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Full text of "L'art de composer ... les liqueurs de table, les eaux de senteurs, et autres objets d'économie domestique"

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I 


79^99 


L’ART 

DE  COMPOSER  FACILEMENT 

ET  A PEU  DE  FRAIS, 

LES  LIQUEURS  DE  TABLE, 

LES  EAUX  DE  SENTEURS, 

ET  AUTRES  OBJETS  D’ÉCONOMIE 
DOMESTIQUE, 

Publié  jusqu’ici  sous  le  titre  de  nouvelle 

CHIMIE  DU  GOUT  ET  DE  L’ODORAT; 

NOUVELLE  ÉDITION, 
ornée  de  figures, 

REVUE  ET  ENTIÈREMENT  CHANGÉE, 

• ' 1 * . 

Par  M.  BOUILLON -LAGRANGE. 


DE  l’IMERIMERIE  DE  J.  GRATIO.T. 

A PARIS, 

Chez  Delalain  Fils  , Libraire  , quai  des 
Augustins,  N°.  38. 

$ . 

A N XIV.  — i8o5. 


V! 


* 


AVERTISSEMENT. 


La  Chimie  du  goût  et  de  l’odorat , 
telle  qu’elle  a paru  dans  l’édition  de 
1765 , ne  m’a  jamais  semblé  un  sujet 
assez  important  pour  me  porter  à croire 
qu’il  exigeât  plus  de  soin  et  de  travail 
que  n’en  comporte  un  ouvrage  de  celte 
nature*  je  veux  dire  un  ouvrage  de  pur 
amusement.  Chargé  de  le  revoir,  je 
n’ai  eu  en  vue  que  de  lui  donner  un 
nouveau  degré  de  perfec  tion  3 j’ai  pensé 
que,  travaillé  avec  plus  de  soin,  et  en- 
richi de  toutes  les  augmentations  dont 
il  elait  susceptible , cet  ouvrage  pouvait 
devenir  plus  utile.  Frappé  de  cette  rai- 


2 AVERTISSEMENT, 

son  d’utilité,  entraîné  d’ailleurs  par 
l’exemple  de  plusieurs  sa  va  ns  illustres 
qui  n’ont  pas  dédaigné  de  consacrer 
leur  plume  à la  perlection  des  arts,  j ai 
cru  pouvoir  donner  quelques  momens 
de  loisir  à la  perfection  d un  art  qui 
tient  de  si  près  à la  conservation  de 
la  vie. 


doit  donc  s’attendre  à trouver 


ici  de  grands  clian  genre  ns,,  beaucoup 
d’augmentations,  de  corrections,  de- 


claircissemens,  et  il  le  fallait  j car 


tel 


est  le  sort  des  ouvrages  qui  dépenden 
de  l’expérience , il  y a toujours  a ie- 
toucher,  à corriger  et  à perfectionner. 


J’ai  augmenté  les  recettes  particu- 


AVERTISSEMENT.  3 
Hères  , et  j’ai  multiplié  autant  qu’il  m’a 
été  possible  les  procédés  généraux,  faci- 
lement applicables  aux  opérations  qui 
leur  sont  analogues  ; de  manière  que 
cet  ouvrage  est  devenu  entièrement 
nouveau,  et  l’on  peut  dire  qu’il  ne 
reste  de  l’ancien  que  quelques  recettes, 
encore  y en  a-t-il  bien  peu  où  l’on 

n ait  été  obligé  de  rectifier  quelque 
chose. 

Enfin,  ce  livre  étant  particulière- 
ment des  (me  a celui  qui  vit  à la  cam- 
]3agne,  et  aux  pères  de  famille,  j’ai 
cru  devoir  y réunir  d’utiles  procédés 
disséminés  dans  plusieurs  ouvrages  d’é- 
conomie, et  spécialement  les  extraits 

des  Journaux  d’économie  rurale  et  do- 

A 2 


4 AVERTISSEMENT. 

mestique  y ou  Bibliothèque  des  pro- 
priétaires ruraux , devenus  le  depot  de 
ce  que  M.  Cadet-de-V  aux  publie  sur 
cette  science. 


‘ \ 


i 


L>  A R T 

DE  COMPOSER  FACILEMENT, 
ET  A PEU  DE  FRAIS, 

LES  LIQUEURS  DE  TABLE 

ET  AUTRES  OBJETS 

D’ÉCONOMIE  DOMESTIQUE. 


PRINCIPES  GÉNÉRAUX. 

L’a rt  que  l’on  enseigne  ici  tient  plus  de 
l’amusement  que  du  travail.  Il  exige  cepen- 
dant des  soins,  de  l’application,  du  discer- 
nement.. Sans  être  fort  pénible,  ni  dispen- 
dieux , il  nous  apprend  à être  économes  et 
attentifs  3 mais  aussi  dédommage-t-il  ample- 
ment de  quelques  peines  légères.  A l’aide  des 
principes  , avec  quelques  substances  qui  se 
trouvent  communément  sous  la  main , de 
l’eau-de-vie,  du  sucre,  on  va  produire  des 
combinaisons  nouvelles  et  très-agréables. 

Comme  la  bonté  des  liqueurs  dépend , en 
grande  partie , des  substances  aromatiques  que 
l’on  emploie , l’artiste  serait  inexcusable  s’il 
négligeait  les  connaissances  nécessaires  pour 


6 


l'art  de  composer 

le  guider,  non-seulement  dans  le  choix  qu’il 
doit  en  faire , mais  encore  dans  les  moyens 
qu’il  doit  employer,  tant  pour  les  recueillir 
que  pour  les  conserver. 

Les  simples , soit  plantes,  racines  ou  fruits , 
sont  toujours  meilleurs  lorsqu’ils  croissent 
dans  une  distance  convenable  : alors , ils  ne 
végètent  point  aux  dépens  les  uns  des  autres; 
leur  nourriture  est  plus  abondamment  répar- 
tie; par  conséquent  ils  doivent  avoir  plus  de 
vigueur  et  de  vertu. 

On  donnera  toujours  la  préférence  aux  sim- 
ples qui  ont  plus  d’odeur,  de  saveur  et  de 
couleur,  lorsque  naturellement  ils  doivent 
avoir  ces  qualités,  comme  le  safran,  le  ge- 
nièvre, tons  les  fruits  rouges. 

Toutes  les  saisons , toutes  les  heures  du  jour 
ne  sont  point  également  propres  pour  recueil- 
lir les  plantes,  les  fleurs,  les  fruits  aroma- 
tiques. On  ne  doit  faire  cette  récolte  qu’apres 
le  soleil  levé , et  lorsqu’il  aura  dissipé  par  son 
ardeur  la  rosée  et  l’humidité  surabondante 
qui  couvre  les  plantes;  jamais  par  un  tems 
nébuleux  , et  encore  moins  pendant  la  pluie  , 
ou  même  immédiatement  après. 

Il  faut  aussi  attendre  pour  recueillir  les 
plantes  , quelles  aient  acquis  une  maturité 
parfaite  ; elles  sont  alors  dans  leur  plus  grande 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  7 

vigueur,  c’est-à-dire,  remplies  de  principes. 
O11  reconnaît  cet  âge  quand  les  fleurs  com- 
mencent à s’épanouir  3 de  meme  les  fruits 
doivent  être  parfaitement  mûrs  , surtout 
lorsqu’on  a dessein  de  leur  faire  subir  la  fer-, 
mentation  vineuse. 

La  récolte  des  racines  11e  doit  se  faire  que 
lorsqu’elles  sont  sans  tige , c’est-à-dire  , au 
printems  ou  en  automne 3 dans  toute  autre 
saison , elles  sont  ligneuses , et  de  mauvaise 
qualité , parce  qu’alors  la  sève  qui  monte, 
pour  nourrir  la  tige,  appauvrit  la  racine. 

11  faudra,  autant  qu’il  sera  possible , choi- 
sir les  racines  entières , vigoureuses , bien 
nourries,  sans cependantl’être  trop,  de  crainte 
qu’elles  ne  soient  plus  remplies  de  phlegme 
que  d’huile. 

Bien  des  gens  se  trompent  dans  la  cueillette 
des  fleurs.  On  s’imagine  qu’elles  deviennent 
plus  odorantes  à mesure  qu’elles  s’épanouis- 
sent davantage  : l’expérience  m’a  appris  tout 
le  contraire.  Elles  perdent  alors  plus  de  la  moi- 
tié de  leurs  vertus  3 elles  en  ont  encore  moins 
lorsqu’elles  se  détachent  elles-mêmes  de  leur 
calice.  Le  vrai  tems  de  cueillir  les  fleurs  est 
donc  lorsqu’elles  commencent  à s’épanouir. 

L’analyse  m’a  encore  appris  que  le  principe 
odorant  de  beaucoup  de  fleurs  réside,  non 


S l’art  de  composer 

dans  les  pétales,  mais  dans  le  calice.  Telles 
sont  toutes  les  plantes  labiées  , comme  le  ro- 
marin, la  sauge , etc.  Le  peu  d’odeur  qu  ont 
les  pétales  de  ces  fleurs  ne  leur  vient  que  par 
communication , souvent  même  elles  n’en  ont 
point  du  tout.  Pour  vous  en  convaincre , lai- 
tes sécher  de  ces  sortes  de  pétales  séparés  de 
leur  calice  ; après  leur  dessiccation , à peine 
sentirez-vous  une  légère  odeur;  soumettez- 
les  ensuite  à la  distillation  avec  de  l’eau  com- 
mune, le  produit  ne  sera  que  très-peu  odo- 
rant. Faites  la  même  expérience  sur  les  calices 
seuls,  la  distillation  vous  donnera  une  eau 
très  - aromatique  , beaucoup  plus  chargée 
d’huile  volatile. 

Au  contraire,  il  y a des  plantes  dont  les 
fleurs  n’ont  point  de  calice  , et  qui  sont  ce- 
pendant très-odorantes.  Telles  sont  toutes  les 
liliacées,  comme  la  tubéreuse,  la  jacinthe,  le 
narcisse  , etc.  11  ne  faut  pas  attendre  que  ces 
fleurs  aient  commencé  è s’épanouir  pour  les 
employer;  il  faut  saisir  le  moment  qui  pré- 
cède l’épanouissement.  C’est  alors  qu  elles  ont 
plus  de  vertu,  et  quelles  fournissent  le  plus 
d’odeur,  soit  par  la  distillation  ou  autrement; 
on  en  tire  même  bien  peu , ou  même  point 
du  tout  par  la  distillation  , à cause  de  leur 
volatilité , et  jamais  d’huile  essentielle.  11  est 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  9 
bon  de  remarquer  aussi  qu’aucune  des  fleurs 
de  la  classe  des  liliacées  ne  conserve  son  odeur 
après  la  dessiccation  5 il  en  est  de  même  des 
roses  pâles  et  des  roses  muscades,  qui  ont 
beaucoup  d’odeur  étant  fraîches,  et  peu,  ou 
point  du  tout,  après  avoir  été  desséchées. 
Les  roses  rouges,  appelées  roses  de  Provins, 
sont  différentes  5 elles  out  très -peu  d odeur 
étant  fraîches,  et  elles  en  acquièrent  consi- 
dérablement , elles  la  conservent  meme  très- 
long-tems lorsqu’on  les  a fait  sécher,  et  sur- 
tout si  on  a soin  de  les  cueillir  avant  leur  en- 
tier épanouissement. 

Les  violettes  de  jardin  , que  l’on  nomme 
de  mars,  sont  infiniment  plus  odorantes  que 
celles  de  campagne  ou  de  bois,  leur  couleur 
est  plus  foncée  ; elles  sont  préférables  en 
tout,  il  faudra  les  cueillir  dans  un  tems  se- 
rein, bien  sec,  lorsqu’elles  seront  bien  épa- 
nouies , et  avant  qu’elles  11e  soient  décolorées 
et  desséchées. 

11  y a des  plantes  qui  produisent  des  fleurs 
d’une  petitesse  extrême,  et  qu’il  serait  diffi- 
cile de  recueillir  séparément.  Dans  ce  cas,  on 
cueille  la  plante  presque  entière  lorsqu'elle 
est  bien  fleurie,  ou  du  moins  une  partie  de 
la  tige  à laquelle  les  fleurs  sont  adhérentes. 
C’est  ce  que  l’on  nomme  sommités  fleuries. 


IO 


l’art  de  composer 
1 elles  sont  l'absinthe  , l’hysope  , la  marjo- 
laine , l’origan , la  sauge  , le  thym  , etc. 

Toutes  les  semences  ne  sont  point  égale- 
ment bonnes  pour  l’objet  que  nous  nous  pro- 
posons ; elles  sont  communément  formées  de 
deux  lobes  qui  renferment  le  germe  , et  d'une 
écorce  qui  enveloppe  le  tout. 

Ces  lobes  ont  des  qualités  différentes  rela- 
tivement à l’espèce  qui  les  produit;  les  uns 
renferment  un  suc  huileux  et  mucilagincux 
en  même  tems  : telles  sont  les  amandes , les 
graines  de  melon,  de  citrouille,  etc. 

Les  autres  fournissent  une  substance  muci- 
lagineuse  très-desséchée,  qui  ne  donne  abso- 
lument rien  par  expression,  et  que  l’on  ob- 
tient en  poudre  ou  farine  par  la  trituration  : 
telles  sont  les  fèves , les  pois,  et  généralement 
tous  les  grains. 

Enfin,  l’on  connaît  des  semences  dont  à 
peine  on  aperçoit  les  lobes,  et  dont  l’inté- 
rieur paraît  aussi  dur,  aussi  ligneux  que  l’ex- 
térieur : telles  sont  la  coriandre  , le  semen- 
contra,  etc. 

On  peut  donc  ranger  les  semences  sous  trois 
espèces:  les  huileuses,  les  farineuses  et  les 
sèches.  Les  semences  farineuses  11e  nous  peu- 
vent être  d’aucune  utilité,  «à  moins  que  l’on 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  II 

ne  se  propose  d’en  extraire  de  l’eau-de-vie  au 
moyen  de  la  fermentation,  foutes  les  hui- 
leuses , et  même  les  sèches  ne  sont  pas  éga- 
lement avantageuses.  On  ne  doit  employer 
que  celles  qui  sont  fort  abondantes  en  huile 
essentielle  ou  volatile. 

Pour  recueillir  les  semences , il  faut  atten- 
dre qu’elles  soient  parfaitement  mûres  ; on 
choisit  dans  chaque  espèce  celles  qui  sont 
grosses,  bien  nourries,  bien  pleines,  bien  en- 
tières , d’une  odeur  forte,  et  d’une  saveur 
pénétrante. 

Quand  on  emploiera  les  fruits  , il  faudra 
les  choisir  nouvellement  cueillis  , bien  mûrs  , 
bien  sains,  d’un  goût,  d’une  couleur  et  d’une 
odeur  qui  annoncent  qu’ils  n’ont  encore  rien 
perdu  de  leur  qualité. 

Les  bois  résineux  et  aromatiques  doivent 
être  choisis  pesans , sans  aubier,  se  précipi- 
tant au  fond  de  î’eau  : ils  doivent  être  pris  dn 
tronc  des  arbres  de  moyen  âge  : celui  des 
branches  n’est  jamais  si  bon. 

Comme  on  peut  n’avoir  pas  toujours  l’oc- 
casion d’employer  les  substances  aromatiques, 
lorsqu’elles  sont  encore  toutes  récentes,  il  est 
fort  avantageux  de  savoir  les  conserver  avec 
toutes  leurs  qualités , pour  y avoir  recours 
dans  le  besoin. 


Le  moyen  le  plus  sûr  pour  bien  conserver 
les  plantes , est  sans  contredit  la  dessiccation; 
mais  pour  réussir , toutes  les  méthodes  ne  sont 
pas  également  bonnes. 

Après  avoir  bien  mondé  les  plantes  que 
vous  avez  dessein  de  conserver,  vous  les  ex- 
poserez au  soleil  , étendues  sur  des  toiles 
élevées  de  terre,  afin  que  l’air  puisse  circuler 
librement  autour.  On  aura  soin  de  n’en  point 
faire  les  couches  trop  épaisses,  de  crainte  que 
l’humidité  ne  puisse  pas  s’en  séparer  facile- 
ment, ce  qui  ferait  jaunir  les  plantes.  On  les 
remuera  plusieurs  fois  le  jour,  pour  présentei 
successivement  et  souvent  leur  surface  au  so- 
leil , ce  qui  accélère  beaucoup  le  dessèche- 
ment. On  les  mettra  tous  les  soirs  à couvert , 
pour  les  préserver  de  l’humidité  de  la  nuit. 
Les  plantes  aromatiques  demandent  à ctre  sé- 
chées le  plus  promptement  qu’il  est  possible  ; 
cependant,  pour  produire  cet  effet , il  ne  faut 
pas  employer  un  degré  de  chaleur  trop  vio- 
lent , de  peur  de  dissiper  le  principe  odorant 
et  très-volatil  qu’elles  contiennent.  Préparées 
suivant  la  méthode  qu’on  vient  de  prescrire , 
elles  deviennent  fragiles,  cassantes  ; leurs  cou- 
leurs sont  vives;  elles  paraissent  à la  vérité 
avoir  perdu  beaucoup  de  leur  odeur  immé- 
diatement après  l’exsiccation , mais  quelques 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l5 
jours  après  elles  se  ramollissent  et  acquièrent 
considérablement  de  parfum. 

Il  y a des  plantes  et  des  fleurs  d’une  si  grande 
délicatesse  qu’elles  perdent  beaucoup  de  leurs 
qualités,  lorsqu’on fes  fait  sécher  à l’air  libre. 
Pour  remédier  à cet  inconvénient , on  les  dis- 
tribuera par  petits  paquets  , on  les  envelop- 
pera de  papier , et  on  les  exposera  au  soleil 
dans  cet  état. 

Vos  plantes  étant  bien  desséchées , vous  les 
renfermerez  dans  des  sacs  de  papier,  que  vous 
arrangerez  proprement  dans  des  boîtes  de 
carton. 

11  ne  faut  pas  choisir  les  fruits  que  l’on  a 
dessein  de  conserver  pendant  quelque  tems  , 
lorsqu’ils  ont  atteint  le  degré  de  parfaite  matu- 
rité 5 il  vaut  mieux  les  prendre  un  peu  verts  , 
c’est-à-dire , lorsqu’ils  sont  bien  près  d’ètre 
mûrs.  On  les  enveloppera  dans  du  coton  re- 
couvert de  papier,  et  on  les  arrangera  dans 
un  lieu  qui  ne  soit  ni  trop  humide , ni  trop 
sec.  On  conçoit  bien  que  je  n’entends  par- 
ler ici  d’aucun  fruit  rouge  , ou  d’une  nature 
approchante  , comme  les  abricots  , les  pê- 
ches etc. 

Les  baies  et  les  semences  sèches  seront  rem- 
fermées  dans  des  boîtes  garnies  de  papier.  Les 
unes  et  les  autres  perdent  beaucoup  de  leur 


4 l’art  de  composer 

qualité  en  vieillissant  ; on  s’aperçoit  qu’elles 
dépérissent  lorsqu’en  les  secouant,  elles  jètent 
de  la  poussière. 

Les  bois,  les  racines,  les  écorces  demandent 
à être  séchés  promptement , a cause  de  l’hu- 
midité dont  iis  sont  toujours  fort  chargés.  Il 
y a plusieurs  racines  qui,  quoique  parfaite- 
ment desséchées , attirent  puissamment  l’hu- 
midité 3 elles  sont  sujettes  à s’amollir,  et  peu 
après  elles  moisissent.  11  faudra  donedetems 
en  teins  les  exposer  à l’air  , et  les  dessécher 
encore  3 ce  qui  donne  occasion  à certains  in- 
sectes de  les  piquer  et  d’y  déposer  leurs  œufs  3 
ces  œufs  venant  à éclore,  les  jeunes  insectes 
se  nourrissent  de  tout  ce  que  la  plante  con- 
tient de  ligneux  : ces  racines  paraissent  alors 
toutes  vermoulues.  Bien  des  gens  s’imaginent 
qu’elles  ont  perdu  de  leurs  qualités,  cepen- 
dant il  n’en  est  rien  , parce  que  les  insectes  . 
dans  leur  ravage,  11e  s’emparent  que  de  la 
partie  inutile  de  la  racine  3 ils  ne  touchent  point 
aux  résines  dans  lesquelles  seules  consiste 
toute  sa  vertu.  Il  faudra  donc  bien  se  donner 
de  garde  de  rejeter  les  racines  vermoulues, 
puisqu’elles  ne  perdent  par  cet  accident  que 
les  parties  qui  n’ont  aucun  principe. 

Il  serait  à souhaiter  que  l’artiste  eut  assez 
de  connaissances  pour  11e  pas  se  laisser  trom- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  *5 

per  dans  l’achat  de  certaines  substances  aro- 
matiques sujettes  à être  falsifiées  , parce 
qu’elles  sont  quelquefois  fort  chères.  Il  est 
donc  de  la  plus  grande  importance  pour  lui 
d’en  savoir  faire  le  discernement.  Nous  allons 
lui  communiquer  ce  que  l’expérience  nous  a 
appris  à ce  sujet. 

Rien  de  plus  facile  à contrefaire  que  les 
huiles  essentielles  ou  volatiles.  Comme  elles 
sont  très-odorantes,  il  en  faut  une  très-pe- 
tite quantité  pour  parfumer  beaucoup  d’autre 
huile  , pourvu  que  celle-ci  n’ait  point  d’odeur 
particulière  bien  sensible  ; aussi  les  falsifica- 
teurs ne  se  servent -ils  guère  que  d’huile  de 
Ben  ou  Behen,  très -propre  à pallier  facile- 
ment leur  fraude,  parce  qu’elle  est  blanche, 
limpide,  sans  saveur  et  sans  odeur.  On  y 
ajoute  une  petite  dose  de  véritable  huile  es- 
sentielle; celle-ci  se  mêle  intimement  à l’autre, 
elle  la  rend  très  - odorante  ; et  à moins  que 
d’en  faire  l'épreuve , il  est  impossible  de  s’aper- 
cevoir de  la  fraude.  Cette  épreuve  n’est  point 
difficile.  Versez  de  bon  esprit-de-vin  sur  une 
petite  portion  d’huile  essentielle  dont  vous 
soupçonnez  la  pureté;  si  elle  n’a  point  été 
sophistiquée  , l’esprit-de-vin  la  dissoudra  en 
entier  ; s’il  s’y  trouve  un  mélange  d’huile 
grasse,  celle-ci  se  précipitera  au  fond  du  vase. 


i6  l’art  de  composer 

On  falsifie  encore  les  huiles  essentielles  par 
une  addition  d’esprit-de-vin.  Pour  découvrir 
cette  fraude,  il  sufiit  de  verser  un  peu  d’eau 
commune  sur  l’huile  que  l’on  soupçonne  3 si 
elle  est  mélangée  , sur-le-champ  elle  devien- 
dra laiteuse , parce  que  l’esprit-de-vin  quitte 
l’huile  essentielle  pour  s’unir  à cette  même 
eau,  et  laisse  l’huile  très-divisée , suspendue  , 
mais  non  dissoute.  Cette  couleur  laiteuse  11’a 
point  lieu  lorsque  l’huile  essentielle  ne  contient 
pas  d’esprit-de-vin  3 elle  se  divise  à la  vérité 
en  globules  fort  petits  lorsqu’on  agite  l’eau 
violemment , le  mélange  devient  meme  un 
peu  blanchâtre , mais  les  globules  ne  tardent 
pas  à se  réunir  3 il  ne  faut  qu’un  instant  de 
tranquillité  pour  les  voir  former  des  masses 
qui  surnagent  le  liquide,  ou  se  précipitent  au 
fond  relativement  à leur  pesanteur  spécifique. 

11  y a des  falsificateurs  qui  s’y  prennent 
plus  adroitement  encore  pour  cacher  leur 
fraude,  ils  mêlent  de  l’huile  de  térébenthine 
parmi  les  plantes  ou  fleurs  dont  ils  ont  des- 
sein d’extraire  l’huile  essentielle , et  distillent 
ce  mélange  en  même  teins , au  moyen  de 
quoi  ils  obtiennent  une  bien  plus  grande 
quantité  d’huile  essentielle  , mais  aussi  d’une 
qualité  fort  inférieure  à la  véritable.  On  dé- 
couvre cette  friponnerie  en  trempant  un  linge 

dans 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  etc.  17 
dans  l’huile  que  l’on  soupçonne  , et  en  l’ap- 
prochant de  la  chaleur  d’un  feu  modéré;  dans 
l’instant  tout  le  parfum  s’évapore  , et  il  ne 
reste  que  l’odeur  de  térébenthine.  Les  essen- 
ces de  cédra , de  bergamotte , de  citron  , de 
fleurs  d’orange , les  huiles  essentielles  de  rose, 
de  lavande , etc. , sont  fort  sujettes  à être  fal- 
sifiées. 

On  contrefait  aussi  l’huile  de  canelle , mais 
c’est  moins  une  falsification  proprement  dite, 
qu  une  simple  substitution.  Le  cassia-lignea 
fournit  une  huile  essentielle  qui  a beaucoup 
de  rapport  avec  l’huile  de  canelle  , et  rien 
n est  plus  difficile  que  de  remarquer  la  diffé- 
rence de  ces  deux  huiles  , à moins  que  l’on 
ne  soit  pourvu  d’huile  de  canelle  parfaite  , 
pour  servir  de  terme  de  comparaison. 

Le  poivre  de  la  Jamaïque  distillé  fournit 
une  huile  qui  ressemble  beaucoup  à celle  du 
girofle , et  qu’on  lui  substitue  par  cette  rai- 
son. Je  11e  connais  point  d’autre  moyen  pour 
se  garantir  de  cette  fraude  que  celui  que  je 
viens  d’indiquer  au  sujet  de  l’huile  de  canelle  ; 
c’est  d’avoir  de  la  bonne  et  véritable  huile  de 
girofle  pour  servir  de  terme  de  comparaison, 
car  celle-ci  est  toujours  moins  haute  en  cou- 
leur , et  son  odeur  est  beaucoup  plus  péné- 
trante et  plus  aromatique. 


B 


iS  l’art  de  composer 

Outre  celle  substitution  on  falsifie  encore 
f huile  de  girofle , en  la  mêlant  avec  de  l’huile 
d’olive  ou  de  lin.  On  s’aperçoit  du  mélange 
quand  on  place  la  bouteille  dans  une  cave 
bien  fraîche  ; alors  l’huile  de  girofle  ne  man- 
que pas  de  se  séparer  et  de  se  précipiter  3 ou 
bien  on  peut  faire  l’épreuve  à l’esprit-de-vin , 
comme  nous  l’avons  dit  plus  haut , en  parlant 
des  autres  huiles  essentielles  : l’esprit-de-vin 
dissoudra  la  véritable  huile  de  girofle , tandis 
que  toute  autre  huile  se  manifestera  en  surna- 
geant sous  la  forme  de  petits  globules. 

L’huile  de  romarin  a beaucoup  de  ressem- 
blance avec  l’huile  de  lavande  , et  se  vend  à 
bien  meilleur  compte  ; ainsi  on  les  mêle  sou- 
vent. Vous  reconnaîtrez  la  fraude  par  une 
simple  comparaison  de  l’une  avec  l'autre. 
L’huile  de  romarin  est  beaucoup  plus  grasse, 
plus  onctueuse  que  l’huile  de  lavande  5 la  sa- 
veur de  la  première  est  aussi  beaucoup  plus 
amère. 

On  peut  être  trompé  de  deux  façons  dans 
l’achat  de  la  canelle  5 par  une  substitution  et 
par  une  altération.  Dans  le  premier  cas , on 
vend  le  cassia-lignea  pour  la  canelle  même. 
Nous  indiquerons  par  la  suite  la  différence 
de  ces  deux  écorces.  Dans  le  second  cas  , on 
vend  la  canelle  après  avoir  été  distillée.  Dans 


LES  LIQUEURS  RE  TABLE,  etc.  19 

cet  état  elle  conserve  encore  un  peu  de  par- 
fum, mais  elle' est  dépouillée  de  la  plus  grande 
partie  de  son  huile  essentielle , il  ne  lui  reste 
qu’une  saveur  très -piquante  et  même  assez 
désagréable  ; la  fraude  par  conséquent  est  très- 
facile  à découvrir  : il  en  est  à peu  près  de 
même  des  clous  de  girofle. 

Le  safran  est  souvent  falsifié  avec  de  l’huile 
qui  en  augmente  le  poids  et  en  altère  le  par- 
lum  3 outre  cela  on  a coutume  d’exprimer 
l’huile  du  safran,  on  le  forme  en  gâteau,  et 
on  le  vend  sous  cette  forme.  On  prend  en- 
core du  safran  bâtard  que  l’on  nomme  aussi 
fleurs  de  carthame  5 on  le  réduit  en  poudre 
et  on  le  mêle  avec  le  safran  véritable , ou  bien 
on  mêle  un  peu  de  poudre  de  celui  - ci  avec 
beaucoup  de  safran  bâtard  , ou  bien  enfin  on 
vend  le  safran  bâtard  pur , mais  entièrement 
déguisé  sous  la  forme  de  poudre.  La  falsifi- 
cation et  la  substitution  sont  également  faciles- 
à reconnaître.  L’odeur  du  safran  bâtard  est 
moins  forte  et  très-différente  de  celle  du  safran 
gatinois  ÿ de  plus , le  safran  bâtard  ne  donne 
qu’une  faible  teinture  à l’eau  dans  laquelle  on 
l’infuse  , en  comparaison  de  celle  que  donne 
le  vrai  safran. 

Depuis  qu’on  a transplanté  le  café  dans  nos 
colonies , il  est  devenu  très-commun  ; c’est 

B 2 


20 


l’art  de  composer 

une  raison  de  plus  pour  qu’il  soit  assez  diffi- 
cile de  se  procurer  du  véritable  café  d’Arabie , 
le  seul  qui  réunit  toutes  les  bonnes  qualités 
dans  un  degré  supérieur.  On  peut  bien  dire 
qu’il  règne  dans  les  calés  une  différence  égale 
à celle  qui  règne  dans  les  vins.  Chaque  climat, 
chaque  pays , chaque  territoire , chaque  can- 
ton produit  un  vin  particulier  qui  ne  ressem- 
ble à aucun  autre.  11  en  est  de  meme  des 
cafés  3 mais  aucun  n’est  comparable  a celui  du 
royaume  d’Hyemen , communément  appelé 
Café  Moka.  11  est  assez  rare  maintenant  d’en 
trouver  de  cette  espèce  parfaitement  pur  3 on 
ne  le  trouve  que  fort  mélangé , ou  même 
substitué  par  le  café  de  l’île  Bourbon  , qui 
effectivement  en  approche  un  peu  lorsqu’il 
est  fort  vieux , mais  qui  ne  le  vaut  cependant 
pas. 

Le  véritable  café  Moka  est  d’une  grosseur 
moyenne , de  couleur  jaune  pâle  , tirant 
quelquefois  sur  un  vert  extrêmement  tendre. 
Lorsqu’il  a été  torrifié , il  répand  un  parfum 
admirable  , et  sa  teinture  est  d’une  saveur 
aromatique  , dont  aucun  autre  café  n’ap- 
proche. 

Le  café  Bourbon  est  plus  petit , sa  couleur 
est  d’un  jaune  bleuâtre  3 lorsqu’il  est  fort 
vieux  il  jaunit  un  peu  plus,  mais  il  conserve 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  1t 
toujours  pour  l’ordinaire  sa  teinte  bleue. 

On  reconnaît  aisément  les  autres  cafés 
qui  sont  moins  bons  , soit  à la  grosseur  de 
leur  grain  , soit  à leur  couleur , soit  à leur 
saveur. 

Pour  falsifier  les  gommes  simples  et  les 
gommes-résines,  on  les  fait  fondre 5 et  avant 
que  de  les  réduire  de  nouveau  en  leur  con- 
sistance naturelle,  on  y mêle  plusieurs  subs- 
tances qui  ont  quelque  affinité  avec  leurs  qua- 
lités spécifiques.  Pour  mieux  déguiser  la  su- 
percherie , on  mêle  souvent  beaucoup  d’im- 
puretés et  de  corps  étrangers  , de  l’espèce  de 
ceux  qui  se  trouvent  ordinairement  dans  les 
vraies  gommes  , au  moyen  de  quoi  le  poids 
s’en  trouve  considérablement  augmenté.  On 
ne  saurait  découvrir  une  fraude  pareille  qu’en 
comparant  ce  que  l’on  veut  acheter  avec  des 
échantillons  dont  on  soit  sûr  5 et  lorsque  les 
impuretés  paraissent  en  très-grande  quantité, 
il  faut  dissoudre  les  gommes  que  l’on  soup- 
çonne dans  des  menstrues  convenables,  et  les 
filtrer  ensuite  5 de  cette  manière  on  pourra 
connaître  au  juste  la  quantité  proportionnelle 
de  ces  impuretés. 

Les  baumes  aromatiques,  les  racines,  les 
semences  , les  bois  , surtout  ceux  qui  sont 
fort  chers  , et  qui  nous  viennent  des  Indes , 


sont  tous  sujets  aux  falsifications  \ et  quoique 
ces  différentes  substances  soient  très-faciles  à 
distinguer  les  unes  des  autres , quand  elles 
sont  pures  et  sans  altération , il  n’en  est  pas 
de  meme  lorsqu’elles  sont  sophistiquées  ; il 
faut  s’en  rapporter  sur  cela  aux  caractères 
spécifiques  qui  leur  sont  propres  -,  à la  cou- 
leur , à l’odeur,  à la  pesanteur  , etc.  11  serait 
donc  à souhaiter  que  l’artiste  eût  toujours  un 
échantillon  de  chaque  substance  aromatique, 
dont  l’extrême  pureté  lui  fut  connue  , pour 
en  faire  la  comparaison  avec  celles  qu  il  a 
dessein  d’acheter. 

Le  choix  des  substances  aromatiques  sur 
lesquelles  on  a dessein  de  travailler  étant  fait, 
il  s’agit  d’en  extraire  par  une  forte  teinture 
tout  ce  quelles  contiennent  de  plus  aroma- 
tique. On  est  obligé  pour  cela  de  les  faire 
macérer  dans  une  menstrue  convenable  , qui 
ne  peut  être  que  l’csprit-de-vin  , ou  l’eau- 
de-vie. 

De  V Eau- de-vie. 

L’eau-de-vie  est  un  produit  de  la  distilla- 
tion du  vin. 

A cet  effet,  on  prend  du  vin  rouge  géné- 
reux , on  le  met  dans  la  cucurbite  d’un  alam- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ClC.  35 

Lie,  onia  recouvre  de  son  chapiteau , on  y 
adapte  son  serpentin  et  à ce  dernier  un  réci- 
pient ÿ ou  lutte  avec  des  Landes  de  papier 
enduites  de  colle  d’amidon  , et  l’on  procède 
à la  distillation  , par  une  chaleur  modérée  , 
pour  obtenir  la  liqueur  spiritueuse  qui  porte 
le  nom  d’eau-de-vie. 

Si  l’on  met  celte  liqueur  dans  le  bain-marie 
d’un  alambic  et  qu’on  le  place  dans  sa  cucur- 
bite,  en  procédant  à la  distillation  afin  d’ob- 
tenir un  produit  égal  à la  moitié  de  l’eau-de- 
vie  employée,  on  aura  pour  produit  une 
eau-de-vie  très-forte , que  l’on  désigne  dans 
le  commerce  par  le  nom  d’esprit-de-vin  , et 
que  les  chimistes  appellent  alcool. 

Comme  l’eau-dc-vie  est  destinée  à être  la 
base  des  liqueurs  potables  , il  est  essentiel 
qu’elle  soit  privée  de  toute  âcreté  étrangère  , 
d’odeur  empyreumatique , et  autant  qu’il  est 
possible  de  couleur,  ce  qui  paraîtra  incom- 
patible avec  une  autre  qualité  qu’on  désire 
dans  les  eaux-de-vie , celle  d’être  vieille  ; mais 
on  les  conserve  sans  couleur  pendant  plu- 
sieurs années,  en  les  tenant  dans  de  vastes 
bouteilles  de  verre , qui  contiennent  l’une 
portant  l’autre  , trente  pintes. 

Indépendamment  des  bonnes  qualités  pour 
constituer  de  bonne  eau-de-vie,  il  est  encore 


M l’art  DE  COMPOSER 

essentiel  de  choisir  celles  que  l’on  prépare 
avec  des  vins  de  meilleure  qualité.  Les  vins 
du  Roussillon  , du  Languedoc  et  autres  sem- 
blables , fournissent  à la  bouillerie  une  plus 
grande  quantité  d’eau-de-vie  et  d’eau-de-vie 
plus  forte;  mais  les  vins  de  ces  contrées  étant 
très-visqueux  et  abondans  en  substance  ex- 
tractive , ces  eaux-de-vie  portent  essentielle- 
ment une  acreté  que  n’ont  pas  les  eaux-de- 
vie  du  Limousin , de  la  Saintonge  et  du  pays 
d Aunis  ; c’est  donc  ces  dernières  auxquelles 
on  donne  la  préférence  pour  fai  re  des  liqueurs, 
parce  qu’a  mérite  égal,  elles  sont  plus  suaves. 

Mais  un  autre  choix  aussi  essentiel  , c’est 
celui  qui  est  relatif  à la  force  des  eaux-de-vie 
qu’on  veut  employer.  Choisira-t-on  l’eau-de- 
vie  la  plus  forte  , pour  la  remettre  artificiel- 
lement au  titre  de  l’eau-de-vie  ordinaire , ou 
faut-il  se  procurer  cette  eau-de-vie  telle  qu’elle 
est  livrée  par  le  fabricant  sous  le  titre  d’eau- 
de  -vie  simple  ? La  question  sera  aisée  à ré- 
soudre , lorsqu’on  fera  attention  que  l’eau  que 
l’on  est  obligé  d’ajouter  à l’eau-de-vie  forte 
ou  double,  pour  en  faire  de  l’eau-de-vie 
simple  , 11e  peut  jamais  et  dans  aucun  cas  , 
ni  être  comparée  au  phlegme  du  vin,  qui 
passe  avec  l’eau-de-vic  proprement  dite  , par 
la  distillation,  ni  y être  aussi  exactement  com- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  25 

binée.  Si  donc  , dans  quelque  circonstance 
particulière,  on  veut  se  servir  d’eau-de-vie 
double , on  court  le  risque  que'  l’eau-de-vie 
ne  sera  pas  exactement  comparable  à l’eau-de- 
vie  simple,  et  que  la  liqueur  a besoin  d’être 
long-tcms  en  mélange  avant  d’acquérir  le  ton 
de  saveur  agréable  qu’aurait  la  même  liqueur 
faite  avec  l’eau-de-vie  sans  mélange  3 en  sorte 
que  l’on  peut  donner  la  préférence  à l’eau- 
de-vie  simple. 

Ce  qu’il  y a à dire  sur  l’esprit -de-vin  , tient 
aux  observations  faites  sur  l’eau-de-vie  3 car 
dans  ses  plus  grands  degrés  de ‘rectification  , 
cet  esprit  participe  toujours  des  bonnes  ou 
mauvaises  qualités  de  l’eau-de-vie  , dont  il 
est  tiré  : ajoutons  seulement,  qu’à  degré  égal 
de  rectification,  il  faut  donner  la  préférence 
à l’espèce  d’esprit-de-vin  qui  est  passé  le 
premier  dans  la  distillation. 

J’observe  que  les  eaux-de-vie  de  cidre  , 
de  poiré  et  de  grains  , sont  absolument  incom- 
patibles avec  toute  espèce  de  liqueur. 

De  l’Eau. 

Quant  à l’eau , quelque  simple  que  paraisse 
cet  ingrédient,  quelque  facilité  qu’on  puisse 
avoir  de  s’cn  procurer  de  pure,  on  ne  sau- 


36  l'art  de  composer 

rait  croire  cependant  combien  le  choix  de  ce 
fluide  est  important  pour  la  fabrication  des  li- 
queurs. Je  ne  parle  pas  ici  des  eaux  de  puits  , 
elles  ne  valent  absolument  rien  dans  les  li- 
queurs; mais  Ce  sont,  les  eaux  de  rivière  ou 
de  source  , dont  le  choix  n’est  rien  moins 
qu’indifférent.  Il  y a à Paris,  indépendam- 
ment de  l’eau  de  rivière,  deux  espèces  d’eaux 
de  source,  celles  qui  nous  viennent  d’Arcueil, 
et  celles  que  fournit  le  coteau  de  Mesnil- 
Montant  , Belleville , etc.  Il  est  reconnu  que 
les  eaux  d’Arcueil  ne  font,  pas  des  liqueurs 
aussi  agréables  que  lorsqu’on  emploie  celles 
de  Belleville  ; mais  quand  toutes  choses  se- 
raient égales,  l’eau  d’une  grande  rivière,  prise 
dans  un  teins  où  elle  n’est  ni  trop  basse , ni 
trop  débordée  , mérite  la  préférence  ; trop 
débordée , elle  tient  en  une  espèce  de  solu- 
tion des  substances  qui  lui  donnent  une  sa- 
veur fade  et  terreuse  , même  après  avoir  été 
filtrée  ; trop  basse  , elle  est  sujette  à contenir 
une  quantité  remarquable  de  matières  ani- 
males en  putréfaction , ce  qui  influe  singuliè- 
rement sur  les  liqueurs.  11  faut  donc  bien 
goûter  l’eau  ; la  saveur  la  plus  générale  qu’elle 
imprime  est.  une  douceur  qui  ne  tient  rien 
de  fade  ; il  faut  d’autre  part  qu’elle  soit  très- 
lirnpidc. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  Ct.C.  27 

Quand , par  hasard  , on  n a point  d eau  qui 
ait  ccs  bonnes  qualités  naturelles  , il  faut  la 
faire  bouillir  et  la  filtrer  ensuite. 

Lorsque  la  proportion  de  l’eau  est  peu 
considérable , ce  qui  arrive , ou  parce  que 
la  liqueur  est  faite  avec  de  l’csprit-de-vin  qui 
exige  beaucoup  d’eau  dans  la  combinaison 
du  liquoriste,  ou  enfin,  parce  que  le  liquo- 
riste  en  a dépassé  la  proportion  5 alors  , on 
reconnaît  cette  surabondance  d eau  par  une 
certaine  fraîcheur  fade , qui  se  développe 
après  la  saveur  piquante  de  l’eau-de-vie  ou 
de  l’aromate. 


Du  Sucre. 

Le  troisième  ingrédient  essentiel  aux  li- 
queurs , est  la  substance  sucrante  , et  il  n’y 
a pas  trois  manières  à choisir  ; c’est  ou  le  sucre, 
ou  la  cassonade  ; la  cassonade  doit  être  choi- 
sie blanche  , sèche , et  bien  cristallisée  5 on 
l’emploie  de  préférence  pour  toutes  les  li- 
queurs colorées , parce  qu’elle  porte  avec 
elle  une  douceur , un  velouté  que  le  sucre 
n’a  point. 

On  prend  le  sucre  pour  toutes  les  liqueurs 
dont  un  des  mérites  est  d’ètrc  blanches  5 dé- 
pouillé qu’il  est  de  la  substance  extractive  , 


2$ 


l’art  de  composer 
ou  plutôt  de  1 eau-mère  dont  est  accompagnée 
kt  cassonade  , ses  parties  sont  moins  sujettes 
a colorer  la  liqueur , et  moins  propres  à lui 
concilier  le  velouté  de  la  cassonade.  11  faut 
Lien  se  garder  de  prendre,  comme  quclques- 
uas  le  font  , ce  sucre  extrêmement  blanc, 
( • ^ihiu  sous  le  nom  de  sucre  royal , ou  sucre 
0 » Foîlande  j pôur  être  extrêmement  blanc  , 
il  n en  est  pas  plus  propre  aux  liqueurs. 

BES  OPÉRATIONS  ESSENTIELLES. 

De  la  Dislillation. 

On  ne  distille  jamais  de  l’eau-de-vie  qu’à 
dessein  de  lui  associer  quelque  substance 
ai  o ma  tique  j car  la  distillation  , à dessein  de 
la  convertir  en  esprit-de-vin  , n’est  pas  essen- 
tiede  pour  les  liqueurs.  Or,  les  aromates  qui 
peuvent  être  associées  à l’eau-de-vie  ou  à J’es- 
prit-dc-vin  par  la  voie  de  la  distillation  étant 
de  différentes  espèces , soit  à cause  du  tissu  qui 
les  renferme  , soit  à cause  de  leur  nature  hui- 
leuse ou  résineuse,  il  en  résulte,  que  la  pra- 
tique de  distiller  doit  varier  en  proportion. 

Si  l’aromate  est  très-subtile  , ou  encore  si  l’on 
désire  que  l’esprit  n’en  conserve  qu’une  petite 
partie , la  distillation  au  bain-marie  est  pré- 


LES  LIQUEURS  T) E TABLE,  etc.  29 

fcrable  ; si  au  contraire  ces  aromates  sont  ou 
tenaces  ou  pesans  , ii  n’y  a que  la  distillation 
à feu  nu  qui  puisse  les  détacher  ; encore 
faut-il  observer  de  laisser  passer  une  partie  du 
phlegme  vers  la  fin  de  la  distillation  (i).  Ce 
phlegme  qui  exige  ordinairement  un  degré 
de  chaleur  plus  fort , est  seul  capable  de  vola- 
tiliser de  pareils  aromates.  Mais  comme  dans 
cet  état  la  liqueur  est  souvent  acre,  sans  être 
pour  cela  empyreumatique  , il  est  essentiel 
de  redistiller  au  bain-marie  , afin  qu’il  11c 
monte  avec  l’esprit  que  les  portions  les  plus 
subtilisées  de  l’aromate  une  fois  détachées. 
Cette  rectification  consiste  à verser  dans  la 
cucurbite  d’un  alambic  la  liqueur  déjà  dis- 
tillée , et  à y ajouter  une  certaine  quanti  le 
d’eau,  qui  dans  ces  circonstances  donne  oc- 
casion à l’huile  trop  abondante  de  se  rap- 
procher en  globules  , et  de  se  séparer  de  l’es- 
prit dans  lequel  elle  est  évidemment  5 c’est 
cette  rectification  que  l’on  confond  souvent 
avec  la  cohobation. 

Cohober  une  liqueur,  c’est  verser  sur  le 
résidu  de  la  distillation  le  fluide  déjà  distillé , 


(1)  Ceux  qui  voudraient  se  procurer  des  alambics  , 
peuvent  les  luire  établir  d’après  le  modèle  que  nous 
donnons  ici.  Voy.  la  planche. 


pour  continuer  l’opération  que  ce  reverse- 
ment n’a  pas  dû  interrompre;  or,  il  faut  con- 
venir que  celte  cohobation  est  plus  nuisible 
qu’utile  à pratiquer. 

Le  long  séjour  des  matières  dans  l’alambic, 
exposé  à la  chaleur,  leur  fait  contracter  une 
acreté  dont  la  liqueur  qui  distille  n’est  pas 
exempte;  ainsi  toute  cohobation  doit  être  faite 
avec  beaucoup  de  circonspection,  si  l’on  se 
décide  à la  pratiquer  dans  quelque  cas  parti- 
culier. 

Il  n’en  est  pas  de  même  de  la  rectification  : 
toutes  les  fois  que  l’on  est  obligé  de  distiller 
à feu  nu,  la  rectification  de  la  liqueur  dis- 
tillée est  essentielle  si  l’on  veut  avoir  un  aro- 
mat  délicat. 

Cette  rectification  qui  se  fait  toujours  au 
bain-marie,  est  beaucoup  moins  difficile  à 
conduire  que  celle  à feu  nu  ; pour  celle-ci  , 
il  est  à craindre  que  les  substances  qui  ne 
sont  pas  fluides  ne  s’attachent  au  fond  de 
l’alambic  ; il  n’est  quelquefois  pas  possible 
d’ajouter  à l’eau-de-vie , de  l’eau  , qui  devien- 
drait un  obstacle  à l’extraction  des  aromates; 
il  faut  donc  avoir  grand  soin  de  tenir  le  ré- 
frigérant et  le  serpentin  froids  , de  conduire 
le  feu  avec  précaution  pour  ne  faire  naître 
qu’un  filet  de  médiocre  grosseur,  et  empè- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  3l 

cher  autant  qu’il  est  possible , et  l’àcreté  et 
l’empyreume  ; car  si  ces  deux  accidens  arri- 
vent , il  faudra  recommencer  l’opération  avec 
de  nouvelles  matières.  Dans  la  rectification  , 
au  contraire , l’artiste  n’a  presque  point  de 
précautions  à observer  , autres  que  celles  de 
rafraîchir. 

Le  rafraîchissement,  tant  du  serpentin  que 
du  chapiteau  , est  une  chose  essentielle  pour 
la  perfection  de  la  liqueur  : soit  que  la  cha- 
leur troplong-tems  continuée  occasionne  dans 
les  vapeurs,  avant  qu’elles  se  condensent,  une 
réaction  qui  fasse  naître  de  l’âcreté  ÿ soit  que 
plus  tôt  ces  vapeurs  sont  condensées,  plus  les 
parties  grossières  de  l’aromate  en  sont  sépa- 
rées } soit  enfin  qu’il  y ait  un  juste  milieu  à 
saisir  pour  le  refroidissement  dans  la  combi- 
naison des  aromates  avec  l’esprit,  en  sorte 
qu’il  soit  également  dangereux  que  le  froid 
soit  trop  ou  trop  peu  énergique  ; toujours 
est- il  certain  que  la  meme  eau-de-vie  , les 
memes  ingrédiens  dans  les  mêmes  doses  dis- 
tillés par  trois  artistes  différens,  dont  l’un  aura 
négligé  le  soin  de  rafraîchir  son  serpentin  , 
l’autre  aura  conduit  son  feu  trop  lentement  , 
et  le  troisième  y aura  mis  la  vigilance  et  le 
soin  que  nous  indiquons  ÿ non-seulement  les 
résultats  en  seront  différens , mais  il  n’y  aura 


02  l’art  de  composer 

de  parfaite  que  la  liqueur  du  troisième  ar- 
tiste. 

C'est  ici  le  lieu  de  dire  un  mot  de  la  ma- 
nière dont  un  liquoriste  doit  considérer  les 
aromates  qu'il  veut  employer  : ou  ce  sont  des 
huiles  essentielles,  déjà  extraites  par  d’autres  ; 
quoiqu’elles  diffèrent  entr’elles  de  légèreté  , 
de  couleur,  de  fluidité  et  de  saveur,  elles 
sont  de  tous  les  aromates  l’espèce  la  plus  vola- 
tile et  celle  dont  il  faut  mettre  la  moin- 
dre quantité  : ou  ce  sont  des  substances 
qui  contiennent  ces  huiles  aromatiques  , et 
qui  peuvent  les  donner  facilement , comme 
sont  les  fleurs , les  écorces  d’oranges  , des 
citrons  , et  leurs  analogues  : toutes  choses 
égales , ces  substances  sont  préférables  aux 
huiles  mêmes , et  le  traitement  des  uns  et  des 
autres  pour  en  faire  des  esprits  aromatiques, 
se  fait  très-bien  au  bain-marie.  Les  aromates 
peuvent  encore  être  les  écorces  et  bois  durs, 
dans  lesquels  rôdeur  est  comme  résinifiée  ou 
combinée  avec  d’autres  substances  j telles  sont 
la  canelle,  le  girofle  , le  bois  de  Rhode  : pour 
celles-ci,  il  faut  nécessairement  employer 
l’énergie  du  feu  nu.  Enfin  il  y a des  aro- 
mates , tels  que  la  vanille , l’ambre  , qui  ne 
peuvent  absolument  point  monter  par  la  dis- 
tillation, et  qu’il  faut  toujours  se  garder  de 

faire 


IES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc,  33 

✓ ' 

faire  entrer  dans  les  ingrédiens  des  recettes 
qu’on  doit  distiller. 

Les  aromates  n’ont  souvent  rien  d’agréa- 
ble , et  le  liquoriste  doit  savoir  les  associer 
dans  ses  liqueurs  3 ainsi  la  badiane  seule  a une 
odeur  peu  agréable  , un  peu  d’anis  vert  lui 
sauve  ce  disgracieux  ; l’ambre  seul  ne  donne 
pas  d odeur , un  peu  de  musc  lui  donne  le 
relief  nécessaire  3 le  coing  seul  est  détestable  , 
un  peu  de  girofle  relève  et  corrige  son  par- 
f um  y la  vanille  associée  au  sucre , a plus 
d odeur  que  si  on  ne  la  tricturait  pas  avec  cette 
substance  j 1 association  d’un  peu  de  girofle 
corrige  l’arrière  goût  de  la  canelle  ; l’absinthe 
même  , l’absinthe  trouve  place  dans  les  li- 
queurs , pourvu  que  le  zeste  de  citron  s’asso- 
ciant à son  aromate  , en  fasse  disparaître 
l’amertume. 


De  V Infusion. 

L action  de  mettre  dans  un  liquide  quel- 
conque les  substances  qui  ne  sont  point  na- 
turellement sèches,  et  de  les  y faire  séjour- 
ner pendant  un  tems,  s’appelle  infusion  : les 
pharmaciens  la  distinguent  en  deux  classes  j 
ils  appellent  macération  celle  qui  se  fait  à 
froid  et  dans  une  grande  quantité  de  fluide  , 

* G 


54  l’art  de  composer 

et  ils  donnent  le  nom  d’infusion  à celle  qui 
se  fait  à l’aide  d une  chaleur  plus  ou  moins 
douce  et  dans  un  véhicule  moins  abondant. 
Le  liquoriste  ne  connaît  que  l’infusion  sans 
aucune  distinction  3 cette  opération  est  en- 
core plus  essentielle  que  la  distillation  poui 
le  liquoriste  , puisqu’il  peut  exécuter  par  son 
usage  tous  les  procédés  qui  semblent  exigei 
la  distillation , et  que  les  liqueurs  qui  en  ré- 
sultent sont  toujours  plus  agréables  et  moins 
âcres , toutes  choses  égales  d’ailleurs  que  cejles 
qui  doivent  leur  première  existence  à la  dis- 
tillation. 

L’infusion  a bien  d’autres  avantages  : elle 
extrait,  d’une  manière  uniforme  et  sans  les 
altérer , les  substances  aromatiques  ; ces  subs- 
tances conservent , par  ce  moyen  , plus  de 
ressemblance  à leur  état  naturel  ; il  en  faut 
une  beaucoup  plus  petite  quantité  pour  don- 
ner une  saveur  égale  ; la  combinaison  des 
différens  aromates  s’en  fait  plus  exactement , 
parce  que  ne  devant  pas  être  réduites  eu 
vapeurs  , leurs  différentes  pesanteurs  spécifi- 
ques ne  mettent  aucun  obstacle  à leur  mé- 
lange. Ajoutez  à cela  que  l’esprit  dans  lequel 
se  font  ordinairement  les  infusions,  que  ce 
soit  de  l’eau-de-vie  ou  de  l’esprit-de-vin , con- 
serve sans  altération  les  bonnes  qualités  qui 


LES  LIQUEURS  DE  TAîiLE,etC.  55 

résultent  de  son  bon  choix;  en  soric  que  je 
ne  fais  pas  de  difficulté  de  conseiller  à tout 
liquoriste  de  préférer  l’infusion  à la  distilla- 
tion , excepté  dans  les  cas  où  il  lui  faut  une 
liqueur  absolument  exemple  de  couleur;  car 
le  défaut  unique  de  l’infusion,  si  tant  est  que 
c’en  soit  un  , est  d’extraire  des  différées  in- 
grédiens une  teinture  colorante,  qui  influe 
plus  ou  moins  sensiblement  sur  celle  de  la 
liqueur  qui  en  résultera. 

Quoique  j’aie  dit  que  l’infusion  se  fait  ordi- 
nairement dans  les  liqueurs  spiritueuses  , il 
n’est  cependant  pas  sans  exemple  que  quel- 
ques liqueurs  se  préparent  par  l’infusion  des 
ingrédiens-  dans  l’eau  ; mais  ces  cas  sont  si 
rares  et  si  peu  connus  qu’ils  ne  valent  pas  la 
peine  qu’on  s’y  arrête. 

Si , généralement  parlant , chaque  espèce 
de  liqueur  exige  que  ces  ingrédiens  infusent 
plus  ou  moins  long-tenu,  cependant  il  est  à 
peu  près  démontré  qu’à  quelques  exception^ 
près  , 1 infusion  doit  -être  d’une  très-courte 
durée  ; en  sorte  que  s’il  y en  a telle  pour  la- 
quelle deux  heures  suffisent,  la  plus  longue 
ne  doit  pas  durer  plus  de  quatre  jours. 

Ce  que  nous  disons  ici,  n’a  pas  de  rapport 
a la  fabrication  des  ratafias , proprement 
dits.  On  fait  durer  l’infusion  des  fruits  ou 

C 2 


36  l’art  de  composer 

des  fleurs  écrasés  un  tems  beaucoup  plus 
long  3 telles  vont  jusqu’à  plusieurs  mois)  mais 
nous  développerons  à leur  article  les  causes 
de  ce  procédé. 

11  y a telle  infusion  qui  exige  que  les  subs- 
tances que  l’on  fait  infuser  demeurent  dans 
leur  entier  5 dans  le  plus  grand  nombre  des 
circonstances  il  est  essentiel  qu’elles  soient 
incisées  ou  concassées  : toute  infusion  doit 
être  faite  dans  un  vase  qui  ne  soit  pas  entiè- 
rement plein , mais  qui  soit  exactement  bou- 
ché. Sitôt  que  l’on  juge  que  l’infusion  a suffi- 
samment duré , il  est  de  première  nécessité 
de  séparer  les  ingrédiens  qui  ont  infuse  3 un 
plus  long  séjour  nuirait  à la  délicatesse  du 
parfum.  Pour  retirer  plus  commodément  ces 
ingrédiens,  quelques  artistes  sont  dans  l’usage 
de  les  mettre  dans  un  nouet  3 c’est  ordinai- 
rement une  toile  d’un  tissu  peu  serré , dans 
laquelle  ils  sont  enfermés  d’une  manière  lâche, 
et  suspendue  au  milieu  du  fluide  : on  ne  peut 
disconvenir  que  cette  méthode  11e  mette  obs- 
tacle à l’exactitude  de  l’infusion  : les  ingré- 
diens vers  un  point  central , ne  sont  pas  aussi 
efficacement  exposes  a 1 action  de  ce  fluide 
que  lorsqu’ils  y nagent  en  liberté.  Comme 
on  est  dans  l’usage  de  remuer  de  tems  à autre 
les  vases  oii  se  font  les  infusions , cette  agita- 


les  liqueurs  de  table,  etc.  07 
*ion  déplaçant  et  les  molécules  des  ingrédiens 
et  celles  du  fluide  , concoure  nécessairement 
à une  extraction  plus  énei'gique  que  Ton  dé- 
sire : il  faut  donc  , dans  les  cas  où  l’on  met- 
trait les  ingrédiens  dans  un  nouet , exprimer 
ce  nouet  de  teins  à autre  , et  donner  plus 
de  durée  à cette  opération. 

L’infusion  n’est  pas  toujours  l’opération 
préalable  ; il  y a des  circonstances  où  elle 
n’a  lieu  quaprès  le  mélange  de  la  liqueur 
faite , comme  dans  les  ratafias  3 c’est  qu’alors 
les  aromates  sont  l’accessoire  ou  l’assaisonne- 
ment , tandis  que  dans  les  liqueurs  propre- 
ment dites  ils  font  la  base  fondamentale. 

Je  ne  dois  pas  quitter  cet  article  sans  faire 
mention  d’une  espèce  d’infusion  beaucoup 
plus  preste  et  peut-ctre  plus  énergique;  elle 
consiste  à jeter  les  ingrédiens  aromatiques 
tout  concasses  dans  le  sirop  bouillant  destiné 
au  mélange  , et  à 1 y laisser  infuser  jusqu’au 
parfait  refroidissement,  la  chaleur  du  fluide, 
son  état  salin  et  ordinairement  visqueux  , 
concourant  à extraire  promptement  les  subs- 
tances aromatiques  et  a les  conserver. 

Du  Mélange. 

Ayant  dit,  que  toute  liqueur  était  le  résul- 


58  l’art  DK  COMPOSER 

tat  d’un  mélange  d’esprit , d’eau  et  de  sucre*, 
chargés  les  uns  ou  les  autres  de  substances 
aromatiques  , dont  le  nombre  et  les  espèces 
sont  si  multipliés , que  ce  serait  chose  inu- 
tile que  d’en  exposer  ici  la  nomenclature  j il 
nous  reste  à parler  de  la  manière  de  procé- 
der au  mélange  de  ces  trois  ingrédiens.  11  est 
rare  que  ce  mélange  se  fasse  à chaud , la  cha- 
leur pouvant  exalter  les  parties  aromatiques 
qu’il  est  essentiel  de  conserver.  Quelques- 
uns  se  contentent  de  mettre  dans  un  seul  et 
même  vase  les  ingrédiens  dans  leur  dose  res- 
pective , et  de  les  agiter  pendant  plusieurs 
jours,  jusqu’à  ce  que  le  sucre  étant  fondu, 
on  ne  doute  plus  que  le  mélange  est  parfait } 
d’autres  sachant  que  le  sucre  se  résout  d’au- 
tant plus  difficilement  dans  l’eau  , que  cette 
eau  est  combinée  avec  l’esprit,  prennent  la 

. # r 

précaution  de  dissoudre  leur  sucre  dans  la 
quantité  d’eau  qui  doit  entrer  dans  le  mélan- 
ge ; mais , soit  que  l’usage  , soit  que  la  réfle- 
xion ait  éclairé  les  liquoristes  , ils  se  sont 
aperçus  que  le  sucre  , fondu  de  ces  deux  ma- 
nières, ne  communiquait  point  aux  liqueurs 
ce  velouté,  cette  saveur  couverte  qui  en  re- 
cédant, pour  ainsi  dire,  celle  de  l’esprit,  rend 
les  liqueurs  plus  savoureuses,  plus  délicates, 
et  plus  Unes;  c’est  qu’en  effet,  par  la  simple 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  09 

solution  à froid  du  sucre  dans  l’eau , chacune 
de  ses  molécules  peut  bien  être  rendue  fluide) 
ruais  le  fluide  dans  lequel  elles  nagent  n’en 
est  pas  uniformément  chargé , et , d’autre 
part,  quelles  que  soient  les  parties  consti- 
tuantes du  sucre,  elles  ne  sont  pas  divisées, 
développées,  comme  il  paraît  qu’elles  le  sont 
dans  la  troisième  méthode  que  nous  allons 
décrire. 

On  prend  la  quantité  de  sucre  qui  doit  en- 
trer dans  une  dose  de  liqueur,  et  la  quantité 
d’eau  qui  y est  prescrite  ) on  les  met  dans  une 
bassine  bien  propre  , et  on  leur  fait  prendre 
ensemble  un  bouillon  ou  deux  : il  s’en  faut 
de  beaucoup  que  , dans  la  plupart  des  cas  , 
le  liquide  qui  en  résulle  puisse  être  appelé 
sirop , si  l’on  ne  doit  donner  ce  nom  qu'aux 
liqueurs  chargées  de  deux  parties  de  sucre  , 
contre  une  de  fluide  ) mais,  par  une  exten- 
sion très-permise  , quelle  que  soit  la  consis- 
tance de  ce  fluide , les  liquoristes  l’appellent 
leur  sirop.  Lors  même  que  l’on  prend  de  la 
cassonade  au  lieu  de  sucre,  comme  on  doit 
la  choisir  blanche  , il  est  très-rare  qu’il  faille- 
la  clarifier  au  blanc  d’œuf  ; comme  le  total 
doit  être  filtré,  la  clarification  deviendrait 
une  opération  superflue,  qui  pourrait  même 
détruire  un  peu  de  la  viscosité  du  sirop. 


4°  l’art  de  composer 

Ce  sirop  une  fois  fait,  on  le  laisse  à demi 
refroidir  , pour  le  verser  dans  le  vase  où  est 
déjà  la  dose  d’esprit  aromatique  : aussitôt  le 
mélange  fait,  on  bouche  le  vase , et  on  l’agite, 
de  tems  en  tems , jusqu’à  ce  que  le  tout  pa- 
raisse intimement  combiné.  Ici  commence 
une  diversité  singulière  entre  les  différens  ar- 
tistes ; les  uns  filtrent  leurs  liqueurs  après 
deux  ou  trois  jours  de  digestion  au  plus;  les 
autres  la  laissent  digérer  un  plus  long-tems. 
On  appelle  digestion , en  termes  de  liquoristes 
et  de  pharmaciens,  le  séjour  d’une  liqueur 
toute  faite  dans  des  vases  assez  grands  pour 
que  cette  liqueur  ne  les  emplisse  point.  Quel 
que  soit  le  mouvement  intestin  qui  se  passe 
dans  cette  circonstance,  toujours  est-il  cer- 
tain que  les  liqueurs  y acquièrent  une  finesse 
singulière,  et  surtout  une  uniformité  de  sa- 
veur , qui  concourent  à*leur  agrément.  D’au- 
tres, au  contraire,  ne  filtrent  les  liqueurs 
qu’après  les  avoir  laissé  digérer  : ils  croient 
que  , par  ce  moyen , les  esprits  se  dissiperont 
moins  dans  la  filtration,  et  que  cette  dernière 
opération  assurera  un  mélange  qui  se  rafine 
toujours  mieux  dans  un  grand  vase  que  dans 
plusieurs  petits.  Comme  la  première  méthode 
n’a  pas  d inconvénient , et  que  la  seconde  pa- 
raît seulement  plus  conforme  à la  saine  phy- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  /fl 

sique,  sans  blâmer  absolument  la  première  t 
je  ne  dissimulerai  pas  que  la  seconde  mérite 
la  préférence. 

C est  après  le  mélange  fait , et  avant  la  fil- 
tration, qu’un  bon  liquoriste  doit  bien  exa- 
miner sa  liqueur , pour  voir  si  Je  résultat  en 
est  aussi  parfait  qu’il  le  désire  5 il  doit  toujours 
avoir  dans  son  laboratoire  une  provision  de 
matières  propres  à y faire  les  corrections  qu’il 
jugera  nécessaires.  Il  lui  est  facile  , en  con- 
séquence, de  remédier  aux  inconvéniens  qu’il 
pourrait  y rencontrer*  ainsi,  par  exemple  , 
s il  ne  croit  pas  sa  liqueur  assez  aromatique  , 
il  lui  est  possible  de  faire  infuser  quelque  peu 
des  ingrediens  propres  à cette  liqueur  3 la 
croit -il  au  contraire  trop  aromatique , une 
nouvelle  dose  d’eau-de-vie  et  de  sucre,  en  al- 
longeant celle  qu  il  a déjà  faite,  étendra  la 
partie  aromatique.  11  en  est  de  même  pour 
i état  plus  ou  moins  spiritueux , et  pour  la 
sa\eur  plus  ou  moins  sucrée.  Une  pratique 
absolument  condamnable  est  celle  de  faire  du 
mélange  dans  la  bassine  où  a cuit  le  sirop  ; 
ces  sortes  de  vases  présentent  trop  de  sur- 
face, et  la  première  chose  qui  s’évapore  est 
toujours  1 esprit.  Le  mélange  une  fois  fait  et 
parfait,  digéré  ou  non,  suivant  l’idée  du  li- 
quoriste  , il  procède  à sa  filtration. 


De  la  Filtration. 


S’il  est  essentiel  que,  pour  être  agréable  , 
une  liqueur  soit  exactement  dosée  dans  les 
proportions  de  son  aromate , de  sa  partie  spi- 
ritueuse,  et  du  sucre  qui  combine  le  tout  en- 
semble 5 il  n’est  pas  moins  essentiel,  pour  la 
satisfaction  de  ceux  ou  qui  vendent  ou  qui 
consomment  les  liqueurs,  qu’elles  soient  de 
la  plus  exacte  limpidité. 

J’ai  déjà  indiqué  dans  un  chapitre  précé- 
dent, que  toutes  les  fois  qu’on  en  avait  le 
loisir,  le  simple  repos  suffisait  pour  procurer, 
à la  longue  il  est  vrai,  la  plus  belle  limpidité 
que  puissent  prendre  les  liqueurs;  mais  tou- 
tes les  liqueurs  n’en  sont  pas  susceptibles,  et 
tous  les  artistes  n’ont  pas  la  commodité  de 
mettre  ce  procédé  en  usage.  Toutes  celles  , 
par  exemple,  qui  portent  le  nom  d’huiles, 
sont  un  trop  long  tems  à s'éclaircir;  et  l’on  ne 
prévoit  pas  toujours,  à moins  qu’on  n’en  soit 
consommateur  comme  marchand , les  tems 
éloignés  où  l’on  aura  besoin  d une  liqueur  ; 
ceux-ci  même  peuvent  être  surpris  par  un 
débit  trop  prompt,  ou  11e  pouvoir  pas  , quoi- 
que bons  artistes  d’ailleurs , faire  de  grosses 
avances,  ouïes  faire  pour  des  tems  trop  re- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  4^ 

culés.  En  vain  quelques-uns  ont  imaginé  d’ac- 
célérer la  clarification  de  leurs  liqueurs , en  y 
ajoutant  des  précipitans  , tels  que  l’alun  , la 
colle  de  poisson  , ou  les  blancs  d’œufs.  Ces 
intermèdes  ont , d’une  manière  plus  ou  moins 
marquée,  le  désavantage  d’influer  sur  la  sa- 
veur ou  sur  la  couleur  des  liqueurs  ainsi  cla- 
rifiées. 

Le  plus  expédient,  le  plus  à la  main  de 
chaque  artiste , le  moins  sujet  à inconvénient, 
de  tous  les  moyens  de  concilier  aux  liqueurs 
cette  limpidité  désirée , a donc  été  la  filtra- 
tion , ou  l’action  de  faire  passer  un  liquide  à 
travers  un  tissu  suffisamment  serré,  pour  que 
toute  espèce  d’hétérogénéité  y fût  retenue  , 
et  qu’il  ne  passât  que  le  fluide  extrêmement 
limpide.  11  s’est  présenté  plusieurs  moyens 
de  remplir  cette  intention  : ce  sont  le  coton, 
le  papier et  les  étoffes  de  laine. 

Mais  il  n’est  pas  indifférent  de  savoir  ou 
quel  intermède  on  préférera,  ou  comment 
on  procédera  à la  filtration. 

Toutes  les  fois  que  la  transparence  n’est 
troublée  que  parle  mélange  d’un  esprit  quel- 
conque et  d’un  sirop  , rien  n’est  plus  aisé  que 
la  filtration,  parce  que  les  matières  qui  lov- 
chissent  la  liqueur  , n’ont  aucune  adhérence 
avec  le  liquide  3 c’est  presque  toujours  un  peu 


44  l’art  de  composer 

de  terre  / visqueuse  à la  vérité  , qui  se  sépare 
du  sucre  : mais  lorsque  l’opacité  est  due  ou 
à des  matières  huileuses  extrêmement  divisées, 
ou  à des  substances  résineuses , ou  enfin  à des 
corps  très  - visqueux  , la  filtration  devient 
d’autant  plus  embarrassante , que  ces  matières 
ont,  d’une  part,  plus  d’adhérence  avec  les 
liquides  dans  lesquels  elles  sont , et  que  , de 
l’autre , en  se  déposant  sur  le  filtre , elles  en 
bouchent  les  pores  d’une  manière  plus  effi- 
cace : de  là  les  différentes  pratiques  usitées 
même  en  employant  le  même  filtre.  Sans  en 
faire  ici  l’application  à aucune  liqueur  parti- 
culière , nous  dirons,  en  général,  que  ces 
intermèdes  sont  ou  le  lait  dont  on  garnit  le 
filtre,  surtout  quand  il  est  de  coton  ou  d’é- 
toffe de  laine  , ou  les  blancs  d’œufs  battus  , 
ou  bien  encore  la  pâte  d’amandes  dont  on  a 
retiré  l’huile. 

Le  premier  de  ces  intermèdes,  en  plaçant, 
pour  ainsi  dire,  entre  les  mailles  du  filtre 
quelques  portions  de  matières  volumineuses , 
arrête  les  parties  huileuses  et  résineuses , et  les 
empêche  de  se  coller  sur  les  pores  : la  pâte 
d’amande  saisissant , par  son  extrême  séche- 
resse, tout  ce  qui  est  huileux  ou  résineux,  les 
concentre  en  une  seule  masse,  et  les  préci- 
pite avec  elle  au  fond  de  la  chausse.  Si  ce 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  elC.  45 

sont  des  matières  visqueuses,  comme  elle  a 
la  propriété  d’absorber  beaucoup  d’humidité, 
il  en  résulte  que  ces  matières  visqueuses  per- 
dent de  leur  viscosité  , et  rendent  par  con- 
séquent plus  facile  à filtrer  le  reste  du  fluide; 
enfin  les  blancs  d’œufs  fouettés  remplissent 
aussi  la  même  intention , et  conviennent  par- 
faitement dans  les  circonstances  où  il  est  à 
craindre  que  la  liqueur  ne  contracte  une  sa- 
veur étrangère. 

Mais  v inconvénient  presque  indispensa- 
ble de  la  filtration  proportionnée  au  long 
teins  que  dure  cette  opération,  et  à la  surface 
que  présente  le  liquide  eu  filtrant,  tel  artiste 
a cru  remarquer  qu’il  devait  uniquement  à 
la  filtration  la  saveur  mieux  combinée  de  sa 
liqueur,  espèce  d’avantage  que  procure  réel- 
lement la  filtration  ; mais  il  n’a  pas  fait  atten- 
tion que  souvent  il  le  devait  aussi  à l’évapo- 
ration considérable  de  l’esprit,  qui  seul  est 
dans  le  cas  de  s échapper  abondamment  ; en 
sorte  que  lorsque  l’on  vient  à empêcher  cette 
évaporation,  la  liqueur  se  trouve  toujours 
plus  spiritueuse  qu’elle  ne  l’aurait  été  sans 
cette  précaution  : on  a imaginé  pour  cela  des 
entonnoirs  de  verre  avec  leur  couvercle  de 
même  matière  ; d’autres  ont  fait  faire  des  en- 
îonnoirs’de  fer-blanc  pareillement  garnis  d’un 


/fi  l’art  de  composer 

loua  croie,  ces  deux  instruments  sont  tres-avan- 
tageux  pour  les  cas  où  l’on  filtre , soit  au  coton 
ou  au  papier  j niais  comme  toutes  choses 
égales  d’ailleurs , la  filtration  à la  chausse  peut 
équivaloir  à ces  deux  premières  méthodes , 
et  a sur  elles  l’avantage  de  la  plus  prompte 
expédition  , et  de  pouvoir  recevoir  une  plus 
grande  quantité  de  liquide  à la  lois  , je  vais 
décrire  ce  moyen  de  liltrer  a la  chausse  dans 
un  entonnoir. 

11  est  inutile  de  prévenir,  que  lorsque  l’on 
filtre  avec  des  entonnoirs , ces  instrumens  se 
doivent  placer  sur  des  cruches  ou  sur  des 
bouteilles  d’orifice  assez  larges  pour  que 
l’entonnoir  enfonce  jusqu’au  tiers  a peu  près 
de  sa  hauteur  sans  y comprendre  la  tige.  La 
raison  de  cette  précaution  est  facile  à sentir  : 
si  l’entonnoir  est  vaste  et  qu’il  ne  soit  posé 
que  par  celte  tige  sur  la  bouteille , le  plus 
léger  accident  cassera  facilement  cette  tige 
si  l’entonnoir  est  de  verre  , ou  le  renversera 
de  quelque  matière  qu’il  soit. 

Quant  aux  chausses , 1 usage  est  d en  garnir 
le  haut  de  quelques  boucles  laites  en  ruban, 
que  l’on  passe  dans  des  baguettes  pour  les 
poser  à volonté, ou  sur  deux  tréteaux  , ou  sur 
le  dos  de  deux  chaises.  D’autres  ont  encore 
imaginé  de  monter  ces  chausses  sur  un  cercle 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  etC. 

ou  sur  un  cadre  de  Luis  , et  de  l’attacher  à 
une  corde , qui  elle-même  passe  à une  poulie 
fixée  au  plancher  pour  pouvoir  hausser , bais- 
ser et  déplacer  les  chausses  à volonté;  mais 
venons-en  à l’appareil. 

On  place  , à l’aide  de  quatre  anneaux  et  d’au- 
tant d ag  rafles , une  chausse  tellement  propor- 
tionnée , que  lorsqu’elle  est  placée  et  pleine  de 
liquide,  i!  y eut  dans  toutes  les  dimensions  pos- 
sibles un  bon  pouce  de  distance  entr’clle  cl  l’en- 
tonnoir : cette  chausse  doit  être,  par  préféren- 
ce , de  l’espèce  d’étofïe  connue  chez  les  mar- 
chands merciers , sous  le  nom  de  basin  à poil 
croisé  ; toute  autre  élotYe  plus  épaisse  ou  plus 
mince  serait  incommode.  Lorsque  l’on  veut 
liltrer  une  liqueur,  on  prend  la  chausse  et 
on  la  plonge  toute  entière  dans  un  sirop  pareil 
à celui  qui  a composé  la  liqueur  : soit  que 
cette  précaution  remplisse  le  tissu  du  fil 
d une  substance  capable  de  retenir  les  ma- 
tières étrangères  sans  quelles  bouchent  les 
pores  de  la  chausse , soit  que  cette  eau  sucrée 
agisse  en  dissolvant  ces  mêmes  parties  hui- 
leuses ou  résineuses,  toujours  est-il  certain 
que  cette  légère  manipulation  suffit  pour 
filtrer  quelqu’espèce  de  liqueur  que  ce  soit  : 
cette  précaution  prise  , et  la  chausse  mise  dans 
l’entonnoir  , on  eu  place  la  pointe  dans  l’ori- 


fiee  d’une  cruche  , et  Ton  achève  de  boucher 
cet  orifice  avec  un  linge  : on  verse  dans  la 
chausse  la  liqueur  à filtrer  , on  place  le  cou- 
vercle sur  l’entonnoir,  et  ori  est  dispensé  de 
veiller  à la  tiltration  sans  crainte  d’aucun 
risque,  jusqu’à  trois  pintes  par  jour,  dans 
une  chausse  qui  peut  en  contenir  cinq. 

Je  viens  de  dire  qu’on  n’était  pas  obligé 
de  surveiller  cette  opération  dans  l’appareil 
que  je  viens  de  décrire,  parce  que  dans  toute 
autre  espèce  d’appareil,  il  arrive  presque 
toujours  qu’on  est  obligé  de  changer  de  filtre  : 
le  coton , parce  qu’il  se  trouve  surmonté  d’un 
limon  trop  épais  pour  donner  issue  libre  à la 
liqueur  à filtrer 3 le  papier,  parce  qu’il  s’en- 
duit de  toute  part  d’un  pareil  limon,  et  les 
chausses,  parce  qu’elles  sont  gorgées  jusque 
dans  leurs  tissus  de  ce  même  dépôt. 

Les  chausses  de  basin  à poil , ou  toute  au- 
tre espèce  d’étoffe  qu’on  emploierait  à cet 
effet,  doivent  être  soigneusement  lavées  sitôt 
qu’elles  11e  servent  plus,  en  les  laissant  macé- 
rer s’il  le  faut  dans  plusieurs  eaux  de  suite  , 
car  il  est  dangereux  de  les  passer  au  savon  et 
à la  lessive  3 il  en  résulterait  un  mauvais  goût 
que  rien  ne  pourrait  leur  enlever.  11  est  avan- 
tageux d’avoir  di lïe rentes  cluiusscs,  non-seu- 
lement pour  les  différentes  espèces  de  li- 
queurs ; 


les  liqueurs  de  table,  etc.  /,q 

queurs , mais  aussi  pour  ne  pas  filtrer  dans 
la  même  des  liqueurs  colorées  et  des  liqueurs 
non  colorées.  Lorsque  les  chausses  ont  été 
bien  lavées  et  séchées , il  faut  les  conserver 
soigneusement  enveloppées  dans  du  papier , 
pour  empocher  toute  espèce  de  poussière  de 
s y déposer. 

Je  ne  dirai  rien  ici  de  Ta  nécessité  où  on 
sc  Douve  assez  souvent,  de  retirer  les  pre** 
nnères  parties  filtrées  , ou  même  de  passer  le 
total  du  liquide  filtré  par  une  seconde  chausse, 
pour  lui  concilier  toute  la  limpidité  possible. 
Je  ne  parlerai  pas  non  plus  d’intermèdes 
plus  singuliers  qu  usités  , tels  que  la  mousse  , 
les  éponges,  etc.  11  nous  suffit  d’avoir  exposé 
dans  le  plus  grand  détail  les  différentes  mani- 
pulations , connues , et  nécessaires  à l’art  du 
liq  uoriste , et  d avoir  essayé  de  développer 
les  raisons  précises  qui  doivent  faire  préférer 
les  unes  aux  autres. 

Nous  passons  maintenant  à la  composition 
immédiate  des  différentes  espèces  de  liqueurs 
connues. 

Be  la  Coloration  artificielle  des  liquides . 

Dans  tout  ce  qui  précède  , on  a vu  des 
liquides  , ou  colorées  naturellement,  comme 

D 


5o  l’art  de  composer 

sont  celles  qui  résultent  des  sucs  des  fruits  , 
fermentés  ou  non  , ou  des  liqueurs  légale- 
ment colorées  en  jaune  par  1 infusion  de 
substances  sèches  , ou  enfin  des  liqueurs,  qui 
résultantes  de  la  distillation , sont  absolument 
incolores  ) chacune  de  ces  trois  classes  de 
liqueurs  , considérées  sous  ce  point  de  vue , 
présente  au  liquoriste  des  observations  im- 
portantes. 

Nous  avons  déjà  fait  mention  de  l’altération 
que  souffraient  à la  longue  les  liqueurs  colo- 
rées en  rouge  par  les  sucs  (les  Iruits.  Jus- 
qu’ici  , le  liquoriste  ne  connaît  aucun  expé- 
dient pour  remédier  à cet  accident  : il  est 
meme  démontré  , que  quelques  moyens  qu’il 
essaie  , il  ne  fera  qu’altérer  de  plus  en  plus 
la  couleur  de  la  liqueur  , bien  loin  d’y  remé- 
dier. Quant  aux  liqueurs  que  l’infusion  a co- 
lorées en  jaune , elles  sont  susceptibles  en 
vieillissant  de  se  foncer  de  plus  en  plus  , et 
elles  peuvent  recevoir  quelques  couleurs  arti- 
ficielles , qui  rendent  leur  première  colora- 
tion plus  agréable  ou  même  qui  la  changent 
entièrement. 

Pour  ce  qui  est  des  liqueurs  absolument 
incolores  , elles  se  prêtent  à toutes  les  colo- 
rations que  l’artiste  peut  imaginer.  Avant  de 
détailler  quels  sont  ces  moyens  de  coloration, 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE;  et C.  ?! 

il  faut  jeter  un  coup  d’œil  sur  la  cause  géné- 
rale qui  altère  les  couleurs  naturelles  ou  artifi- 
cielles de  nos  liqueurs  3 elles  sont  composées 
d’une  liqueur  spiri tueuse,  d’une  autre  liqueur 
phlegmatique  et  de  sucre  : la  première  de  ces 
liqueurs  contient  évidemment  une  substance 
saline  , de  nature  acide , puisque  les  teintures 
violettes , melees  a 1 esprit-de-vin,  tournent 
au  rouge  : d’autre  part , le  sucre  une  fois 
résout,  est  susceptible  de  fermentation,  lente 
à la  vérité  dans  le  cas  dont  il  s’agit  ; et  si  d’une 
pai  t celte  fermentation  concourt  à la  plus 
grande  perfection  des  liqueurs  , elle  ne  peut 
de  1 autre  , avoir  lieu  sans  que  les  substances 
salines  qui  se  meuvent  dans  cette  circons- 
tance , ne  rougissent  sur  les  parties  colorantes. 
Ces  considérations  préliminaires  rendent  rai- 
son de  la  variété  singulière  que  l’on  remarque 
dans  la  vétusté  des  liqueurs,  relativement  à 
leur  coloration  : si  l’on  ajoute  à cela  , l’état 
d<*ja  colore  de  1 eau-de-vie , que  certains  ar- 
tistes préfèrent  à cause  de  la  vétusté  , il  sera 
aisé  au  liquoriste  le  moins  intelligent  de  ren- 
dre raison  de  toutes  ces  variétés.  11  nous  suf- 
fit de  les  avoir  exposées , de  manière  à prou- 
\er  aux  incrédules,  que  l’art  le  plus  indiffé- 
rent en  apparence  peut  cependant  mériter  les 
regards  du  physicien  et  du  chimiste.  Il  nous 

D a 


52  l’art  de  composer 

reste  à dire , comment  le  liquoriste  s y prend 
pour  donner  à ses  liqueurs  des  couleurs  aiti- 
fîcielles.  Une  petite  charlatanerie , imaginée 
pour  faire  varier , au  moins  par  le  nom  , la 
meme  espèce  de  liqueur  , a pu  donner  nais- 
sance à ccs  differentes  colorations  : les  puis 
usitées  sont  la  couleur  jaune , depuis  l’état  le 
plus  délayé,  jusqu’au  jaune  foncé 5 les  diflé- 
rentes  rouges  , le  violet  et  le  vert. 

Pour  concilier  la  couleur  jaune  , il  n y a 
que  deux  substances  qu  011  puisse  légitime- 
ment employer  , le  caramel  et  le  sali  an. 

Le  caramel  est  du  sucre  qui  ayant  peidu 
son  humidité  , commence  à se  décomposer. 
Le  point  essentiel  du  liquoriste  est , que  sa 
torréfaction  ne  soit  pas  poussée  au  point  de 
donner  de  l’acre  te , ni  meme  de  lameitums 
au  caramel.  On  delaie  dans  une  quantité 
d’eau  , dont  011  ajoute  dans  la  liqueur  faite  , 
ce  qu’il  faut  pour  concilier  la  nuance  jaune 
que  l'on  désire.  Cette  substance  donne  tou- 
jours un  jaune  obscur,  et  la  liqueur  colorée 
avec  elle  est  sujette  à brunir.  Le  safran , dont 
la  description  serait  déplacée  ici , et  qu  il  no 
faut  pas  confondre  avec  le  curcuma  dont  nous 
allons  parler  ; le  safran  donne  une  couleur 
jaune  dorée  , soit  qu’011  l’infuse  dans  l’eau 
ou  dans  l’esprit-dc-vin  5 cette  double  pro- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  53 

priété  rend  son  usage  beaucoup  plus  com- 
mode , en  ce  que  la  couleur  qui  en  résulte 
est  moins  sujette  à altération , puisque  l’acide 
de  l'esprit-de-vin  ne  fait  autre  chose  que  de 
développer  sa  couleur  : on  fait  donc  dans 
1 une  ou  l’autre  de  ces  liquides  une  forte  in- 
fusion de  safran,  et  l’on  s’en  sert  comme  du 
caramel  pour  donner  aux  liqueurs  le  jaune 
d huile  d’olive  et  toutes  les  nuances  plus  mar- 
quées : le  safran  serait  sans  reproche,  s’il  était 
possible  de  lui  enlever  sa  saveur,  qui  n’est 
pas  du  goût  de  tout  le  monde  , c.t  qu’on  ne 
peut  méconnaître  , quelque  faible  que  soit 
la  dose. 

Le  curcuma  ou  safran  bâtard  est  employé 
par  certains  liquoristes , qui  imitent  en  cela 
les  teinturiers  : ces  derniers  retirent  deux 
couleurs  du  curcuma , une  première  qui  est 
jaune,  mais  très-passagère,  et  une  seconde 
qui  est  d’un  rouge  assez  vif,  que  l’esprit-de- 
vin  altère  très-promptement.  Outre  ces  deux 
inconvéniens  , le  curcuma  est  dangereux  à 
employer  dans  des  liqueurs , par  une  pro- 
priété purgative  qu’il  développe  sur  une  in- 
finité de  tempéramens  : peut-être  ne  sera-t- 
on  pas  fâché  à cette  occasion  de  la  digression 
suivante  : 

Un  navire  marchand,  chargé  uniquement 


54  l’art  de  composer 

de  curcuma  , se  disposant  à entrer  dans  le 
port  du  Havre , échoua  à la  rade  3 les  pé- 
cheurs qui  revinrent  quelque  teins  après  , 
vendirent  leurs  poissons  suivant  l’usage  : tous 
leshabitans  furent  attaqués  d’une  dyssenterie 
fort  incommode.  On  remarqua  que  toute  la 
mer,  depuis  la  rade  jusqu’au  port , était  jaune  3 
et  sans  la  précaution  que  l’on  prit  d’interdire 
la  pêche , jusqu’à  ce  que  l’eau  de  mer  eût  re- 
pris sa  couleur  naturelle , il  est  certain  que 
toute  la  ville  eût  été  très-inconnnodée  d’une 
épidémie  qui  aurait  pu  alarmer. 

La  couleur  rouge  se  concilie  aux  liqueurs 
avec  beaucoup  de  substances  3 mais  la  coche- 
nille et  le  bois  de  Fernambouc  paraissent  être 
les  deux  que  l’on  préfère  : il  n’est  guère  pos- 
sible d’employer  l’une  et  l’autre  de  ces  subs- 
tances , sans  y mêler  un  peu  d’alun  qui  fixe 
et  développe  la  nuance.  Le  Fernambouc  est 
sujet  à jaunir  très-promptement  3 on  met  la 
cochenille  immédiatement  dans  la  liqueur 
avant  de  filtrer.  Ce  n’est  pas  qu'en  toute  ri- 
gueur on  ne  puisse  se  servir  avec  avantage 
d’une  teinture  de  cochenille  préparée  sépa- 
rément; mais,  et  nous  le  disons  ici  une  fois 
pour  toutes,  il  est  essentiel  de  filtrer  les  li- 
queurs après  leur  coloration , pour  donner  à 
la  couleur  un  œil  plus  vif.  Si , au  nombre  des 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  55 

substances  colorantes  en  rouge  , 11  n’a  été 
question  ici  ni  de  l’orcanète , ni  du  roucou  , 
ni  du  tournesol , ni  du  coquelicot , c’est  que  , 
quoique  ces  substances  paraissent  faire  rouge 
■d’abord,  elles  tournent  davantage  au  violet; 
ce  sont  même  elles , et  surtout  le  tournesol , 
qu’on  met  en  usage  pour  cet  effet.  Pour  dire 
la  vérité,  les  liqueurs  colorées  en  rouge,  sur- 
tout lorsque  la  nuance  est  extrêmement  faible, 
car  avec  la  cochenille , on  peut  donner  la  cou- 
leur de  lie  de  vin , la  couleur  de  grenat , la 
couleur  vive  du  grenat , et  enfin  toutes  les 
nuances  du  beau  rouge  ; au  lieu  qu’avec  les 
autres  ingrédiens  colorans,  les  couleurs  sont 
toujours  susceptibles  de  destruction.  11  est 
très-rare  que  l’on  veuille  donner  à des  li- 
queurs la  couleur  verte,  mais  enfin  on  y par- 
vient en  mettant  ensemble  de  la  teinture  de 
tournesol  et  de  ,1a  teinture  de  safran  , ou  bien 
du  sirop  de  violette  avec  cette  même  teinture 
de  safran. 

Maintenant  que  nous  avons  développé  , 
dans  leur  première  simplicité  , quelles  sont 
les  matières  colorantes,  et  leurs  effets  pour 
les  liqueurs , il  est  aisé  de  concevoir  comment, 
entre  les  mains  d’un  habile  artiste,  la  même 
liqueur  pourra  être  diversifiée,  en  ne  la  con- 
sidérant ({ue  du  coté  de  la  couleur;  si  on 


/ 


56  l’art  DE  COMPOSER 

ajoute  à cela  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  dif- 
férente proportion  de  sucre  qui  peut  entrer 
dans  la  meme  liqueur  ; si  ensuite  on  considère 
que  sans  rien  ajouter  ni  ôter  des  ingrédiens 
aromatiques  ou  odorans,  on  peut  seulement 
en  varier  les  proportions,  on  sentira  aisément 
que  les  memes  substances  peuvent  fournir  un 
nombre  infini  de  liqueurs  différentes  en  ap- 
parence , et  dont  la  dénomination  dépendra 
du  caprice  et  de  l’industrie  de  celui  qui  les 
aura  composées. 

PRINCIPES  PARTICULIERS 

o u 

RECETTES. 

DES  PRODUITS  DU  RAISIN  NON  FERMENTÉ  (i). 

Baisiné, 

Ce  nom  convient  particulièrement  à une 
espèce  de  marmelade  assez  agréable  qu’on 
prépare  dans  tous  les  cantons  vignobles,  avec 
le  suc,  la  pulpe  et  la  peau  des  raisins  non  fer- 
mentés, les  plus  mûrs,  les  plus  sucrés  et  les 
plus  parfumés  3 on  y ajoute  souvent  d i fié  - 
rens  fruits,  des  racines  potagères  et  des  aro- 
mates 5 mais  jamais,  du  moins  au  midi  de 


(.i)  Cet  article  est  de  M.  Parmentier. 


I 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  ^ 

l’Europe,  du  miel  ou  du  sucre 3 ces  deux 
condimens  qui,  comme  on  sait , constituent 
toutes  les  autres  confitures,  sont  remplacés 
dans  ces  contrées  par  le  mucoso-sucré  des 
raisins  eux-mêmes,  qui,  dans  les  pays  chauds 
et  dans  les  années  sèches,  sont  abondamment 
pourvus  de  ce  principe. 

On  présume  bien  que  la  préparation  du 
raisiné  doit  être  aussi  ancienne  que  l’art  de 
faire  le  vin  3 on  la  trouve  décrite  dans  nos  pre- 
mières pharmacopées,  sous  différons  noms  : 
c’était  la  confiture  de  nos  bons  aïeux  3 elle  est 
encore  du  goût  de  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciété , et  tellement  nécessaire  , que , dans  les 
lieux  les  plus  éloignés  des  cantons  vignobles , 
leurs  habitans  en  font  avec  les  fruits  à pépins 
et  à noyaux , en  y employant  pour  véhicule  , 
au  lieu  du  moût  de  raisin  , le  suc  de  pommes 
et  de  poires  récemment  exprimé  , c’est-à- 
dire  , le  poiré  et  le  cidre  doux. 

La  consistance  du  raisiné  varie  depuis  l’élec- 
tuaire  jusqu’à  celle  d’un  sirop  ; dans  ce  der- 
nier état,  il  est  facile  de  le  délayer  dans  l’eau, 
pour  en  faire  des  boissons  édulcorées  : les  ha- 
bitans  de  l’Archipel  paraissent  meme  conti- 
nuer de  préparer  ceite  espèce  de  raisiné  li- 
quide 3 car  M.  Boudet , pharmacien  en  chef 
de  l’armée  d’Orient  3 a trouvé  , dans  les  ma- 


58  l’art  de  composer 

gasins  d’Alexandrie  5 des  bouteilles  de  terre  , 
d une  forme  agréable  , qui  en  étaient  rem- 
plies ; elle  avait  la  consistance  de  la  mélasse. 
On  en  compose  aujourd’hui  en  Egypte  une 
espèce  de  sorbet. 

Sans  vouloir  rappeler  ici  tous  les  avantages 
qu’on  peut  obtenir  du  raisiné , nous  nous  bor- 
nerons aux  principaux.  On  sait  d’abord  que 
les  élémens  dont  il  est  composé  sont  élaborés , 
combinés  et  mélangés  de  manière  à présenter 
tous  les  caractères  d’une  confiture  agréable , 
et  à mettre  , pendant  un  certain  tems , à 
1 abri  de  la  fermentation  , l’extrait , la  gelée  , 
et  la  pulpe  des  fruits. 

Dans  les  années  où  les  fruits  à noyaux 
manquent,  lorsque  les  ménagères  les  plus 
diligentes  ne  peuvent  s’occuper  de  faire  leurs 
provisions  en  gelées,  en  marmelades , et  que 
la  saison  a été  favorable  au  raisin,  ce  dernier 
offre  le  moyen  de  remplacer  ces  confitures  , 
et  ce  remplacement  produit  en  même  tems 
une  grande  économie  sur  le. sucre,  qui  n’en- 
tre point  dans  le  raisiné,  à moins  que  ce  ne 
soit  dans  les  années  humides,  à l’ouest  et  au 
nord  de  la  France  , où  la  vigne  réussit , lors- 
que les  raisins  sont  verts;  car  nous  sommes 
loin  de  croire  que  ce  condiment  puisse,  en 
aucun  cas , préjudiciera  la  qualité  du  raisiné  ; 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  59 

quand  il  était  à un  prix  peu  élevé,  son  addi- 
tion ne  formait  pas  une  augmentation  de  dé- 
pense sensible , mais  ce  prix  étant  triplé  au 
moins,  et  le  sucre  étant  devenu  pour  la  France 
une  matière  en  quelque  sorte  exotique  , tous 
les  eiforts  de  l’industrie  doivent  tendre  à en 
restreindre  la  consommation.  Le  raisiné  qui 
en  contiendrait  une  certaine  proportion  ces- 
serait d’ailleurs  d’être  considéré  comme  une 
confiture  populaire  3 il  11’y  en  aurait  plus  à la 
portée  de  toutes  les  fortunes  , les  gens  aisés 
seuls  pourraient  y atteindre. 

Je  sais  qu’il  est  au  pouvoir  de  l’art  de  cor- 
riger la  mauvaise  qualité  des  vins  et  de  les 
améliorer  considérablement , par  l’emploi  du 
Sucre  et  du  miel  ajoutés  avant  la  fermenta- 
tion , et  qu’à  l’aide  de  ce  moyen  011  peut 
aflbiblir  leur  trop  forte  acidité  3 mais  très- 
heureusement  le  raisin  des  années  favorables 
à la  vigne  n’a  besoin  nulle  part  de  ce  secours. 
Augmenter  les  fabriques  de  raisiné , dimi- 
nuer, pour  le  présent  et  pour  l’avenir,  la 
consommation  du  sucre  , c’est  concourir  à 
l’intérêt  général  et  particulier. 

Choix  des  Fruits  pour  le  Raisiné. 

Si  les  différentes  espèces  de  raisins  ne  cou- 


6o 


l’art  de  composer 

viennent  pas  à la  cuve,  tomes  sont  également 
bonnes  pour  la  confection  du  raisiné  3 plu- 
sieurs d entr’elles  sont  si  abondamment  pour- 
vues du  principe  mucoso-sucré  , qu’il  faut 
nécessairement  leur  ajouter  des  fruits  pul- 
peux , apres  , acerbes , mûrs  ou  non  mûrs  , 
et  des  aromates  pour  en  relever  la  trop  grande 
fadeur 3 tandis  que  d’autres  exigent,  suivant 
le  climat  et  la  saison  , l’addition  d’un  peu  de 
miel,  de  mélasse  ou  de  cassonade , pour  mas- 
quer leur  excès  d’acidité. 

Car  toutes  les  années  ne  sont  pas  aussi  fa- 
vorables a la  qualité  et  à l’abondance  comme 
celle-ci,  qui  fera  époque  dans  le  siècle  pour 
la  quantité  et  la  grosseur  des  grappes  , pour 
le  volume  et  la  maturité  des  grains  3 aussi  le 
raisin  des  départemens  septentrionaux , com- 
munément moins  savoureux  , se  trouve-t-il 
presque  aussi  sucré  que  la  meme  espèce  pro- 
venant du  ci-devant  Dauphiné  et  de  la  Bour- 
gogne, et  le  raisiné  qui  en  résultera  pourra 
braver  facilement  des  années  entières.  L’alté- 
ration qu’il  éprouve  à mesure  qu’il  vieillit , 
c’est  de  se  candir  ou  de  se  liquéfier  3 dans 
le  premier  cas , on  le  décuit  au  tems  de  la 
vendange  , avec  de  nouveau  moût  3 dans  le 
second  , an  contraire  , on  l’expose  un  peu  au 
feu.  C’est  ainsi  qu’on  peut  rajeunir  sa  pro- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  6l 

vision  , et  la  mettre  encore  en  état  de  passer 
l’hiver. 

On  remarque  que  , dans  les  contrées  mé- 
ridionales , où  l’on  fait  ordinairement  plus 
de  raisiné  qu’ailleurs  , les  raisins  reconnus 
comme  les  plus  propres  à cette  préparation, 
sont  : le  muscat  blanc,  le  muscat  rouge  et  le 
chasselas.  Ils  y parviennent  à une  maturité 
si  parfaite  , et  contiennent  une  si  grande 
quantité  de  principe  sucré  , que  les  vins  qu’on 
obtient  de  la  décomposition  de  ce  principe 
fournissent  à la  distillation  jusqu’à  un  tiers 
de  leur  poids  d’une  eau-de-vie  riche  enalcool  ; 
à Montpellier , c’est  le  raisin  blanc  ou  noir; 
dans  les  départe  mens  plus  septentrionaux  , 
c’est  le  franc-pineau  ou  le  maurillon  noir  qui 
est  la  variété  la  plus  estimée  pour  ce  genre 
de  confiture. 

Mais  pour  cueillir  le  raisin  destiné  à faire 
le  raisiné  , il  faut  attendre  sa  parfaite  matu- 
rité , ne  le  récolter,  autant  que  possible  , que 
par  un  tems  sec  et  un  soleil  ardent  ; avoir 
soin  surtout.de  l’cgrapper  et  de  le  monder 
exactement , vu  que  quelques  grains  gâtés  et 
un  brin  de  rafle  suffiraient  pour  préjudicier 
à la  saveur  gracieuse  du  raisiné. 

Lorsqu’on  jouit  encore , après  la  vendange, 
de  quelques  rayons  de  soleil  , et  qu’il  n’y  a 


62 


l’art  de  composer 

rien  a redoute]’  de  la  part  des  oiseaux  et  des 
insectes , il  serait  utile  d’en  profiter  pour  lais- 
ser plus  long-tems  Je  raisin  sur  le  cep  3 dans 
le  cas  contraire  , il  faut  le  rentrer  à la  mai- 
son, et  l’exposer  sur  la  paille,  comme  pour 
en  faire  le  vin  de  liqueur  de  ce  nom.  Ou 
parviendrait  par  ce  moyen  à diminuer  les 
irais  de  l’évaporation , à tenir  moins  long- 
tems  exposé  à l’action  du  calorique  le  raisiné, 
qui  alors  donne  un  résultat  plus  abondant , 
moins  coloré  et  d’une  saveur  plus  agréable. 
Ce  conseil,  à la  vérité,  que  je  donne  aux 
ménagères  qui  ne  dédaignent  point  de. pré- 
parer elles-mêmes  le  raisiné  de  leur  consom- 
mation, ne.  pourra  jamais  devenir  la  règle 
de  ceux  qui  en  font  une  branche  de  com- 
merce , qui  visent  particulièrement  à la  quan- 
tité et  au  bon  marché.  Mais  chaque  chef  de 
famille,  dans  quelque  position  qu’il  se  trouve, 
peut,  à l’aide  de  quelques  ceps,  obtenir  sa 
confiture  annuelle  à tel  degré  de  bonté  qu’il 
voudra. 

Le  raisiné  ne  consiste  pas  toujours  dans  le 
suc  de  raisin  plus  ou  moins  rapproché  par 
l’évaporation;  on  y fait  Souvent  entrer  des 
fruits  à pépins,  des  fruits  à noyaux,  selon 
les  ressources  locales;  dans  le  nombre  des 
meilleurs  , sont  les  poires  et  les  coings,  puis 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  65 

les  pommes , enfin  les  prunes  ; mais  il  faut 
que  ces  fruits  soient  âpres  et  austères  , pour 
en  relever  la  saveur  trop  douceâtre. 

D’après  ces  observations  rapides , le  bou- 
vard  , le  martin  sec , la  lampe  , le  rnesstre- 
jean  , s’allient  très-bien  avec  les  élémens  du 
raisiné.  Comme  ces  espèces  n’existent  pas 
toujours  en  quantité  suffisante,  on  emploie 
séparément  la  poire  de  vigne  de  la  Norman- 
die , le  catïllac  et  le  grossin  ; ces  derniers 
ont  beaucoup  plus  d’âcreté.  Enfin,  la  prépa- 
ration du  raisiné  fournit  l’occasion  de  tirer 
parti  des  fruits  tombés  avant  la  maturité  ; il 
suffit  alors  de  les  cuire  d’avance,  de  les  mettre 
en  marmelade , et  de  les  conserver  dans  cet 
état  jusqu’à  la  vendange. 

Les  fruits  extrêmement  sucrés , succulens , 
d’une  pulpe  mollasse,  parvenus  à leur  point 
de  maturité,  sont  peu  propres  à la  confection 
du  raisiné  ; ils  perdent  pendant  la  cuisson, 
les  avantages  qu’ils  avaient  étant  crus,  et  pa- 
roissent,  après  l’avoir  subie,  plutôt  décom- 
posés que  perfectionnés. 

Les  poires , les  pommes  et  les  prunes  ne 
forment  pas  toujours  la  base  du  raisiné  3 on 
y fait  entrer  le  potiron,  des  côtes  de  melon 
qui  n’ont  pu  mûrir  ; les  racines  sucrées  , telles 
que  la  carotte.  Mais  ce  n’est  pas  seulement  la 


G/j-  l’art  de  composer 

qualité  des  fruits  , leur  proportion  et  l’état  de 
maturité  où  ils  se  trouvent , qui  concourent  à 
la  perfection  du  raisiné.  Le  procédé  dont  on 
se  sert  pour  opérer  leur  combinaison  et  leur 
cuisson,  n’a  pas  moins  d’influence  sur  la  qua- 
lité et  le  prix  auquel  il  revient  ; il  est  donc 
nécessaire  que  cette  préparation,  toute  simple 
quelle  paraisse  , soit  méthodiquement  gou- 
vernée. 

Quoique  ce  soit  une  coutume  assez  uni- 
versellement suivie  dans  les  cantons  vignobles 
du  midi  , de  faire  à la  maison  , la  provision 
de  raisiné  pour  l’hiver,  toutes  les  ménagères 
ne  connaissent  pas  à fond  le  véritable  pro- 
cédé pour  le  bien  faire.  Elles  ne  font  pas  assez 
attention  que  les  raisins  les  plus  sucrés  et  les 
moins  aqueux  n’exigeut  pas  autant  d’évapo- 
ration , et  vice  versâ.  La  plupart  font  trop 
de  feu , et  poussent  trop  loin  la  cuisson  ; à la 
longue  il  s’épaissit;  d’autres  restent  en  deçà  ; 
alors  il  se  ramollit  , il  s’en  sépare  un  sirop  , 
une  mélasse  , et  finit  par  s’aigrir  vers  la  fin  de 
l’hiver , surtout  lorsque  la  saison  est  douce 
et  humide.  11  est  donc  d’une  nécessité  indis- 
pensable d’assujétir  cette  préparation  à des 
règles  dont  on  11c  doit  s’écarter  que  le  moins 
possible. 


Procède 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  65 


Procédé  pour  la  préparation  du  Raisiné. 

r J i-  - • l.y  ' * * i-  < « : V ' ‘ . > 

Une  règle  générale  à établir  dans  la  con- 
fection du  raisiné  -,  quelle  qu’en  soit  la  con- 
sistance , c’est  d’y  procéder  en  deux  tems, 
et  d’avoir  soin , dès  que  le  liquide  épanché  est 
réduit  aux  deux  tiers,  de  le  passer  tout  chaud, 
de  le  distribuer  dans  des  terrines  non  ver- 
nissées , et  de  l’y  laisser  jusqu’au  lendemain 
malin  5 alors  on  ramasse  , à la  faveur  d’une 
écumoire  , la  pellicule  saline  qui  en  recouvre 
la  surface  et  on  décante  la  liqueur  j ce  qui 
est  cristallisé  au  fond  du  vase  et  à la  super- 
ficie , n’est  autre  chose  que  des  cristaux  de 
tartre  , dont  la  séparation  est  un  moyen  de 
diminuer  l’acidité  trop  marquée  du  raisiné 
préparé  dans  les  cantons  septentrionaux  > et 
peut-être  de  sa  disposition  laxative  : car  il  y 
a tout  lieu  de  présumer  que  c’est  à la  pré- 
sence du  tartre  et  au  corps  muqueux  que  con- 
tient le  suc  du  raisin  , qu’est  due  la  propriété 
qu’a  ce  fluide  de  relâcher  ; propriété  qu’il 
perd  en  passant  à l’état  de  vin , attendu  que 
la  fermentation  a converti  l’un  en  alcool , et 
a précipité  une  grande  .partie  de  l’autre  dans 
la  lie.  --o-j  . ' - 

**•  * * i » J *J  I l)  } f , . 4 « f 

En  séparant  ainsi  du  suc  de  raisin  évaporé 

E 


l’art  DE  COMPOSER 

jusqu’aux  deux  tiers  , la  quantité  de  tartre  qui 
ne  peut  plus  rester  en  dissolution  , on  aug- 
mente d’autant  la  puissance  du  sucre  qui, 
n’ayant  plus  à masquer  l’acidité  , devient 
beaucoup  plus  sensible  soit  dans  le  raisiné  , 
soit  dans  le  sirop , soit  dans  le  vin  cuit  et  les 
liqueurs  qu’on  en  prépare. 

Une  autre  condition  pour  rendre  le  raisiné 
aussi  parfait  qu’il  est  possible  , c’est  que  , 
quand  il  s’agit  de  faire  entrer  dans  sa  compo- 
sition des  fruits  ou  des  racines,  il  faut  toujours 
que  les  uns  et  les  autres  soient  mondes  de 
leurs  peaux  , de  leurs  pépins  et  de  leurs 
écorces  , et  ne  les  ajouter  à la  liqueur  que 
quand  elle  a été  amenée  , par  l’évaporation  y 
à la  consistance  de  sirop  , qui  se  décuit  bien- 
tôt , et  conserve  la  fluidité  necessaire  pour 
favoriser  son  action  sur  les  fruits , operei  leur 
ramollissement,  leur  cuisson  et  leur  combi- 
naison , de  manière  à former  une  marmelade 
égale  et  homogène. 

Üne  troisième  et  dernière  condition  , c est 
de  remuer , sans  discontinuer , le  liquide  com- 
posé , et  de  faire  en  sorte  que  la  chaleur  soit 
très-modérée  : peut-être  seroit-ii  prudent  de 
n’achever  la  cuisson  du  raisiné  quà  la  tem- 
pérature du  bain-marie,  comme  on  a la 
louable  habitude  de  le  faire  dans  nos  labora- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  67 

toires , pour  les  extraits , et  alors , il  y aurait 
infiniment  moins  de  risques  à courir  pour 
le  brûler. 

La  nature  des  vaisseaux  dont  on  se  sert 
pour  préparer  le  raisiné  mérite  aussi  quelques 
considérations.  O11  s’est  plaint,  dans  quelques 
endroits  , que  son  usage  avait  occasionné  des 
coliques.  En  supposant  que  ces  plaintes  soient 
fondées  , 011  parerait  toujours  à cet  inconvé- 
nient, en  n’employant  à sa  préparation  que 
des  vases  de  cuivre  jaune  ou  de  cuivre  rouge, 
parfaitement  étamés,  afin  d’empêcher  que  la 
liqueur,  qui  a toujours  un  caractère  éminem- 
ment acide , n’exerce  sur  le  métal  vénéneux, 
une  action  marquée  et  n’en  dissolve  quel- 
ques parcelles.  M.  Chaptal  a dit  avoir  vu  à 
Montpellier  , mettre  des  clefs  de  fer  dans 
la  chaudière  , pendant  la  cuisson  du  raisiné  5 
elles  étaient  toutes  rouges  quand  on  les  en 
retirait.  Les  méthodes  les  plus  généralement 
adoptées  pour  préparer  les  confitures  dont  il 
s’agit , se  trouvent  insérées  dans  le  supplément 
du  Cours  complet  d’ Agriculture  , au  mot 
raisiné. 


E 2 


68 


i/art  de  composer 

Observations  sur  les  phénomènes  qui  s’opè- 
rent dans  le  Raisiné. 

Comme  les  autres  marmelades  de  fruit , le 
raisiné  présente  dans  sa  confection,  plusieurs 
phénomènes  auxquels  on  n’a  pas  fait  assez, 
d’attention  , parce  que  cet  ordre  de  prépara- 
tion est  devenu  le  domaine  particulier  d’un 
art  qui,  se  trouvant  séparé  de  la  pharmacie  } 
n’a  pas  encore  mérité , de  la  part  des  savans, 
une  étude  approfondie. 

Les  fruits  dont  ces  marmelades  sont  com- 
posées y ont  éprouvé  des  changemens  nota- 
bles dans  leur  saveur  et  dans  leur  couleur , 
quelle  en  est  la  raison  ? Nous  croyons  la  trou- 
ver dans  la  décomposition  que  les  parties 
constituantes  du  fruit  ont  subie  par  l’action 
du  calorique  et  par  la  nouvelle  combinaison 
qu’elles  ont  formée  avec  l’eau , combinaison 
qui  , par  cela  quelle  est  dilïérente  de  1 an- 
cienne , doit  exercer  des  effets  différens  sur 
les  organes  5 nous  ferons  même  à cet  égard 
une  observation , c’est  que  la  saveur  sucrée 
d’un  fruit , d’une  semence  ou  d’une  racine 
11’est  pas  toujours  en  raison  de  la  quantité  de 
mucoso-sucré  que  ces  parties  des  végétaux 
renferment } et  que , dans  cette  circonstance , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE-,  etc.  69 

il  arrive  , par  les  mélanges  et.  les  modifica- 
tions que  produit  la  cuisson,  une  appropria- 
tion à la  saveur  sucrée. 

Si  les  feuilles  des  plantes  perdent , par  une 
simple  dessiccation  à l’air  libre , une  partie  de 
leur  vertu  3 si  les  fruits  et.  les  racines  devien- 
nent coriaces  et  beaucoup  moins  sapides  par 
ce  moyen  , on  est  en  droit  de  conjecturer 
que  la  chaleur  douce  qui  a produit  la  dessicca- 
tion de  ces  parties  des  plantes  n’a  pu  enlever 
que  leur  humidité  surabondante  3 si  la  culture 
leur  donne  une  saveur  nouvelle  , que  ne  doit 
pas  faire  sur  elles  l’action  de  la  chaleur  por- 
tée au  point  de  mettre  l’eau  qu’elles  contien- 
nent en  ébullition,  qui  a alors  un  degré  supé- 
rieur à l’eau  bouillante  ? Cette  action  pro- 
duit nécessairement  l’effet  remarqué  3 on  ne' 
peut  pas  attribuer  à une  autre  cause  la  dif- 
férence sensible  qui  existe  entre  les  plantes 
potagères  et  légumineuses  , considérées  dans 
leur  état  de  crudité  , de  dessiccation  et  de 
cuisson. 

Mais  comment  cette  combinaison  nouvelle, 
produite  dans  les  fruits  par  la  chaleur  de 
l’ébullition,  s’altère -t-elle  en  y restant  ex- 
posée au  delà  du  terme  convenable  ? Elle 
éprouve  le  sort  de  toutes  les  combinaisons 


70  l'art  DE  COMPOSER 

végétales  ; elle  subit  nécessairement  et  suc- 
cessivement diverses  modifications,  a mesure 
que  le  calorique  lui  enlève  quelques-uns  de 
ses  principes;  de  là  les  soins  à prendre  pour 
ménager  l’évaporation  des  marmelades  , et 
pour  saisir  le  degré  de  leur  cuite  , le  point 
où  elles  sont  le  moins  altérées  possible.  Aussi, 
en  raffinant  le  sucre  évite -t- on  de  l’exposer 
à un  feu  trop  fort , qui  lui  ferait  éprouver 
une  décomposition  partielle,  augmenterait  la 
quantité  de  son  eau-mère , et  lui  donnerait 
cet  état  que  l’on  appelle  gra isser  ; on  se  garde 
donc  de  pousser  trop  loin  la  cuisson. 

•Lorsque  ces  marmelades  ne  sont  pas  suffi- 
samment cultes  , qu’elles  s’altèrent  en  vieillis- 
sant dans  une  atmosphère  humide , pourquoi 
tournent-elles  à l’aigre  sans  avoir  éprouvé  la 
fermentation  spiri tueuse  ? C’est  parce  que  , 
manquant  des  conditions  sans  lesquelles  cette 
fermentation  n'a  pas  lieu  et  ne  peut  changer 
le  sucre  en  alcool , le  mouvement  qui  la  rem- 
place agit  d’abord  sur  les  substances  autres 
que  le  sucre,  plus  disposées  à être  différem- 
ment altérées.  En  effet,  nous  voyons  que  la 
fermentation  spiritucusc  ne  s’établit  dans  le 
suc  des  fruits  que  lorsque  les  parties  fluides 
abondantes  en  principe  doux  cl  sucré  en  sont 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  71 

extraites  et  ont  la  liberté  d’agir  les  unes  sur 
les  autres  avec  le  concours  d’un  certain  degré 
de  chaleur. 

Car  l’humidité  et  la  température  sont  deux 
causes  suffisantes  pour  que  , sans  le  concours 
de  l’air  et  de  la  lumière  , la  fermentation 
s’établisse  : 011  sait  que  beaucoup  de  vins  et 
d’autres  liqueurs  fermentent  dans  des  vais- 
seaux très-bien  bouchés,  à l’abri  du  contact 
de  l’air  et  de  la  lumière. 

Cette  opération  , considérée  comme  une 
action  et  une  réaction  chimiques  de  la  part 
de  plusieurs  principes  les  uns  sur  les  autres  , 
peut  s’exécuter  par  la  seule  force  de  la  ten- 
dance de  tous  les  corps  à la  combinaison  ■ du 
vin  qui  a déjà  fermenté  peut  fermenter  une 
seconde  fois , si  on  le  renferme  dans  une 
bouteille  entourée  de  papier  noir  , si  on  y 
mêle  du  mucoso-sucré , et  s’il  est  exposé  à 
une  température  de  douze  degrés , au  dessus 
de  zéro.  La  preuve  la  plus  certaine  que  cette 
opération  chimique  a été  bien  exécutée,  c’est 
qu’en  débouchant  Je  vase  au  bout  de  quelque 
tems , on  voit  une  quantité  considérable  d’a- 
cide carbonique  gazeux  se  dégager,  produit 
qui  n’est  dû  qu’à  la  destruction  de  la  matière 
mucoso-sucrée.  Le  contact  de  l’air  ne  fait 
donc  ici  que  favoriser  ce  dégagement , sans 


7 2 l’art  DE  COMPOSER 

concourir  à la  forinalioii  cle  ce  combiné.  Si 
ce  gaz  très-élastique  n’était  retenu  par  la  force 
du  vase  qui  le  contient  et  qui  le  comprime  , 
il  s’échapperait  promptement.  L’effort  qu’il 
fait  continuellement  pour  se  dégager  étant 
supérieur  à la  résistance  du  vase  , celui-ci  est 
brisé  avec  fracas;  donc,  que  ce  gaz  était  pro- 
duit antérieurement  à l’époque  où  le  liquide 
a éprouvé  le  contact  de  l’air  : il  paraît  donc- 
plus  exact  de  dire  que  le  contact  de  l’air  fa- 
vorise le  dégagement  des  diffère  11s  gaz  pro- 
duits par  la  fermentation,  que  d’admettre 
que  la  fermentation  ne  peut  s’établir  que  par- 
ie contact  de  l’air  et  de  la  lumière. 

O11  sait  que  le  raisin  arrivé  à maturité, 
pourrit  sur  le  cep  , sans  subir  la  fermentation 
spiritueuse.  Le  jus  des  fruits  y.  est  beaucoup 
moins  disposé,  après  qu’il  a bouilli  sur  le 
feu  , parce  qu’il  a perdu  , par  l’ébullition  , 
une  partie  de  son  ferment , lequel  s'est  séparé 
sous  la  forme  d’écume , et  aussi  quand  il  est 
privé  d’une  trop  grande  quantité  d’eau  3 le 
suc  de  raisin  conservé  dans  un  lieu  froid  , se 
clarifie  sans  fermenter,  et  offre  bientôt  à sa 
superficie  quelques  points  de  moisissure;  en- 
lin,  le  miel  et  le  sirop  de  sucre  exposés  dans 
un  endroit  humide , éprouvent  un  mouve- 
ment pareil  à celui  qui  altère  les  confitures 


LES  LlÇUELRS  DE  TABLE,  etc.  70 

pcacuites  : ils  s’aigrissent  l’un  et  l’autre  comme 
elles,  sans  avoir  passé  à la  fermentation  spi- 
ri  tueuse. 

Cet  exemple  que  nous  venons  île  citer  est 
une  nouvelle  preuve  de  notre  opinion  sur  la 
fermentation  spiritueuse.  Dans  le  raisin  , tel 
qu’il  existe  sur  la  vigne  , on  doit  considérer 
un  être  jouissant  d’une  vie  particulière,  com- 
posé comme  tous  les  autres  d’un  système 
d’organisation  , où  se  trouvent  des  vaisseaux 
de  toute  espèce,  qui  concourent  à la  nutri- 
tion de  l’individu  , à son  augmentation  de 
volume,  en  un  mot,  à sa  perfection 3 si  donc 
tout  est  ici  dans  l’ordre  naturel , ou  si  toutes 
les  parties  organiques  sont  à leur  place  et 
remplissent  leurs  fonctions  , il  est  clair  que  la 
fermentation  ne  pourra  les  déranger,  qu’autant 
que  , par  un  accident  quelconque,  on  vien- 
dra à changer  leur  disposition  , ;t  les  confon- 
dre , et  à en  opérer  le  mélange  pins  ou  moins 
complet  3 alors  , au  milieu  de  celte  confu- 
sion , les  ageus  extérieurs  exerceront  leur 
influence  sur  ces  différentes  parties,  déter- 
mineront, l’action  intimé  et  réciproque  de 
chacune  d’elles  , et  la  loi  de  l’attraction  n’é- 
prouvant plus  aucun  obstacle  , changera  la 
substance  simple  en  composées  binaires,  ter- 
naires, etc.,  et  la  désorganisation  des  corps, 


1 


74  l’art  DE  COMPOSER 

en  un  mot , en  sera  le  résultat;  de  sorte  donc 
que  , toutes  les  fois  que  le  raisin  se  pourrit 
sur  le  cep  , ce  n’est  pas  toute  la  masse  des 
grains  qui  est  attaquée  à la  .fois,  c’est  vers  la 
surface  supérieure  que  l’altération  commence, 
elle  devient  successive  et  finit  par  déranger 
tout  le  système,  sans  que  la  fermentation 
alcoolique  ait  le  tems  de  s’établir  , et  par  ia 
raison  fort  simple  que  toutes  les  parties  se 
désorganisent  en  particulier  , et  non  dans 
l’état  de  mélange. 

11  arrivé  également  que  le  raisin  entier 
exposé  au  soleil , ou  bien  suspendu  au  plan- 
cher du  fruitier , pour  le  conserver  toute 
l’année  , au  lieu  de  fermenter , n’éprouve 
d’autre  altération  que  celle  de  la  dessiccation 
provenant  de  la  perte  d’une  très-grande  par- 
tie de  l'humidité;  la  fermentation  11e  peut  pas 
s’établir  dans  ce  cas  , et  moins  facilement 
meme  que  dans  le  premier  , preuve  que  : 
iü.  toutes  les  fois  qu’une  substance  fermen- 
tescible perd  une  portion  de  l’humidité  qui 
doit  concourir  à produire  ou  à favoriser  ce 
mouvement,  ce  même  mouvement  est  arrêté 
ou  détruit  ; 20.  que  la  perte  de  cette  humi- 
dité n’a  rien  dérangé  à l’organisation  inté- 
rieure des  grains  de  raisins  , et.  n’a  produit 
tout  au  plus  que  le  rapprochement  des  par- 


LEî.  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  ^5 

lies  organiques  , sans  les  diviser  ni  les  con- 
fondre 3 il  est  également  facile  de  voir  que 
ce  n’est  pas  du  tout  à la  privation  du  contact 
de  l’air  pour  la  matière  renfermée  dans  la 
pellicule  des  grains  de  raisins , que  la  fermen- 
tation est  retardée , car , par  la  même  raison 
que  l’humidité  intérieure  s’évapore , ce  qui 
admet  des  pores  sur  cette  pellicule  , l’air  ex- 
térieur exerce  une  influence  plus  ou  moins 
marquée  sur  ce  fruit , de  même  que  la  lu- 
mière qui  , comme  on  sait  le  traverse  , puis- 
qu’ds  jouissent  d’une  lucidité  assez  marquée, 
au  moins  les  raisins  blancs. 

En  admettant  que  la  température  de  douze 
à quinze  degrés  soit  nécessaire  , pour  que  la- 
fermentation  puisse  s’exécuter  , on  ne  peut 
disconvenir , qu’une  chaleur  moindre , ou 
qu’une  température  froide  ne  doive  s’oppo- 
ser à son  établissement , la  division  et  la  dila- 
tation des  principes  qui  constituent  le  moût 
n’étant  pas  portées  assez  loin,  l’action  chimi- 
que ne  peut  s’exercer  , et  de  là  l'équilibre 
qu’on  observe  dans  le  liquide  3 ces  principes 
sc  séparent  les  uns  après  les  autres  , dans 
l’ordre  de  leur  gravité  et  l’attraction  des  par- 
ties similaires  , le  muqueux  se  décompose  à 
la  surface. , le  tartre  se  précipite  avec  la  ma- 
tière colorante  , le  suc  devient  limpide  , et 


^6 


l’art  de  composer 

finirait  meme  par  fournir  la  matière  sucrée, 
cristallisée  , si  on  laissait  détruire  tout  le  mu- 
queux qui  l’enveloppe,  en  enlevant  succes- 
sivement les  couches  de  moisissure  qui  se 
forment  à la  surface  de  la  liqueur. 

Sirop  de  Raisiné. 

Tl  arrive  souvent  qu’au  lieu  de  poursuivre 
l’évaporation  du  moût  jusqu’à  la  consistance 
demi -solide,  on  s’arrête  au  moment  où  le 
îiqujde  a acquis  l’état  sirupeux  , et  il  n’y  a 
pas  de  doute  que  celte  préparation , à laquelle 
on  n’a  peut  - être  pas  donné  une  attention 
assez  suivie  , trouverait  encore  son  applica- 
tion dans  l’économie  domestique. 

L’art  de  concentrer  le  vin  doux  au  moyen 
du  calorique,  pour  le  conserver  dans  un  état 
liquide,  était  déjà  connu  et  mis  en  pratique 
chez  les  Lacédémoniens.  Les  Espagnols,  après 
avoir  exprimé  le  suc  de  raisin,  y ajoutaient 
du  plâtre  nouveau  qui,  ayant  la  propriété  de 
décomposer  le  tartre,  diminuait  par  consé- 
quent la  quantité  de  celui  qui  existait  dans 
ce  liquide  et  son  caractère  acide  ; c’est  d’après 
cotte  double  propriété  qu’on  a proposé  der- 
nièrement d’ajouter  un  peu  de  craie  au  suc 
de  raisin  , pour  en  obtenir  un  sirop  moins 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  77 

aigrelet  3 voici  quelques  expériences  que  j’ai 
laites  dans  la  vue  toujours  d’économiser  le 
sucre , de  tirer  parti  des  productions  locales 
et  de  les  améliorer. 

Ou  a pris  six  livres  de  suc  de  raisins  noirs 
bien  mûrs  et  légèrement  exprimés  , afin  d’é- 
viter la  trop  grande  quantité  d’extractif  3 il 
avait  une  couleur  trouble  , rougeâtre  , une 
saveur  sucrée  , aigrelette  et  mucilagineuse  3 
on  l’a  placé  sur  un  feu  doux  et  on  l’a  fait 
cuire  en  consistance  de  sirop  , après  l’avoir 
clarifié  avec  l’albumen  3 ce  sirop  étant  aci- 
dulé en  se  refroidissant , déposait  une  matière 
épaisse  de  couleur  rougeâtre , semblable  à la 
liqueur. 

D’après  l’examen  particulier  de  cette  subs- 
tance , on  remarque  qu’elle  fournit  une  grande 
quantité  de  tartrite  acidulé  de  potasse , uni  à 
beaucoup  de  mucoso-sucré  3 la  liqueur  plus 
limpide  qui  surnageait  contenait,  outre  une 
portion  considérable  de  matière  sucrée  , des 
acides  malique  et  acéteux , et  sans  doute  de 
l’acide  tartareux  en  petite  quantité.  L’abon- 
dance de  cette  matière  mueiiamneuse  sucrée 

o 

contenue  dans  ce  sirop,  y aurait  bientôt  dé- 
veloppé un  mouvement  de  fermentation  , 
malgré  le  degré  de  cuisson  auquel  on  l’avait 
réduit  , mais  il  est  possible  de  prévenir  cette 


7$  l'art  de  composer 

fermentation  à la  faveur  de  l'alcool.  Les  six 
liv  res  de  moût  employées  ont  produit  envi- 
ron une  livre  deux  onces  de  sirop. 

Ce  sirop  est  d’une  acidité  agréable  , en 
l’clendant  dans  l’eau  à l’instar  des  sirops  de 
groseille  et  de  limon  \ il  peut  tenir  lieu  et 
remplacer  par  conséquent , les  sirops  prépa- 
rés avec  les  fruits  dont  on  fait  usage  pendant 
les  chaleurs  de  l’été. 

Pour  enlever  des  acides  contenus  dans  Je 
moût  qu’on  veut  amener  à l’état  de  sirop 
doux,  on  peut  mettre  en  pratique  divers  pro- 
cédés j nous  avons  déjà  fait  voir  qu’il  était 
possible  , par  la  simple  décantation , de  le 
dépouiller  d’une  portion  de  tartre , mais  ce 
n’est,  que  par  la  voie  des  combinaisons  qu’on 
peut  le  détruire  en  totalité,  ainsi  que  les  au- 
tres acides. 

Le  point  essentiel  est  de  trouver  une  base 
qui , se  combinant  avec  eux  , en  formât  des 
sels  insolubles  , susceptibles  d’être  séparés 
ensuite  de  la  liqueur  5 et  comme  l’acide  tar- 
tareux  forme  avec  la  chaux  un  sel  insoluble , 
on  peut  l’enlever  par  ce  moyen.  Si  l’on  em- 
ploie dans  ce  procédé  du  carbonate  calcaire 
ou  de  la  craie,  la  seule  portion  libre  d’acide 
tartareux  se  combine  avec  la  chaux  , mais  la 
portion  de  potasse  qui  tient  la  crème  de  lar- 


LES  LIQUEURS  DE  TüiLE,  ClC.  79 

tre  (tartrite  acidulé  de  potasse)  demeure  unie 
à l’acide  tartareux , et  forme  du  sel  végétal , 
tartrite  de  potasse  ; si  Fon  se  sert  au  con- 
traire , de  chaux  vive  , on  la  combine  avec 
tout  l’acide  tartareux , mais  la  potasse  reste 
dissoute  dans  la  liqueur.  Elle  peut  s’unir  aux 
acides  malique  et  acéteux.  En  ajoutant  une 
plus  grande  portion  de  chaux  vive  , on  neu- 
tralise, à la  vérité  , tous  les  acides  , mais  celte 
terre  est  en  partie  dissoluble  dans  l’eau , ainsi 
que  dans  les  malates  et  les  acétates  de  chaux  ; 
il  est  difficile  de  les  séparer  du  sirop  sans  l’al- 
térer. 

En  se  bornant  cependant  à saturer  les  aci- 
des par  la  chaux  , au  moyen  du  carbonate  cal- 
caire , et  en  séparant  le  tartrite  de  chaux , on 
peut  obtenir  un  sirop  dans  lequel  restent  , à 
la  vérité  , du  tartrite  de  potasse  , des  malates 
et  acétates,  mais  en  trop  petite  quantité  pour 
être  sensible  au  goût.  Dans  cet  état,  le  sirop 
de  raisin  est  mucilagineux  et  peut  servir  de 
sirop  ordinaire,  surtout  au  midi  de  la  France  , 
où  ce  fruit  est  d’autant  plus  riche  en  sucre 
qu’il  l’est  moins  en  tartre  , et  devenir , sous  la 
main  du  vigneron  industrieux,  une  branche 
importante  d’économie  , parce  que  la  prépa- 
ration dont  il  s’agit  ne  coûte  presque  que  du 
tems,  des  soins  et  du  combustible. 


6o 


L * A R T DE  COMPOSER 

C’est  surtout  ie  raisin  blanc  qu  il  faudrait 
choisir  de  préférence  pour  cette  préparation , 


vu  qu’il  fournit  moins  de  matière  colorante 
et  de  tartrite  acidulé  de  potasse  que  le  raisin 
noir  , mais  aussi  il  paraît  moins  facile  à con- 
server, tandis  (pie  la  couleur  de  ce  dernier 
étant  d’une  nature  un  peu  ambrée,  est  plus 


propre  à retarder  la  fermentation  spiritueusc 
du  sirop.  En  y ajoutant  queîquesaromates,  ou 
les  rendrait  fort  agréables;  iis  se  conservent 
assez  bien , mais  ils  ont  le  désavantage  oc  se 
décuire  facilement  en  laissant  , comme  tous 
les  sirops  abondans  en  extractif , une  portion 
de  sucre  se  cristalliser  contre  les  parois  tics 


bouteilles. 

Au  reste,  quelle  que  soit  la  nature  du  rai- 
sin, pourvu  qu’il  ait  atteint  son  point  de  ma- 
turité,. la  meme  espèce  peut  fournir  à l'exis- 
tence de  deux  sirops  distincts  par  leur  cou- 
leur et  leur  saveur  ; le  premier  n’est  que  le 
moût  dépouillé  d’une  portion  de  tartre  et 
rapproché  à la  consistance  requise  ; le  second 
est  ce  même  moût  oans  dequel  on  a jelc  un 
peu  de  craie  pour  neutraliser  les  acides  , le- 
quel, clarifié  et  évaporé  au  même  degré  de 
consistance,  donne  un  résultat  compaiable 
au  sirop  de  sucre  ayant  le  goût  un  peu  miel- 
leux. 

On 


LES  LTQUEURS  DE  TABLE,  etc.  Si 

On  peut  donc  ainsi  avoir  toute  l’année  sous 
la  main  , un  sucre  liquide  5 suppléer  le  sucre 
ordinaire  dans  la  préparation  des  ratafias  et 
des  liqueurs  , des  confitures  et  des  gelées 
acides  , dans  les  compotes  de  pommes  et  de 
poires  3 il  suflirait  d’en  verser  une  certaine 
quantité  sur  les  fruits  cuits  par  la  voie  humide , 
dont  la  fadeur  a souvent  besoin  d’ètre  relevée 
par  un  assaisonnement  aigrelet  5 enfin  ces 
sirops  peuvent  être  comparés  à ceux  qui  ré- 
sultent de  certaines  poires  cuites  au  four  par 
la  voie  sèche,  et  qui  nagent  souvent  dans  un 
fluide  sirupeux,  sans  aucune  addition  de 
sucre. 

Sirop  de  Carottes. 

Dans  les  ouvrages  modernes  d’économie 
rurale  et  domestique,  il  n’est  plus  question 
maintenant  que  du  sirop  préparé  avec  les  ca- 
rottes , la  racine  la  plus  sucrée  après  le  cher- 
vi  , mais  rien  11’est  moins  conforme  à l’art  , 
plus  embarrassant  et  plus  coûteux  que  le  pro- 
cédé indiqué  pour  sa  préparation. 

Eu  examinant  ce  qui  se  passe  dans  une 
racine  charnue  soumise  à l’ébullition  dans 
l’eau  , on  remarque  que  les  principes  qui 
la  constituent  sont  isolés , pour  ainsi  dire , dans 

F 


82  l’art  DE  COMPOSER 

l’état,  naturel , se  réunissent  et  se  combinent 
de  plus  en  plus , acquièrent  de  la  mollesse  , 
de  la  flexibilité,  d’où  résulte  ce  qu’on  nom- 
me la  cuisson , pendant  laquelle  une  partie 
de  l’extrait  a passé  dans  le  véhicule,  l’autre 
demeure  adhérente  à la  substance  elle-même  , 
défendue  et  recouverte  par  le  tissu  3 enfin 
la  troisième  partie  s’est  unie  avec  la  matière 
fibreuse. 

En  vain  on  continuerait  de  faire  bouillir 
une  racine  arrivée  à l’etat  de  cuisson , dans 
la  vue  d’en  obtenir  la  totalité  de  l’extrait 
qu’elle  contient , l’eau  ne  se  charge  plus  , 
même  par  des  décoctions  longues  et  1 epe- 
tées , que  d’une  petite  portion  , et  elle  par- 
vient à l’état  de  squelette  fibreux  sans  avoir  pu 
fournir  à l’eau  aidee  de  la  chaleur  , les  pim- 
cipcs  que  ce  fluide  était  capable  de  dissoudic 
et  d’extraire,  etc. 

11  y a long  - tems  que  j’ai  dit  et  prouvé 
que,  pour  obtenir  tous  les  principes  d’une 
racine  succulente , il  fallait,  non  pas  la  cune  , 
non  pas  la  piler  ou  la  froisser  quand  elle  est 
crue  ou  cuite , mais,  après  l’avoir  lavée  à plu- 
sieurs eaux,  la  râper,  déchirer  les  réseaux  fi- 
breux dans  lesquels  se  trouvent  renfermés 
certains  corps  muqueux , comme  dans  des 
étuis. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  85 

Une  autre  condition  à laquelle  on  ne  fait 
pas  assez  attention , lorsqu’il  s’agit  de  sirops 
préparés  avec  des  racines  charnues  , c'est 
que , quand  le  suc  est  exprimé  , il  ne  faut 
procéder  à son  évaporation  qu’après  l’avoir 
laissé  reposer  pendant  vingt-quatre  heures  , 
puis  décanté 3 car  j’ai  démontré  que  la  plu- 
part de  ces  racines  renfermaient  de  l’amidon 
qui,  à un  certain  degré  de  chaleur,  se  con- 
vertissant en  empois  ou  gelée  , donnerait  de 
la  consistance  au  liquide,  et  ne  concourrait 
pas  à sa  conservation. 

Après  avoir  pris  trois  livres  deux  onces 
de  carottes , privées  de  leurs  feuilles , de 
leurs  queues  et  de  la  superficie  de  leur 
substance , qui  ordinairement  , malgré  le 
soin  qu’on  prend  de  les  nettoyer,  est  sale 
et  imprégnée  de  matière  hétérogène , je  les 
ai  râpées  3 cette  première  opération  faite  , 
elles  ont  été  fortement  comprimées  dans  une 
toile  assez  claire  pour  en  retirer  le  suc  na- 
turel 3 j’ai  obtenu  un  produit  liquide  à l’aide 
d’une  chopine  d’eau  bouillante  que  j’ai  versée 
sur  le  marc  déjà  exprimé  , une  livre  deux 
onces,  et  par  conséquent  deux  livres  de  ré- 
sidu pulpeux  , que  j’ai  remarqué  être  forte- 
ment sucré.  (Je  lui  eus  bien  enlevé  la  totalité 
de  sa  substance  sucrée  à l’aide  d’un  moyen 

F 2 


84-  l’art  de  composer 
r • . 
mécanique,  c’est-à-dire,  par  le  pilon.)  J ai 

fait  évaporer  ce  suc  après  l’avoir  décante  et 
clarifié  avec  un  blanc  d’œuf,  jusqu’à  consis- 
tance de  sirop  5 j’ai  retrouvé  deux  onces  de 
ce  dernier. 

il  est  donc  à observer  premièrement , que 
trois  livres  deux  onces  de  carottes , exprimées 
seulement  à l’aide  de  la  force  musculaire  , 
produisent  une  livre  deux  onces  de  liquide 
effectif 3 deuxièmement,  qu’il  serait  possible 
d’en  obtenir  une  plus  grande  quantité  pai 
le  moyen  d’une  presse,  par  l’ébullition  ou 
parla  contusion  , le  résidu  actuel  ayant  en- 
core une  saveur  très-sucrée. 

On  conçoit  qu’il  est  aisé  de  préparer  un 
sirop  avec  les  fruits  à baies  tels  que  les  rai- 
sins , mais  que  les  racines  les  plus  abondantes 
en  sucre  ne  peuvent  pas,  a cause  de  leui  con- 
texture parenchymateuse  et  muqueuse  , su- 
bir aussi  facilement  cette  préparation , parce 
que , soit  qu’on  en  sépare , par  la  râpe  et  la 
presse  , la  totalité  des  principes  quelles  con- 
tiennent, soit  qu’on  les  fasse  bouillir  dans 
l’eau  pour  l’extraire , la  consistance  du  sirop 
est  autant  due  à l’abondance  de  la  matièie 
extractive  , qu’au  sucre  concentré  , et  que  , 
par  conséquent,  il  est  difficile  de  garantir  pour 
long-tems  un  pareil  sirop  de  lu  fermentation. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  85 

Quel  que  soit  le  mode  de  préparation  qu’on 
découvre  pour  faire  du  sirop  avec  des  ca- 
rottes , quoique  les  racines  les  plus  riches  en 
mucoso-sucré  , il  ne  faut  nullement  compter 
sur  un  pareil  supplément  ÿ elles  offriront  tou- 
jours infiniment  plus  de  ressources  en  subs- 
tance comme  assaisonnement , ou  comme 
nourriture. 

Du  Chocolat . 

La  conquête  du  nouveau  monde  a valu 
quelques  biens  à l’Europe  , qui  ne  compen- 
seraient jamais  les  maux  que  l’Europe  a causés 
à cette  contrée.  Du  nombre  de  ces  biens,  esr 
la  découverte  que  firent  les  Espagnols  de  la 

boisson  dont  les  Mexicains  faisaient  leurs  dé- 

• 

lices  : ils  lui  attribuaient  des  propriétés  mer- 
veilleuses. Les  Espagnols  crurent  leurs  nou- 
veaux sujets , et  se  hâtèrent  de  transporter 
dans  leur  pays,  ce  qui  était  nécessaire  pour 
préparer  le  chocolat.  Laissons  de  côté  les 
vertus  merveilleuses  qu’on  y a recherchées 
avec  assez  d’enthousiasme  pour  ne  les  y pas 
trouver.  Tout  le  monde  est  d’accord  que  la 
boisson  du  chocolat,  est  une  sorte  d’aliment 
qui  convient  surtout  aux  estomacs  paresseux, 
et  dont  par  conséquent  les  vieillards  font  un 


86  l’art  de  composer 

usage  salutaire.  Bientôt  les  autres  nations  de 
l’Europe , parvinrent  à découvrir  le  secret  des 
Espagnols  3 et  l’on  prépara  de  toutes  parts  du 
chocolat  aussi  bon  que  celui  qu’ils  vendaient. 

Ce  sont  nos  limonadiers  qui  sont  dans 
l’usage  de  préparer  la  boisson  appelée  cho- 
colat 3 mais  la  fabrication  de  la  pâte  avec  la- 
quelle on  fait  cette  boisson,  est  demeurée  le 
partage  de  quelques  ouvriers  ambulans , qui 
se  transportent  avec  leurs  appareils  chez 
celui  qui  désire  en  vendre  3 car  à cet  égard  , 
limonadier  , épicier  , vinaigrier  , et  beau- 
coup d’individus  encore  , outre  ces  trois 
espèces  de  négocians,  s’annoncent  pour  fa- 
bricans  de  chocolat.  Il  n’y  a pas  jusqu’à 
de  pieux  solitaires , qui , dans  Paris,  n’en  fas- 
sent un  débit  considérable.  Avant  de  parler 
de  la  fabrication  du  chocolat , il  est  juste  de 
dire  un  mot  de  ces  ingrédiens  : le  cacao  en 
est  la  base  3 le  sucre  en  est  l’assaisonnement  3 
la  vanille  et  la  cannelle  en  sont  les  aromates. 
Le  cacao  est.  une  amande  brune  , composée 
de  plusieurs  lobes  irréguliers  , recouverts 
d’une  double  écorce,  dont  l’extérieur  est 
chagriné.  Ces  amandes  sont  la  semence  que 
donne  un  arbre  appelé  le  cacaotier , dont  la 
description  botanique  se  trouvant  dans  pres- 
que tous  les  livres,  serait  superflue  ici.  O11 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  87 

distingue  dans  le  commerce  plusieurs  espèces 
de  cacao  3 la  première  et  la  plus  renommée  , 
est  le  cacao  appelé  gros  caraque  , parce  que 
c’était  une  grosse  espèce  que  l’on  tirait  de 
Caraque.  Ce  cacao  estimé , devenu  très-rare  , 
a presque  toujours  l’inconvénient  d’ètre  taclié 
de  moisissure  dans  son  intérieur.  Le  moyen 
caraque  est  le  plus  en  usage  3 il  est  petit , 
mais  applati  comme  le  gros  caraque  : il  est 
fort  sec  , et  a besoin  d’ètre  broyé  long-tems. 
Ces  deux  espèces  sont  presque  tombées  en 
désuétude  dans  nos  fabriques  , depuis  que 
nos  colons  de  Saint-Domingue  et  des  autres 
îles , sont  parvenus  à faire  réussir  le  cacaotier 
dans  leurs  plantations.  Le  cacao  des  îles  est 
plus  renflé,  d’un  brun  plus  rougeâtre  3 il  le 
faut  choisir  bien  mûr,  ce  que  l’on  reconnaît 
lorsqu’en  le  mâchant  il  ne  donne  point  d’a- 
mertume. Enfin  il  y a dans  le  commerce  , 
une  quatrième  espèce  de  cacao  , qu’on  appelle 
cacao  de  Cayenne , qui  approche  plus  pour 
la  grosseur  du  cacao  caraque , mais  qui  con- 
serve toujours  une  certaine  amertume  3 la 
plupart  de  nos  fabricans  ne  prennent  que 
l’une  ou  l’autre  de  ces  deux  dernières  espè- 
ces 3 et  quoique  l’on  dise  du  prétendu  secret 
des  moines  qui  vendent  du  chocolat  dans 
Paris , ce  secret  ne  consiste  que  dans  le  bon 


$8  i/art  de  composer 

choix  du  cacao.  Nous  ne  dirons  rien  ici  sur 
le  sucre  qui  ne  soit  connu. 

On  prend  de  préférence  dans  les  îles , du 
sucre  terré , et  en  France  de  helle  cassonade. 

La  vanille  est  le  plus  ancien  aromate  que 
1 on  emploie  dans  le  chocolat  : elle  est  encore 
une  production  du  Mexique  ; ce  sont  des 
gousses  d’un  brun  luisant , longues  de  qua- 
tre à cinq  pouces,  ridées  à l’extérieur,  sou- 
vent garnies  de  petits  flocons  salins  et  neigeux, 
et  pleines  dans  l’intérieur,  d’une  quantité  in- 
nombrable de  petits  grains  noirs,  qui  sont 
attachés  les  uns  aux  autres  par  des  filets  im- 
perceptibles 3 telle  doit  être  la  bonne  vanille , 
dont  tous  les  dictionnaires  d’histoire  natu- 
relle et  de  matière  médicale  donneront  d ail- 
leurs une  plus  ample  description,  il  suffit 
ici , ainsi  que  pour  le  cacao  , de  mettre  Je  fa- 
bricant à portée  de  distinguer  la  matière  qu’il 
veut  employer.  C’est  pour  celte  raison  que 
nous  11e  dirons  rien  11011  plus  de  la  cannelle. 

Les  instrumens  nécessaires  pour  la  fabri- 
cation du  chocolat,  ne  sont  ru  nombreux  , ni 
difficiles  à comprendre  ; on  établit  une  es- 
pèce de  pied  de  table  carré  , Joug  de  trois 
pieds  , large  de  deux  , et  hajul  do  deux 
pieds  et  demi  ; les  montans  sont  arretés  haut 
et  bas  par  des  traverses;  sur  celui  d’en  bas  , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ItC.  8() 

pose  une  planche  sur  laquelle  ou  placera  , 
lorsqu’il  faudra , une  poêle  de  fer  avec  du 
feu  allumé.  Cette  partie  de  table  est  le  plus 
souvent  en  forme  de  caisse,  ayant  une  porte 
pour  poser  et  ôter  la  poêle  ; cet  encaissement 
conserve  plus  de  chaleur  cl  la  répand  plus 
uniformément  sous  la  pierre  à broyer.  Sur 
les  traverses  supérieures  , se  pose  d’une  ma- 
nière solide  , une  pierre  de  trois  pouces  d’é- 
paisseur, creuse  dans  son  milieu,  c’est-à-dire, 
que  si  les  deux  extrémités  ont  trois  pouces , 
le  milieu  ne  doit  avoir  que  deux  pouces  , ce 
qui  fait  une  espèce  de  double  pupitre , dont 
les  parties  les  plus  hautes  forment  les  deux 
extrémités.  D’autres  artistes  ne  tiennent  pas 
leur  pierre  creuse,  mais  la  posent  en  pente 
sur  la  table  , de  manière  que  le  côté  le  plus 
haut  se  trouvera  près  de  la  poitrine  de  l’ou- 
vrier lorsqu’il  travaillera  sa  pâte.  Du  côté  où 
il  travaille  , il  y a une  planche  de  traverse 
plus  haute  que  la  pierre  sur  laquelle  i!  appuie 
le  ventre  lorsqu'il  promène  sa  lame  en  rou- 
leau. 

On  a,  d’autre  part,  une  barre  de  ier  bien 
arrondie  , ayant  en  longueur  la  largeur  de  la 
pierre  ; on  donne  à cette  barre  un  pouce  et 
demi  de  diamètre  , et  on  la  tient  emmanchée 
par  ses  extrémités  , à deux  morceaux  de  bois 


90  l’art  de  composer 

arrondis , un  peu  moins  gros  qu’elle , et  por- 
tanl  chacun  deux  ou  trois  pouces  de  long. 
Quelques  artistes  négligent  ce  dernier  soin  , 
et  tiennent  seulement  leurs  barres  plus  lon- 
gues que  la  pierre  n’est  large.  On  a d’autre 
part  des  couteaux  à lames  larges  et  ployantes , 
à peu  près  comme  ceux  dont  les  peintres 
broient  leurs  couleurs,  ou  une  planche  plate 
appelée  amastet.  Quelques  fabricans  ont  une 
seconde  pierre  qui  est  une  plaque  plate  de 
fer  fondu  , sur  laquelle  ils  affinent  leur  pâte 
avec  un  rouleau  de  cuivre. 

Je  ne  parlerai  pas  des  machines  imaginées 
pour  mouvoir  ces  rouleaux  sans  le  secours 
des  bras  , les  fabricans  ne  les  ayant  pas 
adoptées. 

Le  fabricant  grille  son  cacao  dans  une 
poêle  de  fer  , en  le  remuant  constamment 
jusqu’à  ce  qu’il  s’aperçoive  que  l’écorce  se 
détache  facilement  de  l’amande  ; alors  on 
verse  le  cacao  sur  un  vau  , pour  séparer 
exactement  cette  écorce  d’avec  l’amande  ; 011 
sépare  par  la  même  occasion , celles  des 
amandes  qui  paraissent  gâtées  ; et  011  remar- 
que , que  trois  livres  de  cacao  caraque  don- 
nent deux  livres  tout  épluchées , ce  qui 
augmente  son  prix  du  tiers;  en  sorte  que  si 
le  caraque  coûte  1 liv.  10  s.  la  livre,  il  rc- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,etC.  QI 

vient  tout  épluché  à 5 hv.  7 a 8 s.  : le  cacao 
des  îles,  au  contraire  , 11e  perd  qu  un  quart; 
en  sorte  que  lorsqu’il  coûte  17  sous  la  livre, 
il  revient , tout  épluché  à 21  s.  8 deniers. 


On  a mis  sous  la  pierre  assez  de  feu  pour 
pouvoir  l’échauffer , au  point  d y poser  la 
main  sans  souffrir.  On  met  le  cacao  qu  on  a 
quelquefois  commence  a piler  dans  un  moi  - 
t,ier  de.  fer  ; on  le  met , dis-je  , ou  entier,  ou 
déjà  écrasé  sur  cette  pierre , et  on  1 écrase  à 
l’aide  de  la  barre  que  l’on  y fait  rouler , en 
ayant  soin  de  rapprocher  avec  le  couteau  ce 
qui  s’écarterait  ; si  la  pierre  devenait  par 
hasard  trop  chaude  , on  retire  la  poêle  pour 
quelques  instans  , ou  bien  on  en  recouvre  la 
braise  avec  des  cendres  , le  point  essentiel 
étant  que  cette  chaleur  soit  douce  , égale  et 
continue.  Lorsque  le  cacao  commence  à de- 
venir pâteux  et  doux  sous  la  barre  , on  y 
ajoute,  petit  à petit,  la  quantité  de  sucre 
bien  en  poudre  , qu'on  a dessein  d employer;' 


je  dis  qu’on  a dessein  , parce  que  sur  ccl  ar- 
ticle les  fabricans  ne  sont  pas  d’accord  ; les 
uns  mettent  livre  pour  livre  ; les  autres  , au 
contraire , ne  mettent  qu’un  quarteron  de 
sucre  par  livre  de  pâte.  S’il  est  possible  dans 
une  diversité  si  grande  , d’établir  quelque 
règle  à l’aide  de  laquelle  le  fabricant  puisse 


92  L’ART  DE  COMPOSER 

se  déterminer  , ce  sera  la  nature  du  cacao 
qu’il  aura  employé  qu’il  consultera  5 pour 
en  couvrir  l’amertume , il  surchargera  la  dose 
du  sucre.  A plus  forte  raison  , comme  nous 
le  dirons  par  la  suite,  augmentera-t-il  cette 
dose  , lorsqu’il  voudra  suppléer  au  cacao 
d’autres  substances  qui  n’y  ont  aucun  rap- 
port. 

11  est  bon  que  l’on  sache,  avant  de  passer 
plus  loin  , que  l’opération  par  laquelle  on 
fabrique  le  chocolat , consiste  à développer , 
à l’aide  de  la  chaleur  , une  substance  onc- 
tueuse que  contient  le  cacao  , à la  rendre 
miscible  à l’eau , en  faisant  ce  que  les  phar- 
maciens appellent  un  oleo-saccharum  , c’est-à- 
dire,  en  combinant  avec  le  sucre  cette  ma- 
tière grasse  j puis  à remêler  ce  nouveau  com- 
posé de  sucre  et  d’huile  avec  le  parenchyme 
du  cacao.  Le  sucre  bien  incorporé  , 011  con- 
tinue de  le  broyer  toujours  uniformément  et 
par  parties. 

Lorsque  la  pâte  est  de  toute  finesse , qu’on 
ne  sent  plus  de  grumeaux , il  est  tems  d’y  ajou- 
ter les  aromates  ; et  leur  quantité  , celle  de 
vanille,  surtout,  qu’on  y ajoute,  sert  à dé- 
terminer le  prix  marchand  du  chocolat.  On 
dit  du  chocolat  de  santé  ou  sans  vanille  , du 
chocolat  à une , deux , trois  et  quatre  vanilles , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  90 

ce  qui  signifie  que  dans  une  livre  de  chocolat  , 
il  y a depuis  un  scrupule  , jusqu’à  quatre 
scrupules.  Cette  vanille,  ainsi  que  la  cannelle, 
dont  on  met  toujours  une  petite  quantité  , 
telle  qu’un  demi-gros  par  livre,  doit  être 
au  préalable  pilée  et  broyée  avec  le  double 
de  leur  poids  de  sucre  3 011  les  joint  à la  pâte , 
on  broie  de  nouveau , et  lorsque  le  tout  est 
bien  mélangé  , on  dresse  le  chocolat  de  deux 
manières  3 les  uns  dans  des  moules  de  ler- 
blanc,  arrangés  de  manière  à diviser  la  demi- 
livre  qu’on  y mettra  en  huit  parties  égales. 

Ces  moules  sont  une  caisse  de  fer-blanc , 
haute  d’un  demi-pouce  , large  d’un  et  demi 
ou  deux  3 le  fond  de  ces  moules , au  lieu  d’être 
tout  plat  est  garni  d’une  rigole  saillante  , 
coupée  par  quatre  petites  rigoles  transvei- 
sales.  L’ouvrier  se  dispense  assez  ordinaire- 
ment de  peser  3 si  cependant  il  veut  le  faire 
pour  plus  de  justesse  , il  tare  ses  moules  dans 
sa  balance.  Autrefois  on  était,  dans  l’usage  de 
mettre  un  cachet  qui  prouvait  que  le  cacao 
venait  de  l’Espagne  3 ce  cachet  n’est  plus 
actuellement  qu’un  usage  qui  ne  sert  même 
pas  à faire  connaître  le  fabricant,  puisque  ce 
fabricant  est  le  plus  souvent  un  homme 
ignoré.  D’autres  ont  des  feuilles  de  papier 
sur  lesquelles  ils  versent  leur  pâte  par  mor- 


9i 


l’art  de  composer 

ceaux  d’une  once;  cette  pâte  s’applatit , et 
forme  un  pain  rond  qu’on  appelle  tablette. 
La  liquidité  de  cette  pâte  est  due  à la  chaleur 
de  la  pierre , l’espèce  de  beurre  ou  huile  de 
cacao  ayant  la  double  propriété  de  se  liqué- 
fier à une  très-douce  chaleur  et  d’être  singu- 
lièrement dure  lorsqu’elle  refroidit.  La  pâte 
versée  dans  les  moules  ou  en  tablettes , s’en 
détache  très-aisément,  et  forme  des  masses, 
brunes , luisantes  d’un  coté  et  mates  de  l’au- 
tre , qu’on  enveloppe  avec  soin  dans  des  pa- 
piers bleu-blancs  , pour  les  vendre  à titre  de 
chocolat  de  l’espèce  de  santé  ou  autres. 

Ce  n’est  pas  seulement  en  France  que  l’on 
prépare  des  pâtes  de  chocolat  3 d nous  vient 
des  îles  un  chocolat  brun  sans  sucre  et  sans 
aromate , qui  n’est  autre  chose  que  le  cacao 
seul  broyé  et  mis  en  une  masse  ou  espèce  de 
bâton  long , et  du  poids  d’environ  une  livre 
et  demie.  Ceux  qui  désireraient  de  ce  cho- 
colat , doivent  le  goûter  bien  attentivement  ; 
on  en  trouve  qui  est  d’une  amertume  insou- 
tenable , pour  avoir  été  fait  avec  du  cacao 
trop  vert  3 il  y en  a d autre  qui  est  à peine 
gras  , pour  avoir  été  privé  en  partie  de  son 
huile  ou  beurre  qui  , seul  et  a part , fait  un 
objet  de  commerce.  Ce  n est  pas  que  dans 
l’Europe  depuis  , surtout , que  la  boisson  du 


LES  LIQUEURS  DE  T À BLE,  etc.  < 5 

chocolat  est  devenue  si  commune  , il  ne  se 
commette  sur  la  fabrication  du  chocolat , des 
abus  équivalens. 

Le  plus  connu  de  ces  abus  , c’est  de  tirer 
une  partie  du  beurre  ou  huile  de  cacao;  on 
broie  la  masse  restante , que  l’on  surcharge 
de  cassonade  et  de  cannelle , et  l’on  vend  cela 
pour  du  chocolat.  D’autres  riiêle-nt  des  aman- 
des grillées  et  de  la  farine  à une  petite  quan- 
tité de  cacao;  d’autres  se  contentent  de  join- 
dre à ces  amandes  une  portion  de  cacao  en 

En  goûtant,  ces  différens  chocolats,  il  sera 
aisé  de  ne  s’y  pas  méprendre  ; plus  ils  sont 
âcres  eu  cannelle  et  sucrés,  plus  il  faut  s’en 
défier , d’ailleurs  le  chocolat  bien  fait , lors- 
qu’on le  goûte  , laisse  dans  la  bouche  une 
fraîcheur  qu’il  doit  à l’abondance  de  son 
beurre;  c’est  meme  un  caractère  distinctif  du 
beurre  ou  huile  de  cacao  , que  rien  ne  peut 
suppléer  ; ajoutez  à cela,  que  le  chocolat  mal 
fait  n’a  point  de  vanille  , mais  est  aromatisé 
avec  le  storax  en  pain  , ce  qui , quand  on  le 
mâche  , rend  une  odeur  approchante  de  celle 
de  l’encens  qu’on  brûle  dans  les  églises  ; au 
lieu  que  l’odeur  de  la  vanille  est  douce  et  n’a 
rien  d’amer. 

Ily  a enfin  un  moyen  certain  pour  n’ètre 


q6  l’art  de  composer 

pas  trompé,  c’est  ou  de  faire  faire  le  chocolat 
sous  ses  yeux  .,  ou  de  le  prendre  dans  ces 
magasins  tellement  famés  , que  le  plus  léger 
soupçon  11e  puisse  s’y  glisser  légitimement. 
C est  avec  cette  pâte  que  se  prépare  la  liqueur 
appelée  chocolat , mot  mexicain , que  les 
Espagnols  ont  conservé. 

On  prend  une  tablette  ou  une  once  de 
pâte,  on  la  râpe  sur  une  râpe  de  fer-blanc  3 
on  fait  bouillir  de  l’eau  , et  lorsqu’elle  est 
bouillante,  on  y verse  le  chocolat  à mesure 
qu’d  se  fond  3 dès  qu’il  est  fondu , 011  le  retire 
du  feu,  e(  on  le  tient  seulement  dans  un  en- 
droit chaud  , parce  que  la  continuité  de  l'é- 
bullition, quelque  bien  faite  que  soit  d’ailleurs 
la  pâte,  en  détacherait  bientôt  un  peu'  de 
l’huile  ou  beurre  , ce  qui  rendrait  la  liqueur 
détestable.  A l’instant  de  servir  le  chocolat , 
on  le  verse  dans  une  cafetière  particulière  , 
appelée  chocolatière  , dont  le  couvercle  est 
troué  pour  laisser  passer  le  manche  d’un 
moussoir  de  buis  , composé  de  cinq  à six 
rondelles  de  ce  bois,  échancrées  comme  une 
roue  dentée  oblique 3 ces  rondelles  sont  per- 
cées par  le  centre  pour  être  introduites  dans 
un  bout  du  manche , dont  le  diamètre  est 
plus  étroit  à cet  endroit  que  dans  le  reste  de 
sa  longueur  3 ces  rondelles  sont  assujetties  par 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  etc.  97 
Rue  petite  vis  et  un  petit  écrou  5 en  roulant 
la  portion  du  manche  qui  passe  à travers  le 
couvercle  de  la  cafetière  , on  fait  naître  dans 
la  liqueur  un  mouvement  assez  considérable 
qui  la  fait  mousser  j et  c’est  dans  cet  état 
quon  la  verse  dans  les  tasses.  Celles-ci  diffe- 
rent des  tasses  à calé  , en  ce  qu’elles  sont 
hautes  et  tiennent  au  moins  le  double.  L’ac- 
tion du  mousson*  remele  le  peu  de  beurre 
de  cacao  qui  pourrait  s’être  séparé , et  em- 
pêche la  précipitation  du  parenchyme  5 elle 
devient  plus  essentielle  au  mauvais  fabricant, 
qui  aurait  acheté  du  chocolat  préparé  avec 
des  substances  étrangères  au  cacao  , ou  avec 
du  cacao  déjà  privé  de  son  beurre.  La  bois- 
son du  chocolat , pour  cire  bien  faite  , doit 
être  d’un  brun  clair  , bien  uniforme , et  ne 
laissant  que  difficilement  précipiter  très-peu 
de  matière.  Si , par  hasard , on  la  laisse  re- 
froidir , on  doit  apercevoir  quelques  gouttes 
rondes  sur  sa  surface. 

Le  chocolat  au  lait  ne  diffière  de  celui  dont 
il  vient  detie  question,  qu  en  ce  qu’ayant 
fuit  iondic  le  chocolat  râpé  dans  une  très- 
pctite  quantité  deau,  comme  deux  onces  au 
plus  par  tablettes,  on  y verse  le  lait  bouil- 
lant àl  instant  de  servir,  en  ayant  grand  soin 

G 


98  l’art  de  COMPOSES 

de  le  faire  mousser  un  peu  plus  long-tems 
que  le  chocolat  à l’eau.  Le  mauvais  chocolat 
se  soutient  plus  facilement  dans  le  lait  que 
dans  l’eau  ; et  comme  l’usage  de  boire  le  cho- 
colatà  l’eau  est  presqu’anéanti  dans  les  cafés, 
il  est  plus  facile  à ceux  qui  en  auraient  de  mal 
fabriqué,  de  l’employer  dans  cette  circons- 
tance. Comme  je  suis  porté  à croire  que  le 
limonadier  qui  ne  fabrique  pas  sa  pâte  de  cho- 
colat, est  le  premier  trompé  dans  l’achat  quai 
en  pourrait  faire , j’indique  volontiers  les  si- 
gnes auxquels  on  reconnaîtra  de  la  pâte  de 
chocolat  bien  ou  mal  faite.  La  couleur  de  la 
tablette  doit  être  d’un  brun  rouge  ; plus  cette 
couleur  est  mate , moins  le  chocolat  est  bon . 
Sa  surface  doit  être  lisse  , et  meme  luisante  } 
si  ce  luisant  se  dissipe  seulement  au  toucher , 
C est  une  preuve  qu  il  y a de  la  mixtion.  Loi  s- 
qu’on  casse  du  chocolat , il  doit  être  uni  dans 
la  fracture  , point  graveleux  , et  surtout 
n’ayant  aucun  point  luisant  3 car,  nous  la- 
vons déjà  observé , c’est  avec  le  sucre  que  le 
fabricant  cherche  à déguiser  sa  mal -façon. 
Enfiin,  en  mâchant  un  peu  de  chocolat,  il 
doit  Sé  fondre  doucenâcnt  dans  la  bouche , ne 
laisser  apercevoir  sur  la  langue  aucune  aspé- 
rité , y répandre  un  frais  agréable  , et  se  dis- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  99 

soutire  entièrement  dans  la  salive.  11  faut  ab- 
solument rejeter  tout  chocolat  qui  fait  un 
dépôt  ; c’est  , surtout  pour  les  palais  bien 
exercés , la  meilleure  méthode  de  distinguer 
les  chocolats  falsifiés  , parce  qu’en  mâchant  ce 
dépôt,  la  saveur  âpre  ou  amandée,  la  séche- 
icsse  du  cacao  épuise  , enfin  la  saveur  parti- 
culieie  des  substances  qu’on  a pu  y joindre, 
se  développe  et  se  décèle  facilement. 

DES  LIQUEURS. 

Les  principes  généraux  , quoique  claire- 
ment exposés  , seraient  assez  inutiles,-  si  l’on 
négligeait  d’y  joindre  les  détails  instructifs  et 
lart  de  les  appliquer.  Rien  de  plus  vrai  qu’en 
lait  de  pratique,  ces  détails  font  infiniment 
de  plaisir  ; on  les  exige  même,  et  jusqu’aux 
répétitions , si  fastidieuses  partout  ailleurs  , 
deviennent  nécessaires  quand  il  s’agit  de  re- 
cettes. 

Mal-à-propos  s attendrait-on  à trouver  ici 
les  recettes  de  toutes  les  liqueurs  possibles  ou 
même  connues;  ce  détail  me  mènerait  trop 
loin , peut-être  même  déplairait-il. 

Je  croirai  donc  avoir  bien  rempli  mon 
objet  si  je  parviens  a indiquer  une  méthode 

G 2 


joo  l’art  de  composer 
facile  pour  faire  les  liqueurs  simples , les  li- 
queurs composées,  et  les  liqueurs  plus  com- 
posées. A laide  de  cette  méthode  nette  et 
- circonstanciée,  on  répétera,  on  inventera, 
on  perfectionnera  sans  peine  toutes  les  li- 
queurs connues  et  inconnues. 

11  est  bon  d’avertir  ici  que  quoique  je  me 
sois  fait  une  loi  de  marquer  les  doses  avec 
l’exactitude  la  plus  scrupuleuse  , il  ne  faudra 
cependant  pas  toujours  s’y  conformer  a la 
lettre.  11  arrive  souvent  que  les  drogues  que 
l’on  emploie  ne  sont  pas  toutes  d’une  égale 
bonté  ; les  plantes  sèches,  par  exemple , sont 
bien  différentes  des  plantes  nouvellement 
cueillies;  la  cannelle  , les  semences  , les  raci- 
nes sont  souvent  altérées  , soit  de  vétusté  ou 
par  accident.  Il  peut  donc  arriver,  surtout 
dans  les  compositions  compliquées  , qu’une 
drogue  soit  bonne , l’autre  médiocre , et  une 
troisième  fort  mauvaise.  Dans  ces  sortes  de 
cas,  il  faudrait  agir  avec  prudence,  avoir  re- 
cours aux  règles  de  combinaison,  substituei 
une  substance  à une  autre  , etc.  In  peu  de 
pratique  donnera  celte  intelligence. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  TOI 


Du  Cajé. 

% 

JNous  appelons  de  ce  nom  le  fruit  d’un 
arbre  originaire  de  l’Arabie  heureuse.  Cet 
arbre  s’élève  depuis  six  jusqu’à  douze  pieds  3 
la  circonférence  du  tronc  porte  dix , quelque- 
fois quinze  pouces. 

Quand  il  a atteint  toute  sa  hauteur , il 
ressemble  assez  , pour  la  figure , à nos  arbres 
fruitiers  de  huit  ou  dix  ans.  Le  bois  en  est 
fort  tendre , et  si  pliant , que  le  bout  de  sa 
plus  longue  branche  peut  facilement  être 
amené  jusqu’à  terre  sans  se  casser  3 son  écor- 
ce est  blanchâtre,  raboteuse  3 sa  feuille  np- 
Pr  oehe  un  peu  de  celle  du  laurier,  mais  pas 
tout-à-fait  si  pointue.  L’arbre  de  café  est  tou- 
jours vert,  et  ne  se  dépouille  jamais  de  tou- 
tes ses  feuilles  à la  fois  3 elles  sont  rangées 
des  deux  cotés  des  rameaux  à une  médiocre 
distance,  et  presque  à l'opposite  l’une  de  l’au- 
tre. Pendant  toute  l’année,  et  dans  le  même 
tems,  on  voit  sur  le  même  arbre,  feuilles  , 
fleurs  et  fruits  , en  différons  degrés  de  matu- 
rité 3 les  fleurs  sont  blanches,  et  ressemblent 
beaucoup  à celles  du  jasmin  3 l’odeur  en  est 
très-agréable , quoique  la  saveur  en  soit  amè re 3 
elles  sont  placées  entre  la  queue  des  feuilles 


102  L’ART  DE  COMPOSER 

et  la  tige;  chaque  fleur  produit  un  fruit  très- 
vert  d’abord  , mais  qui  devient  rouge  en 
mûrissant , et  ressemble  à une  crosse  cerise  : 
il  est  fort  bon  à manger  alors , nourrit  et  ra- 
fraîchit beaucoup.  Sous  la  chair  de  cette  ce- 
rise on  trouve , au  beu  de  noyau  , la  fève 
que  nous  appelons  café , enveloppée  d’une 
pellicule  fort  line;  cette  fève  est  alors  extrê- 
mement tendre,  et  sa  saveur  est  assez  désa- 
gréable; mais  à mesure  que  celle  espèce  de 
cerise  mûrit,  la  lève  qu’elle  renferme  durcit 
insensiblement.  Enfin,  Je  soleil  ayant,  tout  à 
fait  desséché  ce  fruit  rouge , la  pulpe  que  l’on 
mangeait  auparavant  devient  une  baie  de  cou- 
leur fort  brune  ; ce  n’est  plus  qu’une  écorce 
qui  enveloppe  le  café.  La  fève  est  pour  lors 
solide  , et  d’un  vert  clair;  elle  nage  dans  une 
sorte  de  liqueur  épaisse,  noirâtre  et  très- 
amère.  La  baie  attachée  à l’arbre  par  une 
queue  courte  , est  un  peu  plus  grosse  que  la 
baie  dulaurier.  Chaque  baie  contient  une  seule 
fève  qui  se  divise  ordinairement  en  deux  moi- 
tiés , convexes  d’un  côlé,  plates  de  l’autre  , 
avec  une  rainure  ou  sillon  dans  toute  sa  lon- 
gueur. 

La  récolte  du  café  pourrait  se  faire  en  tout 
tems;  mais  les  Arabes  choisissent  assez  volon- 
tiers Je  mois  de  mai.  Quand  ils  veulent  faire 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  I0'> 

«• 

leur  cueillette,  ils  étendent  de  grandes  pièces 
de  toile  sous  les  arbres  3 en  les  secouant,  le 
café  mûr  se  détache  et  tombe.  On  le  met  dans 
des  sacs  pour  le  transporter  ailleurs  3 on  le  ré- 
pand en  monceaux  sur  des  nattes,  afin  tpi  il 
sèche  au  soleil  pendant  quelque  tems.  Etant 
bien  sec  , on  passe  sur  les  baies  des  roulons  de 
pierre  qui  les  écrasent  3 on  vanne  ensuite  le 
tout,  et  le  café  est  pour  lors  dans  l’état  où 
nous  le  recevons. 

• 

Depuis  que  le  café  a été  transplanté  dans 
nos  colonies  , il  est  devenu  fort  commun  ; 
mais  il  s’en  faut  bien  qu’il  soit  tout  d’une  égale 
qualité  , conséquemment  il  suppose  du  choix. 
Le  meilleur  est  toujours  celui  qui  croît  dans 
le  royaume  d’Yemen  , Surtout  aux  environs 
«le  Senam  , de  Galbini  et  de  Bctel-Fagi , trois 
villes  des  montagnes  situées  dans  l’Arabie 
heureuse.  Celui  d’Oudet,  petit  canton,  est  le 
plus  renommé  parmi  les  orientaux  3 011  lui 
donne  en  France  le  nom  de  Moka,  non  pas 
qu’il  y croisse,  car  il  n’en  vient  point  aux 
enyirons  de  celte  ville , ou  bien  s’il  y en  vient , 
il  est  aussi  mauvais  que  celui  des  îles  de  l’ Amé- 
rique 3 mais  on  a donné  le  nom  de  Moka  au 
calé  de  Betel-Fagi,  d’Oudet,  etc. , parce  qu’en 
1709  une.  compagnie  de  Français,  sous  la 
conduite  du  capitaine  Merveille,  a commencé 


à faire  le  commerce  du  café  dans  la  ville  de 
Moka , où  résident  les  courtiers  des  Indes 
pour  le  trafic  de  cette  marchandise. 

L’usage  du  café  est  plus  propre  à flatteries 
sens  qu’à  servir  de  remède  , c’est  peut-être 
pour  cette  raison  qu’il  est  si  généralement  ré- 
pandu -y  je  ne  voudrais  cependant  pas  nier 
qu’il  n’eût  quelques  vertus  3 car  il  fortifie  le  • 
cerveau,  il  dissipe  les  vapeurs,  et  calme  les 
maux  de  tète  j il  empêche  un  peu  ou  dimi- 
nue l’ivresse  ; mais  toutes  ces  propriétés 
n’ont  lieu  qu’autant  qu’on  le  prend  avec  mo- 
dération. Quand  011  en  aîmse , on  ne  tarde 
pas  a s’en  ressentir  ; le  sang  s’échauffe,  les 

nerfs  sont  agités,  le  sommeil  disparaît.  Les 

• 

personnes  jeunes  , vives,  maigres,  se  ressen- 
tent. plutôt  de  ces  effets  incommodes  que  les 
personnes  plus  âgées  et  plus  grasses  5 celles- 
ci  doivent  le  prendre  sans  lait  et  avec  peu  de 
sucre  j les  autres,  au  contraire,  11c  doivent 
s’en  permettre  l’usage  que  rarement,  et  avec 
beaucoup  de  sucre  ci  de  lait. 

Pour  faire  du  café  en  liqueur,  choisissez 
trois  livres  de  café- moka,  du  meilleur  qu  il 
soit  possible  de  trouver  ; et  comme  les  mar- 
chands sont  sujets  à le  méiauger  avec  d’autre 
café  moins  bon,  on  se  donnera  la  peine  de 
le  trier  grain  à grain,  rsous  avons  dit  que  le 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE.  CtC.  Iü5 

bon  café  moka  était  aisé  à reconnaître  ; son 
grain  est  petit , assez  rond,  et  d’une  couleur 
jaunâtre  tirant  sur  le  vert.  Les  autres  cafés 
communément  ont  la  fève  plus  grosse  ; elle 
est  toujours  bleue  ou  grise.  Faites  torréfier 
ces  trois  livres  de  café  dans  une  poêle  de  fer. 
Il  ne  faut  pas  qu’il  le  soit  trop  ; il  sera  à son 
point  quand  il  aura  contracté  une  couleur  de 
marron  fort  clair  3 donnez-vous  surtout  bien 
de  garde  qu’il  ne  soit  noir,  ou  même  d’un 
brun  foncé  3 vous  le  moudrez  ensuite  comme 
si  vous  aviez  dessein  de  le  prendre  à l’eau. 
Mettez  en  infusion  ces  trois  livres  de  café  e n 
poudre  dans  neuf  pintes  d’eau-dc-vic  3 ou  si 
vous  voulez  avoir  une  liqueur  plus  fine,  et 
qui  ne  se  ressente  pas  des  défauts  de  l’eau- 
de-vie,  prenez  cinq  pintes  d’esprit-de-vin 
parfaitement  rectifié,  ajoutez  à cette  quantité 
quatre  pintes  d’eau  commune , et  mettez  vo- 
tre café  en  poudre  infuser  dans  ce  mélange. 
On  pratiquera  ce  que  nous  venons  de  dire 
ici  de  l’esprit-de-vin  pour  toutes  les  infusions 
dont  nous  parlerons  par  la  suite. 

Ayant  laissé  macérer  votre  café  pendant 
huit  jours,  vous  verserez  l’infusion  dans  h 
cucurbite  , vous  y adapterez  le  réfrigérant  ; 
vous  placerez  l’alambic  au  bain  - marie  , e. 
vous  distillerez  au  filet  assez  fort.  Ayant  re- 


io6 


l’art  de  composer 

tiré  six  pintes  de  liqueur,  vous  les  reverserez 
dans  la  cucurbite  par  le  canal  de  cohobation  , 
après  quoi  vous  distillerez  au  très-petit  blet  ; 
ayant  retiré  cinq  pintes  de  liqueur  spiritueuse , 
et  bien  imprégnée  d’huile  aromatique  de  café , 
vous  arrêterez  la  distillation.  Vous  procéde- 
rez ensuite  à la  siropation , comme  il  a été  dit 
dans  les  principes  généraux,  c’est-à-dire,  que 
vous  ferez  fondre  cinq  livres  de  sucre  dans 
cinq  pintes  d’eau  de  fontaine  ou  de  rivière  , 
vous  mêlerez  les  esprits  avec  ce  sirop,  après 
quoi  vous  filtrerez  avec  d’autant  moins  de 
peine  que  le  mélange  ne  sera  point  laiteux. 

• Du  Thé . 

On  ne  trouve  cet  arbrisseau  que  dans  quel- 
ques provinces  de  la  Chine  , du  Japon  eî  de 
la  Tartarie,  et  encore  les  feuilles  n’en  sont- 
elles  pas  d’une  égale  bonté.  La  diflerence  eu 
est  si  grande,  dit  un  géographe  (Atlas  Sini- 
cus),  qu’il  y a tel  thé  qui  ne  vaut  à la  Chine 
qu’une  obole  la  livre,  tandis  qu’il  y en  a 
d’autre  qui  se  vend  jusqu’à  deux  pièces  d’or 
et  plus.  Celui  que  les  Chinois  estiment  da- 
vantage , croît  dans  la  province  de  Kiangnau  , 
aux  environs  de  la  ville  de  Hoci-Gheu.  C est 
un  arbrisseau  dont  la  tige  se  partage  en  plu- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CÎC.  1 07 

sieurs  branches  ; sa  feuille  ressemble  assez  à 
celle  du  sumack,  scs  fleurs  commencent  à 
paraître  vers  la  fin  de  mai , elles  sont  de  cou- 
leur blanche  tirant  un  peu  sur  le  jaune  , et 
d’une  odeur  fort  agréable.  A cette  lleur  suc- 
cède une  baie  composée  de  trois  capsules  , 
verte  au  commencement,  et  presque  noire 
quand  elle  entre  en  maturité. 

Les  Chinois  préparent  les  feuilles  de  thé 
avec  des  soins  extrêmes  5 ce  sont  ces  feuilles 
qui  leur  servent,  comme  à nous,  pour  faire 
cette  boisson  célèbre  que  nous  appelons  thé. 
Ils  les  cueillent  lorsqu’elles  sont  encore  ten- 
dres ; d’abord  ils  les  présentent  au  feu  , dans 
un  instrument  qui  ne  sert  qu’à  cet  usage  ; 
les  feuilles  ayant  acquis  un  léger  degré  de 
siccité,  ils  les  roulent  chacune  séparément  sur 
elle  - même,  les  présentent  encore  au  feu  , et 
les  roulent  de  nouveau  jusqu’à  ce  qu’elles 
soient  parfaitement  sèches  5 étant  préparées 
de  la  sorte,  ils  les  conservent,  dans  des  boites 
d’étain. 

Les  orientaux  font  un  grand  usage  ' du 
thé  , et  cet  usage  s’est  répandu  jusqu’en  Eu- 
rope, mais  plus  particulièrement  en  Hollan- 
de , en  Angleterre  , et  dans  les  pays  septen- 
trionaux, où  l’on  boit  cette  teinture  pendan» 
tout  le  jour  et  une  bonne  partie  de  la  nuitsao' 


io8 


l’art  de  composer 

discontinuer  : la  manière  de  la  préparer  est 
trop  connue  pour  qu’il  soit  nécessaire  de  nous 
y arrêter. 

Plusieurs  auteurs  exaltent  les  rares  qua- 
lités du  thé;  l’expérience  nous  apprend  qu’il 
détruit  les  mauvais  levains  des  premières 
voies,  qu’il  dissout  les  matières  visqueuses 
rassemblées  dans  l’estomac,  et  capables  d’al- 
térer les  bonnes  qualités  du  chyle  , et  par 
conséquent  de  former  des  obstructions  dans 
les  glandes  du  mésantère.  Le  thé  est  encore 
céphalique;  il  appaise  la  migraine,  il  dissipe 
l’assoupissement,  les  vapeurs,  l’étourdisse- 
ment, il  rend  l’esprit  libre;  pris  le  matin 
avec  du  lait,  il  purge  doucement;  il  est  fort 
bon  aux  asthmatiques,  aux  pthisiques , aux 
pulmoniques;  mais  ce  qui  est  beaucoup  plus 
certain , c’est  qu’il  est  fort  apéritif. 

Prenez  quatre  onces  de  bon  thé  impérial , 
c’est  Je  meilleur;  à son  défaut  prenez  le  thé 
vert,  jetez  cette  dose  dans  une  chopine  d’eau 
bouillante;  après  un  bouillon,  retirez  la  ca- 
fetière du  feu,  fermez  - la  exactement,  don- 
nez le  tems  au  thé  de  se  développer.  Cette 
première  infusion  n’étant  plus  que  tiède  , 
vous  aurez  une  forte  teinture  : verscz-la  avec 
les  feuilles  de  thé  dans  neuf  pintes  d’eau- 
de-vie  ou  d’esprit-de-vin  tempéré,  comme 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  IOQ 

nous  l’avons  dit , avec  de  l’eau  commune  , 

bouchez  bien  la  cruche,  et  laissez  le  tout  en 

• ' 

macération  pendant  huit  jours.  Si  au  bout 
de  ce  tems , l’eau  - de  - vie  n’a  pas  contracté 
une  odeur  de  thé  agréable  et  tirant  un  peu 
sur  l’odeur  de  violette,  ce  sera  une  marque 
que  votre  thé  n’est  pas  d’une  excellente  qua- 
lité. En  ce  cas,  prenez  encore  deux  onces  de 
thé  ; jetez-les  dans  un  demi-septier  d’eau  bouil- 
lante ; tirez-cn  la  teinture , comme  la  pre- 
mière fois  , et  ajoutez  - la  à votre  infusion  , 
que  vous  continuerez  pendant  huit  autres 
jours,  il  sera  pour  lors  tems  de  distiller. 

Vous  commencerez  cette  opération  et  vous 
la  finirez  au  bain  - marie , en  observant  de 
pousser  jusqu’au  fort  filet  pendant  les  quatre 
premières  pintes  qui  sortiront  ; vous  les  coho- 
bercz  , et  apres  avoir  diminué  le  degré  de 
feu , vous  continuerez  la  distillation  au  petit 
filet  jusqu’à  l’occurrence  de  cinq  pintes;  vous 
cesserez  alors.  Faites  ensuite  votre  sirop  à 
froid , en  faisant  fondre  cinq  livres  de  sucre 
dans  cinq  pintes  d’eau;  mettez -y  vos  cinq 
pintes  d’esprit  de  thé,  et  filtrez  selon  l’art. 

La  liqueur  de  thé,  préparée  comme  nous 
venons  de  le  dire , est  douce , fort  agréable  ; 
elle  ressemble  assez  à l’eau-de-vie  d’Andaye, 
elle  en  a même  les  propriétés,  étant,  ainsi 


4 


110  l'art  de  composer 

9 

qu’elle,  souveraine  pour  aider  à la  digestion. 
Comme  elle  est  fort  diurétique , elle  dégage  les 
reins  et  appaisc  les  douleurs  néphrétiques. 

De  la  Cannelle . 

Les  anciens  ont  connu  cet  aromate  sous  le 
nom  de  Ginamomum  , qui  veut  dire  bois  aro- 
matique de  la  Chine  , apparemment  parce 
que  les  Chinois  en  ont  fait  le  commerce  les 
premiers.  Ils  allaient  en  faire  la  traite  dans 
l’ile  de  Ceylan,  et  ils  transportait  ensuite 
celte  marchandise  à Ormus,  où  les  négocians 
d’Alèp  s’en  étant  fournis , ils  la  répandaient 
par  la  Grèce , dans  toutes  les  provinces  de 
l’ancien  continent.  Depuis  la  découverte  des 
Indes  par  les  Portugais,  la  cannelle  n’est  plus 
si  rare,  ni  si  chère;  elle  le  serait  beaucoup 
moins  encore , si  les  Hollandais  , jaloux  de 
cette  branche  de  commerce  dont  ils  sont  au- 
jourd’hui possesseurs  uniques,  n’avaient  eu 
la  précaution  d’extirper  presque  partout  l’ar- 
brisseau qui  la  produit.  Ils  n’en  ont  réservé 
la  cidture  que  dans  Pile  de  Ceylan  , dans 
laquelle  seule  vient  aujourd’hui  l’excellente 
cannelle.  C.’est  la  seconde  écorce  d’un  arbre 
grand  à peu  près  comme  l’olivier;  il  porte 
ses  branches  droites  et  eu  grand  nombre  ; 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  ïiï 

t 

ses  feuilles  sont  très-vertes , médiocrement 
larges,  mais  longues  et  assez  semblables  à 
celle  du  laurier  royal.  La  fleur  en  est  blan- 
che et  d’une  odeur  assez  agréable.  Le  fruit 
ressemble  fort  à l’olive  par  sa  figure  et  par 
son  novau 5 quand  il  rembrunit,  il  annonce 
qu’il  est  tems  de  lever  l’écorce  de  la  cannelle. 
Ce  fruit  est  rempli  d’une  liqueur  visqueuse , 
amère , piquante , et  qui  sent  un  peu  le  lau- 
rier. La  tige  porte  deux  écorces  3 la  première 
n’est  d’aucun  usage,  la  seconde  seule  est 
précieuse  , c’est  ce  que  nous  appelons  propre- 
ment cannelle  3 elle  est  originairement  grise 
et  peu  odorante  3 elle  ne  devient  rougeâtre , 
aromatique , et  telle  que  nous  la  recevons  , 
qu’après  avoir  été  séchée  au  soleil  3 c’est  par 
la  chaleur  de  cet  astre  qu’elle  contracte  la 
couleur  et  l’odeur  qui  la  distinguent , proba- 
blement il  s’y  fait  alors  une  fermentation  qui 
exalte  l’huile  essentielle. 

La  cannelle  n’est  pas  le  seul  produit  de 
cet  arbrisseau,  toutes  scs  parties  ont  leur  uti- 
lité. On  tire  dans  les  Indes  , de  sa  racine  , 
une  huile  jaune , d’une  odeur  suave  , mais  qui 
s’évapore  aisément  à cause  de  son  extrême 
volatilité  3 on  en  tire  aussi  une  espèce  de 
camphre  très  - blanc , et  plus  estimé  que  le 
camphre  ordinaire.  L’huile  qu’on  exprime 


i r 2 


l’art  de  composer 

des  feuilles,  seul  le  clou  de  girofle,  et  sou 
fruit  fournit  une  espèce  de  suif  dont  on  pré- 
pare des  chandelles  odoriférantes , fort  esti- 
mées des  Orientaux  qui  ont  le*  moyen  de  s’en 
procurer. 

11  y a une  autre  espèce  de  cannelle , de 
beaucoup  inférieure  à celle  dont  nous  venons 
de  parler,  connue  des  botanistes,  sous  le 
nom  de  Cassia-lignea . Cet  arbrisseau  croît 
dans  plusieurs  endroits  , à la  Chine,  dans  les 
provinces  de  Canton,  Quan-sy,  au  Tonquiu, 
dans  les  îles  Philippines , dans  le  royaume  de 
Malabar,  et  ailleurs.  Les  droguistes  rappel- 
lent cannelle  mate  ; et  ceux  qui  sont  de  mau- 
vaise foi  la  font  aisément  passer  pour  de  la 
vraie  cannelle , à qui  elle  ressemble  beaucoup ; 
la  différence  en  est  pourtant  assez  sensible. 
La  cannelle  de  Ceylan  est  longue  , mince  , 
cassante,  roulée  sur  elle -même  en  bâtons 
rougeâtres , d’une  saveur  piquante , mais  agréa- 
ble et  aromatique.  Le  cassia-lignea  l’est  beau- 
coup moins;  son  écorce  est  épaisse  , et  quand 
on  la  mâche,  elle  devient  raucilagineuse ; ce 
qui  n’arrive  pas  à la  bonne  cannelle. 

Pour  faire  avec  la  cannelle  une  excellente 
liqueur , et  très-agréable  à boire  , prenez  une 
livre  d’écorce  longue,  fine,  cassante,  douce 
et  un  peu  piquante  au  goût,  suave  et  aro- 
matique 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  Il5 

matique  à l’odorat;  concassez  bien  cette  can- 
nelle , et  meltez-la  infuser  pendant  quinze 
jours  dans  neuf  pintes  d’eau*de-vie,  ou  dans 
cinq  pintes  d’esprit-de-vin  très-rectifié  et  tem- 
péré par  cinq  pintes  d’eau;  distillez  l’infu- 
sion au  bain-marie.  Comme  l’huile  de  can- 
nelle est  très-pesante , conséquemment  qu’elle 
monte  difficilement , vous  distillerez  au  fort 
filet  : on  ne  risque  rien  de  pousser  d’abord  le 
feu  un  peu  vivement.  Après  avoir  retiré  six 
pintes  de  liqueur,  il  faudra  les  reverser  dans 
l’alambic  par  le  canal  de  coliobation.  Con- 
tinuez pour  lors  la  distillation  au  filet  sim- 
ple ; et  si  vous  trouvez  que  votre  esprit  ne 
soit  pas  assez  imprégné  d’huile  aromatique  , 
vous  cohoberez  pour  la  troisième  fois;  fai- 
tes attention  cependant  qu’il  ne  faut  pas  trop 
pousser  le  feu,  parce  que  l’huile  de  cannelle 
est  très-susceptible  d’empyreume;  il  ne  faut 
pas  non  plus  que  votre  esprit  soit  trop  chargé 
d’huile  aromatique;  l’excès  donnerait  à votre 
liqueur  une  saveur  piquante  et  désagréable. 
Ayant  retiré  cinq  pintes  d’esprit  par  la  dis- 
tillation , retirez  le  matras,  et  continuez  le  feu 
très-vivement,  vous  obtiendrez  une  eau  blan- 
châtre , très-odorante  et  très-chargée  d’huile 
essentielle,  que  vous  réserverez  pour  d’autres 
usages. 


H 


JI4  l’art  de  composer 

Ayant  préparé  votre  sirop  selon  la  règle 
prescrite,  vous  le  mêlerez  avec  votre  esprit 
de  cannelle , après  quoi  vous  filtrerez. 

■Cette  liqueur  a toutes  les  vertus  de  la  can- 
nelle ; elle  fortifie  en  échauffant  modérément. 

Les  distillateurs  qualifient  du  nom  d’huile 
toutes  les  liqueurs  rendues  épaisses  et  en 
consistance  d’huile  par  un  sirop  fort  chargé 
de  sucre  ; quelque  impropre  que  soit  cette  dé- 
nomination , nous  l’adopterons  pour  nous  con- 
former à l’usage. 

L’huile  de  Gy  thère  est  une  liqueur  compo- 
sée , qui  a pour  base  le  cinamomum  dont  nous 
venons  de  parler;  en  voici  la  prépa ration  : 

Faites  un  sirop  avec  sepL  livres  de  sucre  et 
quatre  pintes  d’eau  ; versez  dans  ce  sirop 
cinq  pintes  d’esprit  de  cannelle,  comme  si 
vous  vouliez  faire  du  cinamomum  simple  : 
ajoutez  à ce  premier  mélange  une  pinte  de 
scubac  , dont  nous  donnerons  la  recette  ci- 
après;  plus,  dix  gouttes  d’huile  essentielle  de 
cédra  , autant  d’huile  essentielle  de  citron  , 
quatre  gouttes  d’huile  essentielle  de  girpfle  , 
deux  gouttes  d’huile  essentielle  de  berga*- 
motte  ; remuez  bien  le  mélange  ; ajouiez-y 
du  blanc  d’œuf,  parce  que  le  mélange  de- 
viendra laiteux;  placez-le  au  bain-marie  peu- 


LES  LIQUEURS  DE  T ALLE,  ClC.  I l5 

tlant  douze  heures , mais  à une  chaleur  très- 
tempérée  , ensuite  vous  filtrerez. 

Les  propriétés  de  l’huile  de  Gythère  sont 
supérieures  à celles  du  cinamomum  liqueur  j 
comme  elle  agit  plus  vivement , l’excès  en  est 
aussi  nuisible  à la  santé  ; mais  prise  avec  dis- 
crétion, elle  produit  de  très-bons  effets. 

• ; • 

Vu  Citron  et  de  la  Citronnelle . 

i , g 

Depuis  qu’on  a adopté  l’usage  des  serres  et 
des  orangeries  , le  citronnier  est  devenu  si 
commun  qu’il  me  paraît  inutile  d’en  donner 
ici  la  description. 

Le  citron  a tout  à la  fois  une  double  vertu. 
La  pulpe  contient  un  acide  très-rafraîchissant, 
et  l’écorce  extérieure,  que  l’on  nomme  com- 
munément zeste  , échauffe  médiocrement. 
Comme  ce  zeste  contient  beaucoup  d’huile 
essentielle  aromatique  , et  que  la  pulpe  en 
contient  peu  ou  point  du  tout , celle-ci  nous 
devient  inutile , au  lieu  que  l’autre  est  très- 
précieuse  par  le  parfum  exquis  qu’exhale  son 
huile. 

Pour  cet  effet  choisissez  trente  citrons  frais  , 
dont  1 écorce  soit  épaisse,  et  qui  n’aient  pas 
été  beaucoup  maniés,  parce  que  l’huile  essen- 
tielle de  citron  étant  très-volatile,  pour  peu 


1 16  l’art  de  composer 

que  le  fruit  soit  flétri  ou  passé  , il  ne  reste 
plus  que  les  particules  les  plus  grossières  ; 
vous  enleverez  l’écorce  de  vos  citrons  par 
James  fines  et  déliées , n’y  laissant  de  blanc 
que  le  moins  qu’il  sera  possible;  vous  les  met- 
trez en  infusion  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie 
ou  dans  une  quantité  égale  d’esprit-de-vin  pré- 
paré; vous  ajouterez  l’écorce  de  quatre  oran- 
ges , très-peu  de  coriandre  concassée  et  quatre 
clous  de  girofle.  Cette  addition  n’est  cepen- 
dant pas  nécessaire  , à moins  que  l’on  ait  des- 
sein de  faire  entrer  la  citronnelle  dans  la  com- 
position de  l’huile  de  Jupiter. 

Vous  ferez  durer  la  macération  pendant  un 
mois  , après  quoi  vous  distillerez  au  filet  très- 
délié  , et  vous  ne  colioberez  point , parce  que 
dès  la  première  distillation,  votre  esprit  sera 
suffisamment  imprégné  d’huile  essentielle  aro- 
matique; ces  substances  étant  toutes  deux 
d’une  pesanteur  spécifique  à peu  près  égale  , 
elles  doivent  s’élever  ensemble  et  se  mêler 
intimement  l’une  à l’autre.  Ayant  retiré  envi- 
ron cinq  pintes  par  la  distillation,  vous  les 
mêlerez  à une  égale  quantité  de  sirop  ; la 
composition  vous  donnera  un  mélange  lai- 
teux ; pour  le  clarifier , faites  usage  du  blanc 
d’œuf,  comme  nous  l’avons  expliqué  dans  les 
principes  généraux , ensuite  filtrez. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  117 


Du  Cédra. 

Le  cédra  est  une  espèce  ou  plutôt  une  va- 
riété de  citron,  plus  gros,  plus  odorant,  plus 
aromatique  que  le  citron  ordinaire  3 il  en  a 
toutes  les  propriétés,  mais  dans  un  degré 
bien  supérieur,  conséquemment  il  peut  ser- 
vir à faire  une  liqueur  bien  au  dessus  de  la  ci- 
tronnelle. Elle  se  prépare , se  distille  et  se 
compose  de  la  meme  manière  , à la  réserve 
que  le  cédra  étant  plus  gros  et  plus  aromati- 
que , il  en  faut  employer  une  moindre  quan- 
tité. Pour  neuf  pintes  d’eau-de-vie  , douze 
beaux  cédras  suffiront 3 s’ils  sont  petits,  on 
en  augmentera  le  nombre  jusqu’à  dix-huit  3 
on  n’ajoutera  ni  coriandre , ni  girofle  , ni 
orange.  Lorsqu’on  teint  la  liqueur  de  cédra 
en  rouge,  elle  porte  le  nom  de  parfait  amour. 

L’huile  de  Jupiter  est  un  composé  des  li- 
queurs précédentes,  préparées  exprès  avec  la 
cannelle,  l’orange,  le  girofle  et  la  coriandre. 
Prenez  trois  pintes  d’esprit  imprégné  d’huile 
essentielle  de  citron,  même  dose  d’esprit  de 
cédra , mêlez  ces  esprits  dans  un  grand  vais- 
seau 3 ajoutez  au  mélange  égale  quantité  de 
sirop  préparé  comme  nous  l’avons  dit  à l’ar- 
ticle de  l’huile  de  Cythcre,  c’est-à-dire,  fort 


ï 1 8 l’art  de  composer 

chargé  de  sucre  5 plus , deux  bouteilles  de  scu- 
bac  ; remuez  bien  le  tout  le  mélange  devien- 
dra trouble.  Pour  le  clarifier  ^ prenez  deux 
blancs  d’œuf,  baüez-îcs  bien  dans  une  bou- 
teille  avec  une  chopine  de  votre  liqueur;  ver- 
sez le  tout  sur  la  totalité  de  votre  composition , 
remuez -la  bien;  placez  votre  vaisseau  bien 
bouché  au  bain-marie  pendant  douze  heures , 
et  à une  chaleur  très -modérée  ; après  quoi 
filtrez. 

Cette  huile  de  Jupiter  est  une  espèce  d’élixir 
très -cordial,  très  - agréable  et  très  - elficace 
dans  toutes  les  indispositions  de  l’estomac. 

De  la  Fleur  d' Orange. 

La  raison  qui  nous  a empêché  de  donner  la 
description  du  citronnier , nous  dispense  de 
donner  celle  de  l’oranger.  Les  fruits  de  ce 
dernier  di Itèrent  relativement  à l’espèce  qui 
les  produit.  Je  parle  ici  de  la  pulpe  , car  pour 
l’écorce  extérieure  toutes  les  espèces  ont  as- 
sez de  ressemblance  cntr’elles.  Cette  écorce 
n’étant  point  recommandable  par  un  parfum 
aussi  distingué  que  les  écorces  de  cédraet  de 
citron,  on  l’emploie  rarement,  seule;  on  se 
contente  de  la  faire  entrer  dans  quelques  com- 
positions particulières  où  elle  fait  fort  bien. 


LES  LIQUEURS  LE  TABLE,  CtC.  1*$ 

C’est  donc  des  seules  fleurs  d’orange  dont 
nous  prétendons  parler  ici  3 l’excellente  odeur 
qu’elles  répandent , et  les  vertus  médicales 
qu’on  leur  attribue,  leur  donnent  une  juste 
préférence  sur  tontes  les  fleurs  connues.  Je 
préviens  d’avance  nos  artistes  sur  l'exactitude 
qu’il  faut:  apporter  dans  l’opération  qui  va 
nous  occuper  3 la  délicatesse  du  sujet  ne  per- 
met pas  la  moindre  négligence. 

Prenez  trois  livres  de  fleurs  d’orange , ayez 
soin  de  les  faire  cueillir  par  un  tenis  serein , 
et  immédiatement  après  le  lever  du  soleil  , 
c’est-à-dire  , après  que  l’humidité  en  aura  été 
desséchée  3 elles  sont  plus  odorantes  alors  : 
mondez-les  en  séparant  les  étamines  et  les 
pistils  3 mettez  en  infusion  les  pétales  seule- 
ment dans  neuf  pintes  de  bonne  eau-de-vie, 
ou  égale  quantité  d’esprit-de-vin  préparé  (ce 
qui  vaut  mieux),  faites  durer  l’infusion  pen- 
dant un  mois  3 distillez  ensuite  au  bain-j narie. 
Ayant  retiré  six  pintes,  versez  ce  premier 
produit  dans  la  cucurbite  pour  cohober  3 con- 
tinuez l’opération.  Quand  vous  aurez  extrait 
environ  cinq  pintes,  et  que  vous  apercevrez 
quelque  blancheur  dans  le  récipient,  il  sera 
tems  de  finir  la  distillation.  Commencez  pour 
lors  votre  composition.  Pour  cet  effet,  faites 
votre  sirop  avec  six  livres  de  sucre  et  quatre 


1 20 


l’art  de  composer 

pintes  d’eau  de  fleur  d’orange  double  , mais 
non  spiritueuse  , c’est-à-dire  , sans  esprit  ar- 
dent, dont  nous  donnerons  la  recette  à l’ar- 
ticle des  odeurs^  mêlez  vos  esprits  à ce  sirop  3 
si  le  mélange  vous  paraît  trop  spiritueux  , 
ajoutez  une  dose  convenable  d’eau  com- 
mune; quand  votre  liqueur  sera  au  ton  que 
vous  désirez  , vous  la  filtrerez  , et  vous 
aurez  une  des  plus  gracieuses  liqueurs  qu’il 
soit  possible  de  boire , et  même  des  plus  sa- 
lutaires. 


Du  C 'assis. 


Cet  arbrisseau  méprisé  pendant  long-tems  , 
ou  du  moins  regardé  avec  beaucoup  d indif- 
férence , est  devenu  tout  à coup  fort  célèbre 
en  Frauce.  C’est  une  espèce  de  groseiller  dont 
le  fruit  en  grappe  devient  noir  en  mûris- 
sant. Il  est  un  peu  plus  gros  que  le  fruit  du 
groseiller  ordinaire 5 sa  feuille  ne  différé  de 
celui-ci  que  par  son  odeur  forte  , qui  se 
trouve  la  même  dans  le  bois  comme  dans 
le  fruit  ; il  vient  facilement  de  bouture,  et 
grandit  en  très-peu  de  teins.  11  se  plaît  beau-, 
coup  à l’ombre,  et  sa  culture  exige  peu  de 
soins.  Communément  011  en  emploie  le  fruit 
en  ratafia  3 mais  j’ai  trouvé  qu’il  était  in  fi- 


I 2 I 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc. 
niment  plus  gracieux , préparé  de  la  manière 
suivante  : 

Faites  infuser  dans  neuf  pintes  d’eau-dc- 
vie  , ou  égale  quantité  d’esprit-de-vin  tem- 
péré par  de  l’eau , cinq  livres  de  fleur  de 
cassis  j si  vous  la  cueillez  dans  un  Lcms  se- 
rein, elle  sera  fort  odorante  3 ajoutez  demi- 
once  de  cannelle  concassée  , et  six  clous  de 
girofle  3 placez  l’infusion  au  soleil  pendant 
trois  semaines  ou  un  mois , remuez  le  vaisseau 
deux  fois  par  jour.  Le  tems  prescrit  pour 
l’infusion  , révolu  , versez  vos  matières  dans 
la  cucurbite 3 adaptez  le  chapiteau,  et  distil- 
lez au  bain-marie  au  très-petit  filet.  Si  vos 
esprits  sortent  de  l’alambic  bien  imprégnés 
d’odeur  de  cassis , vous  ne  cohoberez  point  ; 
mais  si  vous  croyez  que  l’esprit  recteur  n’y 
est  point  en  quantité  suffisante , mettez  encore 
une  ou  deux  livres  de  fleur  dans  la  cucurbite  , 
et  versez  par  dessus  ce  que  vous  aurez  re- 
cueilli dans  le  récipient  par  la  distillation. 
Continuez  pour  lors  l’opération  3 .allez  lcntr  - 
ment,  car  la  fleur  de  cassis  est  fort  susceptible 
d’empyrcurne.  Ayant  retiré  cinq  pintes  d’es- 
prit , mélez-les  avec  quatre  ou  cinq  pintes 
d’eau  dans  laquelle  vous  aurez  fait  fondre 
cinq  livres  de  sucre 3 le  mélange  passera  ai- 
sément par  le  filtre  3 au  moyen  de  quoi  vonc 


122 


l’art  de  composer 
aurez  une  liqueur  trcs-claire,  très-limpide  , 
très  - chargée  d’esprit  recteur  de  cassis,  qui 
plaira  infailliblement  à ceux  qui  l’aiment  3 et 
supposé  que  le  cassis  ait  toutes  les  propriétés 
qui  l’ont  rendu  si  célèbre  , ce  que  je  ne  ga- 
rantis pas,  j’ose  bien  assurer  que,  prépare 
comme  nous  venons  de  le  dire  , il  produira 
des  effets  supérieurs  à ceux  de  toutes  les  pré- 
parations connues. 

De  VJLnis  , des  Semences  chaudes  , et  de 

la  Badiane. 

11  y a tant  d’analogie  entre  les  graines  de 
toutes  ces  plantes  , que  nous  ne  croyons  pas 
pouvoir  mieux  faire  que  de  les  comprendre 
ensemble  sous  le  même  article. 

L’anis  est  une  plante  fort  commune  dans 
les  jardins  • elle  porte  une  tige  mince  , grêle , 
médiocrement  haute,  et  divisée  par  plusieurs 
rameaux  , dont  chaque  extrémité  se  termine 
par  autant  de  brins,  qui  tous  ensemble  ne  re- 
présentent pas  mal  la  ligure  d’un  parasol.  On 
trouve  au  bout  dechaque  brin  plusieurs  grai- 
nes fort  petites,  c’est  le  fruit  de  la  plante  que 
nous  décrivons.  La  chair  en  est  assez  ferme, 
et  remplie  de  beaucoup  d’huile  essentielle. 

On  distingue  les  semences  chaudes  en  ma- 

D 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  13a 

jeures  et  mineures  3 les  u^es  et  les  autres  sont 
au  nombre  de  quatre.  Les  semences  chaudes 
majeures  sont  : l’anis , le  carvi , le  cumin,  et  le 
fenouil.  Les  semences  chaudes  mineures  sont  : 
Facile  ou  le  persil , l’ammi , le  panais  sauvage , 
etl’amomc.  Nous  aurons  peut-être  l’occasion 
de  décrire  ailleurs  toutes  ces  plantes. 

L’anis  est  un  stomachique  très-décidé.  Il 
est  d’expérience  qu’il  aide  à la  digestion  , 
qu’il  résout  les  crudités  , et  qu’il  chasse  les 
vents. 

Pour  faire  la  liqueur  d’an i s , pilez  en  poudre 
fine  demi-livre  d’anis  3 faites  en  sorte  qu’il  soit 
de  l’année  ; infusez  cette  dose  pendant,  quinze 
jours  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie  ou  de  bon 
esprit-de-vin  tempéré  avec  de  l’eau  3 distillez 
au  bain-marié  et  au  filet  médiocre  3 le  produit 
sera,  à l’ordinaire,  de  quatre  à cinq  pintes 
d’esprit.  Dans  la  préparation  du  sirop,  vous 
aurez  soin  de  diminuer  .un  peu  la  dose  de  su- 
cre. En  composant , le  mélange  devient  lai- 
teux à proportion  de  l’huile  essentielle  dont 
la  liqueur  se  trouvera  chargée.  Pour  la  rendre 
parfaitement  claire,  servez -vous  du  moyen 
que  nous  avons  indiqué  dans  les  principes 
généraux  , en  parlant  de  la  filtration.  La  co- 
riandre , le  fenouil  et  les  autres  semences 
chaudes  majeures  et  mineures  se  préparent 


124  L * A RT  DE  COMPOSER 

en  liqueur  comme  i’anis ; on  peut , d’après  la  » 
dose  prescrite  ci-dessus  , les  joindre  toutes 
ensemble  j en  proportion  égale,  pour  en  faire 
une  liqueur  très-carminative  ; mais  cette  li- 
queur ne  sera  point  aussi  agréable  que  l’anis 
seul , quoique  beaucoup  plus  efficace. 

La  badiane  est  une  plante  exotique , appelée 
vulgairement  Anis  étoilé , parce  qu’elle  est 
formée  de  six  rayons  qui  représentent  parfaite- 
mentla  figure  d’une  étoile.  Son  diamètre  porte 
un  bon  pouce  3 chaque  rayon  forme  une  cap- 
sule qui  ren  ferme  un  pépin  semblable  au  pépin 
d’une  pomme  ou  d’une  poire , mais  plus  lisse  et 
plus  luisant;  sa  couleur  est  d’un  jaune  brun  , 
tirant  un  peu  sur  le  rouge  ; ce  pépin  est  fort 
odorant,  et  contient  une  grande  quantité 
d’huile  ; la  capsule  n’est  pas  moins  odorante  , 
mais  elle  est  beaucoup  plus  sèche. 

On  prendrait  l’odeur  de  la  badiane  pour 
celle  de  l’anis , tant  elles  ont  de  ressemblance  ; 
en  y faisant  cependant  un  peu  d’attention  , 
on  y remarque  quelque  différence,  surtout 
après  les  infusions  et  distillations.  La  badiane 
a quelque  chose  de  plus  suave  et  de  moins 
monotone;  on  dirait  que  ce  sont  plusieurs 
aromates  mêlés  ensemble , dont  l’anis  forme 
la  dominante.  Au  surplus,  j’ai  reconnu  par 
l'analyse  de  l’un  et  l’autre  fruit , qu’ils  don- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  125 

liaient  à peu  près  les  memes  résultats  , d’où 
j’ai  conclu  que  l’anis  et  la  badiane  devaient 
avoir  les  mêmes  vertus,  et  que  l’on  pouvait 
s'en  servir  dans  les  mêmes  cas,  et  pour  re- 
médier aux  mêmes  indispositions.  11  faut  ce- 
pendant avouer  que  la  liqueur  faite  avec  la 
badiane  est  sans  comparaison  plus  gracieuse  ; 
pour  cette  raison,  j’en  conseille  l’emploi  de 
préférence  à l’anis;  vous  la  composerez  donc 
selon  la  méthode  suivante  : 

Pilez  en  poudre  fine  six  onces  de  badiane  ; 
faites  infuser  cette  poudre  pendant  quinze 
jours  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie  ou  d’es- 
prit-de-vin tempéré  par  l’eau;  distillez  au  fi- 
let médiocre  ; si  l’esprit  est  suffisamment  im- 
prégné d’odeur  , comme  il  arrive  ordinaire- 
ment dans  cette  opération , vous  vous  en 
tiendrez  à cette  seule  distillation;  faute  de 
quoi , après  avoir  retiré  six  pintes  d’esprit , 
vous  cohoberez  ; à la  seconde  fois,  vous  vous 
contenterez  de  cinq  pintes.  Ce  qui  restera  dans 
la  cucurbite  sera  fort  odorant,  mais  peu  ou 
point  du  tout  spiritueux;  et  comme  la  ba- 
diane, ainsi  que  l’anis , donne  beaucoup 
d’huile  essentielle  , âcre  et  piquante  , je  ne 
conseille  pas  de  tirer  à la  quantité  , de  crainte 
d’ôter  à la  liqueur  la  délicatesse  qu’elle  doit 


avoir. 


Vous  prendrez  donc  vos  cinq  pintes  d’es- 
prit, et  vous  les  mêlerez  au  sirop  préparé 
avec  cinq  livres  de  sucre  et  cinq  pintes  d’eau. 
Le  mélange  contractera  une  couleur  désa- 
gréable , louche  et  laiteuse  5 il  faudra  le  cla- 
rifier au  blanc  d’œuf,  et  filtrer  selon  l’art. 
De  toutes  les  liqueurs,  celle-ci  embarrasse  le 
plus  pour  la  filtration  ; je  suis  bien  aise  d’en 
prévenir,  afin  qu’on  ne  se  livre  point  à l’im- 
patience. 

J’ai  remarque  que  plus  la  badiane  vieil- 
lissait, et  plus  elle  perdait  son  odeur  et  son 
goût  d’unis  3 elle  11’en  devient  pas  moins 
agréable  pour  cela , au  contraire , je  lui  trouve 
alors  quelque  chose  de  moins  commun,  qui 
flatte  par  sa  singularité.  On  teint  cette  liqueur 
en  violet  ou  en  gris  de  lin  : consultez  sur  cela 
nos  principes  généraux. 

Du  Genièvre. 

Le  genièvre  est  un  arbrisseau  sauvage  qui 
se  plaît  sur  les  montagnes  arides  et  souvent 
à la  lisière  des  bois.  Les  plus  considérables  sont 
de  cinq  à six  pieds  de  hauteur,  il  est  même 
rare  d’en  trouver  d’aussi  élevés.  Pour  l’ordi- 
naire il  jette  des  branches  rampantes  rà  et  là  , 
à un  demi-pied  de  terre  tout  au  plus  , elles 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ClC.  1^7 

sont  extrêmement  entrelacées  , et  forment 
comme  des  petits  buissons  impénétrables. 
Les  feuilles  sont  vertes  en  toutes  saisons  , 
petites  , étroites  , oblongues  , et  terminées 
par  un  aiguillon  , ce  qui  fait  qu’on  en  cueille 
diirieilement  les  baies  3 elles  sont  rondes,  de 
la  grosseur  d’un  pois,  vertes  d’abord,  et  en- 
suite noires  lorsqu’elles  sont  mûres  3 elles 
sont  placées  entre  les  feuilles,  dans  un  ordre 
admirable.  Le  bois  de  genévrier  est  aussi  fort 
odorant  , et  presqu’aussi  sudorifique  que  le 
sassafras. 

Choisissez  des  baies  qui  ne  soient  pas  trop 
vieilles,  c’est  ce  que  vous  distinguerez  aisé- 
ment à leur  épiderme 3 si  elle  est  ridée,  c’est 
un  signe  qu’elles  no  sont  point  de  l’année  3 si 
elle  est  ferme  et  bien  tendue  , c’est  un  bon 
signe.  Prenez  garde  aussi  qu’elles  11’aient  point 
fermenté  , elles  y sont  fort  sujettes  3 vous  vous 
en  apercevrez  à leur  goût  aigre  et  moisi.  En 
ayant  choisi  un  demi-litron,  écrasez-les  dans 
un  mortier  de  marbre  3 ajoutez  deux  onces  de 
cannelle  et  quatre  clous  de  girofle;  mettez  le 
tout  en  infusion  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie 
ou  autant  d’csprit-de-vin  tempéré  par  l’eau  , 
faites  du  rer  l’infusion  pendant  quinze  jours; 
après  ce  teins  distillez  au  bain-marie  3 vous 
verrez  a l’odeur  plus  ou  moins  forte  de  ge- 


1 28 


l’art  de  composer 

iiicvre , s’il  est  nécessaire  de  cohober  ; sinon , 
ayant  retiré  cinq  pintes  d’esprit,  vous  passe- 
rez à la  composition  de  votre  liqueur,  en 
mêlant  autant  de  sirop  que  vous  aurez  d’es- 
prit. Le  mélange , pour  l’ordinaire , devient 
louche  et  même  laiteux,  en  ce  cas,  ayez 
recours  à ce  que  nous  avons  dit  à ce  sujet 
dans  les  principes  généraux  , à l’article  de 
la  Oltration. 

Voulez-vous  faire  un  esprit  ardent  de  ge- 
nièvre sans  addition  d’eau  - de- vie  ? Prenez 
une  assez  grande  quantité  de  baies  bien  mûres , 
écrasez-les,  mêlez -y  un  peu  de  miel  ou  de 
levure  de  bière  avec  assez  d’eau  pour  qu’elle 
surnage  d’un  bon  doigt;  je  suppose  que  vous 
aurez  mis  ce  mélange  dans  des  vaisseaux  d’une 
capacité  relative  au  gonflement  qu’excite  la 
fermentation  : laissez  le  tout  en  macération 
.jusqu'à  ce  que  vous  sentiez  une  odeur  forte 
et  vineuse , ce  sera  un  signe  que  la  fermen- 
tation s’opère  bien.  Versez  pour  lors  vos  ma- 
tières dans  la  cucurbite  avec  un  tiers  d’eau  ou 
environ;  adaptez  le  chapiteau,  et  distillez  au 
feu  ouvert,  jusqu’à  ce  que  vous  aperceviez 
que  ce  qui  tombe  dans  le  récipient,  n’a  plus 
de  force,  ce  seront  les  phlegmes;  il  sera  teins 
de  cesser.  Si  vous  trouvez  que  cet  esprit  Con- 
tient encore  trop  de  phlegme,  il  faudra  le 

rectifier, 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  I 29 

rectifier , en  répétant  la  distillation  dans  un 
petit  alambic  au  bain-marie  5 après  quoi,  si 
vous  avez  bien  opéré , vous  aurez  un  esprit 
de  genièvre  , qui  produira  tous  les  clïèts 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  et  cela  plus 
promptement  et  plus  infailliblement.  Il  es^ 
bien  vrai  que  cette  liqueur  sans  sucre  et  sans 
autre  préparation,  n’est  pas  trop  agréable;  sa 
force  pénétrante  est  extrême,  mais  elle  est 
bienfaisante  , surtout  dans  les  indigestions. 
Lorsqu’elle  est  fort  vieille  , elle  perd  de  sa 
force , et  devient  un  peu  plus  supportable. 

Du  Céleri. 

Cette  plante , si  commune  dans  nos  jar- 
dins, n est  autre  chose  que  de  Tache  devenu 
fort  doux  par  la  culture.  Les  vertus  du  cé- 
leri ne  sont  ni  en  grand  nombre  , ni  du 
premier  ordre , aussi  est-il  plus  employé  dans 
les  cuisines  que  dans  les  laboratoires.  On 
prétend  qu  il  échauffé,  mais  d’ailleurs  il  n’est 
point  malfaisant.  On  peut  faire  avec  cette 
plante  une  liqueur  à boire  assez  carminative, 
et  d une  saveur  fort  agréable  ; il  faudra  la 
composer  de  la  manière. suivante  : 

Coupez  en  petits  morceaux  trente  ou  qua- 
rante pieds  de  céleri,  plus  ou  moins,  sui- 

I 


j3o  l’art  de  composer 
■vaut  leur  grosseur;  faites-les  infuser  pendant 
un  mois  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie,  ou 
d’esprit-de-vin  tempéré  d’eau,  comme  nous 
l’avons  enseigné  dans  les  principes  généraux  ; 
distillez  ensuite  au  fort  filet  : l’huile  essen- 
tielle montera  difficilement , par  conséquent 
cohobez.  Si  vous  trouvez  que  la  distillation 
vous  a fourni  un  esprit  trop  peu  chargé 
d’odeur , pour  l’augmenter , prenez  encore 
une  bonne  quantité  de  céleri  bien  blanc  , 
faites-le  bouillir  dans  une  quantité  suffisante 
d’eau , exprimez  et  coulez  cette  eau  ; em- 
plissez votre  cucurbite  avec  d autre  célcii 
cru  et  coupe  en  petits  morceaux,  "\cisez  pai- 
dessus  cette  même  eau  que  vous  avez  retirée 
par  décoction  et  par  expression,  adaptez  le 
chapiteau  , et  distillez  au  feu  nu.  Cette  opé- 
ration est  fort  délicate,  par  le  danger  qu’il  y 
a de  faire  sentir  l’empyreume  à l’eau  simple 
de  céleri  que  vous  vous  proposez  de  îetner; 
par  conséquent  il  faut  régler  la  distillation  au 
moyen  d’un  feu  très-doux  ; il  serait  même  à 
propos  de  se  servir  d’une  cucurbite  garnie 
d’une  grille  à son  fond , pour  empêcher  la 
combustion  des  matières  solides.  L’eau  que 
vous  retirerez  de  cette  manière,  sans  êtrespi- 
ritueuse  , sera  fort  odorante;  vous  vous  en 
servirez  au  lieu  d eau  commune  poui  fane 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l3l 

votre  sirop;  comme  il  en  faut  une  quantité 
égale  à votre  esprit,  vous  vous  réglerez  sur 
cette  proportion , c’est-à-dire , que  de  neuf 
pintes  d’infusion , ayant  retiré  cinq  pintes 
d’esprit , il  faudra  vous  arranger  de  façon  que 
vous  puissiez  avoir  cinq  pintes  d’eau  odorante 
pour  faire  votre  sirop.  Le  mélange  étant  fait, 
vous  filtrerez  sans  beaucoup  de  peine.  Cette 
liqueur,  quoique  très  - agréable  , n’a  guère 
plus  de  vertu  que  la  plante  qui  en  fait  la 
base. 


De  Y Angélique. 

Les  grandes  vertus  en  tout  genre  que  l’on 
attribue  à la  plante  dont  nous  allons  parler, 
lui  ont  valu  ce  beau  nom.  Elle  est  originaire 
de  Bohême  j d’où  nous  la  recevions  autrefois. 
Comme  elle  se  plaît  beaucoup  en  France  , 
depuis  sa  transplantation  , elle  y est  devenue 
fort  commune.  Elle  porte  une  tige  assez 
haute , grosse  , creuse  en  dedans , et  séparée 
par  nœuds,  d’ou  partent  les  feuilles  et  les 
moyennes  tiges;  ses  feuilles  sont  larges,  et 
profondément  découpées.  On  trouve  la  se- 
mence au  sommet  de  la  tige  , en  forme  d’ai- 
grette , dont  chaque  fil  se  termine  par  une 
graine  de  la  figure  d’un  croissant  , plate  , 

I a 


132  l’art  de  composer 

grise  et  légère.  Toutes  les  parties  de  l’angé- 
licjuc  sont  odorantes  3 beaucoup  de  gens  se 
servent  de  la  graine  pour  faire  leur  liqueur  \ 
quelques-uns  s’en  tiennent  à la  tige  3 d’autres 
enfin  à la  racine. 

Nous  avons  dit  qu’on  pouvait  se  servir  in- 
différemment  des  tiges  ou  côtes,  de  la  graine 
et  des  racines  3 si  vous  vous  déterminez  pour 
la  tige  , vous  observerez  en  tout  la  méthode 
que  nous  avons  prescrite  pour  le  céleri  3 si 
vous  croyez  que  la  graine  soit  préférable  , 
consultez  la  recette  pour  l’anis  : ce  sont  les 
memes  préparations  et  les  mêmes  doses  3 
mais  si  vous  voulez  vous  en  tenir  à la  ra- 
cine , prenez  neuf  onces  de  cette  racine  , 
concassez-la  grossièrement  dans  un  mortier  , 
mettez -la  en  infusion  dans  neuf  pintes  d’eau- 
de-vie,  ou  égale  quantité  d’esprit-de-vin  tem- 
péré par  l’eau  , comme  nous  l’avons  dit  ail- 
leurs 3 ajoutez  une  once  de  genièvre , et  au- 
tant de  cannelle  3 faites  durer  l’infusion  quinze 
jours  3 distillez  ensuite  au  bain-marie  , au  fijet 
médiocre,  et  sans  chercher  à cohober.  Si 
votre  eau  - de  - vie  est  d’une  bonne  qualité , 
vous  tirerez  cinq  pintes  d esprit  aromatique  j 
préparez  votre  sirop  a 1 ordinaire.  Dans  la 
'composition  vous  donnerez  la  coulcui  qu  il 
vous  plaira  3 le  mélangé  restera  clair3  point 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  lr>3 

de  clarification  par  conséquent  3 filtrez  ensuite 
selon  l’art. 

Plus  cette  liqueur  sera  gardée,  meilleure 
elle  deviendra;  en  vieillissant  elle  acquiert 
une  odeur  d’ambre  très  - gracieuse  ; il  est  à 
présumer  que  ses  vertus  sont  considérables  , 
puisque  la  racine  qui  entre  dans  sa  composi- 
tion passe  pour  avoir  quelques  propriétés. 

De  V Absinthe. 

11  y a plusieurs  espèces  d’absinthe  ; l’étran- 
gère , qui  nous  vient  du  Levant;  la  marine, 
ainsi  nommée  parce  qu’elle  croît  sur  lesbonls 
de  la  mer,  en  Provence  et  en  Languedoc  ; 
la  grande  absinthe  , fort  commune  dans  nos 
jardins  ; et  enfin  la  petite  absinthe  , égale- 
ment commune  , mais  moins  amère  que  la 
précédente.  Nous  ne  parlerons  que  de  ces 
deux  dernières  espèces;  et  comme  on  se  sert 
assez  indifféremment  Je  l’une  et  de  l’autre  , 
nous  ne  les  distinguerons  pas. 

L’absinthe  croît  facilement  par-tout,  mais 
plus  particulièrement  dans  les  lieux  secs. 
C’est  une  plante  médiocrement  haute  , sa 
tige  est  ligneuse  ,•  ses  feuilles  assez  petites, 
très-échancrées  , et  d’un  vert  pâle  ; elle  porte 
la  semence  au  haut  de  scs  tiges , de  la  forme. 


de  petits  grains  ronds , assez  semblables  à la 
graine  d’épinards  ; son  amertume  est  extrême. 
On  l’emploie  en  conserve,  en  extrait,  en 
sirop;  on  en  fait  des  infusions  dans  du  vin  , 
dans  de  la  bière,  et  toujours  avec  succès; 
mais  toutes  ces  préparations  ont  le  désagré- 
ment de  conserver  un  goût  d’amertume  au- 
quel on  ne  se  fait  pas.  L’absinthe  liqueur  n’a 
point  ce  défaut;  elle  joint  aux  propriétés  des 
autres  préparations , celle  d’être  totalement 
dépouillée  de  son  amertume , et  d’être  fort 
douce  , et  même  agréable. 

Prenez  dix  - Luit  poignées  d’absinthe  , 
grande  ou  petite , verte  ou  sèche , n’importe 
(nous  entendons  par  poignée  ce  que  la  main 
d’un  homme  peut  contenir , en  supposant 
l’absinthe  dans  toute  sa  hauteur);  plus,  deux 
onces  de  cannelle  , un  demi-litron  de  ge- 
nièvre , trois  gros  de  racine  d’Angélique , 
deux  gros  de  safran , six  clous  de  girofle , 
un  gros  de  macis , et  un  gros  d’anis  vert  ; 
mettez  ces  substances  en  infusion  dans  neuf 
pintes  d’eau-de-vie  , ou  pareille  quantité 
d’esprit  - de  - vin  , bien  entendu  qu’il  sera 
tempéré  par  égal  poids  d’eau;  faites  durer 
l’infusion  pendant  quinze  jours  ; remuez 
la  cruche  de  teins  à autre  ; après  quoi 
vous  distillerez  au  bain-marie,  au  fort  filet  : 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  el.C.  I '>  ^ 

d’abord,  votre  esprit  sortira  blanc , clair,  lim- 
pide 3 il  pourra  se  faire  qu  insensiblement 
vous  le  voyiez  changer , et  tomber  dans  le 
récipient,  dune  couleur  ambre e 3 ue  vous 
alarmez  pas  si  cet  accident  arrive , il  ne  gâte 
rien  à l’opération  3 continuez-la  avec  vos  soins 
ordinaires.  Quand  vous  aurez  recueilli  la  râ- 
leur de  six  pintes  desprit , versez  le  tout  dans 
la  cucurbite  , par  le  canal  de  eohobation  , et 
recommencez  la  distillation  d abord  au  filet 
médiocre,  et  ensuite  au  petit  filet.  Ayant  ex- 
trait cinq  pintes  d’esprit  bien  charge  d odeur, 
vous  vous  en  tiendrez  la.  Pour  procéder  en- 
suite à la  composition , vous  prendrez  cinq 
livres  de  sucre  que  vous  ferez  fondre  dans  qua- 
tre pintes  d’eau  de  fontaine  ou  de  rivière  3 vous 
ajouterez  à cette  quantité  une  pinte  de  bonne 
eau  de  fleur  d’orange  double.  V otre  sirop  étant 
fait , vous  le  mêlerez  avec  vos  cinq  pintes  d’es- 
prit 3 si  vous  le  jugez  à propos , vous  colo- 
rerez le  mélange  en  rouge  avec  la  cochenille 
et  l’alun  , comme  il  a été  dit  dans  les  princi- 
pes généraux  , observant  toujours  qu  il  faut 
diminuer  la  mesure  d eau  a proportion  de 
celle  que  vous  emploierez  pour  votre  tein- 
ture 3 vous  finirez  parla  filtration. 

De  toutes  les  liqueurs  celle-ci  est  sans 
contredit  la  plus  médicale. 


i36 


l’art  de  composer 


Du  Macaron . 

J ai  cru  devoir  nommer  ainsi  cette  liqueur 
parce  qu’eile  rappelle  parfaitement  la  saveur 
du  macaron;  aussi  peut -elle  tenir  son  rang 
parmi  les  liqueurs  les  plus  gracieuses  ; il  en 
est  peu  meme  qui  soient  d’un  goût  plus  gé- 
néral ? et  c’est  tout  le  mérite  que  je  lui  con- 
nais; mais  ce  n’en  est  point  un  médiocre  que 
de  plaire  infailliblement,  et  à toutes  sortes 
de  personnes. 

Pour  faire  cette  liqueur  si  agréable  au  goût, 
pilez  dans  un  mortier  de  marbre,  une  livre 
d’amandes  amères;  faites  bien  attention  qu’il 
n’j  ait  point  de  noyaux  d’abricots,  ni  d’au- 
cune autre  espèce  parmi , ces  noyaux  ont  , 
généralement  parlant,  une  saveur  trop  âcre  ; 
mettez-les  en  infusion  dans  neuf  pintes  d’eau- 
de-vie  ou  d’esprit-de-vin  tempéré  d’eau , re- 
muez la  cruche  fréquemment.  Le  terme  de 
l’infusion  passe  , c’est-à-dire  , au  bout  de 
quinze  jours,  versez  le  tout  dans  la  cucur- 
bite,  adaptez  le  chapiteau,  placez  l’alambic 
au  bain-marie,  et  distillez  au  pet  il  filet;  en- 
tretenez votre  feu  le  plus  également  qu'il  vous 
sera  possible  , paixe  que  vous  ne  serez  point 
obligé  de  cohober.  Ayant  retiré  cinq  pintes 


» 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  I07 

d’esprit , vous  ferez  votre  sirop  avec  cinq  li- 
vresdesucre , trois  bouteilles  d’eau  commune, 
et  deux  pintes  d’eau  de  fleur  d’orange  double  ; 
si  vous  trouvez  la  liqueur  trop  forte  d’esprit, 
augmentez  la  proportion  d’eau  et  de  sucre. 
Le  sirop  fait,  et  le  mélange  achevé,  filtrez 
par  le  papier  gris.  Votre  liqueur  passera 
claire,  limpide,  brillante,  également  agréa- 
ble au  goût  et  à la  vue. 

Autre  recette  appelée  Macaroni. 

Prenez  eau-de-vie  à 24  degrés , vingt  pin- 
tes; amandes  amères,  trois  livres;  triturez 
avec  une  livre  d’eau  : d’une  autre  part,  con- 
cassez girofles  , six  gros  ; cannelle,  une  once; 
mettez  le  tout  en  digestion  pendant  vingt- 
quatre  heures  ; distillez  ensuite  au  bain-marie 
pour  obtenir  dix  pintes  de  liqueur. 

Prenez  ensuite  vingt  livres  de  sucre  quevous 
ferez  liquéfier  dans  douze  pintes  d’eau,  cla- 
rifiez avec  six  blancs  d’œufs  , coulez  , mêlez 
le  sirop  avec  la  liqueur  spiritueuse  ; lors- 
qu elle  sera  refroidie,  ajoutez  huile  essen- 
tielle de  cédras  et  de  bergamottc  de  chaque 
douze  gouttes,  que  vous  aurez  délayées  avec 
un  peu  de  sucre. 


i58 


l’art  de  composer 


De  la  Singulière. 

C’est  sans  contredit  la  plus  parfaite  et  la  plus 
délicieuse  liqueur  que  l’on  connaisse  ; mais  , 
pouf  F obtenir  dans  toute  sa  perfection , il  ne 
faut  épargner  ni  peines , ni  soins , ni  dé- 
penses. 

Vous  prendrez  donc  les  zestes  d’un  gros 
cédra , ou  si  vous  n’en  avez  pas  , les  zestes  de 
deux  beaux  citrons , l’écorce  fraîche  de  deux 
oranges , une  once  de  cannelle , deux  gros 
de  macis  , six  clous  de  girofle , un  demi-gros 
d’anis  vert , un  gros  de  coriande  , demi-gros 
de  racine  d’angélique,  demi-gros  de  sa  Iran  , 
deux  gros  de  genièvre;  ayant  pilé  , concassé 
et  écrasé  toutes  ces  substances , mettez-les  in- 
fuser dans  cinq  pintes  d’csprit-dc-vin  le  mieux 
rectifié  , que  vous  tempérerez  par  quatre 
pintes  d’eau  commune.  Faites  durer  1 infu- 
s on  pendant  un  mois  dans  un  endroit  chaud , 
remuez  de  teins  en  tems  votre  cruche.  Le 
mois  d’infusion  expiré  versez  vos  matières 
dans  la  cucurbite  , adaptez  le  chapiteau  , lut- 
tez-en les  jointures  avec  de  la  colle  de  farine  ; 
placez  l’alambic  au  bain-marie , distillez  da- 
bord  au  fort  filet.  Ayant  retiré  cinq  à six 
pintes,  reversez-les  dans  la  cucurbite , con- 
tinuez à distiller  à un  feu  très-doux,  de  ma- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CÎC.  H'} 

nière  que  la  liqueur  ne  sorte  que  goutte  à gou  l te 
sans  faire  le  filet.  Ayant  retiré  environ  cinq 
pintes  d’esprit  bien  aromatique,  vous  vous 
disposerez  à la  composition  avec  toute  l’atten- 
tion possible.  D’abord  vous  commencerez  par 
le  sirop  que  vous  préparerez  avec  cinq  a six 
livres  de  sucre,  trois  pintes  d’eau  commune , 
et  deux  pintes  d’eau  de  fleur  d’orange  double. 
Le  sirop  étant  préparé , vous  y mêlerez  votre 
esprit  aromatique,  vous  remuerez  bien  le 
tout,  et  vous  goûterez  si  rien  ne  domine  , 
à l’exception  de  la  fleur  d’orange , qui  doit 
s’annoncer  un  peu  plus  que  le  reste,  pas  trop 
cependant.  Si  vous  apercevez  que  quelque 
parfum  domine  plus  que  les  autres  , vous 
tiendrez  prêtes  les  builes  essentielles  de  ccdra , 
de  citron,  de  girofle,  de  cannelle,  ou  sim- 
plement des  esprits  bien  imprégnés  de  tous 
ces  aromates,  que  vous  aurez  toujours  en 
réserve  pour  vous  en  servir  dans  le  besoin; 
vous  en  verserez  dans  votre  composition  au- 
tant qu’il  sera  nécessaire  pour  établir  l’équi- 
libre entre  vos  aromates;  et.  quand  vous  aurez 
monté  votre  liqueur  au  ton  convenable , alors 
vous  la  colorerez  en  rouge  cramoisi  avec  la 
cochenille , comme  nous  l’avons  enseigné 
dans  les  principes  généraux.  Finissez  par  la 
fibration. 


De  V Huile  de  H énus  et  des  Eaux  de 

Barbades. 


Réduisez. en  poudre  impalpable  deux  on- 
ces de  graine  de  carvi,  deux  onces  de  graine 
de  carotte  sauvage  , ou  daucus  commun  , 
deux  onces  et  demie  de  graine  de  daucus 
creticus,  quatre  gros  de  macis  , et  une  once 
de  cannelle  ; faites  infuser  ces  substances 
pendant  quinze  jours  dans  neuf  pintes  d'eau- 
de-vie  ou  d’esprit-de-vin  tempéré  par  l’eau  , 
après  quoi  vous  distillerez  au  bain-marie,  au 
fort  filet  d’abord;  ayant  retiré  six  pintes, 
vous  les  reverserez  dans  l’alambic  , et  vous 
cohoberez.  Ayant  retiré  à cette  seconde  dis- 
tillation la  valeur  de  cinq  pintes  d’esprit , vous 
vous  en  tiendrez  là  ; vous  siroperez  ensuite 
de  la  manière  suivante  : Faiics  bouillir  qua- 
tre gros  de  safran  dans  trois  pintes  d’eau; 
le  safran  ayant  bien  donné  sa  ieinturc , cou- 
lez cette  eau  teinte  en  jaune  toute  bouil- 
lante sur  sept  livres  de  sucre,  remuez  bien 
le  tout  alîu  qu’il  fonde  plus  promptement; 
étant  fondu  , laissez  - le  refroidir  , versez 
alors  vos  esprits  sur  votre  sirop;  le  mélange 
sera  trop  épais  pour  être  filtré  au  papier  gris; 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  I.jl 

il  faudra  par  conséquent  vous  servir  d’une 
chausse  faite  de  toile  de  coton. 

L’eau  des  Barbades  a été  inventée  dans  les 
îles  de  l’Amérique  qui  portent  ce  nom.  Soit 
que  les  fruits  soient  plus  aromatiques  dans 
ces  pays-là  qu’ailleurs  , soit  que  les  artistes  y 
aient  une  méthode  particulière , soit  enfin 
que  le  passage  de  la  mer  influe  sur  la  qualité 
de  l’espèce,  il  est  certain  que  nous  n’avons 
encore  pu  les  imiter  qu’imparfaitement.  On 
s’est  donné  la  liberté  d’inventer  et  de  varier  les 
recettes  à l’infini;  on  a conservé  à la  liqueur 
une  pointe  forte  , pour  ne  rien  dire  de  plus  ; 
c’est  le  caractère  distinctif  des  eaux  des  Bar- 
bades , et  on  les  a hardiment  débitées  sous 
ce  nom  imposant.  Quoique  je  sois  du  senti- 
ment de  ceux  qui  pensent  que  l’usage  habi- 
tuel de  cette  liqueur  trop  violente  est  perni- 
cieux , je  ne  laisserai  pas  que  de  donner  la 
méthode  qui  me  paraît  la  meilleure  pour  en 
composer  de  bonne. 

Faites  infuser  durant  quinze  jours  les  zestes 
de  six  gros  cédras  et  deux  onces  de  cannelle 
dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie  ou  d’esprit-de- 
vin tempéré  par  l’eau;  après  l’infusion,  dis- 
tillez au  bain-marie,  au  filet  moyen;  ayant 
retiré  six  pintes,  démontez  tout-à-fait  votre 
alambic , jetez  comme  inutile  tout  ce  qui 


1^2  l’art  de  composer 

restera  dans  la  cucurbite ; rincez -la  propre- 
ment, versez-y  vos  six  pintes  de  la  première 
distillation , ajoutez  les  zestes  de  quatre  au- 
tres cédras  et  une  once  de  cannelle  ; adaptez 
le  réfrigérant ; distillez  au  bain-marie  et  au 
petit  filet;  ayant  retiré  quatre  pintes  , versez- 
les  par  le  canal  de  cohobation , pour  rectifier 
les  esprits  une  troisième  fois  ; ayant  retiré 
quatre  pintes  ou  cinq  , tout  au  plus,  cessez, 
liapez  alors  en  poudre  fine  sept  livres  du  plus 
beau  sucre,  faites-le  dissoudre  dans  deux  pin- 
tes d’eau  chaude , mêlez  vos  esprits  à ce  sirop, 
filtrez  le  mélange;  vous  aurez  une  liqueur 
d’un  parfum  agréable  à la  vérité  , mais  d une 
force  étonnante  , ,et  qui  ne  deviendra  sup- 
portable que  lorsqu’elle  aura  acquis  de  lon- 
gues années.  L’eau  des  Barbades  varie  selon 
les  caprices  du  goût  ; on  en  fait  à la  berga- 
motte , au  macis , à l’orange , à la  limette , etc. 
La  manipulation  est  la  même  pour  tous  les 
genres  d’aromates,  en  les  substituant  les  uns 
aux  autres;  la  liqueur  change  de  saveur  et  ue 
parfum  sans  en  devenir  plus  saine. 

Pour  faire  la  cremc  des  Barbades , mettez 
en  infusion  pendant  quinze  jours,  dans  neuf 
pintes  d’eau-de-vie  ou  d’esprit-de-vin  tempéré 
par  l’eau  , les  zestes  do  trois  cédras , les  zestes 
de  trois  oranges , deux  gros  de  macis , quatre 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CiC.  1 /fi 

gros  de  cannelle  , six  clous  de  girofle;  vous 
distillerez  au  bain  - marie  et  aux  fort  filet  ; 
ayant  retiré  six  pintes  d’esprit,  versez  - les 
dans  la  cucurbite , et  cohobez.  Contentez- 
vous  à cette  seconde  fois  de  tirer  cinq  pin- 
tes d’esprit  en  distillant  au  très -petit  filet; 
après  quoi  faites  fondre  huit  livres  de  sucre 
fin  dans  quatre  pintes  d’eau;  n’en  mettez  pas 
davantage,  parce  qu’il  faut  un  peu  de  vivacité 
à cette  liqueur  ; vous  la  laisserez  en  blanc  fin , 
c’est-à-dire,  que  vous  ne  la  colerez  pas. 

Elixir  de  Garus. 

Cet  élixir  n’est  point , à proprement  parler , 
une  liqueur  de  table  ; mais  elle  est  d’une  sa- 
veur si  agréable , ses  propriétés  médicales  sont 
si  généralement  reconnues  et  si  fort  recom- 
mandées, que  nous  croyons  bien  faire  d’en 
parler  ici.  Cette  composition  a eu  le  sort  de 
toutes  les  compositions  célèbres,  c’est-à-dire  , 
qu’elle  a été  souvent  altérée  , ou  par  l’igno- 
rance , ou  par  la  présomption  de  ceux  qui 
ont  entrepris  d’en  faire.  Je  ne  sais  si  la  recette 
que  je  donne  ici  est  véritablement  celle  de 
l’auteur;  mais  elle  m’a  si  bien  réussi , que  j’ose 
la  recommander  comme  excellente. 

Prenez  deux  onces  et  demie  d’aloës  succo- 


1 44  l’art  DE  C O M POSER 

toriiij  demi-once  de  myrrhe,  deux  gros  de 
safran  gatinois , vingt-quatre  grains  de  can- 
nelle , autant  de  clous  de  girolle  , autant  de 
noix  muscade  ; pulvérisez  bien  toutes  ces  sub- 
stances , mettez-les  dans  unmatras,  versez 
par  dessus  une  pinte  d’esprit-de-vin  très- 
rectifié  et  tempéré  par  trois  onces  d’eau  com- 
mune ; exposez  votre  matras  bien  bouché  au 
soleil , pendant  vingt-quatre  heures,  ou,  au 
défaut  du  soleil , sur  la  cendre  chaude , re- 
muez-le  bien  de  tems  en  tems  j distillez  en- 
suite dans  un  alambic  de  verre  au  bain  de  sa- 
ble, ou  dans  un  bain-marie  d’étain}  vous  re- 
tirerez à peu  près  une  pinte  d’esprit  bien 
aromatique  5 mêlez  à cet  esprit  poids  égal  de 
sirop  capillaire  , lait  selon  la  méthode  pres- 
crite à l’article  de  l’huile  de  Vénus;  ajoutez 
une  quantité  suffisante  de  fleur  d’orange  dou- 
ble , uniquement  pour  parfumer  davantage 
votre  élixir  ; laissez  reposer  le  tout  pendant 
quinze  jours  dans  un  bocal  bien  bouche,  ou 
jusqu’à  ce  qu’il  soit  clair-lin  ; versez-le  pour 
lors  par  inclinaison  dans  les  bouteilles  où  vous 
voulez  le  conserver. 

Des  Ratafias. 

La  méthode  de  composer  les  liqueurs  com- 
munes 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  1^6 

munes  par  infusion  et  sans  distillation , est 
sans  contredit  la  plus  ancienne;  quoique  ex- 
trêmement simple,  elle  a cependant  des  avan- 
tages bien  réels  ; la  dépense  en  est  rarement 
considérable  , et  les  soins  qu’elle  exige  sont 
encore  moindres.  Pour  peu  qu’on  veuille  être 
attentif,  on  parviendra  à faire  des  liqueurs 
non-seulement  supportables  , mais  encore 
délicieuses.  11  est  bien  vrai  que  l’on  ne  doit 
pas  se  flatter  d’atteindre  par  ce  moyen  jusqu’à 
la  délicatesse  des  liqueurs  fines,  mais  c’est  de 
quoi  bien  des  gens  s’inquiètent  peu;  pourvu 
qu’on  leur  épargne  la  peine  et  la  dépense,  ils 
sont  assez  contens.  Nous  voudrions  pouvoir 
les  servir  à leur  gré  , au  point  même  de  les 
exempter  de  lire  aucun  avis  préliminaire  ; 
mais  comme  cet  excès  de  complaisance  pour- 
rait les  exposer  à travailler  au  hasard  et  à pure 
perte  , nous  les  invitons  à jeter  un  coup  d’œil 
sur  les  observations  suivantes  : 

I.  Ne  faites  vos  infusions  que  dans  des  vases 
de  verre , ou  du  moins  dans  des  cruches  de 
grès;  les  vaisseaux  de  faïence  seraient  parfai- 
tement bons,  mais  rarement  on  en  trouve 
d’assez  commodes;  surtout  gardez-vous bien 
de  vous  servir  d’aucun  vase  de  métal  , de 
cuivre,  par  exemple,  d’étain,  ni  même  de 
fer-blanc. 


K 


1 46  l’art  de  composer 

II.  réemployez  que  l’eau-de-vie  la  plus 
naturelle  3 faites  bien  attention  au  goût  qu  elle 
peut  avoir j qu’elle  ne  sente  ni  le  feu,  ni  le 
fût,  c’est  un  goût  de  bois  : cette  attention 

est  d’une  grande  conséquence. 

HT.  11  n’est  pas  moins  important  de  faire 
un  bon  choix  , tant  des  drogues  , que  des 
fruits  ou  fleurs  qui  doivent  entrer  dans  vos 
compositions  3 que  les  épices  soient  bien  aro- 
matiques, et  fort  chargées  d’huile  essentielle; 
que  les  graines  et  semences  soient  nom  edes 
et  séchées  à propos  3 que  les  fruits  soient  bien 
mûrs,  sans  l’ètre  trop  3 que  les  fleurs  soient 
bien  odorantes  , toujours  cueillies  dans  un 
teins  serein  , et  peu  après  le  lever  du  soleil  3 
enfin , prenez  bien  garde  que  rien  11e  sente  le 
moisi  3 car  quand  une  fois  ce  goût  désagréable 
subsiste , il  n est  pas  possible  d’y  apporter 
aucun  remède. 

1Y.  Le  tems  de  l’infusion  sera  toujours  de 
six  semaines  ou  deux  mois.  Le  choix  du  lieu 
n’est  pas  indifférent  3 autant  qu’il  serapossi- 
ble , il  faudra  placer  vos  vaisseaux  au  soleil , 
pendant  l’été  , et  dans  un  lieu  tempéré  , 
pendant  l'hivet  , ayant  grand  soin  de  les 
bouclier  exactement  pour  obvier  à l’eva- 
poration. 

V.  On  pourrait  employer  1 esprit-de-vin 


£es  liqueurs  de  table,  etc.  1 47 

bien  rectifié  , au  lieu  de  Teau-de-vie  , vos  li- 
queurs en  seraient  bien  plus  fines;  il  y a 
meme  des  cas  où  il  faut  l’employer  de  toute 
nécessité , c’est  lorsqu’on  veut  faire  des  rata- 
fias avec  des  fruits  qui  donnent  beaucoup 
deau;  si  l’on  11’avait  pas  soin  de  les  exalter 
un  peu  au  moyen  de  l’esprit-de-vin,  ils  se- 
raient constamment  trop  faibles,  et  presque 
de  nulle  saveur. 

VI.  Une  des  plus  grandes  sujétions  à la- 
quelle cette  méthode  des  infusions  simples 
expose,  c’est  le  passage  à la  chausse  ou  la 
clarification.  Si  vous  choisissez  pour  filtre 
un  tissu  trop  serré,  ou  la  liqueur  11e  passe 
pas  , ou  elle  passe  si  lentement  que  tous  les 
esprits  ont  le  teins  de  s’évaporer;  si  le  tissu 
est  trop  lâche , tout  passera  sans  être  clair-fin  , 
peine  perdue  par  conséquent.  Pour  bien  faire , 
il  faudrait  avoir  plusieurs  filtres , tous  d’un 
tissu  différent  les  uns  des  autres  , afin  de  les 
employer  selon  la  consistance  plus  ou  moins 
épaisse  des  liqueurs.  Vous  prendrez  donc 
différentes  sortes  d’étoffes  , plus  ou  moins 
serrées,  comme  du  drap  de  Lodève,  qui  est 
excellent  dans  bien  des  cas  , de  lafutaine  , du 
feutre  , etc.;  vous  ferez  tailler  les  uns  et  les 
autres  en  sacs  de  forme  triangulaire  , et  vous 
les  ferez  coudre  avec  toute  l’exactitude  possi- 

K 2 


1 48  i/art  de  composer 
ble.  Cette  espèce  de  sac  est  appelé  vulgaire- 
ment chausse  j son  côté  large  A , opposé  à 
la  pointe  B , formera  l’ouverture  ; vous  re- 
plierez les  bords , et  vous  y coudrez  un  petit 
cerceau  de  bois  ou  d osier,  ce  qui  formel  a 
le  b ourlet  C;  aux  quatre  points  dddd , dia- 
métralement opposes  , vous  attacherez  quatie 
cordons  eee  e d’égale  grandeur,  que  vous 
nouerez  ensemble  au  point  b , dans  lequel 
vous  insérerez  un  anneau  Gq  à cet  anneau 
répondra  une  corde  que  vous  attacherez  au 
plancher,  et  que  vous  ferez  mouvoir  par  une 
poulie , ou  bien  v ous  passerez  un  bâton  à ti  a- 
vers  l’anneau,  et  vous  poserez  le  tout  sur 


deux  chaises  d’égale  hauteur  , ou  bien  vous 
suspendrez  votre  chausse  à un  crochet , ou 
enfin  comme  vous  jugerez  à propos  pour  votre 
plus  grande  commodité.  Le  grand  point  est 
de  passer  votre  liqueur  sans  courir  les  risques 
de  rien  répandre. 

La  figure  ci-jointe  vous  fera  saisir  tout  cet 
appareil  beaucoup  mieux  que  mon  explica- 
tion. Si , au  premier  passage , la  liqueur  n est 
point  exactement  claire,  vous  la  verserez  de 
nouveau  dans  la  chausse  , et  vous  recommen- 
cerez jusqu’à  ce  que  vous  ayez  atteint  le  dc- 
gré  de  limpidité  que  vous  souhaitez, 

vil.  Il  est  bon  de  vous  faire  observer  en- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  1 49 

corc  qu’au  bout  d’un  certain  tems  la  chausse 
s’empâte,  alors  la  liqueur  ne  passe  plus  du 
tout.  Le  seul  moyen  que  je  connaisse  pour 
remédier  à cet  inconvénient,  c’est  de  chan- 
ger de  chausse  ou  de  laver  promptement  celle 
qui  a servi.  Faites  attention  en  la  lavant:  de 
ne  la  point  tordre , contentez-vous  de  la  pres- 
ser en  long,  le  plus  qu’il  sera  possible. 

Vin.  Puisque  le  girofle  et  le  macis,  aussi 
bien  que  la  cannelle  , entrent  dans  presque 
toutes  les  infusions  simples  , ayant  ample- 
ment parlé  de  cette  dernière  épice  , nous  ju- 
geons qu’il  est  nécessaire  de  parler  également 
des  deux  autres  , avant  que  d’entrer  dans 
aucun  détail  particulier. 

Le  clou  de  girofle  est  ainsi  nommé , parce 
qu’il  a toute  la  figure  d’un  petit  clou  ;•  il  nous 
vient  des  îles  Moluques.  L’arbre  qui  le  pro- 
duit n’exige  aucune  culture;  il  est  grand 
comme  un  laurier  ordinaire  , sa  feuille  res- 
semble beaucoup  à la  feuille  de  saule,  mais 
elle  a l’odeur  et  le  goût  du  girofle;  les  bran- 
ches sont  en  assez  bon  nombre , sans  aucun 
ordre  ni  symétrie.  On  voit  constamment  sur 
l’extrémité  de  chaque  branche  une  fleur,  et 
ces  fleurs  se  trouvent  encore  en  grand  nom- 
bre dans  toutes  les  insertions  des  feuilles  ; 
elles  paraissent  d’abord  blanches,  elles  chan- 


i5o  l’ar t de  c omposer 

gent  ensuite,  et  deviennent  vertes 3 lors- 
qu’elles sont  parvenues  à ce  point , elles  com- 
mencent à répandre  une  odeur  très-agréable  3 
approchant  de  plus  en  plus  du  point  de  ma- 
turité, elles  deviennent  rousses3  onles  cueille 
alors,  et  on  les  fait  sécher  au  soleil,  où  elles 
prennent  la  couleur  brune  foncée  que  nous 
leur  connaissons.  On  dit  que  pendant  qu'elles 
sèchent,  011  est  obligé  de  les  arroser  d’eau  de 
mer,  sans  quoi  elles  tomberaient  en  poudre. 
Les  fleurs  que  l’on  ne  juge  point  à propos 
de  cueillir  11c  tardent  pas  à nouer  et  à devenir 
un  fruit  de  la  grosseur  et  de  la  figure  d’une 
olive  3 011  les  confit  dans  le  pays , et  on  les 
nomme  en  Europe  antophylli  , en  Franc  e 
mères-girofles  ou  clous  matrices.  Quand  ces 
jeunes  fruits  sont  eu  maturité  parfaite,  ils  se 
détachent  de  l’arbre  , et  étant  tombés  dans 
la  terre  , leur  germe  se  développe  avec  une 
extrême  facilité  3 on  voit  alors  paraître  des 
arbrisseaux  fort  faibles  dans  les  commence* 
mens  , mais  qui , en  moins  de  huit  ans  , at- 
teignent le  terme  de  leur  accroissement  par- 
fait : on  assure  qu’ils  subsistent  cent  ans  et 
plus. 

On  a observé  qu’il  ne  croissait  aucune  sorte 
de  plante  sous  cet  arbre  3 il  a cela  de  commun 
avec  nos  noyers  : peut  - être  celle  propriété 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  1 5 1 

leur  vient -elle  d’une  transpiration  forte  et 
odorante  qui  suffoque  toute  espèce  de  planté. 
On  sait  que  toutes  ies  parties  du  noyer  ont 
beaucoup  d’odeur,  et  nous  avons  remarqué 
quelque  chose  de  semblable  dans  le  giroflier. 

Tous  les  clous  de  girofle  ne  sont  pas  éga- 
lement bons  3 les  meilleurs  sont  noirs  , pe- 
sans,  d’une  odeur  pénétrante , d’une  saveur 
piquante  , remplis  d’huile  , ce  que  l’on  aper- 
çoit facilement  en  les  pinçant  avec  l’ongle  par 
la  queue. 

Les  propriétés  du  girofle  sont  assez  con- 
nues 3 indépendamment  du  grand  usage  que 
l’on  en  fait  dans  les  alimens , on  l’emploie 
encore  avec  un  très-grand  succès  dans  la  phar- 
macie 3 il  est  d’un  secours  très  - efficace  dans 
les  faiblesses  d’estomac  , dans  les  indiges- 
tions. 

Le  macis  est  encore  une  production  des 
I rides  orientales  , dont  nous  recommandons 
fort  l’usage.  Le  macis  est  la  seconde  écorce 
de  la  noix  muscade  , et  la  muscade  elle-même 
est  un  fruit  produit  par  un  arbre  de  la  gran- 
deur de  nos  poiriers  3 il  est  originaire  des  îles 
Moluques,  comme  le  giroflier;  mais  les  plus 
beaux  se  trouvent  dans  File  de  Banda, 

Ce  fruit  est  composé  de  deux  enveloppes 
et  d’un  noyau  ou  amande;  la  première  en- 


veloppe  est  épaisse  et  charnue  comme  celle 
d’une  noix  commune;  la  seconde  est  mince 
et  tendre;  elle  couvre  immédiatement  la  mus- 
cade comme  un  réseau , et  s’en  sépare  dans 
le  tems  de  la  maturité , c’est-à-dire , après  que 
la  première  écorce  s’est  ouverte  et  est  tombée  ; 
c'est  cette  deuxième  écorce  que  l’on  appelle 
macis , ou  improprement  fleur  de  muscade  ; 
elle  est  d’un  jaune  rougeâtre  ou  orangé , d’une 
odeur  très  - agréable , et  fournit  une  huile 
très -excellente  pour  les  douleurs  et  les  tu- 
meurs des  jointures.  L’amande  qui  occupe 
le  centre  du  fruit  est  nommée  muscade;  elle 
sert  d’épice  dans  les  cuisines , et  tout  le  monde 
la  connaît. 

Le  macis  est  céphalique,  cordial , hystéri- 
que, stomachique  , carminatif;  il  dissipe  les 
vents,  il  devient  anodin  et  assoupissant  lors- 
qu’il est  un  peu  torréfié  et  dépouillé  de  son 
huile. 

Telles  sont  les  observations  préliminaires 
que  nous  avons  cru  devoir  rapporter  avant 
que  d’enseigner  ce  qu’il  faut  faire  pour  se 
procurer  des  liqueurs  simples  , dont  nous  al- 
lons donner  les  recettes  particulières. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l55 


Des  Vins  par  imitation . 

Le  raisin  n’est  pas  la  seule  substance  vé- 
gétale avec  laquelle  , au  moyen  de  la  fermen- 
tation, on  puisse  faire  du  vin;  tous  les  fruits 
combinés  des  mêmes  principes  que  le  raisin 
pourront  produire  un  effet  approchant,  et  la 
différence  sera  toujours  en  raison  de  cette 
combinaison.  Ainsi,  tous  les  fruits  qui  seront 
combinés  de  principe  inflammable , d’huile 
essentielle  légère  , d’esprit  recteur,  d’eau  ou 
phlegme,  de  sels  essentiels  sucrés , etc.  se- 
ront propres  à faire  du  vin;  mais  comme  nous 
avons  remarqué  que  ces  principes  sont  dans 
une  proportion  très  - variée  dans  les  raisins  , 
et  que,  par  cette  raison,  les  différens  raisins 
produisent,  une  différence  très  - grande  dans 
les  vins,  de  même  les  vins  que  l’on  fera  avec 
les  diverses  substances  végétales,  varieront 
en  raison  de  la  proportion  des  principes  de 
ces  mêmes  substances.  11  pourra  même  arri- 
ver, et  le  cas  sera  fréquent,  que  l’on  sera 
obligé  de  suppléer  à ces  défauts  par  une  ad- 
dition de  ces  mêmes  principes  tirés  d’autres 
substances.  11  n’est,  pas  moins  vrai  que  dans 
certaines  années  ces  principes  sV  trouvent  en 
plus  grande  abondance  que  dans  d’autres  ; par 


I 5 f.  l'art  de  composer 

exemple,  lorsque  la  chaleur  est  très-considé- 
rable , les  fruits  sont  bien  plus  remplis  du 
principe  sucré,  que  lorsque  l’été  a été  froid 
et  pluvieux  3 circonstances  très-importantes , 
et  auxquelles  il  convient  d’avoir  égard,  tant 
pour  la  manipulation  que  pour  le  choix  des 
fruits. 

Lors  donc  que  vous  employerez  des  fruits 
très-remplis  de  phlegme , et  fort  peu  abon- 
dans  en  principe , il  faudra  suppléer  à ce  dé- 
faut par  une  addition  d’esprit-de-vin  et  de 
sucre , afin  de  ramener  les  vins  qui  en  résul- 
teront , au  ton  des  vins  ordinaires. 

D’après  ces  observations , nous  allons  don- 
ner quelques  exemples  de  la  méthode  qu’il 
faut  suivre  pour  faire  d’excellens  vins  par 
imitation  de  celui  de  raisin,  en  remarquant 
toutefois  qu’il  ne  faudra  pas  tellement  s’asser- 
vir aux  doses  que  nous  allons  prescrire  , que 
l’on  ne  puisse,  que  l’on  ne  doive  même  s’en 
départir , et  y apporter  les  changemens  con- 
venables, lorsque  le  cas  l’exigera. 

Vin  de  Pèches . 

Prenez  cent  livres  de  pèche;  ne  choisissez 
que  celles  qui  sont  d’une  espèce  très-vineuse. 
Les  pèches  de  vigne,  quoique  les  plus  com- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  l55 

mimes,  sont  fort  bonnes,  pourvu  qu’elles 
soient  cl’une  maturité  parfaite.  Is’en  réservez 
aucune  d équivoque  , telles  que  pourraient 
être  celles  qui  seraient  tachées  de  pourriture, 
ou  trop  vertes.  Commencez  par  en  ôter  le 
duvet  avec  un  linge  un  peu  rude  et  Lien  pro- 
pre , ou  plutôt  une  brosse,  ôtez-en  les  noyaux  ; 
pétrissez  bien  votre  fruit  jusqu’à  ce  qu’il  soit 
en  marmelade  , mettez  - le  en  fermentation 
dans  de  grands  pots  de  grès  , ou,  si  vous  n’en 
avez  pas,  dans  un  baquet  proprement  échau- 
dé, couvrez-le  d’un  linge,  placez-le  dans  un 
lieu  tempéré  jusqu’à  ce  qu’il  ait  bien  fer- 
menté , ce  qui  n’arrivera  guère  qu’au  bout 
de  quinze  jours  ou  trois  semaines  , plus  ou 
moins,  suivant  la  température  de  la  saison; 
lorsque  vous  n’apercevrez  plus  aucune  mar- 
que de  fermentation  sensible , ce  que  vous 
reconnaîtrez  à une  odeur  forte  et  vineuse  , 
et  encore  mieux  à la  limpidité  de  la  liqueur 
qui  se  trouvera  au  dessous  d’une  croûte  qui 
se  sera  formée  à la  surface,  vous  passerez  le 
tout  par  un  linge  d’un  tissu  un  peu  lâche  ; 
pour  lors  vous  ajouterez  deux  livres  d’esprit- 
de-vin  bien  rectifié  , et  quatre  livres  de  sucre 
en  poudre , plus  ou  moins  de  l’un  et  de  l’au- 
tre , relativement  à la  force  et  à la  saveur  que 
vous  remarquerez  à votre  vin  de  pèche;  c’est 


i56  l'art  de  composer 

ii  i précisément  le  cas  où  nous  ne  pouvons 
pas  prescrire  de  dose  exacte.  V otre  mélange 
étant  fait , versez-le  dans  un  petit  baril  ou 
dans  de  grandes  cruches  de  grès , bouchez 
bien  le  tout,  et  portez-le  à la  cave,  où  vous 
le  laisserez  pendant  un  an  ; vous  tirerez  en- 
suite votre  vin  en  bouteille.  Si  vous  avez 
atteint  le  juste  point  de  proportion,  vous  au- 
rez un  vin  admirable  par  sa  saveur  et  par  son 
parfum. 

Vin  d’ Abricots. 


Ensuivantle  mémo  procédé  , vous  pourrez 
faire  un  bon  vin  d’abricots  , et  comme  ce 
fruit  a beaucoup  moins  d’acide  et  plus  de 
sucre  que  la  pèche  , il  faudra  avoir  egard 
à cette  qualité  lorsqu’on  en  viendra  à l’ad- 
dition de  l’esprit-de-vin  et  du  sucre. 


Vin  de  Cerises. 


Choisissez  une  assez  grande  quantité  de 
cerises  parfaitement  mûres,  ôtez  - en  toutes 
les  queues  , écrascz-les  , et  expnmez-cn  le  suc 
jusqu’à  l’occurrence  de  cent  livres,  mettez- 
les  en  fermentation  dans  un  lieu  tempéré  ; 
• si  la  saison  est  chaude,  l’affaire  sera  faite  en 
moins  de  huit  jours  , peut-être  un  peu  moins. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  1$7 

Vous  le  reconnaîtrez  à la  limpidité  du  suc 
qui  doit  être  parfaitement  clair  lorsque  la 
fermentation  est  parvenue  à son  point;  ajou- 
tez alors  trois  livres  d’esprit-de-vin  rectifié  et 
six  livres  de  sucre  ; mettez  le  mélange  dans 
un  baril  , pîacez-le  à la  cave , et  oubliez-le 
pendant  un  an;  tirez-le  ensuite  en  bouteille. 
Le  vin  de  merise  se  fait  de  même. 

Vin  de  Framboise. 

La  préparation  du  vin  de  framboise  est  un 
peu  différente  des  précédentes.  Pour  le  bien 
faire  emplissez  une  très-grande  cruche  de 
grès , de  belles  framboises  parfaitement  mû- 
res , versez  par-dessus  le  fruit,  de  bonne  eau- 
de-vie  vieille,  tant  que  la  cruche  en  pourra 
contenir;  exposez-la  bien  bouchée  au  soleil 
pendant  deux  mois , après  quoi  versez  par 
inclinaison  dans  une  autre  cruche  ce  qu’il  y 
aura  de  bien  clair;  écrasez  bien  vos  fram- 
boises en  les  pressant  dans  un  linge  d’un  tissu 
peu  serré , passez  le  suc  qui  en  proviendra 
par  la  chausse,  ajoutez -le  à celui  que  vous 
aurez  prétédemment  tiré  par  inclinaison,  après 
quoi  vous  mettrez  six  onces  de  sucre  par  pin- 
te ; et  si  votre  vin  vous  paraît  un  peu  faible , 
vous  le  renforcerez  par  une  addition  de  quel- 


i 58  l’art  de  composer 

ques  verres  de  bon  esprit-de-vin  bien  recti- 
fié 5 l’ayant  monté  au  ton  convenable,  vous 
le  remettrez  dans  des  cruches  bien  bouchées , 
et  vous  l’oublierez  pendant  deux  mois  5 s’il 
est  clair,  vous  le  mettrez  en  bouteille. 

Vin  de  Groseilles. 

Prenez  deux  parties  de  groseilles  égrenées 
et  bien  mûres  , et  une  partie  de  framboises  , 
que  la  quantité  soit  suffisante  pour  en  expri- 
mer cent  livres  de  suc  3 faites  - les  fermenter 
selon  les  règles  prescrites  ci-dessus  ; quand 
la  fermentation  sera  achevée , ce  que  vous 
reconnaîtrez  aux  signes  que  nous  avons  indi- 
qués précédemment,  vous  ajouterez  trois  li- 
vres d’esprit-de-vin  rectifié  , et  six  livres  de 
sucre,  plus  ou  moins , selon  que  vous  verrez 
que  la  qualité  de  votre  vin  l’exigera  5 versez 
ensuite  le  tout  dans  ün  baril , placez -le  à la 
cave,  et  oubliez-le  pendant  un  an 3 Vous  le 
tirerez  après  en  bouteille. 

Vin  d* Oranges  et  de  Citrons. 

Quiconque  aura  bien  saisi  la  théorie  des 
procédés  que  nous  venons  de  donner , sera 
en  état  de  faire  des  vins  de  toute  espèce,  avec 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l5g 

différentes  sortes  de  fruits,  même  avec  des 
oranges  et  des  citrons.  Quoique  ces  derniers 
fruits  soient  les  moins  convenables  par  un 
excès  d’acide  et  de  parfum , il  faudra  donc 
suppléer  à ce  défaut  par  une  addition  plus 
considérable  d’esprit-de-vin  et  de  sucre,  et  ne 
mettre  d’écorce  que  ce  qu’il  faudra  pour  don- 
ner au  vin  un  parfum  suffisant  et  agréable. 

Ratafia  de  fruits  rouges. 

On  peut  bien  dire  , au  ÿujet  du  ratafia  dont 
nous  allons  parler , que  c’est  la  ressource  ge- 
nerale et  le  supplément  aux  liqueurs  plus 
dispendieuses \ tout  le  monde  en  fait,  tout 
le  monde  se  pique  de  le  faire  parfaitement  , 
et  cependant  j’oserais  presque  assurer  qu’il 
n’y  a pas  deux  recettes  qui  se  ressemblent. 
Si  vous  voulez  réussir  à bien  faire  ce  ratafia  , 
attendez  que  tous  les  fruits  qui  doivent  en- 
trer dans  sa  composition  soient  bien  mûrs. 
Prenez  alors  six  livres  de  cerises  belles  , 
grosses , tirant  sur  le  brun-rouge  à force  de 
maturité 5 plus,  trois  livres  de  framboises  , 
autant  de  fraises,  autant  de  groseilles,  deux 
livres  de  merises , une  livre  de  guignes  noi- 
res • épluchez  bien  ces  fruits,  écrasez-les , 
et  laissez-les  en  fermentation  vingt -quatre 


i uo  i/art  de  composer 

heures  seulement  \ après  ce  terme,  exprimez- 
en  le  suc  à travers  un  gros  linge  , et  dont 
le  tissu  ne  soit  point  serré  ; versez  sur  cha- 
que pinte  de  suc,  une  pinte  d’eau-de-vie,  et 
sur  chaque  piûte  de  ce  mélange , cinq  à six 
onces  de  sucre  en  poudre  ; ayant  bien  re- 
mué le  tout , si  vous  avez  pour  produit  six 
pintes  de  liqueur  en  tout , vous  y ajouterez 
une  once  d’amandes  amères  concassées,  qua- 
tre clous  de  girofle,  deux  gros  de  cannelle  , 
demi-gros  de  macis,  autant  de  poivre  blanc  ; 
si  vous  avez  une  plus  grande  quantité  de  li- 
queur , vous  augmenterez  les  doses  de  ces 
derniers  ingrédieus  dans  une  sage  proportion. 
Observez  encore  que  si  votre  ratafia  vous 
parait  trop  faible  , vous  pourrez  l’exalter  un 
peu,  en  y ajoutant  quelques  verres  d esprit- 
de-vin  bien  rectifié.  Voilà  la  règle  generale 
dont  il  ne  faudra  jamais  se  départir. 

Votre  mélange  étant  achevé  , et  votre  ra- 
tafia au  point  où  vous  le  désirez , tant  pour 
la  saveur" que  pour  le  parfum  , bouchez  vos 
cruches  d’un  bon  bouchon  de  liège , couvrez- 
le  d’une  feuille  de  parchemin  mouillée , et 
placez  vos  cruches  au  soleil  pendant  six  se- 
maines ou  deux  mois  , ayant  grand  soin  de 
les  bien  remuer  tous  les  jours.  Si  vous  n’etes 
pas  fort  pressé , je  vous  conseille  de  11e  point 

ouvrir 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  l6l 

ouvrir  vos  cruches  avant  le  mois  de  novem- 
bre. Pour  lors , goûtez  votre  ratafia  3 s’il  y 
manque  quelque  chose  , vous  y remédierez  3 
s’il  est  parfaitement  clair,  et  à son  point  de 
perfection,  vous  verserez  la  partie  limpide 
dans  une  nouvelle  cruche  , et  vous  passerez 
la  partie  trouble  par  la  chausse  , que  vous 
ajouterez  ensuite  au  reste  , après  quoi  vous 
le  mettrez  en  bouteille. 

Les  arbres  qui  produisent  les  fruits  dont 
nous  venons  de  parler , sont  si  connus , qu’il 
serait  ridicule  d’en  donner  la  description  . 
mais  parce  que  ces  fruits  sont  tous  originai- 
rement assez  rafraîchissans  , on  aurait  tort  de 
conclure  que  le  ratafia  qui  en  provient  pos- 
sède la  même  qualité.  Ces  fruits  ont  vérita- 
blement changé  de  nature , tant  par  la  fer- 
mentation qu’ils  ont  subie , que  par  leur  mé- 
lange avec  l’eau-de-vie  , le  sucre  et  les  épices. 
Je  ne  connais  , au  ratafia  de  fruits  rouges  , 
aucune  propriété  médicale  bien  décidée. 

Ratafia  d' Œillets. 

Quoiqu’en  général  tous  les  œillets  puissent 
passer  pour  variétés  les  uns  des  autres  , ils  ne 
sont  cependant  pas  tous  également  propres  à 
faire  le  ratafia  qui  porte  ce  nom  3 je  n’en  con- 

L 


162  l’art  de  composer 

nais  que  d’une  sorte  qui  puisse  servir  à ce 
dessein.  C’est  un  petit  œillet  fort  simple  , 
composé  de  quatre  feuilles  en  tout  , d un 
rouge  foncé  presque  noir  et  bien  velouté 3 sa 
racine  pousse  ordinairement  une  grande  quan- 
tité de  tiges , qui  fournissent  une  ou  plusieurs 
fleurs. 

O11  vante  assez  les  propriétés  de  cette  es- 
pèce d’œillet  3 011  en  fait  un  sirop  et  une  con- 
serve. On  dit  aussi  que  la  décoction  de  cette 
fleur  est  un  cordial. 

Faites  cueillir  après  le  lever  du  soleil , et 
dans  un  teins  serein  , assez  d’œillets  pour 
en  remplir  le  vaisseau  que  vous  destinez  à 
l’infusion  3 vous  éplucherez  bien  toutes  ces 
fleurs .,  feuille  à feuille , vous  en  couperez 
même  le  blanc,  et  vous  n’en  réserverez  que 
le  rouge  3 votre  cruche  ou  vaisseau  étant  bien 
rempli  de  fleurs,  vous  ajouterez  quelques 
clous  de  girofle , un  peu  de  cannelle  et  un 
peu  de  macis , le  tout  prudemment  pour  11e 
point  trop  affaiblir  le  parfum  d’œillet  qui 
doit  toujours  dominer  3 vous  verserez  ensuite 
autant  d eau  - de  - vie  sur  vos  fleurs  que  la 
cruche  en  pourra  contenir  3 bouchez-cn  l’ori- 
fice exactement,  et  placez  l’infusion  au  so- 
leil pendant  six  semaines.  Ce  tems  révolu , 
les  fleurs  auront  déchargé  leur  teinture  et  leur 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE  , etc.  l65 

odeur;  l’eau-de-vie  en  étant  imprégnée  , ver- 
sez-la  par  inclinaison , ou  bien  à travers  un 
tamis,  pour  en  séparer  les  fleurs  qui  seront 
devenues  toutes  blanches,  par  conséquent  inu- 
tiles. Faites  ensuite  fondre  sur  le  feu,  et  dans 
une  assez  petite  quantité  d’eau,  six  onces  de 
sucre  par  pinte  d’eau-de-vie  ; si  vous  en  avez 
employé  six  pintes,  par  exemple,  vous  la 
tempérerez  par  deux  pintes  d’eau  ou  environ , 
plus  ou  moins , selon  la  force  qu’il  vous  plaira 
de  donner  à votre  ratafia.  Votre  sirop  étant 
fait  selon  les  règles,  vous  l’ajouterez  à votre 
eau  - de  - vie.  Ayant  remis  le  tout  dans  une 
cruche  , bouchez-labien , et  placez-la  encore 
au  soleil  pendant  trois  semaines;  si  votre  ra- 
tafia est  louche , vous  le  passerez  à la  chausse; 
s il  est  clair,  vous  pourrez  vous  en  dispenser. 

Ratafia  de  Cassis. 

Selon  certaines  gens , c’est  le  meilleur  çt  le 
plus  sain  des  ratafias  ; il  l’emporte  , selon  eux  , 
sur  les  liqueurs  les  plus  fameuses  ; en  un  mot , 
c’est  la  liqueur  par  excellence.  Ne  disputons 
point  des  goûts , ils  sont  personnels  , et  con- 
tentons-nous de  prescrire  la  manière  de  faire 
ce  ratafia  tant  prôné. 

Prenez  six  livres  de  cassis  bien  mûr,  éplu- 

L 2 


164  l’art  de  composer 

cliez-le,  grain  à grain,  ecrasez-le  dans  une 
grande  terrine , vous  le  jeterez  ensuite  ainsi 
écrasé  dans  une  cruche;  ajoutez  neuf  pintes 
d’eau-de-vie,  et , pour  chaque  pinte,  six  on- 
ces de  sucre  râpé  ; si  vous  le  jugez  à propos  , 
vous  pourrez  ajouter  quelques  clous  de  gi- 
rofle et  un  peu  de  cannelle,  mais  très -peu. 
Le  parfum  du  cassis  ne  se  marie  pas  facile- 
ment. Vous  exposerez  votre  infusion  au  soleil 
pendant  deux  mois,  après  lesquels  vous  la 
passerez  par  • la  chausse , et  vous  aurez  une 
liqueur  charmante  pour  la  couleur,  bien  ve- 
loutée , bien  moelleuse , et  d’un  goût  délicieux 
pour  ceux  qui  l’aiment;  mais  elle  nestpai- 
faite  qu’au  bout  de  trois  ou  quatre  ans , et 
même  plus.  Elle  contracte  alors  une  qualité 
qui  la  ferait  prendre  pour  un  vin  de  Rota. 

Ratafia  de  Noix  vertes . 

Il  semble  qu’il  n’y  ait  rien  dans  ce  fruit  qui 
puisse  promettre  un  heureux  succès  quand  on 
l’emploie.  Son  goût  est  d’une  àcreté  insup- 
portable ; il  donne  par  infusion  une  couleur 
noire  comme  de  l’encre , et  son  parfum  est 
très-peu  de  chose.  Mais  enfin  il  ne  faut  pas 
toujours  chercher  1 agréable,  1 utile  mente 
bien  aussi  notre  attention  ; et  puisqu  on  atui- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  l65 

Lue  à la  noix  préparée , comme  nous  allons 
le  dire,  quelques  propriétés,  nous  croyons 
que  ce  ratafia  peut  tenir  sa  place  après  le 
cassis. 

Choisissez  donc  soixante  ou  meme  cent 
noix  lorsqu’elles  seront  parvenues  à toute  leur 
grosseur,  cependant  il  ne  faut  point  attendre 
qu’elles  soient  en  cerneaux,  c’est-à-dire  , 
qu’il  faut  que  l’amande  ou  fruit  intérieur 
soit  baveux  5 écrasez  ces  noix  dans  un  mortier 
de  marbre  avec  leur  écorce  ou  brou , met- 
tez-les  dans  une  cruche  3 ajoutez  pour  cette 
quantité  de  noix , neuf  pintes  d’eau-de-vie  , 
bouchez  votre  cruche  , et  placez-la  en  infu- 
sion pendant  un  mois.  Après  ce  teins,  passez 
votre  liqueur  au  tamis  de  soie  sans  presser  le 
marc  qui  devient  dès - lors  inutile 3 remettez 
la  liqueur  dans  la  cruche,  ajoutez  trois  quar- 
terons de  sucre  pour  chaque  pinte  de  liqueur, 
quinze  clous  de  girofle,  une  once  et  demie 
de  cannelle , et  deux  gros  de  macis.  Laissez 
le  tout  en  infusion  pendant  un  mois,  goûtez 
votre  liqueur  3 si  vous  ne  la  trouvez  pas  au 
point  convenable,  ajoutez  ce  que  vous  juge- 
rez propre  à la  raccommoder  3 si  elle  vous 
parait  à son  point,  passez-la  par  la  chausse. 
Ce  ratafia  sera  d’une  couleur  peu  agréable  , 
mais  sa  saveur  sera  supportable. 


iG6 


i/art  de  composer 


AUTRE  RECETTE. 

Brou  de  Noix. 

Eau-de-vie,  huit  pintes  ; cent  - cinquante 
noix  vertes 3 muscades,  un  gros;  girofle,  un 
gros;  sucre  concassé,  quatre  livres.  Choi- 
sissez (les  noix  déjà  un  peu  grosses , mais  assez 
peu  formées  pour  que  l’épingle  passe  facile- 
ment au  travers  ; vous  les  pilez  dans  un  mor- 
tier de  marbre , et  les  faites  infuser  pendant 
deux  mois  dans  de  l’eau-de-vie  ; vous  les  égoû- 
tez  dans  un  tamis  au  dessus  d’un  vase;  vous 
faites  fondre  le  sucre  dans  cette  liqueur  , que 
vous  renfermez  de  nouveau  dans  un  vase 
pendant  trois  mois  ; ensuite  vous  la  decantez , 
et  la  mettez  en  bouteille. 

Ratafia  de  Coings. 

Le  coing  est  très  - aromatique  ; on  peut 
donc  en  tirer  parti  pour  en  faire  un  très- 
bon  ratafia.  On  connaît  deux  especes  de 
coings  , le  male  et  la  femelle  ; cette  dernière 
espèce,  plus  grosse,  et  d’une  couleur  plus 
belle,  est  toujours  préférable.  • 

Ayant  choisi  des  coings  bien  murs  cl  bien 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  167 

parés,  vous  connaîtrez  cette  qualité  a leur 
couleur , elle  est  pour  lors  d’un  jaune  écla- 
tant, et  un  peu  au  dessous  du  citron  : comme 
ces  fruits  sont  toujours  cotonneux , vous 
essuierez  proprement  leur  duvetavec  un  linge 
blanc  3 servez-vous  ensuite  d’une  râpe  à sucre 
pour  râper  chair  et  écorce  jusqu’au  cœur  ou 
pépins  , que  vous  jeterez  comme  inutiles. 
Quand  vous  aurez  préparé  de  la  sorte  une 
suffisante  quantité  de  ce  fruit  pour  en  tirer 
autant  de  suc  que  nous  le  dirons  bientôt  , 
vous  le  porterez  dans  un  lieu  tempéré  poul- 
ie faire  fermenter  pendant  vingt-quatre  heu- 
res au  plus  ; vous  apercevrez  pour  lors  que 
son  odeur  sera  médiocrement  vineuse,  et  il 
sera  tems  de  le  presser  dans  un  linge;  cette 
expression  se  fera  à grande  force  pour  en  ex- 
traire tout  le  suc.  Dans  six  pintes  de  ce  suc  , 
vous  ferez  fondre  trois  livres  de  sucre  en  pou- 
dre ; vous  ajouterez  quatre  pintes  d’eau-de- 
vie  , une  pinte  ou  environ  de  bon  esprit-de- 
vin,  douze  clous  de  girofle,  une  once  de 
cannelle  et  un  gros  de  macis  ; si  votre  rata- 
fia, après  ce  mélange,  vous  paraît  trop  vio- 
lent, vous  le  tempérerez  par  une  addition  de 
nouveau  suc  de  coings;  s’il  vous  paraît  trop 
faible , vous  remédierez  à ce  défaut  par  une 
nouvelle  dose  d’esprit-de-vin;  bien  entendu 


i68 


\ 

l’art  de  composer 

qu’il  faudra  augmenter  aussi  Ja  dose  de  sucre 
à proportion  de  ce  que  vous  y aurez  ajouté  de 
nouveau.  Votre  liqueur  étant  au  ton  conve- 
nable , bouchez  bien  la  cruche  , et  placez-la 
dans  un  lieu  chaud , s’il  est  possible , ou  du 
moins  dans  un  lieu  tempéré  ; il  serait  fort  inu- 
tile de  penser  à la  mettre  au  soleil,  il  n’a  pres- 
que plus  de  force  dans  la  saison  où  l’on  peut 
faire  ce  ratafia  3 les  coings  sont  rarement 
mûres  avant  le  mois  d’octobre.  Pour  bien 
faire  , il  faudrait  oublier  ce  ratafia  pendant 
tout  l’hiver,  afin  de  l’exposer  l’été  suivant  au 
soleil  , au  moyen  de  quoi  je  garantis  qu’on 
aura  un  ratafia  délicieux  3 après  l’avoir  passé 
par  la  chausse,  il  sera  d’une  couleur  jaune  et 
bien  ambrée.  Ce  ratafia  est  stomachique. 

On  peut  faire,  selon  cette  recette,  des  rata- 
fias inconnus  jusqu’à  présent , en  employant, 
au  lieu  de  coings,  des  pommes  et  des  poires 
aromatiques. 

Ratafia  d' Angélique. 


Nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  avons 
dit  ailleurs  des  vertus  de  cette  plante  : nos  re- 
marquerons seulement  qu’ayant  une  odeur 
très-suave , on  peut  en  faire  un  ratafia  dômes  ti- 


LES  L IQ UEUR  S . D E,  T A B L E , CtC.  169 

que  , aussi  sain  qu’agréable , et  à très  - bon 
marché. 

Prenez  clés  côtes  d’ Angélique  dans  la  sai- 
son où  elle  est  dans  sa  plus  grande  force  , 
c’est-à-dire  , quand  la  tige  est  dans  toute  sa 
hauteur;  il  ne  faut  cependant  point  attendre 
que  la  fleur  en  soit  tout  à fait  épanouie  3 
rejetez  les  feuilles  comme  moins  bonnes  , 
coupez  les  côtes  par  quartiers  , écrasez  - les 
grossièrement  dans  un  mortier  de  marbre  , 
emplissez -en  une  cruche  jusqu’à  la  moitié, 
versez  par-dessus  de  l’eau-de-vie,  tant  que  la 
cruche  pourra  en  contenir,  bouchez-la  exac- 
tement, et  de  la  façon  que  nous  l’avons  dit 
plus  d’une  fois  3 placez -la,  conditionnée  de 
cette  façon,  au  soleil  pendant  un  mois 3 alors 
versez  votre  infusion  dans  une  autre  cruche , 
laissez  bien  égoutter  votre  angélique  pour  11e 
rien  perdre  3 ajoutez  six  onces  de  sucre  en 
poudre  par  pinte  de  liqueur,  un  peu  de  can- 
nelle , un  peu  de  macis,  le  tout,  avec  dis- 
crétion, pour  ne  point  affaiblir  l’angélique 
qui  doit  dominer  3 remettez  votre  liqueur  au 
soleil  pendant  un  mois  , ensuite  passez  par  la 
chausse. 

Le  céleri , et  toutes  les  plantes  à peu  près 
de  même  espèce,  se  préparent  de  la  même 
façon  et  dans  les  mêmes  doses. 


Ï'JO 


l’art  de  composer 

Ratafia  d' Anis. 

Cette  plante  a été  décrite  en  son  lieu.  On 
peut  consulter  le  même  article  sur  ce  que 
nous  avons  dit  des  vertus  de  cette  graine.  Pour 
en  faire  un  ratafia  commun , concassez  une 
demi -livre  d’anis  vert,  un  quarteron  de  co- 
riandre , deux  gros  de  cannelle  et  un  gros 
de  macis  j mettez  le  tout  en  infusion  dans  neuf 
pintes  d’eau-de-vie,  pendant  un  mois  5 vous 
aurez  soin  de  sucrer  votre  liqueur  avant  que 
de  bouclier  votre  cruche,  six  onces  de  sucre 
pour  chaque  pinte  suffisent  j si  vous  11e  trou- 
vez pas  cette  dose  de  sucre  assez  forte  , vous 
l’augmenterez  un  peu  3 il  faudra  casser  votre 
sucre  par  morceaux  à peu  près  gros  comme 
le  poing.  Vous  tremperez  chaque  morceau 
dans  de  l’eau  commune  en  le  retirant  promp- 
tement , et  vous  le  jeterez  ainsi  imbibé  dans 
la  cruche.  Cette  petite  opération  est  néces- 
saire pour  deux  raisons  : i°.  pour  faciliter  la 
fonte  du  sucre , qui , sans  cela , 11e  se  dis- 
soudrait dans  l’eau-de-vie  qu’avec  beaucoup 
de  peine  3 3°.  pour  affaiblir  un  peu  la  force 
de  l’eau-de-vie.  Sans  cette  précaution , la 
pointe  de  l’anis  augmentant  celle  de  l’eau-de- 
vic  , rendrait  la  liqueur  un  peu  trop  violente. 


LES  LIQUEURS  LE  T A B I.  E , etc.  17  I 

Après  le  mois  prescrit  pour  1 infusion  , passez 
votre  ratafia  par  la  chausse. 

Ratafia  de  Semences  chaudes  , appelé  vul- 
gairement Eau  des  sept  graines. 

Nous  avons  promis  la  description  de  ces 
plantes  et  de  leurs  semences  à l’article  de 
l’anis,  où  nous  avons  expliqué  ce  qu’il  fallait 
entendre  par  la  qualification  de  carminativc  ; 
nous  avons  dit  au  même  lieu  que  les  semences 
chaudes  majeures  étaient  au  nombre  de  qua- 
tre , l’anis , le  carvi , le  cumin , le  fenouil. 

L’anis  a été  décrit  dans  son  article  parti- 
culier 5 nous  avons  également  décrit  en  peu 
de  mots  le  carvi , lorsque  nous  avons  eu  oc- 
casion de  parler  de  l’huile  de  Vénus  ; reste 
donc  à parler  des  deux  autres  , c’est  ce  que 
nous  allons  faire  avec  notre  précision  ordi- 
naire. 

Le  cumin  diffère  peu  du  carvi , et  on  les 
substitue  souvent  l’un  à l’autre.  Le  carvi  est 
une  plante  qui  vient  par -tout  en  France  et 
ailleurs.  Le  cumin  est  originaire  de  l’ile  de 
Malte  , d’où  on  nous  l’apporte  par  Marseille; 
voilà  je  pense  leur  plus  grande  différence. 

Le  fenouil  ressemble  beaucoup  à i’anis,  et 
pour  la  tige  et  pour  la  graine  ; il  y en  a de 


172  l’art  de  composer 

deux  espèces  : la  semence  de  l’une  est  un  peu 
amère , la  semence  de  l’autre  est  plus  douce  ; 
il  faut  toujours  préférer  cette  dernière. 

Le  fenouil  est  fort  commun , parce  qu’il 
' croît  très  - facilement  dans  tous  les  jardins. 
Comme  les  vertus  de  ces  quatre  graines,  ap- 
pelées semences  chaudes  majeures  , sont  pres- 
que les  mêmes,  il  serait  inutile  de  nous  y 
arrêter  plus  long-tems  ; nous  ne  ferions  que 
nous  répéter. 

Les  quatre  semences  chaudes  mineures 
sont  l’ache  ou  le  persil , Tannni , le  panais 
sauvage  et  l’amome. 

Les  graines  de  céleri  , de  persil  ordinaire  , 
de  percis  de  Macédoine  , sont  si  semblables 
en  vertus,  qu’on  peut  les  substituer  sans  au- 
cun risque  les  uns  aux  autres.  Nous  avons 
parlé  de  Tache  en  parlant  du  céleri  , il  serait 
ridicule  de  nous  arrêter  au  persil  ; il  est  trop 
universellement  connu  pour  douter  qu’il  soit 
nécessaire  de  donner  sur  cela  quelque  ins- 
truction. 

L’annni  est  une  plante  sauvage  qui  vient 
dans  les  prés;  on  la  croit  très-propre  dans 
toutes  les  maladies  de  l’estomac. 

Le  panais  sauvage  vient  également  dans  les 
prés  ; il  a la  feuille  un  peu  plus  large  que  le 
panais  des  jardins  : la  fleur  en  est  jaune. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  17$ 

Il  faut  bien  prendre  garde  de  ne  pas  se  trom- 
per au  sujet  de  cette  dénomination  amoraejon 
l’attribue  à plusieurs  sortes  de  graines  , à 
celle  de  girofle  , au  poivre  de  la  Jamaïque  , à 
une  espèce  de  solanum , et  enlïn  à une  plante 
ombellifère,  l’une  des  quatre  semences  chaudes 
mineures  : c’est  de  cette  dernière  que  nous 
voulons  parler  ici.  Son  véritable  nom  est  si- 
non. Elle  croît  comme  presque  toutes  les  au- 
tres plantes  carminatives  mineures  , dans  les 
prés , et  elles  ont  toutes  les  mêmes  vertus  , 
parce  qu’elles  abondent  également  en  huile 
essentielle  aromatique. 

Avec  la  semence  ou  graine  de  ces  sept  ou 
huit  plantes  carminatives,  011  prépare  un  ratafia 
commun,  bien  célèbre,  parce  qu’une  infinité 
de  personnes  qui  en  ont  été  soulagées  ne  ces- 
sent de  déposer  en  sa  faveur.  Sa  plus  grande 
vertu  est  d’expulser  les  vents , et  ses  effets 
sont  si  prompts , qu’il  est  impossible  de  ne 
pas  les  reconnaître.  Ce  ratafia  peut  encore 
avoir  d’autres  propriétés  ; mais  comme 
sont  moins  sensibles  que  celle  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  et  qui  est  généralement  re- 
connue , elles  sont  moins  prônées. 

Prenez  deux  onces  de  chaque  graine  ou 
semence  chaude  , tant  majeure  que  mineure  , 
ce  qui  vous  donnera  à peu  près  une  livre  eu 


174  l’art  de  composer 

tout  5 pilez  ces  graines  dans  un  mortier,  met- 
tez-les  infuser  pendant  six  semaines  dans 
neuf  pintes  d’eau-de-vie  ; ajoutez  , comme 
nous  l’avons  dit  en  parlant  du  ratafia  d’anis , 
six  onces  de  sucre  par  pinte  ; ayez  soin  de 
le  casser  en  morceaux  gros  comme  le  poing, 
et  de  tremper  chaque  morceau  dans  l’eau 
commune  avant  que  de  le  jeter  dans  l’eau-de- 
vie.  L’infusion  achevée  au  terme  prescrit  , 
passez  votre  ratalia  par  la  chausse  ; plus  il  sera 
gardé  , meilleur  il  deviendra. 

Ratafia  d'Eau  de  Noyaux. 

On  peut  dire  de  ce  ratafia  ce  que  nous 
avons  dit  des  ratafias  à fruits  rouges , qu’il 
est  d’une  grande  ressource  dans  le  ménage 
et  des  plus  communs,  parce  qu’il  se  fait  à 
bon  marché. 

Dans  la  saison  où  les  abricots  sont  dans  leur 
point  de  maturité  parfaite, emplissez  de  noyaux 
(j^çe  fruit,  une  cruche  d’uue continence  quel- 
conque , de  manière  cependant  que  le  demi- 
tiers  de  la  cruche  reste  vide  5 il  faudra  laisser 
les  noyaux  entiers  sans  en  oter  le  bois  , et  au- 
tant qu’il  sera  possible,  les  mettre  daus  la 
cruche  au  sortir  du  fruit 5 lorsque  la  cruche 
en  sera  remplie  jusqu’au  point  indiqué,  cm- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  17 5 

plissez-la  d’eau-de-yie , bouchez -la  exacte- 
ment , et  exposez-la  au  soleil  pendant  deux 
mois.  Ce  terme  expiré  , passez  votre  infusion 
par  un  tamis  de  soie  pour  en  séparer  les 
noyaux,  que  vous  jeterez  comme  inutiles. 
Remettez  votre  infusion  dans  la  cruche , et 
ajoutez  six  onces  de  sucre  par  pinte  \ vous 
casserez  votre  sucre  en  gros  morceaux,  que 
vous  tremperez  dans  l’eau  commune  avant 
que  de  les  jeter  dans  l’infusion  5 vous  bouche- 
rez bien  la  cruche,  et  vous  l’exposerez  en- 
core pendant  huit  jours  au  soleil,  après  quoi 
vous  filtrerez  votre  ratafia  par  la  chausse , et 
vous  le  mettrez  en  bouteille. 

Le  ratafia  de  noyaux  de  pêche  se  prépare 
de  même , et  ces  deux  ratafias  ont  un  carac- 
tère particulier  qui  les  distingue  5 l’un  sent 
l’abricot,  l’autre  la  pêche,  et  cette  différence 
ne  vient  pas  de  l’amande  du  noyau , mais  du 
bois.  Comme  ce  parfum  est  fort  délicat,  il 
faut  bien  se  donner  de  garde  de  mêler  aucun 
aromate  étranger  dans  votre  infusion,  comme 
la  cannelle,  par  exemple,  le  clou  de  girofle, 
le  macis  , etc.,  ce  serait  le  moyen  d’ôter  à vo- 
tre ratafia  le  parfum  naturel  qu’il  doit  avoir. 


176  l’art  de  composer 


Ratafia  de  Genièvre . 

Ce  ratafia  a son  mérite  par  les  bons  effets 
qu’il  produit.  Pour  lui  dter  une  certaine  mo- 
notonie, qui  n’est  rien  moins  qu’agréable  se- 
lon bien  des  gens , suivez  le  procédé  que  j’in- 
dique ici. 

Concassez  une  demi-livre  ou  trois  quarte- 
rons de  baies  de  Genièvres  bien  choisies  , 
c’est-à-dire  , fraîches,  sans  être  vertes  ni  moi- 
sies,  et  parfaitement  mûres , mettez-les  en  in- 
fusion dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie  ; ajoutez 
deux  onces  de  cannelle,  douze  clous  de  gi- 
rofle, deux  gros  de  macis,  un  gros  d’anis 
vert , un  gros  de  coriandre  3 une  demi-livre 
de  sucre  par  pinte  d’eau- de-vie  , que  vous  fe- 
rez fondre  sur  le  feu  dans  une  pinte  d’eau 
commune  : votre  sirop  étant  bien  refroidi , 
versez-le  sur  votre  infusion  , bouchez  bien  la 
cruche , et  placez-la  au  soleil  ou  dans  un  lieu 
tempéré,  pendant  six  semaines 3 après  quoi 
passez  votre  ratafia  par  la  chausse,  et  mettez- 
le  en  bouteille. 

Ratafia  de  Fleur  d'Orange. 

% 

L’espèce  de  ratafia  dont  nous  entreprenons 

de 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  177 

de  donner  la  composition  , quand  il  est  fait 
avec  soin , peut  aller  de  pair  avec  les  li- 
queurs les  plus  fines  et  les  plus  délicieuses. 
11  y a trois  difïërens  procédés  , connus  peut- 
être  de  bien  du  monde , mais  auxquels  on 
se  conforme  rarement  assez  pour  bien 
réussir. 

On  pratique  le  premier  procédé  de  la  ma- 
niéré suivante  : Prenez  une  livre  et  demie  de 
fleurs  d’orange  mondées  , c’est-à-dire  que 
vous  n’emploierez  que  les  feuilles  blanches , 
tout  le  reste,  quoique  aromatique,  doit  être 
rejeté  comme  inutile,  parce  qu’il  est  beau- 
coup trop  acre  et  trop  amer 3 mettez  cette 
quantité  de  leuilles  de  fleurs  d orange  en 
infusion  dans  neuf  pintes  d’eau-de-vie,  pla- 
cez votre  cruche  bien  bouchée  au  soleil  pen- 
dant un  mois  3 après  ce  tems,  vous  ajouterez 
une  demi-livre  de  sucre  en  poudre  pour  cha- 
que pinte  d’eau-de-vie3  vous  reboucherez  bien 
votre  cruche,  et  vous  1 exposerez  de  nou- 
veau au  soleil  pendant  huit  jours,  ayant  soin 
de  la  remuer  souvent,  afin  que  le  sucre  ac- 
cumule au  fond  puisse  se  fondre.  Au  bout 
de  ces  huit  jours,  goûtez  votre  liqueur,  et 
si  elle  ne  vous  parait  point  assez  sucrée,  ce 
que  vous  reconnaîtrez  à son  amertume , ajou- 
tez encore  du  sucre,  ne  l’épargnez  pas  jus- 

M 


17 8 L’ART  DE  COMPOSER 

qu’à  ce  que  vous  ayez  atteint  le  degré  conve4- 
nable  y plus  la  liqueur  en  prendra , plus  elle 
sera  moelleuse.  Rebouchez  encore  votre  cru- 
che , et  exposez  - la  de  nouveau  au  soleil  jus- 
que vers  la  mi-octobre  ÿ passez  - la  pour  lors 
par  la  chausse , et  mettez-la  en  bouteille. 

La  seconde  façon  se  pratique  ainsi  : Faites 
fondre  dans  une  pinte  et  demie  d’eau  com- 
mune cinq  livres  de  sucre  , faites-le  cuire  à 
la  forte  plume  dans  une  poêle  à confiture  ; il 
sera  à son  point  quand  après  avoir  passé  1 écu- 
moire par  la  poêle,  et Fay oir  secouee  en  lair, 
vous  verrez  le  sucre  se  détacher  et  voler  en 
forme  de  plume  y ayez  soin  de  tenir  prêtes 
deux  livres  de  fleurs  d’orange  bien  épluchées , 
comme  nous  l’avons  dit  plus  haut.  Dès  que 
vous  apercevrez  que  votre  sucre  sera  au  de- 
gré de  cuisson  convenable , jetez  vos  fleurs 
dans  la  poêle  , laissez -les  quelques  momens 
dans  cet  état , en  remuant  fortement  le  mé- 
lange pour  donner  le  tems  à la  fleur  de  jeter 
son  huile  y quand  vous  verrez  que  les  fleurs 
commenceront  à rissoler  un  peu,  retirez  la 
poêle  du  feu,  versez-y,  à différentes  repri- 
ses, une  pinte  ou  deux  d’eau-de-vie  pour 
empêcher  le  sucre  de  se  cristalliser  ÿ versez- 
en  assez  pour  tenir  votre  sirop  sous  sa  forme 
liquide , ayant  soin  de  remuer  toujours  le 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  179 

mélange  ; alors  mettez  le  tout  dans  la  cru- 
che que  vous  destinez  à l’infusion,  ajoutez 
le  reste  de  votre  eau-de-vie , que  vous  ferez 
monter  jusqu  a neuf  pintes  en  tout;  boucliez 
bien  la  cruche,  et  exposez -la  au  soleil  pen- 
dant six  semaines;  goûtez  pour  lors  votre  li- 
queur; si  elle  ne  vous  paraît  point  assez  su- 
crée ou  trop  violente  , ajoutez  ce  qu’il  con- 
viendra de  sucre  en  poudre  et  d’eau  com- 
mune. Votre  liqueur  étant  à son  point , re- 
mettez votre  cruche  bien  bouchée  au  soleil 
pendant  une  quinzaine  de  jours;  au  bout  de 
ce  tems , vous  passerez  votre  ratafia  par  la 
chausse. 

Notez  qu’il  faut  que  toutes  ces  opérations 
se  succèdent  avec  toute  la  promptitude  pos- 
sible; si  on  les  faisait  avec  lenteur,  on  cour- 
rait risque  , d’un  coté,  de  laisser  caramcler  le 
sucre,  ou  même  de  le  brûler;  et,  de  l’autre, 
délaisser  évaporer  l’eau-de-vie  : deux  incon- 
véniens  auxquels  il  faut  bien  prendre  garde. 

Le  troisième  procédé  mérite  une  attention 
particulière. 

Faites  bouillir  dans  une  poêle  à confiture 
six  livres  de  sucre  et  trois  pintes  d’eau  de 
fontaine,  jusqu’à  ce  que  le  sirop  soit  fait  à 
moitié,  c’est-à-dire,  qu’il  soit  au  perlé;  vous 
reconnaîtrez  ce  degré  de  cuisson  en  laissant 

Ma 


1 3o  l'art  dê  CbM  POSER 

tomber  une  goutte  sur  votre  doigt  ; si  elle 
y reste  sans  s’étendre  , vous  aurez  atteint  ce 
degré  convenable;  alors  jetez-y  une  livre  de 
fleurs  d’orange , que  vous  aurez  cueilli  un 
peu  apres  le  lever  du  soleil,  parce  qu’ai  ors 
elles  sont  plus  odorantes;  vous  les  choisirez 
bien  ouvertes,  et  vous  les  éplucherez  feuille  à 
feuille,  jetant  le  reste  comme  inutile;  immé- 
diatement après  avoir  jeté  votre  fleur  d’orange 
dans  la  poêle,  retirez -la  du  feu  en  remuant 
bien  le  tout , versez  votre  mélange  dans  un 
vase  de  faïence , ajoutez-y  huit  pintes  d’eau- 
de-vie , couvrez  bien  votre  vase,  luttez -le 
avec  une  bande  de  papier  enduite  de  colle  de 
farine , placez-le  au  bain-marie  à une  chaleur 
très -douce,  et  laissez -le  ainsi  pendant  huit 
heures;  retirez-ledufeu,  laissez-le  refroidir, 
et  passez  votre  liqueur  plusieurs  fois  par  la 
Chausse  jusqu’à  ce  qu’elle  soit  clair-fin;  met- 
lez-la  pour  lors  en  bouteille. 

Donnez-vous  bien  de  garde  de  pousser  le 
feu  avec  trop  de  violence.  Après  les  huit  heu- 
res d’infusion,  laissez  refroidir  le  vaisseau  , 
et  passez  votre  ratafia  par  la  chausse. 

Ces  trois  méthodes  sont  fort  bonnes  ; la 
première  n’exige  presque  aucun  soin,  mais 
c’est  la  plus  longue;  la  seconde  en  suppose 
un  peu  davantage , elle  vaut  mieux  ; enfin  , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l8ï 

la  troisième  en  exige  Je  plus  , mais  en  récom- 
pense elle  est  la  plus  courte. 

S eu  bac . 

Le  safran  fait  la  base  de  cette  liqueur.  On 
appelle  safran  ? les  etamines  d’une  fleur  gris 
de  lin,  ou  bleu  fort  pâle.  Cette  fleur  est  beau- 
coup cultivée  dans  le  Gatinois.  Quand  la  fleur 
est  bien  épanouie  , on  la  cueille  , on  en  arra- 
che les  étamines,  qui  sont  fort  longues  et  d’un 
rouge  foncé;  on  les  fait  sécher  à l’ombre,  et 
c’est  ce  qu’on  appelle  safran. 

Comme  il  est  fort  employé  dans  les  prépa- 
rations galéniques,  on  peut  présumer  qu’il  a 
de  grandes  vertus.  Les  peuples  septentria- 
naux  de  l’Europe  en  font  un  très-grand  usa- 
ge, jusqu  a l’employer  dans  l’assaisonnement 
des  viandes  ordinaires.  Il  y a donc  apparence 
que  le  scubac  leur  doit  sa  première  origine. 
Les  Français  ne  sont  pas  également  décidés 
sur  les  charmes  de  cette  liqueur;  quelques- 
uns  la  trouvent  insoutenable  , même  dégoû- 
tante, d’autres  la  boivent  par  préférence  aux 
meilleures  ; quoi  qu’il  en  soit  de  cette  diver- 
sité de  goût,  le  scubac  ne  figure  pas  mal  en 
France , surtout  celui  que  ion  nomme  assez 
raal  - à - propos  scubac  d’Angleterre  ou  d’Ir- 


i8a  l’art  de  composer 

lande 3 je  dis»  mal-à-propos,  parce  que  bien 
des  distillateurs  français  le  contrefont  3 encore 
si  dans  cette  falsification  ils  observaient  un 
bon  procédé , le  mal  ne  serait  pas  fort  con- 
sidérable 3 malheureusement  ils  en  sont  très-* 
éloignés.  Quelques-uns  le  distillent  d’abord , 
ensuite  ils  lui  donnent  la  teinture. 

Pour  faire  le  scubac  bien  sain  et  bien 
agréable,  faites  infuser  dans  six  pintes  d eau- 
de-vie,  une  once  de  safran,  une  once  de  baies 
de  genièvre,  une  denn-once  danis  vert,  une 
demi-once  de  coriandre , une  once  de  can- 
nelle , demi-gros  de  racine  d’angélique  , un 
gros  de  macis  , huit  clous  de  girofle  et  douze 
jujubeS3  concassez  toutes  ces  drogues,  ajou- 
tez trois  quarterons  de  sucre  par  pinte  d’eau- 
de-vie,  cassez  le  sucre  par  morceaux,  trem- 
pez chaque  morceau  dans  1 eau  commune 
avant  que  de  les  jeter  dans  1 infusion  3 bou- 
chez bien  la  cruche  , placez  - la  dans  un  lieu 
tempéré , remuez-la  souvent  3 au  bout  de  trois 
semaines,  voyez  si  votre  sucre  est  entière- 
ment fondu  3 s’il  ne  l’est  pas  , vous  l’écrase- 
rez en  rémiettant  avec  la  main,  ou  eu  le  re- 
muant avec  une  spatule  3 goûtez  si  votre  li- 
queur est  suffisamment  sucrée  3 si  vous  aper- 
cevez un  défaut  de  sucre  , suppléez-y  par  une  ^ 
nouvelle  addition  3 et  si  la  teinture  de  safran-' 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  l85 

vous  paraît  maigre , ou  trop  peu  épaisse  , ajou- 
lez-en  encore  quelques  gros  pour  la  renforcer. 
Remettez  le  tout  en  infusion  pendant  trois 
semaines , après  quoi  passez  votre  scubac  par 
la  chausse  ; une  seule  fois  suffira  : peut-être 
sera-t-il  louche , épais,  onctueux;  vous  ne 
devez  pas  le  souhaiter  autrement  : le  carac- 
tère particulier  de  cette  liqueur  est  d’avoir 
beaucoup  de  corps.  11  est  à présumer  qu’en 
vous  conformant  exactement  aux  doses  pres- 
crites de  notre  recette,  votre  scubac  sera  d’un 
goût  plus  général  que  celui  que  l’on  vend 
communément,  et  auquel  on  imprime  mille 
saveurs  discordantes.  J’ajoute  qu’il  doit  être 
plus  salutaire , puisque  tous  les  ingrédiens  qui 
entrent  dans  sa  préparation  sont  analogues 
entr’eux. 

Pour  faire  le  scubac  blanc , il  faudra  dis- 
tiller votre  eau-de-vie,  bien  imprégnée  de 
vos  drogues  aromatiques  , après  huit  jours 
d’infusion.  La  dose  des  drogues  qui  entre  dans 
cette  infusion  est  la  même  que  celle  qui  entre 
dans  la  composition  du  scubac  coloré,  à l’ex- 
ception du  safran  que  vous  augmenterez 
d’une  demi-once.  Votre  distillation  étant  fi- 
nie, vous  ferez  votre  siropation  à l’ordinaire. 

1 


. ^ 

i Si  l'art  de  composer 
Ratafia  de  Cédrats. 

Rien  n’est  plus  facile  que  de  faire  avec  les 
cédrats  un  ratafia  délicieux , et  qui  ne  sera 
pas  de  beaucoup  inférieur  à la  liqueur  dis- 
tillée et  préparée  avec  le  même  fruit,  du  moins 
quant  au  parfum. 

Prenez  trois  gros  cédrats  ou  quatre  moyens, 
coupez-les  en  morceaux  gros  comme  le  pouce , 
ou  environ , mettez-les  en  infusion  dans  six 
pintes  d’eau-de-vie  ou  d’esprit-de-vin  recti- 
fié et  tempéré  par  l’eau  , ajoutez  six  à sept 
onces  de  sucre  par  pinte  j il  faudra  casser 
votre  sucre  par  morceaux , que  vous  trem- 
perez dans  l’eau  commune  avant  que  de  les 
jeter  dans  l’eau-de-vie  j faites  durer  l’infusion 
pendant  deux  mois , goûtez  pour  lors  votre 
ratafia  ; s’il  ne  vous  parait  point  assez  sucré  , 
vous  y ajouterez  ce  qu’il  faudra  de  sucre  ; 
s’i,l  est  trop  violent , vous  y ajouterez  un  peu 
d’eau  ; s’il  est  trop  faible  , uu  peu  d’esprit- 
de-vin.  L’ayant  mis  au  ton  que  vous  désirez., 
continuez  l’infusion  pendant  huit  jours  en- 
core , après  quoi  vous  passerez  par  la  chausse 
jusqu’à  ce  que  votre  liqueur  soit  bien  claire. 

Vous  observerez  la  même  méthode  pour 
faire  une  excellente  citronnelle  par  infusion 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE  etc.  l£tf> 

simple.  Pour  six  pintes  d’eau-de-vie,  prenez 
les  zestes  de  douze  citrons;  le  reste  se  prati- 
que comme  pour  les  cédrats. 

Ratafia  de  Grenoble  sans  feu. 

Lorsque  les  merises  sont  séparées  de  leurs 
noyaux , et  que  ceux-ci  sont  concassés  , on  en 
exprime  le  jus  à la  presse,  et  on  y fait  fondre  le 
sucre  de  la  même  manière  que  ci-dessus. 
Vous  rectifiez  l’eau-de-vie  de  meme  eny  ajou- 
tant deux  livres  d’amandes  dë  cerises  ou  d’a- 
bricots pour  donner  du  goût  à la  liqueur. 

Ratafia  de  Grenoble  ou  de  Teisser. 

Suc  de  merises,  trente  pintes;  eau-de-vie  , 
vingt-quatre  pintes;  cannelle  , six  gros  ; gi- 
rofle, deux  gros;  feuilles  de  cerises , deux 
livres  ; sucre  concassé  , quatorze  livres. 

Vous  prenez  une  quantité  suffisante  de 
merises  dont  vous  supprimez  les  queues,  vous 
les  écrasez  dans  une  passoire  d’osier  en  pres- 
sant fortement  avec  une  écumoire  pour  faire 
passer  la  pulpe , de  manière  à ne  laisser  sur 
la  passoire  que  les  noyaux  que  vous  concas- 
sez ; vous  réunissez  le  tout  et  le  mettez  dans 
une  bassine  sur  un  feu  modéré , en  remuant 


i SG  l’art  de  composer 

avec  la  spatule  jusqu’à  ce  qu’il  ait  reçu  un 
bouillon;  alors  vous  le  versez  dans  un  vase  de 
faïence,  puis,  lorsqu’il  est  refroidi  , vous  le 
soumettez  à la  presse  pour  en  exprimer  le 
jus  dont  vous  mesurez  trente  pintes,  et  dans 
lequel  vous  faites  fondre  le  sucre.  Vous  ver- 
sez le  mélange  dans  un  petit  tonneau. 

Si  vous  n’avez  pas  de  l’eau-de-vie  rectifiée, 
vous  distillez  sufîlsante  quantité  avec  la  can- 
nelle , le  girofle  et  les  feuilles  de  cerises  > 
pour  obtenir  vingt-quatre  pintes  de  liqueur 
spiritueuse  que  vous  versez  dans  le  tonneau 
avec  votre  décoction  de  fruits  ; vous  laissez 
déposer  le  mélange  , et  lorsqu’il  est  suffisam- 
ment clair , vous  le  soutirez  et  le  collez  ; au 
bout  de  dix  jours , vous  le  mettez  en  bou- 
teille. 

Ce  ratafia  aquiert  un  grand  degré  de  per- 
fection en  vieillissant. 

On  peut,  si  l’on  veut,  mettre  avec  les  me- 
rises un  quart  de  cerises  de  Montmorency 
qui  procurent  au  ratafia  une  agréable  acidité. 

Ratafia  de  Grenades . 

Suc  de  grenades,  trois  pintes;  eau-de-vie  , 
six  pintes;  cannelle,  deux  gros;  sucre  con- 
cassé, trois  livres. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  ï&J 

Faites  choix  de  suffisante  quantité  de  belles 
grenades  bien  mûres , bien  saines  et  sans  ta- 
ches ; vous  les  ouvrez  pour  en  extraire  les 
graines  que  vous  rejetez,  vous  exprimez  le 
suc  des  grenades  , et  en  mesurez  trois  pintes. 

Vous  rectifiez  l’eau-de-vie  au  bain-marie 
en  y ajoutant  la  cannelle  ; cela  fait , vous 
fondez  le  sucre  dans  le  jus  de  grenades,  vous 
recuisez  les  liqueurs  dans  un  vase,  et  au  bout 
d’un  mois,  vous  décantez  le  ratafia;  s’il  n’est 
pas  assez  clair , on  le  filtre. 

Ratafia  de  Pcclies . 

Suc  de  pèches  , quatre  pintes  3 eau-de-vie , 
huit  pintes;  sucre  concassé,  quatre  livres. 

Choisissez  des  pèches  en  plein  vent,  les 
plus  belles  et  les  plus  mûres  , et  surtout  bien 
saines  , vous  les  envelopperez , séparés  de 
leurs  noyaux,  dans  un  linge,  et  en  exprimez 
le  jus  à la  presse.  Vous  rectifiez  l’eau-de-vie, 
et,  y réunissant  le  suc  des  pèches,  vous  dé- 
cantez ce  mélange  au  bout  de  six  semaines , 
y faites  fondre  le  sucre,  et  ensuite  filtrez  le 
ratafia. 

Lorsqu’on  ne  rectifie  pas  l’eau-de-vie , on 
ne  met  que  deux  pintes  de  suc  par  huit  pintes 
d’eau-de-vie. 


l’art  de  composer 


y oq 

i u & 


Ratafia  de  Groseilles . 

Suc  de  groseilles,  deux  pintes  ; eau-de-vie  , 
quatre  pintes;  cannelle  concassée,  un  gros  ; 
g 1 ofîe , un  gros;  sucre  concassé,  deux  livres. 

Vous  égrainez  les  groseilles  et  les  soumettez 
a la  presse  pour  en  exprimer  le  jus;  vous 
icctiliez  1 eau-de-vie  en  y ajoutant  les  aroma- 
tes, vous  reunissez  les  deux  liqueurs,  et  un 
mois  après,  vous  décantez  le  mélange  , vous 
y laites  fondre  le  suc  et  filtrez  le  ratafia. 

Ratafia  de  Framhroises. 

Suc  de  framhroises,  quatre  pintes;  suc  de 
cerises,  une  pinte;  eau-de-vie  rectifiée,  huit 
pmtes;  sucre,  quatre  livres. 

\ ous  faites  fondre  le  sucré  dans  le  jus  des 
fruits , vous  y ajoutez  ensuite  l’eau-de-vie, 
et  laissez  déposer  le  mélange.  Quand  la  li- 
queur est  parfaitement  clair,  vous  la  décan- 
tez et  la  conservez  pour  l’usage. 

Si  on  emploie  de  l’eau-de-vie  moins  forte  , 
on  ne  mettra  que  trois  pintes  de  suc  de  fruits. 

Rossdlis . 

Roses  muscates,  huit  onces;  fleurs  d’orange 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  189 
épluchées , cinq  onces  3 cannelle  concassée  , 
trois  gros  ; clous  de  girofle  concassés , un 
gros;  eau , six  pintes  ; esprit-de-vin,  trois 
pintes j esprit  de  jasmin,  deux  onces 5 sucre 
blanc  concassé  , six  livres. 

\ ous  mettez  dans  la  cucurbite  les  cinq  pre- 
mières substances  et  les  distillez  pour  retirer 
trois  pintes  de  liqueur  dans  laquelle  vous 
faites  ondre  le  sucre  3 vous  y versez  ensuite 
1 esprit-de-vin  et  1 esprit  de  jasmin,  vous  co- 
lorez la  liqueur  en  rouge  cramoisi  et  la  fil- 
trez  ensuite. 


Ratafia  de  Roses. 

Quatre  pintes  d’esprit-de-vin;  deux  pintes 
pintes  d’eau  de  roses  ; un  gros  de  cochenille  ; 
vingt-quatre  grains  de  sel  de  tartre. 

Laissez  infuser  la  cochenille  avec  Je  sel  de 
tartre  dans  trois  pintes  d'eau;  faites  fondre 
dans  cette  eau  à froid  dix  livres  de  beau  sucre  * 
le  snop  fait,  melez  le  tout  et  versez  environ 
cinq  ou  six  onces  de  bonne  crème;  laissez 
digérer  le  tout  quelques  jours  ; filtrez  ensuite. 

Ratafia  d jdnis  ou  huile  u ydnis. 

Badiane  ou  anis  étoilé,  cinq  onces;  eau-dc- 
vie  à vingt-quatre  degrés,  six  pintes. 


3 go  l’art  de  composer 

Distillez  jusqu’à  moitié;  ensuite  faites  uti 

• 

sirop  avec  six  livres  de  sucre  et  quatre  pintes 
et  demie  d’eau  ; lorsque  le  sucre  sera  fondu  et 
écume , retirez  du  feu  , ajoutez  la  liqueur 
spiritueuse. 

« 

Parjait  Amour . 

Eau-de-vie , six  pintes  ; zestes  de  cédrats  $ 
deux  onces;  zestes  de  citrons,  quatre  gros; 
girofle , un  gros  ; eau  de  rivière , trois  pintes; 
sucre  concassé  , cinq  livres. 

Mettez  les  cinq  premiers  ingrédiens  dans 
le  bain-marie  de  l’alambic  pour  retirer  par  la 
distillation  environ  quatre  pintes  de  liqueur» 

Vous  faites  fondre  le  sucre  sur  le  feu;  quand 
il  est  refroidi , vous  faites  le  mélange  que  vous 
colorez  en  rouge  avec  la  cochenille  et  que 
vous  filtrez. 

Cuirasseau. 

Eau-de-vie , cinq  pintes  ; zestes  de  seize 
bigarades  ; cannelle  fine  concassée  , deux 
gros;  macis,  un  gros;  eau  de  rivière  , trois 
pintes;  sucre,  trois  livres  quatre  onces. 

Vous  zestez  les  bigarades  de  manière  à 
n’enlever  que  la  superficie  de  la  première 
écorce  vous  les  mettez  avec  la  cannelle  et  le 


tES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  iQï 

macis  in  fuser  dans  de  l’eau-de-vie  pendant,  huit 
jours.  Après  ce  tems  , vous  procédez  à la 
distillation  au  bain-marie  pour  retirer  trois 
pintes  de  liqueur  spiritueuse. 

Vous  faites  fondre  le  sucre,  vous  faites  le 
mélange  et  le  filtrez. 

Vespetro. 

Graine  d’Angelique  , carvi , coriandre , fe- 
nouil , de  chaque , quatre  gros;  zestes  de  deux 
citrons,  zestes  de  deux  oranges;  eau-de-vie, 
cinq  pintes;  eau  de  rivière  ,.deux  pintes;  su- 
cre concassé , trois  livres  huit  onces. 

faites  infuser  les  sept  premières  substan- 
ces avec  1 eau-de-vie  pendant  quatre  ou  cinq 
jouis  dans  un  grand  vase  que  vous  fermez 
bien;  après  ce  tems,  vous  mettez  le  mélange 
dans  le  bain-marie  pour  retirer , par  la  distil- 
lation, deux  pintes  et  demie  de  liqueur. 

\ ous  faites  fondre  le  sucre  dans  l’eau , vous 
faites  le  mélangé  et  filtrez  la  liqueur. 

p 

Persicot. 

Eau-de-vie , six  pintes  ; amandes  d’abricots , 
deux  livres;  cannelle  fine  concassée,  un 
gros;  eau  distillée ^ deux  pintes;  eau  de  fleur 


i§2  l’aRÏ  jOE  COMPOSER 

d’orange,  une  chopine;  sucre  blanc,  cinq 
livres. 

Vous  pelez  les  amandes , les  concassez  et 
les  mettez  dans  le  bain  - marie  de  l’alambic 
avec  l’eau-de-vie,  la  cannelle  , et  soumettez 
le  tout,  à la  distillation.  Quand  le  sucre  est 
fondu  dans  l’eau  de  rivière , vous  y ajoutez 
l’eau  de  fleur  d’orange  3 vous  faites  le  mélange 
que  vous  filtrez. 

Liqueur  suave. 

Eau-de-vie,  huit  pintes  3 girofle,  deux  gros  3 
macis,  un  gros  3 eau  distillée,  trois  pintes  j 
eau  de  fleur  d’orange  double,  une  livre  3 eau 
de  rose  double,  une  livre 3 esprit  de  jasmin  , 
quatre  gros  3 esprit  d’ambre , quatre  gouttes  3 
sucre  blanc  concasse  , six  livres  quatre  once  s. 

On  distille  au  bain-marie  l’eau-de-vie , le 
girofle  et  le  macis,  pour  retirer  cinq  pintes 
de  liqueur  spiritueuse  3 on  fait  fondre  le  su- 
cre flans  l’eau  , puis  on  y ajoute  celles  de  rose 
et  de  fleur  d’orange  3 on  forme  le  mélange 
avec  le  produit  distillé , et  les  esprits  de  jas- 
min et  d’ambre.  On  filtre  la  liqueur , et  on  la 
met  dans  des  bouteilles  qui  bouchent  bien. 

Cette  liqueur  a un  parfum  et  une  saveur 
agréai;  le. 


Liqueur 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  I(j3 
Liqueur  au  bouquet. 

Eau-de-vie,  six  pintes;  macis,  un  gros; 
eau  distillée , trois  pintes  ; esprit  de  jasmin  , 
six  gros;  esprit  de  fleur  d’orange,  quatre  gros  ; 
esprit  de  rose,  quatre  gros;  esprit  de  réséda, 
quatie  gros  ; esprit  de  vanille , deux  gros;  su- 
cre blanc  concassé,  cinq  livres. 

On  distille  au  bain-marie  1 eau-de-vie  et  le 
macis,  pour  retirer  trois  pintes  et  demie  de 
liqueur  : quand  le  sucre  est  fondu  dans  l’eau  , 
on  réunit  tous  les  produits  distillés,  et  on 
compose  la  liqueur;  on  filtre  ensuite. 

u4msette  de  Bordeaux . 

Eau-de-vie,  huit  pintes  ; anis  vert,  six  on- 
ces; anis étoilé,  quatre  onces; coriandre,  une 
once;  fenouil,  une  once;  eau  de  rivière, 
quatre  pintes  ; sucre , six  livres  quatre  onces. 

On  concasse  les  graines  et  on  les  met  avec 
l’eau-de-vie  dans  le  bain-marie  de  l’alambic  , 
poui  i etirer  quatre  pintes  de  liqueur,  avec 
1 attention  de  ne  pas  laisser  passer  de  flegme, 
qui  rendrait  la  liqueur  laiteuse  et  en  diminue- 
lait  la  qualité on  fait  fondre  le  sucre  dans 

1 eau,  et  Ion  forme  le  mélange;  on  filtre  en- 
suite. 


N 


*9i 


l’art  de  composer 


Liqueur  aux  quatre  fleurs. 

Eau-de-vie,  si* pintes}  eau  distillée , quatre 
pintes  ; esprit  de  rose,  huit  onces 3 esprit  de 
fleur  d’orange , huit  onces  3 esprit  de  jasmin , 
trois  onces 3 esprit  de  réséda,  deux  onces 3 
sucre  blanc , cinq  livres. 

Rectifiez  l’eau-de-vie  au  bain-marie  3 (ai tes 

fondre  le  sucre  dans  l’eau  3 mêlez  et  filtrez. 

B es  Liqueurs  appelées  Crèmes  et  Huées. 

Lesliqueurs  appelées  crèmes,  doivent  avoir 
une  consistance  plus  épaisse  que  les  autres  3 
on  parvient  ainsi  en  y faisant  entrer  plus  de 
sucre , qu’on  fait  chauffer  jusqu’à  ce  qu’il  soit 
prêt  à bouillir  3 et  celles  nommées  huiles, 
doivent  avoir  une  consistance  assez  semblable 
à celle  de  l’huile  d’olive  , ce  qu’011  obtient  en 
augmentant  la  dose  de  sucre  et  lui  donnant 
un  bouillon. 


Crème  de  myrte. 

Eau-dc-vie , douze  pintes  3 fleurs  de  myrte  , 
une  livre  3 feuilles  de  pécher  , quatre  onces  3 
une  muscade  3 eau  distillée  , six  pintes  3 sucre  , 

neuf  livres. 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  etc.  HJ 5 
Vous  mettez  dans  un  vase  les  feuilles  de 
pécher  , les  fleurs  de  myrte  et  la  muscade 
•concassée  5 vous  versez  l’eau-de-vie  par-dessus, 
et,  après  avoir  laissé  macérer  le  tout  dans  un 
endroit  chaud  pendant  quinze  jours,  vous 
procédez  à la  distillation  au  bain-marie,  pour 
retirer  six  pintes  de  liqueur  spiri tueuse. 

Vous  faites  fondre  le  sucre  dans  l’eau  sur 
le  feu.  Quand  il  est  prêt  à bouillir  , vous 
formez  le  mélange  et  filtrez  la  liqueur  à i’en- 
tonnoir  fermé  , puis  la  mettez  en  bouteilles, 
A défaut  de  fleurs  de  myrte,  on  peut  em- 
ployer les  feuilles  3 mais  la  liqueur  n’est  bonne 
quau  bout  de  deux  ou  trois  ans. 

( 1 de  JJ eur  d orange , au  lait  et  au  vüi 

de  Champagne. 

Eau-de-vie,  bonne  qualité,  douze  pintes  ; 
fleurs  d’orange  épluchées  , deux  livres  huit 
onces  ; lait , trois  pintes  ; vin  de  Champagne  , 
mx  pintes;  eau  distillée,  quatre  pintes;  sucre 
blanc  , dix  livres. 

? fheuez  du  lait,  vous  le  mettez  avec  la  fleur 
d orange  dans  une  bassine  sur  le  feu;  après 
un  seul  bouillon , vous  versez  le  mélange  dans 
un  vase  de  faïence.  Lorsqu’il  est  refroidi . 

\ ou*  y versez  1 eau-de-vie  rectifiée , et,  aussi- 

IV  2 


igG  l’art  de  composer 

tôt  après  avoir  agite  le  tout  ensemble  , \ ous 
filtrez  la  liqueur.  Le  parfum  de  la  fleur  que 
le  lait  avait  empêché  de  s’évaporer,  se  trouve 
enlevé  par  l’eau-de-vie,  et  il  11e  reste  au  fond 
que  la  fleur  et  la  portion  d acreté  quelle  con- 
tient et  le  lait  caillé. 

Vous  concassez  le  sucre  et  le  laites  fondre 
dans  l’eau  sur  le  feu.  Lorsqu’il  est  entière- 
ment fondu,  vous  y ajoutez  le  vm  de  Cham- 
pagne et  l’esprit  de  fleur  d’orange,  puis  vous 
filtrez  la  liqueur.  Cette  crème  est  très-blan- 
che , d’une  odeur  très-agréable  et  sans  goût 
d’amertume. 


Autre  manière. 

Esprit-de-vin  rectifié  , six  pintes  ; fleuis 
d’orange  épluchées  , deux  livres  ; vin  de 
Champagne  , six  pintes  5 eau  de  riviere , six 

pintes  5 sucre  , dix  livres. 

On  fait  fondre  sur  le  feu  le  sucre  avec 

l’eau  y lorsqu’il  est  prêt  à bouillir,  on  y j<  te 
la  fleur  d’orange  ; après  un  bouillon , 011  \ ci  se 
le  tout  dans*  un  vase  bien  bouché.  Lorsqu  il 
est  refroidi,  011  y verse  l’esprit-de-vin  et  le 
vin  de  Champagne 5 et  après  un  jour  d’infu- 
sion 011  filtre  la  liqueur. 

La  crème  de  fleur  d’orange  faite  de  cette 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  197 

manière  est  un  peu  âcre  et  moins  blanche  que 
la  précédente  3 il  faut  la  laisser  vieillir  pour 
lui  faire  perdre  son  âcreté. 

Crème  de  Vanille  ou  Cordial. 

Eau-de-vie  rectifiée  , trois  pintes  3 vanille , 
six  gros  3 ambre , un  grain  3 eau , trois  pintes  3 
sucre  concassé,  cinq  livres  quatre  onces. 

Vous  coupez  en  deux  les  gousses  de  va- 
nille 3 vous  les  mettez  dans  une  cruche  avec 
le  grain  d ambre , puis  mettez  sur  le  feu  avec 
leau3  après  un  bouillon,  on  retire  du  feu, 
et  lorsque  la  liqueur  est  refroidie,  vous  ajoutez 
1 esprit-de-vin  , et  laissez  le  tout  macérer  pen- 
dant six  jours  3 vous  colorez  la  liqueur  avec 
de  la  cochenille  et  la  filtrez. 

Pour  composer  une  bonne  crème  de  vanille 
on  emploie  de  bon  esprit  de  vanille,  qu’on 
obtient  en  faisant  infuser  dans  l’esprit-de-vin 
cette  substance  coupée  en  menus  morceaux* 
Lorsque  vous  voulez  en  faire  usage  , il  ne 
s agit  plus  que  d’y  ajouter  quelques  gouttes 
desprit  d ambre  , le  sucre  fondu,  puis  de 
colorer  et  filtrer  le  mélange. 

o 

Les  personnes  qui  n’aiment  pas  l’ambre, 
peuvent  le  retrancher* 


rg8 


l’art  de  COMPOSER 


Crcme  d' Absinthe. 


Eau-de-vie,  huit  pintes}  sommités  d’absin- 
the récentes  , ufie  livre  } zestes  de  quatre  ci- 
trons ou  oranges  5 eau  de  rivière , quatre 
pintes } sucre , sept  livres. 

Vous  distillez  au  bain-marie  l’eau-de-vie 
avec  Fabsiiïthe  et  les  zestes  pour  retirer  quatre 
pintes  de  liqueur.  Lorsque  le  sucre  est  fondu, 
vous  opérez  le  mélange  que  vous  filtrez. 

Crème  de  Moka. 


Café  moka  , une  livre } zestes  de  deux  oran- 
ges; eau-de-vie  , bonne  qualité,  huit  pintes  5 
eau  de  fontaine  ou  de  rivière,  quatre  pintes; 
sucre  blanc  , six  livres  huit  onces. 


Vous  faites  griller  le  café  jusqu  a ce  qu’il 
ait  une  belle  couleur  de  cannelle.  Vous  le  ré- 
duisez en  poudre  avec  un  moulin  à café , et, 
le  mettant  dans  un  vase  avec  les  zestes,  vous 
versez  l’eau-de-vie  par-dessus  , et  laissez  le 
tout  en  infusion  pendant  deux  ou  plusieurs 
jours.  Vous  concassez  le  sucre  et  le  faites 
fondre  au  feu;  vous  Opérez  le  mélange  et 
fil  irez  la  liqueur. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  Ipq 


Crème  de  Cacao. 

Cacao , quatre  livres 3 cannelle  Une  concas- 
sée , quatre  gros  3 eau-de-vie  ,six  pintes  3 esprit 
de  vanille,  cinq  gros 3 eau  de  rivière,  trois 
pintes 3 sucre,  cinq  livres. 

Vous  prenez  du  cacao  caraquë,  vous  le 
torréfiez  comme  pour  le  chocolat , et  le  con- 
cassez dans  un  mortier  de  marbre  ; vous  le 
mettez  au  bain-marie  de  l’alambic  avec  la 
cannelle  et  l’eau-de-vie  pour  retirer,  par  la 
distillation  , trois  pintes  un  quart  de  liqueur 
Spiri  tueuse. 

Faites  fondre  le  sucre  dans  l’eau  sur  le  feu  3 
lorsqu’il  est  refroidi  , Vous  formez  le  mé- 
lange dans  lequel  vous  versez  l’esprit  de  va- 
nille, puis  vous  filtrez  la  liqueur. 

Crème  de  Laurier. 

Eau-de-vie,  huit  pintel^  fleurs  et  feuilles 
de  myrte,  douze  onces 3 feuilles  de  laurier, 
douze  onces  3 une  muscade  concassée  3 gi- 
rofle, un  gros 3 eau  de  rivière,  quatre  pintes; 
Sucre  concassé,  six  livres  huit  onces. 

Vous  distillez  les  cinq  premières  substan- 
ces au  bain-marie  pour  retirer  quatre  pintes 


200  l’art  de  composer 

de  liqueur.  Vous  faites  fondre  au  feu  le  sucre 
dans  l’eau  de  rivière , le  laissez  refroidir  , 
puis  vous  formez  le  mélange  que  vous  fil- 
trez. 

Crème  des  Barbades. 

Eau-de-vie,  six  pintes;  zestes  de  six  cé- 
drats choisis  ; cannelle  fixe  , quatre  gros  ; 
macis , quatre  gros  ; eau  de  rivière  , deux  pin- 
tes ; eau  de  fleur  d'orange , une  livre  ; sucre 
blanc,  cinq  livres  huit  onces. 

Vous  mettez  les  zestes , la  cannelle  et  le  ma- 
cis, infuser  pendant  huit  jours  dans  l’eau-de- 
vie  et  dans  un  vase  bien  fermé,  puis  distillez. 

Crème  de  Kirchwaser. 

Kirchvvaser  vieux,  six  pintes;  eau  de  fleur 
d’orange  double  , huit  onces  ; eau  distillée  , 
trois  pintes  ; sucre  , cinq  livres. 

Vous  rectifiez  le  kirchwaser  pour  obtenir 
quatre  pintes  de  liqueur,  puis  y ajoutez  1 eau 
de  fleur  d’orange.  Vous  faites  fondre  au  leu 
le  sucre  avec  l’eau  de  rivière  ; quand  il  est 
refroidi,  vous  formez  le  mélange  et  le  fil- 


trez. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  0.0 1 


Crème  de  Menthe. 

Eau-de-vie  , huit  pintes  ; menthe  frisée 
récente,  une  livre  huit  onces 3 zestes  de  six 
citrons;  eau  de  rivière,  quatre  pintes  ; essen- 
ce de  menthe  poivrée,  deux  gros  ; sucre,  sept 
livres. 

Vous  mettez  dans  le  bain-marie  de  l’alam- 
bic la  menthe,  les  zestes  et  bcau-de-vie  pour 
retirer,  par  la  distillation,  quatre  pintes  de 
liqueur  spiritueuse  dans  laquelle  vous  faites 
dissoudre  de  l’essence  de  menthe. 

Vous  faites  fondre  le  sucre  avec  beau  sur 
le  feu , vous  le  laissez  refroidir  et  opérez  le 
mélange  que  vous  filtrez. 

Crème  des  cinq  fruits. 

Eau-de-vie,  huit  pintes;  zestes  des  quatre 
cédrats  ; zestes  de  cinq  oranges  ; zestes  de  qua- 
tre citrons  ; zestes  dç.  quatre  bergamotes  3 
zestes  de  bigarrades 3 eau  de  fontaine,  quatre 
pin!  es  ; sucre , sept  livres. 

Vous  faites  infuser,  pendant  huit  jours  les 
zestes  dans  l’eau-de-vie , puis  les  soumettez 
à la  distillation  au  bain-marie  pour  retirer 
quatre  pintes  de  liqueur.  Vous  faites  fondre 


202 


l’art  de  composer 

sur  le  feu  le  sucre  dans  leau , vous  faites  le 
mélange  et  fi lirez  la  liqueur. 

Eau  Divine. 

Sucre  , treize  livres 3 eau  très-claire,  treize 
pintes  y blancs  d’œufs , n°.  eau  , une  cho- 
pine  pour  battre  les  blancs. 

Clariliez  et  mêlez  ensuite  avec  sept  pintes 
d’esprit-de-vin  rectifié  et  deux  livres  d’eau  de 
fleur  d’orange  double.  Conservez  cette  liqueur 
quelque  tems  avant  de  la  boire. 


Autre  maniéré. 

Versez' quatre  pintes  d’esprit-de-vin  très- 
reclifié,  dans  une  cruche  de  grès,  un  gros 
d’huile  essentielle  de  citron , autant  d’huile  es- 
sentielle de  bergamote  ; plus  , huit  onces  de 
fleur  d’orange  double  3 remuez  bien  le  tout , 
ensuite  faites  un  sirop  à froid,  en  faisant,  fon- 
dre  quatre  livres  de  sucre  dans  huit  pintes 
d’eau  y ajoutez  ce  sirop  au  mélange  prece- 
dent, remuez -le  bien  encore;  au  bout  de 
trois  ou  quatre  jours , si  votre  liqueur  n’est 
pas  parfaitement  claire,  vous  la  filtrerez. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ClC.  203 


Cédrat. 

Pour  faire  du  cédrat  selon  cette  méthode, 
versez , comme  nous  venons  de  le  dire  dans 
la  recette  précédente  , quatre  pintes  d’esprit- 
de-v  in  dans  une  cruche  de  grès,  quatre  gros 
d’huile  essentielle  de  cédrat  3 si  vous  aperce- 
vez que  le  mélange  soit  trop  aromatique  , 
vous  diminuerez  la  dose  d’huile  essentielle  , 
en  ajoutant  de  l’esprit  - de  - vin  autant,  qu’il 
sera  nécessaire  pour  faire  une  bonne  combi- 
naison 3 remuez  bien  le  mélange  pour  faciliter 
la  dissolution  de  l’huile  essentielle  par  l’esprit- 
de-vin  3 faites  ensuite  un  sirop  à froid  en  fai- 
sant fondre  quatre  livres  de  sucre  dans  huit 
pintes  d’eau  ; votre  sirop  étant  fait,  vous  l’a- 
jouterez à votre  premier  mélange  3 remuez- 
le  bien,  laissez  - le  reposer  ensuite  trois  ou 
quatre  jours,  et  puis  filtrez.  Notez  que  si 
votre  liqueur  se  trouve  trop  forte , il  faudra 
augmenter  le  sirop 3 si  elle  est  trop  faible,  il 
faudra  augmenter  l’esprit-de-vin. 

En  observant  une  juste  proportion  entre 
l’csprit-dc-vin  et  le  sirop,  et  en  se  procurant 
d’ailleurs  les  huiles  essentielles  relatives  à ce 
genre  de  composition,  non  - seulement  on 
pourra  faire  presque  toutes  les  liqueurs  fines 


20i  l’art  de  composer 

les  plus  en  vogue,  mais  encore  on  pourra  en 
miaginer  de  nouvelles,  très -agréables  : tout 
dépendra  d une  combinaison  exacte  des  hui- 
les aromatiques  avec  l’cspril-de-vin  et  le  si- 
rop. J avertis  seulement  que  pour  réussir  par 
Cette  méthode , il  ne  faut  jamais  employer  que 
de  l’esprit-de-vin  très  - rectifié  et  des  huiles 
essentielles  de  la  plus  grande  perfection  3 le 
moindre  défaut  dans  l’une  ou  l’autre  de  ces 
substances,  serait  un  obstacle  infaillible  au 
succès  que  vous  vous  proposez. 


autre  recette. 

Eau  île  Cédrat. 

Eau-de-vie,  six  pintes,  zestes  de  huit  cé- 
drats j zestes  de  deux  citrons  j eau  de  rivière , 
trois  pintes  3 sucre  blanc  , quatre  livres. 

On  distille  au  bain-marie  les  zestes  de  cé- 
drats et  de  citrons  avec  l’eau-de-vie , pour  re- 
tirer trois  pintes  de  liqueur  3 on  fait  fondre  le 
sucre  dans  l’eau,  011  fait  le  mélange,  et  l’on 
filtre. 

Eau  des  quatre  Graines. 

Eau-  de-  vie,  six  pintes;  graine  de  céleri , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2o5 

une  once  3 graine  d’angélique,  deux  onces  , 
graine  de  coriandre,  deux  onces 3 graine  de 
fenouil,  une  once 3 eau  de  rivière,  trois  pin- 
tes 3 sucre  concassé  , quatre  livres. 

Concassez  les  graines , et  après  quatre  jours 
d’inlusion  dans  l’eau-de-vie , vous  procédez 
a la  distillation  pour  retirer  trois  pintes  et 
demie  de  liqueur  spiritueuse.  Lorsque  le  su- 
cre est  entièrement  fondu,  vous  formez  le 
mélange  et  le  filtrez. 

Eau  d’œillets. 

Eau-de-vie,  huit  pintes 3 œillets  rouges 
épluchés,  deux  livres 3 girofle  concassé,  deux 
gros  , eau  de  rivière , quatre  pintes  3 sucre , 
six  livres. 

On  met  les  fleurs  d’œillets  dans  1 eau-de-vie  3 
après  en  avoir  otéles  onglets  , on  y ajoute  le 
girofle , et  on  laisse  le  tout  en  infusion  pen- 
dant six  jours.  Ce  terme  expiré,  on  procède 
à la  distillation  pour  retirer  quatre  pintes  de 
liqueur  spiritueuse. 

On  fait  fondre  le  sucre  à l’eau  de  rivière  3 
on  forme  le  mélange  3 on  colore  la  liqueur  en 
rouge,  et  l’on  flltre. 


2C-6  l’art  de  composer 
Eau  de  Céleri. 

Eau-de-vie,  quatre  pintes;  graine  de  cé- 
leri, une  once;  eau  de  rivière,  deux  pintes  ; 
sucre,  deux  livres  huit  onces. 

Ou  obtient  par  la  distillation  de  la  graine 
de  céleri  avec  l’eau-de-vie,  deux  pintes  de 
liqueur.  On  l'ait  fondre  le  sucre  dans  l’eau  , 
puis  on  forme  le  mélange,  que  l’on  filtre. 

Les  Eaux  des  différences  graines  se  font  de 
la  meme  manière  en  suivant  les  mêmes  pro- 
portions. 


Eau  Archiépiscopale. 

Eau-de-vie,  quatre  pintes;  zestes  de  quatre 
cédrats  ; mélisse  fraîche  , deux  onces  ; macis  , 
un  gros;  eau  de  rivière,  deux  pintes;  eau 
de  fleur  d’orange , une  livre;  esprit  de  jas- 
min , une  once;  sucre  concassé,  trois  livres. 

On  distille  les  quatre  premières  substances 
pour  retirer  deux  pintes  de  liqueur;  on  fait 
fondre  le  sucre  à l’eau  de  rivière;  on  y ajoute 
l’eau  de  fleur  d’orange  et  l’esprit  de  jasmin  ; 
et  lorsque  le  mélange  est  fait,  on  filtre  la 
liqueur. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE;  6ÎC.  207 


Jt.au  d'argent. 

Eau-de-vie , six  pintes  ; zestes  de  six  oran- 
ges; zestes  de  quatre  bergamotes;  cannelle 
fine  concassée,  quatre  gros;  eau  de  rivière 
distillée,  trois  pintes;  sucre  blanc  concassé  , 
quatre  livres  huit  onces. 

On  suit  les  memes  procédés  que  pour  l’eau 
d’or,  excepté  qu’on  laisse  cette  liqueur  en 
blanc,  et  que  l’on  y met  des  feuilles  d’argent. 

Eau  d'or. 

Eau-de-vie,  quatre  pintes;  zestes  de  six  ci- 
trons; macis,  un  gros;  eau  distillée,  deux 
pintes;  eau  de  fleur  d’orange,,  une  livre; 
sucre , trois  livres. 

On  distille  au  bain-marie  l’eau-de-vie  avec 
les  zestes  et  le  macis,  et  on  retire  deux  pintes 
de  liqueur  spiritueuse  : quand  le  sucre  est 
fondu  dans  l’eau,  et  qu’on  y a ajouté  de  l’eau 
de  fleur  d’orange  , on  forme  le  mélange  , que 
l’on  colore  en  jaune  avec  la  teinture  de  safran  ; 
on  filtre  ensuite.  Alors,  ayant  un  livret  avec 
des  feuilles  d’or,  on  en  fait  tomber  dans  une 
assiette,  et  en  y ajoutant  un  peu  de  liqueur, 
On  les  bat  légèrement  avec  une  fourchette,  et 


2o8 


l’art  de  composer 

on  en  met  avec  une  cuiller  dans  chaque  bou- 
teille  une  suffisante  quantité.  - 

Eau  de  Thé. 

Eau-de-vie,  six  pintes 5 thé  impérial,  une 
once  3 eau  de  rivière,  trois  pintes  3 sucre  con- 
cassé , quatre  livres  huit  onces. 

O11  fait  infuser  le  thé  dans  l’eau-de-vie  pen- 
dant huit  jours,  puis  on  retire  trois  pintes  de 
liqueur  par  la  distillation  3 on  fait  fondre  le 
sucre  dans  l’eau,  on  fait  le  mélange,  et  l’on 
liitre. 

Eau  de  Noyaux  de  Phalsbourg. 

Eau-de-vie  , douze  pintes  3 amandes  d’abri- 
cots , deux  livres  3 amandes  de  pèches  et  de 
cerises , une  livre  3 eau  de  rivière , six  pintes  ; 
eau  de  fleur  d’orange , une  livre  3 sucre  con- 
cassé, huit  livres. 

On  met  la  veille  les  amandes  tremper  dans 
de  l’eau  tiède  pour  en  attendrir  la  peau  3 011 
les  pèle  le  lendemain  3 on  les  met  dans  une 
cruche  infuser  avec  l’eau-de-vie  pendant  huit 
jours  , et  on  procède  ensuite  à la  distillation. 

Quand  le  sucre  est  entièrement  fondu  dans 

l’eau 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  20Q 

l’eau,  on  ajoute  J’eau  de  fleur  d’orange ; ou 
fait  le  mélange,  et  l’on  filtre  ensuite. 

Eau  de  Malte. 

Eau-de-vie,  six  pintes;  zestes  de  douze 
oranges  ; eau  de  fleur  d’orange  double,  une 
pinte;  eau  de  rivière,  deux  pintes;  sucre 
concassé , quatre  livres. 

On  fait  infuser  les  zestes  d’oranges  dans 
l’eau-de-vie  pendant  deux  jours,  puis  on  les 
soumet  l’un  et  l’autre  à la  distillation. 

On  fait  fondre  le  sucre  dans  l’eau,  on  ajoute 
l’eau  de  fleur  d’orange , et  l’on  fait  le  mélange 
que  l’on  filtre. 


Eau  de  la  Côte. 

Eau-de-vie , six  pintes  ; cannelle  fine  con- 
cassée , quatre  onces  ; zestes  de  deux  cédrats  ; 
dattes , quatre  onces  ; figues  grasses , quatre 
onces. 

On  fait  infuser  ces  substances  dans  l’eau- 
de-vie  pendant  six  jours,  et  on  procède  à la 
distillation  pour  obtenir  trois  pintes  de  li- 
queur. 

Eau  distillée,  trois  pintes;  sucre  blanc  , 
quatre  livres  huit  onces. 


O 


210 


l’art  de  composer 

On  fait  fondre  le  sucre  dans  l’eau , puis  on 
forme  le  mélange ; on  (litre  ensuite. 

Eau-de-vie  d' Andaye. 

■Eau-de-vie,  douze  pintes 5 anis  étoilé  con- 
cassé , deux  onces;  coriandre  concassée,  deux 
onces;  zestes  de  six  oranges  ; iris  de  Florence 
en  poudre , quatre  onces;  eau  de  rivière , six 
pintes  ; sucre  blanc , cinq  livres. 

On  distille  au  bain-marie  les  cinq  premières 
substances,  pour  retirer  six  pintes  et  demie  de 
liqueur  ; on  fait  fondre  le  sucre  dans  l’eau , et 
on  réunit  les  produits;  on  liltrc  ensuite. 

On  préfère  ordinairement  pour  cette  liqueur 
de  l’eau-de-vie  d’Espagne. 

Des  jruils  à V Eau-de-vie , de  la  Clarifica- 
tion du  Sucre  , et  des  differens  degrés  de 
cuisson. 

L’espèce  de  liqueur  dont  nous  allons  parler 
n’a  qu’un  rapport  indirect  avec  les  liqueurs 
proprement  dites  ; ce  n’est  ni  une  liqueur 
fine,  ni  ce  que  l’on  appelle  un  ratafia;  si 
elle  n’a  pas  tous  les  avantages  de  ces  deux  es- 
pèces, elle  eu  a du  moins  quelques-uns  , et 
qui  11c  sont  point  à mépriser. 


les  liqueurs  de  table,  etc.  211 

Comme  celte  méthode  a beaucoup  de  rap- 
port avec  le  procédé  qui  concerne  les  confi- 
tures, il  faut  de  toute  nécessité  connaître  les 
diffère  ns  degrés  de  cuisson  du  sucre , et  le 
moyen  de  le  clarifier  parfaitement  ; c’estaussi 
par  où  nous  allons  commencer. 

O11  observera  d abord , comme  règle  géné- 
îale  , qu  il  faut  environ  un  demi-septier  d’eau 
de  lontaine  ou  de  rivière,  et  environ  la  moi- 
tié d’un  blanc  d’œuf  bien  battu  pour  chaque 
livre  de  sucre  que  l’on  se  propose  de  clari- 
fier. Pour  mieux  me  faire  entendre  , je  crois 
qu  il  ne  sera  pas  mal  d’établir  une  dose  fixe 
de  sucre  , et  de  suivre  le  procédé  dans  toutes 
ses  parties. 

Commencez  donc  par  prendre  quatre  livres 
de  sucre  , que  vous  casserez  par  morceaux 
gros  comme  le  pouce  ou  environ  3 prenez 
ensuite  une  poêle  à confiture , dans  laquelle 
vous  mettrez  un  ou  deux  blancs  d’œufs  avec  la 
coque  cassée  et  froissée  en  petits  morceaux  5 
vous  délayerez  ce  blanc  d’œuf  dans  une  clio- 
pine  et  demie  d’eau  que  vous  verserez  à diffé- 
rentes reprises,  ayant  soin  de  bien  fouetter 
le  mélange  à chaque  fois  que  vous  verserez 
de  l’eau , et  cela  avec  un  petit  balai  d’osier  ou 
de  bouleau.  Quand  vous  aurez  achevé  de  bien 
incorporer  la  totalité  de  votre  eau  avec  le 

O 2 


21  2 


l’art  de  composer 

blanc  d’œuf,  et  que  tout  le  mélange  sera  bien 
en  mousse,  vous  y jeterez  vos  quatre  livres 
de  sucre  , et  vous  mettrez  votre  poêle  sur  le 
feu,  en  remuant  le  sucre  de  tems  en  tems;  de 
crainte  qu’il  ne  s’attache  au  fond  de  la  poêle  , 
et  ayant  soin  d’enlever  l’écume  , qui  ne  man- 
quera pas  de  paraître  lorsqu’il  viendra  à 
bouillir.  Après  quelques  bouillons,  le  su- 
cre s’élèvera  au  point  de  passer  les  bords 
de  la  poêle  ; pour  empêcher  qu’il  11e  se  ré- 
pande au  dehors  , il  faudra  l’abattre  en  y 
versant  un  peu  d’eau  froide,  ce  qui  vous  don- 
nera le  tems  de  l’écumer.  Après  cinq  ou  six 
bouillons  , jetez  encore  un  blanc  d’œul  bien 
fouetté,  mais  sans  eau 3 enlevez  le  reste  de 
l’écume  qui  pourra  se  présenter  encore,  et 
continuez  toujours  d’écumer  jusqu’à  ce  qu  il 
ne  se  fasse  plus  qu’une  petite  écume  légère 
et  blanchâtre  ; retirez  alors  la  poêle  du  feu , 
prenez  une  serviette  que  vous  mouillerez  lé- 
gèrement , vous  l’étendrez  sur  une  terrine 
bien  propre,  et 'vous  passerez  votre  sucre  , 
qui  se  trouvera  parfaitement  clarifié. 

Après  la  clarification  du  sucre  , il  faudra  lui 
donner  le  degré  de  cuisson  relatif  à l’objet 
que  vous  vous  proposez.  Les  artistes  en  ont 
établi  six  par  lesquels  ils  règlent  toutes  leurs 
opérations.  Quand  ils  veulent  exprimer  ccs 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2l3 

difïerens  degrés  de  cuisson  , ils  disent  : cuire 
le  sucre  au  lissé , au  perlé , au  soufflé , à la 
plume , au  cassé  et  au  caramel. 

i°.  On  connaît  que  le  sucre  est  cuit  au  lissé , 
lorsqu’après  en  avoir  reçu  une  goutte  sur  le 
pouce  , et  y avoir  joint  le  doigt  index,  on  les 
sépare  tout  d’un  coup  ; si  pour  lors  il  se  fait 
un  petit  filet  d'un  doigt  à l’autre  , qui  se  rompt 
tout  de  suite  , vous  pouvez  être  sur  que  votre 
sucre  est  au  lissé  ; si  le  filet  est  presqu’imper- 
ceptible,  le  sucre  n’est  cuit  qu’au  petit  lissé. 
Il  11e  faut  pas  s’aviser,  pour  faire  cette  épreu- 
ve , de  tremper  son  doigt  dans  le  sucre  bouil- 
lant, on  se  brûlerait  immanquablement.  Il 
suffira  donc  de  retirer  l’écumoire  qui  doit  tou- 
jours rester  dans  la  poêle  , et  l’élevant  un  peu 
au  dessus,  vous  recevez  la  goutte  de  sucre 
qui  coulera  du  bord  sur  votre  pouce,  ce  qui 
suffit  pour  faire  votre  essai. 

2°.  Votre  sucre  ayant  jeté  quelques  bouil- 
lons de  plus,  vous  réitérerez  le  même  essai; 
si  en  séparant  vos  deux  doigts  le  filet  qui  se 
forme  s’étend  un  peu  sans  se  rompre,  le  su- 
cre est  censé  cuit  au  petit  perlé,  et  l’on  appelle 
grand  perlé  le  sucre  cuit  au  point  de  pouvoir 
s’étendre  entièrement  sans  se  rompre,  quoi- 
que les  deux  doigts  soient  séparés  l’un  de  l’au- 
tre autant  qu’ils  peuvent  l’être.  On  connaît 


encore  ce  degré  de  cuisson  à Ja  figure  du  bouil- 
lon ; il  forme  alors  comme  une  manière  d£ 
perles  rondes  qui  paraissent  rouler  les  unes 
sur  les  autres. 

5°.  Après  quelques  bouillons  encore  . pre- 
nez votre  écumoire  à Ja  main,  et  l’ayant  un 
peu  déchargé  en  frappant  sur  le  bord  de  la 
poêle,  soufflez  au  travers  des  trous  ; en  allant 
et  revenant  d’un  coté  à l’autre  ; s’il  en  soit 
comme  une  sorte  de  petite  bouteille,  votre 
sucre  sera  au  degré  que  l’on  nomme  au  soufflé. 

4°.  Si  vous  laissez  cuire  votre  sucre  jus- 
qu’à ce  que  vous  aperceviez  , au  lieu  des 
perles  dont  nous  avons  parlé  un  peu  plus 
haut,  des  espèces  de  bouteilles  qui,  après 
s’être  élevées,  crèvent  tout  de  suite  , et  lais- 
sent échapper  beaucoup  de  fumée,  vous  pou- 
vez établir  que  votre  sucre  est  bien  près  d’être 
à la  plume.  Passez  alors  votre  écumoire  par 
le  milieu  de  la  poêle,  retirez-le  en  le  secouant 
fortement  en  l’air  3 si  vous  apercevez  le  su- 
cre voler  comme  une  plume  légère  , mais  un 
peu  large,  il  sera  à la  petite  plume;  si  vous 
continuez  un  peu  plus  long-tems  la  cuis- 
son , eu  secouant  l’écumoire  en  l’air  , vous 
apercevrez  votre  sucre  sous  la  forme  de 
filasse  volante  ; il  sera  pour  lors  à la  grande 
plume. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  2 1 5 

5°.  Pour  connaître  si  votre  sucre  est  au 
cassé,  il  faut  prendre  un  verre  plein  d’eau 
fraîche  , vous  y tremperez  le  bout  de  votre 
doigt,  que  vous  plongerez  dans  le  sucre 
bouillant,  vous  aurez  soin  de  le  retirer  bien 
vite  pour  le  plonger  dans  le  verre  d’eau  froide  y 
si  pour  lors , en  froissant  le  sucre  entre  vos 
doigts , le  sucre  adhérent  se  casse  en  faisant 
un  petit  bruit,  il  sera  au  cassé. 

6°.  Le  sucre  cuit  au  cassé  s’attache  tou- 
jours comme  de  la  poix  lorsqu’on  en  met 
entre  les  dents  3 pour  être  au  degré  que  l’on 
nomme  caramel , il  faut  qu’il  casse  net  sous 
la  dent  sans  s’y  attacher.  Or , ce  degré  n’est 
pas  facile  à saisir  , car  pour  peu  que  vous 
manquiez  le  point  requis  , votre  sucre  est 
sujet  à brûler,  au  moyen  de  quoi  il  11’est  plus 
bon  à rien.  Il  faudra  donc  être  bien  attentif, 
etrépéter  souvent  l’essai  sous  la  dent  3 dès  que 
le  sucre  commencera  à ne  plus  s'attacher,  il 
sera  au  caramel. 

Ayant  acquis  une  connaissance  exacte  de 
la  cuisson  du  sucre  , 011  pourra  entreprendre 
de  faire  les.  fruits  à l’eau-de-vie. 

11  est  peu  de  fruits  que  l’on  ne  puisse  con-* 
server  dans  l'eau-de-vie 5 cependant,  comme 
je  ne  crois  pas  qu’il  soit  facile  de  les  em- 
ployer tous  avec  un  égal  succès , nous  ne  par- 


lerons  que  des  fruits  à qui  l’expérience  a fait 
donner  la  préférence  pour  cette  opération  : 
si  l’on  est  curieux  de  faire  des  essais  sur  d’au- 
tres fruits  , les  recettes  suivantes  pourront 
servir  de  modèle  à ceux  qui  voudront  les  en- 
treprendre. 

Pêches  à V eau-de-vie. 

Choisissez  trente  pêches  , belles , bien  co- 
lorées 3 faites  attention  qu’il  ne  faut  pas  qu’elles 
soient  tout  à fait  mûres  , mais  seulement  bien 
près  du  point  de  maturité  : ce  fruit  est  tou- 
jours chargé  de  duvet,  il  faudra  l’ôterenvous 
servant  d’une  brosse  molle,  ou  en  l’essuyant 
avec  un  linge  blanc.  Vous  l’inciserez  ensùite 
de  toute  sa  longueur  et  jusqu’au  noyau,  afin 
que  le  sirop  puisse  pénétrer  jusque  dans 
l’intérieur.  Toutes  vos  pêches  étant  préparées 
de  la  sorte,  faites  fondre  trois  livres  de  sucre 
dans  une  suffisante  quantité  d’eau  pour  le  cla- 
rifier, comme  nous  l’avons  enseigné  ci -des- 
sus. Votre  sucre  étant  clarifié,  et  le  sirop 
étant  toujours  sur  le  feu , et  bouillant , vous 
y jeterez  votre  fruit,  ayant  attention  de  le 
remuer  en  tous  sens  avec  l’écumoire  , afin 
que  la  chaleur  agisse  par  tous  les  côtés ; dès 
que  vous  apercevrez  que  le  fruit  s’amollit  . 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  217 

retirez -le  de  dessus  le  feu,  et  arrangez  vos 
péchés  sur  un  tamis  pour  les  faire  égoutter. 
Pendant  qu’elles  égoutteront , vous  remettrez 
votre  sirop  sur  le  feu,  et  s’il  vous  paraît  qu’il 
soit  devenu  trouble  , vous  le  clarifierez  de 
nouveau  avec  du  blanc  d’œuf  3 faites-lui  faire 
trois  ou  quatre  bouillons  , et  versez-le  tout 
bouillant  sur  vos  pèches,  que  vous  aurez  eu 
soin  de  transporter  du  tamis  dans  une  grande 
terrine  vernissée.  Laissez  de  la  sorte  votre 
fruit  tremper  dans  le  sirop  pendant  vingt- 
quatre  heures , après  quoi  retirez  encore  vos 
pêches  du  sirop  que  vous  remettrez  sur  le 
feu,  vous  lui  ferez  faire  dix  à douze  bouil- 
lons , et  vous  le  reverserez  de  nouveau  sur 
vos  pêches.  Le  troisième  jour  mettez  le  fruit 
et  le  sirop  tout  ensemble  sur  le  feu , et  don- 
nez quatre  ou  cinq  bouillons  couverts.  Re- 
tirez la  poêle  du  feu,  laissez  refroidir  le  tout 
à demi , ensuite  prenez  vos  pêches  une  à une, 
et  rangez-les  proprement  dans  un  bocal , en- 
suite examinez  combien  votre  bocal  peut  con- 
tenir de  liquide 3 si  vous  jugez  qu’il  soit  assez 
grand  pour  contenir  quatre  pintes,  par  exem- 
ple, vous  emploierez  deux  pintes  d’eau-de- 
vie  et  deux  pintes  de  sirop  pour  le  remplir  : 
s’il  11e  contient  que  trois  pintes  , vous  ne 
mettrez  qu’une  pinte  et  demie  de  sirop  pour 


2l8 


l’art  de  composer 

une  pinte  et  demie  d’eau-de-vie.  Il  n’est  guère 
possible  d’assigner  ici  des  doses  précises  ; un 
peu  de  pratique  suppléera  à ce  que  nous  ne 
pouvons  pas  enseigner  avec  une  exactitude 
un  peu  scrupuleuse.  Votre  fruit  étant  recou- 
vert de  liquide,  il  surnagera  d’abord,  il  res- 
tera ainsi  à la  surface  pendant  un  mois  ou 
deux  ; mais  à mesure  qu’il  sera  pénétré  par 
la  liqueur , il  tombera  au  fond. 

Abricots  à V eau-de-vic. 

Prenez  la  quantité  d’abricots  qu  il  vous 
plaira  ; cependant  ne  passez  pas  deux  dou- 
zaines, essuyez-les  proprement  avec  un  linge 
pour  leur  oter  leur  duvet , jetez-ies  dans  l’eau 
bouillante  , d’abord  ils  se  précipiteront  au 
fond,  peu  après  ils  remonteront  sur  l’eau; 
alors  lirez-les  de  la  poêle,  et  arrangcz-les  à 
mesure  sur  un  linge  blanc  , ou  bien  pour 
mieux  faire , jetez-les  dans  l’eau  fraîche.  lous 
vos  abricots  étant  blanchis  de  la  sorte,  vous 
les  retirerez  de  l’eau  fraîche  pour  les  faire 
égoutter  sur  un  tamis  ; étant  bien  égouttes, 
vous  les  jeterez  dans  un  sirop  que  vous  aurez 
fait  clarifier  auparavant.  Le  reste  du  procédé 
est  le  même  que  celui  que  nous  venons  d indi- 
quer pour  la  pèche. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  elC.  2lQ 

Pèches  ou  Abricots  à V eau-de-vie  d'une 
autre  manière  plus  simple . 

Prenez  de  belles  pèches  ou  abricots  qui 
soient  bien  murs,  essuyez-les  légèrement  avec 
un  linge  , pour  ôter  leur  duvet  3 pgsez  ensuite 
votre  fruit , et  pour  chaque  livre  de  fruit 
vous  prendrez  un  quarteron  de  sucre  seule- 
ment. Clarifiez  votre  sucre  , faites-lc  cuire 
jusqu’au  grand  perlé  3 lorsqu’il  sera  à ce 
point,  mettez -y  votre  fruit,  et  faites -lui 
prendre  trois  ou  quatre  bouillons.  Pendant 
ce  tems-làayez  grand  soin  de  retourner  \ otre 
fruit  en  tous  sens,  afin  qu’il  prenne  le  sucre 
partout,  après  quoi  retirez  la  poêle  du  feu, 
et  arrangez  vos  pèches  ou  abricots  un  à un 
dans  un  bocal.  Le  sirop  étant  plus  de  moitié 
refroidi , vous  y verserez  l’eau-dc-vic  à raison 
de  trois  demi  - septiers  pour  livre  de  fruit. 
Comme  votre  sirop  pourrait  être  un  peu  épais, 
il  ne  faudra  pas  verser  votre  eau-de-vie  tout 
d’un  coup , le  mélange  ne  pourrait  se  faire 
qu’avec  beaucoup  de  difficulté  3 il  faudra 
donc  verser  votre  eau-de-vie  à plusieurs  re- 
prises, et  toujours  remuer  pour  faciliter  le 
mélange.  Le  mélange  étant  fait,  vous  le  ver- 
serez dans  le  bocal  ou  vous  aurez  arrangé 


320 


l’art  de  composer 

votre  fruit  ; il  surnagera  d’abord,  mais  à me- 
sure que  le  sirop  et  l’eau-de-vie  le  pénétre- 
ront, il  se  précipitera  au  fond  du  bocal , et 
c est  alors  seulement  qu’il  sera  bon  à manger. 

Poires  de  Rousselet  à V eau-de-vie. 

Choisissez  des  poires  de  rousselet  qui  ne 
soient  pas  tout  à fait  mures  : comme  il  y a 
deux  espèces  de  rousselet,  la  grosse  et  la  pe- 
tite , il  ne  faut  pas  prendre  l’une  pour  l’au- 
tre 5 la  petite,  comme  la  plus  odorante  , est 
la  seule  qui  convienne  à notre  opération  5 on 
la  nomme  aussi  rousselet  de  Reims  -,  pi- 
quez-îes  avec  une  épingle  en  tous  sens  et  de 
tous  cotes , et  jetcz-les  dans  l’eau  bouillante 
pour  les  faire  blanchir  \ à mesure  qu’elles 
s’amolliront,  vous  les  retirerez  , et  vous  les 
jetcrez  dans  l’eau  fraîche  ; aussitôt  qu’elles 
seront  refroidies,  vous  les  pelerez  et  les  je- 
terez  encore  dans  l’eau  fraîche  , mais  dans 
un  vase  différent  de  celui  qui  aura  servi  à 
les  rafraîchir  en  sortant  de  dessus  Je  feu* 
vous  aurez  soin  d’exprimer  le  jus  de  deux 
citrons  dans  l’eau  qui  doit  les  recevoir  après 
avoir  été  pelées  5 c’est  le  vrai  moyen  de  les 
entretenir  dans  une  blancheur  parfaite. 

Faites  ensuite  clarifier  du  sucre  dans  une 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  33 1 

quantité  proportionnelle  à votre  fruit , et  avec 
assez  d’eau  pour  que  ce  fruit  y baigne  à l'aise; 
votre  sucre  étant  bien  clarifié,  et  encore  bouil- 
lant, vous  y metterez  votre  fruit,  et  lui  laisse- 
rez prendre  sept  ou  huit  bouillons  couverts, 
après  quoi  vous  retirerez  la  poêle  du  feu,  et 
vous  verserez  le  tout  dans  une  terrine  pour 
donner  le  tems  au  fruit  de  prendre  sucre  ; 
vingt-quatre  heures  après,  vous  remettrez 
le  sirop  sur  le  feu  , dans  la  poêle , et  vous  lui 
ferez  prendre  dix  ou  douze  bouillons,  apres 
quoi  vous  le  verserez  tout  bouillant  sur  vos 
poires,  qui  seront  restées  dans  la  terrine, 
pour  les  laisser  encore  vingt-quatre  heures  : 
le  troisième  jour  vous  réitérerez  la  même 
opération  ; mais  après  le  sixième  ou  huitième 
bouillon  vous  coulerez  tout  doucement  votre 
fruit  dans  le  sirop , et  vous  lui  laisserez  pren- 
dre six  bouillons;  pour  lors  retirez  votre 
poêle  du  feu,  ôtez  l’écume,  s’il  y en  a,  lais- 
sez refroidir  le  tout  à demi , arrangez  vos 
poires  dans  le  bocal,  et  mêlez  votre  sirop 
avec  une  égale  quantité  d’cau-de-vie.  Ce  mé- 
lange étant  fait  vous  le  verserez  par-dessus 
vos  poires  arrangées  dans  le  bocal;  deux  mois 
après  vous  pourrez  en  faire  usage. 

Nous  n avons  point  exprimé  ici  la  quantité 
de  sucre  qu’il  convient  d’employer,  parce 


222 


l’art  de  composer 

qu’il  faut  se  régler  sur  la  quantité  de  fruit 
que  l’on  a à confire;  nous  établissons  seule- 
ment pour  règle  générale , qu’il  faut  que  le 
fruit  baigne  à l’aise  dans  un  sirop  qui  soit 
d’abord  au  lissé,  et  ensuite  au  perlé;  je  dis 
au  lissé  pour  la  première  cuisson , et  au  perlé 
pour  la  dernière. 

Poires  de  beurré  d' Angleterre  à T eau- 

de-vie. 

Prenez  de  belles  poires  de  beurré  qui  ne 
soient  pas  trop  mures,  vous  les  mettez  sur  le 
feu  avec  suffisante  quantité  d’eau  que  vous 
ne  faites  point  bouillir;  lorsque  vous  sentez 
que  les  poires  mollissent  sous  le  doigt , vous 
les  retirez  et  les  mettez  dans  de  l’eau  fraîche  ; 
vous  pelez  et  enlevez  la  tache  noire  de  la  tète  ; 
vous  les  piquez  et  les  remettez  sur  le  feu  avec 
de  nouvelle  eau,  dans  laquelle  vous  jetez  un 
peu  d’alun  et  que  vous  faites  bouillir  à grand 
feu  : vos  poires  sont  assez  blanchies  lorsqu’une 
épingle  passe  à travers  sans  la  moindre  résis- 
tance ; vous  les  retirez  avec  précaution  à l’aide 
de  l’éçumoire , et  les  mettez  dans  de  nouvelle 
eau  fraîche. 

Vous  clarifiez  suffisamment  le  sucre  et  le 
faites  cuire  au  petit  lisse;  vous  le  versez  boni!- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  22D 

lant  sur  les  poires  3 vous  les  égouttez  le  len- 
demain , et  lorsque  le  sucre  est  à la  nappe  , 
vous  les  y remettez  frissonner  un  léger  bouil- 
lon 3 le  surlendemain , vous  réitérez  la  même 
opération,  les  égouttez  et  les  mettez  en 
bocaux. 

Vous  donnez  quelques  bouillons  au  sucre , 
puis  le  laissez  refroidir  3 vous  y versez  les  deux 
tiers  de  sa  quantité  d’eau-de-vie  à vingt-cinq 
degrés 3 vous  filtrez  le  mélange  à la  chausse  , 
le  versez  sur  les  poires , et  bouchez  les  bo- 
caux. 


Mirabelles  à V eau-de-vie. 

Choisissez  des  mirabelles  bien  mûres,  pi- 
quez-les  partout  avec  une  épingle,  jetez-les 
dans  l’eau  bouillante  3 sitôt  que  vous  les 
verrez  monter  sur  l’eau,  retirez-les  du  feu,  et 
jetez  - les  tout  de  suite  dans  l’eau  fraîche  ; 
lorsqu’elles  seront  bien  refroidies , vous  les 
retirerez  de  l’eau  et  vous  les  mettrez  égout- 
ter sur  un  tamis.  Pendant  quelles  égoutte- 
ront , faites  clarifier  du  sucre  dans  une  pro- 
portion relative  à la  quantité  du  fruit  que 
vous  employez  3 votre  sucre  étant  clarifié  et 
bouillant  encore,  coulez  - y votre  fruit,  et 
faites-lui  prendre  quatre  bouillons  couverts  3 


2 2,>  l’art  de  composer 

apres  quoi  retirez  la  poêle  du  feu , enlevez 
l'écume,  et  versez  votre  fruit  et  le  sirop  dans 
une  terrine  ; laissez  reposer  le  tout  jusqu'au 
lendemain,  versez  le  sirop  sans  le  fruit  dans 
la  poêle  à confiture , faites  - lui  prendre  sept 
ou  liuit  bouillons , et  jetez -le  par-dessus  le 
fruit,  dans  la  terrine.  Le  troisième  jour  met- 
tez dans  la  poêle  à confiture  le  sirop  et  le  fruit 
tout  ensemble , faites-leur  prendre  unedixaine 
de  bouillons  couverts , retirez  la  poêle  du  feu, 
enlevez  l'écume , s’il  est  nécessaire,  laissez  un 
peu  refroidir  le  tout , après  quoi  rangez  pro- 
prement votre  fruit  dans  le  bocal,  mêlez  dans 
votre  sirop  pareille  quantité  d’eau-de-vie , que 
vous  verserez  par-dessus  le  fruit  dans  le  bo- 
cal j il  surnagera  pendant  quelque  teins  ; lors- 
qu’il se  précipitera  au  fond , il  sera  teins  de 
le  manger. 

Nota.  Il  faut  bien  ménager  la  mirabelle 
lorsqu'on  la  blanchit , parce  qu’elle  est  su- 
jette à se  lâcher.  On  peut,  selon  cette  recette, 
confire  pareillement  la.reine-claude. 

Autre  manière  de  confire  la  mirabelle  et  la 
reinC'daudc  à V eau-de-vie. 

Choisissez  la  quantité  qu’il  vous  plaira  de 
mirabelle  ou  de  reine-claude , les  unes  et  les 

autres 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2dS 
autres  parfaitement  mûres } essuyez-les  légè- 
rement avec  un  linge , pesez-les,  et  pour  cha- 
que livre  de  fruit,  prenez  un  quarteron  de 
sucre  ; ayant  détermine  la  quantité  de  sucre 
relativement  à la  quantité  de  votre  fruit  , 
faites-le  clarifier,  et  ensuite  cuire  au  grand 
perlé  j alors  mettez  votre  fruit  dans  le  sirop, 
faites  - lui  prendre  deux  ou  trois  bouillons 
tout  au  plus , en  le  remuant  doucement  avec 
Fécumoire  ; retirez  pour  lors  votre  fruit  de  la 
poêle  le  plus  proprement  qu’il  vous  sera  pos- 
sible , et  arrangez-le , ou  sur  un  tamis  , ou 
sur  des  plats,  ou  encore  mieux  dans  le  bocal 
même 5 votre  sirop  étant  à demi  refroidi, 
ajoutez-y  de  l’eau  - de  - vie  , à raison  de  trois 
demi -sep tiers  par  livre  de  fruit, remuez  bien 
le  mélange , et  versez  - le  par  - dessus  votre 
fruit,  dans  le  bocal  que  vous  boucherez  bien 
avec  du  liège  et  un  parchemin  mouillé  par- 
dessus. Ce  fruit  préparé  selon  cette  recette  se 
conserve  deux  ans. 

Cerises  à V eau-de-vie. 

Choisissez  tout  ce  qu’il  y a de  plus  beau  et 
de  plus  mûr  en  cerises  , coupez  la  moitié  de 
chaque  queue  , et  mcttez-les  dans  de  l’eau 
bien  fraîche  ; après  une  demi-heure,  retirez- 

P 


226  l’art  de  composer 
les,  et  fai tes-les  égoutter  sur  un  tamis  ; étant 
Lien  égouttées  , rangez-les  proprement  dans 
un  Local , de  manière  qu’elles  remplissent 
le  Local  presque  en  entier  3 ajoutez  un  quar- 
teron de  sucre  par  livre  de  fruit;  mettez 
dans  un  linge  un  bâton  de  cannelle  , deux  ou 
trois  douzaines  de  grains  de  coriandre  , deux 
feuilles  de  macis  , un  grain  de  poivre  long  ; 
repliez  Lien  votre  linge  , et  formez-en  un 
nouet  que  vous  attacherez  avec  un  fil,  de 
manière  qu’il  nage  , ou  du  moins  qu  il  1 epo 
se  immédiatement  sur  le  dernier  lit  de  ce- 
rises. Si  votre  quantité  de  cerises  est  un  peu 
considérable  , il  faudra  augmenter  en  propor- 
tion les  drogues  dont  nous  venons  de  parler. 
Après  six  semaines  ou  deux  mois  d infusion, 
goûtez  votre  fruit,  et  s’il  a pris  suffisamment 
d’odeur,  retirez  le  linge  où  sont  enfermés  les 
aromates. 


Oranges  à V eau-de-vie. 

Faites  choix  de  belles  oranges , vous  les 
tournez  promptement , et  après  les  avoii  pi- 
quées dans  le  milieu , vous  les  mettez  à me- 
sure dans  de  l’eau  fraîche , puis  sur  le  feu  pour 
les  blanchir,  et  ensuite  daus  de  nouvelle  eau 
fraîche. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  22 7 

Vous  clarifiez  du  sucre  à la  petite  nappe 
et  lorsqu’il  n’est  plus  que  très-chaud,  vous  le 
versez  sur  les  oranges  et  leur  donnez  un  bouil- 
lon couvert  3 vous  réitérez  cette  opération 
pendant  les  deux  jours  suivans , remettant 
d abord  séparément  le  sucre  à la  petite  nappe , 
puis  y versant  les  oranges  pour  leur  faire  re- 
cevoir un  bouillon.  Le  troisième  jour , vous 
les  égouttez  et  les  mettez  en  bocaux.  ' 

Vous  donnez  quelques  bouillons  au  sucre , 
lorsqu  il  est  refroidi , vous  y mettez  les  deux 
tiers  de  sa  quantité  d’eau-de-vie  à vingt-cinq 
degrés  5 vous  passez  le  mélange  à la  chausse, 
vous  le  versez  sur  les  oranges,  et , quand  les 
bocaux  sont  remplis,  vous  les  bouchez. 

Noix  blanches  à l'eau-de-vie. 

Choisissez  des  noix  de  la  plus  belle  espèce  3 
quand  une  épingle  passe  facilement  à travers  , 
vous  les  pelez  jusqu’au  blanc  , que  vous  met- 
tez à mesure  dans  de  l’eau  fraîche  5 vous  faites 
bouillir  de  l’eau  dans  laquelle  vous  avez  jeté 
un  peu  d’alun  ou  exprimé  le  jus  d’un  citron  , 
pour  conserver  la  blancheur  des  noix  : quand 
elles  sont  suffisamment  blanchies  , vous  les 
retirez  et  les  mettez  dans  de  l’eau  fraîche. 

\ ous  prenez  suffisante  quantité  de 

. P a 


sucre 


22S  l’art  de  composer 

clarifié  et  le  mettez  au  petit  lissé;  vous  le  ver- 
sez  tiède  sur  vos  noix , et  réitérez  cette  opéia- 
tion  pendant  les  trois  jours  suivans;  le  cpia 
trième  jour,  vous  faites  cuire  le  sucre  a la 
nappe  et  le  versez  sur  les  noix  jusqu’au  len- 
demain que  vous  les  égouttez  et  les  mettez  en 

bocaux. 

Vous  ajoutez  au  sucre  cuit  les  deux  tiers 
de  sa  quantité  en  eau-de-vie  à vingt-cmq  de- 
grés ; vous  passez  la  liqueur  à la  chausse , et 
la  versant  sur  les  noix,  vous  en  remplissez 
les  bocaux  qui  les  contiennent,  puis  les  fei- 
mez  bien. 

Cornichons  conjits  au  vinaigre. 

Vous  prenez  des  cornichons  bien  vcits  et 
d’égale  grosseur , vous  en  coupez  la  pointe  et 
la  queue,  et  pour  en  enlever  le  duvet,  vous 
les  brossez , ou , après  avoir  mis  du  sel  dans 
une  nappe  de  grosse  toile  , vous  les  y frottez; 
vous  les  lavez  ensuite  et  les  essuyez;  vous  les 
mettez  dans  un  bocal  infuser  pendant  deux 
ou  trois  jours  dans  de  bon  vinaigre  blanc  ; 
au  bout  de  ce  tems,  vous  faites  bouillir  ce 
même  vinaigre  dont  vous  avez  séparé  les  coi  - 
nichons;  quand  il  est  réduit  du  tiers  , et  qu’il 
y eu  a cependant  assez  pour  que  les  corni- 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , CtC.  22g 

chons  puissent  y baigner,  vous  les  y jelez  , et 
après  un  bouillon  , vous  versez  le  tout  dans 
une  terrine  que  vous  couvrez  3 vous  remuez 
le  mélange  de  tems  en  temS3  cinq  à six  jours 
après,  vous  remettez *de  nouveau  les  corni- 
chons avec  le  vinaigre  sur  le  feu,  puis  y ajou- 
tez suffisante  quantité  de  sel,  de  l’estragon, 
quelques  gousses  d’ail,  et  mettez  le  tout  en 
pots. 

Haricots  verts  confits  au  vinaigre . 

Choisissez  des  haricots  verts , lorsqu’ils  sont 
petits  et  très-tendres  3 vous  en  supprimez  les 
pointes  et  le  filet  qui  est  autour,  et  suivez  , 
pour  les  confire,  les  mêmes  procédés  que  pour 
les  cornichons. 

Des  moyens  de  tirer  le  parti  le  pins  éco- 
nomique de  plusieurs  Fruits  > et  princi- 
palement de  la  Cerise. 

(Extrait  des  Ouvrages  de  M.  Cadet-de-Vaux.) 

La  cerise  commence  à rougir,  et  bientôt 
on  sera  embarrassé  de  son  abondance,  dans 
les  pays  où  elle  n’aura  pas  été  exposée  aux  ra- 


l’art  de  composer 
vagcs  de  la  gelée  ; je  vais  offrir  à 1 économie 
les  moyens  de  tirer  parti  de  ce  fruit. 

Le  plus  avantageux  ne  sera  pas  de  vendre 
la  cerise;  les  frais  de  cueille,  de  transport  , 
absorbent  les  bénéfices  ; mais  bien  d’en  faire 
des  confitures , des  marmelades  avec  ou  sans 
sucre  , une  compote  d’hiver,  du  vin,  du  ra- 
tafia , du  kirchwaser,  ou  meme  de  les  sé- 
cher au  four. 

Des  Cerises  sèches. 

Commençons  par  leur  dessiccation , comme 
étant  la  préparation  la  plus  facile.  On  cueille 
la  cerise  parfaitement  mûre  , car  ce  fruit  est 
naturellement  acide , et  le  defaut  de  maturité 
ajouterait  à l’acidite  qu  elle  rend  apres  sa  des- 
siccation. 

11  y a plusieurs  manières  de  faire  sécher  les 
fruits.  On  les  blanchit  à l’eau  bouillante  avant 
de  les  faire  sécher  : dans  les  pays  très-chauds 
on  en  sèche  au  soleil,  mais  dans  les  pays  tem- 
pérés , c’est  par  le  moyen  du  feu  , sur  des 
claies  placées  dans  un  four,  au  degré  de  cha- 
leur qu’il  conserve  quand  on  en  a tire  le  pain. 
IXe  cuit-on  pas,  on  chauffera  le  four  exprès 
et  modérément. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ClC.  25 1 

En  général  on  ne  doit  pas  chercher  à opé- 
rer la  dessiccation  des  fruits  en  une  seule  fois  ; 
il  faut  les  mettre  au  four  et  les  en  retirer  à 
deux  ou  trois  reprises.  Les  fruits  évaporés 
brusquement  se  décuisent , et  attirent , quoi- 
qu’en  apparence  secs,  une  humidité  qui  les 
altère. 

On  sait  que  les  fruits  desséchés  doivent 
être  enfermés  dans  des  boites  et  conservés 
dans  un  endroit  plutôt  sec  qu’humide. 

La  cerise,  dans  cet  état,  est  un  fruit  très- 
agréable,  très-salutaire,  et  que  l’enfance  aime 
beaucoup. 

Si  elle  a été  desséchée  avec  soin,  on  peut 
la  faire  aisément  revenir  à l’eau  , dans  laquelle 
on  met  tremper  sa  cerise  la  veille  au  soir , pour 
en  préparer  le  lendemain  une  compote. 

Des  Confitures  de  Cerises. 

Les  confitures  de  cerises  sont  ma  procédé 
trop  connu  pour  l’indiquer  ; il  ne  varie  que 
par  la  quantité  du  sucre  ; elle  est  ordinaire- 
ment de  quatre  à huit  onces  par  livre  de  fruit  r 
qu’on  fait  cuire  ensemble  et  à petit  feu,  jus- 
qu’à consistance  requise.  Pour  avoir  le  sirop 
de  la  confiture  parfaitement  clair,  on  peut  le 


252  l’art  de  composer 
clarifier  comme  il  sera  indiqué  plus  bas  pour 
la  compote  d’hiver. 

Marmelade  de  Cerises  sucrée. 

Otez  les  queues  et  le  noyau  de  la  cerise  5 
pesez  votre  fruit,  et  ajoutez -y,  par  livre  , 
une  once  seulement  de  sucre  5 laites  cuire  dans 
une  bassine  de  cuivre,  à petit  bouillon , jus- 
qu’à ce  qu’en  en  mettant  refroidir , la  marme- 
lade ait  pris  une  consistance  de  raisiné  5 car 
la  cerise  11e  fait  pas  marmelade  comme  les  au- 
tres fruits,  tels  qu’abricots,  coings,  prunes, 
pommes  3 versez-la  dans  des  pots  de  faïence. 

Marmelade  de  Cerises  sans  sucre. 

Veut-on  faire  économie  de  sucre,  on  n’en 
ajoute  point  à la  cerise  , et  on  a une  marme- 
lade un  peu  plus  aigrelette , mais  encore 
agréable. 

11  en  est  de  même  de  tous  les  autres  fruits  : 
on  en  fait  des  marmelades  sans  sucre , des 
paies  , qui  ofi’réüt  une  ressource  pour  l’hiver. 
C’est  souvent  le  seul  parti  qu’011  puisse  tirer 
de  l’abondance  du  Iruit. 

Indiquons  quelques  précautions  générales 
pour  la  préparation  des  marmelades. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  355 

Mieux  vaut  les  cuire  moins  que  plus  , sauf, 
si  la  marmelade  se  relâchait  au  bout  de  quel- 
ques jours  , à lui  redonner  un- coup  de  feu  , 
ou  à mettre  les  pots  dans  un  four  chaud , pour 
la  recuire. 

Ce  sont  des  pots  de  faïence  dans  lesquels 
on  doit  mettre  les  marmelades  pour  les  con- 
server. Si  on  emploie  du  grès,  il  faut  le  choi- 
sir parfaitement  cuit,  car,  marmelades,  con- 
fitures, herbes  même,  se  décuisent  promp- 
tement dans  le  grès  poreux. 

On  peut  encore , quand  la  marmelade  a 
déjà  de  la  consistance,  la  mettre  dans  des 
assiettes  ou  des  plats,  étendue  sur  du  papier 
huilé,  et  la  porter  au  four  pour  s’y  sécher  à 
une  douce  chaleur*  car  l’opération  se  réduit 
à enlever  à la  marmelade  l’humidité  superflue 
qui  nuirait  à sa  macération. 

Du  reste  , il  y a un  emploi  fort  simple  à 
faire  de  ces  marmelades  , si  on  en  a préparé 
au  delà  de  la  consommation , c’est  de  les  ajou- 
ter au  raisiné , dans  la  saison  où  on  le  fait  : 
et  ce  raisiné,  ainsi  mélange  d’autres  fruits, 
est  excellent. 

De  la  Compote  des  Cerises  cT hiver. 

Prenez  des  cerises , un  peu  avant  leur  par- 


l’art  de  composer 

faite  maturité  ; coupez  moitié  de  la  queue  de 
vos  cerises,  comme  pour  les  confire;  mettez- 
les  dans  une  poêle  sur  un  feu  doux  : quand 
la  cerise  aura  donné  son  suc , retirez-la  avec 
une  écumoire , ajoutez  votre  sucre  à ce  jus  , 
pour  le  clarifier;  il  se  clarifiera  de  lui-même  : 
enlevez  l’écume  et  remettez  vos  cerises  dans 
le  jus  clarifié  : continuez  à faire  mi  - cuire  le 
fruit  à petit  bouillon  ; alors  retirez  la  compote 
du  feu  et  videz -la  dans  une  cruche  où  vous 
aurez  mis  de  l’eau-de-vie  : quelques  ins* ans 
avant  de  la  retirer  du  feu,  vous  y ajouterez 
de  la  cannelle. 

Les  proportions  sont  : cerises , six  livres  ; 
sucre  ou  belle  cassonade , de  deux  à trois 
livres  ; eau-de-vie , trois  demi-septiers  : cette 
quantité  d’cau-de-vie  est  à peine  sensible , et 
elle  a pour  objet  la  conservation  de  la  com- 
pote. 

Il  faut  la  subdiviser  dans  plusieurs  bocaux  ; 
une  grande  quantité  se  conserverait  moins 
bien  dans  un  grand  vaisseau  : on  le  bouche 
exactement. 

Je  recommande  de  faire  cuire  à petit  bouil- 
lon, premièrement  pour  ne  pas  déformer  le 
fruit;  secondement  parce  qu  une  trop  forte 
ébullition  altère  toutes  substances  végétales 
ou  animales  qu’on  y soumet  : un  bouillon  ue 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , CtC.  ^35 

viande  est  mauvais  s’il  a bouilli  à trop  grand 
feu. 

Je  ferai  une  observation  sur  l’emploi  de  la 
cannelle,  du  girofle,  de  la  vanille  et  de  tous 
les  aromates.  11  faut  les  pulvériser  3 un  clou  de 
girofle  réduit  en  poudre  , avec  une  pincée  de 
sucre,  produit  plus  d’arum  que  six  ou  huit 
clous  entiers.  J’insiste  sur  les  détails,  ils  ne 
sont  jamais  minutieux  pour  celui  qui  opère. 

Du  Vin  de  Cerises. 

Il  11e  faut  cueillir  la  cerise  que  parfaitement 
mûre,  en  ôter  queues  et  noyaux,  les  écraser 
à la  main.  Si  on  fait  du  vin  de  cerises  en 
grand  , cette  manutention  étant  beaucoup 
trop  longue , portez  les  cerises  à la  presse  ; 
le  suc  s’en  écoulera  par  la  pression  3 vous  en- 
lèverez le  marc  et  vous  concasserez  le  noyau 
dans  un  mortier  de  pierre  : on  peut  ne  pas 
les  concasser , mais  le  vin  sera  moins  parfu- 
mé. Séparer  les  queues  étant  aussi  une  opé- 
ration longue , on  peut  les  laisser  : le  vin 
fermente  bien  avec  la  rafle.  Mettez  suc  et 
marc  dans  un  tonneau  dont  on  aura  élargi 
l’ouverture , pour  pouvoir  le  vider  commo- 
dément 3 on  fera  faire  une  bonde  de  la  lar- 
geur de  l’ouverture,  ayant  un  fort  bouton  , 


236  l’art  de  composer 

alin  de  pouvoir  fermer  et  l’enlever  avec  fa- 
cilité 3 on  laissera  un  peu  de  vide  dans  le 
tonneau,  car  la  masse  se  boursouflera. 

Comme  la  cerise  n’est  pas  un  lruit  très-su- 
crée , comme  il  a même  une  acidité  assez  mar- 
qué, il  faut,  pour  augmenter  sa  vinosité,  y 
ajouter  de  la  matière  sucrée,  cassonade  ou 
miel  : une  ou  deux  onces  par  livre  lui  don- 
neront beaucoup  de  spirituositc. 

On  fera  donc  dissoudre  dans  une  portion , 
du  jus  de  cerise  , qu’on  chauffera,  la  quan- 
tité de  sucre  requise  , et  on  le  versera  tout 
chaud  dans  le  baril  qu’on  tiendra  exposé  à 
une  atmosphère  de  douze  à quinze  degrés  3 
011  agitera  la  masse  avec  un  long  bâton , au 
moment  du  mélange  3 on  pourra  l’agiter  de 
nouveau,  une  ou  deux  fois  dans  l’espace  des 
premières  vingt -quatre  heures  3 après  quoi 
la  fermentation  s’établira  3 011  ne  la  dérangera 
point;  elle  sera  dirigée  comme  celle  du  vin, 
car  les  lois  de  la  fermentation  sont  unes  et 
également  applicables  a tous  les  sucs  fermen- 
tescibles. Cependant  la  fermentation  du  vin 
de  cerises  étant  plus  lente  que  celle  du  vin, 
on  peut  laisser  cuver  plus  de  tems  3 on  tirera 
donc  du  vin  par  la  cannelle  ou  le  fausset  3 
quand  il  sera  complètement  vin , on  le  souti- 
rera dans  un  tonneau,  ou  immédiatement  en 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  ClC.  2~n 

bouteilles  , s’il  est  parfaitement  clair.  On  ex- 
primera le  marc  , qu’on  laissera  déposer  3 la 
liqueur  devenue  claire  , on  la  soutirera.  Voilà 
le  vin  de  cerises.  On  peut,  surtout  si  011  n’a 
pas  concassé  les  noyaux , ajouter , dans  le  ton- 
neau, de  l’iris  de  Florence  en  poudre  , ou 
bien  des  feuillet  de  pêchers,  qu’on  brisera  et 
fera  bouillir  pendant  trois  ou  quatre  minutes 
seulement,  avec  le  sucre  et  le  jus  de  cerises. 
La  proportion  de  ces  arums  est,  pour  soixante 
pintes  , une  demi-once  d’iris,  ou  une  poignée 
de  tontures  de  pêchers. 

Le  marc  mis  à distiller  dans  un  bain-marie, 
avec  addition  d’eau,  donnera  du  kirchwaser. 

Le  vin  de  cerises,  beaucoup  plus  agréable 
que  celui  de  raisin,  et  qu’on  priserait  beau- 
coup plus  que  tous  les  vins  de  dessert  étran- 
gers, s’il  venait  de  Chypre  ou  des  Canaries  , 
est  aussi  le  vin  le  plus  économique  : en  effet , 
trois  livres  environ  de  cerises  de  trois  sous  , 
et  c’est  l’estimer  cher  pour  le  propriétaire, 
donnent  une  pinte  de  vin  ; ajoutez  une  ou 
deux  onces  de  matière  sucrée  d’un  ou  deux 
sous  : compterez-vous  l’arum',  les  petits  frais, 
c’est  du  vin  au  plus  à cinq  à six  sous  la 
pinte. 

Les  cerises  ne  mûrissant  pas  toutes  à la 


258  l’art  de  composer 

fois  , on  est  forcé  de  faire  ce  vin  à plusieurs 
reprises.  Pour  se  conformer  à une  des  règles 
que  j’ai  prescrites  pour  la  fermentation  vi- 
neuse , de  couvrir  sa  cuve  et  de  faire  plon- 
ger le  fruit  même  dans  le  fluide , j’ai  fait  scier 
en  deux  des  tonneaux  de  diverses  capacités  , 
et  disposer  un  couvercle  qui  entre  dans  mes 
petites  cuves , comprime  la  cerise  et  11e  laisse 
point  de  vide.  J’en  conseille  l’emploi,  comme 
simplifiant  le  procédé. 

Du  V^in  de  Pêches  et  d' Abricots. 

On  obtient,  par  le  même  procédé,  des 
vins  de  pêches , d’abricots,  d’abricots-pêches, 
mais  en  augmentant  un  peu  la  proportion  du 
sucre. 

Je  ne  parle  pas , dans  cet  article , du  kirch- 
waser,  j’en  ai  publié  le  procédé  dans  \&  Dé- 
cade philosophique  ; je  me  bornerai  à dire 
que  j’en  prépare  tous  les  ans,  avec  toute  es- 
pèce de  cerises,  et  que  je  ne  connais  pas  de 
kirchwaser  plus  agréable  au  goût. 

% 

Du  Ratafia  de  Cerises. 

Comme  le  vin  de  cerises  est  déjà  vineux , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  a3g 

en  raison  de  la  matière  sucrée  qui  en  aug- 
mente la  spirituosité , il  ne  lui  faut  qu’une 
très-légère  addition  d’eau-de-vie , d’arum  et 
de  sucre , pour  en  faire  un  ratafia. 

Cette  nouvelle  addition  de  sucre  n’a  donc 
plus  pour  objet  que  de  sucrer,  d’édulcorer, 
et  faire  d’un  vin,  un  ratafia. 

En  conséquence  on  ajoutera,  par  chaque 
pinte  de  vin  de  cerises,  un  demi-septier  d’eau- 
de-vie,  une  ou  deux  onces  de  sucre  : enfin 
une  demi-poignée  d’œillet  à ratafia , ou  du 
girofle  , dont  un  seul  clou  , s’il  est  pulvérisé , 
suffira  pour  deux  pintes  : on  peut  y ajouter 
encore  une  poignée  de  framboises.  C’est  le 
plus  agréable  et  le  plus  sain  des  ratafias;  il 
est  infiniment  préférable  à toutes  nos  liqueurs, 
que  l’esprit-de-vin  et  les  huiles  essentielles 
rendent  trop  échauffantes , et  qui  sont  fort 
coûteuses  : ce  ratafia  ne  revient  pas  à plus  de 
douze  sols. 

Du  Ratafia  de  Fruits  rouges. 

Je  terminerai  cet  article  par  la  recette  du 
ratafia  de  fruits  rouges,  un  des  plus  simples 
et  des  plus  agréables,  car  il  n’est  plus  guère 
question  des  ratafias  de  brou-de-noix  et  de 
cassis,  et  qui  n’ont  d’agrément  que  celui  de 


24o  l’art  de  composer 

leur  arum , et  qui  n’ont  point  de  vertus  : celie 


même  du  cassis  est  suspecte. 

Cerises,  groseilles  et  framboises , tels  sont 
les  fruits  qui  entrent  dans  le  ratafia  de  fi  uns 
rouees.  Les  proportions  sont  : de  cerises,  huit 
livres ; groseilles , quatre;  framboises,  deux. 
Cette  quantité  de  fruit  rend  à peu  près  dix 
livres  ou  cinq  pintes  de  suc.  On  y ajoute  : 
eau-de-vie,  cinq  pintes,  cassonnade,  deux 
livres  et  demie.  On  peut  augmenter  le  sucre, 
si  on  veut  une  liqueur  plus  édulcorée , ou  si 
les  fruits  ne  sont  pas  très-mûrs,  et  consé- 


quemment point  assez  sucres. 

On  met  dans  une  bassine , sur  le  feu , la 
groseille  égrenée  , la  cerise  , écrasée  et  les 
noyaux  concasses  avec  le  sucre , on  fait  pi  cn- 
dre  deux  ou  trois  bouillons  pour  cie\ei  la 
groseille,  et  on  verse  le  tout  dans  une  cru- 
che où  l’on  a mis  l’eau-de-vie,  la  framboise 
entière,  auxquelles  on  ajoute,  pour  paim- 
mer  le  ratafia , de  l’œillet  qui  porte  ce  nom , 
ou  du  girofle  qui  en  tient  lu  u. 

En  faisant  préalablement  cuire  les  fruits, 
c’est  le  ratafia  de  Teisserc , car  on  peut  ega- 
lement le  faire  à froid  en  écrasant  les  fruits 

à la  main. 

On  passe , on  exprime  fortement  le  marc  , 
et  on  filtre  à la  chausse. 


11 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  2^1 

ïl  m’a  été  demandé,  au  nom  d’une  société 
d'agriculture,  de  publier  quelques  observa- 
tions sur  le  meilleur  parti  à tirer  de  l’abon- 
dance actuelle  des  fruits.  Je  me  fais  un  devoir 
de  répondre  à celte  invitation  3 c'est  d’ailleurs 
un  nouveau  tribut  que  je  paye  avec  plaisir  à 
1 économie  domestique  et  à la  bonne  ména- 
gère, pour  qui  c’est  une  jouissance  si  douce 
de  pouvoir  offrir  à ses  convives  et  à sa  fa- 
mille , de  ces  agrémens,  de  ces  douceurs  do- 
mestiques qui  11e  lui  coûtent  pour  ainsi  dire 
que  des  soins. 

Du  Ratafia  de  la  Ménagère. 

Indiquons  à la  ménagère  un  des  ratafias  les 
plus  agréables  et  les  plus  économiques. 

Dans  une  cruche  de  douze  pintes,  bien 
bouchée  , elle  versera  quatre  pintes  d’eau-de- 
vie  3 le  moment  des  Iruits  arrivé,  elle  emplira 
journellement  sa  cruche  des  cerises,  prunes, 
abricots , pèches , trop  murs  pour  être  ser- 
vis, les  écrasant  à la  main  et  en  concassant 
les  noyaux  : quand  elle  aura  des  restes  de 
compotes,  des  écumes,  des  marcs  de  confi- 
tures, elle  les  ajoutera  à sa  provision,  ainsi 
que  Je  cœur  des  poires  dans  leur  tems.  Après 
la  saison  des  fruits , elle  passera  son  ratafia . 

Q 


242  l'art  de  composer 
en  exprimera  fortement  le  marc,  sur  lequel 
elle  versera  deux  ou  Irois  pintes  de  vin  poiu 
l’exprimer  de  nouveau.  Elle  laissera  reposer 
sa  liqueur  et  la  filtrera  à la  chausse  3 elle  pourra 
ajouter  à son  eau-de-vie  un  peu  de  cannelle, 
de  feuilles  de  pêcher  ou  d’œillets  à ratalia , 
afin  de  le  parfumer.  11  sera  bien  suffisamment 
sucré  : ainsi,  avec  quelques  pintes  d eau-dc- 
vie  et  du  fruit  perdu , elle  se  procurera  un 

joli  ratafia. 

Des  Pruneaux . 

Je  termine  cet  article  par  recommander 
la  préparation  en  pruneau , de  la  prune  de 
reine-claude  ; il  n’y  en  a pas  qu’on  puisse  lui 
comparer , crus  ou  cuits  : les  plus  renom- 
més 11e  valent  pas  celui  de  reine-claude. 

r 

DIVERSES  PREPARATIONS 
DE  LA  GROSEILLE. 

La  groseille  est  de  tous  les  fruits  celui  qui 
offre  le  plus  d’agrément  à l’économie  alimen- 
taire , et  de  ressources  à la  bonne  ménagère  * 
en  même  terns  qu’il  offre  à la  médecine  un 
remède  aussi  salutaire  qu’agréable  3 l’écono- 
mie et  la  médecine  emploient  la  groseille  de 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  245 

la  même  manière  : ce  sont  les  mêmes  prépa- 
rations : le  fruit , comme  aliment  léger  * le 
suc  , exprimé  et  étendu  dans  l’eau , comme 
boisson  : c’est  souvent  la  seule  que  la  méde- 
cine ordonne  dans  les  fièvres  ardentes  , et 
surtout  dans  les  fièvres  putrides  5 elle  en  pré- 
pare un  sirop  qui  enQ-e  dans  les  tisanes , les 
apozèmes  , les  potions  , les  gargarismes  ; 
enfin , la  confiture  de  groseille  ou  sa  gelee 
est  un  des  mets  favoris  de  la  convalescence , 

comme  de  l’enfance. 

• 

La  groseille  a de  commun  avec  le  raisin 
de  se  conserver  «6ur  sa  tige  beaucoup  au 
delà  du  terme  de  sa  maturité  ; ils  y acquièrent 
même  une  maturité  secondaire  qui  combine 
et  atténué  lucide  de  ces  fruits  , de  manière 
à les  rendre  beaucoup  plus  doux  et  plus 
agréables. 

Le  groseillier  a de  plus  l'avantage  de  croître 
à toutes  les  expositions  , en  sorte  qu’en 
contre-espaliers  , au  sud-est , le  fruit  mûrit 
un  mois  plus  toi  que  celui  qui  est  au  nord  ; 
avec  Je  soin  d’abriter  , pendant  les  fortes 
chaleurs  du  jour  , les  groseillers  exposés  au 
nord  , et  en  les  empaillant  , on  peut  con- 
server la  groseille  jusqu’aux  gelées,  et  b’est 
jouir  de  ce  fruit  sur  l’arbre  pendant  cinq  ou 
six  mois. 

Q ^ 


244 


l'art  de  composer 


Groseilles  'poudrées  ou  glacees. 


On  sert  souvent  ce  fruit  poudre  ou  g^acé 
de  sucre  : ce  n’est  pas  la  manière  la  plus 
agréable  de  le  manger  3 c’est  une  petite  re- 
cherche d’apprêt  et  de  luxe  que  le  palais 
n’avoue  pas  3 le  sucre  se  fond  d’abord  dans  la 
bouche,  et  rend  plus  sensible  l’aciditc  du  fruit. 

La  groseille  mûre  , égrenée  , saupoudrée 
de  sucre  est  trcs-agréable  3 elle  Pest  infini- 
ment plus  , mêlée  à la  fraise  et  à la  fram- 
boise, qui  lui  donnent  leur  arôme  , et  à qui 
elle  donne  son  acide  plus  prononcé  , en  soi  te 
que  ces  fruits  s’allient  parfaitement  pour  le 
goût  et  l’odorat.  Voilà  la  compote  froide. 

Mais  on  ne  peut  pas  se  dissimuler  que  les 
fruits  verts  n’aient  quelque  inconvénient 
pour  beaucoup  d’estomacs  , surtout  chez 
ks  enfans,  les  femmes,  les  vieillards  et  les 

malades. 


On  est  assez  généralement  tenté  de  man- 
ger les  fruits  sur  l’arbre  3 et  c’est  une  tenta- 
tion à laquelle  il  est  bon  de  résister  3 car 
souvent  on  a à se  reprocher  d’y  succomber, 
indépendamment  de  ce  que  le  fruit  mangé 
à l’arbre  est.  infiniment  moins  agréable  que 
xelui  cueilli  à l’avance  3 011  aperçoit  une 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc. 

belle  pêche  à l’espalier,  l’eau  en  vient  à la 
bouche  3 on  la  détache  , et  on  la  mange 3 
mais  frappée  des  rayons  du  soleii  , et  con- 
séquemment  toute  chaude  et  sans  par  uni , 
combien  elle  eût  été  préférable,  cueillie  de 
la  veille  et  attendue  ! 

M.  de  Machault  , qui  aimait  singulière- 
ment la  pèche  , et  qui  avait,  à Arnonviilc, 
les  plus  beaux  espaliers  de  ce  fruit  : n’en 
mangeait  qu  après  vingt -quatre  heures  de 
séjour  à la  fruiterie.  En  effet,  le  fruit  détaché 
de  l’arbre  et  déposé  dans  un  lieu  fra's  , y 
acquiert  celte  maturité  secondaire  que  la  vé- 
gétation ne  sait  pas  donner,  et  qu’on  obtient 
du  tems  seul  3 les  principes  constiluans  se 
combinent , l’arome  se  développe  , le  fruit 
devient  fondant.  .Le  cueillez-vous  fondant  ? 
il  est  sans  parlum.  Les  pommes,  les  poires 
d’hiver  , qu’on  conserve  dans  les  fruitiers , 
et  qui  ne  sont  bonnes  à manger  qu’après  un, 
deux, et  souvent  six  mois, sont  cueillies  mûres  3 
la  queue  se  fane,  se  détache  de  l’arbre  : elles 
ont  acquis  toute  la  maturité  de  végétation  3 
mais  il  leur  faut  celle  du  tems  pour  combiner 
leurs  priucjpcs  constituans  et  en  développer 
le  goût  et  la  saveur  exquise  qui  caractérisent 
la  crézane , le  saint-germain,  le  bery-chau- 


346  l’art  de  composer 


martel  , la  royale  d’hiver  , le  bon  -chré- 
tien , etc. 

La  pomme  d’api , de  fenouillet  et  de  rei- 
nette , prennent  beaucoup’ de  suc  qui  n exis- 
tait pas  au  moment  de  la  cueillette  3 c est  la 
maturité  du  tems  qui  développe  et  combine 
les  principes  qui  composent  la  matière  sucrée 
dans  l’un  et  l’autre  de  ces  fruits.  Le  cidre 
ne  serait  pas  aussi  sucré  sans  la  maturité 
secondaire  de  la  pomme.  \ oila  pour  la  sen- 
sualité. Maintenant  voyons  pour  la  santé. 

Les  cerises  que  vous  mangerez  au  pied,  du 
cerisier  , et  qui  vous  donneront  des  aigi  eui  s , 
des  tranchées  5 quelquefois  un  mouvement 
de  dyssenterie , cueillies  aujourd  hui  et  man- 
gées demain  deviendront  un  aliment  noui  - 
rissant , rafraîchissant , salutaire  , et  tout  au 


plus  légèrement  laxatif  en  même  tems  que- 
beaucoup  plus  agréable. 

C’est. pourquoi  l’epoque  des  fruits  dans  les 
campagnes  devient  souvent  celte  nalïcctions 
fébriles  et  dyssentériques  parte  désordre  que 
jette  dans  les  premières  voies  ce  caractère 
de  fruits  crus  , surtout  lorsqu’ils  n’ont  pas 
acquis  même  leur  maturité  de  végétation. 

Cette  petite  dissertation  me  rappelle  une 
anecdote.  Franklin  était  dans  son  jardin , a 
Passy  3 j’allai  l’y  rejoindre  : il  était  près  d un 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  ll\J 

cerisier  nain  , et  mangeait  des  cerises  ; je  lui 
tins  compagnie  pour  une  douzaine  seulement  3 
il  continuait  et  m’invitait  à en  faire  autant  : 
moi  je  l’invitai  à cesser,  en  lui  observan’t 
que  les  fruits  mangés  à l’arbre  avaient  une 
sorte  de  gaz  végétatif,  souvent  préjudiciable;  et 
que  d’ailleurs  les  cerises  n’étaient  pas  parfai- 
tement mûres.  Nous  nous  promenâmes.  Je 
lui  développai  cette  opinion  : il  en  parut 
frappé  , et  convînt  qu’en  effet  il  avait  été 
quelquefois  dupe  de  ces  petites  débauches 
de  fruits. 

Au  bout  d’une  heure  nous  repassâmes  de- 
vant le  cerisier  ; Franklin  en  cueillit  quelques- 
unes  ; je  lui  rappelai  mon  gaz  végétatif  et  le 
défaut  de  maturité  : vous  avouerez , mon  ami , 
me  répondit  Franklin,  qu’elles  sont  main- 
tenant un  peu  plus  mûres.  11  faisait  une 
chaleur  étouffante  : cette  réponse  donne  une 
idée  de  la  gaîté  enfantine  qui  caractérisait 
ce  philosophe. 

Revenons  à notre  compte.  C’est  ainsi  qu’en 
posant  un  titre  , on  ne  sait  pas  où  il  mène  ; 
mais  cette  digression  éclaircira  plusieurs  per- 
sonnes sur  l’abus  des  fruits  crus. 


* 


l’art  de  composer 


243 

Compote  cuite  de  Groseilles. 

Prenez  un  quarteron  de  groseilles  égre- 
nées 3 exprimcz-cn  le  sue  3 mettez-le  sur  un 
feu  doux  , avec  un  quarteron  de  groseilles 
en  grappes  mures  , sans  l’être  trop.  Ayez 
deux  ou  trois  onces  de  sucre  concassé  , selon 
qu’on  voudra  la  compote  plus  ou  moins 
sucrée  , mettez  le  sucre  peu  à peu  dans  voire 
compote  pour  que  la  groseille  prenne  in- 
sensiblement sucre  : elle  le  prendrait  diffi- 
cilement sans  cetie  précaution.  Quand  la  com- 
pote aura  jeté  cinq  ou  six  légers  bouillons, 
elle  sera  faite,  et  la  groseille  aura  conserve 
sa  forme. 

Si  c’est  pour  un  estomac  délicat,  parfumez- 
la  , en  la  dressant  dans  le  compotier , d’une 
pincée  de  sucre  à la  vanille  , ou  au  girolle. 

N.  B.  Les  aromates  ne  doivent  point  bouil- 
lir. Ce  degré  de  chaleur  leur  enlève  leur 
arôme  , ils  11e  laissent  que  leur  àcreté  , au 
lieu  de  donner  leur  parfum  3 d ailleurs, 
une  portion  de  ces  aromates  , réduite  en 
poudre , parfume  plus  que  le  quadruple  non 
pulvérisé  3 en  sorte  qu  d y a de  1 économie 
à les  employer  sous  cette  première  forme. 


les  liqueurs  de  table,  etc.  249 

Nous  indiquerons,  paria  suite,  ces  légères 
préparations. 

Compotes  cuites  de  Groseilles , de  Fraises 
et  Framboises. 

On  aura  égrené  pour  cette  compote  le 
quarteron  de  groseille  qu’on  mettra  dans  le 
suc  de  la  groseille  ; la  dose  de  sucre  sera 
de  trois  onces;  cette  compote , cuite  comme 
la  précédente , on  la  retirera  du  feu  bouil- 
lante , et  on  y jetera  quatre  ou  cinq  cuille- 
rées à bouche  de  fraises  et  une  de  framboises; 
on  agitera  les  fruits  avec  la  cuiller  pendant 
un  moment;  on  dressera  dans  le  compotier, 
qu’on  tiendra  couvert  et  laissera  dans  un 
endroit  frais  ; au  moment  de  servir  la.-  com- 
pote, on  l’agitera  de  nouveau;  la  fraise  et  la 
framboise  auront  par  ce  moyen  conservé 
tout  leur  parfum  , en  sorte  qu’on  n’a  point 
à 1 aromatiser  comme  celui  des  groseilles. 

De  la  Gelée  de  Groseilles. 

Nous  avons  dit  que  la  gelée  de  groseilles  ap- 
partenait a la  table  comme  une  des  confi- 
tures les  plus  agréables  , et  à la  médecine 
comme  aliment  et  remède;  sous  ce  double 
rapport  il  faut  la  bien  préparer , et  c’est  la 


a5o  l’art  de  composer 

chimie-pharmaceutique  qui  seule  peut  uti- 
lement présider  à l’art  de  la  cuisine  et  de 
l’office.  La  pharmacie  se  définit  la  science 
qui  apprend  à connaître  , a choisir  , a pré- 
parer , à mêler  et  à conserver  les  médica- 
mens.  Changez  le  mot  médicament  en  subs- 
tances alimentaires , c’est  la  définition  de  lart 
de  la  cuisine  et  de  l’office. 

11  y a beaucoup  de  manière  de  faire  mal 
une  chose , il  n’y  en  a qu’une  de  la  faire  bien  3 
tout  ménage  fait  de  la  gclee  de  groseilles  3 îa- 
rementelle  estbien  faite,  et  cela  par  suite  d une 
économie  mal  entendue,  qui  consiste  a ne 
mettre  que  demi- livre  ou  trois  quarterons  de 
sucre  par  livre  de  fruit  ; on  exprime  les  sucs 
de  la  groseille  , on  fait  bouillir  long-tems  pour 
arriver  au  degré  de  cuisson  3 il  en  résulte  plus 
de  dépense  en  peine , en  teins , en  feu  3 on  a 
une  confiture  sans  saveur  , sans  odeur  , de 
couleur  et  de  consistance  de  sang  caillé. 

Voici  donc  la  manière  de  la  préparer. 

Prenez  groseilles  rouges  avant  leur  point 
de  maturité  parfaite,  dix  livres 3 sucre,  dix 
livres  : épluchez  la  groseille,  et  concassez  le 
sucre  3 mettez  l’un  et  l’autre  dans  la  poêle  à 
confiture  écurée  sur  un  feu  clair  et  vif. 

Faites  prendre  un  bouillon  couvert , c est- 
à-dire  , attendez  que  le  bouillon  qui  coin- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2$! 

mence  à se  former  sur  les  bords , s’étende  et 
couvre  toute  la  surface  de  la  poele  3 retirez 
alors  la  poele  du  feu  , et  coulez  sur  un  tamis 
de  crin  3 laissez  égoutter  sans  exprimer  3 ver- 
sez dans  vos  pots  : sans  autre  clarification  que 
le  parenchyme  de  la  groseille  qui  enveloppe 
les  légères  impuretés  du  sucre  , on  a la  gelée 
la  plus  transparente. 

Si  on  veut  parfumer  sa  gelée  avec  l’odeur 
de  framboises , on  étend  sur  le  tamis  une  livre 
de  framboises  épluchées,  et  on  verse  dessus  la 
la  confiture  toute  bouillante.  Si  011  veut  avoir 
un  goiit  plus  prononcé  de  framboises  , on  en 
mettra  deux  livres  3 mais  alors  on  diminuera 
de  deux  livres  la  quantité  de  groseilles , pour 
ne  pas  trop  s’écarter  de  la  proportion  des  par- 
ties égales  de  sucre  et  de  fruits.  On  peut  ex- 
primer le  marc  sur  un  autre  vase  3 cette  por- 
tion de  gelée  , toute  aussi  bonne  au  goût , a 
de  l’opacité  et  altérerait,  si  on  11e  la  mettait 
pas  à part,  la  transparence  de  la  totalité 3 ou 
bien  011  lave  le  marc  dans  l’eau  pour  en  faire 
de  1’  eau  de  groseille. 

Cette  gelée  a la  couleur  du  rubis,  elle  en  a 
la  transparence  3 on  y retrouve  toute  la  sa- 
veur et  toute  1 odeur  de  la  groseille  3 elle  est 
beaucoup  plus  salutaire  pour  la  convales- 
cence et  pour  l’enfance,  parce  que  le  fruit  a 


2$2  i/art  de  composer 

perdu  le  moins  possible , et  qu’il  n a subi  1 ac- 
tion du  feu  que  le  tems  su fïisant  pour  en  ex- 
traire et  en  combiner  les  principes,  Elle  se 
conserve  pendant  plusieurs  années  j enfin  ebe 
est  plus  facile  à faire,  et  peut-être  plus  éco- 
nomique que  par  tout  autre  procédé. 

Du  Marc  des  Confitures. 

Le  marc  des  groseilles  et  des  framboises  , 
après  avoir  été  ou  non  légèrement  exprime  , 
peut  s’employer  à tous  les  usages  de  la  gro- 
seille. Mis.dans  un  pot , il  se  conserve  comme 
la  confiture  même  : on  en  fait  de  1 eau  de 
groseille.  Si  c’est  dans  la  saison  de  ce  fruit , 
on  prend  partie  égale  de  ce  marc  et  des  gro- 
seilles qu’on  exprime  , on  étend  le  tout  dans 
une  suffisante  quantité  d’eau,  on  filtre  a la 
chausse  , et  on  a une  boisson  d’un  rouge  plus 
foncé  et  plus  agréable  que  n’est  l’eau  de  gro- 
seille faite  avec  le  fruit  seulement  exprime  j 
plus  colorée,  parce  que  l'ébullition  de  la  gro- 
seille avec  le  sucre  enlève  toute  la  partie  colo- 
rante qu’on  n’obtient  pas  de  ce  h uit  par  1 ex- 
pression 3 plus  agréable,  parce  que  la  cuisson 
développe  tout  l’arome.  Il  en  sera  de  meme 
des  glaces  que  l’on  fera  avec  ce  sorbet  ; elles 
seront  plus  colorées  et  plus  parfumées  . on  ne 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  253 

se  fait  pas  d’idée  de  la  différence  pour  la  cou- 
leur et  la  saveur  des  glaces  faites  avec  un  sor- 
bet de  fruit  cuit. 

JXous  11e  parlerons  du  sirop  de  groseilles 
que  pour  condamner  cette  préparation. 

Le  suc  de  la  groseille  et  le  sucre  font  na- 
turellement gelée  j et  pour  obtenir  ce  sirop 
dans  un  état  de  fluidité,  il  faut  faire  subir  au 
fruit  un  commencement  de  fermentation  qui, 
mi-acide , mi-spi  ri  tueuse  , en  altère  la  couleur, 
la  saveur,  le  goût  et  le  principe  acide,  c’est- 
à-dire  , que  le  sirop  ne  participe  plus  des 
propriétés  du  fruit , et  que  les  effets  médici- 
naux ne  sont  plus  les  mêmes.  Ajoutons  que 
le  sirop  de  groseilles  n’est  pas  une  boisson 
agréable  , ou  qu’au  moins  on  n’y  trouve  rien 
de  ce  qui  appartient  à ce  fruit. 

Le  véritable  sirop  de  groseilles,  c’est  notre 
gelee  j etendue  dans  I eau , son  état  gélatineux 
se  perd  en  un  instant,  à l’aide  de  la  plus  lé- 
gère agitation  ; on  en  met  une  ou  deux  cuil- 
lerées dans  un  bol  de  faïence  , on  la  bat  avec 
la  cuiller,  et  c’est  du  sirop 3 mais  un  sirop 
doué  de  tout  ce  que  l’autre  a perdu  par  un 
commencement  de  fermentation  5 il  a conser- 
vé son  acide  , sa  couleur,  son  arôme  , et  tout 
l’agrement  du  iruit.  Le  sirop  de  groseilles  et 


118 


254  l’art  de  composer 

notre  gelée  donnent  deux  boissons  qui 
peuvent  pas  se  comparer  j il  suffit  de  verser 
sur  notre  gelée  battue,  de  l’eau , et  elle  s y dis- 
sout complètement,  propriété  que  n’ont  pas 
les  gelées  faites  par  d’autres  procédés,  et  qui 
ont  une  consistance  couenneuse  qui  s’oppose 
à leur  solution  complète.  Nous  invitons  donc 
à 11e  pas  surcharger  les  détails  de  l’office  de 
la  mauvaise  préparation  connue  sous  le  nom 
de  sirop  de  groseilles , et  à augmenter  la  pro- 
vision de  gelée  en  pi'oportion  de  la  consom- 
mation du  sirop. 

D’ailleurs,  notre  gelée  procure  à toutes 
les  époques  de  l’annee  , un  sorbet , poui 
glace  de  groseille  et  framboise,  absolument 
égal  à celles  qu’on  prépare  dans  la  saison 
de  ces  fruits  5 et  certainement  un  sorbet  de 
sirop  de  groseille  ferait  de  bien  mauvaises 

places. 

O 

Des  Confitures  épépinées  à Bar. 

Quant  aux  confitures  épépinées  de  Bar, 
qui  sont  fort  bonnes  , mais  fort  chères  , on 
peut  les  faire  également  bonnes.  La  pro- 
portion du  fruit  et  du  sucre  est  la  même  : 
On  épépine  ou  on  achète  la  groseille  épé- 


les  liqueurs  DE  TABLE  , etc.  255 

pince  5 on  clarifie  , on  cuit  son  sucre  à la 
plume  , et  on  y jette  sa  groseille  ; au  bout 
de  cinq  minutes  on  retire  la  poêle  du  feu  , 
et  on  verse  dans  des  pots  de  verre  , tels  que 
ceux  de  Bar. 

Les  confiseurs  mêmes  de  Bar  s’y  trompe- 
raient , parce  qu’enfîn  ce  qu’on  fait  là  , on 
peut  le  faire  ailleurs  : de  la  groseille  , du 
sucre  , et  du  fruit  sont  partout  les  mêmes. 
11  n’y  a de  différence  que  dans  le  prix 
qu’augmentent  les  petits  bocaux  de  verre, 
la  boîte  , 1 emballage  et  le  port.  D’ailleurs  , 
pour  se  donner  l’air  de  magnificence  de  tipcr 
de  Bar  même  ces  confitures , on  peut  les 
dresser  dans  les  petits  bocaux  de  ce  pays. 
Plus  d’un  maître  d’hôtel  profitera  de  la  leçon , 
et  fera  payer  des  confitures  de  Bar  faites  à 
l’office  de  son  maître. 

On  fait  les  confitures  avec  la  groseille 
rouge  ou  blanche , égrappée  ou  non  égrap- 

pée. 

Confiture  de  Groseilles  à froid . 

Quelques  personnes  vantent  la  gelée' de 
groseilles  à froid  : pour  la  faire  , on  prend 
poids  égal  de  suc  de  groseilles  et  de  sucre 


256  l’art  de  composer 

pulvérisé;  on  agite  avec  une  cuiller  jusqu’à 
ce  que  le  sucre  soit  fondu  ; on  verse  dans 
des  pots,  et  sous  peu  de  jours  le  mélange 
prend  une  consistance  de  gelée.  Mais  cetie 
gelée  est  infiniment  moins  agréable  que  celle 
dont  nous  avons  donne  la  recette. 

Elle  est  constamment  opaque  , parce  que 
ni  le  suc  , ni  le  sucre  n’ont  été  clarifiés,  ce 
qu’opère  le  parenchyme  du  Iruit  dans  noire 
légère  ébullition  ; elle  n’a  ni  couleur  ,,  ni 
parfum.  Si  c’est  la  groseille  blanche  qu  on 
emploie  , on  sait  quelle  a peu  d’arome. 
L’acide  de  la  confiture  fuite  à froid  est  beau- 
coup trop  marqué  ; enfin  il  arrive  souvent 
que  cette  confiture  ne  se  garde  point. 

des  sirops. 

Jusqu’à  présent  nous  n’avons  parle  que  des 
liqueurs  spiritueuses  ; il  est  une  autre  espèce 
de  composés  très-agréables  et  même  salutaires 
dans  tonies  les  saisons  de  l’année , mais  p us 
particulièrement  dans  les  grandes  chaleurs 
d’été  , au  moyeu  desquels  on  se  désaltéré 
promptement , et  à peu  de  frais;  ce  sont  les 
sirops.  Ces  sirops  sonten  très-grand  nombre  ; 
on  peut  considérer  les  uns  comme  purement 
agréables,  les  autres  comme  d’exccllens  re- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2^ 

mèdes  ; nous  ne  parlerons  de  ces  derniers 
qu’autant  qu’ils  aifront  un  rapport  direct  avec 
les  premiers. 


Sirop  de  Citron. 

Exprimez  des  citrons  jusqu’à  la  concur- 
îence  de  huit  onces  de  suc  ; ce  suc  ne  sera 
point  clair,  il  aura  un  œil  louche;  laissez-le 
reposer  quatre  jours  à la  cave,  après  quoi, 
passez-le  parle  papier  joseph  jusqu’à  ce  qu’il 
soit  clair;  laites  bien  attention  à ce  qu’il  ne 
moisissse  pas  , car  il  y est  fort  sujet;  prenez 
ensuite  quinze  onces  de  sucre,  cassez-le  en 
petits  morceaux  gros  comme  le  pouce,  mettez- 
le  de  la  sorte  dans  un  malras  de  deux  ou  trois 
pintes;  versez  par-dessus  votre  sucre , le  suc  de 
citron  bien  clarifié  au  moyen  du  papier,  bou- 
chez l’orifice  du  matras  avec  un  papier,  et 
placez-le  sur  le  feu,  au  bain-marie,  ou  bien 
faites  fondre  votre  sucre  dans  un  vase  d’ar- 
gent ou  de  faïence  à une  douce  chaleur.  Il  n’est 
pas  nécessaire  de  pousser  le  feu  jusqu’au  de- 
gré de  l’eau  bouillante , une  chaleur  plus  mo- 
dérée suffira  pour  opérer  la  dissolution  du 
sucre;  aussitôt  que  vous  vous  apercevrez  que 
cette  dissolution  est  complète , laissez  éteindre 
le  feu  et  refroidir  le  matras  ; quand  il  sera  pres- 

R 


258  l’art  de  composer 
que  froid  ? vous  aromatiserez  votre  sirop  avec 
une  bonne  cuillerée  d’esprit  de  citron.  Cela 
fait,  vous  verserez  votre  sirop  dans  des  bou- 
teilles. Le  sirop  de  grenade  se  fait  de  même. 

Sirop  Violât. 

Pilez  , mais  très-légèrement  dans  un  mor- 
tier de  marbre,  et  avec  un  pilon  de  bois,  une 
livre  de  fleurs  de  violettes  bien  mondées  de 
leurs  queues  et  de  leurs  calices;  la  violette 
des  jardins  est  préférable  à la  violette  des 
champs  ou  des  bois.  Ayant  légèrement  pilé 
vos  fleurs,  mettez-les  dans  une  cucuibite 
d’étain , ou  dans  un  vase  de  faïence , versez 
par-dessus  deux  livres  d’eau  bouillante , bou- 
chez exactement  le  vaisseau  dans  lequel  vous 
avez  mis  vos  fleurs  infuser;  placez-le  sur  la 
cendre  chaude  , et  faites  durer  l’infusion  pen- 
dant douze  heures,  après  quoi  passez  l’infu- 
sion au  travers  d’une  serviette , en  la  pressant 
fortement  pour  en  enlever  toute  la  teinture  ; 
laissez  reposer  ce  produit  pendant  une  demi- 
heure,  décantez  la  liqueur  par  inclinaison 
pour  séparer  un  peu  de  fécule  qui  se  sera 
précipitée  au  fond;  pesez-la , vous  en  trou- 
verez à peu  près  dix  - sept  onces  ; pour  ces 
dix-sept  onces , prenez  deux,  livres  de  sucre  ; 


LES  LIQUEURS  DE  TA  BLE,  CtC.  2^Q 

vous  le  concasserez,  vous  le  mettrez  dans  vo- 
ire vase,  vous  verserez  par  - dessus  vos  dix- 
sept  onces  d’infusion  de  fleurs  de  violettes  3 
vous  boucherez  bien  , et  vous  le  placerez 
au  bain-marie , à un  feu  bien  modéré  3 il  fau- 
dra remuer  de  teins  en  teins  pour  accélérer  la 
dissolution  du  sucre.  Votre  sucre  étant  dis- 
sous , laissez  éteindre  le  feu  et  refroidir  Je 
sirop  ; alors  vous  pourrez  Je  verser  dans  des 
bouteilles. 

Les  sirops  d’oeillet , de  fleur  d’orange  , de 
coquelicot  se  font  de  même. 

Sirop  de  Groseilles. 

Prenez  deux  livres  de  groseilles  un  peu 
avant  quelles  ne  soient  tout  à fait  mûres  , 
une  livre  de  belles  cerises  et  autant  de  fram- 
boises , otez-en  les  noyaux  et  tout  ce  qu’ii  y 
a de  vert  dans  ces  fruits,  exprimez-en  le  suc 
dans  une  terrine  , passez  ce  suc  par  un  tamis , 
et  laissez-le  reposer  pendant  deux  fois  vingt- 
quatre  heures,  après  quoi  passez-!e  par  la 
chausse  jusqu  a ce  qu’il  soit  parfaitement 
clair.  Le  parfum  de  la  framboise  est  assez  vo- 
latil 3 il  pourra  bien  arriver  que  votre  suc 
n en  soit  que  très-faiblement  imprégné.  Pour 

R 2 


260  l’art  de  composer 
remédier  à ce  défaut , prenez  une  certaine 
quantité  de  framboises  bien  mûres  , c est-à- 
dire  , proportionnellement  à la  quantité  de 
suc  bien  clarifié  que  vous  aurez  obtenu  3 met- 
tez infuser  ces  framboises  dans  votre  suc 
pendant  trois  ou  quatre  jours , après  quoi  ver- 
sez le  tout  sur  un  tamis  de  soie , laissez  filtrer 
tranquillement  la  liqueur  sans  presseï  la  fi  am- 
boise.  Pour  huit  onces  de  ce  suc  , prenez 
quinze  onces  de  sucre  concasse,  mettez  1 un 
et  l’autre  dans  un  matras,  ou  dans  tout  autre 
vase , d’abord  le  sucre , ensuite  le  suc  3 placez 
le  malras  au  bain-marie  sur  un  feu  modéré  3 
quand  le  sucre  sera  tout  à fait  fondu , vous 
laisserez  éteindre  le  feu  et  refroidir  le  vaisseau, 
après  quoi  vous  verserez  le  sirop  dans  des 
bouteilles. 

Autre  manière  défaire  le  même  sirop. 

Préparez  votre  suc  de  fruit , comme  nous 
l’avons  dit  3 mais  au  lieu  de  la  dose  de  sucre 
que  nous  avons  prescrite  , contentez-vous  de 
mettre  une  demi-livre  de  sucre  en  poudre  sur 
une  chopine  de  suc  3 mettez  tout  simplement 
votre  sucre  et  votre  suc  dans  une  poêle  à 
confiture  3 votre  sucre  étant  bien  fondu , don- 


à 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  ^6l 

nez  quelques  bouillons  couverts  à votre  si- 
rop, retiraz-le  du  feu,  et  étant  presque  re- 
froidi , vous  le  mettrez  en  bouteilles. 


Sirop  de  Vinaigre» 


Prenez  un  bocal  de  verre,  ou  bien  une 
• * 

cruche  de  grès  \ faites  infuser  dans  une  pinte 
et  demie  ou  deux  jointes  de  bon  vinaigre , 
autant  de  framboises  bien  mûres  et  bien  éplu- 
chées qu’i:  p entrer , sans  que  le  v'uai- 

gi e surnage  $ après  huit  jours  d’infusion 
versez  tout  à la  fois  et  le  vinaigre  et  les  fram- 


boises sur  un  tamis  de  soie  , laissez  librement 
passer  la  liqueur  sans  presser  le  fruit  • votre 
vinaigre  étant  bien  clair  et  bien  imprégné  de 
l’odeur  de  la  framboise , vous  en  prendrez 
seize  onces,  et  pour  ces  seize  onces,  vous 
prendrez  trente  onces  de  sucre  que  vous  con- 


casserez grossièrement  • vous  le  mettrez  dans 


un  vase  de  faïence , vous  vçrsercz  votre  vi- 
naigre aromatisé  par-dessus,  vous  bouche- 
îez  bien,  et  vous  le  placerez  au  bain-marie , 
à un  feu  très-modéré  5 aussitôt  que  le  sucre 
sera  fondu,  laissez  éteindre  le  feu,  et  votre 
sirop  étant  presque  refroidi , vous  le  mettrez 
en  bouteilles,  que  vous  boucherez  bien. 


i 


Sirop  de  Verjus. 


Prenez  du  verjus  bien  vert,  écrasez-Ie  dans 
une  terrine,  passez -le  d’abord  au  tamis , et 
ensuite  par  le  papier  joseph,  jusqu’à  ce  qu  il 
soit  clair  3 faites  cuire  ensuite  six  livres  de 
sucre  au  perlé  3 versez  dans  la  poêle  etsui  le 
sucre  cuit  au  degré  que  nous  venons  de  dire , 
trois  livres  de  suc  de  verjus  3 laissez  refroidit 
votre  sirop  3 meltez-le  ensuite  en  bouteilles. 

Sirop  de  Mûres. 

Prenez  deux  livres  de  mûres  un  peu  avant 
leur  parfaite  maturité,  parce  que  si  vous  at- 
tendiez qu’elles  lussent  parfaitement  mûres  , 
votre  sirop  serait  trop  fade,  et  pour  être  bon 
il  doit  être  un  peu  aigrelet  3 réduisez  en  pou- 
dre fine  deux  livres  de  sucre  , que  \ ous  met- 
trez dans  une  poêle  à confiture  avec  les  deux 
livres  de  mûres  3 donnez-vous  bien  de  garde 
d’écraser  le  fruit , votre  sirop  resterait  trou- 
ble 3 mettez  la  poêle  et  ce  quelle  contiendra 
sur  un  feu  très-modere  3 la  chaleur  Ici  a bien 
lot  crever  les  mûres  qui , par  ce  mo)  en,  ren- 
dront tout  leur  suc  parfaitement  clair,  etee  suc 
dissoudra  le  sucre  en  poudre  3 laites  prendre 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  eîC.  2<S5 

quelques  bouillons  au  mélange  ; vous  recon- 
naîtrez le  juste  degré  de  cuisson,  en  faisant 
tomber  d’un  peu  haut,  et  sur  une  assiette  de 
faïence , du  sirop  que  vous  aurez  pris  dans 
une  cuiller;  s’il  n’éclabousse  point , et  qu’il 
fasse  comme  un  petit  bourlet  autour  dê  l’en- 
droit où  il  sera  tombé,  vous  jugerez  qu’il  est 
suffisamment  cuit.  Retirez  pour  lors  la  poêle 
du  feu , et  lorsque  le  tout  sera  à peu  près  re- 
froidi, vous  le  mettrez  en  bouteilles. 

Sirop  de  Coings . 

Prenez  des  coings  bien  mûrs , râpez-en  la 
chair,  passez-la  par  un  linge  pour  en  expri- 
mer le  suc  , laissez-le  rasseoir  au  soleil  ou 
dans  Un  lieu  chaud , jusqu’à  ce  qu’il  ait  déposé 
sa  fécule  ; passez-le  pour  lors  par  la  chausse. 
Votre  suc  étant  bien  clarifié , vous  prendrez 
une  livre  de  sucre  pour  quatre  onces  de  suc 
de  coings;  après  avoir  clarifié  votre  sucre 
selon  l’art  , vous  y verserez  votre  suc  de 
coings  , vous  ferez  cuire  le . tout  au  perlé , 
alors  vous  retirerez  la  poêle  du  feu  , et  le 
sirop  étant  presque  froid  vous  le  mettrez  en 
bouteilles. 


Sirop  de  Pommes. 


U y a un  sirop  de  pommes  fort  en  usage 
dans  la  pharmacie  3 ce  n’est  point  celui  que 
nous  allons  décrire  : nous  ne  donnerons  ici 
que  le  sirop  de  pommes  simple  et  de  pur 
agrément.  Prenez  six  belles  pommes  de  rei- 
nette , pelez-ies  et  coupcz-les  par  petits  mor- 
ceaux, mettez-les  dans  un  vase  de  faïence  avec 
trois  quarterons  de  sucre  en  poudre,  et  trois 
cuillerées  d'eau 3 bouchez  le  vase  etplaeez-le  au 
bain-marie  ou  vous  le  laisserez  pendant  deux 
heures  , le  feu  au  degré  de  l’eau  bouillante  3 
ayez  soin  de  remuer  de  teins  en  tems.  Après 
deux  heures  de  cuisson , laissez  éteindre  le  feu 
et  refroidir.  Quand  le  sirop  sera  presque  froid, 
vous  l’aromatiserez  en  y exprimant  du  suc  de 
citron,  et  en  y ajoutant  une  cuillerée  d’esprit 
de  citron  , ou  si  vous  l’aimez  mieux , une 
cuillerée  d’esprit  de  cannelle,  ou  bien  de  l’eau 
de  fleur  d’orange,  ou  enfin  tel  parfum  qu’il 
vous  plaira.  Vous  pourriez  bien  voir  pour 
lors  une  espèce  deféculese  précipiter  au  fond3 
0 laissez  reposer  le  tout  pendant  quelques  heu- 
res encore  , après  quoi  versez  bien  douce- 
ment votre  sirop  dans  les  bouteilles  3 il  faut 
tâcher  d’opérer  avec  assez  d’adresse  pour  qu’il 
ne  sc  trouble  pas. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  sG5 

Autre  sirop  de  Pommes. 

Vouiez-vous  faire  un  autre  sirop  de  pom- 
mes agréable , mais  qui  ne  se  conserve  p is 
long  - te  ms  ; prenez  la  quantité  qu’il  vous 
plaira  de  pommes  de  reinettes  , coupez-les 
par  rouelles  assez  minces,  rangez-Ies  par  lits 
sur  des  petites  règles  de  bois  fort,  étroites , 
traversant  en  tous  sens  la  terrine  d’un  bord  à 
l’autre  ; commencez  par  faire  un  lit  de  rouelles 
de  pommes,  ensuite  un  lit  de  sucre  en  pou- 
dreet  puis  un  lit  de  rouelles  de  pommes  , et 
encoi e un  lit  de  sucre,  jusqu’à  ce  que  vous 
n’ayez  plus  de  pommes;  portez  votre  terrine 
ai  langée  de  la  sorte  dans  un  lieu  frais,  pen- 
dant vingt-quatre  heures;  le  sucre  ne  man- 
quera pas  de  se  fondre  et  d’entraîner  avec 
lui  tout  ce  qu  il  y a de  plus  savoureux  et  de 
plus  aromatique  dans  la  pomme,  et  vous  aurez 
le  lendemain  un  sirop  très-agréable,  qui  le 
deviendra  encore  davantage  si  vous  Je  par- 
fumez avecl’esprit  de  citron  ou  l’eau  de  fleur 
d’orange. 


Sirop  Capillaire. 

Le  capillaire,  et  nous  n’entendons  parler 


ici  que  du  capillaire  de  Canada , quoique  ce- 
lui de  Montpellier  soit  tout  aussi  bon  ; le  ca- 
pillaire est  un  végélal  qui  contient  un  prin- 
cipe odorant , léger , et  fort  agréable.  Ce  prin- 
cipe,extrêmement  volatil,  se  dissipe  engrande 
partie  pendant  la  cuisson  du  sirop , de  manière 
qu’après  cela  il  ne  reste  guère  que  la  partie 
* extra  tive  de  la  plante.  11  faut  donc  y si  Ion 
désire  conserver  à ce  sirop  l’odeur  du  capil- 
laire; il  faut,  lorsqu’il  est  suffisamment  cuit, 
le  verser  tout  bouillant  sur  du  nouveau  capil- 
laire coupé  grossièrement,  bien  couvrir  le 
vaisseau,  et  le  laisser  ainsi  en  infusion  jus- 
qu’à ce  qu’il  soit  parfaitement  refroidi ; on  le 
passe  ensuite  par  une  étamine  , pour  séparer 

les  feuilles  du  capillaire;  moyennant  celte  dou- 
ble infusion  le  sirop  contracte  le  goût  et 
l’odeur  du  capillaire.  Cette  observation  pré- 
supposée, prenez  une  once  de  capillaire  de 
Canada,  mettez-la  dans  une  terrine  vernissée, 
versez  par-dessus  quatre  livres  d’eau  bouil- 
lante , laissez  durer  l’infusion  pendant  douze 
heures , sur  de  la  cendre  chaude , exprimez 
et  coulez  cette  infusion  ; elle  vous,  donnera 
une  forte  teinture  de  capillaire;  laites  fondre 
dans  cette  teinture  quatre  livres  de  sucre  , 
mettez  le  tout  dans  une  poêle  a confiture , que 
vous  placerez  sur  le  feu,  et  que  vous  claiifie- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  26 1 

rez  au  blanc  d’œuf,  selon  l’art.  Continuez  la 
cuisson;  quand  votre  sirop  sera  cuit,  versez- 
le  promptement  sur  du  nouveau  capillaire , 
que  vous  aurez  mis  dans  une  terrine,  couvrez 
bien  cette  terrine  } et  quand  vous  verrez  que 
le  sirop  se  refroidira , vous  pourrez  l’aroma- 
tiser,si  c’est  votre  goût.  Parfaitement  refroidi, 
mettez-le  en  bouteilles  que  vous  boucherez 
bien. 

Sirop  de  Guimauve. 


Prenez  six  onces  de  racines  de  guimauve 
récente  , lavez-les  à plusieurs  reprises  pour 
bien  en  emporter  toute  la  terre , dtez-en  la 
première  écorce  en  les  ratissant  légèrement, 


coupez-les  par  tranches,  faites -les  bouillir 
dans  trois  ou  quatre  livres  d’eau,  sept  ou  huit 
minutes  seulement,  et  pas  davantage,  parce 
que  les  racines  de  guimauve  en  bouillant  plus 
long-terns  formeraient  un  mucilage  capable 
de  gâter  votre  sirop;  passez  cette  décoction 
par  un  tamis  pour  en  séparer  les  racines  , fai- 
tes-y  fondre  six  livres  de  sucre , clarifiez  le 


mélange  au  blanc  d œuf , comme  nous  l’avons 
dit,  écumez-le  avec  soin,  laites-ic  cuire  au  petit 
perlé;  alors  retirez  promptement  la  poêle  du 
leu  , laissez  refroidir  votre  sirop  , et  mettez-le 
en  bouteilles. 


268 


l’art  de  composer 


h 

Sirop  d’écorce  de  Citron. 

Prenez  cinq  onces  de  zestes  récens  de.  ci- 
tron , mettez-les  dans  un  vase  convenable. 
Versez  sur  vos  cinq  onces  de  zestes  de  citron 
deux  livres  d’eau  presque  bouillante , bou- 
cliez le  vaisseau  exactement,  et  placez-le  sur 
la  cendre  chaude  pendant  douze  heures  ; 
après  ce  teins  , coulez  l’infusion  sans  expres- 
sion des  zestes,  ajoutez  deux  livres  de  sucre 
en  poudre  grossière,  faites  cuire  le  tout  au 
bain  - marie  jusqu’à  ce  qu’il  soit  au  grand 
perlé  ; retirez  pour  lors  votre  sirop  du  leu, 
et  quand  il  sera  à demi-refroidi , vous  aug- 
menterez son  parfum  en  y versant  quelques 
gouttes  d’esprit  de  citron. 

Sirop  d’Orgeat. 

Prenez  neuf  onces  d’amandes  amères  et  au- 
tant d’amandes  douces , jetez-les  dans  1 eau 
bouillante,  mais  hors  du  feu;  il  faut  les  y 
laisser  tremper  un  demi-quart  d heure  , ou 
du  moins  jusqu’à  ce  que  la  peau  puisse  s en 
séparer  facilement;  epluchez-les  pour  lois  , 
et  à mesure  jetez-les  dans  l’eau  lroide  ; après 
quoi  pilez-les  dans  un  mortier  de  marbre  , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  269 

en  y jetant  de  tems  en  teins  une  petite  por- 
tion de  trois  livres  d’eau,  dont  le  reste  doit 
vous  servir  dans  le  cours  de  l’opération  3 ainsi 
pilez  bien  vos  amandes  jusqu’à  ce  qu’elles 
soient  réduites  en  pâte  déliée,  de  manière 
que  l’on  n’aperçoive  aucun  fragment  d’a- 
mandes 3 délayez  cette  pâte  avec  la  plus  grande 
partie  de  l’eau  dont  nous  venons  de  parler  , 
réservez-en  seulement  six  onces  ou  environ  ; 
passez  la  pâte  délayée  au  travers  d’une  toile 
lorte,  au  moyen  de  deux  personnes  qui  l'ex- 
primeront fortement 3 remettez  le  marc  ex- 
primé dans  le  mortier,  pilez -le  de  nouveau 
en  ajoutant  peu  à peu  le  reste  de  l’eau  que 
vous  aurez  réservée  3 passez  de  nouveau  le 
mélangé  par  le  linge,  et  tirez-en  tout  ce  que 
vous  pourrez  par  expression  3 mêlez  vos  deux 
produits  ensemble,  c’est  ce  que  l’on  appelle 
lait  d’amande. 

ivlettez  ce  lait  dans  un  vase  de  faïence  ou 
d argent,  ajoutez  cinq  livres  de  sucre  pilé 
grossièrement,  et  placez  le  tout  au  bain-marie 
ou  sur  les  cendres  chaudes.  Lorsque  le  sucre 
sera  dissous  entièrement,  ce  que  vous  accé- 
lérerez en  remuant  de  tems  en  tems , vous  le 
retirerez  du  feu 3 et  lorsque  le  vaisseau  sera 
presque  refroidi,  vous  aromatiserez  votre  si- 
rop avec  de  l’eau  de  fleur  d orange  ou  de 


370  J/*  ART  DE  COMPOSER 

l’esprit  cle  citron,  ou  avec  un  mélange  de  ces 
deux  substances  dans  les  proportions  de  deux 
parties  de  fleur  d’orange  et  d une  partie  d es- 
prit de  citron.  Pour  les  quantités  de  sirop 
ci_dessus,  on  peut  mettre  deux  onces  d’eau 
de  Heur  d’orange,  et  six  gros  d’esprit  de  ci- 
tron. Cela  fait  , vous  pourrez  passer  le  tout 
au  travers  d’une  étamine  blanche,  et  eniin 
vous  le  mettrez  en  bouteilles. 

On  peut  encore  préparer  ce  sirop  dune 
autre  manière.  Faites  cuire  la  dose  de  sucre 
prescrite  dans  une  poele  à confiture , et  a la 
forte  plume  j alors  jetez-y  votre  lait  d amande  , 
faites-lui  prendre  un  ou  deux  bouillons  tout 
au  plus  , et  retirez -le  sur-le-champ  du  feu  3 
étant  presque  refroidi,  vous  1 aromatiseï ez 
avec  de  l’eau  de  fleur  d’orange  et  de  l’esprit 
de  citron,  comme  nous  l’avons  dit.  Si  vous 
faites  votre  sirop  d’orgeat  selon  cette  dei  nièi  c 
manière,  prenez  bien  garde  qu’il  ne  se  fasse 
une  trop  grande  évaporation,  votre  su  op 
cuirait  trop  et  deviendrait  par-là  sujet  a se 
candir  : mais  de  quelque  manière  que  vous 
vous  preniez  pour  faire  celte  espèce  de  sirop , 
après  l’avoir  mis  dans  des  bouteilles  bien  bou- 
chées , vous  verrez  au  bout  d un  certain  tems 
que  ce  sirop  se  partage  en  deux  parties  ; la 
partie  inférieure  devient  claire  et  transpa- 


r 


I-ES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc. 


rente , et  la  partie  supérieure  reste  blanche 
comme  du  lait,  et  opaque.  JV’ailez  pas  vous 


imaginer  en  voyant  cela  que  votre  sirop  est 
gâté;  non,  c est  ainsi  qu  il  doit  être  lorsqu’il 
est  bien  fait.  La  partie  supérieure  n’est  point 
autre  chose  que  le  lait  d’amande  mêlé  de  son 


parenchyme  et  d’un  peu  de  sirop;  et  la  partie 
inferieure  n’est. , à proprement  parler,  que 
le  sucre  dissous.  Lors  donc  que  vous  voudrez 
faire  usage  de  votre  sirop  , il  faudra  bien  re- 
muer votre  bouteille  de  haut  en  bas,  afin  de 
mêler  exactement  la  partie  supérieure  avec  la 
partie  inférieure;  il  faudra  même  de  lems  en 
tems  répéter  ce  mélange  sans  avoir  dessein  de 
faire  usage  de  votre  sirop , et  cela  pour  em- 
pêcher que  la  partie  supérieure  , trop  iong- 
tems  privée  de  sucre , ne  moisisse.  & 

Les  sirops  ayant  été  préparés  avec  toutes 
les  précautions  que  nous  avons  indiquées 
pourrontse  conserver  plusieurs  années.  Quel- 
que tems  après  avoir  été  faits  on  pourra  re- 
marquer dans  quelques-uns  un  léger  mouve- 
ment de  fermentation  ; il  ne  faut  pas  s’en 
alarmer:  si  d’ailleurs  Je  sirop  a été  bien  pré- 
paré, ce  mouvement  n’aura  point  de  suite, 
dans  peu  il  disparaîtra.  Il  n’en  sera  pas  de 
même  si  les  sirops  ont  été  préparés  avec  né- 
gligence ; la  fermentation  pourra  devenir  si 


272  l'art  de  composer 


violente  que  les  sirops  se  gâteront  à ne  pou- 
voir jamais  servir.  Cet  accident  fâcheux  peut 
avoir  plusieurs  causes  : tels  sont  surtout  des 
sucs  mal  épures , une  cuisson  trop  faible  ou 
trop  forte,  des  doses  de  sucre  excessives  ou 
insuffisantes  ; quand  quelques  - unes  de  ces 
négligences  ont  eu  lieu,  les  altérations  ne  tar- 
dent pas  à s’annoncer;  on  voit  les  sirops  se 
troubler,  devenir  mousseux;  ils  écument  et 
perdent  insensiblement  toutes  leuis  bonnes 
qualités,  au  point  de  11’être  plus  reconnais- 
sables. 

J’ai  indiqué  à chaque  recette  les  précau- 
tions qu’il  fallait  prendre  pour  éviter  ces  sor- 
tes d’accidens , et  auxquels  je  11e  connais  point 
de  remèdes  que  de  travailler  de  nouveau  les 


sirops  dès  que  l’on  commence  à y remarquei 
quelque  défaut  essentiel.  11  faudra  donc 
promptement  les  faire  recuire , ou  pour  di- 
minuer la  dose  du  sucre,  ou  pour  l’augmen- 
ter, ou  enfin  pour  les  épurer  des  fécules  que 
l’on  v avait  laissées  dans  la  première  prépa- 
ration; travail  ingrat , souvent  infructueux  , 
surtout  s’il  s’est  formé  une  moisissure  qui 
ait  communiqué  un  mauvais  goût  à toute  la 
masse  du  sirop , ou  bien  si  les  sirops  ont  passé 
de  la  fermentation  vineuse  a la  fermentation 
acéteuse:  quand  ils  sont  parvenus  à ce  der- 


nier 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  27 J 

nier  degré  d’altération , il  n’y  a plus  rien  à 
foire.  Il  n’en  est  pas  de  même  d’une  petite 
pellicule  blanche  que  l’on  pourra  remarquer 
sur  la  surface  des  sirops  contenus  dans  des 
bouteilles  entamées;  c’est  une  espèce  de  pe- 
tite moisissure  qui  ne  provient  pas  de  ce  que 
les  sirops  ont  été  mal  faits,  mais  d’un  peu 
d eau  qui  s est  trouvée  dans  les  bouteilles,  et 
qui  ne  saurait  tirer  à conséquence.  Un  excès 
de  sucre  ou  de  cuisson  peut  occasionner  des 
ravages  bien  plus  considérables  ; le  sirop  , 
dans  l’un  et  l’autre  cas,  entre  à la  vérité  plus 
difficilement  en  fermentation,  mais  elle  est 
tôt  ou  tard  inévitable  ; et  lorsqu’elle  vient  une 
fois  à commencer,  les  progrès  en  sont  rapi- 
des et  les  suites  terribles  ; le  sirop  acquiert 
une  force  expansive  si  grande,  qu’il  chasse 
les  bouchons  avec  violence,  et  se  répand  au 
dehors  en  forme  de  mousse , ou  si  les  bou- 
chons sont  assez  bien  arrêtés  pour  résister  à 
ce  premier  effort,  dans  la  suite  il  rompt  les 
bouteilles  avec  éclat.  Que  l’on  juge  par  ces 
el/ets  de  la  précaution  qu’il  faut  prendre  pour 
bien  préparer  les  sirops. 

Mais  supposons  que  l’on  n’ait  rien  à se  re- 
procher touchant  ce  dernier  article,  et  que 
les  sirops  aient  été  préparés  avec  le  plus 
grand  soin  , il  ne  faut  pas  compter  pouvoir 

S 


274  l’art  de  composer 

les  conserver  pendant  un  tems  un  çeu  consi- 
dérable , à moins  que  Ton  ne  prenne  de  nou- 
velles précautions  ; elles  ne  sont  ni  en  grande 
quantité , ni  lort  difficiles  : nous  allons  indi- 
quer celles  qui  nous  ont  paru  de  quclqu  un 
portance. 

11  11e  faudra  mettre  vos  sirops  que  dans  des 
bouteilles  d’un  très  - petit  diamètre,  parce 
qu’étant  obligé  de  les  laisser  en  vidange  , 
moins  votre  sirop  aura  de  surface  , et  moins 

Pair  pourra  agir  sur  lui. 

Quelque  tems  après  que  les  sirops  auront 
été  faits,  il  faudra  déboucher  toutes  vos  bou- 
teilles , pour  enlever  avec  une  plume  une  pe- 
tite pellicule  souvent  moisie  qui  se  sera  lor- 
mée  entre  le  bouchon  et  la  surface  du  snop. 

* 11  faudra  enfin,  autant  que  les  circonstan- 
ces pourront  le  permettre  , placer  vos  bou- 
teilles de  sirop  dans  un  endroit  d’une  tem- 
pérature à peu  près  égaie  dans  toutes  les  sai- 
sons , ni  trop  froide,  ni  trop  chaude.  Au 
défaut  d’un  endroit  semblable  , pour  plus  de 
sûreté,  il  faudra  placer  vos  bouteilles  à la 


cave. 


LES  LIQUEURS  DE  TAREE,  etc. 


DES  ODEURS. 

Principes  généraux  pour  la  distillation  des 
substances  odorantes. 

JXotre  principal  objet  doit  être  de  chercher 
cette  huile  volatile  appelée  esprit  recteur,  par- 
tout où  nous  pourrons  la  trouver  avec  abon- 
dance : comme  elle  est  d’une  extrême  vola- 
tilité ,et  qu’il  est  impossible  de  pouvoir  l’ob- 
tenir seule  et  sans  quelle  soit  unie  à quelque 
substance  plus  fixe  qu’elle,  il  faut  s’appliquer 
a reconnaître  les  substances  auxquelles  elle 
s’unit  le  plus  volontiers  , afin  de  les  lui  pré- 
senter et  de  faciliter  son  union  avec  elles. 
Or  , l’expérience  nous  a appris  que  l’esprit 
iccicur  se  mêlait  assez  bien  avec  l’eau  natu- 
1 elle  ordinaire  , beaucoup  mieux  cependant 
avec  les  esprits  ardens,  mais  supérieurement 
bien  avec  les  huiles  essentielles.  Ces  trois  cir- 
constances nous  offrent  trois  classes  bien  dis- 
tinctes et  bien  naturelles  sous  lesquelles  nous 
pouvons  ranger  les  odeurs  : Eaux  odorantes 
simples,  î,e.  classe  3 eaux  odorantes  spiri- 
îucuses,  IIe.  classe  3 huiles  essentielles  aro- 
matiques, IIIe.  classe3  et  comme  chacune  de 
ces  classes  a des  résultats  qui  la  caractérisent  . 

S 2 


276  l’art  de  composer 

chaque  classe  exige  aussi  une  manipulation 
qui  lui  est  propre  , c’est  ce  que  nous  allons 
indiquer  par  ordre. 

Dans  tous  les  cas  où  les  odeurs  11e  s'an- 
noncent pas  comme  actuellement  unies  aune 
substance  onctueuse  inflammable,  fort  abon- 
dante , et  qui  leur  sert  de  base,  il  faut  leur 
présenter  un  sujet  analogue  auquel  elles 
puissent  s’attacher  et  se  fixer  au  moins  pour 
un  tems  assez  considérable  3 l’eau  naturelle 
simple  parait  fort  bien  remplir  cette  vue. 
Il  ne  faut  cependant  pas  croire  que  l’eau  en 
toute  sorte  de  quantité  , puisse  servir  à ce 
dessein  3 non  sans  doute  , ce  serait  le  moyen 
de  diviser  l’esprit  recteur  en  particules  si 
petites  , qu’il  ne  produirait  plus  aucun  effet 
sensible.  11  convient  donc  de  proportionner 
la  quantité  d’eau  à la  quantité  d’odeur  que 
le  sujet  sur  lequel  on  travaille  peut  fournir  3 
or,  nous  n’avons  guère  de  règles  générales 
bien  certaines  sur  cet  article  3 il  y a des  fleurs 
qui  renferment  assez  de  parfum  pour  aro- 
matiser une  assez  grande  quantité  d’eau  , 
telles  sont  la  rose  et  la  fleur  d’orange  3 ce- 
pendant si  l’on  outre- passe  de  beaucoup  la 
proportion  d’eau  requise  , le  parfum  ou  , si 
l’on  veut  , l’esprit  recteur,  l’huile  volatile, 
trop  divisé  , ne  produit  presque  plus  d eflet. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  377 

D’un  autre  côté , il  y a des  substances  qui 
paraissent  extrêmement  odorantes  avant  l’ana- 
lyse , et  dont  on  n’a  jamais  pu  tirer  un  soupçon 
d’odeur  par  la  distillation  ; telles  sont  les  fleurs 
de  jonquille , de  violette , de  jasmin,  et  pres- 
que toutes  les  liliacées.  Ces  sortes  de  fleurs 
constituent  une  classe  à part  3 elles  exigent 
un  procédé  particulier.  Observons  encore 
que  l’on  peut  tirer  de  deux  sortes  d’eau 
simple  de  la  plupart  des  substances  odo- 
rantes 3 l’une  fort  imprégnée  d’odeur , mais 
toujours^ en  très-petite  quantité  , nous  la  dé- 
signons sous  le  nom  d’eau  essentielle  3 l’autre  , 
moins  odorante,  à la  vérité,  mais  très-abon- 
dante , que  l’on  nomme  simplement  eau  odo- 
rante. Nous  allons  donc  communiquer  ce  que 
l’expérience  nous  a appris  touchant  les  pro- 
portions qu’il  faut  observer  dans  l’extrac- 
tion de  ces  deux  espèces  d’eau  odorante 
simple. 

Procédé  pour  la  Ire.  classe. 

Pour  distiller  l’eau  essentielle  des  plantes, 
prenez  la  quantité  qu’il  vous  plaira  de  fleurs 
ou  de  plantes  aromatiques  , emplissez-en  la 
moitié  d’une  cucurbite  , et  pas  davantage 3 
versez  par-dessus  un  peu  d’eau  de  rivière  , 


278  l’art  de  composer 

de  manière  que,  soit  vos  fleurs,  soit  vos 
sommités  de  plantes , ou  enfin  vos  fruits  ou 
vos  baies,  n’en  soient  que  médiocrement  hu- 
mectées ; couvrez  la  cucurbite  de  son  cha- 
piteau garni  du  réfrigérant  , placez  - le  au 
bain-marie  , de  crainte  que  vos  fleurs  ou 
plantes  brûlent  au  fond  de  la  cucurbite  ; 
adaptez  un  matras  pour  récipient,  collez  les 
jointures,  de  façon  cependant  que  vous  puis- 
siez ménager  une  très-petite  ouverture  pour 
donner  passage  à l’air  surabondant  qui  se 
développe  en  grande  quantité  pendant  l'opé- 
ration ; maintenez  un  feu  moyen  et  toujours 
égal,  vous  obtiendrez  une  liqueur  très-odo- 
rante , parfaitement  claire  , c’est  notre  eau 
essentielle.  Pour  l’avoir  pure  , donnez-vous 
bien  de  garde  de  tirer  à la  quantité  , vous 
gâteriez  tout  3 il  faudra  donc  vous  contenter 
de  tirer  trois  gros  de  liqueur  pour  chaque 
livre  ou  de  fleur  ou  de  plante  , ou,  etc. 

Les  eaux  odorantes  simples  n’exigent  pas 
tant  de  précautions,  et  011  en  obtient  davan- 
tage. Remplissez  la  moitié  d’une  cucurbite 
de  quelque  substance  odorante  que  ce  soit, 
fleurs  ou  plantes  ; versez  par-dessus  une  forte 
décoction  ou  du  suc  de  la  plante  ou  des 
fleurs,  objets  de  votre  travail,  et  cela  en 
quantité  suffisante  pour  que  vos  fleurs  11e 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  2"9 
s’attachent  pas  au  fond  de  l’alambic 3 distillez 
à feu  nu , mais  sagement  gradué. 

En  général  les  alambics  dont  on  se  ser- 
vira dans  la  présente  distillation  , ne  doivent 
point  être  fort  élevés.  Voy.  la  jigure.  Je 
conseillerais  aussi , pour  avoir  des  eaux  bien 
imprégnées  , d’avoir  toujours  recours  aux 
rectifications  3 c’est  - à - dire  , qu’après  une 
première  distillation  faite  comme  nous  ve- 
nons de  le  dire , il  faudra  prendre  l’eau  odo- 
rante que  l’on  vient  d’obtenir  pour  premier 
résultat , et  la  verser  sur  nouvelle  quantité 
de  fleurs  ou  plantes  , et  procéder  ensuite  à 
une  nouvelle  distillation. 

J’ai  oublié  de  dire  que  si  l’on  emploie  de 
l’eau  dans  cette  opération  , soit  pour  tirer  la 
teinture  des  plantes  par  une  forte  décoction, 
soit  pour  humecter  les  fleurs , si  on  ne  juge 
pas  cà  propos  d’en  tirer  le  suc , il  faudra  tou- 
jours préférer  l’eau  de  rivière  à toute  autre 
eau. 

Les  eaux  odorantes,  quoique  bien  prépa- 
rées de  la  manière  dont  nous  venons  de  le 
dire  , ne  se  conservent  guère  plus  de  deux 
ans  3 c’est  beaucoup  encore  , surtout  lorsqu’il 
n’est  pas  possible  d’en  obtenir  autrement  l’es- 
prit recteur,  ou  du  moins  sans  qu’il  en  coûte 
beaucoup  de  peine  et  de  dépense.  Telle  est 


280  l’art  de  composer 

l’eau  de  rose , si  agréable  et  si  utile  dans  bien 
des  cas , sans  parler  de  la  fleur  d’orange  beau- 
coup plus  estimée  encore. 

Procédé  pour  la  IP.  classe. 

Les  esprits  odorans  qui  forment  la  IIe.  classe 
se  préparent  tout  différemment.  L’objet  de 
notre  travail  dans  ce  procédé  est  d’unir  l’es- 
prit recteur  à un  esprit  ardent  quelconque, 
mais  plus  particulièrement  cà  l’esprit-dc-vin  3 
mais  comme  il  y a une  affinité  plus  marquée 
entre  l’esprit-de-vin  et  l’esprit  recteur  , ou 
liuile  volatile  , qu’entre  l’esprit  recteur  et 
l’eau  commune , l’union  entre  ces  deux  esprits 
est  bien  plus  intime  et  plus  facile  qu’entre 
l’esprit  recteur  seul  et  l’eau. 

i - • ^ 

Pour  marcher  avec  quelque  certitude  dans 
cette  nouvelle  route , voici  les  règles  géné- 
rales qu’il  conviendra  d’observer. 

On  ne  se  servira  jamais  que  d’esprit-de-vin 
parfaitement  rectifié  , et  selon  la  méthode 
que  nous  avons  proposée  : ceci  est  de  la  plus 
grande  conséquence.  On  emploiera  toujours 
la  voie  de  macération  pour  préparatif  3 elle 
durera  le  lems  prescrit  dans  les  recettes  3 on 
ne  se  servira  pour  cet.  effet  que  de  vaisseaux 
de  verre  ou  de  terre  vernissés,  et  toujours 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  28l 

flans  un  lieu  convenable,  soit  à la  cave  ou  à 
l’étuve,  comme  nous  aurons  soin  de  le  pres- 
crire relativement  à la  nature  des  sujets  qui 
nous  occuperont.  Les  macérations  bien  faites , 
on  procédera  à la  distillation , toujours  au 
bain-marie  et  dans  nos  alambics  ordinaires  , 
soit  de  métal  ou  de  verre.  On  aura  recours 
à la  rectification  dans  toutes  les  distillations 
du  présent  procédé.  Comme  il  s’agit  ici  d’unir 
intimement  l’esprit  recteur  pur  avec  l’esprit 
de  vin  pur,  on  11e  saurait  prendre  trop  de 
précaution  pour  écarter  de  celte  union  toute 
Substance  étrangère. 

Les  eaux  spiritueuses  odorantes  nouvelle- 
ment laites  sont  sujettes  à sentir  une  petite 
impression  de  feu  qu’d  est  presqu’impossi- 
ble  d éviter,  malgré  toutes  les  précautions 
que  l’on  pourrait  prendre,  mais  il  est  facile 
de  leur  dter  cette  impression  qu’elles  per- 
dent d’cîlcs-mèmcs  en  vieillissant  3 il  ne  s’agit 
pour  cela  que  de  les  plonger  dans  un  mélange 
de  glace  pilée,  et  de  sel,  et  dans  des  bou- 
teilles d’un  diamètre  moyen. 

Les  eaux  spiritueuses  odorantes  ont,,  cet 
avantage  sur  les  eaux  odorantes  simples  , que 
celles-ci  ne  peuvent  se  conserver  qu’un  ou 
deux  ans  tout  au  plus , au  lieu  que  les  autres 
se  conserveraient  éternellement,  ou  du  moins 


282  l’art  de  composer 
pendant  fort  long-tems.  J’ai  conseillé  ci- 
dessus  la  rectification  des  eaux  spiritueuses 
odorantes  , et  cela  pour  deux  raisons  : la 
première , pour  les  dépouiller  le  plus  cju  il 
est  possible  de  toute  espèce  de  pblôgme  3 la 
seconde,  pour  faire  entrer  dans  l’esprit-de- 
vin,  qui  en  fait  la  base  , toute  la  quantité 
d’esprit  recteur  dont  il  est  susceptible.  Il  ne 
faudra  cependant  pas  prétendre  1 en  charger 
plus  que  de  raison,  il  est  un  terme  au  delà 
duquel  l’esprit-de-vin  n’admet  plus  d esprit 
recteur  3 c’est  le  point  de  saturation  qu  il  laut 
apprendre  à bien  connaître  , et  on  y par- 
viendra avec  un  peu  d usage  et  d attention. 

Procédé  pour  la  IIIe.  classe. 

I.  Lorsqu’on  voudra  extraire  l’huile  essen- 
tielle des  plantes,  il  faudra  toujours  altendie 
que  la  plante  sur  laquelle  on  se  propose  de 
travailler,  soit  parvenue  a un  état  de  matu- 
rité parfaite 3 trop  jeune,  elle  11e  rend  pres- 
que que  du  phlegme  par  la  distillation,  et 
très-peu  d’huile  essentielle 3 d ne  faut  cepen- 
dant point  attendre  qu’elle  soit  trop  vieille 
qu  entièrement  desséchée  sur  pied  3 dans  cet 
état,  l’esprit  recteur  est  dissipé  en  gi  an  do 
partie, 


LES  LIQ  LEURS  DE  TABLE,  CÎC.  ü85 

II.  On  aura  grand  soin  de  faire  sécher  à la 
chaleur  douce  d’un  air  tempéré  les  plantes 
dont  on  se  proposera  de  tirer  l’huile  essen- 
tielle, parce  qu’au  moyen  de  cette  dessiccation 
toute  l’humidité  qui  interceptait  les  parti- 
cules huileuses  étant  évaporée , ces  mêmes 
particules  ne  trouvant  plus  d’obstacles  a 
leur  réunion,  se  rapprochent  les  unes  des 
autres,  enveloppent  plus  efficacement  l’esprit 
recteur  qui  tend  toujours  à s’échapper,  et  se 
manifestent  en  abondauce  promptement  et 
facilement  au  moyen  de  la  distillation \ voilà 
pourquoi  une  livre  de  plante  desséchée  four- 
nit autant  d'huile  essentielle  que  deux  livres 
de  la  même  plante  nouvellement  cueillie  et 
encore  toute  fraîche.  Cette  préparation  offre 
donc  un  avantage  bien  réel,  en  ce  que  l’on 
expédie,  dans  un  teins  donné,  le  double  plus 
de  plante  que  l’on  ne  ferait  sans  cette  prépa- 
ration, et  cela,  parce  que  les  plantes  dessé- 
chées, formant  un  moindre  volume  , votre 
alambic  en  contient  bien  davantage  ; il  ne 
faudra  cependant  pas  porter  cette  dessiccat  ion 
trop  loin  , parce  que  si  vous  la  poussiez  jus- 
qu’à une  espèce  de  torréfaction,  il  arriverait 
que  l’huile  essentielle  la  plus  subtile  et  la  plus 
aromatique,  excitée,  par  une  chaleur  trop 
violente,  sc  dissiperait  en  grande  partie,  et 


284  i/art  de  composer 

qu’il  ne  vous  resterait  plus  qu’une  huile  essen- 
tielle épaisse , d’une  couleur  foncée  , d’une 
odeur  peu  gracieuse  et  peut-être  empyreu- 
matique.  11  n’en  est  pas  de  même  des  fleurs , 
elles  n’exigent  pas  de  dessiccation  ; il  suffit 
de  les  cueillir  dans  un  tems  sec  et  serein,  ja- 
mais pendant  la  pluie. 

III.  O11  fera  toujours  macérer  dans  de  l’eau 
de  rivière  les  substances  odorantes  dont  on  se 
proposera  de  tirer  l’huile  essentielle  , mais 
vingt  - quatre  heures  seulement  et  pas  plus  ; 
on  mettra  trois  parties  -d’eau  pour  une  partie 
de  substance  odorante,  on  peut,  si  l’on  veut , 
ajouter  du  sel  marin,  dans  la  proportion  de 
trois  poignées  pour  neuf  pintes  d’eau  ; c’est- 
à-dire,  qu’il  faudra  mettre,  pour  trois  livres 
de  substance  odorante,  neuf  pintes  d’eau  et 
trois  poignées  de  sel. 

IV.  On  11e  remplira  jamais  son  alambic 
moins  des  deux  bons  tiers;  car  si  vous  laissiez 
trop  d’espace  vide,  l’huile  essentielle  aurait 
trop  de  peine  à s’élever  jusqu’au  haut  du  cha- 
piteau ; que  si  l’on  s’avisait,  pour  surmonter 
cet  obstacle  , d’augmenter  la  force  du  feu  , 
non-seulement  on  l’exposerait  à dissiper  une 
bonne  partie  de  l’esprit  recteur,  mais  encore 
on  pourrait  fort  bien  occasionner  par  là  la 
combustion  des  plantes.  11  ne  faudra  pas  non 


LES  liqueurs  de  table,  etc.  ^85 

plus  remplir  tout  à fait,  la  cucurbite , de  crainte 
que  les  matières  venant  à se  gonfler,  ce  qui 
arrive  presque  toujours  , elles  ne  montent 
tout  à coup  jusqu’au  haut  du  chapiteau  , et 
ne  sortent  en  substance  et  pêle-mêle  avec  l’eau 
dans  le  récipient  ; et  supposé  que  vous  soyez 
assez  adroit  pour  éviter  cet  inconvénient,  en 
ménageant  beaucoup  votre  feu,  je  doute  fort 
que  vous  le  soyez  assez  pour  empêcher  que 
1 huile  essentielle  ne  soit  fort  troublée , et 
chargée  de  particules  étrangères.  Il  faudra 
donc  vous  en  tenir  à la  règle  que  nous  ve- 
nons d’établir,  qui  consiste  à ne  pas  charger 
trop  votre  cucurbite,  ni  trop  peu,  mais  aux 
deux  bons  tiers , y compris  l’eau. 

V.  Comme  les  huiles  essentielles  que  l’on 
veut  extraire  ont  des  propriétés  spécifiques 
foie  différentes  les  unes  des  autres,  qu’il  s’en 
trouve  de  plus  ou  moins  subtiles  , de  plus  ou 
moins  pénétrantes,  quelques-unes  fort  lé- 
gères, d’autres  très-pesantes,  etc.,  il  faut  né- 
cessairement employer  divers  procédés  pour 
opérer  avec  succès.  Les  huiles  fort  pesantes, 
comme  1 huile  de  girofle , de  cannelle  , tou- 
tes celles  encore  qui  se  figent  au  moindre 
IVoid,  comme  celle  d’anis,  veulent  être  dis- 
tillées à grand  feu  et  dans  des  alambics  fort 
peu  élevés.  Les.  huiles  dont  les  qualités  sont 


oS6  l’art  de  composer 
vives  et  pénétrantes,  qui  contiennent  un  sel 
volatil  abondant  et  âcre,  comme  l’huile  de 
romarin  et  de  marjolaine , doivent  être  dis- 
tillées à une  chaleur  très-tempérée  ) si  vous 
leur  appliquez  un  feu  trop  vif,  vous  vous 
exposez  à leur  faire  perdre  leur  odeur  fine 
et  gracieuse  ; et  de  plus , non-seulement  elles 
pourront  contracter  une  saveur  âcre  et  une 
odeur  forte,  mais  encore  une  couleur  rebu- 
tante de  jaune  foncé,  ou  même  tout  a fait 
brune.  On  ne  saurait  se  figurer  combien  le 
seul  degré  de  chaleur  mal  dirigée  est  capable 
de  produire  de  changement  dans  la  substance 


des  huiles  essentielles. 

VI.  Les  huiles  essentielles  n’ayant  ni  la 
même  pesanteur  spécifique , ni  la  même  con- 
sistance , 11e  doivent  point  paraître  sous  la 
même  forme  , ni  de  la  même  couleur  ; c’est 
à quoi  il  faut  bien  prendre  garde  pour  11e 
pas  prendre  le  change  a la  suite  des  résul- 
tats de  chaque  opération  , essentiellement 
différons  les  uns  pies  autres.  De  là  vient  que 
Ton  aurait  grand  tort  de  conclure  que  l’on 
a fort  mal  opéré,  parce  que  différentes  huiles 
essentielles  paraîtront  ,1  une  sous  une  forme, 
l’autre  sous  une  autre  5 l’huile  de  girolle , par 
exemple  , est  très-blanche  , l’huile  essentielle 
de  cannelle  de  même  ; si  cependant  on  les 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  GtC.  287 
laisse  dans  un  flacon  qui  ne  soil  pas  tout  à 
lait  rempli,  insensiblement  l’air  en  altère  la 

couleur  et  leur  donne  une  teinte  d’abord 

« 

jaune  et  ensuite  rousse.  L’huile  de  lavande 
est  fort  limpide  , mais  elle  jaunit  en  vieil- 
lissant. L huile  de  rhue  est  d’une  couleur 
brune  , celle  de  1 absinthe  d’un  vert  noir  , 
celle  de  fleur  de  camomille  , ainsi  que  celle 
de  fleurs  de  mille -feuille  , ressemblent  au 
plus  bel  azur  ; mais  cette  couleur  charmante 
ne  subsiste  pas,  elle  dégénère  en  vieillissant, 
et  se  change  enfin  en  une  vilaine  couleur 
jaune  foncée.  Je  suis  entré  dans  ce  détail 
pour  rassurer  ceux  qui  seraient  tentés  de 
rejeter  ces  huiles  essentielles  comme  mau- 
vaises, parce  qu’elles  ne  leur  présenteront 
pas  un  œil  flatteur;  il  est  de  leur  nature 
d être  telles  que  nous  les  avons  désignées , 
c est-à-dire  , un  peu  altérées  au  bout  d’un 
certain  tems,  ainsi  il  ne  faut  pas  les  désirer 
autrement. 

Vil.  11  y a des  huiles  essentielles  qui  ont 
un  grand  inconvénient  ; elles  se  figent  comme 
du  beurre  , et  s attachent  très-souvent  aux 
parois  des  vaisseaux  qui  servent  à leur  distil- 
lation. Il  est  donc  de  la  plus  grande  consé- 
quence , après  1 opération , de  rincer  ces 
memes  vaisseaux  avec  de  l’esprit-de-vin  bien 


288  l’art  de  composer 

rectifié  , afin  d’enlever  jusqu’à  la  moindre 
trace  de  ces  huiles  essentielles.  Si  l’on  néglige 
cette  précaution,  il  arrivera  nécessairement 
qu’en  se  servant  des  mêmes  vaisseaux  pour 
extraire  des  huiles  essentielles  d’une  espèce 
différente  , il  arrivera  , dis-je , que  ces  der- 
nières huiles  prendront  une  impression  très- 
sensible  de  celles  qui  auront  été  distillées 
auparavant  , et  produiront  par  ce  mélange 
une  discordance  à laquelle  on  ne  connaîtra 
plus  rien. 

VIH.  Il  ne  faut  pas  s’attendre  à tirer  la 
même  quantité  d’huile  essentielle  de  toutes 
les  plantes  ou  fleurs  mdifleremmentj  le  pro- 
duit de  chaque  espèce  est  en  raison  ne  ses 
propriétés  spécifiques.  Or  , il  y a des  plantes 
qui  fournissent  une  quantité  étonnante  d’huile 
-essentielle , tandis  que  d’autres  n’en  four- 
nissent presque  pas  3 nous  avons  déjà  fait  cette 
remarque , nous  allons  en  donner  la  preuve. 
La  sabine  , par  exemple  , fournit  par  la  dis- 
tillation deux  onces  et  demie  d'huile  essen- 
tielle par  livre  ; et  une  livre  de  noix  muscade, 
n’en  fournit  qu’une  once  3 il  est  vrai  que  l’on 
peut  en  retirer  par  expression  une  assi  z 
grande  quantité  de  ce  qui  reste  au  fond  de 
la  cucurbite  , mais  cette  dernière  huile  n’ap- 
proche pas,  à beaucoup  près,  de  la  première, 

pour 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  289 

pour  la  finesse  et  les  autres  qualités.  Une  livre 
de  fleurs  de  stœchas  desséchées,  fournit  un 
peu  plus  de  quatre  gros  d'huile  essentielle  ; 
la  fleur  de  lavande  , beaucoup  plus  aroma- 
tique , plus  pénétrante  et  plus  subtile  en 
fournit  moins  j il  en  est  à peu  près  de  même 
des  feuilles  de  menthe  desséchées.  Mais  le 
calamus  aromaticus  , le  serpolet,  l’origan, 
les  deux  camomilles,  et  d’autres  fleurs  ou 
plantes,  quoique  très -aromatiques , 11e  four- 
nissent que  très-peu  d’huile  essentielle. 

Après  avoir  rapporté  les  observations  qui 
m ont  paru  les  plus  importantes  pour  guider 
les  artistes  dans  l’extraction  des  huiles  essen- 
tielles, nous  terminerons  cet  article  par  le 
procédé  détaillé  que  cette  opération  exige. 

On  met  dans  un  grand  alambic  de  cuivre 
étamé  environ  quarante  livres  de  thym  ré- 
cemment cueilli  et  en  fleurs  , avec  une  suf- 
fisante quantité  d’eau,  pour  que  les  plantes 
soient  parfaitement  baignées  par  l’eau.  On 
lute  le  chapiteau  à la  cucurbite , et  le  ser- 
pentin au  bec  du  chapiteau  : on  remplit  d’eau 
le  réfrigérant  et  le  serpentin  : on  ajoute  un 
grand  récipient  pour  recevoir  la  liqueur  qui 
doit  distiller  , ou  pour  plus  de  commodité, 
on  se  sert  d un  récipient  de  verre  , long  , 
étroit  par  le  haut  et  large  par  le  bas,  fait  à 

T 


29 o l’art  de  composer 

peu  près  comme  une  poire  alongée  : au  ventre 
de  ce  vaisseau  on  a soude  un  tube  de  ven  e , 
fait  en  S , par  le  haut,  qui  s élève  jusqu  à 
deux  ou  trois  pouces  au-dessous  de  son  ori- 
fice , et  qui  produit  l’effet  d’un  siphon  3 
Voyez  la  planche  de  l’alambic.  Avant  de 
placer  ce  vaisseau  au  bec  du  serpen- 
tin, il  faut  le  remplir  d’eau  pure  ou  d’eau 
distillée  , jusqu’au  - dessus  de  l’ouverture. 
L’eau  seule  sort  par  ce  tube  à mesure  qu  elle 
distille  , tandis  que  l’huile  reste  nageante  dans 
la  partie  supérieure  de  ce  vaisseau  : si  ce 
vaisseau  11e  contenait  pas  d abord  une  cer-^ 
laine  quantité  d’eau  , une  partie  de  1 huile  qui 
vient  dans  le  commencement  de  la  distilla- 
tion s’introduirait  dans  le  tube  , et  passerait 
avec  l’eau  distillée.  Ce  vaisseau  est  très-com- 
mode pour  la  distillation  des  huiles  essen- 
tielles qui  nagent  sur  l’eau , en  ce  qu’011 11  est 
pas  obligé  de  changer  le  récipient  continuel- 
lement , parce  qu’il  ne  peut  jamais  se  remplir 
entièrement  : l’huile  essentielle  occupe  tou- 
jours la  partie  supérieure  , tandis  que  l’eau 
qui  distille  s écoulé  a mesure  par  le  lue  du 
siphon  1 on  place  sous  le  siphon  une  tei  - 
rine  ou  seau  , pour  recueillir  cette  eau  : 
mais  si  l’huile  essentielle  qu’on  distille  est 
pesante  , qu’elle  aille  au  lond  de  1 eau  , aloi  s 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  2QI 

il  faut  se  servir  d’un  récipient  ordinaire. 
Lorsque  tout  est  ainsi  disposé  on  procède  à 
la  distillation  par  un  feu  gradué  qu’on  aug- 
mente jusqu’à  ce  que  la  liqueur  soit  bouil- 
lante : on  lkentretient  dans  cet  état  jusqu’à 
ce  que  la  distillation  soit  finie  j ce  que  l’on 
reconnaît,  lorsque  l’eau  cesse  d’ètre  laiteuse 
et  qu  il  ne  passe  plus  d’huile  essentielle. 

Les  premières  portions  de  liqueur  qui  dis- 
tillent sont  quelquefois  blanches  , laiteuses  , 
et  quelquefois  sans  couleur.  Cela  dépend  de 
la  manière  dont  on  a administré  le  feu.  Cette 
piemiere  portion  est  très-aromatique  : elle 
est  chargée  d’une  grande  quantité  d’esprit 
îecteui  . c est.  lui  qui  fait  fonction  de  liqueur 
spiritueuse,  et  qui  dissout  une  portion  d’huile 
essentielle  , qui  1 unit  a 1 eau  et  qui  lui  donne 
la  couleur  laiteuse.  Lorsque  cette  liqueur 
s élève , il  se  dégage  une  grande  quantité 
d air  et  de  vapeurs  très-raréfiécs  qui  feraient 
rompre  le  récipient  , si  on  le  lutait  trop 
exactement.  Immédiatement  après  cet  esprit 
recteur,  il  s’élève  des  vapeurs  qui  se  con- 
densent dans  le  chapiteau  de  l’alambic,  et 
dans  le  serpentin  , et  qui  viennent  se  ras- 
sembler dans  le  récipient.  Cette  liqueur  est 
blanche  , laiteuse  : elle  entraîne  avec  elle  une 
certaine  quantité  d’huile  essentielle  qui  se 

T 2 


292  l’art  de  composer 
sépare  , et  vient  nager  sur  l’eau  distillée*.  On 
continue  la  distillation  jusqu  a ce  que  cette 
huile  cesse  de  passer  ; alors  on  la  sépare  en 
versant  toute  la  liqueur  à plusieurs  reprises, 
dans  un  entonnoir  de  verre  qu’on  bouche 
avec  un  doigt  : on  laisse  couler  l’eau  dans 
une  bouteille  : lorsque  1 huile  est  rassemblée, 
on  la  met  à part  dans  un  flacon  qu’on  bouche 
bien  : c’est  ce  que  l’on  nomme  huile  essen- 
tielle de  thym.  11  reste  dans  l’alambic  la  dé- 
coction de  la  plante. 

On  prépare  de  la  meme  maniéré  toutes 
les  huiles  essentielles  des  végétaux  et  de  leurs 
parties  : on  les  distille  à feu  nu  , même  les 
fleurs  les  plus  délicates  , quoique  quelques 
personnes  recommandent  de  distiller  les 
fleurs  au  bain-marie.  J’ai  remarqué  que  la 
chaleur  étant  moins  forte, on  tire  une  moin- 
dre quantité  d’huile  essentielle,  et  que  celle 
qu’on  obtient  est  plus  fluide  : d’ou  il  arrive 
qu’elle  se  mêle  en  plus  grande  quantité  avec 
l’eau  qui  distille. 

Lorsqu’on  distille  les  plantes  aromatiques, 
à dessein  d’obtenir  leurs  huiles  essentielles  , 
il  convient  de  tenir  toujours  tiède  l’eau  du 
réfrigérant , parce  que  , lorsqu’on  rafraîchit 
entièrement  et  subitement  le  chapiteau  de 
l'alambic  , le  froid  se  communique  jusque 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etC.  2g 5 

dans  l’intérieur  de  la  cucurbite  , la  distilla- 
tion s’arrête  en  grande  partie  , l’huile  essen- 
tielle cesse  de  monter  sur-le-champ  , et  elle 
ne  commence  à distiller  que  lorsque  l’eau 
du  réfrigérant  a acquis  un  certain  degré  de 
chaleur.  Il  n’en  est  pas  de  même  du  ser- 
pentin; la  fraîcheur  de  l’eau  qu’il  contient 
ne  se  communique  jamais  jusque  dans  l’alam- 
bic. On  peut,  lorsqu’il  est  nécessaire,  le  ra- 
fraîchir subitement  : les  vapeurs  qu’il  ren- 
ferme ne  rétrogradent  jamais  ; mais  lors- 
qu’on distille  une  huile  essentielle  qui  a la 
propriété  de  se  figer  par  le  froid , comme 
l’huile  d’anis , par  exemple  , il  est  bon  de  ne 
point  rafraîchir  entièrement  ni  l’eau  du  ser- 
pentin, ni  l’eau  du  réfrigérant,  et  de  l’entre- 
tenir toujours  tiède,  sans  quoi  l’huile,  en  se 
figeant,  boucherait  le  serpentin,  elle  ferait 
crever  avec  danger. 

Les  huiles  essentielles  , quoique  fort  dé- 
gradées, sans  couleur,  sans  odeur, et  presque 
sans  fluidité,  ne  sont  pas  sans  remède;  on 
peut  les  rétablir  dans  toute  leur  pureté , et 
même  sans  qu’il  en  coûte  beaucoup.  Il  ne 
s’agit  pour  cela  que  de  les  verser  dans  un 
alambic  sur  des  plantes  ou  fleurs  de  la  même 
espèce  , y ajouter  une  suffisante  quantité 
d eau  y et  les  distiller  selon  le  procède  que 


29/f  l’art  de  composer 

nous  avons  établi  plus  haut,  en  parlant  de 

l’extraction  des  huiles  essentielles. 

Lorsque  l’huile  essentielle  n’est  pas  tout  à 
fait  altérée  , mais  quelle  commence  à perdre 
sa  couleur  et  sa  ténuité , il  suffit  pour  la  ré- 
tablir, de  la  verser  dans  une  petite  cornue 
de  verre  que  l’on  place  au  bain  de  sable  sui 
un  petit  fourneau  5 on  adapte  un  récipient , 
on  allume  et  l’on  maintient  toujours  égale- 
ment un  feu  à peu  près  pareil  a celui  de 
l’eau  bouillante  , et  l’on  distille  jusqu’à  ce 
que  les  gouttes  commencent  à paraître  un 
peu  jaunes  3 ce  qui  reste  dans  la  cornue  res- 
semble beaucoup  à la  résine. 

On  conçoit  sans  peine  qu  il  doit  se  perdre 
beaucoup  d’huile  essentielle  dans  cette  recti- 
fication 3 quelquefois  la  perte  va  jusqu  au 
tiers  et  meme  plus. 

Pour  conserver  les  huiles  essentielles  dans 
toute  leur  pureté  , et  le  plus  long-tems  quil 
est  possible  , il  faut  en  remplir  des  petits 
flacons  de  cristal  exactement  bouchés  avec 
des  bouchons  de  même  matière , les  placer 
dans  un  lieu  frais , et  ne  les  ouvrir  que  dan? 
la  nécessité. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  2^5 


De  V Eau-Rose. 

La  rose  ne  figure  pas  seulement  avec  éclat 
dans  nos  jardins,  elle  tient  encore  une  place 
distinguée  parmi  les  plantes  médicales  ; 011  en 
distingue  de  plusieurs  espèces,  qui  ont  cha- 
cune leur  vertu  particulière  : nous  ne  parle- 
rons ici  que  de  celles  que  l’on  emploie  com- 
munément pour  faire  l’eau  odorante.  C’est 
la  rose  pale  et  simple , très-commune  dans 
nos  jardins  3 à son  défaut  on  peut  se  servir  de 
la  rose  pâle  double,  ou  encore  mieux  , de  la 
rose  blanche  simple,  leurs  propriétés  sont  les 
memes,  à peu  de  chose  près. 

Pour  faire  l’eau  essentielle  de  rose,  il  fau- 
dra cueillir,  deux  heures  après  le  lever  du. 
soleil,  et  par  un  tems  bien  serein,  une  assez 
grande  quantité  de  roses  pour  pouvoir  en 
exprimer  quatre  livres  de  suc.  Pour  plus 
grande  facilité , pilez  vos  roses  dans  un  mor- 
tier de  marbre;  quand  elles  seront  en  pâle  , 
laissez-les  reposer  cinq  ou  six  heures  dans 
leur  suc,  mettez-les  ensuite  à la  presse,  dans 
un  linge  fort  et  d’un  tissu  peu  serré,  ou,  si 
vous  n’avez  point  de  presse,  lordcz-les  forte- 
ment et  à deux  personnes,  dans  un  linge  tel 
que  nous  venons  de  le  sj  écilier.  Ayant  ob- 


2C)6  l’art  de  composer 

tenu  quatre  livres  de  suc  ou  deux  pintes  , 
vous  y mettrez  en  infusion  quatre  livres  de 
roses  nouvellement  cueillies  , en  y ajoutant 
quelques  poignées  de  sel  commun  5 faites 
durer  l'infusion  pendant  vingt-quatre  heures, 
versez  le  tout  dans  un  alambic  de  verre , si 
vous  en  avez  un  d’une  capacité  assez  grande  ; 
ou  la  moitié  seulement,  si  vous  ne  pouvez 
pas  faire  autrement , ou  dans  le  bain-marie 
d’un  alambic.  Le  chapiteau  étant  adapté , 
placez  l’alambic  au  bain  de  sable , commencez 
la  distillation  par  un  feu  très-doux , augmentez 
son  action  par  degré  , et  jusqu’à  ce  que  les 
gouttes  se  succèdent  sans  interruption.  Prenez 
bien  garde  de  ne  pas  pousser  votre  feu  avec 
trop  de  violence  , il  pourrait  bien  arriver 
que  vos  roses  brûlassent  au  fond  de  la  cucur- 
hite , et  tout  serait  perdu.  Si  vous  craignez 
cet  accident,  au  lieu  du  bain  de  sable,  faites 
votre  distillation  au  bain-marie  ; l’opération 
sera  un  peu  plus  longue  , mais  aussi  vous 
11’aurez  aucun  danger  à craindre.  Quand  vous 
aurez  recueilli  environ  une  once  d’eau  essen- 
tielle , débitez  le  récipient , et  voyez  si  ce 
qui  coule  du  bec  du  chapiteau  est  encore 
fort  odorant,  en  ce  cas  continuez  la  distilla- 
tion; mais  si  cette  dernière  eau  vous  paraît 
moins  spirifueusc  et  moins  odorante  que 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  297 

celle  que  vous  aurez  d’abord  recueillie  dans 
le  récipient,  il  faudra  la  recueillir  dans  un 
autre  récipient,  parce  que  celte  seconde  eau 
11e  sera  qu’une  eau  simple  qu’il  convient  de 
séparer  de  la  première,  qui  est  seule  la  véri- 
table eau  essentielle  de  rose.  Par  conséquent, 
si  vous  voulez  l’avoir  excellente , ne  tirez  point 
à la  quantité,  mais  à la  qualité.  La  seconde 
eau  sera  encore  fort  bonne  , peut-être  sentira- 
t-elle  un  peu  l’empyreume.  Pour  lui.  faire 
perdre  celte  mauvaise  odeur,  il  faudra  l’ex- 
poser au  soleil  pendant  quelques  jours  , légè- 
rement bouchée  d’un  morceau  de  papier. 

C’est  une  attention  qu’il  faut  avoir  après 
chaque  distillation  de  quelque  substance  odo- 
rante que  ce  puisse  cire,  et  que  j’ai  oublié  de 
recommander  en  établissant  les  principes  gé- 
néraux. 

Si  vous  11e  vous  souciez  pas  d’avoir  l’eau 
essentielle  de  rose,  et  que  l’eau  simple  vous 
suffise,  vous  suivrez  la  méthode  suivante  : 

Prenez  quatre  livres  de  roses  , ajoutez  six 
livres  d’eau  ou  trois  pintes  , laissez  macérer 
le  tout  pendant  vingt-quatre  heures,  après 
quoi  vous  le  verserez  dans  un  alambic  de 
métal  garni  de  son  réfrigérant 5 distillez,  et 
tirez  tout  ce  que  vous  pourrez  obtenir  d’odo- 
rant > dès  que  vous  vous  apercevrez  que  ce 


2Ç)ft  l’art  de  composer 

qui  sort  de  l’alambic  sent  le  phlegme  , arrêtez 
votre  distillation  , démontez  votre  alambic  , 
jetez  comme  inutile  ce  qui  reste  dans  la  cu- 
curbite,  rincez-Ja  bien , emplissez-la  aux  deux 
tiers  de  roses  nouvellement  cueillies ; versez 
par-dessus  l’eau  de  votre  première  distilla- 
tion, et  recommencez-en  une  seconde,  tou- 
jours au  bain  de  sable  ; vous  tirerez  tout  ce 
que  vous  pourrez  obtenir  d’eau  odorante,  et 
vous  baisserez  éteindre  le  feu  dès  que  vous 
commencerez  à vous  apercevoir  que  ce  qui 
sort,  commence  à sentir  le  phlegme.  C’est 
une  odeur  fade  et  insipide  que  l’usage  vous 
apprendra  bien  vite  à connaître. 

L’eau  rose  est  d’un  très-grand  usage;  onia 
recommande  comme  excellente  pour  quel- 
ques maladies  des  yeux  ; on  en  fait  un  col- 
lyre, en  la  mêlant  avec  de  l’eau  de  plantin. 

Eau  essentielle  de  Fleurs  d'Orange. 

Je  ne  saurais  dire  combien  la  manière 
d’opérer  , et.  l’attention,  influent  sur  la  déli- 
catesse et  la  bonté  de  l’eau  de  fleurs  d’oranee. 

o 

Rien  de  si  aisé  que  de  faire  une  eau  simple 
qui  sente  médiocrement  la  fleur  d’orange; 
mais  lorsque  le  plilegme  y domine,  sa  bonne 
odeur  et  ses  autres  propriétés  disparaissent* 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  299 

Il  n’cst  pas  bien  dilïicile  de  faire  une  eau  de 
fleurs  d’orange  très-odorante  , il  suffit  pour 
cela  de  piler  dans’  un  mortier  de  marbre , 
feuilles,  pétales  , étamines,  etc.;  on  délaie 
ensuite  cette  espèce  de  pâte  dans  l’eau  com- 
mune , 011  jette  le  tout  dans  un  alambic  , et 
Ton  distille  au  feu  nu.  L’eau  que  l’on  re- 
tire par  ce  procédé  est  fort  odorante  à la 
vérité,  mais  elle  a un  défaut  considérable j 
son  odeur  a quelque  chose  d’austère  , si 
j’ose  me  servir  de  cette  expression  , qui  la 
rend  désagréable,  et  qui  porte  même  à la 
tête.  H y a d’autres  procédés  encore , on  les 
a même  multipliés  presqu’à  l’infini  ; chaque 
artiste  a le  sien  , et  je  ne  prétends  en  décrier 
aucun.  Voici  le  mien  qui  11e  plaira  peut-être 
pas  au  grand  nombre , parce  qu’il  suppose 
de  la  patience , de  l’attention , de  l’adresse  , 
mais  qui  dédommage  amplement  de  tous  ces 
soins  par  l’excellence  du  résultat. 

Cueillez  , deux  heures  après  le  lever  du 
soleil  , et  par  un  tems  serein,  quatre  livres 
de  fleurs  d’orange  , épluchez-les  , pétale  à 
pétale,  jetez  les  étamines  et  le  pistile  comme 
inutiles, mettez  vos  pétales  épluchées  dans  une 
cruche  de  grès  , avec  une  pinte  d’eau  , laissez 
infuser  le  tout  pendant  un  jour  et  une  nuit, 
pour  lors  versez  l’infusion  dans  une  cucur- 


3oo  l’art  de  composer 

bite  de  métal  ; lutcz  bien  les  jointures,  placez 
1 alambic  au  bain-marie  , adaptez  le  serpen- 
tin , si  vous  en  avez  un;  vous  vous  sou- 
viendrez qu’il  faut  remplir  le  réfrigérant 
d eau  tiède , et  le  serpentin  d’eau  très-froide. 
Si  vous  n avez  pas  de  serpentin  vous  pourrez 
vous  en  passer;  pour  lors  vous  adapterez  le 
récipient  ou  matras  immédiatement  au  bec 
du  réfrigérant , ayant  soin  de  laisser  une 
très  - petite  ouverture  à l’endroit  où  vous 
collerez  l’orifice  de  matras  , et  cela  pour 
donner  issue  à l’air  qui  pourrait  se  dévelop- 
per pendant  l’opération  ; placez  votre  alam- 
bic au  bain-marie,  et  distillez;  le  bain-marie 
ne  prendra  pas  plus  de  chaleur  qu’il  ne 
faut. 

Ayant  retiré  environ  deux  onces  de  li- 
queur , délutez  le  récipient  ou  matras  , et 
examinez  si  l’eau  qui  distille  est  aussi  odo- 
rante que  celle  qui  se  trouve  dans  le  matras; 
si  vous  trouvez  que  l’eau  qui  distille  actuel- 
lement est  moins  forte  que  celle  du  matras  , 
changez  de  récipient  pour  conserver  pure 
cette  dernière,  qui  est  la  véritable  eau  es- 
sentielle; mais  si  vous  la  trouvez  également 
odorante  , vous  remettrez  le  meme  matras  , 
et  quelque  terns  après  vous  ferez  un  nouvel 
essai  pour  voir  si  l’odeur  commence  à s’af- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3oi 

faiblir.  Quand  ce  moment  sera  arrivé , adap- 
tez un  nouveau  matras,  et  distillez  tout  ce 
qui  pourra  sortir  de  l’alambic.  Celte  seconde 
eau  ne  sera  pas  , à beaucoup  près  , aussi 
odorante  que  la  première  , mais  enfin  elle 
ne  sera  pas  sans  quelque  mérite  , vous  pou  irez 
la  réserver  à part  pour  certains  usages.  1! 
pourra  se  faire  , surtout  si  vos  fleurs  sont 
bien  remplies  d’esprit  recteur,  il  pourra  se 
faire  , dis-je,  que  vous  remarquiez  comme 
une  espèce  de  graisse  qui  nagera  à la  surface 

de  l’eau  odorante  que  vous  aurez  distillée  : 

» ' 

ne  vous  y trompez  pas  , c’est  le  néroli , ou 
1 huile  essentielle  de  fleurs  d’orange  , que 
vous  aurez  soin  de  recueillir  de  la  manière 
que  nous  1 avons  dit  dans  les  principes  gé- 
néraux , et  de  mettre  à part  dans  un  flacon 
de  cristal  cette  huile  dont  nous  aurons  oc- 
casion de  parler  dans  son  tems. 

Si  vous  ne  voulez  distiller  qu’une  eau  de 
fleurs  d’orange  simple  , prenez  quatre  livres 
de  fleurs  d’orange  , mettez  - les  dans  une 
cruche  de  grès,  sans  les  éplucher,  ajoutez 
neuf  pintes  d’eau,  mettez  le  tout  en  macéra- 
tion pendant  vingt-quatre  heures,  après  quoi 
versez  ce  qui  est  dans  la  cruche  de  grès  dans 
une  cucurbite  de  métal  un  peu  ample  3 placez 
la  cucurbite  sur  un  fourneau  à feu  ouvert , 


3<)2  l’art,  de  composer 

adaptez  son  réfrigérant,  ensuite  le  serpentin , 
si  vous  en  avez  3 à son  défaut,  adaptez  le  ma- 
lras , comme  nous  l’avons  dit  ci-dessus  , et 
avec  les  mêmes  précautions,  et  distillez  à un 
feu  modéré  d’abord , ensuite  un  peu  plus  fort , 
pas  trop  cependant 3 songez  que  le  feu  ouvert 
tire  à conséquence , et  que  vous  risquez  de 
brûler  vos  fleurs  en  le  poussant  avec  trop  de 
violence.  Vous  retirerez  six  pintes  d’eau  assez 
odorante , mais  simple  3 si  vous  la  voulez  plus 
odorante  encore  et  double , vous  la  rectilie- 
rez  en  procédant  à une  seconde  distillation  3 
c’est-à-dire  , que  vous  démonterez  votre  alam- 
bic; vous  jeterez  comme  inutile  tout  ce  qui 
se  trouvera  dans  la  cucurbite  , vous  la  rin- 
cerez promptement,  vous  y mettrez  deux  li- 
vres de  fleurs  d’orange  nouvellement  éplu- 
chées , vous  verserez  par-dessus  1 eau  de  fleurs 
d’orange  que  vous  aurez  retirée  de  votre  pre- 
mière distillation,  vous  ajouterez  deux  pintes 
d’eau  commune , et  vous  recommencerez  une 
seconde  distillation  a feu  ouvert,  mais  tem- 
pérée , c’est-à-dire , qu’une  goutte  ne  tarde 
pas  à suivre  l’autre,  sans  faire  le  filet.  Je  ne 
saurais  prescrire  au  juste  la  quantité  d’eau  que 
vous  pourrez  retirer,  cela  dépendra  de  la  qua- 
lité de  vos  fleurs,  mais  vous  pouvez  allri 
hardiment  jusqu’à  cinq  ou  six  pintes,  alors 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3ü3 

vous  examinerez  si  ce  qui  coule  par  le  bec  du 
réfrigérant  ou  chapiteau  est  encore  bien  odo- 
rant 5 en  ce  cas,  il  faudra  continuer  la  distil- 
lation 3 mais  si  vous  sentez  une  odeur  de 
phlegme  bien  marquée,  il  faudra  cesser.  Cette 
dernière  eau  de  fleurs  d’orange  bien  rectifiée, 
est  ce  qu  on  appelle  fleur  d’orange  double. 

Comme  il  pourrait  se  faire  que  votre  eau  de 
fleurs  d orange  , tant  la  simple  que  la  double  , 
et  même  l’eau  essentielle  sentissent  l’cmpy- 
reume  , il  faudra  les  exposer  au  soleil  pen- 
dant quelques  jours  , bouchées  simplement 
de  papier. 

De  quelque  manière  qu’on  distille  la  fleur 
d orange , comme  elle  n’est  point  spiri tueuse , 
elle  ne  se  conserve  guère  plus  de  deux  ans  3 
au  bout  de  ce  teins,  elle  s’altère  sensiblement. 

On  doit  avoir  remarqué  dans  plusieurs 
cudioits  de  cet  ouvrage  , que  l’eau  de  fleurs 
d orange  est  d’un  usage  très-étendu  dans  nos 
compositions  3 elle  n’est  point  appréciable 
seulement  par  son  odeur  aromatique  ; ses 
vei  tus  médicales  lui  donnent  un  mérite  tout 
particulier.  On  1 emploie  avec  succès  pour 
dissiper  les  vapeurs,  et  dans  toutes  les  affec- 
tions nerveuses. 


3(4 


l’art  de  composer 


Eaux  de  toute  espèce. 


Les  différentes  méthodes  que  nous  venons 
de  proposer  à l’occasion  de  la  rose  et  de  la 
fleur  d’orange , pourront  servir  de  modèle 
pour  la  distillation  de  toutes  sortes  de  fleurs  , 
excepté  les  liliacées  , dont  l’esprit  recteur  est 
si  volatil , qu’il  est  impossible  de  le  fixer  par 
aucune  espèce  de  distillation. 

Mais  si  vous  avez  dessein  de  travailler  sur 
les  plantes  odorantes  , telles  que  le  thym  , 
l’hysope  , la  marjolaine  , l’absinthe,  vous 
procéderez  de  la  manière  suivante: 

Emplissez  les  deux  tiers  d’une  grande  cru- 
che de  grès  , avec  les  sommités  de  la  plante 
dont  vous  vous  proposez  d’extraire  l’odeur  3 
faites  bouillir,  dans  une  assez  grande  quantité 
d’eau  commune  , d’autres  branches  ou  som- 
mités de  la  même  plante  3 après  quelques 
bouillons  , versez  la  décoction  dans  votre 
cruche  , de  manière  que  les  plantes  y trem- 
pent à l’aise,  mais  sans  excès.  Cette  propor- 
tion doit  vous  servir  de  règle  pour  la  quantité 
d’eau  commune  que  nous  avons  spécifiée  en 
parlant  de  la  décoction  3 faites  durer  l’infusion 
deux  jours , tout  au  plus;  après  ce  tems,  dis- 
tillez au  feu  nu  3 ne  tirez  pas  jusqu  à siccité  , 

vous 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3o5 
vous  risqueriez  de  faire  brûler  la  plante  au 
fond  de  la  cucurbite  3 ne  retirez  donc  qu’en- 
viron  la  moitié  de  l’eau  que  vous  aurez  ajou- 
tée à vos  plantes. 

Si  vous  voulez  que  votre  premier  produit 
soit  plus  aromatique  , il  faudra,  après  la  pre- 
mière distillation,  démonter  l’alambic , jeter 
comme  inutile  ce  qui  restera  dans  la  cucur- 
bite , la  remplir,  jusqu  a moitié  , de  nou- 
velles branches  ou  sommités  de  la  plante  sur 
laquelle  vous  travaillez  , verser  par  - dessus 
l’eau  aromatique  de  votre  première  distilla- 
tion , et  en  commencer  une  seconde  5 vous 
obtiendrez , au  moyen  de  celle-ci , une  eau 
très-odorante 5 et  si  la  plante  , objet  de  votre 
travail,  contient  une  certaine  quantité  d’huile 
essentielle , elle  ne  manquera  pas  de  surnager 
dans  le  récipient 3 et  si  vous  en  êtes  curieux, 
vous  pourrez  la  séparer  selon  l’art,  et  la  con- 
server à part  dans  un  flacon  bien  bouché. 

Ou  peut  par  le  même  moyen  distiller  des 
eaux  de  toutes  les  herbes  odorantes,  parti- 
culièrement de  celles  qui  servent  à la  cui- 
sine, ce  qui  peut  devenir  d’une  grande  res- 
source pour  1 hiver  où  ces  plantes  devien- 
nent fort  rares.  Pour  obtenir  ces  eaux  capa- 
bles de  suppléer  au  persil,  au  cerfeuil,  à la 
pimprenelle,  etc.  , emplissez  les  deux  tiers 

V 


5o6  l'art  de  composer 

d’une  cruche  avec  du  persil , par  exemple  ; il 
en  est  de  même  des  au'res  plantes  potagères; 
faites  bouillir,  dans  une  quantité  convenable 
d’eau  commune,  beaucoup  d’autre  persil  , 
pour  en  retirer  une  forte  teinture;  coulez  la 
décoction  et  versez-la  sur  le  persil  que  vous 
aurez  jeté  dans  la  cruche  ; faites  durer  l’infu- 
sion pendant  vingt  - quatre  heures  ou  deux 
jours,  tout  au  plus;  distdlez  au  feu  nu  , avec 
l’attention  de  ne  pas  le  pousser  trop  fort  pour 
lie  pas  brûler  l’herbe  contenue  dans  la  cucui- 
bite.  Après  une  première  distillation , coho- 
bez  , ayant  soin  de  remettre  à chaque  fois  de 
nouvelles  herbes  avec  votre  eau  nouvellement 
distillée;  après  trois  ou  quatre  cohobations , 
vous  aurez  une  eau  plus  odorante  et  plus 
propre  aux  assaisonuemens  que  les  herbes 
mêmes. 

Pour  dissiper  le  goût  d’cmpy  reume  que  vos 
eaux  odorantes  pourront  avoir  couiraclé  , il 
faudra  les  exposer  quelques  jours  au  soleil 
dans  des  bouteilles  bouchées  d’un  simple 
papier. 

Esprit  ardent  de  Roses. 

On  peut  compte*’  deux  sortes  d eaux  spi- 
ritueuses  odorantes.  Celles  qui  sont  inflam- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  5c>7 
niables  par  elles-mêmes,  sans  mélange  d’au- 
cune autre  substance,  et  celles  qui  ne  le  sont 
que  par  l’addition  d’un  esprit  ardent  quel- 
conque, mais  d’une  espèce  différente.  Nous 
commencerons  par  donner  un  exemple  des 
premières  , mais  nous  nous  étendrons  un 
peu  davantage  en  parlant  des  secondes. 

Pour  tirer  l’esprit  ardent  des  roses  , pre- 
nez vingt  livres  de  cette  fleur  j il  faut  choisir 
celles  dont  nous  avons  déjà  parlé  , et  que 
l’on  nomme  la  rose  pale, simple  3 écrasez-la, 
sans  l’éplucher,  dans  un  mortier  de  marbre, 
vous  en  formerez  comme  une  pâte , étendez 
cette  pàtc  , couche  par  couche  , avec  du  sel 
marin,  dans  une  très-grande  cruche  de  grès, 
ou  dans  deux  , si  un£  11’est  pas  suflisante , 
c’est-à-dire  que  vous  saupoudrerez  chaque 
couche  de  pâte  de  roses  , d’un  demi-doigt  de 
sel  commun  ou  environ  3 pressez  vos  cou- 
ches les  unes  sur  les  autres  , le  plus  qu’il 
sera  possible , bouchez  bien  votre  cruche 
avec  un  bouchon  de  liège  trempé  dans  la 
cire  jaune  fondue  , recouvrez  ce  bouchon 
avec  d’autre  cire  encore  , portez  votre  cruche 
à la  cave,  et  oubliez-la  pendant  six  semaines 
ou  deux  mois  3 après  ce  tems  , débouchez  la 
cruche  3 si  elle  exhale  une  odeur  forte  et 
vineuse,  la  fermentation  sera  à son  point  ; 

V 2 


5o8  l’art  de  composer 

si  vous  n’y  trouvez  pas  cette  odeur,  jetez 
dans  votre  cruche  un  peu  de  levure  de  bière , 
et  si  vous  n’en  avez  pas , prenez  du  levain 
ordinaire,  qui  sert  à faire  le  pain  3 je  vous 
conseillerais  même, pour  plus  grande  sûreté , 
de  mettre  ou  la  levure  ou  le  levain  parmi 
vos  roses  , au  moment  que  vous  les  pilez , 
vous  seriez  plus  sûr , par  ce  moyen , d’exciter 
la  fermentation , sans  laquelle  vous  11’ob- 
tiendrez  jamais  un  atome  d'esprit  ardent. 
Mais  quand  vous  serez  parvenu  à exciter 
une  fermentation  bien  vive,  vous  pourrez 
compter  sur  le  succès  de  votre  opération. 
Prenez  pour  lors  huit  ou  dix  livres  de  votre 
pâte  de  rose  fermentée,  mettez-la  dans  une 
cucurbite  ordinaire  , adaptez  le  réfrigé- 
rant , etc. , et  distillez  au  bain-marie  et  à un 
feu  assez  vif.  Prenez  garde  à la  liqueur  qui 
sortira 3 vous  continuerez  un  feu  toujours 
égal , tant  qu’elle  vous  paraîtra  sensiblement 
spiritueuse  3 mais  sitôt  qu’elle  commencera 
à ne  plus  annoncer  d’esprit,  cessez  la  distil- 
lation. Vous  distillerez  de  même  le  reste  de 
votre  pâte,  si  vous  n’avez  pas  employé  le 
tout  à la  première  distillation,  mêlant  chaque 
fois  tous  les  produits  ensemble.  Quand  vous 
aurez  achevé  de  distiller  tout  ce  que  vous 
avez  de  pâte  de  rose  fermentée  , vous  ver- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  5oQ 

serez  tous  vos  produits  dans  un  alambic  de 
verre;  vous  placerez  cet  alambic  au  bain  de 
sable,  ou  au  bain-marie  , et  vous  distillerez 
à petit  feu;  1 esprit  ardent  sortira  d’abord 
pui  et  très-exalté.  Prenez  garde  au  moment 
que  le  phlegme  commencera  à monter,  afin 
de  conserver  votre  esprit  ardent  dans  toute 
sa  force. 

On  peut  faire  , selon  ce  procédé , toutes 
sortes  d esprits  ardens;  mais  je  ne  le  con- 
seille pas  , l’ouvrage  est  trop  pénible,  et  je 
ne  vois  pas  que  ces  sortes  d’eaux  spiri- 
tueuses  aient  des  avantages  bien  marqués 

sur  les  eaux  spiritueuses  dont  nous  allons 
parler. 

Eau  de  Lavande. 

Il  y a deux  espèces  de  lavande,  la  lavande 
male  et  la  lavande  femelle  ; elles  ont  toutes 
deux  les  mêmes  propriétés  et.  les  mêmes 
vertus , mais  on  se  sert  plus  communément 
de  la  seconde  espèce  , parce  qu’elle  est  plus 
aïomatique,  et  que  son  parfum  est  plus 
agréable.  On  en  borde  les  plates-bandes  des 
jardins,  particulièrement  des  potagers  , ce 
qui  produit,  un  très -bon  effet  par  l’odeur 
douce  et  agréable  que  cette  bordure  répand 


5 10  l’art  de  composer 

dans  l’air.  D’ailleurs  cette  fleur  offre  l’utile 
aussi  bien  que  l’agréable , par  les  propriétés 
médicales  qui  la  distinguent.  Nous  en  par- 
lerons avec  un  peu  plus  d’étendue  lorsque 
nous  donnerons  la  manière  d’extraire  son 
huile  essentielle  3 nous  nous  contenterons  de 
parler  ici  de  son  esprit  aromatique. 

Rien  n’est  si  aisé  que  de  faire  une  eau  spi- 
ritueuse  de  lavande  telle  qu’on  la  vend  chez 
le  commun  des  parfumeurs.  On  infuse  un 
peu  de  fleurs  de  lavande  dans  1 eau-de-vic  , 
on  la  distille  , et  tout  est  dit;  mais  pour  la 
faire  excellente , il  faut  un  peu  plus  de  soins 
et  de  dépenses. 

Emplissez  une  cruche  de  grès  d une  gran- 
deur proportionnée  à la  quantité  d esprit  de 
lavande  que  vous*  voulez  faire  ; emplissez 
cette  cruche  jusqu’aux  deux  tiers  , de  fleurs 
de  lavande  grossièrement  épluchées , pourvu 
qu’il  ne  reste  ni  feuilles  ni  tiges  , cela  suffit  ; 
versez  sur  cette  fleur  de  l’esprit-de-vin  par- 
faitement rectifié  ; vous  laisserez  le  tout  en 
infusion  pendant  huit  jours  , moins  même 
si  vous  êtes  pressé,  après  quoi  vous  distille- 
rez au  bain-marie  à gouttes  très-précipitées. 
Vous  retirerez  presqu’aulant  desprit  de  la- 
vande , que  vous  aurez  employé  d’esprit- 
de-vin.  Si  vous  trouvez  que  votre  produit 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3 1 I 

ne  sent  pas  assez  la  lavande , vous  pourrez 
le  rectifier  par  une  seconde  distillation  que 
vous  conduirez  exactement  comme  la  pre- 
mière , c’est-à-dire  , que  vous  verserez  votre 
esprit  de  lavande  que  vous  ne  trouvez  pas 
assez  aromatique  sur  une  quantité  raison- 
nable de  nouvelle  lavande  ; après  quelques 
jours  d’infusion  , vous  verserez  le  tout  dans 
un  alambic , vous  le  placerez  au  bain-marie  , 
et  vous  distillerez  jusqu’à  siccilé  et  à gouttes 
précipitées.  Après  cette  seconde  distillation 
vous  pourrez  vous  flatter  d’avoir  une  eau 
de  lavande  parfaitement  odorante  et  très- 
spiritueuse. 

On  pourra  distiller  de  meme  l’esprit  d’ab- 
sinthe , de  sauge , de  myrte , de  thym  de 
basilic , de  camomille  , de  roses  , de  fleurs 
d’orange  , etc. 

Eau  de  Cologne. 

Esprit-de-vin  rectifié , vingt-six  livres 3 es- 
prit de  romarin  , sept  livres  ; eau  de  mélisse 
composée,  quatre  livres  et  demie;  essence  de 
bergamote  , six  onces  ; néroli , trois  gros  ; es- 
sence de  cédrat , demi-once  ; essence  de  ci- 
tron, six  gros;  essence  de  romarin,  deux 
gros. 


312 


l’art  de  composer 

On  mci  toutes  ces  substances  dans  une  grosse 
bouteille , ou  dans  un  flacon  avec  un  bouchon 
de  cristal 3 on  agite  le  mélange,  et  l’eau  est 
faite. 

Si  l’on  veut  que  cette  eau  soit  plus  délicate  , 
il  faut  la  rectifier  au  bain-marie  , à petit  feu  , 
pour  tirer  toute  la  liqueur  à deux  pintes 
prè^. 

Eau  pour  les  dents. 


Cannelle,  deux  onces 3 girofle,  six  gros  3 
cresson  d’eau,  six  onces 3 écorce  récente  de 
citron  , une  once  et  demie  3 roses  rouges  , 
une  once;  cochléaria,  demi-livre 3 esprit-de- 
vin rectifié,  trois  livres. 

On  concasse  ce  qui  esta  concasser  3 on  coupe 
grossièrement  le  cresson  et  le  cochléaria  3 011 
fait  macérer  le  tout  dans  l’esprit-de-vin  pen- 
dant vingt- quatre  heures,  dans  un  vaisseau 
clos  3 on  distille  ensuite  au  bain-marie  jusqu’à 
siccité  3 après  quoi  on  rectifie  cette  liqueur 
au  bain-marie. 

Cette  eau  fortifie  les  gencives 3 on  s’en  sert 
pour  se  laver  la  bouche  : on  l’emploie  seule 
ou  mêlée  avec  de  l’eau. 


» 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  5 1 3 


Eau  de  la  Reine  d'Hongrie . 

On  appelle  de  ce  nom  l’esprit-de-vin  im- 
prégné de  l’esprit  recteur  du  romarin. 

Tout  le  monde  connaît  le  romarin  ; dans 
les  régions  méridionales  de  l’Europe  , les 
bois  en  sont  remplis  ; il  est  un  peu  plus  rare 
dans  les  pays  septentrionaux.  On  a été  per- 
suadé pendant  fort  long-tems  que  la  fleur 
de  cet  arbrisseau  avait  infiniment  plus  de 
vertu  que  le  reste  de  la  plante  ; on  est 
maintenant  détrompé  sur  cet  article.  L’ex- 
périence a fait  connaître  que  les  sommités 
de  la  plante  , ainsi  que  les  feuilles  , four- 
nissaient autant  et  plus  d’esprit  recteur  que 
la  fleur  même. 

Emplissez  une  cucurbite  de  fleurs  , de 
feuilles  et  de  sommités  de  romarin  jusqu’aux 
deux  tiers  à peu  près , et  plutôt  moins  que 
plus  ; versez  par-dessus  de  l’esprit  - de  - vin 
rectifié  de  manière  qu’il  surpasse  le  romarin 
d’environ  un  bon  doigt;  couvrez  la  cucur- 
bite de  son  chapiteau , placez  l’alambic  au 
bain  - marie  , et  distillez  fort  lentement  ; si 
votre  esprit-de-vin  est  tel  qu’il  doit  être  , 
c’est-à-dire  , parfaitement  rectifié,  vous  reti- 
rerez à peu  près  la  même  quantité  d’esprit 


3 1 4 l'art  de  composer 

aromatique  , que  vous  rectifierez  , si  vous 
le  jugez  à propos  , de  la  manière  que  nous 
avons  dît  dans  l’article  précédent  en  parlant 
de  l’eau  de  lavande,  c’est  à peu  près  le  même 
procédé. 

L’eau  de  la  reine  d’Hongrie  était  autrefois 
très  - célèbre.  On  la  donne  intérieurement 
depuis  un  scrupule  jusqu’à  une  drachme  dans 
du  vin  ou  dans  quelque  eau  analogue  à 1 in- 
disposition que  l’on  ressent.  On  peut  aussi 
dans  certains  cas  en  respirer  quelques  gouttes 
par  le  nez , et  en  mettre  des  compresses  sur 
les  tempes  et  sur  les  sutures  du  crâne.  On  se 
sert  du  même  appareil  dans  le  cas  de  rhuma- 
tisme , de  contusions  , de  fluxions  , de  même 
qu’autour  des  yeux  pour  fortifier  la  vue , et 
dans  les  oreilles  , pour  le  soulagement  des 
maux  auxquelles  elles  sont  sujettes. 

Esprit  de  Cédrats. 


Nous  avons  déjà  parlé  -de  l’extraction  de 
l’esprit  de  cédrats  dans  le  cours  de  cet  ou- 
vrage ; mais  comme  il  ne  s’agissait  pour  lors 
que  d’une  préparation  relative  au  goût,  nous 
n’avons  pas  cru  devoir  donner  alors  le  pro- 
cédé relatif  à l’odorat  5 ces  deux  procédés 
sont  à peu  près  les  mêmes  pour  le  fond  3 ce- 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  5 1 5 

pendant  comme  celui  qui  concerne  l’odorat 
a pour  objet  une  quantité  beaucoup  plus  con- 
sidérable d’esprit  recteur,  il  suppose  quel- 
ques changemens  dans  la  manipulation  et 
dans  les  doses,  et  c’est  l'instruction  que  nous 
nous  proposons  de  donner  dans  cet  article  , 
que  l’on  pourra  appliquer  aux  préparations 
de  tous  les  esprits  ou  eaux  odorantes  simples , 
dont  nous  donnerons  la  liste  à la  fin  de  ce 
même  article. 

Prenez  douze  beaux  cédrats  , enlevez-en 
les  zestes  avec  un  couteau,  c’est-à-dire  , toute 
la  partie  jaune  de  l’écorce  jusqu’au  blanc  , 
jetez  ces  zestes,  à mesure  que  vous  les  enlevez, 
dans  deux  pintes  d’esprit- de  - vin  parfaite- 
ment rectifié,  laissez-les  en  macération  pen- 
dant huit  jours  dans  un  lieu  tempéré  et  dans 
un  vaisseau  de  verre  ou  de  grès  parfaitement 
clos  5 au  bout  de  ce  tems,  versez  votre  infu- 
sion dans  une  cucurbite , adaptez  le  réfrigé- 
rant , et  distillez  au  bain-marie  jusqu’à  sic- 
cité,  après  quoi  redistillez  l’esprit  de  cédrats 
que  vous  venez  d’obtenir  à un  feu  très-doux 
jusqu’à  ce  que  vous  ayez  retiré  les  cinq 
sixièmes  de  votre  premier  produit;  retirez 
alors  le  matras  , vous  y trouverez  un  esprit 
de  cédrats  que  vous  exposerez  quelques  jours 
au  soleil  dans  le  matras  même  bouché  légè- 


3i6 


l’art  de  composer 

rement  d’un  papier,  pour  lui  faire  perdre 
le  peu  d’empyreume  qu’il  pourrait  avoir  con- 
tracté^ après  cela  vous  le  mettrez  dans  des 
flacons  qui  ferment  bien,  au  moyen  de  leurs 
bouchons  de  cristal. 

Vous  pourrez  distiller  de  même  l’esprit  de 
citron  , d’écorce  d’orange  et  tous  les  fruits 
aromatiques  de  la  même  espèce  , en  obser- 
vant qu’il  faudra  augmenter  la  dose  des  zestes 
proportionnellement  au  parfum  qu’ils  exha- 
lent; ainsi  , au  lieu  des  zestes  de  douze  cé- 
drats seulement  pour  deux  pintes  d’esprit- 
de-vin,  il  faudra  prendre  les  zestes  de  trente 
citrons  pour  la  même  quantité  d’esprit-de- 
vin  ; en  général , plus  on  mettra  de  substance 
aromatique  en  infusion  dans  l’esprit-de-vin , 
et  plus  l’esprit  que  l’on  recueillera  après  la 
distillation  sera  odorant. 

Vous  observerez  le  même  procédé  pour 
obtenir  l’esprit  de  cannelle  , de  girofle , de 
muscade,  de  coriandre  , de  carvi , de  fenouil, 
d’anis  , etc.  , ayant  soin  de  les  concasser  dans 
un  mortier  de  marbre  avant  que  de  les  mettre 
en  infusion  dans  l’esprit-de-vin  , que  vous 
continuerez  au  moins  pendant  huit  jours  ; 
vous  les  distillerez  ensuite  au  bain  - marie  , 
et  vous  les  rectifierez  dans  un  alambic  de 
verre  et  au  bain  de  sable. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3*7 


JL  au  de  Mélisse  composée. 

L eau  de  mélisse  , vulgairement  appelée 
eau  des  carmes  , soutient  depuis  long-tems 
sa  célébrité  par  les  effets  salutaires  qu’elle 
produit  ; quand  elle  est  faite  avec  soin,  elle 
est  non  - seulement  odorante,  mais  encore 
très-médicale.  Comme  elle  est  fort  compli- 
quée dans  sa  composition,  il  ne  faut  point 
être  surpris  si  l’on  en  trouve  de  si  différentes 
lune  de  1 autre.  Beaucoup  de  gens  n’étant 
pas  propriétaires  du  véritable  secret,  ne  font 
que  des  à peu  près 3 d’autres  , qui  ont  peut- 
être  eu  ce  secret,  y ont  fait  des  changemens 
arbitraires;  les  uns  pour  épargner  la  dépense , 
les  autres  pour  exclure  certains  ingrédiens 
très-salutaires  en  eux- mêmes  , mais  qui  en 
altéraient  un  peu  l’odeur  du  côté  de  l’agré- 
ment. J ai  même  lu  dans  des  ouvrages  fort 
estimés  des  recettes  de  fantaisie,  substituées 
sans  scrupule  à la  véritable. 

Prenez  demi-livre  de  cannelle  , six  onces 
de  cardamomum  avec  leurs  gousses  , six 
onces  danis  vert,  quatre  onces  de  clous  de 
girofle  , lmit  onces  de  coriandre  ; concassez 
ces  aromates  dans  un  mortier  de  marbre , et 
jetez-lcs  dans  une  cruche  de  grès;  ajoutez 


5 ; 8 l’art  de  composer 
l’écorce  île  huit  citrons,  un  litron  île  baies 
de  genièvre  écrasées , douze  poignées  de 
niélisse , lorsqu’elle  est  dans  toute  sa  lorce , 
six  poignées  de  sommités  de  romarin , autant 
de  sauge  , autant  d’hysope  , autant  d’an  g e - 
lique,  dont  vous  prendrez  simplement  les 
côtes  et  non  les  feuilles  , ni  la  graine,  ni  la 
racine 3 marjolaine  et  thym,  de  chacun  six 
poignées,  de  l’absinthe  une  demi-poignée; 
hachez  toutes  ces  plantes  , mettez-les  dans 
la  cruche  de  grès,  versez  sur  vos  drogues 
seize  pintes  d’eau-de-vie  , et  faites  durer  l’in- 
fusion huit  jours  ; versez  pour  lors  le  tout 
dans  un  alambic  de  métal  , et  distillez  au 
bain-marie  , vous  en  retirerez  d’abord  dix 
pintes  , que  vous  rejeterez  dans  la  cucur- 
bite,  continuant  toujours  votre  feu  au  même 
degré  ; peu  après  vous  le  diminuerez  de 
façon  que  l’eau  aromatique  ne  tombe  plus 
dans  le  récipient  qu’à  gouttes  précipitées  ; 
vous  continuerez  votre  distillation  de  la  sorte 
jusqu’à  ce  que  vous  ayez  retiré  sept  pintes; 
changez  pour  lors  de  récipient , vous  pourrez 
encore  retirer  une  pinte  ou  deux  d une  eau 
faiblement  spiritueuse,  mais  qui  ne  sera  pas 
sans  quelque  vertu.  11  laudra  rectifier  les 
sept  pintes  que  vous  avez  d’abord  retirées  ; 
pour  cet  effet  vous  les  verserez  dans  une 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  3ig 
cucurbite  d’étain;  vous  placerez  la  cucurbite 
au  bain-marie  , vous  y adapterez  le  chapi- 
teau et  le  récipient , et  vous  distillerez  à un 
feu  très -doux;  après  avoir  retiré  les  cinq 
sixièmes  des  sept  pintes,  vous  laisserez  étein- 
dre le  feu , vous  exposerez  votre  produit  au 
soleil  pour  lui  faire  perdre  le  goût  d ’empy- 
reume  , ou  bien  vous  plongerez  pendant  six 
ou , sept  heures  le  matras  dans  de  la  glace 
pdée  , parmi  laquelle  vous  mêlerez  un  tiers 
de  sel  marin , après  quoi  vous  verserez  votre 

eau  de  mélisse  dans  des  flacons  conve- 
nables. 

, Sl  vous  voulez  faire  une  eau  de  mélisse 
d une  odeur  plus  gracieuse  que  la  précé- 
dente, mais  moins  salutaire  peut-être , prenez 
quatre  onces  de  zestes  da  citrons  ; muscade 
deux  onces  ; coriandre  , huit  onces;  girofle' 
deux  onces  ; cannelle  , deux  onces  ; racine 
sèche  d angélique , une  once  ; concassez  et 
pilez  bien  toutes  ces  drogues;  mélisse  citron- 
née, en  fleurs  et  récente,  une  livre;  coupez- 
la  par  petits  brins  menus  , et  mettez  toutes 
ces  drogues  en  macération  pendant  cinq  ou 
six  jours  dans  huit  livres  desprit  - de  - vin 
très-rectifié  ; après  ce  tems,  versez  votre  in- 
fusion dans  un  alambic  de  métal , et  distillez 
au  bain-marie  jusqu  a siccité;  vous  retirerez 


320  l’art  de  composer 

huit  livres  d’esprit  aromatique  , quil  faudra 
rectifier  au  bain-marie  dans  un  alambic  de 
verre  3 vous*  ne  retirerez , à cette  seconde 
distillation  , que  sept  livres  d’eau  de  mé- 
lisse , que  vous  plongerez  dans  un  mélange 
de  glace  pilée , et  de  sel  marin  pendant  sept 
ou  huit  heures , après  quoi  vous  mettrez  votre 
eau  de  mélisse  dans  des  flacons  qui  aient  leui- 
bouchon  de  cristal. 

L’eau  de  mélisse  est  fort  estimée  : on  la 
dit  souveraine  dans  les  vapeurs,  dans  les  co 
liques,  etc. , enfin,  cette  eau  s’est  acquise  une 
réputation  égale  efl  meme  supérieure  à celle 
de  la  reine  d’Hongrie  3 elle  est  préférée  dans 
une  infinité  de  circonstances.  On  en  donne 
par  cuillerée  ou  pure  ou  melee  dans  un 
verre  d’eau  , suivant  l’état  de  la  personne 

affligée. 

Eau  Vulnéraire. 

L’eau  vulnéraire  a eu  le  sort  de  1 eau  de 
mélisse , c’est-à-dire  qu’on  y a ajouté  ou  re- 
tranché selon  le  caprice  ou  les  vues  parti- 
culières de  chaque  artiste  5 les  uns  font  in- 
fuser leurs  plantes  dans  l’eau, les  autres  dans 
du  vin  blanc  , quelques  - uns  dans  l’eau- 

de-vie. 


Prenez 


LES  liqueurs  de  table,  etc.  321 

Prenez  des  feuilles  récentes  de  sauge , d an- 
gélique , d’absinthe  ,de  sariette,  de  fenouil,  de 
mentastrum,  d’hysope,  de  mélisse,  debasilic, 
<le  rhue,  de  thym,  de  marjolaine, de  romarin, 
d’origan  , de calament,  de  serpolet,  de  fleurs' 
de  lavande  , quatre  onces  de  chacun  de  ces 
plantes.  On  coupe  grossièrement  toutes  ces 
plantes  : on  les  met  infuser  pendant  dix  à 
douze  heures  dans  l’esprit-de-vin  : on  pro- 
cède ensuite  à la  distillation  au  bain-marie 
pour  tirer  toute  la  liqueur  spiritueuse.  On 
ja  conscrve  dans  une  bouteille  qui  bouche 
bien.  C’est  ce  que  l’on  nomme  eau  vulné- 
raire spiritueuse  et  eau  d’arquebusade. 

Si  1 on  emploie  de  l’eau  en  place  d’esprit- 
dc-vin , on  obtient  l’eau  vulnéraire  à l’eau, 
qui  est  blanche,  laiteuse  , sur  laquelle  sur- 
nage un  peu  d’huîle  essentielle  qu’on  sépare; 
on  la  nomme  essence  vulnéraire. 

Enfin  , si  l’on  emploie  du  vin  blanc  ou 
du  lîn  longe  , en  place  d’èau  ou  d’esprit- 
de-vin  , on  obtient  l’eau  vulnéraire  au  vin, 
qui  est  plus  agréable  que  celle  que  l’on  pré- 
pare avec  de  l’eau. 


X 


522 


l’art  de  composer 


Eau  Vulnéraire  rouge , par  infusion. 

Si  l’on  fait  infuser  seulement,  et  sans  dis- 
tiller dans  de  l’eau-de-vie , toutes  les  plantes 
qui  entrent  dans  l’eau  vulnéraire  spiritueuse  , 
cela  forme  l’eau  vulnéraire  rouge  par  infu- 
sion. Elle  a les  mêmes  vertus  que  la  prece- 
dente 3 elle  s’emploie  de  la  meme  manière. 

Comme  l’eau  vulnéraire  distillée  est  extraor- 
dinairement spiritueuse , il  faudra  bien  se 
donner  de  garde  de  l’appliquer  toute  pure 
sur  les  plaies,  llfaudra  donc  la  tempérer  par 
une  quantité  proportionnée  d’eau  commune; 
on  prendra  la  même  précaution  lorsqu’on 
remploiera  pour  l’usage  intérieur. 

T J v,  « Il  . i t ‘ ' 

Eau  de  Miel  odorante . 

\ f 

Pour  distiller  l’eau  de  miel  odorante , 
prenez  trois  livres  d’esprit-de-vin  rectifie, 
huit  onces  de  miel  blanc , autant  de  coriandre 
concassée  , trois  gros  de  vanille  , une  once 
de  zestes  de  citrons  récens  , six  gros  de  gi- 
rofle , quatre  gros  de  muscade,  autant  de 
stirax  calamite  , autant  de  benjoin  , cinq 
onces  d’esprit  de  rose , autant  d’esprit  de  fleur 
d’orange.  Vous  ferez  ces  sortes  d’esprits 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  elC.  3^3 

selon  le  procédé  que  nous  avons  indiqué 
pour  faire  l’esprit  de  lavande.  Ayant  con- 
cassé toutes  les  drogues  qui  sont  suscepti- 
bles de  cette  préparation,  vous  mettrez  le 
tout  infuser  dans  l’esprit-de-vin , l’esprit  de 
rose  et  l’esprit  d’orange ; après  trois  ou  quatre 
jours  de  macération,  vous  verserez  le  mé- 
lange dans  une  cucurbite  de  métal  , vous 
distillerez  au  bain-marie  , vous  rectifierez 
cette  première  distillation  , et  vous  en  reti- 
rerez à peu  près  une  quantité  égale  à celle 
desprit  que  vous  aurez  employé. 

Eau  de  Bouquet  , etc. 

Une  once  d’eau  de  miel  odorante,  deux 
onces  d eau  sans-pareille  , dont  nous  donne- 
rons la  recette  immédiatement  après  celle-ci  ; 
eau  de  jasmin,  quatre  gros  et  demi ; eau  de 
girofle,  une  demi-once,  autant  d’eau  de  vio- 
lette 5 de  souchet  long  , deux  gros,  autant 
d’eau  de  lavande  ; dix  gouttes  d’esprit  de 
néroli  (cest  de  l’esprit  de  fleur  d'orange*:); 
mêlez  toutes  ces  liqueurs  ensemble  dans  un 
flacon  qui  ferme  bien  avec  un  bouchon  de 
cristal , et  elle  sera  faite;  elle  n’exige,  ni  dis- 
tillation , ni  rectification , et  elle  est  char- 
mante pour  1 odeur.  Nous  allons  donner  tout 

X a 


524  l’art  de  composer 

de  suite , et  par  ordre  , la  façon  de  faire  le* 
autres  eaux  qui  entrent  dans  cette  compo- 
sition. 

Eau  Sans-Pareiïïe. 

Prenez  six  livres  d’esprit-de-vin  rectifié  , 
deux  gros  et  demi  d’huile  essentielle  de  ber- 
gamote , une  demi-once  d’huile  essentielle 
de  citron , deux  gros  d’huile  essentielle  de 
cédrats, eau  de  la  reine  d Hongrie  huit  onces; 
mêlez  bien  toutes  ces  liqueurs  ensemble  dans 
une  cucurbite  de  verre  , placez -la  au  bain 
de  sable,  adaptez  un  chapiteau  et  un  réci- 
pient,et  distillez  à un  feu  très-doux.  Vous  re- 
tirerez à peu  près  la  même  quantité  d esprit- 
de-vin  et  d’eau  de  la  reine  d’Hongrie  que 
vous  y en  aurez  mis. 

Eau  de  Jasmin . 

Cette  eau  est  encore  nécessaire  pour  com- 
poser l’eau  de  bouquet.  Pour  la  faire , vous 
prendrez  une  livre  d’huile  de  .jasmin  , dont 
vous  trouverez  la  composition  ci -après; 
vous  verserez  cette  livre  d huile  de  jasmin 
sur  une  demi-livre  d’esprit-de-vin , vous  se- 
couerez le  mélange  dans  une  fiole  bien 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3a5 
bouchée , et  de  toutes  vos  forces;  après  cette 
operation  le  mélange  deviendra  trouble  et 
comme  laiteux  ; exposez  ce  mélange  à la 
gelée  , soit  naturelle  , soit  artificielle,  l’huile 
se  figeia,  et  1 esprit-de-vin  se  séparera  après 
s être  emparé  de  tout  l'esprit  recteur  du  jas- 
min; vous  le  verserez  dans  un  flacon  qui 
ferme  bien  avec  un  bouchon  de  cristal. 

Eau  de  Girofle. 

Prenez  une  once  de  clous  de  girofle  , con- 
cassez-les  grossièrement , faites-les  macérer 
pendant  trois  ou  quatre  jours  dans  une  demi- 
livre  d esprit-de-vin  rectifié  ; versez  l’infu- 
sion  dans  une  cucurbite  de  verre,  adaptez  le 
chapiteau  et  le  récipient,  et  distillez  au  bain- 
marie  jusqu  à siccité.  Rectifiez  cette  pre- 
mière distillation  selon  l’art,  c’est-à-dire, 
suivant  le  procédé  dont  nous  avons  tant  de 
fois  parlé , et  conservez  votre  eau  pour  l’usage 
oans  un  flacon  bien  bouché. 

Eau  de  Violette. 

Cette  eau  porte  le  nom  de  violette , quoi- 
que cette  fleur  ny  entre  pour  rien.  A sa 
place  prenez  quatre  onces  de  racine  d’iris  de 


526  l’art  de  composer 

Florence  , après  l’avoir  concassée , mettez- 
la  en  infusion  dans  deux  livres  d esprit-de- 
vin  très-  rectifié  , faites  durer  l’infusion  pen- 
dant quinze  jours , filtrez-la  ensuite  par  le 
papier  gris , et  conservez  cette  teinture  dans 
un  flacon  bien  bouché.  On  ne  parle  point 
ici  de  distillation  ; c’est  que  l’esprit  recteur 
de  la  racine  d’iris  est  si  subtil  qu  il  s éva- 
porerait entièrement  si  on  l’exposait  au  feu. 

» 

Eau  de  Souchet. 


Prenez  quatre  onces  de  souchet  long  , Fai- 
tes —les  macérer  dans  deux  livres  d esprit-de- 
vin  rectifié 3 distillez  et  rectifiez  comme  nous 
l’avons  dit  en  parlant  du  genièvre. 

Eau  de  Calamus  Aromalicus. 


C’est  le  même  procédé  et  les  mêmes  doses 
que  les  précédentes. 

Toutes  les  préparations  dont  nous  avons 
parlé  dans  cet  article  ont  rapport  à l’eau  de 
bouquet;  que  l’on  juge  par-là  combien  celte 
eau  aromatique  doit  être  odorante,  puisque 
l’eau  sans -pareille  l’est  déjà  beaucoup. 
serais  presque  tenté  , après  cela,  de  néglige  i 
toutes  les  autres  préparations.  Je  1 aurais  lait 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  etc.  $27 

si  je  n’avais  réfléchi  que  cette  eau  de  bou- 
quet revenant  à un  prix  assez  considérable  , 
peu  de  personnes  seront  assez  sensuelles  pour 
s’en  procurer. 

Eau  odorante  Germanique. 

Je  donne  la  manière  de  faire  cette  eau  , 
parce  qu’elle  est  très-agréable  par  son  parfum, 
et  qu’elle  passe  pour  être  très-salutaire  par 
ses  propriétés  médicales. 

Vous  commencerez  par  faire  macérer  pen- 
dant huit  jours,  et  dans  deux  pintes  de  bon 
vinaigre,  deux  poignées  de  fleurs  de  lavande, 
autant  de  roses  de  Provins  , autant  de  roses 
sauvages  ou  églantines  , autant  de  fleurs  de 
sureau  3 pendant  le  tems  de  l’infusion,  qui 
sera  de  huit  jours  , préparez  à part  une  eau 
odorante  simple  selon  la  recette  suivante  : 
Mettez  dans  une  eucurbite  de  verre  l’écorce 
de  trois  citrons,  deux  poignées  de  marjo- 
laine, deux  poignées  de  muguet , deux  poi- 
gnées de  fleur  de  lavande  3 vous  verserez  sur 
tout  cela  une  chopine  , c’est  - à - dire  , une 
livre  d’eau  rose  double  , et  environ  deux 
livres  d’eau  de  rivière  3 adaptez  le  chapiteau  à 
la  eucurbite  ,placez-la  au  bain  de  sable  3 adap- 
tez pareillement  un  matras  au  bec  du  chapi  - 


028  l’art  de  composer 

teau,  collez  bien  les  jointures  , et  laissez  les 
choses  dans  cette  disposition  pendant  deux 
jours  3 après  ce  tems  , mettez  le  fieu  au  four- 
neau, et  distillez  à gouttes  précipitées.  Quand 
vous  aurez  retiré  une  pinte  de  liqueur , 
cessez  , et  réservez  cette  eau  pour  l’usage 
suivant: 

Prenez  du  serpolet , de  la  marjolaine  , du 
basilic  , du  thym , de  chacun  une  poignée  3 
de  la  fleur  de  lavande , de  la  rose  de  Pro- 
vins , du  spic-nard,  de  l’origan,  de  chacun 
trois  fortes  pincées,  de  la  racine  d’iris  de 
Florence,  une  demi-once  , autant  de  can- 
nelle 3 clous  de  girofle,  macis  , storax  , cala- 
mite, benjoin , de  chacun  trois  gros  3 du  lada- 
num  deux  gros  3 de  l’aspalathe , demi-once 3 
de  raloëszoccotorin,demi-gros.Mettez  toutes 
ces  drogues  mondées,  hachées,  pilées, con- 
cassées , suivant  leur  nature,  dans  une  cruche 
de  grès , versez  par-dessus  votre  première 
infusion  de  vinaigre,  ainsi  que  l’eau  odo- 
rante simple  que  vous  avez  distillée  3 ajoutez 
une  pinte  de  bon  vin  muscat , remuez  bien 
le  tout,  et  laissez-le  en  macération  pendant 
quinze  jours  , après  quoi  versez  votre  infu- 
sion dans  une  cucurbite  de  métal  3 une  cu- 
curbite  de  verre  vaudrait  mieux  , mais  il 
serait  peut-être  difficile  d’en  trouver  une 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  02$ 

assez  grande  ; adaptez  le  chapiteau,  placez 
1 alambic  au  bain  de  sable  , ajoutez  un  ma- 
tras  ur*  peu  grand,  lutez  bien  les  jointures  , et 
commencez  la  distillation  par  un  feu  d abord 
t lès-modére;  augmentez-le  par  degré  jusqu’à 
ce  que  les  gouttes  se  succèdent  assez  rapi- 
dement; les  premières  gouttes  pourront  bien 
n ètie  qu  un  purphlegme  , faites-y  attention  ; 
en  ce  cas  il  faudra  les  séparer  comme  inu- 
tiles ; mais  aussitôt  que  les  gouttes  exhale- 
ront une  odeur  vive  et  agréable,  lutez  bien 
le  matras  avec  le  chapiteau  , et  continuez  la 
distillation  jusqu’à  l’occurrence  d’une  pinte 
et  demie  ou  environ  ; séparez  cette  eau  de 
cc  bn*  sortira  ensuite,  qui  pourra  n’êtrc 

pas  mauvais,  vous  en  ferez  l’usage  qu’il  vous 
plaira. 

Rectifiez  votre  eau  odorante  dans  un  alam- 
bic de  verre  selon  l’art,  vous  en  retirerez 
une  pinte  et  quelque  chose  de  plus  , que 
vous  conseverez  dans  des  flacons  de  cryptai. 

Eau  générale. 


, MeUez  en  macération  dans  quinze  livres 
d esprit-de-vin  très-rectifié  les  semences  de 
coriandre,  de  carvi , de  sescli , de  cumin  , 
dams,  de  fenouil , d’aneth  bien  concassées \ 


55o  l’art  de  composer 

et  de  chacune  une  once  et  demie , ensuite  les 
feuilles  de  marjolaine  , de  mélisse,  de  basilic, 
d’origan,  de  pouliot,  de  pouliot  de  monta- 
gne , de  romarin  , de  serpolet  , de  thym  , 
d’hysope , de  sauge  , de  sariette  , de  marum  , 
de  scordium  , de  marrube  , de  menthe  de 
jardin,  d’absinthe  grande , d’absinthe  petite, 
de  tauesie , de  matricaire  , de  dictame  de 
crête,  d’abrotanum,  de  cerfeuil , de  coclilea- 
ria , de  beccabunga , de  cresson  d’eau  3 coupez 
ces  plantes  bien  menues  , a la  dose  de  cha- 
cune une  once  3 racines  de  galenga  minor  , 
zedoairc , meum , spic-nard  , angélique  , car- 
line  , contrayerva  , -vipérine  , impératoire  , 
année,  iris  de  Florence calamus  aromaticus , 
gingembre,  benoîte,  raifort  sauvage , fenouil 
de  chaque  une  once... ; de  plus,  prenez  des 
fleurs  dé  romarin , de  lavande  , de  stœchas 
arabique,  de  sureau,  d orange  , de  giioflee 
jaune  , de  camomille  romaine  , de  safran  , 
de  chaque  espèce  trois  gros  ; baies  de  lauriei  , 
baies  de  genièvre  , poivre  rond,  poivre  long , 
de  chaque  une  once  et  demie  3 poivre  à 
queue , macis, muscade , girofle , cardamome , 
écorce  de  citron  , écorce  d’orange  , de 
chaque  espece  trois  onces  , ayant  soin  de 
concasser  ce  qui  pourra  l’être  5 bois  d’aloës  , 
de  cèdre  , de  sassafras,  de  santal-citrin  de 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  55l 

Rhodes  , deux  onces  ; il  faudra  réduire  tous 
ces  bois  en  copeaux  ; cascarilc , quatre  onces; 
gomme  caragne , gomme  tacamahaca , myrrhe, 
benjoin,  storax  calamite , de  chacune  une 
demi-once  réduite  en  poudre  5 du  castor,  deux 
gros;  de  l’opium,  une  once. 

On  commencera  par  mettre  en  macération 
dans  l’esprit-de-vin  tout  ce  que  1 on  pourra 
se  procurer  facilement , comme  les  épices, 
les  gommes,  les  résines,  etc.,  enfin  toutes 
les  drogues  que  l’on  trouve  en  tout  tems  ; a 
mesure  que  les  plantes  approcheront  de  leur 
état  de  maturité,  on  les  cueillera  et  on  les 
mettra  pareillement  en  macération  dans  cette 
même  cruche  de  grès  où  l’on  aura  précé- 
demment mis  les  drogues,  racines,  bois,  de. 
Quand  on  aura  exactement  amassé  tout  ce 
qui  est  contenu  dans  la  recette  , que  la  ma- 
cération continuée  un  tems  considérable  sera 
au  point  de  pouvoir  être  distillée , vous  ver- 
serez toute  votre  infusion  dans  un  alambic 
de  métal  suffisamment  grand , vous  adapterez 
le  réfrigérant,  ctc.^  et  vous  distillerez  au 
bain-marie  ; ayant  retiré  tout  ce  que  vous 
pourrez  de  plus  spiritueux  , vous  rectifierez 
ce  produit  comme  nous  l’avons  enseigné 
dans  les  distillations  précédentes. 


552 


l’art  de  composer 


Du  Vinaigre. 

Nous  avons  observe  que  les  odeurs  se  dis- 
siperaient bien  vite  si  on  ne  les  fixait  pas 
en  les  enveloppant  avec  des  sujets  moins 
volatils  que  l’esprit  recteur  qui  en  est  le 
principe  ; nous  avons  rapporté  les  procédés 
pr Apres  à fixer  les  odeurs  dans  l’eau  com- 
mune ; nous  avons  pareillement  indiqué  les 
moyens  de  fixer  les  odeurs  dans  les  esprits 
ardens , quoique  ceux-ci  soient  d’une  nature 
très-fugace.  Il  est  un  autre  moyen  encore 
de  fixer  les  odeurs , très-agréable , très-utile 
et  fort  étendu,  et  dont  il  ne  sera  pas  hors 
de  propos  de  rapporter  les  divers  procédés  ; 
c’est  de  fixer  les  odeurs  par  le  vinaigre,  c’est- 
à-dire  , par  un  acide  végétal  que  l’on  obtient 
après  le  second  degré  de  fermentation  ; celui 
qui  succède  immédiatement  à la  fermentation 
vineuse. 

Quoiqu’en  général  le  vinaigre  ne  soit  pas 
fort  rare,  il  n’est, cependant  pas  fort  aisé  d’en 
trouver  d’excellent;  il  arrive  même  souvent 
que  l’on  est  exposé  à acheter  du  vinaigre 
bon  en  apparence,  mais  très-dangereux  par 
rapport  aux  drogues  qui  sont  entrées  dans  sa 
composition.  On  ne  sera  donc  pas  fâché  de 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  CtC. 


*7  ~ rr 

:>  jii 


trouver  ici  un  procédé  pour  faire  un  vinaigre 
icii  naturel , bien  bon,  point  trop  cher. 

Prenez  deux  muids  vides  et  défoncés  d’un 
coté  seulement , placez-les  à coté  l’un  de 
1 autre;  vous  poserez  et  assurerez  bien,  à la 
distance  d’un  pied  au  dessus  du  fond  , des 
bai  les  de  bois  d un  pouce  d’épaisseur  en  tous 
sens , qui  formeront  comme  une  espèce  de 
claie;  vous  poserez  sur  cette  claie  un  lit  de 


branches  de  vigne  verte  , et  par-dessus  ce 
premier  lit  un  autre  pareil,  mais  de  rafles  de 
raisin  ; ces  deux  couches  ou  lits  seront  d’une 
égale  épaisseur,  et  s’élèveront  jusqu’au  bord 
supérieur  de  chaque  tonneau  ou  muid;  dans 
l’un  et  l’autre  vous  verserez  le  vin  dont  vous 
projetez  de  faire  du  vinaigre  , de  manière 
cependant  que  l’un  des  tonneaux  soit  tout  à 
lait  plein,  et  l’autre  à moitié  seulement.  J’ai 
oublié  de  dire  qu’il  fallait  ménager  un  ro- 
binet au  bas  de  chaque  tonneau  pour  faciliter 
le  soutirage  de  la  liqueur  de  l’Vm  à l’autre*  , 
comme  nous  allons  l’expliquer.  Les  tonneaux 
étant  disposés  comme  nous  l’avons  dit,  on 
les  laissera  sans  y touchcr  pendant  trois  jours  : 
au  bout  de  ce  teins  on  pourra  remarquer 
dans  le  tonneau  à demi-plein  un  mouvement 
très-sensible  de  fermentation  ; dans  peu  elle 
augmenterait  considérablement , mais- vine t- 


354  l’art  de  composer 


quatre  heures  après  les  trois  premiers  jours 
on  arrêtera  cette  fermentation  en  remplissant 
le  tonneau  à demi-vide  de  vin  avec  la  liqueur 
contenue  dans  le  tonneau  plein , qui  pai  ce 
moyen  deviendra  à son  tour  à demi-vide  de 
vin,  au  moyen  de  ce  changement  ; au  bout 
de  vingt-quatre  heures  la  fermentation  s an- 
noncera  dans  ce  tonneau  comme  elle  s’était 
annoncée  dans  l'autre  ; il  faudra  donc  pareil- 
lement l'arrêter  en  soutirant  la  liqueur  du 
tonneau  plein  dans  celui  qui  ne  l’est  qu’à 
demi.  On  continuera  cette  manœuvre  toutes 
les  vingt-quatre  heures  , jusqu’à  ce  que  la 
fermentation  cesse  tout  à fait  dans  1 un  et 
l’autre  tonneau  3 ce  qui  arrive  communément 

en  quinze  jours  de  tems. 

Comme  cette  opération  ne  peut  bien  se 


faire  que  dans  les  tems  de  vendange,  cette 
règle  11’est  pas  sans  exception  , parce  que  la 
température  de  cette  saison  varie  beaucoup. 
Dans  les  années  où  la  chaleur  est  considé- 
rable , c’est-à-dire , égale  au  vmgt-cmquiemo 
degré  du  thermomètre  de  M.  de  liéaumui  , 
Y opération  se  lait  en  bien  moins  de  tems, 
et  cela , parce  qu’il  ne  laut  que  aouze  heures 


d’intervalle  entre  chaque  soutnagc. 

11  faut  bien  se  donner  de  garde  de  jeter 
comme  inutiles  le  sarment  et  les  rafles  qui 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  555 

ont  servi  à une  première  opération  , si  on  a 
dessein  d’en  faire  une  seconde  ; comme  elles 
sont  abondamment  imprégnées  d’acide  végé- 
tal , elles  sont  plus  propres  que  jamais  à 
servir  de  levain  pour  faire  de  nouveau  vi- 
naigre ; il  suffira  de  les  laver  pour  les  net- 
toyer d un  dépôt  visqueux  dont  elles  se 
seront  chargées  pendant  le  cours  de  l’opé- 
ration^ étant  bien  nettes,  on  les  conservera 
précieusement  pour  en  faire  usage  en  tems  et 
lieu.  11  en  est  de  même  des  tonneaux  , et 
pour  les  mêmes  raisons  3 ils  peuvent  servir 
plusieurs  années  de  suite  5 ils  deviennent 
même  de  meilleurs  en  meilleurs  par  l’usage. 

On  conçoit  aisément  qu’il  est  très-possible 
de  faire  deux  sortes  de  vinaigre  par  la  mé- 
thode que  nous  venons  d’enseigner  , du  vi- 
naigre blanc  et  du  vinaigre  rouge  3 mais  il 
faudra  prendre  garde  de  ne  pas  confondre 
les  espèces  de  raisins  et  de  vins  qui  convien- 
nent à chaque  espèce  de  vinaigre.  Pour  faire 
du  vmaigie  blanc  il  faut  choisir  des  raisins 
blancs  bien  mûrs  , et  se  servir  de  vin  blanc  3 
il  en  est  de  même  du  vinaigre  rouge;  il  fhu- 
dia  prendre  du  vin  rouge  et  des  raisins  noirs. 
Que  1 on  ne  s imagine  pas  que  toutes  sortes 
de  vins  soient  bons  pour  faire  du  vinaigre. 
IVon  , tout  vin  gâté  qui  aurait  une  mauvaise 


55G  l’art  de  composer 

odeur  ne  saurait  servir;  mais  un  vin  défec- 
tueux , trouble,  gras  , qui  n’aura  aucun  mau- 
vais goût  d’ailleurs,  et  qui  sera  bien  spiri- 
tueux, sera  très-propre  à faire  de  bon  vinai- 
gre ; au  lieu  qu’un  vin  très-faible  n’en  fera 
jamais  que  de  mauvais. 

Si  vous  êtes  curieux  d’avoir  un  vinaigre 
très  - fort  et  très -concentré  , ce  qui  est  fort 
avantageux  et  même  absolument  nécessaire 
dans  quelques-unes  des  opérations  dont  nous 
allons  parler,  il  faudra  vous  y prendre  de  la 
manière  suivante  : Vous  mettrez  le  vinaigre 
que  vous  avez  dessein  de  concentrer  dans  une 
grande  terrine  , vous  l’exposerez  à 1 air  pen- 
dant une  nuit  ou  il  gelera  bien  fort;  le  len- 
demain vous  trouverez  votre  vinaigre  en  par- 
tie gelé  et  eu  partie  fluide  ; vous  verserez  la 
partie  fluide  à part , c est  la  plus  spiritueuse, 
la  partie  condensée  ne  sera  que  de  l’eau  insi- 
pide et  sans  aucun  principe.  Vous  réitérerez 
ce  procédé  pendant  quelques  nuits,  et  jus- 
qu’à ce  que  votre  vinaigre  soit  au  degré  de 
concentration  que  vous  désirez;  on  pcu< 
porter  ce  degré  fort  loin. 

Distillation  du  Vinaigre. 

Puisqu’il  est  démontré  par  l’analyse  que 

le 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  537 

le  vinaigre  contient  une  grande  quantité  de 
matière  extractive  et  saline  qui  lui  donne  des 
propriétés  accidentelles,  il  est  souvent  à pro- 
pos de  le  séparer  de  ces  matières  grossières  ; 
il  faut  pour  cet  effet  avoir  recours  à la  distil- 
lation , mais  à une  distillation  un  peu  diffé- 
rente de  celle  que  nous  avons  pratiquée  jus- 
qu’à présent. 

11  ne  faudra  jamais  se  servir  de  vaisseaux 
de  métal  dans  celte  opération  , particulière- 
ment de  vaisseaux  de  cuivre  , parce  que 
l’acide  du  vinaigre  ne  manquerait  pas  de  les 
corroder  , de  se  charger  de  particules  métal- 
liques, et  de  devenir  par-là  très-dangereux,  il 
faudra  donc  ne  se  servir  que  de  cucurbite 
de  verre  ou  de  grès,  mais  toujours  de  cha- 
piteau de  verre.  On  peut  encore  employer  à 
cette  opération  des  cornues  de  verre.  Etant 
muni  d’un  alambic  convenable  , vous  pren- 
drez du  vinaigre  concentré  selon  la  méthode 
que  nous  avons  proposée  dans  l’article  pré- 
cédent, ou,  si  vous  n’en  avez  point  de  cette 
espèce  , vous  pourrez  en  concentrer  sur-le- 
champ  de  la  manière  suivante  : 

Versez  dix  pintes  de  vinaigre  dans  une 
grande  terrine  vernissée  , placez  cette  terrine 
sur  un  feu  assez  modéré  pour  le  faire  éva- 
porer lentement  5 quand  il  sera  diminué  de 

Y 


538 


l’art  de  composer 

deux  pintes  sans  avoir  bouilli  , vous  le  re- 
tirerez du  feu  , et  vous  le  laisserez  un  peu 
refroidir.  J’ai  averti  qu’il  ne  fallait  pas  pous- 
ser le  feu  trop  vivement , parce  que  le  but 
de  cette  opération  est  de  faire  évaporer  une 
portion  surabondante  de  phlcgme  ; or , si 
vous  employez  un  degré  de  chaleur  un  peu 
fort , vous  pourriez  bien  faire  évaporer  la 
partie  acide  du  vinaigre,  et  c’est  ce  qu’il  faut 
éviter.  Votre  vinaigre  étant  suffisamment 
concentré  , vous  le  verserez  dans  la  cucur- 
bite  que  vous  ne  remplirez  qu’aux  deux 
tiers;  vous  la  placerez  au  bain  de  sable, vous 
adapterez  le  chapiteau  et  le  récipient,  et  vous 
distillerez  à un  feu  assez  modéré  pour  éviter 
l’empyreume  auquel  le  vinaigre  distillé  est 
fort  sujet.  Quand  cet  empyrcume  n’est  point 
excessif,  le  vinaigre  en  perd  l’odeur  en  vieil- 
lissant, on  peut  même  la  lui  faire  perdre  sur- 
le-champ  ; en  le  plongeant  dans  un  bain  de 
glace  pilée  , à laquelle  on  mêle  le  tiers  de 
sel  ou  environ.  Ayant  retiré  les  cinq  sixièmes 
du  vinaigre  que  vous  aviez  mis  dans  la  cu- 
curbite  , vous  laisserez  éteindre  le  feu  ; ce 
qui  restera  au  fond  de  la  cucurbitc  sera  d’une 
acidité  et  d’une  force  ét  minantes , mais  ce 
résidu  ne  peut  vous  servira  rien. 

Le  vinaigre  distillé  est  à la  vérité  acide  > 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  55g 

ïnais  cet  acide  est  fort  balancé  par  la  quan- 
tité de  particules  aqueuses  qu’il  contient  éga- 
lement 5 il  est  d’ailleurs  privé  de  la  matière 
saline,  extractive  , etc.,  et  voilà  pourquoi  il 
parait  avoir  moins  de  force  que  le  vinaigre 
non  distillé  , qui  n’a  été  dépouillé  d’aucun 
de  ses  principes.  On  peut  cependant  parvenir 
a donner  autant  de  force  au  vinaigre  distillé 
qu’à  celui  qui  ne  l’a  point  été  , et  voici 
comme  on  s’y  prend.  On  verse  son  vi- 
naigre distillé  dans  une  grande  terrine , on 
l’expose  à l’air  , et  pendant  toute  la  nuit 
d une  forte  gelée 3 le  matin  on  trouve  son  vi- 
naigre en  partie  fluide  et  en  partie  glacé  ; on 
recueille  la  partie  fluide  qui  a considéra- 
blement augmenté  de  force  • la  partie  glacée 
n en  est  pas  tout  à fait  privée , mais  elle  est 
si  faible  quelle  n’est  pas  comparable  à 
l’autre. 

Eaux  odorantes  acéteuses , en  prenant  pour 
exemple  1 eau  de  larande  ace'teuse . 

Au  moyen  de  notre  vinaigre  distille,  en- 
suite concentré  , on  pourra  se  procurer 
toutes  les  memes  especes  d’eaux  odorantes 
que  celles  que  l’on  prépare  à l’esprit-cle-vin; 
il  est  bien  vrai  que  ces  eaux  odorantes  que 

Y* 


540  l'art  de  composer 

je  nomme  acéteuses  ne  seront  pas  , à beau- 
coup près , aussi  agréables  que  celles  qui 
auront  été  préparées  à l’esprit-de-vin,  mal- 
gré tous  les  parfums  qu’on  pourra  lui  op- 
poser 3 à cela  près  , elles  seront  très-odo- 
rantes et  beaucoup  moins  chères  que  les 
autres.  Nous  prendrons  pour  exemple  de 
celte  préparation  l’eau  de  lavande  acéteuse. 

Mettez  dans  une  cucurbite  de  grès  ou  de 

verre  , la  quantité  qu’il  vous  plaira  de  fleurs 

de  lavande  mondées,  versez  par-dessus  assez 

de  vinaigre  distillé  pour  que  les  fleurs  nagent 

en  liberté , et  qu’il  y ait  au-dessous  trois  bons 

doigts  de  vinaigre  5 placez  la  cucurbite  au 

bain-marie  , adaptez  le  chapiteau, et  distillez 

à un  feu  assez  vif.  Ayant  retiré  les  trois 

quarts  du  vinaigre  que  vous  aurez  employé, 

Vous  démonterez  votre  alambic  ; et  si  votre 

« 

eau  de  lavande  n’est  point  assez  aromatique  , 
vous  pourrez  la  rectifier  , et  en  y ajoutant 
de  nouvelles  fleurs  de  lavande , vous  augmen- 
terez de  beaucoup  son  odeur.  Je  conseille- 
rais, après  la  rectification,  de  placer  les  bou- 
teilles dans  lesquelles  vous  comptez  conserver 
votre  eau  odorante , et  cela  pendant  huit  ou 
neuf  heures  , dans  un  mélange  de  glace  et 
de  sel  pilé. 

Les  eaux  odorantes  acéteuses  de  citron , 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  34 1 

de  girofle , de  fleurs  d’orange  , en  un  mot , 
toutes  les  eaux  dont  nous  avons  parlé  ci- 
devant  , se  préparent  de  même. 

Vinaigre  radical , Esprit  de  Vénus  , ou 
Acide  acétique. 

Je  ne  puis  me  dispenser  de  parler  ici  de 
l’esprit  de  Vénus;  c’est  une  préparation  de 
vinaigre  supérieure  à toutes  les  autres,  non- 
seulement  parce  que  la  liqueur  qui  en  ré- 
sulte tient  un  rang  distingué  dans  la  sphère 
de  l’odorat  , mais  encore  parce  qu’elle  peut 
être  utile  dans  une  foule  de  circonstances. 
Cette  préparation  suppose  des  soins , de  la 
dépense , de  la  pratique  , de  l’intelligence 
dans  1 artiste  ; or  , il  en  est  fort  peu  qui  veu- 
lent se  donner  la  peine  de  l’entreprendre  ou 
d en  risquer  les  frais.  On  ne  me  saura  donc 
pas  mauvais  gré  si  je  donne  ici  toutes  les 
circonstances  du  procédé  au  moyen  duquel 
j’ai  toujours  eu  la  satisfaction  de  réussir. 

i°.  Prenez  deux  livres  de  vert-de-eris  , 
que  vous  romprez  en  petits  morceaux  gros 
comme  une  aveline  , vous  les  jeterez  dans 
deux  matras  de  trois  pintes  chacun,  autant 
dans  l’un  que  dans  l’autre  , vous  verserez  par- 
dessus du  vinaigre  distillé  jusqu’à  ce  qu’il 


3/p  L'ART  DF.  COMPOSER 

surnage  le  vert-de-gris  , de  quatre  travers  de 
doigt  3 vous  placerez  vos  niatras  dans  un  bain 
de  sable  à un  feu  très-doux  de  quelques  char- 
bons seulement  3 vous  les  y laisserez  pendant 
deux  jours  et  deux  nuits  , ayant  soin  de  les 
remuer  de  tems  en  tems  , après  quoi  vous 
les  retirerez  du  feu  , et  vous  les  laisserez  en 
repos  pendant  un  jour.  Les  matières  les  plus 
pesantes  ne  manqueroïlt  pas  de  se  précipiter 
au  fond  du  matras  3 pour  lors  il  vous  sera 
facile  de  décanter  la  liqueur  colorée  qui  sur- 
nagera 3 c’est  ce  qu’on  appelle  la  teinture  de 
Vénus.  Vous  verserez  de  nouveau  vinaigre 
sur  le  sédiment  qui  sera  resté  dans  vos  ma- 
tras , vous  le  placerez  au  bain  de  sable , 
comme  vous  avez  déjà  fai t ^ vous  décanterez 
la  teinture  de  Vénus  après  deux  jours  d’in- 
fusion, et  vous  réitérerez  ces  manipulations 
jusqu’à  ce  qu’il  ne  reste  au  fond  du  matras 
qu’une  matière  sur  laquelle  le  vinaigre  n'agira 
plus. 

2°.  Filtrez  votre  teinture  de  Vénus  par  le 
papier  gris  , avec  la  précaution  de  garnir 
l’entonnoir  d’un  linge  plié  en  quatre  en  forme 
de  chausse  , pour  empêcher  que  le  papier  ne 
crève.  Vous  retirerez  cinq  à six  pintes  de 
teinture  de  Vénus  parfaitement  belle  et  bien 
limpide. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etC,  343 

3°.  Versez  cette  teinture  dans  un  ou  deux 
alambics  de  verre  relativement  à leur  capa- 
cité 3 distillez  au  bain  de  sable  jusqu’à  ce  que 
vous  en  ayez  retiré  les  deux  tiers.  Ce  vi- 
naigre sera  bien  blanc  et  bien  concentré  , et 
pourra  vous  servir  à tel  usage  qu’il  vous 
plaira.  Laissez  alors  éteindre  le  feu  3 attendez 
pour  retirer  vos  vaisseaux  qu’ils  soient  bien 
refroidis,  de  crainte  que  la  fraîcheur  de  l’air 
ne  les  fasse  casser. 

4°.  Les  vaisseaux  étant  au  point  de  refroi- 
dissement convenable^  dtez  le  chapiteau,  et 
versez  dans  une  terrine  vernissée  ce  qui  se 
trouvera  dans  la  cucurbite  3 portez  la  terrine 
à la  cave  , oubliez-la  pendant  trois  jours, 
après  lesquels  vous  décanterez  ce  qui  surna- 
gera, et  vous  trouverez  au  fond  et  aux  parois 
de  la  terrine  de  très-beaux  cristaux  sembla- 
bles à l’éméraude  3 amassez-les  proprement, 
faites-les  sécher  à une  chaleur  extrêmement 
douce  , er  réservez-les  pour  l’usage  que  nous 
dirons.  Remettez  ce  qui  vous  restera  de  tein- 
ture de  Vénus  dans  la  terrine,  faites-la  éva- 
porer d’un  bon  tiers  sur  le  feu , enlevez  une 
espèce  d’écume  qui  se  formera  pendant 
1 évaporation , et  jetez  - la  comme  inutile. 
Quand  vous  verrez  paraître  une  petite  pel- 
licule sur  la  surface  , assez  semblable  à de 


petites  écailles,  retirez  votre  terrine,  poriez- 
la  à la  cave , comme  vous  avez  fait  la  pre- 
mière fois,  et  opérez  toujours  de  même  jus- 
qu’à ce  que  toute  votre  teinture  soit  convertie 
en  cristaux  3 quand  je  dis  toute,  il  faut 
en  excepter  une  espèce  d’eau  - mère  qui 
paraît  vers  la  fin  d’une  consistance  sirupeuse 
très-épaisse,  et  qui  ne  se  cristallise  jamais  3 
vous  en  formerez  des  boulettes  que  vous 
joindrez  à vos  cristaux  , parce  que  cette  es- 
pèce d’eau  - mère  est  extraordinairement 
acide. 

5°.  Prenez  ensuite  tous  vos  cristaux  3 met- 
tez-les  dans  une  cornue  de  verre  assez  grande 
pour  que  le  tiers  en  demeure  vide , placez- 
la  au  bain  de  sable  3 commencez  par  un  feu 
fort  doux  pendant  une  heure  , poussez-le  en- 
suite très-vivement  3 quand  vous  verrez  pa- 
raître la  première  goutte  au  bec  de  la  cor- 
nue , examinez  si  elle  est  faible  ou  péné- 
trante 3 si  ce  n’est  que  du  phlegme  , laissez-le 
s’écouler  jusqu’à  ce  que  les  gouttes  qui  sor- 
tiront aient  acquis  une  certaine  force  3 alors 
adaptez  et  lutez  bien  un  demi-ballon  à la  cor- 
nue , continuez  la  distillation  jusqu’à  ce  que 
vous  n’aperceviez  plus  rien  sortir  3 laissez 
éteindre  le  feu,  débitez  le  ballon,  vous  y trou- 
verez environ  huit  onces  d’esprit  de  Vénus. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  3q5 

Attendez  jusqu’au  lendemain  pour  retirer  la 
cornue, dans  laquelle  vous  trouverez  environ 
une  demi-livre  de  poudre  de  couleur  brune 
tirant  sur  le  rouge  3 ce  n’est  point  autre 
chose  que  du  cuivre  quia  perdu  son  brillant 
métallique.  Si  vous  êtes  curieux  de  le  rame- 
ner sous  sa  forme  primitive,  vous  le  pourrez 
aisément  en  vous  servant  d’un  flux  réductif. 
Mais  ceci  est  étranger  au  but  que  nous  nous 
sommes  proposé.  Revenons  donc  à notre 
esprit  de  Vénus  que  vous  verserez  du  ballon 
dans  un  flacon  de  cristal  qui  bouche  bien. 
Cette  liqueur  est  peut-être  la  plus  pénétrante 
que  je  connaisse  3 il  suffit  d’ôter  le  bouchon 
du  flacon  où  elle  se  trouve  pour  remplir  de 
son  odeur  tout  un  appartement  3 et  si  l’on 
s’avise  de  porter  le  flacon  ouvert  proche  du 
nez  3 il  pénètre  au  cerveau  avec  beaucoup 
de  vivacité.  On  peut  encore  préparer  ce  vi- 
naigre radical,  ou  esprit  de  Vénus,  par  un 
procédé  plus  simple. 

A cet  effet  on  pulvérise  des  cristaux  de 
verdet  (acétate  de  cuivre),  on  introduit  la 
poudre  dans  une  cornue  de  grès , qui  com- 
munique à un  récipient  tubulé  par  unealonge  3 
on  adapte  au  récipient  un  tube  recourbé  qui 
plonge  dans  l’eau. 

On  échauffe  peu  à peu  la  cornue  , en  aug- 


546  l’art  de  composer 

mentant  le  feu  par  degrés.  L’acétate  de  cuivre 
se  décomposé  , l’acide  acétique  passe  dans  le 
récipient  ; il  y a deux  produits  distincts  qu’il 
faut  séparer  ; le  premier  est  moins  fort  que 
le  deuxième  , c est  de  l’eau  chargée  d’acide 
acéteux;  celui  qui  vient  après,  a une  odeur 
extrêmement  forte,  et  se  trouve  coloré  par 
de  l’oxide  de  cuivre;  on  distille  de  nouveau 
dans  une  cornue  de  verre,  afin  d’avoir  l’acide 
très-blanc.  Cette  liqueur  est  le  meilleur  re- 
mède que  l’on  puisse  employer  dans  les  cas 
d’évanouissement,  d’apoplexie , de  léthargie  , 
etc.  C’est  pour  la  faire  servir  plus  commo- 
dément à cet  usage  qu’on  la  déguise  sous  la 
forme  d’un  sel  que  l’on  nomme  mal  à propos 
sel  volatil  de  vinaigre.  Voici  comme  on  le 
prépare  : 

Choisissez  de  très-petits  cristaux  de  tartre 
vitriolé  desquels  vous  séparerez  tout  ce  qui 
sera  en  poudre , mettez-les  dans  un  flacon , 
et  imbibez -les  avec  une  suffisante  quantité 
d’esprit  de  Vénus  rectifié. 

Des  Ethers. 

On  peut  faire  avec  l’esprit  de  Vénus  un 
très-bon  éther,  que  l’on  nomme  éther  acé- 
tique. Voici  la  manière  d’opérer  : 


LES  LIQUEURS  DE  T AELE,  CtC.  347 

On  prend  une  cornue  lubulée  , dans  la- 
quelle on  introduit  environ  une  livre  d’acé- 
tate de  cuivre  ( cristaux  de  verdet  ) réduit 
en  poudre  ; on  pose  la  cornue  sur  un  bain 
de  sable,  et  l’on  y adapte  une  alonge  et  un 
ballon  tubulé , de  la  tubulure  part  un  tube 
qui  plonge  dans  un  flacon  qui  contient  un 
peu  d’alcool.  L’appareil  ainsi  monté , on  fait 
un  mélange  de  parties  égales  d’alcool  et  d’acide 
acétique.  Quand  Je  mélange  est  entièrement 
froid , on  le  verse  peu  à peu  dans  la  cornue  , 
à l’aide  d’un  tube  recourbé , terminé  par  un 
petit  entonnoir.  L’on  échauffe  ensuite  la 
cornue  avec  précaution  jusqu’à  l’ébullition  , 
que  l’on  soutient  au  meme  degré  jusqu’à  ce 
que  le  mélange  soit  presqu’à  siccité.  Le  pro- 
duit du  récipient  est  un  éther  qui  est  un  peu 
acide  , et  qu’on  obtient  entièrement  pur  en 
le  rectifiant  plusieurs  fois  sur  de  la  potasse. 

Ether  sulfurique. 

L’éther  sulfurique,  autrefois  vitriolique  , 
estla  plus  ancienne  de  toutes  ces  préparai  ions, 
et  d’une  plus  grande  utilité.  Pour  le  préparer, 
on  met  dans  une  cornue  une  certaine  quan- 
tité d’alcool , sur  laquelle  on  verse  peu  à peu 


348  l’art  de  composer 

poids  égal  d’acide  sulfurique  concentré  3 011 
remue  et  011  agite  le  mélange  pour  que  la 
cornue  ne  casse  point  par  la  chaleur  qui  en 
résulte  3 on  place  la  cornue  sur  un  bain  de 
sable  chauffé  3 011  y adapte  une  allonge  et 
un  ballon , ou  deux  grands  ballons  plongeant 
dans  des  terrines  pleines  d’eau  froide  3 il 
faut  en  outre  , pendant  l’opération , avoir  at- 
tention de  rafraîchir  le  premier  ballon  avec 
des  linges  mouillés.  Lorsque  l’appareil  est 
monté  et  Juté  , on  porte  le  mélange  à l’ébul- 
lition 3 lorsque  la  température  est  élevée  à 
soixante-dix-huit  degrés  , la  liqueur  entre 
en  ébullition  ? il  se  produit  un  fluide  qui  se 
condense  par  le  froid  en  une  liqueur  blanche , 
légère  et  odorante  , qui,  à cause  de  ses  pro- 
priétés , a reçu  le  nom  d’éther.  En  condui- 
sant artistement  l’opération  il  ne  se  déve- 
loppe  aucun  gaz  permanent  , jusqu'à  ce  que 
la  moitié  environ  de  l’alcool  soit  convertie 
en  éther. 

Si  dès  que  l’acide  sulfureux  se  manifeste, 
on  change  de  récipient,  on  observe  qu’il  ne 
se  forme  plus  d’éther  mais  de  l’huile  douce, 
du  vin  , de  l’eau , de  l’acide  acéteux , et  point 
d’acide  carbonique. 

O11  rectifie  cet  éther  sur  de  la  magnésie  , 
l’on  sépare  la  première  moitié  de  ce  pro- 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  5/}Ç) 

diut,  on  obtient  lether  le  plus  suave  et  le 
plus  rectifié. 

L’éther  est  souverain  dans  les  affections 
du  genre  nerveux,  il  est  par  conséquent  anti- 
spasmodique , calmant.  Il  est  bon  dans  les 
indigestions,  dans  les  coliques  , particuliè- 
rement celles  de  l’estomac.  On  peut  l'admi- 
nistrer dans  le  spasme, dans  les  faiblesses,  etc. , 
la  dose  en  est  depuis  quinze  gouttes  jusqu’à 
soixante  sur  un  morceau  de  sucre. 

Des  Huiles  essentielles. 

On  met  dans  un  grand  alambic  de  cuivre 
étamé  environ  quarante  livres  de  lavande  , 
thym,  etc.,  récemment  cueillis  et  en  fleurs  , 
avec  une  suffisante  quantité  d’eau  pour  que  les 
plantes  soient  parfaitement  baignées  par  l’eau. 
Onlute  le  chapiteau  à la  eue  urbite,  et  le  serpen- 

tin  au  bec  du  chapiteau  : on  remplit  d’eau 
le  réfrigérant  et  le  serpentin  : on  ajuste  un 
grand  récipient  pour  recevoir  la  liqueur  qui 
doit  distiller,  ou  pour  plus  de  commodité  on 
se  sert  d’un  récipient  de  verre  long,  étroit  par 
le  haut  et  large  par  le  bas,  fait  à peu  près 
comme  une  poire  alongée  : au  ventre  de  ce 
vaisseau  on  a soudé  une  tube  de  verre  fait 
en  S par  le  haut,  qui  s’élève  jusqu’à  deux 


35o  l’art  de  composer 

ou  trois  pouces  au-dessous  de  son  orifice  , et 
qui  produit  l’effet  d’un  siphon.  Voyez  la 
planche  de  l’alambic.  Avant  de  placer  ce 
vaisseau  au  bec  du  serpentin  , il  faut  le  rem- 
plir d’eau  pure  ou  d’eau  distillée  de  la  même 
plante  jusqu’au-dessus  de  l’ouverture.  L’eau 
seule  sort  par  ce  tube  à mesure  quelle  distille, 
tandis  que  l’huile  reste  nageante  dans  la  partie 
supérieure  de  ce  vaisseau.  Si  ce  vaisseau  ne  con- 
tenait pas  d’abord  une  certaine  quantité  d’eau, 
une  partie  de  l’huile  qui  vient  dans  le  com- 
mencement de  la  distillation  , s’introduirait 
dans  le  tube  et  passerait  avec  l’eau  distillée.  Ce 
vaisseau  est  très-commode  pour  la  distillation 
des  huiles  essentielles  qui  nagent  sur  l’eau  , 
en  ce  qu’on  n’est  pas  obligé  de  changer  le 
récipient  continuellement  parce  qu’il  ne  peut 
jamais  se  remplir  entièrement  : l’huile  essen- 
tielle occupe  toujours  la  partie  supérieure  , 
tandis  que  l’eau  qui  distille  s’écoule  à mesure 
par  le  bec  du  siphon  : on  place  sous  le  si- 
phon une  terrine  ou  seau  pour  recueillir 
l’eau  odorante;  mais  si  l’huile  essentielle  qu’on 
distille  est  pesante , qu’elle  aille  au  fond  de 
l’eau,  alors  il  faut  se  servir  d’un  récipient 
ordinaire.  Lorsque  tout  est  ainsi  disposé  , on 
procède  à la  distillation  par  un  feu  gradué 
qu’on  augmente  jusqu’à  ce  que  la  liqueur  soit 


LES  liqueurs  de  table,  etc.  35i 
bouillante.  On  l'entretient  dans  cet  état  jus- 
qu’à ce  que  la  distillation  soit  finie,  ce  que 
on  leeonnaît  lorsque  l’eau  cesse  d’ètre  lai- 
teuse et  qu’il  ne  passe  pies  d’huile  essen- 
tielle. 

Les  premières  portions  de  liqueur  qui  dis- 
tillent sont  quelquefois  blanches , laiteuses  et 
quelquefois  sans  couleur.  Cela  dépend  de  la 
manière  dont  on  a administré  le  feu.  Cette 
première  portion  est  très-aromatique  , elle 
est  chargée  d’une  grande  quantité  d’esprit 
rectenr.  C’est  lui  qui  fait  fonction  de  liqueur 
spin  tueuse  et  qui  dissout  une  portion  d’huile 
essentielle  qui  l’unit  à l’eau  et  qui  lui  donne 
a couleur  laiteuse.  Lorsque  cette  liqueurs  e- 
eve,i  se  dégagé  une  prodigieuse  quantité 
a,r  et  ,!e  vapeurs  très-raréfiées  qui  feraient 
rompre  le  récipient  si  on  le  lutait  trop  exac- 
tement. Immédiatement  après  cet  esprit  rec- 
teur, il  s’élève  des  vapeurs  qui  se  Condensent  * 
dans  le  chapiteau  de  l’alambic  et  dans  le  ser- 
pentin, et  qui  viennent  se  rassembler  dans 
le  récipient.  Cette  liqueur  est  blanche,  lai- 
teuse , elle  entraîne  avec  elle  une  certaine 
quantité  d’huile  essentielle  qui  se  sépare  et 
vient  nager  .sur  l’eau  distillée.  On  continue 
la  distillation  jusqu'à  ce  que  cette  huile  cesse 
c e passer;  aJors  on  la  sépare  en  versant  toute 


352  l’art  de  composer 

la  liqueur  à plusieurs  reprises  dans  un  enton- 
noir de  verre  qu’on  bouche  avec  un  doigt  ÿ 
on  laisse  couler  l’eau  dans  une  bouteille  } 
lorsque  l’huile  est  rassemblée,  on  la  met  à 
part  dans  un  flacon  qu’on  bouche  bien. 

On  prépare  de  la  même  manière  toutes  les 
huiles  essentielles  des  végétaux  et  de  leurs 
parties  : on  les  distille  à feu  nu , même  les 
fleurs  les  plus  délicates,  telles  que  celles 
de  romarin,  de  marjolaine,  de  menthe,  de 
camomille , de  fleurs  d orange  , etc. 

Lorsqu’on  distille  les  plantes  aromatiques 
à dessein  d’obtenir  leurs  huiles  essentielles , 
il  convient  de  tenir  toujours  tiède  l’eau  du 
réfrigérant , parce  que  , lorsqu’on  rafraîchit 
entièrement  et  subitement  le  chapiteau  de 
l’alambic,  le  froid  se  communique  jusque 
dans  l’intérieur  de  la  cucurbite,  la  distillation 
s’arrête  ep  grande  partie , l’huile  essentielle 
cesse  de  monter  sur-le-champ , et  elle  11c 
commence  à distiller  que  lorsque  l’eau  du 

réfrigérant  a acquis  un  certain  degré  de  cha- 
leur. Il  n’en  est  pas  de  même  du  serpentin  3 
la  fraîcheur  de  l’eau  qu’il  contient  ne  se  com- 
munique jamais  jusque  dans  l’alambic:  on  peut 
lorsqu’il  est  nécessaire  , le  rafraîchir  subite- 
ment. Les  vapeurs  qu’ils  renferment  ne  rétro- 
gradent jamais  3 mais  lorsqu’il  distille  une 
h huile 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , CtC.  555 

huile  essentielle  qui  a la  propriété  de  se  figer 
par  le  froid  comme  l'huile  d’anis,  par  exem- 
ple , il  est  bon  de  ne  point  rafraîchir  entière- 
ment ni  l’eau  du  serpentin,  ni  l’eau  du  réfri- 
gérant, et  de  l’entretenir  toujours  tiède  , sans 
quoi  1 huile  en  se  figeant  boucherait  le  serpen- 
tin et  le  ferait  crever  avec  danger. 

La  quantité  d’huile  essentielle  que  les  .vé- 
gétaux fournissent  n’est  jamais  la  même  tou- 
tes les  années  , quoiqu’on  les  prenne  dans  le 
même  état  de  maturité  : ces  différences  vien- 
nent de  plus  ou  moins  de  sécheresse  des  an- 
nées. 

Les  plantes,  dans  les  années  où  les  pluies 
ont  été  peu  abondantes  fournissent  beaucoup 
plus  d’huile  essentielle,  et  celle  quelles  ren- 
dent est  un  peu  plus  colorée. 

Les  huiles  essentielles  varient  encore  par 
leur  consistance  ; les  unes  sont  épaisses  comme 
du  beurre  , telles  que  celle  de  roses  , celle 
de  persil , celle  des  racines  d’énula-campana  , 
etc.  Les  autres  sont  fluides  et  conservent  cette 
fluidité  tant  qu’elles  n’éprouvent  point  d’alté- 
ration 3 d’autres,  quoiqu’également  fluides  , 
sont  susceptibles  de  se  figer,  ou- plutôt  de  se 
cristalliser  en  totalité  par  un  froid  de  huit 
degrés  au-dessus  de  la  congellation  : ce  sont 
toutes  les  huiles  essentielles  que  fournissent 


554  l’art  de  composer 

les  semences  des  plantes  ombellifères,  comme 

l’anis  , le  fenouil,  l’aneth  , le  cumin,  etc. 

L’odeur  des  huiles  essentielles  s anéantit 
même  entièrement  au  bout  de  quelques  an- 
nées : en  vieillissant , les  unes  s’épaisissent  en 
totalité  et  d’autres  en  partie  seulement.  Ces 
dernières  laissent  déposer  au  fond  des  bou- 
teilles une  matière  résineuse  de  la  consistance 
et  d’une  odeur  fort  approchante  de  la  téré- 
benthine, tandis  que  l’huile  essentielle  qui 
surnage  paraît  n’avoir  rien  perdu  de  sa  flui- 
dité. Cette  résine  se  dissout  dans  l’huile  es- 
sentielle lorsqu’on  vient  à 1 agiter  , et  elle  ne 
s’en  sépare  plus  j mais  clic  accéléré  considé- 
rablement leur  défectuosité.  Les  huiles  es- 
sentielles des  semences  des  plantes  ombelli- 
fères parvenues  à ce  degre  d altération  ne  sont 
plus  susceptibles  de  se  cristalliser  par  un 
froid  léger  comme  auparavant. 

Les  huiles  essentielles  légères  des  plantes 
de  ce  pays-ci  comme  celle  de  thym , de  ro- 
marin, de  sauge,  d’estragon,  etc., éprouvent 
les  changemens  dont  nous  venons  de  parler 
infiniment  plus  promptement  que  les  huiles 
pesantes  de  cannelle,  de  girofle, de  sassafras, 
etc.  • on  s’aperçoit  du  commencement  de  1 al- 
tération de  ces  huiles  par  la  couleur  jaune 
qu’elles  font  prendre  aux  bouchons  de  liège 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  555 

que  bouchent  les  bouteilles  qui  les  contien- 
nent. 

Les  huiles  essentielles  devenues  rances,  et 
qui  ont  perdu  entièrement  leur  odeur,  ne 
peuvent  plus  la  recouvrer  par  la  rectifica- 
tion ordinaire,  parce  quelles  sont  alors  pri- 
vées de  tout  leur  esprit  recteur.  Cependant 
il  y a des  moyens  de  leur  rendre  toutes  leurs 
propriétés  : c’est  ainsi  qu’on  procède  à leur 
rectification. 

On  met  dans  un  grand  alambic  l’huile  es- 
sentielle qu’on  veut  rectifier,  avec  beaucoup 
de  la  même  plante  récente,  et  une  suffisante 
quantité  d’eau  : on  procède  à la  distillation  j 
1 huile  essentielle  gâtée  par  vétusté  se  recti- 
fie , elle  se  sature  d’une  nouvelle  quantité 
desprit  recteur,  et  elle  s’élève  avec  l’huile 
essentielle  que  fournit  la  plante  verte. 

Lorsque  les  huiles  essentielles  ne  sont  pas 
dans  un  état  de  défectuosité,  tel  que  celui 
que  nous  venons  de  supposer  , et  qu’on  veut 
les  rectifier  seulement  pour  les  rendre  plus 
tenues  ou  pour  les  débarrasser  de  leur  cou- 
leur , on  met  cette  huile  dans  une  cornue  de 
verre  3 on  la  place  dans  le  bain  de  sable  d’un 
fourneau , on  adapte  un  récipient  au  bec  de 
la  cornue  et  on  procède  à la  distillation  par 
une  chaleur  modérée  et  à peu  près  semblable 

Z a 


556  l’art  de  composer 
à celle  de  l’eau  bouillante.  L’huile  essentielle 
qui  passe  est  limpide  et  presque  sans  couleur. 
On  cesse  la  distillation  lorsqu’on  s aperçoit 
qu’elle  commence  à se  colorer,  et  que  celle 
qui  reste  dans  la  cornue  est  devenue  épaisse 
comme  de  la  térébenthine.  On  serre  l’huile 
rectifiée  dans  un  flacon  de  cristal  qui  bou- 
che bien. 

Huiles  essentielles  de  graines  , baies } se- 
mences, etc.  , en  prenant  pour  exemple 
l'huile  essentielle  de  genièvre. 

Les  huiles  essentielles  de  graines  se  dis- 
tillent comme  celles  des  plantes  , à quelques 
différences  près  3 la  distillation  des  graines 
de  genièvre  nous  servira  d’exemple.  Prenez 
huit  livres  de  baies  de  genièvre  3 les  plus 
nouvelles  et  les  plus  onctueuses  sont  toujours 
les  meilleures  3 mettez-les  infuser  dans  douze 
pintes  d’eau  de  rivière  et  dans  un  lieu  chaud , 
versez  l’infusion  dans  la  cucurbite  , commen- 
cez , continuez , et  finissez  enfin  votre  dis- 
tillation comme  la  précédente  , vous  tirerez 
environ  trois  onces  d’huile  essentielle  de  cou- 
leur jaune  et  d’une  odeur  très-forte.  Le  ré- 
sidu que  vous  trouverez  au  fond  de  la  eu  - 
curbite  , passé  dans  un  linge  ou  dans  un  ta- 


LES  LIQUEURS  DE  T A B L E , etc.  357 

nus  de  soie , et  cuit  en  consistance  de  sirop 
sur  un  feu  fort  doux,  devient  un  rob  d’une 
consistance  assez  épaisse , d’une  couleur  jaune 
foncée , et  d’un  goût  balsamique  un  peu  amer. 
C est  un  excellent  remède  pour  fortifier.  Il 
se  dissout  facilement  dans  du  vin  d’Espagne 
ou  tout  autre  vin  3 on  en  prend  une  cuillerée 
après  le  repas  ou  avant  de  se  coucher. 

Les  huiles  essentielles  de  coriandre , d’an- 
gélique , de  daucus  , de  carvi , d’ammi  , 
d’anis , de  fenouil , etc. , se  distillent  de  même  5 
il  s u (lit  de  les  mettre  en  poudre. grossière , et 
de  les  faire  infuser  trois  ou  quatre  jours  dans 
une  quantité  suffisante  d’eau  de  rivière. 

Huiles  essentielles  d* Epices  , en  prenant 
pour  exemple  le  girofle . 

Pulvérisez  deux  livres  de  clous  de  girofle  : 
c’est  l’espèce  d’épice  que  nous  choisissons 
pour  exemple  dans  cet  article  , parce  qu’elle 
fournit  une  très-grande  quantité  d’huile  essen- 
tielle 3 faites-les  infuser  dans  six  pintes  d’eau  , 
pendant  cinq  ou  six  jours  dans  un  endroit 
aussi  chaud  au  moins  qu’une  étuve  3 ce  tems 
écoulé  , vous  verserez  cette  infusion  dans 
une  cucurbite  , et  vous  distillerez  selon  l’art. 
Dès  les  premiers  instans  vous  apercevrez  au 


( 


553  l’art  de  composer 
fond  du  récipient  et  au-dessous  de  1 eau  une 
huile  très  - blanche  , transparente  , et  sans 
aucune  couleur,  mais  en  vieillissant  elle  de- 
vient jaunâtre  et  même  assez  foncee  3 comme 
cette  espèce  d’huile  essentielle  est  fort  pe- 
sante , on  conçoit  aisément  qu’il  faut  un 
degré  de  feu  plus  vif  pour  l’élever  jusqu’au 
haut  du  chapiteau  que  pour  produire  le 
même  effet  sur  les  huiles  essentielles  plus  lé- 
gères 3 par  la  même  raison  d ne  tant  pas 
mettre  dans  la  cucurbite  une  trop  grande 
quantité  de  matière,  de  crainte  que  1 action 
du  feu  venant  à être  distribuée  inégalement, 
il  ne  reste  une  grande  partie  de  l’huile  es- 
sentielle au  fond  de  la  cucurbite  3 ainsi  011  fera 
fort  bien  de  ne  se  servir  pour  la  distillation 
des  huiles  essentielles  dont  il  s’agit  ici , que 
d’alambics  de  verre  , placés  au  bain  de  sable, 
ïl  ne  faut  pas  espérer  pouvoir  tirer  toute 
l’huile  essentielle  de  girofle  dans  la  première 
distillation  , il  s’en  faut  bien  3 la  plus  grande 
partie  reste  au  fond  de  la  cucurbite.  Que 
faudra-t-il  donc  faire  pour  ne  la  point  per- 
dre ? Il  faudra  verser  toute  l’eau  qui  sera 
sortie  , et  qui  se  trouvera  dans  le  récipent  3 
il  faudra  , dis- je  , verser  cette  eau  très-im- 
prégnée  déjà  d’huile  essentielle  sur  le  sédi- 
ment de  la  cucurbite  , en  ajoutant  un  peu 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  35q 

de  nouvelle  eau,  et  on  recommencera  une 
seconde  distillation  , après  laquelle  on  sépa- 
rera l’huile  essentielle  comme  la  première 
fois,  et  on  recommencera  encore  une  troi- 
sième distillation,  toujours  sur  le  même  sé- 
diment et  avec  la  même  eau  3 après  celle-ci 
il  n’y  aura  plus  rien  à espérer.  Cette  der- 
nière huile  que  l’on  obtient  à la  troisième 
fois  , est  beaucoup  plus  pesante  que  celle  , 
que  l’on  obtient  à la  première  distillation. 
Si  vous  avez  bien  opéré,  les  deux  livres  de 
clous  de  girofle  doivent  produire  cinq  onces 
d’huile  essentielle  , c’est-à-dire , que  vous  en 
retirerez  d’abord  trois  onces  par  la  première 
distillation  , une  once  et  demie  par  la  se- 
conde , et  enfin  une  demi-once  par  la  troi- 
sième. 

V ous  pourrez  distiller  de  même  l’huile 
essentielle  de  muscade  que  l’on  retire  aussi 
par  expression  , et  l’huile  essentielle  de  can- 
nelle 3 mais  pour  celle-ci  n’en  espérez  pas 
beaucoup.  On  en  tire  si  peu,  que  l’on  a 
soupçonné  les  Hollandais  d’en  extraire  l’huile 
essentielle,  du  moins  en  partie,  avant  que 
de  la  mettre  en  vente. 


Des  Huiles  essentielles  tirées  des  écorces  de 

certains  fruits , en  prenant  pour  exemple 

celle  de  citron. 

Dans  ce  pays-ci , on  prépare  cette  huile  en 
distillant  les  écorces  récentes  des  citrons  avec 
de  l’eau,  comme  nous  l’avons  dit  pour  les 
autres  végétaux  5 mais  en  Provence  et  en  Por- 
tugal, où  les  citrons  sont  très-communs,  on 
en  tire  l’huile  essentielle  de  deux  manières  , 
c’est  - à - dire  , par  distillation  et  sans  distilla- 
tion. 

Pour  tirer  cette  huile  sans  distillation,  on 
se  sert  d’une  machine  remplie  de  petits  clous , 
à peu  près  semblable  à celles  qui  servent  à 
carder  la  laine  : ou  râpe  sur  cette  machine  les 
écorces  jaunes  des  citrons , jusqu’à  ce  qu’elles 
soient  usées  entièrement  : une  grande  partie 
de  l’huile  essentielle  coule  naturellement,  elle 
sc  rassemble  dans  une  rigole  qu’011  a prati- 
quée à ce  dessein  , et  011  la  reçoit  dans  une 
bouteille.  Lorsqu’on  a ainsi  râpé  une  certaine 
quantité  de  citrons,  on  ramasse  l’écorce  di- 
visée qui  ressemble  à une  pulpe;  on  l’expri- 
me entre  deux  glaces  pour  faire  sortir  l’huile 
essentielle  qu’elle  contient  ; on  la  laisse  éclair- 
cir , et  ensuite  on  la  décante. 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  56 ï 

Ou  prépare  de  la  même  manière  l’huile  es- 
sentielle des  écorces  de  cédrat,  de  berga- 
mote , d’orange  et  de  limette. 

Les  huiles  essentielles  qu’on  a préparées 
par  cette  méthode  sont  un  peu  moins  fluides; 
mais  elles  ont  une  odeur  plus  agréable  que 
celles  qui  ont  été  distillées  , parce  qu’elles 
n ont  rien  perdu  de  leur  esprit  recteur. 
Comme  elles  retiennent  une  petite  quantité  de 
mucilage,  elles  se  conservent  moins  long- 
tems  que  celles  qui  en  ont  été  privées  par  la 
distillation. 

Pour  obtenir  cette  huile  par  distillation  , 
prenez  cinquante  beaux  citrons  bien  fra  s,  et 
surtout  qui  n’aient  point  été  beaucoup  ma- 
niés , enlevez-en  les  zestes,  mettez-Ies  dans 
une  cucurbite , versez  par-dessus  assez  d’eau 
de  rivière  pour  qu’ils  y nagent  en  grande  li- 
berté ; quand  vous  mettriez  les  deux  tiers 
d eau  de  plus,  il  n’y  aurait  pas  grand  mai  : 
placez  la  cucurbite  au  bain  de  sable , adaptez 
le  chapiteau,  le  réfrigérant  et  le  serpentin, 
îutez  le  récipient  au  bec  du  chapiteau  , et 
distillez  à un  feu  d’abord  modéré,  ensuite 
plus  violent,  pas  trop  cependant,  parce  que 
1 huile  essentielle  de  citron  étant  fort  légère  , 
elle  monte  avec  assez  de  facilité.  Dès  que  vous 
observerez  que  votre  eau  ne  sort  plus  de  l’a- 


362  l’art  de  composer 

lambic  sous  une  forme  laiteuse , mais  qu’elle 
en  sort  bien  claire,  bien  limpide,  laissez 
éteindre  votre  feu , délutez  le  récipient,  sé- 
parez votre  huile  essentielle  au  moyen  de 
l’entonnoir  exposez  - la  pendant  quelques 
heures  au  soleil,  dans  un  llacon  bouché  bien 
légèrement  d’un  morceau  de  pnpier  , après 
quoi  vous  la  conserverez,  comme  il  est  d’u- 
sage , dans  un  ou  plusieurs  flacons  qui  ferment 
bien  au  moyen  de  leurs  bouchons  de  cristal. 

O11  se  sert  de  la  même  méthode  pour  ob- 
tenir les  huiles  essentielles  de  tous  les  fruits 
dont  l’écorce  est  odorante. 

Des  Huiles  essentielles  falsifiées } et  des 
moyens  de  reconnaître  ces  falsifications . 

Presque  toutes  celles  qui  sont  chères  , et 
qui  nous  sont  envoyées  par  les  étrangers  ,sont 
mélangées  3 les  unes  avec  des  huiles  essen- 
tielles de  moindre  valeur,  les  autres  avec  des 
huiles  essentielles  d’autres  substances , et  aux- 
quelles on  a fait  perdre  leur  odeur  en  les  ex- 
posant à l’air,  ou  en  les  faisant  vieillir  3 d’au- 
tres avec  des  huiles  grasses , comme  sont 
celles  d’olive,  d’amandes  douces,  etc. 3 et 
d’autres  enfin  avec  de  l’esprit-de-vin. 

Celles  qui  sont  sujettes  à ctre  mêlées  avec 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  CtC.  363 

des  huiles  grasses,  sont  celles  de  cannelle,  de 
girofle,  de  macis,  de  muscades,  de  sassafras  , 
de  bois  de  Rhodes,  etc. 3 ces  huiles  nous 
viennent  par  la  Hollande  3 elles  coûtent  moins 
que  celles  qu’on  prépare  soi  - meme  , c’est 
ce  qui  est  cause  que  peu  d’artistes  se  donnent 
la  peine  de  les  préparer,  parce  qu’ils  n’en 
trouveraient  que  peu  ou  point  de  débit. 
Voici  le  moyen  de  reconnaître  ces  fraudes. 
i°.  On  imbibe  un  morceau  de  papier  blanc 
d une  de  ces  huiles,  et  on  le  fait  chauffer  lé- 
gèrement ; l’huile  essentielle  étant  volatile , se 
dissipe  en  entier  , et  laisse  le  papier  pénétré 
par  l’huile  grasse,  qui  ne  peut  se  dissiper  de 
la  même  manière.  Lorsque  l’huile  essentielle 
est  pure , le  papier  reste  parfaitement  sec  , 
blanc  , et  ne  paraît  nullement  avoir  été 
mouillé  par  de  l’huile 3 en  un  mot,  on  peut 
écrire  dessus  comme  auparavant. 

20.  En  distillant  au  bain  - marie  ces  huiles 
falsifiées,  la  portion  d’huile  essentielle  passe 
dans  la  distillation,  et  l’huile  grasse  reste  au 
fond  du  vaisseau,  parce  qu’elle  ne  peut  s’éle- 
ver à la  chaleur  de  l’eau  bouillante. 

Presque  toutes  les  huiles  essentielles  , 
comme  celles  de  thym  , de  romarin , de  sauge , 
de  lavande  , de  marjolaine , de  polium,  celles 
danis,  de  fenouil,  de  cumin,  de  carvi,etc. 


364  l’art  de  composer 

sont  sujettes  à être  mêlées  avec  de  l'essence  de 
térébenthine  très  - rectifiée.  Il  y en  a qui 
mettent  même  celle  dernière  huile  essentielle 
dans  l’alambic  avec  les  plantes } afin  que,  dis- 
tillant en  même  tems  que  les  huiles  essentiel- 
les, elle  se  rectifie  en  se  mêlant  avec  elles. 
Cette  fraude  est  difficile  à reconnaître  lorsque 
l’essence  de  térébenthine  est  rectifiée  : cepen- 
dant il  est  possible  de  s’en  apercevoir  en  im- 
bibant un  linee  de  ces  huiles  essentielles  fal- 

O 

sifiées;  on  les  laisse  à l’air  pendant  quelques 
heures  5 l’odeur  aromatique  des  huiles  essen- 
tielles des  plantes  étant  plus  volatile,  se  dis- 
sipe la  première 5 le  linge  reste  imprégné  de 
l’odeur  de  l’essence  de  térébenthine.  L’affi- 
nité de  l’essence  de  térébenthine  avec  ces 
huiles  est  si  grande , qu’il  est  absolument  im- 
possible de  les  séparer  l’une  de  l’autre  ; on  ne 
peut  tout  au  plus  que  reconnaître  la  fraude. 

Les  huiles  essentielles  de  citron , de  cédrat , 
de  bergamote,  d’orange  , de  limette,  etc. 
sont  encore  sujettes  à être  falsifiées  avec  de 
l’esprit-de-vin,  en. place  d’essence  de  téré- 
benthine. Cette  falsification  altère  infiniment 
moins  les  huiles  essentielles  ; on  la  reconnaît 
en  les  mêlant  avec  de  l’eau 3 le  mélange  de- 
vient blanc  et  laiteux  sur  le  champ;  l’esprit- 
de-vin  s’unit  à l’eau  , et  l’huile  essentielle 's  ient 


LES  LIQUEUURS  DE  TABLE, etc.  3G5 

nagei  a la  surface.  On  la  peut  séparer  par  le 
moyen  d’un  entonnoir,  et  la  rectifier;  on 
peut  encore  verser  dans  un  tube  de  verre  un 
poids  donné  de  l’huile  essentielle  qu’on  soup- 
çonne être  allongée  par  de  l’esprit-de-vin  : 
on  ajoute  de  1 eau  , on  agite  le  mélange , on 
le  laisse  s’éclaircir,  on  décante  l’huile,  on 
la  pèse;  ce  dont  elle  se  trouve  diminuée  , est 
la  quantité  d’esprit-de-vin  quelle  contenait 
qui  s’est  mêlé  à l’eau. 

A l’égard  de  celles  quî  sont  altérées  par  le 
mélangé  d une  huile  essentielle  de  peu  de 
\aleui  , dont  on  a laisse  perdre  l’odeur  , il 
n est  pas  possible  d’en  reconnaître  la  falsifi- 
cation, si  ce  n est  par  leur  odeur  qui  est 
toujours  plus  faible  que  celles  des  huiles  es- 
sentielles non  altérées. 

• i 

Huiles  essentielles  de  bois  aromatiques  , en 
prenant  pour  exemple  le  bois  de  sassafras . 

Prenez  six  livres  derapures  de  bois  de  sas- 
safras , laites  - les  infuser  pendant  quatre 
jours  à 1 étuve  , et  dans  douze  pintes  d’eau 
de  rivière  ; versez  cette  infusion  dans  une 
grande  cucurbite  de  cuivre  , adaptez  le  ré- 
frigérant, le. serpentin  et  le  récipient , et  dis- 


566  l’art  de  composer 

tillez  à un  feu  gradué  5 vous  tirerez  une  once 
six  gros  d’huile,  et  qui  se  précipite  au  fond 
de  l’eau. 

Le  résidu  qui^se  trouve  dans  la  cucurbite 
après  la  distillation , étant  passé  par  un  linge 
et  réduit  sur  le  feu  en  consistance  d elec- 
tuaire  , forme  un  extrait  excellent,  d un  goût 
mi  peu  amer,  et  astringent. 

La  méthode  que  nous  venons  de  proposer 
peut  servir  aussi  pour  1 extraction  des  huiles 
essentielles  de  santal  citrin  , de  bois  d aloës  , 
de  gayac  , de  rose  , en  un  mot,  de  tous  les 
bois  aromatiques. 

Huiles  essentielles  de  Jleurs  odorantes  , en 
-prenant  pour  exemple  la  rose. 

Les  artistes  qui  se  sont  occupés  de  l’analyse 
exacte  des  fleurs  odorantes  ont  dû  être  éton- 
nés , de  les  trouver  presque  toujours  douée 
d’une  quantité  prodigieuse  d’esprit  recteur  , 
et  presque  totalement  privées  d’huile  essen- 
tielle. On  peut  même  établir  comme  un  fait 
certain , que  la  violette  , la  jonquille  , la  tu- 
béreuse , toutes  les  liliacées,  ne  fournissent 
point  du  tout  d’huile  essentielle.  Un  autre 
objet  d’étonnement  encore  , c’est  que  la  petite 
quantité  d’hu  ile  essentielle  que  certaines  fleurs 
rendent,  est  si  odorante,  quelle  l’emporte  sur 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE, etc.  867 
tout  ce  que  nous  connaissons  de  plus  aroma- 
tique en  ce  genre.  On  peut  juger  de  la  ve- 
nté de  cette  observation  par  l’huile  essen- 
tielle de  fleurs  d’orange,  et  encore  mieux  par 
1 huile  essentielle  de  rose,  que  nous  avons 
choisie  pour  exemple. 

Prenez  douze  livres  de  feuilles  de  roses  . 
pilez-les  dans  un  mortier  de  marbre  avec 
mie  suffisante  quantité  de  sel  marin,  trois 
poignées  ou  environ  par  livre  seront  plus  que 
suffisantes  5 délayez  cette  espece  de  pâte  dans 
douze  pintes  d’eau  de  rivière;  et  après  avoir 
laissé  le  tout  en  macération  pendant  vingt- 
quatre  heures,  versez-le  dans  une  cucurbite 
de  métal,  adaptez  le  réfrigérant,  le  serpen- 
tin et  Je  récipient,  distillez  au  bain  de  sable 
a un  feu  très-modéré;  vous  obtiendrez  d’a- 
bord une  eau  extrêmement  odorante,  elle  ne 
tardera  pas  à devenir  laiteuse,  et  vous  verrez 
pendant  le  cours  de  l’opération  comme  une 
graisse  figée  , nageant  à la  surface  de  l’eau  qui 
se  trouvera  dans  le  récipient  ; cette  espèce  de 
graisse  figee  n’est  point  autre  chose  que 
1 huile  essentielle  de  rose;  si  vous  pouvez  en 
obtenir  environ  un  demi-gros,  comptez  que 
vous  avez  bien  opéré;  mais  aussi  ce  demi- 
gros  serait  capable  d’aromatiser  un  muid  de 
liqueur.  Donnez-vous  bien  de  garde  de  jeter 


568  l’art  de  composer 

l’eau  comme  inutile,  c’est  la  meilleure  eau  de 
rose  que  vous  puissiez  jamais  faire  ; une  once 
de  cette  eau  versée  sur  une  livre  d eau- com- 
mune, la  transformera  sur-le-champ  en  eau 
rose  beaucoup  plus  odorante  que  celle  que  1 on 
vend  communément. 

L’huile  essentielle  de  fleurs  d’orange , ap- 
pelée né  roi  1 , exige  le  meme  procédé  , mais 
la  fleur  d’orange  fournit  un  peu  plus  d huile 
essentielle  ; elle  est  légère  , et  paraît  toujours 
à la  surface  de  l’eau  sous  une  forme  liquide 
et  jamais  figée. 

Des  Huiles  odorantes  grasses. 

Nous  avons  souvent  observé  que  les  fleurs 
qui  abondaient  le  plus  en  esprit  recteur , man- 
quaient d’huile  essentielle , et  par  conséquent 
que  cet  esprit  recteur  n’ayant  aucune  base 
pour  se  fixer  s’évaporait  en  pure  perte,  sans 
qu’il  soit  possible  de  le  recueillir  par  aucune 

espèce  de  distillation. 

Les  artistes  , après  bien  des  tentatives  inu- 
tiles, ont  enfin  renoncé  à ce  procédé  pour 
s’en  tenir  à l’infusion  simple  , encore  ne  faut- 
il  pas  croire  que  toutes  les  espèces  de  fleurs 
ou  de  plantes  odoriyites  déposent  leur  esprit 
recteur  dans  l’espèce  de  menstrue  quon  leur 

présente; 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE)  etc.  669 

présente  ; il  y en  a plusieurs  qui  ne  laissent 
après  1 infusion  qu’une  odeur  herbacée , et 
rien  de  plus.  Nous  allons  donner  quelques 
exemples  d’huiles  aromatiques  que  l’on  ob- 
tient par  la  voie  d’infusion. 

Pilez  grossièrement  dans  un  mortier  de 
marbre , et  avec  un  pilon  de  bois , une  livre 
de  fleurs  de  violette  , versez  par-dessus  qua- 
tre livres  de  bonne  huile  d’olive,  exposez  ce 
mélangé  au  soleil  pendant  quinze  jours , ou , 
si  vous  voulez  terminer  plus  promptement 
1 opération , mettez  votre  infusion  au  bain- 
marie  pendant  quatre  jours  ; après  cet  es- 
pace de  tems,  coulez  votre  infusion  par  un 
tanus  de  crin , en  exprimant  le  marc  le  plus 
qu’il  vous  sera  possible.  Cela  fait,  prenez  une 
livre  de  violettes  fraîches , pilez-les  comme  la  * 
première  fois  dans  un  mortier  de  marbre , 
mettez-les  infuser  dans  votre  huile  déjà  im- 
prégnée de  teinture  de  violette  , mettez  le 
tout  en  macération  à la  chaleur  douce  d’un 
bain-marie;  je  dis  la  chaleur  douce,  car  il 
faut  bien  se  donner  de  garde  de  donner  un 
feu  tiop  vif  ; il  suffit  ici  que  le  vaisseau  soit 
simplement  chaud.  Après  trois  jours  d’infu- 
sion , si  l’on  venait  à apercevoir  à la  sur- 
face de  l’huile  quelque  indice  d’humidité , on 
donnera  un  degré  de  feu  un  peu  plus  vif 

A a 


570  L*  ART  DE  COMPOSER 

pour  la  faire  disparaître 5 après  quoi  on  ver- 
sera l’huile  Lien  imprégnée  de  teinture  de 
violette  ainsi  que  le  marc,  sur  un  tamis  de 
crin  , on  exprimera  fortement  le  marc,  et  on 
versera  toute  la  liqueur  dans  une  bouteille 
qu’on  laissera  en  repos  pendant  quelques 
jours.  Elle  ne  manquera  pas  de  déposer  une 
espèce  de  sédiment  5 pour  lors  on  transvasera 
dans  une  autre  bouteille  ce  que  1 on  aura 
obtenu  de  clair-fin , et  on  mêlera  cette  der- 
nière huile  avec  celle  qui  aura  passé  d’abord 
bien  claire  par  le  tamis  avant  l’expression  du 
marc;  voilà  ce  que  l’on  appelle  l’huile  de 
violette. 

En  suivant  le  même  procédé  on  prépare 
une  huile  de  rose  pale  fort  odorante  , que 
l’on  débite  sous  le  nom  d’huile  essentielle 
de  rose  , après  l’avoir  colorée  avec  1 orca- 
nette  , ce  qui  se  pratique  ainsi  : On  fait 
chauffer  médiocrement  dans  une  bassine , 
une  livre  d’huile  aromatique  que  l’on  a desw 
sein  de  colorer  , on  jette  dans  celte  quantité 
d’huile  une  demi  - once  d écorce  de  racine 
d’orcanette;  sur-le-champ  l’huile  se  colore, 
et  d’un  instant  à l’autre  la  couleur  devient 
plus  foncée;  quand  elle  est  au  point  où  on 
la  désire  , on  retire  la  bassine  du  feu  , on 
passe  l’huile  à travers  un  linge , on  la  laisse 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  $71 
déposer  pendant  quelques  jours  , ensuite  on 
la  verse  par  inclinaison  dans  la  bouteille  où 
on  veut  la  conserver. 

L huile  de  tubéreuse  , de  jasmin,  de  jon- 
q unie  se  prépare  comme  l’huile  de  violette  , 
avec  quelque  différence  qu’il  est  bonde  faire 
remarquer  ici.  Après  avoir  grossièrement 
écrasé  dans  un  mortier  de  marbre  une  livre 
de  fleurs  , soit  de  jasmin,  de  tubéreuse  ou 
de  jonquille,  on  met  ces  fleurs  écrasées  dans 
un  bocal  de  verre  , et  l’on  verse  par-dessus 
quatre  livres  d huile  d’olive  j on  expose  ce 
mélange  au  soleil  pendant  quinze  jours, 
apiès  quoi  on  passe  1 infusion  par  un  tamis 
de  crin,  avec  très-forte  expression  j on  laisse 
déposer  la  liqueur , et  puis  on  la  verse  de 
nouveau  dans  le  bocal  5 on  y remet  une 
livre  de  nouvelles  fleurs  écrasées  comme  la 
première  fois  , 011  expose  encore  le  bocal 
au  soleil 5 après  quinze  jours  d’infusion  on 
répète  encore  ce  que  l’on  a déjà  fait  , c’est- 
à-dire,  que  l’on  passe  l’infusion  par  le  tamis  , 
on  exprime  fortement  le  marc , on  laisse  dé- 
poser le  tout,  on  sépare  le  sédiment,  et  l’on 
recommence  ces  infusions,  expressions  , cla- 
îifleations,  jusqu  à quinze  fois,  employant 
a chaque  fois  une  livre  de  nouvelles  fleurs  ^ 
à la  dernière  on  pi*end  un  grand  soin  de 

A a 2 


r»7 3 l’art  de  composer 

bien  épurer  l’huile  ,ce  qui  est  fort  facile  5 il  ne 
s’agit  pour  cela  que  Je  lui  donner  le  tems 
de  faire  son  dépôt , ce  qui  11c  manque  jamais 
d’arriver  an  bout  de  quelques  jours. 

Les  fleurs  et  les  plantes  odorantes  qui  ne 
perdent  point  leur  odeur  par  le  dessèchement, 
parfument  et  colorent  l'huile  d’olive  plus 
facilement  que  les  fleurs  dont  nous  avons 
parlé  jusqu’à  présent  , parce  qu’elles  con- 
tiennent beaucoup  d’huile  essentielle  et  de 
résines  colorantes.  Voici  le  procédé  qu’il  fau- 
dra suivre  dans  la  préparation  de  cette  sorte 
d’huile  aromatique  3 nous  prendrons  pour 
exemple  la  marjolaine. 

Prenez  huit  onces  de  marjolaine  bien  des- 
séchée ( cette  circonstance  est  nécessaire 
pour  parer  à plusieurs  inconvéniens  qui  ne 
manquent  par  d’arriver  pendant  le  cours  de 
l'infusion.  ) Mettez  votre  plante  desséchée 
dans  une  cruche  de  grès , versez  par-dessus 
quatre  livres  d’huile  d’olive,  que  vous  aurci 
soin  de  faire  tiédir  auparavant,  bouchez  la 
cruche  avec  un  bon  tampon  de  liège  garni 
de  linge,  que  vous  recouvrirez  d’un  parche- 
min mouillé  , bien  assuré  par  une  ficelle  3 
exposez  votre  cruche  au  soleil  pendant  six 
semaines,  ou  bien  mettez-la  au  bain-marie 
pendant  quatre  jours  à une  chaleur  bien 


LES  LIQUEURS  DE  TABLE,  etc.  O7O 

douce 5 tout  étant  refroidi,  passez  votre  huile 
au  travers  du  linge,  exprimez  le  marc  à la 
presse  , laissez  déposer  l’huile , séparez-la  du 
sédiment  par  inclinaison,  et  conservez  votre 
huile  dans  une  bouteille  bien  bouchée.  On 
prépare  selon  cette  méthode  beaucoup  d’au- 
tres huiles,  comme  les  huiles  de  mélilot,  du 
sureau,  d’absinthe,  de  menthe,  d’aneth,  de 
myrrhe,  de  camomille  ; toutes  ces  fleurs  ou 
plantes  colorent  l’huile  d’olive  d’une  teinte 
verte  ou  verdâtre  très-jolie. 

On  peut  conclure  de  tout  ce  que  nous 
avons  dit  jusqu’à  présent,  qu’il  est  très-pé- 
nible et  même  très-dispendieux  d’extraire  les 
huiles  essentielles  3 mais  comme  la  plupart  de 
celles  qui  se  trouvent  dans  le  commerce  sont 
sophistiquées , on  ne  ferait  pas  mal  de  les 
faire  soi-même  3 c’est  le  seul  moyen  de  s’as-» 
sucer  de  leur  bonté , et  c’est  aussi  de  cette 
bonté  bien  constatée  que  dépend  celle  de 
toutes  nos  opérations. 


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-,  -1/  fr. 


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SUPPLÉMENT 

i Art  de  composer  Les  Liqueurs  de 
table , et  autres  objets  d’économie 
domestique  , 

EN  FORME  DE  DICTIONNAIRE. 

A. 

Abricotier,  arbre  fruitier  trop  connu 

pour  qu’il  soit  nécessaire  d’en  donner  ici 
Ja  description,  et  nous  en  agirons  de  même 
dans  tous  les  cas  semblables.  Quoique  le 
fruit  de  cet  arbre  ne  soit  que  médiocre- 
ment odorant , nous  le  rangeons  cepen- 
dant parmi  les  substances  aromatiques 
parce  qu’il  peut  servir  à faire  de  très- 
bonnes  compositions.  La  même  raison  nous 
déterminera  encore  à placer  clans  ce  petit 
Dictionnaire  quelques  autres  planies  , ra- 
cines , baume  , bitumes  , sucs  , fleurs  ? 
fruits  , quoiqu’ils  ne  soient  que  peu  odo- 
rans. 


376  AB  AL 

A 15  S ï N T H E.  Nous  en  avons  amplement 
parlé  dans  son  article. 

ACHE.  11  y a trois  sortes  d’aches,  propre- 
ment dit,  dont  le  céleri  est  une  variété. 
ï " oyez  son  article.  La  seconde  espèce  est  ap- 
pelée ache  de  montagne , autrement  le  ^es- 
che. T 'oyez  au  mot  levéche.  Enfin  , la  troi- 
sième espèce  est  l’aclie  d’eau  , autrement 
appelée  berle.Ce tte  plante  vient  naturelle- 
ment dans  les  lieux  humides,  le  long  des 
ruisseaux  et  des  fontaines.  11  y en  a de 
deux  sortes  , la  grande  et  la  petite 3 on  se 
sert  indistinctement  de  l’une  pour  l’autre. 

ACCRUS  , racine  aromatique.  C’est  celle 
d’une  plante  dont  les  feuilles  sont  assez 
semblables  à celles  de  l’iris.  Cette  racine 
se  trouve  presque  toujours  à fleur  de  terre  3 
elle  est  de  la  grosseur  du  petit  doigt,  pleine 
de  petits  fîlamens  , légère  , noueuse , de 
couleur  blanche  tirant  sur  le  rouge  , d’un 
goût  piquant,  et  assez  amère 3 elle  croît 
originairement  dans  la  Lithuanie  et  dans  la 
Tartarie. Comme  elle  est  fort  sujette  à être 
vermoulue  , il  faut  y prendre  garde  , et 
la  choisir  nouvelle  , bien  nourrie  , et  d’une 
couleur  vive. 

ALOES,  suc  aromatique  d’une  plante  qui 
porte  le  même  nom  : ce  suc  est  de  trois 


A L 


A M 


077 

sortes.  i°.  L’aloès  de  Zoccoiora  ou  Soc- 
cotrin,île  de  la  Mer-Rouge,  où  cette  plante 
croît  en  abondance  ; c’est  aussi  de  là  que 
nous  vient  le  meilleur  de  tous  les  aloès;  il 
est  roux,  gras,  pur,  luisant,  fort  amer, 
friable,  facile  à dissoudre,  et  très-aroma- 
tique. 20.  L aloès  hépatique  , ainsi  nommé 
parce  qu  il  ressemble  au  foie.  Celui  - ci 
idest  ni  aussi  pur  ni  aussi  aromatique  que 
le  précédent  : on  peut  cependant  l’em- 
ployer à son  défaut.  5°.  L’aloès  caballin  , 
qui  11e  sert  que  pour  les  chevaux  j c’est 
aussi  de  là  qu’il  tire  son  nom.  L’aloès  . 
dit-on  , est  très-contraire  aux  personnes 
sujettes  aux  vapeurs,  mais  il  fait  du  bien 
à celles  qui  sont  sujettes  aux  humeurs 
visqueuses,  phlegmatiques  et  pituiteuses. 

AMANDE,  lous  les  fruits  à noyaux  ont 
une  amande  ; ce  n’est  point  de  celle-là 
que  nous  voulons  parler.  L’amande,  pro- 
prement dite  , est  de  deux  espèces  ; 
1 amande  douce , qui  n’a  presque  point 
d odeur  , par  conséquent  inutile  à nos 
artistes  , et  l'amande  amère  qui  sert  de 
base  a la  liqueur  que  nous  avons  nommée 
77UICC17  on  j et  dont  on  peut  se  servir  pour 
essayer  de  nouvelles  combinaisons.  Il  faut 
les  choisir  grosses  , fraîches  , et  bien  faire 


ZyS  A M 

attention  qu’elles  ne  sentent  le  rance  , dé- 
faut inévitable  de  toutes  celles  qui  ne  sont 
pas  nouvelles.  11  faut  encore  prendre  garde 
de  ne  pas  confondre  l’amande  amère  avec 
le  noyau  de  pèche  auquel  elle  ressemble 
assez  3 celui-ci  est  plus  plat,  plus  petit,  plus 
ridé  , et  un  peu  purgatif. 

AMBRE.  On  en  distingue  de  deux  espèces, 
l’ambre  gris  et  l’ambre  jaune  3 ce  dernier 
n’a  presque  point  d’odeur, aussi  remploie- 
t-on  rarement.  L’ambre  gris  est  célèbre 
par  son  parfum. 

On  distingue  trois  sortes  d’ambre  gris  3 
le  meilleur  et  le  plus  rare  vient  de  l’île  de 
Ceylan  3 il  est  d’un  gris  marbré  , quelque- 
fois de  rouge  , quelquefois  de  jaune  3 son 
odeur  est  fort  pénétrante. 

Le  second  nous  vient  de  Zechra,  sur 
les  côtes  de  l’Arabie  heureuse  3 on  en 
trouve  , mais  assez  rarement  , sur  quel- 
ques côtes  de  France  3 celui-ci  est  de  cou- 
leur cendrée  , un  peu  pale  , tacheté  de 
noir.  On  voudrait  bien  le  faire  passer  pour 
le  meilleur  3 il  est  bon  , mais  il  s’en  faut 
bien  qu’il  soit  aussi  aromatique  que  celui 
de  Ceylan. 

On  appelle  la  troisième  espèce  ambre 
renarde  : il  est  noir,  et  c’est  le  moins  bon 


tle  tous.  En  général  l’ambre  gris , pour  être 
de  bonne  qualité  , doit  être  cendré  ou  blan- 
châtre , léger  , pur  3 piqué  avec  la  pointe 
d une  aiguille  un  peu  chaude  , il  doit  ren- 
dre une  liqueur  oncteuse , très-odorante, 
très  - suave.  L’ambre  noir  ou  totalement 
blanc,  doit  être  rejeté,  aussi  bien  que 
celui  que  l’on  contrefait  avec  le  musc  et  le 
bois  d aloès;  vous  reconnaîtrez  cette  sophis- 
tication en  pétrissantl’ambreprétendu  entre 
vos  doigts;  s’il  s’amollit  comme  de  la  cire, 
il  est  faux. 

Pour  réduire  l’ambre  gris  en  essence  , 
il  faut  prendre  deux  gros  d’ambre  et  vingt- 
quatre  grains  de  musc  et  les  réduire  en 
poudre,  les  mettre  dans  un  matras,  verser 
sur  ce  mélange  quatre  onces  d’esprit-de- 
vm  très-rc  cti  fié , bien  boucher  le  vaisseau 
et  le  laisser  en  digestion  pendant  huit  jours  3 
au  bout  ne.  ce  tems  il  faut  verser  par  in- 
clinaison dans  un  flacon  de  cristal  3 ce  qu’il 
y aura  de  plus  limpide  , ce  sera  l’essence 
que  vous  désirez.  Elle  se  congèle  fort  ai- 
sément , mais  aussi  elle  redevient  liquide 
avec  une  égale  facilite.  Il  suiîit  pour  cela 
de  1 exposer  a la  plus  petite  chaleur. 

L’ambre  gris  est  d’usage  dans  la  méde- 
cine 3 il  a les  vertus  générales  de  toutes 


38o  A M 

les  autres  substances  très-odorantes  à cause 
du  principe  très-at  ténue  , très -volatil  qui 
leur  est  commun.  L’ambre  gris  entre  dans 
plusieurs  compositions  cordiales,  sudori- 
fiques. La  dose  est  depuis  un  demi-grain 
jusqu’à  douze. 

AMMI.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cette  plante, 
avec  un  peu  trop  de  précision.  Sa  tige  est 
haute,  elle  pousse  plusieurs  rameaux  en 
forme  de  parasols,  qui  se  terminent  par 
de  petites  fleurs  blanches  , qui  font  place 
à une  semence  presque  ronde  , un  peu 
longue  , assez  menue , et  qui  ressemble 
assez  à des  grains  de  sable.  C’est  unique- 
ment cette  semence  qu’il  faut  employer  , 
parce  qu’elle  est  fort  aromatique.  Le  meil- 
leur ammi  nous  vient  du  Levant,  surtout 
de  l’ile  de  Crète  ou  Candie  ; son  odeur 
tient  de  celle  de  l’origan  ou  du  thym. 

ÀMOMUM.  On  donne  ce  nom  à deux  choses 
qu’il  faut  bien  distinguer,  et  qui  sont  fort 
différentes  l’une  de  l’autre,  puisque  c’est 
un  fruit  et  une  plante. 

L’amomum  en  grappe  est  un  fruit  qui 
croît  dans  les  Indes  3 c’est  une  grappe  qui 
porte  deux  pouces  de  long  ou  environ  3 elle 
est  composée  de  grains  fort  pressés  les  uns 
contre  les  autres ^ attachés  le  long  d’une 


A N A S 58, 

espèce  de  nerf  qui  se  prolonge  jusqu  a l’ex- 
tremité ^Chaque  grain  représente  une  gousse 
triangulaire  dont  les  angles  sont  arrondis , 
et  terminés  vers  le  sommet  par  un  bouton. 
Cette  gousse  est  partagée  en  trois  cellules 
remplies  de  semences,  pressées  les  unes 
contre  les  autres  , d’un  rouge  bien  foncé 
et  très-aromatique.  Pour  les  avoir  bonnes, 
ces  semences,  il  faut  les  choisir  hautes  en 
couleur,  pesantes  , d’une  odeur  pénétrante  ; 
celles  qui  sont  noires  , ridées,  légères,  ne' 
valent  rien. 

L’amomum  est  apéritif,  cordial. 

Lamomum,  plante,  est  appelé  Sizon. 
Voyez  son  article  ci-après. 

ANETH.  Plante  carminative  qui  vient  dans 
les  champs  et  dans  les  prés  sans  la  moindre 
culture.  Quand  on  la  cultive  dans  les  jar- 
dins elle  est  beaucoup  meilleure  ; ses  feuilles 
lessemblent  à celles  du  fenouil , dont  elle 
a d’ailleurs  toutes  les  propriétés. 

ANGELIQUE.  Voyez  l’art. 

ANIS.  U oyez  l’art. 

ASPHALATII.  Bois  aromatique  que  fournit 
un  petit  arbre  épineux.  Ce  bois  est  fort 
massif,  pesant  , oléagineux  , de  couleur 
pourpre  et  tacheté , à cela  près  , fort  sem- 
blable au  bois  d’aloès.  On  distingue  jus- 


582  A U 

qu’à  quaire  sortes  de  bois  d’asphalath.  Le 
premier  a l’écorce  couleur  de  cendre  et  le 
cœur  du  bois  pourpre.  Le  second  est  cou- 
leur de  buis.  Le  troisième  est  blanc,  avec- 
une  petite  teinte  citronée.  Enfin , le  qua- 
trième est  rougeâtre  , c’est  le  lignum  rho- 
dium , autrement  dit  bois  de  rose.  La  pre- 
mière espèce  d’asphalath  est  fort  rare;  je 
crois  qu’elle  nous  vient  du  Levant  par 
Marseille  : les  autres  espèces  sont  plus  com- 
munes. 

ALLA LE  ouEnula-Campana.  Cette  plante, 
dont  la  racine  est  aromatique , a ses  feuilles 
semblables  à celles  du  bouillon-blanc  mâle , 
un  peu  plus  longues  cependant  et  un  peu 
plus  rudes.  Dioscorides  dit  qu’il  y a des 
endroits  ou  elle  ne  jette  point  de  tige.  Sa 
racine  est  blanchâtre  , tirant  sur  le  roux , 
fort  odorante , surtout  quand  elle  est  d’une 
certaine  grosseur.  Elle  croît  dans  les  mon- 
tagnes ; elle  se  plaît  dans  les  lieux  secs  et  à 
l’ombre.  On  cueille  sa  racine  en  été  , et 
l’ayant  coupée  en  morceaux  , on  la  fait 
sécher;  le  reste  de  la  plante  ne  peut  nous 


servir  a rien. 


13  A 


585 


B 

BaDIANE.  Voyez  son  art. 

BASILIQUE  , petite  plante  qui  embaume 
par  la  délicatesse  de  son  parfum.  11  y ea 
a de  plusieurs  espèces  3 et  quoique  toutes 
aromatiques,  il  y en  a de  beaucoup  pré- 
férables aux  autres.  Je  conseillerais  à nos 
artistes  de  s’en  tenir  à la  petite  espèce 
qui  sent  le  citron  tout  à la  fois  et  le  clou 
de  girolle 5 on  en  tire,  par  la  méthode  que 
nous  avons  enseignée,  une  huile  essen- 
tielle admirable  : toute  la  plante  est  cépha- 
lique. 

BAUME.  Résine  aromatique.  Nous  n’cn- 
lendons  parler  ici  que  du  baume  naturel 3 
les  préparations  galéniques  auxquelles  on 
donne  ce  nom  n étant  point  de  notre  res- 
sort : il  y a quatre  sortes  de  baumes  très- 
célèbres. 

i°.  Le  baume  de  Judé  , de  la  Mecque  , 
baume  blanc,  vrai  baume  3 c’est  le  baume’ 
par  excellence  , aussi  est-il  extrêmement 
rare.  L arbrisseau  qui  fournit  cette  résine 
précieuse  s’élève  jnsqu  a quatre  ou  cinq 
pieds  tout  au  plus;  ses  feuilles  ressemblent 
à celles  de  la  rhue  , mais  tirant  plus  sur 


84  B A 

le  blanc  3 elles  tombent  tous  les  ans  au 
mois  de  décembre,  et  reviennent  vers  le 
milieu  du  printems  \ ses  fleurs  sont  sem- 
blables à celles  du  petit  jasmin  . après  les- 
quelles vient  une  petite  graine  aromatique 
dont  nous  parlerons  ci-après , c’est  le  ccrrpo- 
balsamum.  Le  grand  seigneur  est  si  jaloux 
de  la  production  de  cet  arbrisseau,  qu’il 
s’en  est  réservé  à lui  seul  la  possession  et 
la  culture.  11  y a même  des  janissaires 
nommés  pour  la  garde  des  jardins  où  on 
le  cultive , et  ce  n’est  que  par  leur  moyen 
qu’on  peut  avoir  de  ce  baume  , encore 
cela  est-il  assez  difficile.  Tout  est  réservé 
pour  sa  hautesse , qui  en  lait  des  présens 
aux  tètes  couronnées  et  aux  ambassa- 
deurs. 

2°.  Baume  du  Pérou.  Il  coule  d un  ar- 
bre assez  semblable  au  myrte  j il  y en  a 
de  trois  sortes.  Le  plus  commun  est  d’un 
rouge  foncé  noirâtre  et  d’une  odeur  très- 
agréable  ; on  l’appelle  Baume  de  lotion  , 
parce  qu’il  se  tire  par  la  décoction  des 
branches  de  l’arbrisseau  dans  l’eau  com- 
mune sur  laquelle  (apres  1 ébullition  d une 
certaine  durée  ) nage  une  graisse  noirâtre, 
ou  liqueur  huileuse  qui  se  sépare  aisément  ; 
c’est  le  baume  noir  en  question. 

La 


B A 585 

La  deuxième  espèce  est  appelée  baume 
sec  , dur  ou  en  coque.  Il  distille  des  bran- 
ches tadlées  de  l’arbrisseau  ; on  le  recueille 
dans  des  cocos  que  l’on  a vidés  aupara- 
vant 5 on  les  suspend  ensuite  au  soleil,  au 
moyen  de  quoi  le  suc  résineux  ayant  éva- 
pore tout  ce  qu’il  contenait  d’aqueux , il 
reste  dur  et  sec.  Ce  baume  est  moins  rouge 

que  Je  précédent , mais  il  en  a toutes  les 
propriétés  et  l’odeur. 

La  troisième  espèce  est  plus  rare,  sa 
couleur  est  blanche,  et  on  l’appelle  baume 
blanc.  Il  coule  de  l’incision  que  l’on  fait 
à 1 écoice  du  tronc  et  des  plus  grosses 
branches 5 il  est  liquide,  fort  odorant  et 
approche  par  sa  couleur  et  ses  vertus  du 
veu  table  baume  de  Judée. 

Oo.  Baume  de  Tolu  ou  de  Carthagène , 
dans  l’Amérique  méridionale.  Il  coule 
d’une  espèce  de  pin  dont  les  feuilles  res- 
semblent à celles  du  caroubbier.  Ce  baume 
tire  sur  le  rouge  un  peu  doré , en  consis- 
tance de  sirop,  gluant  et  adhérent,  d’une 
saveur  douce  et  agréable , d’une  odeur  fort 
approchante  de  celle  du  citron;  c’est  le 
plus  supportable  de  tous  les  baumes  pour 
1 usage  intérieur. 

4o.  Baume  de  Copahu.  Son  odeur  est 

B B 


386  B A B D 

forte  , mais  peu  agréable.  Voilà  une  rai- 
son plus  que  suffisante  pour  ne  pas  nous 
y arrêter. 

Il  y a encore  une  autre  espèce  de  baume- 
résine  , que  Ton  pourrait  appeler  baume 
de  Canada . Il  croît  dans  cette  partie  de 
l’Amérique  septentrionale , où  est  située  la 
colonie  française  qui  porte  ce  nom.  L o- 
deur  de  l’espcce  de  baume  qui  nous  oc- 
cupe n’est  pas  désagréable,  j’y  trouve 
quelque  chose  qui  approche  un  peu  de 
l’odeur  du  baume  de  Tolu.  Un  artiste  in- 
telligent pourrait  en  tirer  parti.  Tous  les 
baumes  en  général  ont  de  grandes  vertus  j 
il  faut  lire  sur  cela  ce  qu’en  ont  écrit  les 
bons  auteurs  : ils  sont  en  assez  grand 
nombre. 

BAUME,  plante  aromatique.  Voyez  Men- 
the. 

BDELLIUM,  gomme  -résine.  11  y en  a de 
deux  sortes , le  bdelliuin  qui  vient  de  l’Ara- 
bie, et  le  bdellium  qui  vient  des  Indes. 
Celui-ci,  âcre,  plein  d’ordure,  noirâtre, 
formé  en  gros  pains , ne  peut  être  d’aucun 
usage  pour  nous  , étant  d’une  odeur  trop 
désagréable.  Le  premier,  qu’on  nous  ap- 
porte du  Levant  en  belles  lames  pures , 


B E 587 

claires , odorantes  , peut  produire  de  très- 
bons  effets  dans  quelques  combinaisons. 

BEINJOLN  , gomme-résine  ; il  en  est  peu 
d’aussi  aromatique.  On  nous  l’apporte  de 
l’île  de  Sumatra  et  de  Siam , dans  les  In- 
des orientales  , ou  elle  découle  d’un  arbre 
prodigieusement  haut. 

Il  y a trois  espèces  de  benjoin.  i°.  Ben- 
join amygdaloïdes  , parce  qu’il  ressemble 
a des  amandes  rompues  ; c’est  une  larme 
rougeâtre , pure  , claire  , d’une  odeur  très- 
agreable  5 quand  on  la  brûle  elle  rend  une 
fumée  aromatique  qui  sent  le  bois  d ’àloès; 
cette  espèce  de  benjoin  passe  constamment 
pour  être  la  meilleure. 

20.  Benjoin  de  boninas,  c’est  le  nom  que 
lui  donnent  les  babitans  de  Sumatra.  Il 
est  de  couleur  noire  et  très  - odoriférant  , 
cependant  il  n’approche  pas  de  la  bonté 
du  précédent;  on  le  recueille  sur  les  jeu- 
nes arbres  qui  distillent  le  benjoin. 

5°.  Le  benjoin  de  la  troisième  espèce 
est  noir  comme  celui  dont  nous  venons 
de  parler,  mais  il  s en  faut  bien  qu’il  soit 
aussi  aromatique;  c’est  le  moindre  de  tous: 
011  le  vend  chez  les  droguistes,  en  mass* 
grenue . 


B b 2 


588  B E 

BETOINE , plante  fort  commune  et  odo* 
rante.  Elle  se  trouve  presque  partout  à la 
campagne  ; on  l’emploie  fréquemment  à 
cause  de  ses  vertus  ; elle  est  diurétique  , cé- 
phalique et  vulnéraire. 

BÉZOARD , pierre  ou  plutôt  calcul  aroma- 
tique qui  se  trouve  dans  l’estomac  d’un 
animal  originaire  de  la  Perse  et  des  Indes 
orientales.  Cet  animal , disent  les  voya- 
geurs, ressemble  en  partie  au  cerf  et  en 
partie  au  bouc  , son  poil  est  roux , et  il 
est  appelé  bézocird  par  les  Indiens. 

Le  bézoard  est  de  différentes  couleurs, 
relativement  au  tempérament  de  l’animal 
qui  le  produit  ; il  s’en  trouve  de  ternes , 
de  pales  , de  tannés,  etc.  Pour  être  d’une 
Bonté  non-équivoque  , il  doit  être  de  cou- 
leur noire  ou  verdâtre , formé  par  des 
couches  déliées  et  sans  nombre,  polies, 
faciles  à enlever  ; après  quoi  , vers  le 
centre  de  la  pierre , 011  doit  trouver  de  la 
paille  ou  du  sable , ou  enlîn  quelques  corps 
étrangers , qui  servent  comme  de  base , de 
noyau  et  de  premier  principe  à la  for- 
mation de  cette  espèce  de  calcul.  Pour 
reconnaître  si  le  bézoard  11’est  point  falsi- 
fié , il  faut  le  frotter  avec  de  l’eau  de 
chaux;  s’il  jaunit,  c’est  un  signe  qu’il  esi 


B I B O 38g 

vrai  et  non  contrefait.  Pour  deuxième 
épreuve,  il  faut  frotter  une  feuille  de  pa- 
pier avec  de  la  craie  ou  du  blanc  de  cé- 
i use  , ensuite  on  passe  le  bezoard  sur  cette 
feuille  ; s il  laisse  des  taches  verdâtres  il  est 
bon,  sans  quoi  il  est  falsifié. 

H y a un  autre  bézoard  qu’on  appelle 
occidental,  parce  qu’il  vient  de  l’Améri- 
que; mais  il  n’est  pas,  à beaucoup  près, 
aussi  bon  que  le  précédent,  quoique  pro- 
duit comme  1 autre,  et  même  par  un  ani- 
mal tout  à fait  semblable.  A peine  le  bé- 
zoard occidental  est-il  odorant. 

BIGARADE.  Orange  amère,  fort  commune 
et  fort  aromatique  ; ses  fleurs  et  ses  zestes 
sont  employés  utilement.  Voyez  l’art. 

BOIS  ODORANS.  Il  y en  a de  bien  des 
sortes  ; nous  ne  parlerons  ici  que  de  ceux 
qui  peuvent  nous  servir,  à l’exception  de 
quelques-uns  que  l on  trouvera  à leurs  ar- 
ticles particuliers. 

Bois  d’Aloès.  L’arbre  qui  distille  le  suc 
ai  omatique  de  laloes,et  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus,  jvient  dans  plusieurs  en- 
droits des  Indes  orientales  ; son  bois  est 
- fort  odorant,  mais  il  faut  savoir  le  choi- 
sir. Celui  qui  se  trouve -immédiatement 
sous  1 ccoi ce , a quelque  odeur,  à 1^  vé— 


rite , mais  il  est  pius  propre  à la  menui- 
serie ou  à la  tabletterie  qu’à  servir  de  par- 
fum 3 aussi  les  Indiens  remploient-ils  à taire 
des  armes,  parce  qu’il  est  fort  dur  et  fort 
serré  ; le  cœur  de  l’arbre  est  proprement 
le  bois  d’aloës  dont  nous  voulons  parler 
ici  ; il  esi  brun,  résineux,  il  brûle  comme 
une  chandelle , et  sa  résine  exhale  une 
odeur  très-agréable. 

Bois  de  Baume.  Il  s’en  trouve  quelque- 
fois de  fort  odorant,  c'est  le  xUo-balsa- 
mum  des  droguistes  , c’est-à-dire  , les  bran- 
ches de  l’arbre  qui  distille  le  baume  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut. 

BOIS  DE  CANNELLE.  Voyez  sassafras. 

il  y a encore  d’autres  bois  aromatiques, 
comme  le  bois  de  laurier,  de  romarin  , de 
Sainte-Lucie,  de  rosier,  etc.,  dont  il  serait 
possible  de  tirer  quelque  parti  ; mais  tous 
ces  bois  qui  croissent  naturellement  dans 
nos  jardins  , sont  trop  connus  pour  qu’il 
soit  nécessaire  de  nous  y arrêter  plus  long- 
tems. 

BOUILLON-BLANC.  Plante  commune  et 
sauvage.  Elle  est  de  plusieurs  espèces;  il 
n’y  a que  celle  qui  porte  une  tige  haute , 
une  fleur  jaune  et  d’une  odeur  fort  douce 
et  fort  agréable  qui  puisse  servir,  encore 


la  tige , les  feuilles  et  la  racine  ne  sentant, 
rien  , ne  peuvent  par  conséquent  être  utile 

c 

CaCAO, fruit  composéde  soixante  à quatre- 
vingts  amandes  , singulièrement  arran- 
gées. Son  odeur  n’est  pas  bien  remarqua- 
ble , mais  par  sa  saveur  grasse  et  onctueuse 
il  fait  la  base  du  chocolat.  Plusieurs  sortes 
d’arbres  porte  le  cacao  , le  cacahuaqua 
huilt  , le  xuchiCahuaqua  huilt  et  le  tlaca- 
cahuaqua  huilt  , ils  viennent  tous  dans 
l’Amérique  , surtout  au  Mexique.  La 
différence  des  arbres  fait  qu’il  y a diffé- 
rentes espèces  de  cacao  , entr’autres  le 
gros  et  le  petit  caraque , ainsi  nommé  de 
la  province  de  Nicaragua,  où  ils  croissent 
tous  deux.  11  vient  aussi  du  cacao  dans 
l’ile  Saint-Domingue  : quand  il  est  gros,  il 
est  passablement  bon  ; mais  quand  il  est 
petit,  il  ne  vaut  rien  du  tout. 

CACHOU , sucs  préparés  en  forme  de  pâte 
dure , sèche , noirâtre  , que  l’on  nous  ap- 
porte du  Japon.  Les  Européens  ne  sont 
pas  trop  d’accord  sur  les  ingrédiens  qui 
entrent  dans  la  composition  de  cette  pâte  ; 
les  uns  veulent  que  ce  soit  les  sucs  com- 
binés d’un  fruit  nommé  areca  et  de  l’é- 


%92  C A 

corce  d’un  arbre  épineux , appelé  caiechu 
par  les  Japonais;  les  autres  soutiennent  que 
c’est  un  extrait  de  la  réglisse  des  Indes  , 
du  caiamus  aromaticus  et  de  l’areca.  Quand 
on  mâche  le  cachou , on  sent  d’abord  une 
saveur  amère  et  même  austère,  qui  change 
et  devient  enfin  très-douce  et  très-agréable. 

On  nous  apporte  aussi  des  Indes  occi- 
dentales un  autre  cachou  qu’on  est  obligé 
de  préparer  en  Europe , en  y mêlant  des 
aromates  et  du  sucre , que  l’on  forme  en 
dragées.  Préparé  de  la  sorte,  on  le  dit  bon 
pour  les  indigestions , pour  les  faiblesses 
d’estomac , et  pour  corriger  la  mauvaise 
haleine.  Les  personnes  sujettes  aux  rap- 
ports aigres,  aux  crudités,  aux  vents,  peu- 
vent s’en  servir  avec  confiance  5 on  en 
prend  quatre,  six^  et  jusqu’à  douze  grains. 

CALAMENT , plante  aromatique.  Ses  feuilles 
sont  rondes,  un  peu  pointues  , d’un  vert 
pâle  , quelquefois  tachetées  de  blanc.  Ses 
fleurs  sont  petites  , presque  semblables  à 
celles  du  romarin,  et  sortent  de  divers 
endroits  de  la  tige  3 cette  tige  jette  quantité 
de  rejettons  en  commençant  depuis  la  ra- 
cine. Le  calamcnt  se  trouve  assez  ordi- 
nairement dans  les  bois  taillis  et  le  lon£ 
des  avenues  un  peu  découvertes.  Celui  qui 


c A 393 

vient  sur  les  montagnes  du  Languedoc  et 
des  autres  provinces  méridionales  de  la 
France  est  sans  contredit  le  meilleur  de 
tous  } il  est  d’une  saveur  pénétrante  , 
d une  odeur  forte  et  aromatique  3 toute  la 
plante,  à 1 exception  de  la  racine,  peut 
servir,  mais  surtout  les  fleurs  et  les  feuilles 
qu  il  faut  faire  sécher  pour  s’en  servir  au 
besoin.  Celte  plante  est  céphalique. 

C A h K.  IV  ous  en  avons  parlé  très  - ample- 
ment. 

CALAMUS  AROMATICUS,  canne  ou  ro- 
seau aromatique.  On  nous  l’apporte  des 
Indes , et  il  se  vend  à Marseille,  dans 
des  petites  boites  faites  exprès.  Comme 
il  est  fort  rare  , cher  par  conséquent , les 
dioguistes  lui  substituent  un  roseau  qu’ils 
ont  le  secret  de  rendre  aromatique , mais 
auquel  ils  -ne  peuvent  point  donner  les 
propriétés  de  la  véritable  canne  odorante  ; 
\01la  pourquoi,  de  crainte  d’ètre  trompé, 
on  se  sert  plus  volontiers  de  l’acorus  dont 
nous  avons  parlé  dans  son  lieu.  Cette  ra- 
cine a toutes  les  vertus  et  l’odeur  du  vé- 
ritable calamus  aromaticus. 

CAMOMILLE,  plante  médiocrement  odo- 
ianie.  11  y en  a de  plusieurs  espèces,  mais 
il  11  y en  a qu  une  seule  qui  puisse  nous 


servir , c’est  celle  qui  croît  dans  les  Liés  , 
dont  la  fleur  est  jaune  en  dedans  et  les 
feuilles  ou  pétales  toutes  blanches  , et  dis- 
posées en  rayons. 

CANNELLE.  Ployez  son  article  parti- 
culier. 

CANNELLE  BLANCHE,  écorce  aroma- 
tique , produite  par  un-  arbre  fort  commun 
dans  les  îles  de  Saint-Domingue  et  de 
Madagascar.  Cette  écorce  est  plus  épaisse 
que  la  cannelle  ordinaire,  d’un  blanc  sale 
et  cendré;  elle  a Fodeur  de  la  muscade  , 
sa  saveur  est  très-acre  et  très-piquante  ; on 
l’emploie  avec  succès  dans  les  maladies 
scorbutiques. 

CAPILLAIRE.  Il  est  de  différentes  espèces 
fort  connues  et  peu  rares  ; celui  du  Canada 
passe  pour  le  meilleur  et  le  plus  odorant 
de  tous;  celui  de  Montpellier  le  vaut  bien; 
je  me  suis  même  servi  du  capillaire  qui 
avait  été  cueilli  sur  les  montagnes  de 
Vosges,  et  que  j’ai  trouvé  très -bon;  je 
suis  persuadé  qu’il  s’en  trouve  encore  ail- 
leurs d’aussi  bon. 

CARDAMOMUM,  Malaguette  ou  Graine 
de  Paradis.  C’est  une  graine  odorante, 
d’ime  saveur  piquante  comme  le  poivre. 
Cette  graine  se  trouve  dans  des  gousses  en 


C A 3q5 

forme  de  figue.  Il  y a trois  sortes  de  carda- 
momum 3 le  grand,  le  moyen  et  le  petit  ; 
celui-ci  est  préférable  aux  deux  autres  en 
goût , en  odeur  et  en  vertu.  Le  carda- 
momum  de  toute  espèce  croît  dans  les 
Indes  orientales  , à Calecut , à Malabar  et 
à Java. 

CARPO  - BALSAMUM.  C’est  le  fruit  de 
l’arbre  que  distille  le  baume  de  la  Mecque. 
Ce  fruit  est  toutàfait  semblable  à celui  du 
thérebintlie  , tant  en  grosseur  qu’en  figure 
et  en  couleur  3 il  est  attaché  à l’arbre  par 
un  petit  calice  recouvert  d’une  membrane 
rougeâtre  , qui  renferme  plusieurs  autres 
tuniques  plus  épaisses , sous  laquelle  est 
contenue  la  semence  pleine  d’un  suc  jaune 
et  mielleux  , dont  le  goût  est  un  peu  amer  3 
son  odeur  est  fort  agréable  , elle  approche 
beaucoup  de  celle  du  vrai  baume. 
-CARVL  Voyez  l’article. 
CARIOPHILLATA.  Racine  aromatique 
d’une  plante  qui  vient  dans  les  bois  hu- 
mides. il  faut  l’arracher  vers  la  fin  du 
mois  de  mars;  pour  lors  cette  racine' est 
d’une  odeur  fort  agréable,  elle  sentie  clou 
de  girofle , ce  qui  lui  a fait  donner  le  nom 
qu’elle  porte;  on  In  nomme  aussi  benoitc: 
elle  est  fébrifuge. 


5g6  C A C I 

CASSIA  LIGNEA.  Voyez  l’article. 

CÉDPvATS.  Voyez  l’article. 

CELERI.  Voyez  l’article. 

CERISES.  H y a des  cerises  de  mille  sortes. 
Ce  fruit  n’a  pas  un  parfum  bien  sensible  , 
mais  il  est  employé  avec  le  plus  grand  suc- 
cès par  les  artistes  intelligens.  Voyez  les 
diffcrens  endroits  où  il  en  est  parlé  dans  le 
corps  de  cet  ouvrage. 

CHAMŒDRIS,  la  Germaxdrée.  Petite 
plante  dont  les  fleurs  sont  médiocrement- 
aromatiques.  Elle  croît  en  divers  lieux,  dans 
les  bois,  dans  les  plaines,  et  sur  les  mon- 
tagnes. Celle  qui  croît  sur  les  hauteurs  est 
préférable  à celle  qui  vient  dans  les  bas  , 
scs  tiges  sont  fort  petites  .,  ses  feuilles  assez 
longues  , et  échancrées  comme  celles  du 
chêne  3 c’est  pour  cela  qu’on  l’appelle  aussi 
chenette  ou  qucrcula. 

CHEVRE-FEUILLE.  Arbrisseau  très-com- 
mun dans  les  bois  ; on  le  cultive  aussi  dans 
les  jardins  $ on  en  fait  des  berceaux  et  des 
allées,  on  en  orne  les  parterres  3 sa  fleur  est 
très-odorante. 

CITRON.  Voyez  l’article. 

CIVETTE.  Espèce  de  chat  sauvage  fort  com- 
mun au  royaume  d’isigny , en  Guiuée.  On 
en  tire  un  parfum  très-agréable , mais  fort, 


°97 

que  Ion  nomme  Civette , du  nom  de  l’ani- 
mal qui  le  produit.  La  poche  ou  réceptacle 
de  ce  parfum  est  située  au  - dessous  de 
l’anus  j sa  capacité  peut  contenir  un  petit 
œuf  de  poule.  Cette  poche  est  composée 
de  deux  tuniques  entre  lesquelles  sont  pla- 
cées plusieurs  glandes,  qui  contiennent  la 
liqueur  odorante.  Il  faut  la  choisir  grasse, 
épaisse,  noirâtre,  d’odeur  suave,  et  assez 
semblable  a celle  du  musc. 

COING.  V oyez  1 article  des  liqueurs. 
CORIANDRE.  Plante  fort  connue , et  dont 
la  graine  est  très-odorante. 

COSTUS,  racine  aromatique.  Il  en  croîtdaus 
toutes  les  parties  du  monde  , à l’exception 
de  l’Europe.  On  en  tire  de  la  Chine,  des 
Indes,  de  Syrie,  etc.,  ce  qui  fait  qu’elle 
ne  se  ressemble  pas  toujours  ; elle  varie  en 
raison  du  sol  et  du  climat  qui  la  produit. 

Cette  racine  est  assez  épaisse,  bien  nour- 
rie , de  la  grosseur  d’un  pouce  ou  environ , 
d une  couleur  blanche,  tiraut  un  peu  sur 
celle  du  buis.  Les  marchands  droguistes 
vendent  sous  le  nom  de  costus  une  écorce  ' 
d arbre  dont  l’odeur  approche  fort  du  costus 
véritable  ; cette  écorce  est  grise  , rabo- 
teuse, pleine  de  fissures  en  dehors  , un  peu 
plus  épaisses  que  la  cannelle  , à qui  elle 


398  C U D I 

ressemble  assez  pour  la  forme  ; c est  le 
costus  corticosus. 

CUBEBES.  Espèce  de  poivre  plus  doux  et 
plus  aromatique  que  le  poivre  ordinaire, 
auquel  il  ressemble  assez  par  sa  graine  ronde 
et  par  sa  couleur  noire  ; c’est,  dit  Schrœder , 
le  fruibd’un  arbre  qui  ressemble  fort  au  pom- 
mier , mais  dont  les  feuilles  ont  plus  de  rap- 
port à celles  du  poirier,  un  peu  plus  étroi- 
tes, cependant  : ce  fruit  vient  en  forme  de 
grappe. 

CUMIN.  Voyez  article  liqueur. 


D 

DaUCUS.  Carotte  sauvage  très -commune 
dans  les  prés.  Celle  qui  nous  vient  de  Bile 
de  Candie , et  qu’on  nomme  par  cette  rai  a on 
daucus  creticus  , est  infiniment  meilleure 
que  la  nôtre  et  plus  odorante  ; sa  tige  s c lè\  e 
ordinairement  à la  hauteur  de  deux  pieds  , 
sa  fleur  en  parasol  est  blanche  , sa  graine 
d’un  vert  clair  , mais  forte  , velue , d’une 
bonne  odeur  quand  on  1 a fraîche  : elle  e>t 
carminative. 

PICT  AME.  Voyez  Fraxinelle. 

PXCTAME  DE  CRETE.  Cette  plante  porte 
le  même  nom  que  la  précédente;  elle  est 


EG  EN 


599 

cependant  bien  différente  quoiqu’origi- 
naire  d’une  île  du  Levant  comme  son  nom 
l’indique 3 elle  est  devenue  depuis  quelque 
tems  fort  commune  en  France.  C’est  une 
espèce  d origanosj  il  ne  faut  se  servir  que 
de  sa  fleur  et  de  sa  feuille:  la  tige  et  la  ra- 
cine n’ayant  point  d’odeur, elles  ne  peuvent 
être  d’aucun  usage  pour  nous. 


JE 


.EGLANTIER , Rosier  sauvage  ou  Rose 
de  chien.  Cet  arbrisseau-fleur  est  extrê- 
mement commun  dans  tous, les  pays  3 sa 
fleur  exhale  une  odeur  délicate , mais  pas 
bien  forte.  Cette  fleur  est  purgative  comme 
le  sont  toutes  les  roses , mais  elle  passe  , 

outre  cela,  pour  être  un  peu  plus  astrin- 
gente. 


LA  CENS.  Résine  aromatique  qui  découle 
d’un  arbre  célèbre  en  Arabie , et  que  l’on 
ne  connaît  en  Europe  que  de  nom.  On 
fait  une  incision  au  tronc  de  l’arbre , par 
ce  moyen , 1 encens  coule  abondamment  et 
tombe  en  forme  de  larmes.  Le  premier 
qui  paraît  passe  pour  être  le  plus  précieux, 
on  l’appelle  encens  male  ou  o/iban , celui 
qui  découle  ensuite  porte  le  nom  d’en- 


400  E S F E 

cens  femelle  ; il  n’est  pas  aussi  estimé  que 
le  précédent. 

L’encens  male  est  blanc  tirant  sur  le 
jaune  , rond  , semblable  à des  gouttes  , 
et  gras  en  dedans.  L’encens  femelle  est 
une  gomme  plus  résineuse , plus  molle  , 
plus  jaune,  et  qui  s’enflamme  plus  aisé- 
ment. L’encens  de  l’une  et  de  l’autre  es- 
pèce est  un  vulnéraire  détersif. 

ESTRAGON.  Plante  potagère  fort  odo- 
rante , très-commune  et  très-connue  3 elle 
11e  sert  ordinairement  que  dans  les  assai- 
sonnemens  de  cuisine  , mais  on  en  pour- 
rait tirer  parti  pour  d’autres  compositions. 

F 


Fenouil.  Tout  le  monde  sait  combien 
la  graine  de  cette  plante  est  odorante , 011 
ne  connaît  pas  moins  ses  vertus  3 c’est  une 
des  quatre  semences  chaudes  majeures. 

FRAISE.  Ce  fruit  est  d’un  grand  secours 
dans  la  composition  des  ratafias  à fruits 
rouges  ; mais  si  la  fraise  était  un  peu  plus 

o * . 

commune,  et  qu’il  fut  possible  d eu  avon 
en  quantité  suffisante  pour  pouvoir  la  tra- 
vailler en  grand,  ou  en  ferait  d excellente 

liqueur, 


F R G A 401 

liqueur,  surtout  en  la  travaillant  suivant  le 
procédé  des  marasquins. 

FRAMBOISE.  Son  parfum  est  admirable 
ainsi  que  celui  de  la  fraise  5 elle  sert  à la 
composition  des  ratafias  domestiques. 

t RAX1ÜXELLE.  Plante  résineuse  et  fort  aro- 
matique. Sa  tige  jette  plusieurs  bran- 
ches 3 sa  feuille  est  semblable  à celle  du 
frene  d où  son  nom  dérive  3 sa  fleur  est 
blanche  tirant  un  peu  sur  le  rouge.  La  trans- 
piration de  cette  plante  est  surprenante, 
on  peut  s’en  convaincre  par  l’expérience 
suivante  : Prenez,  dans  un  tems  sec  et  se- 
rein , une  bougie  allumée  , approchez-la 
a une  petite  distance  de  la  plante,  aussi-tôt 
elle  prendra  feu  et  jetera  une  flamme  haute 
et  brillante.  Quand  on  Lit  cette  expérience 
pendant  la  nuit,  elle  paraît  avec  plus  d’a- 
vantage. 

O 

G 

l 1;  ' f ' 

GtALANGA,  racine  aromatique.  Elle  est 
de  deux  sortes,  le  grand  et  le  petit  ga- 
langa  3 le  petit  est  le  meilleur  3 on  nous 
1 apporte  de  la  Chine.  C’est  une  racine 
menue,  noueuse,  rougeâtre  en  dedans  et 
eu  dehors. 


GANS  NOTRE  - DAME  ou  Ancholie  , 
plante  odorante.  Ses  feuilles  sont  de 
moyenne  grandeur  3 elles  tiennent  entre 
celles  de  la  ■violette  et  du  bouillon-blanc, 
auxquelles  elles  ressemblent  encore  mieux 
par  leur  villosité.  Sa  tige  est  anguleuse  , 
de  la  hauteur  de  deux  pieds,  de  laquelle 
partent  plusieurs  rameaux  3 sa  fleur  est 
rôuge,  tirant  sur  le  blanc,  elle  est  odo- 
rante 3 ses  racines  ressemblent  à celles  de 
l’ellébore  noir  3 son  odeur  approche  de  celle 
de  la  cannelle  3 elle  se  plaît  dans  les  lieux 
humides  et  marécageux. 

GENIEVRE.  Voyez  l’art. 

GINGEMBRE  , épice.  C’est  une  racine  qu’on 
nous  apporte  des  Indes  et  du  nouveau 
monde.  Il  faut  la  choisir  blanche  , grosse  , 
nouvelle , et  prendre  garde  qu’elle  11e  soit 
vermoulue  3 elle  est  piquante  comme  le 
poivre  ^ mais  moins  caustique. 

GIROFLE  , épice.  Voyez  l’art. 

GIROFLIER,  jaune  ou  violet.  Cette  plante 
si  connue  dans  les  jardins  dont  elle  fait 
un  des  ornemens  dans  la  saison , et  estima- 
ble par  la  bonne  odeur  de  sa  fleur,  011  peut 
tirer  un  très-bon  parti  de  sou  parfum. 


H Y 


1 M ^oâ 

% 


H 


Hy SOPE.  Plante  aromatique  commune 
dans  les  jardins.  On  en  tire  une  huile  es- 


sentielle fort  odorante.  Toute  la  plante  est 
céphalique. 


I 

ê 

JASMIN.  Arbrisseau  rampant,  dont  la  fleur 
est  aussi  connue  que  son  odeur  suave , et 
fort  aromatique.  C’est  une  des  productions 
du  icgne  végétal  que  l’on  peut  employer 
avec  plus  de  succès,  mais  il  faut  pour  cela 
un  peu  d’expérience,  et  surtout  connaître 
la  propriété  particulière  de  l’esprit  rec- 
teur dans  ce  genre  de  fleur,  qui  est  si  vo- 
latil, qu  on  ne  peut  l’obtenir  parla  voie  or- 
dinaiie  de  la  distillation,  il  faut  nécessai- 
îement  avoir  recours  à d’autres  moyens. 

I oyez  ce  que  nous  avons  dit  dans  plusieurs 
endroits  de  cet  ouvrage. 

IMPERATOIRE  ou  Benjoin  Français  , 
espece  d’angélique.  Elle  pousse  une  tige 
haute  de  trois  quelquefois  quatre  pieds  , 
ses  feuilles  ressemblent  à celles  du  panais 
sauvage,  sa  graine  est  odorante,  mais  l’o- 

Cc  2 


(leur  de  sa  racine  est  supérieure , aussi  ne 
faut-il  employer  que  celle-la. 

IRIS.  On  en  distingue  de  deux  espèces  3 l’iris 
élu  pays  , autrement  appelé  glayeul  , et 
l’iris  de  Florence.  Cette  dernière  est  sans 
comparaison  meilleure  que  l’autre  3 on 
11’emploie  que  sa  racine , encore  suppose- 
t-elle  du  choix.  Pour  être  comme  il  faut, 
elle  doit  être  compacte  , difficile  à rom- 
pre, plutôt  petite  que  grosse  , mais  suitoul 
fort  odorante. 

# 

L 

LàDàjNUM,  suc  gommeux.  Le  véritable 
a le  parfum  exquis.  11  vient  du  célébré 
mont  Ida,  dans  1 ile  de  Candie.  Ce  sont  les 
caloïers,  moines  grecs  , qui  emploient  des 
soins  et  des  peines  infinies  pour  le  ramas- 
ser où  il  se  trouve,  c’est-à-dire,  sur  les 
feuilles  d’un  arbre  appelé  cistus-ledon.  On 
la  conserve  de  trois  façons  , on  met 
en  forme  de  gâteaux  la  partie  la  plus 
dure  et  la  plus  compacte  3 on  réserve  dans 
fioles  la  partie  liquide 3 enfin,  la  partie 
moyenne , qui  est  en  consistance  de  sirop 
fort  épais  , est  conservée  dans  les  feuilles 
de  l’arbre.  Le  ladanum  en  pain , pour  être 


L A L 1 


4o5 

censé  bon  , doit  être  noirâtre , résineux  , 
d’une  odeur  suave  quand  on  le  brûle,  fria- 
ble et  facile  à amollir  sous  les  doigts.  11  est 
astringent. 

LAQUE.  Gomme  qui  distille  de  certains  ar- 
bres grands  comme  des  noyers  ; ils  sont 
iort.  communs  à Bengale  et  dans  quelques 
autres  lieux  des  Indes  orientales.  Son 
odeur  est  très  - aromatique  quaud  on  la 
brûle 3 il  suffit  meme  pour  cela  de  la  piler 
ou  de  la  dissoudre  dans  un  peu  d’esprit-de- 
vin, à qui  elle  communique  aussitôt  tout 
son  parfum. 

LAURIER.  Arbre  aromatique  dans  toutes  ses 
parties;  le  bois,  la  feuille  , les  baies  , tout 
est  odorant.  On  peut  exprimer  des  baies  de 
laurier  une  huile  excellente  pour  les  ma- 
ladies des  nerfs  ; la  paralysie  , les  convul- 
sions , la  colique,  les  faiblesses  d’estomac. 

LENTISQUE.  Voyez  Mastic. 

LEVECHE.  Aclie  de  montagne.  Elle  porte 
sa  tige  haute,  tendre  cannelée,  ses  feuilles 
sont  larges  tirant  sur  le  rouge  : elle  est  toute 
chargée  de  graine  longue,  forte,  noirâtre 
et  aromatique  ; sa  racine  est  grêle , blan- 
che, odorante;  elle  embaume  la  respira- 
tion après  avoir  été  mangée. 

LIMON.  Voyez  Citron. 


4o 6 L I M A 

LIQUIDÀMBAR.  Huile  ou  résine  d’une 
odeur  très  - aromatique  ; elle  distille  dun 
fort  Bel  arbre,  appelé  par  les  Indiens  oco- 
col.  La  résine  dont  nous  parlons  est  de  deux 
sortes  ; la  liquide,  improprement  appelée 
huile,  et  la  sèche  qui  est  une  vraie  résine. 
La  première  coule  naturellement  de  l’ar- 
bre, et  c’est  la  meilleure.  L’autre  se  lire  par 
expression  5 après  quoi  on  la  fait  sécher. 
11  s’en  faut  de  beaucoup  que  celle-ci  égale 
la  première  : on  ne  s’en  sert  communé- 
ment que  pour  parfumer. 

LOT1E11.  C’est  le  faux  baume  du  Pérou  , 
nommé  ainsi  parce  que  l’iiuile  d’olive  dans 
laquelle  ou  a fait  infuser  les  feuilles  de  cette 
plante  devient  très-bonne  pour  les  plaies. 

LYS.  Plante  anodine.  Elle  s’élève  facilement 
dans  les  jardins  3 sa  fleur  est  blanche  et 
odorante. 

M 

IMaCERON.  Voyez  Smyrnium. 

MACIS.  Nous  en  avons  parlé  amplement. 

MARRUBE.  Plante  médiocrement  aroma- 
tique 3 c’est  du  blanc  dont  nous  entendons 
parler , le  noir  n’est  presque  point  en 
usage.  Le  marrube  blanc  croît  à la  hauteur 

O 


M A 4°  7 

d’unkpied,  il  pousse  plusieurs  tiges  d’une 
meme  racine  commençant  à fleur  de  terre; 
ses  feuilles  sont  presque  rondes,  rudes, 
verdâtres,  et  couvertes  d’un  duvet  blanc; 
ses  fleurs  sont  petites , blanches,  placées 
d’espace  en  espace,  mais  plus  serrées  vers 
les  sommités.  Les  fleurs  et  les  feuilles  du 
marrube  sont  d’un  grand  usage  en  phar- 
macie. 

MALABATHRUM  ou  Folium  Indum.  C’est 
la  feuille  d’une  plante  qui  croît  dans  les 
Indes  , comme  son  nom  l’exprime  assez. 
Celte  feuille  tient  tout  à la  fois  du  citron- 
nier et  de  celle  du  laurier  royal  un  peu 
moins  verte  que  celle  de  ce  dernier  ar- 
buste, ayant  trois  côtés  en  long.  Le  mala- 
bathrum  est  médiocrement  odorant;  il  sent 
un  peu  le  clou  de  girofle.  Il  passe  pour  être 
diurétique  et  stomacal. 

MARUM.  Petite  plante  ligneuse  et  très-aro- 
matique ; ses  feuilles  sont  d’un  vert  pâle  , 
pointues  , ressemblant  assez  au  fer  d’une 
pique  ; elles  sont  placées  en  opposition  les 
unes  vie-à-vis  des  autres.  On  préfère  le 
marum  a la  marjolaine  , et  on  a raison  ; 
il  donne  beaucoup  plus  d’huile  essentielle 
par  la  distillation  que  celui-ci. 
MARJOLAINE.  Plante  très  -aromatique  , 


4o8  M A M E 

ligneuse  ; et  quoique  fort  petite , elle  ne 
ressemble  pas  mal  à un  arbre  parfaitement 
bien  taillé 3 elle  a son  tronc,  ses  branches, 
ses  rameaux  ; sa  feuille  ressemble  assez  à 
celle  de  l’origan.  Il  y a deux  espèces  de 
marjolaine,  la  grande  et  la  petite  3 011  pré- 
fère celle-ci  à la  grande,  parce  qu’elle  a 
plus  d’odeur  et  de  vertu. 

MASTIC.  Résine  aromatique  qui  découle  du 
lentisque  , arbre  très-commun  en  Egypte 
et  dans  File  de  Chio.  On  trouve  des  len- 
tisques  eu  France  , surtout  du  côté  de 
Toulon  3 mais  il  donne  rarement  du  mastic  , 
ou  s’il  en  donne  , c’est  en  très-petite  quan- 
tité 3 l’odeur  de  cette  résine  est  fort  agréa- 
ble 3 pour  l’avoir  bonne  il  faut  la  choisir 
en  petits  grains  , d’un  blanc  citronné  , pure 
et  bien  transparente. 

MELISSE.  Plante  aromatique,  d’une  odeur 
pénétrante , forte  , et  qui  a beaucoup  de 
rapport  à l’odeur  du  citron. 

MEUM.  Racine  aromatique  d’une  plante 
ombellifère  , assez  semblable  à l’aneth  3 
de  là  vient  qu’on  l’appelle  anetum  tortuo - 
sum.  Le  haut  des  racines  est  entouré  de 
longs  fîlamens  en  forme  de  barbe  5 ces  ra- 
cines  sont  longues  et  pénètrent  assez  avant 
dans  la  terre.  Elles  sont,  divisées  pour  l’or- 


M Y 409 

(linai rc  en  trois  ou  quatre  branches  j elles 
sont  brunes  en  dehors  et  blanches  en  de- 
dans , d’une  saveur  acre  et  piquante , mais 
d’une  odeur  pénétrante  et  aromatique. 
Cette  plante  est  fort  commune  dans  les 
Alpes  où  les  paysans  s’en  servent  avec 
succès  pour  tempérer  les  ardeurs  de  la 
fièvre. 

M\  1111  HE.  Gomme-résine  odorante,  qui  dé- 
coule d’un  grand  arbre  très-commun  en 
Arabie  et  en  Ethiopie  , mais  surtout  dans 
le  pays  des  Troglodltes , peuples  d’Afrique 
à qui  nous  sommes  redevables  de  la  meil- 
leure myrrhe.  La  liquide  est  préférable  à 
la  sèche  , mais  aussi  elle  est  extrêmement 
rare.  La  sèche  plus  commune  pour  être 
bonne  doit  être  verdâtre  , tirant  sur  le 
rouge  , grasse  , odorante  , transparente  ; 
celle  qui  est  fort  pesante  et  couleur  de 
poix , ne  vaut  rien. 

M\  K LE.  Petit  arbrisseau  dont  les  feuilles, 
les  fleurs  , les  baies  et  les  bois  sont  aroma- 
tiques , mais  surtout  la  ileur  3 elle  est 
blanche  , et  quand  011  peut  en  avoir  une 
certaine  quantité,  on  en  tire  parla  distil- 
lation une  eau  admirable.  Le  myrte  est  de 
deux  especes  j le  grand  est  assez  commun 
dans  les  provinces  méridionales  de  ha 


O R 


410 

France; ailleurs  il  est  plus  rare.  On  cultive 
le  petit  par  préférence  , sans  doute  , à 
cause  de  la  forme  agréable  dont  il  est 
susceptible. 

O 

Orcanette.  Espèce  de  buglosse  qui 
croît  en  Provence  et  en  Languedoc.  L’in- 
térieur  de  la  racine  de  cette  plante  est  li- 
gneux et  n’est  bon  à rien  ; il  n’y  a que 
l’écorce  extérieure , fort  résineuse  , qui  a 
la  propriété  de  colorer  les  huiles  en  beau 
rouge.  Pour  y parvenir  , on  fait  chauffer 
les  huiles  que  l’on  a dessein  de  colorer 
dans  une  bassine;  il  ne  faut  les  chauffer 
que  médiocrement;  sur  chaque  livre  on 
emploie  environ  une  demi-once  de  l’écorce 
extérieure  de  racine  d’orcanette.  Sur  le 
champ  l’iiuile  se  charge  d’une  trcs-bclle 
teinture  rouge.  On  peut  teindre  également 
avec  l’orcanelte  toutes  sortes  de  liqueurs, 
et  voilà  pourquoi  nous  l’avons  placée  ici, 
quoiqu’elle  11e  soit  pas  du  genre  des  subs- 
tances aromatiques. 

OPtANGE.  Nous  en  avons  souvent  parlé.  11 
me  reste  encore  deux  mots  à dire  au  sujet 
de  la  fleur  de  cet  arbre.  L’usage  est  que 


O II  il 

dans  l’emploi  qu’on  en  fait,  on  ne  prend 
que  la  feuille  ou  pétale  , et  qu’on  rejette 
les  étamines  , le  pédicule  et  le  pistille.  J’ai 
observé  qu’à  la  vérité  les  étamines  et  le 
pédicule  n’étaient  point  d’un  parfum  bien 
délicat 3 mais  en  meme  teins  j’ai  observé 
que  le  pistil , et  surtout  le  stygmate , c’est- 
à-dire  , le  petit  bouton  qui  est  au  haut 
('  une  petite  tige  , et  qui  ne  représente  pas 
mal  une  épingle  , est  peut-être  ce  qu’il  y 
a de  plus  aromatique  dans  la  fleur.  Gettc 
espèce  d’épingle  est  communément  chargée 
d une  espèce  de  résine  qui  s’attache  aux 
doigts  quand  on  la  touche.  Ce  n’est  point 
autre  chose  que  de  l’huile  essentielle  , toute 
pure  , très-aromatique  et  d’une  odeur  ad- 
mirable-. Je  conseille  donc  de  joindre  tou- 
jours cette  partie  à la  feuille  de  la  fleur 
après  avoir  rejeté  les  étamines  et  le  reste. 

ORVALE.  Plante  odorante  fort  commune. 
Sa  feuille  et  surtout  sa  fleur  infusée  dans 
le  vin  ou  la  bière , leur  donne  un  goût 
muscat  fort  agréable;  mais  alors  il  faut 
user  sobrement  de  la  liqueur,  parce  qu’elle 
porte  plus  promptement  à la  tète.  En  em- 
ployant la  fleur  de  cette  plante  avec  dis- 
crétion, elle  peut  produire  un  très  - bon 
effet  dans  de  certaines  compositions. 


4 1 2 po 

P 

PoNCIRE.  Espèce  de  citron,  mais  dont 
le  parfum  n’est  pas  fort  considérable.  Ce 
fruit  est  extrêmement  gros 5 il  peut  trou- 
ver sa  place  dans  des  combinaisons  nou- 
velles que  l’on  projetera  précisément , 
parce  que  son  parfum  n’est  pas  fort  vif. 
POIRES,  POMMES,  PÊCHES,  PRUNES, 
etc., etc.  Tous  ces  fruits  sont  fort  connus, 
et  comme  il  y en  a de  plusieurs  espèces 
différentes,  il  faut  toujours  préférer  celles 
qui  ont  le  plus  de  parfum.  Voyez  ce  que 
nous  avons  dit  au  sujet  de  plusieurs  de 
ces  fruits. 

POIVRE.  Epice  peu  ou  point  aromatique; 
mais  à cause  de  sa  saveur  très-piquante , 
on  pourrait  le  faire  entrer  dans  quelques 
compositions  qui  se  trouveraient  être  trop 
fades.  11  y a plusieurs  sortes  de  poivre 
qui  toutes  ont  à peu  près  les  mêmes  pro- 
priétés. 

POIVRE  de  la  Jamaïque.  Petite  graine 
très-odorante,  qui  sent  tout  à la  fois,  à ce 
que  l’on  s’imagine , la  muscade , la  cannelle 
et  le  girofle  : 011  dit  que  les  Anglais  en 
font  un  grand  usage.  11  11’y  a pas  un  siècle 


I 


PO  RE  4,5 

quelle  est  connue  en  France.  C’est  mal 
à propos  qu’on  l’appelle  graine  de  girofle; 
c’est  plutôt  la  graine  du  bois  d’inde  appelé 
amomi  par  les  Hollandais. 

PU  ou  Phu.  Grande  valérienne.  Plante  dont 
la  racine  est  fort  odorante.  On  la  cultive 
aisément  dans  tous  les  jardins.  Ses  feuilles 
sont  découpées  comme  celle  de  la  sca- 
bicuse  5 rnais  elles  sont  plus  douces  et  plus 
lisse.  Sa  tige  est  rougeâtre  , creuse,  tendre; 
elle  s élève  jusqu’à  la  hauteur  de  deux 
pieus.  Ses  fleurs  tiennent  du  blanc  et  du 
îouge  ; les  racines  qui  seules  peuvent  nous 
servir,  sont  blanches,  de  la  grosseur  d’un 
bon  doigt  , et  se  terminent  en  plusieurs 
lilamens.  Comme  l’odeur  de  cette  racine 
est  un  peu  singulière , qu’elle  déplaît  même 
à bien  des  gens,  il  faut  savoir  la  combiner 
avec  d’autres  odeurs  pour  faire  valoir  son 


Résines.  Suc  visqueux  et  odorant  qui  dé- 
coule de  certains  arbres.  Il  y a un  très- 
giand  îiombie  d especes  de  resme;  nous 
ne  parlerons  ici  que  de  celles  qui  sont  aro- 
matiques. 


4 1 4 R e 

i°.  Résine  animée.  Elle  ressemble  , au 
premier  coup-d’oeil , à l’ambre  jaune.  On 
en  trouve  de  deux  sortes  dans  les  bouti- 
ques , celle  qui  vient  d’Orient  et  qui  est 
fort  rare,  et  celle  qui  vient  de  l’Amériqüe , 
beaucoup  plus  commune. 

2°.  Résine  élcmi.  Il  y a encore  bien 
du  choix  dans  cette  espèce  de  résine. 
Celle  que  l’on  vend  communément  chez 
les  droguistes,  et  qui  ressemble  à la  poix 
de  Bourgogne,  n’est  qu’une  espèce  de  ga- 
lipot  de  nulle  valeur.  La  vraie  résine 
éleminous  est  apportée  d’Ethiopie  en  gros 
morceaux:  longs , enveloppés  de  feuilles  y 
elle  est  blanche,  tirant  un  peu  sur  le  vert, 
plutôt  molle  que  dure  , d’une  odeur  agréa- 
ble. Au  défaut  de  la  résine  élemi  qui 
nous  vient  d’Ethiopie,  on  peut  faire  usage 
de  celle  qui  nous  est  apportée  de  la  nou- 
velle Espagne;  elle  est  au  moins  aussi  bonne, 
et  elles  se  ressemblent  beaucoup. 

5Q.  Le  copal.  Résine  dure,  jaune  , et 
dont  l’odeur  approche  de  celle  de  l’en- 
cens. 

zj0.  Résine  tacamacha.  Elle  est  odo- 
rante , rougeâtre,  entremêlée  de  veines 
blanches.  Elle  découle  d’un  arbre  qui  res- 


R O S À 4i5 

semble  assez  au  peuplier  ; il  croit  dans  les 
Indes  occidentales  et  à Madagascar. 

ROSE.  Ployez  Eau  de  rose. 

ROUCOU.  Plante  avec  laquelle  on  fait  une 
pâte  qui  sent  fortement  la  violette  ou  l’iris 
de  Florence 5 on  nous  l’apporte  de  Pile  de 
Cayenne  ou  on  la  prépare  le  mieux.  On 
écrase  la  graine  rouge  qui  se  trouve  dans 
le  fruit  de  la  plante;  on  jette  cette  graine 
écrasée  dans  de  l’eau  chaude,  que  l’on  re- 
mue jusqu  a ce  quelle  se  soit  chargée  de 
toute  la  teinture  quelle  peut  prendre;  on 
la  laisse  reposer  jusqu’à  ce  qu’elle  ait  fait 
son  dépôt;  on  verse  l’eau  par  inclinaison, 
et  on  prend  ce  dépôt  pour  en  former  des 
petits  pains  qui  servent  aux  teintures.  Ces 
pains  sont  assez  semblables  à ceux  que 
1 on  prépare  en  Europe  avec  la  graine  du 
tournesol.  Le  roucou  pourrait  fort  bien 

servir  pour  teindre  certaines  liqueurs  en 
rouge. 


S 


Safran.  Plante  bulbeuse  , qui  porte  au 
commencement  de  l’automne  une  fleur 
couleur  gris  de  lin,  dont  les  étamines  sont 


416  SA 

couleur  de  flamme.  Le  bon  safran  doit 
être  pliant,  difficile  à broyer,  quelque- 
fois entremêlé  de  filets  blancs;  celui  qui 
est  rouge  brun  et  d’une  odeur  mediocie  , 
ne  vaut  rien. 

SANTAL,  bois  odorant  L’arbre  qui  le  four- 
nit croît  dans  les  Indes;  il  est  de  la  gran- 
deur de  nos  noyers  , ses  feuilles  sont  extrê- 
mement vertes , et  ressemblent  à celles  du 
lenstisquc.  11  y a trois  sortes  de  bois  de 
santal , et  leur  différence  se  remarque  à 
leur  couleur  particulière.  11  y en  a ce 
blanc,  de  rouge  et  de  citrin ; ce  derniei 
est  sans  contredit  le  meilleur , parce  que 
son  odeur  est  sensiblement  plus  douce  et 
plus  agréable  que  celle  des  deux  autics; 
le  bois  de  santal  est  cordial  et  rafraî- 
chissant. 

SARRIETTE.  Petite  plante  fort  aromatique 
et  qui  ne  ressemble  pas  mal  au  thym.  On 
en  distingue  de  deux  sortes  ,1a  sai  nette  do 
mestique  et  la  sauvage,  toutes  deux  odo- 
r ante  s et  toutes  deux  fort  bonnes  , parce 
quelles  sont  très-communes. 
SASSAFRAS,  bois  odorant  produit  parmi 
fort  grand  arbre , dont  les  feuilles  ressem- 
blent à celles  du  figuier  ; il  est  commun 

dans  la  Floride,  assez  rare  en  Europe  , par 

conséquent 


S A S E 41 7 

conséquent  cher 3 c’est  pour  cela  que  Ion 
a coutume  de  le  contrefaire.  Le  vrai  sassa- 
fras doit  être  solide,  jaune  3 son  écorce 
couleur  de  cendre  et  très-déliée  3 son  odeur 
approche  assez  de  celle  du  fenouil,  ainsi 
que  sa  saveur  qui  doit  être  âcre  et  aro- 
matique. 

SAUGE.  Plante  aromatique  3 on  en  distingue 
de  plusieurs  sortes  , fort  communes  et 
foi  t connues,  ainsique  leurs  propriétés 
qui  sont  à peu  près  les  mêmes.  Je  con- 
seillerais cependant  de  préférer  toujours 
la  petite  espèce  à la  grande.  Les  Chinois 
estiment  beaucoup  la  sauge;  ils  donnent 
six  a sept  fois  plus  de  thé  dans  l'échange 
qu’ils  en  font  avec  les  Hollandais.  • 
SCIIŒAAjXTE.  Jonc  aromatique,  ou  plutôt 
c est  une  espèce  de  chiendent  qui  vient  en 
abondance  dans  l’Arabie  aux  environs  du 
Mont-Liban.  Autrefois  il  était  assez  rare 
en  Europe , et  alors  011  n’en  employ  ait  que 
la  tige.  Mais  depuis  qu’il  est  devenu  très- 
commun  , on  n en  n’emploie  que  la  fleur, 
ïl  faut  la  choisir  nouvelle  en  forme  d’épi 
comme  la  lavande,  de  couleur  rousse,  de 
saveur  piquante  , et  surtout  d’une  odeur 
douce  et  très-aromatique. 

SEliPOLE  F Plante  aromatique  fort  connue. 

Dd 


Le  serpolet  que  I on  cultive  dans  les  jar- 
dins  est  plus  grand  , plus  odorant,  pins 
succulent  que  le  sauvage  qui  croît  en  abon- 
dance presque  partout. 

SMIRN1UM  , ou  Maceron  , autrement 
gros  Persil  de  Macédoine.  Plante  dont 
toutes  les  parties  sont  odorantes  ; elle  est 
fort  ressemblante  à l’acbe  , aussi  leurs 
propriétés  ne  sont-elles  pas  trop  difiéi en- 
tes ; elles  sont  toutes  deux  carminatives. 

SPICA-NARDÏ , ou  Nard-Indique.  Plante 
aromatique  qui  croît  dans  les  Indes.  Sa 
racine  est  petite,  menue,  fort  odorante, 
partagée  en  plusieurs  brins  qui  ont  la  li- 
gure d’épi  3 c’est  la  seule  partie  de  toute  la 
plante  que  l’on  emploie.  Le  véritable  spic- 
nard  doit  avoir  des  épis  longs,  de  cou- 
leur jaunâtre , tirant  sur  le  pourpre  ; les 
poils  de  l’épi  doivent  être  larges  et  odo- 
rans  , la  saveur  un  peu  amère.  Comme  le 
spic  - nard  est  extrêmement  rare  , on  lui 
substitue  le  nard- celtique  , petite  plante 
qui  croît  en  plusieurs  endroits  des  Alpes, 
du  Tyrol  et  de  la  C.arinthiej  elle  ne  res- 
semble point  du  tout  au  nard -indique 
pour  la  forme,  mais  le  parfum  de  sa  ra- 
cine a beaucoup  de  rapport  avec  celui  des 
Indes,  v 


s T S U * 4,9 

SrtECHAS.  Piaule  dont  les  Heurs  eu  épis 
soin  fort  aromatiques;  elle  n’est  point  rare, 
parce  quelle  vient  sans  culture  sur  les' 
collines  arides  de  la  France  méridionale. 
Elle  croit- aussi,  sans  beaucoup  de  peine  , 
dans  tous  les  jardins.  On  peut  en  tirer  une 
Inule  essentielle  qui  ne  le  cède  en  rien  à 
celle  de  lavande  , et  qui  peut  servir  aux 
mêmes  usages. 

STY  RAX  ) ou  Storax.  Substance  qui  dis- 
tille d’un  arbre  qui  porte  le  même  nom.  H 
y a trois  sortes  de  storax  : le  calamite  , le 
rouge  et  le  liquide;  ces  deux  derniers  sont 
assez  peu  odorans,  et  je  ne  conseille  i per- 
sonne d’en  faire  usage  ; il  n’en  est  pas  de 
même  du  storax  calamite,  ainsi  nommé, 
parce  qu’on  l'apportait  autrefois  dans  des 
cannes  ou  roseaux.  Pour  l’avoir  bon , il 
faut  Je  choisir  en  larmes  blanches  on  de- 
dans, et  un  peu  rousses  en  dehors;  d’une 
odeur  agréable  et  pénétrante. 

SUREAU.  Arbre  fort  connu  : ses  fleurs  sont 
Odorantes;  le  fruit  pourrait  servir  aux  tein- 
tures , en.  fixant  sa  couleur  qui  est  sujette 
a changer  en  vieillissant. 


D(U 


T H y A 


420 


T 

ThYM.  Petite  plante  ligneuse  : tige,  feuil- 
les , fleurs , branches  , tout  est  aromatique. 
On  en  tire  d’excellente  huile  essentielle  9 
d’un  usage  très-recommandable. 

THYMIAMA.  Ecorce  d’arbre  qu’on  nous 
apporte  des  grandes  Indes.  On  dit  que 
c’est  le  thus  judœorum. 

TUBÉPtEUSE.  Qui  aurait  abondamment  de 
cette  fleur,  pourrait  se  flatter  d’être  en  état 
de  faire  des  compositions  exquises  tant  en 
liqueur  qu’en  eau  de  senteur  3 mais  comme 
cette  fleur  ne  vient  bien  que  sur  couche  , 
qu’elle  est  assez  difficile  à élever , on  en 
trouve  rarement  en  assez  grande  quantité 
pour  essais  convenables  3 son  esprit  rec- 
teur est  si  subtil,  que  je  doute  que  Ion 
puisse  le  recueillir  autrement  qu’au  moyen 
des  huiles  grasses. 


y 

Vanille.  C’est  la  gousse  d’une  plante 
assez  semblable  à nos  haricots.  Elle  croît 
dans  le  Pérou  3 les  naturels  du  pays  la 
nomme  tilxochïlte  , et  la  gousse  mcca- 


VITE  421 

i ochilte.  On  trouve  à Paris  une  autre  sorte 
clc  vanille  plus  longue  que  celle  du  Pérou, 
niais  elle  n'est  ni  si  odorante  ni  si  bonne  , 
aussi  est-elle  bien  moins  chère  ; elle  nous 
est  apportée  des  îles  de  l’Amérique. 

VIOLETTE.  L’odeur  de  cette  fleur  plaît 
universellement;  c’est  dommage  qu’il  soit 
si  difficile  de  pouvoir  en  tirer  parti , au 
moins  pour  les  liqueurs  à boire.  Elle  a cela 
de  commun  avec  la  fleur  de  jasmin  et  quel- 
ques autres  encore  très-odorantes , mais 
dont  l’esprit  recteur  est  si  fugace  qu’on  11e 
saurait  le  fixer  autrement  qu’au  moyen 
des  huiles  grasses. 

X 

"AA  LO-ALOES.  Voyez  Bois  odorans. 
XYLO-BALSAMUM.  Ibid. 


Y 

• 

YeBLE.  Plante  qui  ressemble  extrêmement 
au  sui  eau  , excepte  qu  elle  est  beaucoup 
plus  petite.  Leurs  feuilles  , fleurs,  fruits, 
propriétés  , vertus  , sont  à peu  près  les 
mêmes. 


À22 


Z E 


ZeDOxMRE.  Racine  qu’on  nous  apporte 
de  l’ile  de  Ccylan  3 elle  a quelque  rapport 
avec  le  gingembre  , et  peut  servir  dans 
les  mêmes  cas  ; elle  est  longue  , pleine 
d’un  suc  âcre  , volatil  et  huileux.  On  en 
trouve  une  autre  presque  ronde  , appelée 
zerumbeth.  Je  serais  fort  tenté  de  croire 
. que  c’est  le  haut  de  la  même  racine  coupée 
trans  v e r sale  m en  t . 

Il  y a beaucoup  de  plantes  , de  racines  , 
de  gommes  , de  fleurs  dont  nous  11  avons 
point  parlé  dans  ce  Dictionnaire  , par  la 
raison  qu  elles  n’ont  point  une  odeur  aro- 
matique bien  décidée,  quoiqu  absolument 
parlant,  elles  soient  assez  odorantes  pour 
faire  un  bon  effet  dans  de  certaines  com- 
positions : telles  sont  , par  exemple  , les 
feuilles  de  noyer  , de  pêcher  , et  surtout 
de  cerisier.  Qui  croirait  que  la  feuille  de 
ce  dernier  arbre  dut  produire  l’effet  ad- 
mirable que  l’on  distingue  dans  le  maras- 
quin? 

Comme  ce  Dictionnaire  est  principale- 
ment destiné  à l’usage  des  personnes  que 
nous  supposons  n’èlre  pas  fort  versées  dans 


1 


Z E 425 

l’histoire  naturelle,  et  peut-être  dans  quel- 
ques autres  sciences,  nous  avons  écarté 
tous  les  termes  trop  recherchés,  toutes  les 
expressions  scientifiques  , pour  nous  en 
tenir  aux  termes  vulgaires,  moins  exacts  à 
la  vérité  , ma>s  plus  intelligibles  pour  le 
commun  des  lecteurs. 

Pour  faire  un  bon  usage  des  plantes  , 
racines  , bois,  écorces , gommes , etc.,  aro- 
matiques dont  nous  venons  de  parler  dans 
ce  catalogue  , il  serait  à souhaiter  que 
chaque  artiste  pût  s’en  former  une  petite 
collection.  11  s’instruirait  plus  par  la  seule 
inspection  de  ces  drogues  et  de  ces  sim- 
ples que  par  les  descriptions  les  mieux 
faites  , toujours  insuffisantes  dans  la  pra- 
tique, et  de  là  vient  que  j’ai  passe  assez, 
légèrement  sur  chaque  article  de  ce  Dic- 
tionnaire. 

Je  n’ai  point  eu  dessein  d’approfondir 
la  matière  , je  n’ai  voulu  que  l’effleurer  , 
et  tout  au  plus  qu’indiquer  , par  une  no- 
tice succincte , les  substances  qui  pouvaient 
faire  partie  de  l’objet  qui  nous  occupe. 
C’est  en  travaillant  avec  intelligence  et 
avec  un  esprit  observateur  que  l’artiste 
apprendra  à connaître  leur  nature  ainsi  que 
l’accord  qui  pourra  régner  eutr’eux  , pour 


424  z E 

se  mettre  en  état  par  ce  moyen  de  tenter 
des  combinaisons  nouvelles  et  savantes. 
11  n’y  a cpic  l’expérience  , et  encore  1 ex- 
périence souvent  répétée  qui  puisse  donner 
ce  talent. 


V O C A B U L A I II  E, 

O ü 


EXPLICATIONS  des  mots  et  des  termes 
qui  ne  sont  point  d'un  usage  familier. 


-A.FF  1NIT  É.  Ou  entend  par  ce  mot  une  des 
premières  lois  de  la  nature  , en  vertu  de 
laquelle  les  corps  tendent  à s’unir  les  uns 
aux  autres  , plus  ou  moins  facilement. 


ALEXITERE.  Ce  mot  se  dit  des  remèdes 
propres  à être  employés  dans  les  maladies 
contagieuses. 

ALKALI.  Voyez  Sel. 

ALKOOL.  Mot  arabe,  comme  le  précédent, 
qui  signifie  réduction  en  particules  insen- 
sibles. 

0 

ALKOOLISE , se  dit  de  l’esprit-de-vin  rendu 
si  subtil  par  plusieurs  distillations  qu’il  ne 
saurait  letre  davantage. 

AN  A El  SE.  Examen  détaillé  d’une  chose  que 
1 on  ne  connaissait  pas  3 cet  examen  se  fait 
en  considérant  la  chose  dont  il  est  question 
partie  par  partie  , pour  en  connaître  lu 
nature  avec  plus  de  précision. 


VOCABULAIRE. 


4 26 

ANALOGIE.  Rapport  , convenance  entre 
deux  ou  plusieurs  choses. 

ANASTOMOSE.  Ouverture  de  deux  vais- 
seaux , dont  elle  rend  la  communication 
réciproque. 

ANODIN.  Terme  de  médecine  qu’on  ap- 
plique aux  remèdes  propres  à calmer  les 
douleurs  aigues. 

APPAREIL  , se  dit  d’un  arrangement  de 
vaisseaux  adaptés  les  uns  aux  autres  , et 
placés  convenablement  pour  produire  quel* 
qu’c  (Te  t chimique. 

APÉRITIF  , se  dit  des  remèdes  propres  à 
lever  les  obstructions  , en  expulsant  les 
matières  qui  les  occasionnent,  par  les  voies 
excrétoires. 

ASSOUPISSANT.  On  appelle  de  ce  nom  les 
remèdes  propres  à provoquer  le  sommeil. 
Voyez  Narcotique. 

ASTRINGENT.  On  entend  par  ce  mot  les 
remèdes  convenables  pour  arrêter  le  sang 
et  les  évacuations  excessives;  c’est  ce  qu  ils 
font  en  resserrant  le  calibre  des  vais- 
seaux. 

ATONIE.  Privation  du  mouvement  tonique. 
Voyez  Tonique. 

ATRABILAIRE  , se  dit  d’un  tempérament 


VOCABULAIRE.  427 

où  la  mélancolie  ou  une  bile  épaisse  do- 
mine à l’excès. 

§ 

BAIN.  Corps  intermédiaire  que  l’on  em- 
ploie pour  tempérer  la  trop  grande  action 
du  feu.  / oyez  dans  le  corps  de  l’ouvrage 
les  differentes  sortes  de  bains  que  l’on  peut 
employer. 

BAIE  , du  mot  latin  BàCCA,  terme  de  bota- 
nique pour  signifier  un  fruit  charnu  , 
ferme  , et  qui  renferme  des  noyaux  ou 
pépins. 

BEC  H I QUE  , se  dit  des  remèdes  propres 
a appaiser  la  toux  , en  porcurant  l’évacua- 
tion des  matières  , épaisses  et  visqueuses. 

Bc  LBEL  X.  Terme  de  botanique  dont  on  se 
sert  pour  désigner  une  racine  communé- 
ment ronde  ou  oblongue  , composée  de 
plusieurs  peaux  rangées  les  unes  sur  les 
autres  comme  on  le  voit  dans  l’oignon. 

C^RiJirsi  A 1 II  .On  appelle  ainsi  les  remèdes 
pi opi es  a dissoudre  les  matières  visqueuses 
dans  lesquelles  les  particules  d air  se  trou- 
vent embarrassées. 

CAL  SI  1QLE,  se  dit  de  tout  ce  qui  est  cor- 

1 osil , et  produità  peuprès  les  mêmes  effets 
que  le  feu. 

CEPHALIQUE.  Remèdes  propres  aux  ma- 


4*8  VOCABULAIRE. 

ladies  du  cerveau.  Ce  terme  s’applique 
aussi  à tout  ce  qui  a quelque  rapport  avec 
la  tète. 

COHOBER.  Terme  de  chimie  qui  signifie 
qu’il  faut  recommencer  la  distillation , en 
reversant  la  liqueur  déjà  distillée  dans  la 
cucurbitc  , sans  là  vider,  pour  en  extraire 
tout  ce  qu’il  y a de  plus  spiritueux. 
CONCENTRATION.  On  appelle  ainsi  l’opé- 
ration par  laquelle  on  rapproche  les  par- 
ties intégrantes  d’un  mixte,  en  enlevant  et 
en  expulsant  les  substances  interposées  , 
qui  leur  sont  absolument  étrangères , l’es- 
prit-de-vin^ le  vinaigre  , les  acides  sulfu- 
rique et  nitrique,  dépouillés  de  leur  flegme 
surabondant,  sont  dans  un  état  de  concen- 
tration. 

CORDIAL  , se  dit  des  substances  qui  ont 
la  vertu  de  rétablir  le  ton  d’un  cœur  ma- 
lade , et  de  le  fortifier  dans  sa  faiblesse. 

CREPITATION.  Terme  de  physique  pour 
signifier  le  bruit  que  forme  un  air  ren- 
fermé et  comprimé  , lorsqu’il  se  débande 
et  qu’il  s’échappe  avec  violence. 

CRETACE.  Substance  qui  contient  de  la 
craie,  ou  qui  a quelque  rapport  avec  cette 
sorte  de  terre. 

CRISTALLISATION.  Opération  par  la- 


VOCABULAIRE.  /P9 

quelle  les  parties  intégrantes  d’un  corps  , 
séparées  les  unes  des  autres  par  l'interpo- 
sition d'un  fluide  , sont  déterminées  à se 
rejoindre  et  à former  des  niasses  solides 
d’une  figure  régulière  et  constante. 

DÉCANTER.  C’est  tirer  une  liqueur  claire 
qui  s’est  séparée  et  qui  nage  au-dessus  d’un 
dépôt  ou  marc  ; celte  opération  se  fait  en 
penchant  le  vase,  et  versant  doucement  la 
liqueur  la  plus  claire  dans  un  autre  vase. 

DÉi  HLEGMER.  Séparer  chimiquement  le 
phlegme  d’avec  les  autres  principes. 

DlGESr ION.  Opération  chimique  qui  con- 
siste à exposer  une  substance  quelconque, 
un  corps,  un  mixte  ,aune  chaleur  modérée 
dans  des  vaisseaux  convenables  et  pendant 
un  certain  teins,  pour  faciliter  leur  décom- 
position. La  macération  est  une  espèce  de 
digestion;  elle  en  diffère  cependant  en 
ce  quelle  n’exige  pas  la  chaleur  du  feu. 

DIURETIQUE.  Remèdes  qui  provoquent 
1. évacuation  de  l’urine. 

EFFERVESCENCE.  Mouvement  intestin 

excité  par  l’action  de  deux  corps  de  na- 
ture contraire  lorsqu’il  se  dissolvent  réci- 
proquement. On  a confondu  pendant  long- 
tems  l’effervescence  avec  la  fermentation; 
aujourd’hui  le  nom  de  fermentation  est 


43  o 


VOCABULAIRE. 


restreint  au  mouvement  qui  s’excite  natu- 
rellement dans  les  matières  végétales  et 
animales  , et  dont  il  résulte  de  nouvelles 
combinaisons  entre  leurs  principes.  Voyez 

Fermentation. 

/ * 

EMETIQUE.  On  appelle  de  ce  nom  tout  ce 
qui  peut  provoquer  le  vomissement. 

EMPYREUME.  Goût  de  feu  fort  désa- 
gréable. 

ETAMINE.  On  appelle  ainsi  les  petits  fîla- 
mens  placés  au  milieu  du  calice  des  fleurs, 
et  qui  ont  leur  sommet  chargé  d’une  pous- 
sière très-fine.  C’est  la  jiartie  male  de  la 
plante. 

A > 

FECES  et  b ECU  LE,  sédiment  qui  se  forme 
lorsqu’on  analise  les  plantes  • c’est  une 
espèce  de  marc  qui  se  trouve  au  fond  du 
vaisseau. 

FERMENTATION.  Nous  en  avon?  parlé 
suffisamment  dans  le  corps  même  de  l’ou- 
vrage que  l’on  peut,  consulter.  Nous  n’en 
disons  ici  deux  mots  que  pour  avertir 
qu’il  ne  faut  pas  confondre  la  fermenta- 
tion avec  l’effervescence;  celle-ci  n’a  lieu 
qu’entre  les  mixtes  du  règne  minéral , 
et  l’autre  entre  les  mixtes  des  deux  autres 
règnes. 

FILTRE.  Tissu  serré  qui  retient  ce  qu’il  y 


VOCABULAIRE.  45, 

a Je  plus  épais  dans  un  liquide  , et  laisse 
échapper  ce  qu’il  y a de  plus  fluide.  Au 
moyen  de  quoi,  tout  ce  qui  passe  par  le 

liltre  devient  pour  l’ordinaire  très-lim- 
pi  do. 

PULM1NATION.  Bruit  violent  qui  éclate 
a\ cc  force,  quelquefois  avec  flamme  ou 
umee  , occasionné  par  1 éruption  d’un  air 
ou  d’un  feu  très-comprimé. 

GALENIQUE.  Préparations  de  pharmacie 
dans  lesquelles  on  se  contente  de  mêler 
des  drogues -simples,  sans  s’embarrasser 
d examiner  leur  nature  pour  en  reconnaître 
PIus  généralement  les  propriétés. 

GELA  1 EN  ETJSE.  ( Substance ) Matière  sin- 
gulière qui  contient  les  premiers  rudimens 
de  l’organisation  ; c’est  elle  qui  constitue 
presqu’en  entier  le  corps  des  animaux; 
c est  elle  qui  les  nourrit,  qui  les  répare  et: 
qui  les  reproduit. 

LABIÉE.  Mot  usité  en  botanique  pour  dé- 
signer  le  caractère  d’uue  classe  particulière 
de  plante  dont  la  fleur  a le  calice  en  forme 
de  lèvres. 

LIE! ALLE.  Autre  caractère  de  fleurs  qui 
ont  le  calice  figuré  comme  le  lys. 

IN  I ERMÈDE.  Substance  moyenne  que  l’on 
choisit  pour  séparer  un  corps  intimement 


/j  Z 2 V O C A B U L A I R E. 

uui  à un  autre.  Celte  opération  réussit  par 
une  suite  de  la  loi  d’aflinité.  La  substance 
que  l’on  choisit  pour  intermède,  s attache 
immanquablement  à l’une  des  deux  subs- 
tances réunies  que  l’on  veut  séparer,  et 
oblige  l’autre  à s’en  séparer. 
MACERATION.  Voyez  Digestion. 

MIXTE.  Terme  que  nous  avons  souvent 
employé  pour  désigner  un  compose  quel- 
conque. Ce  terme  parait  emprunté  de 
l’école  de  Slahl  , où  l’on  se  sert  du  mot 
mixtion  pour  désigner  l’union  des  pre- 
miers  principes  dans  les  composés  les  plus 
simples. 

MUCILAGE.  On  entend  par-là  une  subs- 
tance blanche  transparente  qui  n’a  point 
ou  très -peu  de  saveur  et  d’odeur,  dont 
la  consistance  est  épaisse  , Riante  , tenace 
et  collante  lorsqu  elle  est  unie  à une  cer- 
taine quantité  d’eau  surabondante  qui  se 
dissout  entièrement  par  l’eau , et  ne  donne 
•aucun  indice,  ni  d acide  , ni  dalkali  hbic. 

NARCOTIQUE.  On  appelle  ainsi  toutes  les 
substances  capables  de  ralentir  le  mou- 
vement des  esprits  animaux ; par  cette  rai- 
son tous  les  narcotiques  sont  assoupissans. 

NÉPHRÉTIQUE.  Maladie  causée  par  quel- 
que pierre  ou  gravier  qui  se  trouve  dans 

les 


VOCABULAIRE.  433 

les  reins.  La  colique  dite  néphrétique  en 
est  la  suite.  On  donne  aussi  ce  nom  aux 

médicamens  propres  à calmer  cette  dou- 
leur. 

PISTIL.  Partie  de  la  fleur  placée  au  centre 

du  calice  , et  pour  1 ordinaire  entourée  de 
ses  étamines. 

RECTIFICATION  , se  dit  d’une  liqueur  à 
laquelle  on  enlève  un  flegme  surabondant; 

1 esprit-de-vin  , les  éthers,  les  huiles  , sont 
sujets  à la  rectification. 

SÉDIMEA  T,  se  dit  des  particules  les  plus 
pesantes  d une  substance  réduites  en  poudre 
ou  autrement,  et  que  Ton  trouve  préci- 
pitées au  fond  du  vase  après  quelque  tems 
de  repos. 

STOMACHIQUE.  Qualification  que  Ton 
donne  aux  médicamens  jugés  propres  à 
soulager  Testomac. 

SI  IGMATE.  Terme  de  botanique  ; c’est  le 
petit  bouton  ou  extrémité  supérieure 
du  pistil  placé  au  centre  du  calice  des 
fleurs. 

ST\PTIQT  E,  se  dit  des  drogues  et  des 
remèdes  qui  ont  la  vertu  de  resserrer. 

T oyez  astringent. 


Ee 


434  VOCABULAIRE. 

SUDORIFIQUE.  Médicamens  propres  à 
exciter  une  abondante  transpiration. 
TEINTURE.  Ce  nom  se  donne  en  chimie 
et  en  pharmacie  à toutes  les  liqueurs  spiri- 
tueuses  qui  se  sont  chargées  de  quelque 
couleur  par  la  digestion  de  difïérerites 
substances 5 ce  sont,  a proprement  pailei  , 
des  infusions  dans  des  esprits  ardens. 

TONIQUE.  Mouvement  qu’il  ne  faut  pas 
confondre  avec  le  mouvement  élastique  , 
ni  avec  le  mouvement  musculaire  des  libres. 
On  entend  donc  par  ce  mouvement  toni- 
que, la  propriété  que  les  libres  ont  de  se 
raccourcir,  indépendamment  de  la  disten- 
sion , c’est-à-dire  , sans  avoir  été  distendus  5 
cette  propriété  se  trouve  également  dans 
les  parties  qui  ne  sont  pas  musculaires. 
Ce  mouvement  devient  très-sensible  dans 
les  affections  de  lame  un  peu  vives,  dans 
la  colère,  par  exemple,  où  l’action  tonique 
augmente  visiblement  3 au  contraire  elle 
diminue  sensiblement  dans  les  affections 
soporeuses. 

TORRÉFIER-  Opération  chimique  par 
laquelle  on  dessèche  fortement  une  graine, 
une  racine  , un  fruit,  etc.  jusqu’à  ce  que 
> substance  devienne  friable. 


VOCABULAIRE  435 
TRITURATION.  C’est  l’action  par  laquelle 
on  broie  , et  on  réduit  en  particules  très- 
petites  des  substances  molles,  dures  com- 
pactes ; en  un  mot , de  quelque  substance 
quelles  puissent  être. 

VISQUEUX.  Corps  dont  les  particules  sont 
le  entent  adhérentes  les  unes  aux  autres , 
qu  on  ne  peut  les  séparer  que  très-difficile- 
ment, parce  quelles  laissent  toujours  après 
elles  un  très-long  fil.  La  glu,  par  exemple  , 
est  un  corps  très-visqueux. 


' ' • " 7 


^ i “-y  y , 

_ 


TABLE 

DES  MATIERES. 


ÜlVERTISSEMENT.  Page  I 

Principes  généraux.  5 

Choix  et  conservations  des  subs- 
tances. g etsuiv. 

Del1  eau-de-vie.  • 

De  l’eau. 

Du  sucre. 

De  la  distillation.  28 

De  l’infusion.  55 

Du  mélange.  5^ 

De  la  filtration.  ^ 2 

De  la  Coloration  artificielle  des  li- 

quides.  /f9 


PRINCIPES  PARTICULIERS 
OU  RECETTES. 


Des  produits  du  Raisin  non  fer- 
mente. — Raisiné. 

Choix  des  Fruits  pour  le  Raisiné. 


56 

59 


458  TABLE 

Procédé  pour  la  préparation  du  Raisiné,  p.65 
Sirop  de  raisiné.  7^ 

Sirop  de  Carottes.  81 

Du  Chocolat.  ^5 

Sa  préparation.  9^ 

DES  LIQUEURS.  99 


Du  Café. 

101 

Du  Thé. 

106 

De  la  Cannelle. 

1 10 

Du  Citron  et  de  la  Citronnelle. 

1 15 

Du  Cédrat. 

1 1 7 

De  la  Fleur  xTOrange. 

1 18 

Du  Cassis. 

120 

De  l’Anis,  Badiane  , etc. 

122 

Du  Genièvre. 

126 

Du  Céleri. 

129 

De  l’Angélique. 

1 5 1 

De  l’ Absinthe. 

i55 

Du  Macaroni. 

i56 

De  la  Singulière. 

i58 

De  lTIuile  de  Vénus  et  des  Eaux  de 

Barbades. 

i4o 

Elixir  de  Garus. 

i45 

Des  Ratafias. 

44 

Observations  préliminaires  sur  ces  sortes 

de  liqueurs. 

•y  / hL 

DES  MATIERES.  439 


Des  Vins  par  imitation. 

Pag.  1 53 

Vins  de  Pêches. 

1 54  et  ^38 

■ — d’ Abricots. 

i56  et  23o 

— De  Cerises. 

id.  et  a35 

— De  Framboises. 

i57 

— De  groseilles. 

i58 

d Oranges  et  de  citrons. 

id. 

Ratafia  de  Fruits  rouges. 

i5g  et  259 

— De  Cerises. 

' 238 

— d’Œillets. 

161 

— De  Cassis. 

i63 

— De  Noix  vertes  (Brou  de  noix). 

164  et  166 

— De  Coings. 

id. 

■ — d’Angélique. 

168 

• — d’Anis. 

170 

— De  Semences  chaudes , appelé  vulgai- 

renient  Eau  des  sept  graines. 

171 

— Dit  Eau  de  Noyaux. 

i?4 

— De  Genièvre. 

176 

— De  Fleur  d’Orange. 

id. 

— De  la  Menagcre. 

241 

— Scubac. 

181 

— De  Cédrats. 

184 

- — De  Grenoble  sans  feu. 

i85 

— De  Grenoble  ou  de  Teisser. 

id. 

— De  Grenades. 

186 

— De  Pêches. 

1S7 

— De  Groseilles. 

' 188 

44o  TABLE 


Ratafia  de  Framboises. 

Pag. 

i83 

— Rossolis. 

id. 

— De  Roses. 

189 

— - d’Anis  , Huile  d’Anis. 

* 

id. 

— Parfait  Amour. 

190 

— Cuirasseau. 

id. 

— Vespetro. 

V)1 

— Persicot. 

id. 

Liqueur  suave. 

192 

Liqueur  au  bouquet. 

Anisette  de  Bordeaux. 

id. 

Liqueurs  aux  quatre  fleurs. 

194 

Des  Liqueurs  appelées  Crèmes 

et  huiles. 

id. 

— Crème  de  myrte. 

id. 

— De  fleur  d’orange  , au  lait 

et  au  vin 

de  Chain  pagne. 

195 

— De  Vanille  ou  Cordial. 

*97 

- — d’ Absinthe. 

198 

— De  Moka. 

id. 

— De  Cacao. 

*99 

— De  Laurier. 

id. 

— Des  Barbades. 

200 

— De  Kirchwaser. 

id. 

— De  Menthe. 

20  r 

. — . Des  cinq  fruits. 

id. 

Eau  Divine. 

202 

— Cédrat. 

2üj  et 

2 O/j 

— Des  quatre  Graines. 

20  j. 

DES  MATIERES.  441 


Eau  d’Œillets.  Pag.  ^o5 

*—  De  Céleri.  20 6 

- — Archiépiscopale,  id. 

— cl’ Argent.  207 

— d’Or.  id. 

— De  Thé.  208 

— • De  Noyaux  de  Phalsbourg.  id. 

— ■ De  Malte.  209 

— De  la  Côte.  id. 

Eau-de-vie  dAndaye.  210 


Des  fruits  à l’Eau-de-vie , de  la  Clarifica- 


tion du  Sucre  et  des  difïérens  degrés 
de  cuisson. 

Pêches  à l’eau-de-vie. 

Abricots  à l’eau-de-vie. 

Poires  de  Rousselet  à l’eau-de-vie. 

Poires  de  beurre  d’Angleterre  à l’eau- 
de-vie. 

Mirabelles  à l’eau-de-vie. 

Reine-claude  à l’eau-de-vie. 

Cerises  à l’eau-de-vie. 

Orange  à l’eau-de-vie. 

Noix  blanches  à l’eau-de-vie. 

Cornichons  confits  au  vinaigre. 

Haricots  verts  confits  au  vinaigre. 

o 

Des  moyens  de  tirer  le  parti  le  plus  éco- 
nomique de  plusieurs  Fruits,  et  prin- 
cipalement de  lu  Cerise. 


id. 

216 

218 

220 

222 
22  3 
2 24 

225 

226 

227 

228 

229 


id. 


442  TABLE 

Des  Cerises  sèches.  Pag.  2"° 

Des  Confitures  de  Cerises.  23 1 

Marmelade  de  Cerises  sucrée.  252 

Marmelade  de  Cerises  sans  sucre.  id. 

De  la  Compote  des  Cerises  d’hiver.  253 

Du  Vin  de  Cerises.  255 

Du  Vin  de  Pêches  et  d’ Abricots.  238 

Du  Ratafia  de  la  Ménagère.  241 

Des  Pruneaux.  242 

DIVERSES  PRÉPARATIONS 
DE  LA  GROSEILLE.  242 

Groseilles  poudrées  ou  glacées.  244 

Compote  cuite  de  Groseilles.  248 

Compotes  cuites  de  Groseilles  , de 
Fraises  et  Framboises.  249 

De  la  Gelée  de  Groseilles.  id. 

Du  Marc  des  Confitures.  25a 

Sirop  de  Groseilles  fait  avec  la  Gelée.  255 
Des  Confitures  épépinées  à Bar.  254 

Confitures  de  Groseilles  à froid.  255 

DES  SIROPS.  256 

Sirop  de  Citron. 

Sirop  Yiolat.  2^8 


DES  MATIERES.  ^3 

Sirop  de  Groseilles.  Pag.  25g  et  253 

Sirop  de  Vinaigre.  261 

— De  Verjus.  262 

— Sirop  de  Mûres.  id . 

— De  Coings.  263 

De  Pommes.  264 

— De  Capillaire.  265 

■ — ■ De  Guimauve.  267 

— d’Ecorce  de  Citron.  268 

— d’Orgeat.  id. 

PRINCIPES  GENERAUX  POUR  LA 
DISTILLATION  DES  SUBSTANCES 
ODORANTES.  275 

De  l’Eau-Rose.  2g5 

Eau  de  Fleurs  d’Orange.  298 

Eaux  de  toute  espèce.  804 

Esprit  ardent  de  Roses.  806 

Eau  de  Lavande.  809 

Eau  de  Cologne.  81 1 

Eau  pour  les  Dents.  812 

Eau  de  la  Reine  d’Hongrie.  3i3 

Esprit  de  Cédrats.  3ï4 

Eau  de  Mclisse  composée.  3i7 

Eau  Vulnéraire.  820 

Eau  Vulnéraire  rouge , par  infusion.  822 
Eau  de  Miel  odorante.  id. 


44  i TABLE 

Eau  de  Bouquet.  Pag.  323 

— Sans-Pareille.  32 \ 

— ■ De  Jasmin.  id. 

— De  Girofle.  5 25 

— De  Violette.  id. 

— De  Souchet.  326 

— De  Calamus  Àromaticus.  id. 

— Odorante  Germanique.  337 

— Générale.  329 

Du  Vinaigre.  332 

Distillation  du  Vinaigre.  356 

Eaux  odorantes  acéteuses  , en  prenant 

pour  exemple  l’eau  de  Lavande  acé- 
teuse.  339 

Vinaigre  radical,  Acide  acétique.  341 

Des  Ethers.  346 

Ether  sulfurique.  347 

— Acétique.  id. 

Des  Huiles  essentielles.  549 

Huiles  essentielles  de  graines,  Baies  , se- 
mences, etc. , en  prenant  pour  exem- 
ple l’huile  essentielle  de  genièvre.  556 

Huiles  essentielles  d’Epices,  eu  prenant 
pour  exemple  le  girofle.  33^ 

Des  Huiles  essentielles  tirées  des  écorces 
de  certains  fruits  , en  prenant  pour 
exemple  celle  de  citron.  56o 


DES  MATIERES.  445 
Des  Huiles  essentielles  falsifiées  , et  des 
moyens  de  reconnaître  ces  falsifica- 
tions. 36  a 

Huiles  essentielles  de  bois  aromatiques  , 
en  prenant  pour  exemple  le  bois  de 
sassafras.  365 

Huiles  essentielles  de  fleurs  odorantes, 
en  prenant  pour  exemple  la  rose.  566 

Des  Huiles  odorantes  grasses.  568 

SUPPLEMENT  à l’Art  de  composer 
les  Liqueurs  de  table , et  autres  objets 
d’économie  domestique,  en  forme  de 
Dictionnaire.  3^5 

VOCABULAIRE  , ou  Explications  des 
mots  et  des  termes  qui  ne  sont  point 
d’un  usage  familier.  4^5 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIERES. 


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