LES LIQUEURS DE T AELE, etc. $27
si je n’avais réfléchi que cette eau de bou-
quet revenant à un prix assez considérable ,
peu de personnes seront assez sensuelles pour
s’en procurer.
Eau odorante Germanique.
Je donne la manière de faire cette eau ,
parce qu’elle est très-agréable par son parfum,
et qu’elle passe pour être très-salutaire par
ses propriétés médicales.
Vous commencerez par faire macérer pen-
dant huit jours, et dans deux pintes de bon
vinaigre, deux poignées de fleurs de lavande,
autant de roses de Provins , autant de roses
sauvages ou églantines , autant de fleurs de
sureau 3 pendant le tems de l’infusion, qui
sera de huit jours , préparez à part une eau
odorante simple selon la recette suivante :
Mettez dans une eucurbite de verre l’écorce
de trois citrons, deux poignées de marjo-
laine, deux poignées de muguet , deux poi-
gnées de fleur de lavande 3 vous verserez sur
tout cela une chopine , c’est - à - dire , une
livre d’eau rose double , et environ deux
livres d’eau de rivière 3 adaptez le chapiteau à
la eucurbite ,placez-la au bain de sable 3 adap-
tez pareillement un matras au bec du chapi -
028 l’art de composer
teau, collez bien les jointures , et laissez les
choses dans cette disposition pendant deux
jours 3 après ce tems , mettez le fieu au four-
neau, et distillez à gouttes précipitées. Quand
vous aurez retiré une pinte de liqueur ,
cessez , et réservez cette eau pour l’usage
suivant:
Prenez du serpolet , de la marjolaine , du
basilic , du thym , de chacun une poignée 3
de la fleur de lavande , de la rose de Pro-
vins , du spic-nard, de l’origan, de chacun
trois fortes pincées, de la racine d’iris de
Florence, une demi-once , autant de can-
nelle 3 clous de girofle, macis , storax , cala-
mite, benjoin , de chacun trois gros 3 du lada-
num deux gros 3 de l’aspalathe , demi-once 3
de raloëszoccotorin,demi-gros.Mettez toutes
ces drogues mondées, hachées, pilées, con-
cassées , suivant leur nature, dans une cruche
de grès , versez par-dessus votre première
infusion de vinaigre, ainsi que l’eau odo-
rante simple que vous avez distillée 3 ajoutez
une pinte de bon vin muscat , remuez bien
le tout, et laissez-le en macération pendant
quinze jours , après quoi versez votre infu-
sion dans une cucurbite de métal 3 une cu-
curbite de verre vaudrait mieux , mais il
serait peut-être difficile d’en trouver une
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 02$
assez grande ; adaptez le chapiteau, placez
1 alambic au bain de sable , ajoutez un ma-
tras ur* peu grand, lutez bien les jointures , et
commencez la distillation par un feu d abord
t lès-modére; augmentez-le par degré jusqu’à
ce que les gouttes se succèdent assez rapi-
dement; les premières gouttes pourront bien
n ètie qu un purphlegme , faites-y attention ;
en ce cas il faudra les séparer comme inu-
tiles ; mais aussitôt que les gouttes exhale-
ront une odeur vive et agréable, lutez bien
le matras avec le chapiteau , et continuez la
distillation jusqu’à l’occurrence d’une pinte
et demie ou environ ; séparez cette eau de
cc bn* sortira ensuite, qui pourra n’êtrc
pas mauvais, vous en ferez l’usage qu’il vous
plaira.
Rectifiez votre eau odorante dans un alam-
bic de verre selon l’art, vous en retirerez
une pinte et quelque chose de plus , que
vous conseverez dans des flacons de cryptai.
Eau générale.
, MeUez en macération dans quinze livres
d esprit-de-vin très-rectifié les semences de
coriandre, de carvi , de sescli , de cumin ,
dams, de fenouil , d’aneth bien concassées \
55o l’art de composer
et de chacune une once et demie , ensuite les
feuilles de marjolaine , de mélisse, de basilic,
d’origan, de pouliot, de pouliot de monta-
gne , de romarin , de serpolet , de thym ,
d’hysope , de sauge , de sariette , de marum ,
de scordium , de marrube , de menthe de
jardin, d’absinthe grande , d’absinthe petite,
de tauesie , de matricaire , de dictame de
crête, d’abrotanum, de cerfeuil , de coclilea-
ria , de beccabunga , de cresson d’eau 3 coupez
ces plantes bien menues , a la dose de cha-
cune une once 3 racines de galenga minor ,
zedoairc , meum , spic-nard , angélique , car-
line , contrayerva , -vipérine , impératoire ,
année, iris de Florence calamus aromaticus ,
gingembre, benoîte, raifort sauvage , fenouil
de chaque une once... ; de plus, prenez des
fleurs dé romarin , de lavande , de stœchas
arabique, de sureau, d orange , de giioflee
jaune , de camomille romaine , de safran ,
de chaque espèce trois gros ; baies de lauriei ,
baies de genièvre , poivre rond, poivre long ,
de chaque une once et demie 3 poivre à
queue , macis, muscade , girofle , cardamome ,
écorce de citron , écorce d’orange , de
chaque espece trois onces , ayant soin de
concasser ce qui pourra l’être 5 bois d’aloës ,
de cèdre , de sassafras, de santal-citrin de
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 55l
Rhodes , deux onces ; il faudra réduire tous
ces bois en copeaux ; cascarilc , quatre onces;
gomme caragne , gomme tacamahaca , myrrhe,
benjoin, storax calamite , de chacune une
demi-once réduite en poudre 5 du castor, deux
gros; de l’opium, une once.
On commencera par mettre en macération
dans l’esprit-de-vin tout ce que 1 on pourra
se procurer facilement , comme les épices,
les gommes, les résines, etc., enfin toutes
les drogues que l’on trouve en tout tems ; a
mesure que les plantes approcheront de leur
état de maturité, on les cueillera et on les
mettra pareillement en macération dans cette
même cruche de grès où l’on aura précé-
demment mis les drogues, racines, bois, de.
Quand on aura exactement amassé tout ce
qui est contenu dans la recette , que la ma-
cération continuée un tems considérable sera
au point de pouvoir être distillée , vous ver-
serez toute votre infusion dans un alambic
de métal suffisamment grand , vous adapterez
le réfrigérant, ctc.^ et vous distillerez au
bain-marie ; ayant retiré tout ce que vous
pourrez de plus spiritueux , vous rectifierez
ce produit comme nous l’avons enseigné
dans les distillations précédentes.
552
l’art de composer
Du Vinaigre.
Nous avons observe que les odeurs se dis-
siperaient bien vite si on ne les fixait pas
en les enveloppant avec des sujets moins
volatils que l’esprit recteur qui en est le
principe ; nous avons rapporté les procédés
pr Apres à fixer les odeurs dans l’eau com-
mune ; nous avons pareillement indiqué les
moyens de fixer les odeurs dans les esprits
ardens , quoique ceux-ci soient d’une nature
très-fugace. Il est un autre moyen encore
de fixer les odeurs , très-agréable , très-utile
et fort étendu, et dont il ne sera pas hors
de propos de rapporter les divers procédés ;
c’est de fixer les odeurs par le vinaigre, c’est-
à-dire , par un acide végétal que l’on obtient
après le second degré de fermentation ; celui
qui succède immédiatement à la fermentation
vineuse.
Quoiqu’en général le vinaigre ne soit pas
fort rare, il n’est, cependant pas fort aisé d’en
trouver d’excellent; il arrive même souvent
que l’on est exposé à acheter du vinaigre
bon en apparence, mais très-dangereux par
rapport aux drogues qui sont entrées dans sa
composition. On ne sera donc pas fâché de
LES LIQUEURS DE T AELE, CtC.
*7 ~ rr
:> jii
trouver ici un procédé pour faire un vinaigre
icii naturel , bien bon, point trop cher.
Prenez deux muids vides et défoncés d’un
coté seulement , placez-les à coté l’un de
1 autre; vous poserez et assurerez bien, à la
distance d’un pied au dessus du fond , des
bai les de bois d un pouce d’épaisseur en tous
sens , qui formeront comme une espèce de
claie; vous poserez sur cette claie un lit de
branches de vigne verte , et par-dessus ce
premier lit un autre pareil, mais de rafles de
raisin ; ces deux couches ou lits seront d’une
égale épaisseur, et s’élèveront jusqu’au bord
supérieur de chaque tonneau ou muid; dans
l’un et l’autre vous verserez le vin dont vous
projetez de faire du vinaigre , de manière
cependant que l’un des tonneaux soit tout à
lait plein, et l’autre à moitié seulement. J’ai
oublié de dire qu’il fallait ménager un ro-
binet au bas de chaque tonneau pour faciliter
le soutirage de la liqueur de l’Vm à l’autre* ,
comme nous allons l’expliquer. Les tonneaux
étant disposés comme nous l’avons dit, on
les laissera sans y touchcr pendant trois jours :
au bout de ce teins on pourra remarquer
dans le tonneau à demi-plein un mouvement
très-sensible de fermentation ; dans peu elle
augmenterait considérablement , mais- vine t-
354 l’art de composer
quatre heures après les trois premiers jours
on arrêtera cette fermentation en remplissant
le tonneau à demi-vide de vin avec la liqueur
contenue dans le tonneau plein , qui pai ce
moyen deviendra à son tour à demi-vide de
vin, au moyen de ce changement ; au bout
de vingt-quatre heures la fermentation s an-
noncera dans ce tonneau comme elle s’était
annoncée dans l'autre ; il faudra donc pareil-
lement l'arrêter en soutirant la liqueur du
tonneau plein dans celui qui ne l’est qu’à
demi. On continuera cette manœuvre toutes
les vingt-quatre heures , jusqu’à ce que la
fermentation cesse tout à fait dans 1 un et
l’autre tonneau 3 ce qui arrive communément
en quinze jours de tems.
Comme cette opération ne peut bien se
faire que dans les tems de vendange, cette
règle 11’est pas sans exception , parce que la
température de cette saison varie beaucoup.
Dans les années où la chaleur est considé-
rable , c’est-à-dire , égale au vmgt-cmquiemo
degré du thermomètre de M. de liéaumui ,
Y opération se lait en bien moins de tems,
et cela , parce qu’il ne laut que aouze heures
d’intervalle entre chaque soutnagc.
11 faut bien se donner de garde de jeter
comme inutiles le sarment et les rafles qui
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 555
ont servi à une première opération , si on a
dessein d’en faire une seconde ; comme elles
sont abondamment imprégnées d’acide végé-
tal , elles sont plus propres que jamais à
servir de levain pour faire de nouveau vi-
naigre ; il suffira de les laver pour les net-
toyer d un dépôt visqueux dont elles se
seront chargées pendant le cours de l’opé-
ration^ étant bien nettes, on les conservera
précieusement pour en faire usage en tems et
lieu. 11 en est de même des tonneaux , et
pour les mêmes raisons 3 ils peuvent servir
plusieurs années de suite 5 ils deviennent
même de meilleurs en meilleurs par l’usage.
On conçoit aisément qu’il est très-possible
de faire deux sortes de vinaigre par la mé-
thode que nous venons d’enseigner , du vi-
naigre blanc et du vinaigre rouge 3 mais il
faudra prendre garde de ne pas confondre
les espèces de raisins et de vins qui convien-
nent à chaque espèce de vinaigre. Pour faire
du vmaigie blanc il faut choisir des raisins
blancs bien mûrs , et se servir de vin blanc 3
il en est de même du vinaigre rouge; il fhu-
dia prendre du vin rouge et des raisins noirs.
Que 1 on ne s imagine pas que toutes sortes
de vins soient bons pour faire du vinaigre.
IVon , tout vin gâté qui aurait une mauvaise
55G l’art de composer
odeur ne saurait servir; mais un vin défec-
tueux , trouble, gras , qui n’aura aucun mau-
vais goût d’ailleurs, et qui sera bien spiri-
tueux, sera très-propre à faire de bon vinai-
gre ; au lieu qu’un vin très-faible n’en fera
jamais que de mauvais.
Si vous êtes curieux d’avoir un vinaigre
très - fort et très -concentré , ce qui est fort
avantageux et même absolument nécessaire
dans quelques-unes des opérations dont nous
allons parler, il faudra vous y prendre de la
manière suivante : Vous mettrez le vinaigre
que vous avez dessein de concentrer dans une
grande terrine , vous l’exposerez à 1 air pen-
dant une nuit ou il gelera bien fort; le len-
demain vous trouverez votre vinaigre en par-
tie gelé et eu partie fluide ; vous verserez la
partie fluide à part , c est la plus spiritueuse,
la partie condensée ne sera que de l’eau insi-
pide et sans aucun principe. Vous réitérerez
ce procédé pendant quelques nuits, et jus-
qu’à ce que votre vinaigre soit au degré de
concentration que vous désirez; on pcu<
porter ce degré fort loin.
Distillation du Vinaigre.
Puisqu’il est démontré par l’analyse que
le
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 537
le vinaigre contient une grande quantité de
matière extractive et saline qui lui donne des
propriétés accidentelles, il est souvent à pro-
pos de le séparer de ces matières grossières ;
il faut pour cet effet avoir recours à la distil-
lation , mais à une distillation un peu diffé-
rente de celle que nous avons pratiquée jus-
qu’à présent.
11 ne faudra jamais se servir de vaisseaux
de métal dans celte opération , particulière-
ment de vaisseaux de cuivre , parce que
l’acide du vinaigre ne manquerait pas de les
corroder , de se charger de particules métal-
liques, et de devenir par-là très-dangereux, il
faudra donc ne se servir que de cucurbite
de verre ou de grès, mais toujours de cha-
piteau de verre. On peut encore employer à
cette opération des cornues de verre. Etant
muni d’un alambic convenable , vous pren-
drez du vinaigre concentré selon la méthode
que nous avons proposée dans l’article pré-
cédent, ou, si vous n’en avez point de cette
espèce , vous pourrez en concentrer sur-le-
champ de la manière suivante :
Versez dix pintes de vinaigre dans une
grande terrine vernissée , placez cette terrine
sur un feu assez modéré pour le faire éva-
porer lentement 5 quand il sera diminué de
Y
538
l’art de composer
deux pintes sans avoir bouilli , vous le re-
tirerez du feu , et vous le laisserez un peu
refroidir. J’ai averti qu’il ne fallait pas pous-
ser le feu trop vivement , parce que le but
de cette opération est de faire évaporer une
portion surabondante de phlcgme ; or , si
vous employez un degré de chaleur un peu
fort , vous pourriez bien faire évaporer la
partie acide du vinaigre, et c’est ce qu’il faut
éviter. Votre vinaigre étant suffisamment
concentré , vous le verserez dans la cucur-
bite que vous ne remplirez qu’aux deux
tiers; vous la placerez au bain de sable, vous
adapterez le chapiteau et le récipient, et vous
distillerez à un feu assez modéré pour éviter
l’empyreume auquel le vinaigre distillé est
fort sujet. Quand cet empyrcume n’est point
excessif, le vinaigre en perd l’odeur en vieil-
lissant, on peut même la lui faire perdre sur-
le-champ ; en le plongeant dans un bain de
glace pilée , à laquelle on mêle le tiers de
sel ou environ. Ayant retiré les cinq sixièmes
du vinaigre que vous aviez mis dans la cu-
curbite , vous laisserez éteindre le feu ; ce
qui restera au fond de la cucurbitc sera d’une
acidité et d’une force ét minantes , mais ce
résidu ne peut vous servira rien.
Le vinaigre distillé est à la vérité acide >
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 55g
ïnais cet acide est fort balancé par la quan-
tité de particules aqueuses qu’il contient éga-
lement 5 il est d’ailleurs privé de la matière
saline, extractive , etc., et voilà pourquoi il
parait avoir moins de force que le vinaigre
non distillé , qui n’a été dépouillé d’aucun
de ses principes. On peut cependant parvenir
a donner autant de force au vinaigre distillé
qu’à celui qui ne l’a point été , et voici
comme on s’y prend. On verse son vi-
naigre distillé dans une grande terrine , on
l’expose à l’air , et pendant toute la nuit
d une forte gelée 3 le matin on trouve son vi-
naigre en partie fluide et en partie glacé ; on
recueille la partie fluide qui a considéra-
blement augmenté de force • la partie glacée
n en est pas tout à fait privée , mais elle est
si faible quelle n’est pas comparable à
l’autre.
Eaux odorantes acéteuses , en prenant pour
exemple 1 eau de larande ace'teuse .
Au moyen de notre vinaigre distille, en-
suite concentré , on pourra se procurer
toutes les memes especes d’eaux odorantes
que celles que l’on prépare à l’esprit-cle-vin;
il est bien vrai que ces eaux odorantes que
Y*
540 l'art de composer
je nomme acéteuses ne seront pas , à beau-
coup près , aussi agréables que celles qui
auront été préparées à l’esprit-de-vin, mal-
gré tous les parfums qu’on pourra lui op-
poser 3 à cela près , elles seront très-odo-
rantes et beaucoup moins chères que les
autres. Nous prendrons pour exemple de
celte préparation l’eau de lavande acéteuse.
Mettez dans une cucurbite de grès ou de
verre , la quantité qu’il vous plaira de fleurs
de lavande mondées, versez par-dessus assez
de vinaigre distillé pour que les fleurs nagent
en liberté , et qu’il y ait au-dessous trois bons
doigts de vinaigre 5 placez la cucurbite au
bain-marie , adaptez le chapiteau, et distillez
à un feu assez vif. Ayant retiré les trois
quarts du vinaigre que vous aurez employé,
Vous démonterez votre alambic ; et si votre
«
eau de lavande n’est point assez aromatique ,
vous pourrez la rectifier , et en y ajoutant
de nouvelles fleurs de lavande , vous augmen-
terez de beaucoup son odeur. Je conseille-
rais, après la rectification, de placer les bou-
teilles dans lesquelles vous comptez conserver
votre eau odorante , et cela pendant huit ou
neuf heures , dans un mélange de glace et
de sel pilé.
Les eaux odorantes acéteuses de citron ,
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 34 1
de girofle , de fleurs d’orange , en un mot ,
toutes les eaux dont nous avons parlé ci-
devant , se préparent de même.
Vinaigre radical , Esprit de Vénus , ou
Acide acétique.
Je ne puis me dispenser de parler ici de
l’esprit de Vénus; c’est une préparation de
vinaigre supérieure à toutes les autres, non-
seulement parce que la liqueur qui en ré-
sulte tient un rang distingué dans la sphère
de l’odorat , mais encore parce qu’elle peut
être utile dans une foule de circonstances.
Cette préparation suppose des soins , de la
dépense , de la pratique , de l’intelligence
dans 1 artiste ; or , il en est fort peu qui veu-
lent se donner la peine de l’entreprendre ou
d en risquer les frais. On ne me saura donc
pas mauvais gré si je donne ici toutes les
circonstances du procédé au moyen duquel
j’ai toujours eu la satisfaction de réussir.
i°. Prenez deux livres de vert-de-eris ,
que vous romprez en petits morceaux gros
comme une aveline , vous les jeterez dans
deux matras de trois pintes chacun, autant
dans l’un que dans l’autre , vous verserez par-
dessus du vinaigre distillé jusqu’à ce qu’il
3/p L'ART DF. COMPOSER
surnage le vert-de-gris , de quatre travers de
doigt 3 vous placerez vos niatras dans un bain
de sable à un feu très-doux de quelques char-
bons seulement 3 vous les y laisserez pendant
deux jours et deux nuits , ayant soin de les
remuer de tems en tems , après quoi vous
les retirerez du feu , et vous les laisserez en
repos pendant un jour. Les matières les plus
pesantes ne manqueroïlt pas de se précipiter
au fond du matras 3 pour lors il vous sera
facile de décanter la liqueur colorée qui sur-
nagera 3 c’est ce qu’on appelle la teinture de
Vénus. Vous verserez de nouveau vinaigre
sur le sédiment qui sera resté dans vos ma-
tras , vous le placerez au bain de sable ,
comme vous avez déjà fai t ^ vous décanterez
la teinture de Vénus après deux jours d’in-
fusion, et vous réitérerez ces manipulations
jusqu’à ce qu’il ne reste au fond du matras
qu’une matière sur laquelle le vinaigre n'agira
plus.
2°. Filtrez votre teinture de Vénus par le
papier gris , avec la précaution de garnir
l’entonnoir d’un linge plié en quatre en forme
de chausse , pour empêcher que le papier ne
crève. Vous retirerez cinq à six pintes de
teinture de Vénus parfaitement belle et bien
limpide.
LES LIQUEURS DE TABLE, etC, 343
3°. Versez cette teinture dans un ou deux
alambics de verre relativement à leur capa-
cité 3 distillez au bain de sable jusqu’à ce que
vous en ayez retiré les deux tiers. Ce vi-
naigre sera bien blanc et bien concentré , et
pourra vous servir à tel usage qu’il vous
plaira. Laissez alors éteindre le feu 3 attendez
pour retirer vos vaisseaux qu’ils soient bien
refroidis, de crainte que la fraîcheur de l’air
ne les fasse casser.
4°. Les vaisseaux étant au point de refroi-
dissement convenable^ dtez le chapiteau, et
versez dans une terrine vernissée ce qui se
trouvera dans la cucurbite 3 portez la terrine
à la cave , oubliez-la pendant trois jours,
après lesquels vous décanterez ce qui surna-
gera, et vous trouverez au fond et aux parois
de la terrine de très-beaux cristaux sembla-
bles à l’éméraude 3 amassez-les proprement,
faites-les sécher à une chaleur extrêmement
douce , er réservez-les pour l’usage que nous
dirons. Remettez ce qui vous restera de tein-
ture de Vénus dans la terrine, faites-la éva-
porer d’un bon tiers sur le feu , enlevez une
espèce d’écume qui se formera pendant
1 évaporation , et jetez - la comme inutile.
Quand vous verrez paraître une petite pel-
licule sur la surface , assez semblable à de
petites écailles, retirez votre terrine, poriez-
la à la cave , comme vous avez fait la pre-
mière fois, et opérez toujours de même jus-
qu’à ce que toute votre teinture soit convertie
en cristaux 3 quand je dis toute, il faut
en excepter une espèce d’eau - mère qui
paraît vers la fin d’une consistance sirupeuse
très-épaisse, et qui ne se cristallise jamais 3
vous en formerez des boulettes que vous
joindrez à vos cristaux , parce que cette es-
pèce d’eau - mère est extraordinairement
acide.
5°. Prenez ensuite tous vos cristaux 3 met-
tez-les dans une cornue de verre assez grande
pour que le tiers en demeure vide , placez-
la au bain de sable 3 commencez par un feu
fort doux pendant une heure , poussez-le en-
suite très-vivement 3 quand vous verrez pa-
raître la première goutte au bec de la cor-
nue , examinez si elle est faible ou péné-
trante 3 si ce n’est que du phlegme , laissez-le
s’écouler jusqu’à ce que les gouttes qui sor-
tiront aient acquis une certaine force 3 alors
adaptez et lutez bien un demi-ballon à la cor-
nue , continuez la distillation jusqu’à ce que
vous n’aperceviez plus rien sortir 3 laissez
éteindre le feu, débitez le ballon, vous y trou-
verez environ huit onces d’esprit de Vénus.
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 3q5
Attendez jusqu’au lendemain pour retirer la
cornue, dans laquelle vous trouverez environ
une demi-livre de poudre de couleur brune
tirant sur le rouge 3 ce n’est point autre
chose que du cuivre quia perdu son brillant
métallique. Si vous êtes curieux de le rame-
ner sous sa forme primitive, vous le pourrez
aisément en vous servant d’un flux réductif.
Mais ceci est étranger au but que nous nous
sommes proposé. Revenons donc à notre
esprit de Vénus que vous verserez du ballon
dans un flacon de cristal qui bouche bien.
Cette liqueur est peut-être la plus pénétrante
que je connaisse 3 il suffit d’ôter le bouchon
du flacon où elle se trouve pour remplir de
son odeur tout un appartement 3 et si l’on
s’avise de porter le flacon ouvert proche du
nez 3 il pénètre au cerveau avec beaucoup
de vivacité. On peut encore préparer ce vi-
naigre radical, ou esprit de Vénus, par un
procédé plus simple.
A cet effet on pulvérise des cristaux de
verdet (acétate de cuivre), on introduit la
poudre dans une cornue de grès , qui com-
munique à un récipient tubulé par unealonge 3
on adapte au récipient un tube recourbé qui
plonge dans l’eau.
On échauffe peu à peu la cornue , en aug-
546 l’art de composer
mentant le feu par degrés. L’acétate de cuivre
se décomposé , l’acide acétique passe dans le
récipient ; il y a deux produits distincts qu’il
faut séparer ; le premier est moins fort que
le deuxième , c est de l’eau chargée d’acide
acéteux; celui qui vient après, a une odeur
extrêmement forte, et se trouve coloré par
de l’oxide de cuivre; on distille de nouveau
dans une cornue de verre, afin d’avoir l’acide
très-blanc. Cette liqueur est le meilleur re-
mède que l’on puisse employer dans les cas
d’évanouissement, d’apoplexie , de léthargie ,
etc. C’est pour la faire servir plus commo-
dément à cet usage qu’on la déguise sous la
forme d’un sel que l’on nomme mal à propos
sel volatil de vinaigre. Voici comme on le
prépare :
Choisissez de très-petits cristaux de tartre
vitriolé desquels vous séparerez tout ce qui
sera en poudre , mettez-les dans un flacon ,
et imbibez -les avec une suffisante quantité
d’esprit de Vénus rectifié.
Des Ethers.
On peut faire avec l’esprit de Vénus un
très-bon éther, que l’on nomme éther acé-
tique. Voici la manière d’opérer :
LES LIQUEURS DE T AELE, CtC. 347
On prend une cornue lubulée , dans la-
quelle on introduit environ une livre d’acé-
tate de cuivre ( cristaux de verdet ) réduit
en poudre ; on pose la cornue sur un bain
de sable, et l’on y adapte une alonge et un
ballon tubulé , de la tubulure part un tube
qui plonge dans un flacon qui contient un
peu d’alcool. L’appareil ainsi monté , on fait
un mélange de parties égales d’alcool et d’acide
acétique. Quand Je mélange est entièrement
froid , on le verse peu à peu dans la cornue ,
à l’aide d’un tube recourbé , terminé par un
petit entonnoir. L’on échauffe ensuite la
cornue avec précaution jusqu’à l’ébullition ,
que l’on soutient au meme degré jusqu’à ce
que le mélange soit presqu’à siccité. Le pro-
duit du récipient est un éther qui est un peu
acide , et qu’on obtient entièrement pur en
le rectifiant plusieurs fois sur de la potasse.
Ether sulfurique.
L’éther sulfurique, autrefois vitriolique ,
estla plus ancienne de toutes ces préparai ions,
et d’une plus grande utilité. Pour le préparer,
on met dans une cornue une certaine quan-
tité d’alcool , sur laquelle on verse peu à peu
348 l’art de composer
poids égal d’acide sulfurique concentré 3 011
remue et 011 agite le mélange pour que la
cornue ne casse point par la chaleur qui en
résulte 3 on place la cornue sur un bain de
sable chauffé 3 011 y adapte une allonge et
un ballon , ou deux grands ballons plongeant
dans des terrines pleines d’eau froide 3 il
faut en outre , pendant l’opération , avoir at-
tention de rafraîchir le premier ballon avec
des linges mouillés. Lorsque l’appareil est
monté et Juté , on porte le mélange à l’ébul-
lition 3 lorsque la température est élevée à
soixante-dix-huit degrés , la liqueur entre
en ébullition ? il se produit un fluide qui se
condense par le froid en une liqueur blanche ,
légère et odorante , qui, à cause de ses pro-
priétés , a reçu le nom d’éther. En condui-
sant artistement l’opération il ne se déve-
loppe aucun gaz permanent , jusqu'à ce que
la moitié environ de l’alcool soit convertie
en éther.
Si dès que l’acide sulfureux se manifeste,
on change de récipient, on observe qu’il ne
se forme plus d’éther mais de l’huile douce,
du vin , de l’eau , de l’acide acéteux , et point
d’acide carbonique.
O11 rectifie cet éther sur de la magnésie ,
l’on sépare la première moitié de ce pro-
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. 5/}Ç)
diut, on obtient lether le plus suave et le
plus rectifié.
L’éther est souverain dans les affections
du genre nerveux, il est par conséquent anti-
spasmodique , calmant. Il est bon dans les
indigestions, dans les coliques , particuliè-
rement celles de l’estomac. On peut l'admi-
nistrer dans le spasme, dans les faiblesses, etc. ,
la dose en est depuis quinze gouttes jusqu’à
soixante sur un morceau de sucre.
Des Huiles essentielles.
On met dans un grand alambic de cuivre
étamé environ quarante livres de lavande ,
thym, etc., récemment cueillis et en fleurs ,
avec une suffisante quantité d’eau pour que les
plantes soient parfaitement baignées par l’eau.
Onlute le chapiteau à la eue urbite, et le serpen-
tin au bec du chapiteau : on remplit d’eau
le réfrigérant et le serpentin : on ajuste un
grand récipient pour recevoir la liqueur qui
doit distiller, ou pour plus de commodité on
se sert d’un récipient de verre long, étroit par
le haut et large par le bas, fait à peu près
comme une poire alongée : au ventre de ce
vaisseau on a soudé une tube de verre fait
en S par le haut, qui s’élève jusqu’à deux
35o l’art de composer
ou trois pouces au-dessous de son orifice , et
qui produit l’effet d’un siphon. Voyez la
planche de l’alambic. Avant de placer ce
vaisseau au bec du serpentin , il faut le rem-
plir d’eau pure ou d’eau distillée de la même
plante jusqu’au-dessus de l’ouverture. L’eau
seule sort par ce tube à mesure quelle distille,
tandis que l’huile reste nageante dans la partie
supérieure de ce vaisseau. Si ce vaisseau ne con-
tenait pas d’abord une certaine quantité d’eau,
une partie de l’huile qui vient dans le com-
mencement de la distillation , s’introduirait
dans le tube et passerait avec l’eau distillée. Ce
vaisseau est très-commode pour la distillation
des huiles essentielles qui nagent sur l’eau ,
en ce qu’on n’est pas obligé de changer le
récipient continuellement parce qu’il ne peut
jamais se remplir entièrement : l’huile essen-
tielle occupe toujours la partie supérieure ,
tandis que l’eau qui distille s’écoule à mesure
par le bec du siphon : on place sous le si-
phon une terrine ou seau pour recueillir
l’eau odorante; mais si l’huile essentielle qu’on
distille est pesante , qu’elle aille au fond de
l’eau, alors il faut se servir d’un récipient
ordinaire. Lorsque tout est ainsi disposé , on
procède à la distillation par un feu gradué
qu’on augmente jusqu’à ce que la liqueur soit
LES liqueurs de table, etc. 35i
bouillante. On l'entretient dans cet état jus-
qu’à ce que la distillation soit finie, ce que
on leeonnaît lorsque l’eau cesse d’ètre lai-
teuse et qu’il ne passe pies d’huile essen-
tielle.
Les premières portions de liqueur qui dis-
tillent sont quelquefois blanches , laiteuses et
quelquefois sans couleur. Cela dépend de la
manière dont on a administré le feu. Cette
première portion est très-aromatique , elle
est chargée d’une grande quantité d’esprit
rectenr. C’est lui qui fait fonction de liqueur
spin tueuse et qui dissout une portion d’huile
essentielle qui l’unit à l’eau et qui lui donne
a couleur laiteuse. Lorsque cette liqueurs e-
eve,i se dégagé une prodigieuse quantité
a,r et ,!e vapeurs très-raréfiées qui feraient
rompre le récipient si on le lutait trop exac-
tement. Immédiatement après cet esprit rec-
teur, il s’élève des vapeurs qui se Condensent *
dans le chapiteau de l’alambic et dans le ser-
pentin, et qui viennent se rassembler dans
le récipient. Cette liqueur est blanche, lai-
teuse , elle entraîne avec elle une certaine
quantité d’huile essentielle qui se sépare et
vient nager .sur l’eau distillée. On continue
la distillation jusqu'à ce que cette huile cesse
c e passer; aJors on la sépare en versant toute
352 l’art de composer
la liqueur à plusieurs reprises dans un enton-
noir de verre qu’on bouche avec un doigt ÿ
on laisse couler l’eau dans une bouteille }
lorsque l’huile est rassemblée, on la met à
part dans un flacon qu’on bouche bien.
On prépare de la même manière toutes les
huiles essentielles des végétaux et de leurs
parties : on les distille à feu nu , même les
fleurs les plus délicates, telles que celles
de romarin, de marjolaine, de menthe, de
camomille , de fleurs d orange , etc.
Lorsqu’on distille les plantes aromatiques
à dessein d’obtenir leurs huiles essentielles ,
il convient de tenir toujours tiède l’eau du
réfrigérant , parce que , lorsqu’on rafraîchit
entièrement et subitement le chapiteau de
l’alambic, le froid se communique jusque
dans l’intérieur de la cucurbite, la distillation
s’arrête ep grande partie , l’huile essentielle
cesse de monter sur-le-champ , et elle 11c
commence à distiller que lorsque l’eau du
réfrigérant a acquis un certain degré de cha-
leur. Il n’en est pas de même du serpentin 3
la fraîcheur de l’eau qu’il contient ne se com-
munique jamais jusque dans l’alambic: on peut
lorsqu’il est nécessaire , le rafraîchir subite-
ment. Les vapeurs qu’ils renferment ne rétro-
gradent jamais 3 mais lorsqu’il distille une
h huile
LES LIQUEURS DE T A B L E , CtC. 555
huile essentielle qui a la propriété de se figer
par le froid comme l'huile d’anis, par exem-
ple , il est bon de ne point rafraîchir entière-
ment ni l’eau du serpentin, ni l’eau du réfri-
gérant, et de l’entretenir toujours tiède , sans
quoi 1 huile en se figeant boucherait le serpen-
tin et le ferait crever avec danger.
La quantité d’huile essentielle que les .vé-
gétaux fournissent n’est jamais la même tou-
tes les années , quoiqu’on les prenne dans le
même état de maturité : ces différences vien-
nent de plus ou moins de sécheresse des an-
nées.
Les plantes, dans les années où les pluies
ont été peu abondantes fournissent beaucoup
plus d’huile essentielle, et celle quelles ren-
dent est un peu plus colorée.
Les huiles essentielles varient encore par
leur consistance ; les unes sont épaisses comme
du beurre , telles que celle de roses , celle
de persil , celle des racines d’énula-campana ,
etc. Les autres sont fluides et conservent cette
fluidité tant qu’elles n’éprouvent point d’alté-
ration 3 d’autres, quoiqu’également fluides ,
sont susceptibles de se figer, ou- plutôt de se
cristalliser en totalité par un froid de huit
degrés au-dessus de la congellation : ce sont
toutes les huiles essentielles que fournissent
554 l’art de composer
les semences des plantes ombellifères, comme
l’anis , le fenouil, l’aneth , le cumin, etc.
L’odeur des huiles essentielles s anéantit
même entièrement au bout de quelques an-
nées : en vieillissant , les unes s’épaisissent en
totalité et d’autres en partie seulement. Ces
dernières laissent déposer au fond des bou-
teilles une matière résineuse de la consistance
et d’une odeur fort approchante de la téré-
benthine, tandis que l’huile essentielle qui
surnage paraît n’avoir rien perdu de sa flui-
dité. Cette résine se dissout dans l’huile es-
sentielle lorsqu’on vient à 1 agiter , et elle ne
s’en sépare plus j mais clic accéléré considé-
rablement leur défectuosité. Les huiles es-
sentielles des semences des plantes ombelli-
fères parvenues à ce degre d altération ne sont
plus susceptibles de se cristalliser par un
froid léger comme auparavant.
Les huiles essentielles légères des plantes
de ce pays-ci comme celle de thym , de ro-
marin, de sauge, d’estragon, etc., éprouvent
les changemens dont nous venons de parler
infiniment plus promptement que les huiles
pesantes de cannelle, de girofle, de sassafras,
etc. • on s’aperçoit du commencement de 1 al-
tération de ces huiles par la couleur jaune
qu’elles font prendre aux bouchons de liège
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 555
que bouchent les bouteilles qui les contien-
nent.
Les huiles essentielles devenues rances, et
qui ont perdu entièrement leur odeur, ne
peuvent plus la recouvrer par la rectifica-
tion ordinaire, parce quelles sont alors pri-
vées de tout leur esprit recteur. Cependant
il y a des moyens de leur rendre toutes leurs
propriétés : c’est ainsi qu’on procède à leur
rectification.
On met dans un grand alambic l’huile es-
sentielle qu’on veut rectifier, avec beaucoup
de la même plante récente, et une suffisante
quantité d’eau : on procède à la distillation j
1 huile essentielle gâtée par vétusté se recti-
fie , elle se sature d’une nouvelle quantité
desprit recteur, et elle s’élève avec l’huile
essentielle que fournit la plante verte.
Lorsque les huiles essentielles ne sont pas
dans un état de défectuosité, tel que celui
que nous venons de supposer , et qu’on veut
les rectifier seulement pour les rendre plus
tenues ou pour les débarrasser de leur cou-
leur , on met cette huile dans une cornue de
verre 3 on la place dans le bain de sable d’un
fourneau , on adapte un récipient au bec de
la cornue et on procède à la distillation par
une chaleur modérée et à peu près semblable
Z a
556 l’art de composer
à celle de l’eau bouillante. L’huile essentielle
qui passe est limpide et presque sans couleur.
On cesse la distillation lorsqu’on s aperçoit
qu’elle commence à se colorer, et que celle
qui reste dans la cornue est devenue épaisse
comme de la térébenthine. On serre l’huile
rectifiée dans un flacon de cristal qui bou-
che bien.
Huiles essentielles de graines , baies } se-
mences, etc. , en prenant pour exemple
l'huile essentielle de genièvre.
Les huiles essentielles de graines se dis-
tillent comme celles des plantes , à quelques
différences près 3 la distillation des graines
de genièvre nous servira d’exemple. Prenez
huit livres de baies de genièvre 3 les plus
nouvelles et les plus onctueuses sont toujours
les meilleures 3 mettez-les infuser dans douze
pintes d’eau de rivière et dans un lieu chaud ,
versez l’infusion dans la cucurbite , commen-
cez , continuez , et finissez enfin votre dis-
tillation comme la précédente , vous tirerez
environ trois onces d’huile essentielle de cou-
leur jaune et d’une odeur très-forte. Le ré-
sidu que vous trouverez au fond de la eu -
curbite , passé dans un linge ou dans un ta-
LES LIQUEURS DE T A B L E , etc. 357
nus de soie , et cuit en consistance de sirop
sur un feu fort doux, devient un rob d’une
consistance assez épaisse , d’une couleur jaune
foncée , et d’un goût balsamique un peu amer.
C est un excellent remède pour fortifier. Il
se dissout facilement dans du vin d’Espagne
ou tout autre vin 3 on en prend une cuillerée
après le repas ou avant de se coucher.
Les huiles essentielles de coriandre , d’an-
gélique , de daucus , de carvi , d’ammi ,
d’anis , de fenouil , etc. , se distillent de même 5
il s u (lit de les mettre en poudre. grossière , et
de les faire infuser trois ou quatre jours dans
une quantité suffisante d’eau de rivière.
Huiles essentielles d* Epices , en prenant
pour exemple le girofle .
Pulvérisez deux livres de clous de girofle :
c’est l’espèce d’épice que nous choisissons
pour exemple dans cet article , parce qu’elle
fournit une très-grande quantité d’huile essen-
tielle 3 faites-les infuser dans six pintes d’eau ,
pendant cinq ou six jours dans un endroit
aussi chaud au moins qu’une étuve 3 ce tems
écoulé , vous verserez cette infusion dans
une cucurbite , et vous distillerez selon l’art.
Dès les premiers instans vous apercevrez au
(
553 l’art de composer
fond du récipient et au-dessous de 1 eau une
huile très - blanche , transparente , et sans
aucune couleur, mais en vieillissant elle de-
vient jaunâtre et même assez foncee 3 comme
cette espèce d’huile essentielle est fort pe-
sante , on conçoit aisément qu’il faut un
degré de feu plus vif pour l’élever jusqu’au
haut du chapiteau que pour produire le
même effet sur les huiles essentielles plus lé-
gères 3 par la même raison d ne tant pas
mettre dans la cucurbite une trop grande
quantité de matière, de crainte que 1 action
du feu venant à être distribuée inégalement,
il ne reste une grande partie de l’huile es-
sentielle au fond de la cucurbite 3 ainsi 011 fera
fort bien de ne se servir pour la distillation
des huiles essentielles dont il s’agit ici , que
d’alambics de verre , placés au bain de sable,
ïl ne faut pas espérer pouvoir tirer toute
l’huile essentielle de girofle dans la première
distillation , il s’en faut bien 3 la plus grande
partie reste au fond de la cucurbite. Que
faudra-t-il donc faire pour ne la point per-
dre ? Il faudra verser toute l’eau qui sera
sortie , et qui se trouvera dans le récipent 3
il faudra , dis- je , verser cette eau très-im-
prégnée déjà d’huile essentielle sur le sédi-
ment de la cucurbite , en ajoutant un peu
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 35q
de nouvelle eau, et on recommencera une
seconde distillation , après laquelle on sépa-
rera l’huile essentielle comme la première
fois, et on recommencera encore une troi-
sième distillation, toujours sur le même sé-
diment et avec la même eau 3 après celle-ci
il n’y aura plus rien à espérer. Cette der-
nière huile que l’on obtient à la troisième
fois , est beaucoup plus pesante que celle ,
que l’on obtient à la première distillation.
Si vous avez bien opéré, les deux livres de
clous de girofle doivent produire cinq onces
d’huile essentielle , c’est-à-dire , que vous en
retirerez d’abord trois onces par la première
distillation , une once et demie par la se-
conde , et enfin une demi-once par la troi-
sième.
V ous pourrez distiller de même l’huile
essentielle de muscade que l’on retire aussi
par expression , et l’huile essentielle de can-
nelle 3 mais pour celle-ci n’en espérez pas
beaucoup. On en tire si peu, que l’on a
soupçonné les Hollandais d’en extraire l’huile
essentielle, du moins en partie, avant que
de la mettre en vente.
Des Huiles essentielles tirées des écorces de
certains fruits , en prenant pour exemple
celle de citron.
Dans ce pays-ci , on prépare cette huile en
distillant les écorces récentes des citrons avec
de l’eau, comme nous l’avons dit pour les
autres végétaux 5 mais en Provence et en Por-
tugal, où les citrons sont très-communs, on
en tire l’huile essentielle de deux manières ,
c’est - à - dire , par distillation et sans distilla-
tion.
Pour tirer cette huile sans distillation, on
se sert d’une machine remplie de petits clous ,
à peu près semblable à celles qui servent à
carder la laine : ou râpe sur cette machine les
écorces jaunes des citrons , jusqu’à ce qu’elles
soient usées entièrement : une grande partie
de l’huile essentielle coule naturellement, elle
sc rassemble dans une rigole qu’011 a prati-
quée à ce dessein , et 011 la reçoit dans une
bouteille. Lorsqu’on a ainsi râpé une certaine
quantité de citrons, on ramasse l’écorce di-
visée qui ressemble à une pulpe; on l’expri-
me entre deux glaces pour faire sortir l’huile
essentielle qu’elle contient ; on la laisse éclair-
cir , et ensuite on la décante.
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 56 ï
Ou prépare de la même manière l’huile es-
sentielle des écorces de cédrat, de berga-
mote , d’orange et de limette.
Les huiles essentielles qu’on a préparées
par cette méthode sont un peu moins fluides;
mais elles ont une odeur plus agréable que
celles qui ont été distillées , parce qu’elles
n ont rien perdu de leur esprit recteur.
Comme elles retiennent une petite quantité de
mucilage, elles se conservent moins long-
tems que celles qui en ont été privées par la
distillation.
Pour obtenir cette huile par distillation ,
prenez cinquante beaux citrons bien fra s, et
surtout qui n’aient point été beaucoup ma-
niés , enlevez-en les zestes, mettez-Ies dans
une cucurbite , versez par-dessus assez d’eau
de rivière pour qu’ils y nagent en grande li-
berté ; quand vous mettriez les deux tiers
d eau de plus, il n’y aurait pas grand mai :
placez la cucurbite au bain de sable , adaptez
le chapiteau, le réfrigérant et le serpentin,
îutez le récipient au bec du chapiteau , et
distillez à un feu d’abord modéré, ensuite
plus violent, pas trop cependant, parce que
1 huile essentielle de citron étant fort légère ,
elle monte avec assez de facilité. Dès que vous
observerez que votre eau ne sort plus de l’a-
362 l’art de composer
lambic sous une forme laiteuse , mais qu’elle
en sort bien claire, bien limpide, laissez
éteindre votre feu , délutez le récipient, sé-
parez votre huile essentielle au moyen de
l’entonnoir exposez - la pendant quelques
heures au soleil, dans un llacon bouché bien
légèrement d’un morceau de pnpier , après
quoi vous la conserverez, comme il est d’u-
sage , dans un ou plusieurs flacons qui ferment
bien au moyen de leurs bouchons de cristal.
O11 se sert de la même méthode pour ob-
tenir les huiles essentielles de tous les fruits
dont l’écorce est odorante.
Des Huiles essentielles falsifiées } et des
moyens de reconnaître ces falsifications .
Presque toutes celles qui sont chères , et
qui nous sont envoyées par les étrangers ,sont
mélangées 3 les unes avec des huiles essen-
tielles de moindre valeur, les autres avec des
huiles essentielles d’autres substances , et aux-
quelles on a fait perdre leur odeur en les ex-
posant à l’air, ou en les faisant vieillir 3 d’au-
tres avec des huiles grasses , comme sont
celles d’olive, d’amandes douces, etc. 3 et
d’autres enfin avec de l’esprit-de-vin.
Celles qui sont sujettes à ctre mêlées avec
LES LIQUEURS DE TABLE, CtC. 363
des huiles grasses, sont celles de cannelle, de
girofle, de macis, de muscades, de sassafras ,
de bois de Rhodes, etc. 3 ces huiles nous
viennent par la Hollande 3 elles coûtent moins
que celles qu’on prépare soi - meme , c’est
ce qui est cause que peu d’artistes se donnent
la peine de les préparer, parce qu’ils n’en
trouveraient que peu ou point de débit.
Voici le moyen de reconnaître ces fraudes.
i°. On imbibe un morceau de papier blanc
d une de ces huiles, et on le fait chauffer lé-
gèrement ; l’huile essentielle étant volatile , se
dissipe en entier , et laisse le papier pénétré
par l’huile grasse, qui ne peut se dissiper de
la même manière. Lorsque l’huile essentielle
est pure , le papier reste parfaitement sec ,
blanc , et ne paraît nullement avoir été
mouillé par de l’huile 3 en un mot, on peut
écrire dessus comme auparavant.
20. En distillant au bain - marie ces huiles
falsifiées, la portion d’huile essentielle passe
dans la distillation, et l’huile grasse reste au
fond du vaisseau, parce qu’elle ne peut s’éle-
ver à la chaleur de l’eau bouillante.
Presque toutes les huiles essentielles ,
comme celles de thym , de romarin , de sauge ,
de lavande , de marjolaine , de polium, celles
danis, de fenouil, de cumin, de carvi,etc.
364 l’art de composer
sont sujettes à être mêlées avec de l'essence de
térébenthine très - rectifiée. Il y en a qui
mettent même celle dernière huile essentielle
dans l’alambic avec les plantes } afin que, dis-
tillant en même tems que les huiles essentiel-
les, elle se rectifie en se mêlant avec elles.
Cette fraude est difficile à reconnaître lorsque
l’essence de térébenthine est rectifiée : cepen-
dant il est possible de s’en apercevoir en im-
bibant un linee de ces huiles essentielles fal-
O
sifiées; on les laisse à l’air pendant quelques
heures 5 l’odeur aromatique des huiles essen-
tielles des plantes étant plus volatile, se dis-
sipe la première 5 le linge reste imprégné de
l’odeur de l’essence de térébenthine. L’affi-
nité de l’essence de térébenthine avec ces
huiles est si grande , qu’il est absolument im-
possible de les séparer l’une de l’autre ; on ne
peut tout au plus que reconnaître la fraude.
Les huiles essentielles de citron , de cédrat ,
de bergamote, d’orange , de limette, etc.
sont encore sujettes à être falsifiées avec de
l’esprit-de-vin, en. place d’essence de téré-
benthine. Cette falsification altère infiniment
moins les huiles essentielles ; on la reconnaît
en les mêlant avec de l’eau 3 le mélange de-
vient blanc et laiteux sur le champ; l’esprit-
de-vin s’unit à l’eau , et l’huile essentielle 's ient
LES LIQUEUURS DE TABLE, etc. 3G5
nagei a la surface. On la peut séparer par le
moyen d’un entonnoir, et la rectifier; on
peut encore verser dans un tube de verre un
poids donné de l’huile essentielle qu’on soup-
çonne être allongée par de l’esprit-de-vin :
on ajoute de 1 eau , on agite le mélange , on
le laisse s’éclaircir, on décante l’huile, on
la pèse; ce dont elle se trouve diminuée , est
la quantité d’esprit-de-vin quelle contenait
qui s’est mêlé à l’eau.
A l’égard de celles quî sont altérées par le
mélangé d une huile essentielle de peu de
\aleui , dont on a laisse perdre l’odeur , il
n est pas possible d’en reconnaître la falsifi-
cation, si ce n est par leur odeur qui est
toujours plus faible que celles des huiles es-
sentielles non altérées.
• i
Huiles essentielles de bois aromatiques , en
prenant pour exemple le bois de sassafras .
Prenez six livres derapures de bois de sas-
safras , laites - les infuser pendant quatre
jours à 1 étuve , et dans douze pintes d’eau
de rivière ; versez cette infusion dans une
grande cucurbite de cuivre , adaptez le ré-
frigérant, le. serpentin et le récipient , et dis-
566 l’art de composer
tillez à un feu gradué 5 vous tirerez une once
six gros d’huile, et qui se précipite au fond
de l’eau.
Le résidu qui^se trouve dans la cucurbite
après la distillation , étant passé par un linge
et réduit sur le feu en consistance d elec-
tuaire , forme un extrait excellent, d un goût
mi peu amer, et astringent.
La méthode que nous venons de proposer
peut servir aussi pour 1 extraction des huiles
essentielles de santal citrin , de bois d aloës ,
de gayac , de rose , en un mot, de tous les
bois aromatiques.
Huiles essentielles de Jleurs odorantes , en
-prenant pour exemple la rose.
Les artistes qui se sont occupés de l’analyse
exacte des fleurs odorantes ont dû être éton-
nés , de les trouver presque toujours douée
d’une quantité prodigieuse d’esprit recteur ,
et presque totalement privées d’huile essen-
tielle. On peut même établir comme un fait
certain , que la violette , la jonquille , la tu-
béreuse , toutes les liliacées, ne fournissent
point du tout d’huile essentielle. Un autre
objet d’étonnement encore , c’est que la petite
quantité d’hu ile essentielle que certaines fleurs
rendent, est si odorante, quelle l’emporte sur
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. 867
tout ce que nous connaissons de plus aroma-
tique en ce genre. On peut juger de la ve-
nté de cette observation par l’huile essen-
tielle de fleurs d’orange, et encore mieux par
1 huile essentielle de rose, que nous avons
choisie pour exemple.
Prenez douze livres de feuilles de roses .
pilez-les dans un mortier de marbre avec
mie suffisante quantité de sel marin, trois
poignées ou environ par livre seront plus que
suffisantes 5 délayez cette espece de pâte dans
douze pintes d’eau de rivière; et après avoir
laissé le tout en macération pendant vingt-
quatre heures, versez-le dans une cucurbite
de métal, adaptez le réfrigérant, le serpen-
tin et Je récipient, distillez au bain de sable
a un feu très-modéré; vous obtiendrez d’a-
bord une eau extrêmement odorante, elle ne
tardera pas à devenir laiteuse, et vous verrez
pendant le cours de l’opération comme une
graisse figée , nageant à la surface de l’eau qui
se trouvera dans le récipient ; cette espèce de
graisse figee n’est point autre chose que
1 huile essentielle de rose; si vous pouvez en
obtenir environ un demi-gros, comptez que
vous avez bien opéré; mais aussi ce demi-
gros serait capable d’aromatiser un muid de
liqueur. Donnez-vous bien de garde de jeter
568 l’art de composer
l’eau comme inutile, c’est la meilleure eau de
rose que vous puissiez jamais faire ; une once
de cette eau versée sur une livre d eau- com-
mune, la transformera sur-le-champ en eau
rose beaucoup plus odorante que celle que 1 on
vend communément.
L’huile essentielle de fleurs d’orange , ap-
pelée né roi 1 , exige le meme procédé , mais
la fleur d’orange fournit un peu plus d huile
essentielle ; elle est légère , et paraît toujours
à la surface de l’eau sous une forme liquide
et jamais figée.
Des Huiles odorantes grasses.
Nous avons souvent observé que les fleurs
qui abondaient le plus en esprit recteur , man-
quaient d’huile essentielle , et par conséquent
que cet esprit recteur n’ayant aucune base
pour se fixer s’évaporait en pure perte, sans
qu’il soit possible de le recueillir par aucune
espèce de distillation.
Les artistes , après bien des tentatives inu-
tiles, ont enfin renoncé à ce procédé pour
s’en tenir à l’infusion simple , encore ne faut-
il pas croire que toutes les espèces de fleurs
ou de plantes odoriyites déposent leur esprit
recteur dans l’espèce de menstrue quon leur
présente;
LES LIQUEURS DE TABLE) etc. 669
présente ; il y en a plusieurs qui ne laissent
après 1 infusion qu’une odeur herbacée , et
rien de plus. Nous allons donner quelques
exemples d’huiles aromatiques que l’on ob-
tient par la voie d’infusion.
Pilez grossièrement dans un mortier de
marbre , et avec un pilon de bois , une livre
de fleurs de violette , versez par-dessus qua-
tre livres de bonne huile d’olive, exposez ce
mélangé au soleil pendant quinze jours , ou ,
si vous voulez terminer plus promptement
1 opération , mettez votre infusion au bain-
marie pendant quatre jours ; après cet es-
pace de tems, coulez votre infusion par un
tanus de crin , en exprimant le marc le plus
qu’il vous sera possible. Cela fait, prenez une
livre de violettes fraîches , pilez-les comme la *
première fois dans un mortier de marbre ,
mettez-les infuser dans votre huile déjà im-
prégnée de teinture de violette , mettez le
tout en macération à la chaleur douce d’un
bain-marie; je dis la chaleur douce, car il
faut bien se donner de garde de donner un
feu tiop vif ; il suffit ici que le vaisseau soit
simplement chaud. Après trois jours d’infu-
sion , si l’on venait à apercevoir à la sur-
face de l’huile quelque indice d’humidité , on
donnera un degré de feu un peu plus vif
A a
570 L* ART DE COMPOSER
pour la faire disparaître 5 après quoi on ver-
sera l’huile Lien imprégnée de teinture de
violette ainsi que le marc, sur un tamis de
crin , on exprimera fortement le marc, et on
versera toute la liqueur dans une bouteille
qu’on laissera en repos pendant quelques
jours. Elle ne manquera pas de déposer une
espèce de sédiment 5 pour lors on transvasera
dans une autre bouteille ce que 1 on aura
obtenu de clair-fin , et on mêlera cette der-
nière huile avec celle qui aura passé d’abord
bien claire par le tamis avant l’expression du
marc; voilà ce que l’on appelle l’huile de
violette.
En suivant le même procédé on prépare
une huile de rose pale fort odorante , que
l’on débite sous le nom d’huile essentielle
de rose , après l’avoir colorée avec 1 orca-
nette , ce qui se pratique ainsi : On fait
chauffer médiocrement dans une bassine ,
une livre d’huile aromatique que l’on a desw
sein de colorer , on jette dans celte quantité
d’huile une demi - once d écorce de racine
d’orcanette; sur-le-champ l’huile se colore,
et d’un instant à l’autre la couleur devient
plus foncée; quand elle est au point où on
la désire , on retire la bassine du feu , on
passe l’huile à travers un linge , on la laisse
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. $71
déposer pendant quelques jours , ensuite on
la verse par inclinaison dans la bouteille où
on veut la conserver.
L huile de tubéreuse , de jasmin, de jon-
q unie se prépare comme l’huile de violette ,
avec quelque différence qu’il est bonde faire
remarquer ici. Après avoir grossièrement
écrasé dans un mortier de marbre une livre
de fleurs , soit de jasmin, de tubéreuse ou
de jonquille, on met ces fleurs écrasées dans
un bocal de verre , et l’on verse par-dessus
quatre livres d huile d’olive j on expose ce
mélange au soleil pendant quinze jours,
apiès quoi on passe 1 infusion par un tamis
de crin, avec très-forte expression j on laisse
déposer la liqueur , et puis on la verse de
nouveau dans le bocal 5 on y remet une
livre de nouvelles fleurs écrasées comme la
première fois , 011 expose encore le bocal
au soleil 5 après quinze jours d’infusion on
répète encore ce que l’on a déjà fait , c’est-
à-dire, que l’on passe l’infusion par le tamis ,
on exprime fortement le marc , on laisse dé-
poser le tout, on sépare le sédiment, et l’on
recommence ces infusions, expressions , cla-
îifleations, jusqu à quinze fois, employant
a chaque fois une livre de nouvelles fleurs ^
à la dernière on pi*end un grand soin de
A a 2
r»7 3 l’art de composer
bien épurer l’huile ,ce qui est fort facile 5 il ne
s’agit pour cela que Je lui donner le tems
de faire son dépôt , ce qui 11c manque jamais
d’arriver an bout de quelques jours.
Les fleurs et les plantes odorantes qui ne
perdent point leur odeur par le dessèchement,
parfument et colorent l'huile d’olive plus
facilement que les fleurs dont nous avons
parlé jusqu’à présent , parce qu’elles con-
tiennent beaucoup d’huile essentielle et de
résines colorantes. Voici le procédé qu’il fau-
dra suivre dans la préparation de cette sorte
d’huile aromatique 3 nous prendrons pour
exemple la marjolaine.
Prenez huit onces de marjolaine bien des-
séchée ( cette circonstance est nécessaire
pour parer à plusieurs inconvéniens qui ne
manquent par d’arriver pendant le cours de
l'infusion. ) Mettez votre plante desséchée
dans une cruche de grès , versez par-dessus
quatre livres d’huile d’olive, que vous aurci
soin de faire tiédir auparavant, bouchez la
cruche avec un bon tampon de liège garni
de linge, que vous recouvrirez d’un parche-
min mouillé , bien assuré par une ficelle 3
exposez votre cruche au soleil pendant six
semaines, ou bien mettez-la au bain-marie
pendant quatre jours à une chaleur bien
LES LIQUEURS DE TABLE, etc. O7O
douce 5 tout étant refroidi, passez votre huile
au travers du linge, exprimez le marc à la
presse , laissez déposer l’huile , séparez-la du
sédiment par inclinaison, et conservez votre
huile dans une bouteille bien bouchée. On
prépare selon cette méthode beaucoup d’au-
tres huiles, comme les huiles de mélilot, du
sureau, d’absinthe, de menthe, d’aneth, de
myrrhe, de camomille ; toutes ces fleurs ou
plantes colorent l’huile d’olive d’une teinte
verte ou verdâtre très-jolie.
On peut conclure de tout ce que nous
avons dit jusqu’à présent, qu’il est très-pé-
nible et même très-dispendieux d’extraire les
huiles essentielles 3 mais comme la plupart de
celles qui se trouvent dans le commerce sont
sophistiquées , on ne ferait pas mal de les
faire soi-même 3 c’est le seul moyen de s’as-»
sucer de leur bonté , et c’est aussi de cette
bonté bien constatée que dépend celle de
toutes nos opérations.
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SUPPLÉMENT
i Art de composer Les Liqueurs de
table , et autres objets d’économie
domestique ,
EN FORME DE DICTIONNAIRE.
A.
Abricotier, arbre fruitier trop connu
pour qu’il soit nécessaire d’en donner ici
Ja description, et nous en agirons de même
dans tous les cas semblables. Quoique le
fruit de cet arbre ne soit que médiocre-
ment odorant , nous le rangeons cepen-
dant parmi les substances aromatiques
parce qu’il peut servir à faire de très-
bonnes compositions. La même raison nous
déterminera encore à placer clans ce petit
Dictionnaire quelques autres planies , ra-
cines , baume , bitumes , sucs , fleurs ?
fruits , quoiqu’ils ne soient que peu odo-
rans.
376 AB AL
A 15 S ï N T H E. Nous en avons amplement
parlé dans son article.
ACHE. 11 y a trois sortes d’aches, propre-
ment dit, dont le céleri est une variété.
ï " oyez son article. La seconde espèce est ap-
pelée ache de montagne , autrement le ^es-
che. T 'oyez au mot levéche. Enfin , la troi-
sième espèce est l’aclie d’eau , autrement
appelée berle.Ce tte plante vient naturelle-
ment dans les lieux humides, le long des
ruisseaux et des fontaines. 11 y en a de
deux sortes , la grande et la petite 3 on se
sert indistinctement de l’une pour l’autre.
ACCRUS , racine aromatique. C’est celle
d’une plante dont les feuilles sont assez
semblables à celles de l’iris. Cette racine
se trouve presque toujours à fleur de terre 3
elle est de la grosseur du petit doigt, pleine
de petits fîlamens , légère , noueuse , de
couleur blanche tirant sur le rouge , d’un
goût piquant, et assez amère 3 elle croît
originairement dans la Lithuanie et dans la
Tartarie. Comme elle est fort sujette à être
vermoulue , il faut y prendre garde , et
la choisir nouvelle , bien nourrie , et d’une
couleur vive.
ALOES, suc aromatique d’une plante qui
porte le même nom : ce suc est de trois
A L
A M
077
sortes. i°. L’aloès de Zoccoiora ou Soc-
cotrin,île de la Mer-Rouge, où cette plante
croît en abondance ; c’est aussi de là que
nous vient le meilleur de tous les aloès; il
est roux, gras, pur, luisant, fort amer,
friable, facile à dissoudre, et très-aroma-
tique. 20. L aloès hépatique , ainsi nommé
parce qu il ressemble au foie. Celui - ci
idest ni aussi pur ni aussi aromatique que
le précédent : on peut cependant l’em-
ployer à son défaut. 5°. L’aloès caballin ,
qui 11e sert que pour les chevaux j c’est
aussi de là qu’il tire son nom. L’aloès .
dit-on , est très-contraire aux personnes
sujettes aux vapeurs, mais il fait du bien
à celles qui sont sujettes aux humeurs
visqueuses, phlegmatiques et pituiteuses.
AMANDE, lous les fruits à noyaux ont
une amande ; ce n’est point de celle-là
que nous voulons parler. L’amande, pro-
prement dite , est de deux espèces ;
1 amande douce , qui n’a presque point
d odeur , par conséquent inutile à nos
artistes , et l'amande amère qui sert de
base a la liqueur que nous avons nommée
77UICC17 on j et dont on peut se servir pour
essayer de nouvelles combinaisons. Il faut
les choisir grosses , fraîches , et bien faire
ZyS A M
attention qu’elles ne sentent le rance , dé-
faut inévitable de toutes celles qui ne sont
pas nouvelles. 11 faut encore prendre garde
de ne pas confondre l’amande amère avec
le noyau de pèche auquel elle ressemble
assez 3 celui-ci est plus plat, plus petit, plus
ridé , et un peu purgatif.
AMBRE. On en distingue de deux espèces,
l’ambre gris et l’ambre jaune 3 ce dernier
n’a presque point d’odeur, aussi remploie-
t-on rarement. L’ambre gris est célèbre
par son parfum.
On distingue trois sortes d’ambre gris 3
le meilleur et le plus rare vient de l’île de
Ceylan 3 il est d’un gris marbré , quelque-
fois de rouge , quelquefois de jaune 3 son
odeur est fort pénétrante.
Le second nous vient de Zechra, sur
les côtes de l’Arabie heureuse 3 on en
trouve , mais assez rarement , sur quel-
ques côtes de France 3 celui-ci est de cou-
leur cendrée , un peu pale , tacheté de
noir. On voudrait bien le faire passer pour
le meilleur 3 il est bon , mais il s’en faut
bien qu’il soit aussi aromatique que celui
de Ceylan.
On appelle la troisième espèce ambre
renarde : il est noir, et c’est le moins bon
tle tous. En général l’ambre gris , pour être
de bonne qualité , doit être cendré ou blan-
châtre , léger , pur 3 piqué avec la pointe
d une aiguille un peu chaude , il doit ren-
dre une liqueur oncteuse , très-odorante,
très - suave. L’ambre noir ou totalement
blanc, doit être rejeté, aussi bien que
celui que l’on contrefait avec le musc et le
bois d aloès; vous reconnaîtrez cette sophis-
tication en pétrissantl’ambreprétendu entre
vos doigts; s’il s’amollit comme de la cire,
il est faux.
Pour réduire l’ambre gris en essence ,
il faut prendre deux gros d’ambre et vingt-
quatre grains de musc et les réduire en
poudre, les mettre dans un matras, verser
sur ce mélange quatre onces d’esprit-de-
vm très-rc cti fié , bien boucher le vaisseau
et le laisser en digestion pendant huit jours 3
au bout ne. ce tems il faut verser par in-
clinaison dans un flacon de cristal 3 ce qu’il
y aura de plus limpide , ce sera l’essence
que vous désirez. Elle se congèle fort ai-
sément , mais aussi elle redevient liquide
avec une égale facilite. Il suiîit pour cela
de 1 exposer a la plus petite chaleur.
L’ambre gris est d’usage dans la méde-
cine 3 il a les vertus générales de toutes
38o A M
les autres substances très-odorantes à cause
du principe très-at ténue , très -volatil qui
leur est commun. L’ambre gris entre dans
plusieurs compositions cordiales, sudori-
fiques. La dose est depuis un demi-grain
jusqu’à douze.
AMMI. Nous avons déjà parlé de cette plante,
avec un peu trop de précision. Sa tige est
haute, elle pousse plusieurs rameaux en
forme de parasols, qui se terminent par
de petites fleurs blanches , qui font place
à une semence presque ronde , un peu
longue , assez menue , et qui ressemble
assez à des grains de sable. C’est unique-
ment cette semence qu’il faut employer ,
parce qu’elle est fort aromatique. Le meil-
leur ammi nous vient du Levant, surtout
de l’ile de Crète ou Candie ; son odeur
tient de celle de l’origan ou du thym.
ÀMOMUM. On donne ce nom à deux choses
qu’il faut bien distinguer, et qui sont fort
différentes l’une de l’autre, puisque c’est
un fruit et une plante.
L’amomum en grappe est un fruit qui
croît dans les Indes 3 c’est une grappe qui
porte deux pouces de long ou environ 3 elle
est composée de grains fort pressés les uns
contre les autres ^ attachés le long d’une
A N A S 58,
espèce de nerf qui se prolonge jusqu a l’ex-
tremité ^Chaque grain représente une gousse
triangulaire dont les angles sont arrondis ,
et terminés vers le sommet par un bouton.
Cette gousse est partagée en trois cellules
remplies de semences, pressées les unes
contre les autres , d’un rouge bien foncé
et très-aromatique. Pour les avoir bonnes,
ces semences, il faut les choisir hautes en
couleur, pesantes , d’une odeur pénétrante ;
celles qui sont noires , ridées, légères, ne'
valent rien.
L’amomum est apéritif, cordial.
Lamomum, plante, est appelé Sizon.
Voyez son article ci-après.
ANETH. Plante carminative qui vient dans
les champs et dans les prés sans la moindre
culture. Quand on la cultive dans les jar-
dins elle est beaucoup meilleure ; ses feuilles
lessemblent à celles du fenouil , dont elle
a d’ailleurs toutes les propriétés.
ANGELIQUE. Voyez l’art.
ANIS. U oyez l’art.
ASPHALATII. Bois aromatique que fournit
un petit arbre épineux. Ce bois est fort
massif, pesant , oléagineux , de couleur
pourpre et tacheté , à cela près , fort sem-
blable au bois d’aloès. On distingue jus-
582 A U
qu’à quaire sortes de bois d’asphalath. Le
premier a l’écorce couleur de cendre et le
cœur du bois pourpre. Le second est cou-
leur de buis. Le troisième est blanc, avec-
une petite teinte citronée. Enfin , le qua-
trième est rougeâtre , c’est le lignum rho-
dium , autrement dit bois de rose. La pre-
mière espèce d’asphalath est fort rare; je
crois qu’elle nous vient du Levant par
Marseille : les autres espèces sont plus com-
munes.
ALLA LE ouEnula-Campana. Cette plante,
dont la racine est aromatique , a ses feuilles
semblables à celles du bouillon-blanc mâle ,
un peu plus longues cependant et un peu
plus rudes. Dioscorides dit qu’il y a des
endroits ou elle ne jette point de tige. Sa
racine est blanchâtre , tirant sur le roux ,
fort odorante , surtout quand elle est d’une
certaine grosseur. Elle croît dans les mon-
tagnes ; elle se plaît dans les lieux secs et à
l’ombre. On cueille sa racine en été , et
l’ayant coupée en morceaux , on la fait
sécher; le reste de la plante ne peut nous
servir a rien.
13 A
585
B
BaDIANE. Voyez son art.
BASILIQUE , petite plante qui embaume
par la délicatesse de son parfum. 11 y ea
a de plusieurs espèces 3 et quoique toutes
aromatiques, il y en a de beaucoup pré-
férables aux autres. Je conseillerais à nos
artistes de s’en tenir à la petite espèce
qui sent le citron tout à la fois et le clou
de girolle 5 on en tire, par la méthode que
nous avons enseignée, une huile essen-
tielle admirable : toute la plante est cépha-
lique.
BAUME. Résine aromatique. Nous n’cn-
lendons parler ici que du baume naturel 3
les préparations galéniques auxquelles on
donne ce nom n étant point de notre res-
sort : il y a quatre sortes de baumes très-
célèbres.
i°. Le baume de Judé , de la Mecque ,
baume blanc, vrai baume 3 c’est le baume’
par excellence , aussi est-il extrêmement
rare. L arbrisseau qui fournit cette résine
précieuse s’élève jnsqu a quatre ou cinq
pieds tout au plus; ses feuilles ressemblent
à celles de la rhue , mais tirant plus sur
84 B A
le blanc 3 elles tombent tous les ans au
mois de décembre, et reviennent vers le
milieu du printems \ ses fleurs sont sem-
blables à celles du petit jasmin . après les-
quelles vient une petite graine aromatique
dont nous parlerons ci-après , c’est le ccrrpo-
balsamum. Le grand seigneur est si jaloux
de la production de cet arbrisseau, qu’il
s’en est réservé à lui seul la possession et
la culture. 11 y a même des janissaires
nommés pour la garde des jardins où on
le cultive , et ce n’est que par leur moyen
qu’on peut avoir de ce baume , encore
cela est-il assez difficile. Tout est réservé
pour sa hautesse , qui en lait des présens
aux tètes couronnées et aux ambassa-
deurs.
2°. Baume du Pérou. Il coule d un ar-
bre assez semblable au myrte j il y en a
de trois sortes. Le plus commun est d’un
rouge foncé noirâtre et d’une odeur très-
agréable ; on l’appelle Baume de lotion ,
parce qu’il se tire par la décoction des
branches de l’arbrisseau dans l’eau com-
mune sur laquelle (apres 1 ébullition d une
certaine durée ) nage une graisse noirâtre,
ou liqueur huileuse qui se sépare aisément ;
c’est le baume noir en question.
La
B A 585
La deuxième espèce est appelée baume
sec , dur ou en coque. Il distille des bran-
ches tadlées de l’arbrisseau ; on le recueille
dans des cocos que l’on a vidés aupara-
vant 5 on les suspend ensuite au soleil, au
moyen de quoi le suc résineux ayant éva-
pore tout ce qu’il contenait d’aqueux , il
reste dur et sec. Ce baume est moins rouge
que Je précédent , mais il en a toutes les
propriétés et l’odeur.
La troisième espèce est plus rare, sa
couleur est blanche, et on l’appelle baume
blanc. Il coule de l’incision que l’on fait
à 1 écoice du tronc et des plus grosses
branches 5 il est liquide, fort odorant et
approche par sa couleur et ses vertus du
veu table baume de Judée.
Oo. Baume de Tolu ou de Carthagène ,
dans l’Amérique méridionale. Il coule
d’une espèce de pin dont les feuilles res-
semblent à celles du caroubbier. Ce baume
tire sur le rouge un peu doré , en consis-
tance de sirop, gluant et adhérent, d’une
saveur douce et agréable , d’une odeur fort
approchante de celle du citron; c’est le
plus supportable de tous les baumes pour
1 usage intérieur.
4o. Baume de Copahu. Son odeur est
B B
386 B A B D
forte , mais peu agréable. Voilà une rai-
son plus que suffisante pour ne pas nous
y arrêter.
Il y a encore une autre espèce de baume-
résine , que Ton pourrait appeler baume
de Canada . Il croît dans cette partie de
l’Amérique septentrionale , où est située la
colonie française qui porte ce nom. L o-
deur de l’espcce de baume qui nous oc-
cupe n’est pas désagréable, j’y trouve
quelque chose qui approche un peu de
l’odeur du baume de Tolu. Un artiste in-
telligent pourrait en tirer parti. Tous les
baumes en général ont de grandes vertus j
il faut lire sur cela ce qu’en ont écrit les
bons auteurs : ils sont en assez grand
nombre.
BAUME, plante aromatique. Voyez Men-
the.
BDELLIUM, gomme -résine. 11 y en a de
deux sortes , le bdelliuin qui vient de l’Ara-
bie, et le bdellium qui vient des Indes.
Celui-ci, âcre, plein d’ordure, noirâtre,
formé en gros pains , ne peut être d’aucun
usage pour nous , étant d’une odeur trop
désagréable. Le premier, qu’on nous ap-
porte du Levant en belles lames pures ,
B E 587
claires , odorantes , peut produire de très-
bons effets dans quelques combinaisons.
BEINJOLN , gomme-résine ; il en est peu
d’aussi aromatique. On nous l’apporte de
l’île de Sumatra et de Siam , dans les In-
des orientales , ou elle découle d’un arbre
prodigieusement haut.
Il y a trois espèces de benjoin. i°. Ben-
join amygdaloïdes , parce qu’il ressemble
a des amandes rompues ; c’est une larme
rougeâtre , pure , claire , d’une odeur très-
agreable 5 quand on la brûle elle rend une
fumée aromatique qui sent le bois d ’àloès;
cette espèce de benjoin passe constamment
pour être la meilleure.
20. Benjoin de boninas, c’est le nom que
lui donnent les babitans de Sumatra. Il
est de couleur noire et très - odoriférant ,
cependant il n’approche pas de la bonté
du précédent; on le recueille sur les jeu-
nes arbres qui distillent le benjoin.
5°. Le benjoin de la troisième espèce
est noir comme celui dont nous venons
de parler, mais il s en faut bien qu’il soit
aussi aromatique; c’est le moindre de tous:
011 le vend chez les droguistes, en mass*
grenue .
B b 2
588 B E
BETOINE , plante fort commune et odo*
rante. Elle se trouve presque partout à la
campagne ; on l’emploie fréquemment à
cause de ses vertus ; elle est diurétique , cé-
phalique et vulnéraire.
BÉZOARD , pierre ou plutôt calcul aroma-
tique qui se trouve dans l’estomac d’un
animal originaire de la Perse et des Indes
orientales. Cet animal , disent les voya-
geurs, ressemble en partie au cerf et en
partie au bouc , son poil est roux , et il
est appelé bézocird par les Indiens.
Le bézoard est de différentes couleurs,
relativement au tempérament de l’animal
qui le produit ; il s’en trouve de ternes ,
de pales , de tannés, etc. Pour être d’une
Bonté non-équivoque , il doit être de cou-
leur noire ou verdâtre , formé par des
couches déliées et sans nombre, polies,
faciles à enlever ; après quoi , vers le
centre de la pierre , 011 doit trouver de la
paille ou du sable , ou enlîn quelques corps
étrangers , qui servent comme de base , de
noyau et de premier principe à la for-
mation de cette espèce de calcul. Pour
reconnaître si le bézoard 11’est point falsi-
fié , il faut le frotter avec de l’eau de
chaux; s’il jaunit, c’est un signe qu’il esi
B I B O 38g
vrai et non contrefait. Pour deuxième
épreuve, il faut frotter une feuille de pa-
pier avec de la craie ou du blanc de cé-
i use , ensuite on passe le bezoard sur cette
feuille ; s il laisse des taches verdâtres il est
bon, sans quoi il est falsifié.
H y a un autre bézoard qu’on appelle
occidental, parce qu’il vient de l’Améri-
que; mais il n’est pas, à beaucoup près,
aussi bon que le précédent, quoique pro-
duit comme 1 autre, et même par un ani-
mal tout à fait semblable. A peine le bé-
zoard occidental est-il odorant.
BIGARADE. Orange amère, fort commune
et fort aromatique ; ses fleurs et ses zestes
sont employés utilement. Voyez l’art.
BOIS ODORANS. Il y en a de bien des
sortes ; nous ne parlerons ici que de ceux
qui peuvent nous servir, à l’exception de
quelques-uns que l on trouvera à leurs ar-
ticles particuliers.
Bois d’Aloès. L’arbre qui distille le suc
ai omatique de laloes,et dont nous avons
parlé ci-dessus, jvient dans plusieurs en-
droits des Indes orientales ; son bois est
- fort odorant, mais il faut savoir le choi-
sir. Celui qui se trouve -immédiatement
sous 1 ccoi ce , a quelque odeur, à 1^ vé—
rite , mais il est pius propre à la menui-
serie ou à la tabletterie qu’à servir de par-
fum 3 aussi les Indiens remploient-ils à taire
des armes, parce qu’il est fort dur et fort
serré ; le cœur de l’arbre est proprement
le bois d’aloës dont nous voulons parler
ici ; il esi brun, résineux, il brûle comme
une chandelle , et sa résine exhale une
odeur très-agréable.
Bois de Baume. Il s’en trouve quelque-
fois de fort odorant, c'est le xUo-balsa-
mum des droguistes , c’est-à-dire , les bran-
ches de l’arbre qui distille le baume dont
nous avons parlé plus haut.
BOIS DE CANNELLE. Voyez sassafras.
il y a encore d’autres bois aromatiques,
comme le bois de laurier, de romarin , de
Sainte-Lucie, de rosier, etc., dont il serait
possible de tirer quelque parti ; mais tous
ces bois qui croissent naturellement dans
nos jardins , sont trop connus pour qu’il
soit nécessaire de nous y arrêter plus long-
tems.
BOUILLON-BLANC. Plante commune et
sauvage. Elle est de plusieurs espèces; il
n’y a que celle qui porte une tige haute ,
une fleur jaune et d’une odeur fort douce
et fort agréable qui puisse servir, encore
la tige , les feuilles et la racine ne sentant,
rien , ne peuvent par conséquent être utile
c
CaCAO, fruit composéde soixante à quatre-
vingts amandes , singulièrement arran-
gées. Son odeur n’est pas bien remarqua-
ble , mais par sa saveur grasse et onctueuse
il fait la base du chocolat. Plusieurs sortes
d’arbres porte le cacao , le cacahuaqua
huilt , le xuchiCahuaqua huilt et le tlaca-
cahuaqua huilt , ils viennent tous dans
l’Amérique , surtout au Mexique. La
différence des arbres fait qu’il y a diffé-
rentes espèces de cacao , entr’autres le
gros et le petit caraque , ainsi nommé de
la province de Nicaragua, où ils croissent
tous deux. 11 vient aussi du cacao dans
l’ile Saint-Domingue : quand il est gros, il
est passablement bon ; mais quand il est
petit, il ne vaut rien du tout.
CACHOU , sucs préparés en forme de pâte
dure , sèche , noirâtre , que l’on nous ap-
porte du Japon. Les Européens ne sont
pas trop d’accord sur les ingrédiens qui
entrent dans la composition de cette pâte ;
les uns veulent que ce soit les sucs com-
binés d’un fruit nommé areca et de l’é-
%92 C A
corce d’un arbre épineux , appelé caiechu
par les Japonais; les autres soutiennent que
c’est un extrait de la réglisse des Indes ,
du caiamus aromaticus et de l’areca. Quand
on mâche le cachou , on sent d’abord une
saveur amère et même austère, qui change
et devient enfin très-douce et très-agréable.
On nous apporte aussi des Indes occi-
dentales un autre cachou qu’on est obligé
de préparer en Europe , en y mêlant des
aromates et du sucre , que l’on forme en
dragées. Préparé de la sorte, on le dit bon
pour les indigestions , pour les faiblesses
d’estomac , et pour corriger la mauvaise
haleine. Les personnes sujettes aux rap-
ports aigres, aux crudités, aux vents, peu-
vent s’en servir avec confiance 5 on en
prend quatre, six^ et jusqu’à douze grains.
CALAMENT , plante aromatique. Ses feuilles
sont rondes, un peu pointues , d’un vert
pâle , quelquefois tachetées de blanc. Ses
fleurs sont petites , presque semblables à
celles du romarin, et sortent de divers
endroits de la tige 3 cette tige jette quantité
de rejettons en commençant depuis la ra-
cine. Le calamcnt se trouve assez ordi-
nairement dans les bois taillis et le lon£
des avenues un peu découvertes. Celui qui
c A 393
vient sur les montagnes du Languedoc et
des autres provinces méridionales de la
France est sans contredit le meilleur de
tous } il est d’une saveur pénétrante ,
d une odeur forte et aromatique 3 toute la
plante, à 1 exception de la racine, peut
servir, mais surtout les fleurs et les feuilles
qu il faut faire sécher pour s’en servir au
besoin. Celte plante est céphalique.
C A h K. IV ous en avons parlé très - ample-
ment.
CALAMUS AROMATICUS, canne ou ro-
seau aromatique. On nous l’apporte des
Indes , et il se vend à Marseille, dans
des petites boites faites exprès. Comme
il est fort rare , cher par conséquent , les
dioguistes lui substituent un roseau qu’ils
ont le secret de rendre aromatique , mais
auquel ils -ne peuvent point donner les
propriétés de la véritable canne odorante ;
\01la pourquoi, de crainte d’ètre trompé,
on se sert plus volontiers de l’acorus dont
nous avons parlé dans son lieu. Cette ra-
cine a toutes les vertus et l’odeur du vé-
ritable calamus aromaticus.
CAMOMILLE, plante médiocrement odo-
ianie. 11 y en a de plusieurs espèces, mais
il 11 y en a qu une seule qui puisse nous
servir , c’est celle qui croît dans les Liés ,
dont la fleur est jaune en dedans et les
feuilles ou pétales toutes blanches , et dis-
posées en rayons.
CANNELLE. Ployez son article parti-
culier.
CANNELLE BLANCHE, écorce aroma-
tique , produite par un- arbre fort commun
dans les îles de Saint-Domingue et de
Madagascar. Cette écorce est plus épaisse
que la cannelle ordinaire, d’un blanc sale
et cendré; elle a Fodeur de la muscade ,
sa saveur est très-acre et très-piquante ; on
l’emploie avec succès dans les maladies
scorbutiques.
CAPILLAIRE. Il est de différentes espèces
fort connues et peu rares ; celui du Canada
passe pour le meilleur et le plus odorant
de tous; celui de Montpellier le vaut bien;
je me suis même servi du capillaire qui
avait été cueilli sur les montagnes de
Vosges, et que j’ai trouvé très -bon; je
suis persuadé qu’il s’en trouve encore ail-
leurs d’aussi bon.
CARDAMOMUM, Malaguette ou Graine
de Paradis. C’est une graine odorante,
d’ime saveur piquante comme le poivre.
Cette graine se trouve dans des gousses en
C A 3q5
forme de figue. Il y a trois sortes de carda-
momum 3 le grand, le moyen et le petit ;
celui-ci est préférable aux deux autres en
goût , en odeur et en vertu. Le carda-
momum de toute espèce croît dans les
Indes orientales , à Calecut , à Malabar et
à Java.
CARPO - BALSAMUM. C’est le fruit de
l’arbre que distille le baume de la Mecque.
Ce fruit est toutàfait semblable à celui du
thérebintlie , tant en grosseur qu’en figure
et en couleur 3 il est attaché à l’arbre par
un petit calice recouvert d’une membrane
rougeâtre , qui renferme plusieurs autres
tuniques plus épaisses , sous laquelle est
contenue la semence pleine d’un suc jaune
et mielleux , dont le goût est un peu amer 3
son odeur est fort agréable , elle approche
beaucoup de celle du vrai baume.
-CARVL Voyez l’article.
CARIOPHILLATA. Racine aromatique
d’une plante qui vient dans les bois hu-
mides. il faut l’arracher vers la fin du
mois de mars; pour lors cette racine' est
d’une odeur fort agréable, elle sentie clou
de girofle , ce qui lui a fait donner le nom
qu’elle porte; on In nomme aussi benoitc:
elle est fébrifuge.
5g6 C A C I
CASSIA LIGNEA. Voyez l’article.
CÉDPvATS. Voyez l’article.
CELERI. Voyez l’article.
CERISES. H y a des cerises de mille sortes.
Ce fruit n’a pas un parfum bien sensible ,
mais il est employé avec le plus grand suc-
cès par les artistes intelligens. Voyez les
diffcrens endroits où il en est parlé dans le
corps de cet ouvrage.
CHAMŒDRIS, la Germaxdrée. Petite
plante dont les fleurs sont médiocrement-
aromatiques. Elle croît en divers lieux, dans
les bois, dans les plaines, et sur les mon-
tagnes. Celle qui croît sur les hauteurs est
préférable à celle qui vient dans les bas ,
scs tiges sont fort petites ., ses feuilles assez
longues , et échancrées comme celles du
chêne 3 c’est pour cela qu’on l’appelle aussi
chenette ou qucrcula.
CHEVRE-FEUILLE. Arbrisseau très-com-
mun dans les bois ; on le cultive aussi dans
les jardins $ on en fait des berceaux et des
allées, on en orne les parterres 3 sa fleur est
très-odorante.
CITRON. Voyez l’article.
CIVETTE. Espèce de chat sauvage fort com-
mun au royaume d’isigny , en Guiuée. On
en tire un parfum très-agréable , mais fort,
°97
que Ion nomme Civette , du nom de l’ani-
mal qui le produit. La poche ou réceptacle
de ce parfum est située au - dessous de
l’anus j sa capacité peut contenir un petit
œuf de poule. Cette poche est composée
de deux tuniques entre lesquelles sont pla-
cées plusieurs glandes, qui contiennent la
liqueur odorante. Il faut la choisir grasse,
épaisse, noirâtre, d’odeur suave, et assez
semblable a celle du musc.
COING. V oyez 1 article des liqueurs.
CORIANDRE. Plante fort connue , et dont
la graine est très-odorante.
COSTUS, racine aromatique. Il en croîtdaus
toutes les parties du monde , à l’exception
de l’Europe. On en tire de la Chine, des
Indes, de Syrie, etc., ce qui fait qu’elle
ne se ressemble pas toujours ; elle varie en
raison du sol et du climat qui la produit.
Cette racine est assez épaisse, bien nour-
rie , de la grosseur d’un pouce ou environ ,
d une couleur blanche, tiraut un peu sur
celle du buis. Les marchands droguistes
vendent sous le nom de costus une écorce '
d arbre dont l’odeur approche fort du costus
véritable ; cette écorce est grise , rabo-
teuse, pleine de fissures en dehors , un peu
plus épaisses que la cannelle , à qui elle
398 C U D I
ressemble assez pour la forme ; c est le
costus corticosus.
CUBEBES. Espèce de poivre plus doux et
plus aromatique que le poivre ordinaire,
auquel il ressemble assez par sa graine ronde
et par sa couleur noire ; c’est, dit Schrœder ,
le fruibd’un arbre qui ressemble fort au pom-
mier , mais dont les feuilles ont plus de rap-
port à celles du poirier, un peu plus étroi-
tes, cependant : ce fruit vient en forme de
grappe.
CUMIN. Voyez article liqueur.
D
DaUCUS. Carotte sauvage très -commune
dans les prés. Celle qui nous vient de Bile
de Candie , et qu’on nomme par cette rai a on
daucus creticus , est infiniment meilleure
que la nôtre et plus odorante ; sa tige s c lè\ e
ordinairement à la hauteur de deux pieds ,
sa fleur en parasol est blanche , sa graine
d’un vert clair , mais forte , velue , d’une
bonne odeur quand on 1 a fraîche : elle e>t
carminative.
PICT AME. Voyez Fraxinelle.
PXCTAME DE CRETE. Cette plante porte
le même nom que la précédente; elle est
EG EN
599
cependant bien différente quoiqu’origi-
naire d’une île du Levant comme son nom
l’indique 3 elle est devenue depuis quelque
tems fort commune en France. C’est une
espèce d origanosj il ne faut se servir que
de sa fleur et de sa feuille: la tige et la ra-
cine n’ayant point d’odeur, elles ne peuvent
être d’aucun usage pour nous.
JE
.EGLANTIER , Rosier sauvage ou Rose
de chien. Cet arbrisseau-fleur est extrê-
mement commun dans tous, les pays 3 sa
fleur exhale une odeur délicate , mais pas
bien forte. Cette fleur est purgative comme
le sont toutes les roses , mais elle passe ,
outre cela, pour être un peu plus astrin-
gente.
LA CENS. Résine aromatique qui découle
d’un arbre célèbre en Arabie , et que l’on
ne connaît en Europe que de nom. On
fait une incision au tronc de l’arbre , par
ce moyen , 1 encens coule abondamment et
tombe en forme de larmes. Le premier
qui paraît passe pour être le plus précieux,
on l’appelle encens male ou o/iban , celui
qui découle ensuite porte le nom d’en-
400 E S F E
cens femelle ; il n’est pas aussi estimé que
le précédent.
L’encens male est blanc tirant sur le
jaune , rond , semblable à des gouttes ,
et gras en dedans. L’encens femelle est
une gomme plus résineuse , plus molle ,
plus jaune, et qui s’enflamme plus aisé-
ment. L’encens de l’une et de l’autre es-
pèce est un vulnéraire détersif.
ESTRAGON. Plante potagère fort odo-
rante , très-commune et très-connue 3 elle
11e sert ordinairement que dans les assai-
sonnemens de cuisine , mais on en pour-
rait tirer parti pour d’autres compositions.
F
Fenouil. Tout le monde sait combien
la graine de cette plante est odorante , 011
ne connaît pas moins ses vertus 3 c’est une
des quatre semences chaudes majeures.
FRAISE. Ce fruit est d’un grand secours
dans la composition des ratafias à fruits
rouges ; mais si la fraise était un peu plus
o * .
commune, et qu’il fut possible d eu avon
en quantité suffisante pour pouvoir la tra-
vailler en grand, ou en ferait d excellente
liqueur,
F R G A 401
liqueur, surtout en la travaillant suivant le
procédé des marasquins.
FRAMBOISE. Son parfum est admirable
ainsi que celui de la fraise 5 elle sert à la
composition des ratafias domestiques.
t RAX1ÜXELLE. Plante résineuse et fort aro-
matique. Sa tige jette plusieurs bran-
ches 3 sa feuille est semblable à celle du
frene d où son nom dérive 3 sa fleur est
blanche tirant un peu sur le rouge. La trans-
piration de cette plante est surprenante,
on peut s’en convaincre par l’expérience
suivante : Prenez, dans un tems sec et se-
rein , une bougie allumée , approchez-la
a une petite distance de la plante, aussi-tôt
elle prendra feu et jetera une flamme haute
et brillante. Quand on Lit cette expérience
pendant la nuit, elle paraît avec plus d’a-
vantage.
O
G
l 1; ' f '
GtALANGA, racine aromatique. Elle est
de deux sortes, le grand et le petit ga-
langa 3 le petit est le meilleur 3 on nous
1 apporte de la Chine. C’est une racine
menue, noueuse, rougeâtre en dedans et
eu dehors.
GANS NOTRE - DAME ou Ancholie ,
plante odorante. Ses feuilles sont de
moyenne grandeur 3 elles tiennent entre
celles de la ■violette et du bouillon-blanc,
auxquelles elles ressemblent encore mieux
par leur villosité. Sa tige est anguleuse ,
de la hauteur de deux pieds, de laquelle
partent plusieurs rameaux 3 sa fleur est
rôuge, tirant sur le blanc, elle est odo-
rante 3 ses racines ressemblent à celles de
l’ellébore noir 3 son odeur approche de celle
de la cannelle 3 elle se plaît dans les lieux
humides et marécageux.
GENIEVRE. Voyez l’art.
GINGEMBRE , épice. C’est une racine qu’on
nous apporte des Indes et du nouveau
monde. Il faut la choisir blanche , grosse ,
nouvelle , et prendre garde qu’elle 11e soit
vermoulue 3 elle est piquante comme le
poivre ^ mais moins caustique.
GIROFLE , épice. Voyez l’art.
GIROFLIER, jaune ou violet. Cette plante
si connue dans les jardins dont elle fait
un des ornemens dans la saison , et estima-
ble par la bonne odeur de sa fleur, 011 peut
tirer un très-bon parti de sou parfum.
H Y
1 M ^oâ
%
H
Hy SOPE. Plante aromatique commune
dans les jardins. On en tire une huile es-
sentielle fort odorante. Toute la plante est
céphalique.
I
ê
JASMIN. Arbrisseau rampant, dont la fleur
est aussi connue que son odeur suave , et
fort aromatique. C’est une des productions
du icgne végétal que l’on peut employer
avec plus de succès, mais il faut pour cela
un peu d’expérience, et surtout connaître
la propriété particulière de l’esprit rec-
teur dans ce genre de fleur, qui est si vo-
latil, qu on ne peut l’obtenir parla voie or-
dinaiie de la distillation, il faut nécessai-
îement avoir recours à d’autres moyens.
I oyez ce que nous avons dit dans plusieurs
endroits de cet ouvrage.
IMPERATOIRE ou Benjoin Français ,
espece d’angélique. Elle pousse une tige
haute de trois quelquefois quatre pieds ,
ses feuilles ressemblent à celles du panais
sauvage, sa graine est odorante, mais l’o-
Cc 2
(leur de sa racine est supérieure , aussi ne
faut-il employer que celle-la.
IRIS. On en distingue de deux espèces 3 l’iris
élu pays , autrement appelé glayeul , et
l’iris de Florence. Cette dernière est sans
comparaison meilleure que l’autre 3 on
11’emploie que sa racine , encore suppose-
t-elle du choix. Pour être comme il faut,
elle doit être compacte , difficile à rom-
pre, plutôt petite que grosse , mais suitoul
fort odorante.
#
L
LàDàjNUM, suc gommeux. Le véritable
a le parfum exquis. 11 vient du célébré
mont Ida, dans 1 ile de Candie. Ce sont les
caloïers, moines grecs , qui emploient des
soins et des peines infinies pour le ramas-
ser où il se trouve, c’est-à-dire, sur les
feuilles d’un arbre appelé cistus-ledon. On
la conserve de trois façons , on met
en forme de gâteaux la partie la plus
dure et la plus compacte 3 on réserve dans
fioles la partie liquide 3 enfin, la partie
moyenne , qui est en consistance de sirop
fort épais , est conservée dans les feuilles
de l’arbre. Le ladanum en pain , pour être
L A L 1
4o5
censé bon , doit être noirâtre , résineux ,
d’une odeur suave quand on le brûle, fria-
ble et facile à amollir sous les doigts. 11 est
astringent.
LAQUE. Gomme qui distille de certains ar-
bres grands comme des noyers ; ils sont
iort. communs à Bengale et dans quelques
autres lieux des Indes orientales. Son
odeur est très - aromatique quaud on la
brûle 3 il suffit meme pour cela de la piler
ou de la dissoudre dans un peu d’esprit-de-
vin, à qui elle communique aussitôt tout
son parfum.
LAURIER. Arbre aromatique dans toutes ses
parties; le bois, la feuille , les baies , tout
est odorant. On peut exprimer des baies de
laurier une huile excellente pour les ma-
ladies des nerfs ; la paralysie , les convul-
sions , la colique, les faiblesses d’estomac.
LENTISQUE. Voyez Mastic.
LEVECHE. Aclie de montagne. Elle porte
sa tige haute, tendre cannelée, ses feuilles
sont larges tirant sur le rouge : elle est toute
chargée de graine longue, forte, noirâtre
et aromatique ; sa racine est grêle , blan-
che, odorante; elle embaume la respira-
tion après avoir été mangée.
LIMON. Voyez Citron.
4o 6 L I M A
LIQUIDÀMBAR. Huile ou résine d’une
odeur très - aromatique ; elle distille dun
fort Bel arbre, appelé par les Indiens oco-
col. La résine dont nous parlons est de deux
sortes ; la liquide, improprement appelée
huile, et la sèche qui est une vraie résine.
La première coule naturellement de l’ar-
bre, et c’est la meilleure. L’autre se lire par
expression 5 après quoi on la fait sécher.
11 s’en faut de beaucoup que celle-ci égale
la première : on ne s’en sert communé-
ment que pour parfumer.
LOT1E11. C’est le faux baume du Pérou ,
nommé ainsi parce que l’iiuile d’olive dans
laquelle ou a fait infuser les feuilles de cette
plante devient très-bonne pour les plaies.
LYS. Plante anodine. Elle s’élève facilement
dans les jardins 3 sa fleur est blanche et
odorante.
M
IMaCERON. Voyez Smyrnium.
MACIS. Nous en avons parlé amplement.
MARRUBE. Plante médiocrement aroma-
tique 3 c’est du blanc dont nous entendons
parler , le noir n’est presque point en
usage. Le marrube blanc croît à la hauteur
O
M A 4° 7
d’unkpied, il pousse plusieurs tiges d’une
meme racine commençant à fleur de terre;
ses feuilles sont presque rondes, rudes,
verdâtres, et couvertes d’un duvet blanc;
ses fleurs sont petites , blanches, placées
d’espace en espace, mais plus serrées vers
les sommités. Les fleurs et les feuilles du
marrube sont d’un grand usage en phar-
macie.
MALABATHRUM ou Folium Indum. C’est
la feuille d’une plante qui croît dans les
Indes , comme son nom l’exprime assez.
Celte feuille tient tout à la fois du citron-
nier et de celle du laurier royal un peu
moins verte que celle de ce dernier ar-
buste, ayant trois côtés en long. Le mala-
bathrum est médiocrement odorant; il sent
un peu le clou de girofle. Il passe pour être
diurétique et stomacal.
MARUM. Petite plante ligneuse et très-aro-
matique ; ses feuilles sont d’un vert pâle ,
pointues , ressemblant assez au fer d’une
pique ; elles sont placées en opposition les
unes vie-à-vis des autres. On préfère le
marum a la marjolaine , et on a raison ;
il donne beaucoup plus d’huile essentielle
par la distillation que celui-ci.
MARJOLAINE. Plante très -aromatique ,
4o8 M A M E
ligneuse ; et quoique fort petite , elle ne
ressemble pas mal à un arbre parfaitement
bien taillé 3 elle a son tronc, ses branches,
ses rameaux ; sa feuille ressemble assez à
celle de l’origan. Il y a deux espèces de
marjolaine, la grande et la petite 3 011 pré-
fère celle-ci à la grande, parce qu’elle a
plus d’odeur et de vertu.
MASTIC. Résine aromatique qui découle du
lentisque , arbre très-commun en Egypte
et dans File de Chio. On trouve des len-
tisques eu France , surtout du côté de
Toulon 3 mais il donne rarement du mastic ,
ou s’il en donne , c’est en très-petite quan-
tité 3 l’odeur de cette résine est fort agréa-
ble 3 pour l’avoir bonne il faut la choisir
en petits grains , d’un blanc citronné , pure
et bien transparente.
MELISSE. Plante aromatique, d’une odeur
pénétrante , forte , et qui a beaucoup de
rapport à l’odeur du citron.
MEUM. Racine aromatique d’une plante
ombellifère , assez semblable à l’aneth 3
de là vient qu’on l’appelle anetum tortuo -
sum. Le haut des racines est entouré de
longs fîlamens en forme de barbe 5 ces ra-
cines sont longues et pénètrent assez avant
dans la terre. Elles sont, divisées pour l’or-
M Y 409
(linai rc en trois ou quatre branches j elles
sont brunes en dehors et blanches en de-
dans , d’une saveur acre et piquante , mais
d’une odeur pénétrante et aromatique.
Cette plante est fort commune dans les
Alpes où les paysans s’en servent avec
succès pour tempérer les ardeurs de la
fièvre.
M\ 1111 HE. Gomme-résine odorante, qui dé-
coule d’un grand arbre très-commun en
Arabie et en Ethiopie , mais surtout dans
le pays des Troglodltes , peuples d’Afrique
à qui nous sommes redevables de la meil-
leure myrrhe. La liquide est préférable à
la sèche , mais aussi elle est extrêmement
rare. La sèche plus commune pour être
bonne doit être verdâtre , tirant sur le
rouge , grasse , odorante , transparente ;
celle qui est fort pesante et couleur de
poix , ne vaut rien.
M\ K LE. Petit arbrisseau dont les feuilles,
les fleurs , les baies et les bois sont aroma-
tiques , mais surtout la ileur 3 elle est
blanche , et quand 011 peut en avoir une
certaine quantité, on en tire parla distil-
lation une eau admirable. Le myrte est de
deux especes j le grand est assez commun
dans les provinces méridionales de ha
O R
410
France; ailleurs il est plus rare. On cultive
le petit par préférence , sans doute , à
cause de la forme agréable dont il est
susceptible.
O
Orcanette. Espèce de buglosse qui
croît en Provence et en Languedoc. L’in-
térieur de la racine de cette plante est li-
gneux et n’est bon à rien ; il n’y a que
l’écorce extérieure , fort résineuse , qui a
la propriété de colorer les huiles en beau
rouge. Pour y parvenir , on fait chauffer
les huiles que l’on a dessein de colorer
dans une bassine; il ne faut les chauffer
que médiocrement; sur chaque livre on
emploie environ une demi-once de l’écorce
extérieure de racine d’orcanette. Sur le
champ l’iiuile se charge d’une trcs-bclle
teinture rouge. On peut teindre également
avec l’orcanelte toutes sortes de liqueurs,
et voilà pourquoi nous l’avons placée ici,
quoiqu’elle 11e soit pas du genre des subs-
tances aromatiques.
OPtANGE. Nous en avons souvent parlé. 11
me reste encore deux mots à dire au sujet
de la fleur de cet arbre. L’usage est que
O II il
dans l’emploi qu’on en fait, on ne prend
que la feuille ou pétale , et qu’on rejette
les étamines , le pédicule et le pistille. J’ai
observé qu’à la vérité les étamines et le
pédicule n’étaient point d’un parfum bien
délicat 3 mais en meme teins j’ai observé
que le pistil , et surtout le stygmate , c’est-
à-dire , le petit bouton qui est au haut
(' une petite tige , et qui ne représente pas
mal une épingle , est peut-être ce qu’il y
a de plus aromatique dans la fleur. Gettc
espèce d’épingle est communément chargée
d une espèce de résine qui s’attache aux
doigts quand on la touche. Ce n’est point
autre chose que de l’huile essentielle , toute
pure , très-aromatique et d’une odeur ad-
mirable-. Je conseille donc de joindre tou-
jours cette partie à la feuille de la fleur
après avoir rejeté les étamines et le reste.
ORVALE. Plante odorante fort commune.
Sa feuille et surtout sa fleur infusée dans
le vin ou la bière , leur donne un goût
muscat fort agréable; mais alors il faut
user sobrement de la liqueur, parce qu’elle
porte plus promptement à la tète. En em-
ployant la fleur de cette plante avec dis-
crétion, elle peut produire un très - bon
effet dans de certaines compositions.
4 1 2 po
P
PoNCIRE. Espèce de citron, mais dont
le parfum n’est pas fort considérable. Ce
fruit est extrêmement gros 5 il peut trou-
ver sa place dans des combinaisons nou-
velles que l’on projetera précisément ,
parce que son parfum n’est pas fort vif.
POIRES, POMMES, PÊCHES, PRUNES,
etc., etc. Tous ces fruits sont fort connus,
et comme il y en a de plusieurs espèces
différentes, il faut toujours préférer celles
qui ont le plus de parfum. Voyez ce que
nous avons dit au sujet de plusieurs de
ces fruits.
POIVRE. Epice peu ou point aromatique;
mais à cause de sa saveur très-piquante ,
on pourrait le faire entrer dans quelques
compositions qui se trouveraient être trop
fades. 11 y a plusieurs sortes de poivre
qui toutes ont à peu près les mêmes pro-
priétés.
POIVRE de la Jamaïque. Petite graine
très-odorante, qui sent tout à la fois, à ce
que l’on s’imagine , la muscade , la cannelle
et le girofle : 011 dit que les Anglais en
font un grand usage. 11 11’y a pas un siècle
I
PO RE 4,5
quelle est connue en France. C’est mal
à propos qu’on l’appelle graine de girofle;
c’est plutôt la graine du bois d’inde appelé
amomi par les Hollandais.
PU ou Phu. Grande valérienne. Plante dont
la racine est fort odorante. On la cultive
aisément dans tous les jardins. Ses feuilles
sont découpées comme celle de la sca-
bicuse 5 rnais elles sont plus douces et plus
lisse. Sa tige est rougeâtre , creuse, tendre;
elle s élève jusqu’à la hauteur de deux
pieus. Ses fleurs tiennent du blanc et du
îouge ; les racines qui seules peuvent nous
servir, sont blanches, de la grosseur d’un
bon doigt , et se terminent en plusieurs
lilamens. Comme l’odeur de cette racine
est un peu singulière , qu’elle déplaît même
à bien des gens, il faut savoir la combiner
avec d’autres odeurs pour faire valoir son
Résines. Suc visqueux et odorant qui dé-
coule de certains arbres. Il y a un très-
giand îiombie d especes de resme; nous
ne parlerons ici que de celles qui sont aro-
matiques.
4 1 4 R e
i°. Résine animée. Elle ressemble , au
premier coup-d’oeil , à l’ambre jaune. On
en trouve de deux sortes dans les bouti-
ques , celle qui vient d’Orient et qui est
fort rare, et celle qui vient de l’Amériqüe ,
beaucoup plus commune.
2°. Résine élcmi. Il y a encore bien
du choix dans cette espèce de résine.
Celle que l’on vend communément chez
les droguistes, et qui ressemble à la poix
de Bourgogne, n’est qu’une espèce de ga-
lipot de nulle valeur. La vraie résine
éleminous est apportée d’Ethiopie en gros
morceaux: longs , enveloppés de feuilles y
elle est blanche, tirant un peu sur le vert,
plutôt molle que dure , d’une odeur agréa-
ble. Au défaut de la résine élemi qui
nous vient d’Ethiopie, on peut faire usage
de celle qui nous est apportée de la nou-
velle Espagne; elle est au moins aussi bonne,
et elles se ressemblent beaucoup.
5Q. Le copal. Résine dure, jaune , et
dont l’odeur approche de celle de l’en-
cens.
zj0. Résine tacamacha. Elle est odo-
rante , rougeâtre, entremêlée de veines
blanches. Elle découle d’un arbre qui res-
R O S À 4i5
semble assez au peuplier ; il croit dans les
Indes occidentales et à Madagascar.
ROSE. Ployez Eau de rose.
ROUCOU. Plante avec laquelle on fait une
pâte qui sent fortement la violette ou l’iris
de Florence 5 on nous l’apporte de Pile de
Cayenne ou on la prépare le mieux. On
écrase la graine rouge qui se trouve dans
le fruit de la plante; on jette cette graine
écrasée dans de l’eau chaude, que l’on re-
mue jusqu a ce quelle se soit chargée de
toute la teinture quelle peut prendre; on
la laisse reposer jusqu’à ce qu’elle ait fait
son dépôt; on verse l’eau par inclinaison,
et on prend ce dépôt pour en former des
petits pains qui servent aux teintures. Ces
pains sont assez semblables à ceux que
1 on prépare en Europe avec la graine du
tournesol. Le roucou pourrait fort bien
servir pour teindre certaines liqueurs en
rouge.
S
Safran. Plante bulbeuse , qui porte au
commencement de l’automne une fleur
couleur gris de lin, dont les étamines sont
416 SA
couleur de flamme. Le bon safran doit
être pliant, difficile à broyer, quelque-
fois entremêlé de filets blancs; celui qui
est rouge brun et d’une odeur mediocie ,
ne vaut rien.
SANTAL, bois odorant L’arbre qui le four-
nit croît dans les Indes; il est de la gran-
deur de nos noyers , ses feuilles sont extrê-
mement vertes , et ressemblent à celles du
lenstisquc. 11 y a trois sortes de bois de
santal , et leur différence se remarque à
leur couleur particulière. 11 y en a ce
blanc, de rouge et de citrin ; ce derniei
est sans contredit le meilleur , parce que
son odeur est sensiblement plus douce et
plus agréable que celle des deux autics;
le bois de santal est cordial et rafraî-
chissant.
SARRIETTE. Petite plante fort aromatique
et qui ne ressemble pas mal au thym. On
en distingue de deux sortes ,1a sai nette do
mestique et la sauvage, toutes deux odo-
r ante s et toutes deux fort bonnes , parce
quelles sont très-communes.
SASSAFRAS, bois odorant produit parmi
fort grand arbre , dont les feuilles ressem-
blent à celles du figuier ; il est commun
dans la Floride, assez rare en Europe , par
conséquent
S A S E 41 7
conséquent cher 3 c’est pour cela que Ion
a coutume de le contrefaire. Le vrai sassa-
fras doit être solide, jaune 3 son écorce
couleur de cendre et très-déliée 3 son odeur
approche assez de celle du fenouil, ainsi
que sa saveur qui doit être âcre et aro-
matique.
SAUGE. Plante aromatique 3 on en distingue
de plusieurs sortes , fort communes et
foi t connues, ainsique leurs propriétés
qui sont à peu près les mêmes. Je con-
seillerais cependant de préférer toujours
la petite espèce à la grande. Les Chinois
estiment beaucoup la sauge; ils donnent
six a sept fois plus de thé dans l'échange
qu’ils en font avec les Hollandais. •
SCIIŒAAjXTE. Jonc aromatique, ou plutôt
c est une espèce de chiendent qui vient en
abondance dans l’Arabie aux environs du
Mont-Liban. Autrefois il était assez rare
en Europe , et alors 011 n’en employ ait que
la tige. Mais depuis qu’il est devenu très-
commun , on n en n’emploie que la fleur,
ïl faut la choisir nouvelle en forme d’épi
comme la lavande, de couleur rousse, de
saveur piquante , et surtout d’une odeur
douce et très-aromatique.
SEliPOLE F Plante aromatique fort connue.
Dd
Le serpolet que I on cultive dans les jar-
dins est plus grand , plus odorant, pins
succulent que le sauvage qui croît en abon-
dance presque partout.
SMIRN1UM , ou Maceron , autrement
gros Persil de Macédoine. Plante dont
toutes les parties sont odorantes ; elle est
fort ressemblante à l’acbe , aussi leurs
propriétés ne sont-elles pas trop difiéi en-
tes ; elles sont toutes deux carminatives.
SPICA-NARDÏ , ou Nard-Indique. Plante
aromatique qui croît dans les Indes. Sa
racine est petite, menue, fort odorante,
partagée en plusieurs brins qui ont la li-
gure d’épi 3 c’est la seule partie de toute la
plante que l’on emploie. Le véritable spic-
nard doit avoir des épis longs, de cou-
leur jaunâtre , tirant sur le pourpre ; les
poils de l’épi doivent être larges et odo-
rans , la saveur un peu amère. Comme le
spic - nard est extrêmement rare , on lui
substitue le nard- celtique , petite plante
qui croît en plusieurs endroits des Alpes,
du Tyrol et de la C.arinthiej elle ne res-
semble point du tout au nard -indique
pour la forme, mais le parfum de sa ra-
cine a beaucoup de rapport avec celui des
Indes, v
s T S U * 4,9
SrtECHAS. Piaule dont les Heurs eu épis
soin fort aromatiques; elle n’est point rare,
parce quelle vient sans culture sur les'
collines arides de la France méridionale.
Elle croit- aussi, sans beaucoup de peine ,
dans tous les jardins. On peut en tirer une
Inule essentielle qui ne le cède en rien à
celle de lavande , et qui peut servir aux
mêmes usages.
STY RAX ) ou Storax. Substance qui dis-
tille d’un arbre qui porte le même nom. H
y a trois sortes de storax : le calamite , le
rouge et le liquide; ces deux derniers sont
assez peu odorans, et je ne conseille i per-
sonne d’en faire usage ; il n’en est pas de
même du storax calamite, ainsi nommé,
parce qu’on l'apportait autrefois dans des
cannes ou roseaux. Pour l’avoir bon , il
faut Je choisir en larmes blanches on de-
dans, et un peu rousses en dehors; d’une
odeur agréable et pénétrante.
SUREAU. Arbre fort connu : ses fleurs sont
Odorantes; le fruit pourrait servir aux tein-
tures , en. fixant sa couleur qui est sujette
a changer en vieillissant.
D(U
T H y A
420
T
ThYM. Petite plante ligneuse : tige, feuil-
les , fleurs , branches , tout est aromatique.
On en tire d’excellente huile essentielle 9
d’un usage très-recommandable.
THYMIAMA. Ecorce d’arbre qu’on nous
apporte des grandes Indes. On dit que
c’est le thus judœorum.
TUBÉPtEUSE. Qui aurait abondamment de
cette fleur, pourrait se flatter d’être en état
de faire des compositions exquises tant en
liqueur qu’en eau de senteur 3 mais comme
cette fleur ne vient bien que sur couche ,
qu’elle est assez difficile à élever , on en
trouve rarement en assez grande quantité
pour essais convenables 3 son esprit rec-
teur est si subtil, que je doute que Ion
puisse le recueillir autrement qu’au moyen
des huiles grasses.
y
Vanille. C’est la gousse d’une plante
assez semblable à nos haricots. Elle croît
dans le Pérou 3 les naturels du pays la
nomme tilxochïlte , et la gousse mcca-
VITE 421
i ochilte. On trouve à Paris une autre sorte
clc vanille plus longue que celle du Pérou,
niais elle n'est ni si odorante ni si bonne ,
aussi est-elle bien moins chère ; elle nous
est apportée des îles de l’Amérique.
VIOLETTE. L’odeur de cette fleur plaît
universellement; c’est dommage qu’il soit
si difficile de pouvoir en tirer parti , au
moins pour les liqueurs à boire. Elle a cela
de commun avec la fleur de jasmin et quel-
ques autres encore très-odorantes , mais
dont l’esprit recteur est si fugace qu’on 11e
saurait le fixer autrement qu’au moyen
des huiles grasses.
X
"AA LO-ALOES. Voyez Bois odorans.
XYLO-BALSAMUM. Ibid.
Y
•
YeBLE. Plante qui ressemble extrêmement
au sui eau , excepte qu elle est beaucoup
plus petite. Leurs feuilles , fleurs, fruits,
propriétés , vertus , sont à peu près les
mêmes.
À22
Z E
ZeDOxMRE. Racine qu’on nous apporte
de l’ile de Ccylan 3 elle a quelque rapport
avec le gingembre , et peut servir dans
les mêmes cas ; elle est longue , pleine
d’un suc âcre , volatil et huileux. On en
trouve une autre presque ronde , appelée
zerumbeth. Je serais fort tenté de croire
. que c’est le haut de la même racine coupée
trans v e r sale m en t .
Il y a beaucoup de plantes , de racines ,
de gommes , de fleurs dont nous 11 avons
point parlé dans ce Dictionnaire , par la
raison qu elles n’ont point une odeur aro-
matique bien décidée, quoiqu absolument
parlant, elles soient assez odorantes pour
faire un bon effet dans de certaines com-
positions : telles sont , par exemple , les
feuilles de noyer , de pêcher , et surtout
de cerisier. Qui croirait que la feuille de
ce dernier arbre dut produire l’effet ad-
mirable que l’on distingue dans le maras-
quin?
Comme ce Dictionnaire est principale-
ment destiné à l’usage des personnes que
nous supposons n’èlre pas fort versées dans
1
Z E 425
l’histoire naturelle, et peut-être dans quel-
ques autres sciences, nous avons écarté
tous les termes trop recherchés, toutes les
expressions scientifiques , pour nous en
tenir aux termes vulgaires, moins exacts à
la vérité , ma>s plus intelligibles pour le
commun des lecteurs.
Pour faire un bon usage des plantes ,
racines , bois, écorces , gommes , etc., aro-
matiques dont nous venons de parler dans
ce catalogue , il serait à souhaiter que
chaque artiste pût s’en former une petite
collection. 11 s’instruirait plus par la seule
inspection de ces drogues et de ces sim-
ples que par les descriptions les mieux
faites , toujours insuffisantes dans la pra-
tique, et de là vient que j’ai passe assez,
légèrement sur chaque article de ce Dic-
tionnaire.
Je n’ai point eu dessein d’approfondir
la matière , je n’ai voulu que l’effleurer ,
et tout au plus qu’indiquer , par une no-
tice succincte , les substances qui pouvaient
faire partie de l’objet qui nous occupe.
C’est en travaillant avec intelligence et
avec un esprit observateur que l’artiste
apprendra à connaître leur nature ainsi que
l’accord qui pourra régner eutr’eux , pour
424 z E
se mettre en état par ce moyen de tenter
des combinaisons nouvelles et savantes.
11 n’y a cpic l’expérience , et encore 1 ex-
périence souvent répétée qui puisse donner
ce talent.
V O C A B U L A I II E,
O ü
EXPLICATIONS des mots et des termes
qui ne sont point d'un usage familier.
-A.FF 1NIT É. Ou entend par ce mot une des
premières lois de la nature , en vertu de
laquelle les corps tendent à s’unir les uns
aux autres , plus ou moins facilement.
ALEXITERE. Ce mot se dit des remèdes
propres à être employés dans les maladies
contagieuses.
ALKALI. Voyez Sel.
ALKOOL. Mot arabe, comme le précédent,
qui signifie réduction en particules insen-
sibles.
0
ALKOOLISE , se dit de l’esprit-de-vin rendu
si subtil par plusieurs distillations qu’il ne
saurait letre davantage.
AN A El SE. Examen détaillé d’une chose que
1 on ne connaissait pas 3 cet examen se fait
en considérant la chose dont il est question
partie par partie , pour en connaître lu
nature avec plus de précision.
VOCABULAIRE.
4 26
ANALOGIE. Rapport , convenance entre
deux ou plusieurs choses.
ANASTOMOSE. Ouverture de deux vais-
seaux , dont elle rend la communication
réciproque.
ANODIN. Terme de médecine qu’on ap-
plique aux remèdes propres à calmer les
douleurs aigues.
APPAREIL , se dit d’un arrangement de
vaisseaux adaptés les uns aux autres , et
placés convenablement pour produire quel*
qu’c (Te t chimique.
APÉRITIF , se dit des remèdes propres à
lever les obstructions , en expulsant les
matières qui les occasionnent, par les voies
excrétoires.
ASSOUPISSANT. On appelle de ce nom les
remèdes propres à provoquer le sommeil.
Voyez Narcotique.
ASTRINGENT. On entend par ce mot les
remèdes convenables pour arrêter le sang
et les évacuations excessives; c’est ce qu ils
font en resserrant le calibre des vais-
seaux.
ATONIE. Privation du mouvement tonique.
Voyez Tonique.
ATRABILAIRE , se dit d’un tempérament
VOCABULAIRE. 427
où la mélancolie ou une bile épaisse do-
mine à l’excès.
§
BAIN. Corps intermédiaire que l’on em-
ploie pour tempérer la trop grande action
du feu. / oyez dans le corps de l’ouvrage
les differentes sortes de bains que l’on peut
employer.
BAIE , du mot latin BàCCA, terme de bota-
nique pour signifier un fruit charnu ,
ferme , et qui renferme des noyaux ou
pépins.
BEC H I QUE , se dit des remèdes propres
a appaiser la toux , en porcurant l’évacua-
tion des matières , épaisses et visqueuses.
Bc LBEL X. Terme de botanique dont on se
sert pour désigner une racine communé-
ment ronde ou oblongue , composée de
plusieurs peaux rangées les unes sur les
autres comme on le voit dans l’oignon.
C^RiJirsi A 1 II .On appelle ainsi les remèdes
pi opi es a dissoudre les matières visqueuses
dans lesquelles les particules d air se trou-
vent embarrassées.
CAL SI 1QLE, se dit de tout ce qui est cor-
1 osil , et produità peuprès les mêmes effets
que le feu.
CEPHALIQUE. Remèdes propres aux ma-
4*8 VOCABULAIRE.
ladies du cerveau. Ce terme s’applique
aussi à tout ce qui a quelque rapport avec
la tète.
COHOBER. Terme de chimie qui signifie
qu’il faut recommencer la distillation , en
reversant la liqueur déjà distillée dans la
cucurbitc , sans là vider, pour en extraire
tout ce qu’il y a de plus spiritueux.
CONCENTRATION. On appelle ainsi l’opé-
ration par laquelle on rapproche les par-
ties intégrantes d’un mixte, en enlevant et
en expulsant les substances interposées ,
qui leur sont absolument étrangères , l’es-
prit-de-vin^ le vinaigre , les acides sulfu-
rique et nitrique, dépouillés de leur flegme
surabondant, sont dans un état de concen-
tration.
CORDIAL , se dit des substances qui ont
la vertu de rétablir le ton d’un cœur ma-
lade , et de le fortifier dans sa faiblesse.
CREPITATION. Terme de physique pour
signifier le bruit que forme un air ren-
fermé et comprimé , lorsqu’il se débande
et qu’il s’échappe avec violence.
CRETACE. Substance qui contient de la
craie, ou qui a quelque rapport avec cette
sorte de terre.
CRISTALLISATION. Opération par la-
VOCABULAIRE. /P9
quelle les parties intégrantes d’un corps ,
séparées les unes des autres par l'interpo-
sition d'un fluide , sont déterminées à se
rejoindre et à former des niasses solides
d’une figure régulière et constante.
DÉCANTER. C’est tirer une liqueur claire
qui s’est séparée et qui nage au-dessus d’un
dépôt ou marc ; celte opération se fait en
penchant le vase, et versant doucement la
liqueur la plus claire dans un autre vase.
DÉi HLEGMER. Séparer chimiquement le
phlegme d’avec les autres principes.
DlGESr ION. Opération chimique qui con-
siste à exposer une substance quelconque,
un corps, un mixte ,aune chaleur modérée
dans des vaisseaux convenables et pendant
un certain teins, pour faciliter leur décom-
position. La macération est une espèce de
digestion; elle en diffère cependant en
ce quelle n’exige pas la chaleur du feu.
DIURETIQUE. Remèdes qui provoquent
1. évacuation de l’urine.
EFFERVESCENCE. Mouvement intestin
excité par l’action de deux corps de na-
ture contraire lorsqu’il se dissolvent réci-
proquement. On a confondu pendant long-
tems l’effervescence avec la fermentation;
aujourd’hui le nom de fermentation est
43 o
VOCABULAIRE.
restreint au mouvement qui s’excite natu-
rellement dans les matières végétales et
animales , et dont il résulte de nouvelles
combinaisons entre leurs principes. Voyez
Fermentation.
/ *
EMETIQUE. On appelle de ce nom tout ce
qui peut provoquer le vomissement.
EMPYREUME. Goût de feu fort désa-
gréable.
ETAMINE. On appelle ainsi les petits fîla-
mens placés au milieu du calice des fleurs,
et qui ont leur sommet chargé d’une pous-
sière très-fine. C’est la jiartie male de la
plante.
A >
FECES et b ECU LE, sédiment qui se forme
lorsqu’on analise les plantes • c’est une
espèce de marc qui se trouve au fond du
vaisseau.
FERMENTATION. Nous en avon? parlé
suffisamment dans le corps même de l’ou-
vrage que l’on peut, consulter. Nous n’en
disons ici deux mots que pour avertir
qu’il ne faut pas confondre la fermenta-
tion avec l’effervescence; celle-ci n’a lieu
qu’entre les mixtes du règne minéral ,
et l’autre entre les mixtes des deux autres
règnes.
FILTRE. Tissu serré qui retient ce qu’il y
VOCABULAIRE. 45,
a Je plus épais dans un liquide , et laisse
échapper ce qu’il y a de plus fluide. Au
moyen de quoi, tout ce qui passe par le
liltre devient pour l’ordinaire très-lim-
pi do.
PULM1NATION. Bruit violent qui éclate
a\ cc force, quelquefois avec flamme ou
umee , occasionné par 1 éruption d’un air
ou d’un feu très-comprimé.
GALENIQUE. Préparations de pharmacie
dans lesquelles on se contente de mêler
des drogues -simples, sans s’embarrasser
d examiner leur nature pour en reconnaître
PIus généralement les propriétés.
GELA 1 EN ETJSE. ( Substance ) Matière sin-
gulière qui contient les premiers rudimens
de l’organisation ; c’est elle qui constitue
presqu’en entier le corps des animaux;
c est elle qui les nourrit, qui les répare et:
qui les reproduit.
LABIÉE. Mot usité en botanique pour dé-
signer le caractère d’uue classe particulière
de plante dont la fleur a le calice en forme
de lèvres.
LIE! ALLE. Autre caractère de fleurs qui
ont le calice figuré comme le lys.
IN I ERMÈDE. Substance moyenne que l’on
choisit pour séparer un corps intimement
/j Z 2 V O C A B U L A I R E.
uui à un autre. Celte opération réussit par
une suite de la loi d’aflinité. La substance
que l’on choisit pour intermède, s attache
immanquablement à l’une des deux subs-
tances réunies que l’on veut séparer, et
oblige l’autre à s’en séparer.
MACERATION. Voyez Digestion.
MIXTE. Terme que nous avons souvent
employé pour désigner un compose quel-
conque. Ce terme parait emprunté de
l’école de Slahl , où l’on se sert du mot
mixtion pour désigner l’union des pre-
miers principes dans les composés les plus
simples.
MUCILAGE. On entend par-là une subs-
tance blanche transparente qui n’a point
ou très -peu de saveur et d’odeur, dont
la consistance est épaisse , Riante , tenace
et collante lorsqu elle est unie à une cer-
taine quantité d’eau surabondante qui se
dissout entièrement par l’eau , et ne donne
•aucun indice, ni d acide , ni dalkali hbic.
NARCOTIQUE. On appelle ainsi toutes les
substances capables de ralentir le mou-
vement des esprits animaux ; par cette rai-
son tous les narcotiques sont assoupissans.
NÉPHRÉTIQUE. Maladie causée par quel-
que pierre ou gravier qui se trouve dans
les
VOCABULAIRE. 433
les reins. La colique dite néphrétique en
est la suite. On donne aussi ce nom aux
médicamens propres à calmer cette dou-
leur.
PISTIL. Partie de la fleur placée au centre
du calice , et pour 1 ordinaire entourée de
ses étamines.
RECTIFICATION , se dit d’une liqueur à
laquelle on enlève un flegme surabondant;
1 esprit-de-vin , les éthers, les huiles , sont
sujets à la rectification.
SÉDIMEA T, se dit des particules les plus
pesantes d une substance réduites en poudre
ou autrement, et que Ton trouve préci-
pitées au fond du vase après quelque tems
de repos.
STOMACHIQUE. Qualification que Ton
donne aux médicamens jugés propres à
soulager Testomac.
SI IGMATE. Terme de botanique ; c’est le
petit bouton ou extrémité supérieure
du pistil placé au centre du calice des
fleurs.
ST\PTIQT E, se dit des drogues et des
remèdes qui ont la vertu de resserrer.
T oyez astringent.
Ee
434 VOCABULAIRE.
SUDORIFIQUE. Médicamens propres à
exciter une abondante transpiration.
TEINTURE. Ce nom se donne en chimie
et en pharmacie à toutes les liqueurs spiri-
tueuses qui se sont chargées de quelque
couleur par la digestion de difïérerites
substances 5 ce sont, a proprement pailei ,
des infusions dans des esprits ardens.
TONIQUE. Mouvement qu’il ne faut pas
confondre avec le mouvement élastique ,
ni avec le mouvement musculaire des libres.
On entend donc par ce mouvement toni-
que, la propriété que les libres ont de se
raccourcir, indépendamment de la disten-
sion , c’est-à-dire , sans avoir été distendus 5
cette propriété se trouve également dans
les parties qui ne sont pas musculaires.
Ce mouvement devient très-sensible dans
les affections de lame un peu vives, dans
la colère, par exemple, où l’action tonique
augmente visiblement 3 au contraire elle
diminue sensiblement dans les affections
soporeuses.
TORRÉFIER- Opération chimique par
laquelle on dessèche fortement une graine,
une racine , un fruit, etc. jusqu’à ce que
> substance devienne friable.
VOCABULAIRE 435
TRITURATION. C’est l’action par laquelle
on broie , et on réduit en particules très-
petites des substances molles, dures com-
pactes ; en un mot , de quelque substance
quelles puissent être.
VISQUEUX. Corps dont les particules sont
le entent adhérentes les unes aux autres ,
qu on ne peut les séparer que très-difficile-
ment, parce quelles laissent toujours après
elles un très-long fil. La glu, par exemple ,
est un corps très-visqueux.
' ' • " 7
^ i “-y y ,
_
TABLE
DES MATIERES.
ÜlVERTISSEMENT. Page I
Principes généraux. 5
Choix et conservations des subs-
tances. g etsuiv.
Del1 eau-de-vie. •
De l’eau.
Du sucre.
De la distillation. 28
De l’infusion. 55
Du mélange. 5^
De la filtration. ^ 2
De la Coloration artificielle des li-
quides. /f9
PRINCIPES PARTICULIERS
OU RECETTES.
Des produits du Raisin non fer-
mente. — Raisiné.
Choix des Fruits pour le Raisiné.
56
59
458 TABLE
Procédé pour la préparation du Raisiné, p.65
Sirop de raisiné. 7^
Sirop de Carottes. 81
Du Chocolat. ^5
Sa préparation. 9^
DES LIQUEURS. 99
Du Café.
101
Du Thé.
106
De la Cannelle.
1 10
Du Citron et de la Citronnelle.
1 15
Du Cédrat.
1 1 7
De la Fleur xTOrange.
1 18
Du Cassis.
120
De l’Anis, Badiane , etc.
122
Du Genièvre.
126
Du Céleri.
129
De l’Angélique.
1 5 1
De l’ Absinthe.
i55
Du Macaroni.
i56
De la Singulière.
i58
De lTIuile de Vénus et des Eaux de
Barbades.
i4o
Elixir de Garus.
i45
Des Ratafias.
44
Observations préliminaires sur ces sortes
de liqueurs.
•y / hL
DES MATIERES. 439
Des Vins par imitation.
Pag. 1 53
Vins de Pêches.
1 54 et ^38
■ — d’ Abricots.
i56 et 23o
— De Cerises.
id. et a35
— De Framboises.
i57
— De groseilles.
i58
d Oranges et de citrons.
id.
Ratafia de Fruits rouges.
i5g et 259
— De Cerises.
' 238
— d’Œillets.
161
— De Cassis.
i63
— De Noix vertes (Brou de noix).
164 et 166
— De Coings.
id.
■ — d’Angélique.
168
• — d’Anis.
170
— De Semences chaudes , appelé vulgai-
renient Eau des sept graines.
171
— Dit Eau de Noyaux.
i?4
— De Genièvre.
176
— De Fleur d’Orange.
id.
— De la Menagcre.
241
— Scubac.
181
— De Cédrats.
184
- — De Grenoble sans feu.
i85
— De Grenoble ou de Teisser.
id.
— De Grenades.
186
— De Pêches.
1S7
— De Groseilles.
' 188
44o TABLE
Ratafia de Framboises.
Pag.
i83
— Rossolis.
id.
— De Roses.
189
— - d’Anis , Huile d’Anis.
*
id.
— Parfait Amour.
190
— Cuirasseau.
id.
— Vespetro.
V)1
— Persicot.
id.
Liqueur suave.
192
Liqueur au bouquet.
Anisette de Bordeaux.
id.
Liqueurs aux quatre fleurs.
194
Des Liqueurs appelées Crèmes
et huiles.
id.
— Crème de myrte.
id.
— De fleur d’orange , au lait
et au vin
de Chain pagne.
195
— De Vanille ou Cordial.
*97
- — d’ Absinthe.
198
— De Moka.
id.
— De Cacao.
*99
— De Laurier.
id.
— Des Barbades.
200
— De Kirchwaser.
id.
— De Menthe.
20 r
. — . Des cinq fruits.
id.
Eau Divine.
202
— Cédrat.
2üj et
2 O/j
— Des quatre Graines.
20 j.
DES MATIERES. 441
Eau d’Œillets. Pag. ^o5
*— De Céleri. 20 6
- — Archiépiscopale, id.
— cl’ Argent. 207
— d’Or. id.
— De Thé. 208
— • De Noyaux de Phalsbourg. id.
— ■ De Malte. 209
— De la Côte. id.
Eau-de-vie dAndaye. 210
Des fruits à l’Eau-de-vie , de la Clarifica-
tion du Sucre et des difïérens degrés
de cuisson.
Pêches à l’eau-de-vie.
Abricots à l’eau-de-vie.
Poires de Rousselet à l’eau-de-vie.
Poires de beurre d’Angleterre à l’eau-
de-vie.
Mirabelles à l’eau-de-vie.
Reine-claude à l’eau-de-vie.
Cerises à l’eau-de-vie.
Orange à l’eau-de-vie.
Noix blanches à l’eau-de-vie.
Cornichons confits au vinaigre.
Haricots verts confits au vinaigre.
o
Des moyens de tirer le parti le plus éco-
nomique de plusieurs Fruits, et prin-
cipalement de lu Cerise.
id.
216
218
220
222
22 3
2 24
225
226
227
228
229
id.
442 TABLE
Des Cerises sèches. Pag. 2"°
Des Confitures de Cerises. 23 1
Marmelade de Cerises sucrée. 252
Marmelade de Cerises sans sucre. id.
De la Compote des Cerises d’hiver. 253
Du Vin de Cerises. 255
Du Vin de Pêches et d’ Abricots. 238
Du Ratafia de la Ménagère. 241
Des Pruneaux. 242
DIVERSES PRÉPARATIONS
DE LA GROSEILLE. 242
Groseilles poudrées ou glacées. 244
Compote cuite de Groseilles. 248
Compotes cuites de Groseilles , de
Fraises et Framboises. 249
De la Gelée de Groseilles. id.
Du Marc des Confitures. 25a
Sirop de Groseilles fait avec la Gelée. 255
Des Confitures épépinées à Bar. 254
Confitures de Groseilles à froid. 255
DES SIROPS. 256
Sirop de Citron.
Sirop Yiolat. 2^8
DES MATIERES. ^3
Sirop de Groseilles. Pag. 25g et 253
Sirop de Vinaigre. 261
— De Verjus. 262
— Sirop de Mûres. id .
— De Coings. 263
De Pommes. 264
— De Capillaire. 265
■ — ■ De Guimauve. 267
— d’Ecorce de Citron. 268
— d’Orgeat. id.
PRINCIPES GENERAUX POUR LA
DISTILLATION DES SUBSTANCES
ODORANTES. 275
De l’Eau-Rose. 2g5
Eau de Fleurs d’Orange. 298
Eaux de toute espèce. 804
Esprit ardent de Roses. 806
Eau de Lavande. 809
Eau de Cologne. 81 1
Eau pour les Dents. 812
Eau de la Reine d’Hongrie. 3i3
Esprit de Cédrats. 3ï4
Eau de Mclisse composée. 3i7
Eau Vulnéraire. 820
Eau Vulnéraire rouge , par infusion. 822
Eau de Miel odorante. id.
44 i TABLE
Eau de Bouquet. Pag. 323
— Sans-Pareille. 32 \
— ■ De Jasmin. id.
— De Girofle. 5 25
— De Violette. id.
— De Souchet. 326
— De Calamus Àromaticus. id.
— Odorante Germanique. 337
— Générale. 329
Du Vinaigre. 332
Distillation du Vinaigre. 356
Eaux odorantes acéteuses , en prenant
pour exemple l’eau de Lavande acé-
teuse. 339
Vinaigre radical, Acide acétique. 341
Des Ethers. 346
Ether sulfurique. 347
— Acétique. id.
Des Huiles essentielles. 549
Huiles essentielles de graines, Baies , se-
mences, etc. , en prenant pour exem-
ple l’huile essentielle de genièvre. 556
Huiles essentielles d’Epices, eu prenant
pour exemple le girofle. 33^
Des Huiles essentielles tirées des écorces
de certains fruits , en prenant pour
exemple celle de citron. 56o
DES MATIERES. 445
Des Huiles essentielles falsifiées , et des
moyens de reconnaître ces falsifica-
tions. 36 a
Huiles essentielles de bois aromatiques ,
en prenant pour exemple le bois de
sassafras. 365
Huiles essentielles de fleurs odorantes,
en prenant pour exemple la rose. 566
Des Huiles odorantes grasses. 568
SUPPLEMENT à l’Art de composer
les Liqueurs de table , et autres objets
d’économie domestique, en forme de
Dictionnaire. 3^5
VOCABULAIRE , ou Explications des
mots et des termes qui ne sont point
d’un usage familier. 4^5
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
m.
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