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Full text of "Précis d'expériences et observations sur les différentes espèces de lait, considérées dans leurs rapports avec la chimie, la médecine et l'économie rurale"

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PRÉCIS  D’EXPÉRIENCES 

ET  OBSERVATIONS 


SUR  LES  DIFFÉRENTES  ESPÈCES 


DE  LAIT, 


CONSIDEREES  DANS  LEURS  RAPPORTS 


AVEC 


LA  CHIMIE,  LA  MÉDECINE 


ET  L’ÉCONOMIE  RURALE; 


Par  A.  PARMENTIER  et  N.  DÉYEUX, 


Membres  de  l’Institut  national  de  France. 


STRASBOURG, 

Chez  F.  G.  Levrault  , imprimeur -libraire,  rue  des  Juifs,  N.°  33; 
C ET  A PARIS, 

Chez  Théoph.  Barrois,  libraire,  rue  Hautefeuille,  N.°  22. 

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d’animaux  mammifères .,  et  n’est,  à propre- 
ment parler , que  le  développement  d un 
mémoire  qui  a concouru,  en  1788  (v.  st.), 
pour  le  prix  que  devait  décerner,  dans  une 
de  ses  séances,  la  ci-devant  Société  royale 
de  médecine  sur  cette  question  : détermi- 
ner, par  l’examen  comparé  des  propriétés 
physiques  et  chimiques , la  nature  des  laits 
de  femme,  de  vache,  de  chèvre,  d ânes  se, 
de  brebis  et  de  jument. 

Obligés  alors  de  supprimer  beaucoup  de 
faits  et  d’observations  , dans  la  crainte  de 
donner  à notre  travail  une  étendue  trop 
considérable,  nous  nous  contentâmes  d’in- 
sister principalement  sur  tout  ce  qui  avait 
un  rapport  plus  immédiat  avec  la  question 
proposée  , et  nous  réservâmes  les  détails 
pour  ne  les  faire  connaître  que  dans  le  cas 
où  la  ci-devant  Société  de  médecine  daigne- 
rait couronner  nos  efforts. 

Le  jugement  de  cette  savante  compagnie 
ayant  surpassé  nos  espérances,  nous  n’avons 
plus  balancé  sur  le  parti  qu’il  fallait  pren- 
dre; en  conséquence  nous  avons  rassemblé 


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tous  les  résultats  de  nos  expériences,  et  nous 
en  avons  formé  un  traité,  dans  lequel  on 
trouvera,  à ce  que  nous  pensons,  ce  qu’il 
y a de  plus  essentiel  à savoir  sur  la  nature, 
les  propriétés  et  les  usages  d'un  fluide  dont 
l’utilité  est  si  généralement  reconnue. 

On  sera  étonné , sans  doute , en  parcou- 
rant cet  ouvrage,  de  voir  que,  toutes  les 
fois  que  nous  avons  eu  besoin  d’indiquer 
les  quantités  des  substances  que  nous  avons 
employées  ou  obtenues  dans  nos  différentes 
expériences,  nous  nous  soyons  servis  des 
anciens  poids  et  mesures,  et  non  de  ceux 
nouvellement  adoptés. 

Afin  de  prévenir  le  reproche  qu'on  pour- 
rait nous  faire  à cet  égard,  il  suffira  de  dire 
que  notre  manuscrit  a été  livré  à T impression 
bien  avant  l’époque  où  l’institut  national  a || 
imposé  à ses  membres  l’obligation  de  ne  se 
servir  dans  leurs  écrits  que  du  nouveau  sys- 
tème métrique.  Pour  faire  les  corrections 
nécessaires , il  aurait  fallu  se  déterminer  à 
réimprimer  une  grande  partie  des  feuilles: 
mais  nous  n’avons  osé  y consentir  , après  B 
avoir  calculé  la  dépense  dans  laquelle  cette 
réimpression  nous  aurait  infailliblement 
entraînés.  Mais  nous  regrettons  infiniment 


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de  n’avoir  pu  faire  usage  du  nouveau  sys- 
tème des  poids  et  mesures , dont  nous  sen- 
tons tout  l’avantage.  L’utilité  de  ce  système, 
pour  l’intelligence  de  nos  rapports  avec  le 
commerce  et  la  vie  sociale,  ne  peut  plus  être 
un  problème  que  pour  ceux  qui , par  habi- 
tude , par  préjugés , par  ignorance  , par 
indifférence , ou , peut-être  même,  par  des 
motifs  moins  excusables , opposent  encore 
de  la  résistance  à l’adoption  de  cette  institu- 
tion républicaine , qui , appréciée  par  les 
bons  esprits,  ne  tardera  point  à devenir 
universelle. 


proche  qu  on  pour- 
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LE  LAIT 


Considéré  sous  ses  diffèrens  rapports  avec 
la  chimie,  la  médecine  et  l économie 
rurale. 


Le  lait,  cette  bienfaisante  liqueur,  si  analogue 
à la  faiblesse  des  organes  et  si  favorable  au 
développement  des  animaux , est,  sans  contre- 
dit , la  meilleure  nourriture  que  1 estomac  des 
nouveau -nés  puisse  digérer. 

Mais,  quoique  ce  soit  là  le  but  que  la  nature 
semble  avoir  eu  en  vue  dans  la  préparation 
de  ce  fluide , il  n’en  est  pas  moins  certain  que 
les  usages  du  lait  peuvent  être  singulièrement 
étendus.  Nous  voyons  l'homme , dans  les  diffé- 
rentes époques  de  la  vie,  l’admettre  au  nombre 
des  objets  devenus  pour  lui  de  première  né- 
cessité , l’employer  comme  aliment  et  comme 
médicament,  en  faire  même  d’heureuses  ap- 
plications à plusieurs  arts. 

Ne  serait -on  pas  tenté  de  croire  que  des 
avantages  aussi  précieux  sont  le  produit  des 
connaissances  positives  sur  la  nature  des  diffé- 
rentes parties  constituantes  du  lait  ? cependant 
ce  fluide  est  encore  un  des  corps  qui  ont  été 

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le  moins  exactement  analysés,  sur  tout  si  oni 
le  compare  à beaucoup  d’autres  d’une  considé- 
ration secondaire.  11  semble  que  la  cause  de 
cette  espèce  d indifférence  pourrait  être  attri- 
buée  à la  possibilité  de  se  procurer  le  lait  dans 
tous  les  temps. 

La  faculté  , en  effet , d’avoir  à sa  disposition 
certains  corps  ; l’habitude  de  les  voir , de  les 
toucher  et  d’en  user  journellement , écartent 
presque  toujours  l’idée  d’en  approfondir  l’exa- 
men : content  d’avoir  entrevu  quelques-unes 
de  leurs  propriétés,  on  ne  soupçonne  pas  qu’ils 
puissent  en  renfermer  d'autres.  C'est  pour  cela, 
sans  doute,  qu’on  a plus  de  propension  à cher- 
cher dans  des  substances  rares  et  difficiles , 
des  produits  qu’on  eût  trouvés  souvent  dans 
celles  qu’on  a,  pour  ainsi  dire,  sous  la  main 
si  on  s’était  donné  la  peine  de  les  en  extraire 
avec  le  même  appareil  ; et , par  une  raison 
semblable , la  plupart  des  plantes  exotiques 
ont  été  analysées  avec  beaucoup  plus  de  soin 
que  les  plantes  indigènes. 

Un  autre  motif  encore  qui  n’a  pas  peu  con- 
tribué à retarder  les  connaissances  positives 
qu’il  aurait  été  possible  d’acquérir  sur  le  lait, 
c’est  l’espèce  d’indifférence  qu’on  a mise  à l’exa- 
miner dans  ses  différens  états. 

Il  semble  que  ceux  qui  se  sont  occupés  de 
l’analyse  de  ce  iluide,  aient  toujours  préféré 
de  choisir,  pour  sujet  de  leurs  essais  , le  lait  à 
son  plus  haut  degré  de  perfection.  Cependant 


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on  ne  peut  douter  qu’avant  d’arriver  à ce 
point,  ses  parties  constituantes  éprouvent  des 


changemens  sensibles. 


Ce  sont  cependant  ces  cbangemens  qu’il 


aurait  été  utile  de  saisir  , d’étudier  et  de  cons- 
tater; car,  les  propriétés  diététiques  du  lait  dé- 
pendant toujours , comme  on  ne  saurait  en  dou- 
ter, de  l’état  des  parties  qui  le  constituent,  on 
conçoit  qu’il  sera  impossible  d’obtenir  quelque 
chose  de  positif  sur  ces  mêmes  propriétés,  tant 
qu’on  n’aura  pas  analysé  le  lait , depuis  l’époque 
qui  suit  l’accouchement,  jusqu’à  celle  où  ce 
lluide  a acquis  toute  la  perfection  dont  il  est 
susceptible. 


Convaincus  de  ces  vérités,  nous  avons  en- 
trepris sur  le  lait  une  suite  d’expériences,  en 
essayant  de  tenir  une  route  un  peu  différente 
de  celle  tracée  par  ceux  qui  nous  ont  précédés 
dans  la  même  carrière. 

Quelques  résultats  nouveaux  obtenus  nous 
ayant  paru  de  nature  à mériter  de  fixer  l’at- 
tention, nous  les  avons  recueillis  dans  l’ouvrage 
que  nous  publions  aujourd’hui. 

Saris  doute  cet  ouvrage  est  bien  éloigné 
d’avoir  la  perfection  que  nous  aurions  désiré 
lui  donner  ; mais  il  aura  rempli  son  objet  s’il 
peut  ajouter  quelques  connaissances  à celles 
déjà  acquises  , et  contribuer  ainsi  aux  progrès 
de  la  chimie  animale. 

Le  lait  réunit  tant  de  propriétés , on  l’em- 
ploie avec  un  avantage  si  marqué  dans  une 


A 2. 


TRAITÉ 


4 

foule  de  circonstances  , ses  produits  sont  l’objet 
de  fabriques  si  multipliées  à la  surface  de  la 
République,  que  nous  avons  cru  indispensable 
de  chercher  une  méthode  qui  pût  faire  saisir 
l’ensemble  de  toutes  les  applications  de  ce  fluide 
aux  arts  de  premier  besoin. 

Pour  procéder  avec  ordre , nous  diviserons 
' cet  ouvrage  en  trois  parties  : dans  la  première 
nous  considérerons  le  lait  relativement  à ses 
propriétés  physiques  et  chimiques;  il  s’agira 
dans  la  seconde  de  développer  tous  les  chan- 
gemens  qu’il  subit,  tous  les  effets  qu’il  peut 
opérer  dans  les  maladies  pour  lesquelles  il  est 
ordinairement  employé;  enfin,  dans  la  troisième 
partie,  on  traitera  des  avantages  que  l’industrie 
retire  du  lait,  sous  les  différentes  formes  qu’il 
est  dans  le  cas  de  prendre  pour  offrir  autant 
de  branches  de  commerce. 

Nous  croyons  devoir  prévenir,  avant  d’entrer 
en  matière,  que  le  lait  de  vache  étant  'le  plus 
commun , et  pouvant  par  sa  quantité  répon- 
dre mieux  à nos  opérations,  c’est  celui  que 
nous  avons  choisi  de  préférence  pour  nous 
servir  de  terme  de  comparaison  avec  les  autres 
espèces  de  lait  dont  l’usage  est  également 
adopté  parmi  nous.  Ce  sera  donc  toujours 
celui-là  dont  il  sera  question  quand  nous  n’en 
déterminerons  pas  l'espèce . Nous  avons  eu 
soin  de  le  prendre  dans  tous  les  états  qui  pou- 
vaient influer  sur  sa  qualité , et  de  l’examiner 
dans  les  différentes  saisons  de  l’année. 


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SUR  LE  LAIT.  O 

Ces  observations  préliminaires  paraissent 
d’autant  plus  importantes  que,  si  on  s occupait 
du  même  travail  dans  des  circonstances  qui 
ne  fussent  pas  à peu  près  semblables  , il  ne 
faudrait  pas  être  surpris  d’obtenir  des  résultats 
différens  de  ceux  que  nous  annonçons.  S’ils 
contrarient  souvent  et  presque  toujours  les 
idées  reçues,  nous  ne  craignons  point  qu’on 
nous  fasse  le  reproche  d’avoir  cherché  à nous 
écarter  de  la  route  frayée  , en  élevant  un  sys- 
tème sur  les  ruines  d’un  autre  système  ; les 
faits  seuls  ont  parlé  , indépendamment  de 
toute  considération  particulière. 


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DU  U A I T 


PREMIÈRE  PARTIE. 

Du  lait  considère  relativement  à la  chimie . 

L’odeur  du  lait,  sa  saveur , sa  consistance, 
tout  annonce  qu’il  est  un  corps  composé. 

Pour  connaître  sa  composition,  les  chimistes 
employèrent  pendant  long  - temps  «des  moyens 
qui  devaient  nécessairement  le;s  éloigner  du  but 
qu'ils  cherchaient  à atteindre.  Le  feu  , ce  seul 
agent  dont  ils  savaient  alors  disposer , loin 
de  les  aider  à fixer  leurs  idées  sur  la  nature 
des  parties  constituantes  du  lait  qu’ils  exami- 
naient, ne  leur  offrait,  le  plus  souvent,  que  des 
résultats  de  la  décomposition  de  ces  mêmes  par- 
ties constituantes.  De  là  tous  ces  écarts  qui  ont 
fait  naître  tant  de  contrariétés  dans  les  opinions 
concernant  la  composition  des  corps. 

Mais  à mesure  que  la  chimie  s’est  éclairée 
du  flambeau  de  l’expérience  , on  a senti  la 
nécessité  d’adopter  une  nouvelle  méthode  d’a- 
nalyse, qui,  n’étant  pas  susceptible  des  mêmes 
inconvéniens  que  l’ancienne,  devait  naturelle- 
ment procurer  de  grands  avantages  : c’est 
ainsi,  par  exemple , qu'au  lieu  de  se  bornera 
traiter  le  lait  tout  entier  par  le  feu,  on  a pré- 
féré d’examiner  chacune  des  parties  qui  se 
séparent  spontanément  de  ce  fluide,  et  de  dé- 
terminer leurs  propriétés  d’après  les  produits 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  *] 

qu’on  recueillait  lorsqu’on  les  soumettait  à 1 ac- 
tion des  différens  agens. 

Cette  manière  de  procéder,  infiniment  supé- 
rieure à celle  invoquée  dans  des  temps  reculés , 
ne  réunit  pas  encore  toutes  les  conditions 
désirées;  car,  lorsqu’on  réfléchit  aux  obstacles 
que  tous  les  corps  du  règne  animal , et  prin- 
cipalement le  lait,  présentent  dans  leur  analyse 
à cause  d’une  multitude  de  circonstances  qui 
influent  sur  leur  nature,  on  est  bientôt  con- 
vaincu de»  l’insuffisance  des  moyens  chimiques 
adoptés  jusqu’à  présent,  et  par  conséquent  de 
la  nécessité  de  se  livrer  à de  nouvelles  recher- 
ches à la  faveur  desquelles  on  puisse  obtenir 
sur  les  propriétés  chimiques  du  lait  des  notions 
plus  certaines  et  plus  étendues. 

Jaloux  de  concourir  à ce  travail,  nous  com- 
mencerons d’abord  par  déterminer,  d’après 
quelques  caractères  généraux  , les  propriétés 
physiques  qui  appartiennent  au  lait  entier 
dans  son  état  de  perfection  : nous  passerons 
ensuite  aux  détails  des  expériences  chimiques 
les  plus  propres  à faire  connaître  ses  parties 
constituantes  prises  séparément,  et  à indiquer 
la  véritable  manière  d’exister  de  chacune  d elles 
dans  le  fluide  qui  leur  sert  d’excipient. 

Article  premier. 

Des  propriétés  physiques  du  lait. 

Le  lait  , au  sortir  des  mamelles  , a une 
saveur  particulière , qu’il  perd  à mesure  qu’il 

A 4 


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se  relroidit;  cest  cetle  saveur  que  le  vulgaire 
exprime  en  disant  : le  lait  sent  la  'vache , la 
chèvre , la  brebis. 

Dès  que  le  lait  a pris  la  température  de 
1 atmosphère,  il  a un  goût  agréable  et  légère- 
ment sucré  : on  le  reconnaît  encore  à un 
toucher  onctueux,  à une  légère  odeur  douce, 
et  surtout  à un  blanc  mat;  ce  qui  prouve  qu’une 
partie  des  corps  que  ce  fluide  contient  ne  s’y 
trouve  que  suspendue,  car  la  marque  la  plus 
certaine  de  la  vraie  dissolution  est-,  comme 
l’on  sait , la  transparence  et  la  limpidité. 

L odeur  douce  qui  appartient  au  lait  est  si 
fugace  , qu’il  ne  faut  pas  être  doué  d’organes 
bien  lins  pour  distinguer  le  lait  qui  a passé  au 
feu  d*’avec  celui  qui  n’a  pas  été  chauffé.  Cette 
odeur  n’existe  déjà  plus  à 1 instant  où  ce  fluide 
va  tourner , soit  naturellement , soit  artificiel- 
lement. 

Si  on  examine  le  lait  avec  le  secours  d’un 
microscope,  Ion  y aperçoit  une  multitude  de 
globules  très-inégaux  pour  la  grosseur  et  la 
figure  : Lowenhoeck  est  un  des  premiers  qui 
ait  fait  cette  observation.  Ces  globules,  d’après 
l’opinion  de  ce  savant , sont  mus  dans  un  fluide 
diaphane;  leur  mouvement  est  plus  ou  moins 
rapide , selon  que  le  lait  est  plus  ou  moins 
nouveau;  ils  changent  de  formes  à mesure 
que  le  lait  s’altère,  mais  ils  se  comportent  assez 
généralement  comme  ceux  qu’on  observe  aussi 
dans  beaucoup  d’autres  lluides  animaux. 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 


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Le  lait  jouit  de  quelques-unes  des  propriétés 
des  fluides  aqueux:  comme  eux  il  mouille  les 
corps  qu’il  touche,  se  mêle  parfaitement  avec 
la  bierre  nouvellement  brassée,  le  cidre  doux 
et  les  autres  sucs  de  fruits  dont  la  fermentation 
vineuse  n’est  point  complette.  Il  dissout  quel- 
ques sels  neutres,  le  sucre  et  les  gommes  : à 
la  vérité , plusieurs  de  ces  matières  ont  la  pro- 
priété de  le  coaguler  ; mais  il  faut  alors  qu’elles 
soient  employées  à grande  dose  et  aidées  par 
la  chaleur. 

La  fluidité  du  lait  augmente  sensiblement 
dès  qu’on  le  fait  chauffer;  il  acquiert  au  con- 
traire la  forme  concrète  lorsqu’il  est  exposé  au 
froid  : mais  on  observe  que  ces  deux  effets 
sont  plus  ou  moins  marqués  suivant  l’espèce 
de  lait. 

Les  laits  provenans  des  mêmes  femelles  sont 
tellement  susceptibles  de  varier,  qu’il  parait 
impossible  d’en  trouver  deux  parfaitement  sem- 
blables entr’eux;  c’est  ce  dont  nous  avons  eu  bien 
des  lois  occasion  de  nous  assurer  en  nous  servant 
de  1 aréomètre.  Les  expériences  faites  avec  cet 
instrument  ont  toujours  présenté  des  résultats 
si  dillérens  que  nous  sommes  convaincus  de 
son  insuffisance  pour  déterminer  d’une  manière 
positive  la  densité  du  lait  pris  en  général. 

Si  on  jette  du  lait  sur  des  charbons  ardens, 
il  exhale  une  odeur  mixte  , composée  de  celle 
du  corps  muqueux  sucré  et  de  la  corne  qui 
brûlent  ensemble. 


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Le  lait  qui  entre  en  ébullition  se  boursouffle 
et  presse  les  bords  du  vase  qui  le  renferme; 
mais  en  continuant  de  le  laisser  au  feu  , il  bout 
paisiblement  et  ne  se  tuméfie  plus,  bien  dif- 
férent en  cela  des  solutions  de  sucre  et  de 
miel , qu  il  faut  constamment  surveiller. 

En  s évaporant  au  feu,  le  lait  se  couvre 
bientôt  d une  légère  pellicule  qui  adhère  aux 
parois  du  vase  , se  dessèche  peu  à peu , se 
précipite,  se  charbonne,  et  communique  à tout 
le  fluide  une  odeur  empyreumatique , insup- 
portable, dont  il  est  impossible  de  le  dépouiller. 

Une  autre  propriété  du  lait,  c’est  qu'en  ac- 
célérant son  ébullition  au  feu  on  empêche 
ordinairement  les  pellicules  qui  se  forment 
à sa  surface  de  se  rassembler  au  fond  des  vais- 
seaux où  elles  adhèrent  et  brûlent,  sur  tout 
lorsque  la  partie  inférieure  du  vaisseau  approche 
de  la  forme  conique.  La  saison  et  la  nature 
du  lait  peuvent  rendre  aussi  cet  effet  plus 
commun. 

Lorsque  le  lait  sert  d’excipient  au  riz , à 
l'orge  mondé  ou  à la  farine  des  autres  graminées, 
cette  pellicule  ne  devient  remarquable  à la 
surface  qu  a mesure  que  ces  espèces  de  potages 
se  refroidissent. 

Le  lait  se  recouvre  aussi  plus  ou  moins 
promptement  d’une  sorte  de  matière  onctueuse, 
légère , et  quelquefois  un  peu  jaunâtre , qu’il 
faut  bien  distinguer  de  la  pellicule  dont  il 
vient  d etre  question  ; on  peut  aisément  la 


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lison  et  la  nature 
si  cet  effet  plus 


’ipient  au  riz,  a 
autres  graminées, 
remarquable  à h 
espèces  déport 


St 


séparer  du  fluide  quelle  surnage  : c’est  ce  qu’on 
appelle  vulgairement  la  crème . 

Pour  que  cette  crème  puisse  se  former  faci- 
lement , il  faut  que  le  lait  soit  de  bonne  qualité , 
en  repos,  et  surtout  qu’il  se  trouve  placé  dans 
un  lieu  frais. 

Dépourvu  de  sa  crème,  le  lait,  comparé  à du 
lait  nouvellement  trait,  a un  œil  bleuâtre;  il 
perd  alors  un  peu  de  sa  saveur  douce  et  de 
sa  consistance. 

La  crème  mise  dans  un  flacon , et  agitée  pen- 
dant plus  ou  moins  de  temps,  selon  la  saison, 
se  sépare  en  deux  substances  bien  distinctes, 
l’une  solide,  et  l’autre  liquide;  c’est  sur  cette 
propriété  qu’est  fondé  l’art  de  faire  le  beurre* 

Un  effet  bien  digne  de  remarque,  c’est  l’ex- 
trême promptitude  avec  laquelle  le  lait  s’altère 
en  passant  rapidement  d’une  température  très- 
fraîche  dans  une  autre  fort  chaude  ; dans  ce 
cas  sa  saveur  douce  disparaît,  et  il  en  acquiert 
une  légèrement  acide  ; bientôt  aussi  il  se  coa- 
gule. Il  laut  cependant  convenir  qu’on  peut 
retarder  cette  altération  spontanée  du  lait , en 
le  faisant  préalablement  bouillir  ; c’est  aussi  le 
procédé  que  quelques  laitières  ont  coutume 
d’employer. 

Néanmoins,  si  on  laisse  dans  une  tempéra- 
ture de  dix-huit  degrés  du  lait  qui  d’abord  a été 
chauffé  au  bain-marie  , et  du  lait  qui  a éprouvé 
la  chaleur  de  1 ébullition;  on  observe  que  ce 
dernier,  quoiqu’il  s aigrisse  moins  facilement, 


S 


passe  plus  vite  à la  ptitréfaction  : phénomène 
qui  prouve  combien  une  opération,  fort  simple 
en  apparence  , peut  avoir  d'influence  sur  les 
effets  du  lait  dans  l’économie  animale. 

Les  vaisseaux  de  métal,  et  particulièrement 
ceux  de  cuivre,  accélèrent  l’altération  du  lait; 
si  ceux  de  faïence , de  porcelaine , ou  autres 
de  terre  cuite  en  grès,  non  vernissés,  qui  con- 
viennent le  mieux  à sa  conservation , ne  sont 
pas  parfaitement  nettoyés,  le  lait  qniy  demeure 
adhérant  devient  souvent,  en  s’aigrissant,  un 
principe  invisible  de  fermentation , un  vérita- 
ble levain. 

L’altération  spontanée  du  lait  est  également 
très-rapide  lorsque  le  temps  passe  à l’orage  ; il 
n’est  pas  rare,  alors,  de  voir  ce  fluide  qui,  dans 
toute  autre  circonstance , se  seroit  conservé 
en  bon  état  pendant  douze  heures  au  moins, 
tourner  tout- à -coup  comme  un  bouillon,  et 
s’aigrir  à un  tel  point  qu’il  n’est  plus  possible 
de  l’employer  comme  véhicule  de  nos  alimens. 

11  existe  encore  beaucoup  d’autres  propriétés 
que  le  lait  partage  avec  l’albumine,  et  qui  per- 
mettent qu’on  s’en  serve  utilement  en  médecine 
et  dans  l’économie  domestique;  nous  aurons 
occasion  de  nous  étendre  sur  ces  propriétés, 
à mesure  que  nous  examinerons  ce  fluide  sous 
ses  différens  rapports. 

Tous  ces  caractères  spécifiques  que  nous 
nous  bornons  à indiquer  ici , ne  sont  véritable- 
ment bien  prononcés  que  dans  le  lait  fourni 


11  Wl  également 
l's  Pa^e  àïorage;  il 
celluide(juil  dans 
M seroit  conservé 
heures  au  moins, 
lfl  un  bouillon,  et 
n'est  plus  possible 
île  de  nos  alimens. 
d’autres  propriétés 
umine,  et  (jui  per* 
«ment  en  médecine 


^ut;  I»*»*  I 

I 

.tciiCiH»**"1  I 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  l5 

par  des  femelles  saines  et  vigoureuses;  ils  s’af- 
faiblissent insensiblement  dans  les  cas  contrai- 
res : aussi  ne  doit- on  plus  alors  le  considérer 
comme  propre  aux  usages  ordinaires  de  la  vie. 
D’ailleurs  le  temps  plus  ou  moins  éloigné  de 
l’accouchement , apporte  nécessairement  des 
différences  notables  dans  la  nature  et  dans  la 
proportion  de  ses  parties  constituantes.  C’est 
sur  tout  ce  que  nous  aurons  lieu  de  faire 
remarquer  lorsque  nous  parlerons  du  fluide 
laiteux  qui  parait  au  moment  où  la  femelle 
vient  de  mettre  bas,  et  que  nous  ferons  con- 
naître la  différence  qui  existe  véritablement 
entre  ce  lait  ébauché  et  le  lait  parvenu  insen- 
siblement à son  état  de  perfection. 

Article  II. 

Des  parties  'volatiles  et  fixes  du  lait . 

Il  ne  nous  paraît  pas  inutile  de  rappeler 
encore  que  les  vaches  dont  le  lait  a servi  à 
nos  expériences,  étaient  de  même  âge,  de 
même  force  et  à peu  près  de  même  tempé- 
rament; que  toutes  habitaient  la  même  étable, 
et  quelles  ont  été  nourries  pendant  quinze 
jours  consécutifs  avec  des  fourrages  de  diffé- 
rentes qualités. 

Le  lait  de  la  vache  nourrie  avec  la  tige  et  le 
feuillage  de  maïs  ou  blé  de  Turquie  , était 
extrêmement  doux  et  sucré  ; celui  de  la  vache  ’ 


DU  LAIT 


14 

nourrie  avec  des  choux,  avait  une  saveur  moins 
agréable  et  ce  léger  montant  qui  appartient  à 
la  famille  des  plantes  crucifères;  au  contraire 
le  lait  des  vaches  qui  n’avaient  eu  pour  toute 
nourriture  que  de  la  fane  des  pommes  de  terre 
et  des  herbes  des  prairies  bases , s’est  trouvé 
être  plus  séreux  et  un  peu  fade. 

Des  parties  volatiles  du  lait. 

Après  la  dégustation  des  différens  laits  dont 
on  vient  de  parler , nous  avons  procédé  à 
leur  distillation.  Huit  livres  de  chacun  d’eux 
ont  été  mises  séparément  dans  des  alambics  au 
bain-marie  : on  a retiré  de  chaque  distillation 
huit  onces  de  liqueur  environ.  Toutes  ces 
liqueurs  étoient  claires  et  sans  couleur  : leur 
odeur  et  leur  saveur  n’étaient  pas  les  mêmes. 
Celle  du  choux  se  manifestait  dans  l'une; 
011  distinguait  dans  l’autre  quelque  chose 
d’aromatique  ; il  n’y  avait  que  le  lait  de  la 
vache  nourrie  avec  le  maïs  et  la  fane  de  pommes 
de  terre,  qui  ne  présentait  pas  d’odeur  parti- 
culière bien  décidée. 

Une  partie  de  ces  liqueurs  distillées  , sou- 
mise à l’action  des  différens  réactifs,  n’a  offert 
rien  de  particulier.  Après  les  avoir  abandon- 
nées cà  elles-mêmes  dans  une  température  de 
seize  à dix-huit  degrés,  pendant  près  d’un  mois, 
on  a remarqué  quelles  commençaient  à se  trou- 
bler et  à devenir  visqueuses  ; leur  odeur,  dans 
cet  état,  était  un  peu  lêtide.  L’eau  distillée  du 


1 couleur  ; kur 


pis  Iss  p léroes. 
Estait  dans  lune; 
îr  ipiekjue  chose 
t que  le  lait  de  la 
!t  la  Cane  de  pommes 
t pas  d'odeur  parti- 


es distillées  i k>u* 


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. L'eau 1 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  l5 

lait  de  la  vache  nourrie  avec  des  choux,  nous- 
a paru  éprouver  une  altération  plus  prompte 
et  plus  sensible  que  les  autres.  On  a tenté , 
mais  inutilement,  de  filtrer  ces  liqueurs  ; leur 
état  gluant  s’y  est  refusé  , et  la  portion  qui  a 
passé  à travers  le  filtre  n’a  jamais  acquis  de 
vraie  transparence. 

Surpris,  non  sans  fondement,  de  l’altération 
des  quatre  liqueurs  en  question , et  craignant 
qu’elle  ne  fût  due  à quelques  accidens  particu- 
liers, nous  avons  pris  le  parti  de  recommencer 
l’expérience , et  d’opérer  cette  fois  sur  douze 
livres  de  lait,  au  lieu  de  huit,  afin  que  les  pro- 
duits plus  considérables  favorisassent  un  plus 
grand  nombre  d’essais,  et  rendissent  leurs  phé- 
nomènes plus  sensibles. 

Des  quatre  liqueurs  distillées,  deux  seule-- 
ment , fournies  par  le  lait  des  vaches  nourries 
de  choux  et  de  fane  de  pommes  de  terre , ont 
perdu  leur  transparence  dans  l’espace  d’un  mois , 
et  sont  devenues  assez  visqueuses  pour  refuser 
de  passer  à travers  le  fdtre  , tandis  que  les  deux 
autres  ont  conservé  plus  long- temps  leur  lim- 
pidité et  leur  fluidité. 

Ces  nouveaux  phénomènes,  bien  propres  à 
piquer  la  curiosité,  nous  déterminèrent  à réité- 
rer les  distillations  des  quatre  espèces  de  lait 
dont  il  a été  question  ; mais  toujours  nous 
avons  observé  qu’en  employant  les  mêmes 
précautions  il  était  impossible  d’obtenir  des 
résultats  parfaitement  semblables  , puisque 


i6 


DU  LAIT 


quelquefois  il  nous  est  arrivé  de  voir  la  liqueur 
distillée  du  lait  de  la  vache  nourrie  de  choux 
se  gâter  la  première , lorsque  dans  d autres  cir- 
constances elle  a gardé  assez  long -temps  sa 
limpidité. 

Huit  onces  de  chacune  des  liqueurs  de  lait 
distillé,  parvenues  à l’état  visqueux  et  opaque 
qui  caractérise  leur  altération  , ont  été  expo- 
sées à la  chaleur  du  bain-marie.  Bientôt  elles 
ont  repris  leur  première  transparence.  On  a 
vu  en  même  temps  se  former  des  filamens  blancs 
très-légers  : par  la  filtration  ces  liqueurs  de- 
vinrent très-claires,  et  alors  elles  n’avaient 
pas  plus  de  saveur  et  d’odeur  que  de  l’eau 
simple  distillée.  Evaporées  jusqu’à  siccité,  dans 
une  capsule  de  verre , elles  ont  laissé  des 
atomes  d’une  matière  diflicile  à recueillir. 

Nous  avons  encore  soumis  à la  distillation 
dans  une  cornue  de  verre,  différentes  eaux 
distillées  de  lait , dans  l'état  d’altération  dont 
nous  avons  parlé  : les  produits  obtenus  mêlés 
avec  des  réactifs,  tels  que  les  dissolutions  d’ar- 
gent et  de  mercure  dans  l'acide  nitrique,  n’ont 
éprouvé  aucun  changement  sensible. 

On  se  tromperait  donc  si  on  voulait  consi- 
dérer l’eau  distillée  de  lait  comme  une  eau 
simple;  son  odeur,  sa  saveur,  et  sur  tout  la 
facilité  avec  laquelle  elle  s’altère  , semblent 
bien  annoncer  quelle  tient  en  dissolution  un 
ou  plusieurs  corps.  Mais  quels  sont  ces  corps? 
voilà  un  problème  difficile  à résoudre.  Ce  qu’il 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

est  permis  d’assurer  pour  le  moment , c’est  que 
ces  corps  sont  d’une  facile  décomposition , 
puisque  nous  en  retrouvons  les  débris  dans 
l’eau  qui  les  contenait  ; ce  sont  ces  débris  qui 
altèrent  la  transparence  de  ce  fluide,  et  lui 
donnent  cette  viscosité  et  cette  odeur  putride 
qu’il  acquiert  au  bout  de  quelque  temps. 

Au  reste , ce  phénomène  n’appartient  pas 
exclusivement  à l’eau  distillée  du  lait,  car  on 
sait  qu’en  général  toutes  les  liqueurs  obtenues, 
par  la  distillation,  même  au  bain-marie,  de  la 
fibre  musculaire,  de  l’urine,  du  sang,  de  la 
lymphe,  de  l’albumine,  s’aUèrent  aussi  très- 
facilement  , et  qu’il  est  extrêmement  rare  de  pou- 
voir les  conserver  en  bon  état  au-delà  d’un  mois. 

Quoique  le  lait  ait  line  odeur  particulière 
capable  de  le  faire  reconnaître,  il  n’en  est  pas 
moins  vrai  de  dire  que  cette  odeur  peut  être 
changée,  pour  ainsi  dire  à volonté,  en  admet- 
tant au  nombre  des  plantes  qu’on  donne  aux 
animaux  celles  de  la  famille  des  crucifères,  telles 
que  l’alliaire , le  choux  et  les  navets.  N ous  citons 
particulièrement  ces  végétaux,  parce  que,  lors 
des  expériences  que  nous  fîmes  dans  l’inten- 
tion de  connaître  les  effets  que  produisait  sur 
le  lait  de  vache  un  changement  de  nourri- 
ture presque  subit,  nous  observâmes  très -bien 
que  certaines  plantes  très -odorantes  ne  com- 
muniquaient pas  leur  odeur  au  lait , et  que 
ce  fluide  conservait  celle  qu’on  lui  remarque 
le  plus  ordinairement  ; d’où  nous  avons  con- 


DULAIT 

clu  que , s’il  existe  réellement  quelques  parties 
aromatiques  susceptibles  de  se  combiner  avec 
le  lait , il  en  est  d’autres  aussi  avec  lesquelles  ce 
fluide  ne  contracte  aucune  union.  Nous  re- 
prendrons cette  question  quand  nous  rendrons 
compte  des  expériences  que  nous  avons  faites 
pour  établir  jusqu  a quel  point  les  alimens  in- 
fluent sur  la  qualité  du  lait. 

Des  parties  fixes  du  lait. 

Une  fois  la  partie  fluide  du  lait  séparée  au 
moyen  de  la  distillation  au  bain-marie,  on 
trouve  dans  la  cucurbite  une  matière  épaisse, 
grasse  au  toucher,  d’un  blanc  jaunâtre,  d’une 
saveur  douce  et  sucrée  ; c’est  à cette  matière 
que  Hoffmann  a donné  le  nom  de  franchi- 
pane  : elle  contient  toutes  les  substances  fixes 
du  lait,  en  dissolution,  ou  suspendues  dans  la 
sérosité,  rapprochées  par  la  soustraction  de 
l’humidité  et  par  une  espèce  de  combinaison 
opérée  par  l’action  du  feu. 

En  délayant  la  franchipane  dans  l’eau  bouil- 
lante , la  liqueur  qu’on  obtient  est  laiteuse  ; 
par  la  filtration  elle  devient  claire.  Les  phar- 
maciens la  connaissent  alors  sous  le  nom  de 
petit  lait  d’ Hoffmann , espèce  de  médicament 
autrefois  fort  recommandé;  mais,  sa  préparation 
étant  longue,  embarrassante  et  dispendieuse, 
son  usage  est  tombé  en  désuétude  : on  lui 
substitue  aujourd’hui  le  petit  lait  ordinaire, 
qui , à bien  des  égards , mérite  de  lui  être  préféré. 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  10 

La  distillation  à feu  nu  de  la  franchipane 
donne  d’abord  une  liqueur  claire  et  transpa- 
rente ; par  les  progrès  de  la  distillation  on 
obtient  un  peu  d’huile  , du  carbonate  d’am- 
moniaque, et  enfin  du  gaz  inflammable,  qu’on 
peut  recueillir  avec  des  appareils  convenables. 

Ce  qui  reste  dans  la  cornue  se  présente 
sous  la  forme  d’une  matière  charbonneuse 
assez  raréfiée , et  dont  l’incinération  s’opère 
difficilement.  La  cendre  qui  en  résulte  verdit 
le  syrop  violât;  son  mélange  avec  l’acide  sul- 
phurique  donne  naissance  à des  vapeurs  d’acide 
muriatique.  Dans  l’analyse  du  sérum , nous 
indiquerons  les  causes  de  ce  dernier  phénomène. 

On  a pu  distinguer  dans  les  parties  volatiles 
du  lait  l’odeur  de  quelques  plantes  dont  les 
animaux  ont  été  nourris.  Les  parties  fixes  , 
au  contraire , n’ont  pas  offert  le  même  avan- 
tage. Les  franchipanes , ainsi  que  les  produits 
obtenus  par  la  distillation  à la  cornue , exa- 
minés par  comparaison  , étaient  plus  ou  moins 
abondans , sans  cependant  annoncer  par  des 
caractères  particuliers  l’influence  du  régime 
alimentaire  : ce  qui  sert  à prouver  combien 
les  moyens  d’analyse,  tant  vantés  autrefois, 
sont  défectueux,  puisqu’ils  n’établissent  aucune 
différence  entre  une  substance  douce  et  alimen- 
taire , une  substance  âcre  et  médicamenteuse . 
une  substance  aromatique  et  vireuse. 

Nous  terminerons  cet  article  par  la  ré- 
flexion suivante.  L’étre  volatil  obtenu  du  lait 


B 2 


V' 


i . 




20 


DU  LAIT 


par  la  distillation  , seroit-il  donc  particulier 
au  règne  animal  ? C’est  ce  qui  parait  assez 
vraisemblable;  cependant  il  y a grande  appa- 
rence que  toutes  les  substances  animales  ou 
annualisées  n’en  sont  pas  pourvues  au  même 
degré.  Nous  avons  eu  souvent  occasion  d’ob- 
server que  le  lait  distillé , de  différentes  vaches 
nourries  de  la  même  manière.,  n’a  pas  toujours 
suivi  la  même  marche  en  s’altérant , quoique 
dans  la  même  saison  , puisque  l’un  s’est 
corrompu  plus  tôt  que  l’autre.  L’état  parti- 
culier de  l’animal  en  est  vraisemblablement 
nue  des  causes  principales. 


Article  III. 


De  la  crème. 


En  énonçant  les  propriétés  les  plus  géné- 
rales du  lait,  nous  avons  observé  que,  quand 
on  abandonnait  ce  fluide  au  contact  de  l’air, 
sa  surface  se  recouvrait  insensiblement  d une 
matière  épaisse  , onctueuse  , agréable  au  goût , 
quelquefois  d’une  couleur  jaunâtre,  mais  plus 
souvent  d’un  blanc  mat.  Cette  matière  est 
connue  sous  le  nom  de  crème. 

La  densité  de  la  crème , au  moment  où  elle 
se  sépare , est  presqu’égale  à celle  du  lait  qui 
vient  d’être  trait;  aussi  la  séparation  de  ces 
deux  fluides  est -elle  d abord  difficile.  Cette 
séparation  ne  peut  même  s’exécuter  complète- 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 


21 


ment  que  quand  la  crème  a eu  le  temps  d’acqué- 
rir  assez  de  consistance  pour  être  distinguée  du 
lait  ; mais  souvent  alors  ce  dernier  n’est  plus 
propre  aux  usages  ordinaires.  Or , pour  faire  les 
expériences  dont  nous  allons  rendre  compte , 
il  faut  nécessairement  placer  le  lait  dans  une 
température  où  il  puisse  exister  deux  ou  trois 
jours  sans  changer  d’état,  sans  éprouver  d’alté- 
ration sensible  dans  ses  parties  constituantes. 

Première  expérience.  On  a mis  dans  trois 
vases  de  faïence , numérotés  1 , 2,  3 , une  quan- 
tité égale  de  lait  nouvellement  trait.  Chaque 
vase  avait  la  même  forme,  la  même  capacité, 
mais  un  orifice  différent.  Celui  du  n.°  1 était 
de  cinq  pouces  et  demi  d’ouverture,  le  n.°  2 de 
trois  pouces , et  le  n.°  3 d’un  pouce  et  demi. 
Ces  trois  vases  furent  exposés  à une  tempéra- 
ture de  douze  degrés  de  Réaumur  pendant 
trente -six  heures;  au  bout  de  ce  temps  on 
s’aperçut  que  le  lait  qu’ils  contenaient  pré- 
sentait à sa  surface  une  pellicule  crémeuse, 
d’autant  plus  épaisse  et  facile  à enlever  que 
l’orifice  du  vase  offrait  à l’air  plus  de  super- 
ficie. 

Seconde  expérience.  La  pellicule  crémeuse 
ayant  été  séparée , on  a laissé  le  lait  à la 
même  température  pendant  vingt-quatre  heures. 
Il  s’est  formé  de  nouvelles  pellicules;  mais  celle 
du  n.°  1 était  fort  mince , tandis  quelle  était 
plus  épaisse  dans  le  n.°  2 , et  davantage  encore 
dans  le  n.°  3. 

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Ces  pellicules  enlevées  une  deuxième  fois  , 
nous  avons  laissé  encore  les  trois  vases  à la 
même  température , et  pendant  le  même  espace 
de  temps.  Pour  la  troisième  fois,  le  lait  a offert 
des  pellicules  crémeuses,  excepté,  cependant, 
celui  contenu  dans  le  vase  n.°  5,  c’est-à-dire, 
celui  dont  1 ouverture  était  plus  grande. 

Troisième  expérience.  Cette  expérience, 
répétée  plusieurs  fois  de  suite  et  toujours  avec 
le  même  succès,  établit  la  nécessité  de  donner 
la  préférence  aux  vases  d’une  large  ouverture, 
quand  il  s’agit  d’opérer  la  séparation  de  la 
crème  d’avec  le  lait. 

En  effet,  on  conçoit  que,  dans  des  vases 
de  cette  espèce,  l’air,  ayant  plus  de  facilité 
pour  s’unir  dans  le  même  cercle  de  temps 
avec  les  parties  les  plus  volatiles  et  les  fluides 
du  corps  qu'il  touche , doit  nécessairement 
favoriser  leur  évaporation  et  contribuer  par 
conséquent  au  rapprochement  des  molécules 
de  la  crème , qui  dans  ce  cas  est  toujours 
plus  épaisse  que  dans  les  vases  d’une  étroite 
ouverture. 

Au  reste,  il  est  bon  d’observer  que,  pour 
que  cette  évaporation  spontannée  de  la  crème  , 
qui  favorise  son  rapprochement,  puisse  être 
avantageuse,  il  faut  que  la  température  ne  soit 
pas  trop  élevée.  C’est  ce  dont  nous  nous  sommes 
convaincus  par  beaucoup  d’expériences , dont 
les  résultats  n’ont  servi  qu’à  confirmer  l’opinion 
rider  son  à ce  sujet.  Ce  célèbre  agriculteur 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  25 

pense  que,  lorsque  le  thermomètre  de  Réau- 
mur  indique  huit  à dix  degrés,  la  crème  se 
sépare  du  lait  avec  le  plus  de  régularité  , et 
qu’au-delà  et  en-deçà  cette  séparation  devient 
plus  difficile. 

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Nous  avons  encore  remarque  , toutes  circons- 
tances égales  d’ailleurs , que , plus  le  lait  était 
riche  en  crème,  plus  la  séparation  de  celle-ci 
devenait  facile,  et  que,  pour  l’opérer  complè- 
tement, il  fallait  trois  conditions  essentielles  ' 
la  première,  que  le  lait  présentât  une  grande 
surface  à l’air  ; la  seconde , qu’il  fût  dans  un 
repos  parfait  ; la  troisième,  enfin,  que  le  vase 
qui  contenait  ce  fluide  fut  exposé  à une  tem- 
pérature plus  froide  que  chaude. 

Mais  ici  plusieurs  difficultés  s’élèvent  pour 
savoir  si  la  crème  est  réellement  toute  formée 
dans  les  glandes  mammaires,  ou  bien  si  son 
existence  ne  serait  pas  due  à l’espèce  d’altéra- 
tion que  le  lait  éprouve  dès  l’instant  qu’il  est 
trait  et  soumis  à Faction  de  l’air  atmosphérique. 
Voici  les  expériences  que  nous  avons  faites 
encore  pour  les  éclaircir. 

Quatrième  expérience.  On  a introduit  le 
bout  du  pis  d’une  vache  dans  le  goulot  d’un 
flacon  ; on  l’y  a maintenu  de  manière  à s’op- 
poser à l’entrée  de  l’air  extérieur.  Ensuite , par 
une  légère  pression , on  a fait  sortir  suffisam- 
ment de  lait  pour  remplir  la  moitié  du  vase. 
Alors  on  a retiré  le  pis,  et  sur-le  champ  l’ori- 
fice du  flacon  a été  fermé  avec  un  bouchon 


DU  LAIT 


24 

de  cristal  et  placé  dans  un  endroit  frais  ( c’était 
en  thermidor  ).  Bientôt  la  surface  du  lait  s’est 
recouverte  dune  matière  épaisse,  jaunâtre, 
ayant  toutes  les  propriétés  extérieures  de  la 
crème. 

Cinquième  expérience.  La  même  expérience 
a été  répétée,  à l’exception  qu’on  a rempli  le 
flacon  jusqu’à  l’orifice,  qu’on afermé.  La  crème 
a gagné  également  la  surface , et  s’est  présentée 
avec  tous  ses  caractères. 

Sixième  expérience.  Nous  avons  agité  du 
lait  encore  chaud  jusqu’à  ce  qu’il  eût  pris  la 
température  de  l’atmosphère  ; il  a été  versé 
ensuite  dans  un  bocal  de  verre.  La  crème  s’est 
montrée  à sa  surface  aussi  promptement  que 
si  on  ne  lui  avait  pas  imprimé  de  mouvement. 

Septième  expérience.  En  continuant  d’agiter 
plus  long -temps  le  lait,  il  s’en  est  séparé  une 
matière  concrète  ; c’était  du  beurre.  Mais  le 
iluide,  restant  abandonné  dans  un  vase  pen- 
dant douze  heures,  a fourni  une  autre  portion 
de  crème,  qui,  battue,  a donné  son  beurre. 

Huitième  expérience.  Après  nous  être  assu- 
rés que  le  lait , à l’époque  de  sa  sortie  des 
mamelles,  marquait  trente  degrés  au  thermo- 
mètre de  Réaumur  , nous  avons  plongé,  aussi- 
tôt la  traite  achevée  , le  vase  qui  contenait  le 
lait  dans  l’eau  d’un  bain-marie  dont  la  cha- 
leur était  aussi  de  trente  degrés,  et  nous  l’y 
avons  laissé  pendant  six  heures.  La  crème  a 
toujours  gagné  la  surlace , avec  moins  de  promp- 


s5 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

titude,  à la  vérité;  mais  elle  a paru  plus  épaisse 
que  celle  du  lait  abandonné  à la  température 
ordinaire. 

Neuvième  expérience.  Au  lieu  de  tenir  le 
lait  dans  une  température  égale  à celle  qu  il  a 
lorsqu’il  est  à notre  disposition , nous  avons 
placé  le  vase  qui  contenait  ce  fluide  dans  un 
bain  de  glace , de  manière  qu’il  pùt  y rester 
pendant  dix  heures  à six  degrés  au-dessus  de 
zéro.  La  crème  s’est  élevée  assez  lentement, 
mais  elle  n’avait  pas  autant  de  consistance 
que  celle  du  lait  de  l’expérience  précédente. 

Dixième  expérience.  Le  lait  de  la  troisième 
expérience,  dépourvu  de  sa  crème,  a été  vingt- 
quatre  heures  sans  s’altérer , tandis  que  celui 
dont  le  vase  avait  été  exposé  à une  chaleur 
pareille  à celle  qu’il  a au  moment  où  on  vient 
de  le  traire  , s’est  coagulé  en  moins  de  douze 
heures. 

Il  résulte  de  ces  expériences  que  l’existence 
de  la  crème , à l’instant  où  le  lait  sort  des  ma- 
melles , ne  peut  pas  être  révoquée  en  doute, 
puisqu’en  prolongeant  la  durée  de  sa  chaleur 
naturelle , elle  ne  s’en  élève  pas  moins  à la 
surface  du  lait,  et  quelle  n’a  pas  besoin  du 
contact  de  l’air  pour  se  séparer,  cette  sépara- 
tion ayant  lieu  également  dans  les  vaisseaux 
Jermés.  Voyons  maintenant  quelles  sont  ses 
propriétés  les  plus  générales. 


DU  LAIT 

Article  IV. 

Examen  des  parties  qui  constituent  la 

crème. 

Quatre  vaches,  nourries  successivement 
avec  différens  fourrages  verts,  nous  ont  fourni 
les  crèmes  sur  lesquelles  nous  avons  opéré. 

Première  expérience.  Les  crèmes  mises 
dans  des  capsules  de  verre  placées  dans  un 
endroit  frais , ont  contracté  à leur  surface 
une  couleur  jaune  peu  foncée  ; leur  consis- 
tance a augmenté  insensiblement  au  point  que 
le  cinquième  jour  il  était  possible  de  renver- 
ser les  vaisseaux  sans  que  le  fluide  s’en  déta- 
chât. A cette  époque  les  crèmes  commencèrent 
à exhaler  une  odeur  désagréable  ; on  ne  dis- 
tinguait plus  dans  celle  provenant,  des  vaches 
nourries  avec  le  fourrage  ordinaire  et  les 
feuilles  de  choux  la  saveur  quelles  avaient 
dans  leur  état  frais.  Au  bout  de  trois  décades 
chaque  espèce  de  crème  s’est  recouverte  d’une 
efflorescence  verdâtre , semblable  à celle  qu'on 
aperçoit  sur  les  matières  qui  se  moisissent. 
Sous  cette  espèce  d’efllorescence  la  crème 
avait  la  saveur  d’un  fromage  gras,  et  aurait 
pu  , à la  faveur  de  quelques  grains  de  sel , 
paraître  sur  la  table  en  cette  qualité. 

Seconde  expérience.  Une  partie  de  ce 
fromage  a été  délayée  dans  suffisante  quantité 
d’eau  chaude  distillée , et  a pris  une  consis- 


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sible de  filtrer  la  liqueur , et  par  conséquent 
d’obtenir  des  produits  susceptibles  d être  carac- 
térisés par  leur  configuration. 

Troisième  expérience.  L autre  portion  de 
crème  arrivée  à létat  de  fromage,  a été  mise 
en  digestion  dans  lalkohol.  Ce  fluide,  quatre 
jours  après  , avait  contracté  une  odeur  ana- 
logue à celle  de  la  matière  avec  laquelle  il 
avait  séjourné;  mais  il  a fourni  par  1 évapo- 
ration une  trop  petite  quantité  de  résidu  pour 
le  soumettre  à quelques  essais. 

Quatrième  expérience.  Nous  avons  distillé 
à feu  nu , dans  deux  cornues  de  verre  luttées, 
une  portion  de  chacune  des  crèmes  arrivées  à 
l’état  de  fromage.  Les  produits  obtenus  ont  été, 
j.°  de  l’huile  jaunâtre,  d’une  odeur  forte  et  pé- 
nétrante , accompagnée  de  quelques  gouttes 
de  liqueur  légèrement  acide  ; 2.0  de  l’ammo- 
niaque; 5.°  un  gaz  inflammable.  L’huile,  par 
les  progrès  de  la  distillation , est  devenue  in- 
sensiblement plus  épaisse  et  plus  colorée  : à 
peine  coulait -elle  le  long  des  parois  du  col 
de  la  cornue.  4*°  On  a trouvé  pour  résidu  un 
charbon  un  peu  raréfié,  d’une  incinération 
difficile , qui  n’a  donné  que  quelques  grains 
d’une  poudre  dans  laquelle,  à l’aide  des  réactifs 
usités,  nous  avons  reconnu  la  présence  de  la 
potasse* 

Cette  manière  d’examiner  la  crème  ne  pou- 
vant fournir  sur  sa  composition  les  lumières 


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28 


DU  LAIT 


t 


que  nous  cherchions  à acquérir,  et  ne  cons- 
tatant nullement  letat  particulier  de  la  matière 
huileuse  quelle  contient  évidemment,  nous 
avons  eu  recours  au  procédé  pratiqué  dans  les 
métairies  pour  préparer  le  beurre.  Il  consiste, 
comme  on  sait,  à soumettre  la  crème,  plus 
ou  moins  nouvelle,  à un  mouvement  rapide  et 
continu  qui  la  sépare  en  deux  parties,  savoir, 
le  beurre  proprement  dit,  et  un  fluide  vul- 
gairement connu  sous  le  nom  de  lait  de  beurre , 
dont  nous  ferons  connaître  par-’la  suite  les 
propriétés. 

Quant  à l’origine  du  beurre,  aux  circons- 
tances qui  accompagnent  sa  séparation,  à la 
faculté  qu’on  a de  lui  donner  à volonté  la 
couleur  et  la  saveur  qu’on  désire  qu’il  ait,  à la 
manière  dont  il  s’altère  et  aux  moyens  employés 
pour  prévenir  ou  retarder  son  altération;  tous 
ces  objets  nous  ont  paru  d’un  trop  grand  inté- 
rêt pour  nous  dispenser  de  les  examiner  et  d’en 
faire  le  sujet  des  questions  suivantes. 

i.°  La  crème  renferme- 1- elle  le  beurre  tout 
formé,  dispersé  seulement  en  molécules  très- 
divisées  et  interposées  entre  les  autres  parties 
' qui  la  constituent?  ou  bien  les  propriétés  qu’il 
a au  moment  de  sa  séparation,  sont- elles  l’ou- 
vrage de  la  simple  percussion? 

2.0  La  qualité  du  beurre  ne  diffère -t- elle 
point  à raison  de  la  manière  dont  la  crème  se 
forme  à la  surface  du  lait  et  des  précautions 
employées  pour  sa  séparation? 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 


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3.°  La  couleur  plus  ou  moins  jaune  que 
possède  le  beurre  dans  certaines  circonstances, 
est- elle  inhérente  à ce  produit  de  la  crème? 
ou  bien  doit -on  l’attribuer  à l’action  de  lair 
qui  se  combine  pendant  1 opération  ? 

4.0  Le  beurre  , plus  susceptible  qu’aucune 
autre  matière  huileuse  d’éprouver  ce  genre 
d’altération  désigné  vulgairement  sous  le  nom 
de  rance , doit-il  cet  état  à la  présence  d’un 
acide  développé  ? 

5.°  Enfin  la  qualité  et  la  proportion  du  beurre 
que  contient  la  crème,  sont  - elles  constam- 
ment les  mêmes  dans  le  lait  provenant  d’une 
seule  et  même  traite  ? 

Les  expériences  que  nous  avons  cru  devoir 
entreprendre  pour  la  solution  de  toutes  ces 
questions,  ont  fourni  des  résultats  trop  essen- 
tiellement liés  avec  les  fabriques  de  beurre 
et  de  fromage,  pour  ne  pas  les  présenter  ici 
au  plus  grand  jour , et  engager  en  même 
temps  ceux  qui  s’intéressent  aux  progrès  de 
cette  branche  d’économie  rurale  à multiplier 
leurs  recherches  sur  des  objets  aussi  importans. 


Du  beurre. 


Le  beurre  est  une  substance  grasse , inflam- 
mable, blanche,  quelquefois  jaune,  à demi 
solide,  inodore;  d’une  saveur  douce,  agréable; 
susceptible  de  se  liquéfier  à une  température 
de  dix-huit  à vingt  degrés  du  thermomètre  de 


Réaumur , et  de  prendre  une  consistance  assez 
ferme  dès  qu’on  l'expose  au  froid. 

Quoique  ce  soit  à ces  propriétés  générales 
quon  reconnaisse  le  plus  ordinairement  le 
beurre,  quelques-unes,  cependant,  sont  subor- 
données à 1 emploi  de  manipulations  particu- 
lières, et  sur  tout  à la  nature  des  alimens  dont 
les  animaux  font  usage.  C’est  ce  que  nous  avons 
eu  occasion  d’observer  en  examinant  le  beurre 
extrait  de  la  crème  fournie  par  quatre  vaches 
à-peu-près  égales  entre  elles  pour  l’âge  et  la 
constitution  physique. 

Mais,  plus  on  réfléchit  au  procédé  d’après 
lequel  on  parvient  à séparer  le  beurre , moins 
on  conçoit  la  manière  dont  cette  séparation 
s’exécute.  11  semble  en  effet  que  le  mouve- 
ment long-temps  continué,  loin  d’opérer  la 
réunion  de  ces  molécules,  devrait  s’y  opposer 
en  quelque  sorte;  car  l’expérience  prouve  que 
le  véritable  moyen  pour  que  les  molécules 
de  corps  identiques  mêlées  dans  un  fluide 
puissent  rester  désunies,  c’est  de  leur  imprimer 
un  mouvement  non  interrompu  : aussi  voyons- 
nous  de  l’huile  agitée  dans  de  l'eau  se  réduire 
en  une  infinité  de  particules  et  donner  à ce 
fluide  un  caractère  laiteux.  D’ailleurs,  si, 
comme  on  le  soupçonne  , le  mouvement  con- 
court au  rapprochement  des  molécules  de  beurre 
disséminées  dans  la  crème,  pourquoi  11e  faci- 
lite-t-il pas  celui  des  parties  caséeuses  qui 
existent  également  dans  cette  crème  ? 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  01 

Ces  objections  que  nous  nous  sommes  faites 
souvent,  et  le  peu  de  succès  de  nos  tentatives 
lorsqu’il  a été  question  d’extraire  le  beurre  de 
la  crème  sans  recourir  à la  percussion,  sem- 
blaient d’abord  nous  autoriser  à penser  que  cette 
matière  huileuse  n’existait  pas  dans  le  lait,  mais 
quelle  était  le  produit  d’une  combinaison  opé- 
rée à l’aide  du  mouvement.  Voici,  au  reste, 
comment  nous  présumions  que  les  choses  se 
passaient. 

L’organe  que  la  nature  a destiné  pour  fabri- 
quer le  lait,  peut  être  considéré  comme  tra- 
vaillant sans  cesse  à rassembler  tous  les  prin- 
cipes qui  doivent  concourir  à la  production  de 
ce  liquide  ; c’est  seulement  lorsqu’ils  sont  réu- 
nis que  l’opération  est  achevée  , ou  , ce  qui 
est  la  même  chose , que  le  lait  est  formé. 

Il  parait  vraisemblable  que  dans  ce  cas,  la 
nature  ne  produit  pas  séparément  chacune 
des  parties  constituantes  du  lait  que  nous 
obtenons  par  la  décomposition  de  ce  fluide  , 
' c’est  - à - dire  , qu  elle  ne  fait  pas  de  matière 
caséeuse , de  beurre  et  de  sel , ou  sucre  de 
lait  ; mais  quelle  rassemble  tous  les  élémens 
propres  à créer  ces  substances,  de  manière  à en 
former  un  tout,  aux  dépens  duquel  naîtront  à 
leur  tour  les  corps  dont  nous  venons  de 
parler,  aussitôt  que  des  circonstances  mettront 
les  principes  nécessaires  à leur  combinaison 
dans  un  état  d’appropriation  convenable.  Ces 
combinaisons  une  fois  formées,  le  lait  doit 


3s 


DU  LAIT 


commencer  h exister  dans  les  mamelles  avec 
les  propriétés  qui  le  caractérisent. 

En  effet,  si  pour  exister  le  lait  a besoin 
que  les  principes  qui  doivent  servir  à la  for- 
mation du  beurre,  de  la  matière  caséeuse  et 
du  sucre  ou  sel  essentiel  du  lait , soient  écartés 
ou,  si  on  aime  mieux,  combinés  de  telle  ou 
telle  manière,  on  conçoit  aisément  que  , toutes 
les  fois  que  cet  état  de  choses  viendra  à chan- 
ger, il  devra  nécessairement  en  résulter  une 
sorte  de  décomposition  du  lait;  c’est  sans  doute 
aussi  ce  qui  a lieu  lorsque  nous  soumettons  la 
crème  à la  percussion  , et  que  nous  séparons 
de  sa  sérosité  la  matière  caséeuse. 

Au  reste,  il  serait  difficile  de  révoquer  en 
doute  l’existence  du  beurre  dans  la  crème, 
lorsqu’on  sait  que  ce  lluide  possède  une  foule 
de  propriétés  analogues  à celles  des  corps  gras. 
D’ailleurs , pour  peu  qu’on  l’expose  dans  un 
endroit  où  îl  règne  une  chaleur  capable  d’éva- 
porer l’humidité  qui  l’allonge  , on  obtient 
bientôt  un  résidu,  qui,  par  une  légère  pres- 
sion , laisse  transsuder  une  matière  huileuse , 
de  la  nature  du  beurre. 

Il  n’est  pas  aussi  facile  , à la  vérité,  d’expli- 
quer comment  s’opère  la  séparation  du  beurre 
par  le  seul  mouvement  imprimé  à la  crème  , 
à moins  qu’on  ne  veuille  qu’un  aussi  simple 
moyen  mécanique  soit  capable  d’opérer  dans  les 
corps  des  changemens , tels  que  des  substances 
auparavant  isolées  par  l’interposition  d’une 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

autre  substance,  ou  peut-être  combinées  avec 
elle  , puissent  tout  - à - coup  , à l’aide  de  ce 
seul  moyen,  paraître  sous  un  état  différent  de 
celui  qu  elles  avaient  auparavant. 

Or  c’est  vraisemblablement  ce  qui  arrive  à 
la  crème.  Toutes  les  molécules  du  beurre 
étendues  dans  ce  fluide , quoiqu’essentiellement 
solides  , considérées  isolément , jouissent  cepen- 
dant, dans  le  milieu  qui  les  retient,  d’une 
sorte  de  mobilité  qu’elles  doivent  conserver 
tant  que  ce  milieu , qui  s’oppose  à leur  réunion , 
existera  dans  l’état  convenable  pour  produire 
leur  écartement;  mais,  dès  qu’une  lois  cet 
état  change,  aussitôt  le  rapprochement  des 
molécules  du  beurre  doit  s’effectuer  et  faire 
paraître  un  corps  d’une  consistance  assez  dif- 
férente du  fluide  qui  le  contenait  pour  ne 
pouvoir  plus  rester  uni  avec  lui. 

A cet  égard  nous  devons  faire  observer 
qu’il  ne  faut  pas  considérer  les  molécules  du 
beurre  dispersées,  ou  plutôt  fondues  dans  la 
crème,  comme  le  seraient  celles  d’un  corps 
quelconque,  extrêmement  divisé , qu’on  aurait 
mêlé  dans  un  fluide,  ou,  ce  qui  revient  au 
meme , avec  lequel  ce  fluide  n'aurait  pas  con- 
tracté de  combinaison;  car,  dans  ce  cas,  on 
conçoit  que  le  mouvement  qu’on  imprimerait 
à un  fluide  de  cette  espèce,  loin  de  déterminer 
la  réunion  des  molécules  du  corps  qu’il  tiendrait 
suspendues,  tendrait  au  contraire  à les  écar- 
ter, comme  cela  arrive  à l’huile  dont  nous 

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34  DULAIT 

avons  déjà  parlé,  qui,  battue  avec  de  l’eau, 
finit  par  lui  donner  un  coup  d’œil  laiteux. 
Dans  la  crème,  au  contraire  , le  fluide  qui 
isole  les  molécules  du  beurre,  est  de  nature 
à former  avec  elles  une  sorte  de  combinaison, 
qui,  sans  doute,  est  peu  solide,  puisqu’elle 
peut  être  détruite  par  la  seule  percussion. 

Quoi  qu’il  en  soit,  le  beurre  n’est  pas  la 
seule  substance  qu’on  puisse  citer  comme 
exemple  de  l’effet  que  produit  la  percussion: 
pour  réunir  et  rendre  sensibles  des  corps  qui 
auparavant  étaient  tenus  en  dissolution  dans 
un  fluide  ; en  effet , nous  voyons  la  même  chose 
arriver  dans  la  préparation  de  l’indigo,  espèce 
de  matière  colorante,  qui,  comme  on  sait, 
ne  peut  être  séparée  du  fluide  qui  la  contient 
que  par  une  percussion  long -temps  continuée. 

Que  l’oxigène,  que  l’hydrogène,  que  l’azote 
même,  ou  quelques  autres  principes  de  cette 
espèce,  jouent  un  grand  rôle  dans  la  prépa- 
ration du  beurre,  ainsi  que  dans  celle  de  l’in- 
digo , cela  est  assez  vraisemblable  ; mais , comme 
aucune  expérience  n’a  pu  démontrer  la  manière 
dont  ils  agissent,  nous  avons  préféré  l’explica- 
tion simple  que  nous  venons  de  hasarder, 
plutôt  que  de  nous  perdre  dans  des  théories 
qui , quoique  très  - brillantes  en  apparence , 
n’en  sont  cependant  pas  plus  lumineuses. 

Sans  nous  arrêter  à la  structure  des  organes 
qui  opèrent  la  secrétion  de  l’humeur  dont 
nous  avons  entrepris  l’examen , sans  considérer 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

si  les  auteurs  sont  fondés  dans  l opinion  que 
le  chyle  est  du  lait  commencé,  qui  n’attend 
pour  prendre  tous  les  caractères  du  véritable 
lait  que  le  travail  des  mamelles , nous  nous 
bornerons  à faire  remarquer  que,  s’il  pouvait 
rester  quelques  doutes  sur  la  différence  nota- 
ble qui  existe  entre  la  nature  du  chyle  et 
celle  du  lait,  il  ne  faudrait  pour  les  dissiper 
qu’une  simple  observation  puisée  dans  l’analysô 
comparative  de  ces  deux  liquides. 

En  effet , d’après  les  connaissances  qu’on 
s’est  procurées  tout  récemment  encore  sur  la 
composition  du  chyle,  il  paraît  démontré  que, 
s’il  possède  quelques  - unes  des  propriétés  de 
l’émulsion , on  ne  saurait  confondre  ni  l’un 
ni  l’autre  de  ces  deux  fluides  avec  le  lait, 
puisqu’en  les  exposant  au  feu  on  n’en  obtient 
aucune  pellicule  semblable  à la  matière  caséeuse  : 
ils  ne  forment  point  de  coaguluni  par  la  fer- 
mentation et  les  acides,  et  par  lévaporation 
insensible  de  matière  saline,  comparable  à ce 
qu’on  nomme  sucre  de  lait.  C’est  dans  les 
mamelles  que  se  fabrique  le  lait;  la  nature  ne 
secrète  p^s  dans  un  autre  organe  une  pareille 
humeur. 

Cependant  les  ouvrages  de  médecine  four- 
millent d’exemples  de  l’existence  du  lait,  pré- 
cédemment  à sa  formation  dans  les  mamelles; 
ou  cite  même  des  individus  mâles  qui  ont 
rendu  du  lait  par  des  vaisseaux  étrangers  aux 
glandes  lactifères  : mais  ces  singularités,  en 

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supposant  quelles  existent,  font  exception  à 
la  loi  générale.  D’ailleurs,  est-on  bien  assuré 
que  le  fluide  que  l’on  a pris  pour  du  lait,  à 
cause  de  l’analogie  de  sa  couleur,  ne  fut  pas 
plutôt  une  liqueur  séreuse  lymphatique?  C’est, 
à ce  qu  il  parait,  ce  qu’on  a négligé  de  cons- 
tater. 

Mais  notre  objet  n’est  point  de  chercher  à 
expliquer  la  manière  dont  les  élémens  du  lait 
se  forment  pendant  le  travail  de  la  digestion , 
et  quels  sont  les  changemens  qu’ils  subissent 
dans  les  vaisseaux  qu’ils  parcourent  pour  arri- 
ver aux  glandes  mammaires.  Il  s’agit  de  con- 
tinuer à déterminer  les  propriétés  de  ce  fluide 
autant  qu’on  peut  le  faire  par  l’observation  et 
lexpérience. 

il lanière  a être  du  beurre  dans  la  crème. 

Dans  une  savante  dissertation  sur  la  nature 
et  l’usage  du  lait  de  divers  animaux,  publiée 
en  1770  à Edimbourg  par  Young,  ce  médecin 
rapporte  une  suite  d’expériences  qu’il  a faites 
pour  faciliter  ou  empêcher  la  butirisation  ; 
mais  elles  n’ont  servi  qu’à  lui  apprendre  que, 
dans  ce  cas,  les  acides,  les  alkalis  , les  sels 
neutres,  l'alcohol,  le  sucre,  sont  de  nul  effet , 
et  qu’il  faut  absolument  le  concours  de  la 
simple  agitation  pour  décomposer  la  crème  et 
en  séparer  le  beurre. 

On  voit  aussi,  d’après  ce  qui  précède  , qu’on 
ne  peut  révoquer  en  doute  l’existence  du  beurre 


RELATIVEMENT  À LÀ  CHIMIE, 


57 


dans  la  crème,  et  que  la  percussion  est,  pofrr 
ainsi  dire,  l’unique  moyen  auquel  on  puisse 
avoir  recours  pour  en  opérer  la  séparation  : 
cependant,  dans  la  vue  de  prévenir  les  objec- 
tions qui  pourraient  nous  être  faites,  nous 
n’avons  pas  négligé  de  recourir  aux  expé- 
riences propres  à anéantir  tous  les  doutes  à cet 
égard  ; il  sera  facile  d’en  juger  par  les  détails 
dans  lesquels  nous  allons  entrer. 

Il  n’est  pas  vrai,  comme  on  l’a  dit,  que  la 
crème  ait  besoin  d’une  fermentation  spontanée 
pour  se  séparer  du  lait  et  fournir  ensuite  son 
beurre;  le  simple  repos,  dans  un  lieu  frais, 
suffit  pour  lui  faire  gagner  la  surface  suivant 
les  lois  de  la  pesanteur  : dès  que  cette  crème 
est  retirée  du  lait  nouveau,  elle  peut  donner 
sur -le -champ  la  totalité  du  beurre  qu’elle 
contient;  sa  saveur  alors  est  plus  agréable  que 
celle  du  beurre  séparé  d’une  crème  ancienne. 

Nous  avons  aussi  observé,  qu’en  abandonnant 
à l’air  la  crème  avec  le  lait , il  ne  s’en  séparait 
aucune  matière  comparable  au  beurre;  mais 
qu’en  l’agitant  tant  soit  peu , elle  se  mêlait 
parfaitement  au  caillé  qui  se  formait , et  quelle 
produisait  des  fromages  gras  et  moëlleux,  dans 
lesquels  le  beurre,  en  tant  que  beurre,  ne  se 
manifestait  jamais. 

Pour  savoir  s’il  ne  serait  pas  possible  d’enle- 
ver le  beurre  à la  crème  sans  le  secours  de 
l’agitation,  nous  avons,  entr’autres  moyens, 


employé  le  feu  , persuadés  que , cet  agent 


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Û U LAIT 

donnant  plus  de  fluidité  au  mélange , le  beurre , 
débarrassé  de  ses  entraves,  viendrait  se  rassem- 
bler h la  surface  et  se  concréter  ensuite  par 
le  refroidissement. 

Après  avoir  tenu  sur  le  feu  la  crème  assez 
long- temps  pour  la  faire  bouillir,  nous  avons 
bien  remarqué  quelques  gouttes  d’huile  na,ger 
à sa  surface;  mais  elles  11e  se  sont  pas  rappro- 
chées de  manière  à présenter  une  masse  con- 
crescible  qui  eût  l’apparence  de  beurre. 

Cette  crème’,  qui  avait  ainsi  bouilli,  adonné, 
par  la  percussion,  la  totalité  de  son  beurre  , 
un  peu  plus  difficilement , il  est  vrai;  il  parais- 
sait même  d’un  blanc  plus  crémeux  et  d’une 
saveur  moins  délicate. 

Il  nous  restait  d’autres  essais  à tenter,  et 
nous  ne  les  avons  pas  négligés.  Il  s’agissait 
d'abord  d’appliquer  à la  crème  un  dissolvant 
qui  n’attaquât  que  le  beurre  et  qui  pût  acquérir 
en  même  temps  des  propriétés  susceptibles  de 
le  faire  connaître  : l’huile  nous  parut  propre 
à cet  objet.  Nous  en  avons  ajouté  une  demi- 
once  sur  quatre  de  crème,  et  le  mélange, 
versé  dans  un  vaisseau  cylindrique  de  verre,  a 
été  agité  doucement  et  placé  au  bain  marie 
pendant  une  heure  : l'huile  ensuite  a peu  à 
peu  gagné  la  partie  supérieure;  mais,  après 
l’avoir  laissée  refroidir,  elle  n’a  pas  paru  plus 
épaisse  qu’auparavant. 

• La  crème , soumise  à la  percussion , a donné , 
un  peu  plus  difficilement,  tout  ce  qu  elle  con- 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  5g 

tenait  de  beurre;  mais  il  était  plus  mou,  plus 
gras  et  plus  coloré  que  dans  l’état  ordinaire. 

Un  des  moyens  sur  la  réussite  duquel  il  sem- 
blait que  nous  dussions  compter , a été  de  mêler 
à la  crème  fraîche  quelques  gouttes  de  vinai- 
gre; il  était  à présumer  que  cet  acide,  en  opé- 
rant la  coagulation  de  la  matière  caséeuse, 
laisserait  le  beurre  à part,  ou  qu’un  léger  mou- 
vement suffirait  pour  en  opérer  très-prompte- 
ment la  séparation.  Le  résultat  n’a  pas  été 
conforme  à notre  raisonnement. 

Nous  avons  cherché  ensuite  à enlever  à , 
la  crème  la  partie  séreuse  qui  constitue  sa 
fluidité,  sans  y apporter  d’altération;  en  con- 
séquence nous  en  avons  répandu  une  cer- 
taine quantité  sur  plusieurs  feuilles  de  papier 
gris  : une  fois  imprégnées,  elles  ont  laissé  la 
crème  sous  la  forme  d’une  matière  dont  la 
solidité  était  égale  à celle  du  beurre.  Cette 
matière,  recueillie  et  délayée  dans  une  quan- 
tité d’eau  distillée,  suffisante  pour  lui  restituer 
sa  première  fluidité , a été  agitée  pendant 
plusieurs  minutes  ; le  beurre  s’est  séparé  de 
la  même  manière  que  par  le  procédé  ordi- 
naire. La  sérosité  était  seulement  d une  fadeur 
extrême;  preuve  incontestable  que  les  sels 
dissous  dans  le  sérum  ne  servent  pas  d’inter- 
mède pour  réunir  le  beurre  à la  crème , comme 
quelques  personnes  l’avaient  prétendu. 

Cette  expérience  , ajoutée  à celle  de  la  crème 
mêlée  avec  du  vinaigre  , prouve  encore  que  la 


V, 


40  r>  U L A I T 

promptitude  avec  laquelle  le  beurre  se  sépare 
de  la  crème  aigrie,  dépend  moins  d’un  acide 
développé  dans  ce  fluide  que  de  l’espèce  de 
fermentation  qui  a produit  cet  acide,  laquelle, 
en  changeant  les  parties  constituantes  de  la 
crème,  doit  nécessairement  détruire,  d’une 
manière  plus  ou  moins  marquée,  la  cohé- 
rence du  corps  qui  sert  de  medium  junc- 
tionis  du  beurre  avec  la  crème  ; cohérence 
d'ailleurs  si  lâche,  qu’à  peine  une  première 
molécule  de  beurre  apparaît  que  toute  la 
masse  est  rassemblée  et  11e  forme  plus  qu’un 
corps  solide.  Ce  phénomène  nous  avait  déter- 
minés à appliquer  l’électricité  à la  crème  ; mais 
110s  expériences  à cet  égard  ne  sont  pas  assez 
avancées  pour  en  offrir  les  résultats. 

!Nous  avons  cru  aussi  devoir  vérifier  les  effets 
de  quelques  pratiques  usitées  dans  les  cam- 
pagnes pour  accélérer  la  butirisation , lorsque 
la  saison  ou  d’autres  circonstances  locales  ren- 
dent cette  opération  longue  et  pénible.  A cet 
effet  nous  avons  mis  successivement  au  fond 
de  la  baratte  une  pièce  de  métal  et  un  mor- 
ceau de  beurre , un  jaune  d’œuf,  et  même  du 
sucre  ; mais  aucun  de  ces  moyens  n’a  donné 
les  avantages  annoncés.  .Nous  observerons 
même  que,  s’il  existe  une  foule  de  procédés 
pour  accélérer  la  butirisation,  on  en  connaît 
bien  peu  qui  puissent  rendre  le  résultat  de 
cette  opération  impossible. 

Enfin,  ii  nous  restait  encore  à déterminer 
’ — 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  41 

s’il  était  possible,  à l’aide  de  quelques  moyens, 
d'extraire  de  la  crème  un  beurre  beaucoup 
plus  solide  que  celui  quelle  fournit  le  plus 
ordinairement  lorsqu’on  le  sépare  par  les  pro- 
cédés d’usage. 

Pour  obtenir  les  éclaircissemens  que  nous 
désirions  à ce  sujet,  nous  crûmes  devoir  faire 
les  expériences  suivantes. 

P rentière  expérience.  Nous  avons  fait  chauf- 
fer, dans  un  vase  de  terre  vernissée,  du  lait 
nouvellement  trait  et  encore  pourvu  de  toute 
sa  crème.  Lorsqu’il  a été  parvenu  au  moment 
d’entrer  en  ébullition , nous  y avons  mêlé  du 
vinaigre  pour  le  faire  coaguler,  comme  si  nous 
eussions  voulu  faire  du  petit  lait  médicinal. 
Le  tout  ensuite  a été  passé  à travers  un  tamis 
de  crin  très -serré.  Le  caillé  ou  fromage,  resté 
sur  le  tamis f ayant  été  délayé  dans  une  suffi- 
sante quantité  d’eau  et  soumis  à la  percus- 
sion, il  en  est  résulté  du  beurre  tout  aussi 
ferme  que  s’il  eût  été  retiré  d’une  crème  nou- 
velle. Nous  avons  remarqué  seulement  que 
son  odeur  et  sa  saveur  n’étaient  pas  aussi 
douces  que  celle  d'un  beurre  frais  de  bonne 
qualité. 

Deuxième  expérience.  Connaissant  la  pro- 
priété qu’a  la  crème , lorsqu’on  lui  fait  présenter 
beaucoup  de  surface  à l’air,  de  s’épaissir  et  de 
prendre  assez  de  consistance  pour  pouvoir  être 
pétrie  aisément  entre  les  doigts,  nous  présu- 
mâmes que  cet  effet  ne  pouvait  être  attribué 


DU  LAIT 


4^ 

qu  au  beurre  qui  , dans  ce  cas  , avait  acquis 
une  consistance  plus  qu’ordinaire  ; mais  nous 
eûmes  bientôt  la  preuve  du  contraire,  car, 
ayant  restitué  avec  de  l’eau  à de  la  crème  ainsi 
épaissie  sa  première  fluidité  et  l’ayant  soumise 
ensuite  à la  percussion,  nous  retirâmes  encore 
un  beurre  tout  aussi  solide  et  également  coloré 
que  s’il  eût  été  extrait  d’une  crème  nouvelle. 

'Troisième  expérience.  Pour  connaître  l'effet 
de  l'acide  propre  du  lait  sur  le  beurre,  nous 
avons  laissé  ce  fluide  se  coaguler  spontané- 
ment , et , après  avoir  enlevé  la  crème  qui 
couvrait  sa  surface,  nous  l’avons  soumise  au 
travail  de  la  baratte  : elle  a fourni  son  beurre 
ayant  la  consistance  ordinaire. 

Quatrième  expérience.  Nous  avons  ajouté 
à du  lait  déjà  très- crémeux  une  autre  portion 
de  crème,  et  nous  avons  eu  soin  d’agiter 
souvent  le  mélange;  quand  ce  lait  ainsi  sur- 
chargé de  crème  a été  coagulé,  nous  lui  avons 
laissé  contracter  une  forte  aigreur,  et  au  bout 
de  quinze  jours  nous  en~  avons  retiré , au 
moyen  de  la  percussion  , du  beurre  tout  aussi 
formé  que  les  précédens. 

Cinquième  expérience.  Nous  avons  choisi 
les  fromages  les  plus  renommés  à Paris,  et  dans 
lesquels  il  est  bien  reconmi  que  la  crème  entre 
pour  un  tiers;  ces  fromages  sont  le  fromage 
de  Brie  en  pot,  le  fromage  de  Neuchâtel  et  le 
fromage  de  Viry.  Après  les  avoir  laissés  pen- 
dant un  mois  se  recouvrir  d’une  moisissure  , 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  43 

nous  les  avons  délayés  dans  suffisante  quantité 
d’eau  pour  leur  donner  la  fluidité  ordinaire  de 
la  crème,  et  ils  ont  été  soumis  successivement 
à la  percussion  : le  beurre  qui  en  est  résulté 
n’avait  pas  une  consistance  plus  ferme  que 
celui  provenant  des  mêmes  fromages , mai» 
non  faits  ; il  avait  seulement  une  saveur 
piquante  et  désagréable. 

Nous  avons  dit  plus  haut  qu’en  multipliant 
les  surfaces  de  la  crème  exposée  à l’air,  elle 
prenait  gn  très -peu  de  temps  une  consistance 
telle  qu’on  pouvait  la  manier  entre  les  doigts; 
que  si  on  lui  restituait  la  fluidité  qu  elle  avait 
auparavant,  et  qu’on  la  soumît  ensuite  à la 
percussion,  le  beurre  qu’on  en  séparait  netait 
pas  plus  ferme , pas  plus  coloré  que  celui 
d une  crème  nouvelle,  résultant  du  lait  de  la 
même  femelle. 

Le  produit  de  cette  expérience  nous  ayant 
paru  contrarier  l'opinion  des  chimistes  qui 
assurent  que  les  corps  gras  ont  une  grande 
tendance  à s’unir  à l’oxigène  contenu  dans  l air 
atmosphérique , et  que  le  principal  effet  de  ce 
principe  sur  eux  est  d’augmenter  leur  consis- 
tance d’une  manière  sensible  ; nous  crûmes 
devoir  chercher  à reconnaître  si  l’effet  dont  il 
s’agit  se  ferait  remarquer  en  exposant  la  crème 
au  contact  immédiat  d’une  certaine  quantité 
de  gaz  oxigène,  le  plus  pur  qu’il  serait  pos- 
sible d obtenir;  voici  en  conséquence  comme 
nous  avons  opéré. 


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DU  L A I T 


44 

Sixième  expérience.  Nous  avons  mis  dans 
"un  vase  de  la  capacité  d’une  pinte,  du  gaz 
oxigène  bien  pur  et  quatre  onces  de  crème  ; 
après  un  quart  d’heure  d’agitation,  le  beurre 
s est  séparé  sans  avoir  plus  de  couleur  et  de 
concrétion  que  s’il  eût  été  fait  dans  l’air  atmos- 
phérique. 

Septième  expérience.  Du  beurre  renfermé 
bien  hermétiquement  dans  un  vase  contenant 
de  l’oxigène,  n’a  pas  éprouvé  plus  de  chan- 
gement que  celui  exposé  à l’air  libre. 

Huitième  expérience.  L’acide  carbonique, 
que  nous  avons  regardé  comme  ne  pouvant 
rien  fournir  à la  crème  pour  favoriser  la  for- 
mation du  beurre,  puisqu’il  ne  se  décompose 
point  dans  cette  opération , l’acide  carbonique 
a été  employé  dans  les  mêmes  vues  que  dans 
les  expériences  6 et  7;  mais  le  résultat  obtenu 
n’a  point  encore  présenté  de  différence  bien 
marquée. 

Neuvième  expérience.  Pour  terminer  l’exa- 
men de  cette  question , nous  avons  battu  le 
beurre  dans  un  bocal  recouvert  d’un  triple 
parchemin  mouillé  et  bien  ficelé  sur  l’orifice 
du  vase,  et  nous  avons  remarqué  que,  loin 
qu’il  se  fit  du  vide,  il  paraissait  au  contraire 
qu’il  s’était  dégagé  un  fluide  élastique,  car  le 
parchemin  était  devenu  convexe  et  très-dis- 
tendu. Pour  juger  de  la  nature  de  ce  fluide, 
nous  l’avons  fait  passer,  à l’aide  d’appareils 
convenables,  dans  des  récipiens , et  bientôt 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  45 

nous  avons  reconnu  qu  il  ne  différait  pas  de 
l’acide  carbonique  , puisqu’il  éteignait  les 
lumières  et  qu’il  décomposait  l’eau  de  chaux. 

Tenons  - nous  en  donc  aux  expériences  qui 
viennent  detre  rapportées  : elles  prouvent, 
contre  l’opinion  des  chimistes  modernes,  que 
le  beurre  est  tout  formé  dans  la  crème  ; qu’il  s’y 
trouve  contenu  avec  toutes  les  propriétés  que 
nous  lui  connaissons;  qu’enfxn  il  n’a  nullemeut  r 
besoin  d’absorber  de  l’oxigène  pour  prendre 
de  la  concrescibilité , et  une  couleur  plus  ou 

moins  jaune. 

« 

Des  Proportions  du  beurre  relativement 

au  lait. 

Dans  le  dessein  où  l’on  est  de  comparer  la 
nature  et  la  quantité  de  lait  produit  par  deux 
femelles  d’espèce,  d’âge  et  de  constitution 
semblables,  il  faut  préalablement  faire  atten- 
tion au  temps  qui  s’est  écoulé  depuis  qu’elles 
ont  mis  bas  , car  ce  fluide  augmente  de 
consistance  à mesure  qu’on  s’éloigne  de  cette 
époque. 

Pour  constater  ce  fait  dans  tous  ses  détails, 
nous  avons  choisi  une  vache  qui  avait  vêlé 
dès  les  premiers  jours  de  Germinal,  et  dont 
le  produit  commun  en  lait  était  par  jour  de 
huit  mesures  connues  sous  le  nom  de  pinte 
ou  pot , pesant  chacune  trois  livres  environ , 
ce  qui  formait  pour  les  deux  traites  vinçt- 
quatre  livres;  nous  avons  eu  soin  également 


DU  LAIT 


46 

d’auendre  que  l’animal  fut  au  vert  pour  com- 
mencer nos  expériences. 

Première  expérience.  Un  mois  après  ie 
vêlage,  c’était  en  Floréal,  nous  avons  fait  traire 
la  vache  matin  et  soir , comme  à l’ordinaire  , 
et  verser  chaque  traite  dans  une  terrine  évasée, 
exposée  à une  température  de  douze  degrés 
du  thermomètre  de  Réaumur  ; au  bout  de  vingt- 
quatre  heures,  nous  avons  séparé  la  crème,  et 
l’avons  soumise  aussitôt  à la  percussion  : elle  a 
fourni , sur  trente  - deux  livres  de  lait , sept 
onces  et  demie  de  beurre,  de  couleur  jaunâtre. 

Deuxième  expérience.  La  même  expérience 
a été  répétée  le  lendemain  et  le  surlendemain  , 
sans  que  la  quantité  du  lait  et  celle  du  beurre 
parussent  s’éloigner  sensiblement  de  la  pro- 
portion observée  ci-dessus. 

Troisième  expérience.  Un  mois  après  ces 
premières  expériences,  c’est  à-dire  en  Prairial, 
la  vache,  continuant  le  même  régime,  n’a  fourni 
dans  les  deux  traites  que  trente  et  une  livres 
de  lait,  qui  ont  donné  neuf  onces  trois  quarts 
de  beurre,  ce  qui  fait  une  livre  de  lait  de 
moins,  et  deux  onces  de  beurre  de  plus  qu’en 
Floréal. 

Quatrième  expérience.  Pendant  le  mois  de 
Messidor,  la  quantité  de  lait  des  deux  traites 
n'a  pas  diminué  d’une  manière  marquée;  mais 
celle  du  beurre  a augmenté  au  point  que,  sur 
trente  et  une  livres  de  lait,  nous  avons  retiré 
douze  or\ces  et  demie  de  beurre. 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE 


47 


Cinquième  expérience.  Le  lait  en  Thermi- 
dor a diminué  sensiblement,  mais  le  beurre 
a augmenté  en  proportion;  vingt -sept  livres 
de  lait  nous  ont  donné  quinze  onces  de 
beurre. 

i Sixième  expérience.  Pareille  diminution  de 
lait  et  augmentation  de  beurre  ont  eu  lieu 
dans  le  courant  de  Fructidor  ; la  vache  a pro- 
duit alors  vingt- quatre  livres  de  lait  et  une 
livre  de  beurre. 

Septième  expérience.  La  vache  ayant  passé 
au  sec  en  Vendémiaire,  elle  a fourni  cepen- 
dant à peu  près  la  même  quantité  de  lait  qu’en 
Fructidor;  mais  celle  du  beurre  a augmenté 
d’une  once , et  sa  couleur  a un  peu  diminué. 

Huitième  expérience.  La  même  quantité  de 
lait  s’est  soutenue  en  Brumaire,  ainsi  que  celle 
du  beurre;  mais  la  couleur  de  ce  dernier  s’est 
encore  affaiblie  et  a passé  au  blanc  mat. 

Neuvième  expérience.  A l’époque  de  Fri- 
maire, la  vache,  qu’on  avait  menée  au  tau- 
reau à la  lin  de  Messidor,  fournit  sensiblement 
moins  de  lait,  et  le  beurre  cependant  fut  dans 
une  proportion  à peu  près  la  même  qu’au- 
paravant. 

Dixième  expérience.  En  Nivôse , la  pro- 
portion du  lait  se  soutint  comme  en  Frimaire, 
et  il  donna  à peu  près  un  vingt-quatrième  de 
beurre,  c’est-à-dire  que  vingt -quatre  livres 
de  lait  donnèrent  une  livre  environ  de  beurre. 

Onzième  expérience.  Nous  avons  obtenu  en 


48  DULAIT 

Ventôse  le  meme  résultat,  et,  comme  à cette 
époque  la  vache  était  pleine  de  huitmois  , il 
ne  fut  plus  possible  d’avoir  du  lait  autrement 
qu’épais  et  filant  comme  du  blanc  d’œuf. 

Ces  expériences  se  trouvent  confirmées  par 
celles  du  C.en  £oyssoi/\  habile  pharmacien  à 
Aurillac.  Elles  prouvent  que  le  lait  d’une  vache 
produit,  le  premier  mois  qui  suit  le  part,  trois 
gros  environ  de  beurre  par  livre  de  lait;  quatre 
gros  les  deuxième  et  troisième  mois,  cinq  et  six 
gros  jusqu’au  huitième  mois,  et  que  c’est  à cette 
époque  que  le  beurre  a réellement  acquis  sa 
perfection  et  abonde  davantage. 

On  se  tromperait  sans  doute  en  croyant 
que  la  plus  ou  moins  grande  abondance  de  lait 
en  été  ne  vient  seulement  que  de  la  nature 
plus  ou  moins  succulente  des  herbages  qui 
composent  alors  la  nourriture  des  femelles, 
car  nous  avons  eu  occasion  de  voir  des  vaches 
qui  avaient  vêlé  dans  un  temps  où  elles  étaient 
au  sec , et  le  lait  du  premier  mois  n’en  être 
pas  plus  séreux  ni  plus  abondant  que  celui 
du  second  mois,  et  ainsi  successivement. 

Rien  n’est  donc  plus  variable  que  la  pro- 
portion du  beurre  que  fournit  la  même  vache 
à différentes  époques  de  l’année,  sans  même 
changer  de  régime;  mais  la  crème  que  produit 
son  lait,  quoique  résultant  de  la  même  traite, 
offre  encore  dans  tous  les  temps  différentes 
nuances  dans  la  qualité  du  beurre;  et  c’est 
ce  phénomène  qu'il  nous  reste  à constater. 


- . 


... 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  49 

Nous  avons  déjà  dit  qu’un  des  moyens  les 
plus  efficaces  pour  séparer  la  crème  d’avec  le 
lait  consistait  à mettre  le  produit  de  la  traite 
dans  un  vase  plus  large  que  profond,  et  à 
exposer  ce  vaisseau  à une  température  plus 
froide  que  chaude  ; il  s’agit  maintenant  de 
faire  voir  que  la  crème  retirée  du  lait  à mesure 
qu’elle  monte  à sa  surface , offre  des  différences 
sensibles  dans  la  qualité  du  beurre  qui  en 
provient. 

Douzième  expérience.  Nous  avons  rempli 
de  lait  un  bocal  cylindrique  , et  ensuite  il  a 
été  exposé  à une  température  de  dix  degrés. 
Six  heures  après  nous  avons  séparé  la  première 
couche  de  crème,  qu’on  a mise  en  réserve  dans 
un  vase  bien  clos.  Pour  enlever  la  seconde 
couche  on  a attendu  le  même  espace  de  temps, 
et  il  en  a été  de  même  pour  la  troisième  ; ce 
qui  a exigé  trente -six  heures  avant  d’avoir 
écrémé  entièrement  le  lait. 

Treizième  expérience.  La  crème  du  même 
lait , ainsi  divisée  en  trois  parties , agitée  séparé- 
ment et  au  même  instant,  dans  trois  bouteilles, 
a présenté  trois  qualités  distinctes  de  beurre  : 
le  premier  était  plus  fin  et  plus  délicat  que  le 
second,  et  celui-ci  plus  que  le  troisième. 

Quatorzième  expérience.  Ces  deux  expé- 
riences, variées  et  répétées  sur  une  plus  grande 
masse  de  lait  de  vache  ainsi  que  sur  le  lait 
d autres  femelles,  ont  offert  constamment  les 
mêmes  résultats}  ce  qui  démontre  que,  quand 


on  verse  le  lait  dans  un  vase  à étroite  ouver- 
ture, et  qu’on  laisse  à la  crème  le  temps  de 
se  rassembler  , celle  qui  monte  la  première 
fournit  un  beurre  supérieur  en  qualité  à celui 
de  la  seconde  crème,  tandis  que  le  beurre  de 
la  dernière  couche  est  toujours  inférieur  aux 
deux  précédens. 

INous  observerons  que  le  règne  végétal  pré- 
sente un  résultat  à peu  près  semblable.  En 
effet , si  on  exprime  des  semences  émulsives , 
et,  mieux  encore,  la  pulpe  charnue  des  olives, 
le  premier  produit  de  l’expression  est  infini- 
ment préférable,  pour  l’odeur  et  la  saveur,  à 
Celui  qu’on  obtient  ensuite  : aussi  dans  le 
commerce  a-t-on  grand  soin  de  distinguer  ces 
deux  qualités  d'huile,  et  de  mettre  la  première 
à un  prix  plus  haut  que  la  seconde. 

Mais  il  existe  encore  d’autres  causes  qui 
peuvent  influer  sur  la  proportion  du  beurre 
dans  le  lait  ; ce  sont  les  différentes  manipu- 
lations employées  dans  l’opération  de  la  traite. 
Si  une  vache  , par  exemple,  n’est  tirée  dans  les 
vingt- quatre  heures  qu'une  seule  fois,  son  lait 
est  moins  abondant,  et  la  proportion  du  beurre 
plus  considérable  que  pour  le  lait  qui  résulte 
d’une  vache  traite  jusqu’à  trois  fois  dans  le 
meme  espace  de  temps  : le  lait  se  trouve  par  ce 
moyen  augmenté  d’un  septième  , et  le  beurre 
diminue  dans  une  égale  proportion. 

Une  autre  observation,  non  moins  intéres- 
sante, est  que  dans  une  môme  traite  le  lait 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  5 2 

qui  vient  le  premier  n’est  nullement  semblable 
à celui  qu’on  tire  le  dernier , que  l’un  est  trois 
fois  plus  riche  en  beurre  que  l’autre  ; mais 
nous  rendrons  compte  des  expériences  qui 
ont  été  faites  pour  constater  ces  vérités  impor- 
tantes, ainsi  que  des  conséquences  essentielles 
qu’on  peut  en  tirer,  lorsque  nous  considérerons 
le  lait  dans  ses  rapports  immédiats  avec  l’éco- 
nomie rurale. 

Un  autre  phénomène  , bien  plus  propre  en- 
core à causer  de  la  surprise , c’est  la  différence 
que  présente  le  lait  d’une  même  traite  divisée 
en  plusieurs  parties  ; nous  en  parlerons  après 
avoir  examiné  la  coloration  du  beurre. 

N’oublions  pas  de  répéter  que,  si  pendant 
lété  il  est  difficile  de  dégager  entièrement  le 
lait  de  sa  crème,  la  séparation  du  beurre  est 
alors  infiniment  prompte;  tandis  qu’en  hiver, 
apres  avoir  attendu  huit  à dix  jours  pour  battre, 
il  faut  encore  employer  la  chaleur,'  et  que  le 
beurre  qui  en  résulte  a perdu  de  sa  qualité. 

Coloration  du  beurre. 

S il  est  hors  de  doute  que  la  saison , la  nature 
des  alimens  et  l’état  physique  des  animaux 
influent  sur  la  qualité  du  beurre,  il  n'est  pas 
moins  démontre  que  ces  mêmes  causes  ont 
aussi  une  influence  sur  sa  coloration  : plus  les 
plantes  sont  succulentes  et  aromatiques,  plus 
le  beurre  en  général  est  jaune.  A l’entrée  de 
1 hiver  cette  couleur  s’affaiblit  au  point  de 

n 2 


V 


5a 


DU  LAIT 


disparaître  entièrement  : aussi  les  vaches  nour- 
ries avec  de  la  paille  d’avoine  ou  d’orge , des 
fourrages  secs  et  du  son,  des  racines  potagères, 
ne  donnent- elles  communément  qu’un  beurre 
d’un  blanc  mat. 

Un  fait  bien  connu  des  habitans  des  cam- 
pagnes, et  qui  n’est  pas  non  plus  ignoré  de 
ceux  des  grandes  communes,  c’est  que,  quand 
la  vache , la  chèvre , la  brebis , l’ânesse  et  la 
jument  ont  été  nourries  pendant  l’été  dans  les 
mêmes  pâturages,  il  n’y  a que  le  beurre  de  lait 
de  vache  qui  soit  constamment  jaune  , tandis 
que , dans  la  même  saison , celui  des  autres 
femelles  est  plus  ou  moins  blanc.  Cette  diffé- 
rence dépend  vraisemblablement  de  la  dispo- 
sition des  organes  destinés  à recevoir  et  à pré- 
parer le  lait,  organes  qui  varient  dans  tous 
les  animaux , et  sur  les  opérations  desquels 
la  nature  a jeté  un  voile  que,  peut-être,  nous 
ne  viendrons  jamais  à bout  de  déchirer. 

La  couleur  jaune  du  beurre  paraît  donc  étran- 
gère à ce  produit  de  la  crème,  puisqu’assez 
généralement  il  est  blanc  comme  de  l'axonge , 
et  que , dans  le  nombre  des  femelles  que  nous 
venons  de  nommer,  la  vache  seule  le  fournit 
coloré;  encore  n’est -ce  que  pendant  la  saison 
où  elle  est  nourrie  de  plantes  fraîches. 

Cependant , s’il  n’est  pas  facile  de  déterminer 
la  véritable  cause  de  la  coloration  du  beurre 
du  lait  de  vache , nous  connaissons  au  moins 
la  propriété  dont  la  crème  jouit  de  devenir  un 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

'des  dissol  vans  les  plus  propres  à extraire  la 
matière  colorante  de  certaines  substances  végé- 
tales : mais  comment  s’opère  cette  extraction? 
c’est  sur  quoi  les  chimistes  ont  gardé  le  silence. 
Nous  ne  serions  point  excusables  de  les  imiter 
dans  un  ouvrage  uniquement  consacré  à 1 exa- 
men des  parties  constituantes  les  plus  essen- 
tielles du  lait. 

Quelques  auteurs  ont  assuré  qu’on  ne  trans- 
mettait la  matière  colorante  au  beurre  qu’im- 
médiatement,  c’est-à-dire,  après  sa  préparation  ; 
mais  on  conçoit  la  difficulté  qu’il  y aurait  de 
la  distribuer  uniformément  et  à froid  dans  un 
corps  ferme  comme  le  beurre , sans  lui  donner 
au  moins  la  fluidité  qu’il  a dans  l’état  de  crème. 

On  imagine  facilement  aussi  que,  si  on  avait 
recours  à la  chaleur  pour  l’amener  à cet  état, 
le  beurre  serait,  à la  vérité,  bientôt  coloré, 
mais  qu’il  éprouverait  une  telle  altération  qu’il 
serait  impossible,  dans  beaucoup  de  circons- 
tances, de  l’employer  un  certain  temps  comme 
aliment  : il  fallait  donc  chercher  le  moyen 
d’éviter  cet  inconvénient. 

Nous  avons  fait  beaucoup  d’expériences, 
d’après  lesquelles  nous  avons  eu  la  preuve  que , 
quelle  que  fût  la  matière  colorante  qu’on 
voulût  associer  au  beurre  sans  le  faire  chauf- 
fer, jamais  elle  ne  pouvait  s’y  unir  qu’autant 
qu’on  la  lui  présentait  au  moment  où , se  sépa- 
rant du  lait  avec  lequel  il  était  combiné  dans 
la  crème , ses  molécules , extrêmement  divisées 

d 3 


DU  LAIT 


54 

et  voisines  de  la  fluidité,  étaient  par  cela  même 
dans  un  état  d’appropriation  plus  convenable 
pour  agir  sur  le  corps  colorant  quelles  trou- 
vaient à côté  d’elles.  Nous  avons  remarqué 
aussi  que  , l’union  de  la  matière  colorante  avec 
le  beurre  étant  une  fois  consommée , il  était  dif- 
ficile , pour  ne  pas  dire  impossible , de  la  rompre. 

Parmi  les  substances  propres  à colorer  le 
beurre,  nous  ne  citerons  que  celles  que  nous 
avons  essayées  dans  cette  vue  : telles  sont  le 
fruit  d’alkekenge  , la  graine  d’asperges , les 
fleurs  de  souci , et  sur  tout  le  suc  de  carotte 
rouge.  Toutes  ces  substances , mêlées  à la 
crème  et  battues  avec  elle,  donnent  au  beurre 
qui  en  provient  une  couleur  jaune  plus  ou 
moins  foncée. 

Cette  propriété  qu’a  le  beurre,  en  se  séparant 
de  la  crème , de  se  charger  du  principe  colo- 
rant des  matières  végétales  dont  il  vient  d’être 
question , s’étend  également  à la  partie  verte 
des  plantes:  mais  leurs  sucs,  exprimés  et  battus 
avec  la  crème,  ne  fournissent  pas  un  beurre 
coloré;  il  faut  nécessairement,  pour  le  succès 
de  l’opération,  que  la  matière  colorante  soit 
extraite  auparavant , ou  par  l’alcohol  sous  forme 
de  teinture,  ou  bien  en  exposant  au  feu  le  suc 
qui  la  contient. 

Le  beurre  que  fournit  la  crème  ainsi  traitée, 
a non  seulement  contracté  une  couleur  qui 
approche  de  celle  de  la  plante  employée , mais 
encore  son  odeur  et  sa  saveur  : c’est  ainsi  que 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  55 

nous  lui  avons  communiqué  l’arome  de  l’angé- 
lique , du  persil , du  cerfeuil , dn  céleri. 

Le  principe  vireux  et  narcotique  des  végé- 
taux passe  aussi  de  cette  manière  dans  le  beurre; 
la  nicotiane , le  pavot , la  ciguë , la  mandragore , 
s’y  font  sentir  d’une  manière  très -marquée,  et 
peut-être  les  combinaisons  de  cette  espèce 
offriraient -elles  à l’art  de  guérir  une  ressource 
de  plus  dans  les  circonstances  où  l’usage  de 
ces  plantes  est  recommandé  intérieurement  ou 
extérieurement. 

Nous  avons  encore  observé  que,  pour  colo- 
rer le  beurre , il  n’était  pas  toujours  nécessaire 
de  prendre  les  matières  colorantes  dans  l’état 
humide , puisque  nous  sommes  parvenus  à 
opérer  cette  coloration  avec  l’écorce  sèche 
de  la  racine  d’orcanette;  c’est  même  ainsi  que 
nous  nous  sommes  procuré  du  beurre  depuis 
le  rose  léger  jusqu’au  rouge  le  plus  foncé, 
en  augmentant  ou  diminuant  les  proportions 
de  la  racine.  Le  beurre  est  également  suscep- 
tible de  dissoudre  d’autres  . fécules  diverse- 
ment colorées.  Nous  avons  battu  de  la  crème 
avec  de  l’indigo  et  du  tournesol  : le  beurre 
qu’elle  a fourni  était  teint  en  bleu , faible  à 
la  vérité , mais  agréable  et  susceptible  d’aug- 
menter d’intensité  par  une  percussion  plus 
long  - temps  continuée  avec  ces  substances 
mieux  divisées. 

Le  beurre  , ainsi  coloré  en  bleu , perd  insensi- 
blement sa  couleur:  d’abord  il  passe  au  violet, 

d 4 


56 


» 

DU  LAIT 

' puis  il  devient  rougeâtre , et  se  décolore  enfin 
tout-à-fait.  Ces  effets  se  font  remarquer  plus 
promptement  sur  les  premières  couches  que 
sur  celles  qui  sont  moins  exposées  à l’air  : 
cependant  à la  longue  ces  dernières  se  déco- 
lorent complètement. 

L’air  n’est  peut-être  pas  ici  la  cause  unique 
de  cette  altération  de  la  partie  colorante , à 
moins  qu’on  n’adinette  que  ce  fluide  , qui 
demeure  interposé  dans  le  beurre  , puisse 
jouir  des  mêmes  propriétés  que  celui  qui  est 
à l’extérieur  : dans  ce  cas  on  expliquerait 
facilement  pourquoi  l’action  de  ce  dernier  est 
moins  énergique  que  celle  du  premier. 

Si  la  racine  d’orcanette  donne  au  beurre 
une  couleur  dont  on  peut  varier  la  nuance 
à l’infini , il  n’en  est  pas  de  même  de  la  matière 
colorante  des  betteraves  rouges  et  jaunes , et 
de  la  cochenille  ; elles  n’impriment  aucune 
teinte  à ce  corps  gras  : ce  qui  semble  annon- 
cer que,  pour  que  le  beurre  dissolve  la  matière 
colorante  qu’on  lui  présente , il  faut  nécessaire- 
ment quelle  soit  de  nature  résineuse. 

Le  beurre  par  la  chaleur  perd  un  peu  de 
sa  couleur,  mais  il  éprouve  en  même  temps 
une  sorte  d’altération  qui  le  prive  de  cette 
saveur  douce  et  agréable  qu’on  lui  connaît 
lorsqu’il  est  frais. 

On  sait  aussi  que  le  contact  de  l’air  le 
colore  ou  le  décolore , selon  les  circonstances. 
Celui  qui  est  absolument  blanc  après  sa  sépa- 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

ration , devient  jaune  à sa  surface  au  bout  de 
quelque  temps  d’exposition  à 1 air  libre  : mais 
cette  couleur  est  toujours  faible , et  ne  se  com- 
munique que  très -difficilement  aux  couches 
inférieures. 

L’effet  contraire  arrive  au  beurre  naturelle- 
ment jaune,  car  on  remarque  que  c’est  sa 
surface  qui  blanchit,  tandis  que  la  couleur 
jaune  se  conserve  dans  l’intérieur. 

En  général  nous  croyons  avoir  remarqué 
que  l’air  parait  avoir  plus  d’action  sur  la 
couleur  jaune  communiquée  artificiellement 
au  beurre , que  sur  celle  qu’il  tient  de  la 
nature.  C’est  pour  cela  sans  doute  que  le 
beurre  exposé  dans  nos  marchés,  qui  doit 
presque  toujours  sa  couleur , soit  à la  fleur  de 
souci , soit  à toute  autre  matière  qu’on  y a 
ajoutée  à l’instant  même  de  sa  préparation , 
blanchit  si  aisément  à sa  surface. 

Il  nous  reste  maintenant  à examiner  cette 
tendance  qu’a  le  beurre  de  perdre  plus  ou 
moins  promptement  sa  saveur  douce  et  agréable , 
pour  en  prendre  une  tellement  âcre  et  forte 
que  l’organe  du  goût  le  moins  exercé  peut 
la  découvrir  dans  une  masse  énorme  d’alimens 
auxquels  une  très -petite  portion  de  ce  beurre 
a servi  d’assaisonnement. 

Ranci  dite  du  beurre. 

Nouvellement  préparé  avec  de  bonne  crème, 
le  beurre  ne  conserve  pas  long -temps  la  saveur 


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55  BU  LAIT 

douce  et  agréable  qu’on  lui  connaît;  peu-à- 
peu  il  perd  de  sa  qualité  , et  éprouve  une 
sorte  d’altération  , qui , poussée  à un  certain 
point,  ne  permet  plus  qu’on  l’emploie  à tous 
les  usages  domestiques.  Dans  cet  état  il  porte 
le  nom  de  beurre  rance , de  beurre  fort. 

Cette  altération  peut  être  plus  ou  moins 
prompte,  suivant  les  procédés  employés  pour 
la  préparation  et  la  conservation  du  beurre. 
En  général  on  remarque  qu’on  parvient  à la 
retarder  en  lavant  parfaitenent  le  beurre,  et 
sur  tout  en  le  plaçant  dans  des  endroits  frais 
et  sous  l'eau. 

Souvent  aussi  on  prévient  la  rancidité  en 
faisant  éprouver  au  beurre  assei  de  chaleur 
pour  le  priver  de  l’humidité  interposée  entre 
ses  parties , ou  en  le  mêlant  avec  une  suffi- 
sante quantité  de  sel,  d’où  résulte  ce  qu’on 
nomme  dans  le  commerce  beurre  fondu , 
beurre  salé. 

Nous  donnerons,  dans  la  troisième  partie, 
le  procédé  de  ces  deux  préparations , exécuté 
en  grand  dans  quelques  cantons  de  la  répu- 
blique. 

La  présence  du  lait  dans  le  beurre  nous  a 
paru , plus  que  toute  autre , hâter  la  rancidité. 

En  effet  nous  avons  mis  souvent  en  compa- 
raison des  beurres  obtenus  de  la  même  crème , 
mais  qui  exprès  n’avaient  pas  été  tous  lavés 
avec  le  même  soin  : constamment  nous  avons 
remarqué  que  ceux  dans  lesquels  on  avait 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  5g 

laissé  des  portions  de  lait  se  rancissaient  bien 
plus  promptement  que  les  autres. 

On  a ensuite  fait  fondre  des  beurres  rances 
et  d’autres  qui  ne  l’étaient  pas  : les  premiers 
ont  laissé  déposer  un  fluide  blanchâtre,  qui 
avait  une  saveur  âcre  et  désagréable , tandis 
que  les  derniers  n’ont  pas  donné  un  semblable 
produit. 

Enfin  nous  sommes  parvenus  à diminuer  la 
rancidité  du  beurre  préparé  depuis  plus  d’un 
mois,  en  le  lavant  à grande  eau.  La  première 
eau  du  lavage  était  laiteuse  et  fort  désagréable. 

Si  les  expériences  dont  on  vient  de  rendre 
compte  ne  suffisaient  pas  pour  prouver  que 
le  lait  disséminé  dans  les  interstices  du  beurre 
contribue  à hâter  sa  rancidité , nous  citerions 
les  pratiques  journalières  des  ménagères,  qui 
pétrissent  le  beurre  dans  l’eau  pour  diminuer 
son  goût  fort  ; nous  indiquerions  leur  précau- 
tion de  le  tenir  en  fonte  sur  le  feu , jusqu’à  ce 
qu’il  se  soit  précipité,  au  fond  des  chaudières, 
une  matière  qui  d’abord  s’épaissit  et  se  torré- 
fie ensuite.  Cette  matière , qui  n’est  autre  chose 
que  la  substance  caséeuse  existante  dans  le 
lait  que  contenait  encore  le  beurre , étant  une 
fois  séparée,  il  devient  moins  susceptible  de 
s’altérer;  aussi  peut - on  le  conserver  plusieurs 
mois  sans  qu’il  contracte  le  goût  rance. 

Il  faut  convenir  cependant  que,  telle  pré- 
caution qu’on  prenne,  le  beurre  le  mieux 
préparé  finit  à la  longue  par  se  rancir  compté- 


•V; . :i  > : 


6o 


fi  TJ  LAIT 


tement,  et  quil  éprouve  dans  ce  cas  le  sort 
de  toutes  les  matières  grasses  , végétales  et 
animales,  qui,  comme  on  sait,  sont  sujettes  à 
la  même  altération. 

De  tout  temps  les  chimistes  ont  cherché  à 
déterminer  la  nature  du  produit  nouveau  qu’on 
pouvait  naturellement  supposer  exister  dans 
un  corps  gras  devenu  rance.  Presque  tous 
ont  admis  que  c’était  un  acide.  Cependant, 
comme  les  expériences  d’après  lesquelles  ils 
ont  fondé  leur  opinion  à cet  égard,  ne  nous 
ont  pas  paru  assez  concluantes , nous  avons 
cru  devoir  faire  de  nouvelles  recherches  qui 
pussent  nous  mettre  à portée  d’obtenir  les 
éclaircissemens  que  nous  désirions. 

On  imagine  bien  que,  le  beurre  étant  le 
corps  gras  qui  nous  occupait  spécialement, 
nous  avons  dû  le  choisir  de  préférence  pour 
sujet  de  nos  expériences. 

D’abord,  connaissant  la  propriété  qu’ont  les 
acides  de  coaguler  le  lait , nous  avons  cherché 
à reconnaître  si  celui  qu’on  supposait  exister 
dans  le  beurre  rance  jouissait  de  cette  même 
propriété. 

Pour  cet  effet  nous  avons  ajouté  à du  lait 
une  certaine  quantité  de  beurre  très -rance, 
et  nous  avons  tenu  ce  lait  sur  un  feu  doux 
pendant  plusieurs  heures. 

La  même  expérience  a été  répétée  avec  du 
fromage  rance,  ajouté  à du  lait  en  place  de 
beurre. 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  6l 

Le  lait,  dans  ces  deux  cas,  a acquis  une 
saveur  fort  désagréable , et  analogue  à celle 
du  beurre  et  du  fromage  employés  ; mais  il 
ne  s’est  pas  coagulé. 

On  a ensuite  lavé  à froid , et  dans  une  petite 
quantité  d’eau,  du  beurre  et  du  fromage  très- 
rances.  L’eau  des  lavages,  mêlée  avec  de  la 
teinture  aqueuse  de  tournesol , n’a  point 
changé  en  rouge  la  couleur  de  cette  teinture. 

Au  lieu  de  faire  cette  expérience  avec  de 
l’eau  froide , on  a employé  de  l’eau  chaude 
et  même  bouillante  : la  teinture  s’est  encore 
comportée  comme  dans  le  premier  cas. 

N ous  présumions  que , si  la  rancidité  du  beurre 
était  due  à la  présence  d’un  acide , on  détermine- 
rait promptement  cet  état  avec  du  vinaigre  ; mais 
au  bout  de  plusieurs  jours,  nous  avons  trouvé 
le  beurre  ainsi  mélangé  moins  rance  qu’un  autre 
que  nous  avions  mis  en  comparaison  'avec  lui 
et  dans  lequel  on  n’avait  pas  ajouté  d’acide. 

Rappelons  d’ailleurs  un  fait  qui  se  reproduit 
souvent  pendant  l’été.  La  crème,  dans  cette 
saison , s’aigrit  quelquefois  en  moins  de  vingt- 
quatre  heures  ; cependant  le  beurre  qu’on  en 
sépare  n’est  pas  moins  doux  ni  moins  délicat 
pour  avoir  séjourné  dans  un  milieu  acide. 

D’après  tous  ces  résultats  nous  sommes  auto- 
risés à penser  que  la  rancidité  peut  exister  sans 
développement  d’acide. 

Mais,  si  rien  ne  démontre  que  le  beurre 
rance  contienne  un  acide,  on  ne  peut  pas 


« • 


se  refuser  au  moins  à admettre  qu’un  des 
principes  des  acides  contribue  pour  beaucoup 
à déterminer  la  rancidité  ; et  que  ce  principe 
est  l’oxigène.  Voici  comment  nous  sommes 
parvenus  à en  avoir  la  preuve. 

Sous  deux  cloches  de  verre  de  meme  forme 
et  de  même  capacité,  remplies  dair  atmosphé- 
rique , on  a placé  séparément  des  vases  conte- 
nant de  la  crème  fraîche  et  du  beurre  frais. 

De  la  crème  fraîche  et  du  beurre  frais  ont 
été  également  placés  sous  deux  cloches  rem- 
plies de  gaz  oxigène. 

L’air  des  deux  premières  cloches  n’avait  pas, 
le  huitième  jour,  diminué  de  volume  d’une 
manière  sensible.  La  surface  de  la  crème  était 
devenue  un  peu  plus  jaune  et  un  peu  ridée; 
on  voyait  aussi  dans  quelques  endroits  des 
points  de  moisissure  ; sa  consistance  avait  aug- 
menté ; sa  saveur  n’était  plus  agréable , mais 
sans  être  rance  : battue  dans  une  phiole  avec 
un  peu  d’eau,  elle  a donné  un  beurre  assez 
doux. 

Le  beurre  placé  sous  la  cloche  qui  conte- 
nait aussi  de  l’air  atmosphérique , paraissait 
avoir  acquis  à sa  surface  un  peu  plus  de 
couleur;  sa  saveur  n’était  pas  douce,  comme 
le  jour  où  l’expérience  avait  été  commencée, 
mais  on  ne  pouvait  pas  dire  qu  elle  fût  rance. 

Le  beurre  et  la  crème,  placés  sous  les  cloches 
remplies  de  gaz  oxigène  , avaient  au  contraire 
une  odeur  décidément  rance , et  par  consé- 


RELATIVEMENT,  A LA  CHIMIE.'  63 

quent  une  saveur  désagréable.  Une  partie  du 
gaz  avait  été  absorbée  et  remplacée  par  1 eau 
de  la  cuve  sur  laquelle  les  cloches  avaient  été 
placées.  Enfin  nous  vimes  que  la  quantité 
du  gaz  absorbé  pouvait  être  évaluée  au  quart 
de  son  volume. 

Quand  nous  n’aurions  que  ces  expériences 
à citer , elles  suffiraient  déjà  pour  prononcer 
que  l’oxigène  est  l’agent  qui  détermine  la 
rancidité  ; mais  la  certitude  à cet  égard  devient 
encore  plus  complète  depuis  les  nouveaux 
résultats  obtenus  par  les  chimistes  qui  ont  traité 
les  graisses  avec  l’acide  nitrique. 

Cet  acide  , comme  on  sait , est  composé 
d’oxigène  et  d’azote  ; il  est  un  de  ceux  qui  se 
décompose  le  plus  facilement.  Une  des  cir- 
constances où  sa  décomposition  se  fait  singu- 
lièrement remarquer , est  celle  qui  a lieu 
lorsqu’on  le  mêle  en  petite  quantité  avec  de 
la  graisse;  dans  ce  cas  l’oxigène  abandonne 
promptement  l’azote  avec  lequel  il  était  uni, 
pour  se  joindre  à la  graisse , qui  aussitôt  devient 
extrêmement  rance. 

Dans  cet  état  la  graisse  est  apte  à oxider 
certaines  substances  métalliques , et  principa- 
lement le  mercure. 

En  effet , si  on  mêle  à de  la  graisse  oxigénée 
par  l’acide  nitrique  ou  oxigénée  naturellement, 
c’est-à-dire  rance,  une  petite  quantité  de 
mercure,  on  voit  aussitôt  ce  métal  perdre 
son  éclat  métallique  et  se  convertir  en  oxide 


DU  .LAIT 


64 

gris.  C’est  pour  cela  sans  doute  que  le  mer- 
cure s’éteint  si  facilement  avec  de  l’onguent 
mercuriel  rance,  tandis  qu’on  est  long -temps 
à obtenir  le  même  effet  lorsque  l’onguent  est 
nouvellement  préparé. 

Mais  ce  serait  trop  nous  écarter  que  d’insister 
plus  long -temps  sur  cet  objet;  nous  termi- 
nerons cet  article  en  disant  que  la  rancidité 
peut  être  considérée  comme  une  oxigénation 
réelle , qui , à raison  de  sa  plus  ou  moins  grande 
intensité,  doit  présenter  des  nuances  diffé- 
rentes dans  l’état  du  beurre , et  généralement 
dans  celui  de  tous  les  corps  gras  qui  devien- 
nent rances. 

Maintenant  que  nous  connaissons  la  cause 
de  la  rancidité  des  corps  gras,  ne  peut -on  pas 
espérer  que  la  chimie , lorsqu’elle  aura  plus  de 
données  sur  les  affinités  de  l’oxigène  avec  dif- 
férens  corps,  parviendra  à l’enlever  au  beurre, 
et  le  rappellera  par  ce  moyen , sinon  à sa 
primitive  perfection,  au  moins  à un  état  qui 
permettra  qu’on  l’emploie  à différens  usages 
auxquels  il  est  moins  propre  lorsqu’il  est  rance. 
Ce  résultat  sera  une  nouvelle  preuve  des  ser- 
vices que  les  sciences  peuvent  rendre  à la 
société  quand  elles  sont  dirigées  vers  les  objets 
d’utilité  générale. 

Du  lait'  de  beurre. 

La  crème , après  avoir  donné  le  beurre  qui 
cm  formait  une  des  parties  constituantes,  ne 


.RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 


65 


présente  plus  qu’un  fluide  blanchâtre,  d’une 
saveur  et  d’une  consistance  à peu  près  égales  à 

celles  du  lait.  Ce  fluide  est  connu  sous  le  nom 

/ 

de  lait  de  beurre , dénomination  fort  impropre 
puisqu’il  ne  contient  pas  un  atome  de  beurre. 

Le  nom  de  petit  lait  acidulé , sous  lequel  on 
le  désigne  encore,  ne  lui  convient  pas  davan- 
tage , car  on  sait  qu’il  n’a  de  saveur  acide  qu’au- 
tant  qu’il  a été  séparé  d’une  crème  ancienne, 
laquelle,  par  conséquent,  a déjà  commencé  à 
tourner  à l’aigre  ; mais  lorsque  la  crème  dont 
on  se  sert  pour  faire  le  beurre  est  nouvelle,  le 
fluide  qu  elle  laisse  échapper , au  moment  où 
le  beurre  se  sépare,  a une  saveur  douce,  abso- 
lument analogue  à celle  du  lait  dépourvu  seule- 
ment de  sa  crème.  En  comparant  même  le  lait 
de  beurre  et  le  lait  écrémé,  on  voit  qu’ils  réu- 
nissent l’un  et  l’autre  à peu  près  les  mêmes 
propriétés. 

Il  faut  convenir  cependant  que  le  lait  dit 
lait  de  beurre , est  plus. susceptible  que  le  lait 
écrémé  de  passer  à la  fermentation  acide  : c’est 
ce  dont  nous  avons  eu  la  preuve  en  faisant 
l’expérience  suivante. 

On  a mis  séparément  dans  deux  vases  sem- 
blables une  égale  quantité  de  lait  de  beurre 
et  de  lait  parfaitement  écrémé.  Ils  étaient  le 
produit  de  la  même  traite  ; par  conséquent  la 
crème  qui  avait  fourni  le  lait  de  beurre  avait 
été  séparée  du  lait  qu’on  employait  pour  servir 
de  terme  de  comparaison. 


E 


Ces  deux  fluides  placés  dans  le  même 
endroit , le  lait  de  beurre  passa  à l’aigre  vingt- 
quatre  heures  plus  tôt  que  l’autre. 

Cette  différence  doit  être  sans  doute  attri- 
buée en  grande  partie  à la  percussion  qu'on 
a fait  éprouver  à la  crème  lorsqu’on  a voulu 
en  séparer  le  beurre.  Cette  percussion  néces- 
sairement agit  d’une  manière  sensible  sur  les 
différentes  parties  de  la  crème  et  principale- 
ment sur  celle  du  lait  de  beurre , et  par  suite 
elle  doit  disposer  les  parties  constituantes  de 
ce  fluide  à passer  plus  tôt  à la  fermentation 
acide , que  celles  du  lait  qui  n’a  pas  été  agité. 

A l’exception  de  cette  différence,  le  lait  de 
beurre  contient  , ainsi  que  nous  nous  en 
sommes  convaincus  en  faisant  une  analyse 
comparée  de  ces  deux  fluides , autant  de  ma- 
tière caséeuse  et  de  substances  salines  que  le 
lait  parfaitement  écrémé. 

Du  lait  écrémé. 

Le  lait  qui  vient  d etre  séparé  de  la  crème  n’a 
plus,  ni  cette  couleur  d’un  blanc  mat,  ni  cette 
saveur  douce  et  ce  toucher  onctueux  qu’il 
avait  quelques  instans  après  sa  sortie  du  pis  de 
la  femelle  ; sa  densité  est  donc  moins  consi- 
dérable : aussi,  pour  le  faire  bouillir , .faut -il 
employer  un  degré  inférieur  à celui  qu’il  exige 
lorsque  la  crème  s’y  trouve  encore  mêlée.  On 
remarque  aussi  qu’il  devient  propre  à dissoudre 


P 


relativement  a la  chimie.  6 7 

une  plus  grande  quantité  de  sucre  et  d’autres 
matières  salines. 

Il  n’est  pas  aussi  facile  qu’on  pourrait  le 
croire  de  se  procurer  du  lait  parfaitement 
écrémé,  et  jouissant  d’ailleurs  de  la  saveur 
douce  et  agréable  qu’on  désire  lui  trouver.  C’est 
principalement  pendant  l’été  qu’on  éprouve  de 
grandes  difficultés  à cet  égard  ; car  , comme 
pendant  cette  saison  il  faut,  pour  que  la  tota- 
lité de  la  crème  puisse  se  séparer,  attendre 
souvent  douze  heures,  ce  temps  est  plus  que 
suffisant  pour  faire  passer  le  lait  à l’aigre.  On 
conçoit  qu’alors  il  ne  doit  plus  avoir  les  mêmes 
qualités  qu’auparavant. 

C’est  pour  obvier  h cet  inconvénient  que 
nous  avons  cherché  si , en  appliquant  la  per- 
cussion à du  lait  au  sortir  du  pis  de  la  vache, 
il  ne  serait  pas  possible  de  l’amener  sur-le- 
champ  à l’état  de  lait  parfaitement  écrémé. 
En  conséquence  nous  en  avons  agité  pendant 
une  heure  dans  un  vaisseau  convenable.  Ce 
moyen  a suffi  pour  nous  donner  du  beurre 
sous  forme  de  flocons,  qu’on  ne  pouvait  réunir 
qu’en  approchant  du  feu  ou  en  plongeant 
dans  l’eau  chaude  la  bouteille  qui  contenait 
le  lait.  Il  nous  a paru  que  le  beurre  obtenu 
par  ce  procédé  avait  une  saveur  moins  agré- 
able que  celui  séparé  immédiatement  de  la 
crème  sans  le  concours  de  la  chaleur. 

Soupçonnant  d’après  la  quantité  du  beurre  qui 
s'était  séparée  dans  cette  expérience,  quelle 

E 2 


i 


68 


DU  U A I T 


était  inférieure  à celle  que  nous  eussions  obte- 
nue si , au  lieu  d’opérer  sur  le  lait  non  écrémé , 
nous  nous  fussions  servis  de  la  crème  que  ce 
lait  aurait  pu  produire , nous  nous  déterminâ- 
mes à soumettre  à une  seconde  percussion  le 
lait  dont  nous  avions  d’abord  séparé  le  beurre 
mentionné  plus  haut  ; mais , malgré  tous  nos 
efforts,  il  nous  fut  impossible  d’obtenir  une 
nouvelle  quantité  de  beurre. 

Peu  découragés  par  ce  défaut  de  succès, 
nous  crûmes  pouvoir  mieux  réussir  si  nous 
exposions  pendant  quelque  temps  ce  lait  à une 
chaleur  tempérée.  En  effet , après  vingt  - quatre 
heures,  nous  nous  aperç  ûmes  qu'il  s’était  recou- 
vert d une  pellicule  crémeuse  ; nous  la  sépa- 
râmes, et  aussitôt  nous  la  soumîmes  à la  percus- 
sion pendant  près  de  deux  heures  : cette  fois -ci 
nous  ne  fumes  pas  plus  heureux  que  la  pre- 
mière, pour  séparer  de  cette  espèce  de  crème 
le  moindre  atome  de  beurre. 

Il  nous  paraît  que  le  défaut  de  succès  de 
cette  expérience  doit  être  attribué  au  fluide 
mêlé  avec  la  crème  : la  proportion  de  ce  fluide 
était  sans  doute  plus  grande  qu  elle  ne  devait 
être  pour  permettre  aux  molécules  du  beurre 
qui  étaient  contenues  dans  cette  crème  de 
se  réunir.  Ce  qui  nous  porte  à penser  ainsi , 
c’est  que  le  même  lait,  exposé  de  nouveau 
dans  un  lieu  frais,  a donné  facilement  son 
beurre. 

Cette  observation  apprend  que  pour  retirer 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  6f) 

la  totalité  du  beurre  que  la  crème  renferme, 
il  faut  toujours  trois  conditions: 

i°.  Séparer  celle  - ci  du  lait , et  lui  appliquer 
immédiatement  la  percussion  ; 

2°.  Ne  laisser  à la  crème  que  la  quantité 
nécessaire  du  lait  pour  favoriser  le  mouvement 
qu’on  lui  imprime  ; 

3°.  Eviter  autant  qu’il  est  possible  le  con- 
cours de  la  chaleur;  sans  quoi  on  s’expose 
à avoir  du  beurre  qui  a une  grande  propen- 
sion à rancir. 

L’on  voit  d’après  ce  qui  précède , que  la 
crème  est  plus  composée  que  le  lait  dont  elle 
est  séparée  entièrement , puisque  ce  dernier 
fluide  ne  contient  plus  de  beurre.  On  peut 
en  conclure  aussi  que  la  couleur  blanche  du 
lait  ne  dépend  nullement  de  l’interposition 
d’une  certaine  quantité  de  beurre  suspendue 
dans  la  sérosité  à la  faveur  de  la  matière 
caséeuse , et  que  ceux  qui  ont  considéré  le 
lait  comme  une  émulsion  animale , auraient 
dû  plutôt  donner  ce  nom  à la  crème , dont  le 
blanc  plus  mat  est  réellement  dû  au  beurre 
qu’elle  renferme. 

Mais  s’il  n’est  plus  permis  d’attribuer  à la 
matière  butyreuse,  disséminée  dans  le  sérum,  la 
couleur  du  lait , et  qu’il  soit  démontré , ainsi  que 
nous  le  ferons  voir  par  la  suite , que  la  matière 
caséeuse  en  est  la  seule  cause,  on  ne  saurait 
se  refuser  de  croire  que  le  beurre  n’influe 
sensiblement  sur  la  couleur,  la  consistance 

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70 


I>  U LAIT 

et  la  saveur  de  la  crème  , puisque , quand 
celle-ci  est  jaune,  c’est  toujours  à raison  de 
la  couleur  du  beurre  quelle  contient,  et  que, 
lorsqu’il  est  séparé,  le  lait  prend  une  fluidité 
et  une  saveur  différentes  de  celles  qu’avait  la 
crème. 

On  est  donc  forcé  de  convenir  que  la 
coloration  et  l’épaisissement  de  la  crème  appar- 
tiennent essentiellement  au  beurre , et  qu’ils 
suffisent  ponr  démontrer  son  existence  dans 
ce  fluide. 

Article  Y. 

Des  pellicules  produites  a la  surface  du 
lait  quon  fait  chauffer. 

De  tous  les  chimistes  qui  se  sont  occupés 
de  l’analyse  du  lait , V enel  est  presque  le  seul 
qui  ait  parlé  des  pellicules  formées  à la  surface 
de  ce  fluide  lorsqu’on  le  fait  chauffer;  mais  il 
pensait , ce  sont  ses  expressions  , quelles  diffé- 
raient peu  de  la  pellicule  crémeuse  qui  recouvre 
le  lait  peu  de  temps  après  qu'il  est  tiré,  c’est- 
à-dire  du  beurre  mélé  de  quelques  parties  de 
fromage  empreintes  et  imbibées  de  petit  lait. 

D’après  une  pareille  définition  de  la  com- 
position des  pellicules  dont  il  s’agit,  on  est 
tenté  de  croire  que  V enel  ne  les  a jamais  exa- 
minées , complètement  dépouillées  du  fluide 
qui  les  mouille;  car  il  faut  convenir  que  dans 
cet  état  elles  annoncent  plutôt  une  matière 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  71 

membraneuse  divisée  et  suspendue  dans  le 
sérum  , laquelle , en  se  rapprochant , produit 
un  corps  très -sensible.  Arrêtons-nous  à la 
manière  dont  ces  pellicules  se  forment , à la 
cause  de  leur  formation  , et  aux  propriétés 
qui  les  caractérisent. 

Formation  des  pellicules. 

Nous  avons  ^xposé  à la  chaleur  du  bain- 
marie  une  livre  de  lait  écrémé.  L’eau  du 
bain  n’était  pas  encore  bouillante  que  la  sur- 
face du  lait  était  déjà  couverte  d’une  pellicule 
mince,  qui  peu  à peu  est  devenue  plus  épaisse. 
Dès  quelle  a paru  avoir  toute  l'épaisseur 
quelle  pouvait  prendre , nous  l’avons  enlevée 
avec,  un  tube  et  mise  aussitôt  dans  une  cap- 
sule remplie  d’eau  distillée.  Il  en  a été  de 
même  de  toutes  celles  qui  se  sont  successive- 
ment formées. 

La  séparation  de  ces  pellicules  exige  beau- 
coup d’adresse  et  de  célérité  pour  pouvoir  les 
obtenir  entières  : autrement  elles  se  déchirent, 
se  précipitent  au  fond  du  vaisseau,  s'attachent 
à ses  parois  , et  y forment  des  petits  corps 
qu'on  ne  peut  enlever  qu’en  les  brisant.  Cet 
inconvénient,  que  nous  avons  éprouvé  en 
commençant,  nous  a fait  répéter  plusieurs 
fois  l’opération  : aussi  avertissons- nous  que 
le  lait  dont  nous  allons  parler  a fourni  des 
pellicules  tout  entières,  sans  rien  déposer  au 
fond  de  la  capsule. 

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72  U U Ij  A I T 

Comme  l’expérience  nous  avait  appris  qu  a 
mesure  que  les  pellicules  se  formaient  le  lait 
acquérait  plus  de  densité,  nous  avons,  pour 
lui  conserver  une  grande  fluidité,  essayé  de 
remplacer  par  de  l’eau  distillée  l’humidité  qui 
s’évaporait  : au  moyen  de  cette  addition , le 
vaisseau , qui , au  commencement  de  cette 
opération,  était  plein  de  lait,  s’est  trouvé 
encore  rempli  de  fluide  lorsqu’elle  a été 
terminée. 

A mesure  que  nous  enlevions  les  pellicules, 
on  voyait  le  lait  perdre  de  sa  couleur  blanche. 
Vers  la  fin,  il  fallait  beaucoup  plus  de  temps 
pour  quelles  se  formassent.  Lorsque  nous 
avons  vu  qu’il  n’en  paraissait  plus,  nous  avons 
cessé  l’opération.  La  liqueur  avait  alors  une 
demi  - transparence  ; elle  ne  se  caillebotait  plus, 
ni  avec  les  acides , ni  avec  l’esprit  de  vin  ; sa 
saveur  était  sucrée;  enfin  cette  même  liqueur, 
jetée  sur  un  filtre,  a passé  aussi  transparente 
que  du  petit  lait  clarifié.  Versée  dans  plu- 
sieurs capsules,  elle  s’est  évaporée  spontané- 
ment, et  a donné,  au  bout  de  quelques  jours, 
un  sel  très-blane,  sucré,  parfaitement  sem- 
blable au  sel  essentiel  ou  sucre  de  lait,  dont 
il  sera  question  par  la  suite. 

L’opération  que  nous  venons  de  décrire  a 
été  répétée  sur  du  lait  de  beurre  qui  n’était 
point  aigre  : elle  a offert  un  résultat  parfaite- 
ment semblable. 

Du  lait  pourvu  de  sa  crème,  soumis  à la 


même  expérience,  a donné  des  produits  qui 
n’ont  différé  des  précédens  qu’en  ce  que  les 
premières  pellicules  étaient  onctueuses. 

On  a vu  plus  haut  que  les  pellicules  recueil- 
lies successivemeut  avaient  été  mises  dans 
une  capsule  remplie  d eau  distillée.  Ce  moyen 
nous  a paru  le  seul  propre  à les  dépouiller 
du  lait  qui  y adhérait.  En  répétant  deux  ou 
trois  fois  les  lavages,  nous  sommes  parvenus 
à avoir  ces  pellicules  assez  pures.  Elles  se 
développaient  alors  très- aisément , et  se  pré- 
sentaient sous  la  forme  d’une  espèce  de 
membrane  à demi  transparente,  dune  consis- 
tance telle  quelles  pouvaient  supporter , sans 
se  déchirer,  l’action  du  tube  dont  on  se  servait 
pour  les  étendre.  Nous  croyons  qu’il  serait 
difficile  de  donner  une  meilleure  idée  de  leur 
manière  d etre  qu’en  les  comparant  à la  mem- 
brane qui  tapisse  l’intérieur  de  l’œuf. 

Cause  de  la  formation  des  pellicules. 

Il  parait  vraisemblable  que  le  contact  de 
l’air  extérieur  est  une  condition  essentielle  à 
l’existence  des  pellicules  , puisque  ce  n’est 
jamais  qu’à  la  surface  du  lait  quelles  se  forment , 
et  que,  une  fois  formées,  elles  acquièrent  une 
sorte  de  consistance.  Cette  opinion  se  trouve 
confirmée  par  l’expérience  suivante. 

Nous  mimes  dans  une  bouteille  de  pinte 
une  livre  de  lait  écrémé,  et  cette  bouteille, 


74  U U Tj  A I T 

après  avoir  été  bouchée  avec  un  morceau  de 
liège  traversé  par  une  longue  épingle,  fut  placée 
dans  l’eau  d’un  bain-marie  qu’on  fit  bouillir 
pendant  près  d’une  heure.  De  temps  en  temps 
on  avait  soin  de  retirer  l’épingle  pour  donner 
issue  à l’air  qui  se  dégageait.  La  bouteille 
ayant  été  retirée  du  bain , nous  n’aperçûmes 
pas  que  le  lait  fût  couvert  d’une  pellicule  , 
quoiqu'il  fût  assez  chaud  pour  qu’il  eût  dû 
s’en  former  si  l’opération  avait  été  faite  dans 
un  vaisseau  ouvert.  Mais  dès  qu’on  déboucha 
la  bouteille , nous  vimes  paraître  une  pellicule 
toute  semblable  à celle  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut.  Ce  procédé,  répété  bien  des  fois, 
nous  a toujours  réussi. 

Convaincus,  d’après  cette  seule  expérience, 
que  le  contact  de  l’air  était  nécessaire  pour  la 
production  des  pellicules , nous  avons  essayé 
d’en  hâter  la  formation  , en  mettant  la  surface 
du  lait  en  contact  avec  une  masse  d’air  plus 
considérable.  En  conséquence  on  a dirigé  le 
tuyau  d'un  soufflet  sur  la  surface  d’un  lait 
qu’on  avait  fait  chauffer  : à chaque  coup  de 
soufflet  on  voyait  une  pellicule  se  former.  Le 
moyen  nous  a paru  si  avantageux  que  nous 
y avons  eu  recours  à différentes  reprises  pour 
obtenir  plus  promptement  une  grande  quan- 
tité de  pellicules. 

Cet  effet  est  - il  dû  à l’air  agissant  tout 
entier  sur  la  surface  du  lait  chaud  ? ou  bien 
l’air  ne  contribue  - 1 - il  à la  formation  des 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  'jS 

pellicules  qu’en  fournissant  un  de  ses  principes? 
C’est  ce  qu’il  est  difficile  de  décider.  Nous 
observerons  cependant  qu  il  paraît  vraisembla- 
ble que  l’air  atmosphérique,  dans  cette  cir- 
constance, n’agit  pas  différemment  que  le  gaz 
inflammable , l’acide  carbonique  et  l’air  vital , 
puisque  ces  trois  fluides  aériformes,  renfermés 
dans  des  vessies  terminées  par  un  robinet  de 
cuivre  à étroite  ouverture , ayant  été  dirigés 
successivement  sur  la  surface  d’une  quantité 
de  lait  qu'on  avait  fait  chauffer  exprès , ces 
fluides  n’ont  pas  paru  produire  d’effets  diffé- 
rensdeceux  de  l’air  atmosphéripue  qui  sortait 
d’un  soufflet. 

De  la  nature  des  pellicules. 

Le  lait  séparé  des  pellicules , devenu  assez 
fluide  pour  passera  travers  d’un  filtre,  donne 
lieu  à différentes  questions.  Qu’est  devenue  la 
matière  caseuse?  Les  pellicules  en  sont -elles 
les  débris,  ou  bien  cette  matière  elle  - même 
ne  serait  - elle  pas  produite  par  la  réunion 
subite  de  la  substance  propre  à fournir  les 
pellicules?  C’est  particulièrement  à cette  der- 
nière opinion  que  nous  nous  arrêtons , fondés 
sur  les  expériences  suivantes. 

Les  pellicules,  abandonnées  à elles -memes 
dans  la  capsule  , ont  perdu , en  moins  de 
vingt -quatre  heures,  une  partie  de  leur  con- 
sistance et  de  leur  transparence.  Au  bout  de 
quatre  jours,  le  thermomètre  étant  à seize 


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76  D U L a ï T 

degrés  , elles  étaient  devenues  si  molles  que 
le  moindre  attouchement  suffisait  pour  les 
déchirer;  leau  dans  laquelle  elles  nageaient 
n était  plus  aussi  claire  que  la  veille.  Le 
sixième  jour , elle  exhala  une  odeur  si  fétide, 
qu’on  s’en  aperçevait  à plus  de  dix  pieds  de 
distance  de  la  capsule.  Le  huitième  jour,  la 
surface  de  leau  se  trouvait  recouverte  d’une 
matière  glaireuse  et  putride.  Les  pellicules 
étaient  alors  dans  une  sorte  de  dissolution;  on 
ne  pouvait  plus  apercevoir  leur  forme.  Enfin, 
le  douzième  jour  , l’eau  étant  tout  - à - fait 
évaporée  , il  n’est  plus  resté  dans  la  capsule 
qu  une  très -petite  quantité  de  matière  ino- 
dore, insipide,  insoluble  dans  l’eau,  dans  les 
acides  et  dans  lalcohol. 

Si,  au  lieu  d’abandonner  ainsi  les  pellicules 
à la  décomposition  spontanée , on  les  fait 
sécher , après  toutefois  avoir  eu  soin  de  les 
laver  exactement,  elles  deviennent  jaunâtres, 
sans  perdre  leur  transparence.  Alors  elles  se 
brisent  sous  les  doigts  avec  la  plus  grande 
facilité  : les  acides  sulphurique  et  muriatique, 
peu  concentrés,  ne  paraissent  pas  avoir  d’action 
sur  elles  : l’acide  nitrique  les  colore  en  jaune, 
et  diminue  leur  consistance  sans  les  dissoudre  : 
le  vinaigre  les  attaque  sensiblement  : la  soude 
caustique  , étendue  avec  suffisante  quantité 
d’eau  distillée,  et  aidée  de  la  chaleur,  les 
dissout  entièrement;  cette  dernière  dissolution 
devient  d’un  rouge  foncé. 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  r]rJ 

Ces  mêmes  pellicules,  mises  sur  le  feu  , 
brûlent  en  se  tuméfiant,  et  répandent  une 
odeur  de  corne  brûlée. 

Enfin , lorsqu’on  les  distille  à feu  nu  dans 
une  retorte,  on  obtient  les  mêmes  produits 
que  de  la  corne,  c’est-à-dire  du  phlegme , 
de  l’huile  légère , de  l’ammoniaque  ou  alkali 
volatil , et  de  l’huile  empyreumatique.  Il  reste 
dans  la  cornue  un  charbon  extrêmement  raré- 
fié, qui  s’incinère  avec  la  plus  grande  difficulté. 

Dans  le  nombre  des  propriétés  ci-dessus 
mentionnées , celle  qu’a  la  soude  caustique 
d’attaquer  les  pellicules  , et  de  donner  à la 
dissolution  une  couleur  rouge  foncée,  mérite 
d’être  remarquée. 

Il  paraît  vraisemblable  que  cette  couleur 
est  due  au  carbone  qui  entre  dans  la  com- 
position des  pellicules,  lequel,  séparé  d’abord 
par  la  soude  caustique,  est  ensuite  dissous 
entièrement  par  elle. 

Cette  manière  d’agir  de  la  soude  caustique 
rend  parfaitement  raison  de  la  couleur  rouge 
que  prend  aussi  le  lait  écrémé  ou  non  écrémé  , 
lorsqu’on  les  fait  bouillir  ensemble  : il  n’est 
point  douteux  que,  dans  ce  cas,  la  matière 
propre  à former  les  pellicules  éprouve  de  l’alté- 
ration , et  que  dès  - lors  le  lait  doit  prendre 
une  couleur  rougeâtre. 

On  conçoit,  d’après  cela  , combien  était 
grande  l’erreur  de  ceux  qui,  en  voyant  la 
couleur  rouge  dont  est  question , pensaient 


DU  LAIT 


78 


que  l’alkali  fixe  caustique  avait  le  pouvoir  de 
convertir  le  lait  en  sang;  aussi  la  théorie  sur 
la  sanguification,  qu’on  s’était  hâté  d’établir 
d’après  cette  expérience,  n’est -elle  plus  sou- 
tenable maintenant? 

Au  reste , la  propriété  qu'ont  les  pellicules 
d’étre  attaquables  par  la  soude  caustique,  ne 
leur  appartient  pas  exclusivement  , puisque 
par  la  suite  nous  verrons  cet  alkali  produire, 
d’une  manière  même  encore  plus  marquée  , 
un  pareil  effet  sur  le  sel  ou  sucre  de  lait. 

En  résumant  les  différentes  observations 
que  nous  venons  de  présenter,  il  semble  qu’on 
ne  doit  plus  hésiter  de  regarder  la  matière 
qui  constitue  les  pellicules  comme  étant  parfai- 
tement la  même  que  celle  qui  forme  la  subs- 
tance caséeuse.  Il  parait  aussi  qu’elle  est,  de 
toutes  les  parties  constituantes  du  lait , la 
seule  qui  soit  évidemment  animalisée , puis- 
qu’elle possède  les  propriétés  particulières  des 
substances  animales.  C’est,  en  un  mot,  une 
véritable  matière  plastique  , analogue  à celle 
qui  existe  dans  le  sang,  ainsi  que  dans  d’autres 
humeurs  récrémentitielles. 

Nous  ajouterons  encore , que  toutes  les 
snbstances  qui  ont  la  faculté  de  coaguler  le 
lait,  produisent  en  un  instant  ce  que  le  feu 
et  le  contact  de  l’air  font  insensiblement: 
dans  ce  dernier  cas,  on  n’obtient  jamais  que 
des  pellicules , tandis  que  dans  le  premier  la 
matière  propre  à les  former  successivement , 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  79 

se  rapproche  tout  - à - coup , et  se  réunit  pour 
produire  cette  espèce  de  coagulum  auquel  on 
a donné  le  nom  de  substance  caséeuse. 

Mais  ce  qui  achève  d’établir  l’identité  des 
pellicules  et  de  la  matière  caséeuse,  ce  sont 
les  produits  qu’on  en  obtient  par  1 analyse 
chimique.  Nous  en  rendrons  compte  dans  un 
instant. 

Article  \ I. 

Des  agens  propres  à la  coagulation  du 

lait. 

Il  existe  une  multitude  d’agens  propres  à 
coaguler  le  lait , et  à mettre  sur  - le  - champ 
en  évidence  une  substance  blanche  connue 
des  chimistes  sous  le  nom  de  matière  caséeuse 
ou  fromageuse;  mais  comme  ces  agens  offrent 
chacun  quelques  particularités  , nous  avons 
cru  qu’il  était  utile  de  les  faire  tous  connaître 
successivement  avant  de  nous  occuper  de  l’exa- 
men de  la  matière  caséeuse. 

Coagulation  par  les  acides. 

En  mêlant  deux  gros  d’acide  sulphurique 
affaibli,  avec  une  livre  de  lait  écrémé,  le 
mélange  perd  un  peu  de  sa  fluidité  , et,  si  le 
vaisseau  qui  le  contient  est  placé  dans  une 
température  de  quinze  à seize  degrés,  il  ne 
faut  pas  une  heure  pour  que  la  coagulation 
s’opère.  Le  coagulum , d’abord  très  - mou  , 
acquiert  insensiblement  plus  de  consistance, 


et,  en  l’agitant,  on  voit  surnager  une  sérosité, 
de  couleur  légèrement  citrine , d’une  saveur 
douce  et  agréable. 

On  obtient  de  semblables  résultats , mais 
beaucoup  plus  lentement,  lorsque  le  lait  qui 
en  est  l’objet  se  trouve  pourvu  encore  de  sa 
crème. 

Si,  au  lieu  d’abandonner,  à la  température 
dont  nous  avons  parlé,  le  mélange  de  lait  et 
d’acide  sulphurique , on  l’expose  à la  chaleur 
du  bain -marie  ou  dans  une  étuve,  le  coagu- 
lum  se  manifeste  beaucoup  plus  promptement; 
mais  il  ressemble  parfaitement  au  précédent. 

Si  on  double  la  quantité  d’acide  sulphu- 
rique, en  opérant  à chaud  ou  à froid,  la  coa- 
gulation a lieu  plus  vite  que  lorsqu'on  se  sert 
de  la  première  dose  indiquée.  Le  sérum  et 
la  matière  caséeuse  ont  alors  une  saveur 
aigrelette. 

Porte  - 1 - on  encore  plus  loin  la  proportion 
d’acide  sulphurique  , la  coagulation  s’opère 
presque  sur-le-champ;  mais  le  caillé,  au 
lieu  d’ëtre  mou  et  tremblant , a plus  de  den- 
sité, et  la  séparation  du  sérum  se  fait  aussi 
avec  promptitude.  L’acidité  alors  devient  très- 
sensible  dans  le  sérum  et  dans  la  matière 
caséeuse. 

Tout  ce  qui  vient  d’être  dit  pour  l’acide 
sulphurique  , peut  être  répété  pour  l’acide 
muriatique  ; on  obtient , en  suivant  la  même 
marche,  des  résultats  à peu  près  semblables; 


8i 


H 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE, 
nous  navons  pas  observé,  du  moins,  de  dif- 
férence bien  notable.  . 

L’acide  nitrique  affaibli  agit  de  la  même 
manière;  mais,  lorsqu  il  est  très-  concentré , 
son  action  s’exerce  sur  la  portion  de  lait  qu  il 
touche  d’abord,  avec  une  telle  violence  quilen 
sépare  la  matière  caséeuse , la  racornit  et  la 
jaunit. 

L’acide  phosphorique  se  comporte  de  meme 
que  l’acide  sulphurique  , lorsqu  on  1 emploie 
dans  des  proportions  semblables. 

Le  vinaigre  , ainsi  que  plusieurs  autres  acides 
végétaux  , coagule  le  lait  comme  le  font  les 
acides  minéraux  affaiblis;  mais  nous  avons 
observé  qu’il  fallait  employer  des  proportions 
plus  fortes  pour  réussir  dans  le  même  espace 
de  temps.  La  matière  caséeuse  et  le  sérum 
n’avaient  de  saveur  aigrelette  que  lorsqu’on  met- 
tait plus  de  vinaigre  qu’il  n’en  était  essentiel- 
lement besoin  pour  déterminer  la  coagulation. 

L’action  de  l’acide  carbonique  sur  le  lait  est 
plus  lente  que  celle  des  autres  acides.  Pour 
séparer  la  matière  caséeuse , il  a fallu  faire 
passer  une  très -grande  quantité  de  cet  acide 
à travers  une  livre  de  lait.  Le  caillé  s’est  pré- 
senté sous  la  forme  de  molécules  très  - divisées , 
et  non  pas  en  masse,  comme  avec  les  autres 
acides  ; effet  qu’il  faut  attribuer , sans  doute , 
au  mouvement  continuel  qu’occasionaient  dans 
le  liquide  les  bulles  de  gaz  acide  carbonique 
qui  partaient  du  fond , pour  venir  crever  à la 


F 


82  DULAIT 

surface.  Le  sérum , après  la  coagulation , n’avait 
pas  de  saveur  acide  , mais  il  était  plus  blanc 
que  dans  les  expériences  précédentes. 

Coagulation  par  les  sels  à excès  d’acide. 

Assurés  que  les  acides  minéraux  et  végétaux 
avaient  la  propriété  de  coaguler  le  lait,  nous 
avons  employé  les  sels  appelés  sels  avec  excès 
d’acide  : Je  tartrite  acidulé  de  potasse  , ou 
crème  de  tartre;  l’oxalate  acidulé  de  potasse, 
ou  sel  d’oseille  ; le  sulphate  de  potasse  avec 
excès  d’acide.  Tous  ces  sels  ont  agi  d’une 
manière  plus  ou  moins  marquée  sur  le  lait  : 
tous  l’ont  coagulé;  mais  nous  avons  observé 
que,  pour  que  cette  coagulation  se  fit  com- 
plètement, il  fallait  que  le  lait  fût  presque 
dans  létat  bouillant.  Nous  avons  remarqué 
aussi  que  la  plupart  se  décomposaient  en  se 
séparant  de  la  matière  caséeuse.  Cette  décom- 
position n’a  rien  de  surprenant  lorsqu’on  sait 
que  le  sérum  contient  différens  sels  neutres. 

La  matière  caséeuse  obtenue  par  ces  procé- 
dés, ainsi  que  le  sérum,  avait  peu  ou  point 
de  saveur,  dès  qu'on  n’employait  que  la  quan- 
tité de  sels  indispensable  pour  opérer  la  coa- 
gulation; mais  elle  devenait  plus  sensible  en 
augmentant  la  proportion. 

En  général,  cet  effet  était  très- frappant, 
lorsqu'au  lieu  des  sels  dont  on  vient  de  parler 


X 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  83 

on  se  servait  des  fleurs  de  benjoin  et  du  sel 
volatil  de  succin.  L’odeur  et  la  saveur  parti- 
culières à ces  deux  derniers  acides,  se  mani- 
festaient bien  sensiblement,  même  lorsqu’on 
n en  mettait  que  de  petites  quantités. 

Coagulation  par  les  sels  neutres. 

Dans  le  nombre  des  sels  neutres  qui  ont  agi 
d’une  manière  très -marquée  sur  le  lait,  nous 
citerons  là  plupart  des  sulphates.  Iis  coagulent 
ce  fluide  avec  une  promptitude  singulière; 
mais , pour  que  l’opération  réussisse  , il  con- 
vient d’attendre  que  le  lait  bouille  avant  que 
d’y  jeter  les  sulphates.  Il  y en  a qui  deman- 
dent à être  employés  à plus  forte  dose  que 
les  autres,  et  pour  lesquels  il  faut  moins  de 
chaleur. 

Les  différens  muriates  n’agissent  pas  comme 
les  sulphates.  Le  lait  les  dissout  sans  former 
de  coagulum,  excepté  le  muriate  ammoniacal, 
qui  cependant  n’agit  jamais  d’une  manière 
aussi  complète  c[ue  les  sulphates.  Un  phéno- 
mène singulier,  c’est  qu’au  moment  de  la  coa- 
gulation opérée  par  ce  muriate  il  se  dégage 
une  vapeur  d’ammoniaque  très -sensible. 

On  a aussi  essayé , mais  sans  succès , les 
phosphates  de  potasse,  de  soude  et  de  chaux. 
Il  en  a été  de  même  des  nitrates  de  chaux, 
de  magnésie  , de  potasse  et  de  soude , ainsi 
que  des  acétates  de  potasse  et  de  soude , en 


F 2 


DU  LAIT 


84 

observant  de  n’employer  tous  ces  sels  qu’après 
la  certitude  acquise  de  leur  parfaite  saturation. 

Coagulation  par  le  corps  muqueux. 

Le  corps  muqueux  insipide  et  le  corps 
muqueux  sucré  , coagulent  constamment  le 
lait.  Pour  en  avoir  la  preuve , il  suffit  de  faire 
bouillir  du  lait , soit  avec  de  la  gomme  ara- 
bique en  poudre , soit  avec  de  l’amidon  bien 
lavé,  soit,  enfin,  avec  du  sucre.  Après  quel- 
ques minutes  d’ébullition  on  voit  le  caillé 
se  former  et  prendre  une  consistance  assez 
serrée , sur  tout  si  on  a soin  de  forcer  la  dose 
de  sucre , d’amidon  et  de  gomme.  Il  nous  est 
arrivé  souvent  de  réussir  dans  cette  expé- 
rience , en  employant  quatre  gros  de  gomme 
arabique  sur  huit  onces  de  lait,  tandis  que 
d’autres  fois  il  a été  nécessaire  d’en  mettre 
depuis  quatre  gros  jusqu’à  huit,  sur  la  même 
quantité.  Pareille  chose  est  arrivée  avec  le 
sucre.  En  général , nous  avons  remarqué  qu’il 
fallait  une  plus  grande  quantité  de  sucre  et 
d’amidon  que  de  gomme. 

Le  caillé  produit  par  le  sucre  se  présente 
quelquefois  sous  la  forme  d’une  écume  qui  nage 
à la  surface  du  sérum  : celui-ci,  dans  ce  cas, 
est  très -clair;  sa  saveur  et  sa  consistance  res- 
semblent à un  sirop  ordinaire. 

Quant  à la  matière  écumeuse  dont  on  vient 
de  parler  , elle  se  délaye  très -bien  dans  l’eau, 
et  lui  communique  une  couleur  blanche;  cette 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 


85 


x 


espèce  d’émulsion  se  décompose  aisément  par 
le  repos , et  la  matière  caséeuse  se  sépare  sous 

* la  forme  d’un  sédiment  assez  divisé. 

S 

Coagulation  par  Valcohol. 

C’est  un  des  meilleurs  moyens  auxquels  on 
puisse  avoir  recours  pour  se  procurer  de  la 
matière  caséeuse  très  - promptement  et  en 
grande  abondance  : le  sérum  que  l’on  obtient 
dans  ce  cas  est  tout- à -fait  incolore  ; il  a la 
saveur  de  l’eau-de-vie. 

Quant  à la  matière  caséeuse,  elle  est  tou- 
jours sous  la  forme  de  molécules  assez  divi- 
sées, qui  gagnent  ordinairement  la  partie  infé- 
rieure du  vaisseau.  Sa  saveur  participe  un  peu 
de  celle  du  fluide  dans  lequel  elle  nage  : mais 
il  est  facile  de  l’en  dépouiller,  en  la  lavant 
à plusieurs  reprises  dans  l’eau  distillée  ; alors 
elle  ressemble  assez  bien  à celle  qu’on  sépare 
au  moyen  des  acides. 


Coagulation  par  les  'végétaux. 

Les  plantes  évidemment  acides  coagulent 
fort  bien  le  lait  ; mais  il  faut  en  ajouter  une 
certaine  quantité,  sans  quoi  le  coagulum  n’a 
jamais  une  forte  consistance.  Le  sérum  et  le 
caillé  ne  sont  point  acides  ; on  distingue  seu- 
lement la  saveur  de  la  partie  extractive  des 
végétaux  employés.  La  grande  oseille  et  l’allé- 

F 3 


86 


DU  LAIT 


iuia  nous  ont  paru  produire  l’effet  le  plus 
marqué. 

Parmi  les  plantes  non  acides  que  nous  avons 
cru  devoir  soumettre  à l’expérience,  plusieurs 
de  la  famille  des  rubiacées  ont  été  mises  à 
infuser  et  à bouillir  dans  le  lait  : mais  nous 
avouerons  qu’à  notre  grand  étonnement , il 
n’a  jamais  été  possible  d’en  trouver  une  qui 
opérât  la  coagulation  ; nous  n’en  exceptons 
pas  même  le  caille-lait,  auquel  tous  les  auteurs 
ont  attribué  la  propriété  qui  lui  a donné  son 
nom.  Elle  a été  essayée , comme  ils  le  recom- 
mandent , sans  avoir  pu  obtenir  un  effet  seu- 
lement perceptible,  quoique  nous  ayonsapporté 
dans  cette  expérience  toute  l’attention  dont 
nous  sommes  capables;  il  est  essentiel  de  pré- 
venir que  nous  avons  opéré  d’abord  avec  du 
caille-lait  séché,  ayant  cette  odeur  de  miel 
qui  annonce  sa  bonne  qualité. 

Au  retour  du  printemps,  nous  avons  répété 
sur  le  caille-lait  nouveau  les  expériences  que 
nous  avions  faites,  en  automne,  avec  le  caille- 
lait  desséché  ; et  , comme  les  principes  des 
plantes,  en  général  , varient  à raison  de  l’âge , 
du  sol  et  des  expositions,  nous  avons  eu  l’at- 
tention de  recueillir,  sur  des  terrains  et  à des 
aspects  différens , le  caille-lait  dans  son  pre- 
mier début  de  végétation,  à l’époque  de  la 
floraison  , et  quand  il  est  prêt  de  grainer  : 1 in- 
fusion , la  décoction  , l’eau  distillée  , le  végétal 
lui  même  en  substance  , appliqué , dans  ces  di- 


vers  états  , au  lait  froid  ou  en  ébullition  , n’ont 
opéré  aucune  coagulation  ; ce  qui  nous  autorise 
à prononcer  affirmativement,  que  la  faculté  de 


pareillement  essayé. 

On  sait  que  le  lait  qui  commence  à devenir 


souvent  la  propriété  de  se  cailler  seul , en  moins 
de  six  heures,  lorsqu’on  le  met  sur  le  feu.  On 
conçoit  d’après  cela  que,  si  on  opérait  sur  du 
lait  de  cette  espèce  , il  ne  faudrait  plus  attri- 
buer sa  coagulation  à l’iniluence  du  caille-lait 
qu’on  y aurait  mêlé. 

Une  chose  bien  étonnante,  c’est  que,  depuis 
Dioscaride  jusqu’à  nous , il  ne  se  soir  pas  trouvé 
un  seul  auteur  qui  ait  même  osé  élever  quel- 
ques doutes  sur  la  propriété  du  caille-lait: 
aussi  est -on  en  droit  d’en  conclure  que  tous 
les  auteurs  se  sont  copiés  servilement , et  que 
c’est  ainsi  qu’ils  ont  transmis  une  erreur 
qu’une  seule  expérience  aurait  pr  si  facilement 
détruire.  Que  d’exemples , en  physique  et  en 
chimie,  ne  pourroit-on  pas  citer  de  pareilles 
fautes,  qui  tiennent  à la  même  cause  ! 

Ce  que  ne  produit  pas  le  caille-lait,  les  fleurs 
d’artichaux  et  de  chardon  le  font  d’une  ma- 
nière très-marquée.  Il  suffit  de  mêler  une  in- 
fusion assez  forte  de  ces  fleurs,  ou  même  de 


lait  jaune  qu’au  caille-lait  blanc,  qui  a été 


ancien,  a une  grande  disposition  à se  cailler; 
il  suffit  pour  cela!  de  lui  faire  éprouver  un 
petit  degré  de  chaleur.  Dans  l’été  il  acquiert 


f 4 


les  mettre  en  substance  avec  du  lait,  pour  dé- 
terminer la  coagulation.  Le  caillé  qu’on  obtient 
est  tremblant , peu  serré  , et  par  conséquent 
d’une  consistance  molle;  le  sérum  s’en  sépare 
assez  difficilement  ; il  faut  beaucoup  de  temps 
pour  le  faire  égoutter  complètement;  ni  l’un 
ni  l’autre  n’ont  de  saveur  sensible  , lorsqu’on 
a été  économe  de  ces  fleurs. 

Il  n’est  pas  inutile  d’observer  que,  plusieurs 
chimistes  ayant  assuré  que  la  propriété  recon- 
nue à ces  fleurs,  de  coaguler  le  lait,  était  due 
à un  acide  masqué , nous  avons  fait , pour  le 
découvrir,  plusieurs  expériences  , qui  toutes 
ont  été  sans  succès.  On  peut  présumer  qu’il 
y a d’autres  fleurs  qui  jouissent  de  la  propriété 
de  cailler  le  lait;  cependant  nous  osons  avan- 
cer que  , parmi  celles  que  nous  avons  essayées, 
les  fleurs  de  chardon  seules  ont  produit  l’effet 
que  nous  cherchions.  Mais  une  circonstance 
singulière,  observée  par  Young , et  que  nos  ex- 
périences ont  confirmée,  c’est  que,  si  on  fait 
infuser  ces  fleurs  à l’eau  bouillante  au  lieu 
d’eau  froide  , elles  perdent  entièrement  la  pro- 
priété coagulante,  et  la  possèdent  au  plus  grand 
degré,  si  le  lait  employé  est  très-chaud.  Cette 
observation  suffit  pour  faire  voir  combien  la 
simple  infusion  à chaud  peut  changer  la  vertu 
d’une  plante  quelconque. 

Entre  les  autres  parties  végétales,  soumises 
à l’expérience  , la  noix  de  galle  nous  a paru 
jouir  de  la  propriété  de  séparer  la  matière 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  °9 

caséeuse.  Son  infusion  n’a  pas  produit  d'effet 
sensible.  Mais  , lorsque  nous  avons  fait  bouillir 
deux  gros  de  cette  matière  concassée  avec  huit 
onces  de  lait,  nous  avons  aperçu,  après  quel- 
ques minutes  d’ébullition  , les  morceaux  e 
noix  de  galle  se  ramollir  comme  de  la  résine  , la 
matière  caséeuse  se  séparer  du  sérum,  et  venir 
contracter  avec  la  noix  de  galle  une  sorte  de 
combinaison  , qui  formait  un  corps  adhérent 
à la  spatule  et  filant  à peu  près  comme  de  la 
térébenthine.  Le  sérum  obtenu  par  ce  moyen 
était  coloré  en  jaune,  et,  quoiqu  il  contint  en- 
core de  la  matière  caséeuse , il  était  très- fluide  ; 
dans  cet  état  sa  saveur  participait  beaucoup  de 
celle  de  la  noix  de  galle. 

L’extrait  résineux  de  noix  de  galle,  employé 
de  la  meme  manière , a donné  précisément 
des  résultats  semblables. 

Beaucoup  de  substances  végétales,  astringen- 
tes et  acerbes , ont  été  essayées  , telles  que  le 
sumac,  l’écorce  du  maronier  d’Inde,  le  quin- 
quina , sans  produire  l’effet  coagulant. 

Ce  que  fait  le  corps  muqueux  ou  mucilagi- 
neux,  lorsqu’il  est  pur  et  tel  qu’il  existe  dans 
les  gommes  et  l’amidon , il  ne  le  fait  pas  étant 
combiné  avec  d’autres  principes  : aussi  est -ce 
envain  que  nous  avons  fait  bouillir  dans  du 
lait  la  semence  de  psyllium  , celle  de  lin  , la 
racine  de  guimauve;  ces  substances  ne  produi- 
sent pas  de  coagulation. 


9°  DULAIT 

Coagulation  pat'  les  matières  animales. 

Les  veaux,  les  agneaux,  les  chevreaux  etc. , 
qu’on  tue  avant  qu’ils  aient  pris  d’autre  nour- 
riture que  le  lait  deletirmère,  fournissent  une 
substance  qui  a pour  base  le  lait  caillé , avec 
laquelle  on  fait  ce  qu’on  connaît  vulgairement 
sous  le  nom  de  présure.  Ce  mot  parait  même 
générique  pour  exprimer  tout  ferment  dans  la 
composition  duquel  entre  une  substance  ani- 
male, et  dont  l’usage  est  particulièrement  des- 
tiné à coaguler  le  lait  dans  les  fromageries. 
[Nous  en  indiquerons  la  préparation  dans  la 
troisième  partie  de  cet  ouvrage. 

Les  jeunes  animaux  de  la  classe  des  rumi- 
nans,  ne  sont  pas  les  seuls  qui  puissent  fournir 
une  substance  douée  de  la  vertu  coagulante  ; 
la  liqueur  contenue  dans  l’estomac , l’estomac 
lui-méme,  d’une  foule  d’étres  qui  vivent  de 
chair,  de  poissons,  d’insectes,  de  grains  et 
d’herbes , possèdent  également  cette  vertu  à 
un  degré  assez  intense  pour  qu’on  puisse  quel- 
quefois en  tirer  parti. 

On  a prétendu  que  la  propriété  coagulante 
de  la  présure  dépendait  d’un  acide  à nu  que 
cette  substance  contient  ; mais  il  est  facile  de 
prouver  la  fausseté  de  celte  assertion  , car  un 
mélange  de  présure  et  de  potasse , dans  lequel 
cette  dernière  est  en  excès,  ajouté  à du  lait, 
a produit  un  coagulum  absolument  semblable 
à celui  résultant  des  mêmes  quantité  et  espèce 


; 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  91 

de  lait  auquel  on  avait  ajoute  une  proportion 
égale  de  présure  pure. 

Il  existe  donc  une  multitude  de  substances 
propres  à opérer  la  coagulation  du  lait.  Mais 
ce  phénomène  , pour  l’explication  duquel  on 
a tant  hasardé  de  conjectures , mérite  bien  de 
nous  occuper  aussi  un  instant. 

Du  phénomène  de  la  coagulation. 

Ce  ne  serait  pas  prononcer  d’après  l’expé- 
rience que  de  vouloir  établir , comme  quelques 
chimistes  l’ont  fait,  que  le  principe  coagulant 
est  identique  dans  tous  les  corps  qui  jouissent 
de  celte  propriété. 

Nous  avons  vu  les  acides  des  trois  règnes  , 
soit  à nu,  soit  dans  l’état  de  sels  neutres  ou 
avec  excès  d’acide,  agir  assez  puissamment  sur 
le  lait  et  en  séparer  la  matière  caséeuse  : nous 
avons  vu  les  alkalis , employés  à petite  dose , ne 
pouvoir  détruire  la  propriété  coagulante  de  la 
présure  : enfin , nous  avons  cité  plusieurs  autres 
substances,  également  éloignées  de  l’état  acide, 
opérant  les  mêmes  effets.  Le  sucre,  l’amidon  et 
la  gomme  ne  font  certainement  pas  ici  les  fonc- 
tions d’acide  , puisqu’il  est  démontré  qu’ils  n’en 
contiennent  pas  de  développé , et  que  celui 
qu’on  parvient  à obtenir  avec  eux  est  toujours  le 
produit  d’une  nouvelle  combinaison  qu’on  leur 
a fait  éprouver  : or , assurément , si  les  gommes  et 
le  sucre  ne  contiennent  pas  d’acide  à nu , on  est 


«<(  'Vf» 


9^  DULAIT 

donc  forcé  de  convenir  que  le  principe  coagu- 
lant n’appartient  pas  exclusivement  aux  acides. 

Quand  on  réfléchit  ensuite  à la  manière , plus 
ou  moins  prompte , avec  laquelle  la  matière 
caséeuse  se  sépare  de  la  sérosité  par  l’action  de 
différens  corps  qui  n’ont  entre  eux  aucune 
analogie,  on  aperçoit  bientôt  la  difficulté  d’éta- 
blir une  théorie  satisfaisante  du  phénomène 
de  la  coagulation  ; car,  enfin  , si  le  caillé  n’est 
formé  que  par  la  réunion  de  ces  mêmes  mem- 
branes que  nous  avons  vues  se  séparer  et  se 
condenser  à la  surface  du  lait  qu’on  fait  chauf- 
fer , sans  doute  il  ne  doit  pas  être  aisé  d’ex- 
pliquer comment  l’effet  que  produit  un  acide 
est  aussi  produit  par  d’autres  substances  dont 
les  propriétés  chimiques  semblent  être  diamé- 
tralement opposées. 

Cependant  Sc/ieele  a essayé  de  rendre  raison 
de  la  coagulation  par  le  moyen  des  acides , en 
disant  « que  la  matière  caséeuse  attirait  une 
cc  certaine  quantité  d’acide,  et  que,  la  combi- 
cc  liaison  qui  en  résultait  exigeant  une  beau- 
« coup  plus  grande  quantité  d’eau  que  le  lait 
cc  n’en  porte  avec  lui,  cette  combinaison  devait 
cc  dès -lors  former  un  magma,  qui  ne  pouvait 
cc  plus  rester  en  dissolution.  » 

Une  expérience  que  nous  avons  répétée  plu- 
sieurs fois  avec  succès , et  d’après  laquelle  on 
peut  prouver  que  du  lait  étendu  dans  dix  par- 
ties d’eau  n’est  presque  plus  susceptible  d 'être 
coagulé  par  les  acides  , semble  venir  à l’appui 


1 


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ndre  raison  \ 
acides,  en 
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une  beau- 
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épétée  plu- 

aquelie  on 

flsdur 

tible^tre 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  g3 

de  l’explication  de  Scheele , et  il  faut  avouer 
qu’il  serait  difficile  d’en  donner  une  plus  vrai- 
semblable si  les  acides  étaient  les  seuls  inter- 
mèdes propres  à séparer  la  matière  caséeuse  : 
mais,  quand  on  voit  des  sels  neutres , la  gomme 
et  le  sucre,  opérer  le  même  effet,  il  est  impos- 
sible de  se  contenter  de  la  théorie  de  ce  savant, 
car  ce  serait  envain  qu’on  dirait  que  ces  subs- 
tances, lorsqu’on  les  mêle  avec  du  lait,  s’em- 
parent du  principe  aqueux  qui  constitue  le 
sérum,  et  que  la  matière  caséeuse,  n’en  trou- 
vant plus  suffisamment  pour  être  tenue  en  dis- 
solution , est  obligée  de  se  séparer.  Si  les 
choses  se  passaient  ainsi , il  n’y  aurait  pas  de 
raison  pour  que  tout  sel  soluble  dans  le  lait 
ne  dût  produire  le  même  effet  que  la  gomme, 
le  sucre,  le  sulphate  d’alumine,  etc.  : or,  assu- 
rément le  nitre,  le  muriate  de  soude,  que  le 
lait  dissout  très -bien  et  en  assez  grande  quan- 
tité, ne  déterminent  pas  la  coagulation  de  ce 
fluide.  On  peut  donc  conclure  que  l’explica- 
tion donnée  à cet  égard  ne  saurait  être  admise, 
et  que  la  vraie  cause  de  la  coagulation  du  lait, 
soit  par  les  acides , soit  par  les  autres  subs- 
tances, est  encore  à découvrir.  Nous  ne  dou- 
tons pas  que,  si  une  mort  prématurée  n’avait 
enlevé  Scheele,  au  grand  regret  des  savans  et 
de  sa  patrie,  qu’il  honorait,  ce  chimiste  n’eût 
repris  l’examen  de  cette  matière  vraiment  sin- 
gulière, et  qu’il  n’eût  donné  la  solution  du 
problème  qui  nous  occupe. 


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DU  LAIT 


94 

Une  cîiose  nous  a paru  fort  extraordinaire; 
c’est  de  voir  la  gomme  arabique  et  l’amidon 
coaguler  le  lait,  tandis  que  le  mucilage  de 
racine  de  guimauve,  ainsi  que  celui  de  graines 
de  lin , produisait  un  effet  contraire.  Celte 
différence  ne  dépendrait -elle  pas  de  la  matière 
extractive  combinée  avec  le  mucilage? 

Quels  que  soient,  au  reste  , les  intermèdes 
employés  à la  coagulation  du  lait,  on  voit  que 
leur  action  s’exerce  d’une  manière  plus  ou 
moins  marquée  sur  la  substance  caséeuse.  Les 
uns  agissent  fortement  sur  elle  et  l’expriment, 
pour  ainsi  dire,  en  un  instant;  d’autres,  au 
contraire , lui  conservent  une  sorte  de  mol- 
lesse, qu’elle  ne  perd  qu’après  beaucoup  de 
temps  : dans  l’un  et  l’autre  cas,  la  saveur  du 
sérum,  ainsi  que  celle  de  la  matière  caséeuse, 
présente  des  différences  bien  sensibles.  Cette 
observation  sert  à prouver  qu’il  ne  faut  pas 
employer  indifféremment  tous  les  agens,  lors- 
qu’on veut  coaguler  du  lait  dont  on  a l'inten- 
tion d’examiner  les  produits  , car  on  ne  pour- 
rait acquérir  les  connaissances  qu’on  désire  se 
procurer. 


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raHMSag: 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  9^ 

Article  VII. 

De  la  matière  caséeuse. 

Parmi  les  procédés  employés  à la  coagu- 
lation du  lait,  nous  avons  donné  la  préférence 
à celui  qu’il  était  facile  d’exécuter  sans  intro- 
duire aucun  corps  étranger  dans  ce  fluide. 

Nous  avons  donc  exposé,  à une  température 
de  dix-huit  degrés  environ,  une  certaine 
quantité  de  lait  écrémé  : deux  fois  vingt- 
quatre  heures  après,  nous  nous  aperçûmes 
qu’il  était  parfaitement  coagulé.  Le  coagu- 
lum , qui  avait  une  consistance  molle  et  trem- 
blante , fut  d’abord  mis  à égoutter  sur  un  tamis , 
et  ensuite  soumis  à l’action  d’une  presse,  afin 
d’ôn  séparer  la  totalité  du  sérum  qu’il  conte- 
nait encore;  il  acquit  par  ce  moyen  de  la  soli- 
dité. Les  parties  qui  le  composaient  se  lais- 
sèrent diviser  avec  peine,  et,  en  se  séparant, 
elles  formaient  des  iilatnens  assez  longs  et 
demi  - transparens. 

Cette  substance , ainsi  préparée , est  l’une  des 
parties  constituantes  du  lait  sur  lesquelles  les 
chimistes  se  sont  le  plus  exercés;  mais,  en  réu- 
nissant leurs  expériences , on  voit  que  les  pro- 
duits qu’ils  ont  obtenus  leur  ont  donné  de  la 
composition  de  la  matière  caséeuse  des  idées 
bien  différentes.  Les  uns  l’ont  comparée  au  coa- 
gulum  du  sang , les  autres  à la  gélatine:  ceux-ci 
ont  assuré  que  c’était  une  matière  parenchy- 


f 


96 


DU  L À I T 


¥ 


mateuse,  semblable  à celle  contenue  dans  les 
plantes  émollienies;  ceux-là  lui  ont  trouvé 
beaucoup  de  rapport  avec  la  substance  gluti- 
neuse  : enfin  il  y a des  auteurs  qui  croient 
que  c’est  véritablement  une  substance  lympha- 
tique, analogue  à celle  du  blanc  d’œuf.  ScheeJe , 
et  principalement  le  C.en  Fourcroy , ont  adopté 
cette  opinion  , à laquelle  nous  accordons  d’au- 
tant plus  volontiers  la  préférence,  qu’indépen- 
damment  du  poids  que  lui  donne  l’autorité 
de  ces  deux  savans  chimistes,  elle  se  trouve 
confirmée  par  des  expériences  dont  nous  allons 
présenter  les  résultats. 

Examen  de  la  matière  caséeuse. 


Cette  matière  , obtenue  avec  les  précautions 
indiquées , étant  mise  dans  une  capsule  de  verre , 
placée  au  bain-marie,  s’est  ramollie,  et  peu-à- 
peu  s’est  fondue  assez  complètement  pour  que 
toutes  les  molécules,  divisées,  puis  rapprochées 
et  réunies  , ne  formassent  plus  qu’un  tout  ho- 
mogène. En  continuant  le  même  degré  de  cha- 
leur , la  matière  a perdu  de  sa  blancheur;  elle 
est  devenue  en  même  temps  transparente 
comme  de  la  corne  , et  se  laissait  malaxer  entre 
les  doigts.  Cependant  ce  dernier  effet  n’avait 
lieu  qu’autant  qu’elle  était  chaude,  car,  dès 
quelle  se  refroidissait,  elle  prenait  la  séche- 
resse de  la  térébenthine  cuite. 

La  substance  caséeuse,  amenée  à cet  état, 
peut  se  conserver  très-long-temps  sans  s’altérer. 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  97 

Mais  lorsqu’elle  a été  simplement  soumise  à 
l’action  de  la  presse , sans  en  extraire  toute 
l’humidité,  on  voit,  au  bout  de  quelques  jours, 
sa  surface  se  couvrir  de  petites  taches  livides, 
qui  exhalent  une  odeur  désagréable  ; bientôt 
elle  éprouve  une  sorte  de  décomposition  ana- 
logue à celle  des  substances  animales  ; enfin  , 
par  le  progrès  de  la  putréfaction  , elle  se  rem- 
plit de  vers,  qui  finissent  eux-mêmes  par  périr 
et  ne  laissent  dans  la  capsule  que  les  débris  de 
leurs  dépouilles.  A la  vérité,  pour  arriver  à ce 
dernier  terme,  il  faut  du  temps,  sur  tout  si  le 
vaisseau  dans  lequel  l’opération  se  fait,  est 
exposé  à une  température  moyenne. 

Si , au  lieu  de  se  servir  de  la  matière  caséeuse 
exprimée,  on  emploie  celle  qui  a été  simple- 
ment égouttée  sur  un  tamis  , c’est-à-dire,  qui 
a perdu  spontanément  une  grande  partie  de 
sa  sérosité,  les  phénomènes  de  la  putréfaction 
se  manifestent  plus  tôt , et  l’odeur  qu’exhale 
cette  matière,  lorsque  la  fermentation  putride 
touche  à son  dernier  période,  est  tellement 
fétide  qu’on  la  supporte  difficilement. 

La  potasse  et  l’ammoniaque,  saturés  de  gaz 
acide  carbonique  , traités  avec  la  matière 
caséeuse  nouvelle  et  encore  humide,  l’atta- 
quent et  en  dissolvent  une  partie,  sur  tout  si 
ces  alkalis  ne  sont  pas  étendus  dans  une  trop 
grande  quantité  d’eau.  La  dissolution  est 
décomposable  par  les  acides  ; mais  le  préci- 
pité qui  se  forme  toujours  en  molécules  très- 

G 


98  DU  Ii  A I T 

déliées,  peut  être  redissous  par  une  nouvelle 
quantité  d’acide. 

La  portion  de  matière  caséeuse  qui  n’a  point 
été  attaquée  par  les  alkalis , reste  au  fond  du 
vaisseau  dans  un  état  infiniment  plus  rappro- 
ché qu’il  n’était  auparavant. 

Le  contraire  arrive  lorsqu’on  opère  sur  de 
la  matière  caséeuse  desséchée  , et  dans  l’état 
où  nous  avons  dit  qu’elle  était  lorsque  nous 
lui  avons  fait  éprouver,  au  bain-marie,  assez 
de  chaleur  pour  la  fondre  : les  alkalis  alors  la 
ramollissent , mais  n’en  dissolvent  qu’u'ne  petite 
quantité. 

L’ammoniaque  ou  alkali  volatil  caustique  et 
l’eau  de  chaux  ont  aussi  de  l’action  sur  la  ma- 
tière caséeuse  nouvelle  , et  encore  humide  ; 
mais  aucun  agent  ne  parait  l’attaquer  plus  puis- 
samment que  l’alkali  fixe  caustique  , étendu 
dans  suffisante  quantité  d’eau.  11  faut  pour  cela 
employer  assez  de  chaleur  pour  faire  bouillir 
la  liqueur.  On  voit  insensiblement  la  matière 
caséeuse  disparaître  , et  le  fluide  prendre  une 
couleur  d'un  rouge  très-foncé.  11  semble  même 
que  pendant  la  dissolution  il  y a une  sorte  d’ef- 
fervescence, puisqu’on  aperçoit  des  bulles  qui 
viennent  crever  à la  surface  avec  assez  de 
promptitude.  Dans  cette  opération  toute  la 
matière  caséeuse  est  encore  dissoute , et  peut 
être  séparée  de  son  dissolvant  par  le  moyeïi 
d’un  acide.  Le  précipité  qu’on  obtient  dans  ce 
cas  est  d’une  couleur  rouge-noire;  desséché 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  99 

et  mis  sur  les  charbons  ardens,  il  se  décompose 
en  répandant  une  vapeur  analogue  a celle  des 
matières  animales  qui  brûlent. 

Il  n’est  pas  inutile  d’observer  qu’en  faisant 
bouillir  la  matière  caséeuse  avec  de  la  soude 
caustique,  il  se  dégage  de  l’alkali  volatil;  on 
en  est  averti  par  l’odeur  forte  et  pénétrante 
qui  fiappe  vivement  l’organe  de  l’odorat  lors- 
qu’on s’approche  de  l’orifice  de  la  bouteille  où 
se  fait  l’expérience. 

Il  s’exhale  aussi  une  odeur  de  gaz  hydrogène 
fulfuré , lorsqu’on  décompose  avec  un  acide 
la  dissolution  de  la  matière  caséeuse  , opérée 
par  la  soude  caustique.  L’acide  le  plus  faible 
suffit  pour  produire  cet  effet  ; une  lame  d’ar- 
gent, plongée  alors  dans  la  liqueur,  s’y  noircit 
en  très-peu  de  temps. 

Tous  les  acides  minéraux  attaquent  la  ma- 
tière caséeuse , principalement  lorsqu’elle  est 
encore  humide  ; mais  ils  en  laissent  toujours 
une  portion  qui  se  refuse  à leur  action. 

Nous  avons  fait  bouillir,  pendant  une  demi- 
heure  , de  l’acide  sulphurique,  très  - étendu 
d’eau  , avec  de  la  matière  caséeuse  humide  , 
dans  la  vue  d’obtenir  une  dissolution  bien 
saturée  : mais  nos  efforts  ont  été  infructueux; 
la  liqueur  est  restée  constamment  acide.  Comme 
elle  était  laiteuse  , nous  l’avons  filtrée  toute 
bouillante.  D’abord  elle  paraissait  claire  et 
transparente;  mais,  en  se  refroidissant,  elle  se 
troublait  et  laissait  déposer  dans  la  capsule  un 

g 2 


D U 


magma  blanc , que  nous  avons  reconnu  pour 
être  de  la  matière  caséeuse  ; cette  liqueur, 
filtrée  de  nouveau  et  évaporée  à une  douce 
chaleur , s’est  encore  troublée.  En  répétant 
ainsi  les  filtrations  et  les  évaporations,  elle  a 
perdu  toute  la  matière  caséeuse  qu’elle  tenait 
en  dissolution  : il  n’est  plus  resté  dans  la  cap- 
sule que  de  l’acide. 

L’acide  nitreux,  concentré  et  rutilant,  agit 
singulièrement  sur  la  matière  caséeuse  sèche 
ou  humide  : il  la  racornit,  la  jaunit,  et  la 
réduit  insensiblement  à l’état  de  pellicules  assez 
minces , qui  disparaissent  lorsqu’on  met  le 
vaisseau  où  se  fait  l’expérience  sur  un  bain  de 
sable , suffisamment  chaud  pour  faire  bouillir 
l’acide. 

Le  vinaigre  distillé  est , de  tous  les  acides  que 
nous  avons  employés , celui  qui  parait  avoir 
le  plus  d’action  sur  la  matière  caséeuse;  il  la 
dissout  en  entier  , sur  tout  lorsqu’on  la  lui 
présente  dans  l'état  sec  et  réduite  en  poudre 
fine.  Nous  avons  répété  souvent  cette  expé- 
rience , avec  d’autant  plus  de  précautions 
qu’elle  contredit  ce  que  Scheele  a annoncé  au 
sujet  de  cet  acide.  Ce  chimiste  assure  que  le 
vinaigre  n’attaque  qu’imparfaitement  la  matière 
caséeuse,  tandis  que  les  acides  minéraux  la 
dissolvent  toujours. 

Enfin  nous  avons  soumis  à la  distillation 
à feu  nu  une  certaine  quantité  de  matière 
caséeuse , séparée  spontanément  d’un  lait  par- 


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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  ÎOI 


faitement  écrémé,  et  nous  avons  obtenu,  en 
opérant  comme  il  convient,  du  phlegme,  de 
l’huile  légère , de  l’ammoniaque  , de  l’huile 
épaisse  et  une  espèce  de  gaz  inflammable. 
On  a trouvé  dans  le  fond  de  la  cornue  un  char- 
bon très -léger,  qui  a été  incinéré  avec  la  plus 
grande  peine,  et  a donné  une  très-petite  quan- 
tité d’alkali  fixe. 

Nous  n’insistons  pas  davantage  sur  les  autres 
expériences  auxquelles  nous  avons  cru  devoir 
soumettre  la  matière  caséeuse  , attendu  qu’elles 
n’ont  rien  présenté  de  bien  intéressant  dans 
leurs  résultats,  qui,  d’ailleurs,  diffèrent  peu 
de  ceux  insérés  dans  le  mémoire  que  Sclieele 
a publié  sur  le  lait  : nous  nous  bornerons  à 
quelques  observations  sur  sa  nature. 


Nature  cle  la  matière  caséeuse. 


Lorsqu’il  a été  question  des  pellicules  qui 
se  forment  à la  surface  du  lait  chauffé , nous 
avons  dit  que  tout  nous  portait  à croire  que 
ces  pellicules  constituaient  la  matière  caséeuse, 
puisque  dès  l’instant  que  le  lait  cessait  d’en 
fournir,  il  se  trouvait  réduit  à l’état  de  sérum. 

En  comparant  maintenant  les  expériences 
auxquelles  nous  venons  de  soumettre  la  matière 
caséeuse  , avec  celles  qui  ont  eu  pour  objet 
l’examen  des  pellicules,  on  voit  que  les  résul- 
tats obtenus  de  deux  corps  très  - différens  en 
apparence,  sont  si  parfaitement  semblables, 
qu’il  n’est  plus  permis  de  douter  de  leur  iden- 

rr 

G O 


* 


tité.  La  seule  difficulté  qui  nous  arrête , c’est 
de  savoir  pourquoi,  au  moment  de  la  coagu- 
lation du  lait,  toutes  les  pellicules  qui  doivent 
former  le  caillé , viennent  se  coller  les  unes 
aux  autres , plutôt  que  de  se  séparer  par  lames  , 
comme  dans  le  lait  qu’on  fait  chauffer. 

La  séparation  très  - facile  de  la  matière 
caséeuse,  et  la  grande  quantité  qu’on  peut  s’en 
procurer  en  peu  de  temps , nous  ont  mis  à 
portée  de  faire  sur  cette  matière  plus  d'expé- 
riences que  sur  les  pellicules  : il  en  est  plu- 
sieurs sur  lesquelles  il  paraît  nécessaire  d’insis- 
ter , parce  quelles  pourront  servir  à rendre 
raison  de  quelques  phénomènes  que  nous  déve- 
lopperons à l’article  du  sérum. 

De  ce  nombre  est  la  dissolution  incomplète 
de  la  matière  caséeuse  dans  les  acides  miné- 
raux , quoique Scheele  ait  annoncé  le  contraire , 
et  sa  dissolution  complète  dans  le  vinaigre  dis- 
tillé. Mais  il  est  bon  de  remarquer  que  cette 
dissolution  , soit  dans  les  acides  minéraux,  soit 
dans  les  acides  végétaux,  s’exécute  d’autant 
plus  aisément,  qu’on  présente  à ces  acides  la 
substance  caséeuse  dans  l’état  sec , ou  telle 
qu’elle  se  trouve  dans  le  lait  qui  n’a  pas  encore 
été  coagulé,  ou  bien,  enfin,  sous  la  lorme 
de  pellicules. 

Une  autre  observation,  c’est  que  la  disso- 
lution de  la  matière  caséeuse  dans  les  acides 
minéraux,  toute  incomplète  qu’elle  soit,  na 
cependant  lieu  qu’autant  qu’on  emploie  des 


io5 


__ 


K". 


REC ATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

acides  affaiblis  : ce  qui  échappe  à la  dissolu- 
tion se  racornit,  et  acquiert  quelquefois  de  la 
transparence.  Cet  effet  n’arrive  point  avec  le 
vinaigre  distillé,  qui,  ainsi  que  nous  l’avons 
dit,  dissout  en  totalité  la  matière  caséeuse 
sèche. 

Il  convient  de  ne  pas  confondre  l’état  de  la 
matière  caséeuse  séchée  au  bain-marie,  avec 
celui  de  cette  même  substance  racornie  par 
l’action  des  acides  minéraux , car  il  y a une 
très- grande  différence.  La  facilité  avec  laquelle 
celle  qui  n’a  été  que  desséchée  se  laisse  dis- 
, soudre  dans  le  vinaigre , en  est  une  des  preuves 
bien  marquées. 

Les  alkalis  fixes  et  volatils  agissent  sur  la 
matière  caséeuse  , mais  c’est  la  soude  caus- 
tique dont  l’action  est  plus  sensible  : elle  se 
manifeste  par  le  changement  de  couleur  qui 
s’opère  dans  la  dissolution.  Au  reste,  ce  chan- 
gement de  couleur  est  semblable  à celui  dont 
il  a été  question  à l’article  des  pellicules,  et 
dépend  absolument  de  la  même  cause. 

Mais  ce  que  nous  ne  devons  point  passer  sous 
silence,  c’est  l’ammoniaque  ou  alkali  volatil, 
qui  se  développe  lorsqu’on  fait  bouillir  de  la 
soude  caustique  avec  de  la  matière  caséeuse  : 
ce  produit  qui  , à ce  que  nous  croyons  , n’a 
encore  été  entrevu  par  personne,  nous  parait 
avoir  été  formé  pendant  la  dissolution;  et, 
pour  concevoir  sa  formation,  il  suffit  de  savoir 
que,  l’azote  et  le  gaz  hydrogène,  qui  sont  les 

g 4 


3 0-4  DULAIT 

principes  constituans  de  l’ammoniaque  ou 
alkali  volatil,  ainsi  que  l’a  démontré  le  C.'n 
Berlholet , se  trouvant  précisément  dans  la 
matière  caséeuse,  il  ne  s’agit  plus  que  de  les 
mettre  en  contact  pour  quils  donnent  nais- 
sance à l’ammoniaque.  Or,  c’est  précisément 
ce  qui  arrive  toutes  les  fois  qu’on  fait  chauffer 
de  la  matière  caséeuse  avec  de  la  soude  caus- 
tique. Celle  - ci  agit  si  puissamment  sur  la 
matière  caséeuse  , qu’elle  en  opère  sur-le- 
champ  la  décomposition,  et  met  en  évidence 
le  carbone.  Mais,  comme  cette  décomposition 
ne  peut  pas  avoir  lieu  sans  qu’en  même  temps 
l’azote  et  1 hydrogène  qui  étaient  unis  séparé- 
ment au  carbone  soient  forcés  de  l’abandon- 
ner, aussitôt  ils  se  dissipent,  et,  venant  ensuite 
à se  rencontrer,  se  réunissent  et  finissent  par 
former  un  nouveau  corps,  qui,  ppr  sa  volati- 
lité et  son  odeur  forte  et  pénétrante , annonce 
être  une  véritable  ammoniaque. 

Il  n’est  pas , à beaucoup  près , aussi  facile 
d’expliquer  la  formation  du  gaz  hydrogène 
sulfuré,  qu’on  aperçoit  en  décomposant,  à la 
faveur  d’un  acide , la  dissolution  de  la  matière 
caséeuse  dans  la  soude  caustique. 

Nous  avions  d’abord  pensé,  ainsi  que  l’avait 
soupçonné  Scheele , que  cette  matière  pouvait, 
comme  le  blanc  d’œuf,  contenir  du  souffre; 
mais  , les  différentes  expériences  pour  décou- 
vrir ce  corps  ayant  été  infructueuses , nous 
nous  abstiendrons  de  prononcer  sur  la  véri- 


RELATIVEMENT  a la  chimie.  io5 

table  origine  du  gaz  hydrogène  sulfuré , plutôt 
que  de  hasarder  une  théorie  qui  n aurait  pas 
un  certain  nombre  de  faits  pour  base. 

On  a,  sans  doute,  été  étonné  de  voir  qu'en 
rendant  compte  des  expériences  auxquelles  la 
matière  caséeuse  a été  soumise,  il  n’a  point 
été  question  de  celles  que  nous  avons  dû  faire 
pour  obtenir  l'acide  phosphorique , qui , selon 
Schee/e,  existe  dans  cette  matière,  combiné 
avec  une  terre  animale* 

Pour  nous  justifier  du  reproche  qu’on  pour- 
rait nous  faire  à cet  égard , nous  devons  pré- 
venir que,  loin  d’avoir  négligé  de  recourir  aux 
moyens  nécessaires  pour  obtenir  cet  acide , il 
n’y  a pas  , au.  contraire , de  tentatives  que  nous 
n’ayons  faites  pour  constater  son  existence  ; 
nous  ajouterons  même  que  cette  partie  de 
notre  travail  est  celle  qui  nous  a le  plus  coûté 
de  temps  et  de  soins.  On  sera  forcé  d’en  con- 
venir lorsqu’on  saura,  qu’à  différentes  reprises, 
et  toujours  sans  succès,  nous  avons  répété  sur 
la  matière  caséeuse  les  procédés  indiqués  par 
les  auteurs  pour  retirer  l’acide  phosphorique 
des  corps  qui  en  contiennent. 

Il  aurait  été  à désirer  sans  doute , que  Sclieele 
eût  fait  connaître  son  procédé  pour  obtenir 
l’acide  dont  il  s’agit.  Le  silence  qu’il  a gardé 
sur  un  objet  aussi  important,  a tout  lieu  de 
surprendre , et  ferait  presque  soupçonner , si 
d’ailleurs  l’exactitude  de  ce  savant  n’était  pas 
généralement  reconnue , qu’il  a annoncé  l’exis- 


DU  Ii  A I T 


tence  de  l’acide  phosphorique  dans  la  matière 
caséeuse,  non  pas  d’après  des  expériences  qu’il 
avait  faites  pour  la  constater,  mais  bien  à cause 
de  son  intime  conviction  qu’une  matière,  dont 
l’analogie  avec  certaines  substances  animales 
est  incontestable,  devait  nécessairement  conte- 
nir un  acide  semblable  à celui  que  celles-ci 
fournissent  dans  leur  analyse. 

Après  avoir  traité  de  tout  ce  qui  est  relatif 
à la  matière  caséeuse , il  nous  reste  à examiner 
la  troisième  et  dernière  partie  constituante  du 
lait,  c’est-à-dire  le  sérum. 


R T I C L E 


Y 1 I 1. 


Des  sels  contenus  dans  le  sérum. 


Malgré  les  précautions  employées  pour 
séparer  la  matière  caséeuse  du  sérum  , il  en 
reste  toujours  une  certaine  quantité  en  disso- 
lution à la  faveur  des  matières  salines  que  ce 
fluide  contient  : aussi  , lorsqu’on  l’évapore , 
quelque  clarifié  qu’on  le  suppose  , au  lieu  d’ob- 
tenir des  sels,  on  n’a  jamais  qu’un  résidu  vis- 
queux , tenace , qui  refuse  absolument  de 
cristalliser. 

Convaincus  que,  si  on  parvenait  à se  débar- 
rasser entièrement  de  la  matière  caséeuse,  on 
n’éprouverait  pas  l’inconvénient  dont  on  vient 
de  parler  , nous  avons  mis  en  usage  plusieurs 
procédés.  Celui  qui  nous  a le  mieux  réussi 
consiste  à faire  aigrir  le  sérum. 


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KELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  1 °7 

En  effet,  si  on  expose  dans  un  endroit  où  il 
règne  une  température  de  12  à i5  degrés  une 
certaine  quantité  de  sérum  bien  clarifié  , on 
apercevra  qu’au  bout  de  vingt -quatre  heures 
il  commencera  par  perdre  de  sa  transparence 
et  finira  par  se  troubler  entièrement.  On  peut 
alors,  en  le  filtrant,  l’obtenir  clair;  mais  bien- 
tôt il  se  troublera  de  nouveau.  En  continuant 
ainsi  à le  filtrer  à mesure  qu’il  se  trouble  , on 
parviendra  à l’avoir  parfaitement  clair  et  à le 
conserver  dans  cet  état  pendant  plusieurs  jours. 
Alors  il  a une  odeur  et  une  saveur  qui  annon- 
cent sa  conversion  en  acide. 

Nous  aurons  occasion  de  l’examiner  dans  cet 
état  lorsque  nous  traiterons  de  la  fermentation 
acide  du  lait. 

A chaque  filtration  du  sérum,  il  reste  sur  le 
papier  une  matière  blanchâtre  un  peu  vis- 
queuse, qui  n’est  autre  chose  que  de  la  matière 
caséeuse  déjà  un  peu  altérée. 

Plus  le  sérum  devient  aigre,  plus  la  viscosité 
de  cette  matière  augmente;  c’est  ce  dont  nous 
avons  eu  la  preuve  en  comparant  le  produit  de 
la  dernière  filtration  avec  celui  de  la  première. 

Si  on  saisit  l’instant  où  le  sérum  peut  rester 
pendant  quelque  temps  sans  se  troubler , et  qu’on 
l’évapore  au  bain-marie  jusqu’à  consistance  d’un 
syrop  clair,  on  obtiendra  par  le  refroidissement 
et  le  repos  une  matière  saline  blanchâtre , d’une 
saveur  sucrée. 

Lorsque  la  liqueur  ne  cristallise  plus,  on  peut 


c 


10^  DULAIT 

1 évaporer  cîe  nouveau.  Elle  donne  alors  des 
cristaux  moins  blancs  que  les  précédens  et  dont 
la  saveur  n’est  pas  non  plus  aussi  sucrée. 

Une  troisième  évaporation  produit  quelques 
cristaux  confus  , absolument  différens  des  pre- 


miers. 

Enfin , il  reste  une  petite  quantité  de  liqueur 
tenace  et  épaisse  comme  du  miel,  qui  refuse 
obstinément  de  cristalliser.  C’est  une  véritable 
eau  mère. 

Le  sel  obtenu  des  deux  premières  cristallisa- 
tions porte  le  nom  de  sel  ou  sucre  de  lait ; 
comme  il  diffère  des  autres  sels  fournis  par  les 
dernières  cristallisations , nous  allons  l’examiner 
séparément. 

Du  sel  ou  sucre  de  lait. 

Pour  bien  juger  des  propriétés  du  sel  de  lait, 
il  est  nécessaire  d’opérer  de  préférence  sur  celui 
qui  est  purifié. 

Après  avoir  rassemblé  le  sel  provenant  des 
deux  premières  cristallisations  d’une  assez 
grande  partie  de  sérum  passé  à l’aigre , comme 
on  l’a  dit  précédemment,  il  a été  dissous  dans 
une  suffisante  quantité  d’eau  bouillante.  La 
dissolution  filtrée,  évaporée  à une  douce  cha- 
leur et  mise  à cristalliser,  à la  faveur  du  refroi- 
dissement , a donné  des  cristaux  en  paralléli- 
pèdes  rhomboïdaux. 

Une  seconde  cristallisation  a produit  de  nou- 
veaux cristaux  un  peu  moins  blancs. 


mie). 


^ Dne 


■•Nr 
^refuse 


liéres  cristallisa. 
Wre  de  kt; 

Wnis  par  les 
Examiner 

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éî  du  sel  de  lait,  I 
férence  sur  celui  I 


1 Pr0° 

blan^ 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  10g 

Ceux  obtenus  par  les  cristallisations  suivan- 
tes étaient  en  petite  quantité,  mal  configurés 
et  colorés  en  jaune.  La  liqueur  qui  les  a pro- 
duits était  fort  épaisse. 

On  a abandonné  ces  derniers  cristaux  pour 
ne  se  servir  que  des  premiers.  Ils  avaient  une 
saveur  douce  et  légèrement  sucrée.  Leur  so- 
lubilité dans  l’eau  était  peu  considérable  , puis- 
qu’il a fallu  près  de  cinq  parties  de  ce  fluide 
pour  en  dissoudre  une  de  ces  mêmes  cristaux. 

Rouelle  et  Mcu/uer  assurent  qu’à  force  de  les 
purifier  ils  perdent  leur  saveur  sucrée  et  de- 
viennent presque  insipides,  ce  qui  semblerait 
annoncer  que  le  muqueux  sucré  qu’ils  con- 
tiennent leur  est  en  quelque  sorte  étranger. 
Cependant  nous  avons  vu  que  du  sel  de  lait 
qui  avait  été  purifié  quatre  fois , était  encore 
aussi  sucré  que  celui  de  la  première  cristal- 
lisation. 

Exposé  à un  degré  supérieur  à celui  de  l’eau 
bouillante  , le  sel  de  lait  brunit , se  tuméfie , 
et  finit  par  brûler  en  répandant  une  vapeur 
qui  a une  odeur  analogue  à celle  que  donne 
le  corps  muqueux  sucré , traité  de  la  même 
manière. 

Si  on  le  distille  à feu  nu  dans  une  cornue, 
il  donne  aussi  les  mêmes  produits  que  le  sucre . 
et  laisse,  après  la  distillation,  un  charbon  très- 
volumineux  qui  s’incinère  avec  la  plus  grande 
difficulté. 

Traité  avec  l’acide  nitrique,  le  sucre  de  lait 


m, 


1 10 


DU  LAIT 


se  comporte  encore  comme  le  sucre  ordinaire , 
c’est-à-dire  qu’il  se  sépare  du  gaz  nitreux  et 
de  l’azote  ; mais  pour  cela  il  faut  recourir  à 
la  chaleur  et  faire  l’opération  dans  un  appareil 
disposé  de  manière  à pouvoir  recueillir  les  pro- 
duits. 

A mesure  que  l’acide  nitrique  agit,  la  disso- 
lution prend  une  couleur  jaune  plus  ou  moins 
foncée.  En  continuant  le  feu  et  ajoutant  de 
l’acide  sur  la  liqueur,  si  elle  est  trop  épaisse, 
on  la  voit  perdre  de  sa  consistance  et  se  déco- 
lorer. Par  l’évaporation  elle  se  trouble  et  laisse 
déposer  un  sédiment  blanc  en  assez  grande 
quantité. 

Le  fluide  surnageant,  séparé  et  évaporé , puis 
mis  à cristalliser , donne  des  cristaux  d’acide 
oxalique. 

Quant  au  sédiment  séparé  pendant  l’opéra- 
ration,  il  paroit,  d’après  Schee/e , que  c’est  un 
acide  concret  essentiellement  différent  de  l’a- 
cide oxalique,  puisque,  combiné  avec  les  mê- 
mes bases  que  ce  dernier  acide  , il  donne  des 
sels  dont  les  propriétés  ne  ressemblent  pas  à 
celles  des  oxalates.  Scheele , qui  a donné  à cet 
acide  le  nom  de  sachlactu/ue  , a remarqué 
qu’il  se  comportait  au  feu  connue  certains  aci- 
des végétaux.  En  effet,  si  on  le  lait  chauiier 
fortement  dans  une  cornue  , il  commence  par 
se  liquéfier , se  tuméfie  ensuite  , prend  une 
couleur  jaune  et  se  décompose  complètement. 

Les  produits  de  sa  décomposition  sont  du 


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dix 


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Il 


*1 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  1 IV 

phlegme  , quelques  gouttes  d’huile , de  l’hydro- 
gène, enfin  une  matière  concrète  et  acide,  qui 
se  sublime  et  forme  une  légère  incrustation 
dans  le  col  de  la  cornue. 

On  voit , d’après  ce  qui  précède,  que  l’acide 
sachlactique  est  un  acide  tout-à-fait  particulier; 
mais  il  reste  à savoir  si  ce  sel  appartient  essen- 
tiellement au  sucre  de  lait , ou  bien  si  l’acide 
nitrique,  qu’on  prétend  employer  seulement 
pour  l’extraire , ne  le  fabrique  pas  pendant 
l’opération  : en  effet,  par  la  même  raison  que 
l’acide  oxalique,  qu’on  retire  en  même  temps 
que  l’acide  sachlactique,  est  produit  pendant 
l’opération , pourquoi  n’en  serait- il  pas  de  même 
de  l’acide  sachlactique  ? 

Car,  enfin,  si,  pour  produire  un  acide  quel- 
conque , il  ne  faut  que  de  l'oxigène  combiné 
en  quantité  suffisante  avec  une  base  ; si  encore 
le  sucre  de  lait  contient  la  base  de  l’acide 
oxalique,  pourquoi  n’admettrait- on  pas  qu’il 
contint  aussi  celle  de  l’acide  sachlactique  ? Si 
cela  était,  il  n’y  aurait  rien  d’étonnant  que 
l’oxigène  de  l’acide  nitrique,  en  se  séparant  de 
l’azote , et  trouvant  deux  bases  avec  lesquelles 
il  a de  l’affinité,  ne  s’unît  à elles  pour  créer 
deux  acides  tout-à-fait  différens  , c’est-à-dire  , 
de  l’acide  oxalique  et  de  l’acide  sachlactique. 

Nous  devôns  en  convenir  , cette  supposition 
était  celle  que  nous  avions  adoptée  lors  de 
notre  premier  travail  sur  le  lait  : mais,  en  étu- 
diant avec  plus  de  soin  la  manière  dont  l’acide 


.w  kU  


nitrique  se  comportait  avec  le  sucre  de  lait , 
nous  ne  tardâmes  pas  à reconnaître  notre  erreur. 

En  effet  , si  on  examine  ce  qui  se  passe  lors- 
qu’on présente  de  l’acide  nitrique  â du  sucre 
de  lait , et  qu’on  aide  son  action  par  la  chaleur, 
on  remarque  qu’il  n’y  a qu’une  très- petite  quan- 
tité de  cet  acide  qui  soit  décomposée;  ce  dont 
il  est  facile  de  s’assurer,  en  recueillant  avec  soin 
les  gaz  nitreux  et  azote  qui  se  séparent  pendant 
l’opération. 

Si  ensuite  on  répète  la  même  expérience  sur 
du  sucre  ordinaire  , on  parvient  à reconnaître, 
avec  assez  de  précision  , combien  il  faut  de 
sucre  pour  opérer  la  décomposition  d’une  quan- 
tité donnée  d’acide  nitrique,  égale  à celle  qui 
est  décomposée,  lorsqu’on  opère  sur  du  sucre 
de  lait.  En  comparant , après  cela  , le  produit 
en  acide  oxalique  obtenu  dans  les  deux  opéra- 
tions, et  ajoutant  celui  de  l’acide  sachlactique 
qui  se  sépare  lorsqu’on  n’opère  que  sur  le  sucre 
de  lait,  on  arrive  facilement  à former  un  calcul 
dont  le  résultat  porte  à conclure  que  l’acide 
sachlactique  forme  à peu  près  les  deux  tiers 
du  sucre  de  lait,  et  que  /l’autre  tiers  est  du 
sucre  ordinaire. 

Ce  qui  semble  confirmer  l’exactitude  de  ce 
calcul , c’est  que,  si  on  fait  bouillir  dans  suffi- 
sante quantité  d’eau  deux  parties  d’acide  sach- 
lactique avec  une  partie  de  sucre,  on  parvient 
à reformer  du  sucre  de  lait,  ou  au  moins  une 
matière  qui  lui  ressemble  beaucoup  , puisque  > 


tuile  de  ce 
dans  sufli- 
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RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  ll-> 

traitée  comme  le  sel  de  lait , elle  se  comporte 
de  même. 

Il  résulterait  donc  de  ces  expériences  : 

i.°  Que  le  sucre  de  lait  n’est  autre  chose 
qu’une  combinaison  d acide  sachlactique  avec 
la  matière  sucrée  ; 

2.0  Que  c’est  à la  présence  de  cet  acide  sach- 
lactique que  le  sucre  de  lait  doit , et  son  peu 
de  saveur  sucrée , et  son  peu  de  solubilité  dans 
les  fluides  aqueux  ; 

5.°  Que,  toutes  les  fois  qu’on  traite  le  sucre 
de  lait  avec  l’acide  nitrique  , cet  acide  n’agit 
que  sur  la  matière  sucrée,  qu’il  convertit  bientôt 
en  acide  oxalique,  tandis  que  l’acide  sachlacti- 
que, abandonné,  se  sépare  et  vient,  à raison 
de  son  peu  de  solubilité , se  rassembler  sous 
la  forme  d’un  précipité. 

Les  acides  sulpburique  et  muriatique,  affai- 
blis, ne  paraissent  pas  altérer  le  sel  de  lait,  lors- 
qu’ils sont  délayés  avec  une  certaine  quantité 
d’eau  : mais,  concentrés  , ils  agissent  sur  lui 
d’une  manière  très-marquée. 

L’acide  sulpburique,  entr’autres , le  dissout 
avec  facilité,  sur - tout  si  on  place  le  vase  où  se 
fait  l’expérience  sur  un  bain  de  sable  chaud  : 
à mesure  que  la  dissolution  s’opère , la  liqueur 
se  colore,  d’abord  en  rouge,  et  ensuite  en  noir 
très- foncé;  en  poursuivant  la  chaleur  il  s’exhale 
du  mélange  une  odeur  vive  d’acide  sulphureux 
volatil,  qui  ne  cesse  que  lorsque  la  matière  se 
trouve  réduite  à l’état  de  charbon. 


ii 


Le  vinaigre  distillé  dissout  le  sucre  de  lait: 
mais  la  quantité  dissoute  est  toujours  en  raison 
de  l'état  phlegmatique  de  cet  acide. 

Par  l’évaporation  insensible,  cette  dissolution 
donne  de  petits  cristaux , qui  participent  de  la 
saveur  acide  du  fluide  dans  lequel  ils  ont  été 
formés.  En  les  lavant  à plusieurs  reprises  avec 
de  l’eau  , ils  perdent  cette  saveur  et  reprennent 
celle  qui  appartient  au  sucre  de  lait  le  mieux 

Le  lait  est  le  fluide  qui  dissout  une  plus 
grande  quantité  de  sel  de  lait  : nous  avons 
souvent  éprouvé  qu’une  livre  de  lait  bouillant 
pouvait  en  dissoudre  jusqu’à  cinq  onces,  sans 
qu'il  se  formât  le  moindre  dépôt,  même  après 
le  refroidissement  de  la  liqueur.  Ce  n’était  qu’en 
l’évaporant,  et  en  l’exposant  ensuite  dans  un 
lieu  frais,  que  le  sel  se  cristallisait. 

Ce  fait  est  d'autant  plus  important  à remar- 
quer qu’il  sert  à prouver  que,  pour  qu’un  fluide 
ait  de  l'aptitude  à dissoudre  une  substance  sa- 
line en  grande  quantité,  il  ne  suffit  pas  toujours 
qu’il  soit  simple  , mais  que  la  dissolution  peut 
avoir  également  lieu,  et  quelquefois  même  avec 
plus  d avantage , dans  un  fluide  composé,  sur 
tout  lorsque  les  corps  qu’il  contient  ont  une 
certaine  analogie  avec  ceux  qui  entrent  dans 
la  composition  du  sel  à dissoudre. 


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J ' nous  avons 
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Ce  n était  qu’en 

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Ire. 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  Il5 

Des  autres  substances  salines  contenues  dans 

le  sérum. 

Si,  après  avoir  séparé  du  sérum  la  matière 
saline  que  fournissent  les  deux  premières  cris- 
tallisations , on  continue  l’évaporation  , les  sels 
qu’on  obtient  ne  ressemblent  point  au  pre- 
mier, comme  nous  l’avons  déjà  dit;  ce  sont 
de  petits  cristaux  formés  enparallélogrammes , 
ayant  toutes  les  propriétés  qui  caractérisent  le 
muriate  de  potasse  (sel  fébrifuge  de  Sylvius). 

Lorsque  la  liqueur  exposée  dans  un  endroit 
frais  n’a  plus  fourni  de  cristaux,  nous  l’avons 
fait  rapprocher  au  bain-marie  jusqu’à  moitié 
environ  : dans  cet  état  elle  a encore  refusé  de 
cristalliser;  sa  couleur  était  jaune,  sa  saveur 
un  peu  âcre  et  salée;  elle  verdissait  légèrement 
le  syrop  violât;  l’acide  sulphurique  en  déga- 
geait des  vapeurs  d’acide  muriatique.  Enfin, 
par  l’alkali  fixe  il  s’est  fait  un  précipité  blanc; 
ce  qui  nous  porte  à conclure  que  cette  der- 
nière liqueur  ne  contenait  plus  que  du  muriate 
calcaire. 

Prévenus  par  la  lecture  des  ouvrages  des 
chimistes  qui  ont  écrit  sur  le  lait , et  plus  encore 
par  l’odeur  d’ammoniaque  que  laisse  exhaler 
ce  fluide  lorsqu’on  le  fait  bouillir  avec  du 
muriate  d’ammoniaque , nous  nous  attendions 
à rencontrer  de  la  potasse  dans  l’eau  - mère  que 
le  sérum  fournit  ; cependant , quelles  qu’aient 
été  nos  recherches,  nous  n’avons  pu  acquérir 

H 2 


la  preuve  de  l’existence  de  ce  sel.  A la  vérité, 
la  couleur  verte  que  prend  le  syrop  violât  par 
son  mélange  avec  l’eau -mère,  nous  laissait 
encore  quelques  doutes  sur  le  succès  de  nos 
expériences;  mais,  après  avoir  examiné  la  chose 
de  plus  près,  nous  vîmes  que  c’était  au  muriate 
calcaire,  dont  nous  avions  reconnu  l’existence 
dans  l’eau- mère,  qu’il  fallait  attribuer  le  chan- 
gement de  couleur  qui  nous  avait  étonnés  : 
tous  les  chimistes  savent  , en  effet , que  le 
muriate  calcaire  partage  avec  la  potasse  la  pro- 
priété de  verdir  la  teinture  bleue  de  certains 
végétaux. 

Il  parait  donc  qu’on  peut  dire  avec  Rouelle 
que  la  potasse  n’existe  pas  à nu  dans  le  lait  ; 
nous  ajouterons  même  qu’il  est  presqu’impos- 
sible  qu’on  puisse  espérer  de  l’y  trouver. 

En  effet,  si,  comme  on  ne  saurait  en  dou- 
ter, le  sérum  du  lait  contient  du  muriate  cal- 
caire, comment  conçoit -on  que  ce  sel  puisse 
rester  dans  ce  fluide  a cote  de  la  potasse,  sans 
être  décomposé  par  elle  ? 

Dira- 1 -on  que,  dans  le  lait,  l’alkali  doit  être 
sans  actionsur  le  muriate  calcaire,  parce  que 
la  matière  caséeuse  s’oppose  à ce  que  le  jeu 
des  affinités  de  l’acide  muriatique  sur  l’alkali 
puisse  avoir  lieu  ? Mais,  en  admettant  cette 
supposition  , on  serait  au  moins  foicé  de 
convenir  que , lorsqu  on  a séparé  la  matière 
caséeuse  , que  le  lait  est  converti  en  sérum  , 
et  qu’enfin  ce  sérum  a subi  difiéi  entes  opéra- 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  11  7 

tions  pour  arriver  au  point  ou  il  donne  des 
cristaux , il  n’y  a plus  de  raison  pour  que 
l’aïkali  n’exerce  pas  toute  son  action  sur  le 
muriate  calcaire  et  n’en  opère  pas  la  décom- 
position. Alors  on  ne  devrait  trouver  dans  le 
sérum  que  du  muriate  de  potasse  ou  de  soude , 
et  jamais  de  muriate  calcaire. 

Au  reste,  il  est  vraisemblable  que  les  sels 
qu’on  trouve  dans  le  sérum  du  lait , autres  que 
le  sel  de  lait,  ne  sont  pas  parties  constituantes 
essentielles  de  ce  fluide;  nous  pensons,  au 
contraire,  qu’ils  y sont  tout- à -fait;  étrangers, 
et  que  leur  présence  n’est  due  qu’à  des  accidens 
particuliers  , dépendans  de  la  nature  des  ali- 
mens  , des  boissons  administrées  aux  animaux, 
et  des  procédés  employés  à la  coagulation. 

Combien  de  fois  n’est -il  pas  arrivé  aux 
auteurs  qui  ont  tant  insisté  sur  tous  les  sels 
contenus  dans  le  lait,  de  les  y avoir  intro- 
duits eux -mêmes,  sans  s’en  douter,  lorsque, 
pour  le  .coaguler  ou  le  clarifier,  ils  employaient 
la  présure , le  blanc  d’œuf  et  d’autres  substances 
analogues,  qui  toutes  contiennent  de  l’alkali 
ou  des  sels  neutres , ainsi  que  l’analyse  l’a 
démontré  ? 

Si  à du  sérum  , dont  on  a séparé  la  matière 
caséeuse , d’abord  par  la  coagulation  spontanée, 
ensuite  par  la  clarification  avec  le  blanc  d’œuf, 
on  ajoute  une  certaine  quantité  d’eau  de  clrnux, 
il  se  manifeste  sur-le-champ  un  précipité  assez 
abondant.  Ce  précipité , lavé  par  le  moyen  de 

h 3 


LAIT 


l'eau  distillée  . et  me  le  arec  ce  l'acide  $ulpho* 
rique . prend  bientôt  une  couleur  noirâtre  ; 
il  s'en  de^a^e  en  meme  temps  une  odeur  qui  a 
beaucoup  d'analogie  avec  celle  qu'on  remarque 
lorsqu'on  soumet  a '.a  même  expérience  des 
os  leçerement  calcinés,  dont  en  extrait  1 acide 
pbosphorique. 

Avertis  par  cette  odeur , nous  soupçon- 
nâmes que  le  précipité  dont  il  s'acit  conte- 
nait du  phosphate  de  chaux.  Pour  en  avoir  la 
preuve  . nous  mimes  dans  un  creuset  la  tota- 
lité ce  ce  qui  nous  restait  de  ce  précipité  . et 
nous  lui  dm  es  éprouver  assez  de  chaleur  pour 
le  tenir  rox:ge  pendant  dus  d’une  demi  heure. 
Bientôt  sa  couleur  noire  disparut;  niais  ensuite 
nous  vîmes  sa  surface  couverte  d'une  légère 
flamme  bleue,  qui  semblait  <e  séparer  avec 
peine , et  qui  avait  beaucoup  de  rapport  avec 
celle  qu'on  remarque  lorsqu'on  chautïe  forte- 
ment certaine'  substances  qui  contiennent  de 
l'acide  pbosphorique.  Cette  expérience,  il  faut 
l'avouer,  n'est  pas  assez  concluante  pour  pro- 
noncer que  le  sérum  ou  j>etit  lait  contienne  de 
l'acide  pbosphorique  ; mais  au  moins  elle  sem- 
ble annoncer  que,  si  le  lait  contient  de  l'acide 
phosphorique  ou  un  sel  dans  la  composition 
duquel  cet  acide  entre , c'est  plutôt  dans  le 
sérum  qu'il  faut  chercher  a le  découvrir  que 
dans  la  matière  caséeuse,  qui,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit , ne  nous  a jamais  rien  présenté 
qui  put  nous  faire  adopter  l'opinion  de  ScheeU 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  HQ 

sur  l’existence  de  l’acide  phosphorique  dans 
Gette  même  matière  caséeuse. 

Article  IX. 

De  la  fermentation  du  lait. 

Nous  venons  de  déterminer  la  nature  des 
différentes  parties  constituantes  du  lait;  il  s’agit 
à présent  de  savoir  comment  ce  fluide  se  com- 
porte lorsqu’on  l’abandonne  tout  entier  à lui- 
mème. 

Il  est  facile  de  juger,  d’après  ce  qui  a été 
dit , que  le  lait  est  comparable  en  quelque 
sorte  aux  sucs  des  fruits  exprimés  : il  est 
opaque,  doux,  sucré,  nutritif,  et  renferme 
un  sel  essentiel  ; comme  eux , il  se  décompose 
aisément,  et  fournit  des  produits  analogues 
à ceux  du  vin,  c’est-à-dire,  de  l’alcohol  et 
du  vinaigre. 

Nous  étions  d’autant  plus  intéressés  à l’exa- 
miner sous  ce  rapport,  que  , plusieurs  auteurs 
ayant  déjà  parlé  des  qualités  remarquables  qu’il 
acquérait  en  passant  à la  fermentation  spiri- 
tueuse,  nous  pouvions  espérer  de  saisir  quel- 
ques phénomènes  différent  de  ceux  observés 
par  d’autres  chimistes. 

Pour  faciliter  l’intelligence  de  ce  que  nous 
avtms  à dire  sur  cet  objet,  nous  avons  cru 
devoir  diviser  cet  article  en  deux  sections. 
Dans  la  première  il  sera  question  de  la  fermen- 
tation spiritueuse  du  lait;  nous  traiterons  dans 
la  seconde  de  la  fermentation  acide  de  ce  fluide. 

H 4 


120 


DU  LAIT 


Fermentation  spiritucuse. 


On  savait  depuis  long- temps  que  lesTartares 
pouvaient  convertir  le  lait  de  jument  en  une 
sorte  de  vin,  dont  ils  retiraient  ensuite,  par 
la  distillation , un  véritable  alcohol  ; mais  il 
importait  de  savoir  si  le  lait  de  vache  offrirait 
les  mêmes  résultats. 

Avant  d'opérer  sur  ce  dernier  fluide,  nous 
avons  cherché  à nous  procurer  des  renseigne- 
mens  sur  les  procédés  employés  par  les  Tar- 
tares  , afin  de  voir  si  les  memes  procédés 
pourraient  nous  servir,  ou  s’ils  ne  seraient  pas 
susceptibles  de  quelques  rectifications. 

Voici , à cet  égard  , ce  que  nous  avons 
appris  en  consultant  les  ouvrages  de  voya- 
geurs dignes  de  foi,  qui  ont  vu  préparer  le 
vin  et  l’alcohol  de  lait,  et  qui  en  ont  fait  usage 
comme  boisson. 

Le  vase  destiné  à faire  fermenter  le  lait,  est 
fait  avec  de  la  peau  de  cheval  non  tannée , 
mais  très  - durcie  par  la  fumée.  Sa  forme  est 
conique  et  un  peu  triangulaire;  ce  vase  parait 
être  composé  de  trois  morceaux  attachés  à une 
base  circulaire  de  la  même  peau. 

C’est  dans  cette  espèce  d’outre  qu’on  intro- 
duit le  lait  qu’on  veut  faire  fermenter;  on  la 
' remplit  à peu  près  jusqu’aux  trois  quarts,  et 
on  ferme  son  ouverture  avec  une  laniere  faite 
de  la  même  peau  que  celle  qui  a servi  à fabri- 
quer l’outre. 


121 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE. 

Plusieurs  fois  par  jour  on  agite  fortement 
le  vase,  et  de  temps  en  temps  on  1 ouvre  pour 
donner  issue  à l air  qui  tend  à s échapper  du 
fluide. 

Au  bout  de  quelques  jours  le  lait  a déjà 
acquis  une  odeur  et  une  saveur  vineuses. 

On  continue  à l'agiter  jusqu’à  ce  que  l'aci- 
dité soit  devenue  plus  considérable  : alors  on 
6aisit  le  moment  où  cette  acidité  devient  moins 
forte , pour  décanter  la  liqueur  et  la  séparer 
du  magma  qui  s’y  trouve.  On  l’enferme  aussi- 
tôt dans  d’autres  outres,  et  on  s’en  sert  en 
place  de  vin.  Elle  a,  en  effet,  une  saveur 
sensiblement  vineuse;  aussi,  quand  on  en  boit 
une  trop  grande  quantité,  éprouve -t- on  les 
effets  ordinaires  de  l’ivresse. 

Il  paraît,  au  surplus,  que  ce  procédé  n’est 
pas  toujours  celui  qu’emploient  les  habitans 
des  différentes  contrées  de  la  Tartarie.  Par 
• exemple , plusieurs  ajoutent  au  lait  qu’ils  veu- 
lent faire  fermenter  du  lait  qui  a déjà  éprouvé 
la  fermentation  ; d’autres  versent  le  lait  sur  le 
magma  resté  dans  l’outre  après  qu’ils  en  ont 
décanté  celui  qui  est  converti  en  vin  ; quel- 
ques-uns, enfin,  sont  dans  l’usage  d’ajouter 
au  lait  de  la  pâte  aigrie  de  farine  d’orge  ou 
d’avoine  : mais , quel  que  soit  le  procédé 
auquel  on  s’arrête , on  parvient  toujours  à 
obtenir  le  même  résultat,  c’est-à-dire,  une 
espèce  de  liqueur  plus  ou  moins  parfaite,  et 
dont  les  Tartares  retirent  de  l’eau-de-vie. 


/ 


1221 


ï)  U 


L’appareil  dont  ils  se  servent  pour  procéder 
à la  distillation , consiste  en  une  espèce  de 
chaudière  de  fer , placée  sur  un  trépied , sous 
lequel  on  allume  du  feu.  Cette  chaudière, 
remplie  à moitié  de  vin  de  lait,  est  recouverte 
d’une  pièce  de  bois  creuse,  percée  dans  son 
milieu,  et  garnie  d’un  bouchon  qu’on  peut 
mettre  et  ôter  à volonté  ; dans  le  trou  latéral 
on  ajoute  un  tube  de  bois  recourbé,  qui  aboutit 
à un  vase  plongé  dans  de  l’eau. 

On  voit,  d’après  cette  description,  qu’on 
peut  comparer  l’appareil  des  Tartares  à une 
espèce  d’alembic.  En  effet,  la  distillation  s’exé- 
cute comme  dans  un  alembic  ordinaire;  mais, 
parce  qu’on  ne  prend  pas  assez  de  soin  pour  la 
conduire , et  que  pendant  l’opération  il  se  forme 
des  dépôts  au  fond  de  la  chaudière,  qui,  sans 
doute,  y adhèrent  et  brûlent,  il  en  résulte  que 
le  produit  distillé  est  quelquefois  coloré , et 
qu'il  a toujours  une  saveur*  désagréable  d’érn- 
pyreume.  A cet  inconvénient  près,  ce  produit 
est  un  véritable  alcohol  inflammable,  comme 
celui  qu’on  retire  du  vin. 

Nous  avons  répété,  avec  du  lait  de  vache, 
le  procédé  des  Tartares,  en  y faisant  toutefois 
les  corrections  dont  il  était  susceptible. 

Pour  cet  effet  on  a mis  dans  un  tonneau  de 
la  capacité  d’environ  trente  pintes,  vingt-cinq 
livres  de  lait  de  vache  nouvellement  trait.  Après 
avoir  bouché  le  tonneau  il  a été  placé  dans 
une  température  de  quinze  à seize  degrés. 


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| KEL ATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  123 

Plusieurs  fois  par  jour  on  avait  soin  de  l’agiter 
fortement  pendant  quelques  minutes.  Dès  le 
lendemain  nous  nous  aperçûmes  que  lorsqu’on 
le  débouchait  il  se  dégageait  une  certaine 
quantité  de  gaz , qui  s’annonçait  par  un  siffle- 
ment assez  considérable. 

Le  second  jour  la  liqueur  commenrait  à avoir 
une  odeur  et  une  saveur  légèrement  acides. 
Lorsqu’on  l’examinait  avant  de  l’agiter,  on 
voyait  à sa  surface  une  pellicule  crémeuse,  plus 
fluide  cependant  que  celle  qui  se  forme  ordi- 
nairement sur  du  lait  qui  n’aurait  pas  été  agité. 

Le  troisième  jour  le  lait  était  caillé.  La 
matière  caséeuse  se  présentait  sous  la  forme 
de  petits  grumeaux,  mêlés  en  partie  avec  la 
crème.  Le  sérum  était  alors  blanchâtre. 

Le  quatrième  jour  la  liqueur  avait  une  cha- 
leur un  peu  supérieure  à celle  de  l’atmosphère. 
La  sortie  du  gaz  devint  à cette  époque  assez 
abondante  pour  nous  permettre  d’en  recueillir 
sous  des  cloches.  D’après  l’examen  que  nous 
en  fîmes,  nous  reconnûmes  son  analogie  avec 
l’acide  carbonique.  L’acidité  de  la  liqueur  était 
alors  très- considérable. 

Les  choses  ont  continué  à se  passer  de  même 
jusqu’au  vingtième  jour  , que , nous  étant 
aperçus  que  le  lait  avait  une  saveur  décidé- 
ment vineuse , quoique  cependant  un  peu 
aigre , nous  le  fîmes  jeter  sur  un  tamis  de  crin, 
afin  de  séparer  le  fluide  d’avec  le  magma  qui 
s’y  trouvait  mêlé. 


DU  LAIT 


J 24 

Le  fluide  obtenu  par  ce  moyen  était  blan- 
châtre ; par  le  repos  il  est  devenu  à demi 
transparent  : alors  il  a été  décanté  et  mis  dans 
des  bouteilles.  C’était  véritablement  une  sorte 
de  vin , peu  agréable , à la  vérité , mais  cepen- 
dant potable. 

Huit  pintes  de  ce  vin  ont  été  distillées  dans 
un  alembic  de  verre.  La  première  once  de 
liqueur  qui  vint  se  condenser,  était  un  peu 
louche;  son  odeur  avait  quelque  chose  d’acé- 
teux.  Le  second  produit  commença  à prendre 
une  odeur  analogue  à celle  de  leau -de -vie  ; il 
en  avait,  en  effet,  toutes  les  propriétés,  puis- 
qu  il  s enflammait  dès  qu’on  le  faisait  chauffer 
et  qu  on  lui  présentait  la  flamme  d’une  bougie. 

Après  avoir  retiré  ainsi  huit  onces  de  fluide, 
la  distillation  fut  interrompue  et  le  produit 
rectifié.  Par  ce  moyen  nous  eûmes  quatre 
onces  d’alcohol  comparable  à l’alcohol  de  vin. 

Il  n’était  plus  possible,  d’après  un  semblable 
résultat,  de  nier  la  possibilité  de  faire  subir 
au  lait  la  fermentation  spiritueuse;  mais  il  res- 
tait à savoir  si  toutes  les  parties  constituantes 
de  ce  fluide  étaient  nécessaires  à cette  fermen- 
tation. Pour  cela  nous  avons  répété  les  expé- 
riences indiquées  par  quelques  auteurs , et 
nous  avons  eu  la  preuve  que  le  sérum  non 
clarifié  donnait , apfès  la  fermentation  , une 
liqueur  médiocrement  vineuse  et  produisant 
très-peu  d’alcohol  par  la  distillation.  Nous  avons 
observé  encore  que  la  quantité  d’alcohol  était 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  12,5 

moindre  lorsqu’on  faisait  fermenter  du  sérum 
bien  clarifié , tandis  quelle  devenait  plus  con- 
sidérable en  opérant  sur  du  lait  privé  de  sa 
crème,  mais  pourvu  de  sa  matière  caséeuse. 
Enfin,  nous  avons  vu  que,  pour  réussir  à avoir 
du  vin  de  lait  contenant  une  assez  grande 
quantité  d’alcohol , il  fallait  nécessairement 
employer  le  lait  dans  son  intégrité,  cest-à- 
dire , celui  dont  on  n’a  séparé  ni  la  crème  ni 
la  matière  caséeuse. 

Si  maintenant  on  réfléchit  à ce  qui  se  passe 
dans  la  fermentation  du  lait,  on  voit  que  tous 
les  phénomènes  qu’elle  présente  sont  précisé- 
ment les  mêmes  que  ceux  qu’on  observe  dans 
la  fermentation  de  certains  fluides  sucrés.  En 
effet,  l’acide  carbonique  est  un  des  produits 
qui  se  manifestent  les  premiers;  il  se  développe 
ensuite  du  calorique,  en  moindre  quantité,  à 
la  vérité , que  pendant  la  fermentation  du  suc 
du  raisin , mais  assez  sensiblement  pour  qu’on 
puisse  s’en  apercevoir  sans  le  secours  du  ther- 
momètre. 

On  voit  aussi  qu’il  se  forme  à la  surface  de 
la  liqueur  ferme’ntante  une  espèce  de  chapeau, 
qui  s’oppose  à la  dissipation  du  fluide  aéri- 
forme,  le  force  à rester  et  à entrer,  soit  tout 
entier , soit  en  se  décomposant , dans  les  nou- 
velles combinaisons  qui  donnent  naissance 
au  vin. 

Plus  cette  sorte  de  chapeau  est  épaisse , plus 
le  vin  a de  qualité  ; c’est  pour  cela,  sans  doute , 


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que  le  lait  pourvu  de  sa  crème  et  de  sa 
matière  caséeuse  devient  plus  apte  à former 
du  vin  que  celui  qui  manque  d’une  de  ces 
deux  parties. 

Il  parait  encore  qu’il  est  absolument  indis- 
pensable, pour  réussir  à avoir  du  vin  de  lait,  de 
rompre  quelquefois  ce  chapeau,  afin  de  donner 
issue  à l’acide  carbonique  qui  est  en  excès,  et 
de  contribuer  à la  combinaison  de  celui  qui  est 
nécessaire;  c’est  pour  cela  qu’on  prend  la  pré- 
caution d’agiter  plusieurs  fois  par  jour  le  vase 
dans  lequel  le  lait  en  fermentation  est  contenu. 

Le  mouvement  qu’on  imprime  par  ce  moyen 
au  fluide,  imite  celui  que  prend  naturellement 
tout  autre  liquide  qui  subit  la  fermentation. 

On  sait,  en  effet,  que  dans  ce  cas  il  y a 
toujours  un  mouvement  d’ébullition  très-sen- 
sible; souvent  même  ce  mouvement  est  si  vio- 
lent qu’il  expulse  les  corps  qui  lui  opposent 
de  la  résistance. 

Enfin,  on  ne  peut  pas  révoquer  en  doute 
que  le  lait,  pour  être  converti  en  vin,  n’ait 
besoin  de  passer  préalablement  à l’aigre  ; mais 
il  y a une  époque  où  cette  aigreur  semble  dis- 
paraître : aussi  est -ce  là  le  moment  à saisir 
lorsqu’on  veut  soutirer  le  vin  de  lait  et  l’avoir 
potable.  En  le  laissant  plus  long- temps  sur  sa 
lie  l’acide  paraîtrait  de  nouveau,  et  dans  ce 
cas,  au  lieu  de  vin,  on  aurait  une  espèce  de 
vinaigre , ainsi  que  nous  le  dirons  lorsqu’il  sera 
question  de  la  fermentation  acide  du  lait. 


relativement  a la  chimie.  127 

Le  corps  muqueux  sucré,  contenu  dans  le 
sel  de  lait , est  sans  doute  celui  qui  joue  ici 
le  principal  rôle;  c’est,  en  effet,  dans  le  nom- 
bre des  sels  en  dissolution  dans  ce  fluide,  le 
seul  qui  puisse  être  susceptible  de  la  fermen- 
tation vineuse.  Il  y a meme  lieu  de  croire  que 
l’acidité  qui  se  manifeste  dans  le  lait  avant 
qu’il  se  soit  converti  en  vin,  est  plutôt  due 
à la  décomposition  du  sel  de  lait,  qu’à  celle 
d’une  des  autres  parties  constituantes  du  lait, 
qui , étant  d’une  nature  toute  différente  de 
celle  du  corps  sucré,  ne  sont  pas,  comme  lui, 
obligés  d’éprouver  la  fermentation  spiritueuse 
avant  d’arriver  à la  fermentation  acide  : ce  qui 
semble  le  prouver , c’est  que , si  avant  que  la 
fermentation  spiritueuse  se  manifeste  on  cla- 
rifie le  sérum  qui  est  acide , et  qu  on  le  fasse 
évaporer  ensuite  jusqu’à  la  consistance  conve- 
nable, on  voit  le  sel  de  lait  se  cristalliser  au 
milieu  de  ce  fluide  acide  avec  autant  de  facilité 
et  en  aussi  grande  quantité  que  si  on  se  fût 
servi  de  sérum  parfaitement  doux. 

On  se  tromperait  si  on  espérait  pouvoir 
parvenir  à faire  avec  le  lait  un  vin  bien  géné- 
reux. La  quantité  de  corps  muqueux  sucré 
que  contient  le  sel  de  lait  étant  peu  considé- 
rable, on  conçoit  que  la  fermentation  ne  peut 
pas  être  assez  long -temps  continuée  pour  qu’il 
se  forme  beaucoup  de  vin  ; la  sérosité  dans  la- 
quelle le  vin , une  fois  formé , se  trouve  étendu , 
ne  contenant  pas , comme  dans  le  suc  de  raisin  , 


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il 


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128 


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cette  espèce  de  matière  extracto  - résineuse , 
qui  sert  à conserver  la  liqueur  vineuse,  il  doit 
nécessairement  arriver  qua  la  fermentation 
spiritueuse  succède  bientôt  la  fermentation 
acide  : aussi  le  vin  de  lait  est-il  presque  tou- 
jours acide,  et  par  conséquent  inférieur  en 
qualité  à celui  qui  a été  fait  avec  le  suc  des 
fruits. 

Nous  terminerons  cet  article,  en  faisant 
observer  que,  malgré  la  possibilité  de  convertir 
le  lait  en  vin , il  n’est  pas  vraisemblable  qu'on 
songe  jamais  à le  consacrer  à cet  usage,  sur 
tout  ayant  à sa  disposition  d’autres  liquides  dans 
lesquels  le  corps  muqueux  sucré,  et  d’autres 
matières  nécessaires  à la  fermentation,  se  trou- 
veront rassemblés  en  plus  grande  quantité  et 
dans  un  état  d’appropriation  plus  convenable 
qu’ils  ne  le  sont  dans  le  lait.  Il  parait  même 
présumable  que,  si  les  Tartares  font  leur  vin 
avec  le  lait , c'est  qu’ils  ignorent  la  manière 
de  convertir  les  semences  farineuses  en  une 
liqueur  analogue  à celle  que  nous  nous  procu- 
rons lorsque  nous  préparons  la  bière.  Il  serait, 
par  exemple  , avantageux  pour  leurs  intérêts 
de  faire  fermenter  la  farine  de  seigle , qu’ils 
peuvent  se  procurer  aisément  : l’espèce  de  vin 
qu’ils  en  obtiendraient,  serait  de  meilleure  qua- 
lité que  celui  du' lait. 

Au  reste,  en  ne  considérant  le  vin  de  lait 
que  sous  les  rapports  chimiques,  on  voit  que 
ce  fluide  se  comporte  à l’instar  de  ceux  qui 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  129 

contiennent  du  corps  muqueux  sucré,  puis- 
que , comme  eux  , il  est  susceptible  de  subir 
la  fermentation  vineuse  ou  spiritueuse. 


La  première  altération  que  le  lait  éprouve 
après  que  la  crème  a été  élevée  à la  surface , se 
manifeste  par  une  saveur  et  une  odeur  légè- 
rement acides.  Bientôt  cette  saveur  et  cette 
odeur  augmentent;  c’est  alors  que  la  matière 
caséeuse  se  coagule.  Si  on  la  sépare , on 
obtient,  ainsique  nous  l’avons  dit,  un  sérum 
blanchâtre,  qui,  avec  le  temps,  devient  plus 
acide , mais  qui  perd  aussi  peu  à peu  de  son 
opacité.  On  peut , à l’aide  de  la  filtration , 
obtenir  ce  sérum  assez  clair.  Pendant  l’été  il  ne 
conserve  pas  sa  transparence  plus  de  douze 
heures  ; cependant  , après  s’étre  troublé  , il 
s’éclaircit  de  nouveau , et  il  continue  à se 
comporter  ainsi  plusieurs  fois  de  suite , en 
laissant  chaque  fois  un  sédiment  blanchâtre 
et  visqueux.  Enfin , il  arrive  un  moment  où 
il  parait  rester  plus  long  temps  sans  se  troubler. 
C’est  alors  qu’il  est  singulièrement  acide;  aussi 
rougit -il  la  teinture  de  violettes,  et  fait -il 
effervescence  avec  les  alkalis.  Dans  cet  état  il  a 
beaucoup  d’analogie  avec  le  vinaigre  ; il  pourrait 
même,  dans  bien  des  cas,  le  suppléer,  si  d’ail- 
leurs il  ne  tenait  pas  en  dissolution  différentes 
substances , telles  que  de  la  matière  caséeuse  et 
des  sels  neutres  à bases  alkalines  et  terreuses. 


Fermejitation  acèteuse 


1 


» - «f.  Va. 


On  conroit  aisément  que  le  lait  n’a  pu  ac- 
quérir l’acidité  dont  on  vient  de  parler  , sans 
avoir  éprouvé  une  sorte  de  fermentation  ana- 
logue à celle  désignée  sous  le  nom  de  fermen- 
tation acéteuse. 

En  effet , les  phénomènes  qui  se  manifestent 
lors  de  la  fermentation  acide  de  certains  sucs 
de  fruits  avec  lesquels  on  fait  du  vinaigre,  sont 
précisément  les  mêmes  qu’on  remarque  pen- 
dant la  fermentation  acide  du  lait,  avec  cette 
différence  , seulement , qu’ils  sont  un  peu  plus 
lents  à paraître  dans  le  lait , parce  que , sans 
doute , la  nature  de  ce  fluide  retarde  leur  pro- 
duction. 

Une  chose  bien  singulière  , que  nous 
avons  remarquée  plusieurs  fois,  c’est  que  la 
couche  supérieure  du  sérum  qu’on  fait  aigrir 
exprès,  a toujours  très- peu  d’acidité,  tandis 
que  la  couche  inférieure  en  a sensiblement. 
Il  est  vrai  qu’alors  la  surface  de  la  liqueur 
se  trouve  recouverte  d'une  pellicule  qui  fait, 
en  quelque  sorte  , l’office  de  cette  croûte  qu’on 
voit  sur  le  vin  en  fermentation  , et  à laquelle 
on  a donné  le  nom  de  chapeau.  Cette  pelli- 
cule pourroit  bien  netre  due  qu’à  une  com- 
binaison nouvelle,  qui  se  fait  continuellement 
des  parties  constituantes  du  sérum  avec  celles 
de  l’air  atmosphérique  ; combinaison  dont  le 
résultat  est  une  liqueur  qui  tend  continuelle- 
ment à perdre  son  acidité. 

Ce  qui  nous  porte  à penser  ainsi , c’est  que 


• 


r7 

RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  101 

du  sérum  aigre , qu’on  met  dans  une  bouteille 
entièrement  pleine  et  bien  bouchée,  ne  pré- 
sente pas  de  pellicule,  et  reste  aussi  acide  dans 
le  centre  qu’à  sa  surface. 

Nous  avons  remarqué  encore  que  , pour  que 
le  sérum  du  lait  s’aigrit,  il  n’était  pas  néces- 
saire qu’il  absorbât , comme  le  vinaigre  de  vin , 
une  des  parties  constituantes  de  lair  atmos- 
phérique; car  , ayant  disposé  sur  l’orifice  d’une 
bouteille  pleine  de  sérum  une  vessie  remplie 
d’air,  nous  n’avons  pas  aperçu  qu’au  bout  de 
trois  jours  elle  eût  perdu  beaucoup  de  son 
volume , quoique  le  sérum  fût  devenu  très- 
sensiblement  acide. 

Une  autre  preuve  du  peu  d’influence  de  l’air 
atmosphérique  sur  la  conversion  du  lait  en 
acide , est  ce  qui  se  passe , lorsqu’au  lieu  d’é- 
crèmer  le  fluide , on  le  conserve  long-temps  avec 
toute  sa  crème.  Dans  ce  cas,  on  observe  qu’il 
s’aigrit  beaucoup  plus  vite,  et  que  l’acide  qu’il 
fournit  est  aussi  beaucoup  plus  fort.  Or,  si, 
comme  on  n’en  peut  douter,  la  crème  qui 
séjourne  sur  le  lait , y forme  une  couche  assez 
épaisse  pour  que  l’air  atmosphérique  ne  puisse 
pas  la  pénétrer , il  faut  que  la  formation  de 
l’acide  dans  le  lait  soit  tout- à fait  indépendante 
de  l’oxigène  de  l’air  atmosphérique  ; et , d’après 
cela,  on  doit  nécessairement  chercher,  dans  les 
parties  constituantes  du  lait,  celles  qui  peuvent 
fournir  le  principe  acidifiant  dont  il  s’agit. 

Mais  quelles  sont  celles  qui  fournissent  ce 

i 2 


l32 


DU  LAI  T 


principe?  C’est  sur  quoi  il  sera,  sans  doute, 
difficile  de  prononcer.  Comment , en  effet , 
suivre  ce  qui  se  passe  dans  un  fluide  aussi  com- 
posé que  le  lait?  Essayer  de  présenter  une 
théorie  à cèt  égard , sans  avoir  des  expériences 
à l’appui , ce  serait  s’exposer  aux  reproches  que 
méritent  ceux  qui , voulant  tout  expliquer , subs- 
tituent des  suppositions  aux  faits,  sans  s’em- 
barrasser des  objections  qu’on  peut  leur  faire, 
ni  des  erreurs  dans  lesquelles  ils  induisent 
ceux  qui  prononcent  d’après  eux. 

Si,  lorsque  le  lait  a acquis  toute  l’acidité 
dont  on  le  croit  susceptible , on  le  filtre  eï 
qu’on  le  couvre  d’huile , il  se  conserve  pen- 
dant quelque  temps,  sans  s’altérer;  mais.il 
finit  par  se  troubler  et  se  décomposer. 

Nous  avons  bien  des  fois  cherché  à concen- 
trer cet  acide , par  le  moyen  de  la  congélation  , 
dans  la  vue  de  nous  assurer  s’il  se  conserverait 
plus  long -temps. 

A la  vérité,  par  cette  opération,  la  liqueur 
qui  n’a  pas  été  gelée  est  devenue  plus  acide  ; 
mais  en  même  temps  elle  s’est  troublée , et  a 
fini,  comme  celle  qui  n'avait  pas  été  concen- 
trée , par  se  décomposer  entièrement. 

On  a aussi  tenté  de  séparer  l’acide  du  sérum 
par  le  moyen  de  la  distillation  ; mais , cet  acide 
étant  moins  volatil  que  le  vinaigre , la  liqueur 
qui  a passé  avait  seulement  l’odeur  et  le  goût 
légèrement  acides , tandis  que  celle  restée  dans 
la  cornue  était  d’une  acidité  considérable. 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  130 

D’ailleurs , l’acidité  de  cette  liqueur  était  accom- 
pagnée d’une  saveur  particulière  , qui  semblait 
annoncer  que  le  sérum  devait  différer  essen- 
tiellement de  ce  qu’il  était  avant  de  l’avoir 
fait  chauffer. 

En  poussant  plus  loin  la  distillation , nous 
avons  remarqué  que,  l’acide  se  décomposant, 
la  liqueur  prenait  une  couleur  brune,  et 
laissait  déposer  au  fond  de  la  cornue  un  sédi- 
ment brunâtre  et  comme  charbonneux. 

La  difficulté  d’avoir  l’acide  du  sérum  pur, 
avait  déjà  été  remarquée  par  Scheele  : c’est 
pour  cela,  sans  doute,  qu’il  avait  proposé  un 
moyen  tout  différent  de  ceux  employés  jus- 
qu’alors. 

Ce  moyen  consiste  à verser , dans  du  sérum 
aigre,  de  la  chaux  vive  jusqu’à  parfaite  satu- 
ration; à filtrer  ensuite  la  liqueur,  et  à y ajouter, 
peu  à peu , une  solution  d’acide  oxalique. 

La  chaux  quitte  aussitôt  l’acide  du  sérum  , 
pour  s’unir  à l’acide  oxalique , avec  lequel 
elle  a une  plus  grande  affinité  , et  forme  un  sel 
qui , n’étant  pas  soluble , se  précipite  au 
fond  du  vaisseau.  On  filtre  alors  la  liqueur; 
on  la  rapproche  ensuite  en  consistance  de 
miel , et , lorsquelle  est  dans  cet  état , on  y 
mêle  de  l’alcohol  : par  ce  moyen  l’acide  passe 
seul  dans  l’alcohol , et  laisse  en  arrière  les  sels 
qui  lui  sont  étrangers  et  avec  lesquels  il  était 
auparavant  mêlé.  Il  n’y  a plus  que  l’alcohol  à 
séparer.  On  en  yient  aisément  à bout,  en  dis- 

i 3 


DU  LAIT 


i54 

tillant  la  liqueur  dans  une  cornue  ; l’alcohol 
s’évapore  bientôt , et  l’acide  reste  seul. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  cet  acide  , ainsi 
préparé,  n’est  pas  parfaitement  incolore.  Il  a 
toujours  une  teinte  brunâtre,  qui  semblerait 
annoncer  que  le  carbone,  qui  fait  son  radical, 
y est  en  excès. 

Quand  on  le  garde  long  temps , surtout  dans 
des  vaisseaux  mal  bouchés,  il  laisse  déposer 
un  précipité  noirâtre  , qui  est  un  véritable 
charbon.  Si  on  le  filtre,  il  devient  clair  ; mais 
il  ne  tarde  pas  à donner  un  nouveau  précipité. 

Il  est  vraisemblable  qu’à  la  longue  on  par- 
viendrait ainsi  à le  décomposer  complètement. 

Si  on  distille  dans  une  cornue  jusqu  a siccité 
de  l’acide  du  sérum  , il  reste  au  fond  un  vé- 
ritable charbon.  La  liqueur  obtenue  dans  le 
récipient  présente  un  acide  différent  de  celui 
qui  l’a  fournie. 

En  multipliant  les  distillations,  on  parvient 
à le  décomposer  très  promptement. 

Le  produit  qu’on  trouve  alors  dans  le  réci- 
pient, au  lieu  d’être  acide,  présente  une  sorte 
de  liqueur  phlegmatique , ayant  l’odeur  d’em- 
pyreume.  Nous  avons  remarqué  aussi,  qu’à 
chaque  distillation  il  se  séparait,  toujours,  et 
sur  tout  vers  la  lin , une  certaine  quantité  de 
gaz  inflammable. 

L’acide  du  sérum,  obtenu  par  le  procédé  de 
Sclieele , a des  propriétés  différentes  de  celles 
du  vinaigre  ordinaire.  Il  est  facile  d’en  avoir 


I 


j.'yp: 


RELATIVEMENT  A LA  CHIMIE.  i55 

la  preu  ve  , si  on  compare  les  sels  qu’on  obtient 
en  saturant  séparément  les  mêmes  bases  avec 
ces  deux  acides.  Mais  , une  propriété  bien, 
remarquable  de  l’acide  du  sérum  , c’est  de 
décomposer  certains  acétites;  ce  qui  n’arrive- 
rait pas , sans  doute,  si,  ainsi  que  quelques 
auteurs  l’avaient  pensé,  cet  acide  devait  être 
considéré  comme  étant  de  même  nature  que 
celui  du  vinaigre. 

Quoique,  d’après  ce  qui  précède,  il  soit 
bien  démontré  qu'il  existe  entre  l’acide  du 
sérum  et  celui  du  vinaigre  une  différence  essen- 
tielle, il  n’est  pas  douteux  que , dans  bien  des 
cas , ces  deux  acides , sur  tout  pour  les  usages 
économiques , ne  puissent  être  également  em- 
ployés. Il  y a même  lieu  de  croire  qu’ils  sont 
composés  de  principes  absolument  semblables, 
mais  dans  des  proportions  tout-à-fait  différen- 
tes : c’est  à la  différence  de  ces  proportions 
qu’il  faut  attribuer  vraisemblablement  les  pro- 
priétés qui  caractérisent  ces  deux  acides,  et 
qui  empêchent  toujours  qu’on  ne  les  confonde. 
Au  reste , la  facilité  avec  laquelle  l’acide  du 
sérum  laisse  séparer  son  carbone  pendant  la 
distillation , semblerait  déjà  annoncer  qu’il 
contient  plus  de  ce  principe  que  lacide  du 
vinaigre. 


i 4 


DU  LAIT  CONSIDERE 


DEUXIEME  PARTIE. 


Du  lait  considéré  relativement  à la 


médecine. 


/est  au  printemps  et  en  automne  que  le 
lait  réunit  le  plus  de  qualités  ; ce  sont  aussi 
les  deux  saisons  que  l’on  choisit  de  préférence 
pour  en  faire  usage  comme  remède. 

Un  des  grands  moyens  de  perfectionner  le 
lait  et  d’ajouter  à ses  propriétés  générales,  c’est 
non- seulement  de  nourrir  convenablement  les 
animaux  qui  le  fournissent , mais  de  choisir 
encore  , parmi  les  végétaux  destinés  h leur  sub- 
sistance, ceux  dont  l’influence  avantageuse  sur 
ce  liquide  est  plus  marquée.  Rappelons  quel- 
ques faits  relatifs  à ces  moyens,  joignons- y nos 
expériences  ainsi  que  nos  observations  , et 
démontrons  la  nécessité  de  profiter  de  cette 
influence  pour  faire  du  lait  un  véritable  médi- 
cament , ou  pour  donner  à ses  produits  une 
qualité  qui  les  rende  plus  recommandables  et 
plus  immédiatement  utiles  encore  dans  les  dif- 
férens  emplois  auxquels  nous  les  réservons. 


PREMIER. 


Influence  des  alimens  sur  le  lait. 

On  a prétendu  que  le  lait  provenant  d’un 
animal  carnivore  était  plus  sujet  à s’altérer  que 


Z,  Je 

Oe' 

, K t 

i*  f, 


(jepfl»*" 
«ne  chienne 


mensvègéu 


à celui  4e' d 
et  de  ^ 


coassait  ' 


par 


faillit 


même  chie 
la  viande  ci 
alkalescent 
En  laisa 
àftens 
seulement 
sur  la  qi 
s'assurer 
rage  pare 


maux,  et 
autre  ^ 
meilleur 
r*^t  sa 

% 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  1 07 

celui  des  animaux  herbivores;  mais  la  première 
espèce  de  lait,  étant  inconnue  dans  le  com- 
merce, ne  permet  pas  d entreprendre  les  expé- 
riences de  comparaison  indispensables  pour 
établir  cette  différence.  Nous  observerons  seu- 
lement, qu’ayant  eu  occasion  d avoir  du  lait 
d’une  chienne  qu’on  nourrissait  uniquement 
de  viande,  il  ne  nous  a point  paru  que  cette 
assertion  fût  fondée. 

Cependant  Young  assure  qu  ayant  nourri 
une  chienne  pendant  huit  jours  avec  des  ali- 
mens  végétaux , il  a trouvé  son  lait  semblable 
à celui  de  chèvre  ; il  avait  même  plus  de  crème 
et  de  parties  caséeuses  que  le  dernier.  Il  se 
coagulait  très -bien  spontanémeut,  ainsi  que 
par  l’addition  des  substances  coagulantes.  La 
même  chienne  ayant  été  nourrie  ensuite  avec  de 
la  viande  crue,  le  lait  fut  moins  abondant,  très- 
alkalescent,  et  ne  se  caillait  pas  par  le  repos. 

En  faisant  alternativement  passer  les  vaches 
à différens  genres  d’alimens,  nous  n’avions  pas 
seulement  pour  objet  de  connaître  leur  infl  uence . 
sur  la  qualité  du  lait,  il  s’agissait  encore  de 
s’assurer  si , dans  le  cas  d’une  disette  de  four- 
rage pareille  à celle  de  1785,  il  serait  possible 
de  changer  tout-à-coup  la  nourriture  des  ani- 
maux, et  de  les  soumettre  sur-le-champ  à un 
autre  régime  , en  supposant  même  qu’il  fût 
meilleur  que  celui  auquel  ils  étaient  familia- 
risés , sans  que  ce  passage  subit  occasionât 
quelques  désordres  dans  leurs  organes. 


I 


M 


î'-'o  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Le  phénomène  qui  nous  a le  plus  Frappés 
dans  le  cours  de  nos  expériences,  c’est  la  dimi- 
nution très- sensible  des  produits  en  lait  que 
les  vaches  fournissaient  dès  quelles  chan- 
geaient de  nourriture,  et  quoique  celle  qu’on 
leur  subsituait  fût  plus  succulente,  cepen- 
dant l’augmentation  du  lait  ne  se  faisait  aper- 
cevoir que  plusieurs  jours  après  l’usage  du  nou- 
veau régime  ; il  semble  même  qu’au  moment 
où  il  va  donner  aux  différentes  humeurs  les 
propriétés  générales  qui  les  caractérisent,  il 
survient  de  grands  changemens  dans  l’écono- 
mie animale. 


L’espèce  de  révolution  opérée  chez  les  ani- 
maux dont  on  change  brusquement  le  régime, 
avertit  donc  les  nourrices  d’ëtre  circonspectes 
sur  le  choix  de  leurs  alimens  et  sur  la  néces- 
sité de  continuer  l’usage  de  ceux  qui  leur  sont 
le  plus  salutaires , ou  de  n’en  changer  que  gra- 
duellement. Que  les  femmes  apprennent,  pour 
11e  jamais  l'oublier , que  leur  zèle  empressé 
pour  allaiter  leurs  enfans  ne  suffit  pas;  qu’il 
faut  encore,  pour  remplir  les  fonctions  qu’im- 
pose un  devoir  aussi  sacré,  et  ddnt  il  n’appar- 
tient qu’aux  véritables  mères  de  se  bien  acquit- 
ter, écarter  de  leur  régime  tout  ce  qui  peut 
les  déranger,  et  ne  pas  perdre  de  vue  que 
l'analogie  qui  existe  entre  la  manière  de  vivre 
et  le  lait  qui  en  résulte,  est  très -directe. 

On  connaît  cette  observation  de  Borrichius , 
sur  le  lait  d’une  femme,  devenu  amer,  parce 


dont  ceui-ci 
Il  faut  do» 
une  quifltitc  1 
miniiirer  aui 
ce  qui  ne  dot 
malades  souim 


de  (ois  iiam\ 
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sidërables  qi 
grand  regret 
Avouons  -, 
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ff^Ul  * , AaHorV^» 


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devenu  - 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l3g 

que,  vers  la  Fin  de  sa  grossesse,  elle  avait  pris 
de  la  teinture  d’absinthe. 

Une  femme  d’une  constitution  nerveuse  a 
observé  que,  le  jour  où  elle  mangeait  des 
asperges,  l’urine  de  son  nourrisson  avait  l odeur 
qui  caractérise  l’influence  de  ce  végétal. 

On  sait  encore  que  la  saveur  de  la  semence 
de  quelques  ombellifères , et  sur  tout  celle 
d’anis,  se  communique  au  lait  sans  avoir  subi 
de  changement.  Cullen  a observé  que  cette 
semence  , donnée  à des  nourrices  en  forme 
d’assaisonnement,  produit  un  effet  sensible  sur 
leurs  nourrissons  , et  remédie  aux  coliques 
dont  ceux-ci  étaient  affectés. 

Il  faut  donc , lorsqu’on  désire  se  procurer 
une  quantité  constante  de  lait,  continuer  d’ad- 
ministrer aux  animaux  les  mêmes  fourrages; 
ce  qui  ne  doit  pas  être  indifférent  pour  les 
malades  soumis  au  régime  du  lait.  Combien 
de  fois  n’arrive-t-il  pas  que  ce  fluide,  après 
avoir  réussi  pendant  quelques  jours  , produit 
tout-à-coup  du  mal-aise  , des  anxiétés  , si.  con- 
sidérables que  les  malades  sont  forcés  , à leur 
grand  regret,  d’en  abandonner  l’usage? 

Avouons -le;  on  fait  en  général  trop  peu 
d’attention  à la  nature  des  végétaux  destinés  à 
servir  de  nourriture  aux  femelles  dont  le  lait 
doit  ensuite  être  employé  comme  remède.  Il 
n’existe,  à la  vérité,  aucunes  expériences  pré- 
cises à cet  égard  : on  sait  seulement  que  cer- 
taines plantes  communiquent  de  l’odeur,  de  la 


vkjfjK  Av*  ■ v 


:h  , :-k 


TV  l Kl  T V Kï 

oeu'eur  et  oe  'a  saveur  au  Uit  ; mais  il  $Vu 
Ùu:  que  OcVte  U*  lueiUV  Alt  toute  U latitude 
* pwtenùu  lui  ùonner  N O.oi»  d'ailleurs, 
iV  que  nos  e\pet u't\Y>  ont  cotv-rme, 

•:'  AV'*  eiA'-'.AV  N s'il  A AV  v.'*  ' > vloni'é. 
IVîVAUt  v;'-  ' e ïOU  rs  OOnsOVUtltS,  À plusieurs 

v Av'kes  „ s e U vhtvWVe  MV-VA.V'  et  de  ' a ollUVtee 
: >vV  * v'.e  roaniète  ^ eu  former  U hase  de  leur 
tHvurîture  le  Lut  quelle»  ont  fourni  n a jamAis 
eoamteste  Aweene  amertumev 

- Vùkt . , eajee  ,*sy,  U eu  a ttv  vie  même  i 
'V  ose  > y\>t*£rre,  que  les  iardimers  maraî- 
chers. de  t\*r.s  se  gardent  bien  d'administrer 

A-‘.\  v AOV  ' . Ù.'U  ' A VYSUASton  que  Cette  pUnt* 

6àt  Humw  W kà,  Km$  eu  «vous  mêle  jus* 
quà  : rec te  ave*  '.v.  \'ur  avec  le  fourrage  orv . 
luùre  » pwiAwr  wt  tlêcude  * saus  *uvr  remar* 
qp*t  que  le  Uit  fiât  plus  dttgiose  A se  cxMquler 
que  celui  d'une  Autre  v ache  qui  ue  mausseait 
■;M>  de  u mte>  acidulés* 

TVuëwé'xue  Arjyneivv.  Musieurs  plantes  aro* 
vie  ta  taae.'.le  des  labiees.  employa 
' vh:  vvh:-',  tel’,  es  que  a lavande , lasauqe 
et  le  thve.u  <»:  ete  meloes,  en  daYerentes  pro- 
portion*. avec  a neuî r; ture orv  n aire des vache s 
jMièwt  au  mm»  : V»  lût  ut*  pas»  pour  cela, 
aequ  - d odeur  yvirt.ciere  : il  était  seulement 
|lk»  <ta>  et  plus  sueoureruu 

t es*  donc  un  pre  uve  de  cmreqw  toutes 
ss  plantes  artères,  acidulés  ou  Aromatiques, 
rmsse.t  indisoneiement  communiquer  leur 


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Mir  reraar- 
i se  coaguler  I 
ne  mangeait  I 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  141 

amertume,  leur  acidité  ou  leur  arôme  au  lait 
des  animaux  qui  en  sont  nourris.  Cependant  on 
a remarqué  que  les  vaches  qui  broutaient  des 
feuilles  d’arlichaux  , de  chardons,  d absinthe, 
de  tanaisie , donnaient  aussitôt  à leur  lait  une 
amertume  sensible.  Ce  phénomène  n a vraisem- 
blablement lieu,  par  rapport  à ces  dernières 
plantes , que  parce  que  leur  principe  amer 
semble  être  combiné  avec  un  corps  particulier 
qui  est  charié  et  conservé  pendant  la  digestion, 
tandis  que  l'amertume  des  chicoracées  dépend 
d’une  matière  extractive  qui  se  décompose  dans 
l’estomac , et  ne  fournit  plus  , à l'organe  qui 
fabrique  le  lait , que  les  matériaux  de  sa  décom- 
position. 

Nous  voyons  encore  certains  principes  des 
plantes  se  manifester  dans  le  lait  ; tel  est , par 
exemple,  celui  qui  appartient  aux  crucifères: 
on  sait  que  l’alliaire  lui  donne  une  odeur  d’ail, 
et  la  roquette  ce  montant  qu’on  remarque  si 
sensiblement  dans  la  moutarde  et  dans  le 
raifort. 

Quatrième  expérience.  Nous  avons  fait  pren- 
dre, pendant  huit  jours,  une  tète  d’ail,  divi- 
sée et  mêlée  avec  du  son,  à une  vache  nourrie 
d’ailleurs  à l’ordinaire  : l’odeur  de  cette  racine 
bulbeuse  ne  s’est  manifestée  dans  le  lait  qu’à  la 
sixième  traite , et  dès  le  lendemain  du  jour  que 
le  régime  a cessé , l’odeur  d’ail  n’existait  plus. 

Cinquième  expérience.  Après  avoir  rassem- 
blé la  crème  d’un  lait  qui  avait  l’odeur  d’ail , 


142  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

nous  l’avons  soumise  à la  percussion;  le  beurre 
qui  en  est  résulté  a conservé  une  odeur  d’ail 
assez  forte  pour  la  communiquer  à tous  les  mets 
auxquels  ce  beurre  servait  d'assaisonnement. 

Sixième  expérience.  Une  poignée  de  poi- 
reaux, administrée  aux  vaches  , autant  de  lois 
et  de  la  même  manière  que  l’ail,  a présenté 
des  résultats  entièrement  semblables,  pour  le 
lait  et  pour  le  beurre. 

Septième  expérience.  U en  a été  des  oignons 
rouges  et  blancs,  comme  de  l’ail  et  des  poi- 
reaux : le  lait  et  le  beurre  avaient  parfaite- 
ment l'odeur  et  le  goût  de  ces  deux  premières 
plantes. 

Un  fait  qui  parait  bien  étonnant,  c’est  que 
le  lait  ait  besoin  du  contact  de  l’air  pour  mani- 
fester l’odeur  des  plantes  dont  il  vient  d’ètre 
question  ; car  au  sortir  du  pis  de  l’animal  à 
peine  est-elle  sensible  ; mais  on  la  reconnaît 
un  instant  après,  et  elle  ne  fait  qu’augmenter 
à mesure  qu’on  s’éloigne  de  cette  époque. 

Huitième  expérience.  Parmi  les  végétaux  qui 
contiennent  beaucoup  de  matière  colorante, 
plusieurs  ont  été  soumis  à l'expérience.  On 
a commencé  par  la  betterave  rouge  et  jaune. 
Une  vache  , nourrie  en  partie  avec  ces 
racines  pendant  un  mois,  n’a  donné  aucune 
nuance  de  couleur  particulière  au  lait  et  au 
beurre. 

Neuvième  expérience.  Nous  avons  ajouté  au 
fourage  ordinaire  d’une  vache , de  la  garance 


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kelativement  a la  médecine.  >45 

séchée  et  pulvérisée , depuis  deux  gros  jusqu  a 
une  once  : le  sixième  jour  de  ce  régime,  le  art 
a contracté  une  teinte  rougeâtre  ; mais  la  creme 
qui  en  a été  séparée  et  battue  aussitôt,  a donne 
un  beurre  qui  ne  participait  en  aucune  maniéré 

à cette  couleur. 

Un  phénomène  qui  n’a  point  échappe  a nos 
observations,  c’est  que,  pendant  que  la  vache 
faisait  usage  de  la  garance,  et  avant  que  son 
lait  fût  teint , l’urine  quelle  rendait  était  déjà 

fortement  colorée  en  rouge. 

En  donnant  avec  précaution  de  la  garance  à 
plusieurs  vaches , E oung  a remarqué  qu  il  fal- 
lait plus  ou  moins  de  temps  pour  que  le  lait 
fût  teint,  suivant  qu’on  faisait  observer  préa- 
lablement une  abstinence  plus  ou  moins  sou- 
tenue à 1 animal  soumis  a 1 expérience.  Ainsi 
la  couleur  rouge  paraissait  vingt  - quatre 
heures  après , si  la  vache , au  moment  ou 
on  lui  avait  donné  la  garance  mêlée  à du  son  , 
avait  resté  vingt-quatre  heures  sans  prendre 
d’autre  subsistance  ; il  fallait , au  contraire  , 
trente -six  heures  pour  que  le  lait  fût  coloré, 
si  auparavant  la  vache  n’avait  été  que  douze 
heures  sans  manger. 

Mais  une  observation  constante,  c’est  que, 
quand  on  donnait  de  la  garance  cinq  à six 
jours  de  suite , le  lait  conservait  encore  la 
couleur  rouge  sept  à huit  jours  après  qu’on 
avait  supprimé  la  garance. 

Dixième  expérience.  Parmi  les  plantes  cul- 


.•  ■.  ;•  y ” • 


*44  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

tivées  encore  dans  quelques  départemens  de 
la  république  à cause  des  matériaux  quelles 
offrent  à la  teinture,  nous  en  avons  employé 
deux  dont  les  propriétés  sont  aussi  bien  connues 
que  celles  de  la  garance  : l’une  est  la  gaude  ou 
l’herbe  à jaunir,  l’autre  est  le  pastel  ou  vouède. 
Ces  deux  plantes,  séchées,  divisées  et  mêlées 
avec  du  petit  son,  ont  été  administrées  'succes- 
sivement à une  vache  pendant  le  cours  d’une 
décade,  dans  une  proportion  suffisante  pour 
manifester  leur  action  sur  le  lait;  cependant  la 
couleur  ordinaire  de  ce  fluide  n’a  pas  paru 
être  changée  sensiblement. 

Onzième  expérience.  Nous  avons  cherché 
ensuite  à appliquer  séparément  ces  deux  plantes 
à la  crème  dans  la  butirisation  ; mais  le  beurre 
n’a  pris  aucune  nuance  capable  de  caractériser 
leur  action  : d’où  il  suit  que  le  jaune  de  la 
gaude,  et  le  bleu  du  pastel  ou  vouède,  ne 
passent  pas  dans  le  lait , mais  que  ces  deux 
couleurs  sont  détruites  entièrement  par  la 
digestion.  i 

Nous  ne  terminerons  pas  ce.t  article  sans 
faire  mention  d’un  phénomène  assez  singulier, 
relatif  à la  couleur  bleue  que  le  lait  acquiert 
quelquefois  préopinément,  et  c’est  principale- 
ment dans  les  départemens  du  Calvados  et  de 
la  Seine  inlérieure  que  les  vaches  en  four- 
nissent de  cette  espèce  à certaines  époques  de 
l’année. 

La  couleur  bleue  que  ce  fluide  contracte 


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pastel  ou  vouèile,  ne 
if , mais  que  ces  deux 
's  entièrement  par  la 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  14$ 

aJ>rs , est  souvent  si  foncée  qu’on  n’a  pas  balancé 
té  la  comparer  à eelle  du  bleu  de  Prusse.  La 
crème,  en  se  rassemblant,  emporte  avec  elle 
une  partie  de  cette  couleur;  la  teinte  bleue 
diminue,  et  s’affaiblit  d’autant  plus  que  le  lait 
est  mieux  écrémé.  Quelle  peut  être  la  cause 
d’un  semblable  phénomène  ? 

D’abord  nous  l’avions  attribué  à l’existence 
d’un  principe  colorant  de  nature  résineuse, 
que  nous  supposions  avoir  été  extrait  par  le 
travail  de  la  digestion  de  quelques-unes  des 
plantes  dont  les  vaches  avaient  fait  usage  pour 
leur  nourriture.  D’après  cette  supposition  il 
nous  paraissait  facile  d’expliquer  comment  la 
crème,  en  qualité  de  corps  gras,  s’emparait 
facilement  de  ce  principe  et  l’enlevait  au  lait; 
mais,  lorsque  nous  vîmes  que  le  beurre  fourni 
par  la  crème  bleue  était  jaune,  comme  celui 
d une  crème  ordinaire , et  que  le  lait  de  beurre 
était  à peine  coloré  en  bleu,  nous  fumes  obli- 
gés de  renoncer  à cette  explication.  Nous 
présumâmes  ensuite  que  le  phénomène  en 
question  pouvait  avoir  pour  cause  une  mala- 
die particulière,  dont,  sans  doute,  étaient 
affectées  les  vaches  à l’époque  où  elles  com- 
mençaient à donner  du  lait  bleu  : mais  il  fallut 
encore  renoncer  à cette  idée  , lorsque  nous 
apprîmes  qu’à  cette  époque  ces  animaux  jouis- 
saient de  la  meilleure  santé. 

On  voit,  d’après  ce  qui  précédé,  qu’il  reste 
encore  beaucoup  de  recherches  à faire  pour 


T.t; 


dlÊMMg] . 

;•  ■ îtiÉtàdLÉ.. 


l/|6  DU  LAIT  CONSIDÈRE 


connaître  la  véritable  cause  de  la  couleur  bl<jje 
qu’on  remarque  quelquefois  au  lait;  nous  pen- 
sons quelle  ne  pourra  être  découverte  qut 
par  des  observateurs  qui,  placés  sur  les  lieux 
où  les  vaches  fournissent  un  lait  semblable , 
voudront  prendre  la  peine  de  mieux  étudier 
qu’on  ne  l’a  fait  jusqu’à  présent  l’état  de  ces 
animaux,  l’espèce,  la  nature  et  la  quantité  de 
plantes  qui  servent  à leur  nourriture,  et  géné- 
ralement, enfin,  toutes  les  circonstances  qui 
précèdent , accompagnent  et  suivent  l’appari- 
tion, presque  subite,  d’une  couleur  qui,  peut- 
être  , est  moins  due  à l’existence  d’un  principe 


colorant,  qu’à  la  manière  dont  le  lait  réfléchit 
les  rayons  lumineux. 

Au  reste , quel  que  soit  le  résultat  qu’on 
obtienne,  il  passera  toujours  pour  constant  que 
l’usage  du  lait  coloré  en  bleu  ne  saurait  être 
préjudiciable  à la  santé,  puisque  nous  savons 
que,  dans  les  départemens  où  on  le  trouve  le 
plus  communément , quelques  personnes  l’em- 
ploient dans  la  préparation  de  leurs  alimens 
comme  le  lait  ordinaire. 

D’ailleurs,  nous  avons  la  preuve  que  le 
beurre  qu’on  retire  de  la  crème  la  plus  bleue , 
est  parfaitement  semblable,  tant  pour  la  cou- 
leur que  pour  la  saveur  et  la  consistance,  à 
celui  obtenu  de  la  meilleure  crème  connue , 
ensorte  qu’on  ne  peut  attribuer  qu’à  des  craintes 
mal  fondées  ou  à des  préjugés , l’habitude  où  on 
est  encore,  dans  quelques  endroits,  de  regarder 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  347 

cmme  nuisible  un  lait  de  l’espèce  de  celui 
.ont  il  s’agit. 

Douzième  expérience.  Nous  avons  mêlé  une 
pincée  de  poudre  de  safran  avec  du  son  , et 
nous  avons  fait  prendre  un  mélange  semblable 
à la  vache  pendant  plusieurs  jours  : le  lait 
quelle  a fourni  ne  paraissait  pas  plus  jaune; 
mais  le  beurre  qui  est  résulté  de  sa  crème 
avait  une  belle  couleur  jaune , sans  cependant 
participer  à l’odeur  et  à la  saveur  du  safran. 

Ces  expériences,  qu’il  aurait  été  possible  de 
multiplier,  suffisent  pour  confirmer  ce  que 
nous  avons  déjà  avancé , que  toutes  les  plantes 
amères  ne  communiquent  point  leur  amertume 
au  lait  : il  en  est  de  même  de  leur  odeur  et 
de  leur  couleur,  lorsqu’elles  échappent  au  tra- 
vail de  la  digestion  et  passent  ainsi  dans  le 
système  animal.  Mais  il  parait  que , suivant 
leur  nature  , elles  se  portent  sur  les  divers 
principes  qui  composent  les  humeurs.  Si  donc 
l’odeur  et  la  couleur  sont  de  nature  huileuse, 
c’est  le  beurre  qui  se  trouvera  coloré;  ce  sera, 
au  contraire , le  caillé  et  le  sérum  quand  la 
partie  odorante  et  colorante  sera  de  nature 
extractive. 

On  n’est  pas  plus  fondé  à regarder  les  ali- 
mens dont  les  animaux  se  nourrissent  comme 
la  source  de  tous  les  produits  retirés , non- 
seulement  du  lait  , mais  encore  des  autres 
humeurs  animales.  Ces  produits  n’existent  pas 
plus  dans  les  alimens  que  ceux  qui  constituent 


K 2 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

la  lymplie,  la  bile,  le  sang  et  f urine;  c’est  chns 
des  organes  particuliers  qu'ils  se  fabriquen  ; 
les  alimens  n’offrent  que  les  matériaux  propret, 
à leur  décomposition.  Scheele  n’a -t- il  pas 
rencontré  dans  l’urine  des  enfans  une  quantité 
remarquable  d’acide  benzoïque,  quoiqu’ils  ne 
fissent  aucun  usage  de  matières  aromatiques 
ou  herbacées , et  qu’ils  n’eussent  pris  encore 
que  du  lait? 

Les  alimens  n’influent  pas  seulement  sur  la 
nature  des  parties  constituantes  du  lait,  ils  con- 
courent encore  à augmenter  ou  à diminuer  leur 
cohérence  entr’elles  : on  remarque , par  exem- 
ple, que,  dans  la  saison  où  les  vaches  mangent 
abondamment  des  cosses  de  pois,  il  est  plus 
difficile  d’opérer  la  coagulation  artificielle  de 
leur  lait  ; le  sérum  parait  infiniment  plus  gras 
et  d’une  clarification  moins  aisée. 

Il  est  donc  hors  de  doute  que  les  alimens 
ont  une  influence  décidée  sur  la  qualité  du 
lait  ; mais  c’est  à tort  qu’on  a cru  qu’ils  con- 
servaient tous  leurs  caractères  particuliers  dans 
ce  fluide.  Ils  exercent  une  action  plus  ou  moins 
vive  sur  l'estomac  et  les  autres  organes , pour 
augmenter  ou  diminuer  leur  vertu  secrétive. 
C’est  ainsi  que  souvent  du  sel,  ajouté  à des 
fourrages  fades  et  détériorés,  concourt  à rendre 
le  lait  plus  crémeux.  Il  n’y  a assurément  point 
dans  cet  assaisonnement  les  élémens  propres  à 
fabriquer  du  beurre,  du  fromage  et  du  sucre 
de  lait.  Ce  n’est  donc  qu’en  donnant  du  ton 


N 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  *49 

it  de  l’énergie  à toutes  les  parties  organiques, 
ou  en  augmentant  les  forces  vitales,  que  le  sel 
peut  améliorer  le  lait. 

Mais  si  la  qualité  du  lait , indépendamment 
du  cachet  particulier  de  l’animal , est  due  à la 
réunion  des  différens  principes  qui  constituent 
ce  fluide , il  n’en  est  pas  moins  vrai  que  ces 
principes  reçoivent , de  la  part  des  végétaux , 
certains  caractères  en  quelque  sorte  indélébiles. 

Si  les  fourrages  dont  les  femelles  se  nour- 
rissent sont  aqueux  et  insipides , le  lait  qui  en 
proviendra  sera  abondant,  séreux  et  fade;  si, 
au  contraire,  ils  sont  coriaces,  durs  et  fibreux, 
le  lait  sera  moins  abondant  et  moins  agréable. 
Enfin,  tous  les  produits  de  ce  fluide  seront 
plus  ténus  et  plus  parfaits  quand  les  herbages 
auront  de  la  finesse  et  du  parfum. 

Ces  observations  générales,  relatives  à l’in- 
fluence des  alimens  sur  la  qualité  du  lait,  nous 
paraissent  suffisantes  pour  expliquer  pourquoi 
le  meilleur  beurre  et  les  fromages  les  plus  esti- 
més proviennent  du  lait  de  troupeaux  nourris 
dans  les  prairies  composées  de  beaucoup  de 
plantes  fines  et  aromatiques;  pourquoi,  lors- 
que ces  mêmes  plantes  ont  perdu,  par  la  dessi- 
cation, leur  humidité  surabondante  et  une  par- 
tie de  leur  odeur,  elles  n’en  donnent  pas  moins 
aux  femelles  qui  en  sont  nourries  un  lait 
aussi  abondant  en  principes , pour  le  moins , 
que  si  ces  animaux  étaient  au  vert  ; pour- 
quoi, enfin,  les  vaches  qui  paissent  dans  des 

x 3 


l5o  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

lieux  aquatiques  et  ombragés,  fournissent  coin, 
munément  un  lait  moins  bon  que  celles  qui 
vivent  sur  des  pâturages  gras,  mais  élevés  et 
découverts. 

Un  fait  qui  nous  est  bien  connu  , c’est  que  des 
vaches  nourries  dans  un  terrain  fort  aquatique 
ne  rendaient  qu’un  beurre  blanc  trés-mou.  Au 
bout  de  peu  de  jours  que  ces  mêmes  animaux 
furent  conduits  au  bois,  le  beurre  devint  jaune 
et  ferme,  sans  que  la  température  eût  changé. 

En  général,  le  lait  des  animaux  est  meilleur 
quand  ils  paissent  les  plantes  qu’ils  préfèrent, 
et  sur  des  terrains  qui  leur  sont  propres  : ainsi 
la  vache  se  trouve  bien  des  pâturages  succu- 
lens  des  plaines;  la  brebis  se  plaît  sur  les 
endroits  secs,  la  chèvre  dans  les  pays  mon- 
tueux 


Linneus  a publié  dans  une  dissertation  quel- 
ques observations  intéressantes  sur  les  diverses 
plantes  que  chaque  animal  préfère  pour  sa 
nourriture,  et  cette  considération  peut  être 
utile  au  médecin  qui  prescrit  l’usage  du  lait 
de  tel  ou  tel  animal  dans  différentes  saisons; 
mais  elle  est  encore  plus  importante  pour  l’agri- 
culture. C’est  d’après  ce  principe  que  le  fer- 
mier remarquera  si  des  pâturages , pouvant 
nourrir  une  quantité  donnée  de  moutons,  par 
exemple  , ne  peuvent  pas  encore  fournir  la 
nourriture  à un  certain  nombre  de  chèvres , 
etc. , à raison  des  plantes  négligées  par  les  uns 
et  préférées  par  les  autres. 


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RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE. 


On  ne  doit  former  aucun  doute  sur  les  avan- 
ages  qu’il  y aurait  pour  la  prospérité  des  diffé- 
rens  cantons  où  le  beurre  et  le  fromage  sont 
une  branche  considérable  de  commerce,  à n’ad- 
mettre dans  leurs  pâturages  que  les  plantes  les 
plus  propres,  non -seulement  à augmenter  dans 
le  lait  l’un  ou  l’autre  de  ces  deux  produits,  mais 
encore  à les  fournir  toujours  bien  élaborés  et 
dans  le  plus  grand  degré  de  perfection.  Il  n’y  a 
point  en  France  de  température , de  terrain  ni 
d’aspect  qui  ne  réunissent  des  plantes  aroma- 
tiques, sucrées  et  mucilagineuses;  ne  serait -il 
pas  possible  de  les  choisir,  de  les  multiplier, 
et  d’en  régler  les  espèces  en  considération  de 
l’usage  auquel  on  destinerait  les  laitages? 


Article  II. 


Influence  des  mèdicàmens  sur  le  lait. 


La  possibilité  d’accroître  les  propriétés  médi- 
cinales du  lait  par  celles  des  plantes  associées 
avec  le  fourrage  ordinaire  dont  les  femelles  se 
nourrissent) , est  incontestablement  reconnue  ; 
mais  il  nous  manque  une  série  d expériences  et 
d observations  exactes , pour  tirer  de  cet  aperçu 
la  plénitude  des  avantages  qu’on  peut,  en  espérer. 

On  sait  bien  que  certaines  plantes,  telles 
que  la  gtatiole  et  le  thytimale,  que  les  vaches 
rencontreht  disséminées  souvent  dans  les  prai- 
ries, communiquent  à leur  lait  la  vertu  pur- 
gative ; les  médecins  ont  meme  profité  de 


x 4 


V I 

J -A  A'n 


l5a  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

cette  observation  pour  chercher  à modifier^» 
lait  qu’ils  administrent  h leurs  malades  : C/erc 
entr’autres  , dans  sa  lettre  à Pringle,  a très- 
bien  observé  qu’on  parviendrait  ainsi  à rendre 
ce  fluide  médicamenteux  et  propre  à combattre 
certaines  maladies,  si  l’on  avait  toujours  la 
précaution  de  nourrir  les  femelles  avec  une 
plante  plutôt  qu’avec  une  autre. 

Mais  tout  en  cherchant  à rendre  le  lait  plus 
efficace  dans  les  maladies  , il  faut  bien  prendre 
garde  , pour  atteindre  ce  but , d’administrer 
aux  animaux  des  plantes  qui,  par  leur  nature 
ou  leur  quantité,  pourraient  préjudicier  à leur 
santé,  et  les  exposer  à ne  fournir  que  du  lait 
de  mauvaise  qualité  : un  seul  exemple  suffira 
pour  le  prouver. 

Un  médecin  ayant  conseillé  à un  malade  de 
se  mettre  à l’usage  du  lait  d’une  vache  nourrie 
avec  un  fourrage  dont  la  ciguë  formerait  la 
plus  grande  partie,  bientôt  1 animal  maigrit, 
perdit  son  lait  et  mourut.  Sans  doute , on 
aurait  pu  éviter  un  pareil  accident,  en  don^ 
nant  à la  vache  , pour  base  de  sa  nourriture, 
des  herbages  qui,  sans  contrarier  l’influence 
de  la  ciguë  sur  le  lait , auraient  empêché  cette 
plante  de  préjudicier  à sa  santé. 

Il  ne  peut  donc  être  indifférent  d’administrer 
tels  ou  tels  alimens  aux  animaux  dont  le  lait 
est  destiné  à servir  de  médicament  ; mais  on 
ne  doit  pas  perdre  de  vue  non  plus  que  ces 
ali  mena,  avant  de  fournir  les  premiers  maté- 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l55 

nVux  de  ce  fluide,  exercent  une  action  plus 
eu  moins  puissante  sur  1 estomac  et  successi- 
vement sur  les  autres  organes,  et  que,  s’ils 
affaiblissent  l’état  physique,  le  lait  qui  en  pro- 
viendra, loin  d’acquérir  des  propriétés  médi- 
cinales, deviendra  susceptible  d’occasioner  des 
désordres  dans  l’économie  animale. 

Ce  n’est  pas  qu’on  ne  puisse  transmettre  au 
lait  quelques  propriétés  médicamenteuses;  mais 
il  faut  choisir,  parmi  les  plantes  médicinales, 
celles  dans  la  composition  desquelles  le  prin- 
cipe médicamenteux  n'est  pas  destructeur  du 
principe  nutritif,  par  exemple,  le  cresson,  le 
bécabunga , le  cochléaria,  dont  l’usage  com- 
munique au  lait  un  montant  auquel  on  attribue 
ordinairement  la  vertu  anti- scorbutique,  sans 
apporter  d'altération  dans  l’économie  animale. 

Le  lait  a donc  la  faculté  d’acquérir  des  pro- 
priétés médicamenteuses  par  l’usage  de  quel- 
ques végétaux  mêlés  à ceux  dont  les  femelles 
se  nourrissent;  mais  il  peut  encore  conserver 
celles  des  remèdes  qu’on  leur  administre  dans 
certains  cas  pour  prévenir  une  plus  grave 
indisposition.  On  a observé  depuis  long-temps 
qu’une  médecine  donnée  à une  nourrice  pur- 
geait aussi  l’enfant , que  même  la  vertu  de 
1 émétique  se  communiquait  à son  lait. 

De  ces  observations , plus  ou  moins  fondées , 
on  a voulu  faire  des  applications  utiles  au  trai- 
tement de  la  maladie  vénérienne  des  enfans 
nouveau -nés;  on  a essayé,  par  exemple,  de 


i54  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

les  nourrir  avec  du  lait  d’une  chèvre  à laquelle 
on  avait  donné  des  frictions  mercurielles.  On 
a même  été  plus  loin  dans  ces  derniers  temps, 
en  consacrant  à cet  objet  un  hospice  où  les 
mères,  ainsi  que  les  enfans,  affectés  de  cette 
maladie , subissaient  le  traitement  ordinaire 
pendant  1 allaitement. 

Nous  savons  que  cette  tentative , si  hono- 
rable pour  l’humanité , a été  couronnée  de 
quelques  succès,  et  nous  désirons  quelle  soit 
suivie  de  nouveau  pour  dérober  à la  mort  tant 
de  victimes  du  libertinage. 

Ces  vérités,  que  tant  d’expériences  confir- 
ment journellement,  ont  été  cependant  mises 
en  doute  par  quelques  médecins , sur  tout  par 
Y oun g , dans  sa  dissertation  sür  la  nature  et 
l'usage  du  lait.  Ce  médecin  prétend  avoir 
examiné  le  lait  de  beaucoup  de  nourrices 
malades,  sans  avoir  reconnu  aucun  change- 
ment dans  ce  fluide.  Il  croit  qu’une  nourrice 
affectée  de  maladie  vénérienne  , n’infecte  pas 
toujours  son  nourrisson;  il  doute  que  lçs  pur- 
gatifs donnés  à une  nourrice  agissent  sur  l’en- 
fant. Enfin  , il  dit  avoir  examiné  le  lait  de  deux 
nourrices  qui  avaient  faitc'üsage  «pendant  huit 
jours  de  pillules  mercurielles  de  la  phatma- 
copée  d’Édimbourg , au  point  -que  leur  bouche 
était  très- affectée , sans  que  leur  lait  ait  noirci 
l’argent  ni  blanchi  l’or;  il  assure  en  consé- 
quence n’y  avoir  trouvé  aucune  trace  de  mer- 
cure. Mais  l’inexactitude  de  cette  dernière 


* 


conséquence  est  trop  évidente  pour  qu’il  soit 
nécessaire  de  s’y  arrêter.  En  effet,  la  manière 
d’agir  du  mercure  dans  l’économie  animale  est 
si  peu  connue,  il  est  si  difficile  souvent  de 
retrouver  les  sels  mercuriels,  même  dans  les 
préparations  où  on  les  a combinés  soi-même 
à petites  doses,  quon  ne  peut  conclure  à la 
non- existence  du  mercure,  de  ce  qu’on  n’en 
trouve  pas  de  traces  parles  procédés  chimiqües 
ordinaires. 

Outre  toutes  ces  assertions  vagues , il  suffit 
d’appeler  le  témoignage  de  l’expérience  jour- 
nalière des  praticiens  et  même  celui  des  nour- 
rices : elles  savent  très -bien  que  tel  ou  tel 
aliment  influe  sur  leur  lait  ; elles  savent  aussi 
que,  si  elles  font  usage  de  purgatifs,  leur  enfant 
éprouve  des  coliques,  et  rend  des  selles  plus 
abondantes , plus  séreuses  , etc. 

Maintenant,  si  on  se  rappelle  ce  que  nous 
avons  dit  non- seulement  sur  la  structure  des 
organes  sécrétoires,  mais  encore  relativement 
à la  manière  dont  ils  exercent  leurs  fonctions , 
on  saura  quel  est  le  jugement  qu’on  doit  porter 
sur  une  classe  de  médicamens  qu'on  trouve 
dans  les  ouvrages  de  matière  médicale  sous  le 
nom  d e galacùopoïétifjues , ou  remèdes  propres 
à faire  Venir  le  lait. 

Les  anciens , qui  croyaient  beaucoup  aux 
analogies , se  persuadaient  que  toutes  les 
plantes  qui  fournissent  une  matière  laiteuse 
quand  on  blesse  leur  parenchyme , possédaient 


DU  LAIT  CONSIDERE 

une  pareille  vertu.  Dans  cette  opinion  ils  pres- 
crivaient l’usage  de  la  laitue  et  de  toutes  les 
plantes  de  cette  famille  aux  nourrices  qui 
avaient  peu  de  lait  ; mais  on  sait  que  ce  pré- 
tendu lait  n’est  autre  chose  qu’un  véritable 
suc  résineux  , comparable  à celui  que  don- 
nent l’ésule,  les  feuilles  de  figuier  et  les  autres 
plantes  de  ce  genre. 

Loin  donc  de  reconnaître  à ces  plantes , 
ainsi  qu’au  cerfeuil , à l’aneth  , au  fenouil , au 
sureau,  au  poligala,  et  à beaucoup  d’autres 
végétaux , la  faculté  d’augmenter  le  lait  ; loin 
de  croire  pareillement  que  la  bourache  et  le 
persil  aient  une  vertu  diamétralement  oppo- 
sée ; nous  ne  considérerons,  comme  véritable- 
ment' ' galactopo'iétiyues , que  les  substances  qui 
abondent  en  sucs  alimentaires,  et  desquelles 
les  forces  digestives  peuvent  tirer  le  parti  le 
plus  avantageux  , afin  de  fournir  à l’organe 
mammaire  tous  les  matériaux  nécessaires  à la 
composition  du  fluide  lacté.  Mais , lorsque  la 
nourriture  est  abondante  et  de  bonne  qualité, 
on  ne  peut  nier  l’utilité  de  l’emploi  des  subs- 
tances légèrement  excitantes  et  dites  apèritives 
comme  auxiliaires,  pour  donner  du  ton  aux 
organes,  et  faciliter  la  sécrétion  des  humeurs, 
qu'ils  sont  destinés  à séparer. 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l5y 


Article  III. 

Influence  des  affections  morales  et 
physiques  sur  le  lait. 

S i le  lait  prend  facilement  l’odeur , la  couleur 
et  la  saveur  de  certains  végétaux,  et  que  par 
conséquent  il  soit  susceptible  d’acquérir  des 
propriétés  médicamenteuses;  on  ne  peut  dis- 
convenir non  plus  que  les  affections  physiques 
et  morales  n’aient  quelque  influence  sur  sa 
qualité. 

Un  effroi  considérable  occasionne  l’engorge- 
ment subit  des  mammelles,  et  un  violent  cha- 
grin produit  leur  affaissement  ; cet  organe  , en 
apparence  isolé,  participe  tellement  au  dés- 
ordre qui  est  la  suite  de  ces  affections  vives , 
qu’il  n’élabore  plus  qu’une  liqueur  séreuse , 
jaunâtre  et  bide , au  lieu  d’une  humeur  blanche , 

douce  et  sucrée.  Bordeu  dit  avoir  vu  le  lait 

/ 

s 'épaissir  dans  une  nourrice  qui  vit  tomber  son 
enfant  ; le  lait  reprit  son  cours  et  sa  consistance 
dès  que  l’enfant  put  teter , et  la  mère , agitée 
par  deux  ou  trois  passions  différentes , sentait 
la  chaleur,  la  souplesse  et  le  remontage  à u lait, 
à proportion  que  l’enfant  donnait  des  signes  de 
force  et  de  santé. 

Il  n’est  pas  douteux  que  la  colère  et  les  autres 
passions  de  l’aine  ne  détériorent  la  qualité 
du  lait,  au  point  de  le  rendre  mal -sain  pour 


i5S 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

l’enfant  auquel  ce  fluide  sert  de  nourriture. 
Petit-  Pradel , dans  son  essai  sur  le  lait,  ou- 
vrage écrit  avec  ordre  et  rempli  d’observations 
judicieuses,  dit  avoir  vu  dans  les  Indes  une 
femme  faire  fouetter  inhumainement  la  nour- 
rice de  son  enfant,  pour  une  faute  très-légère: 
la  nourrice  peu  à peu  donna  un  mauvais  lait 
à son  nourrisson  , qui  ne  tarda  point  à être 
tourmenté  d’énormes  convulsions.  Les  mêmes 
dangers  menacent  cependant  les  pauvres  enfans 
confiés  à des  femmes  mercénaires. 

Ces  phénomènes  se  remarquent  également 
chez  les  animaux.  Souvent  le  lait  est  altéré  à 
la  suite  des  mauvais  traitemens  qu’une  vache 
reçoit  par  la  brusquerie  et  la  mal  - adresse  de 
la  traïeuse.  On  a vu  aussi  une  chèvre  donner 
un  lait  de  mauvaise  qualité  lorqu’on  gourman- 
dait  le  nourrisson  qu’elle  affectionnait. 

Indépendamment  de  toutes  les  causes  qui 
apportent  des  changemens  notables  à la  com- 
position du  lait , nous  observerons  que  les 
femelles  qui  le  fournissent  sont  encore  exposées 
à des  spasmes,  qui,  sans  rien  déranger  dans  leur 
économie,  peuvent  néanmoins  suspendre  l’é- 
mission de  ce  fluide , ou  en  tarir  tout-à-coup 
la  source,  comme  des  affections  agréables 
peuvent  en  faciliter  le  cours. 

L’immortel  Bordeu  a développé , avec  ce 
génie  qui  lui  était  propre , l’influence  de  l’ac- 
tion nerveuse  sur  l’organe  mammaire  : il  a ex- 
pliqué l’effet  des  chatouillemens  que  le  nour- 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  i5q 

risscn  exerce  sur  la  mère  , et  dont  il  paraît 
semtir  la  valeur,  comme  la  mère  sent  1 acti- 
vé vitale  de  son  nourrisson  ; il  ne  doute  pas 
que  le  commerce  de  sensibilité , établi  par  la 
nature  entre  l’enfant  qui  tete  et  la  mère  qui 
donne  a téter , n’entre  pour  beaucoup  dans  la 
formation  et  le  mouvement  du  lait. 

Le  digne  ami  de  Bordeu , Bayen  que  la 
mort  vient  de  nous  ravir,  nous  a appris  qu’un 
jour,  se  trouvant  dans  les  Pyrénées,  il  avait 
remarqué  qu’une  vache  retenait  son  lait  préci- 
sément parce  qu’elle  se  trouvait  entourée  de 
beaucoup  de  personnes  qu  elle  n’était  pas  dans 
l’habitude  de  voir.  Mais  sa  surprise  fut  extrême 
en  voyant  un  jeune  pâtre  lui  souffler  aussitôt 
de  l’air  chaud  dans  la  vulve,  au  moyen  d’une 
espèce  de  chalumeau  ; alors  les  mamelles 
laissèrent  échapper  ' le  lait  avec  profusion  : 
nouvelle  preuve  de  la  correspondance  qui 
existe  entre  ces  deux  organes.  Mais  , ce  qui 
parait  singulier,  c’est  que  cette  pratique  soit 
connue  des  Hottentots  et,  peut-être,  de  tous 
les  peuples  nomades.  Le  Vaillant,  qui  en  a 
fait  la  remarque  dans  ses  voyages  en  Afrique , 
rapporte  en  même  temps  que,  s’il  arrive  que 
le  veau  périsse , on  en  conserve  soigneusement 
la  peau , dont  on  fait  un  mannequin  qui  sert 
à tromper  la  vache,  laquelle,  séduite  par  ce 
stratagème , continue  de  donner  son  lait  comme 
auparavant. 

Cette  dernière  observation  n’a  point  échappé 


A/; 


SIA.  ; V*.  • 


BU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

à Olivier  De  Serres.  Voici  comme  il  s’exp-ime 
dans  son  théâtre  d’agriculture  : 

» Et  l’usage  de  certains  endroits  de  Lar- 
« guedoc  et  d’ailleurs , manifeste  que , plus 
te  de  lait  rendent  les  vaches  nourrissant  leurs 
« veaux , que  celles  qui  en  sont  délivrées,  d’au- 
ct  tant  que  la  vache  est  tant  amoureuse  de  son 
« veau,  que  libéralement  elle  lui  donne  le 
« lait  dont  la  quantité  s’en  augmente  ; n'ayant 
tt  le  veau  sitôt  mis  dans  la  bouche  le  trayon 
tt  de  sa  mère , que  le  lait  n’en  sorte , comme 
« le  vin  d’un  tonneau  qu’on  perce  : puis  en 
a gardant  le  veau  de  continuer,  on  l’arrache 
« de  la  tétine  , et  le  reste  du  lait  est  aisément 
« tiré  jusqu’à  une  goutte.  Même  il  y a des 
et  vaches  si  faciles  qu’à  la  seule  vue  du  veau 
tt  satisfont  à leur  devoir.  Pour  laquelle  cause 
tt  attache-t-on  le  veau  à une  jambe  de  la  vache , 
« d’où  par  elle  avec  plaisir  il  est  vu  et  flairé  , 
« pendant  qu’on  la  trait.  Il  y a de  plus;  sou- 
« ventes  fois  trompe -t- on  la  sottise  de  cet 
animal  avec  une  feinte  composée  de  la  peau 
« d’un  veau  remplie  de  paille  ; au  seul  approche 
de  laquelle,  cuidant  la  vache  que  ce  soit 
son  veau , se  laisse  volontairement  traire.  » 
On  sera,  peut-être,  étonné  qu’après  avoir 
dit  deux  mots  de  l’influence  des  alfections  mo- 
rales sur  le  lait , nous  ne  fassions  pas  également 
mention  de  l’état  où  ce  fluide  doit  se  trouver 
lorsque  l’animal  est  malade.  Il  y a tout  lieu  de 
présumer  que  les  changemens  quil  subit  dans 


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llELATIVEMENï  A LA  MÉDECINE.  l6l 

ce  dernier  cas  sont  frappans  : mais  il  est  dif- 
ficile de  faire  des  expériences  très-variées  sur 
ces  espèces  de  lait , parce  que , dans  les  affec- 
tions légères , ce  fluide  est  peu  altéré  ; si , au 
contraire , les  maladies  sont  graves , la  secré- 
tion de  l’organe  mammaire  se  fait  mal,  ou  ne 
se  fait  pas  du  tout,  et  il  est  rare  que  l’on  puisse 
alors  se  procurer  une  quantité  de  lait  suffisante 
pour  avoir  des  résultats  positifs.  Cependant  nous 
avons  observé  que  l’altération  se  portait  princi- 
palement sur  la  matière  caséeuse,  qui,  comme 
nous  l’avons  dit  et  prouvé,  est  véritablement, 
des  parties  qui  constituent  le  lait,  celle  qui 
parait  être  la  plus  animalisée. 

Nous  pensons  donc  que  ce  qui  arrive  au  lait 
dans  ce  cas , a lieu  également  pour  tous  les 
fluides  animaux.  La  substance  la  plus  voisine 
de  l’animalisation  qu’ils  contiennent,  est  pres- 
que la  seule  qui  éprouve  une  altération  sen- 
sible. Ainsi,  que  l’<pn  examine  le  sang,  la  bile 
et  l’urine  d’un  individu  affecté  d’une  maladie 
qui  n’a  pas  son  siège  dans  l’organe  où  se 
fabrique  l’une  ou  l’autre  de  ces  humeurs,  on 
verra  que  c’est  toujours  la  partie  lymphatique 
ou  muqueuse  qui  subit  la  première  une  sorte 
de  décomposition,  tandis  que  la  sérosité  et  les 
matières  salines , qui  ne  sont,  pour  ainsi  dire, 
que  des  excipiens  ou  des  moyens  de  combinai- 
son, se  conservent  avec  toutes  leurs  propriétés. 

Nousn’avons  pas  négligé,  pour  le  complé- 
ment de  notre  travail , d’examiner  le  lait  pris 

x> 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

dans  les  différens  états  où  se  trouvent  les 
femelles,  soit  avant,  soit  après  la  gestation, 
soit  quand  elles  sont  malades;  mais  alors,  au 
commencement  sur  tout  de  l’indisposition  , le 
lait  que  nous  avons  examiné  semblait  n’ètre 
pas  altéré , et  l’altération  n’a  commencé  à se 
manifester,  d’une  manière  marquée,  que  lors- 
que la  maladie,  faisant  des  progrès,  a dû  né- 
cessairement agir  d’une  manière  sensible  sur 
le  système  animal,  affaiblir  par  conséquent  la 
puissance  de  l’organe  mammaire , la  suspendre, 
et  mettre  un  terme  à l’émission  du  lait. 

Nous  pensons  , d’après  ces  vues  générales  , 
qu’au  moyen  d’expériences  exactes  et  de  bonnes 
observations,  on  pourrait  juger  des  altérations 
des  parties  constituantes  les  plus  essentielles 
du  lait  par  la  simple  inspection  de  ce  flüide, 
et  obtenir  des  résultats  de  médecine  pratique 
qui  serviraient,  dans  les  maladies  des  nourrices, 
à tirer  un  pronostic  aussi  sûr,  peut-être,  que 
de  l’état  des  autres  secrétions  et  excrétions 
dans  une  foule  de  circonstances  cliniques. 
C’est  aux  accoucheurs  , c’est  aux  médecins  qui 
s’occupent  spécialement  des  maladies  des  fem- 
mes , à réunir  ce  que  l’on  trouve  épars  sur  cet 
objet  dans  les  auteurs , et  à faire  de  nouvelles 
recherches  propres  à agrandir  cette  sphère  des 
connaissances  humaines. 

Avant  que  de  passer  à l’examen  du  lait  em- 
ployé comme  remède , nous  croyons  devoir 
nous  arrêter  à l’état  où  il  se  trouve  au  sortir  des 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l63 

mamelles,  immédiatement  après  le  part.  Ce 
n’est  pas  alors  un  véritable  lait;  on  ne  peut  et 
on  ne  doit  le  considérer  que  comme  un  fluide 
médicamenteux  , que  la  nature  a formé  pour 
préparer  le  nouveau -né  à recevoir  une  nour- 
riture plus  substantielle,  que  lui  offrira  ensuite 
l’usage  d’un  lait  plus  élaboré. 

Peut-être  aurait -on  désiré  que  la  première 
partie  de  notre  ouvrage  débutât  par  cet  exa- 
men , puisqu’il  s’agit  précisément  du  fluide 
qui  offre  l’image  de  l’état  primitif  du  lait  ; mais 
il  nous  fallait  quelques  points  de  comparaison 
pour  mieux  juger  delà  nature  du  lait  pris  à cette 
époque , et  nous  avons  cru  que  son  analyse 
serait  mieux  placée  à la  suite  de  nos  considé- 
rations sur  les  qualités  particulières  et  variées 
que  peuvent  donner  aux  parties  constituantes 
du  lait  toutes  les  influences  physiques  et 
morales. 

Article  IV. 

Du  colostrum. 

Les  médecins  ont  donné  le  nom  de  colos- 
trum à ce  fluide  qui  se  sépare  des  mamelles, 
dans  les  premiers  instans  qui  précèdent  et 
suivent  le  part. 

Nous  ne  traiterons  ici  que  de  celui  de 
vache,  le  seul  que  nous  ayons  pu  nous  pro- 
curer en  assez  grande  quantité  pour  le  sou- 
mettre aux  expériences  propres  à déterminer 
sa  nature  et  ses  propriétés. 


164  du  lait  considéré 

Cet  objet  , tout  important  qu’il  soit , ne 
paraît  cependant  pas  avoir  mérité  l’attention 
des  chimistes,  nous  observerons  même  que, 
sans  les  expériences  auxquelles  deux  méde- 
cins hollandais  ont  soumis  le  colostrum,  à 
peine  aurait-on  de  la  composition  de  ce  fluide 
la  moindre  notion.  La  dissertation  qui  contient 
ces  expériences  , est  insérée  dans  les  mémoires 
de  la  ci-devant  société  de  médecine,  années 
1787  et  1788.  Elle  a pour  auteurs  Abraham 
'van  S tipriann  et  Nicolas  Bondi.  Nous  nous 
félicitons  d’avoir  partagé  avec  eux  le  suffrage 
de  cette  savante  compagnie. 

Après  avoir  indiqué  les  propriétés  physiques 
du  colostrum  , la  manière  dont  il  se  comporte 
avec  les  réactifs , et  les  résultats  qu’on  en 
obtient  , lorsqu  on  le  distille  à feu  nu , les 
auteurs  passent  à l’examen  des  différens  pro- 
duits qu’il  fournit  spontanément,  tels  que  la 
crème,  le  beurre,  la  matière  caséeuse  et  la 
sérosité  ; et  ils  terminent  par  considérer  ce 
fluide  dans  un  état  de  décomposition  complète, 
c’est-à-dire,  lorsqu’il  est  parvenu  à l'époque  où 
il  commence  à subir  la  fermentation  putride. 

Le  travail  dont  il  s’agit  ne  pouvait  être 
étranger  au  nôtre  ; et , après  l’avoir  suffisamment 
médité,  nous  avons  cru  devoir  répéter  les 
expériences  des  médecins  cités , et  en  ajouter 
d’autres  qui  nous  ont  paru  indispensables  pour 
atteindre  le  but  que  nous  nous  proposions , 
celui  de  bien  établir  la  différence  réelle  qui 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l6‘> 

existe  entre  le  lait  et  le  colostrum  , et  de 
rendre  raison,  s’il  était  possible,  de  la  manière 
d’agir  de  ce  dernier  fluide  dans  l’économie 
animale. 

C’est  uniquement  par  ce  motif  que  nous 
avons  donné  une  certaine  étendue  à l’article 
du  colostrum  ; ce  fluide  changeant  d’état  à 
mesure  qu’il  s’éloigne  du  moment  où  la  femelle 
a mis  bas,  nous  avons  senti  la  nécessité  den 
faire  l’examen  à quatre  époques  différentes  , 
c’est-à-dire , jusqu’à  ce  qu’il  réunisse  toutes  les 
qualités  qui  le  constituent  un  véritable  lait. 

Examen  clu  colostrum. 

La  femelle  qui  a fourni  le  colostrum , objet 
de  cette  analyse , était  d’une  belle  race , d’une 
constitution  vigoureuse , n’ayant  éprouvé , 
avant , pendant  et  après  le  vêlage , aucun  acci- 
dent particulier , et  étant  à sa  troisième  portée  ; 
elle  pouvait , en  un  mot , être  considérée 
comme  excellente  vache  laitière. 

Nous  avons  été  assez  heureux  pour  avoir 
du  colostrum , précisément  la  veille  du  jour 
que  la  vache  a vêlé.  Ce  fluide  alors  était  demi- 
transparent , visqueux,  jaunâtre,  fdant,  d’une 
saveur  fade,  ayant  la  consistance  d’un  véritable 
syrop. 

Ce  colostrum,  au  bout  de  deux  heures  de 
repos,  s’est  recouvert  d’un  autre  fluide  jaune, 
très-épais,  d’une  saveur  assez  douce,  et  d’une 

l 3 


l66  i DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

consistance  onctueuse;  ce  fluide,  séparé  et 
agité  dans  un  vaisseau  convenable,  a donné 
du  beurre  d’un  jaune  safrané,  gras  et  ferme, 
ayant  les  propriétés  générales  du  beurre  ordi- 
naire. 

Le  liquide  dont  on  avait  extrait  du  beurre,  et 
celui  dont  on  avait  séparé  de  la  crème , se  res- 
semblaient parfaitement:  ils  étaient  moins  épais, 
moins  colorés  qu’au  sortir  des  mamelles  ; mais 
au  moyen  du  repos  ils  se  sont  recouverts  d’une 
autre  matière  crémeuse,  qui , battue  , a donné 
une  nouvelle  portion  de  beurre,  plus  fade  et 
moins  jaune  que  le  premier. 

Ce  colostrum  , dont  on  avait  séparé  deux  fois 
la  crème,  en  a encore  fourni  vingt -quatre 
heures  après,  et  le  beurre  qui  en  est  résulté, 
également  fade,  n’était  pas  plus  jaune  que  le 
beurre  ordinaire  de  l’été. 

Une  portion  de  colostrum  , pourvue  de  sa 
crème , ayant  été  exposée  au  feu  immédiate- 
ment après  la  traite , s’est  coagulée  au  premier 
bouillon,  comme  du  blanc  d’œuf;  mais  le  coa- 
gulum  n’a  pas  pris  une  grande  consistance. 

Les  acides  et  l’alcohol  coagulent  ce  fluide , 
qui,  dans  tous  ces  cas,  se  comporte  comme 
une  matière  albumineuse. 

Mêlé  avec  quelques  grains  de  présure  ordi- 
dinaire,  et  exposé  à une  température  de  vingt- 
deux  degrés,  le  colostrum  ne  s’est  pas  coagulé 
à la  manière  du  lait  ; il  n’en  est  résulté  au  bout 
de  vingt -quatre  heures  qu’un  magma  lympha- 


RELATIVEMENT  A LA  MÉQECINE.  167 

tique  , très  - adhérent  à la  sérosité , et  dont  la 


que  celui  du  ferment  animal. 

Le  colostrum  obtenu  le  premier  jour  du 
vêlage,  différait  sensiblement  de  celui  de  la 
veille.  En  inclinant  le  vaisseau  qui  le  conte- 
nait, on  apercevait  des  filets  sanguins  qui,  au 
moyen  du  mouvement,  se  dissolvaient  et  im- 
primaient bientôt  à tout  le  fluide  une  couleur 
rougeâtre  : sa  consistance  était  épaisse  et  comme 
visqueuse;  sa  saveur  ressemblait  à celle  du  lait 
ordinaire. 

Ce  colostrum,  mis  sur  le  feu,  se  coagule  avant 
d’arriver  au  degré  de  l’ébullition  , et  fournit 
une  très- grande  quantité  de  sérum  blanchâtre. 

La  coagulation  n’est  pas  non  plus  facile  par 
l’action  de  la  présure,  et  le  mélange  demeure 
long -temps  sans  offrir  de  véritable  décom- 
position. 

Deux  livres  de  ce  colostrum  ont  donné,  en 
plusieurs  fois,  six  onces  de  crème  épaisse  et 
visqueuse,  qui , par  la  percussion , a fourni  trois 
onces  et  demie  de  beurre  d'un  jaune  foncé, 
presqu’orangé , plus  spongieux,  plus  gras  et 
moins  agréable  que  le  beurre  ordinaire. 

Par  la  séparation  de  la  crème  le  colostrum 
devint  plus  fluide  ; il  prit  une  couleur  et  une 
consistance  analogues  à celles  d’une  eau  sur- 
chargée de  savon. 

Abandonné  à lui-mème  pendant  vingt-quatre 


séparation  était  plutôt  l’ouvrage  de  l’atmosphère 


heures,  à une  température  de  quinze  à seize 


1*  4 


i68 


D-U  LAIT  CONSIDÉRÉ 

• degrés  du  thermomètre  de  Réaumur,  il  com- 
mença au  bout  de  ce  temps  à se  coaguler  ; 
mais  le  coagulum  , au  lieu  de  se  séparer  comme 
dans  le  lait  qui  s’aigrit , resta  adhérent  au 
sérum  , et  on  ne  parvint  à rompre  sa  cohérence 
qu’en  plongeant  le  vase  dans  un  bain-marie 
bouillant. 

La  matière  coagulée , séparée  et  rassemblée 
par  ce  moyen , n’a  plus  présenté  qu’une  niasse 
visqueuse,  qui  , à la  faveur  de  la  compression 
et  de  la  dessication , est  devenue  dure  et  cas- 
sante, ayant  la  transparence  d’une  corne.  Cette 
matière,  soumise  aux  mêmes  agens  d’analyse 
employés  à l’examen  de  la  matière  caséeuse  du 
lait , a donné  des  produits  semblables  à cette 
dernière. 

Le  sérum,  séparé  du  coagulum,  était  près- 
qu’incolore;  il  avait  une  demi  - transparence  ; 
sa  saveur  était  aigre.  Par  la  filtration,  il  est 
devenu  d’abord  fort  clair;  ensuite  il  s’est  trou- 
blé, et  sa  surface,  au  bout  de  quelques  jours, 
a été  recouverte  d’une  légère  moisissure , par- 
semée de  points  verdâtres. 

Cette  moisissure  enlevée,  il  s’en  est  formé 
une  seconde,  et  ainsi  successivement.  Nous 
nous  déterminâmes  alors  à filtrer  la  liqueur  et 
à l’évaporer  au  bain  - marie  jusqu  a la  con- 
• sistance  d’un  syrop  clair  ; par  le  refroidisse- 
ment, elle  devint  gélatineuse , et  laissa  préci- 
piter des  cristaux  cubiques , qui  furent  reconnus 
1 pour  être  du  muriate  de  soude. 


relativement  a la  médecine.  169 

Nous  avons  encore  remarqué  d’autres  cris- 
taux , empâtés  d’une  matière  épaisse  et  vis- 
queuse, ayant  une  couleur  jaune  tirant  sur  le 
brun.  La  petite  quantité  de  ces  derniers  cris- 
taux ne  nous  a point  permis  de  les  soumettre 
à beaucoup  d’expériences;  mais  celles  que  no  un 
avons  faites  ont  suffi  pour  démontrer  leur  ana- 
logie avec  le  sel  de  lait  : en  effet , ils  avaient 
une  saveur  légèrement  sucrée , et , lorsqu  on 
les  mettait  sur  un  charbon  ardent , ils  brûlaient 
en  répandant  une  odeür  pareille  à celle  du 
caramel. 

Le  colostrum  du  second  jour  n’avait  pas  au- 
tant de  couleur  que  le  précédent  ; on  y voyait 
encore  flotter  quelques  filets  sanguins , mais 
en  moindre  quantité  : exposé  au  feu , il  lui  a 
fallu  le  degré  de  l’ébullition  pour  se  coaguler. 

Vingt -quatre  onces  de  ce  colostrum  ont 
donné  cinq  onces  et  demie  d’une  crème  épaisse, 
qui , battue , n’a  fourni  que  deux  onces  de 
beurre , aussi  fade  que  le  précédent , mais  avec 
une  couleur  moins  foncée. 

Le  fluide,  dépouillé  de  sa  crème,  n’a  pas 
tardé  à s aigrir  ; la  matière  coagulée  nous  a 
paru  alors  abandonner  le  sérum  plus  aisément 
que  celle  du  colostrum  du  premier  jour  : mais 
elle  11’avait  pas  encore  acquis  cet  état  gélati- 
neux et  tremblant , qui  caractérise  la  matière 
caséeuse  , spécialement  celle  du  lait  de  vache. 

Le  colostrum  du  troisième  jour  différait 
essentiellement  des  deux  premiers  par  ses 


17°  1>U  LAIT  CONSIDERE 

* 

qualités  extérieures  ; il  ne  présentait  plus  de 
filets  sanguins,  et  sa  couleur  se  rapprochait  de 
celle  du  lait. 

Ce  fluide  , placé  sur  le  feu  , a soutenu  quel- 
ques bouillons  avant  que  de  se  coaguler,  et  le 
coagulum  a présenté  tous  les  caractères  de  la 
matière  caséeuse  séparée  du  sérum. 

La  crème  qui  s’est  élevée  à la  surface  des 
vingt-quatre  onces  de  ce  colostrum  du  troi- 
sième jour , avait  la  consistance  et  la  couleur 
de  la  crème  ordinaire  ; séparée  à diverses  repri- 
ses, elle  pesoit  trois  onces,  qui  ont  donné  par 
la  percussion  quatre  gros  douze  grains  de  beurre 
d une  bonne  consistance  , mais  moins  jaune 
et  meilleur  que  les  précédens. 

La  matière  caséeuse  et  le  sérum  se  sont 
comportés  dans  l’analyse  comme  ces  deux  pro- 
duits du  lait  de  la  meilleure  qualité. 

Le  colostrum  du  quatrième  jour  après  le 
vêlage  réunissait  tous  les  conditions  du  lait , 
car , examiné  «à  cette  époque  , il  ne  se  coagu- 
lait plus  au  feu , et  il  n’en  différait  absolument 
que  par  la  moindre  abondance  du  beurre,  et 
par  la  très -grande  quantité  de  sérum. 

On  ne  doit  donc  regarder  comme  véritable 
colostrum  que  le  produit  des  traites  des  trois 
premiers  jours  qui  suivent  le  part , car  le 
fluide  que  fournissent  ensuite  les  mamelles,  est 
pourvu  de  toutes  les  qualités  qui  appartiennent 
au  fluide. 

Nous  regrettons,  au  surplus,  que  les  difïi- 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  171 

cultes  sans  nombre  que  nous  avons  éprouvées 
lorsque  nous  avons  cherché  à nous  piocurei 
le  premier  colostrum  de  vaches  à différentes 
heures  de  la  journée,  nous  aient  privés  de  satis- 
faire au  désir  que  nous  avions  d étudier  et  de 
suivre  pas  à pas  la  marche  de  la  nature  dans 
cette  importante  opération  ; mais  les  expérien- 
ces dont  nous  venons  de  présenter  le  résultat, 
doivent  suffire  pour  démontrer  quil  en  est  de 
ce  fluide  comme  du  lait,  c’est-à-dire,  quen 
conservant  toujours  les  caractères  spécifiques 
qui  lui  appartiennent  essentiellement,  le  colos- 
trum doit  cependant  offrir  quelques  nuances 
particulières  , subordonnées , sans  doute , à 
l’espèce  de  la  femelle , au  nombre  de  ses  portées , 
à sa  constitution  physique,  à son  âge,  à son 
régime , et  à une  foule  d’autres  circonstances 
faciles  à soupçonner. 

Avouons -le,  une  grande  partie  de  nos 
expériences  ne  sont  que*  la  confirmation  de 
celles  que  les  deux  médecins  hollandais  ont 
faites  sur  le  colostrum.  Ils  ont  bien  prouvé 
qu’il  existait  une  grande  différence  entre  ce 
fluide  et  le  lait;  que  cette  différence  se  remar- 
quait principalement  dans  l’état  particulier  de 
la  matière  caséeuse , qui  avait  beaucoup  d’ana- 
logie avec  l’albumen.  Ils  ont  également  observé 
que  le  colostrum  du  premier  jour  ne  ressem- 
blait point  à celui  du  second  , et  que  l’un  don- 
nait plus  de  crème  et  de  beurre  que  l’autre  ; 
en  un  mot , que  le  sérum  ne  se  séparait  qu’in- 


là*  i 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

complètement  par  tous  les  corps  coagulans,  et 
qu’il  conservait  toujours  une  sorte  de  viscosité. 

Mais  on  aurait  désiré  que  les  auteurs  de  la 
dissertation  dont  nous  faisons  mention  fussent 
entrés  dans  quelques  détails  sur  la  véritable 
nature  du  colostrum,  et  sur  les  effets  qu’il  est 
destiné  à opérer  dans  l’économie  animale.  Sans 
doute , occupés  alors  de  traiter  le  même 
sujet  que  nous,  ils  n’ont  regardé  cet  objet  que 
comme  accèssoire  à la  question  proposée;  et 
c’est  ce  qui  nous  détermine  à suppléer  à leur 
silence  par  les  observations  suivantes. 

Nature  du  colostrum. 

11  est  facile  de  juger,  d’après  ce  qui  pré- 
cède , que  la  crème , le  beurre  , la  matière 
caséeuse  , qui  constituent  le  colostrum , pré- 
sentent des  caractères  qu’on  ne  retrouve  point 
dans  les  mêmes  produits  obtenus  du  véritable 
lait. 

i.°  La  crème.  C’est  une  chose  véritable- 
ment digne  de  remarque  que  l’état  de  la  crème 
contenue  dans  le  colostrum  du  premier  jour  du 
vêlage.  Elle  est,  comme  nous  l’avons  démontré, 
trois  lois  plus  abondante  que  dans  le  meilleur 
lait.  On  ne  saurait  révoquer  en  doute  que  ce  ne 
soit  à la  quantité  du  beurre  qui  s’y  trouve  qu’elle 
doit  sa  consistance  et  sa  couleur,  car  le  fluide 
qui  lui  sert  de  véhicule , étant  séparé  par  la  per- 
cussion, perd  sensiblement  de  sa  viscosité  et  est 
plutôt  rougeâtre  que  jaune.  Du  reste,  la  saveur 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  Ij3 

de  cette  crème  n’est  pas  désagréable,  et  on 
pourrait  l’employer  à tous  les  usages  de  la  crème 
ordinaire , si , d’ailleurs , son  aspect  n’inspirait 
une  sorte  de  répugnance  difficile  à vaincre. 

Pour  savoir  si  l’état  de  la  crème  dans  le  colos- 
trum n’appartenait  pas  plutôt  à la  constitution 
individuelle  de  la  femelle  qu’à  la  nature  cons- 
tante et  essentielle  de  ce  fluide , nous  n’avons 
pas  négligé  l’occasion  de  nous  procurer  du 
colostrum  de  vaches  qui , quoique  dans  la  classe 
des  bonnes  laitières , avaient  cependant  la  répu- 
tation de  donner  un  lait  séreux  ; et  toujours 
nous  avons  vu  que  la  crème  y existait  avec  les 
caractères  particuliers  que  nous  avons  observés. 

Il  est  donc  plus  que  vraisemblable  que , 
quand  on  a avancé  que  le  colostrum  contenait 
fort  peu  de  crème , aucune  expérience  chimi- 
que n’avait  éclairé  cette  opinion , puisque  ce 
qui  caractérise  particulièrement  ce  fluide,  c’est 
l’abondance  de  cette  matière  onctueuse  et  l’in- 
tensité de  sa  couleur  jaune. 

On  ne  saurait  disconvenir  encore  que  cette 
crème,  qui  parait  plus  adhérente  au  colostrum 
qu’au  lait,  ne  donne  à la  totalité  du  fluide 
qui  la  contient  un  état  onctueux  ; en  recou- 
vrant de  toutes  parts  les  molécules  des  autres 
parties  constituantes,  elle  les  rend  plus  aptes, 
par  conséquent,  à former  pour  le  jeune  animal 
une  nourriture,  peut-être  moins  substancielle , 
mais  appropriée  à la  faiblesse  et  à l’irritabilité 
de  ses  organes. 


A 


*74  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

2.0  Le  beurre.  Indépendamment  de  la  quan- 
tité considérable  qu’en  fournit  le  colostrum , 
et  qu’il  est  possible  d’évaluer  à une  once  et 
demie  par  livre  de  ce  fluide,  on  est  encore 
frappé  de  sa  couleur  jaune.  Elle  est  si  remar- 
quable qu’on  serait  tenté  de  croire  qu’elle 
lux  a été  communiquée  artificiellement  : mais , 
ce  qui  a principalement  droit  de  surprendre , 
c’est  de  voir  cette  couleur  diminuer  d’un  jour 
à l’autre  , jusqu’à  ce  quelle  soit  arrivée  au  ton 
de  celle  que  la  crème  a le  plus  ordinairement; 
et  c’est  à peu  près  l’affaire  de  douze  à quinze 
jours. 

'Fous  nos  efforts  pour  séparer  cette  couleur 
du  beurre  ont  été  inutiles.  Il  paraît  qu’elle  lui 
est  tellement  inhérente  qu’aucun  dissolvant 
ne  peut  la  lui  enlever.  Au  reste,  ce  produit 
se  comporte  dans  cette  circonstance,  par  rap- 
port à la  matière  qui  le  cohwe,  comme  tous 
les  corps  gras  , qui,  lorsqu’ils  sont  une  fois  com- 
binés avec  un  principe  colorant,  le  retiennent 
obstinément. 

Nous  ne  sommes  pas  encore  assez  avancés 
pour  prononcer  sur  la  nature  du  principe  colo- 
rant du  beurre  provenant  du  colostrum , puis- 
qu’on ne  saurait  l’avoir  à part  ; mais  nous 
croyons  ne  pas  devoir  passer  sous  silence  l’ex- 
périence suivante,  dont  le  résultat  conduira, 
peut-être,  à la  solution  de  la  difficulté  qui 
nous  arrête  dans  ce  moment. 

Ainsi  qu’on  l’a  vu  plus  haut , nous  avions 


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relativement  A LA  MÉDECINE.  175 

observé  que  les  filets  sanguins  étaient  en  plus 
grande  quantité  dans  le  colostrum  du  premier 
jour  que  dans  celui  du  second  ; que  le  beurrre 
s’y  trouvait  aussi  plus  abondant  et  plus  foncé 
en  couleur;  que  le  colostrum  du  troisième 
jour  , dans  lequel  on  n’apercevait  plus  de  sang, 
avait  donné  un  beurre  dont  la  nuance  jaune 
était  égale  à celle  du  beurre  extrait  de  la  crème 
du  lait  ordinaire. 

Toutes  ces  observations  firent  naître  en 
nous  l’idée  que  le  sang,  ainsi  mêlé  avec  le 
colostrum  , pouvait  bien  influer  sur  sa  couleur; 
et , dans  l’espoir  d’acquérir  quelque  certitude 
à cet  égard,  nous  essayâmes  de  colorer  artifi- 
ciellement le  beurre  , en  ajoutant  du  sang  à 
de  la  crème. 

Mais , présumant  bien  que  l’effet  que  nous 
cherchions  à obtenir  n’aurait  lieu  qu'autant 
que  nous  mettrions  en  contact  le  lait  et  le 
sang  dans  un  état  presque  vivant,  nous  avons 
fait  tomber  le  sang  d’une  saignée  faite  à un 
animal  dans  un  vase  où  on  recevait  en  même 
temps  le  lait  qu’on  exprimait  du  pis  d’une  vache. 

Ces  deux  fluides  furent  bientôt  mêlés,  et, 
comme  la  quantité  du  sang  pouvait  être  dans 
la  proportion  de  deux  onces  sur  seize  onces 
de  lait , il  résulta  du  mélange  un  liquide 
couleur  de  rose.  ; 

Ce  mélange , abandonné  à lui-même  pendant 
quinze  heures , se  couvrit  d’une  crème  très- 
épaisse,  que  nous  nous  hâtâmes  de  séparer  et 


con- 


I76  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

de  battre,  pour  avoir  le  beurre  quelle 
tenait. 

Nous  séparâmes  aussi  le  beurre  de  la  crème 
d’une  certaine  quantité  de  lait  non  mélangé, 
mais  fourni  par  la  même  vache , afin  de  pouvoir 
comparer  les  deux  beurres. 

Le  beurre  obtenu  du  lait  mêlé  avec  du  sang 
avait  une  couleur  bien  différente  de  celle  du 
beurre  extrait  du  lait  : pe  dernier  avait  cette 
teinte  jaune  qui  appartient  au  beurre  ordinaire; 
le  premier,  au  contraire,  était  d’un  jaune  sale, 
tirant  un  peu  sur  le  rouge. 

Malgré  les  lotions  réitérées  que  nous  lui  finies 
subir,  il  nous  fut  impossible  d’enlever  cette 
couleur  et  de  la  rappeler  à celle  du  beurre  que 
nous  avions  extrait  du  lait  non  mélangé,  pour 
en  faire  un  objet  de  comparaison. 

Quoique  ce  résultat  ne  soit  pas , à beaucoup 
près,  assez  satisfaisant  pour  pouvoir  en  tirer 
une  conséquence  applicable  à la  couleur  jaune 
du  colostrum , au  moins  semble-t-il  annoncer 
que  le  sang  mêlé  au  lait  peut  fournir  à ce 
dernier  une  matière  colorante.  Qui  sait  si  le 
mélange  de  ces  deux  fluides,  opéré  plus  exac- 
tement et  d’une  autre  manière  que  par  notre 
procédé,  n’aurait  pas  produit  une  teinte  diffé- 
rente de  celle  que  nous  avons  obtenue  ? 

Qui  sait  encore , si  la  matière  colorante  jaune 
de  la  bile  , qui  existe  quelquefois  en  assez 
grande  quantité  dans  le  sang,  et  qui  peut  colo- 
rer en  jaune  très- foncé  sa  sérosité , ainsi  que 


*&■ 


< Â 7 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  177. 

cela  est  prouvé  par  les  expériences;  qui  sait, 
disons-nous,  si  ce  n’est  pas  cette  partie  colo- 
rante de  la  bile  qui  imprègne  aussi  le  beurre 
du  colostrum  ? 

Cette  matière  colorante  jaune  , que  , dans 
quelques  circonstances , la  sérosité  du  sang 
parait  contenir,  ne  pourrait -elle  pas  y être  plus 
abondante  à l’époque  du  vêlage  que  dans  tout 
autre  temps? 

Qui  sait , enfin  , si  le  mélange  d’une  certaine 
quantité  de  sang  avec  le  colostrum  n’influe  pas 
snr  les  proportions  des  principes  que  nous  a 
présentés  ce  fluide  à l’analyse,  et  n’est  pas  la 
cause  principale  de  l’état  particulier  du  colos- 
trum, qui  sans  cette  portion  de  sang  ne  serait, 
peut-être,  que  du  lait  altéré  par  un  plus  long 
séjour  dans  les  mamelles  ? 

Cependant,  ce  que  nous  ne  devons  pas  taire 
ici , c’est  que  nous  avons  vu  souvent  du  colos- 
trum qui  ne  contenait  aucuns  filets  sanguins, 
et  n’en  donnait  pas  moins  une  crème  et  du 
beurre  extrêmement  jaunes  etabondans  : preuve 
que  ces  filets  ne  sont  pas  essentiels  à ce  fluide, 
et  que  leur  présence  pourrait  être  attribuée  à 
la  rupture  de  quelques  vaisseaux  , lorsque  des 
traïeuses  mal  - adroites  compriment  brusque- 
ment le  pis  de  l’animal. 

On  le  répète,  nous  ne  présentons  nos  idées 
à cet  égard  que  comme  des  doutes  qui  méri- 
tent d être  pris  en  considération;  peut-être, 
un  jour  pourront-ils  trouver  leur  application  , 


M 


îyS  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

lorsqu’on  aura  multiplié  les  expériences  et  les 
observations. 

3.°  La  matière  caséeuse.  Quoiqu’elle  se 
comporte  à peu  près,  à l’analyse,  de  la  même 
manière  que  celle  qui  résulte  du  lait  ordinaire  , 
on  se  tromperait  en  concluant  qu’il  n’y  a aucune 
différence  entre  ces  deux  matières.  Il  suffit  de 
comparer  l’état  où  elles  se  trouvent  au  moment 
de  leur  séparation  du  sérum  , avec  lequel  elles 
sont  combinées  dans  ces  deux  espèces  de  lait, 
pour  être  convaincu  quelles  ne  se  ressem- 
blent pas. 

Dans  le  colostrum,  surtout  du  premier  jour, 
la  matière  caséeuse  , au  lieu  de  prendre  la  con- 
sistance ferme,  tremblante,  conserve  une  sorte 
de  viscosité  analogue  à celle  du  blanc  d’œuf  ; 
elle  retient  tellement  le  sérum,  que,  pour  la 
forcer  à le  quitter,  il  faut  employer  la  chaleur 
et  la  compression  : alors  même  ses  parties,  qui 
se  trouvent  réunies,  n’ont  pas  cette  ténacité 
que  la  matière  caséeuse  a toujours  lorsqu’on 
lui  fait  subir  les  mêmes  opérations  ; au  con- 
traire , elle  devient  cassante , à peu  près  comme 
du  blanc  d’œuf  desséché. 

Cet  état  de  la  matière  caséeuse  tient,  il  n’en 
faut  pas  douter,  à la  disposition  particulière 
de  ses  parties  constituantes,  qui  ne  peut  pas 
être  saisie  par  les  agens  chimiques,  mais  que 
l’esprit  conçoit  aisément. 

< : Ç’est  aussi  à cette  disposition , sans  doute  , 
qü4if  faut  attribuer  la  manière  d’être  du  colos- 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  179 

tram,  qui,  dans  ce  cas,  présente  un  fluide  plus 
convenable  à la  situation  du  nouveau -né,  que 
ne  le  serait  un  lait  dans  lequel  toutes  les  par- 
ties constituantes  se  trouveraient  entièrement 
élaborées  ou  différemment  modifiées.  Cela  doit 
être  ainsi,  car  le  jeune  animal,  avant  sa  nais- 
sance, recevait  de  sa  mère,  par  1 artère  ombi- 
licale, un  sang,  plus  ou  moins  élaboré,  qu’il 
s’appropriait  ensuite,  et  qui  servait  à sa  nutri- 
tion et  à son  développement , etc. 

Dés  qu’il  a respiré,  un  nouveau  système  de 
nutrition  commence  pour  lui  ; mais  le  premier 
aliment  que  la  nature  lui  destine  retient  en- 
core des  caractères  de  celui  que  lui  fournissait 
la  mère.  C’est  pour  cela  que,  les  deux  premiers 
jours  du  vêlage  , le  colostrum  semble  avoir  subi 
une  espèce  d’animalisation  plus  complète  que 
le  lait  ordinaire  qui  se  prépare  les  jours  sui- 
vans , lorsque  le  jeune  animai  est  plus  en  état 
d’approprier  à sa  substance  la  nourriture  qui 
lui  est  présentée. 

Ce  n’est  pas  qu’on  puisse  établir , comme 
règle  générale,  que  le  colostrum  recueilli  à 
cette  époque  contienne  toujours  de  la  matière 
caséeuse  dans  le  meme  état.  Nous  en  avons 
examiné  quelques-uns,  dans  lesquels  la  ma- 
tière caséeuse  était  si  peu  abondante  qu’à  peine 
devenait  - elle  sensible  par  les  corps  coagulans  : 
ils  avaient  beaucoup  de  viscosité  et , en  quel- 
que sorte,  l’apparence  d’un  blanc  d’œuf,  lors- 
qu’on les  faisait  chauffer. 


M 2 


i8o 


DU  LAIT  CONSIDÈRE 

Nous  ajouterons  que  cet  état  lymphatique 
du  colostrum  n’est  cependant  pas  tellement 
analogue  à l’albumen,  qu’il  soit  possible  de  le 
lui  comparer  entièrement.  D’abord  ce  fluide 
ne  parait  pas  contenir  de  soufre  ; aussi  ne 
noircit-il  pas  les  vaisseaux  d’argent  dans  les- 
quels il  séjourne  : ensuite , quand  il  s’altère , 
l’aigreur  qu’il  répand  est  précisément  celle  qui 
appartient  au  lait  parfaitement  conditionné  : 
enfin  , lorsque  son  altération  est  portée  à un 
certain  degré , il  contracte  l'odeur  et  le  goût 
de  fromage. 

Quant  à la  matière  caséeuse , il  parait  hors  de 
doute  qu’elle  subit  des  modifications  à mesure 
que  le  terme  du  part  s’éloigne.  D'abord  elle  ne 
présente  qu’une  matière  visqueuse  ; mais  en- 
suite elle  acquiert  insensiblement  de  la  consis- 
tance , et  finit  par  arriver  à ce  point  de  per- 
fection qu’elle  possède  dans  le  lait  plusieurs 
jours  après  le  part.  Il  est  même  vraisemblable 
que , si  on  examinait , «à  différentes  époques  de 
la  journée,  le  colostrum  qui  se  forme  dans  les 
premières  vingt-quatre  heures  , on  pourrait, 
en  quelque  sorte  , suivre  la  production  de  la 
matière  caséeuse,  et  avoir  la  preuve  qu’à  mesure 
qu’elle  augmente,  l’état  visqueux  et  lympha- 
tique diminue. 

Il  en  est  donc  de  tout  ce  qu’on  a dit  de  la 
matière  caséeuse  du  colostrum  , comme  du 
beurre  ; elle  reprend  son  véritable  caractère 
tremblant  et  gélatineux  quelques  jours  après 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  l8l 

fc  part , et  elle  ne  change  plus  que  dans  ses 
proportions  à mesure  que  le  lait  s améliore. 

Mais  l’examen  des  parties  dont  le  colostrum 
est  formé,  ne  présenterait  encore  que  des  con- 
naissances stériles , si  nous  ne  cherchions  à 
indiquer  les  usages  de  ce  fluide  dans  1 écono- 
mie animale;  c’est,  d’ailleurs,  une  suite  delà 
tâche  que  nous  nous  sommes  imposée  de  con- 
sidérer le  lait  sous  le  point  de  vue  médical. 

Réflexions  sur  les  effets  du  colostrum . 

Il  est  vraisemblable  que  l’action  de  l’organe 
mammaire,  qui  prépare  le  colostrum  du  pre- 
mier jour,  change  à mesure  que  l’époque  du 
part  s’éloigne  , puisqu’il  est  démontré  que  ce 
fluide,  dès  le  second  jour,  ne  ressemble  nul- 
lement à celui  du  premier,  et  que  le  colostrum 
du  troisième  diffère  d’une  manière  encore  plus 
marquée  des  deux  précédens,  pour  se  rappro- 
cher de  l’état  du  lait  pourvu  de  toutes  ses  par- 
ties constituantes. 

On  conçoit  que  les  choses  se  passent  ainsi, 
car,  d’après  le  but  de  la  nature,  le  nouveau-né 
ne  pouvant  et  ne  devant  trouver  que  dans  le 
lait  de  sa  mère  sa  première  subsistance  , il  est- 
nécessaire  que  ce  fluide  ait  d’abord  le  carac- 
tère de  celui  qui  servait  à la  nutrition  du  foetus 
dans  la  matrice , et  qu’ensuite  il  se  modifie  à 
chaque  instant  jusqu’à  ce  que  le  nourrisson 
soit  accoutumé  à ce  nouvel  aliment. 


1&2  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Mais  lorsqu’on  considère  combien  est  grandfc 
la  quantité  de  crème  que  contient  le  colos- 
trum , et  combien  plus  grande  encore  est  celle 
du  beurre  que  cette  crème  fournit,  comparati- 
vement à la  quantité  qu’en  donne  le  meilleur 
lait , on  ne  peut  se  dispenser  de  demander 
quelle  a donc  été  l’intention  de  la  nature  en 
admettant  autant  de  matière  grasse  dans  la  com- 
position du  premier  aliment  quelle  destine  au 
nouveau -né. 

Quoique  la  réponse  à celte  question  semble 
appartenir  plus  spécialement  aux  médecins 
qu’aux  chimistes  , nous  allons  cependant, 
sinon  essayer  de  la  résoudre  , du  moins  pré- 
senter à ce  sujet  des  idées  générales , en  les 
étayant  de  l’autorité  d’un  savant  qui  a honoré 
par  ses  ouvrages  son  siècle  et  sa  patrie. 

« Le  fœtus , dans  le  sein  de  la  mère , dit 
<c  Bordeu,  n’a  pas  encore  respiré;  il  n’a  rien 
« goûté  ni  rien  avalé.  Moitié  plante  et  moitié 
te  poisson  , ses  fonctions  animales  ont  à peine 
et  eu  le  temps  d’éclore.  Cependant  la  fonction 
te  principale  des  intestins  a lieu;  ils  travaillent 
te  à la  production  d'une  matière  stercorale,  qui 
te  est  comme  le  premier  essai  de  ce  travail  : on 
te  connaît  cette  matière  sous  le  nom  de  jnéco- 
tc  nium  animal.  On  sait  que  les  nouveau-nés  le 
ce  rendent  peu  d’heures  après  leur  naissance  : on 
te  connaît  sa  couteur  noire,  jaune  et  verdâtre; 
te  sa  consistance  semblable  à celle  du  miel.  » 

C’est,  sans  doute,  pour  faciliter  l’expulsion 


RELATIVEMENT  A I.A  MÉDECINE-  1 S 3 

/ flf 

de  cette  matière  colorée  et  poisseuse  , que  le 
colostrum  est  en  partie  destiné;  et  nous  pen- 
sons que  le  beurre  qu’il  contient  en  abon- 
dance, joue  dans  cette  circonstance  un  des 
principaux  rôles. 

On  sait  , en  effet,  qu’une  des  propriétés 
essentielles  de  tout  corps  gras  , pris  intérieure- 
ment , est  d’occasioner  un  relâchement  géné- 
ral, sur  tout  quand  il  se  trouve,  comme  dans 
le  colostrum  , disséminé , associé  et  combiné 
avec  un  mucilage.  On  sait  encore  que  les  corps 
gras , d’après  les  expériences  de  Bayen , ont 
une  grande  affinité  avec  le  méconium  animal; 
qu’ils  le  dissolvent , le  liquéfient , le  mettent 
en  état  d’être  expulsé  au  dehors,  et  flfmpèclient 
que,  par  son  trop  long  séjour  dans  les  intes- 
tins , cet  excrément  n’occasionne  des  désor- 
dres qui  deviendraient  tôt  ou  tard  préjudi- 
ciables au  nouveau-né.  On  sait  que  les  enfàns, 
dès  les  premiers  jours  de  leur  naissance  , de- 
viennent quelquefois  très  - jaunes  , et  même 
noirâtres , parce  qu’alors  le  méconium  n'est  pas 
évacué.  Borcleu  dit  avoir  vu  un  enfant  qui , 
n’ayant  pas  rendu  cette  secrétion  par  les  voies 
ordinaires,  la  rendit  par  la  bouche,  et  mourut 
de  ce  vomissement. 

Mais  ce  qui  semble  confirmer  en  quelque 
sorte  l’effet  de  la  matière  grasse  contenue  dan£ 
le  colostrum , c’est  ce  qui  arrive  lorsque  l eva- 
cuation  du  méconium  ne  se  fait  pas  naturelle- 
ment et  aussi  promptement  qu’on  pourrait  le 

M 4 


m 


* •. 

l84  DU  1AIT  CONSIDÉRÉ 

désirer  : l’expérience  a alors  appris  qu’il  suffi- 
sait d’administrer  à l’enfant  un  corps  gras , tel 
que  du  beurre  ou  de  l’huile  d’amandes  douces, 
pour  obtenir  bientôt  après  l’effet  salutaire  que 
le  colostrum  seul  produit  le  plus  ordinairement. 

Au  surplus,  quelle  que  soit  la  manière  d’agir 
du  colostrum , il  parait  tellement  destiné  à favo- 
riser l’évacuation  du  méconium,  que,  quand 
cette  matière  ne  se  trouve  plus  dans  les  intes- 
tins, il  change  d’état,  prend  celui  d’un  fluide 
moins  abondant  en  beurre,  mais  plus  riche  en 
matière  caséeuse,  et  devient  plus  apte,  par 
cela  même , à former  un  véritable  aliment , 
lequel , après  avoir  subi  dans  l’estomac  l’élabo- 
ration convenable,  suffit,  si  rien  ne  s’y  oppose, 
pour  concourir  à tous  les  développemens  du 
nouveau  - né. 

Le  colostrum  ne  saurait  donc  être  considéré 
comme  un  fluide  indifférent  dans  le  cas  dont 
il  s’agit  ; il  est  destiné  par  la  nature  et  les  pro- 
portions de  ses  parties  constituantes  à exercer 
précisément  les  fonctions  d’un  véritable  médi- 
cament, dont  1’efFet,  en  contribuant  à l’expul- 
sion du  corps  étranger  à la  vie  de  l’animal,  dis- 
pose, pour  ainsi  dire,  ses  organes  à recevoir  et  à 
préparer  les  nouveaux  alimens  dont  il  a besoin 
pour  son  accroissement  et  sa  conservation. 
t C’est,  sans  doute,  à. cette  qualité  dissolvante 
et  relâchante  du  colostrum , et  non  aux  matières 
âcres  et  aux  sels  ammoniacaux , qu’il  ne  contient 
pas,  qu’on  doit  attribuer  l’espèce  de  dévoiement 


relativement  a la  médecine.  ï85 


auquel  sont  exposés  les  nouveau -nés  qui  le 
prennent;  ces  évacuations,  loin  d’ètre  nui- 
sibles à l’enfant , le  purgent  de  matières  qui 
lui  occasionnent  des  tranchées,  et  le  syrop  de 
chicorée , qu’on  prescrit  souvent  pour  provo- 
quer la  sortie  de  ces  matières,  n’a  jamais  le 
succès  du  colostrum,  comme  l’a  très  - bien 
remarqué  le  citoyen  Moa/e,  ami  et  élève  du 
célèbre  Sigault. 

Si  c’est  un  malheur  pour  le  nouveau -né  de 
ne  pouvoir  prendre  le  teton  de  sa  mère  dès 
qu’il  respire , puisqu’il  y trouverait  la  faculté 
de  se  débarrasser  sur-le-champ  et  sans  douleur 
de  la  secrétion  dont  nous  parlons , c’en  est  un 
bien  plus  grand  encore  de  passer  dans' les  bras 
d’une  mère  empruntée  , qui  , à la  place  du 
colostrum  , lui  donne  un  lait  plus  ou  moins 
façonné,  et  rarement  conforme  à sa  constitu- 
tion , malgré  toutes  les  combinaisons  des  accou- 
cheurs dans  ces  circonstances  toujours  critiques 
pour  le  sort  futur  de  l’enfant. 

Loin  donc  de  refuser  le  colostrum  au  nou- 
veau-né, d’après  l’opinion  des  anciens  qui 
regardaient  ce  fluide  comme  vénéneux  , on 
doit,  au  contraire,  le  lui  administrer  en  tota- 
lité, pour  qu’il  puisse  remplir  les  indications 
que  la  nature  a en  vue  en  le  formant;  et 
c’est  contrarier  absolument  son  vœu  que  d’en 

I frustrer  l’enfant  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit , puisque  sa  propriété  légèrement  purga- 


tive est  précisément  une  des  qualités  essen 


*86  D U LAIT  CONSIDÉRÉ 

tielles  pour  la  destination  qu’il  est  chargé  de 
remplir. 

Les  nourrisseurs  des  environs  deParis  ont  cou- 
tume de  traire  les  vaches  dès  l’instant  quelles 
ont  mis  bas,  et  de  leur  faire  boire  la  première 
traite,  persuadés  quelles  ont  besoin  d’ëtre  pur- 
gées. La  seconde  traite  est  pour  les  veaux,  aux- 
quels on  ne  permet  jamais  de  prendre  le  trayon  , 
dans  la  crainte  qu’ensuite  la  mère  ne  refuse  son 
lait  à la  traïeuse , et  ne  contracte  pour  son  nour- 
risson de  l’attachement  qui  opère  toujours  en 
elle  une  sorte  de  révolution  lorsqu’il  s’agit  de 
les  séparer  l’un  de  l’autre.  Mais  dans  ce  cas  peu 
importe  le  succès  de  ces  veaux  : ils  ne  sont  pas 
destinés  à former  des  élèves  : leur  sort,  en  nais- 
sant, les  condamne  à la  boucherie. 

Ainsi  l'homme  a toujours  la  manie  de  chan- 
ger l’ordre  établi  par  la  nature  : on  prive  les 
nouveau -nés  d’un  fluide  exclusivement  pré- 
paré pour  eux,  destiné  à se  combiner  à une 
certaine  espèce  de  matière  résineuse  qui  en- 
duit les  intestins,  capable  enfin  de  mettre  cette 
matière  en  état  d être  expulsée  audehors  sans 
effort  et  sans  réaction  sur  l’individu,  tandis 
que  l’on  fait  avaler  à la  mère  un  breuvage  qui 
lui  est  absolument  inutile,  puisqu’elle  na  point 
de  méconium  à rendre. 

Ce  n’est  pas  seulement  la  quantité  de  beurre 
contenue  dans  le  colostrum  qui  semble  annon- 
cer la  prévoyance  de  la  nature  dans  la  composi- 
tion de  ce  fluide  : la  faculté  qu’il  a de  se  coa- 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  187 

guler  à la  moindre  chaleur , et  de  pouvoir  etre 
facilement  décomposé , est  encore  une  autre 
preuve  de  cette  prévoyance  pour  des  èties 
frêles,  dont  l’estomac  n’a  pas  1 énergie  ni  les 
sucs  gastriques  si  nécessaires  à 1 oeuvre  de  la 
digestion.  Mais  ce  serait  excéder  les  bornes  de 
cet  ouvrage,  que  d insister  davantage  sur  ce 
point. 

Nous  invitons  les  chimistes  à s’en  occuper 
spécialement  : ils  seront  amplement  dédom- 
magés de  leurs  soins  par  les  résultats  qu  ils 
obtiendront,  sur  tout  s’ils  ne  se  bornent  pas 
seulement  à l’examen  du  colostrum  des  vaches, 
mais  s’ils  soumettent  à leurs  recherches  celui 
des  femelles  des  autres  animaux  non  ruminans, 
pour  les  comparer  ensuite,  et  savoir  si,  dans 
le  colostrum  comme  dans  le  lait,  il  n’existe  pas 
un  cachet  particulier  auquel  on  puisse  recon- 
naître l’une  et  l’autre  classes.  Nous  engageons 
aussi  les  hommes  qui  pratiquent  l’art  si  utile 
des  accouqhemens , à réfléchir  sur  l’efficacité 
du  colostrum  pour  les  nouveau- nés,  et  sur 
l’espèce  de  fluide  qu’on  doit  lui  substituer 
quand  , par  malheur  , la  mère  ne  peut  ou  ne 
veut  pas  remplir  ce  devoir  sacré.  Un  pareil  exa- 
men est  digne  de  la  plus  sérieuse  attention  : 
nous  formons  des  vœux  bien  sincères  pour  qu’il 
soit  un  jour  l’objet  d’un  travail  particulier. 

Il  résulte  de  tout  ce  qui  précède  , que  le 
colostrum  fourni  la  veille  du  vêlage  présente 
les  caractères  d’un  fluide  lymphatique  tellement 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

visqueux  que  les  fermiers  le  comparent  à du 
pus;  que  ce  fluide,  facilement  coagulable, 
donne  par  la  percussion  un  beurre  gras,  assez 
abondant  et  coloré;  que  dès  le  deuxième  jour 
du  vêlage  il  change  d’état  pour  se  rapprocher 
insensiblement  de  celui  du  lait , et  que  ce 
nest  que  vers  le  quatrième  jour  que  cexfluide 
a acquis  toute  la  perfection  d’un  véritable  lait, 
plus  séreux  que  crémeux,  mais  propre  à être 
/ employé  à tous  les  usages  domestiques  sans 
aucun  inconvénient. 

Article  IV. 

De  î usage  du  lait  comme  médicament. 

I l faut  convenir  que  la  médecine  ne  paraît 
pasavoir  à sa  disposition  un  moyen  plus  agréable 
et  souvent  plus  efficace  que  le  lait.  Quelque- 
fois ce  fluide  devient  le  remède  principal , s’il 
n’est  pas  toujours  le  seul  agent  de  la  guérison. 

Sans  vouloir  étendre  ou  circonscrire  les 
avantages  du  lait;  sans  l'admettre  uniquement 
et  indistinctement  pour  les  hommes  de  tous 
les  pays , de  tous  les  âges  et  de  tous  les  tem- 
péramens  ; nous  ferons  observer  que  la  raison 
et  l’expérience  indiquent  d’y  avoir  recours  dans 
une  infinité  de  circonstances , qu’en  suppo- 
sant qu’il  ne  soit  pas  essentiel  de  se  renfermer 
dans  son  seul  usage , il  convient  du  moins 
d’en  former  la  base  du  régime.  Combien  de 
fois  les  malades  ne  réclament -ils  pas,  comme 


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-cine  ne  parait 
i plus  agréable 
lit.  Quelipue- 
principal , s'il 
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r recours  dans 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  189 

par  instinct , en  faveur  de  cette  boisson , contre 
l’ignorance  ou  l’esprit  de  système,  qui  s'obs- 
tinent à leur  en  prescrire  une  autre  pour  la- 
quelle ils  ont  une  aversion  décidée?  Bornons- 
nous  à rapporter  quelques  exemples. 

Nous  avons  connu  une  femme  qui  avait 
la  jaunisse , et  qui  vomissait  tout  ce  quelle 
prenait,  excepté  le  lait,  dont  elle  avait  tenté 
l’usage,  malgré  l’avis  de  son  médecin;  elle 
n’a  fait  aucun  doute  ensuite  que  ce  ne  fût  là 
l’unique  moyen  de  sa  parfaite  guérison. 

Un  autre  particulier,  tourmenté  d’aigreurs, 
n’est  parvenu  à arrêter  cette  mauvaise  dispo- 
sition de  l’estomac , que  par  l’usage  du  lait. 

Dans  cette  foule  d’ouvrages  publiés  en  faveur 
de  l’usage  du  lait , nous  citerons  la  dissertation 
d 'Young.  Selon  ce  médecin,  le  lait  jouit  d’un 
si  grand  avantage  contre  les  poisons , même  les 
plus  corrosifs,  qu’il  doute  que  dans  la  nature 
il  existe  un  antidote  aussi  puissant;  il  ajoute 
encore  , qu’une  femme  qui  ressentait  sou- 
vent une  douleur  très -aiguë  vers  la  légion  de 
l’estomac , et  qui  vomissait  fréquemment  après 
le  repas,  a été  guérie  radicalement  par  l’usage 
du  lait  seul  et  des  alimens  auxquels  il  servait 
d’excipient.  Les  avantages  du  lait  pour  détruire 
le  scorbut,  sont  incontestables.  Hoffmann  et 
Moore  citent  également  une  foule  d observa- 
tions , qui  attestent  combien  son  usage  est  utile 
dans  les  maladies  vénériennes , pour  réparer 
le  désordre  que  leur  traitement  varié  occasionne 


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19°  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

nécessairement  dans  l’économie  animale.  Nous 
avons  un  exemple  surprenant  de  l’efficacité  du 
lait  dans  la  goutte.  Eissenbach  rapporte,  dans 
sa  dissertation,  qu’un  homme  sexagénaire,  né 
de  parens  goutteux  , avait  eu,  dès  sa  première 
jeunesse,  des  accès  de  goutte.  Fatigué  du  peu 
de  succès  qu’il  avait  obtenu  des  remèdes  qui 
lui  avaient  été  conseillés,  il  résolut  de  prendre 
quatre  livres  de  lait  chaque  jour.  Il  eut  d’abord 
beaucoup  de  peine  à supporter  cette  dose , à 
cause  de  son  épuisement  ; mais , ferme  dans 
sa  résolution,  il  continua  à user  de  ce  fluide 
pendant  environ  neuf  mois.  Au  bout  de  ce 
temps  il  ne  fut  plus  exposé  à aucun  accès  de  sa 
maladie,  et  fut  en  état  de  vaquer  à ses  affaires 
domestiques. 

Mais  il  serait  superflu  d’exposer  ici  les  ma- 
ladies auxquelles  l’usage  du  lait  convient  ou 
ne  convient  pas;  cet  objet,  tout  important 
qu’il  soit,  est  étranger  à notre  travail  ; il  est 
d’ailleurs  développé  dans  une  multitude  de 
matières  médicales  : mais  ce  qui  n’a  pas  été 
traité  avec  le  même  intérêt,  ce  sont  les  pré- 
cautions qu’il  faut  employer  pour  tirer  le  parti 
le  plus  avantageux  d’un  remède  aussi  efficace 
que  le  lait,  dans  beaucoup  de  circonstances. 

Si,  parmi  les médicamens , il  y en  a plusieurs 
dont  l’usage  n'exige  aucune  préparation  préli- 
minaire , il  en  est  beaucoup  d’autres  qui  n’bpè- 
rent  d’effet  salutaire  qu’autant  qu’on  a , pour 
ainsi  dire  , disposé  l’individu  à les  recevoir  ; 


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relativement  a la  médecine.  191 

le  lait  se  trouve  précisément  dans  le  nombre 
de  ces  derniers. 

Pour  l’homme  jouissant  d une  bonne  santé , 
ce  fluide  ne  présente  qu’un  aliment  qui,  comme 
tous  les  autres,  peut  être  administré  indifférem- 
ment ; mais,  dans  les  cas  de  maladie , il  devient 
un  véritable  médicament  : c’est  alors  que  son 
usage  exige  des  précautions,  soit  avant,  soit 
pendant,  soit  après  le  traitement. 

On  n’attend  pas  de  nous,  sans  doute,  que 
nous  fassions  un  exposé  de  toutes  les  précau- 
tions que  l’usage  du  lait  nécessite;  car,  toutes 
étant  subordonnées  à l’espèce  de  maladie  qu’il 
s’agit  de  traiter,  à l’âge  et  au  tempérament 
du  sujet,  à ses  habitudes  et  au  climat  sous 
lequel  il  vit,  on  conçoit  que,  pour  ne  rien 
omettre  de  ce  qui  est  relatif  à cet  objet, 
il  faudrait  entrer  dans  des  détails  qui  nous 
écarteraient  du  plan  que  nous  nous  sommes 
tracé.  Nous  nous  contenterons  donc  de  parler 
des  précautions  les  plus  générales  qu’on  peut 
ou  qu’on  doit  employer,  sans  toutefois  préten- 
dre quelles  ne  soient,  dans  aucun  cas,  sus- 
ceptibles d’exception. 

Précautions  avant  l’usage  du  lait. 

C’est  au  médecin  à prononcer  sur  les  avan- 
tages ou  les  inconvéniens  qui  peuvent  résul- 
ter de  l’emploi  du  lait;  lui  seul  peut  décider 
si  l’état  du  malade  ne  présente  aucune  contre- 
indication  qui  doive  faire  renoncer  à son 


DU  LAIT  CONSIDERE 


!92 

usage  ; enfin , il  doit  déterminer  les  précautions 
préliminaires  indispensables  pour  assurer  les 
effets  salutaires  de  cet  aliment  médicamenteux. 
Le  premier  objet  qui  doit  fixer  l’attention,  est 
l’état  de  l’estomac. 

Si  cet  organe  fait  mal  ses  .fonctions,  il  con- 
vient de  chercher  à reconnaître  quelles  peuvent 
en  être  les  causes.  Leur  nombre  est  consi- 
dérable. 

Est -ce  par  défaut  de  ton  ? On  doit  s’occu- 
per à remédier  à cet  inconvénient,  en  admi- 
nistrant des  toniques,  mais  en  choisissant, 
dans  la  classe  des  médicamens  de  cette  espèce, 
ceux  qui  sont  le  plus  analogues  à la  consti- 
tution du  malade  , et  sur  tout  au  genre  de 
maladie  qu’il  s’agit  de  combattre. 

Est -ce  parce  que  l’estomac  est  rempli  de 
sabures , qui , s’opposant  à l’action  des  sucs 
digestifs  , empêchent  que  les  alimens  subissent 
les  décompositions  et  les  nouvelles  combinai- 
sons qui  servent  à former  ce  fluide  appelé 
chyle ? Alors  il  n’y  a pas  de  doute  qu’on  ne 
soit  contraint  de  le  débarrasser  de  cette  sabure , 
soit  par  de  légers  vomitifs , si  l’état  du  malade 
le  permet,  soit  par  des  purgatifs  appropriés, 
ou  par  des  délayans  et  des  toniques  combinés, 
qui  diminuent  les  mauvais  effets  des  sucs  altérés. 

Il  est  vrai  que  beaucoup  de  médecins  sont 
dans  l’habitude  de  conseiller  toujours  la  pur- 
gation avant  l’emploi  du  lait;  mais  cette  pra- 
tique n’est  pas  fondée  en  principe  : les  cas  où 


relativement  A LA  MÉDECINE.  195 

ces  sortes  devacuations  préliminaires  ne  sont 
pas  indispensables , se  présentent  assez  fréquem- 
ment, et  les  praticiens  éclairés  savent  bien 
saisir  les  exceptions  nombreuses  qui  réduisent 
à très  - peu  de  cas  l’application  des  prétendues 
règles  générales  que  la  routine  a voulu  intro- 
duire dans  l’art  de  guérir. 

Combien  de  fois  la  santé  n’a-t-elle  pas  été 
dérangée,  pendant  long -temps,  par  l’unique 
cause  d’une  médecine  de  précaution  , qui  a mis 
ensuite  le  sujet  dans  l’impuissance  de  retirer 
du  lait  les  avantages  certains  quil  pouvait  en 
obtenir? 

Est -ce,  enfin,  parce  que  le  principe  acide 
qui  constitue  le  suc  gastrique,  suc  si  nécessaire 
à l’acte  de  la  digestion , se  trouve  en  surabon- 
dance ? Alors  il  faut  recourir  aux  moyens  pro- 
pres à en  diminuer  la  quantité,  soit  en  pré- 
sentant à ce  suc  des  corps  qu’on  sait  avoir  de 
l’affinité  avec  lui,  et,  dès -lors,  capables  de  s’en 
emparer , soit  en  usant  d’alimens  qui  puissent 
contribuer  à atténuer  son  action , ou  mettre 
des  entraves  à sa  trop  prompte  production. 

Il  est  nécessaire  encore  d’accoutumer  peu  à 
peu  le  malade  à l’espèce  de  régime  dont  il 
devra  faire  usage  lorsqu’il  prendra  le  lait.  Par 
exemple , si  ses  alimens  ordinaires  sont  pris 
dans  le  règne  végétal  et  dans  le  règne  animal, 
et  qu’on  ait  intention,  lorsqu’il  sera  au  lait, 
de  ne  lui  permettre  qu’une  nourriture  végétale  ; 
il  faut  quelques  jours  d’avance  lui  faire  essayer 


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DU  LAIT  CONSIDERE 

ce  nouveau  régime,  afin  d acquérir  la  preuve 
que  l’estomac  peut  s’en  accommoder,  et,  dans 
le  cas  contraire  , en  prescrire  un  autre  qui 
puisse  mieux  convenir. 

Cette  précaution,  à laquelle  on  ne  fait  pas 
ordinairement  assez  attention,  est  cependant 
absolument  nécessaire  si  on  veut  éviter  aux 
malades  ces  dégoûts , ces  pesanteurs  d’estomac, 
ces  nausées,  ces  mal-aises , ces  affections  tristes, 
ces  coliques  suivies  de  diarrhée,  et  une  foule 
d’autres  indispositions  de  cette  espèce,  qu’on 
est  toujours  porté  à attribuer  au  lait , tandis 
que,  si  on  ne  se  déterminait  pas  trop  prompte- 
ment à en  suspendre  l’usage , on  serait  con- 
vaincu que  le  plus  souvent  elles  ne  sont  dues 
qu’au  changement  trop  subit  des  alimens  dont 
on  faisait  précédemment  usage. 

Le  choix  de  la  saison,  pour  prendre  le  lait, 
mérite  encore  une  attention  toute  particulière. 
En  effet , s’il  est  bien  certain  que  dans  tous 
les  temps  le  lait  n’a  pas  la  même  qualité,  on 
jugera  aisément  qu’il  ne  doit  pas  être  égale- 
ment avantageux  de  faire  usage  de  ce  fluide 
en  hiver  ou  au  printemps , en  été  ou  dans 
l’automne. 

Le  printemps  et  l’automne  sont  les  deux 
époques  qui  semblent,  pour  ainsi  dire,  être 
préférables  aux  deux  autres  saisons , parce  que 
les  femelles  font  usage  alors  d’alimens  de  meil- 
leure qualité,  et  que  leur  santé  éprouve  une 
sorte  d’amélioration  qui  influe  nécessairement 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  ig5 

sur  tous  leurs  organes , lesquels , plus  vivans , 
s’il  est  permis  de  s’exprimer  ainsi , fabriquent  et 
élaborent  plus  complètement  les  humeurs  ani- 
males ; aussi  le  lait  est-il  alors  toujours  plus  riche 
en  principes  que  dans  les  deux  autres  saisons. 

Le  choix  du  lait  doit  être  mis  au  nombre 
des  précautions  qn’il  faut  prendre  avant  de  se 
mettre  à l’usage  de  ce  fluide  ; on  sait  qu’il  varie 
en  propriétés  suivant  l’espèce  de  femelle  qui 
le  fournit. 

Tel  lait  contiendra  beaucoup  de  matière 
caséeuse  et  peu  de  crème , tandis  que  pour 
tel  autre  ces  principes  sont  dans  des  propor- 
tions inverses.  Enfin  , on  sait  que  lage  de  l’ani- 
mal, sa  constitution,  l’état  physique  où  il  se 
trouve , l’espèce  de  nourriture  dont  il  fait  habi- 
tuellement usage,  les  soins  qu’on  lui  donne, 
les  lieux  qu’il  habite , influent  singulièrement 
sur  la  plus  ou  moins  grande  production  du 
lait,  ainsi  que  sur  sa  nature  et  ses  propriétés. 

C’est  ainsi  que  le  lait  de  chèvre  réussit , tan- 
dis que  celui  de  vache  fatigue  l’estomac;  plus 
souvent  encore  le  lait  d’ânesse  est  préférable, 
comme  plus  séreux  et  présentant  des  principes 
moins  grossiers. 

La  quantité,  les  proportions  et  la  qualité  des 
principes  contenus  dans  les  diverses  espèces  de 
lait , doivent  donc  décider  le  médecin  à con- 
seiller le  lait  d’une  espèce  plutôt  que  celui 
d’une  autre.  Quelquefois  on  peut  faciliter  la 
digestion  du  lait  de  vache , en  changeant  la 

N 2 


jat. 


proportion  de  ses  principes.  C’est  ainsi  que  le 
lait  écrémé  ou  le  lait  de  beurre  réussit  très- 
bien  , pendant  que  le  lait  entier  indispose. 
D’autres  fois  on  coupe  le  lait  avec  des  infu- 
sions mucilagineuses , ou  aromatiques  , ou 
toniques,  pour  en  faciliter  la  digestion. 

Précautions  à prendre  pendant  l’usage  du  lait . 

Les  précautions  qu’on  est  obligé  d’employer 
avant  de  se  mettre  au  lait , font  aisément  pres- 
sentir qu’il  en  est  d’autres  qui  deviennent  indis- 
pensables lorsqu’une  fois  on  est  à l’usage  de 
ce  remède. 

Les  époques  de  la  journée  où  il  convient  d’en 
user , la  quantité  qu’il  en  faut  prendre  à la  fois , 
le  degré  de  chaleur  qu’il  doit  avoir , le  genre 
de  vie  qu’il  est  à propos  de  suivre,  sont  autant 
de  considérations  particulières,  sur  lesquelles 
nous  allons  présenter  quelques  réflexions. 

i.°  L’époque  de  la  journée  où  il  faut  prendre 
le  lait. 

Cette  époque  est  susceptible  de  varier , si 
l’on  emploie  ce  fluide  pour  toute  nourriture , 
ou  si  l’on  n’en  prend  qu’une  certaine  quantité 
qui,  insuffisante  pour  se  nourrir,  nécessite  en 
même  temps  l’association  de  quelques  autres 
alimens. 

Dans  le  premier  cas , il  s’agit  de  mettre  entre 
chaque  prise  de  lait  assez  de  distance  pour 
que  la  digestion  de  la  première  soit  achevée 
avant  d’en  présenter  une  seconde , et  ainsi  de 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  197 

suite.  On  a vu  des  personnes  qui  ne  pouvaient 
supporter  le  lait  le  matin,  le  digérer  très-bien 
le  soir,  et  'vice  versà.  ■ 

L’action  plus  ou  moins  énergique  de  l’esto- 
mac doit  servir  de  règle  pour  régler  les  dis- 
tances qu’il  convient  d’observer  : mais  ordi- 
nairement la  première  dose  doit  etre  prise  le 
matin  à jeun,  peu  de  temps  après  le  réveil; 
trois  heures  après  on  peut  en  donner  une 
autre,  et  continuer  ainsi  pendant  le  reste  de 
la  journée. 

Dans  le  second  cas  on  se  contente  d’en 
donner  une  dose  le  matin  peu  de  temps  après 
le  réveil,  et  une  seconde  le  soir,  deux  heures, 
ou  environ , avant  le  souper. 

Mais , dans  l’un  et  l’autre  cas , si  le  malade , 
à son  reveil , se  trouve  avoir  la  langue  épaisse 
et  chargée  de  limon;  s’il  ressent  des  pesanteurs 
d’estomac;  s’il  éprouve,  en  un  mot,  comme 
cela  n’arrive  que  trop  souvent , une  espèce  de 
répugnance  à prendre  le  lait  qu’on  lui  pré- 
sente, il  faut  qu’il  attende  une  heure  ou  deux; 
à mesure  qu’il  respirera  un  air  plus  frais  et 
plus  pur , ces  indispositions  se  dissiperont  : il 
prendra  alors  avec  plaisir  le  lait  pour  lequel 
il  avait  auparavant  de  la  répugnance  , et  il  ne 
sera  pas  exposé  aux  effets  d'une  digestion  labo- 
rieuse , comme  cela  arriverait  en  négligeant  la 
précaution  qui  vient  d etre  indiquée. 

Cette  observation , relative  au  lait  pris  après 
le  réveil,  doit  également  trouver  place  dans 

n 3 


*9^  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

le  courant  de  la  journée;  autrement  le  lait, 
au  lieu  de  produire  l'effet  salutaire  sur  lequel 
on  pourrait  en  quelque  sorte  compter,  ne  man- 
querait pas  d’augmenter  la  maladie  à laquelle 
on  cherchait  à apporter  remède. 

2.0  La  quantité  de  lait  qu’il  faut  prendre. 

Il  serait  difficile  d’indiquer  précisément  la 
quantité  de  lait  qu’un  malade  doit  prendre  à 
la  fois;  ce  fluide  étant  un  médicament  alimen- 
teux , il  ressemble  à toutes  les  substances  de 
cette  espèce  , dont  la  dose  est  toujours  réglée 
sur  l’état  de  l’individu  auquel  on  en  prescrit 
l’usage. 

Mais  ce  qu’on  peut  dire  en  général  , c’est 
qu’il  est  toujours  plus  prudent  de  commencer 
par  une  petite  dose,  sauf  à l’augmenter  ensuite 
par  degrés , si  on  le  juge  nécessaire. 

Quatre  ou  six  onces  de  lait,  prises  à la  fois, 
forment  la  dose  à laquelle  on  peut  se  fixer  les 
deux  ou  trois  premiers  jours,  et  il  est  rare  qu’on 
se  permette  d excéder  dix  à douze  onces. 

Cette  quantité  cependant  doit  être  encore 
réglée  sur  l’espèce  de  lait.  Young  reproche  aux 
jeunes  médecins  qui  mettent  leurs  malades  au 
lait  des  animaux  nonruminans,  du  lait  d anesse, 
par  exemple,  de  le  prescrire  en  trop  petite  dose, 
parce  qu’il  contient  beaucoup  moins  de  crème 
et  de  fromage  que  celui  des  animaux  ruminans. 

5.°  La  chaleur  que  doit  avoir  le  lait. 

Les  opinions  sont  partagées  à cet  égard.  Les 
uns  veulent  que  le  lait  qu’on  administre  aux 


«Sa 


I 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  199 

malades  soit  donné  à froid  ; les  autres , qu’à 
l’aide  du  bain  marie  on  lui  procure  une  douce 
chaleur  : plusieurs  assurent  qu’il  faut  lui  faire 
éprouver  un  mouvement  d ébullition  : il  y en 
a,  enfin,  qui  croient  préférable  de  le  prendre 
lorsqu’il  est  encore  pourvu  de  sa  chaleur  natu- 
relle , et  dans  ce  cas  ils  exigent  qu’il  soit  donné 
immédiatement  après  la  sortie  des  mamelles. 

Quand  on  réfléchit  qu’on  ne  saurait  extraire 
le  principe  d’un  corps  sans  opérer  quelque 
dérangement  dans  ses  parties , on  a tout  lieu 
de  présumer  que  du  lait  chauffé  à différens 
degrés  jusqu’à  l’ébullition  , doit  avoir  des  pro- 
priétés absolument  distinctes  du  même  lait 
qu’on  vient  de  traire.  Pénétré  de  cette  vérité, 
Boerhaave  recommande  de  ne  jamais  faire 
bouillir  le  lait  lorsqu’il  s’agit  de  l’administrer 
comme  médicament,  parce  que,  suivant  l’ob- 
servation de  ce  grand  homme  , il  perd  ses 
parties  les  plus  saines  et  les  plus  balsamiques. 

Pour  avoir  la  preuve  que,  de  toutes  les  opi- 
nions énoncées,  ce  n’est  qu’à  la  dernière  qu’il 
faut  donner  la  préférence , il  suffira  de  faire  atten- 
tion à la  différence  étonnante  de  l’impression  que 
font  sur  nos  organes  le  lait  doué  encore  de  sa  cha- 
leur naturelle , et  celui  auquel  on  a communi- 
qué artificiellement  la  même  température. 

Le  lait  pourvu  de  sa  chaleur  naturelle  doit 
être  considéré,  ainsi  que  nous  l’avons  déjà  dit 
ailleurs,  comme  jouissant  d’une  sorte  de  vitalité. 
Cette  expression  peut  paraître  d’abord  un  peu 

n 4 


200 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

exagérée;  mais,  en  y réfléchissant,  il  y a lieu 
de  présumer  qu’on  conviendra  qu’elle  n’est  pas 
sans  fondement. 

En  effet,  le  lait  encore  chaud  est,  à peu 
de  chose  près , semblable  à ce  qu’il  était  dans 
l’organe  qui  l’a  préparé,  c’est-à-dire,  que  les 
molécules  qui  le  composent , en  vertu  de  leurs 
affinités  d’aggrégation  et  de  composition , res- 
tent les  unes  à côté  des  autres , et  forment  un 
fluide  homogène;  mais,  à mesure  que  la  cha- 
leur naturelle  disparait  tout-à-fait,  cet  état 
change,  et  c’est  précisément  alors  que  la  dé- 
composition du  fluide  s’annonce  par  un  chan- 
gement notable  dans  l’odeur,  la  saveur  et  la 
consistance.  Il  est  aisé  de  s’en  convaincre;  si 
on  examine  avec  attention  le  lait  qu’on  vient 
de  traire,  on  s’apercevra  que  la  crème  ne  com- 
mence à se  séparer  et  à s’élever  à la  surface, 
que  lorsque  le  fluide  a perdu  son  calorique  et 
son  mouvement. 

La  séparation  une  fois  commencée , il  est 
impossible  de  l’arrêter  sans  soumettre  le  lait 
à des  opérations  qui,  à la  vérité,  retiennent 
la  crème  disséminée  pendant  quelque  temps , 
mais  qui  la  forcent  aussi  de  former  avec  les 
parties  constituantes  du  lait  des  combinaisons 
différentes  de  celles  qui  existaient  dans  ce 
fluide  lorsqu’il  avait  son  état  naturel. 

On  pourrait,  peut-être,  croire  qu’il  serait 
facile  de  mettre  obstacle  à la  séparation  de  la 
chaleur  naturelle  du  lait , en  plaçant  ce  fluide , 


' T-  • V ‘ ; 7 

1 • 


■* 

I 

'.O.’ 

, 

RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  201 

immédiatement  après  la  traite , dans  une  atmos- 
phère dont  la  température  serait  égale  à celle 
présumée  dans  l’organe  mammaire;  mais  toute 
espèce  de  tentatives  à cet  égard  seraient  inu- 
tiles , car  cette  chaleur  même , privée  de  mou- 
vement, facilite  l’action  de  l’air,  qui  tend  à 
décomposer  le  lait  dès  qu’il  est  trait.  D’ailleurs 
on  a la  preuve  que  la  chaleur  naturelle  ne 
saurait  jamais  être  suppléée  qu’imparfaitement 

Ipar  la  chaleur  artificielle.  Enfin  , celle  - ci 
semble  , pour  ainsi  dire , exclure  ou  anéantir 
le  principe  vital  qui  accompagne  toujours  la 
première. 

Il  ne  reste  plus  maintenant  qu’une  difficulté, 
cest  de  savoir  si  ce  principe  vital , dans  le  lait 

I pourvu  de  sa  chaleur  naturelle  , doit  être  con- 
sidéré comme  médicamenteux. 

Pour  y répondre,  il  suffira  de  dire  que,  puis- 
qu’il est,  à peu  près,  certain  que  le  principe 
vital  est  identique  dans  tous  les* animaux,  il  est 
raisonnable  de  croire  que,  quand  on  introduit 
dans  un  animal  une  partie  de  la  substance  d’un 
autre  animal , cette  substance  introduite  a d’au- 
tant plus  de  disposition  à s’unir  à l’ëtre  vivant 
qui  la  reçoit , qu’elle  jouit  elle-même  d’une 
sorte  de  vitalité. 

Mais  on  est  encore  bien  plus  disposé  à croire 
que  les  choses  se  passent  ainsi , lorsqu’on  fait 
attention  au  but  et  aux  moyens  de  la  nature 
dans  la  nutrition  des  animaux  qui  viennent  de 
naître,  et  quon  voit  le  lait  produire  des  effets 


^02  du  LAIT  CONSIDÉRÉ 

salutaires  plus  prompts , toutes  les  fois  que  le 
malade  consent  à teter  la  femelle,  plutôt  que  de 
faire  usage  de  son  lait  après  qu’il  est  trait. 

S il  est  vrai  qu’il  résulte  du  mélange  des 
liqueurs  vineuses,  par  exemple,  un  tout  meil- 
leur qu’elles  n’étaient  avant  leur  association , 
pourquoi  le  médecin  ne  pourrait-il  pas  encore 
tirer  un  parti  avantageux  de  cet  exemple , en 
prescrivant  ensemble  un  lait  séreux  uni  à un 
lait  gras,  un  lait  jeune  à un  lait  ancien?  ce 
qui  présenterait,  peut-être,  un  moyen  de  ren- 
dre supportable  aux  enfans  nouveau  nés  , à 
ceux  sur  tout  qui  sont  frêles  et  délicats,  la 
transition  du  lait  de  la  mère  à celui  des  ani- 
maux immédiatement  après  qu’il  est  trait. 

Concluons  de  tout  ce  qui  précède , qu’il 
serait  à désirer  que  les  malades  pour  lesquels 
l’usage  du  lait  est  jugé  nécessaire,  pussent  puiser 
eux -mêmes  le  fluide  dans  le  réservoir  où  il  a 
pris  naissance  ; mais  que , vu  les  difficultés  sans 
nombre  qui  s’opposent  souvent  à l’exécution  de 
cette  pratique,  il  faut,  autant  qu’il  est  possible, 
administrer,  dans  beaucoup  de  cas,  le  lait 
presqu  aussitôt  après  qu’il  a été  trait,  c’est-à- 
dire,  jouissant  encore  de  sa  chaleur  naturelle. 

Quant  à la  température  qu’on  doit  lui  don- 
ner lorsqu’il  a perdu  celle  qu  il  avait  au  sortir 
des  mamelles  , il  nous  semble  qu’elle  ne  doit 
jamais  excéder  quinze  à vingt  degrés  du  ther- 
momètre de  Réaumur  ; car , à une  température 
plus  élevée , le  lait  s’altère  et  se  recouvre  à sa 


iVexècutioiv  de 
u il  est  possible, 
Je  tas,  k ^ 
i irait, 

ileernit»* 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  205 

surface  de  pellicules , qui , ainsi  que  nous  1 avons 
démontré , sont  déjà  des  preuves  évidentes  d une 
décomposition  de  la  matière  caséeuse. 

4-°  Le  régime  et  le  genre  de  vie  que  doit 
suivre  le  malade  qui  fait  usage  du  lait. 

Ces  deux  conditions  doivent  être  subordon- 
nées à l’état  de  ses  forces  digestives , au  genre 
r d’affection  qu’on  veut  combattre , à l’habitude 
du  malade,  à la  saison,  au  pays  qu’il  habite, 
ainsi  qu’aux  circonstances  où  il  se  trouve.  On 
a coutume  d’interdire  à ceux  qui  observent  la 
diète  mixte  toutes  les  substances  qui  peuvent 
cailler  le  lait;  mais,  si  l’on  interroge  l’expé- 
rience, on  trouve  que  cette  interdiction , trop 
sévère  , est  entièrement  contraire  à l’observa- 

ition  et  aux  pratiques  de  quelques  cantons.  Les 
auteurs  qui  ont  sacrifié  des  animaux  saturés 
de  lait  à la  recherche  des  voies  du  chile,  ont 
trouvé  le  lait  caillé  dans  l’estomac , avant  qu’il 
ne  fût  passé  dans  les  intestins  pour  y subir  une 
I digestion  parfaite. 

Les  acides  ne  sauraient  donc  nuire  quelque- 
fois pendant  l’usage  du  lait,  à cause  de  la  coagu- 
lation qu’ilspourraientoccasioner,  puisque  cette 
coagulation  a lieu  dans  toutes  les  circonstances. 
Vend  rapporte  qu’il  connaissait  une  femme 
qui  ne  supportait  aucune  espèce  de  lait , sans 
l’associer  en  même  temps  à un  acide  végétal. 
Dans  l’Inde  et  en  Italie , on  le  mêle  avec  parties 
égales  de  vin  ou  de  suc  de  limon , pour  aider 
à le  faire  passer.  Galien  vante  beaucoup  l’usage 


, 


. 1 


204  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

de  T oxigala , c’est-à-dire,  du  lait  mêlé  avec  du 
vinaigre,  et  bu  avant  que  la  matière  caséeuse 
en  soit  séparée.  Mais  tous  ces  faits  sont  trop 
connus  pour  en  multiplier  les  citations. 

Ainsi  les  alimens  seront  toniques  ou  relâ- 
cbans , choisis  dans  le  règne  végétal , ou  dans 
le  règne  animal;  on  pourra  faire  une  heureuse 
combinaison  des  uns  et  des  autres  , selon  l’indi- 
cation que  le  médecin  voudra  remplir , et  d’après 
la  connaissance  des  forces  de  l’estomac. 

Il  en  est  de  même  de  l’exercice  convenable 
à un  malade.  Il  doit  être  pris  modérément  et 
en  plein  air  ; mais  on  évitera  avec  soin  le  froid 
et  l’humidité  , parce  que,  l’usage  du  lait  tenant 
dans  un  état  de  faiblesse  celui  qui  se  nourrit  de 
ce  fluide  , facilitant  ordinairement  la  transpira- 
tion et  disposant  à la  sueur , on  ne  doit  pas 
s’exposer  à une  répercussion  funeste. 

Précautions  après  l’usage  du  lait. 

Ce  serait  en  vain  qu’on  aurait  pris  des  pré- 
cautions avant  et  pendant  l’usage  du  lait,  si  on 
négligeait , lorsqu’on  le  cesse , de  suivre  un 
régime  basé  sur  les  effets  produits  par  ce  fluide. 

L’estomac,  n’ayant  reçu  long-temgs  que  des 
alimens  doux  et  facilement  digestifs,  supporte- 
rait difficilement  tout-à-coup  des  alimens  d’un 
genre  opposé. 

Le  corps , accoutumé , pour  ainsi  dire , à un 
exercice  modéré,  ne  supporterait  pas  non  plus 
sans  souffrir  un  exercice  violent. 


c°nven«f,j6 
Créaient  et 
'Winleîroü 
^ lait  tenant 
$e  nourrit  de 
la  transpira- 
ne  doit  pas 
ite. 


u 


piis  des  pré- 
du  lait,  si  on  I 
le  suivre  nn  I 
par  ce  HA  I 
^ que  de»  I 

s.JttPPf  1 
jlimens  ^'un  I 


relativement  a LA  MÉDECINE.  2o5 

Des  habitudes  nouvelles  et  contraires  à celles 
qu’on  avait  adoptées , exposeraien  t à des  impres- 
sions tout-à-fait  différentes  de  celles  qu’on  avait 
éprouvées. 

Enfin,  la  réunion  de  tous  ces  inconvéniens 
occasionnerait  bientôt  de  nouveaux  désordres, 
d’autant  plus  fâcheux  que  l’art  ne  pourrait  plus 
les  arrêter. 

Le  moyen  de  prévenir  de  semblables  dan- 
gers , est  de  ne  changer  que  graduellement  le 
régime  qu’on  avait  adopté  pendant  l’usage  du 
lait.  La  nature  alors  , n’étant  pas  contrariée  dans 
sa  marche , restitue  insensiblement  à chaque 
organe  son  énergie  , et  finit  par  établir  dans 
tout  le  système  animal  cette  harmonie , cet 
équilibre,  absolument  nécessaires  à la  conser- 
vation de  la  santé. 

Un  préjugé  , trop  accrédité  malheureuse- 
ment dans  certaines  contrées , établit  encore 
comme  un  besoin  indispensable  l’emploi  d’un 
purgatif  après  l’usage  du  lait,  pour  enlever, 
suivant  cette  expression  triviale  , la  crasse 
que  laisse  ^ordinairement  ce  fluide  dans  les 
organes  digestifs. 

.Nous  pourrions  répéter  ici  ce  que  nous  avons 
déjà  observé  relativement  à la  purgation  préli- 
minaire à l’usage  du  lait.  De  semblables  pra- 
tiques ne  comportent  point  de  règles  générales; 
cest  la  constitution  physique,  c’est  l’état  de 
1 estomac , qui  seuls  doivent  les  déterminer 
en  pareil  cas. 


Si  donc  le  lait  a été  bien  indiqué  , et  qu’il 
ait  été  suivi  de  bonnes  digestions,  la  purgation 
sera  plus  nuisible  qu’utile  : si,  au  contraire, 
l’usage  de  ce  fluide  a fatigué  le  malade,  s’il  a 
donné  lieu  à ces  accidens  qui  annoncent  le 
dérangement  des  premières  voies  et  forcent 
quelquefois  à abandonner  le  lait,  la  prudence 
exige  qu’on  administre  un  léger  purgatif  ; mais 
on  ne  doit  jamais  perdre  de  vue  que  l’on  a beau- 
coup abusé  de  la  doctrine  des  sabures  et  de  l’em- 
ploi des  évacuans  , qui  en  est  la  conséquence. 

Nous  pourrions  nous  étendre  davantage  sur 
les  inconvéniens  qui  résultent  du  défaut  ou  de 
l’excès  des  précautions  employées  avant,  pen- 
dant et  après  l’usage  du  lait;  mais  ce  que  nous 
venons  de  rapporter  doit  faire  sentir  suffisam- 
samment  combien  la  prudence  et  les  soins 
doivent  influer  avantageusement  sur  l’effica- 
cité d'un  semblable  médicament. 

Voici  encore  de  grandes  considérations,  qu’il 
ne  faut  pas  négliger;  elles  sont  trop  liées  avec 
l’intérêt  général  pour  oublier  de  les  présenter 
à la  fin  de  cet  article. 

D’après  l’observation  que  nous  avons  faite 
relativement  à la  différence  notable  qui  existe 
entre  la  première  et  la  dernière  portions  de  lait 
d’une  même  traite,  on  doit  facilement  conce- 
voir combien  est  vicieux  l’usage  dans  lequel 
on  est , sur  tout  dans  les  grandes  communes, 
de  destiner  le  lait  d’une  même  femelle  au  ser- 
vice de  plusieurs  individus. 


„ ■ 


relativement  a la  médecine.  207 

Supposons,  en  effet,  trois  malades  auxquels 
le  médecin  aura  prescrit  le  lait  danesse,  par 
exemple  , à la  dose  de  huit  onces  le  matin , 
quantité  que  cette  femelle  peut  fournir  à cha- 
que traite.  On  conduit  l’ânesse  chez  le  premier 
malade,  et  on  tire  la  mesure  de  lait  dont  il  a 
besoin  ; on  va  ensuite  chez  le  second',  et  enfin 
chez  le  troisième,  auxquels  on  donne,  comme 
au  premier,  la  dose  de  lait  prescrite.  Dans  ce 
cas  il  est  aisé  de  voir  que  le  premier  malade 
aura  le  lait  le  plus  séreux , tandis  que  le  der- 
nier n’a,  pour  ainsi  dire,  que  de  la  crème. 

Si  on  admet  actuellement  que  le  lait  le  plus 
gras  et  le  plus  crémeux  est  le  plus  salutaire , 
il  en  résulte  que  le  malade  qui  a eu  la  pre- 
mière portion  de  la  traite  a été  moins  favorisé 
que  le  dernier , qui , au  lieu  de  huit  onces 
de  lait , en  aura  eu  réellement  plus  du  dou- 
ble , relativement  aux  proportions  des  parties 
constituantes. 

Mais  si , au  contraire , un  lait  pris  comme 
médicament  a d’autant  plus  de  qualité  qu’il  ne 
contient  ni  trop  de  beurre  ni  trop  de  fromage , 
on  concluera  facilement  avec  nous,  qu’aucun 
des  trois  malades  dont  nous  venons  de  parler 
n’a  pris  le  lait  qui  convenait  à son  état , et 
que,  pour  éviter  cet  inconvénient,  il  aurait 
fallu  avoir  la  précaution  de  traire  lanesse  une 
seule  lois  le  matin,  et  de  partager  ensuite  la 
traite  encore  chaude  en  trois  doses  égaies; 
car , dans  ce  cas , il  serait  démontré  que  les 


2o8 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

trois  malades  auraient  du  lait  de  même  qualité 
et  dans  les  mêmes  doses.  On  répartirait  de  la 
même  manière  la  traite  du  soir. 

C’est,  peut-être,  à défaut  de  cette  précau- 
tion qu’on  entend  les  malades  se  plaindre  de 
ce  que  le  lait  ne  passe  pas  toujours  également, 
et  qu’il  leur  occasionne  souvent  des  pesanteurs 
d’estomac  et  d’autres  indispositions,  qui  les 
forcent  de  renoncer  à l’usage  d’un  médicament 
dont  cependant  ils  auraient  pu  tirer  un  parti 
avantageux  s’il  leur  avait  été  administré  d’une 
manière  convenable. 

Les  expériences  qui  prouvent  que  le  lait, 
en  séjournant  un  certain  temps  dans  les  ma- 
melles, augmente  de  qualité,  et  que,  plus  on 
répète  les  traites  dans  le  cercle  de  vingt-quatre 
heures,  plus  le  lait  est  séreux  et  abondant, 
avertissent  assez  les  nourrices  d’étre  circonspec- 
tes sur  la  distribution  des  heures  de  la  journée 
où  elles  doivent  donner  le  teton  a l’enfant. 
Nous  croyons  qu’on  pourrait  d’après  ces  prin- 
cipes établir  quelques  régies  sur  cet  objet 
essentiel. 

Ainsi,  puisque  le  lait  est  plus  séreux  et  plus 
abondant  pendant  les  deux  mois  qui  suivent 
l’accouchement  , il  semble  que  les  nourrices 
doivent  pendant  ce  temps  présenter  souvent  le 
sein  à l’enfant , pour  que  celui  - ci , qui  ne 
prend  pas  encore  d'autre  aliment,  puisse  être 
suffisamment  nourri  ; et  cette  fréquence  d’allai- 
tement, proportionnée  à l’abondance  du  lait, 


te  les  ma- 
que,  plus  on 
i vingt-quatre 
et  abondant, 
ecirconsçec* 
le  la  ’prnée 
ltt  a Tentant, 
près  ces  prin- 
sur  cet  objet 


» 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  20q 

n’est  pas  alors  trop  Fatigante  pour  elles  ; mais 
à mesure  que  l’époque  de  l’accouchement 
s’éloigne,  que  le  lait  diminue  de  quantité  et 
augmente  cle  consistance,  elles  doivent  moins 
rapprocher  les  heures  où  elles  allaitent,  afin 
que  le  lait  acquierre  plus  de  corps  et  soit  plus 
approprié  aux  forces  digestives  de  l’enfant,  qui  a 
déjà  besoin  d’une  nourriture  plus  substancielle. 

Cette  méthode  aura  donc  le  double  avantage 
de  donner  à l’enfant  dans  le  premier  temps 
un  lait  plus  séreux  et  de  plus  facile  diges- 
tion; dans  le  deuxième  temps,  au  contraire, 
l’enfant  sera  plus  nourri  et  la  mère  moins 
fatiguée. 

Il  nous  reste  une  troisième  considération, 
c’est  celle  relative  au  changement  que  le  lait 
éprouve  dans  l’estomac  quand  on  l’a  pris  comme 
aliment  ou  comme  médicament. 

Quelques  médecins  ont  cru  autrefois  que  le 
lait,  pour  se  bien  digérer,  ne  devait  pas  subir  la 
coagulation  : mais,  puisque  la  liqueur  contenue 
dans  ce  viscère  et  sa  membrane  interne,  chez  la 
plupart  des  animaux,  soit  qu’ils  vivent  dans  l’air, 
dans  l’eau  ou  sur  la  terre,  possèdent  à un  très- 
haut  degré , long-temps  même  après  que  l’extrac- 
tion en  a été  faite,  la  faculté  de  faire  cailler  le 
lait;  comment  concevoir  que  ce  fluide  puisse 
échapper  à un  commencement  de  décomposi- 
tion, lorsqu’il  séjourne  dans  l’estomac  pendant 
la  vie  et  l’état  de  santé  de  l’animal , c’est-à- 
dire,  quand  le  suc  gastrique  jouit  de  toute  son 

o 


210  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

énergie,  et  quand  souvent  la  chaleur  naturelle 
de  l’estomac  suffirait  pour  produire  cette  coa- 
gulation? 

Il  est  d’ailleurs  bien  prouvé  aujourd’hui  qu’un 
aliment  ne  saurait  être  digéré  sans  éprouver  l’ac- 
tion des  agens  physiques  et  chimiques  qui  se 
trouvent  réunis  dans  l’estomac  et  les  intestins: 
c’est  de  la  composition  des  substances  alimen- 
taires, de  la  séparation  des  véritables  sucs  nutri- 
tifs et  des  combinaisons  nouvelles  qui  en  résul- 
tent, que  se  trouve  formé  le  chyle. 

Le  lait  ne  peut  donc  , non  plus  qu’aucun 
autre  aliment,  contribuer  à la  nourriture,  sans 
éprouver  une  décomposition,  et,  sans  doute, 
la  coagulation  du  lait  et  la  séparation  des  par- 
ties caséeuses  de  la  sérosité,  sont  indispensa- 
bles pour  remplir  le  but  de  la  nature  dans  la 
digestion  de  ce  fluide , destiné  à la  nourriture 
du  jeune  animal. 

Tout  ce  qu’on  a dit  de  contraire  à cette  opi- 
nion , n’est  fondé  sur  aucun  fait  positif;  l’exa- 
men des  animaux  ouverts  peu  de  temps  après 
leur  avoir  fait  boire  du  lait,  prouve  évidem- 
ment ce  que  nous  avançons.  Cependant,  en 
répétant  cette  expérience , quelques  physiciens, 
d’après  la  fausse  supposition  de  ceux  qui  com- 
parent le  lait  au  chyle  , ont  pris  pour  du  lait 
du  chyle  déjà  formé,  et  en  ont  conclu  que  le 
lait  ne  se  coagule  pas  dans  l’estomac.  Mais 
on  est  revenu  de  cette  ancienne  erreur  depuis 
les  nouvelles  découvertes  sur  le  suc  gastrique, 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  211 

et  sur  tout  depuis  que  la  chimie  moderne  a 
porté  son  flambeau  dans  l’analyse  des  diverses 
fonctions  de  l’économie  animale , et  qu’elle  a 
prouvé  que  l’estomac  et  les  intestins  réunis- 
saient des  moyens  mécaniques  et  des  moyens 
chimiques  pour  extraire  des  alimens  les  sucs 
réparateurs. 

Ne  pourrait -on  pas  conclure  de  ces  obser- 
vations, que,  si  ce  n’est  point  aux  chimistes 
qu’on  est  redevable  de  la  découverte  des  pro- 
priétés alimentaires  et  médicinales  du  lait,  on 
a eu  tort  d’établir  qu’il  ne  pouvait  rien  résulter 
d’utile  de  leurs  recherches  ni  de  leurs  travaux 
dirigés  vers  l’étude  et  l’application  de  ce  fluide 
à nos  principaux  besoins  ? 

Article  VI. 

De  l usage  des  parties  constituantes  du 
lait , comme  médicament. 

A r r ù s avoir  indiqué  les  précautions  qu’exige 
l’usage  du  lait  considéré  comme  remède  , il 
nous  reste  à jeter  quelque  jour  sur  un  autre 
point  de  ce  même  objet,  c’est-à-dire,  à indi- 
quer sommairement  les  qualités  médicinales  de 
chacune  des  parties  de  ce  fluide  qu’on  peut 
employer  séparément. 

Une  opinion  contre  laquelle  nous  croyons 
devoir  d’abord  réclamer,  c’est  celle  qui  n’attri- 
bue la  propriété  médicinale  du  lait  qu’à  une 
ou  deux  de  ses  parties  constituantes;  qui  la  fait 

* . O 2 


résider,  par  exemple,  dans  la  crème  ou  dans 
le  sel  essentiel,  et  qui  ne  considère  la  matière 
caséeuse , ainsi  que  le  sérum  , que  comme  des 
accessoires,  sinon  inutiles,  au  moins  de  peu 
de  valeur. 

Sans  doute,  toutes  ces  parties  constituantes 
du  lait,  prises  isolément,  ne  sont  pas  douées 
de  la  même  vertu  médicinale  ; mais  ce  n’est 
pas  ainsi  qu’il  faut  les  envisager , c’est  plutôt 
dans  leur  réunion , lorsqu’elles  composent  le 
lait.  Or , dans  cet  état , il  est  bien  certain  que 
la  propriété  de  chacune  d’elles  se  trouve,  pour 
ainsi  dire,  confondue.  Le  lait  peut  donc  avoir 
des  propriétés  qui  participent,  si  l’on  veut,  de 
quelques-unes  de  celles  des  parties  qui  ont 
servi  à le  former;  mais  il  en  a d’autres  encore 
qui  lui  appartiennent  essentiellement,  et  qu’il 
ne  conserve  qu’autant  que  les  différentes  subs- 
tances qui  entrent  dans  sa  composition  restent 
combinées. 

Si  la  propriété  médicinale  du  lait  ne  réside 
pas  seulement  dans  la  crème , ou  dans  le  sel 
essentiel , comme  quelques  personnes  l’ont 
pensé,  il  est  ridicule  de  croire  qu’il  doit  suffire 
de  recourir  à l’une  de  ces  deux  parties  pour 
obtenir  les  mêmes  avantages  que  ceux  qui 
résultent  de  l’usage  du  lait  ordinaire. 

Or , c’est  précisément  parce  que  nous  sommes 
convaincus  que  le  lait  a des  propriétés  diffé- 
rentes de  celles  des  parties  qui  le  composent , 
que  nous  croyons  devoir  insister  un  instant  sur 


le?reÿ 

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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  2l3 

les  ressources  que  ces  mêmes  parties  peuvent 
offrir  à la  médecine  dans  bien  des  circonstances. 

i.°  La  crème. 

L’efficacité  du  lait  contre  l’action  des  poisons 
corrosifs  sur  l’estomac,  est  suffisamment  con- 
nue ; mais  on  n’a  pas  fait  la  même  attention 
relativement  à la  crème,  dont  l’efiet,  dans  ce 
cas , doit  être  encore  plus  marqué , non-seule- 
ment d’après  la  connaissance  qu’on  a de  la 
nature  des  substances  qui  la  composent,  mais 
même  aussi  d’après  la  manière  dont  elle  se 
comporte  avec  les  acides  et  les  alkalis. 

S’il  est  vrai  que,  dans  le  cas  dont  il  s’agit, 
un  corps  quelconque  ne  peut  opérer  , comme 
médicament,  qu’au  tant  qu’il  a de  l’aptitude  à 
absorber  , ou  plutôt  à décomposer,  le  prin- 
cipe qui  cause  la  maladie;  il  est  clair  que,  plus 
ce  corps  jouira  de  cette  aptitude,  plus  aussi 
l’effet  salutaire  qu’on  en  attend  se  manifestera 
promptement. 

Or , lorsqu’on  compare  ce  qui  arrive  au  lait 
et  à la  crème  toutes  les  fois  qu’on  mêle  séparé- 
ment ces  deux  fluides  avec  des  poisons  salins, 
on  voit  qu’aussitôt  après  le  mélange  la  crème 
subit  une  décomposition,  tandis  que  le  même 
effet  est  beaucoup  plus  lent  à se  manifester 
quand  on  se  sert  de  lait  écrémé. 

En  se  rappelant  ensuite  qu’un  corps  ne  peut 
être  décomposé  sans  qu’il  se  forme  en  même 

o 3 


214  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

temps  de  nouvelles  combinaisons  , dont  les 
propriétés  sont  absolument  différentes  de  celles 
qui  lui  appartenaient  avant  sa  décomposition  ; 
on  sera  disposé  à conclure  que  la  crème,  qui 
est  décomposée  plus  promptement  que  le  lait 
par  les  poisons  salins  , doit  nécessairement 
présenter  un  remède  plus  efficace. 

C’est  aussi  ce  que  l’expérience  a prouvé, 
car  on  sait  que , dans  tous  les  cas  d’empoi- 
sonnement par  les  sels,  les  acides  ou  les  alka- 
lis  , la  crème  fait  disparaître , presque  sur-le- 
champ  , les  grands  accidens  , tandis  que  le 
lait  dépourvu  de  crème  ne  produit  le  même 
avantage  qu’à  la  longue,  et  sur  tout  lorsqu’on 
avale  une  grande  quantité  de  ce  fluide. 

Nous  pourrions  sans  doute  multiplier  les 
exemples  qui  serviraient  à prouver  la  préfé- 
rence que,  dans  certains  cas,  la  crème  mérite 
sur  le  lait;  mais  ceux  que  nous  venons  de 
citer  paraissent  assez  frappans  pour  nous  dis- 
penser d’insister  davantage  sur  cet  objet. 

2.0  Le  beurre. 

En  ne  considérant  le  beurre  que  sous  cer- 
tains rapports,  on  voit  qu’il  a beaucoup  d’ana- 
logie avec  les  matières  grasses  ou  huileuses 
extraites  des  végétaux  ; mais , lorsqu’on  l’exa- 
mine ensuite  avec  plus  d’attention,  on  est  forcé 
de  convenir  qu’il  y a des  circonstances  où  son 
usage  doit  être  préférable  à celui  de  tous  les 
autres  corps  gras. 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  2l5 

I 

Indépendamment  de  la  supériorité  du 
beurre  sur  tous  les  autres  corps  gras  pour  la 
préparation  des  mets  qu’on  a l’habitude  de 
manger  dans  l’état  chaud  , on  sait  que  sa 
consistance  habituelle  le  rend  propre  à former 
certains  médicamens  qu’on  ne  se  procurerait 
pas  également  avec  d’autres  matières  huileuses. 
On  sait  encore  qu’appliqué  extérieurement , il 
devient  un  adoucissant  efficace  pour  prévenir 
et  arrêter  les  inflammations , et  qu’on  peut  le* 
combiner  facilement  avec  l’arome , la  partie 
colorante,  la  résine  et  les  huiles  essentielles  * 
des  végétaux , sans  qu’on  soit  obligé  de  le 
faire  chauffer. 

C’est  principalement  lorsqu’il  est  ainsi  com- 
biné qu’il  doit  présenter  des  médicamens  qui, 
peut-être,  deviendront  un  jour  très-précieux, 
dès  qu’on  aura  mieux  étudié  et  apprécié  les 
vertus  médicinales  de  ces  principes  essentiels 
des  plantes , soit  seuls , soit  lorsqu’ils  seront 
tenus  en  dissolution  par  les  agens  qui  ont  de 
l’affinité  avec  eux. 

Enfin , cette  espèce  de  caractère  animal 
que  le  beurre  conserve  toujours  , ne  semble- 
rait-il pas  indiquer  qu’il  devrait  être  choisi, 
de  préférence  à toute  autre  matière  huileuse  , 
pour  préparer  ces  savons  médicinaux  employés 
si  souvent  avec  succès  dans  le  traitement  de 
quelques  maladies  chroniques? 


o 4 


216  du  lait  considéré 

3.°  La  matière  caséeuse. 

De  toutes  les  parties  constituantes  du  lait 
la  plus  alimentaire  est  la  matière  caséeuse;  elle 
seule,  à défaut  de  toute  autre  nourriture,  suffi- 
rait pour  soutenir,  pendant  quelque  temps,  en 
bon  état  l’individu  qui  en  ferait  usage  : mais 
elle  prend,  comme  on  sait,  assez  promptement 
une  saveur  aigrelette,  et  alors  elle  acquiert 
/une  propriété  véritablement  médicamenteuse. 

Plusieurs  médecins , Vullen  entr’autres,  assu- 
rent avoir  fait  prendre  le  caillé  ou  la  matière 
caséeuse  acidulé  , dans  l’état  frais  , à des  phty- 
siques,  sans  jamais  avoir  observé  qu’il  en  fût 
résulté  la  moindre  impression  défavorable.  On 
l’a  donné  encore  avec  avantage  dans  certaines 
cachexies,  dans  le  scorbut,  et  dans  quelques 
affections  de  l’estomac  accompagnées  de  vomis- 
sement. Enfin  , il  parait  vraisemblable  que  cette 
substance  pourrait  servir  efficacement  dans 
toutes  les  circonstances  où  l’usage  des  acides 
doux,  associés  avec  les  alimens,  est  jugé  néces- 
saire; mais  jusqu’ici  l'emploi  de  cette  matière 
n’a  pas  été  assez  étendu  dans  le  traitement  des 
maladies,  soit  internes,  soit  externes. 

L’usage  le  plus  commun  du  caillé  consiste 
à le  manger  seul  : on  l’emploie  assez  habituel- 
lement à Rouen  et  à Amiens,  sous  le  nom  de 
jnatte-:  souvent  on  le  mêle  avec  du  sucre  ou 
des  aromates  ; alors  il  présente  un  mets  agréa- 
ble , rafraîchissant  et  ordinairement  de  facile 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  217 

digestion.  Mais  il  faut  avouer  que  la  matière 
caséeuse  ne  se  trouve  jamais  seule  dans  les  fro- 
mages frais,  qui  sont  servis  sur  nos  tables  : elle 
y est  souvent  confondue  ; elle  flotte  toujours 
au  milieu  de  la  crème  ou  du  lait. 

4.0  Le  sérum  ou  petit  lait. 

On  sait  que  la  sérosité  du  lait  est  employée 
seule  comme  boisson  rafraîchissante,  et  quelle 
est  aussi  l’excipient  de  beaucoup  de  remèdes 
que  l’on  donne  intérieurement  dans  différentes 
vues. 

11  y a plusieurs  méthodes  adoptées  pour  pré- 
parer le  petit  lait;  l’une  par  la  coagulation 
spontanée , l’autre  par  l’addition  de  quelques 
substances  acides  ou  astringentes. 

Le  premier  est  connu  dans  les  campagnes 
sous  le  nom  de  lait  maigre . Il  est  peu  usité  en 
médecine , sur  tout  parmi  nous.  On  n’en  con- 
çoit gu  ères  la  raison  : les  habitans  de  la  Grèce 
n’avaient  cependant  pas  d’autres  boissons  pour 
tempérer  l’ardeur  de  la  soif  que  la  chaleur  de 
leur  climat  occasionait. 

Le  second  petit  lait , connu  dans  les  phar- 
macies sous  le  nom  de  petit  lait  clarifié , se 
prépare  avec  le  lait  de  beurre  ou,  mieux  en- 
core, avec  le  lait  dépourvu  de  sa  crème.  C’est 
une  des  boissons  qu’on  prescrit  le  plus  souvent 
dans  certaines  maladies. 

Lorsque  le  petit  lait  clarifié  est  de  bonne  qua- 
lité , les  malades  le  prennent  sans  répugnance. 


2x8 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

A grande  dose  il  devient  souvent  laxatif  et  diu- 
rétique. Il  s’altère  facilement,  sur  tout  pen- 
dant l’été , et  cette  altération  se  manifeste  nar 
une  saveur  aigre  bien  sensible;  alors  il  con- 
vient dans  les  maladies  putrides.  Cartheuser 
assure  que  dans  cet  état  il  faut  l’administrer 
aux  malades  attaqués  de  maladies  inflamma- 
toires et  malignes  ; mais  il  est  nécessaire  que 
son  acidité  ne  soit  pas  portée  trop  loin , car 
son  usage  exposerait  à quelques  inconvéniens. 

On  connaît  une  troisième  espèce  de  petit 
lait,  désignée  dans  les  laboratoires  sous  le  nom 
de  petit,  lait  d’Hoffmann  : il  est  préparé  avec 
le  résidu  du  lait  distillé  au  bain-marie  (franchi- 
pane).  Si  l’on  verse  de  l’eau  bouillante  sur 
cette  matière,  une  partie  s’y  dissout  et  l’autre 
se  précipite;  en  filtrant  la  dissolution  on  obtient 
cette  espèce  de  petit  lait. 

On  devine  aisément  que  ce  petit  lait  doit 
différer  essentiellement  du  petit  lait  ordinaire  : 
s’il  possède  quelques  propriétés , il  ne  les  doit 
qu’au  sel  ou  sucre  de  lait  qu’il  contient  tou- 
jours en  petite  quantité.  Mais  il  est  tombé 
en  désuétude  depuis  qu’on  a reconnu  que  ses 
effets  étaient  presque  nuis;  sa  préparation  rap- 
pelle au  moins  l’état  où  se  trouvaient  alors  nos 
connaissances  chimiques. 

5.°  Le  sucre  ou  sel  essentiel  de  lait. 

Lorsqu  on  croyait  que  le  petit  lait  ne  devait 
ses  propriétés  médicinales  qu’au  sel  essentiel 


relativement  a la  médecine,  s i g 

qu’il  contenait,  il  était  bien  permis  de  penser 
qu’on  pouvait  suppléer  à ce  fiuide  en  faisant 
prendre  aux  malades  des  solutions  de  ce  sel 
dans  suffisante  quantité  d’eau  ; mais  aujour- 
d’hui qu’on  a bien  établi  la  différence  qui 
existe  entre  une  solution  semblable  et  le  petit 
lait,  il  n’est  plus  possible  d’assimiler  ces  deux 
liqueurs,  soit,  relativement  à leur  nature,  soit 
par  rapport  à leurs  propriétés  médicinales. 

Nous  dirons  cependant,  en  faveur  de  ceux 
qui  ont  confiance  encore  dans  les  propriétés  du 
sel  essentiel  en  question  , que,  le  lait  ayant 
la  faculté  d’en  dissoudre  une  quantité  plus 
considérable  que  celle  qu’il  contient  naturel- 
lement, on  peut  à volonté  en  augmenter  les 
proportions,  pourvu  qu’on  emploie  toutes  les 
précautions  nécessaires  pour  que  la  dissolution 
soit  faite  convenablement. 

11  est  vraisemblable  que  du  lait  dans  lequel 
on  aurait  fait  fondre  du  sel  de  lait,  acquer- 
rait des  propriétés  un  peu  différentes  de  celles 
du  lait  ordinaire  ; mais  nous  ignorons  dans 
quel  cas  une  pareille  addition  pourrait  devenir 
avantageuse  : il  serait  nécessaire  encore  d’en 
constater  l’efficacité. 

6.°  Lait  distillé. 

\ 

On  donne  le  nom  de  lait  distillé  au  fluide 
retiré  par  la  distillation  au  bain-marie  d’une 
quantité  de  lait  nouvellement  trait. 

Ce  fluide  est  incolore  : il  a d’abord  une 


I 


220  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

légère  saveur  et  odeur  de  lait;  mais,  pendant 
1 été,  il  ne  tarde  pas  à les  perdre  et  à se  putré- 
fier. On  conçoit  qu’alors  il  ne  peut  plus  être 
employé  comme  médicament. 

On  a,  sans  doute , exagéré  les  propriétés 
du  lait  distillé  ; mais  on  aurait  tort  aussi  de 
le  regarder  comme  de  l’eau  distillée  simple. 
L odeur  et  la  saveur  qu’on  lui  remarque  prou- 
vent de  reste  qu’il  doit  tenir  en  dissolution  un 
ou  plusieurs  principes,  qui,  pour  n’avoir  pas 
été  séparés  et  examinés,  ne  doivent  pas  moins 
avoir  une  action  particulière  sur  l’économie 
animale. 

Peut-être  que,  si  on  prenait  la  peine  de 
distiller  le  lait  avec  beaucoup  de  soins,  et  si, 
sur  tout,  on  choisissait  de  bon  lait  pour  cette 
opération  , l’on  obtiendrait  un  produit  qui  ne 
mériterait  pas  d’étre  placé  au  nombre  de  ceux 
dont  l'effet  est  décidément  nul. 

Qu’il  nous  soit  permis  de  terminer  cet  article 
de  l’usage  médicinal  des  différentes  parties 
constituantes  du  lait  par  quelques  observations 
générales. 

Si  le  principe  volatil  odorant  , l’arome  , 
enfin,  du  lait  distillé,  doit  être  compté  au 
nombre  de  ses  parties  constituantes , il  n’est 
pas,  sans  doute,  dénué  de  propriétés  : de  là 
la  nécessité  , dans  quelques  circonstances , de 
mettre  obstacle  à sa  dissipation , en  évitant  de 
faire  éprouver  au  lait  une  chaleur  capable  de 
la  favoriser. 


. 

' 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  221 

Quelques  auteurs  qui  avaient  attribué  a ce 
principe  volatil  des  vertus  particulières,  se  flat- 
taient, avec  raison,  de  le  conserver  en  pres- 
crivant l’usage  du  lait  tel  quon  vient  de  le 
traire.  D’autres,  au  contraire,  trop  indifférens 
dans  cette  circonstance , ont  regardé  ces  memes 
vertus  comme  dénuées  de  toute  espèce  de  fon- 
dement. On  sait  cependant  que  les  médica- 
mens  les  plus  actifs  n’agissent  point  toujours 
par  leur  masse,  et  que  la  partie  véritablement 
opérante  dépend  le  plus  souvent  d’un  infini- 
ment petit.  Que  d’exemples  s’offrent  en  foule 
pour  justifier  cette  opinion  ! Il  n’y  a point 
jusqu’aux  substances  métalliques,  qui,  distil- 
lées avec  de  l’eau,  ne  lui  communiquent  des 
propriétés,  et  ne  prouvent,  en  même  temps, 
que  la  manière  d’agir  des  remèdes  est  encore 
un  problème  en  médecine. 

ISlous  le  répétons,  c’est  aux  médecins  qu’il 
appartient  spécialement  de  juger  quelles  sont 
les  circonstances  où  ij  convient  d’administrer 
le  lait  pouvu  de  sa  chaleur  naturelle , ou  bien 
chauffé  légèrement,  plutôt  que  celui  qui  a 
bouilli , et  dans  quel  cas  les  parties  consti- 
tuantes de  ce  fluide  peuvent  devenir  plus 
utiles  que  le  fluide  lui- même. 

11  nous  manque  une  suite  d’expériences  et 
d’observations  sur  cet  objet  intéressant;  sans 
doute  qu’un  jour  il  fixera  l’attention  de  quel- 
ques savans.  En  attendant , il  nous  suffit 
d’avertir  que  le  lait  ne  saurait  éprouver  la 


222  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

plus  légère  action  du  feu  sans  déperdition  d'un 
principe  volatil,  et,  en  même  temps,  sans  une 
combinaison  de  ses  parties  fixes;  d’où  résultent 
nécessairement  des  propriétés  diététiques  et 
chimiques  absolument  différentes. 

Article  VII. 

Des  différentes  espèces  de  lait  dont  l'usage 
est  le  plus  généralement  adopté. 

On  a attribué,  depuis  long -temps,  aux  dif- 
férentes espèces  de  lait  des  propriétés  médici- 
nales particulières  : l’un  a été  regardé  comme 
balsamique,  l’autre  comme  rafraîchissant.  Nous 
sommes  encore  éloignés  non-seulement  de  pou- 
voir déterminer  d’une  manière  positive  dans 
quelles  parties  du  lait  résident  ces  propriétés, 
mais  même  de  présenter  un  seul  fait  capable 
de  garantir  qu’elles  existent  réellement. 

N’en  serait  - il  donc  pas  du  lait  comme  des 
alimens  qui  forment  la  base  de  la  nourriture, 
et  à chacun  desquels  on  a donné  des  vertus 
particulières  ? 

Sans  doute  on  conçoit  que  les  premiers 
jours  qu’on  fait  usage  d’un  nouvel  aliment, 
même  de  l’espèce  de  ceux  qui  ne  sont  pas 
médicamenteux , il  doit  s’opérer  dans  l’éco- 
nomie animale  des  changemens  sen'sibles; 
mais  lorsqu'on  continue  cet  aliment,  les  chan- 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  223 

gemens  disparaissent.  C’est  ainsi  que  le  pain 
ne  conserve  plus,  au  bout  d’un  certain  temps, 
que  l’effet  alimentaire,  comme  le  lait  la  vertu 
adoucissante  et  nutritive. 

Si  quelques  personnes  ont  exagéré  les  ver- 
tus qui  appartiennent  à chaque  espèce  de  lait, 
d’autres  ont  aussi  donné  dans  un  excès  con- 
traire , en  voulant  que  toutes  les  espèces  pro- 
duisissent les  mêmes  effets,  à cause  de  l’identité 
de  leurs  parties  constituantes.  D’abord  ces  par- 
ties 11e  s’y  trouvent  pas  dans  des  proportions 
semblables;  de  plus  elles  sont  modifiées,  arran- 
gées et  combinées  d’une  manière  différente; 
enfin , elles  ont  une  contexture  qui  imprime  sur 
les  organes  des  sensations  particulières,  et  elles 
offrent  dans  la  butirisation , la  coagulation  et  la 
clarification,  des  phénomènes  propres  à les 
caractériser  : c’est  ce  que  nous  allons  déve- 
lopper dans  cet  article , après  avoir  exposé 
quelques  réflexions  générales  sur  la  constitu- 
tion physique  des  animaux  qui  fournissent  le 
lait  le  plus  communément  employé. 

Il  n’est  pas  douteux  que  les  difficultés  qu’on 
rencontre  pour  se  procurer,  autant  qu’on  en 
voudrait,  le  lait  de  beaucoup  de  mammifères 
très-connus,  n’aient  forcé  de  se  contenter, 
jusqu’à  ce  moment,  de  l’examen  de  celui  des 
animaux  que  nous  avons  le  plus  à notre 
disposition. 

11  n’en  serait  pas  moins  curieux  de  constater 
si  les  principes  qui  entrent  dans  la  composi- 


224 


DU  LAIT  CONSIDERE 

tion  du  lait  de  toutes  les  femelles,  sont  ana- 
logues à ceux  des  différens  laits  que  nous 
connaissons  déjà. 

Un  travail  entrepris  d’après  ces  vues  ne  pour- 
rait manquer  de  devenir  intéressant,  car  il  y 
a tout  lieu  de  croire  qu’il  offrirait  de  nouveaux 
résultats,  dont  il  serait  possible  de  tirer  parti 
pour  la  médecine  et  le  commerce. 

Par  exemple  , il  est  plus  que  vraisemblable 
que  la  faculté  de  ruminer  que  possèdent  la 
vache,  la  chèvre,  la  brebis  , la  daine,  etc., 
leur  permet  de  se  nourrir  avec  un  tiers  d’ali- 
mens  de  moins  qu’il  n’en  faut  à tout  autre  ani- 
mal d’un  autre  ordre  ; et  comme  ces  femelles 
sont  pourvues  d’organes  digestifs  en  plus  grand 
nombre  et  plus  énergiques,  tout  ce  qui  peut 
être  converti  en  chyle  l’est  effectivement  : d’où 
résultent  en  particulier , et  une  production 
plus  abondante  de  lait , et  un  lait  supérieur 
en  qualité. 

L’estomac  d’une  jument,  d’une  ânesse,etc. , 
au  contraire,  n’est  pas  organisé  de  la  même 
manière  : il  faut  à ces  animaux  une  plus  grande 
quantité  de  végétaux  pour  en  extraire  la  même 
proportion  de  matière  nutritive  ; l’organe  qui 
prépare  et  fournit  le  lait , est  d’une  moindre 
capacité;  ensorte  que  ce  fluide  est  plus  séreux 
et  en  moindre  quantité,  quand  bien  même 
la  nourriture  serait  égale  en  volume  et  en 
propriété. 

Il  est  vraisemblable  encore  que  le  lait  des 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  2d5 

carnivores  diffère  aussi  de  celui  des  herbivo- 
res ; c’est  du  moins  ce  qu  on  peut  déjà  pres- 
sentir d’après  quelques  expériences  faites  sur 
le  lait  de  la  femelle  des  porcs,  des  lapins,  des 
chiens,  des  chats  et  des  autres  animaux  domes- 
tiques. La  saveur  et  l’odeur  particulières  qu’on 
y a remarquées , ne  seraient  pas  les  seuls  points 
sur  lesquels  il  faudrait  s’arrêter  ; la  matière 
caséeuse  et  le  sérum  en  présenteraient , peut- 
être,  d’autres,  qui  mériteraient  d’autant  plus 
de  fixer  l’attention  , qu’ils  contribueraient  en 
même  temps  à augmenter  nos  connaissances 
relativement  aux  effets  de  l’organisation  ani- 
male sur  ce  fluide , et  au  perfectionnement  de 
la  science  qui  s’occupe  de  cet  objet. 

Privés  des  moyens  d’embrasser  ce  travail 
dans  toute  son  étendue,  et  de  lui  donner  ce 
degré  de  précision  et  d’exactitude  qui  seul  peut 
le  rendre  utile , nous  avons  cru , d’après  quel- 
ques données,  et  sur  tout  d’après  les  réflexions 
d 'Young , devoir  réduire  toutes  les  espèces  de 
lait  les  plus  connues  parmi  nous,  à deux  classes 
distinctes  ; savoir  , le  lait  des  animaux  rumi- 
nans , et  le  lait  d>ss  animaux  non  ruminans.  Le 
premier  sert  spécialement  aux  usages  écono- 
miques , et  le  second  est  plus  généralement 
employé  en  médecine.  Ainsi  le  lait  de  vache, 
de  brebis  et  de  chèvre  , formera  la  première 
classe;  celui  de  femme,  d’ânesse  et  de  jument, 
comprendra  la  seconde. 


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226  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Du  lait  de  vache. 

Nous  nous  sommes  arrêtés  assez  long-temps 
sur  le  lait  de  vache  et  sur  les  qualités  spéci- 
fiques des  parties  qui  constituent  ce  fluide. 
Il  nous  fallait  ces  connaissances  , en  quelque 
sorte  préliminaires,  pour  pénétrer  plus  sûre- 
ment dans  la  composition  des  autres  espèces 
de  lait,  dont  les  propriétés  physiques  et  chi- 
miques sont  communes  entr’elles,  à quelques 
nuances  près,  dépendantes,  sans  doute,  de 
l’organisation  individuelle  ; il  ne  nous  reste 
donc  plus  qu’à  en  présenter  les  caractères  spé- 
cifiques les  plus  généraux. 

Le  lait  dont  on  parle  dans  tous  les  ouvrages 
diététiques  ou  d’économie  rurale , sans  déter- 
miner en  même  temps  l’espèce  d’animal  qui  le 
fournit,  provient  de  la  vache,  parce  que  c’est 
celui  qu’on  a le  plus  abondamment  et  le  plus 
facilement;  c’est  pour  cela,  sans  doute,  aussi, 
qu’on  le  choisit  toujours  pour  servir  de  com- 
paraison lorsqu’il  s’agit  d’examiner  le  lait  des 
autres  femelles. 

Il  est  d’autres  motifs  encore  qui  semblent 
justifier  cette  préférence;  c’est  qu’il  réunit  des 
caractères  de  perfection  qu’on  ne  retrouve  pas 
dans  les  laits  dont  l’usage  est  le  plus  généra- 
lement adopté;  et  nous  ne  doutons  point  que, 
s il  était  possible  d’avoir  ceux-ci  sous  la  main , 
dans  les  mêmes  circonstances,  ce  ne  fût  en- 
core au  lait  de  vache  qu’on  donnât  la  pré- 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  227 

férence  : il  est,  selon  l’expression  de  Venel, 
plus  lait  que  les  autres  laits  connus. 

Dans  les  pays  où  la  nature  du  sol  et  les 
aspects  permettent  seulement  d’élever  des 
chèvres  et  des  brebis  , plus  communes  que  les 
vaches,  leur  lait  a la  préférence  sur  celui  de 
ces  dernières  ; on  sait  meme  que  plusieurs 
espèces  de  lait,  quoique  manifestement  moins 
bonnes  , comme  celui  de  la  femelle  du  chameau 
et  du  buffle,  n’en  sont  pas  moins  recherchées 
dans  l’Inde  où  leur  usage  est  très -commun; 
maison  connaît  la  force  de  l’habitude,  et  c’est 
là  le  cas  de  dire  qu’on  ne  peut  décider  des 
goûts. 

Si  le  lait  de  vache  possède  en  plus  grand  nom- 
bre les  qualités  génériques  du  lait,  elles  dépen- 
dent de  l’organisation  de  cette  femelle  , qui , 
suivant  la  remarque  très-judicieuse  du  cheva- 
lier VThite,  diffère  à quelques  égards  de  celle 
de  plusieurs  autres  animaux  de  ce  genre.  Indé- 
pendamment du  volume  de  ses  mamelles  et  de 
la  dimension  de  ses  trayons,  elle  fournit  son 
lait  à la  première  compression  de  la  main , 
tandis  que  la  plupart  des  animaux , de  la  classe 
de  ceux  du  moins  qui  ne  ruminent  pas  comme 
elle,  ne  le  donnent  qu’à  leurs  petits  ou  à ceux 
qui  trompent  leur  instinct  maternel. 

On  sait  encore  que  le  nombre  des  mamelons 
dans  beaucoup  d’animaux  est  en  raison  de 
celui  des  nourrissons  d’une  portée  ordinaire; 
mais  la  vache  ne  met  bas  qu’un  nombre  de 


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petits  analogue  à celui  que  donnent  les  femelles 
qui  n’ont  que  deux  trayons,  et  cependant  elle 
en  a quatre,  dont  la  forme,  la  proportion  et 
le  tissu  donnent  au  réservoir  lactifère  un  grand 
diamètre  qui  favorise  l’émission  du  lait.  Mais 
ces  observations  nous  conduiraient  trop  loin; 
revenons  à l’analyse  du  lait  de  vache. 

Comme  dans  les  précédens  articles  nous 
avons  fait  connaître  les  différentes  parties  cons- 
tituantes de  ce  fluide,  ainsi  que  les  propriétés 
qui  servent  à les  distinguer,  il  nous  suffira  de 
rappeler  ici  leurs  caractères  généraux. 

Quelle  que  soit  l’espèce  de  plantes  destinées 
à la  nourriture  des  vaches , la  crème  qui  résulte 
de  leur  lait  est  toujours  ou  blanche  pendant 
l’hiver , ou  d’un  jaune  plus  ou  moins  foncé 
quand  elles  sont  au  vert. 

Cette  crème  a une  odeur  douce  et  une 
saveur  très-agréable  ; elle  est  plus  ou  moins 
abondante  et  colorée,  suivant  l'àge,  le  tempé- 
rament de  l’animal,  et  aussi  suivant  la  nour- 
riture qu’on  lui  donne. 

La  lintescence  qu’on  y remarque , est  due  en 
grande  partie  à une  substance  particulière 
qu’elle  tient  dans  une  espèce  de  dissolution  ; 
cette  substance  est  le  beurre.  Pour  le  séparer 
il  suffit  d’agiter  vivement  la  crème. 

Le  beurre  est , ou  blanc  , ou  jaune.  Sa  con- 
sistance est,  à peu  près,  la  même  dans  toutes 
les  saisons;  il  se  comporte  comme  toutes  les 
matières  huileuses;  et  c’est  celui  qu’on  ern- 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  220 


ploie  le  plus  fréquemment.  Il  a beaucoup 
d’analogie  aves  les  huiles  concrètes  végétales  y 
sans  avoir  aucun  des  caractères  des  graisses 
animales,  et  il  n’est  fourni  absolument  que 
par  le  lait  que  les  femelles  fabriquent  dans 
des  organes  particuliers. 

Le  beurre , en  se  séparant  de  la  crème  , laisse 
un  liquide  auquel  on  a donné  le  nom  de  lait 
de  beurre. 

Cette  espèce  de  lait  est  très -fluide;  il  s’altère 
facilement  : en  général , il  diffère  peu  du  lait 
parfaitement  écrémé,  c’est-à-dire  qu’il  tient 
en  dissolution  les  ïnémes  substances  que  lui. 

Le  lait  dont  on  a séparé  la  crème  a une 
couleur  blanche  , tirant  un  peu  sur  le  bleu  ; 
sa  saveur  est  douce  et  agréable  ; il  s’aigrit  faci- 
lement : alors  il  devient  apte  à former  diffé- 
rentes substances  salines,  en  se  combinant  à 
des  bases , soit  alkalines , soit  terreuses. 

On  peut  aisément  séparer  l’acide  formé  dans 
le  lait  aigre;  il  suffit  pour  cela  de  lui  présenter 
des  corps  avec  lesquels  il  ait  de  l’affinité  : en 
détruisant  ensuite , par  des  moyens  convena- 
bles, les  combinaisons  dans  lesquelles  cet  acide 
est  entré,  on  parvient  à l’avoir  pur;  il  porte 
alors  le  nom  d 'acide  galactique. 

En  s’aigrissant,  le  lait  laisse  séparer  une 
matière  blanche,  appelée  substance  caséeuse. 
Elle  est  ordinairement  épaisse , tremblante  et 
comme  gélatineuse  : lorsqu'elle  est  nouvelle- 
ment séparée , sa  saveur  est  agréable  ; avec  le 

r 3 


.1  t .. 


23o  nu  LAIT  CONSIDÉRÉ 

temps  elle  s’aigrit  et  finît  par  se  putréfier.  Elle 
a plusieurs  des  propriétés  de  la  matière  gluti- 
neuse  du  froment. 

Il  n’est  pas  absolument  nécessaire  de  laisser 
aigrir  le  lait  pour  avoir  la  matière  caséeuse  ; 
on  connaît  différens  autres  moyens  qui  en 
opèrent  la  séparation  sûrement  et  facilement  : 
ce  sont  aussi  ces  moyens  qu’on  emploie  dans 
les  usages  économiques. 

Le  lait,  séparé  de  la  matière  caséeuse,  porte 
le  nom  de  sérum  ou  petit  - lait  ; il  n’est  pas 
d’abord  très- clair;  mais  on  peut  lui  donner  la 
plus  grande  transparence,  en  le  clarifiant  et  le 
filtrant.  Ce  petit  lait  présente  une  boisson 
rafraîchisante  et  diurétique,  fréquemment  em- 
ployée en  médecine. 

Si  on  l’évapore  jusqu’à  consistance  syrupeuse , 
et  qu’ensuite  on  le  place  dans  un  lieu  frais , on 
obtient  un  sel  auquel  on  a donné  le  nom  de 
sucre  ou  sel  essentiel  de  lait. 

Lorsque,  par  des  cristallisations  bien  suivies, 
on  a retiré  cette  espèce  de  sel , on  en  obtient 
d’autres,  tels  que  le  muriate  de  soude,  le  sul- 
phate  calcaire,  etc. 

Le  premier  sel  appartient  exclusivement  au 
lait,  car  on  ne  connaît  pas  d’autres  fluides  qui 
le  fournissent.  Il  a beaucoup  de  propriétés  qui 
semblent  annoncer  qu’il  contient  le  corps  mu- 
queux sucré  ; mais  il  paraît  que  ce  corps  y est 
dans  un  état  particulier  et  différent  de  celui 
où  on  le  trouve  dans  le  sucre  ordinaire.  En 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  z3t 

effet,  le  sucre  de  lait  est  peu  soluble  dans 
l’eau  , tandis  que  le  sucre  ordinaire  s’y  dissout 
avec  la  plus  grande  facilité.  D’ailleurs,  le  sucre 
de  lait  donne  dans  sa  décomposition  , lorsqu  on 
le  traite  à feu  nu  , un  acide  qui  diffère  de 
celui  du  sucre  ordinaire , traité  par  le  même 
moyen. 

Quant  aux  autres  sels  qu’on  retire  du  petit- 
lait,  tout  semble  prouver  qu’ils  sont  étrangers 
à ce  fluide,  ou,  au  moins,  qu’ils  ne  sont  pas 
essentiels  à sa  composition;  on  présume  qu’ils 
lui  sont  apportés , pour  la  plus  grande  partie , 
par  les  boissons  et  par  les  alimens  dont  l’animal 
a fait  usage. 

Enfin,  le  lait,  pourvu  de  toutes  ses  parties 
constituantes,  est  susceptible  de  passer  à la 
fermentation  vineuse  , et  de  fournir  une  liqueur 
potable,  analogue  à celle  qu’on  obtient  de 
toutes  les  substances  qui  renferment  le  corps 
muqueux  sucré.  Cette  liqueur , par  la  distilla- 
tion , donne  aussi  un  véritable  alcohol , qui , 
par  des  rectifications  réitérées,  peut  être  amené 
au  point  de  souffrir  la  comparaison  avec  celui 
du  vin  de  raisin. 

Nous  venons  de  tracer  rapidement  le  tableau 
des  différentes  parties  constituantes  du  lait  de 
vache.  Passons  maintenant  à l’examen  du  lait 
de  brebis  et  de  celui  de  chèvre,  qui  forment 
la  classe  des  animaux  ruminans  dont  on  ob- 
tient le  lait  le  plus  universellement  employé , 
du  moins  en  France. 

p 4 


a3a 


DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 
Du  lait  de  brebis. 

* 

De  tous  les  animaux  domestiques  que 
l’homme  a conquis  sur  la  nature,  celui  qui 
lui  procure  la  ressource  la  plus  immédiatement 
utile  et  la  plus  étendue , c’est  la  brebis , sym- 
bole de  la  douceur  et  de  la  timidité. 

La  quantité  du  lait  de  brebis  et  sa  consistance 
dépendent , comme  nous  l’avons  déjà  dit  pour 
le  lait  de  vache,  de  l’époque  où  elle  a agnelé 
et  de  la  nourriture  qu'on  lui  donne.  On  sait 
que,  pour  faire  venir  le  lait  à celles  qui  n’en 
ont  pas  assez,  il  suffit  de  les  changer  de  pâtu- 
rage, pourvu,  toutefois,  qu’on  ne  les  fasse  pas 
sortir  d'un  bon  pour  les  conduire  dans  un  moin- 
dre. L’expérience  a prouvé  encore  que  les  bre- 
bis qui  font  usage  de  sel  produisent  plus  de  lait. 

Il  est  facile,  à la  simple  inspection  , de  saisir 
la  différence  qui  existe  entre  le  lait  de  brebis 
et  celui  de  vache  : l’état  gras  du  beurre , ainsi 
que  de  la  matière  caséeuse,  et  la  manière  dont 
l'un  et  l’autre  affectent  séparément  l’organe  du 
goût , ne  permettent  point  de  les  confondre. 

Le  lait  qui  fait  le  sujet  de  cette  analyse  pro- 
venait de  plusieurs  brebis,  deux  mois  environ 
après  quelles  avaient  agnelé.  En  le  distillant  au 
bain-marie,  il  fournit,  comme  les  autres,  une 
liqueur  qui  perd  promptement  sa  légère  odeur, 
et  devient  insensiblement  putride;  alors  elle 
se  trouble  et  présente  tous  les  phénomènes  de 
l’eau  distillée  du  lait  de  vache. 

Le  résidu  de  la  distillation  au  bain  - marie 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  2^3 

donne  aussi  de  la  franchipane  ; mais  elle  est 
plus  grasse  et  plus  visqueuse  que  celle  du  lait 
cIg  vache 

Abandonné  à lui- même,  le  lait  de  brebis, 
nouvellement  tiré,  se  couvre  bientôt  dune 
crème  épaisse  en  assez  grande  quantité , ayant 
une  couleur  jaunâtre,  une  saveur  douce, 
agréable,  et  un  toucher  onctueux. 

Cette  crème  fournit,  par  la  percussion  , une 
assez  grande  quantité  de  beurre  , qui  ne  prend 
jamais  une  consistance  bien  solide.  Sa  couleur  , 
en  été,  est  d’un  jaune  pâle  ; il  se  fond  aisément 
dans  la  bouche , et  y laisse  l’impression  des 
huiles.  Le  lait,  après  l’extraction  du  beurre, 
n’offre  rien  de  particulier. 

Le  beurre  du  lait  de  brebis  parait  se  rancir 
aisément , sur  tout  si  on  n’a  pas  la  précaution 
de  le  laver  à diverses  reprises  jusqu’à  ce  que 
l’eau  en  sorte  claire.  Les  produits  de  son  ana- 
lyse à feu  nu  sont  les  mêmes  que  ceux  que 
fournit  le  beurre  du  lait  de  vache. 

Ecrémé  ou  non  écrémé  , le  lait  de  brebis, 
lorsqu’il  est  chauffé  , se  couvre  de  pellicules 
qui  se  succèdent  à mesure  qu’on  les  enlève , 
et  n’ofrfent  plus,  en  suivant  le  procédé  indi- 
qué, que  du  sérum,  qui,  filtré,  devient  trans- 
parent et  sans  couleur. 

L’eau  de  chaux , les  alkalis , et  sur  tout 
l’alkali  caustique,  bouillis  avec  le  lait  de  brebis 
dépourvu  de  sa  crème , altèrent  sa  couleur 
d’une  manière  plus  ou  moins  marquée. 


D U LAIT  CONSIDÉRÉ 

Tous  les  acides,  les  sulphates  et  la  gomme, 
coagulent  ce  lait,  et  en  séparent  la  matière 
caséeuse. 

L’alcohol  opère  le  même  effet.  Nous  avons 
eu  recours  à ce  dernier  moyen , ainsi  qu’à  la 
coagulation  spontanée,  pour  nous  procurer  la 
matière  caséeuse  et  le  petit-lait  dont  nous 
allons  parler. 

La  matière  caséeuse , obtenue  à laide  de  l’un 
et  de  l’autre  agens,  conserve  toujours  un  état 
gras  et  visqueux , qui  s’oppose  à ce  qu’on  puisse 
la  rapprocher  aisément  sous  la  forme  du  caillé 
du  lait  de  vache  ; sa  saveur  est  douce  et  agréable. 

Traitée  avec  l’alkali  fixe  caustique,  étendu 
dans  de  l’eau,  cette  matière  perd  sa  consis- 
tance pour  prendre  un  caractère  savonneux, 
et,  si  on  fait  bouillir  ce  mélange,  il  devient 
d’un  rouge  noir. 

Les  acides  sulph urique  et  muriatique  affai- 
blis, mêlés  avec  cette  matière,  et  chauffés 
ensuite  jusqu’à  l’ébullition,  la  raccornissent. 
L’acide  nitrique  produit  le  même  effet,  à moins 
qu’il  ne  soit  concentré , car  dans  cet  état  il 
la  jaunit  d’abord,  et  finit  par  la  dissoudre. 

Après  avoir  été  soumise  à l’action  d’une  forte 
presse , et  distillée  à feu  nu  , la  matière  caséeuse 
nous  a founi  les  mêmes  produits  que  celle  du 
lait  de  vache , examinée  jusqu’à  présent  par 
ce  moyen. 

Le  sérum  , ou  petit  - lait,  résultant  des  deux 
procédés  déjà  décrits , filtré  et  évaporé  spon- 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  235 

tanément,  en  multipliant  les  surfaces,  sest 
troublé  plusieurs  fois  et  e ^uné  du  sel  de  lait 
assez  blanc,  dès  la  première  cristallisation;  par 
une  seconde,  nous  avons  obtenu  une  nouvelle 
quantité,  moins  blanche  que  la  précédente. 
A la  troisième  cristallisation , la  liqueur  est 
devenue  épaisse  et  avait  une  saveur  salée;  elle  a 
fourni  quelques  cristaux  de  muriate  de  potasse  , 
et  le  résidu  était  une  eau  mère , qui  contenait 
du  muriate  calcaire. 

Ce  qu’il  y a de  plus  remarquable  dans  les 
produits  du  lait  de  brebis,  c’est  l’abondance 
du  beurre  qu’il  contient , et  la  nature  de  la 
matière  caséeuse  : le  premier , comme  on  l’a  vu , 
n’a  pas  une  consistance  bien  solide;  il  parait 
même  plus  disposé  à se  fondre  que  le  beurre  de 
vache.  Sa  matière  caséeuse  a aussi  un  caractère 
gras,  quelle  conserve,  et  qui  l’empéche  de 
former  un  corps  tremblant  et  comme  gélati- 
neux , quand  on  l’obtient  spontanément  ou  au 
moyen  de  la  présure. 

A quoi  tiennent  ces  différences?  qui  peut 
les  occasioner  ? Ce  serait  en  vain  qu’on  atten- 
drait des  expériences  chimiques  la  solution  de 
ces  questions.  Il  est  vraisemblable , comme 
nous  l’avons  déjà  fait  remarquer , que  la  manière 
d’être  de  ces  deux  corps  dépend  principalement 
de  l’organisation  de  l’animal , puisque  des  vaches 
et  des  brebis,  choisies  dans  les  mêmes  circons- 
tances , nourries  exprès  concurremment  avec  le 
même  lourrage,  et  pendant  le  même  espace  de 


HH2 


temps  et  aux  mêmes  époques  de  gestation , 
nous  ont  donné  des  laits  composés  également , 
mais  qui  différaient  par  la  proportion , la 
qualité  et  la  cohérence  de  leurs  principes. 

La  quantité  de  lait  que  donne  la  brebis , 
quoique  variable  suivant  les  années  et  les  sai- 
sons, est  estimée  à trois  quarts  de  livre  par 
jour  dans  les  deux  traites,  depuis  Floréal  jus- 
qu’à la  fin  de  Messidor  ; après  la  tonte  on 
éprouve  une  diminution  sensible. 

Les  profits  étonnans  qu’on  obtient  du  lait 
de  brebis,  dans  un  canton  fort  circonscrit, 
font  regretter  à quelques  écrivains  que , dans 
beaucoup  de  départemens  où  se  trouvent  de 
nombreux  troupeaux  de  bétes  à laine,  les  pro- 
priétaires négligent  d’en  tirer  parti  sous  ce  rap- 
port ; leurs  observations  à cet  égard  ne  nous 
paraissent  pas  fondées.  Essayons  de  le  prouver 
par  quelques  réflexions  qui  peuvent  s’appliquer 
également  aux  femelles  des  autres  animaux 
dont  le  lait  est  employé  à nos  besoins,  et  que 
nous  n’entretenons  que  pour  ce  produit. 

Quand  d’un  cas  particulier  en  économie 
rurale  on  veut  tirer  des  résultats  généraux , on 
s’expose  à commettre  des  erreurs;  ce  qui  peut 
être  trouvé  bon  dans  le  pays  où  les  fromages 
de  brebis  sont  devenus  d’un  grand  rapport, 
entraînerait  la  ruine  des  cultivateurs  des  cantons 
où  les  spéculations  agricoles  sont  et  doivent  être 
différentes. 

Les  troupeaux  offrent  trois  points  de  spécu- 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  2.5j 

lation  : l’éducation  spour  la  propagation  de 
l’espèce  et  pour  la  perfection  en  tout  genre; 
ensuite  la  hauteur  de  la  taille  pour  1 engrais, 
sans  considérer  la  finesse.de  la  laine;  enfin, 
sacrifiant  tout  ce  qui  précède,  on  spécule  sur 
le  produit  du  lait  pour  faire  des  fromages. 

On  conçoit  que,  lorsqu’un  cultivateur  veut 
faire  de  beaux  élèves,  il  doit  se  garder  de  trou- 
bler ou  de  diminuer  la  nourriture  des  agneaux; 
il  doit,  au  contraire,  chercher  à en  augmenter 
le  lait , parce  que  les  brebis  sont  du  nombre 
des  femelles  qui  en  général  en  ont  très-peu. 
Pour  réussir  dans  cette  éducation,  on  augmente 
la  nourriture  des  mères;  on  ne  les  fait  agneler 
qu’à  la  pointe  de  l’herbe  ; on  ne  sèvre  pas  trop 
tôt  les  agneaux  : il  est  même  des  cultivateurs 
qui  ont  l’habitude  de  les  laisser  teter  aussi  long- 
temps que  dure  la  portée  des  mères,  c’est-à- 
dire  , environ  cinq  mois.  Dans  les  départemens 
où  cette  éducation  a lieu,  on  va  jusqu’à  défen- 
dre aux  métayers  de  traire  les  brebis,  et  il  existe 
encore  des  propriétaires  qui  en  font  un  des 
premiers  articles  de  leurs  baux. 

Quand  on  s’occupe  des  troupeaux  pour  avoir 
une  forte  race  destinée  à l’engrais , les  mêmes 
soins  doivent  exister , car  il  faut  soigner  l’en- 
fance, sans  quoi  le  développement  de  l’individu 
laisse  toujours  quelque  chose  à désirer. 

Mais  si  l’on  habite  une  contrée  où  la  race 
des  bêtes  à laine  , peu  estimée , ne  soit  un  objet 
de  revenu  que  relativement  au  fumier  et  à 


^38  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

l’engrais  des  brebis  , alors  on  vend  les  agneaux 
très  jeunes  au  bouclier , ou  on  lessèvre  de  très- 
bonne  heure  ; alors  il  est  dans  l’ordre  de  l’éco- 
nomie rurale  de  traire  les  brebis,  et,  pour  peu 
que  cette  contrée  ait  une  fois  acquis  de  la 
célébrité  par  ses  fromages,  comme  celui  de 
Boquefort,  tout  doit  être  subordonné,  dans  la 
conduite  des  troupeaux,  à ce  genre  de  com- 
merce , et  l’on  ne  donne  le  bélier  aux  brebis 
que  pour  avoir  du  lait. 

Mais,  de  ces  trois  spéculations,  celle  qui 
est  relative  à l’éducation  des  bétes  à laine  sera 
toujours  beaucoup  plus  productive  que  les 
deux  autres  : il  y a le  profit  de  l’agneau  , la  laine  ; 
la  vente  des  mères  pour  l’engrais,  quand  elles 
commencent  à s’éloigner  de  1 âge  delà  fécondité; 
enfin,  comme  par  tout,  le  profit  du  fumier. 

Du  lait  de  chèvre. 

Facile  à nourrir,  la  chèvre  est  encore  moins 
exposée  aux  maladies  que  la  brebis  ; elle  ne 
craint  pas,  comme  celle-ci,  une  trop  vive 
chaleur  : elle  dort  au  soleil,  sans  être  incom- 
modée; ne  s’effraie  pas  des  orages,  ne  s’impa- 
tiente point  à la  pluie;  le  froid  seul  lui  est 
nuisible. 

Mais  c’est  bien  mal  entendre  ses  intérêts 
que  de  laisser  les  chèvres  aller  aux  champs  , 
quand  on  en  élève  un  certain  nombre  pour 
leur  produit  en  lait  ; car  l’expérience  a démon- 
tré que  celles  qui  ne  sortent  pas  de  l’étable  , 


• • 


comme  les  vaches,  fournissent  plus  que  celles 
qui  courent.  D’ailleurs  , les  dégâts  que  la 
chèvre  peut  faire  dans  les  vergers  et  dans 
les  bois,  sont  considérables,  car  il  est  prouvé 
que  les  arbres  dont  elle  broute  les  jeunes 
pousses  et  les  écorces  tendres,  périssent  pres- 
que tous.  Il  existe  heureusement  une  espèce 
de  harnais  au  moyen  duquel  il  est  possible 
de  concilier  la  conservation  des  chèvres  avec 
celle  des  bois  , sans  se  priver  du  pâturage 
qu  elles  y trouvent.  Au  reste , on  ne  devrait 
les  laisser  sortir  qu’en  troupeaux  , avec  de 
bons  gardiens. 

Les  chèvres  à l’étable  exigent  des  soins , il 
est  vrai,  comme  les  autres  femelles  privées  de 
leur  liberté;  à l’étable,  elles  sont  aussi  exposées 
à quelques  accidens,  dont  on  peut  les  préserver 
en  tenant  leur  demeure  propre , en  renouvelant 
souvent  leur  litière,  particulièrement  l’hiver. 
Une  propreté  soutenue  influe  sur  leur  santé, 
sur  leur  appétit  et  sur  la  quantité  de  lait  qu’elles 
donnent. 

Ce  n’est  que  quelques  mois  après  avoir  mis 
bas  que  la  chèvre  donne  la  plus  grande  quan- 
tité de  lait.  Au  moment  où  elle  vient  de  che- 
vroter, ce  fluide  se  rapproche  beaucoup  de 
l’état  du  colostrum  de  la  vache  ; mais , dans 
tous  les  temps,  il  a une  densité  plus  considé- 
rable que  celle  du  lait  de  vache.  Du  reste, 
il  en  réunit  toutes  les  propriétés  physiques  et 
économiques. 


2/jO  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Le  lait  de  chèvre  a une  odeur  et  une  saveur 
particulières,  qui  ne  sont  pas  toujours  très-agréa- 
bles , sur  tout  pour  les  personnes  qui  en  font 
usage  pour  la  première  fois  ; mais  peu  à peu 
on  s’y  accoutume,  et  on  finit  par  le  trouver 
excellent. 

Pendant  long-temps  nous  avions  cru  que 
l’odeur  et  la  saveur  dont  il  s’agit  appartenaient 
essentiellement  au  lait  de  chèvre  ; mais  nous 
avons  depuis  acquis  la  preuve  qu’elles  deve- 
naient plus  particulièrement  sensibles  lorsque 
la  chèvre  entrait  en  chaleur,  et  que  le  bouc 
s’était  approché  d’elle. 

Nous  avons  vu  aussi  que  cette  odeur  et  cette 
saveur  étaient  infiniment  moins  remarquables 
quand  on  soignait  les  chèvres,  et  qu’on  avait 
attention  de  les  tenir  propres  et,  surtout,  de 
les  laver. 

Enfin,  nous  avons  observé  que  l’espèoe  de 
chèvre  qui  porte  des  cornes,  toutes  choses 
égales  d’ailleurs , donnait  toujours  un  lait  plus 
odorant  que  celui  des  chèvres  sans  cornes,  et 
que  l’odeur  de  ce  dernier  différait  souvent  très- 
peu  de  celui  de  vache. 

On  peut  conclure  de  ces  observations  géné- 
rales, qu’il  ne  doit  pas  toujours  être  indifférent 
de  faire  usage  de  tel  ou  tel  lait  de  chèvre;  car, 
si,  comme  il  parait  démontré,  le  principe  odo- 
rant des  corps  jouit  souvent  de  propriétés  qui 
lui  sont  particulières , on  conçoit  aisément  que 
le  lait  de  chèvre,  doué  de  l’odeur  dont  nous 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  24* 

avons  parlé,  devra  nécessairement  agir  tout 
autrement  que  celui  qui  serait  privé  de  cette 
qualité. 

C’est  aux  médecins  à réfléchir  sur  cet  objet 
important;  nous  ne  doutons  pas  que,  s ils  veu- 
lent le  méditer , ils  ne  parviennent  bientôt  à 
déterminer  les  cas  où  telle  espèce  de  lait  de 
chèvre  convient  plutôt  que  telle  autre , et 
qu’ainsi  ils  ne  tirent  de  ce  fluide  un  parti  plus 
avantageux  pour  les  malades  que  celui  qu’ils 
ont  obtenu  jusqua  ce  jour. 

La  crème  que  fournit  le  lait  de  chèvre 
est  toujours  fort  épaisse,  et,  pour  en  favori- 
ser la  séparation , il  est  nécessaire  de  ne  pas 
exposer  le  vaisseau  qui  la  contient  dans  un 
endroit  trop  frais  ; sans  quoi  il  faudrait  plu- 
sieurs jours  pour  qu  elle  pût  s’élever  en  totalité 
à la  surface  du  liquide  , ou  bien  une  grande 
partie  demeurerait  confondue  avec  le  lait  : on 
peut  en  dire  autant  de  toutes  les  espèces  de 
lait  connues. 

Si  on  laisse  pendant  un  certain  temps  le  lait 
de  chèvre  à l’air , sa  surface  se  recouvre  d’une 
pellicule  crémeuse,  qui,  séparée  du  lait  par 
les  moyens  ordinaires,  a une  saveur  douce  et 
agréable;  elle  est  d’un  blanc  mat  et  se  con- 
serve long-temps  sans  s’altérer  : mais,  exposée 
dans  des  vaisseaux  à large  ouverture,  elle  se 
transforme  bientôt  en  une  espèce  de  fromage 
gras,  dont  on  prolonge  la  durée  en  y ajoutant 
un  peu  de  sel. 


r 


2 4 2 DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Au  lieu  de  laisser  la  crème  s’épaissir  à l’air,  si 
on  la  baratte  aussitôt  qu'elle  est  séparée  du  lait, 
on  parvient  h en  retirer  un  beurre  ferme,  que 
nous  avons  obtenu  blanc  dans  toutes  les  saisons. 

On  se  tromperait  si  l’on  croyait  que  la  blan- 
cheur constante  du  beurre  de  lait  de  chèvre 
dépend  de  l’interposition  ou  de  la  combinaison 
d’une  certaine  quantité  de  matière  caséeuse; 
sa  manière  d’être  et  sa  consistance  suffisent 
pour  annoncer  que  ce  beurre  ne  renferme  pas 
de  corps  étranger  à sa  nature  : d’ailleurs , quand 
on  le  tient  long-temps  en  fonte  sur  le  feu , on 
ne  voit  pas  qu’il  fournisse  de  dépôt,  comme 
cela  arrive  toutes  les  fois  que  du  beurre  admet 
entre  ses  parties  une  certaine  quantité  de 
matière  caséeuse.  C’est  sans  doute  à cet  état 
de  perfection  que  le  beurre  de  lait  de  chèvre 
doit  la  propriété  qu’il  a de  se  conserver  plus 
long  - temps  que  les  autres. 

Le  lait  de  beurre  qui  se  sépare  de  la  crème, 
est  encore  blanc  ; il  a une  certaine  consis- 
tance , à cause  de  la  matière  caséeuse  qu’il  ren- 
ferme en  grande  quantité  ; sa  saveur  est  douce 
et  agréable  ; l’esprit  de  vin  et  tous  les  acides  le 
coagulent  promptement. 

Dès  qu’on  lait  chauffer  du  lait  de  chèvre 
écrémé , sa  surface  se  recouvre  de  pellicules  , 
et  il  faut  un  certain  temps  avant  de  pouvoir 
épuiser  ce  qu’il  peut  en  fournir;  au  surplus, 
ces  pellicules  ressemblent  parfaitement  à celles 
des  autres  espèces  de  lait. 


| -f'V  •'  w . • . • ’• 

RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  24^ 

Le  lait  de  chèvre,  abandonné  à lui -même 
dans  un  endroit  où  il  régne  une  température 
un  peu  chaude,  ne  tarde  pas  à se  coaguler 
comme  tous  les  autres  laits;  mais  on  observe 
que  le  coagulum  qu'il  produit  conserve  un 
état  en  quelque  sorte  gélatineux,  et  qu’il  est 
toujours  plus  consistant  que  celui  du  lait  de 
vache  et  de  brebis. 

On  observe  encore  que  le  sérum  se  sépare 
très- difficilement , et  que,  pour  l’avoir  à part,  il 
faut  le  faire  chauffer  légèrement  et  long-temps. 

Les  alkalis  non  caustiques  colorent  un  peu 
en  jaune  la  matière  caséeuse , lorsqu’on  les  fait 
bouillir  avec  elle  ; mais  l’alkali  fixe  caustique 
lui  donne  une  couleur  foncée,  qui  approche 
beaucoup  du  rouge  noir. 

Le  sérum  et  la  matière  caséeuse  que  nous 
avons  examinés,  ont  été  obtenus  par  la  coagu- 
lation spontanée  et  par  l’esprit  de  vin.  Ces 
deux  moyens  n'ont  pas  les  inconvéniens  des 
autres  matières  coagulables  ; c’est  pourquoi 
nous  ne  saurions  trop  en  recommander  l’usage 
à ceux  qui  voudraient  travailler  sur  le  lait. 

La  matière  caséeuse  que  nous  avons  obtenue 
du  lait  de  chèvre,  était  en  grande  quantité: 
séparée  avec  soin  du  sérum  par  le  moyen  de 
la  presse , et  soumise  à toutes  les  expériences 
détaillées  à l’article  de  la  matière  caséeuse  du 
lait  de  vache,  elle  a donné  des  produits  par- 
faitement semblables. 

Quant  au  sérum,  clarifié  seulement  par  la 

Q.  2 


^44  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

liltration  à travers  d’un  papier  gris,  abandonné 
ensuite  à l’évaporation  spontanée  dans  plusieurs 
capsules,  il  s’est  troublé  vers  la  fin  de  l’opé- 
ration , et  a laissé  déposer  une  matière  blanche, 
que  nous  avons  reconnue  pour  être  de  la  ma- 
tière caséeuse.  Le  sérum  préparé  par  l’esprit  de 
vin  s’est  troublé  moins  promptement  que  celui 
dont  il  vient  d’être  question. 

L’un  et  l’autre  sérum  , évaporés , avaient  une 
saveur  sucrée;  ils  ont  donné  un  sucre  de  lait 
très -blanc.  Il  est  resté  à la  lin  de  l’évaporation 
une  eau  mère , qui , malgré  toutes  nos  pré- 
cautions , a toujours  refusé  de  cristalliser.  Elle 
a été  desséchée  au  bain  - marie , et  ensuite 
dissoute  dans  de  l’eau  distillée , pour  savoir  si , 
étant  rapprochée  de  nouveau,  elle  cristalliserait 
mieux  : mais , voyant  qu’elle  gardait  son  premier 
état,  nous  avons  cru  devoir  la  mêler  avec  une 
solution  de  soude  cristallisée;  aussitôt  il  s’est 
fait  un  précipité  blanc , auquel  nous  avons 
reconnu  les  propriétés  qui  appartiennent  à la 
terre  calcaire. 

Il  parait  que  le  sérum  n’est>  pas  dans  le  lait 
de  chèvre  en  proportion  de  la  matière  caséeuse, 
qu’il  en  contient  infiniment  moins  que  le  lait 
des  femelles  dont  il  sera  question  bientôt,  et 
que  le  muriate  calcaire  s’y  trouve  en  très-petite 
quantité. 

C’est  du  moins  le  seul  sel  étranger  dont  la 
présence  se  soit  manifestée  dans  l’eau  mère , 
restée  après  la  cristallisation  du  sel  de  lait. 


Le  lait  de  chèvre,  distillé  au  bain-marie, 
donne  un  fluide  incolore  et  transparent,  dont 
l'odeur  et  la  saveur  approchent  beaucoup  de 
celles  qu’a  ce  lait  au  moment  où  il  vient  de 
sortir  du  pis  de  l’animal.  Cette  saveur  et  cette 
odeur  varient , suivant  l’espèce  de  chèvre;  mais, 
dans  tous  les  cas,  le  fluide  qu’on  obtient  ne 
conserve  pas  long-temps  sa  limpidité.  Souvent 
au  bout  de  quelques  jours  il  se  trouble  et  laisse 
séparer  une  matière  blanche  et  filamenteuse , 
qui  tantôt  vient  s’arrêter  à la  surface,  et  tantôt 
se  précipite  au  fond  du  vase.  La  liqueur  alors 
prend  ordinairement  une  odeur  putride. 

Nous  passerons  sous  silence  le  détail  des 
expériences  auxquelles  nous  avons  soumis  le 
résidu  de  la  distillation  du  lait  qui  a donné  la 
liqueur  dont  on  vient  de  parler;  il  nous  suffira 
de  dire  que  les  produits  se  sont  trouvés  sem- 
blables à ceux  obtenus  du  lait  de  vache  traité 
de  la  même  manière. 

En  réunissant  maintenant  tout  ce  que  nous 
avons  dit  sur  le  lait  de  chèvre,  on  voit  qu’in- 
■dépendamment  de  l’odeur  particulière  à ce  lait, 
odeur  qui  quelquefois  est  très- sensible,  on 
voit,  disons -nous,  que  dans  le  nombre  des 
parties  constituantes  de  ce  fluide,  il  en  est 
plusieurs  qui  ont  des  caractères  particuliers, 
assez  faciles  à saisir. 

Par  exemple , on  ne  peut  s’empêcher  de 
remarquer  combien  est  plus  grande  la  quantité 
de  matière  caséeuse  que  ce  lait  fournit  com- 

r? 

Q 


246  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

parativement  à celle  du  lait  des  autres  ani- 
maux , excepté  de  la  brebis. 

Ce  qui  a mérité  encore  detre  observé,  c’est 
la  couleur  blanche  du  beurre  qu’on  sépare  de  la 
crème  ; couleur  qui  ne  change  jamais , du  moins 
d’après  ce  que  nous  avons  vu , quels  que  soient 
l’âge,  le  tempérament  et  la  nourriture  de  la 
chèvre;  tandis  que  la  couleur  la  plus  ordinaire 
du  beurre  de  lait  de  vache  est  jaune,  et  qu’il 
ne  devient  blanc  qu’à  certaines  époques  de 
l’année,  et  sur  tout  quand  l’animal  ne  fait 
usage  que  de  végétaux  secs. 

Si , enfin , on  ajoute  à ces  observations  celles 
qu’on  peut  faire  sur  la  nature  de  la  matière 
caséeuse  du  lait  de  chèvre , qui , plus  que  celle 
de  beaucoup  d’autres  laits,  a un  état  visqueux, 
on  sera  bientôt  disposé  à croire  ce  que  nous 
avons  déjà  dit  ailleurs  sur  l’organe  mammaire , 
dont  l’action  uniforme,  sous  certains  rapports, 
dans  toutes  les  femelles,  présente  cependant, 
suivant  les  espèces , des  différençes  bien  sensibles 
dans  l’état  particulier  des  produits  qu’il  fournit. 

Le  lait  de  chèvre  contient  moins  de  beurre 
que  celui  de  brebis  et  de  vache  ; il  abonde 
davantage  en  matière  caséeuse  : aussi  devient- 
elle  la  base  d’un  objet  de  commerce  assez  inté- 
ressant. On  connaît  la  bonté  des  fromages  du 
Mont-d’or,  et  combien  leur  goût  délicat  les 
fait  rechercher  à Lyon,  d’où  on  les  envoie  à 
Paris  en  boîtes  de  sapin  rondes  et  plates. 

Les  fromages  cylindriques,  appelés  cabriloux 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  24? 

dans  le  département  du  Cantal , sont  aussi 
fabriqués  avec  du  lait  de  chèvre , et  le  caillé 
en  est  si  délicat  qu’il  peut,  par  son  associa- 
tion avec  celui  des  autres  animaux  ruminans, 
en  améliorer  la  qualité.  C’est  pour  cela  quon 
le  fait  entrer  dans  la  composition  des  fromages 
de  Sassenage. 

Du  lait  de  femme. 

Il  n’est  pas  d’espèces  de  lait  dont  les  produits 
varient  autant  que  ceux  du  lait  de  femme  : à 
chaque  instant  du  jour  ce  fluide  change  d’état, 
et  les  changemens  qu’il  subit  sont  quelquefois 
si  marqués  qu’ils  étonnent  même  les  observa- 
teurs les  plus  exercés. 

Frappés,  les  premières  fois  que  nous  exami- 
nâmes ce  lait,  des  variations  continuelles  que 
nous  trouvions  dans  nos  résultats,  et  voulant 
prévenir  toute  fraude  de  la  part  de  la  personne 
chargée  de  nous  fournir  chaque  matin  le  lait 
dont  nous  avions  besoin  , nous  primes  le  parti 
de  n’opérer  que  sur  celui  obtenu  en  notre 
présence;  mais  bientôt  nous  eûmes  la  preuve 
que,  malgré  cette  précaution,  tout  ce  que  nous 
avions  déjà  aperçu  se  reproduisait.  Dès-lors 
nous  en  conclûmes  qu’il  ne  serait  jamais  au 
pouvoir  de  l’art  de  déterminer  les  proportions 
de  chacune  des  parties  constituantes  de  ce 
fluide,  d une  manière  assez  précise  pour  éta- 
blir un  terme  de  comparaison  constant , puis- 
qu’il était  impossible  , toutes  choses  égales 

Q 4 


248  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

d ailleurs  , de  rencontrer  deux  laits  de  femme 
parfaitement  semblables  entr’eux. 

Le  lait  dont  l’analyse  va  nous  occuper,  a été 
procuré  par  une  femme  d une  excellente  cons- 
titution , quatre  mois  après  son  accouchement. 

Ce  lait  avait  une  saveur  douce  et  sucrée  : 
exposé  à une  température  de  douze  degrés,  sa 
surface  s’est  recouverte,  en  moins  de  douze 
heures,  d’une  matière  épaisse , onctueuse,  ana- 
logue à de  la  crème.  Le  lait  sous  cette  matière 
était  infiniment  moins  blanc  qu’auparavant ; 
en  le  regardant  à contre-jour  il  avait  un  coup- 
d’œil  bleuâtre. 

Il  nous  a d ailleurs  présenté  les  mêmes  pro- 
priétés physiques  que  celles  qui  appartiennent 
au  lait  de  vache  , à quelques  nuances  près, 
qui  dépendent  de  la  quantité  des  substances 
suspendues  ou  en  dissolution  dans  ce  fluide. 

Huit  onces  de  ce  lait  récent  ont  été  distil- 
lées au  bain-marie;  la  distillation  n’a  été  inter- 
rompue que  lorsqu’il  y a eu  dans  le  récipient 
quatre  onces  de  liqueur. 

Ce  produit  ressemblait  à de  l’eau  distillée 
ordinaire  ; il  avait  une  odeur  et  une  saveur  à 
peine  sensibles;  son  mélange  avec  plusieurs 
réactifs  n’a  produit  aucun  changement  : cepen- 
dant la  liqueur,  conservée  dans  une  phiole 
bouchée  d’un  simple  papier  percé  de  trous 
d’épingles,  a paru  au  bout  d'un  mois  perdre 
sa  transparence. 

L’origine  de  cette  altération  est  sans  doute 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  2/jg 

la  même  que  celle  indiquée  à 1 article  du  lait 
distillé  de  vache  ; mais  il  y a lieu  de  croire , 
par  la  lenteur  avec  laquelle  elle  s’opère,  que 
les  corps  qu’on  peut  supposer  en  etre  la  cause 
y sont  en  moindre  quantité,  et  par  conséquent 
doivent  produire  un  effet  moins  sensible.  Il 
est  très  - vraisemblable  aussi  quil  existe  des 
femmes  dont  le  lait,  plus  riche  en  principes 
volatiles,  peut  donner  une  eau  distillée  qui 
s’approche  davantage  du  lait  de  vache  ; mais 
il  ne  nous  a pas  été  possible  den  avoir  de  cette 
espèce , malgré  toutes  nos  recherches. 

Le  lait  resté  dans  la  cucurbite  avait  une 
couleur  jaune  ; sa  saveur  était  plus  sucrée 
qu’avant  la  distillation. 

En  continuant  l’évaporation  jusqu’à  siccité, 
on  a obtenu  une  véritable  franchipane , laquelle , 
distillée  à feu  nu,  a donné  les  produits  ordi- 
naires de  cette  matière. 

Après  ces  premières  expériences  nous  avons 
passé  à l’exainen  de  la  crème  , qui,  ainsi  que 
nous  l’avons  dit,  s’était  rassemblée  facilement 

à la  surface  du  lait. 

•» 

Soumise  à la  percussion  pendant  plusieurs 
heures  , la  partie  butyreuse  ne  s’est  point 
manifestée. 

La  même  expérience,  répétée  sur  une  crème 
plus  ancienne , n’ayant  pas  offert  un  autre 
résultat , nous  avons  placé  le  vase  qui  conte- 
nait ce  fluide  dans  un  endroit  tempéré. 

Dès  le  second  jour  nous  aperçûmes  au  fond 


2i)°  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

du  vaisseau  une  liqueur  très- claire  et  sans 
couleur  ,N  à la  surface  de  laquelle  était  un 
autre  fluide  beaucoup  plus  épais,  très-blanc, 
et  ayant  la  saveur  douce  et  onctueuse. 

Pour  séparer  le  beurre  qu’on  présumait 
devoir  être  contenu  dans  ce  fluide  , nous 
1 avons  agité  long-temps  avec  de  l’eau  ; mais 
par  le  repos  il  venait  se  réunir  dans  le  même 
état  où  il  était  avant  l’expérience. 

Nous  avons  aussi  placé  au  bain-marie  une 
phiole  qui  contenait  une  certaine  quantité  de 
ce  fluide,  afin  de  voir  si  la  matière  vraiment 
butyreuse  se  séparerait  : le  succès  de  l’expé- 
rience n’a  pas  encore  répondu  à notre  attente. 

Alors  ce  fluide  a été  introduit  dans  une  cor- 
nue , et  ensuite  distillé  à feu  nu  : il  en  est  résulté 
du  phlegme , de  l’huile  d’une  odeur  forte  et 
pénétrante,  de  l’ammoniaque  ou  alkali  volatil, 
un  acide,  du  gaz  inflammable;  tels  sont  les 
produits  que  nous  avons  obtenus  , et  qu’on  peut 
comparer  à ceux  de  la  crème  du  lait  de  vache 
traitée  ainsi.  On  a trouvé  dans  la  cornue  un 
charbon  très-noir  et  très-raréfié. 

La  liqueur  sur  laquelle  nageait  le  fluide  dont 
nous  venons  de  donner  l’analyse,  pouvait  être 
regardée  comme  une  espèce  de  sérum  ; sa 
transparence  n’a  point  été  altérée  par  le  mélange 
des  acides  et  de  l’alcohol.  Soumise  à l’évapo- 
ration insensible,  elle  a donné  un  résidu  salin, 
que  nous  avons  reconnu  pour  être  du  sucre  de 
lait,  mêlé  avec  de  la  matière  caséeuse. 


V 


relativement  a la  MÉDECINE.  2,5i 

Nous  avons  aussi  abandonné  huit  onces  de 
lait  de  femme  écrémé  dans  un  endroit  un  peu 
chaud,  pour  savoir  s’il  se  coagulerait  sponta- 
nément; mais  comme  il  n avait  pas,  au  bout 
de  trois  jours,  changé  d’état,  nous  avons  pris 
le  parti  de  le  fdtrer. 

Une  portion  de  la  liqueur , qui  était  devenue 


très-limpide,  abandonnée  à l’évaporation  spon- 
tanée, s’est  troublée  assez  promptement.  Par 
une  nouvelle  filtration  elle  ne  tarda  pas  à 
reprendre  sa  limpidité.  Cependant,  deux  jours 
après,  nous  fûmes  encore  obligés  de  la  filtrer; 
elle  avait  alors  une  saveur  aigre.  L’évaporation 
continuant  toujours,  on  vit  des  cristaux  de  sel 
de  lait  se  former  d’une  manière  beaucoup  plus 
régulière  que  ceux  manifestés  dans  le  lait  qui 
n’avait  pas  été  clarifié  par  la  filtration. 

Une  seconde  cristallisation  a encore  donné 
du  sel  de  lait,  mais  moins  blanc  que  le  pré- 
cédent. Enfin,  il  est  resté  une  eau  mère  fort 
épaisse,  qui,  évaporée  à siccité,  a laissé  une 
matière  brune , à laquelle  on  a fait  éprouver 
un  degré  de  chaleur  assez  considérable.  A peine 
le  creuset  qui  la  contenait  a-t-il  commencé  à 
rougir,  que  la  matière  s’est  enflammée  en  répan- 
dant beaucoup  de  vapeurs.  Enfin , le  résidu 
trouvé  au  fond  du  creuset  a donné , par  la  lixi- 
viation, du  sel  marin  ou  muriate  de  soude. 

On  a fait  chauffer  quatre  onces  de  lait  de 
femme , pour  savoir  s’il  paraîtrait  des  pellicules 
à sa  surface  : bientôt  nous  les  vîmes  se  former 


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il  il 

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li  il  • : 


DU  LAIT  CONSIDERE 

et  se  succéder,  à peu  près  comme  celles  dont 
il  a été  question  à l’examen  du  lait  de  vache. 
A force  de  les  enlever  nous  sommes  parvenus 
à convertir  tout  le  lait  en  sérum. 

Nous  avons  aussi  employé,  pour  décomposer 
le  lait  de  femme  , les  différens  moyens  indiqués 
à l’article  de  la  coagulation  ; tous  nous  ont 
réussi,  excepté  le  vinaigre  et  les  acides  miné- 
raux très-étendus  d’eau. 

, Les  expériences  dont  on  vient  de  rendre 
compte , répétées  sur  le  lait  de  vingt  nourrices 
accouchées  à différentes  époques , nous  ont 
fourni  l’occasion  d’acquérir  la  preuve,  i.°  que, 
toutes  choses  égales  d’ailleurs  , la  matière 
caséeuse  du  lait  de  femme  étoit  peu  adhérente 
au  sérum , puisque  dans  une  température  de 
seize  degrés,  et  au  moyen  du  repos,  elle  se 
sépare , en  grande  partie , sous  la  forme  de 
molécules  extrêmement  ténues , adhérentes  aux 
parois  du  vaisseau  qui  contient  le  lait;  2.0  que, 
plus  ce  lait  s’éloignait  du  temps  de  l’accouche- 
ment, plus  il  contenait  de  matière  caséeuse; 
5.°  enfin,  que,  dans  ce  dernier  cas,  le  lait 
devenait  coagulable  par  les  acides,  mais  que  le 
coagulum  était  toujours  visqueux,  et  n’acqué- 
rait jamais  cette  consistance  gélatineuse  qu’on 
remarque  à la  matière  caséeuse  du  lait  de  vache. 

Soupçonnant  que  la  difficulté  qu’on  éprouve 
quelquefois  pour  coaguler  le  lait  de  femme  avec 
les  acides  peu  concentrés  , dépendait  essen- 
tiellement de  ce  que  sa  matière  caséeuse  se 


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RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  253 

trouvait  délayée  dans  une  trop  grande  masse  de 
fluide  ; et  ce  soupçon , d’ailleurs , étant  fondé 
sur  une  expérience  de  Scheele , d’après  laquelle 
ce  savant  a trouvé  que  le  lait  de  vache , étendu 
dans  dix  parties  d’eau , perd  la  faculté  d etre 
coagulable  ; nous  essayâmes  de  rapprocher  la 
matière  caséeuse , en  évaporant  le  lait  sur  lequel 
nous  opérions,  à l’aide  d’une  douce  chaleur: 
mais  bientôt  nous  eûmes  lieu  d’observer  que 
cette  expérience  devait  être  sans  succès , en 
voyant  la  surface  du  lait  se  recouvrir  de  pelli- 
cules", qui,  formées  aux  dépens  de  la  matière 
caséeuse,  devaient  nécessairement  diminuer 
cette  matière , que  nous  désirions  rapprocher. 
Aussi  huit  onces  de  lait  de  femme , réduites  à 
quatre  onces,  ne  devinrent  - elles  pas  plus  sen- 
siblement coagulables  par  les  acides  qu’avant 
l’opération. 

D’après  les  pfoduits  de  l’analyse  que  nous 
venons  de  rapporter,  il  semblerait  qu'on  devrait 
en  conclure  que  le  lait  de  femme  diffère  essen- 
tiellement de  celui  de  vache  et  des  autres 
femelles  dont  il  a déjà  été  question , 

1. °  Par  la  propriété  qu’a  sa  crème  de  ne  pas 
fournir  de  beurre  ; 

2. °  Par  la  matière  caséeuse,  qui,  au  lieu 
detre  tremblante  et  comme  gélatineuse,  a tou- 
jours une  sorte  de  viscosité  ; 

3. °  Par  l’impossibilité  de  coaguler  cette  ma- 
tière, lorsqu’on  n’emploie  que  des  acides  peu 
concentrés. 


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254  du  lait  considéré 

'Pelles  furent  aussi  les  conséquences  que  nous 
tirâmes  lors  de  notre  premier  travail  sur  ce 
lait  ; mais  des  expériences  faites  depuis  nous 
ont  fourni  la  preuve  que  ces  conséquences 
n’étaient  pas  justes. 

En  effet,  nous  avons  vu  que,  s’il  y avait  des 
laits  de  femmes  dont  la  crème  ne  donnait  pas 
de  beurre,  il  y en  avait  aussi  qui  en  fournis- 
saient facilement,  et  que  celui  qu’on  obtenait 
ne  différait  presque  pas,  pour  la  consistance  et 
la  couleur,  du  beurre  de  lait  de  vache. 

Il  était  naturel , d’après  cette  observation  , 
de  chercher  à découvrir  les  causes  qui,  dans 
certains  cas,  déterminaient  la  présence  du 
beurre  dans  la  crème  du  lait  de  femme,  et 
quelles  étaient  celles  qui  s’opposaient  à sa 
séparation.  Voici  ce  qu’un  travail  additionnel 
nous  a présenté  de  plus  vraisemblable  à cet 
égard.  * 

En  général , il  paraît  démontré  que  le  lait 
est  un  de  ces  fluides  dont  la  perfection  est 
subordonnée  à une  foule  de  circonstances,  si 
difficiles,  souvent,  à réunir,  qu’il  n’est  pas 
aussi  commun  qu’on  pourrait  d’abord  le  penser 
de  trouver  des  animaux  qui  donnent  du  lait 
toujours  également  bon.  Tantôt  c’est  la  matière 
caséeuse  qui  est  moins  abondante  , quelquefois 
la  crème  est  peu  épaisse  ; souvent  le  beurre  est 
plus  ou  moins  solide,  coloré  et  adhérent  à la 
matière  caséeuse  ; souvent  aussi  on  trouve 
une  différence  dans  la  quantité  du  sel  essentiel. 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  û55 

Enfin,  on  remarque  une  variété  si  grande  dans 
les  produits  des  laits  fournis  par  les  mêmes 
femelles , qu’il  est  facile  de  reconnaître  que  les 
principes  destinés  à former  ce  fluide  , ou  ne 
sont  pas  dans  les  mêmes  proportions,  ou,  au 
moins,  n’ont  pas  toujours  le  même  degré  d’ap- 
propriation. 

La  moindre  altération  que  les  animaux  éprou- 
vent dans  leur  santé,  le  changement  de  nour- 
riture , la  quantité  et  la  qualité  de  celle  qu’on 
leur  administre,  les  intempéries  de  l’air  aux- 
quelles ils  sont  exposés,  la  situation  des  lieux 
qu’ils  habitent,  et  mille  autres  causes  de  cette 
espèce,  dont  on  a déjà  parlé,  peuvent  être 
regardées  comme  capables  d’apporter  des  varia- 
tions infinies  d^ns  les  différentes  parties  consti- 
tuantes de  leur  lait , et  expliquent  pourquoi 
elles  sont  rarement  dans  le  même  état. 

Mais  si  à toutes  ces  causes,  communes  aux 
nourrices,  on  ajoute  encore  les  affections 
morales  auxquelles  elles  sont  si  sujettes,  on 
reconnaîtra  bientôt  que  le  lait  de  femme  doit 
présenter  dans  sa  composition  des  différences 
plus  variées  encore  que  celles  qu’on  remarque 
dans  le  lait  des  animaux. 

La  crème  étant , à ce  qu’il  paraît , cette  partie 
du  lait  formée  une  des  dernières,  et  sa  formation 
ne  pouvant  avoir  lieu  qu’autant  que  la  com- 
position des  autres  parties  du  lait  est  complè- 
tement achevé , il  doit  nécessairement  en  résul- 
ter que , lorsqu’une  ou  plusieurs  de  ces  parties 


' 


' 


256  du  lait  considéré 

n’ont  pas  acquis  leur  degré  de  perfection , il 
ny  a pas  de  crème  formée,  ou  que  celle  qui 
s y trouve  ne  ressemble  pas  à ce  qu’elle  aurait 
été  si  les  principes  destinés  à la  produire 
avaient  pu  se  réunir  et  se  combiner. 

Il  n’est  donc  pas  étonnant  de  rencontrer  si 
souvent  des  laits  de  femme  qui  donnent  peu 
de  crème , et  sur  tout  des  crèmes  dont  on  ne 
peut  pas  extraire  de  beurre. 

Les  expériences  dont  nous  allons  rendre 
compte  pourront  servir  à confirmer  l’opinion 
que  nous  venons  d’émettre. 

Des  circonstances  favorables  nous  ayant  pro- 
curé une  occasion  unique , celle  d’avoir  dans 
le  même  temps  du  lait  de  plusieurs  nourrices  à 
peu  près  de  même  âge,  au  même  terme  d’accou- 
chement, soumises  au  même  régime  et  jouis- 
sant de  la  meilleure  santé  , nous  crûmes  devoir 
en  profiter  pour  compléter  notre  travail. 

Voici,  en  général,  ce  que  nous  avons  remar- 
qué. Aucun  de  ces  laits  ne  ressemblait  aux 
autres,  ni  pour  la  saveur,  ni  pour  la  couleur, 
ni  pour  la  consistance , ni  pour  la  quantité  de 
crème  qu’ils  donnaient. 

Les  uns  étaient  extrêmement  séreux,  d’au- 
tres paraissaient  pourvus  davantage  de  matière 
caséeuse  ; aussi  étaient-ils  d’un  blanc  plus  mat: 
quelques-uns,  à la  vérité  le  plus  petit  nombre, 
avaient  l’apparence  d’un  lait  de  bonne  qualité. 

Ces  trois  espèces  de  lait,  abandonnées  à elles- 
mêmes  , donnèrent  toutes  de  la  crème;  mais 


RELATIVEMENT  A LA  MÉDECINE.  25y 

celle  de  la  première  espèce  n’avait  ni  couleur 
ni  consistance  : lorsqu’on  l’agitait,  elle  se  parta- 
geait dans  la  sérosité  qui  l’accompagnait,  et,  telle 
précaution  qu’on  ait  prise , jamais  elle  n’a  pu 
fournir  de  beurre.  Le  lait  sur  lequel  cette  crème 
surnageait  était  devenu  à demi  transparent,  et 
ressemblait  assez  bien  à une  légère  eau  de 
savon  : les  acides  le  coagulaient,  mais  en  petits 
flocons  extrêmement  déliés , et  si  légers  qu’ils 
venaient  bientôt  former  une  pellicule  fort 
mince  à la  surface  du  liquide  ; le  sérum  alors 
était  presque  transparent  et  sans  couleur. 

Le  lait  de  la  deuxième  espèce  a présenté  des 
phénomènes  à peu  près  semblables,  avec  cette 
différence , cependant , que  la  crème  a paru  un 
peu  plus  abondante  ; mais  elle  n’a  pas  donné 
de  beurre  par  la  percusion. 

Quant  au  lait  de  la  troisième  espèce,  il  s’est 
comporté  tout  autrement , c’est-à-dire , qu’il  a 
donné  une  crème  tenace,  très-épaisse,  qui,  par 
la  percussion,  a fourni  un  beurre  jaune,  dune 
bonne  consistance  ; mais  sa  saveur  était  iàde. 
A cela  près,  il  paraissait  réunir  toutes  les  qua- 
lités qui  caractérisent  un  beurre  parfait. 

Le  lait  sur  lequel  s’était  formée  la  crème  dont 
on  avait  extrait  ce  beurre  , était  très-blanc  ; 
mêlé  avec  des  acides,  même  faibles,  il  a donné 
un  coagulum  assez  abondant , tremblant , et 
absolument  semblable  à celui  du  lait  de  vache 
de  bonne  qualité. 

Il  est  bon  d’observer  que  les  expériences 

R 


a58  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

dont  il  vient  d’étre  question  , ayant  été  répétées 
plusieurs  jours  de  suite  sur  le  lait  des  mêmes 
femmes,  à différentes  époques  de  la  journée, 
nous  avons  eu  occasion  de  remarquer  que  les 
produits  n’avaient  jamais  été  semblables  à ceux 
que  nous  avions  d'abord  obtenus. 

Une  seule  femme,  âgée  de  vingt-trois  ans, 
nourrie  d’alimens  succulens  sans  être  recher- 
chés, et  accouchée  depuis  quatre  mois,  nous 
a donné  pendant  huit  jours  un  lait  qui  nous 
a paru  être,  à peu  de  chose  près,  toujours  le 
même.  La  quantité  en  était  si  abondante 
qu’indépendamment  de  celui  que  tétait  son 
enfant,  elle  pouvait  encore  nous  en  fournir, 
dans  l’espace  de  vingt-quatre  heures,  environ 
deux  livres. 

Nous  terminerons  nos  réflexions  sur  les  chan- 
gemens  presque  continuels  queprouve  le  lait 
de  femme,  par  une  observation. 

Une  nourrice,  âgée  de  trente-deux  ans,  d’un 
grand  caractère,  mais  d’une  constitution  déli- 
cate et  sujette  à des  affections  nerveuses  assez 
fréquentes , nous  procurait  souvent  de  son  lait 
pour  l’examiner.  Surpris  un  jour  de  ce  que 
celui  du  matin  était  sans  couleur,  presque 
transparent,  et  de  ce  qu’il  était  devenu,  en 
moins  de  deux  heures,  visqueux,  à peu  près 
comme  du  blanc  d’oeuf;  nous  résolûmes  de 
suivre  la  chose  de  plus  près,  et  la  nourrice 
voulut  bien  seconder  nos  vues,  en  nous  pro- 
mettant de  son  lait  chaque  fois  que  nous  en 


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relativement  a la  MÉDECINE.  25g 

demanderions.  Celui  dont  nous  venons  de 
parler  avait  été  tiré  à huit  heures  du  matin; 
le  lait  de  onze  heures  était  un  peu  plus  blanc; 
mais  celui  du  soir  avait  la  couleur  naturelle  à 
ce  fluide,  et  ne  contractait  plus  de  viscosité. 

Nous  avons  continué  ainsi  à examiner,-  pen- 
dant quatre  jours  de  suite , du  lait  de  la  même 
femme,  à différentes  époques  de  la  journée, 
sans  apercevoir  des  changemens  aussi  notables 
que  ceux  de  la  première  fois.  Le  cinquième 
jour  les  mêmes  changemens  parurent  de  nou- 
veau, et  nous  apprîmes  que  la  nourrice  avait 
eu  la  veille,  et  pendant  la  nuit,  une  attaque 
de  nerfs  assez  considérable.  Enfin , dans  l’espace 
de  deux  mois  nous  avons  eu  l’occasion  d’obser- 
ver plusieurs  fois  les  mêmes  phénomènes , et 
d’être  convaincu  , en  même  temps  , qu’ils 
n’avaient  lieu  que  quand  la  nourrice  éprou- 
vait de  l’altération  dans  sa  santé. 

Nous  laissons  aux  médecins  à tirer  de  cette 
observation  les  conséquences  sans  nombre 
quelle  peut  leur  offrir  ; mais  elle  sert  à nous 
confirmer  de  plus  en  plus  dans  l’opinion  où 
nous  sommes,  que  le  fluide  dont  il  s’agit  ne 
pourra  jamais  donner  à cèux  qui  l’examineront 
avec  l’attention  la  plus  scrupuleuse  des  pro- 
duits parfaitement  semblables.  De  là  l’insuffi- 
sance de  toutes  ces  analyses  comparatives  du 
lait  de  femme  et  de  celui  des  autres  femelles. 


Il  2 


200  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

Du  lait  cV  anesse. 

Après  le  lait  de  vache  c’est  le  lait  d anesse 
dont  la  médecine  tire  le  meilleur  parti;  l’usage 
s’en  est  conservé  depuis  les  Grecs  jusqu’à  nous, 
et  son  analogie  avec  le  lait  humain  le  rend 
infiniment  recommandable  , dans  une  foule 
de  circonstances  où  on  s’en  est  servi  très-avan- 
tageusement. 

En  effet , si  on  s’en  rapporte  à la  couleur , 
à la  saveur  et  à la  consistance,  le  lait  d anesse 
semblerait  peu  différer  de  celui  de  femme. 
Cependant  ces  deux  espèces  de  lait  ont  des 
propriétés  particulières , qui  peuvent  servir  à 
les  faire  distinguer.  Ce  n’est  pas,  il  est  vrai  , 
en  comparant  leurs  propriétés  physiques  qu’on 
parviendra  à saisir  ces  différences;  l’examen, 
chimique  seul  peut  les  rendre  palpables.  Il  sera 
facile  d’en  juger  par  les  détails  suivans. 

L’eau  du  laitd’ànesse,  distillée  au  bain-marie  , 
a une  odeur  peu  sensible;  elle  s’altère  cepen- 
dant, comme  celle  des  autres  laits,  quoiqu’elle 
ne  paraisse  rien  tenir  en  dissolution. 

Le  résidu  de  la  distillation  donne  , par  l’éva- 
poration , une  franchipane , dont  les  produits, 
lorsqu’on  la  distille  à feu  nu , sont  les  mêmes 
que  ceux  de  la  franchipane  du  lait  de  vache  , 
mais  dans  une  proportion  infiniment  moins 
abondante. 

Les  acides  , ainsi  que  l’alcohol , coagulent  le  . 
lait  d’ânesse;  mais  la  partie  caséeuse  se  sépare 


RELATIVEMENT  A LA  MEDECINE.  £>.bl 

toujours,  sous  forme  de  molécules  extrême- 
ment ténues , qui  se  rassemblent  au  fond  du 
vaisseau  , tandis  que  le  coagulum  du  lait  de 
vache , de  brebis  et  de  chèvre , est  en  masse , 
occupe  tout  le  fluide,  et  s en  détache  plus 
ou  moins  difficilement. 

Le  lait  danesse  donne  , par  le  repos  , une 
crème  qui  n’est  jamais  épaisse  ni  abondante; 
sa  saveur  n’a  rien  d’agréable.  On  parvient,  avec 
assez  de  difficulté,  à la  convertir  en  beurre  , 
et  ce  beurre  est  toujours  mou  , fade,  d’une  cou- 
leur blanche , et  se  rancit  aisément. 

Si  on  n’a  pas  soin  de  tirer  promptement 
le  beurre  du  fluide  dans  lequel  il  flotte, 
et  qu’on  le  tienne  dans  un  endroit  un  peu 
chaud,  il  se  liquéfie  ; et,  pour  l’obtenir  de  nou- 
veau à part,  il  faut  plonger  le  vaisseau  dans 
l’eau  froide,  et  ensuite  l’agiter  pendant  quel- 
que temps. 

Le  lak  de  beurre,  bien  privé  de  la  crème 
nouvelle,  a une  saveur  douce,  très- agréable. 

Les  acides  et  l’alcohol  en  séparent  la  matière 
caséeuse. 

Ce  lait,  ainsi  que  la  crème  et  le  beurre  qu’on 
en  retire,  donnent,  lorsqu’on  les  distille  à feu 
nu , les  mêmes  produits  que  le  beurre  et  la 
crème  du  lait  dë~  vache. 

Autant  les  laits  de  vache,  de  chèvre  et  de  4 
brebis  abondent  en  matière  caséeuse , autant 
ceux  de  femme  et  d anesse  en  donnent  peu  : 
cest,  sans  doute,  à l’existence  d’une  plus^ 

n 3 


X 


262  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

grande  quantité  de  cette  matière  que  les  pre- 
miers doivent  leur  densité  marquée  et  les  pel- 
licules nombreuses  qu’ils  fournissent  lorsqu’on 
les  fait  chauffer. 

Le  lait  d anesse , en  perdant  sa  crème,  ac- 
quiert plus  de  fluidité  , et  en  même  temps  il 
devient  bleuâtre.  Si  on  l’abandonne  à l’air,  il 
se  coagule  spontanément,  mais  avec  assez  de 
difficulté  ; et  encore  le  coagulum  n’est-il  jamais 
bien  ferme  ; le  plus  souvent  il  se  précipite  sous 
la  forme  de  magma. 

L’alcohol  en  opère  aussi  la  coagulation.  Le 
précipité  qui  se  forme  dans  ce  cas  ressemble 
parfaitement  à celui  qui  a lieu  lors  de  la  coa- 
gulation spontanée. 

Le  sérum  obtenu  par  l’un  des  deux  procédés 
ci-dessus  indiqués,  évaporé  jusqu  a cristalli- 
sation , a donné  un  sel  de  lait  très  - blanc  , mais 
non  pas  en  aussi  grande  quantité  que  nous 
l’aurions  cru,  à raison  de  la  saveur  sucrée  du 
lait  qui  le  tenait  en  dissolution. 

Au  reste , nous  serions  assez  embarrassés 
d’établir  les  quantités  exactes  de  sucre  de  lait 
que  le  lait  d’ànesse  doit  donner,  puisque  de 
trois  portions  égales  de  lait,  fournies  par  trois 
ânesses  différentes,  il  ne  s’en  est  pas  trouvé 
une  seule  qui  n’ait  offert  des  différences  notables 
dans  les  proportions  de  sel  qu’on  en  a retiré  ; 
ceci  d’ailleurs  s’accorde  avec  ce  que  nous  avons 
dit'dans  le  précédent  article. 

Le  sucre  de  lait  danesse  nous  a paru  tout- 


relativement  a la  MÉDECINE.  265 

à- fait  semblable  à celui  du  lait  de  femme  et 
de  vache  : il  a donné  les  mêmes  produits  lors- 
qu’on l’a  soumis  aux  épreuves  détaillées  ci- 
dessus. 

Nous  avons  aussi  préparé  du  sérum  en  sépa  - 
rant les  pellicules  de  la  surface  d’une  quantité 
de  lait  danesse  qu’on  avait  fait  chauffer  exprès. 
L’opération  a été  un  peu  plus  longue  que  la 
même  à laquelle  nous  avions  soumis  le  lait  de 
femme  ; mais  le  sérum  obtenu  s’est  clarifié  avec 
la  plus  grande  facilité,  en  employant  seulement 
J a filtration.  Par  l’évaporation  , il  a donné  la 
totalité  de  sel  de  lait  et  de  muriate  calcaire 
qu’il  contenait. 

Le  lait  danesse  est,  parmi  les  différentes 
espèces  de  lait , un  de  ceux  qui  contiennent  le 
moins  de  matière  caséeuse.  On  observe  même 
quelle  est  si  peu  adhérente  au  sérum,  que 
souvent  le  simple  repos  suffit  pour  l’en  séparer, 
sous  la  forme  de  molécules  extrêmement  fines, 
sans  qu’il  soit  nécessaire  d’attendre  que  le  lait 
soit  devenu  aigre.  Cette  propriété  que  le  lait 
danesse  a de  se  convertir  promptement  en 
sérum,  appartient  également  au  lait  de  femme; 
à mesure  que  la  matière  caséeuse  se  manifeste  , 
la  saveur  sucrée  devient  plus  sensible  : effet 
que  nous  ne  saurions  attribuer  à l’évaporation 
du  fluide  , puisque  le  lait  était  dans  des  bou- 
teilles à étroite  ouverture  , mais  bien  au  déve- 
loppement du  sucre  de  lait , et , peut  - être  , aussi 
à ce  que , ce  sel  étant  en  dissolution  dans  un 

R 4 


fluide  qui  tient  moins  de  matière  caséeuse  que 
beaucoup  d’autres  sérosités , sa  saveur  doit 
devenir  plus  sensible. 

Une  chose  assez  remarquable,  et  sur  laquelle 
nous  revenons  , c’est  le  peu  de  consistance  du 
beurre  de  lait  d’ânesse  dans  toutes  les  saisons. 
En  été  il  parait  impossible  de  l’avoir  avec  une 
sorte  de  fermeté.  Pendant  l’hiver  il  ressemble 
à de  l’huile  figée  ; son  blanc  mat , la  facilité 
avec  laquelle  il  se  rancit,  feraient  soupçonner 
qti’il  doit  retenir  dans  sa  formation  une  petite 
quantité  de  matière  caséeuse,  si,  comme  nous 
croyons  l’avoir  prouvé , cette  matière , sans 
pouvoir  être  réputée  une  des  principales  causes 
de  la  rancidité,  contribue  au  moins  beaucoup 
à son  développement. 

Nous  observerons  encore  que  les  sels  moyens 
contenus  dans  le  sérum  du  lait  d ’ânesse , ne 
sont  pas  toujours  de  la  même  nature;  indé- 
pendamment du  sucre  de  lait,  nous  avons  vu 
qu’il  fournissait  du  muriate  calcaire , et  quel- 
quefois aussi  du  muriate  de  soude.  Au  reste , la 
quantité  de  ces  deux  sels  y est  si  peu  considé- 
rable , que  ce  serait  s’abuser  que  de  calculer  les 
propriétés  médicinales  du  lait  d’ânesse  d’après 
celles  qui  appartiennent  à ces  sels. 

Du  lait  de  jument. 


L’usage  que  les  Tartares , dans  leurs  excur- 
sions, font  du  lait  de  jument,  est  connu;  on  sait 
également  que  ce  fluide  est  le  premier  qu’on 


i 


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relativement  A LA  MÉDECINE.  263 
se  soit  avisé  de  soumettre  a la  fermentation 


spiritueuse , pour  en  retirer , par  la  distillation  , 
de  l’alcohol  comparable , pour  les  propriétés 
générales , à celui  que  fournissent  toutes  les 
liqueurs  vineuses. 

Peu  d’auteurs,  cependant,  ont  donné  une 
analyse  détaillée  de  ce  lait.  Les  principales 
causes  de  l’indifférence  des  chimistes  à en 
rechercher  la  nature  , sont  vraisemblablement, 
d’une  part,  le  peu  d’usage  qu’on  en  fait  en 
France,  et,  de  l’autre,  la  difficulté  de  s’en  pro- 
curer la  quantité  nécessaire  aux  expériences, 
la  jument  étant  dans  la  classe  des  femelles  qui 
ne  donnent  leur  lait  qu’à  la  vue  de  leur  nour- 
risson , et  refusent  de  se  laisser  traire , dans  la 
crainte , sans  doute , qu’on  ne  dérobe  au  pou- 
lain ce  qui  lui  appartient  exclusivement. 

Celui  que  nous  avons  examiné  a été  fourni 
par  une  jument  dont  011  avait  manié  de  bonne 
heure  les  pis,  pour  l’accoutumer  à se  laisser 
traire,  et  nous  avons  attendu  qu’il  y eût  deux 
mois  d’écoulés  depuis  qu  elle  avait  pouliné,  afin 
d’ètre  assurés  qu’il  avait  les  qualités  requises, 
qualités  que  le  lait  en  général  ne  possède 
jamais  dans  les  premiers  temps*  où  les  femelles 
ont  mis  bas. 

L’état  séreux  du  lait  de  jument  le  rend  assez 
remarquable.  Sa  fluidité  cependant  est  moindre 
que  celle  des  laits  de  femme  et  d ânesse;  mais 
aussi  sa  saveur  parait  moins  sucrée. 


Les  propriétés  physiques  du  lait  de  jument 


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DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 


sont  les  mêmes  que  celles  ries  autres  laits;  nous 
avons  observé  seulement  qu’il  prend  aisément 
le  mouvement  de  l’ébullition  , et  qu’il  se  coa- 
gule assez  vite. 

L’eau  de  ce  lait  distillée  au  bain-marie,  est 
presque  inodore  ; elle  se  conserve  long-temps 
sans  s’altérer;  cependant  elle  finit  toujours  par 
perdre  de  sa  transparence , et  acquiert  en  même 
temps  une  odeur  désagréable. 

Le  résidu  delà  distillation  du  lait  de  jument 
au  bain-marie  , présente  une  franchipane  moins 
onctueuse  et  moins  abondante  que  celle  du  lait 
de  vache;  mais,  distillée  à feu  nu , aux  quantités 
près,  les  produits  sont  absolument  semblables. 

A peine  le  lait  de  jument  éprouve-t-il  la 
chaleur  du  bain  - marie , qu’il  se  couvre  de  pel- 
licules plus  minces  que  celles  du  lait  de  brebis; 
les  premières,  surtout,  sont  plus  onctueuses 
que  celles  qui  viennent  ensuite  : propriété 
dépendante , sans  doute , de  la  petite  quan- 
tité de  crème  que  ce  lait  contient 


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Le  sérum  qu’on  obtient  après  avoir  enlevé 
toutes  les  pellicules  , passe  aisément  à travers 
le  filtre , et  est  toujours  fort  clair  et  incolore. 

Dès  que  le  lait  de  jument  est  trait  et  qu’on 
l’expose  à une  température  froide , il  se  recouvre , 
par  le  repos,  d’une  crème  assez  claire,  de  cou- 
leur jaunâtre  ; cette  crème  , agitée  long-temps , 
ne  donne  point  de  beurre.  Nous  n’oserions 
cependant  assurer  que,  dans  aucun  cas , elle  ne 
pût  en  fournir;  car  il  pourrait  en  être  de  cette 


■ 


RELATIVEMENT  A IA  MÉDECINE.  267 

crème  comme  de  celle  du  lait  de  femme,  qui, 
ainsi  que  nous  l’avons  observé,  ne  laisse  échap- 
per son  beurre  que  lorsqu’elle  est  parvenue  à 
un  certain  degré  de  perfection  , quelle  n’a  pas 
toujours  dans  tous  les  individus. 

Le  lait  de  jument,  écrémé,  traité  avec  tous  2 
les  réactifs  dénommés  dans  nos  précédentes 
analyses , offre  les  mêmes  phénomènes  que  ceux 
dont  on  a parlé  lorsqu’il  a été  question  du  lait 
de  vache  et  de  brebis. 

Nous  avons  seulement  remarqué  que  le 
vinaigre  distillé  , et  letartrite  acidulé  de  potasse, 
opéraient  plus  difficilement  la  séparation  de  la 
matière  caséeuse,  puisque  ce  n’est  que  quelque 
temps  après  leur  mélange  que  cette  matière 
parait  sous  une  forme  analogue  à celle  du  lait 
de  femme  , lorsqu’on  le  traite  avec  les  mêmes 
acides,  c’est-à-dire,  en  molécules  toujours 
très  - ténues. 

Le  petit  lait,  ou  le  sérum  de  lait  de  jument, 
sur  lequel  nous  avons  fait  quelques  expériences, 
a été  préparé  par  l’intermède  de  l’esprit  de  vin; 
procédé  auquel,  cette  fois-ci , nous  nous  som- 
mes déterminés  à accorder  la  préférence,  parce 
que,  d’une  part,  nos  expériences  nous  avaient 
appris  que  le  sérum  obtenu  par  une  autre  mé- 
thode n’en  différait  point,  et  que , de  l’autre, 
ayant  l’avantage  d’avoir  ce  sérum  très -promp- 
tement , nous  étions  certains  que  ses  parties 
constituantes  n’avaient  subi  aucune  altération. 

Le  sérum  ainsi  obtenu  , après  avoir  été  filtré 


I h 


268  DU  LAIT  CONSIDÉRÉ 

et  évaporé  spontanément  dans  plusieurs  cap- 
sules , s’est  troublé  et  a déposé  de  la  matière 
caséeuse  , que  nous  avons  séparée  par  des  fil- 
trations réitérées;  il  nous  a donné  ensuite  une 
concrétion  saline  blanche  , adhérente  aux 
parois  des  capsules.  La  surface  s’est  recouverte 
d’un  sel  cristallisé  en  petites  aiguilles,  qui  tan- 
tôt étaient  réunies  sous  la  figure  de  grouppes, 
et  tantôt  se  trouvaient  isolées. 

Ces  deux  matières  salines,  examinées  cha- 

' 1 

cune  séparément  , ont  été  reconnues , l’une 
pour  être  le  sel  essentiel  du  lait,  et  l’autre  du 
sulphate  calcaire. 

Une  seconde  cristallisation  nous  a donné, 
après  la  décantation  de  la  liqueur,  du  sel  de 
lait  un  peu  moins  blanc  que  le  précédent,  et 
la  troisième,  un  sel  entièrement  semblable  : il 
nous  est  resté  une  liqueur  qui  a refusé  de  cris- 
talliser ; elle  contenait  du  muriate  calcaire. 

Le  lait  de  jument  est,  dans  le  nombre  de 
ceux  que  nous  avons  examinés  , le  seul  qui 
ait  fourni  du  sulphate  calcaire.  Ce  sel  serait-il 
du  à la  qualité  de  l’eau  de  puits  dont  les  cavales 
s’abreuvent  ordinairement,  et  l’état  séreux  de 
leur  lait  dépendrait-il  de  la  quantité  qu’elles 
en  boivent  ? C’est  ce  que  nous  n’entrepren- 
drons point  de  décider. 

La  difficulté  qu’on  éprouve  pour  séparer  le 
beurre  de  la  crème  du  lait  de  jument,  ainsi 
que  la  petite  quantité  de  matière  caséeuse  que 
ce  lait  fournit,  sont  les  deux  principaux  carac- 


relativement  a la  médecine.  269 

itères  que  nous  ayons  recueillis  de  l’analyse  de 
ce  fluide.  •* 

Tout  en  convenant  de  l’extrême  fluidité  du 
lait  de  jument,  on  a prétendu  néanmoins  qu’il 
était  plus  nutritif  que  les  autres  laits.  .Nous 
ignorons  jusqu’à  quel  point  cette  opinion  est 
admissible:  mais,  en  reconnaissant  cette  pro- 
priété, il  faudrait  l’attribuer  moins  à l'abon- 
dance des  principes  qui  entrent  dans  sa  com- 
position, qu’à  leur  véritable  manière  d’être, 
ainsi  que  l’a  très-judicieusement  observé  V enel , 
dans  son  précis  de  matière  médicale,  augmenté 
de  notes  par  Carrère. 

Les  Scythes  faisaient  beaucoup  d’usage  du 
lait  de  jument  et  de  ses  produits.  C’est  ce  lait, 
comme  nous  l’avons  déjà  observé  , que  les 
Tartares  russes  ont  soumis  à la  fermentation 
vineuse.  Sans  doute  que  , dénués  des  res- 
sources que  nous  avons  en  abondance  pour 
nous  procurer  de  l’esprit  ardent , ces  peuples 
ont  été  conduits  par  le  besoin  et,  peut-être, 
par  hasard  à cette  découverte  ; mais  dès  que 
leur  procédé  a été  connu  parmi  nous,  on  l’a 
rectifié  et  ensuite  appliqué  au  lait  de  vache  et 
à celui  de  chèvre.  Il  nous  suffisait  de  connaître 
la  possibilité  d’une  semblable  opération  pour 
toutes  les  espèces  de  lait,  et  nous  nous  sommes 
dispensés  de  la  répéter,  bien  convaincus  que 
ce  genre  d’expériences  n’apprendrait  rien  de 
plus  que  ce  qu’on  savait  déjà  sur  cet  objet. 


J 


270  DU  LAIT  RELATIVEMENT 


TROISIÈME  PARTIE. 

Du  lait  considéré  relativement  à V économie 

rurale. 

A-kh  s le  pain  , l’article  le  plus  essentiel  des 
provisions  d’une  métairie,  est  le  lait.  Les  pro- 
duits de  ce  fluide  forment  dans  tous  les  can- 
tons une  branche  de  commerce  plus  ou  moins 
considérable;  plusieurs  sont  même  renommés 
par  la  qualité  du  beurre  ou  des  fromages  qu’ils 
fabriquent  : qualité  qu’ils  ne  doivent  pas  seule- 
ment aux  alimens  dont  on  nourrit  les  animaux, 
mais  encore  A la  manière  dont  on  gouverne 
les  laiteries,  ainsi  qu’aux  manipulations  em- 
ployées, car  ici,  comme  en  une  infinité  d’au- 
tres choses,  c’est  la  façon  d’opérer  qui  fait 
tout. 

Mais  ce  n’est  pas  assez  que  les  physiciens, 
pour  lesquels  ce  traité  est  particulièrement  des- 
tiné, soient  pénétrés  de  ces  vérités.  Le  but  de 
notre  travail  serait  manqué  si  nous  ne  nous 
empressions  de  les  transmettre  également  aux 
habitans  des  campagnes,  en  leur  assurant  qu’ils 
pourraient  tirer  un  parti  plus  avantageux  de 
leurs  laitages,  si,  pour  leur  propre  intérêt,  ils 
voulaient  toujours  prendre  la  peine  de  consul- 
ter, mieux  qu’ils  ne  font,  les  localités. 


V 


'■fr  ? *•'  *• 


a l’économie  rurale. 


271 


Article  premier. 
De  la  laiterie. 


C’est  ainsi  que  se  nomme  le  lieu  où  l'on 
dépose  le  lait  au  sortir  de  la  vacherie,  et  dans 
lequel  ce  fluide  séjourne  jusqu  au  moment  où 
il  s’agit  de  lui  donner  une  destination. 

Dans  les  départemens  où  les  produits  du  lait, 
sous  forme  de  beurre  et  de  fromage  , jouis- 
sent d’une  certaine  réputatioù , et  sont,  par 
conséquent,  l’objet  de  fabriques  considérables, 
on  ne  trouve  point  de  laiterie  montée  en  grand  ; 
les  plus  fortes  métairies  n’ont  pas  même  de  local 
destîné  uniquement  à serrer  le  lait  ainsi  que 
les  ustensiles  qui  servent  à en  conserver  le$ 
résultats  : on  se  contente  d’un  bas  d’armoire 
ou  d’un  coffre,  nommé  huche;  voilà  toute 
la  laiterie. 

Cette  huche  est  ordinairement  placée  dans 
le  lieu' où  se  tient  habituellement  la  famille, 
où  se  fait  la  cuisine,  et  où  l’on  couche  : ail- 
leurs elle  occupe  le  centre  du  logement  et  sert 
aux  métayers  de  table  à manger.  Comme  ce 
meuble  est  mobile , on  a coutume  de  le  trans- 
porter en  été  dans  l’endroit  le  plus  frais  de 
l’habitation  , et  dans  le  plus  chaud  pendant 
l’hiver.  On  peut  même  établir  dans  son  inté- 
rieur une  température  égale  dans  tous  les  temps , 
au  moyen  d'un  réchaud  de  braise  allumée  ou 
d’un  peu  de  sel  marin  répandu  sur  le  plancher 
de  la  huche  ou  du  coffre. 


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. y-  .r  'h 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


Dans  la  fameuse  vallée  d'Auge,  département 
du  Calvados , les  grandes  fermes  de  huit  à 
quinze  mille  francs  de  revenu  ont  pour  laite- 
rie une  salle  située  communément  sous  un  han- 
gar, à proximité  du  centre  du  ménage  et  à 
l’abri  des  vents  froids  : cette  pièce  est  ouverte 
sur  ses  quatre  façades  d’une  petite  porte  et  de 
trois  croisées  d’environ  quatre  pieds  et  demi. 
Ces  croisées  sont  closes  au  moyen  de  lattes 
disposées  de  manière  à intercepter  les  rayons 
du  soleil,  sans  nuire  au  renouvellement  conti- 
nuel de  l'air  intérieur.  En  hiver  ces  sortes  de 
jalousies  sont  remplacées  par  un  châssis  vitré  : 
un  fourneau  ou  des  réchauds  que  l’on  entre- 
tient allumés,  et  dont  le  premier  but  est  de 
maintenir  l’air  de  la  salle  à une  température  éle- 
vée , servent  alors  à renouveler  l’air  ; ce  qu’on 
facilite  encore  de  temps  à autre  , en  ouvrant 
une  des  croisées.  Les  murs  et  le  plafond  sont 
recouverts  d’une  couche  de  mortier  fait  avec 
la  chaux  et  le  sable  ou  le  ciment  ; le  plafond 
n’a  guères  que  cinq  pieds  d’élévation  , et  la 
grandeur  de  la  salle  est  toujours  calculée  sur 
la  force  de  la  vacherie.  Des  rayons  supportés 
par  des  échelons,  et  disposés  tout  autour  de  la 
salle  à des  distances  convenables,  servent  à 
recevoir  les  vases  qui  contiennent  le  lait,  la 
crème,  etc.,  ainsi  que  les  pots  vides  et  les 
ustensiles  affectés  à ce  service. 

Les  voyageurs  qui  savent  observer  convien- 
nent que  cette  partie  des  bâtimens  qui  consti- 


i 


a l’économie  rurale.  27D 

tue  la  ferme  et  qui  forme  les  laiteries  , est 
en  Angleterre  une  des  plus  intéressantes  , et 
qu’il  s’en  faut  qu’elle  soit  aussi  bien  soignée 
en  France.  Cependant  on  a vu  parmi  nous  de 
riches  propriétaires  en  établir  à grands  frais , 
dans  l’intérieur  desquelles  il  régnait  un  luxe 
extrême  ; mais  il  y manquait  précisément  les 
conditions  principales  pour  remplir  efficace- 
ment le  but  qu’on  se  propose  : nous  voulons 
dire  la  forme  et  l’exposition , dont  l’influence 
directe  sur  le  lait  et  sur  ses  produits  est  hors 
de  doute. 

La  fraîcheur  et  la  propreté  du  local  destiné 
à cet  objet,  étant  les  deux  grands  moyens  de 
conservation  du  lait,  il  serait  utile  d’en  rappe- 
ler souvent  la  nécessité , par  forme  d’adages , 
dans  les  endroits  les  plus  fréquentés  de  l’habi- 
tation, et  d’inscrire  même  ces  adages  en  gros 
caractères  sur  la  porte  de  chaque  laiterie. 

Emplacement  d'une  laiterie. 

• 

Pour  rendre  une  laiterie  profitable  , il  faut, 
autant  qu’on  le  peut,  la  placer  au  nord,  et  la 
disposer  de  manière  qu’elle  soit  assez  fraîche , 
en  été  , pour  que  la  totalité  de  la  crème  ait 
le  temps  de  monter  à la  surface  du  lait  avant 
qu’il  ne  s’aigrisse,  et  suffisamment  chaude,  en 
hiver,  pour  opérer  un  semblable  effet  à peu 
près  dans  le  même  intervalle  de  temps.  Il  sera, 
toujours  possible,  quelle  que  soit  la  demeure 

s 


274  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

ordinaire  du  fermier,  de  construire  une  laite- 
rie d’après  ces  principes. 

Dans  beaucoup  de  nos  départemens,  au  nord 
et  à l’ouest  de  la  république , les  laiteries  sont 
des  caves  voûtées  et  fraîches , comme  il  con- 
vient qu  elles  soient  pour  y conserver  le  vin  : 
leur  température,  dans  toutes  les  saisons,  doit 
être  de  huit  à dix  degrés  environ  du  thermo- 
mètre de  Réaumur.  On  conçoit  que  ces  sou- 
terrains seraient  encore  plus  utiles  dans  les 
départemens  méridionaux. 

Souvent  il  est  plus  facile  de  construire  une 
laiterie  séparée  du  corps  de  la  ferme  ; mais 
alors  il  faut,  autant  qu’on  le  peut,  la  placer 
dans  le  voisinage  d’un  ruisseau  d’eau  courante, 
et  la  composer  de  petites  pièces  disposées  les 
unes  à côté  des  autres  , de  manière  que  la 
laiterie  proprement  dite  se  trouve  située  au 
centre. 

Tout  ce  qui  peut  apporter  la  plus  légère 
odeur  et  la  moindre  chaleur  à la  laiterie,  doit 
en  être  sévèrement  proscrit  : il  faut  que  les 
murs  aient  deux  pieds  d’épaisseur  , et  que  la 
couverture  soit  au  moins  de  trois  pieds , en 
chaume  ou  en  roseaux  ; qu’elle  déborde  de 
chaque  côté  sur  le  mur:  il  faut  de  plus,  ména- 
ger au  dedans  un  tuyau  de  bois  qui  s’élève  d’un 
ou  de  deux  pieds  au-dessus  de  la  couverture, 
pour  , dans  certaines  circonstances  , opérer 
l’effet  du  ventilateur. 

On  doit  pratiquer,  à chacune  des  portes,  des 


a l’économie  rurale.  275 

ouvertures  qui  puissent  se  fermer  au  moyen 
d’un  petit  volet;  on  y adapte  un  pied  de  gaze 
et  un  grillage  de  fil  de  fer , très-léger , à mailles 
serrées,  pour  en  interdire  l’accès  aux  chats, 
aux  rats,  aux  souris  et  même  aux  mouches; 
enfin  ces  ouvertures  doivent  être  disposées  de 
manière  à pouvoir  établir , lorsque  le  vent 
souffle,  un  courant  d’air  dans  toute  la  laiterie, 
pour  y conserver,  autant  qu’il  est  possible, 
une  température  uniforme  dans  toutes  les 
saisons. 

Autour  de  cette  pièce,  destinée  à la  laiterie  , 
doivent  être  placées  des  banquettes  en  maçon- 
nerie , recouvertes  par  des  dalles  de  pierres 
bien  jointes,  pour  éviter  les  cavités,  et  favori- 
ser leur  parfait  nettoyement;  le  pavé  sera  élevé 
au-dessus  du  niveau  du  sol , avec  de  petites 
rigoles  en  pente,  pour  faciliter  l’écoulement 
au  dehors  de  l’eau  des  lavages,  ou  du  lait 
répandu  accidentellement. 

Les  pièces  accessoires  à la  laiterie  servent, 
les  unes  à recevoir  une  chaudière  assez  grande, 
destinée  à laver  les  vaisseaux  et  ustensiles  em- 
ployés; les  autres,  à tenir  en  magasin  le  beurre 
et  les  autres  produits  du  lait  , et  à serrer  les 
outils  inutiles  pour  le  moment.  L’intérieur  des 
murs  de  ces  pièces  doit  être  enduit  de  chaux, 
ainsi  que  le  plafond,  quand  elles  ne  sont  pas 
voûtées. 


* 


s 2 


276  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Ustensiles  de  la  laiterie. 

Après  avoir  fait  choix  d’un  emplacement 
pour  la  laiterie,  l’objet  qui  mérite  le  plus 
d’attention  concerne  les  ustensiles  : si  leur 
propreté  et  leur  forme  sont  extrêmement  essen- 
tielles , leur  nature  ne  l’est  pas  moins.  Une 
fermière  attentive  peut  bien  tolérer  l’usage 
des  vases  de  métal  pour  recevoir  le  lait  à la 
vacherie  et  pour  son  transport  à la  laiterie  ; 
mais  elle  ne  doit  jamais  permettre  que  le  lait 
y séjourne  , sur  tout  quand  ils  sont  de  cui- 
vre ou  de  plomb  , parce  que  ce  fluide  les 
attaque,  comme  corps  gras  et  fermentescible, 
et  forme  avec  eux  des  combinaisons  salines, 
lesquelles  agissent  ensuite  à la  manière  des 
poisons. 

Pour  remédier  à des  inconvéniens  de  cette 
importance,  les  chimistes  étaient  parvenus  à 
déterminer  l’ancienne  administration  à pros- 
crire les  vaisseaux  de  cuivre  pour  la  conser- 
vation et  le  transport  du  lait  à Paris;  mais 
les  réglemens  faits  à ce  sujet  ont  été  éludés. 
Aujourd’hui  l’intérêt  général  réclame  pour 
qu’ils  soient  remis  en  vigueur  : on  attend  avec 
grande  impatience  qu’une  loi  en  ordonne  l’exé- 
cution et  mette  lin  à des  abus  qui  subsistent 
depuis  trop  long-temps.  Sans  doute  aussi  que 
l’Institut  national  de  France,  occupé  dans  ce 
moment  de  diriger  l’industrie  vers  les  moyens 
de  perfectionner  nos  poteries  communes,  vien- 


, \ 


a l’économie  rurale.  277 

dra  à bout  de  substituer  au  verre  tendre  et 
dissoluble  qui  les  recouvre  , une  autre  ma- 
tière qui , n’ayant  pas  le  plomb  pour  base , 
n’exposera  plus  à ces  accidens  dont  les  suites 
sont  effrayantes. 

On  peut  diviser  en  cinq  classes  les  ustensiles 
nécessaires  à une  laiterie  bien  conditionnée  ; 
savoir,  ceux  servant, 

i.°  A traire  les  vaches; 

2. 0 A couler , à contenir  et  à transporter  le  lait  ; 

3.°  A battre  la  crème  et  à délaiter  le  beurre  ; 

4.0  A saler  et  à fondre  le  beurre  ; 

5.°  A cailler  le  lait,  et  à faire  les  fromages. 

Une  description , même  la  plus  succincte  de 
tous  ces  instrumens , deviendrait  ici  assez  inu- 
tile, parce  qu’ils  varient  par  leur  nature,  par 
leur  forme  et  par  leur  nombre , à raison  des 
habitudes  et  des  ressources  locales.  Disons 
seulement  un  mot  des  principaux. 

Les  expériences  que  nous  avons  faites  pour 
savoir  jusqu’à  quel  point  la  forme  et  la  nature 
des  vases  qui  servent  à contenir  le  lait,  pou- 
vaient influer  sur  la  promptitude  avec  laquelle 
la  crème  monte  à la  surface  et  prend  une  con- 
sistance propre  à être  recueillie  en  totalité  , 
nous  ont  appris  que  ceux  de  ces  vases  qui 
remplissent  le  plus  complètement  ce  double 
objet,  doivent  être  étroits  dans  leur  fond  et 
très-évasés  à leur  partie  supérieure  ; il  faut 
qu’ils  aient  environ  quinze  pouces  par  le  haut, 
six  pouces  par  le  bas , et  autant  de  profondeur. 

s 3 


Jt 


— 

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)>£>  ■.  • 


1 


278  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Moyennant  cette  forme  et  ces  proportions , 
peu  importe  qu’ils  soient  de  faïence , de  por- 
celaine, de  bois  ou  de  fer-blanc,  vernissés  ou 
non  : le  lait  s’y  refroidit  promptement;  la  crème 
s’y  rassemble  en  totalité  à la  surface , et  acquiert 
la  consistance  nécessaire  à sa  séparation. 

C’est  donc  un  préjugé  de  croire  que  les 
vases  de  porcelaine,  de  faïence,  ou  ceux  de 
nos  poteries  communes  vernissées,  ne  soient  pas 
propres  à favoriser  la  séparation  de  la  crème; 
ils  conviendraient  meme  infiniment  mieux , à 
cause  de  la  facilité  de  leur  nettoyement  : mais 
il  faut  éviter  de  se  servir  de  ces  derniers  tant 
que  l’art  n’aura  pas  trouvé  une  couverte  peu 
soluble , ou  dont  la  solubilité  ne  communi- 
quera point  au  lait  un  principe  qui  dénature 
sa  saveur  et  ses  propriétés.  Jusque-là  nous  ne 
saurions  trop  recommander  la  préférence  que 
méritent  les  terrines  non  vernissées,  lorsqu’il 
s’agit  de  poteries  communes. 

Ces  terrines,  dont  le  nombre  est  toujours 
proportionné  aux  besoins  du  service  journalier 
de  la  laiterie,  doivent  toujours  être  distribuées 
en  ordre  sur  des  banquettes  de  pierre,  et  non 
de  bois,  dans  la  crainte  que,  recevant  quel- 
ques gouttes  de  lait,  elles  ne  pourrissent  à la 
longue  et  ne  deviennent  la  source  d’une  odeur 
désagréable,  qu’il  est  nécessaire  d’éviter. 

Après  les  terrines,  les  ustensiles  qui  méritent 
quelques  observations  sont  ceux  qu’on  emploie 
4 battre  le  beurre  ; ils  doivent  être  en  terre 


a l’économie  rurale.  279 

ou  en  bois , de  capacité  et  de  forme  différentes  : 
le  plus  usité  est  la  baratte  ; vaisseau  large  par 
le^bas,  étroit  par  le  haut,  ayant  la  figure  d’un, 
pain  de  sucre  dont  on  a fait  sauter  la  tète.  Le 
second  est  la  sérenne , ou  moulin  à beurre , 
employé  dans  les  grandes  fabriques  ; il  res- 
semble à une  futaille. 

La  description  'de  ces  deux  ïnstrumens  et 
leur  figure  se  trouvent  dans  le  cours  complet 
d’agriculture , à l’afticle  baratte  : nous  parle- 
rons dans  la  suite  de  l’influence  qu’ils  peuvent 
avoir  sur  la  préparation  du  beurre. 

Au  milieu  de  la  laiterie  doit  être  placée  une 
table  de  pierre , s’il  est  possible , avec  quel- 
ques rigoles  qui  permettent  l’écoulement  de 
l’eau  employée  à la  laver  et  à rafraîchir  le  local. 

Des  soins  cVune  laiterie. 

Nous  ne  saurions  trop  insister  sur  la  néces- 
sité d’entretenir  la  propreté  la  plus  scrupuleuse 
dans  une  laiterie.  Une  fermière  attentive  ne 
doit  pas  permettre  aux  filles  de  basse-cour 
d’y  entrer , qu’au  préalable  elles  ne  quittent 
leur  chaussure,  et  ne  prennent  des  sabots  de 
rechange  ou  des  souliers  à semelles  de  bois, 
placés  exprès  à la  porte  pour  cet  usage. 

Quand  la  laiterie  est  placée  dans  un  souter- 
rain , et  qu’on  craint  que  la  chaleur  n’y  pénètre , 
on  ferme  les  soupiraux  avec  des  bouchons  de 
paille  pendant  la  chaleur  du  jour  ; en  hiver 

s 4 


280  du  lait  relativement 

on  empêche  par  le  même  moyen  le  froid  d'y 
avoir  accès. 

Tous  les  ustensiles  de  la  laiterie  doivent  être 
passés  à l’eau  bouillante  de  lessive , ensuite  à 
l’eau  fraîche  , et  frottés  avec  une  brosse  ou 
d’autres  instrumens;  puis  séchés  au  feu  ou  au 
soleil,  chaque  fois  qu’on  s’en  est  servi;  parce 
qu’une  molécule  de  lait  ancien , qui  y adhére- 
rait, deviendrait,  en  se  décomposant,  un  prin- 
cipe invisible  de  fermentation  , un  véritable 
levain , qui  pourrait  influer  désavantageusement 
sur  la  qualité  du  beurre  et  du  fromage. 

Comme  tout  l’appareil  d’une  laiterie  con- 
siste principalement  à empêcher  que  le  lait  ne 
se  caille  et  ne  s’aigrisse  en  été  avant  qu’on  n’en 
ait  enlevé  la  crème;  et,  en  hiver,  que  le  froid 
ne  soit  si  considérable  que  la  préparation  du 
beurre  ne  devienne  très-difficile;  il  faut  faire 
ensorte  d’y  entretenir  toujours  une  tempéra- 
ture à peu  près  égale,  en  fermant  ou  en  ou- 
vrant toutes  les  issues , selon  la  saison  ; en  épar- 
pillant sur  le  carreau  de  l’eau  fraîche  à diverses 
reprises,  ou  l’échauffant  par  un  poêle  et  non 
par  des  terrines  de  feu  qui  exposent  à des 
incendies. 

On  dit  communément  que  les  temps  orageux 
diminuent  la  quantité  de  la  crème  ; mais  cette 
assertion  n’est  pas  fondée  : une  trop  vive  cha- 
leur change  bien  en  un  instant  la  consistance 
et  la  manière  detre  du  lait;  alors,  la  crème 
qui  s’y  trouve  disséminée  n’ayant  pu  se  ras- 


28l 


a l’économie  rurale. 

sembler  à la  surface , une  partie  en  reste  confon- 
due dans  le  caillé,  auquel  elle  est  adhérente: 
mais  la  même  quantité  s’y  trouve  toujours; 
elle  n’est  perdue  que  pour  la  fermière,  qui, 
ne  connaissant  pas  de  moyen  pour  la  faire 
séparer  complètement,  doit,  dans  ce  cas,  ob- 
tenir moins  de  beurre. 

Mais  avant  de  Considérer  le  lait  sous  ses 
rapports  avec  le  commerce , présentons  quel- 
ques vues  sur  la  femelle  qui  fabrique  ce  fluide 
le  plus  abondamment,  et  que  nous  n’entrete- 
nons souvent  avec  tant  de  soins  que  par  rap- 
port au  bénéfice  de  cette  production. 

Article  II. 

Des  vaches  laitières. 

Les  veaux  femelles  prennent,  à l’âge  de  dix 
mois,  le  nom  de  genisse , celui  de  vache  quand 
elles  ont  vêlé,  et  de  vache  laitière , lorsque  le 
produit  du  lait  devient  l’objet  principal  de  leur 
entretien. 

Une  première  chose,  à laquelle  on  doit  faire 
attention  avant  d’établir  une  fabrique  de  beurre 
et  de  fromage,  c’est  le  choix  des  vaches  et  la 
qualité  du  lait  quelles  fournissent  dans  un 
temps  donné.  Il  en  est  des  espèces  qui,  sans 
exiger  plus  de  nourriture , produisent  davantage 
de  lait,  et  moins  de  crème  et  de  fromage  en 
proportion,  tandis  que  d’autres  offrent  préci- 


« 4* 

• * 

DU  LAIT  RELATIVEMENT 

sèment  le  contraire  ; ce  qui  établit  ces  déno- 
minations de  vaches  laitières,  vaches  crémières 
ou  beurrières , et  vaches  fromagères. 

Dans  le  nombre  des  vaches  les  plus  dignes 
de  nos  soins,  Buffon  en  indique  une  race  tirée 
du  Danemarck , devenue  commune  au  nord 
de  la  République , et  qui  a été  transportée  dans 
les  départemens  de  la  Charente  et  de  la  Vienne. 
On  donne  à cette  vache  le  nom  de  vache  flati- 
drine.  Voici  la  description  qu’en  fait  ce  célèbre 
naturaliste. 

c<  Les  vaches  auxquelles  on  donne  le  nom 
« de  vaches  flandrines  sont  beaucoup  plus 
« grandes  et  plus  maigres  que  les  vaches  com- 
« munes,  et  donnent  une  Lois  autant  de  lait 
« et  de  beurre;  elles  donnent  aussi  des  veaux 
« plus  grands  et  plus  forts;  elles  ont  du  lait 
te  en  tout  temps,  et  l’on  peut  les  traire  toute 
« l’année , à l'exception  de  quatre  ou  cinq 
« jours  avant  qu’elles  mettent  bas  : mais  il  faut 
te  pour  «es  vaches  des  pâturages  excellens , 
« quoiqu’elles  ne  mangent  guères  plus.  Elles 
« sont  toujours  maigres;  toute  la  surabondance 
« de  leur  nourriture  se  tourne  en  lait  : au  lieu 
« que  les  vaches  ordinaires  deviennent  grasses, 
« et  cessent  de  donner  du  lait,  dès  qu’elles  ont 
tt  vécu  quelque  temps  dans  des  pâturages  trop 
« gras.  Avec  un  taureau  de  cette  race  et  des 
« vaches  communes  on  fait  une  autre  race, 
« que  l’on  nomme  bâtarde,  et  qui  est  plus 
« féconde  et  plus  abondante  en  lait  que  la  race 


« commune.  Ces  vaches  bâtardes  donnent  sou- 
te vent  deux  veaux  à la  lois , et  fournissent  aussi 
« du  lait  toute  l’année  : ce  sont  ces  bonnes 
« vaches  à lait  qui  font  une  partie  de  la  richesse 
« de  la  Hollande,  d’où  il  sort,  tous  les  ans, 
« pour  des  sommes  considérables  de  beurres 
« et  de  fromages.  Ces  vaches  fournissent  une 
te  ou  deux  fois  autant  de  lait  que  les  vaches 
« de  France,  et  six  fois  autant  que  celles  de 
<e  Barbarie.  « 

Ce  serait , sans  doute , un  ouvrage  utile  que 
celui  qui  fixerait , par  une  suite  d expériences 
et  d’observations , les  caractères  certains  d’après 
lesquels  on  pourrait  juger  qu’une  vache  sera  plus 
ou  moins  bonne  laitière.  On  sait  que  ce  n’est 
pas  toujours  à la  beauté  et  à la  régularité  de» 
formes  qu’on  doit  s’attacher , les  meilleures 
vaches  étant  souvent  les  plus  mal  tournées  et 
les  plus  petites.  Le  volume  de  leurs  mamelles 
n’en  constitue  pas  non  plus  la  bonté,  car  quel- 
quefois les  pis  n’ont  une  certaine  grosseur  que 
parce  qu’ils  sont  charnus.  Ce  n’est  pas  encore 
à la  couleur  du  poil  qu’il  faut  s’en  rapporter , 
puisque,  dans  certains  cantons,  les  vaches 
noires  ont  la  préférence;  que,  dans  d’autres, 
ce  sont  les  vaches  jaunes  ; ailleurs , les  brunes 
rayées,  et,  que  dans  les  meilleures  vacheries, 
où  l’on  admet  ordinairement  les  différentes 
nuances,  les  fermiers  en  général  n’ont  point 
de  prédilection  pour  telle  ou  telle  couleur 
exclusivement,  si  Ion  en  excepte  cependant  la 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

couleur  blanche,  qu’on  n’aime  nulle  part:  d’où 
il  est  naturel  de  conclure  que  les  indices  pris 
d après  la  stature  , la  grosseur  des  mamelles  et  la 
couleur  du  poil,  ne  sont  fondés  absolument  que 
sur  des  préjugés  de  localités.  Il  est  cependant 
des  qualités  qui , dans  les  marchés , donnent 
aux  vaches  la  réputation  de  bonnes  laitières. 

Ces  qualités  sont  un  beau  cou , un  petit 
fanon,  la  tète  un  peu  allongée,  la  corne  fine 
et  pointue,  l’œil  vif,  un  poil  fin,  les  jambes 
courtes  et  déliées,  les  côtes  élevées  et  rondes, 
le  corps  gros , les  reins  forts , les  hanches 
quarrées  et  égales  , la  queue  haute  et  pendante 
au-dessous  du  jarret;  la  mamelle  fine , ample, 
bien  faite , peu  charnue , ni  trop  blanche  ; la 
peau  douce  et  moëlleuse;  les  veines  bien  pro- 
noncées aux  deux  côtés  du  ventre,  et  faciles 
à sentir  sous  les  doigts  : tels  sont  en  général 
les  signes  auxquels  on  reconnaît  qu’une  vache 
sera  bonne  laitière. 

Le  caractère  individuel  de  l’animal  influe 
beaucoup  sur  la  nature  et  la  quantité  du  pro- 
duit du  lait  : telle  vache , d’espèce  semblable , 
en  donne  plus  que  telle  autre,  et  même  diffé- 
rent en  qualité , quoique  la  vache  soit  nourrie 
avec  les  mêmes  herbages. 

A beauté  égale  de  taille , les  vaches  donnent 
des  produits  différens.  En  général,  il  passe 
pour  constant  que  celles  qui  ont  des  formes 
et  des  couleurs  particulières,  fournissent  plus 
de  lait  que  d’autres;  aussi  les  conserve- 1 -on 


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ècesemblable, 

et  même  ' 
he  soit  nourrie 


a l’économie  rurale.  285 

avec  le  plus  grand  soin  dans  quelques-uns 
de  nos  départemens,  où  elles  se  vendent  à 
des  prix  plus  considérables.  Cependant  on  fait 
encore  une  très- grande  différence  entre  une 
bonne  vache  à lait,  et  une  autre  qui  en  donne 
moins  ; cette  dernière  est  souvent  préférée 
pour  les  fabriques,  parce  que  son  lait , quoique 
moins  abondant,  est  beaucoup  plus  gras  et, 
par  conséquent,  produit  une  plus  grande  quan- 
tité de  beurre. 

Il  ne  suffit  pas  d’avoir  fait  choix  de  vaches 
de  bonne  race;  il  y a des  soins  à employer 
pour  les  rendre  propres  à l’objet  qu’on  a en 
vue.  Ils  consistent  principalement  dans  les 
moyens  de  subsistance , et  dans  l’attention  de 
la  leur  distribuer  avec  ménagement,  peu  et 
souvent  : c’est  une  pratique  qu’on  ne  doit 
jamais  perdre  de  vue;  les  vaches  s’en  portent 
mieux , et  fabriquent  du  lait  meilleur  et  en 
plus  grande  quantité. 

Le  sainfoin , la  luzerne  et  le  treffle , qui  com- 
posent ce  qu’on  nomme  vulgairement  prairies 
artificielles  y forment,  en  vert  ou  en  sec,  leur 
nourriture  la  plus  recherchée.  Mais  il  existe 
une  foule  d’autres  plantes  dont  on  couvre  les 
terrains  pour  ces  animaux,  et  que  l’on  fauche  à 
mesure  des  besoins.  Dans  le  nombre  de  celles- 
ci  plusieurs  ont  une  influence  si  marquée  sur  la 
nature  des  produits  du  lait,  que  ceux-ci  en  por- 
tent le  nom  ; telle  est,  par  exemple , la  spergule  , 
que  les  Bataves  et  les  ci-devant  Belges  cultivent 


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DU  LAIT  RELATIVEMENT 

exclusivement  pour  leurs  vaches  laitières,  afin 
d’obtenir  ce  beurre  dont  ils  font  un  si  grand 
commerce , et  qui  est  connu  sous  le  nom  de 
beurre  de  spergule. 

IVlais  n’a -t- on  pas  le  droit  d’ètre  révolté 
de  ce  que  plusieurs  cantons  de  la  France,  dont 
le  commerce  principal  est  en  bestiaux , ne  con- 
naissent ni  les  prairies  artificielles , ni  cet  art , 
plus  intéressant  encore,  pratiqué  avec  tant  de 
succès  sur  d’autres  points  de  la  République  , 
celui  de  se  procurer  des  prairies  momentanées 
à la  faveur  de  plantes  annuelles,  choisies  dans 
la  nombreuse  famille  des  graminées  et  des 
légumineux  ? Ces  plantes , employées  sur  les 
jachères,  contribuant  à la  fertilité  du  sol,  sont 
encore  les  plus  propres  à soutenir,  dans  tous 
les  temps,  la  qualité  du  lait  et  le  bon  état 
physique  des  animaux  qui  le  fournissent. 

Dans  les  pays  méridionaux,  où  il  pleut  rare- 
ment, on  pourrait  former  encore  des  pâturages 
à la  faveur  des  irrigations;  mais  ce  moyen  est 
trop  négligé  dans  un  grand  nombre  de  dépar- 
temens. 

A la  vérité,  on  prétend  que  les  anciens  pâ- 
turages peuvent  seuls  procurer  de  bon  beurre 
et  d’excellent  fromage  ; mais  c’est  encore  là  un 
de  ces  préjugés  qu’il  ne  faut  pas  se  lasser  d’atta- 
quer et  de  combattre  par  le  raisonnement  et 
par  des  faits  authentiques. 

Nous  observerons  , entr’autres,  qu’ Anderson 
assure  avoir  vu  des  Vaches  nourries  à l’étable 


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a l’économie  rurale.  287 

avec  du  treffle  et  du  raygras,  dont  le  beurre 
était  d’une  qualité  supérieure  à celui  fourni  en 
meme  temps  par  d autres  vaches  de  la  même 
espèce , qui  consommaient  1 herbe  d un  pâtu- 
rage très -ancien  et  situé  dans  un  bon  fonds. 

Il  est  fâcheux  que  jusqu’à  présent  on  n’ait 
fait  encore  que  très  - incomplètement  le  dénom- 
brement des  plantes  qui  croissent  dans  les  prai- 
ries naturelles,  et  de  celles  qui,  entretenant  les 
vaches  dans  un  état  de  vigueur  et  de  santé  , 
contribuent  le  plus  à rendre  leur  lait  riche  en 
beurre  ou  en  fromage.  Ce  devrait  être  cepen- 
dant le  but  de  l’étude  des  botanistes,  qui, 
comme  l’observe  le  citoyen  Desmarets , ramè- 
neraient par  là  leur  nomenclature  à un  objet 
véritablement  utile  à l’économie  rurale. 

Aux  observations  nombreuses,  publiées  sur 
la  salubrité  des  pommés  de  terre  considérée* 
comme  nourriture  des  animaux,  nous  nous 
permettrons  d’en  ajouter  une  seule,  qu’il  serait 
difficile  de  révoquer  en  doute;  c’est  celle  des 
commissaires  nommés  par  l’ancienne  faculté  de 
médecine  de  Paris  , lorsque  cette  compagnie 
fut  consultée  en  1771  sur  l’usage  de  ces  racines, 
contre  lesquelles  il  semblait  qu’on  avait  formé 
une  ligue;  voici  de  quelle  manière  ils  termi- 
nèrent leur  rapport  : « Une  des  principales 
« propriétés  des  pommes  de  terre,  et  qui  les 
« rend  particulièrement  recommandables,  est 
cc  d’améliorer  le  lait  des  vaches  et  d’en  aug- 
« menter  la  quantité.  Nous  avons  remarqué 


288 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


« qu’elles  produisaient  les  mêmes  effets  chez 
« les  nourrices  pauvres , mal  alimentées  , et 
« que  c’était  à cette  cause  qu’il  fallait  attribuer 
« le  changement  heureux  survenu  dans  les 
c<  enfans.  « 

On  a souvent  mis  en  question , s’il  était  plus 
avantageux  de  tenir  les  vaches  à rétable , que 
de  les  envoyer  paître  ? Après  avoir  essayé  l’une 
et  l’autre  méthodes,  sans  prévention  , le  citoyen 
Saint-Genis  donne  la  préférence  à la  première  : 
il  pense  que  la  pâture  sur  place  ne  convient 
que  dans  le  cas  où  l’herbe  est  trop  courte  pour 
pouvoir  être  fauchée;  mais  que,  partout  où 
l’on  a des  prairies  artificielles  sans  prairies  natu- 
relles , partout  où  l’on  est  maître  de  distri- 
buer économiquement  les  coupes,  la  pâture 
ne  mérite  point  la  préférence. 

Après  le  choix  des  alimens  et  les  précautions 
les  plus  salutaires  pour  les  administrer  conve- 
nablement , l’article  qui  contribue  le  plus  à la 
conservation  des  vaches , c’est  la  propreté.  On 
est  affligé  de  cet  état  d’abandon  où  on  les  tient 
dans  certains  cantons  : on  n’enlève  leur  litière 
que  tous  les  trois  mois;  couchées  dans  une 
pareille  fange,  elles  sont  toujours  faibles;  leur 
pis  s’échauffe,  et  le  lait,  si  susceptible  de  mau- 
vaises odeurs , contracte  bientôt  un  goût  désa- 
gréable , qui  passe  jusques  dans  ses  produits , 
et  leur  donne,  avant  d'être  préparés,  une  qualité 
défectueuse  , que  la  meilleure  méthode  ne  sau- 
rait ensuite  détruire  entièrement. 


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a l’économie  rurale.  289 

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Cette  incurie,  heureusement,  n’est  point 
générale  : il  y a en  France  des  cantons  dont 
les  habitans  connaissent  tout  le  prix  des  soins 
qu’on  donne  aux  vaches.  On  les  y éponge 
assez  ordinairement  avec  un  bouchon  de  paille , 
qu’on  natte  grossièrement.  Mais  ce  moyen  n est 
pas  encore  suffisant  ; il  serait  à souhaiter  qu’on 
se  servit  d’étrilles,  comme  pour  les  chevaux  : 
une  friction  sèche  sur  la  peau  a le  double 
avantage,  et  de  mieux  nettoyer  le  poil,  et  de 
faciliter  plus  puissamment  la  transpiration  d’un 
animal  qui,  à l’étable,  ne  fait  presqu’aucun 
exercice;  elle  donnerait,  en  un  mot,  aux  orga- 
nes plus  d’énergie  et  les  disposerait  à fabriquer 
du  meilleur  lait. 

Les  vaches  tenues  proprement  s’en  portent 
infiniment  mieux.  Celles  de  la  Prévalaye  , par 
exemple , dont  le  beurre  jouit  d’une  réputation 
si  bien  méritée , sont  exactement  soignées  ; 011  a 
l’attention  que  leur  litière  soit  fréquemment 
renouvelée  : aussi  remarque-t-on  qu  elles  sont 
moins  sujettes  aux  maladies,  et  qu’ayant  plus 
d’embonpoint  et  de  vigueur  , elles  donnent  un 
lait  plus  abondant  et  plus  crémeux. 

Une  femme  attachée,  par  goût  autant  que 
par  état , aux  objets  de  l’économie  domestique , 
et  qui  met  sa  gloire  à ne  point  confier  à d’autres 
les  détails  de  l’administration  intérieure  , parti- 
culièrement de  son  ressort,  a toujours  une  grande 
influence  sur  le  succès  d’une  exploitation  rurale  : 
l’expérience  prouve  que , par  tout  où  la  fermière 

T 


0 


290  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

veille  elle-même  £ ses  bestiaux , les  vacheries 
ainsi  que  les  laiteries  sont  dans  le  meilleur  état, 
et  rapportent  beaucoup. 

Mais  les  précautions  les  mieux  observées 
pour  se  procurer  des  vaches  de  choix,  pour 
les  nourrir  convenablement  et  les  entretenir 
en  bon  état,  seraient  encore  impuissantes  si  on 
négligeait  les  moyens  connus  pour  empêcher  la 
dégénération  de  l’espèce.  Le  laboureur , pressé 
ordinairement  de  tirer  parti  de  ses  bestiaux, 
fait  saillir  les  vaches  par  des  taureaux  lâches , 
affaiblis  ou  trop  jeunes  : bientôt  ces  animaux 
s’épuisent  ; leur  accroissement , leurs  forces  , 
leur  courage  diminuent , et  il  n’en  résulte 
qu’une  progéniture  imparfaite  et  défectueuse. 

Un  autre  usage,  encore  plus  abusif,  est  de 
conduire  les  genisses  au  taureau  aussitôt  qu’on 
s’aperçoit  quelles  sont  en  chaleur.  Cepen- 
dant des  cultivateurs  expérimentés  pensera 
qu’il  vaut  mieux  attendre  jusqu’à  deux  ans, 
pour  celles  seulement  destinées  à devenir 
vaches  laitières,  car  ce  serait  encore  trop  tôt 
pour  les  vaches  qui  doivent  fournir  de  bons 
élèves  de  race  ; on  ne  saurait  trop  laisser  forti- 
fier celles-ci. 

Les  opinions  varient  sur  le  temps  de  l’année 
le  plus  favorable  pour  mener  les  vaches  au 
taureau  ; assez  ordinairement  c’est  en  messidor  , 
alin  qu’elles  puissent  vêler  au  commencement 
de  germinal.  Cette  méthode  est , sans  doute , 
bonne  pour  ceux  qui  ont  des  fabriques  de 


a l’économie  rurale.  291 

beurre  et  de  fromage,  parce  qu’au  moment 
où  ils  s’en  occupent,  le  lait  possède,  à peu 
près,  la  même  qualité;  mais  elle  ne  convient 
pas  au  fermier  , qui  doit  faire  saillir  succes- 
sivement depuis  le  printemps  jusqu  à 1 hiver, 
afin  d’avoir  des  vaches  à traire  pendant  toute 
l’année,  et  de  se  procurer  du  lait,  qui  est  d’un 
grand  secours  lorsqu  on  a beaucoup  de  gens  à 
nourrir  : cette  proposition  est  admissible  , puis- 
que les  vaches  entrent  en  chaleur  dans  toutes 
les  saisons. 

Lorsqu’il  s’agit  d’acheter  des  vaches , il  faut 
s’informer  de  la  nature  des  pays  d’où  elles  sont 
transportées,  et,  quand  elles  viennent  de  loin, 
les  soigner  comme  si  elles  étaient  malades.  Sou- 
vent , pour  leur  donner  encore  plus  l’appa- 
rence de  vaches  laitières,  les  marchands  lais- 
sent les  mamelles  se  gorger  pendant  un  ou 
deux  jours,  ce  qui  ajoute  aux  fatigues  de  la 
route.  De  plus , il  faut  que  les  vaches  s’accou- 
tument avec  leurs  nouveaux  maîtres  : chan- 
geant de  société , elles  changent  également  d’air, 
de  sol , de  nourriture  et  d’habitation.  Il  est  donc 
prudent  d’attendre  quelles  soient,  pour  ainsi 
dire , acclimatées  dans  leur  nouvelle  demeure , 
et  familiarisées  avec  les  personnes  chargées  de 
les  soigner,  avant  de  prononcer  sur  la  qualité 
et  sur  l’abondance  du  lait  quelles  seront  en 
état  de  fournir  par  la  suite. 

Il  faut  se  persuader  d’ailleurs , et  l’expérience 
le  démontre  journellement , que  les  animaux 

t 2 


f 


292  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

d’élève  prospèrent  infiniment  davantage  que 
ceux  que  l’on  achète  au  loin,  et  singulièrement 
les  vaches  : combien  de  fois , ^vec  tous  les 
soins  de  la  prudence  la  plus  éclairée,  n’est- 
on  pas  trompé  dans  le  choix  de  celles  que  l’on 
se  procure  par  la  voie  du  commerce  ? 

Nous  ajouterons  à toutes  nos  observations, 
que,  quand  bien  même  les  conditions  énon- 
cées pourraient  être  exactement  remplies,  il 
existe  des  cantons  où  la  nature  du  svl  ne  sau- 
'rait  produire  que  des  pâturages  peu  avanta- 
geux ; c’est  un  inconvénient  local , auquel  les 
soins  les  mieux  entendus  pour  la  perfection 
de  la  laiterie  ne  sauraient  remédier.  Il  existe 
des  vaches  qui,  quoique  nourries  des  herbages 
les  plus  lins  et  les  plus  gras,  ne  donnent  qu’un 
lait  clair  et  séreux,  tandis  que  d’autres  de 
la  même  espèce,  sur  quelque  pâturage  que  ce 
soit,  le  donnent  excellent.  Uri  fermier  atten- 
tif, disposé  à fonder  une  laiterie,  doit  donc 
avoir  l’œil  ouvert  sur  toutes  ces  différences  : 
puisque  le  lait  d’une  seule  vache  peut  amélio- 
rer et  enrichir  le  beurre  ou  le  fromage  qui 
provient  du  lait  de  neuf  à dix  autres , il  faut 
qu’il  ait  recours  au  mélange , entretienne  dans 
ses  étables  des  vaches  de  couleur  et  d’âge  dif- 
férent , améliore  les  pâturages  autant  que  le 
sol  , le  climat  et  l’aspect  le  permettent;  et  si, 
malgré  cette  réunion  de  soins , il  ne  pouvait 
obtenir  de  ses  vaches  qu’un  lait  léger  et  peu 
substanciçl,  il  ferait  mieux  de  consacrer  ce 


a l’économie  rurale.  ayo 

fluide  à la  nourriture  des  élèves,  ou  bien,  s il 
est  voisin  d’une  commune  très- peuplée , de 
l’envoyer  vendre  au  marché,  plutôt  que  d en 
retirer  un  beurre  ou  un  fromage  défectueux. 
Ces  observations  s’appliquent  naturellement  au 
lait  des  autres  femelles  dont  l’examen  nous  a 
précédemment  occupés. 

Quand  on  pense  que  la  richesse  d’une  fa- 
mille entière  consiste  souvent  dans  une  seule 
vache  ; qu’une  jeune  villageoise  qui  entre  en 
ménage  sans  en  avoir  eu  une  pour  dot,  en  fait 
le  principal  objet  de  son  ambition  et  le  pre- 
mier fruit  de  ses  épargnes,  il  n’est  pas  possible 
d’étre  indifférent  sur  la  recherche  des  moyens 
d’avoir  en  France  des  races  de  vaches  plus 
belles  et  d’un  meilleur  rapport  qu  elles  ne  le 
sont,  puisque  ce  serait  doubler  la  fortune  du 
pauvre  et  augmenter  nos  ressources  industrielles 
et  commerciales. 

Mais  comment  opérer  l’amélioration  générale 
de  nos  bétes  à cornes  ? Ce  ne  peut  être  qu’en 
substituant  à nos  espèces  médiocres  les  meil- 
leures races  étrangères,  et  en  établissant  dans 
chaque  département  une  vacherie  nationale. 
Il  conviendrait  qu’elle  fût  placée  dans  des  bas- 
fonds  dont  l’herbage  fût  abondant  et  de  la 
meilleure  qualité.  Dans  beaucoup  de  pays,  et 
particulièrement  en  Ilelvétie,  c’est  aux  hom- 
mes que  ce  gouvernement  est  confié.  Les  ana- 
baptistes se  sont  particulièrement  appliqués  à 
ce  genre  d’industrie.  On  pourrait , parmi  nous, 

t 3 


2g4  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

en  charger  une  femme  intelligente,  qui,  ayant 
sous  sa  surveillance  la  manutention  des  laitages , 
enseignerait  à faire  de  bons  beurres , et  des 
fromages  dans  les  qualités  les  plus  avantageuses 
au  transport  et  au  commerce. 

Ce  nouveau  genre  de  manufacture  serait 
aussi  profitable  à l’établissement  qu’au  pays 
dans  le  voisinage  duquel  il  serait  formé,  à 
cause  de  l’exemple  de  l’instruction  qu’on  pour- 
rait en  tirer.  Cette  vue  simple  et  utile  a été 
indiquée  par  Limezy , dans  ses  mémoires  sur 
les  bétes  à laine , publiés  avec  ceux  de  la  ci- 
devant  société  d’agriculture  de  Rouen  , dont 
nous  ne  saurions  assez  recommander  la  lecture 
aux  membres  des  sociétés  libres  d’agriculture, 
qui  se  forment  sur  tous  les  points  de  la  Ré- 
publique. 

* Ne  cessons  pas  de  répéter  que  les  avantages 
nombreux  qu’on  peut  espérer  de  l’éducation 
perfectionnée  des  vaches  laitières  , dépendent 
absolument  des  soins  éclairés  qu’on  prendra 
de  ces  animaux  ; plus  on  multipliera  ces  soins , 
plus  les  bénéfices  seront  assurés  et  considé- 
rables : c’est  une  vérité  démontrée  par  l’expé- 
rience de  tous  les  temps  et  de  tous  les  lieux. 

Il  est  des  attentions  générales  à avoir  pour 
les  vaches  qui  arrivent;  il  en  est  pour  la  nour- 
riture , pour  la  boisson  , pour  le  pansement, 
pour  la  disposition  et  l’entretien  des  étables, 
pour  toutes  les  circonstances  où  elles  se  trou- 
vent. Ces  détails  sont  consignés  dans  une 


a l’économie  rurale.  zcj5 

instruction  sur  la  manière  de  conduire  et  de 
gouverner  les  vaches  laitières , rédigée  par  les 
citoyens  Chabert  et  Huzard.  Il  suffit  de  nom- 
mer les  auteurs  de  cet  excellent  ouvrage , pour 
inspirer  le  désir  de  le  consulter  et  faire  con- 
cevoir la  certitude  d’en  tirer  du  fruit. 

Article  III. 

Des  traites. 

Il  serait  difficile,  pour  ne  pas  dire  impos- 
sible, de  fixer  ici,  d’une  manière  incontestable , 
la  quantité^de  lait  qu’une  vache  peut  fournir 
par  jour,  puisqu’on  sait  qu’elle  en  rend  plus 
ou  moins , selon  l’âge , l’espèce , la  saison , le 
climat,  la  nourriture. et  son  état  physique;  les 
unes  le  donnent  bon  toute  l’année , à l’excep- 
tion  de  la  décade  qui  précède  et  qui  suit  le 
vêlage,  tandis  que  d’autres,  quoique  soignées 
de  la  même  manière,  tarissent  dès  le  septième 
mois  de  leur  gestation. 

Le  nombre  des  traites  influe  encore  sur  la 
quantité  du  lait;  il  est  prouvé  , d’après  une 
suite  d’expériences  que  nous  avons  entreprises 
dans  la  vue  de  découvrir  jusqu’à  quel  point 
ce  fluide  se  modifie  pendant  son  séjour  dans 
les  mamelles,  que,  plus  on  répète  les  traites 
dans  les  24  heures,  plus  le  lait  est  abondant 
et  séreux,  et  'vice  uersâ. 

Enfin,  le  trop  grand  chaud,  comme  le  trop 
grand  froid , exercent  aussi  leur  influence 

t 4 


Ifk! 


^96  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

sur  la  proportion  et  la  qualité  du  lait;  il  arrive 
souvent  que , dans  une  étable  habitée  par  vingt 
vaches , il  y a une  différence  de  cinq  à six  pots 
en  plus  ou  en  moins , sans  avoir  rien  changé 
au  régime , sans  qu’il  soit  possible  d’en  deviner 
la  raison  ; mais , ce  qu’on  peut  établir  de  positif, 
c’est  que,  plus  une  femelle  fournit  de  lait, 
moins  il  est  riche  en  principes. 

Sans  doute  il  est  de  l’intérêt  du  fermier  de 
se  défaire  des  vaches  qui,  bien  gouvernées, 
cessent  de  donner  du  lait  quatre  ou  cinq  mois 
avant  de  mettre  bas,  parce  que  ce  produit  non 
interrompu  entre  pour  beaucoup  clans  la  raison 
de  garder  ces  animaux,  et  que  ce  serait  trop 
long-temps  nourrir  une  béte  sans  rapport  ; d’ail- 
leurs de  pareilles  vaches  ne  seront  jamais  bonnes 
laitières.  A la  vérité , on  s’exposerait  à un  autre 
inconvénient  si  on  continuait  de  traire  celles 
qui  produisent  d’excellent  lait,  jusqu’à  l’instant 
où  elles  vêlent , car  on  préjudicierait  nécessai- 
rement au  développement  de  leur  fœtus,  quand 
il  s’agit  sur  tout  d’en  tirer  race. 

Nous  ferons  remarquer  en  passant  que,  dans 
ce  cas , on  ne  s’assure  pas  assez  de  la  quantité 
de  lait  qu’on  abandonne  aux  veaux  ; que  , faute 
de  cette  attention,  on  n’a  que  des  élèves  mai- 
gres , qui  croissent  difficilement  et  restent  tou- 
jours faibles. 

Quand  les  vaches  ne  tarissent  pas  d’elles- 
mémes,  il  convient  de  discontinuer  de  les  traire 
trente  à quarante  jours  avant  le  vêlage,  et, 


A L’ÉCONpMIE  RURALE.  297 

pour  ne  pas  se  tromper  sur  cet 'instant,  il  faut 
inscrire,  sur  un  registre  particulier,  le  jour  où 
on  les  a fait  saillir  ; moyennant  cette  attention , 
que  dicte  la  prudence,  on  connaît  précisément 
l’époque  où  elles  doivent  mettre  bas.  On  eï>t 
alors  sur  ses  gardes  pour  la  surveillance  qu  elles 
exigent  avant  et  après  la  délivrance. 

Dans  les  environs  de  Paris , 1 usage  est  d em- 
pêcher les  veaux  de  traire  leurs  meres , paice 
que  le  lait  est  destiné  pour  le  commerce;  on 
se  borne  à leur  abandonner  celui  qui  résulte 
des  premiers  jours  du  vêlage  : mais  il  faut  qua- 
lors  les  traites  aient  lieu  comme  à l’ordinaire, 
et  même  plus  fréquemment;  les  conduits  lac- 
tifères  s’ouvrent  peu  à peu  par  ce  moyen , ren- 
dent plus  facile  la  secrétion  du  lait  dans  les 
mamelles , et  préviennent  les  engorgemens  durs , 
indolens  , auxquels  sont  sujets  les  pis,  quand  le 
lait  y séjourne  trop  long- temps. 

Ces  observations  peuvent  s’appliquer  aux  - 
nourrices;  si  elles  sont  trop  long-temps  à don- 
ner le  teton  à l’enfant  après  l’accouchement , 
le  lait , ainsi  que  plusieurs  expériences  le  prou- 
vent, abandonne  les  mamelles.  Il  faut  donc  11e 
pas  différer  d’allaiter,  pour  augmenter  la  quan- 
tité de  lait,  prévenir  les  engorgemens,  les 
inflammations,  les  crevasses , qui  souvent  ont 
lieu  faute  de  cette  précaution  , et  occasionnent 
des  désordres  incalculables. 

Dans  une  dissertation  déjà  citée , Young 
rapporte  que,  dans  les  hôpitaux  destinés  à 


4 


29^  DU  LAIT  11ELATIVEMENT 

recevoir  les  femmes  enceintes , on  met  l’enfant 
à la  mamelle  vingt -quatre  heures  après  la  déli- 
vrance, et  que,  sur  mille  quatre  cents  accou- 
chées, il  y en  a à peine  deux  qui  aient  mal  au 
sein  ; mais  que , si  les  nourrices  différent  quatre 
jours  à donner  à teter , elles  sont  très-sujettes 
aux  accidens.  Peut-être  serait-il  nécessaire  de 
bassiner  le  bout  du  teton  quelques  jours  avant 
1 accouchement , afin  d’ouvrir  plus  à propos 
1 orifice  des  conduits  lactiféres. 

La  vache  se  laisse  traire  facilement , et  con- 
tinue , en  1 absence  du  veau,  à donner  du 
lait  aussi  long-temps  que  lorsqu’on  permet  à 
celui-ci  de  l’approcher  à volonté.  Il  n’en  est 
pas  ainsi  des  autres  femelles  qui  ne  sont  pas 
de  la  classe  des  ruminans  ; on  sait  qu’en  géné- 
ral elles  perdent  bientôt  lenr  lait,  si  on  les 
sépare  de  leurs  nourrissons,  et  qu’il  est  infini- 
ment plus  difficile  de  les  traire. 

Pour  accoutumer  insensiblement  les  vaches 
à se  laisser  toucher , il  convient  de  manier 
quelquefois  le  pis  des  genisses  pendant  leur  pre- 
mière gestation  , parce  qu’il  y en  a qui  sont  telle- 
ment chatouilleuses  qu’on  ne  saurait  les  traire, 
ensorle  qu’au  moment  où  elles  mettent  bas  on 
ne  peut  en  approcher  : elles  ont  alors  une  sur- 
abondance de  lait  qui  produit  de  l’enflure  aux 
mamelles,  et  d’autres  accidens  , qu’on  évite  en 
les  rendant  d’avance  familières.  Mais  s’il  n’est 
pas  possible  d’en  venir  à bout,  le  seul  parti 
à prendre  est  de  s’en  défaire  promptement  : 


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A l’économie  rurale.  299 

envain  on  compterait  sur  une  vache  revêche 
et  sans  douceur , elle  ne  rapporterait  jamais 
un  grand  profit  à la  ferme. 

Pendant  quelque  temps  le  lait,  quoique 
réunissant  toutes  ses  qualités  , quatre  à cinq 
jours  après  le  part,  conserve  un  caractère  plus 
ou  moins  séreux , sur  tout  lorsqu’on  rapproche 
les  traites.  Dans  plusieurs  de  nos  départemens 
de  l’ouest , par  exemple , on  trait  les  vaches  trois 
fois  par  jour , depuis  l’instant  où  elles  mettent 
bas,  jusqu’à  l’époque  où  on  les  conduit  au  tau- 
reau ; tout  le  reste  de  l’année  on  ne  les  trait  que 
deux  fois  : ailleurs  on  les  trait  constamment 
trois  fois  en  été,  et  deux  fois  seulement  en 
hiver. 

Le  nombre  des  traites  devrait  toujours  être 
réglé  sur  la  saison  et  sur  l’usage  auquel  on 
destine  le  lait.  Quand  il  s’agit  de  le  vendre  en 
nature , l’intérêt  est  de  viser  à l’abondance , 
et  alors  on  ne  saurait  trop  souvent  répéter  les 
traites,  sur  tout  pendant  les  vives  chaleurs: 
mais  , lorsque  le  produit  est  destiné  aux  fabri- 
ques de  beurre  ou  de  fromage,  il  faut  adopter 
et  suivre  une  méthode  contraire. 

Communément  on  trait  les  vaches  deux  fois 
le  jour , le  matin  à cinq  heures  et  le  soir  à la 
même  heure.  Cette  méthode  , indiquée  par  la 
nature,  est  adoptée  pour  la  chèvre  et  pour  la 
brebis,  dont  le  lait  sert  en  France  aux  mêmes 
usages.  Dans  un  intervalle  de  douze  heures  le 
lait  a eu  le  temps  d’arriver  aux  mamelles  et 


°°0  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

de  s’y  perfectionner;  mais  on  remarque  que 
celui  du  matin  a plus  de  qualité,  parce  que, 
vraisemblablement,  l’animal  a été  moins  tour- 
menté pendant  la  nuit  par  la  TdialeûtY  par  les 
insectes,  et  que  le  sommeil  donne  à ses  organes 
plus  de  moyens  pour  élaborer  le  lait. 

Après  nous  être  assurés  par  des  expériences 
sans  nombre  que  le  lait  d’une  même  traite, 
divisée  en  plusieurs  parties , présentait  dans 
toutes  les  saisons,  et  chez  toutes  les  femelles 
mammifères,  des  différences  notables  dans  la 
qualité  et  dans  les  proportions  des  produits; 
que  le  lait  le  premier  tiré  était  constamment 
le  plus  séreux  , tandis  que  le  dernier  se  rap- 
prochait beaucoup  de  l’état  de  la  crème  ; au 
lieu  de  tirer  à la  fois  les  quatre  trayons  de  la 
vache,  nous  avons  séparé  le  lait  de  chaque 
trayon , pour  l’examiner  dans  le  même  ordre 
et  de  la  même  manière  : il  a fourni  des  résul- 
tats entièrement  semblables , c’est-à-dire , que 
le  vase  du  n.°  5,  qui  contenait  la  dernière 
portion  de  la  traite , avait  trois  fois  plus  de 
crème  que  le  n.°  1 , et  que  le  beurre  s’y  trou- 
vait encore  dans  une  plus  grande  quantité. 

Un  autre  phénomène,  qui  nous  a également 
frappés,  c’est  qu’en  comparant  le  lait  de  chaque 
trayon  tiré  à part,  nous  avons  remarqué  qui! 
existait  encore  des  différences  sensibles  dans 
la  qualité  et  dans  les  proportions  des  parties 
constituantes,  au  point  de  faire  croire  que  ce 
fluide  provenait  de  quatre  vaches  particulières. 


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a l’économie  rurale. 


3oi 


Ces  expériences,  que,  sur  notre  invitation,, 
le  citoyen  Saint-Genis  a bien  voulu  répéter, 
prouvent  suffisamment  que  les  mamelles  ne 
sauraient  être  comparées  à un  vase  ; qu  elles 
forment  une  réunion  de  glandes  spongieuses, 
flexibles , percées  de  toutes  parts , et  que 
chaque  molécule  de  lait  se  trouve  renfermée 
en  quelque  sorte  dans  sa  cellule  particulière; 
que  les  trayons  sont  indépendans  les  uns  des 
autres;  qu’ils  ont  leurs  vaisseaux  correspon- 
dais , et  un  foyer  particulier  de  lactation. 

Nous  avons  encore  observé  qu’en  général 
les  deux  trayons  de  derrière  donnent  propor- 
tionnellement un  peu  plus  de  lait,  et  que  ce 
lait  est  plus  gras  : à la  vérité,  nous  n’oserions 
pas  assurer  que  dans  toutes  les  femelles  les 
trayons  placés  de  ce  côté  fournissent  constam- 
ment du  lait  plus  abondant  et  de  meilleure 
qualité  ; mais,  le  citoyen  Saint-Genis  et  nous, 
nous  avons  fait  la  même  remarque  sur  les  vaches 
qui  étaient  à notre  disposition. 

Quel  que  soit  le  nombre  des  traites  qu’il  est 
avantageux  de  faire  sans  nuire  à la  constitu- 
tion physique  de  la  femelle,  il  est  plus  essen- 
tiel qu’on  ne  pense  ordinairement , de  faire 
choix  de  personnes  intelligentes  , sur  l’exacti- 
tude desquelles  on  puisse  compter  pour  cette 
opération  ; car , si  la  traite  n’est  pas  exécutée 
avec  soin  , non -seulement  le  lait  diminue  , mais 
même  encore  il  perd  sa  qualité  : par  exemple , 
si  on  ne  le  tire  pas  jusqu’à  la  dernière  goutte , 


■ 


502  du  lait  relativement 

le  lait  qui  reste  clans  le  pis  est  précisément  ce 
qu’il  y a de  plus  crémeux  ; d’où  il  suit  une 
perte  considérable  pour  le  propriétaire , et  sou- 
vent du  danger  pour  l’animal. 

Une  fermière,  instruite  de  l’utilité  des  pré- 
cautions employées  pour  la  traite  des  vaches, 
doit  se  charger  de  donner  à cet  égard  les  pre- 
mières leçons  à la  fdle  de  basse-cour  à laquelle 
elle  confie  ce  soin  : elle  doit  exiger  d’elle , 
avant  de  procéder  à la  traite,  de  se  laver  les 
mains;  d’éponger  le  pis  et  les  trayons  avec  de 
l’eau  froide  , pour  les  raffermir  , et  non  avec  de 
l’eau  chaude , comme  on  l’a  recommandé  ; d’ëtre 
sur  elle  d’une  très-grande  propreté  ; de  con- 
duire doucement  la  main  depuis  le  haut  du 
pis  jusqu’en  bas  sans  interruption  ; de  tirer  alter- 
nativement les  deux  mamelons  du  même  côté  et 
les  deux  du  côté  opposé  ; de  changer  d’instant  à 
autre , et  d’obtenir  exactement  la  totalité  du  lait. 

A mesure  que  le  seau  est  rempli  aux  trois 
quarts , la  trayeuse  doit  passer  le  lait  à travers 
un  couloir,  un  tamis  ou  un  linge,  pour  en 
séparer  exactement  tous  les  corps  étrangers, 
qui,  restés  dans  ce  fluide,  ne  pourraient  que 
détériorer  la  qualité  des  produits.  Après  ce  soin  , 
que  commande  la  propreté,  la  fdle  doit  verser 
aussitôt  le  lait  dans  des  terrines  rangées  sur  les 
banquettes  de  pierre  qui  forment  le  contour  de 
la  laiterie  ; c’est  là  où  il  doit  se  refroidir. 

Un  autre  soin,  que  la  maîtresse  ne  peut  se 
dispenser  de  prendre  elle-même , c’est  de  consta- 


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a l’économie  rurale. 


3o5 


ter  de  temps  en  temps  en  sa  présence  la  qua- 
lité du  lait  de  la  traite  de  chaque  vache , car  il 
peut  devenir  inférieur  sans  que  la  femelle  soit 
malade;  et  lorsque,  dans  un  troupeau  de 
vaches,  il  y en  a une  en  chaleur,  on  doit 
recommander  sur  tout  qu’elle  soit  traite  à part , 
et  que  son  lait  ne  soit  pas  mélangé  avec  celui 
des  autres  vaches,  parce  qu’il  ne  saurait  être 
employé  qu’à  certains  usages  économiques.  Il 
y aurait  même  quelquefois  de  la  prudence  à 
séparer  constamment  la  première  tasse  de  lait 
tiré , parce  qu’indépendamment  de  son  carac- 
tère naturellement  séreux , il  communique  sou- 
vent à la  totalité  une  saveur  désagréable,  qui 
disparait  à mesure  que  l’on  tire  la  vache. 

Dans  ses  observations  sur  l’art  de  faire  le 
beurre,  Madame  Anderson  donne  le  conseil 
de  séparer  le  lait  d’une  traite  en  deux  portions, 
persuadée,  d’après  quelques  essais  que  nous 
avons  confirmés,  que  la  première  a infiniment 
moins  de  qualité  que  la  seconde  , et  qu’il  pour- 
rait arriver  que  le  goût  désagréable  qu’on  remar- 
que dans  le  lait  des  vaches  nourries  avec  des 
navets,  des  choux  et  quelques  autres  plantes 
de  la  famille  des  crucifères,  devînt  moins  sen- 
sible à mesure  qu’on  approche  de  la  fin  de  la 
traite.  D’où  l’on  peut  conclure  que , sans  chan- 
ger de  manipulation  , il  serait  possible  d’obtenir 
différentes  qualités  de  beurre  et  de  fromage , 
en  se  bornant  simplement  à faire  différentes 
séparations  du  lait  provenant  de  la  même  traite. 


3o4  du  lait  relativement 

L’opération  de  traire  demande  donc , nous 
le  répétons,  une  attention  particulière  de  la 
part  de  celle  qui  en  est  chargée  : l’animal , étant 
brusqué,  devient  indocile,  revêche  et  donne 
moins  de  lait  ; la  compression  trop  forte  du  pis 
est  souvent  la  cause  qu’une  vache  finit  par  se 
dessécher,  quelquefois  même  par  être  exposée 
à perdre  un  ou  deux  de  ses  mamelons.  L’abon- 
dance et  la  qualité  du  lait  dépendent,  en  un 
mot,  autant  des  soins  que  nous  avons  recom- 
mandés, que  de  la  douceur  de  caractère  de  la 
trayeuse. 

Les  propriétaires  qui  ne  voient  rien  , ou  qui 
s’en  rapportent  trop  aveuglément  à ceux  à qui 
ils  confient  le  soin  des  étables  et  delà  laiterie,  se 
plaignent  souvent  du  peu  de  produit  de  l’ani- 
mal, et  le  condamnent  à être  vendu  à la  foire, 
tandis  que  le  vice  réel  provient  presque  toujours 
de  la  négligence  , de  la  mal-adresse , de  la  brus- 
querie du  vacher  ou  de  la  trayeuse. 

Qu’ils  soient  donc  bien  convaincus  qu’un 
des  moyens  les  plus  efficaces  d’augmenter  la 
quantité  et  la  qualité  du  lait  consiste  à nourrir 
convenablement  les  femelles  avec  les  fourrages 
qu’elles  appètent  le  mieux,  à les  tenir  dans  des 
étables  bien  propres,  à renouveler  fréquemment 
leur  litière,  à ne  les  traire  qu’à  des  heures 
réglées  et  sans  les  fatiguer,  à se  procurer  sur 
tout  de  bonnes  races,  qui  ne  coûtent  pas  plus 
de  soins , de  temps  et  de  subsistance  que  les 
espèces  chétives  et  rabougries. 


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a l’économie  rurale. 


3o5 


Article  IV. 

Commerce  du  luit. 

Entre  les  boissons  alimentaires  les  plus 
accréditées , le  lait  doit  occuper  une  des  pre- 
mières places.  Il  suffit  seul  à la  nourriture  des 
nouveau-nés,  et,  quoiqu’il  semble  n’avoir  été 
préparé  qu’en  leur  faveur,  ce  fluide  sert  beau- 
coup aussi  aux  adultes  : on  pourrait  même 
présumer  que  , vu  l’abondance  et  la  facilité 
avec  lesquelles  les  vaches,  par  exemple,  don- 
nent le  leur , ces  femelles  ont  été  particulière- 
ment destinées  par  la  nature  à procurer  à 
l’espèce  humaine  cette  ressource  agréable  et 
salutaire;  ce  sont  elles  qui  fournissent  presque 
toutes  les  laiteries.  ,r*. 

Dans  les., endroits  où  les  vaches  parquent, 
il  est  singulier  de  voir  l’empressement  avec 
lequel  elles  se  présentent,  chacune  à leur  tour, 
à la  fille  chargée  de  les  traire,  comme  pour 
se  débarrasser  d’un  poids  qui  les  fatigue , et 
payer  en  même  temps  le  prix  des  soins  qu’on 
leur  prodigue. 

Pourquoi,  dans  nos  besoins  les  plus  urgens, 
ne  profiterions- nous  pas  de  ce  secours  qui 
nous  est  si  généreusement  offert , et , pourquoi 
ne  pas  employer,  à l’imitation  deshabitans  des 
pays  du  Nord,  le  lait  des  animaux  dans  une 
foule  de  circonstances  où  celui  de  femme  est 
«insuffisant,  ou  peu  propre  à l’allaitement  ? Ç)n 


3o6 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

ne  lit  pas  sans  attendrissement  le  trait  de  cette 
chèvre  qui  quittait  le  troupeau  trois  fois  par 
jour,  et  accourait  d’une  lieue  au  berceau  d’un 
enfant  pour  le  nourrir  de  son  lait.  Mais  il  ne 
doit  être  question  ici  que  du  lait  et  de  ses  pro- 
duits considérés  sous  les  rapports  du  commerce. 

Le  lait  en  nature  est  d’un  débit  assez  consi- 
dérable dans  les  grandes  communes,  sur  tout 
depuis  l’époque  où  l’usage  du  caffé  et  du  cho- 
colat a été  introduit  en  Europe,  et  qu’ils  sont 
devenus  en  France  le  déjeuné  favori  des  deux 
sexes  de  tout  âge  et  de  tout  état. 

Le  prix  du  lait  varie  dans  le  commerce 
autant  que  la  capacité  des  mesures  sous  la 
dénomination  desquelles  on  le  vend  à Paris. 
La  pinte  de  lait  équivaut  au  double  de  la 
pinte  de  vin , et  pèse  par  conséquent  un  peu 
plus  que  quatre  livres  ; ce  qui  suffit  pour  dé- 
montrer l’importance  du  travail  dont  s’occupe 
Unstitut,  et  qui  va  mettre  un  terme  à cette 
diversité  de  poids  et  de  mesures  qui  a servi 
pendant  des  temps  infinis  à tromper  la  bonne  foi. 

Le  meilleur  lait  n’est  ni  trop  clair  ni  trop 
épais  ; il  doit  être  d’un  blanc  mat , d’une  saveur 
douce  et  agréable.  Mais  il  n’a  réellement  toute 
sa  perfection  que  quand  la  femelle  a atteint  l’âge 
convenable  : trop  jeune,  elle  fournit  un  lait 
séreux;  trop  vieille,  il  est  sec.  Celui  qui  pro- 
vient d’une  vache  en  chaleur,  ou  de  celle  qui 
approche  de  l’époque  du  vêlage  ou  qui  a mis 
bas  depuis  peu  de  temps , est  inférieur  en  qualité!* 


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J* 


A l’ÉÇONOMIE  RURALE.  5o7 

On  a remarqué  encore  qu’il  faut  quelle  ait  eu 
trois  portées  pour  que  ses  organes  soient  en  état 
de  préparer  le  meilleur  lait , et  continuent  de 
le  fournir  de  bonne  qualité,  jusqu  au  moment 
où , la  femelle  passant  à la  graisse , la  lactation 
diminue  et  cesse  absolument. 

Cependant  ces  règles  ne  sont  pas  tellement 
générales  qu  elles  ne  soient  soumises  a quelques 
exceptions  : on  sait,  par  exemple,  quil  y a 
des  vaches  dont  le  lait  est  excellent  pendant 
toute  l’année , hormis  les  quatre  ou  cinq  jours 
qui  précèdent  et  qui  suivent  le  part;  tandis 
que  d’autres , au  contraire,  toutes  circonstances 
égales’d’ailleurs,  exigent  l’intervalle  de  trois  ou 
quatre  décades  avant  que  leur  lait  ne  réunisse 
les  qualités  qu’il  doit  avoir  par  rapport  à l’em- 
ploi qu’on  veut  en  faire. 

Quelques  auteurs  ont  néanmoins  avancé  , 
vaguement  à la  vérité , qu’il  ne  fallait  se  servir 
du  lait  de  vache  que  deux  mois  après  le  part, 
parce  que  dans  cet  intervalle  on  ne  pouvait 
en  retirer  ni  beurre  ni  fromage.  Combien  ils  se 
sont  trompés  ! puisqu’il  est  prouvé  d’après  nos 
expériences,  que,  quatre  jours  après  avoir  mis 
bas , les  vaches  bonnes  laitières  en  fournissent 
de  très  - savoureux , également  propre  à donner 
du  beurre  et  du  fromage,  quoique  d’une  qualité 
inférieure  à celle  que  possèdent  ces  produits 
au  troisième  mois  du  vêlage , car  c’est  ordinai- 
rement l’époque  où  le  lait  est  riche  en  crème 
aussi  l’abandonne-t-on  volontiers  aux  jeunes 

v a 


5o8  DU  LAIT  RELATIVEMENT- 

genisses  dans  les  cantons  où  l’on  fait  des 
élèves  , après  toutefois  en  avoir  retiré  le 
beurre. 

Pour  juger  que  le  lait  d’une  vache  qui  a 
récemment  vêlé  peut-entrer  dans  le  commerce, 
les  laitières  l’essayent  sur  le  feu  : s’il  résiste  à 
l’ébullition  sans  se  coaguler,  elles  le  mêlent  au 
lait  en  vente.  Cependant  on  conçoit  que  cette 
propriété  de  se  coaguler  au  premier  bouillon 
subsiste  à raison  de  la  saison  et  du  caractère 
de  lindiyidu.  Aussi  une  vache  qui  aurait  fait 
son  veau  en  messidor , pourrait  fort  bien  deman- 
der sept  à huit  jours  pour  donner  à son  lait 
la  faculté  de  braver  l’ébullition  , tandis  qu’en 
germinal,  dès  le  quatrième  jour,  il  pourrait, 
sans  inconvénient , souffrir  toutes  les  expé- 
riences et  fournir  à tous  les  besoins.  Mais  , 
venons  au  commerce  du  lait. 

Il  n’est  pas  douteux  que,  comme  beaucoup 
d’autres  alimens  et  boissons,  le  lait  n’ait  aussi 
exercé  la  cupidité , et  qu’il  ne  se  glisse  quel-  ' 
ques  fraudes -dans  son  commerce;  cependant 
il  y a lieu  de  croire  qu’on  en  a exagéré  le 
nombre  , car  la  plupart  sont  impraticables. 
D’ailleurs  rien  n’est  plus  facile  que  de  les 
découvrir,  à la  faveur  d’organes  exercés,  et  de 
certaines  épreuves  capables  de  mettre  le  con- 
sommateur à portée  de  juger  sur-le-champ,  par 
lui-même,  si  le  lait  qu’il  a acheté  possède 
véritablement  les  conditions  requises,  ou  s'il  , 
a été  sophistiqué. 


a l’économie  rurale.  809 

Si  un  buveur  d’eau  sait  distinguer  parfaite- 
ment une  eau  de  rivière  et  une  eau  de  puits; 
une  eau  qui  roule  sur  du  gravier,  sur  du  sable , 
ou  celle  qui  passe  sur  de  la  glaise  ou  du  limon; 
enfin , une  eau  filtrée  et  celle  qui  ne  l’est  pas , 
il  existe  également  des  palais  doués  d’un  sen- 
timent assez  exquis  pour  saisir  tout  d’un  coup , 
non-seulement  les  différens  laits  entr’eux , mais 
encore  les  nuances  qui  caractérisent  chacun 
en  particulier,  le  lait  trait  de  la  veille  ou  du 
jour , le  lait  écrémé  ou  non , celui  qui  a été 
exposé  au  feu  ou  qu’on  a allongé  par  de  l’eau 
ou  des  décoctions  mucilagineuses. 

Mais  une  foule  de  circonstances  peuvent , 
sans  altérer  le  lait,  influer  sur  sa  saveur;  nous 
en  avons  déjà  cité  quelques  exemples  : la  tran- 
sition subite  du  sec  au  vert  se  manifeste  quel- 
quefois au  point  que  le  lait  contracte  souvent 
ce  qu’on  appelle  le  goût  de  fourrage,  goût  fort 
désagréable  dans  certains  cantons  où  les  her- 
bages ont  peu  de  qualité.  Il  faut  donc  distin- 
guer ces  causes  d’avec  celles  qui  résultent  de 
l’infidélité. 

Quel  que  soit  l’attrait  du  lait  chaud,  on 
ne  peut  douter  qu’il  n’ait  une  saveur  plus 
douce  et  plus  agréable  quand  il  est  entièrement 
refroidi.  Au  sortir  du  pis  de  la  femelle,  ce 
fluide  a encore  le  gaz  de  la  vie  , cette  éma- 
nation animale  qu’on  caractérise  si  bien  en 
disant , le  lait  a le  goût  de  la  vache.  On  ob- 
serve encore  que  celui  provenant  d’une  vache 

v 3 


3lO  DIT  LAIT  RELATIVEMENT 

nouvellement  pleine  est  plus  riche  en  crème 
que  celui  des  mêmes  femelles  qui  ne  sont  pas 
dans  ce  cas  ; que  le  lait  est  d’autant  moins  gras 
et  plus  abondant  que  les  traites  se  trouvent 
plus  rapprochées,  et  que  la  saison  permet  aux 
animaux  d’aller  au  pâturage. 

Cependant  l’opinion  générale  est  que  le  lait 
a plus  de  qualité  l’été  que  l’hiver;  mais  il  faut 
s’entendre  sur  ce  point.  L’expérience  démontre 
que , quand  les  femelles  commencent  à manger 
des  herbages,  ce  fluide  augmente  sensiblement 
de  saveur , et  qu’il  diminue  en  même  temps 
de  consistance.  Cependant  cette  diminution  ne 
s’étend  point  sur  toutes  les  parties  constituantes 
du  lait,  car,  lorsque  les  herbages  sont  rem- 
placés par  le  fourrage  sec , ou  qu’on  y ajoute 
de  la  paille  d’avoine  ou  d’orge  ; des  racines 
potagères,  crues  ou  cuites,  avec  un  boisseau  de 
son  par  jour  ; le  beurre  et  le  fromage,  pendant 
l’hiver,  n’en  ont  pas  moins  de  qualité,  ils  sont 
même  plus  abondans.  C’est  ce  que  savent  très- 
bien  les  nourrisseurs  de  vaches , qui  ont  grand 
soin  de  ne  pas  économiser  sur  la  nourriture 
pendant  la  morte  saison,  afin  d’obtenir  beau- 
coup de  crème  et  moins  de  lait,  vu  que  le 
prix  de  l’une  est  beaucoup  plus  considérable 
que  celui  de  l’autre. 

La  plus  grande  quantité  de  lait  qu’une  vache 
puisse  fournir  dans  la  saison  du  vert,  est  éva- 
luée, d’après  une  suite  d’expériences,  à douze 
pintes,  ou  quarante- huit  livres  environ,  dans 


les  deux  ou  trois  traites  ; mais  le  produit  com- 
mun est  de  six  pintes,  ou  de  vingt- quatre 
livres. 


Il  parait  donc  bien  constaté  que  , pendant 
l’été , les  vaches , soit  à l’étable , soit  au  pâtu- 
rage, fournissent  plus  de  lait;  que  ce  lait  est 
plus  savoureux  ; tandis  qu’en  hiver  elles  don- 
nent un  lait  plus  crémeux,  et  plus  riche,  par 
conséquent,  en  beurre.  L’animalisation  fabrique 
donc  plus  de  sucre  ou  sel  essentiel  de  lait  en 
été,  et  davantage  de  beurre  en  automne  : aussi 
est-ce  à cette  époque  que  le  beurre  de  la  Pré- 
valaye  a le  plus  de  qualité. 

Comme  le  lait  pur  ne  forme  aucun  dépôt 
au  fond  du  vase  qui  le  contient,  on  peut  soup- 
çonner qu’il  est  mélangé  quand  il  a ce  défaut. 
Pour  s’en  assurer,  il  ne  s’agit  que  de  soumettre 
le  dépôt  à quelques  expériences;  car,  si  c’est 
de  la  farine,  elle  formera,  au  moyen  de  la 
cuisson,  une  bouillie,  tandis  qu’on  aura  une 
gelée,  si  c’est  de  la  fécule  ou  amidon;  enfin, 
en  supposant  qu’on  se  permette  d’y  intro- 
duire de  la  marne  ou  du  plâtre , l’indissolu- 
bilité de  ces  matières  donnera  bientôt  aussi  le 
moyen  d’en  établir  le  caractère  et  de  dévoiler 
la  fraude. 

On  dit  encore,  et  on  répète,  que  le  lait  qui 
se  vend  à Paris  est  entièrement  écrémé  ; mais 
cela  ne  parait  pas  vraisemblable.  Il  faut  d’abord 
faire  attention  que  le  lait  du  commerce  est 
ordinairement  composé  de  la  traite  du  soir  et 

v 4 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

de  celle  du  matin.  La  première , pendant  douze 
heures  qu’elle  a séjourné  à la  laiterie , a eu  le 
temps  de  se  couvrir  de  crème,  et  de  pouvoir 
en  être  séparée;  la  seconde,  au  contraire, 
est  mêlée  avec  le  lait  de  la  veille , presqu’aus- 
râitôt  qu’on  l’a  tirée.  Ainsi  le  lait  qu’on  vend  à 
Paris  doit  contenir  au  moins  la  moitié  de  la 
crème  que  la  vache  a fabriquée. 

Sans  doute  il  serait  possible  que  le  lait  qu’on 
apporte  des  communes  circonvoisines  de  Paris 
pendant  l’hiver , fut  précisément  celui  des  deux 
traites  de  la  veille  , qu’on  aurait  eu  le  temps 
d’écrèmer.  Mais , outre  que  l’absence  de  la 
crème  deviendrait  facile  à saisir  par  la  dégus- 
tation, on  pourrait  encore  la  constater,  en 
mettant  un  pareil  lait  dans  un  vaisseau  étroit 
et  cylindrique , à une  température  de  dix  à 
douze  degrés  : l’épaisseur  de  la  couche  cré- 
meuse à la  surface  suffirait  pour  faire  juger  de 
la  présence  de  la  crème , et  de  la  quantité  qui 
s’y  en  trouve. 

On  sait  que , quand  le  temps  est  orageux , 
le  lait  ne  donne  pas  de  crème,  ou  fort  peu, 
et  ce  qu’on  en  retire  du  soir  au  lendemain 
n’acquiert  presque  point  de  consistance  ; les 
laitières  sont  même  dans  l’habitude  d’exposer 
cette  crème  , dans  une  cuiller , au-dessus  de 
la  lumière  d’une  chandelle , pour  voir  si  elle 
souffre  le  bouillon  sans  tourner. 

Convenons  cependant  qu’on  peut  augmen- 
ter la  quantité  du  lait  en  y ajoutant  de  l’eau , 


'*29X1 


SEMt  ' , J*-',  < 




a l’économie  rurale.  3i3 

sans  que  l’intensité  de  sa  couleur  soit  sensible- 
ment diminuée;  mais  cette  fraude,  la  plus 
commune  que  se  permettent  quelquefois  les 
laitières,  ne  saurait  guère  être  découverte  que 
par  les  sens.  On  a bien  proposé  1 emploi  du 
pèse -liqueur  et  de  la  balance  hydrostatique  , 
pour  s’en  assurer  d’une  manière  plus  certaine  ; 
mais  ces  instrumens  demandent  une  sorte 
d’exercice  pour  être  maniés.  D'ailleurs  ils  sont 
insuffisans  pour  faire  connaître  dans  quelle  pro- 
portion l’eau  se  trouve  mélangée , attendu  que 
le  lait  varie  à la  journée  de  pesanteur  spécifique. 

Mais  il  arrive  souvent  que , malgré  toutes 
les  précautions  observées  dans  les  laiteries,  le 
lait  a reçu  , même  darfs  le  pis  de  l’animal,  une 
si  grande  disposition  à s’altérer,  qu’en  le  met- 
tant sur  le  feu  immédiatement  après  la  traite , 
il  ne  saurait  braver  le  degré  de  chaleur  de 
l’ébullition,  sans  se  coaguler,  notamment  pen- 
dant les  jours  caniculaires.  Cette  circonstance 
a donné  lieu  à quelques  recherches. 

Plusieurs  auteurs  ont  prétendu  que,  s’il  exis- 
tait certaines  substances  qui,  mêlées  au  lait, 
hâtaient  sa  coagulation  , il  devait  y en  avoir 
d’autres  propres  à en  devenir  le  condiment.  Ils 
ont  attribué , par  exemple , cette  propriété  à la 
lessive  de  potasse  et  à l'eau  de  savon.  Mais , quelle 
que  soit  la  dose  qu’on  en  emploie , ces  moyens 
sont  insuffisans,  et  ne  peuvent  que  concourir 
à le  détériorer.  Une  propriété  semblable,  attri- 
buée aux  eaux  minérales,  est  encore  dénuée 


3l4  du  lait  relativement 

de  fondement.  On  ne  connaît  aucune  matière 
qui,  étant  mêlée  en  petite  quantité  au  lait, 
puisse,  sans  nuire  à sa  saveur  agréable  et  à ses 
effets,  suspendre  un  certain  temps  sa  tendance 
naturelle  à une  prompte  altération.  On  sait 
que  le  chocolat , le  thé  et  le  café,  dont  le  lait 
est  le  véhicule,  retardent  sa  coagulation. 

Quand  les  laitières  manquent  de  caves  bien 
conditionnées  pour  conserver  leur  lait  en  bon 
état  pendant  vingt-quatre  heures,  ne  vaut -il 
pas  mieux  leur  conseiller  de  plonger  dans  un 
bain  d’eau  froide  le  vase  où  se  trouve  le  lait, 
de  couvrir  ce  vase  d’un  linge  mouillé , ou  bien 
d’imiter  celles  qui  le  font  bouillir  préalablement 
à la  vente , plutôt  que  de  leur  offrir  une  foule 
de  moyens,  prétendus  efficaces,  souvent  impra- 
ticables , pour  perfectionner  et  conserver  les 
alimens,  les  boissons  et  les  assaisonnemens? 

C’est  encore  à regret  que  nous  avons  acquis 
la  preuve  que  le  sucre,  qui  sert  de  condiment 
à tant  d’autres  liquides , très-susceptibles  de  s’al- 
térer, employé  dans  la  proportion  de  deux  par- 
ties sur  une  de  lait , produit  l’effet  coagulant. 
Nous  nous  étions  flattés  qu’il  pourrait  le  ren- 
dre propre  à braver  les  voyages  de  long  cours  , 
et  offrir  une  ressource  de  plus  aux  navigateurs. 
Nous  avons  bien  observé  que,  dans  ce  cas,  le 
sucre,  dissous  à froid  , n’opérait  point  d’abord 
de  décomposition,  et  que,  par  conséquent,  on 
pourrait  donner  au  lait  la  consistance  de  syrop  : 
mais  on  sait  aussi  en  pharmacie  que  les  syrops, 


5i5 


a l’économie  rurale. 

préparés  sans  le  concours  de  la  chaleur  , ne 
sont  pas  de  garde. 

D’après  la  propriété  coagulante  du  sucre 
employé  à chaud  et  à grande  dose  dans  le 
lait,  il  est  facile  de  juger  combien  peu  sont 
fondés  les  soupçons  de  ceux  qui  prétendent 
que  nos  confiseurs  se  servent  de  ce  fluide 
pour  faire  l’orgeat,  au  lieu  de  le  préparer  avec 
des  amandes.  C’est  ainsi  que  beaucoup  d’au- 
tres inculpations  n’ont  pas  plus  de  fondement; 
la  plupart  prennent  leur  source  dans  l’imagi- 
nation : mais,  heureusement,  elles  sont  bien- 
tôt détruites , lorsqu’on  a recours  à l’expérience. 

Placé  à la  proximité  d’une  grande  commune, 
on  ne  doit  songer  à aucun  autre  profit  des 
vaches  qu’à  celui  qui  résulte  de  la  vente  de 
leur  lait  en  nature.  Mais  il  n’en  est  pas  de 
même  des  habitans  qui  avoisinent  les  bons 
pâturages  : au  lieu  de  se  défaire  ainsi  du  lait, 
leur  intérêt  exige  de  recourir  à des  opéra- 
tions qui  le  convertissent  en  beurre  et  en  fro- 
mage. Il  nous  paraît  donc  indispensable  de 
décrire  les  procédés  en  grand  qui  sont  l’objet 
de  ces  fabriques,  sans  cependant  nous  livrer  à 
certains  détails  de  manipulation  qui  grossi- 
raient inutilement  cet  ouvrage. 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


Article  V. 

Des  fabriques  de  beurre. 

On  a prérendu  que  les  anciens  ignoraient 
1 art  de  faire  le  beurre  ; mais  Pline  en  dit  assez 
pour  prouver  que  cet  art  était  connu  de  temps 
immémorial , car , après  avoir  donné  une  des- 
cription exacte  de  la  baratte,  ce  naturaliste 
ajoute  que  pendant  l’hiver  il  fallait  employer 
le  concours  de  la  chaleur  pour  accélérer  la 
séparation  du  beurre  d’avec  la  crème , et  que 
le  beurre  du  lait  de  brebis  était  plus  gras  que 
le  beurre  des  laits  de  vache  et  de  chèvre.  Les 
auteurs  auraient  été  plus  fondés  à avancer  que 
l’usage  du  beurre  était  presqu’inconnu  parmi 
les  habitans  du  Midi  , parce  que  l’huile  en 
tenait  lieu. 

Mais  il  nous  importe  peu  de  savoir  de  quelle 
manière  l'usage  du  beurre  nous  a été  trans- 
mis, pourvu  qu’on  le  prépare  convenablement 
par  tout,  et  qu’il  devienne  l’objet  d’un  com- 
merce qui  n’a  été  que  trop  long-temps  négligé 
en  France.  Il  faut,  pour  le  bien  faire,  adopter 
la  méthode  suivie  au  ci-devant  pays  de  Bray; 
elle  peut  servir  de  modèle  dans  toute  la  Répu- 
blique : c’est  .Tore , secrétaire  de  l’ancienne 
société  d’agriculture  de  Rouen,  qui  l’a  publiée, 
en  1763,  dans  le  recueil  des  mémoires  de  cette 
société. 

Nous  avons  déjà  fait  sentir  la  nécessité  de 
s’arranger  de  manière  à ce  que  la  plupart  des 


V. 

1 . 

•%  3M5 


«S 


A.  L’ÉCONOMIE  RURALE.  017 

vaches  missent  bas  au  commencement  du  prin- 
temps, parce  cpi’alors  elles  fournissaient  beau- 
coup de  lait  pendant  l’été,  et  que  ce  lait  avait 
le  temps  de  se  perfectionner  insensiblement 
jusqu’en  automne,  saison  que  l’on  préfère  ordi- 
nairement , et  avec  raison  , pour  préparer  le 
beurre. 

Quoique  les  instrumens  dont  on  se  sert  pour 
procéder  à cette  opération  soient  d’une  grande 
simplicité,  il  ne  paraît  pas  qu’ils  aient  encore 
atteint  leur  perfection.  Ce  qui  le  prouverait, 
ce  sont  les  plaintes  que  font  à cet  égard  les 
habitans  des  campagnes  , et  tous  les  contes 
qu’ils  débitent  journellement  pour  rendre  rai- 
son des  défauts  de  succès  qu’ils  éprouvent  sou- 
vent dans  ce  travail. 

Sans  adopter,  à cet  égard,  toutes  leurs  con- 
jectures, nous  avons  cherché  h nous  assurer 
si  ki  manière  d’imprimer  le  mouvement  à la 
crème  , pouvait  influer  sur  la  plus  ou  moins 
prompte  séparation  du  beurre.  Pour  cet  effet 
nous  nous  sommes  servis  de  mortiers  de  diffé- 
rente nature,  dans  lesquels  nous  avons  trituré 
de  la  crème  pendant  plus  de  quatre  heures, 
sans  quelle  changeât  d’état,  et  rjous  avons  eu 
occasion  d’observer  que  le  liquide,  loin  de 
s’épaissir  à mesure  que  le  moment  de  la  désu- 
nion approchait,  conservait  toujours  le  même 
degré  de  fluidité;  mais,  ayant  été  introduit 
dans  une  bouteille  cylindrique,  le  beurre  s’est 
manifesté  après  un  quart  d’heure  d’agitation. 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Cette  circonstance,  ajoutée  à beaucoup  d’au- 
tres, suffit  pour  démontrer  que  la  manière 
d’appliquer  le  mouvement  à la  crème  n’est  pas 
une  chose  tout-à-fait  indifférente  à la  séparation 
et  à la  qualité  du  beurre  ; elle  explique  en  même 
temps  pourquoi  certains  bras  sont  plus  habiles 
que  d’autres  à ce  travail.  En  général  on  peut 
établir  que  T quelles  que  soient  la  forme  et  la 
capacité  du  vaisseau  employé , il  faut  que  ce 
vaisseau  ne  soit  rempli  qu’à  moitié , et  que  la 
crème,  enlevée  par  lames,  puisse  retomber 
vivement,  successivement  et  sans  interruption, 
jusqu’à  ce  que  l’opération  soit  terminée. 

Après  avoir  réfléchi  sur  ce  qui  se  passe  phy- 
siquement et  mécaniquement  dans  la  conver- 
sion de  la  crème  en  beurre , le  citoyen  Saint - 
Genis  fait  lever  la  crème  à l’ordinaire,  la  met 
dans  une  grande  terrine  ou  dans  un  baquet;  en- 
suite, avec  une  poignée  de  verges  faites  d’un 
bois  quelconque,  pourvu  qu’il  soit  propre,  on 
fouette  la  crème  jusqu'à  ce  qu’elle  se  trans- 
forme en  beurre  : c’est  l’affaire  d’une  demi- 
heure  quand  il  fait  froid  , et  de  dix  à douze 
minutes  en  été. 

La  méthode  qu’on  suit  en  Silésie,  consiste 
à mettre  la  crème  dans  un  grand  vase,  et  à 
l'agiter  entre  les  mains  jusqu’à  ce  quelle  soit 
convertie  en  beurre , ce  qu’on  obtient  ordinai- 
1 rement  en  très-peu  de  temps. 

Dans  les  Indes  on  se  sert  du  premier  pot  qui 
se  trouve  sous  la  main  j pour  battre  le  beurre. 


9HSW 


a l’économie  rurale.  3ig 

On  fend  un  bâton  en  quatre;  on  l’étend  à pro- 
portion du  pot  qui  contient  le  lait;  ensuite  on 
tourne  ce  bâton  en  divers  sens , au  moyen 
d’une  corde  qui  y est  attachée;  et  au  bout  de 
quelque  temps  le  beurre  se  trouve  fait. 

Mais,  quelle  que  soit  la  manière  dont  on 
procède  à la  butirisation , quelle  que  soit  1 es- 
pèce de  lait  qui  en  est  l’objet , il  faut  toujours 
employer,  dans  les  fabriques  en  grand,  trois 
opérations  essentielles,  facilement  praticables 
par  tout;  elles  consistent: 

i.°  A écrémer  le  lait; 

2.0  A battre  la  crème  ; 

3.°  A délaiter  le  beurre. 

Ces  différentes  manipulations,  ainsi  nom- 
mées dans  les  laiteries,  influent  tellement  sur 
la  nature  du  résultat,  qu’il  est  facile  de  juger, 
à la  qualité  du  beurre  et  à la  durée  de  sa 
conservation  , si  elles  ont  été  complètement 
mises  en  pratique  ou  négligées  dans  quelques 
points. 

Ecrémage  du  lait. 

On  sait  que  la  crème  contient  tous  les  prin- 
cipes du  lait , et  qu’on  ne  parvient  à en  sépa- 
rer du  beurre,  que  par  le  moyen  de  la  simple 
agitation  du  fluide  dans  lequel  il  se  trouve 
interposé. 

Mais  il  y a un  instant  à saisir  pour  enlever 
la  crème  de  dessus  le  lait  : la  sépare-t-on  trop 
tôt,  on  en  perd  beaucoup,  qui  reste  confondu 

9 


fc-  ’ H 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

dans  le  lait  ; trop  tard  , au  contraire  , elle 
acquiert  un  goût  fort.  Si  , en  appuyant  du 
bout  du  doigt  sur  la  .'iqueur,  on  le  retire  sans 
empreinte  de  lait , on  peut  alors  l’écrémer. 
C’est  assez  ordinairement  l’affaire  de  vingt-qua- 
tre heures , dans  une  température  de  dix  à douze 
degrés.  Souvent , quand  il  fait  excessivement 
chaud , la  crème  monte  dans  un  laps  de  temps 
moins  considérable,  et,  si  l’on  attendait  plus 
de  douze  heures  pour  en  opérer  la  séparation , 
non  - seulement  on  éprouverait  du  déchet, 
mais  le  beurre  ne  réunirait  pas  autant  de 
qualités , car  c’est  une  vérité  que  la  crème 
donne  en  général  un  beurre  d’autant  moins 
hn  et  délicat  quelle  a été  levée  sur  un  lait 
plus  ancien.  Ainsi  l’intervalle  le  plus  ordinaire 
qu’on  met  entre  la  traite  et  l’écrèmage  du  lait, 
est  de  douze  heures  en  été  et  de  vingt-quatre 
heures  en  hiver. 

On  a avancé  que  la  crème  d’un  lait  encore 
doux  rendait  une  beaucoup  plus  grande  quan- 
tité de  beurre.  Les  auteurs  d’une  pareille  asser- 
tion avaient  probablement  en  vue  de  détermi- 
ner les  fermières  à préférer  cette  méthode  en 
parlant  ainsi  à leurs  intérêts.  Le  lait  est  que, 
par  ce  moyen , le  beurre  a la  finesse  et  le  goût 
qui  assurent  sa  réputation  et  l’élèvent  à un  plus 
haut  prix  dans  la  vente. 

Dès  que  le  lait  a séjourné  vingt-quatre  ou 
trente-six  heures  au  plus  dans  la  laiterie  , il  faut 
donc  songer  à l’écrèrner  : on  y procède  de 


I 


321 


d'un  lait  encore 
lus  grande  (pau- 
me prafeaser* 
i vue  de  dérermi- 
cette  méthode  en 
. Le  fait  est  fj, 
! finesse  etle^ 
lèvent  à na  Plus 


a l’économie  rurale. 

deux  manières  : la  première  consiste  à lever 
doucement  la  terrine , à déchirer  la  pellicule 
crémeuse  qui  recouvre  sa  surface  ; alors  le  lait 
qui  se  trouve  dessous  s’échappe  par  cette  ouvert 
ture  dans  une  cruche  destinée  à le  recevoir , 
ensorte  que  la  crème  reste  seule  : il  s’agit  dans  la 
seconde  de  boucher  l’ouverture  pratiquée  à la 
partie  inférieure  de  la  terrine,  et  de  laisser 
couler  le  lait  jusqu’à  ce  qu’il  ne  reste  plus  que 
la  crème. 

Dans  l’un  et  l’autre  cas , les  terrines , remplies 
à la  même  heure,  doivent  être  ainsi  vidées, 
et  l’opération  répétée  autant  de  fois  que  les 
femelles  ont  été  traites. 

Pour  rassembler  toutes  les  crèmes  levées  sur 
le  lait,  on  les  verse  dans  des  cruches  particu- 
lières, dont  l’orifice  doit  être  étroite  et  fermée 
exactement;  car  si , pour  favoriser  l’ascension 
de  la  crème  et  lui  faire  acquérir  une  consis- 
tance propre  à la  distinguer  du  lait,  il  faut 
nécessairement  se  servir  de  vases  dont  la  forme 
présente  la  plus  grande  surface  et  se  rétrécisse 
vers  la  partie  inférieure  , il  est  nécessaire , 
par  une  raison  contraire,  de  préférer  ceux  qui 
peuvent  mettre  ce  fluide  à l’abri  du  contact  de 
l’air  jusqu’au  moment  de  la  butirisation. 

. Battage  de  la  crème. 

L:intervalle  qu’on  met  entre  le  moment  de 
la  traite  et  celui  fixé  pour  battre  la  crème, 

x 


t 


322  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

doit  nécessairement  varier  suivant  la  saison  et 
d’autres  circonstances  relatives  au  commerce 
du  beurre  et  aux  usages  auxquels  il  est  destiné. 

On  a coutume  dans  les  environs  de  Rennes, 
car  c’est  toujours  là  que  nous  allons  chercher 
le  type  de  la  perfection , de  battre  le  beurre 
tous  les  jours  en  été  et  même  pendant  l’hiver, 
quand  on  a suffisamment  de  crème  rassemblée; 
ailleurs  ce  n’est  que  quelques  jours  après  la 
traite,  souvent  même  la  veille  du  marché. 

Nous  avons  dit  que  le  beurre  d’hiver  était 
assez  généralement  blanc,  et  que,  quand  dans 
cette  saison  on  l’obtenait  d’un  jaune  plus  ou 
moins  foncé , c’était  immédiatement  après  le 
part  : mais  il  y a des  vaches  qui  le  fournissent 
constamment  coloré  ; telles  sont  celles  de  la 
Prévalaye,  et  il  semble  que  ce  soit  à l’usage 
du  bon  foin,  des  racines  cuites,  et  sur  tout  à 
celui  de  la  boisson  un  peu  chauffée,  qu’est  due 
cette  exception  à la  loi  générale. 

Il  convient  cependant  de  remarquer  que  le 
beurre,  pour  être  pâle  ou  blanc,  n’en  a pas 
moins  de  qualité  que  le  beurre  jaune.  On  est 
même  en  droit  de  présumer  que  dans  la  nature 
ce  produit  est  tout-à-fait  incolore  : aussi  beau- 
coup de  cantons  n’emploient-ils  aucun  moyen 
pour  lui  donner,  dans  la  saison  où  il  n’est  pas 
communément  jaune  , cette  nuance  plus  ou 
moins  prononcée. 

Mais , malheureusement , on  a attaché  ailleurs 
l’idée  de  la  perfection  du  beurre  à la  couleur 


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a l’économie  rurale.  525 

jaune;  et  il  a bien  fallu  la  lui  concilier  artifi- 
ciellement, sur  tout  au  beurre  transporté  à Paris 
des  départemens  voisins , ou  à celui  qui  se 
prépare  journellement  chez  les  crémières. 

Pour  satisfaire,  à cet  égard,  l’imagination, 
on  a emprunté  la  matière  colorante  des  diffé- 
rentes parties  de  la  fructification  des  plantes. 
Sans  doute , cette  légère  fraude  serait  tolérable 
jusqu’à  un  certain  point,  si  elle  pouvait  en 
même  temps  servir  de  condiment  au  beurre  , 
sans  dénaturer  son  agrément  et  ses  effets,  puis- 
que cette  addition , peu  coûteuse,  a encore  le 
mérite  de  n’exiger  aucune  manipulation  par- 
ticulière. 

Dans  le  ci-devant  pays  de  Bray,  la  matière 
végétale  qui  sert  à colorer  la  totalité  du  beurre 
qu’on  y fabrique  en  grand  , est  la  fleur  de  souci. 
Cette  fleur,  à mesure  qu’on  la  ceuille,  est  en- 
tassée dans  des  pots  de  grès;  d’où  il  résulte, 
au  bout  de  quelques  mois,  une  liqueur  épaisse 
foncée , que  l’on  passe  à travers  un  linge , et  que 
l’on  emploie  dans  une  proportion  que  l’usage 
apprend  bien  vite.  Ce  procédé  a été  long-temps 
employé  sous  le  voile  du  mystère.  Nous  con- 
naissons une  crémière  à Paris , dont  le  beurre 
a eu  par  ce  moyen  une  très-grande  vogue. 

La  fleur  de  souci , en  effet , macérée  comme 
nous  l’avons  dit,  fournit  une  belle  couleur 
jaune,  très-solide  ; mais  il  en  entre  si  peu  dans 
le  beurre,  que  celui-ci  n’en  reçoit  aucune  saveur 
particulière. 


x 2 


I)U  LAIT  RELATIVEMENT 

Nous  avons  cherché  à apprécier,  sous  ce  point 
de  vue  d’utilité , les  effets  d’une  foule  d’autres 
matières  colorantes,  employées,  de  même  que 
que  la  fleur  de  souci , dans  divers  cantons  de 
l’Europe , pour  atteindre  ce  but  ; telles  sont  les 
fleurs  de  safran,  les  baies  d’alkekenge  ou  co- 
queret,  le  roucou  bouilli  dans  l’eau:  mais  le 
suc  exprimé  de  la  carotte  jaune  nous  a paru 
le  plus  propre  à opérer  cet  effet.  11  semble  que 
les  molécules  du  beurre , en  s’associant  avec 
son  principe  colorant,  ont  moins  de  tendance 
à retenir  la  matière  caséeuse  et  , par  consé- 
quent, à s’altérer.  Cette  circonstance  mérite 
d’intéresser  les  grandes  fabriques  de  beurre. 

Les  substances  destinées  à rehausser  la  cou- 

• x 

leur  naturelle  du  beurre,  sont  ordinairement 
délayées  dans  une  portion  de  crème,  et  ajou- 
tées ensuite  à celle  qui , dans  la  baratte  , attend 
le  mouvement  de  la  percussion  : or,  c’est  au 
moment  où  la  cohésion  du  beurre  avec  le  lait 
va  être  rompue  , que  cette  matière  huileuse 
prend  ce  qu’il  lui  faut  de  matière  colorante 
pour  acquérir  la  nuance  de  jaune  dont  elle  peut 
se  charger  à froid;  nuance  qui,  encore  une 
f ois , plait  à celui  qui  fabrique  et  vend  le  beurre , 
à celui  qui  l’achète , et  plus  encore  à ceux  qui 
le  consomment. 

La  baratte  est  l’instrument  le  plus  générale- 
ment usité  pour  battre  le  beurre.  On  parvient 
à alléger  le  travail  en  attachant  au  plafond  de 
la  laiterie  une  perche,  à l’instar  des  tourneurs. 


UH] 


■ * 


a l’économie  rurale. 


32.5 


Dans  les  grandes  fabriques  on  la  fait  mouvoir 
par  le  moyen  d’un  cheval.  Mais  on  préfère  la 
sérenne,  comme  plus  facile  à manier  , et  comme 
le  moyen  de  transformer  plus  promptement  en 
beurre  une  grande  quantité  de  crème. 

Dès  que  la  crème  est  versée,  soit  dans  la 
baratte,  soit  dans  la  sérenne  , selon  la  quantité 
sur  laquelle  il  s’agit  d’opérer , on  bouche  1 un 
ou  l’autre  instrument.  La  fille  chargée  d’im- 
primer à ce  fluide  le  mouvement,  doit  le  con- 
tinuer sans  interruption , et  faire  ensorte  qu’il 
soit  toujours  égal  et  modéré;  autrement  le 
beurre  s’échauffe  et  perd  de  sa  qualité. 

Nous  ne  rappellerons  pas  les  causes  qui 
influent  sur  le  plus  ou  moins  de  promptitude 
avec  laquelle  on  obtient  le  beurre.  On  sait  que , 
pendant  l’hiver  , il  est  quelquefois  si  long-temps 
à se  séparer,  que  la  patience  échappe.  Pour 
accélérer  l’opération , il  faut  envelopper  la  ba- 
ratte d’une  nappe  chaude,  la  plonger  dans  un 
baquet  d’eau  bouillante , ajouter  à la  crème  du 
lait  chaud , enfin  , placer  le  vaisseau  auprès  du 
feu  : mais  on  ne  saurait  être  trop  économe  de 
l’emploi  de  tous  ces  moyens  d’accélération  , 
parce  que  c’est  toujours  aux  dépens  de  la  finesse 
et  de  la  saveur  du  beurre  qu’ils  produisent  leur 
effet. 

Les  temps  excessivement  chauds  prescrivent 


une'  marche  entièrement  opposée.  On  place 
alors  la  baratte  dans  un  bain  d’eau  fraîche  ; on 
choisit  l’instant  du  jour  et  l’endroit  du  manoir 


5z6  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

les  plus  fraiè  , pour  se  livrer  à ce  travail;  enfin , 
on  met  en  œuvre  tout  ce  qui  peut  tempérer  la 
propension  qu’a  la  crème  de  s’aigrir  et  de  four- 
nir trop  promptement  son  beurre. 

On  reconnaît  que  le  beurre  est  fait  lorsqu’il 
tombe,  par  grains  ou  par  petites  masses,  au 
tond  de  la  baratte  ; pour  lors  on  en  sépare  le 
fluide  au  milieu  duquel  il  se  trouve.  Mais 
cette  séparation  n’est  jamais  tellement  com- 
plète qu’il  ne  reste  Quelques  portions  de 
ce  fluide  disséminées  dans  les  interstices  du 
beurre , avec  lequel  elles  ont  plus  ou  moins 
d’adhérence , selon  que  la  crème  était  an- 
cienne , ou  quelle  provenait  d’une  femelle 
plus  ou  moins  avancée  dans  la  gestation. 

L’opération  au  moyen  de  laquelle  on  sépare 
le  fluide  resté  dans  le  beurre  , est  désignée  dans 
les  fabriques  sous  le  nom  de  délai t âge  ; c’est 
de  la  manière  dont  elle  est  exécutée  que  dépen- 
dent la  qualité  et  la  conservation  du  beurre. 

Dèlaitage  du  beurre. 

Pour  faciliter  cette  opération  il  faut  que  la 
crème  ait  éprouvé  dans  la  baratte  un  assez  grand 
nombre  de  percussions,  afin  que  le. lait  puisse 
s’en  séparer  aisément;  autrement  le  beurre  con- 
serverait encore  un  trop  grand  nombre  des 
propriétés  de  la  crème. 

Quelques  personnes  restreignent  le  délaitage 
à comprimer  faiblement  le  beurre  dans  les 
mains  : d’autres  sont  dans  l’usage  de  le  manier 


A rÉCONOMIE  RURALE.  02 7 

fortement  et  à diverses  reprises,  et  de  répéter 
les  lavages  jusqu’à  ce  que  leau  en  sorte  claire. 

Ces  deux  méthodes  ont  leurs  avantages  et 
leurs  inconvéniens.  La  première  doit  être  pré- 
férée lorsqu’il  s’agit  de  la  préparation  journa- 
lière du  beurre  avec  le  lait  récemment  trait , ou 
une  crème  nouvelle , parce  que  les  portions  de 
matière  laiteuse  qui  y restent  interposées , con- 
courent à donner  à ce  produit  cette  saveur  douce 
et  agréable  qui  caractérise  la  crème.  Mais  quand 
il  est  question  du  beurre  de  provision  , on  ne 
saurait  trop  répéter  les  lavages , car  la  présence 
du  lait  ainsi  divisé  à la  surface  du  beurre  , 
peut  lui  faire  perdre  de  sa  qualité  dès  le  soir 
même  du  jour  où  il  a été  battu. 

Le  procédé  du  délaitage  ordinaire  se  réduit  à 
jeter  le  beurre  dans  des  terrines  remplies  d’eau 
fraîche , afin  qu’il  perde  la  chaleur  qu’il  a reçue 
du  mouvement  et  de  sa  désunion  avec  le  lait, 
et  qu’il  se  raffermisse  à l’air  ; on  l’étend  ensuite 
avec  une  cuiller  de  bois,  et  on  renouvelle  l’eau 
fraîche. 

Les  temps  orageux  rendent  le  beurre  si  mou 
que,  pour  pouvoir  le  manier,  on  est  forcé  de 
le  soumettre  à la  température  d’un  puits , car , 
susceptible  de  prendre  toutes  les  saveurs,  son 
séjour  à la  cave  pourrait  altérer  celle  qui  lui 
appartient  spécialement.  On  pétrit  et  repétrit 
le  beurre  ; on  en  forme  des  pelottes  plus  ou 
moins  grosses , qu’on  place  dans  un  lieu  frais 
pour  leur  faire  acquérir  de  la  consistance  et 

x 4 


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328  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

\ 

les  diviser  en  livres , lorsqu’il  s’agit  de  les  ven- 
dre sur  les  lieux  ou  dans  les  marchés  voisins , 
et  en  mottes  de  quarante  à cinquante  livres , 
quand  on  a dessein  de  les  conserver  et  de  les 
transporter  au  loin. 

Les  laitages  qu’on  obtient  après  la  prépara- 
tion du  beurre,  et  sur  la  nature  desquels  nous 
nous  sommes  suffisamment  étendus,  consistent, 
1 .°  en  lait  de  beurre , pour  nous  exprimer  comme 
les  habitans  des  campagnes  ; il  est  comparable , 
en  tout  point , au  lait  doux , quand  la  crème 
a été  employée  nouvelle  : 2.0  en  lait  plus  ou 
moins  vineux,  lorsqu’on  s’est  servi  d’une  crème 
ancienne.  Le  premier  devient  souvent  le  salaire 
de  la  fille  qui  abattu  le  beurre.  Le  second  est 
employé  à la  soupe  des  gens  de  la  ferme;  ou 
bien  on  en  humecte  le  son  dont  on  nourrit 
les  animaux  de  basse  cour  ; ou  bien , enfin , 
il  sert  d’aliment  aux  veaux , quand  on  11e  les 
livre  pas  aux  bouchers  quelques  jours  après 
leur  naissance  : il  serait  même  possible  d’en 
préparer  les  fromages  communs.  Mais  revenons 
au  beurre. 

Des  différentes  qualités  de  beurre. 

On  n’est  point  dans  l’usage  de  fabriquer  par 
tout  du  beurre  de  plusieurs  qualités  ; cependant 
nos  expériences  ont  fait  voir  que  la  chose  était 
possible  avec  le  même  lait,  en  séparant  la  crème 
à mesure  qu’elle  s’élevait  à sa  surface. 

Nous  nous- sommes  encore  convaincus  que 


a l’économie  rurale.  5ag 

lelait  provenant  d’une  même  traite , mais  divisée 
en  trois  parties , et  la  crème  séparée  de  chacune 
et  battue  en  même  temps , présentaient  trois 
nuances  différentes  de  qualité  ; mais  on  con- 
çoit les  difficultés  de  profiter  de  ces  avantages , 
car,  dans  les  grandes  fabriques,  les  opérations 
compliquées  entraînent  toujours  des  inconvé- 
niens  majeurs.  L’objet  principal  consiste  donc 
à obtenir  le  plus  de  beurre  possible , moyennant 
les  procédés  les  plus  faciles  dans  leur  exécution. 

Une  circonstance , indépendamment  de  celles 
énoncées  précédemment,  influe  encore  sur  la 
qualité  du  beurre  : c’est  le  temps  que  le  lait 
demande  pour  acquérir  sa  perfection  dans  les 
mamelles,  à partir  de  l’instant  où  la  femelle  a 
mis  bas,  jusqu’à  celui  où  une  nouvelle  ges- 
tation, à un  certain  terme,  va  suspendre  l’émis- 
sion du  lait , et  le  faire  servir  au  développement 
du  foetus.  Mais  comme  ce  fluide  n’est  réellement 
au  maximum  de  sa  bonté  que  quatre  mois  après 
le  vêlage , et  par  conséquent  aux  environs  de 
l’automne , c’est  aussi  à peu  près  à cette  époque 
qu’on  s’occupe  d’approvisionnemens  de  beurre. 

Il  existe  encore  d’autres  motifs  qui  détermi- 
nent le  choix  de  l’automne  pour  cette  provi- 
sion; c’est  que  le  temps  qui  succède  à cette 
saison  est  froid,  et  que  rien  n’est  moins  favo- 
rable à la  conservation  du  beurre  que  la  cha- 
leur : il  devient  molasse , gras , huileux , et 
se  rancit  beaucoup  plus  promptement  , toutes 
choses  égales  d’ailleurs.  Il  n’est  pas  étonnant, 


000  DU  LAIT  KELATIVEMENT 

d après  cela,  que  le  beurre  de  regain,  le  beurre 
de  second  pré , le  beurre  d' automne , jouissent 
d une  aussi  grande  réputation  ; ils  ne  la  doivent 
réellement,  en  partie,  qua  la  circonstance  dont 
nous  parlons. 

C est  donc  une  profonde  erreur  de  croire  que 
le  beurre  résultant  de  la  crème  secondaire  a 
plus  de  qualité  que  celui  retiré  de  la  première , 
puisque,  d’une  part,  cette  crème  a été  plus 
long-  temps  exposée  à l’air , et  que  , de  l’autre , 

1 expérience  a appris  que  celle  qui  s’élève  d’a- 
bord à la  surface  du  lait  fournit  constamment 
le  meilleur  beurre. 

On  ne  conçoit  pas  non  plus  les  auteurs  qui 
disent  et  répètent  qu’il  faut  environ  dix  livres 
de  lait  pour  fournir  trois  livres  de  beurre  : c’est 
sans  doute  de  la  crème  qu'ils  ont  entendu  par- 
ler. Ce  serait  aussi  commettre  une  grande  faute 
que  de  calculer  la  proportion  du  beurre  d’après 
celle  de  la  crème , car  la  consistance  de  cette 
dernière  dépend  de  la  saison  et  du  mode  em- 
ployé pour  en  opérer  la  séparation.  D’ailleurs, 
de  quelque  manière  qu  elle  s’exécute  , il  reste 
toujours  dans  la  crème  plus  ou  moins  de  lait, 
dont  la  présence  est  indispensable  à la  butiri- 
sation.  Si  la  crème  était  trop  épaisse,  elle  four- 
nirait plus  difficilement  son  beurre  par  la  per- 
cussion. Ce  n’est  donc  pas  réellement  sur  la 
crème  qu’il  est  possible  d établir  la  proportion 
du  beurre  qu’un  lait  fournit. 

Il  résulte , d’après  nos  expériences  et  celles  du 


a l’économie  rurale.  33i 

citoyen  Boyssou , que  le  lait  d’une  bonne  vache 
ne  contient , le  plus  ordinairement , dans  le 
premier  mois  du  vêlage,  que  la  trente-deuxième 
partie  de  beurre,  et  que  la  quantité  de  ce  pro- 
duit augmente  successivement  à mesure  qu  on 
s’éloigne  de  cette  époque , de  manière  qu  au 
bout  de  quatre  mois  le  beurre  s’y  trouve  dans 
les  proportions  d’un  vingt -quatrième  : ainsi 
une  pinte  de  lait  donne  ordinairement  envi- 
ron une  once  deux  gros  de  beurre. 

On  peut  donc  établir  comme  une  règle  géné- 
rale , que  dix-huit  livres  de  lait  donnent  à peu 
près  une  livre  de  beurre , et  que  cette  quantité 
est  le  produit  commun  d’une  vache  par  jour  : 
il  y a telle  vache  qui  en  a donné  jusqu’à  deux 
et  trois  livres;  mais  ces  cas  sont  rares,  et  ils 
forment  plutôt  exception. 

C’est  en  automne,  nous  le  répétons,  que  le 
lait  fournit  réellement  une  plus  grande  quan- 
tité de  beurre , et  que  ce  beurre  réunit  le  plus 
de  qualités;  cependant  il  peut  se  trouver  dans 
le  commerce  sous  les  différens  états  de 

Beurre  frais; 

Beurre  rance; 

Beurre  fondu; 

Beurre  salé. 

Ces  différens  états  donnent  à la  même  qualité 
de  beurre  des  saveurs  assez  distinctes  pour  faire 
soupçonner  qu’il  ne  provient  pas  de  la  même 
source;  ils  déterminent  aussi  son  usage  et 
son  prix. 


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002  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Du  beurre  frais. 

Pour  avoir  une  idée  de  la  manière  dont  il 
est  possible  d’obtenir  le  beurre  sur-le-champ, 
il  suffit , en  été  , de  verser  le  lait  quelques 
heures  après  la  traite  dans  des  bouteilles  et 
de  le  secouer  vivement  ; les  grumeaux  qui  se 
forment,  jetés  sur  un  tamis,  lavés  et  rassem- 
blés , offrent  le  beurre  le  plus  fin  et  le  plus 
délicat  qu’on  puisse  se  procurer. 

Mais  cette  manière  de  battre  le  beurre  sans 
avoir  préalablement  enlevé  la  crème  de  dessus 
le  lait,  quoiqu’assez  généralement  adoptée  dans 
les  cantons  où  Ion  fait  du  beurre  de  choix, 
à Rennes,  par  exemple,  et  dans  ses  environs, 
n’est  pas,  a beaucoup  prés,  très-économique. 
L expérience  prouve  même  que  la  crème  éten- 
due dans  une  aussi  grande  quantité  de  fluide, 
lie  fournit  jamais  la  totalité  de  son  beurre; 
qu’il  faut  nécessairement  l’en  séparer,  et  lui 
imprimer  immédiatement  la  percussion.  Tel 
est  aussi  le  procédé  le  plus  généralement  usité; 
autrement  l’opération  languit , et  il  reste  dans 
le  lait  une  portion  de  crème , qui  échappe  à 
la  butirisation. 

Moyennant  les  soins  sur  lesquels  nous  avons 
insisté  , on  peut  avoir,  dans  toutes  les  saisons  , 
un  beurre  fin , délicat , d’autant  plus  parfait 
qu’il  sera  moins  lavé  ; mais  du  jour  au  lende- 
main ce  goût  fin  et  délicat  n’existe  déjà  plus, 
sur  tout  s’il  fait  chaud. 


335 


a l’économie  rurale. 

Un  des  grands  moyens  de  conserver  le 
beurre  long-temps  frais,  c’est,  d’abord,  de  le 
délaiter  parfaitement,  de  le  tenir  ensuite  sous 
l’eau  fréquemment  renouvelée , et  de  le  sous- 
traire à l’influence  de  la  chaleur  et  de  lair , 
en  l’enveloppant  d’un  linge  mouillé. 

L’eau,  en  effet,  en  dilatant  tous  les  fils  du 
linge,  doit  nécessairement  les  rapprocher  d’une 
manière. assez  exacte, *et  boucher,  par  consé- 
quent , les  interstices  à travers  lesquels  l’air 
atmosphérique  ne  manquerait  pas  de  pénétrer 
si  le  linge  était  sec.  Par  ce  moyen  ce  dernier 
fluide  glisse  à la  surface  du  linge,  et  est  même 
en  quelque  sorte  repoussé  par  l’eau  qui , ten- 
dant continuellement  à s’évaporer , l’enlève  avec 
elle.  C’est  sans  doute  à la  propriété  reconnue 
qu’a  l’eau  de  chercher  à s’évaporer,  qu’est  due 
la  différence  de  température  qu’éprouvent  tous 
les  corps  dont  la  surface  est  humectée. 

Au  reste,  on  sait  que  cette  même  propriété 
n'appartient  pas  exclusivement  à l’eau  ; quelle 
est  aussi  commune  à tous  les  fluides,  et  que 
même  , dans  bien  des  circonstances , on  en 
profite  très-heureusement  pour  produire  des 
refroidissemens  artificiels , qu’on  peut  porter 
très-loin,  en  hâtant  l’évaporation  de  ces  fluides 
de  dessus  la  surface  des  corps  qu’ils  mouil- 
lent; bien  entendu  que  cette  évaporation  doit 
toujours  être  faite  par  tout  autre  moyen  que 
par  la  chaleur. 

L’usage  adopté  dans  certains  pays , d’humec- 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


ter  les  linges  qui  couvrent  le  beurre  avec  de 
l’eau  de  lessive  préférablement  à de  l’eau  pure , 
n’a  vraisemblablement  d’autre  avantage  que 
d etre  dispensé  de  restituer  aux  linges  une  nou- 
velle quantité  d’eau  pour  remplacer  celle  dont 
on  les  avait  d’abord  mouillés;  car,  comme 
l’eau  de  lessive  contient  toujours  de  l’alkali, 
qui  tend  continuellement  à attirer  l’humidité 
de  l’air,  on  conçoit  qu’à  mesure  qu’une  partie 
de  celle-ci  s’évapore , elle  se  trouve  bientôt 
remplacée  par  une  autre,  qui  est  attirée  par 
l’alkali  : d’où  il  résulte  nécessairement  que  les 
linges , malgré  l’évaporation  continuelle  de 
l’eau , doivent  rester  constamment  mouillés. 

Malgré  cet  effet  nous  pensons  que  l’emploi 
de  l’eau  de  lessive  ne  saurait  mériter  la  préfé- 
rence , car  il  est  plus  que  probable  que  la  sur- 
face du  beurre,  dans  tous  les  points  de  con- 
tact du  linge  humecté  avec  une  semblable 
liqueur,  doit  nécessairement  avoir  une  saveur 
différente  de  celle  de  la  couche  inférieure. 

Le  froid  est  un  autre  agent  propre  à pro- 
longer la  bonne  qualité  du  beurre  ; cependant, 
comme  parmi  les  corps  gras  il  n’en  existe  point 
qui  perde  plus  facilement  sa  saveur  agréable, 
et  qui  soit  plus  susceptible  de  contracter  celle 
des  autres  substances  au  milieu  desquelles  il 
se  trouve , il  ne  faut  jamais  être  indifférent  sur 
le  choix  des  endroits  où  l’on  se  propose  de 
tenir  en  réserve  la  provision  du  beurre. 

Dans  l’espérance  de  conserver  au  beurre  de 


rX. 


A L’ÉCONOMIE  RURALE.  335 

Rennes,  qui  nous  était  parvenu  par  un  temps 
chaud , toute  la  finesse  du  goût  qui  le  carac- 
térise, nous  l’avons  porté  à la  cave;  cepen- 
dant, quoiqu’il  fut  recouvert  d’un  pouce  de 
éel  et  d’un  fort  papier,  il  n’en  avait  pas  moins 
contracté,  après  un  séjour  de  deux  décades, 
une  saveur  désagréable,  moins  marquée,  il 
est  vrai,  à la  partie  inférieure  du  pot,  mais 
assez  sensible  encore  pour  qu’on  ne  pût  pas 
se  dispenser  de  l’attribuer  à l’action  de  l’air 
de  la  cave , qui , comme  on  sait , diffère  de 
celui  de  l’atmosphère. 

Ce  n’est  qu’en  privant  le  beurre  frais  de 
toute  l’humidité  qu’il  a retenue  dans  les  diffé- 
rentes lotions,  et  sur  tout  de  la  matière  caséeuse 
avec  laquelle  cette  huile  concrète  du  lait  a plus 
ou  moins  d’adhérence,  qu’on  peut  le  garantir 
pendant  un  certain  temps  de  l’état  d’altération 
sous  lequel  nous  allons  le  considérer. 

Du  beurre  rance. 

Après  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  cause  de 
la  rancidité  du  beurre,  il  nous  reste  peu  de 
chose  à ajouter.  On  ne  saurait  douter  quelle 
ne  soit  due  à la  présence  de  la  matière  caséeuse , 
plus  ou  moins  adhérente  : ce  qui  prouve  com- 
bien il  est  nécessaire  de  la  séparer  exactement 
par  les  lotions,  et  de  ne  se  servir  que  de  vais- 
seaux parfaitement  nettoyés , car  il  suffirait  qu’ils 
eussent  conservé,  dans  leurs  cavités  ou  inters- 


556  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

tices  , les  moindres  molécules  de  crème  an- 
cienne, pour  transmettre  au  beurre  ce  goût 
désagréable  qui  ressemble  à celui  des  autres 
huiles  préparées  par  le  filtre  animal.  Le  muci- 
lage qui  l’accompagne  toujours  est  d’ailleurs 
comparable,  pour  ses  propriétés  chimiques, 
à la  substance  glutineuse  du  froment,  qui,  dans 
un  état  humide  et  chaud , contracte  bientôt  une 
odeur  détestable. 

Mais  souvent  le  beurre  est  déjà  rance  avant 
d’être  soumis  à la  baratte,  parce  que,  suivant 
la  mauvaise  habitude  de  beaucoup  d’habitans  de 
la  campagne,  on  ne  le  bat  que  sept  à huit  jours 
après  la  traite.  Or,  séjournant  trop  long-temps 
dans  la  crème  , il  contracte  un  goût  fort , que  la 
percussion , les  lavages  et  les  autres  opérations 
subséquentes  ne  sauraient  détruire  en  totalité. 

C’est  donc  un  grand  inconvénient  de  ne 
battre  le  beurre , dans  les  fermes , qu’une  fors 
dans  l’intervalle  de  sept  à huit  jours,  quand  on 
veut  l avoir  de  bonne  qualité.  Cette  méthode 
cependant  a trouvé  des  partisans,  qui  ont 
avancé  que  le  beurre  résultant  d’une  crème 
nouvelle  était  moins  de  garde  que  celui  d’une 
crème  plus  ancienne.  11  en  est,  sans  doute, 
des  procédés  dans  les  fabriques  de  beurre , 
comme  de  certaines  pratiques  défectueuses, 
qui , plus  simples  et  plus  commodes , sont 
vantées  précisément  parce  quelles  servent  la 
paresse  et  la  cupidité  de  ceux  qui  les  em- 
ploient ordinairement. 


A I* ÉCONOMIE  RURALE.  OÛ7 

Dans  les  lieux  où  le  fromage  se  fabrique  en 
grand,  la  crème  est  mise  en  réserve,  souvent 
pendant  quinze  jours,  jusqua  ce  qu’il  y en 
ait  suffisamment  pour  la  battre-;  mais  le  beurre , 
quoique  nouvellement  fabriqué , a déjà  un 
goût  fort,  qui  ne  fait  qu’augmenter  en  vieil- 
lissant. Dans  cet  état , il  est  cependant  estimé 
des  vachers  et  des  pâtres,  qui  le  consomment 
pendant  leur  séjour  à la  montagne  ; il  y a 
même  des  habitans  de  la  campagne  qui  le  pré- 
fèrent à tout  autre  , comme  plus  économique 
pour  l’assaisonnement  : mais  cela  n’a  rien  de 
surprenant  ; n'avons  - nous  pas  des  peuples 
entiers  qui  boivent  l’huile  de  poisson  la  plus 
rance,  et  en  font  même  leurs  délices? 

Comme  c’est  la  portion  de  lait  disséminée 
dans  le  beurre  sous  forme  de  crème  , qui  cons- 
titue son  état  rance , il  faut  avoir  l’attention , 
quand  il  est  sorti  de  la  baratte,  de  le  malaxer, 
partie  par  partie,  et  de  le  laver  à plusieurs 
reprises,  jusqua  ce  que  l’eau  en  sorte  claire 
et  limpide. 

Un  moyen  d’adoucir  les  crèmes  qui , par 
leur  trop  long  séjour  à la  laiterie,  ont  contracté 
un  goût  fort,  est  d’y  ajouter,  au  moment  de 
battre,  plus  ou  moins  de  lait  de  la  traite  du 
jour.  Ce  procédé,  si  facile  à exécuter  par  tout, 
parvient,  en  effet,  à atténuer  la  rancidité. 

Lorsque  le  beurre , au  contraire  , par  une 
cause  quelconque,  est  devenu  rance,  il  faut 
porter  l’action  sur  lui.  Or,  le  seul  moyen  qui 


338  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

puisse  être  raisonnablement  proposé,  c’est  de 
le  faire  fondre  dans  une  grande  quantité  d’eau, 
de  l’en  séparer  ensuite  lorsqu’il  est  refroidi,  de 
le  faire  fondre  de  nouveau  à une  douce  cha- 
leur, mais  sans  addition  d’eau,  et,  après  le 
refroidissement,  de  le  malaxer  long-temps  pour 
en  extraire  le  peu  d’humidité  qu’il  aurait  pu 
retenir.  Après  cette  opération  on  le  remet  dans 
des  pots  de  grès  pour  éviter  ce  qui  résulte  ordi- 
nairement du  contact  de  l’air  sur  les  corps  gras. 

Il  n’est  sans  doute  aucune  bonne  ménagère 
qui  ne  connaisse  et  ne  mette  en  pratique  ces 
différentes  manières  d’adoucir  les  beurres  forts, 
quand  la  rancidité  provient  de  l’imperfection 
du  délaitage  ou  d’un  trop  long  séjour  du 
beurre  dans  la  crème  : mais  le  beurre  le  plus 
parfait , conservé  avec  soin  dans  un  lieu  frais , 
à l’abri  de  l’air , perd  insensiblement  sa  dou- 
ceur naturelle  et  acquiert  une  rancidité  aussi 
désagréable  au  goût  que  préjudiciable  à la 
santé.  On  ne  saurait  donc,  malgré  toutes  les 
précautions,  le  garder  d’une  saison  à l’autre 
et  le  transporter  au  loin  en  bon  état,  si  on 
ne  se  hâte , dès  qu'il  est  fait , de  le  fondre  ou 
de  le  saler.  Arrêtons-nous  sur  ces  deux  procé- 
dés , pour  ainsi  dire  domestiques , qu’aucun 
ouvrage  ne  parait  avoir  décrits  avec  la  clarté 
nécessaire. 

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a l’économie  rurale. 
Du  beurre  fondu. 


53g 


Ce  n’est  point  là  où  on  sale  le  beurre  que 
se  prépare  le  plus  ordinairement  le  beurre 
fondu  : ce  dernier  parait  rarement  dans  les 
marchés,  et  est  plus  connu  dans  les  cuisines. 
Ce  sont  les  femmes  de  ménage  qui  s’occupent 
de  sa  préparation,  au  moment  où  cette  denrée 
est  moins  chère  et  possède  le  plus  de  qualité  : 
communément  l’automne  est  choisi  de  préfé- 
rence pour  former  ce  genre  d’approvision- 
nement. 

La  première  attention  qu’il  faut  apporter  ici 
consiste  à ne  pas  attendre  que  le  beurre  que 
l’on  veut  fondre  soit  ancien  , parce  qu’il  aurait 
pu  contracter  en  très-peu  de  temps  un  état 
voisin  de  la  rancidité , que  la  chaleur  néces- 
saire à cette  opération  ne  parviendrait  jamais 
à lui  faire  perdre  entièrement. 

Pour  y procéder,  on  prend  un  chaudron 
de  cuivre  jaune  , extrêmement  propre  et  d’une 
capacité  proportionnée  au  beurre  qu’il  s’agit 
de  fondre;  on  a soin  que  le  feu,  auquel  il 
est  exposé , soit  clair , égal  et  modéré  ; on 
évite,  autant  qu’il  est  possible,  la  fumée,  qui, 
en  se  combinant  avec  le  beurre,  dans  l’état 
fluide  et  chaud  , pourrait  lui  communiquer  un 
goût  désagréable. 

Au  moyen  d’une  chaleur  égale , le  beurre  se 
liquéfie  très-facilement,  et  dès  qu’il  commence 
à frémir,  il  ne  faut  plus  le  quitter.  On  l’agite 

y 2, 


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34o 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


pour  favoriser  l’évaporation  de  l’humidité , em- 
pêcher qu’il  ne  monte,  et  faire  perdre  à la 
matière  caséeuse,  interposée  dans  le  beurre,  son 
adhérence  et  sa  solubilité.  Bientôt  une  portion 
de  cette  matière  paraît  à la  surface  comme  une 
écume  ; on  l’enlève  à mesure  qu’elle  se  forme  : 
l’autre,  pendant  la  liquélication , se  précipite 
au  fond  du  chaudron,  s’y  attache,  et  présente 
une  matière  connue  sous  le  nom  vulgaire  de 
grattin , que  les  enfans  aiment  de  passion. 

Dès  que  cette  matière  est  formée,  il  faut  se 
hâter  de  diminuer  le  feu,  car  elle  se  décom- 
poserait et  communiquerait  au  beurre  une 
mauvaise  qualité;  c’est  alors  que  brille  la  vigi- 
lance active  de  la  ménagère,  qui  sait  parer  à 
temps  à cet  inconvénient,  en  s’occupant  de 
dresser  son  beurre  à l’instant  où  elle  aperçoit 
au  fond  du  chaudron  un  cercle  brun,  tirant 
sur  le  noir. 

Mais  la  règle  la  plus  ordinaire  pour  juger 
que  le  beurre  est  parfaitement  fondu , c’est  que 
la  totalité  ait  une  transparence  comparable  à 
celle  de  l’huile , et  que , quand  on  en  jette 
quelques  gouttes  sur  le  feu  , il  s’enflamme  sans 
pétiller.  On  achève  d'écumer  le  beurre,  et  on 
ôte  le  chaudron  du  feu;  on  le  laisse  reposer 
un  instant;  puis  on  le  verse  par  cuillerées  dans 
des  pots  bien  échaudés  et  séchés  au  feu , qu’on 
recouvre  après  que  le  beurre  est  entièrement 
refroidi. 

Il  existe  une  autre  méthode  de  fondre  le 


a l’économie  rurale.  341 

beurre,  et  beaucoup  de  personnes  préfèrent  de 
la  suivre , parce  qu’elle  entraîne  moins  d em- 
barras et  exige  moins  de  soins  : il  s’agit  d expo- 
ser le  beurre  au  four  après  que  le  pain  en  est 
retiré.  Pour  cet  effet  on  emploie  tout  simple- 
ment des  pots  de  terre  ; le  beurre  se  fond 
insensiblement,  et  du  soir  au  lendemain  matin 
on  le  retire , on  l’écume  et  on  le  laisse  se 
refroidir. 

Par  ce  procédé  le  beurre  n’est  souvent  pas 
assez  dépouillé  de  son  humidité  surabondante  ; 
il  est  mal  écumé  ; la  dépuration  de  la  matière 
caséeuse  ne  s’opère  pas  complètement  : le  ha- 
sard fait  tout,  et  l’attention  ne  fait  rien.  Alors 
la  provision  ne  réunit  pas  la  condition  essen- 
tielle , celle  de  se  conserver  long  - temps  et  en 
bon  état.  Une  semblable  méthode  ne  peut  donc 
satisfaire  les  ménagères  éclairées  , qui  aiment 
à juger  par  elles -mêmes,  à soigner  leurs  opé- 
rations et  à veiller  à leurs  approvisionnemens  : 
elle  ne  favorise  que  la  routine  et  la  paresse. 

Un  troisième  moyen  est  encore  pratiqué 
pour  fondre  le  beurre , sans  employer  la  chaleur 
de  l'ébullition  : il  nous  a été  communiqué  par 
le  citoyen  Boyssou.  Ce  moyen  consiste  à tenir 
le  beurre  en  liquéfaction  pendant  un  certain 
temps  au  bain-marie , et  à le  verser  ensuite  par 
inclination  dans  des  pots  de  terre.  La  matière 
caséeuse,  en  se  déposant,  entraîne  avec  elle 
une  portion  de  beurre.  Pour  l’en  séparer  entiè- 
rement, on  ajoute  au  dépôt  une  quantité  pro- 

/ Y 3 


342  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

portionnée  d’eau  bouillante , et  on  remue  un 
instant  le  mélange  ; après  quoi  on  le  laisse 
en  repos  jusqu’au  parfait  refroidissement  : le 
beurre  vient  surnager  à la  surface  du  liquide, 
d’où  on  le  retire  facilement  lorsqu’il  est  entière- 
ment figé.  On  mêle  à ce  beurre  à demi  figé 
une  quantité  proportionnée  de  sel  séché  et 
parfaitement  égrugé,  et , lorsque  son  refroidis- 
sement est  complet,  on  le  met  dans  des  pots 
dont  on  couvre  la  surface  d’une  légère  couche 
de  sel  pareillement  pulvérisé.  Ce  beurre,  fondu 
et  salé  en  même  temps,  s’exporte  au  loin  sans 
se  détériorer. 

Peut-être  le  procédé  pour  fondre  le  beurre 
devrait-il  être  adopté  plus  généralement , dans 
les  endroits  sur  tout  où  l’on  attend,  pour  battre 
la  crème,  qu'il  s’en  trouve  assez  de  rassemblé 
sur  le  lait,  comme  dans  les  fabriques  de  fro- 
mage , ou  la  crème  ne  se  lève  que  tous  les  douze 
à quinze  jours.  En  faisant  éprouver  un  certain 
degré  de  cuisson  à ce  beurre , on  corrigerait  sa 
propension  à rancir,  et,  en  le  salant,  on  mas- 
querait le  petit  goût  fort  qu’il  pourrait  déjà  avoir 
contracté  ; ce  qui  le  rendrait  propre  encore  au 
commerce. 

% 

Quoique  le  beurre  fondu  n’ait  point  éprouvé 
de  décomposition  dans  sa  nature  intime , il  ne 
ressemble  plus  cependant  au  beurre  frais  : sa  cou- 
leur, sa  saveur,  sa  consistance,  sont,  pour  ainsi 
dire,  altérées  ; il  est  devenu  transparent,  grenu, 
fade , pâle  et  analogue  à de  la  graisse  : le  feu 


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a l’économie  rurale.  545 

lui  a bien  enlevé  ce  qui  concourrait  à le  faire 
promptement  rancir;  mais  il  a agi  en  même 
temps  sur  le  principe  de  la  sapidité  et  de  la 
couleur  : c’est  donc  à la  séparation  de  la  matière 
caséeuse  du  beurre  frais  que  sont  dus  les  chan- 
gemens  qu'il  éprouve  dans  l’opération  qui  le 
convertit  en  beurre  fondu  ; il  se  garde  comme 
le  beurre  salé , et  peut  remplacer  l’huile  dans 
les  salades  et  dans  les  fritures. 

Mais  il  existe  une  autre  méthode  de  pro- 
longer la  conservation  du  beurre,  qui  mérite 
sans  contredit  la  préférence  , parce  que , loin 
de  changer  ses  qualités  intrinsèques , elle  y 
ajoute  encore;  c’est  celle  qui  a pour  objet  d’y 
introduire  du  sel. 

L’usage  de  fondre  le  beurre  n’a  été  vrai- 
semblablement adopté  qu’à  cause  de  l excessif 
prix  du  sel,  car,  dans  les  cantons  désignés 
autrefois  sous  le  nom  de  Pays  de  gabelles,  à 
peine  l’usage  de  saler  le  beurre  y est-il  connu , 
tandis  que,  pour  ceux  qui  jouissaient  de  la 
franchise , cette  pratique  était  constamment 
employée. 

Du  beurre  salé. 

On  observe  ordinairement  deux  saisons  pour 
saler  le  beurre  du  commerce  : l’une  est  le  prin- 
temps, pour  la  provision  de  l’été  ; l’autre  est 
1 automne , pour  celle  de  l’hiver.  Mais  cette 
opération,  quoique  très- simple , est  souvent 
négligée  et  incomplète  dans  ses  effets. 

y 4 


344  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

On  sait  que  le  muriate  de  soude  (sel  marin), 
nouvellement  fait,  est  âcre  et  amer,  à cause 
des  muriates  de  chaux  et  de  magnésie  qui  s’y 
trouvent  confondus;  mais,  comme  ces  deux 
derniers  sels  sont  de  nature  déliquescente,  il 
suffit  de  laisser  le  sel  marin  à l’air , pendant 
un  certain  temps,  sur  les  plages  maritimes. 
Ces  sels  attirent  puissamment  l’humidité  atmos- 
phérique, prennent  bientôt  un  état  fluide,  et 
pénètrent  à travers  la  masse,  pour  gagner  la 
partie  inférieure  de  la  pyramide.  Purifié  ainsi 
spontanément,  ce  sel,  plus  sec  au  toucher, 
et  moins  amer  au  goût , porte  le  nom  de  sel 
vieux.  L’habitude  dans  laquelle  sont  les  beur- 
rières  de  certains  cantons , de  purifier  leur  sel , 
n’a  absolument  que  cet  objet  en  vue. 

Le  sel  blanc  et  le  sel  gris  présentent  des 
différences  notables  dans  leurs  effets  quand  on 
s’en  est  servi  pour  saler , soit  le  beurre , soit 
les  fromages.  Dans  certains  pays , le  sel  blanc 
est  réputé  faire  de  mauvaises  salaisons  en  tout 
genre,  quoique  purifié;  ailleurs  c’est  le  sel  gris 
qui  a cette  réputation. 

Nous  n’examinerons  point  jusqu’à  quel  point 
ces  assertions  peuvent  être  fondées;  mais  nous 
croyons  que  l’emploi  de  l’un  ou  de  l’autre  sel 
pour  la  qualité  du  beurre,  n’est  pas  une  chose 
aussi  indifférente  qu’on  le  pense. 

Dans  la  ci-devant  Bretagne,  on  emploie  le 
muriate  de  soude  purifié  et  blanchi  par  le  pro- 
cédé usité  dans  nos  cuisines,  pour  le  beurre 





$ présentent  des 
(effets  quand  on 
le  beurre,  soit 
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akisoiwentottt 
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jusqu’à  quel  point 

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ou  de  !i*' 861 


I » 


/ 


a l’économie  rurale.  345 

fin,  et  le  gros  sel  gris,  connu  sous  le  nom  de 
sel  gueraudin , pour  le  beurre  de  provision.  On 
retire  ce  dernier  des  marais  du  pays  de  Gue- 
rande , situé  à l’embouchure  droite  de  la  Loire  ; il 
est  préparé  par  évaporation  au  soleil.  Les  beur- 
rières  de  Rennes,  qui  ont  la  liberté  du  choix, 
préfèrent  ce  dernier  sel  ; il  a , selon  elles , la 
propriété  de  mieux  saler  le  beurre , et  de  lui 
communiquer  un  goût  analogue  à celui  de  la 
violette.  Sa  réputation  était  telle  qu’on  en 
faisait  de  fréquens  envois  à Paris  pour  cet  objet. 
Pour  l’incorporer  au  beurre,  on  ne  le  soumet 
à d’autre  préparation  préliminaire  que  de  le 
concasser , sans  le  réduire  en  poudre. 

Cependant , quoique  le  sel  de  Guerande  soit 
supérieur  en  qualité  à celui  quon  nous  vendait 
autrefois  dans  les  gabelles , il  n’est  pas  moins 
vrai  qu’il  a besoin  d être  purifié  de  nouveau , 
pour  saler  le  beurre  fin , parce  que  l’àcreté 
qu’il  conserve  encore,  quoique  très -affaiblie 
par  les  lavages  qu’on  lui  a fait  subir  dans  sa 
préparation , nuirait  au  parfum  et  à la  saveur 
délicate  de  ce  beurre.  Une  autre  opération 
utile,  c’est  de  le  dessécher  au  four,  de  le  broyer 
ensuite  , afin  qu’il  s’empare  plus  avidement  de 
l’humidité  contenue  dans  le  beurre;  autrement 
on  pourrait  le  retrouver  en  cristaux  sous  la 
dent,  et  il  établirait  dans  les  interstices  des 
vides  qui  pourraient  hâter  sa  détérioration , 
au  lieu  de  prolonger  sa  durée. 

Une  autre  considération  , c’est  la  proportion 


/• 


346  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

du  sel  qu’il  faut  employer;  son  bas  prix  déter- 
mine souvent  à en  forcer  la  dose,  de  manière 
que  la  saveur  délicate  du  beurre  se  trouve  mas- 
quée , et  n'a  plus  que  celle  du  sel.  Aussi  n’en 
introduit-on  qu’une  petite  quantité  dans  le 
beurre  fin , qu’on  sale  immédiatement  après 
avoir  été  délaité,  lorsqu’il  doit  être  mangé 
frais  et  consommé  sur  les  lieux.  11  en  faut 
davantage  pour  celui  qu’on  envoie  au  loin  : 
mais,  il  faut  l’avouer,  les  beurrières  n’ont  sou- 
vent d’autres  règles  que  celle  de  leur  palais, 
pour  juger  la  quantité  de  sel  qu  elles  doivent 
employer  ; c est  ordinairement  depuis  une  once 
jusqu’à  deux  par  livre  de  beurre. 

On  a pensé  que  le  sel , introduit  dans  le 
beurre,  y formait,  au  bout  d’un  certain  temps, 
une  sorte  de  combinaison  savoneuse  : mais  les 
expériences  faites  à B ennes , par  le  citoyeil  Hue , 
pharmacien  en  chef  adjoint  de  l’armée  d’An- 
gleterre, sur  du  beurre  salé  qui  avait  une  année 
de  fabrication , ont  sufhsamment  prouvé  que 
le  sel  y existait  tout  entier,  interposé  sous  forme 
de  cristaux,  ou  dissous  dans  la  partie  humide; 
c’est  ce  qu  on  peut  facilement  reconnaître  , 
en  examinant  à la  loupe  un  morceau  de  beurre 
salé. 

Pour  introduire  le  sel  dans  le  beurre,  on 
étend  ce  dernier  par  couches  ; on  le  pétrit  par 
portions,  jusqu’à  ce  que  le  sel  soit  bien  incor- 
poré; ensuite  on  le  distribue  dans  des  pots 
degrés,  propres  et  secs,  de  différentes  formes, 


/ 


WL  k , 


a l’économie  rurale.  347 

et  contenant  quarante  à cinquante  livres;  on 
foule  le  beurre  dans  ces  pots , on  les  remplit  jus- 
qu’à deux  pouces  du  bord  ; on  le  laisse  reposer 
ensuite  sept  à huit  jours  : pendant  ce  temps, 
le  beurre  salé  se  détache  du  pot,  se  tasse, 
diminue  de  volume,  et  laisse  entre  ldi  et  le  pot 
un  intervalle  d’environ  une  ligne,  dans  lequel 
l’air  pourrait  s’introduire,  et  ne  manquerait  pas 
d’altérer  le  beurre  si  on  le  laissait  en  cet  état. 

Pour  prévenir  cet  accident  on  fait  une  sau- 
mure assez  forte  pour  qu’un  œuf  puisse  y surna- 
ger : cette  saumure,  tirée  au  clair  et  refroidie, 
est  insensiblement  versée  sur  le  beurre  salé, 
jusqu’à  ce  qu’il  en  soit  recouvert  d’un  pouce. 

Lorsqu’on  transporte  le  beurre,  on  ne  peut 
pas  maintenir  pendant  le  voyage  la  saumure 
dans  les  interstices  quelle  occupe  : pour  la  rem- 
placer on  couvre  le  beurre  d’un  pouce  de  sel. 
Ce  moyen  réussit  lorsqu’il  ne  manque  de  sau- 
mure que  pendant  peu  de  temps. 

Mais  il  n’en  est  pas  de  même  des  beurres 
destinés  pour  la  navigation  : on  en  embarque 
difficilement  une  certaine  quantité  dans  des 
pots , à cause  de  leur  fragilité  et  de  leur  forme 
incommode  dans  l’arrangement  de  la  cale  des 
navires.  De  là  est  venu  l’usage  des  vases  de 
bois;  mais  ils  s’imprègnent  facilement  d’une 
humidité  qui  leur  fait  bientôt  contracter  un 
goût  désagréable. 

Il  faut  convenir  cependant  que , malgré  toutes 
les  précautions , on  ne  conserve  pas  aisément 


BU  LAIT  RELATIVEMENT 

du  beurre  plongé  dans  une  saumure,  sur  tout 
vers  les  tropiques  : il  se  fond  aisément,  perd 
sa  forme , devient  gras , huileux  ; la  saumure 
s échappe  à travers  les  douves , occasionne  de6 
vides  ; bientôt  le  beurre  se  gâte  au  point  de 
devenir  fétide.  Peut-être  serait-il  possible  d’ima- 
giner des  formes  plus  commodes  pour  les  vais- 
seaux , ou  de  trouver  un  bois  qui  eût  moins 
d’influence  sur  le  beurre.  Cet  objet  est  bien 
digne  d’intéresser  l’attention  des  savans , quand 
on  réfléchit,  sur  tout,  que  la  mauvaise  qualité 
des  salaisons  a plus  fait  périr  d’hommes  que  les 
naufrages  et  la  fureur  des  combats. 

Résumons  : tout  beurre  qui  aura  été  salé 
d’après  les  principes  établis , et  auquel  on  ajou- 
tera une  suffisante  quantité  de  saumure,  possé- 
dera les  mêmes  qualités  que  celui  du  ci-devant 
pays  de  Bray  , parce  que  la  propriété  de  se 
conserver  en  bon  état  vient  principalement  de 
ce  que  le  beurre  n’est  pas  altéré  pendant  un 
trop  long  séjour  dans  la  crème,  qu’il  a été 
parfaitement  délaité  au  moment  de  sa  sépara- 
tion d’avec  le  lait , qu’on  n’a  pas  différé  non 
plus  d’y  introduire  le  sel  dans  la  forme  qui 
convient;  qu’enfin  les  vases  qui  serviront  à le 
renfermer , seront  de  bonne  terre , bien  échau- 
dés à l’eau  bouillante , séchés , placés  à l’abri 
de  l’air,  et  dans  un  endroit  frais,  sans  odeur 
désagréable. 

Si , à la  faveur  de  quelqu’encouragement , 
on  parvenait  à faire  adopter  la  méthode  de  bien 


,v‘  '•  • 


a l’économie  rurale.  349 

fabriquer  le  beurre  dans  les  divers  cantons  où 
on  le  fait  mal , celui  qui  nous  vient  dTsigny 
et  des  autres  cantons  circonvoisins , deviendrait 
la  base  d’un  commerce  étendu  dont  profiteraient 
principalement  les  propriétaires  des  grands 
herbages.  Ce  commerce  formerait  toujours  une 
branche  intéressante  pour  l’agriculture , et  met- 
trait la  France  dans  le  cas  de  ne  plus  tirer  du 
beurre  de  l’étranger  , qui  nous  rend  par  là  son 
tributaire  pour  des  sommes  considérables. 

Une  autre  production  du  lait,  non  moins  im- 
portante que  le  beurre,  doit  maintenant  nous 
occuper;  c’est  la  matière  caséeuse,  qui,  dé- 
pouillée complètement  de  sa  sérosité  par  diffé- 
rens  procédés , et  mêlée  avec  une  certaine  quan- 
tité de  sel,  constitue  ce  genre  d’aliment,  si  varié 
et  si  usité,  connu  dans  le  commerce  sous  le 
nom  générique  de  fromage. 

Les  détails  dans  lesquels  nous  allons  encore 
entrer , sont  moins  le  résultat  de  nos  expériences 
particulières , que  le  fruit  de  nos  lectures  et  de 
quelques  vues  d’amélioration  qui  nous  ont  été 
communiquées  par  des  hommes  estimables , 
auxquels  nous  avions  adressé  des  séries  de 
questions  pour  connaître  leur  avis  sur  les  pra- 
tiques en  grand. 

Article  VII. 

Des  fabriques  de  fromage. 

Si  les  anciens,  ou  du  moins  les  Grecs,  ont 
gardé  le  plus  profond  silence  sur  le  beurre  et 


550  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

sur  ses  différens  usages  dans  l'économie  domes- 
tique, leurs  écrits  font  au  moins  mention  de 
plusieurs  espèces  de  fromage  , et  autorisent  à 
penser  que  ce  produit  du  lait  était  un  objet  de 
grande  consommation  parmi  eux  ; tout  atteste 
même  que  ce  sont  les  Romains  qui  ont  apporté 
l’art  de  les  faire  dans  plusieurs  de  nos  dépar- 
temens.  Aujourd’hui  il  n’y  a pas  de  canton  en 
France  qui  n’ait  son  fromage  particulier,  dont 
la  qualité  diffère  autant  par  celle  des  pâtura- 
ges, que  par  la  nature  du  lait , et  par  le  procédé 
adopté  pour  sa  fabrication. 

Il  serait  difficile,  sans  doute,  en  goûtant  le 
beurre,  quel  que  soit  l’état  où  il  se  trouve,  de 
décider  précisément  le  pays  et  sur  tout  l’espèce 
de  lait  dont  il  provient.  Ce  produit,  à la  cou- 
leur près,  parait  être  assez  identique,  surtout 
dans  les  animaux  ruminans.  Il  n’en  est  pas  de 
même  des  fromages  : ils  ont  chacun  des  carac- 
tères distinctifs  et  des  formes  particulières,  qui 
servent  à faire  connaître  les  cantons  où  ils  ont 
été  fabriqués.  Ces  formes , à la  vérité , sont 
quelquefois  imitées  dans  le  commerce  ; mais 
il  est  impossible  aux  contrefacteurs  les  plus 
habiles  en  ce  genre  de  tromper  les  organes 
d’un  gourmet  de  fromage. 

Une  opinion  trop  généralement  accréditée 
est  celle  qui  n’admet  d’autre  différence  dans  la 
qualité  des  fromages  que  celle  qui  peut  dépen- 
dre de  la  nature  des  herbages.  Sans  doute  la 
nourriture  influe  d’une  manière  très-marquée 


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a l’économie  rurale. 


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sur  le  lait , et  doit  donner  aux  parties  consti- 
tuantes de  ce  fluide  des  propriétés  particulières. 
Mais  on  a donné  trop  de  latitude  à cette  in- 
fluence , car  l’expérience  démontre  journelle- 
ment que , dans  le  même  endroit , le  vacher 
de  telle  laiterie  fabrique  de  bons  fromages , lors- 
que tel  autre,  au  contraire,  avec  le  même  lait, 
n’en  obtient  que  d’inférieurs.  On  sait , par 
exemple , que  les  pâturages  ne  sont  pas  mer- 
veilleux dans  les  cantons  de  la  ci-devant  Brie, 
et  cependant  les  fromages  y sont  renommés, 
tandis  qu’à  peu  de  distance  de  ce  département 
on  en  prépare  qui  n’ont  pas  la  même  valeur, 
quoique  les  fourrages  y soient  sensiblement  de 
meilleure  qualité. 

Les  hommes  qui , dans  ce  cas , attribuent 
tout  à la  qualité  des  alimens , et  rien  au  pro- 
cédé, ressemblent  beaucoup  à ces  jardiniers 
mal -adroits  accoutumés  à mutiler  les  arbres 
fruitiers,  croyant  les  bien  travailler:  ils  regar- 
dent toujours  la  qualité  du  sol  comme  la  cause 
du  dépérissement  de  ceux  dont  le  soin  leur 
est  confié , et  ne  veulent  pas  se  persuader  que 
le  succès  de  leurs  confrères  est  dû  à l’em- 
ploi qu’ils  font  d’une  meilleure  méthode.  On 
ne  saurait  douter  qu’avec  les  substances  les 
plus  parfaites  dans  tous  les  genres,  les  ouvriers 
ignorans  ne  fassent  constamment  du  médiocre 
ou  du  mauvais. 

Il  n’en  est  pas  des  fromages  comme  du  beurre. 
Ce  dernier  existe  tout  formé  dans  le  lait  : il  ne 


1 


352  DU  LAIlJ  RELATIVEMENT 

faut  qu’un  peu  d’attention  de  la  part  de  la 
fdle  de  basse-cour  pour  lever  la  crème  , la 
battre  à propos,  laver  exactement  le  beurre, 
le  mettre  à l’abri  de  l’air  et  de  la  chaleur,  afin 
de  prolonger,  pendant  un  certain  temps,  ses 
bonnes  qualités. 

Mais  l’art  de  faire  les  fromages  demande 
d’autres  soins , d’autres  précautions;  il  faut  con- 
sulter l’atmosphère  et  les  localités,  pour  retar- 
der, accélérer  ou  suspendre  les  effets  de  la 
fermentation  dont  le  concours  est  nécessaire  : 
aussi , quoiqu’on  puisse  faire  des  fromages  dans 
toutes  les  saisons,  choisit-on  de  préférence 
l’été , parce  qu’alors  les  animaux  coûtent  moins, 
qu'ils  sont  plus  abondans  eii  lait,  que  ce  lait 
se  caille  plus  facilement  et  plus  complètement; 
qu’en  un  mot,  les  fromages  ont  le  temps  de  se 
façonner  et  d’acquérir  insensiblement  les  qua- 
lités qu’on  désire  qu’ils  aient  dans  la  saison  où 
ils  deviennent  d’un  usage  journalier.  Mais , 
combien  cette  branche  de  nos  ressources  est 
négligée  parmi  nous,  tandis  que,  sans  aug- 
menter le  travail  et  les  frais,  il  serait  si  facile 
de  la  mieux  soigner,  et  de  doubler,  par  consé- 
quent, les  bénéfices! 

C’est  à l’attention  suivie  que  la  Hollande,  la 
Suisse  et  l’Angleterre  ont  apportée  dans  cette 
branche  de  l’économie  rurale,  que  ces  nations 
doivent  leur  grand  débit  de  fromages , dont  la 
qualité  supérieure  nous  rend  encore  , à cet 
égard,  leurs  tributaires.  Cependant  nous  ne 





a l’économie  rurale. 


353 


manquons  point  de  pâturages  excellens,  qui  ne 
le  cèdent  en  rien  à ceux  qui  couvrent  le  sol 
de  ces  pays.  Quels  seraient  donc  les  obstacles 
qui  nous  empêcheraient  d’augmenter , dans 
quelques-uns  de  nos  départemens , le  nombre  de 
nos  fabriques  en  ce  genre?  Nous  préviendrions 
par  ce  moyen  la  sortie  annuelle  du  numéraire 
qui  va  circuler  chez  l’étranger;  peut-être  même 
qu’en  se  livrant  avec  la  même  activité  à cette 
branche  de  commerce,  nous  attirerions,  à notre 
tour,  l’argent  de  nos  voisins,  qui,  privés  des 
mêmes  ressources  que  la  France , n’ont  pas  les 
moyens  d’entretenir  assez  de  bestiaux  pour  pou- 
voir songer  à convertir  leur  lait  en  fromages. 

Ne  pourrait-on  pas,  à cet  effet,  dans  plu- 
sieurs départemens , tels  que  le  Calvados  et  la 
Seine  inférieure,  où  l’on  fabrique  d’excellens 
beurres  et  de  très-bons  fromages,  étendre  la 
consommation  de  ces  deux  denrées  de  premier 
besoin , en  favorisant , par  toutes  les  voies  pos- 
sibles, leur  exportation.  Augmenter  la  vente  de 
ces  objets , c’est  multiplier  le  nombre  des  bes- 
tiaux et  grossir  la  masse  des  engrais,  avantages 
précieux  pour  l’agriculture  et  le  commerce. 

Toutes  les  fois,  il  est  vrai,  qu’on  peut  comp- 
ter sur  une  vente  assurée  et  lucrative  de  beurre, 
il  ne  faut  pas  songer  à faire  des  fromages;  les 
débouchés  sont  même  plus  faciles  pour  le  pre- 
mier de  ces  deux  produits.  D’ailleurs,  sa  pré- 
paration exige  moins  de  travail , de  temps  et 
d’avances;  chaque  jour,  chaque  décade,  on 


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354  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

peut  réaliser  ses  fonds,  tandis  que  , pour  les  fro- 
raagés,  on  est  forcé  d’attendre  qu’ils  soient  faits, 
et  souvent,  pour  les  débiter,  de  se  déplacer,  de 
courir  les  foires , ou  de  s’en  rapporter  à des  com- 
missionnaires, quelquefois  infidèles.  Aussi  se 
borne-t-on  à n’en  faire , pour  la  consommation 
intérieure  de  la  métairie , qu’avec  le  lait  écrémé , 
c’est-à-dire,  avec  celui  d’où  l’on  extrait  le 
beurre  : on  en  agit  de  même  dans  les  cantons  à 
fromage  , où  l’on  11e  prépare  que  la  quantité  de 
beurre  indispensable  pour  les  besoins  du  ménage. 

Cette  règle  n’est  cependant  pas  sans  excep- 
tion, car  dans  la  fameuse  vallée  d’Auge,  où 
l’on  fabrique  d’excellens  fromages  connus  sous 
la  dénomination  de  fromages  de  Livarot , on 
ne  laisse  pas  que  d’y  faire  du  beurre  de  pro- 
vision ; mais  il  faut  convenir  en  même  temps 
qu’il  s’agit  d’une  vallée  couverte  des  meilleurs 
pâturages  qui  existent  dans  la  République,  et 
qu’en  enlevant  au  lait  une  portion  de  sa  crème 
il  en  conserve  encore  suffisamment  pour  don- 
ner au  caillé  une  consistance  grasse  et  molle, 
qui  caractérise  les  bons  fromages. 

L’âge  du  lait  est  ici  d’une  grande  considé- 
ration. Les  fromages  qui  proviennent  de  celui 
q^i  a vingt -quatre  heures  ne  sont  ni  aussi 
bons  ni  aussi  fins , toutes  choses  égales  d’ail- 
leurs, que  ceux  qui  résultent  d’un  lait  nouvelle- 
ment tiré  : alors  il  est  plus  homogène  et  plus 
propre  à recevoir  le  principe  qui  doit  opérer 
sa  coagulation  ; les  molécules  crémeuses  n’ont 


I 


355 


a l’économie  rurale. 

pas  encore  eu  le  temps  de  s’aggréger  à la  sur- 
face ni  de  former  un  corps  à part;  enfin,  elles 
restent  disséminées  et  confondues  dans  le  caillé 
au  moment  de  sa  formation  et  de  sa  sépara- 
tion d’avec  la  sérosité. 

Il  faut  cependant  attendre  que  le  lait  soit 
refroidi,  car  l’expérience  prouve  que,  soumis 
à la  baratte  trop  nouveau , il  ne  fournit  pas  la 
totalité  du  beurre  qu’il  contient , et  qu’il  y a 
aussi  dans  ce  cas  une  coagulation  incomplète., 
quand  bien  même  on  emploierait  excès  de 
présure  : si,  au  contraire,  on  opère  sur  du  lait 
trait  depuis  quelques  heures  et  chauffé  modé- 
rément, on  retire  la  totalité  du  fromage  qu’il 
renferme , même  avec  une  quantité  moins  ton- 
sidérable  de  matière  coagulante. 

A la  vérité , comme  dans  l’hiver  les  femelles 
ont  communément  un  peu  moins  de  lait,  on 
est  obligé  de  réunir  les  traites,  non-seulement 
du  matin  et  du  soir  , mais  encore  celles^de 
deux  et  trois  jours,  sur  tout  quand  il  s’agit  de 
ces  fromages  dont  le  volume  est  considérable. 

Indépendamment  du  sel  employé  comme 
condiment  et  assaisonnement  des  fromages,  on 
fait  entrer  encore  dans  leur  composition  diffé- 
rentes substances , qui  en  font  varier  infini- 
ment l’odeur , la  saveur  et  la  couleur.  Dans 
les  Vosges , par  exemple  , on  mêle  au  fromage 
de  Gérardmer  des  semences  de  la  famille  des 
ombellifères  : dans  le  pays  de  Limbourg , on  y 
incorpore  le  persil , la  ciboule  et  l’estragon  ; 


356  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

les  Italiens  se  servent  du  safran  pour  colorer 
le  fromage  de  Parmesan  : les  Anglais  sont  aussi 
dans  l’usage,  pour  certains  fromages,  de  prati- 
quer au  milieu  une  cavité  qu’ils  remplissent 
de  vin  de  Malaga  ou  de  Canaries;  la  liqueur 
«imbibe  dans  tout  le  fromage  et  lui  donne 
une  saveur  délicieuse  : enfin , on  fait  des  fro- 
mages à la  rose,  au  souci,  à l’œillet;  mais  ce 
ne  sont  là  que  des  accessoires  qui  ne  consti- 
tuent pas  essentiellement  les  fromages. 

Notre  intention  n’est  pas  de  suivre  en  détail 
toutes  les  opérations  qu’on  fait  subir  à la  ma- 
tière caséeuse  depuis  l’état  où  elle  se  trouve 
dans  le  lait  jusqu’à  ce  qu’elle  ait  pris  le  carac- 
tère de  fromage  propre  à être  débité;  nous 
ne  chercherons  pas  non  plus  à établir  quelles 
en  sont  les  proportions  relativement  aux  autres 
parties  constituantes,  pour  une  foule  de  rai- 
sons qu’il  serait  également  superflu  de  déduire  : 
no*is  observerons  seulement  qu’on  fait  des  fro- 
mages avec  le  lait  dont  on  a séparé  la  crème 
pour  en  obtenir  le  beurre  ; on  en  fait  avec  le 
lait,  pur,  tel  qu’il  sort  des  mamelles;  enfin,  on 
en  fait  en  ajoutant  à ce  lait  le  quart,  le  tiers 
ou  la  moitié  en  sus  de  la  crème  d’un  autre 
lait.  Tous  ces  fromages  offrent  autant  de  qua- 
lités distinctes;  mais  l’espèce  de  lait  et  la  ma- 
nière de  procéder  constituent  encore  d’autres 
nuances  : arrêtons-nous  d’abord  aux  quatre 
points  principaux  qui  forment  toute  la  théorie 
de  leur  fabrication;  ils  consistent, 


% 


a l’économie  rurale.  35 7 

i.°  A faire  cailler  le  lait; 

2.0  A séparer  le  sérum; 

3.°  A saler  le  caillé  égoutté; 

4.0  A affiner  les  fromages. 

Quelle  que  soit  la  méthode  adoptée  pour  la 
fabrique  des  différens  fromages  du  commerce, 
ces  opérations  sont  indispensables  : nous  sup- 
posons que  le  lieu  où  elles  s’exécutent  est  éga- 
lement pourvu  d’ustensiles  entretenus  sur  tout 
dans  une  propreté  scrupuleuse;  toute  fille  qui 
n'a  point  cette  attention  essentielle , devrait 
être  exclue  d’une  fromagerie. 

De  la  présure. 

On  sait  qu’il  existe  une  foule  de  corps  qui 
renferment  le  principe  coagulant  du  lait;  mais 
tous  ne  sont  pas  propres  à opérer  convenable- 
ment cet  effet , car  il  ne  suffit  pas  de  séparer 
la  matière  caséeuse  de  sa  sérosité , il  faut  encore 
lui  conserver  cette  souplesse,  cette  continuité, 
ce  moëlleux , qui  assurent  la  qualité  de  la  plu- 
part des  fromages,  particulièrement  de  ceux 
qu’on  réduit  en  petites  masses , qu’il  faut  vendre 
et  consommer  dans  l’année. 

La  liqueur  contenue  dans  l’estomac , et  l esto- 
mac  lui-même , de  la  plupart  des  ruminans  ou 
non  ruminans,  ont,  comme  nous  l’avons  déjà 
fait  remarquer,  la  propriété  de  faire  cailler  le 
lait , soit  qu’ils  se  nourrissent  exclusivement  de 
végétaux,  soit  qu’ils  ne  vivent  que  d’animaux; 

z 3 


358 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


cette  matière  est  communément  employée  dans 
les  fromageries  sous  le  nom  de  présure. 

Pour  préparer  la  présure  on  ouvre  la  cail- 
lette, on  en  détache  les  grumeaux  , on  les  lave 
dans  l’eau  fraîche,  et  on  les  essuie  avec  un 
linge  bien  propre;  on  les  sale,  et  on  remet  le 
tout  dans  la  caillette , qu’on  suspend  pour  la 
faire  sécher  et  s’en  servir  au  besoin. 

La  quantité  de  caillettes  qu’il  convient  de 
préparer  doit  être  réglée  sur  celle  des  fromages 
qu’on  se  propose  de  fabriquer  ; mais  il  vaut 
toujours  mieux  en  avoir  de  surnuméraires  que 
de  n’en  pas  avoir  assez. 

Chaque  département , chaque  canton,  et, 
pour  ainsi  dire , chaque  commune , a sa  méthode 
particulière  pour  employer  la  présure  ainsi  pré- 
parée : les  uns  ne  s’en  servent  que  dans  l’état 
sec , et  après  l’avoir  délayée  dans  un  peu  de  lait  ; 
les  autres  y ajoutent  des  liqueurs  vineuses,  des 
acides;  quelques-uns  font  digérer  dans  la  pré- 
sure , étendue  d’une  certaine  quantité  d’eau , des 
membranes  d’estomac  et  des  vessies  d’animaux 
de  toutes  classes,  et  ne  l’emploient  que  dans 
l’état  liquide  ; souvent  même  il  suffit  d’en 
frotter  la  coquille  ou  la  petite  écrèmette  de 
bois,  et  de  plonger  ensuite  cet  instrument 
dans  le  lait,  pour  déterminer  la  coagulation  ; 
enfin , il  y en  a qui  trempent  dan$  une  eau 
bouillante  l’amulette  ou  poche  de  veau  qui 
contient  la  présure  , et  quatre  ou  cinq  minutes 
après  cette  eau  est  suffisamment  chargée  pour 


opérer  l’effet  désiré.  Cette  préparation  est  ce 
qu’on  nomme  vulgairement  infusion  de  présure. 

Quelle  que  soit  la  composition  de  la  pré- 
sure et  la  forme  sous  laquelle  on  emploie  ce 
ferment  du  lait , il  est  bien  important  d’en 
ménager  la  dose,  sur  tout  en  été.  Sans  cette 
précaution  la  pâte  de  fromage  ne  réunit  pas 
les  conditions  essentielles  : si  on  en  met  par 
excès  elle  se  présente  en  grumeaux  désunis, 
sans  consistance , et  ne  retient  pas  assez  la 
crème  qui  se  sépare  de  la  sérosité;  en  moindre 
quantité,  au  contraire,  le  sérum  est  plus  adhé- 
rent au  caillé  et  n’est  pas  suffisamment  dépouillé 
de  matière  caséeuse.  Une  présure  à odeur 
forte  produit  encore  un  mauvais  effet. 

Pour  fixer,  à la  vérité,  d’une  manière  positive 
la  quantité  de  présure  à employer,  il  faudrait 
que  la  température  fût  constamment  la  même, 
et  que  le  lait  eut  une  égale  aptitude  à se  cail- 
ler. Or,  cette  uniformité  ne  saurait  exister 
ici;  les  variations  perpétuelles  de  l’atmosphère 
et  de  la  qualité  du  lait  apporteront  toujours 
de  puissans  obstacles  à cette  précision.  Tout  ce 
qu’on  peut  avancer  de  plus  conforme  à l’expé- 
rience , c’est  qu’il  faut  d’autant  plus  de  présure 
que  le  lait  est  plus  gras  et  plus  épais,  car  celui 
auquel  on  a enlevé  la  crème  pour  en  faire  du 
beurre,  est  plus  facile  à coaguler.  Au  reste 
c’est  à la  fermière  intelligente  à se  régler  sur  ce 
point  d’après  son  expérience  particulière,  qui 
seule  est  capable  de  la  guider  et  de  l’instruire. 

z 4 


36o 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


On  a cru  que  la  vertu  qu’a  la  présure  de  coa- 
guler le  lait,  dépendait  de  l’acide  qui  se  trouve 
dans  l’estomac  des  jeunes  animaux  ; mais  les 
expériences  d 'Young  et  les  nôtres  prouvent 
évidemment  que  cette  vertu  appartienne  éga- 
lement à une  foule  de  substances  fort  éloignées 
de  tout  soupçon  d’acidité. 

En  cherchant  à connaître  la  nature  de  la 
présure  et  sa  manière  d’agir  sur  le  lait , nous 
nous  sommes  convaincus  que  les  alkalis  qu’on 
y mêle  ne  détruisent  pas  sa  propriété  , mais 
que  la  température  qu’on  lui  donne  en  fait 
varier  singulièrement  les  effets  : il  faut  donc 
nécessairement  avoir  égard  à la  saison.  Lors- 
qu’il s’agit  de  l’employer,  on  met  généralement 
en  présure  le  lait  tel  qu’il  sort  du  pis  de  la 
femelle  pendant  l’été  ; mais  en  hiver  on  est 
obligé  d’exposer  le  vase  qui  le  contient  auprès 
du  feu,  ou  dans  un  bain-marie,  sans  quoi  l’ac- 
tion du  ferment  serait  lente  et  incomplète.  La 
nature  du  lait,  l’espèce  de  fromage  qu’on  se 
propose  de  fabriquer  , et  l’expérience  , sont 

encore  ici  les  seuls  guides  en  pareil  cas. 

\ 

Du  caillé. 

Séparé  de  sa  sérosité  , spontanément  ou  par 
la  coagulation  artificielle , le  caillé  offre  un 
aliment  très-recherché  dans  certains  pays  : les 
Lapons  sur  tout  en  mangent  en  très -grande 
quantité;  ils  l’obtiennent  en  ajoutant  gu  lait 
récemment  trait  du  sérum  aigri.  Mais  nous  avons 


a l’économie  rurale.  ooi 

déjà  considéré , sous  ce  point  de  vue , ce  pro- 
duit du  lait.  Examinons-le  maintenant  comme 
fromage. 

Quelle  que  soit  la  présure  dont  on  se  sert,  il 
convient  de  mettre  le  lait  dans  un  endroit  frais 
en  été,  et  de  le  tenir,  au  contraire,  chaude- 
ment lorsqu’il  fait  froid,  afin  de  faciliter  1 af- 
fermissement du  caillé  et  son  entière  séparation 
d’avec  la  sérosité. 

Lorsque  c’est  la  présure  sèche  qu’on  emploie, 
on  la  délaye  dans  un  peu  de  lait , et  on  la  mêle 
exactement  avec  une  cuiller,  ordinairement  de 
bois,  dans  toute  la  masse  du  fluide  ; après  quel- 
ques heures,  et  au  moyen  du  repos,  la  coagu- 
lation s’opère. 

Dès  que  le  lait  est  suffisamment  pris , on 
le  laisse  reposer , plus  ou  moins  de  temps,  sui- 
vant la  saison , afin  que  le  sérum  dispersé  dans 
la  masse  du  caillé , se  rassemble  et  puisse  en 
être  séparé  ; on  y parvient  en  inclinant  dou- 
cement le  vase. 

Le  caillé , débarrassé  d’une  partie  de  sa  séro- 
sité, est  enlevé  avec  une  cuiller  de  bois  percée 
de  trous , et  distribué  par  portions  dans  des 
éclisses  d’osier , à travers  lesquelles  le  petit-lait 
s’écoule  librement,  en  prenant  la  forme  du 
moule  qui  le  contient  : insensiblement  le  caillé 
se  sèche  , et  acquiert  assez  de  consistance  pour 
se  détacher  facilement  et  être  renversé  sens 
dessus  dessous  dans  d’autres  éclisses,  également 
percées  de  trous  de  toutes  parts , où  il  reste 


56a  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

encore  à peu  près  le  même  espace  de  temps. 
De  ces  éclisses  dépendent  la  forme  et  le  volume 
quon  veut  donner  aux  fromages. 

Quand  le  caillé  est  suffisamment  ressuyé,  et 
quil  a acquis  la  consistance  d’un  fromage  en 
forme,  on  le  sépare  de  l’éclisse.  Pour  cet  effet, 
on  le  renverse  sur  des  tablettes  ou  clayons,  à 
jour  , couverts  de  paille  : on  entoure  commu- 
nément ces  clayons  d’une  toile  forte  et  à tissu 
lâche  , non-seulement  pour  laisser  un  libre  cou- 
rant à l’air  et,  par  conséquent,  à l’évaporation 
de  l’humidité  surabondante,  mais  encore  afin 
de  le  garantir  des  mouches  qui  accourent  de 
toutes  parts,  alléchées  par  l'odeur  du  gaz 
vineux,  qui  s’exhale  au  loin. 

Salure  du  caillé. 

\ 

Le  caillé , préparé  comme  on  vient  de  le 
dire , s’altérerait  bientôt  si  on  ne  se  hâtait  d’y 
ajouter  un  condiment.  Celui  auquel  on  a 
recours  est  le  muriate  de  soude  (sel  marin); 
mais  il  faut  toujours  l’employer  avec  modéra- 
tion , dans  un  état  sec  et  broyé , pour  faciliter 
sa  dissolution  et  sa  pénétration  insensible  dans 
toutes  les  parties  du  caillé.  La  quantité  qu’il 
convient  d’en  mettre  ne  saurait  être  déterminée 
encore  que  par  l’expérience  et  l’habitude  jour- 
nalière. 

Lorsque  le  caillé  a la  consistance  requise , 
on  en  ratisse  la  surface,  et  on  la  recouvre  avec 
du  sel;  le  lendemain  on  retourne  le  fromage, 


. : s 


A l’economie  rurale. 


363 


et  on  procède  de  la  meme  manière  que  la  veille , 
afin  de  saler  également  l’autre  surface  et  les 
côtés  qui  n’avaient  pas  recule  sel.  Enfin,  on 
répète  cette  opération  jusqu’à  ce  que  le  fro- 
mage ait  pris  la  juste  quantité  de  sel  qui  lui 
convient  ; ce  qu’on  reconnaît  par  la  dégusta- 
tion, et  sur  tout  lorsqu’il  n’en  absorbe  plus: 
alors  on  distribue  le  caillé  salé  sur  des  espèces 
de  claies  ou  rayons  faits  comme  une  échelle, 
et  rangés  prés  des  murs  de  la  fromagerie;  on 
y met  de  la  paille  de  seigle , sur  laquelle  on 
arrange  les  fromages  de  manière  qu’ils  ne  se 
touchent  par  aucun  point. 

Nous  disons  expressément  la  paille  de  seigle  , 
parce  que  l’expérience  des  fromagers  leur  a 
prouvé  qu’il  n’est  pas  indifférent  de  se  servir 
de  toute  espèce  de  paille  pour  y étendre  les 
fromages  ; ils  préfèrent  celle  de  seigle , comme 
ayant  la  propriété  de  se  détériorer  moins  promp- 
tement et  de  ne  communiquer  aucune  qualité 
étrangère. 

Ainsi  arrangés,  les  fromages  sont  retournés 
tous  les  deux  jours  pendant  environ  deux  mois, 
afin  que  la  paille  , qui  était  inférieure  la  veille, 
devienne  supérieure  le  lendemain  et  soit  séchée 
à son  tour  ; alors  cette  opération  n’est  plus 
répétée  que  tous  les  huit  jours,  en  observant 
de  renouveler  la  paille  et  de  laver  les  claies, 
dans  la  crainte  quelles  ne  communiquent  quel- 
que mauvais  goût. 


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»u  lait  relativement 


Affinage  des  fromages. 

Pour  affiner  les  fromages,  on  les  porte  dans 
un  endroit  frais  et  humide,  ayant  soin  de  les 
garantir  des  souris,  des  chats,  et  sur  tout  des 
insectes  qui  y déposent  leurs  œufs. 

Il  y a certains  fromages  disposés  à sécher 
trop  vite.  Pour  éviter  cet  inconvénient,  quel- 
ques fabricans  les  frottent  avec  de  l’huile; 
d’autres  les  couvrent  de  lies  de  vin , ou , mieux 
encore , les  enveloppent  avec  un  linge  imbibé 
de  vinaigre  : souvent  aussi , quand  les  fromages 
ne  sont  pas  d’un  grand  volume,  on  les  entoure 
de  feuilles  d’orties  ou  de  cresson,  qu’on  renou- 
velle de  temps  en  temps;  quelquefois  aussi  de 
foin  tendre , qu’on  humecte  avec  de  l’eau  tiède , 
en  le  retournant  souvent. 

Ceux  qui  n’ont  pas  de  localités  disposées  pour 
ces  opérations,  tiennent  les  fromages  exposés 
à l'air,  sur  une  claie  suspendue  dans  leur  chau- 
mière, et,  pour  les  faire  affiner,  ils  les  plient 
dans  du  foin  mouillé,  avec  une  lessive  de 
cendres  ; mais  il  arrive  très-souvent  que  la  fer- 
mentation dévance  le  temps  fixé  par  leur  cal- 
cul, et  que  la  pâte  a contracté  un  goût  fort, 
avant  l’époque  de  la  vente. 

Une  fois  les  fromages  affinés,  on  les  enlève 
de  dessus  la  claie , on  les  expose  sur  des  plan- 
ches dans  un  endroit  où  ils  ne  sèchent  ni  trop 
ni  trop  peu.  Il  faut  sur  tout  observer  que  ces 
planches  ne  soient  point  de  pin  ou  de  sapin , 


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a l’économie  rurale. 

ou  d’autres  bois  résineux  de  cette  espèce  , parce 
que  le  fromage  en  contracterait  bientôt  le  goût 
et  l’odeur.  __ 

S’il  y a des  caves  propres  à bonifier  les  vins 
qui  y séjournent , elles  n ont  pas  moins  d’in- 
fluence sur  les  fromages.  La  célébrité  dont 
jouissent  les  souterrains  creusés  dans  les  rochers 
de  Roquefort,  où  il  se  façonne  par  an  environ 
six  mille  quintaux  de  fromages,  en  est  une 
preuve  non  équivoque.  ^ 

Le  fléau  le  plus  destructeur  des  fromages, 
de  ceux  sur  tout  obtenus  sans  le  concours  de 
la  cuisson,  ce  sont  les  mites  : elles  éclosent 
dans  leur  croûte , et  s’y  multiplient  à l’infini. 
On  sait  combien  cet  inconvénient  en  diminue 
la  valeur  en  en  restreignant  le  commerce  à un 
ordre  de  consommateurs  peu  difficiles  sur  l’as- 
pect et  sur  le  goût. 

Plusieurs  moyens  ont  été  proposés  pour 
prévenir  la  vermifîcation  si  commune  dans  les 
fromages  : les  plus  efficaces  consistent  à tra- 
vailler à des  heures  et  dans  des  endroits  à l’abri 
des  mouches,  à entretenir  la  propreté  et  la 
fraîcheur  dans  les  caves , à frotter  les  fromages 
avec  un  linge  une  fois  par  décade , et  à laver 
les  planches  sur  lesquelles  ils  sont  distribués. 

Le  fromage  parvenu  au  dernier  degré  de 
putrescence,  contient-il  encore  tout  le  sel  ma- 
rin qu’on  y a introduit  lors  de  sa  préparation  ? 
Telle  est  la  question  que  nous  nous  sommes 
faite  ; et  yoici  notre  réponse. 


366  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Le  but  qu’on  se  propose  en  ajoutant  du  sel 


marin  au  fromage,  est  de  fournir  à la  matière 
caséeuse  une  sorte  de  condiment,  qui  s’oppose 
d’une  part  à la  décomposition  de  cette  matière  , 
et , de  l’autre  , lui  donne  une  saveur  qui  con- 


corps  qu’on  obtient  d’une  digestion  facile. 
Mais  tous  ces  avantages  n’ont  qu’une  durée 


paré,  peut  être  considéré  comme  un  corps  très- 
composé  ; or  il  est  de  l’essence  des  corps  de 
cette  espèce  de  tendre  continuellement  à chan- 


une  saveur  et  une  consistance  différentes  de 
celles  qu’il  avait  peu  de  temps  après  sa  prépa- 
ration , et  qu’enfin  il  arrive  au  terme  d’une 
décomposition  complète. 

On  se  tromperait  si  on  croyait  que  la  ma- 
tière caséeuse  est  seule  susceptible  d’éprouver 
une  décomposition  ; le  sel  marin  lui-même  n’en 
est  pas  exempt.  Aussi , lorsqu’on  vient  à exami- 


suivant  l’expression  commune  , qui  est  passé  , 
ne  retrouve-t-on  plus  la  même  quantité  de  sel 
qu’il  contenait  dans  sa  nouveauté.  C’est  ce  dont 
nous  avons  eu  la  preuve  en  analysant  des  froma- 
ges cuits  et  préparés  depuis  plus  de  deux  ans. 

Ces  fromages  n’étaient  presque  plus  salés; 
ils  étaient  secs  et  faciles  à pulvériser  ; ils  avaient 
encore  une  odeur  qui  semblait  participer,  et 


vienne  à l’organe  du  goût  et  rende  le  nouveau 


déterminée,  car  le  fromage,  lorsqu’il  est  pré- 


ger  d’état  : il  en  résulte  nécessairement  que  le 
fromage  doit,  tôt  ou  tard  , acquérir  une  odeur, 


ner chimiquement  du  fromage  décomposé,  ou, 


! 


a l’économie  rurale.  56q 

de  celle  des  corps  rances,  et  de  celle  des  corps 
qui  commencent  à se  putréfier. 

Il  faut  remarquer  cependant  que  ces  carac- 
tères se  faisaient  plus  particulièrement  remar- 
quer dans  certains  fromages  que  dans  d’autres. 
Par  exemple,  ceux  de  Hollande  etc.,  et  pres- 
que tous  ceux  de  cette  espèce  auxquels  on 
n’applique  jamais  la  cuisson , et  qui  par  consé- 
quent conservent  une  sorte  de  mollesse,  nous 
ont  paru  plus  susceptibles  de  se  décomposer 
promptement  que  ceux  qui  ont  été  cuits,  tels 
que  le  fromage  de  Gruyère. 

Il  semble  que  pendant  la  cuisson  toutes  les 
matières  qui  composent  ces  derniers  fromages 
ont  été  mieux  combinées  ; comme , d’ailleurs , ils 
contiennent  infiniment  moins  d’humidité,  il 
n’est  pas  étonnant  qu’ils  se  conservent  plus  long- 
temps, et  que  le  sel  marin  sur  tout  ne  s’y  altère 
pas  aussi  promptement  que  dans  ceux  dans  la 
fabrication  desquels  l’extraction  de  la  sérosité 
surabondante  à l’état  du  caillé  a eu  lieu  spon- 
tanément. 


Article  VIII. 

Des  différentes  qualités  de  fromages . 

Les  opérations  décrites  dans  l’article  précé- 
dent , sont  absolument  indispensables  pour  la 
fabrication  des  fromages  en  général  ; mais  elles 
appartiennent  plus  spécialement  encore  à la 
classe  de  ceux  qui , ayant  une  consistance  plus 


368 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

ou  moins  molle,  se  consomment  sur  les  lieux 
ou  dans  les  pays  circonvoisins,  et  nerpeuvent 
se  garder  en  bon  état  que  six  à sept  mois  au 
plus,  à dater  de  l’époque  où  ils  sont  affinés. 

L’application  de  la  présure  au  lait,  la  tem- 
pérature qu’on  donne  à ce  fluide , la  manière 
de  séparer  la  sérosité  du  caillé  et  d’y  introduire 
le  sel , les  matières  qu’on  y ajoute  pour  les  assai- 
sonner et  les  colorer , sont  autant  de  circons- 
tances qui  font  varier  la  qualité  de  la  pâte  qui 
en  résulte , et  la  rendent  propre  à circuler  en 
grosses  masses  dans  les  départemens  éloignés 
de  ceux  où  ils  se  fabriquent. 

Pour  donner  aux  fromages  ces  conditions 
essentielles,  il  ne  s’agit  pas  de  changer  la  nature 
et  les  proportions  des  matériaux  qui  entrent 
dans  leur  composition , mais  bien  les  prépara- 
tions qu’ils  doivent  subir,  soit  pour  en  séparer  , 
le  plus  complètement  possible,  la  sérosité,  soit 
pour  en  combiner  une  portion  plus  intimement 
avec  le  caillé,  et  en  former  un  corps  moins 
susceptible  d’altération. 

Nous  pourrions  nous  borner  à ce  que  nous 
avons  déjà  exposé  concernant  la  fabrication 
des  fromages  en  général,  sur  tout  après  le 
travail  que  le  citoyen  Desmarets , membre  de 
l’institut  national,,  a entrepris  sur  cet  objet 
intéressant  de  l’économie  rurale.  Ce  savant  a 
étudié , en  effet , non  - seulement  toutes  les  mé- 
thodes des  pays  qu’il  a parcourus,  l’ordre  et  la 
liaison  de  leurs  procédés , de  manière  à saisir 


a l’économie  rurale.  36g 

ce  qui  pouvait  en  caractériser  les  résultats , mais 
il  a encore  suivi  avec  la  plus  scrupuleuse  exac- 
titude les  manipulations  les  plus  délicates,  lors- 
qu’elles lui  ont  paru  contribuer  au  succès  de 
l’opération  et  à l’éclaircissement  de  la  théorie  ; 
enfin  , il  a proposé  tous  les  moyens  de  recti- 
fication qui  lui  ont  paru  propres  à perfectionner 
ce  produit. 

Il  serait  donc  superflu  de  nous  arrêter  à dé- 
crire en  particulier  la  recette  des  fromages  qui 
ont  le  plus  de  vogue  en  Europe,  puisque  notre 
estimable  collègue  a traité  cet  objet  en  grand 
dans  la  partie  des  arts  de  l’encyclopédie  métho- 
dique, et  que  la  correspondance  rurale,  par 
la  Bretonerie , le  guide  du  fermier,  par  Artur 
Y oun g , le  cours  complet  d’agriculture,  par 
Rozier,  ne  laissent  non  plus,  à cet  égard,  rien 
à désirer. 

Mais  nous  nous  exposerions  aussi  à quelques 
reproches  fondés , si , dans  un  écrit  consacré 
à l’examen^  et  au  développement  de  toutes  les 
propriétés  du  lait , on  ne  trouvait  point  un 
aperçu  général  des  moyens  employés  pour 
donner  à la  plus  nutritive,  la  plus  abondante 
et  la  plus  usitée  des  parties  constituantes  de  ce 
fluide , toutes  les  nuances  qui  servent  à carac- 
tériser dans  le  commerce  la  nomenclature 
immense  des  fromages  connus. 

Une  première  opération , essentielle  à la  con- 
servation et  à la  bonté  des  fromages,  c’est  la 
dose  du  sel  et  sa  distribution  uniforme  dans 

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370  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

toute  la  niasse.  Ce  que  nous  avons  déjà  dit  de 
la  salaison  du  beurre,  doit  trouver  ici  son  appli- 
cation. Il  n’est  pas  douteux  que  les  fromages 
trop  salés  se  réduisent  en  grumaux  et  se  bri- 
sent dans  le  transport  ; mais  si  l’on  ne  met  pas 
suffisamment  de  sel,  la  croûte  crève,  et  la  pâte 
reste  sans  consistance.  La  quantité  convenable 
de  sel  est  donc  un  point  essentiel  à saisir  pour 
éviter  tous  ces  inconvéniens. 

i 

Une  autre  opération  non  moins  utile  à la 
conservation  des  fromages , c’est  d’exprimer  le 
petit-lait  du  caillé  avec  le  plus  de  soin  possible , 
car , quand  il  cesse  de  former  corps  avec  la 
matière  caséeuse  , il  est  absolument  ce  que 
celle-ci  est  au  beurre,  qui  ne  tarde  pas  à ran- 
cir quand  il  n’en  est  pas  entièrement  dépouillé  ; 
devenu  libre  dans  la  masse  du  caillé,  il  con- 
tribue de  mille  manières  à sa  décomposition, 
et  le  fait  bientôt  viser  à l’alkalescence.  C’est 
en  effet  spécialement  sur  la  séparation  plus 
ou  moins  complète  de  ce  fluide  qu’est  fondé 
l’art  des  fromages,  qu’on  peut  rapporter  à trois 
grandes  divisions  ; savoir  : 

i.°  Les  fromages  dont  le  petit  lait  se  sépare 
spontanément , et  qui , conservant  plus  ou 
moins  de  mollesse , sont  ordinairement  en 
petite  masse  ; 

2.0  Les  fromages  dépouillés  de  la  sérosité, 
au  moyen  de  la  compression,  et  qui  ont  pliis 
de  consistance  et  de  volume; 

3.°  Les  fromages  auxquels  on  applique  l ac- 


a l’économie  rurale.  071 

tion  de  la  presse  et  de  la  chaleur,  pour  leur 
donner  une  grande  fermeté  et  le  plus  de  durée 
possible. 

Toutes  ces  différentes  qualités  de  fromages, 
qu’on  désigne  communément  sous  les  noms  de 
fromages  gras  ou  fermes,  de  fromages  cuits  ou 
non  cuits , peuvent  se  préparer  avec  toutes  les 
espèces  de  lait,  employées  séparément  ou  mé- 
langées; mais  c’est  le  lait  de  vache  qui,  dans 
les  grandes  fabriques , sert  le  plus  ordinaire- 
ment à cet  objet. 

Des  fromages  privés  de  la  sérosité 
spontanément. 

On  compte  plusieurs  mets  préparés  avec  le 
lait,  et  qui  paraissent  journellement  sur  la  table 
sous  le  nom  de  fromage  ; mais  ce  n’est , à pro- 
prement parler,  que  de  la  crème  nouvelle  qu’on 
bat  comme  pour  faire  le  beurre , et  dont  on 
suspend  la  percussion  au  moment  où  ce  fluide 
acquiert  une  sorte  de  consistance  ; tel  est  le 
fromage  de  Viry  , tel  est  le  fromage  à la  crème 
de  Mondidier.  Ces  sortes  de  fromages  sont 
ordinairement  assaisonnés  avec  du  sel  ou  du 
sucre , suivant  les  goûts  et  les  moyens  de  ceux 
qui  doivent  en  faire  usage. 

On  sait  encore  que  le  caillé,  pourvu  plus 
ou  moins  abondamment  de  sa  sérosité,  et  ob- 
tenu par  la  coagulation  spontanée  du  lait  ou 
par  l’addition  de  quelques  matières  coagulantes , 


372  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

offre  un  aliment  assez  recherché,  sur  tout  des 
habitans  des  montagnes  couvertes  de  pâturages; 
ils  ont  chacun  une  manière  particulière  de  s’en 
servir.  On  le  connaît  sous  le  nom  de  caillé , 
mattes , fromage  maigre , fromage  mou , fro- 
mage à la  pie  ; on  l’appelle  fromage  à la  crème , 
quand  il  est  arrosé  avec  le  lait  ou  avec  la  crème. 
Mais  notre  intention  n’étant  pas  de  grossir  cet 
ouvrage  par  la  description  des  mets  préparés 
extemporanément  avec  le  lait,  et  que  la  sensua- 
lité'a  tant  multipliés,  nous  allons  continuer 
l’examen  méthodique  des  véritables  fromages 
les  plus  répandus  dans  le  commerce. 

Nous  avons  déjà  observé  que  le  caillé  résul- 
tant de  la  coagulation  artificielle  du  lait,  était 
distribué  dans  des  éclisses  à jour , à travers  les- 
quelles il  se  dépouillait  insensiblement  de  sa 
sérosité.  Dès  que  la  pâte  est  ressuiée  et  qu’elle 
a acquis  la  consistance  d’un  fromage  en  forme, 
on  en  sépare  le  duvet  et  la  mucosité  qui  se  pré- 
sentent à la  surface  ; on  les  racle  avec  la  lame 
d’un  couteau.  Le  fromage,  une  fois  débarrassé 
de  cette  superfluité,  est  blanc,  propre  et  de 
bonne  odeur. 

Dans  cette  première  classe  de  fromage,  dont 
la  sérosité  est  séparée  spontanément,  le  caillé 
, conserve  un  certain  temps  sa  forme  gélatineuse; 
la  crème,  interposée  entre  ses  parties,  y subsiste 
sans  former  de  combinaison , puisqu’en  donnant 
avec  de  l’eau  pure  à un  fromage  gras  de  six 
mois  de  fabrication  une  fluidité  comparable  à 


•] 


,1.. 


a l’économie  rurale.  5y5 

celle  de  la  crème , nous  en  avons  obtenu , au 
moyen  de  la  percussion,  une  assez  grande 
quantité  de  beurre. 

On  voit  d’ailleurs  dans  les  fabriques  où  l’on 
opère  sur  de  grandes  masses  de  lait,  que  ce 
fluide , lors  même  qu’il  se  coagule  , laisse  tou- 
jours échapper  de  la  crème  qui  monte  à sa  sur- 
face; maison  sait  aussi  que  le  caillé  en  retient, 
et  qu’on  peut  la  séparer,  soit  en  exprimant  ce 
caillé,  soit  en  le  faisant  chauffer;  enfin  on  a 
la  preuve  que  cette  crème,  soumise  à la  baratte, 
fournit  également  son  beurre  : il  n’est  donc  pas 
douteux,  d’après  cela,  que  ce  ne  soit  la  crème 
qui  influe  pour  beaucoup  sur  la  mollesse  des 
fromages  et  sur  leur  durée. 

Les  expériences  très-bien  faites  du  citoyen 
Payssé , pharmacien  en  chef  de  l’hôpital  mili- 
taire de  Mæstricht , prouvent  en  effet  que , plus 
le  lait  qui  sert  à la  confection  des  fromages 
est  abondant  en  crème,  moins  les  fromages 
acquierrent  de  disposition  à s’altérer  ; qu'au 
contraire,  le  lait  écrémé  donne  des  fromages 
qui  ont  nécessairement  une  qualité  inférieure 
et  une  plus  grande  tendance  à la  putréfaction. 

Les  fromages  de  l’espèce  de  ceux  dont  nous 
parlons,  abandonnés  à eux-mémes,  subissent 
différens  degrés  de  fermentation,  dont  il  est 
possible  de  suivre  la  marche  en  étudiant  les 
signes  qui  les  accompagnent. 

i.°  Ces  fromages  perdent  de  leur  volume  et 
s’affaissent  sur  eux-mémes. 


A A 3 


374  I>  U LAIT  RELATIVEMENT 

z.°  Leur  surface  forme  une  croûte  plus  ou 
moins  épaisse  et  sèche. 

3.°  La  substance  renfermée  sous  la  croûte 
prend  d’abord  une  consistance  molle  , et  insen- 
siblement elle  devient  assez  liquide  pour  couler  ; 
dans  cet  état,  elle  présente  toutes  les  apparen- 
ces d’une  matière  crémeuse  fort  épaisse,  dont 
l’odeur  et  la  saveur  ne  sont  plus  comparables 
à celles  qu’elle  avait  auparavant. 

4*°  Cette  espèce  de  crème  se  dessèche  à 
son  tour;  sa  surface  se  colore,  jaunit,  et  l’inté- 
rieur devient  d’une  odeur  et  d’une  saveur 
désagréables. 

•5.°  Enfin,  la  fermentation  putride  s’établit, 
et  opère  la  décomposition  totale  des  fromages, 
qui  alors  finissent  par  devenir  la  proie  des 
vers. 

Tels  sont  les  changemens  que  subissent,  plus 
ou  moins  promptement,  les  fromages  à raison 
des  localités  et  de  la  saison  ; ils  dépendent  néces- 
sairement de  la  production  de  combinaisons 
nouvelles.  L’azote  et  l’hydrogène,  qui  sont  au 
nombre  des  parties  constituantes  de  la  matière 
caséeuse , se  dégagent  les  premiers , et  viennent 
ensuite  se  réunir  pour  former  de  l’ammoniaque; 
celle-ci,  trouvant  de  la  matière  caséeuse  et  de 
la  crème,  qui  ne  sont  pas  encore  décomposées, 
se  combine  avec  elles  et  se  convertit  en  une 
espèce  de  matière  savoneuse , d'oû  résulte  ce 
liquide  blanc,  épais,  crémeux,  qui,  lorsqu’il 
existe  en  certaine  proportion , rompt  la  croûte 


a l’économie  rurale.  37.5 

qui  l’entourait  et  se  manifeste  à l’extérieur  : 
c’est  alors  qu’on  dit  que  le  fromage  coule. 

Tant  que  l’ammoniaque  rencontre  assez  de 
matière  caséeuse  pour  s’y  combiner , 1 odeur 
de  fromage  n’est  pas  autrement  incommode  ; 
mais,  lorsque  par  les  progrès  de  la  fermentation 
elle,  devient  plus  considérable  , alors  cette  am- 
moniaque s’exhale,  et,  comme  elle  entraîne 
avec  elle  des  corps  putrides  , elle  aflecte  désa- 
gréablement l’organe  de  la  vue  et  de  l’odorat  : 
c’est  à cette  époque  seulement  qu’il  n’est  plus 
possible  de  manger  le  fromage,  parce  qu’en 
effet  il  ne  contient  plus  rien  , ou  presque  rien  , 
des  substances  qui  le  constituaient  avant  que 
la  fermentation  fût  autant  avancée. 

Mais  quels  que  soient  les  soins  qu’on  prenne 
dans  la  préparation  des  fromages  de  cet  ordre , ils 
se  conservent  rarement  plus  d’une  année;  leur 
consistance  plus  ou  moins  molle , la  nécessité  de 
les  laisser  égoutter  spontanément,  ne  permet- 
tent point  qu’on  les  réunisse  en  grosses  masses  et 
qu’on  les  transporte  au  loin  : aussi  les  prépare- 
t-on  tous  les  ans  et  sont-ils  consommés  à peu 
de  distance  des  endroits  où  ils  sont  préparés. 

Dans  le  nombre  de  ces  fromages,  fabriqués 
par  tout  où  l’on  entretient  des  troupeaux  de 
vaches,  de  brebis  ou  de  chèvres,  il  en  est 
quelques-uns  dans  lesquels  la  crème  se  trouve 
par  surabondance;  tels  sont  ceux  de  Neufcha- 
tel,  de  Marolles,  de  Rollot,  du  Mont-d’or,  de 
Brie , de  Livarot , etc. , etc. 


* 


A A 4 


tf 


376  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Des  fromages  privés  de  la  sérosité  au  moyen 
de  la  compression. 

Pour  obtenir  ces  fromages  on  n’a  d’autre 
objet  que  de  briser  le  caillé  dès  qu’il  est 
formé , et  de  contraindre  le  sérum , qui  s’y 
trouve  disséminé  comme  dans  des  cellules  .par- 
ticulières , à se  séparer  promptement  ; d’où 
résulte  une  pâte  qui  prend  de  la  consistance 
à mesure  quelle  se  dépouille  du  fluide  qui 
lui  donnait  l’état  mou  et  tremblant  ; cette 
pâte  devient  susceptible  d’ètre  maniée  et  dis- 
tribuée dans  des  moules , au  travers  desquels 
s’égoutte  insensiblement  le  restant  d’humidité 
que  l’effort  des  mains  et  des  presses  n’a  pu 
extraire. 

Ainsi , dés  que  la  présure  a produit  son  effet, 
les  ouvriers  qui  président  aux  manutentions 
d’une  vacherie  et  à toutes  les  opérations  d’une 
laiterie , se  servent  d’une  lame  de  bois  en  forme 
d’épée,  pour  diviser  en  tout  sens  les  parties 
du  caillé  qui  nagent  dans  la  sérosité,  et  avec 
les  bras  qu’ils  plongent  dans  la  masse , ils  tour- 
nent sans  interruption , compriment  et  forment 
un  gâteau  qui  se  précipite  au  fond  du  vase, 
dont  il  prend  bientôt  la  forme  : on  l’en  retire 
et  on  le  serre  fortement  avec  les  deux  mains 
sur  une  table;  on  le  met  encore  à égoutter; 
on  le  comprime  de  nouveau , au  moyen  d’une 
pierre  d’un  certain  poids  , qui  achève  d’en 
dégager  le  superflu  du  petit  lait. 


a l’économie  rurale.  377 

La  pâte  du  caillé,  lorsque  la  saison  n’est  pas 
chaude,  reste  ainsi  pendant  deux  à trois  jours 
placée  près  du  feu  ; elle  augmente  alors  de 
volume  : il  s’établit  dans  l’intérieur  de  la  masse 
un  mouvement  de  fermentation;  on  y voit, 
des  yeux  , des  vides  occasionnés  par  l’air  -qui 
se  dégage  , et  tels  qu’on  les  observe  dans  une 
pâte  levée.  On  dit  alors  que  le  caillé  est  passé 
ou  soufflé,  et  on  l’appelle  tomme ; cest  dans 
-cet  état  qu’on  le  sale. 

Pour  procéder  à cette  opération  , le  fromager 
prend  le  gâteau  de  tomme , qu’il  divise  par 
morceaux , et  qu’il  pétrit  dans  la  boîte , ou  moule 
percé  de  plusieurs  trous.  Après  y avoir  jeté  une 
poignée  de  sel  il  achève  de  remplir  la  capacité 
du  moule  avec  de  la  tomme  pétrie,  salée  et 
réduite  en  pâte , qu’il  comprime  le  plus  qu’il  est 
possible;  il  en  fait  une  couche,  qu’il  recouvre 
d’unie  couche  légère  de  sel,  et  ainsi  de  suite, 
jusqu’à  ce  que  la  boite  soit  remplie.  Le  caillé 
reste  dans  son  moule , couvert  d’un  morceau 
de  toile , sous  une  presse , pendant  quelques 
jours,  et  on  le  retourne,  afin  que,  d’une  part, 
le  sel  qui  se  fond  dans  la  masse  en  pénètre 
également  toutes  les  parties , et  que , de  l’au- 
tre , on  puisse  en  extraire  le  petit  lait  superflu  , 
lequel,  ayant  dissous  une  certaine  quantité  de 
sel , sert  à humecter  la  surface  des  fromages. 

Au  sortir  de  la  presse  ils  sont  transportés  à 
la  cave,  où  l’on  a soin  de  les  retourner  tous 
les  jours , afin  que  le  sel  continue  à se  diviser 


^78  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

et  à se  distribuer  uniformément.  Quand  la  sur- 
face est  trop  sèche  il  faut  l’humecter  avec  le 
petit  lait  chargé  de  sel  : c’est  un  supplément 
qu’on  leur  administre. 

Après  que  les  fromages  ont  séjourné  pendant 
ui>certain  temps  à la  cave,  on  essuie  la  mousse 
qui  recouvre  leur  surface , et  on  racle  avec  la 
lame  d’un  couteau  la  croûte  qui  se  trouve  au- 
dessous;  elle  est  d’abord  molasse,  mais  elle 
acquiert  insensiblement  la  consistance  et  la 
couleur  désirées. 

Quelque  fluidité  qu’ait  en  apparence  le  petit 
lait  qui  se  dégage  des  fromages  gras  et  maigres, 
cuits  ou  non  cuits,  à diverses  époques  de  leur 
fabrication , il  contient  encore , comme  nous 
l’avons  fait  voir  dans  la  première  partie  de  cet 
ouvrage , plus  ou  moins  de  matière  caséeuse , 
dont  la  quantité  a paru , ai^citoyen  Desmareis , 
être  le  dixième  de  celle  qu’on  en  a tirée  d’abord. 
Il  S'étonne  avec  raison  de  ce  qu’on  abandonne 
aux  bestiaux,  dans  la  plupart  des  cantons,  le 
petit  lait  qui  a donné  le  premier  fromage , sans  le 
dépouiller  auparavant  du  fromage  secondaire. 

On  peut  obtenir  cette  matière  caséeuse , qui 
reste  encore  dans  une  espèce  de  combinaison 
avec  le  petit  lait , par  l’évaporation  et  par  la 
coagulation  , et  en  faire  des  fromages  secon- 
daires, connnus  dans  les  fabriques  sous  le  nom 
de  broute.  Ces  fromages,  qui  ne  forment  pas 
des  masses  aussi  fermes,  ont  une  saveur  fort 
agréable  ; ils  sont  la  nourriture  ordinaire  des 


i 


a l’économie  rurale.  079 

ouvriers  employés  à ces  fabriques,  et  le  régal 
de  ceux  qui  vont  les  visiter. 

Les  fromages  de  la  ci-devant  Auvergne, 
connus  sous  le  nom  de  fromages  de  forme , 
sont  compris  dans  la  classe  de  ceux  dont  nous 
venons  d’indiquer  la  préparation  : leur  conser- 
vation ne  va  gu  ères  au-delà  de  six  mois  envi- 
ron , tandis  qu’il  serait  possible  de  les  garder 
des  années  entières,  ét  aussi  long-temps,  pour 
le  moins,  que  les  fromages  de  Hollande,  avec 
lesquels  ils  ont  la  plus  grande  analogie. 

Comme  les  deux  tiers  des  revenus  du  dépar- 
tement du  Cantal  consistent  en  fromages , 
qui  pourraient  suppléer  les  fromages  de  Hol- 
lande, leur  être  même  préférés  , si,  pour  les 
mieux  préparer,  on  voulait  sortir  du  cercle  de 
ses  habitudes;  il  est  étonnant  que  les  fabricans 
ne  se  soient  pas  plus  occupés  de  la  recherche 
de  la  meilleure  méthode  de  les  faire , des 
moyens  de  les  conserver  plus  long-temps  , et 
de  profiter  des  vues  d’amélioration  qui  leur 
ont  été  présentées  par  des  hommes  dignes,  à 
plus  d’un  titre  , de  la  confiance  publique. 

Dans  ses  voyages  le  citoyen  Desmarets  n’a 
point  oublié  d’observer  les  principaux  procédés 
adoptés  relativement  aux  fromages  d’Hollande, 
pour  la  fabrication  desquels  on  a soin  d’expri- 
mer le  plus  exactement  la  sérosité  ; aussi  se 
détériorent-ils  moins  aisément  et  moins  promp- 
tement que  ceux  du  Cantal.  Il  trouve  d’abord 
que  les  Hollandais  ne  laissent  pas  fermenter 


38o 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


leurs  gâteaux  de  caillé  aussi  long -temps  que 
le  lont  les  pâtres  du  Cantal,  et  qu’au  lieu  de 
les  saler  à mesure  qu'on  les  pétrit  et  qu’on  les 
entasse  dans  des  formes , ils  mettent  tremper 
les  fromages  dans  une  eau  salée , qui  dispose 
toute  la  masse  à recevoir  la  quantité  de  sel 
blanc  et  purifié  qu’on  répand  à leur  surface; 
ce  qui  le  distribue  d’une  manière  plus  égale. 

Un  des  motifs  qui,  suivant  l’observation  du 
citoyen  Desmcirets , doivent  réveiller  l’attention 
des  habitans  du  département  du  Cantal  sur  ce 
point  important  de  leur  industrie , est  la  con- 
currence des  Hollandais  qui  viennent  vendre 
dans  nos, ports,  et  sur  tout  à Bordeaux  et  à 
Larochelle , des  fromages  qui  lui  ont  toujours 
paru  avoir  un  plus  grand  débit  que  ceux  de 
la  ci-devant  Auvergne,  par  la  raison  seule  qu’ils 
sont  susceptibles  d une  plus  longue  durée;  car 
pour  la  qualité  il  pense  que  les  premiers  n’ont 
aucune  réputation  de  supériorité  bien  établie 
sur  celui  du  Cantal , et  qu’en  donnant  à ce  der- 
nier la  perfection  dont  il  est  susceptible  , non- 
seulement  on  retiendrait  dans  la  république  des 
fonds  qu’on  emploie  annuellement  à acheter  des 
fromages  étrangers,  mais  qu’on  ferait  même  de 
ceux  fabriqués  en  France  un  objet  d’exportation. 

A ces  sages  réflexions  de  notre  collègue 
Desmarets , joignons  celles  du  citoyen  Boys- 
sou,  qui  avait  soumis  à l’examen  de  la  ci-devant 
Société  de  Médecine,  ses  expériences  et  ses 
vues  sur  l’amélioration  des  fromages  du  Cantal, 


'•v,  * U f&L 


Après  avoir  examiné  attentivement  ce  que 
la  méthode  adoptée  dans  ces  fabriques  pouvait 
offrir  de  bon,  d’utile  ou  de  défectueux,  ce 
pharmacien  instruit  remarque  , entre  autres 
choses  , qu’il  serait  à désirer  que , pour  tarir 
une  source  continuelle  d’erreurs  et  d incerti- 
tudes dans  la  préparation  et  l’emploi  de  la  pré- 
sure , on  substituât  à ce  ferment  un  acide 
végétal  tiré  du  tartre  par  un  procédé  quil  a 
fait  connaître  , qu’il  conviendrait  de  mieux 
exprimer  la  sérosité  du  caillé,  et  de  ne  pousser 
celui-ci  qu’au  premier  degré  de  la  fermenta- 
tion ; de  déterminer  la  dose  du  sel  et  sa  distri- 
bution d’une  manière  plus  uniforme;  de  ne 
pas  donner  aux  fromages  un  volume  aussi 
considérable , afin  de  les  façonner,  de  les  com- 
primer et  de  favoriser  leur  perfection  ; de  les 
retourner  plus  souvent  qu’on  ne  fait,  soit  sous 
la  presse  , soit  à la  cave , afin  que  le  sel  ne 
se  porte  pas  sur  un  point  plutôt  que  sur  un 
autre  : en  un  mot,  l’auteur  voudrait  que,  pour 
les  préserver  du  contact  de  l’air,  on  les  emballât 
dans  des  caisses  ou  dans  des  barils  doubles  de 
fer-blanc  ou  de  plomb  laminé. 

Nous  n’insisterons  pas  davantage  sur  les  ob- 
servations du  citoyen  Boyssou,  tendantes  à 
améliorer  la  qualité  des  fromages  du  Cantal , 
et  à rendre  cette  source  constante  de  nos 
richesses  plus  utile  à la  France;  elles  rentrent 
absolument  dans  les  vues  du  citoyen  Desma - 
rets,  parce  que  la  vérité  n’est  qu’une  pour  tous 
les  hommes  accoutumés  à voir  et  à réfléchir. 


' 382 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 

Des  fromages  privés  de  la  sérosité  au  moyen 
de  la  compression  et  du  feu. 

Dans  les  deux  genres  de  fromages  dont  il  a été 
question  jusqu’à  présent , la  matière  caséeuse 
ne  subit  pas  l’action  du  feu;  il  suffit  d’exposer 
le  caillé  sur  des  vaisseaux  à claire  voie,  pour  les 
premiers,  et  d’employer  les  efforts  d’une  presse, 
pour  les  seconds.  Cette  opération  a pour  objet 
d’amener  la  pâte  à un  état  de  consistance,  telle 
qu’on  puisse  la  manier,  la  figurer  et  la  saler. 
Mais  lorsqu’on  veut  ajouter  encore  une  perfec- 
tion à cette  pratique  , il  faut  nécessairement  • 
employer  la  cuisson. 

Dès  qu’on  a tiré  tout  le  lait  qu’on  destine  à 
faire  les  fromages,  on  le  coule  dans  une  chau- 
dière exposée  à l’action  d’un  feu  modéré;  on 
enduit  ensuite  de  présure  toutes  les  surfaces 
de  lecuelle  plate  qu’on  plonge  dans  le  lait, 
et  qu’on  remue  dans  tous  les  sens.  * 

Après  que  la  présure,  aidée  de  la  chaleur, 
a fait  sentir  son  action  , on  enlève  le  lait  de 
dessus  le  feu,  et  on  le  laisse  en  repos;  il  se 
caille  en  peu  de  temps  : on  sépare  une  portion 
du  sérum,  et  on  en  conserve  suffisamment  pour 
cuire  à feu  modéré  la  masse  divisée  en  gru- 
meaux ; on  l’agite,  sans  discontinuer,  avec  les 
mains,  les  écuelles  et  les  moussoirs  dont  on  se 
sert  pour  la  brasser. 

Lorsqu’on  est  parvenu  à donner  à la  pâte 
une  grande  divi  ion  et  à lui  faire  présenter  le 


383 


a l’économie  rurale. 

plus  cle  surface  à l’action  du  feu,- on  en  modère 
la  cuisson , et  elle  est  à son  point  quand  les  gru- 
meaux qui  nagent  dans  le  petit  lait  ont  acquis 
un  degré  de  consistance  un  peu  ferme,  un  œil 
jaunâtre  , et  qu’ils  font  ressort  sous  les  doigts:  il 
faut  alors  enlever  la  chaudière  du  feu , remuer 
toujours,  et  rapprocher  en  différentes  niasses 
les  grumeaux,  ayant  l’attention  den  exprimer 
le  petit  lait  le  plus  exactement  possible. 

Cette  première  opération  terminée,  on  dis- 
tribue les  grumeaux  dans  des  moules , et  on 
emploie  la  presse  pour  en  faire  sortir  toute  la 
sérosité , et  les  réunir  de  manière  à former  un 
corps  d’une  homogénité  parfaite. 

Dans  les  fromages  égouttés  spontanément, 
la  salaison  est  facile  : trouvant  un  dissolvant 
dans  le  sérum  abondant  et  libre  en  quelque 
sorte,  le  sel,  séché  et  broyé,  se  distribue  bien- 
tôt dans  toute  la  masse,  s’empare  d’une  por- 
tion de  l’humidité , et  la  rend  plus  apte  à 
se  combiner  avec  la  matière  caséeuse,  quelle 
était  disposée  auparavant  à abandonner.  Il 
suffira  donc  d’en  soupoudrer  à diverses  reprises 
les  surfaces  : quelques  jours  suffisent  à cette 
opération. 

Pour  introduire  le  sel  dans  le  caillé  cuit, 
favoriser  sa. solution  et  sa  pénétration,  il  faut 
retourner  les  fromages  et  leur  donner  une  autre 
forme,  moins  large  que  celle  où  ils  ont  été 
moulés  d’abord.  Ils  restent  dans  cette  seconde 
forme  pendant  trois  semaines  ou  un  mois  sans 


584  DU  LAIT  relativement  ' 

être  comprimés  par  les  bases.  On  se  contente 
de  les  maintenir  dans  leur  contour  ; on  les 
sale  tous  les  jours,  en  frottant  de  sel  les  deux 
bases  et  une  partie  du  contour  ; à chaque 
fois  on  resserre  le  moule, -et  lorsqu’on  s’aper- 
çoit que  les  surfaces  n’absorbent  plus  le  sel, 
ce  qui  s’annonce  par  une  humidité  surabon- 
dante, on  cesse  d’y  en  mettre,  on  retire  les 
fromages  du  moule,  et  on  les  met  en  réserve 
dans  un  souterrain.  Les  fromages  de  cette  der- 
nière classe  sont  précisément  ceux  qui,  par 
leur  préparation,  sont  les  plus  propres  à se 
conserver  en  grosses  masses,  à circuler  dans 
le  commerce,  et  à devenir,  par  conséquent, 
d’un  transport  plus  facile  ; tel  est  le  fromage 
de  Gruyères,  tel  est  le  fromage  de  Chester, 
tel  est  le  fromage  de  Parmesan. 

Ces  trois  sortes  de  fromages , si  connus  en 
Europe  , diffèrent  par  leur  couleur,  leur  consis- 
tance et  leur  saveur,  malgré  la  ressemblance 
des  procédés  de  leur  fabrication  : la  pâte  du 
Parmesan  est  celle  qui  a le  plus  de  fermeté, 
à cause  d’un  plus  grand  degré  de  cuisson  et  de 
pression  qu’on  lui  fait  éprouver,  ce  qui  le  rend 
plus  propre  à être  rappé  et  à faire  partie  des 
alimens  dans  lesquels  il  entre. 

Il  ne  parait  pas  que,  jusqu’à  présent,  on  ait 
fait  aucune  tentative  pour  s’assurer  si , en 
mêlant  les  ctèmes  levées  sur  les  différentes 
espèces  de  lait  et  les  soumettant  ensemble  à 
la  baratte , on  ne  réussirait  pas  à améliorer 


\ 


a l’économie  rurale.  385 

le  beurre;  mais  nous  ne  doutons  point  que 
l’on  ne  perfectionnât  beaucoup  l’art  de  préparer 
les  fromages  en  mêlant  ainsi  les  laits,  et  qu’il 
ne  résultât  infailliblement  de  ce  mélange,  fait 
dans  des  proportions  convenables,  un  fromage 
d’une  qualité  supérieure  à celui  que  fournit  le 
lait  de  vache  tout  seul.  C’est  encore  là  un  de 
ces  aperçus  qu’il  serait  important  de  suivre,  à 
raison  des  avantages  qu’il  promet. 

Nous  en  avons  une  preuve  bien  évidente 
dans  le  fromage  de  Roquefort , qui , comme 
les  fromages  de  la  seconde  classe,  a perdu  sa 
sérosité  par  la  compression  : il  est  formé  ordi- 
nairement de  lait  de  brebis  ; on  y mêle  souvent 
celui  de  chèvre , et  cette  association  contribue 
à le  rendre  plus  délicat  et  plus  parfait.  Le  fro- 
mage de  Sassenage,  qui  jouit  'd’une  si  grande 
réputation  , n’est-il  pas  composé  du  lait  de  vache 
et  du  lait  de  brebis  ? et  quand  on  peut  y 
joindre  celui  de  chèvre , ce  fromage  en  vaut 
encore  infiniment  mieux.  N oublions  pas,  en- 
fin , que  le  meilleur  miel  est  celui  que  les 
abeilles  vont  ramasser  sur  les  fleurs  de  plantes 
de  plusieurs  familles. 

Avant  de  terminer  cet  article , nous  ferons 
encore  une  observation,  qui,  suivant  nous,  est 
de  la  plus  haute  importance  pour  la  prospérité 
du  commerce  des  fromages.  On  pourrait  faire 
par  tout  les  mêmes  espèces  de  fromages,  quoi- 
que cuits  avec  différentes  espèces  de  lait,  en  les 
soumettant  aux  mêmes  procédés.  Ne  fabrique- 

b n 


K 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


t-on  pas  déjà  dans  les  départemens  du  Jura, 
du  Doubs  et  des  Vosges,  'des  fromages  de  la 
qualité  de  ceux  qu’on  fabrique  à Gruyères  en 
Suisse.  Cette  espèce  mérite  sans  contredit  la  * 
préférence  sur  tous  les  fromages  qu’il  faut 
vendre  et  consommer  dans  l’année,  et  qui  ont 
le  grand  inconvénient  d’éprouver  un  déchet 
considérable  et  de  se  gâter  par  la  chaleur,  mal- 
gré les  précautions  que  l’on  prend  de  ne  les 
transporter  que  la  nuit , et  de  les  tenir  dans 
les  endroits  les  plus  frais  de  l’habitation. 

Article  VII. 

Emploi  du  lait  dans  quelques  procédés 
relu  tifs  au  x arts. 

L’emploi  du  lait,  ou  de  l’une  de  ses  parties 
constituantes,  ne  se  borne  pas  seulement  aux 
usages  économiques  et  médicinaux  ; on  pst 
parvenu  encore  à faire  quelques  applications 
avantageuses  de  ce  -Jluide  aux  arts  : pour  en 
donner  la  preuve  il  nous  suffira  de  citer,  entre 
autres  exemples,  la  clarification  des  liqueurs 
vineuses  et  spiritueuses  ; la  conservation  des 
viandes  ; le  blanchiment  des  toiles , etc. 


v 


Clarification  des  liqueurs  connues  sous  le 
nom  de  ratafiats. 

La  clarification  de  ces  sortes  de  liqueurs 
n’est  pas  toujours  aussi  facile  qu’on  pourrait 


a l’économie  rurale.  387 

le  croire  : souvent,  par  la  nature  du  sucre  et  par 
celle  des  substances  aromatiques  et  colorantes, 
employées  pour  les  faire,  ces  liqueurs  man- 
quent de  cette  transparence  qui  flatte  l’œil  et 
prévient  toujours  en  faveur  des  liqueurs. 

Envain  on  essaierait  de  les  abandonner  à 
elles-mêmes  pendant  un  certain  temps , dans 
l’espérance  quelles  laisseraient  déposer  les 
corps  contraires  à leur  transparence  ; inutile- 
ment aussi  on  voudrait  recourir  à la  filtration , 
soit  au  papier,  soit  à travers  un  tissu  d’étoffes 
de  laine.  La  consistance  trop  considérable  de 
ces  liqueurs  s’opposerait  toujours  à ce  que  ces 
deux  moyens  pussent  être  employés  avec  suc- 
cès, et  il  faudrait,  ou  se  déterminer  à les  boire 
troubles,  ou  à recourir,  pour  les  clarifier,  à 
l’emploi  de  différens  moyens  qui  pourraient 
préjudicier  à leur  qualité. 

On  obvie  à ces  inconvéniens  en  se  servant 
du  lait,  et  mieux  encore  de  la  crème  : la  quan- 
tité de  ce  dernier  fluide,  sur  tout,  qu’il  con- 
vient d’employer,  doit  être  peu  considérable; 
autrement  on  aurait  infailliblement  un  effet 
contraire  à celui  qu’on  désire  d’obtenir. 

Ainsi,  par  exemple u pour  chaque  pinte  de 
liqueur  qu’on  veut  clarifier , il  suffit  souvent 
d’ajouter  une  cuillerée  à café  de  crème  douce 
et  nouvelle  ; autrement  elle  gâte  les  liqueurs 
au  lieu  de  concourir  à la  perfection  qu’on  veut 
leur  donner , parce  que  l’esprit  ardent  s’empare 
du  principe  de  la  rancidité. 

b b a 


« 


/ 

388  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

On  agite,  pendant  une  minute  ou  deux,  le 
mélange,  et  on  l’abandonne  à lui-même  pen- 
dant deux  fois  vingt -quatre  heures,  même 
pendant  plus  long-temps  si  cela  est  nécessaire. 

On  est  averti  du  succès  de  l’opération , lors- 
qu’on se  rappelle  de  quelle  manière  l’alcohol  et 
le  sucre  agissent  sur  la  matière  caséeuse.  Qn 
sait,  en  effet,  qu’ils  ont  tous  deux  la  propriété 
de  coaguler  cette  matière.  C’est  précisément 
de  cette  propriété  que  dépend  la  clarification. 

La  matière  caséeuse , coagulée  en  même 
temps  dans  tous  les  pointa  de  la  liqueur , ne  tarde 
pas  à se  rassembler,  et,  comme  ses  molécules 
sont  spécifiquement  plus  légères  que  le  fluide 
dans  lequel  elles  se  trouvent , elles  viennent 
se  réunir  à la  surface , en  rassemblant  et  em- 
portant avec  elles  tous  les  corps  flottans  dans 
le  fluide  , qui  nuiraient  à sa  transparence.  Sou- 
vent il  arrive  que  la  réunion  des  molécules  de 
la  matière  caséeuse , au  lieu  de  s’opérer  à la 
surface , ne  se  présente  qu’au  fond  du  liquide. 
Cet  effet  se  remarque  principalement  lorsque 
la  coagulation  a été  rapide.  Dans  ce  cas,  la 
clarification  n’en  a pas  moins  lieu;  quelquefois 
même  elle  est  plus  complète  : elle  donne  d’ail- 
leurs la  facilité  de  pouvoir  soutirer  la  liqueur  par 
le  moyen  d’un  siphon,  et,  comme  alors  on 
l’obtient  déjà  claire , elle  passe  ensuite  très-aisé- 
ment à travers  le  filtre. 

Il  y a encore  un  grand  avantage  à se  servir 
de  la  crème , c’est  que  les  liqueurs  qui  ont  été 


I 


clarifiées  avec  elle  deviennent  plus  moëlleuses  , 
et  perdent  promptement  cette  saveur  peu  agréa- 
ble quelles  ont  presque  toujours  lorsqu’elles 
sont  nouvellement  faites.  Cet  avantage  est  d’au- 
tant plus  précieux  qu’il  permet  de  faire  usage 
de  ces  liqueurs  beaucoup  plus  tôt  que  lorsque, 
pour  les  clarifier,  on  a employé  simplement  la 
fdtration. 

Ce  moyen  d’opérer  la  clarification  des 
liqueurs  a été  long -temps  un  secret;  c’est  à 
l’emploi  que  quelques  distillateurs  liquoristes 
savaient  en  faire,  qu’était  due  la  réputation  de 
quelques  ratafiats , qu’on  a cherché  bien  des 
fois  à imiter,  sans  y avoir  jamais  pu  réussir. 

On  prétend  aussi  qu’on  peut  employer , avec 
le  même  succès,  la  crème  ou  le  lait  pour  cla- 
rifier le  vin,  et  que  ceux  sur  tout  qui  commen- 
cent à tourner  à l’acide  sont,  pour  ainsi  dire, 
restaurés  par  ce  moyen. 

En  effet , nous  avons  eu  occasion  d’examiner 
des  vins  qui  avaient  été  ainsi  clarifiés.  Ils  étaieAt 
devenus  clairs  et  potables.  Mais  nous  avons 
remarqué  aussi  qu’ils  ne  conservaient  pas  long- 
temps leur  transparence , et  qu’à  mesure  qu’ils 
se  troublaient,  ils  devenaient  tellement  acides 
qu’il  était  impossible  de  les  boire.  C’est  pour 
cela , sans  doute , que  ceux  qui  ont  recours  au 
lait  pour  clarifier  leurs  vins,  se  hâtent  de  s’en 
défaire  dès  qu’ils  aperçoivent  qu’ils  ont  acquis 
cette  limpidité  qui  en  impose  toujours  à l’acqué- 
reur, parce  qu’il  la  croit  naturelle,  ou  qu’il 


3go  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

ignore  les  moyens  dont  on  s’est  servi  pour 
l’obtenir. 

Il  est  plus  que  vraisemblable  que  l’usage  du 
lait  employé  comme  clarifiant , pourroit  être 
plus  étendu  qu’il  ne  l’a  été  jusqu’à  présent; 
mais  nous  devons  observer,  en  faveur  de  ceux 
qui  voudraient  y avoir  recours , qu’ils  n’obtien- 
. dront  de  succès  réel  qu’autant  que  les  fluides 
qu’ils  auront  à clarifier  contiendront  des  subs- 
tances propres  à opérer  la  coagulation  de  la 
matière  caséeuse,  car  autrement  le  lait  ou  la 
crème  , dont  on  se  serait  servi , resteraient , pour 
ainsi  dire , dissous  dans  la  liqueur  avec  laquelle 
ils  auraient  été  mêlés,  et  alors,  loin  de  la  cla- 
rifier, ils  augmenteraient  son  opacité  et  con- 
courraient même  à accélérer  son  altération. 

Du  blanchiment  des  toiles  jxtir  le  moyen 
du  sérum  ou  petit  lait. 

La  plupart  des  opérations  auxquelles  on  a 
recours  pour  enlever  aux  toiles  écrues  la  cou- 
leur' grise  qu'elles  ont  toujours  au  sortir  des 
mains  du  tisserand , sont  en  général  assez  sim- 
ples. On  sait  que  , pour  détruire  cette  couleur, 
il  suffit  de  faire  macérer  long-temps  les  toiles 
dans  des  liqueurs  alkalines , et  de  les  exposer 
ensuite  sur  le  pré  à l’action  de  l’air,  de  l’humi- 
dité et  de  la  lumière  ; ce  n’est  qu’en  renou- 
velant ces  opérations  qu’on  obtient  ce  premier 
blanc , suffisant  dans  bien  des  circonstances  , 


• a l’économie  rurale.  Sgi 

mais  qui  est  bien  éloigné  de  celui  qu’on  remar- 
que aux  toiles  traitées  avec  le  lait. 

Le  procédé  pour  blanchir  au  lait  consiste  à 
laisser  macérer,  pendant  vingt-quatre  heures, 
dans  un  bain  de  petit  lait  aigre,  ou,  mieux 
encore,  dans  du  lait  de  beurre,  la  toile  qui 
a déjà  subi  les  préparations  préliminaires  dont 
on  a parlé  plus  haut,  et  qui  par  conséquent  a 
le  premier  blanc  ; on  la  lessive  ensuite , et  on 
l’expose  sur  le  pré , avec  la  précaution  de  l’arro- 
ser de  temps  en  temps, avec  de  l’eau. 

Souvent  une  seule  macération  dans  le  bain 
de  lait  ne  suffit  pas;  alors  on  répète  cette  opé- 
ration jusqu’à  trois  fois,  et  même  davantage, 
si  cela  est  nécessaire. 

Les  différens  degrés  de  blancheur  qu’acquiert 
la  toile  en  multipliant  les  macérations,  se  dé- 
signent par  les  noms  de  premier,  de  second  et 
de  troisième  blancs. 

Le  lait  dans  lequel  on  a ainsi  laissé  macérer 
la  toile,  se  gâte  beaucoup  plus  promptement 
que  celui  qui  n’a  pas  servi  au  même  usage; 
Son  altération  se  manifeste  par  une  odeur  pu- 
tride assez  forte.  Lorsqu’il  est  arrivé  à cet  état , 
il  ne  peut  plus  être  employé  , car  il  n’opérerait 
pas  l’effet  du  blanchiment. 

Lorsque  la  température  de  l’atmosphère  n’est , 
pas  trop  chaude,  le  même  lait  peut  servir  plu- 
sieurs jours  de  suite.  Dans  ce  cas,  après  vingt- 
quatre  ou  trente-six  heures  de  macération,  on 
enlève  la  toile  pour  en  substituer  une  nouvelle 

£ B 4 


39»  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

dans  le  bain  ; ce  qu’on  répète  tant  que  le  lait 
n’a  pas  encore  passé  à la  fermentation  putride. 

La  difficulté  de  se  procurer  une  quantité  de 
lait  suffisante  pour  former  le  bain  usité  dans 
toutes  les  buanderies,  et  les  dépenses  qu’il  faut 
faire  pour  l’employer  , sont,  sans  doute  , causes 
que  le  blanchiment  au  lait  n’est  réservé  que 
pour  certaines  espèces  de  toiles , qui , pour 
cette  raison , sont  toujours  payées  plus  cher 
que  les  autres. 

On  reproche  aux  toiles  qui  ont  subi  cette 
opération  d’avoir  moins  de  solidité  que  celles 
qui  ont  été  blanchies  autrement.  Mais  il  ri’est 
pas  encore  bien  prouvé  que  ce  reproche  soit 
fondé.  D’ailleurs,  en  supposant  qu’il  le  fût , on 
ne  pourrait  pas  disconvenir  qu’un  pareil  incon- 
vénient est  compensé  au-delà  par  la  beauté  et 
la  blancheur  éclatante  qu’acquièrent  les  toiles, 
et  sur  tout  par  la  facilité  avec  laquelle  elles 
reçoivent  ensuite  les  différens  apprêts  qu’on 
leur  fait  subir. 

Il  est  bien  certain  encore  que  les  toiles , ainsi 
blanchies,  se  salissent  moins  promptement,  que 
les  autres,  et  que,  lorsqu’elles  sont  sales,  on 
parvient  à les  blanchir  avec  la  plus  grande 
facilité. 

Si  maintenant  on  cherche  à étudier  la  cause 
du  blanchiment  par  le  lait,  on  est  disposé  à 
l’attribuer  à la  décomposition  de  l’acide  lactique , 
dont  l’oxigène,  se  séparajit  du  radical  avec 
lequel  il  était  uni , se  porte  sur  la  matière  colo- 
\. 


a l’économie  rurale.  3q3 

rante  qui  avait  résisté  à l’action  des  lessives 
alkalines,  ainsi  qu’à  celle  de  l’air  et  de  la 
lumière;  formant  alors  avec  elle  une  combi- 
naison nouvelle , il  lui  donne  une  dissolubilité 
qu’elle  n’avait  pas  auparavant. 

La  matière  caséeuse  que  contient  toujours  le 
petit  lait  aigri,  et  dont  une  grande  partie  est 
dissoute  par  l’acide  lactique,  joue,  peut-être, 
un  grand  rôle  dans  cette  opération.  Nous  ne 
serions  pas  même  éloignés  de  croire  que  la  petite 
quantité  d’alcoliol , qui  bien  décidemment  existe 
dans  le  petit  lait  aigri , contribue  pour  quelque 
chose  au  blanchiment , en  dissolvant  la  matière 
colorante  de  la  toile,  sur  laquelle  il  n’avait  pas 
de  prise  avant  que  l’oxigène  de  l’acide  lactique 
se  fut  réuni  à elle , et  l’eut  mise  dans  un  état 
d’appropriation , tel  que  celui  où  on  peut  sup- 
poser qu  elle  doit  être  après  son  séjour  dans  le 
bain  de  lait. 

Une  des  raisons  qui  nous  portent  à penser  que 
les  choses  se  passent  ainsi , c’est  que , de  tous 
les  moyens  employés  pour  blanchir  la  toile  , il 
n’en  existe  pas  un  qui  produise  un  effet  aussi 
marqué  que  le  lait.  Nous  n'en  exceptons  pas 
même  l’acide  muriatique  oxigéné  , dont  on  fait 
usage  actuellement  dans  plusieurs  buanderies 
avec  quelque  succès,  sur  tout  depuis  que  le 
citoyen  Bertholeb , qui  a étudié  les  propriétés 
de  cet  acide , a indiqué  comment  il  fallait  l’em- 
ployer sans  craindre  d’endommager  le  tissu. 

Ce  qu’il  y a de  bien  certain , c’est  que , lors- 


Il 


qu  on  met  en  comparaison  deux  toiles  de  même 
qualité , dont  l’une  aura  été  blanchie  par  le  lait , 
et  1 autre  par  l’acide  muriatique  oxigéné,  on 
reconnaît  promptement  une  différence,  qui  est 
toujours  à l’avantage  du  procédé  par  le  lait. 

Aussi  ce  procédé  mériterait-il  d’être  préféré 
dans  toutes  les  circonstances,  si,  comme  nous 
l’avons  déjà  dit,  on  pouvait  se  procurer  plus 
facilement  le  lait  dont  on  aurait  besoin. 

' Au  reste , l’art  de  blanchir  les  toiles  avec  le 
lait  est  encore  bien  éloigné  de  son  état  de  per- 
fection ; ceux  qui  le  pratiquent  n’étant  le  plus 
ordinairement  guidés  que  par  la  routine  , ils  se 
traînent  servilement  sur  les  pas  de  leurs  prédé- 
cesseurs , sans  trop  chercher  à découvrir  s’il 
serait  possible  de  faire  mieux. 

Peut-être  que , si  on  avait  étudié  ce  qui  se 
passe  dans  le  bain  de  lait,  on  aurait  aperçu 
que  tous  les  degrés  d’acidité  que  contracte  ce 
fluide  ne  sont  pas  également  favorables  au  blan- 
chiment ; peut-étrè  aussi  aurait-on  trouvé  des 
moyens  de  hâter  ou  de  retarder  les  effets  de  la 
fermentation  acide  de  ce  même  fluide,  ainsi 
^ue  ceux  de  la  fermentation  putride;  peut-être , 
enfin,  aurait-on  reconnu  la  nécessité  de  faire 
subir  à la  toile  quelques  préparations,  autres 
que  celles  d’usage,  avant  de  la  mettre  en  ma- 
cération dans  le  bain  de  lait. 

On  conçoit  que,  pour  obtenir  à cet  égard 
tous  les  éclaircissemens  qu’on  pourrait  désirer , 
il  faudrait  faire  une  suite  >d’expériences  ; et  il 


«Ot«â  , - . k. 


..A 


a l’économie  rurale.  3g5 

est  plus  que  vraisemblable  que,  si  elles  étaient 
entreprises  par  des  chimistes  habiles , elles  pré- 
senteraient bientôt  un  grand  nombre  de  résul- 
tats nouveaux  et  satisfaisans. 

'Application  clu  lait  caillé  à la  conservation 
des  'viandes. 

Cet  emploi  du  lait  caillé  nous  a d’autant  plus 
paru  mériter  de  trouver  place  dans  cet  ouvrage, 
qu’il  n’est  pas  aussi  connu  qu’il  devait  l’ètre. 

On  sait  qne  toutes  les  substances  animales  ' 
ont  une  grande  tendance  à passer  à la  fermen- 
tation putride,  et  que,  dès  qu’elles  ont  com- 
mencé à la  subir , elles  sont  déjà  en  partie  dé- 
composées, et  par  conséquent  tellement  diffé- 
rentes de  ce  quelles  étaient  auparavant,  qu’on 
ne  reconnaît  plus,  ni  leur  saveur,  ni  leur 
odeur,  ni  leur  consistance  naturelle. 

La  chimie  fournit  plusieurs  moyens  pour  arrê- 
ter ou  prévenir  ces  altérations  ; mais  , comme 
la  plupart  ne  réunissent  pas  dans  toutes  les  cir- 
constances les  avan  tages  qu’on  voudrait  trouver , 
on  est  obligé  de  choisir  parmi  ces  moyens  ceux 
qui  paraissent  les  plus  convenables  au  but’ 
qu’on  se  propose  et  à l’emploi  auquel  on  des- 
tine la  substance  animale  qu’on  veut  soustraire 
à la  putréfaction. 

Ainsi , par  exemple , il  suffit  souvent  de 
laisser  macérer  des  substances  animales  dans 
des  liqueurs  spiritueuses  acides  et  salines  ; de  les 
priver  de  leur  humidité  par  une  dessication 


■ f 

K 1 

I 

VF-  1 

l 

3g6  DU  LAIT  RELATIVEMENT 
bien  ménagée  ; de  les  exposer  dans  des  endroits 
extrêmement  froids  , à l’abri  de  l’air  et  de  la 
lumière  ; pour  que  ces  substances  se  conservent, 
si  non  telles  quelles  étaient  au  moment  où 
l’animal  auquel  elles  appartenaient  a cessé  de 
vivre,  du  moins,  dans  un  état  tel  qu’on  puisse 
les  avoir  entières  et  sans  être  décomposées  : 
mais  lorsqu’on  destine  ces  substances  à servir 
d’aliment , on  conçoit  qu’il  ne  serait  pas  indif- 
férent d’avoir  recours  à l’un  ou  à l’autre  des 
moyens  que  nous  venons  d’indiquer. 

En  effet,  l’alcohol , mis  en  contact  avec  des 
substances  animales,  s’empare,  à la  vérité,  de 
leur  humidité,  qui,  comme  on  sait,  est  un  des 
principaux  agens  de  la  putréfaction;  mais  en 
même  temps  il  agit  sur  leur  tissu,  lesraccornit, 
et  leur  ôte  cette  mollesse , cette  flexibilité  qui 
leur  appartenaient. 

Les  acides,  et  sur  tout  ceux  qui  sont  connus 
souS  le  nom  d’acides  minéraux , produisent  un 
semblable  effet,  et  mêyie  encore  d’une  manière 
plus  marquée. 

Les  parties  salines , en  s’unissant  aux  diffé- 
rentes parties  de  la  substance  animale , forment 
des  combinaisons  nouvelles  , et  par  conséquent 
introduisent  dans  la  substance  qu’on  veut  con- 
server des  corps  qui  lui  sont  tout -à- fait 
étrangers. 

Enlin,  le  froid  peut  bien  suspendre  la  fer- 
mentation ; mais  on  sait  combien  souvent  il 
est  difficile  de  l’entretenir  assez  long-temps  à 


A l’économie  rurale.  097 

un  degré  suffisant  pour  que  son  effet  soit  du- 
rable , et  combien  d’obstacles  on  rencontre 
lorsqu’il  s’agit  d’employer  ce  moyen. 

Tous  ces  inconvéniens  disparaissent  en  partie 
lorsqu’on  a recours  au  lait  aigre;  on  en  a la 
preuve  lorsqu’on  fait  attention  au  procédé  en. 
usage  dans  certaines  contrées  pour  conserver 
les  viandes  destinées  à servir  d’aliment.  Il 
suffit,  en  effet,  de  les  laisser  macérer  dans  le 
lait  caillé,  non -seulement  pour  les  soustraire 
pendant  plusieurs  jours  à la  putréfaction,  mais 
même  encore  pour  qu’elles  conservent  leur 
odeur,  leur  saveur  et  leur  consistance  natu- 
relles. On  remarque  aussi  que,  par  ce  procédé, 
elles  acquièrent  plus  de  disposition  à se  cuire, 
qu’elles  deviennent  plus  délicates  ; qu’enfin 
celles  qui  sont  les  plus  dures,  et  par  consé- 
quent les  plus  difficiles  à digérer,  peuvent 
être  broyées  sous  la  dent  avec  la  plus  grande 
facilité. 

Une  partie  de  tous  ces  avantages  se  retrouve 
bien  dans  l’emploi  des  acides  végétaux,  et  prin- 
cipalement dans  celui  du  vinaigre.  Aussi  les 
cuisinières  qui  veulent  conserver  des  viandes 
et  les  attendrir , ont-ils  grand  soin  de  les  laisser 
macérer  pendant  deux  fois  vingt-quatre  heures 
dans  cet  acide.  Mais  il  s’en  faut  de  beaucoup 
qu’en  sortant  de  cette  espèce  de  saumure  ou 
marinade,  ces  viandes  aient  leur  saveur  natu- 
relle , car , tel  moyen  qu’on  prenne , le  vinaigre 
se  fait  toujours  remarquer  ; et,  si  quelquefois  on 


398  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

en  aime  le  goût , on  désirerait  le  plus  souvent 
qu'il  ne  fût  pas  aussi  sensible. 

Nous  avons  cherché  à nous  rendre  raison  de 
la  manière  d’agir  du  lait  caillé^dans  le  cas  dont 
nous  venons  de  parler;  et  voici  ce  que  nous 
pensons  à cet  égard. 

Le  lait  caillé  est , comme  nous  l’avons  prouvé 
ailleurs,  un  fluide  dont  tontes  les  partie1  cons- 
tituantes peuvent  subir  la  fermentation  spiri- 
tueuse  et  acide  ; mais , comme  ces  deux  fer- 
mentations 11e  se  succèdent  pas  d’une  manière 
régulière,  il  s’en  suit  que  presque  toujours  le 
lait,  dans  cet  état,  contient  en  même  temps, 
et  une  certaine  quantité  de  spiritueux , et  une 
certaine  quantité  d’acide.  Ce  fluide,  ainsi  com- 
posé, doit  donc,  d’après  cela  même,  avoir  sur 
les  corps  qu’on  lui  présente  une  action  diffé- 
rente de  celle  qui  lui  appartiendrait  s’il  ne 
contenait  que  de  l’acide  ou  du  spiritueux. 

Mais  si,  indépendamment  de  cette  cause, 
on  veut  compter  pour  quelque  chose  l’action 
particulière  des  corps  que  contient  le  lait  caillé, 
tels  que  la  matière  caséeuse,  et  peut-être  même 
le  sucre  de  lait  qui  n’a  pas  été  encore  totale- 
ment décomposé;  si  à toutes  ces  considérations 
on  veut  aussi  joindre  la  nature  de  l’acide  du 
lait,  qui,  sans  doute,  admet  dans  sa  compo- 
sition des  principes  constituais  qui  ne  sont 
pas  exactement  semblables,  au  moins  pour  les 
proportions,  à ceux  qui  servent  à la  produc- 
tion du  vinaigre;  011  reconnaîtra  bientôt  que 


f 


a l’économie  rurale.  5gg 

la  viande  mise  à macérer  dans  du  lait  qui  com- 
mence à se  cailler,  doit  nécessairement  éprou- 
ver de  la  part  de  ce  fluide  une  action  diffé- 
rente de  celle  qu’exercerait  sur  elle  le  vinaigre 
ordinaire. 

Ajoutons,  enfin,  que  le  lait  caillé,  conservant 
toujours  un  caractère  en  quelque  sorte  animal , 
doit  par  cette  seule  raison  être  dans  un  état 
d’appropriation  qui  le  rend  plus  susceptible  de 
s’unir  aux  parties  constituantes  des  viandes 
avec  lesquelles  on  le  met  en  contact,  et  doit 
par  conséquent  éloigner  la  propension  quelles 
ont  à passer  à la  fermentation  putride , lors- 
qu’elles sont  abandonnées  à elles- mêmes. 

Quelle  que  soit,  au  reste,  la  manière  d’agir 
du  lait  caillé,  il  n’en  est  pas  moins  certain, 
comme  nous  l’avons  dit , que  ce  fluide  peut 
être  regardé  comme  un  des  meilleurs  condi- 
mens  auxquels  on  puisse  avoir  recours  pour 
conserver  à la  viande,  pendant  plusieurs  jours, 
des  qualités  qui  la  mettent  dans  le  cas  de  pou- 
voir être  employée  pour  nos  alimens  avec  pres- 
qu’autant  d avantage  que  la  viande  nouvelle. 

Si  la  matière  caséeuse  se  conserve  un  certain 
temps  en  été,  c’est  quelle  nage  dans  un  milieu 
acide  qui  la  préserve  de  sa  tendance  naturelle 
à la  putréfaction.  C’est,  sans  doute,  cette  pro- 
priété qui  a fait  recourir  au  procédé  dont  il  s’agit  ; 
il  est  adopté  dans  les  départemens  du  Rhin  ; et 
rien  n’est  plus  avantageux , dans  les  petites  com- 
munes rurales,  où  les  bouchers  ne  tuent  qu’un© 


400  DU  LAIT  RELATIVEMENT 

ou  deux  lois  au  plus  par  décade,  et  où,  par 
conséquent,  l’on  ne  mange  souvent  la  viande 
que  dans  un  état  voisin  de  l’altération. 

Alcohoï  de  lait. 

En  traitant  de  la  fermentation  vineuse  du 
lait,  nous  avons  parlé  de  l’esprit  ardent  que  les 
Tartares  retiraient  de  celui  de  jument  par  la 
distillation  : c’était  une  pratique  très-ancienne 
parmi  eux  , puisqu’au  rapport  de  Marc.  Pauli, 
Vénitien,  ils  en  préparaient,  dès  le  treizième 
siècle  , une  boisson  analogue  au  vin  blanc  ; 
leur  procédé,  communiqué  par  les  voyageurs  , 
a été  répété  et  perfectionné  en  Europe. 

On  a cependant  révoqué  en  doute  l’existence 
de  cet  esprit  ardent  dans  le  lait,  persuadé  que 
celui  qu’on  en  retire  provenait  moins  du  lait 
que  des  semences  céréales  qu’on  y mêle  ; mais 
un  fait  certain , c^est  qu'on  l’a  obtenu  sans  le 
concours  des  grains. 

Nous  avons  suivi  avec  le  plus  grand  soin 
cette  propriété  qu’a  le  lait  de  fournir  une 
liqueur  spiritueuse  et  acide  sans  le  concours 
d’aucun  levain  ; et,  si  nous  n’insistons  pas  sur 
cette  expérience,  c’est  qu’elle  est  absolument 
conforme  à ce  qui  a déjà  été  développé  dans 
un  excellent  mémoire  sur  la  fermentation  du 
lait , inséré  dans  le  Journal  de  physique  : il 
nous  suffira  d’observer  qu’ayant  opéré  sur  la 
même  quantité  de  lait  de  différentes  vaches, 


a l’économie  rurale.  401 

dans  la  même  saison,  nous  en  avons  trouvé 
qui  passaient  plus  aisément  à la  fermentation 
vineuse,  et  que,  dans  le  nombre,  le  lait  qui 
exigeait  plus  de  temps  pour  prendre  ce  mou- 
vement , était  en  même  temps  plus  épais, 
et  fournissait  une  plus  grande  quantité  d’esprit 
ardent.  Nous  avons  observé  encore  que  l’esprit 
ardent  ne  se  manifestait  dans  la  distillation  que 
quand  le  lait  était  arrivé  à l’état  acide;  ce  qui 
est  commun  également  au  cidre , à la  bière  et 
aux  grains  , sous  forme  de  malt  : l’eau  sure  des 
amidonniers,  étant  distillée,  ne  fournit-elle 
pas  aussi  de  l’esprit  ardent? 

C’est  sans  doute  pour  augmenter  les  matières 
fermentescibles,  propres  à devenir  acides  et  à 
se  conserver  long-temps  dans  cet  état,  que  les 
Tartares  russes  ajoutent  une  certaine  quantité 
de  farine  d’avoine  au  lait  de  jument,  et  quils 
ont  grand  soin  de  ne  commencer  la  distillation- 
que  quand  le  mélange  est  fortement  aigre,  dans 
la  vue  d’obtenir  plus  d’eau-de-vie. 

Entrons  dans  l’atelier  du  bouilleur  d’eau-de- 
vie  de  grains.  Nous  verrons,  en  effet,  qu’il  ne 
suffit  pas  d’associer  le  corps  farineux  avec  un 
levain  approprié , il  faut  encore  des  combinai- 
sons et  des  proportions  dans  les  mélanges  ; il 
faut  une  fluidité,  un  degré  de  chaleur  néces- 
saire pour  établir  la  fermentation,  l’accélérer, 
la  ralentir  ou  la  suspendre  : conditions  sans  les- 
quelles beaucoup  de  fruits,  toutes  les  semences 
farineuses  et  quelques  racines  sucrées  ne  don- 

c c 


* 


DU  LAIT  RELATIVEMENT 


nent  encore  que  difficilement  des  atomes  de 
spiritueux. 

Sans  doute  que  les  Tartares  russes,  qui, 
comme  nous  l’avons  dit  ailleurs,  ont  tenté  les 
moyens  convenables  pour  réussir , se  trouvant 
dénués  des  ressources  que  nous  avons  en  abon- 
dance pour  nous  procurer  de  l’esprit  ardent,  ont 
été  conduits  par  le  besoin  et  peut-être  par  le 
hasard  à cette  découverte;  mais  dès  que  le  pro- 
cédé de  ces  peuples  a été  connu  parmi  nous , on 
l’a  rectifié  et  ensuite  appliqué  aux  laits  de  vache 
et  de  chèvre.  11  nous  suffisait  de  connaître 
la  possibilité  d’une  semblable  opération  pour 
toutes  les  espèces  de  lait,  et  nous  nous  sommes 
dispensés  de  la  répéter,  bien  convaincus  que 
ce  genre  d’expériences  n’apprendrait  rien  de 
plus  que  ce  qu’on  savait  déjà  sur  cet  objet. 

L’existence  de  cet  esprit  ardent  dans  le  lait 
des  animaux,  et  la  possibilité  de  l’en  extraire 
par  les  moyens  connus,  ne  sauraient  donc  plus 
être  révoqués  en  doute  aujourd’hui;  mais  on 
n’a  pas  encore  essayé  de  l’appliquer  aux  usages 
économiques.  On  doit  bien  présumer,  cepen- 
dant, qu’il  ne  diffère  pas  essentiellement,  par 
ses  propriétés,  des  autres  liqueurs  spiritueuses, 
et  que,  ainsi  qu  elles , il  pourrait  être  employé 
dans  beaucoup  de  circonstances.  Il  n’en  est 
pas  de  même  d’un  autre  produit  de  la  fermen- 
tation du  lait,  qu’on  peut  employer  à la  place 
du  vinaigre. 


f * 


a l’économie  rurale. 


4o5 


Vinaigre  de  lait. 

On  a dit  avec  raison  que  le  sérum  du  lait 
aigri  présentait  un  fluide  qui , dans  beaucoup 
de  cas,  pouvait  suppléer  le  vinaigre  de  vin; 
mais  on  aurait  tort  de  penser  que  l’acidité  du 
lait  ne  soit  due  qu’à  la  présence  d’une  certaine 
quantité  d’acide  acéteux  que  ce  fluide  contient. 

Il  est  bien  démontré , au  contraire , par  un 
grand  nombre  d’expériences  , que  l’acide  du 
lait  est  absolument  différent  de  celui  qu’on 
connaît  sous  le  nom  de  vinaigre  de  vin.  On 
en  aura  facilement  la  preuve  si  on  se  rappelle 
les  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entrés 
sur  cet  objet  dans  les  différens  articles  où  il  a 
été  question  de  la  fermentation  du  lait. 

Mais,  quoique  le  s^rum  de  lait  aigri  ne  puisse 
être  considéré  comme  un  véritable  vinaigre,  il 
n’en  est  pas  moins  certain  qu’on  peut  souvent 
en  tirer  un  grand  parti.  Déjà  nous  avons  vu 
qu’il  y avait  lieu  de  s’en  servir  pour  conserver 
les  viandes  et  pour  le  blanchiment  des  toiles; 
nous  ajouterons  ici  qu’il  forme  une  boisson 
extrêmement  rafraîchissante , qui , dans  bien 
des  circonstances , pouvait  suppléer  avec  avan- 
tage beaucoup  d'autres  acides  végétaux  et 
minéraux. 

La  matière  caséeuse,  dont  cet  acide  contient 
toujours  une  certaine  quantité  en  dissolution, 
doit  nécessairement  ajouter  à ses  propriétés;  et 
peut-être,  si  l’on  voulait  étudier  sa  manière 

c c 2 


4o4  DU  lait  relativement 

d’agir  dans  l’économie  animale , s’apercevrait- 
on  bientôt  que,  mal  à propos,  on  a fait  jus- 
qu’à présent  trop  peu  de  cas  de  cet  acide, 
auquel  on  pourrait  à juste  titre  donner  le  nom 
d’acide  animal , qui , à raison  de  la  nature  par- 
ticulière des  principes  qui  le  composent,  sem- 
ble, pour  ainsi  dire  , plus  propre  que  beaucoup 
d’autres  à s’assimiler  à notre  propre  substance, 
et  à devenir  dans  quelques  cas  un  médicament, 
et  dans  d’autres  un  aliment  médicamenteux. 

On  conçoit  que,  si  jamais  le  médecin  tour- 
nait ses  vues  de  ce  côté,  il  faudrait  nécessai- 
rement étudier , mieux  qu’on  ne  l’a  fait , les 
circonstances  qui  déterminent  ou  favorisent 
l’acidification  du  sérum , et  fixer  d’une  manière 
très -précise  les  signes  auxquels  on  pourrait 
reconnaître  que  ce  fluide  jouit  de  telle  ou 
telle  propriété  ; car  il  n’est  pas  douteux  qu’il 
ne  doive  présenter  des  différences  bien  sen- 
sibles dans  son  action,  suivant  que  son  acidité 
est  plus  ou  moins  marquée,  ou,  ce  qui  revient 
au  même  , suivant  qu’il  contient  plus  ou 
moins  de  matière  caséeuse  en  dissolution. 

Il  s’agit  d’observer  encore  que  le  lait  de 
tous  les  animaux,  n’étant  pas  également  propre 
à fournir  un  sérum  acide  de  même  qualité  , 
on  devra  indiquer  quels  sont  ceux  parmi  ces 
fluides  auxquels  on  doit  donner  la  préférence; 
et  puis  on  aura  à déterminer  si  souvent  il  ne 
serait  pas  préférable  de  faire  boire  le  sérum 
aigre  seul , tandis  que  d’autres  fois  il  faudrait 


l’associer  à quelques  substances  , qui , en 
émoussant  une  partie  de  son  action , affaibli- 
raient ses  propriétés  ou  lui  en  donneraient 
de  nouvelles. 

Le  procédé  de  Scheele,  pour  faire  du  vinai- 
gre de  lait,  consistait  à ajouter  un  peu  d’eau- 
de-vie  à du  lait,  à placer  ce  mélange  dans  un 
lieu  chaud,  et  à donner  de  temps  en  temps 
issue  à l’air  par  la  fermentation , en  débou- 
chant le  vase  un  instant  tous  les  cinq  à six 
jours  dans  l’espace  d’un  mois. 

On  a enchéri  depuis  sur  ce  procédé  , en 
ajoutant  du  miel  commun  au  mélange  : le  fluide 
qui  en  résulte  se  clarifie  facilement , et  devient 
d’une  belle  couleur  et  d’une  saveur  agréable , 
sur  tout  si  on  y met  à infuser  de  l’estragon, 
des  menthes  ou  la  fleur  de  sureau , dont  il 
prend  mieux  encore  l’arome  que  le  vinaigre 
de  vin. 

Dans  l’état  acide,  le  petit  lait  peut  non- 
seulement  servir  de  boisson,  à l’instar  de  la 
limonade  , mais  suppléer  encore  le  vinaigre 
ordinaire,  ainsi  que  nous  l’avons  déjà  dit  : il 
est  employé  avec  succès  comme  présure  pour 
la  préparation  des  fromages  secondaires  con- 
nus sous  le  nom  de  brocoCes, 


CONCLUSION, 


our  mettre  les  lecteurs  à portée  de  saisir 
l’ensemble  des  points  essentiels  traités  dans  cet 
ouvrage,  nous  avons  cru  devoir  rassembler  et 
résumer  les  faits  qui  nous  ont  paru  les  plus 
propres  à éclaircir  l’objet  que  nous  avons  eu 
en  vue  d’y  développer. 

Le  lait  est  sans  contredit  une  des  nourritures 
les  plus  anciennes  dont  les  hommes  aient  fait 
usage  : ses  caractères  généraux  extérieurs  sont 
l’ odeur , la  saveur , la  couleur  et  la  consistance. 

Il  est  bien  démontré  que  ce  fluide  a une 
odeur  qui  lui  appartient  essentiellement  , et 
dont  la  présence  peut  servir  à le  faire  distin- 
guer des  autres  humeurs  animales , ainsi  que 
î’arome  de  beaucoup  d’autres  corps.  L’odeur 
du  lait  est  volatile,  soluble  dans  l’air  atmos- 
phérique et  dans  l’eau;  mais  elle  se  décom- 
pose avec  facilité,  et  altère  promptement  les 
véhicules  aqueux  qui  la  tiennent  en  dissolu- 
tion. Elle  jouit,  dans  son  état  naturel,  de  quel- 
ques propriétés  médicinales  ; c’est  aussi  pour 
cela  que  nous  avons  observé  que  , lorsqu’il 
s’agissait  de  prescrire  le  lait  comme  médica- 
ment, il  fallait  employer  toutes  les  précautions 
possibles  pour  conserver  au  lait  le  principe 
odorant  qui  lui  appartient  essentiellement. 

Les  différentes  causes  qui  apportent  des 
changemens  notables  dans  l’odeur  du  lait , in- 
fluent également  sur  sa  saveur  et  la  rendent 
plus  ou  moins  agréable;  de  là,  sans  doute,  la 


CONCLUSION. 


407 

difficulté  de  rencontrer  deux  laits  qui  soient 
rigoureusement  semblables  , quoique  fournis 
par  des  animaux  de  la  même  espèce.  En  géné- 
ral, le  lait  de  chaque  femelle  a une  saveur  qui 
lui  est  particulière,  et  qu’avec  un  peu  d habi- 
tude on  saisit  facilement. 

La  couleur , comme  l’odeur  et  la  saveur  du 
lait,  présentent  des  différences  très-notables. 
Tantôt  ce  fluide  est  jaunâtre,  tantôt  il  a une, 
légère  teinte  bleue  ; quelquefois  il  tient  en  dis- 
solution une  petite  quantité  de  matière  colo- 
rante rouge.  Ces  nuances  dépendent  presque 
toujours,  et  de  l’espèce  d’aliment  dont  la  femelle 
a fait  usage , de  son  âge  et  de  son  tempérament. 
Le  plus  ordinairement  il  est  d’un  blanc  mat; 
couleur  qu’il  doit,  sans  doute,  à la  présence  de 
la  matière  caséeuse  qu’il  contient , puisque , 
lorsqu’on  vient  à l'en  séparer,  le  fluide  restant 
cesse  detre  blanc  et  acquiert  une  sorte  de 
demi-transparence;  ce  qui  prouve  combien  est 
impropre  la  dénomination  d’émulsion  animale 
donnée  au  lait. 

Rien  n’est  encore  plus  variable  que  la  consis- 
tance du  lait;  elle  augmente  à mesure  que  la 
femelle  s’éloigne  de  l’époque  du  part.  L’animal 
sain  et  vigoureux,  dans  la  force  de  l’âge,  et 
auquel  on  administre  une  bonne  et  abondante 
nourriture,  donne  presque  toujours  un  lait 
épais;  mais,  pour  peu  que  sa  santé  s’altère,  la 
consistance  du  lait  diminue;  quelquefois  même 
ce  fluide  devient  tellement  séreux  qu  il  passe 

, ce  4 


I 


4o8  CONCLUSION. 

\ trop  vite,  et  ne  peut  plus  suffire  pour  nourrir 

les  jeunes  animaux , sur  tout  lorsqu’ils  ont  acquis 
une  sorte  de  vigueur. 

Après  l’examen  des  propriétés  les  plus  géné- 
rales du  lait , nous  avons  cherché  à pénétrer 
dans  la  composition  de  ce  fluide.  La  crème 
est  le  premier  produit  qui  nous  a frappés  : 
interposée  seulement  entre  les  molécules  du 
lait,  elle  tend,  conformément  aux  lois  de  la 
pesanteur,  à se  rassembler  à la  surface , où  bien- 
tôt elle  acquiert,  par  le  repos,  et  à la  faveur 
d’une  température  fraîche,  une  consistance  qui 
la  distingue  de  celle  du  fluide  qu  elle  recouvre. 
Cette  séparation  s’exécute  aussi  promptement 
à l’air  libre  que  sous  la  machine  pneumatique, 
et  s’il  existe  des  moyens  de  la  favoriser,  on  n’en 
connaît  aucun  qui  puisse  s’y  opposer. 

La  crème  est  ordinairement  jaune,  et  quel- 
quefois d’un  blanc  mat.  On  n’a  pu  encore  venir 
à bout  de  déterminer  exactement  dans  quel 
état  le  beurre  et  le  lait  qui  la  composent  sont 
l’un  par  rapport  à l’autre  : tout  ce  qu’on  sait 
jusqu’à  présent , c’est  que  leur  séparation  ne 
peut  s’opérer  par  une  décomposition  spontanée , 
ou  par  le  secours  des  réactifs;  qu’il  faut  néces- 
sairement imprimer  à la  crème  un  mouvement 
de  percussion,  plus  ou  moins  continué,  pour 
obtenir  le  beurre  qu’elle  renferme.  La  quantité 
de  ce  produit  varie  dans  ses  proportions  suivant 
une  foule  de  circonstances;  mais  assez  géné- 
ralement on  remarque  que  lautomne  est  la 


CONCLUSION.  409 

saison  où  le  lait  est  le  plus  riche  en  crème , et 
celle-ci  en  beurre. 

Comme  matière  huileuse  , le  beurre  est  sus- 
ceptible de  s’emparer,  pendant  la  percussion 
delà  crème,  de  certaines  matières  résineuses, 
végétales,  colorantes,  dont  la  plupart  ne  chan- 
gent rien  à sa  saveur  ni  à sa  consistance.  On 
remarque  même  que  plusieurs  contribuent  à sa 
conservation  et  lui  servent  en  quelque  sorte  de 
condiment. 

En  qualité  de  corps  gras,  et  de  corps  gras 
préparé  par  le  filtre  animal , le  beurre  s’altère 
spontanément,  même  dans  l’ét^  de  crème,  et 
contracte  assez  vite , sur  tout  pendant  l’été , 
cette  saveur  forte  et  cette  odeur  qui  caracté- 
risent les  huiles  et  les  graisses  devenues  rances. 
On  parvient  cependant  à retarder  cette  alté- 
ration, en  le  privant,  par  des  lavages  à l’eau, 
de  la  matière  caséeuse  qui  se  trouve  interposée 
entre  ses  parties  : mais  comme  l’effet  de  ce 
moyen  n’est  pas  de  longue  durée , on  a recours 
à deux  autres  procédés  pour  conserver  le  beurre  ; 
le  premier  consiste  à le  saler , et  le  second , à 
le  fondre.  Dans  ce  dernier  cas,  à la  vérité,  il 
perd  une  partie  de  sa  saveur  et  de  sa  couleur  ; 
mais  il  peut  servir  dans  cet  état  à préparer  nos 
alimens. 

La  crème , privée  de  son  beurre  par  la  per- 
cussion, ne  présente  plus  qu’un  fluide  blanc, 
mais  moins  épais  et  moins  savoureux  qu’aupa- 
ravant.  On  lui  a donné  le  nom  de  lait  de 


4lO  CONCLUSION. 

beurre;  il  ne  diffère  du  lait  ordinaire  qu’en 
ce  qu’il  est  parfaitement  écrémé.  On  remarque  ^ 
cependant  qu’il  a une  très-grande  propension 
à passer  à l’aigre  ; ' ce  qui  devient  un  obstacle 
à ce  qu’on  puisse  le  conserver  long -temps  en 
bon  état. 

Le  lait  parfaitement  écrémé  , ainsi  que  celui 
qui  ne  l’est  pas , lorsqu’on  les  abandonne  à une 
température  de  quinze  à vingt  degrés  , ne  tar- 
dent pas  à éprouver  d’abord  la  fermentation  spi- 
ritueuse  et  ensuite  la  fermentation  acide.  Dans 
le  premier  cas,  ils  donnent  une  sorte  de  vin  , 
qui , malgré  son  peu  de  durée  et  sa  saveur  désa- 
gréable , fournit  un  véritable  alcohol , par  le 
moyen  de  la  distillation  : dans  le  second  cas , 
ils  produisent  une  sorte  d’acide,  qui,  dans  plu- 
sieurs circonstances,  peut  remplacer  la  présure 
et  suppléer  le  vinaigre  pour  les  usages  de  la  cui- 
sine; il  parait  même  qu’il  se  charge  assez  faci- 
lement de  la  partie  aromatique  de  quelques 

Pour  obtenir  le  vin  et  le  vinaigre  du  lait , il 
n’est  pas  nécessaire  que  ce  fluide  soit  accom- 
pagné de  sa  crème,  ni  d’en  augmenter  la  con- 
sistance au  moyen  de  l’association  de  la  farine 
de  quelques  graminées,  comme  l’ont  avancé 
plusieurs  auteurs. 

L’expérience  prouve  que  le  lait  écrémé,  et  le 
sérum , même  dépouillé  de  la  plus  grande  partie 
de  matière  caséeuse , le  fournissent  également. 

Un  des  effets  les  plus  évidens  que  la  fermen- 


i\t 


‘CONCLUSION.  Mu- 

tation produit  sur  le  lait,  est  de  détruire  dans 
ce  fluide  la  cohérence  qui  existe  entre  le  sérum 
et  une  matière  blanche  à laquelle  on  donne  le 
nom  de  matière  caséeuse.  Cette  décomposition 
spontanée  est  facile , et  elle  peut  être  considérée 
comme  une  sorte  d’analyse  essentiellement  dif- 
férente de  celle  qu’on  opère  par  1 action  du  feu 
ou  par  celle  de  différens  menstrues. 

Cependant,  en  exposant  le  lait  à une  chaleur 
inférieure  à celle  de  l’eau  bouillante,  on  voit 
qu’il  se  couvre  d’une  pellicule,  qui,  enlevée 
successivement  à mesure  de  sa  formation  , ne 
laisse  plus  qu’un  fluide  séreux , semblable  à 
celui  qu’on  obtient  par  l’intermède  des  matières 
coagulantes.  Ces  pellicules,  rassemblées  et  exa- 
minées, n’ont  pas  laissé  de  doute  qu’elles  ne 
fussent  la  matière  caséeuse  elle-même  dans  un 
état  particulier. 

La  matière  caséeuse  dont  on  vient  de  parler 
est  cette  partie  du  lait  qui , après  le  beurre , 
mérite  de  fixer  l’attention.  Elle  est  facilement 
coagulable.  Sa  séparation  peut  s’opérer  à l’aide 
d’une  foule  de  moyens,  dont  la  nature  parait  si 
diamétralement  opposée  qu’on  n’a  pu  jusqu’ici 
donner  une  explication  raisonnable  de  leur 
manière  d’agir.  Ce  qu’on  sait  seulement,  c’est 
que  letat  de  cette  matière  caséeuse  varie  sui- 
vant l’espèce  d’agent  employé  pour  la  séparer. 
Tantôt  elle  est  visqueuse  et  tenace,  tantôt  elle 
est  tremblante  et  comme  gélatineuse  ; quelque- 
fois elle  retient  beaucoup  de  sérosité  j souvent, 


I 


4 12  CONCLUSION. 

au  contraire , elle  n’en  retient  presque  pas  : 
mais,  à ces  différences  prés,  il  est  constant  que, 
quel  que  soit  le  moyen  auquel  on  ait  eu  recours 
pour  mettre  en  évidence  la  matière  caseuse, 
lorsqu’elle  est  parfaitement  séparée  de  l’agent 
qui  a été  employé,  elle  donne  toujours  dans 
l’analyse  des  résultats  à peu  près  semblables. 

Tout  porte  à croire  que  la  matière  caséeuse 
est  dans  le  nombre  des  parties  constituantes 
du  lait  celle  qui  a le  plus  souffert  l’action  des 
vaisseaux , et  est  par  conséquent  la  plus  ani- 
malisée;  elle  paraît  d’ailleurs  contenir  le  prin- 
cipe alimentaire , car  elle  suffit  presque  seule 
pour  nourrir  l’individu  qui  en  fait  usage.  Il 
semble  aussi  qu’elle  a des  propriétés  analogues 
à celles  de  la  matière  glutineuse  du  froment; 
privée  d’humidité  par  la  presse,  elle  se  resserre, 
s’agglutine  et  acquiert  une  sorte  d’élasticité. 
Enfin,  on  peut  croire  que,  quand  elle  com- 
mence à se  former  dans  l’organe  mammaire, 
elle  a plus  de  rapport  avec  la  lymphe  ou  l’albu- 
mine qu’avec  tout  autre  corps. 

On  désigne  le  fluide  qui  reste  après  la  sépa- 
ration de  la  matière  caséeuse  sous  le  nom  de 
sérum  : c’est  le  dernier  produit  de  l’analyse 
spontanée  du  lait.  Quoiqu’en  apparence  plus 
simple  que  les  autres  principes  qui  constituent 
le  lait,  il  n’en  est  pas  moins  un  fluide  très- 
composé.  Par  la  clarification  il  acquiert  une 
transparence  parfaite.  Sa  saveur  est  absolument 

différente  de  celle  du  lait.  Sa  couleur , lors- 

/ 


CONCLUSION. 


4-13 

qu’il  est  bien  clair  , est  quelquefois  un  peu 
jaune  ; quelquefois  aussi  elle  tire  sur  le  vert. 
Abandonné  à lui -même,  pendant  l’été,  il  ne 
tarde  pas  à s’altérer,  sur  tout  lorsqu’on  le  con- 
serve dans  un  endroit  où  règne  une  tempé- 
rature de  vingt  degrés.  L’altération  se  fait 
remarquer  par  la  perte  de  sa  transparence, 
par  une  odeur  et  une  saveur  aigres,  qui  aug- 
mentent assez  .promptement,  et  auxquels  suc- 
cède un  état  putride. 

Si  on  saisit  l’instant  où  le  petit  lait  est  arrivé 
à son  plus  haut  point  d’acidité  , on  peut , à 
l’aide  de  moyens  chimiques,  en  séparer  un 
acide  assez  pur,  auquel  on  a donné  le  nom 
d 'acide  lactique.  Cet  acide  a des  propriétés 
qui  lui  sont  particulières,  et  si  caractéristiques 
qu’il  est  impossible  de  le  confondre  avec  les 
autres  acides  connus.  Dans  l état  aigre , le 
sérum,  lorsqu’il  fait  excessivement  chaud,  sert 
de  boisson  aux  habitans  des  campagnes,  et  il 
étanche  leur  soif.  Il  est  aussi  utile  dans  les  arts; 
on  peut  s’en  servir  pour  préserver  la  viande 
de  la  putréfaction  pendant  un  certain  temps , 
et  opérer  complètement  le  blanchiment  des 
toiles. 

Le  sérum , doux  ou  acide  , sert  de  véhicule 
à plusieurs  matières  salines,  dans  le  nombre 
desquelles  on  distingue  principalement  celle  à 
laquelle  on  a donné  le  nom  de  sel  de  lait , qui, 
lorsqu’elle  a été  purifiée,  est  d’un  blanc  mat  ; sa 
solubilité  , peu  considérable  dans  l’eau  froide  , 


/ 


4 1 4 CONCLUSION. 

le  devient  davantage  dans  l’eau  chaude  : mais 
il  parait  que  le  lait  est  son  véritable  dissolvant, 
car  il  est  démontré  que  celui-ci  peut  en  dis- 
soudre une  plus  grande  quantité  que  tous  les 
autres  fluides  connus. 

Des  différentes  parties  qui  constituent  le 
lait,  il  n’y  a absolument  que  ce  sel  dans  lequel 
il  ne  nous  a pas  été  possible  de  remarquer  de 
différence.  Quel  que  soit  l’animal  qui  le  four- 
nisse, nous  lui  avons  toujours  trouvé  la  même 
saveur  , la  même  couleur , la  même  consistance 
et  la  même  configuration.  Sa  saveur , légère- 
ment sucrée  , lui  a fait  donner  le  nom  de 

sucre  de  lait  : le  nom  de  sel  essentiel  de  ce 

# 

fluide  paraît  mieux  lui  convenir. 

Le  sel  essentiel  de  lait,  traité  pai  le  feu  dans 
des  vaisseaux  distillatoires , se  comporte  en 
partie  comme  le  corps  muqueux  sucré  ; mais 
il  fournit  de  plus  une  espèce  d’acide,  auquel 
on  a donné  le  nom  d acide  sacclio -lactique: 
il  parait  même  que  c’est  cet  acide  , combiné 
avec  le  corps  muqueux  sucré , qui  constitue 
le  sel  dont  il  s’agit. 

On  connaît  plusieurs  moyens  pour  obtenir 
l’acide  saccho -lactique  plus  aisément  que  par 
la  distillation  ; mais  celui  de  tous  qui  réussit 
le  mieux , consiste  à traiter  le  sucre  de  lait 
avec  l’acide  nitrique.  Cet  acide  saccho -lac- 
tique est  très-peu  soluble  dans  l’eau  ; aussi  l’ob- 
tient-on  le  plus  ordinairement  sous  la  forme 
d’une  poudre  blanche,  qui,  lorsqu’on  lui  pré,- 


CONCLUSION.  4*5 

sente  ensuite , ou  un  alkali , ou  une  terre , se 
combine  avec  eux  et  produit  des  sels  neutres. 

Indépendamment  du  sel  essentiel  de  lait , on 
serait  disposé  à croire  que  le  sérum  tient  encore 
en  dissolution  l’acide  phosphorique  , soit  à nu , 
soit  combiné  avec  une  base.  En  effet,  la  flamme 
qu’a  présentée  le  précipité  obtenu  d un  mélange 
d’eau  de  chaux  et  de  petit  lait,  lorsqu  on  ex- 
pose à un  grand  feu  , dans  un  creuset , ce  même 
précipité,  nous  a paru  avoir  beaucoup  d’ana- 
logie avec  celle  que  produisent  les  matières 
animales  dans  lesquelles  l’acide  phosphorique 
existe  réellement.  Mais  comme  cette  preuve 
est  la  seule  que  nous  ayons  pu  nous  procurer, 
nous  n’avons  pas  osé  prononcer  affirmativement 
sur  l’existence  dans  le  sérum  de  l’acide  dont 
il  s’agit. 

Quant  aux  autres  substances  salines  qui  exis- 
tent concurremment  dans  le  petit  lait , on  peut 
dire  quelles  n’appartiennent  pas  essentiellement 
à ce  fluide  : le  muriate  de  soude , celui  de 
chaux , quelquefois  le  sulphate  de  chaux , et 
autres  de  cette  espèce,  paraissent  y être  appor- 
tés par  les  alimens  et  les  boissons  dont  les  ani- 
maux ont  fait  usage.  On  ne  saurait  donc  les 
considérer  comme  étant  l’ouvrage  de  l’anima- 
lisation. Ce  qui  semble  le  prouver,  c’est  que 
toutes  les  espèces  de  lait  fournies  par  les  animaux 
de  la  même  espèce  , ne  contiennent  pas  toujours 
ces  sels,  et  que  d’ailleurs  ils  y sont  en  petite 
quantité  et  dans  des  proportions  différentes. 


CONCLUSION. 


416 

C’est  dans  les  organes  mammaires'  que  le 
lait  reçoit  ses  propriétés  caractéristiques , qui 
augmentent  ou  diminuent  d’intensité  à raison 
d’une  foule  de  circonstances  , dont  nous  avons 
indiqué  les  principales.  Mais , dans  tous  les 
temps  et  chez  toutes  les  femelles , le  lait  trait 
le  premier  est  toujours  plus  clair  et  d’une  qua- 
lité inférieure  à celui  qui  vient  ensuite , et  la 
crème  est  d’autant  plus  abondante  et  plus  par- 
faite qu’on  approche  des  dernières  gouttes  res- 
tant dans  les  mamelles.  Plus  on  répète  les 
traites  dans  l’espace  de  vingt -quatre  heures, 
plus  le  lait  est  abondant  et  moins  il  contient 
de  crème,  et  'vice  'versa.  Ce  qui  semble  faire 
croire  que  la  nature  ne  s’occupe  d’abord  que 
de  la  composition  du  lait,  et  que  c’est  avec 
une  portion  de  ce  fluide  qu’elle  fabrique  la 
crème;  que  la  succion  du  lait  par  le  bout  du 
pis  en  facilite  beaucoup  la  secrétion  ; que,  plus 
souvent  le  nouveau-né  tette,  moins  le  lait  qu’il 
prend  est  substantiel  et  gras  : observations  im- 
portantes , bien  capables  de  donner  carrière  à 
l’esprit,  par  rapport  aux  conséquences  multi- 
pliées qu’on  peut  en  tirer  pour  l’avantage  de  la 
médecine  et  de  l’économie  rurale. 

Le  lait , dans  le  même  animal , est  exposé 
à une  multitude  innombrable  de  variations  , 
d’autant  plus  difficiles  à saisir  et  à calculer  que, 
comme  l’urine,  le  sang,  la  bile  et  les  autres 
humeurs  animales,  il  change  d’état  à chaque 
instant  de  la  journée  : tantôt  il  abonde  en  ' 


CONCLUSION. 


417 


beurre  ou  en  matière  caséeuse  ; tantôt  il  en 
contient  fort  peu  , et  alors  la  sérosité  prédo- 
mine. Ces  nuances  différentes  se  font  remar- 
quer encore  dans  la  quantité  des  matières 
salines  qu’on  en  retire. 

On  peut  juger,  d’après  cela,  combien  il  est 
difficile  de  déterminer,  par  l’analyse  la  plus 
exacte  , la  quantité  et  la  proportion  des  parties 
constituantes  du  lait,  puisqu’elles  varient  dans 
les  divers  animaux  , dans  les  animaux  de  la 
même  espèce,  dans  le  même  animal,  enfin 
dans  la  même  traite.  Ces  différences,  à la 
vérité , ne  sont  que  des  modifications  qui  ne 
touchent  pas  aux  caractères  constitutifs  du  lait. 

Cependant , parmi  les  causes  qui  contribuent 
le  plus  directement  à améliorer  le  lait  ou  à 
affaiblir  sa  qualité,  il  n’est  pas  douteux  que  les 
alimens  ne  jouent  le  principal  rôle.  Mais  c’est 
à tort  qu’on  a cru  qu’ils  conservaient  toujours 
dans  ce  fluide  leurs  caractères  spécifiques  ; la 
plupart  se  trouvent  décomposés  par  l’acte  de 
la  digestion,  dont  ils  facilitent  plus  ou  moins 
le  travail,  en  donnant  plus  ou  moins  d’énergie 
aux  organes  destinés  à préparer  les  premiers 
matériaux  du  lait,  à les  réunir  et  à leur  impri- 
mer le  cachet  particulier  de  ranimai. 

Il  aurait  été  à désirer,  sans  doute,  que  nous 
eussions  présenté  dans  cet  ouvrage  un  tableau 
de  la  quantité  de  chacune  des  parties  consti- 
tuantes des  différens  laits  qui  ont  été  l’objet 
de  notre  examen  ; mais  lorsqu'on  voudra  se 


rappeler  ce  que  nous  avons  dit  à l’occasion  des 
difficultés  qu’on  rencontre  lorsqu’il  s’agit  de 
déterminer  ces  quantités,  à cause  des  change- 
mens  continuels  auxquels  ces  laits  sont  expo- 
sés, on  conviendra  de  l’impossibilité  où  nous 
avons  été  de  nous  livrer  à un  pareil  travail , qui , 
d’ailleurs,  ne  serait  utile  qu’autant  qu’il  pourrait 
avoir  cette  exactitude  rigoureuse  , qu’on  n’est 
en  droit  d’exiger  que  quand  les  substances  sur 
lesquelles  on  opère  gardent  constamment  le 
même  état. 

A défaut  de  ce  tableau  nous  allons  essayer 
d’offrir,  sous  un  seul  point  de  vue,  les  laits 
rangés  dans  l’ordre  où  nous  pensons  qu'ils  doi- 
vent être  relativement  aux  produits  les  plus 
essentiels  que  nous  avons  cru  apercevoir  qu’ils 
fournissaient,  toutes  choses  égales  d’ailleurs, 
plus  abondamment  les  uns  que  les  autres. 


BEURRE. 

F R 0 M A G E. 

SEL 

ESSENTIEL. 

SÉRUM. 

La  brebis, 
la  vache , 
la  chèvre, 
la  femme, 
l'ânesse , 
'la  jument. 

La  chèvre , 
la  brebis , 
la  vache , 
l'ânesse , 
la  femme, 
la  jument. 

La  femme, 
l’ânesse  , 
la  jument, 
la  vache  , 
la  chèvre , 
la  brebis. 

L’ânesse , 1 
la  femme , 
la  jument , 
la  vache , 
la  chèvre, 
la  brebis.. 

On  voit,  d’après  cet  exposé,  qu’on  peut  à 
la  rigueur  former  de  ces  six  espèces  de  lait 


h 


* 


CONCLUSION.  419 

deux  classes  : Tune  qui , riche  en  matière 
caséeuse  et  butireuse,  comprendrait  les  laits 
de  vache , de  chèvre  et  de  brebis  ; tandis  que 
dans  l’autre  on  rangerait  les  laits  de  femme, 
d’ânesse  et  de  jument,  comme  plus  abondans 
en  sérosité  et  en  sel  essentiel. 

Cette  grande  division  nous  parait  devoir 
suffire  pour  donner , dans  beaucoup  de  circons- 
tances , une  idée  précise  de  la  nature  des  laits 
dont  on  doit  faire  usage , ainsi  que  pour  déter- 
miner la  préférence  qu’il  faut  donner  à telle  ou 
telle  espèce  de  ce  fluide,  et  indiquer,  enfin, 
comment  on  peut  passer  successivement  de  l’une 
à l’autre,  sans  s’exposer  aux  inconvéniens  qui 
résultent  si  souvent  de  leur  emploi,  sur  tout 
lorsqu’on  prend  le  lait  comme  médicament. 

Les  usages  du  lait,  ainsi  que  nous  l’avons 
démontré , sont  fort  étendus.  Indépendamment 
des  avantages  qu’il  présente , comme  aliment 
ou  comme  médicament  , ses  parties  consti- 
tuantes , prises  séparément , ont  encore  des 
propriétés  particulières  dont  on  a su  profiter, 
soit  pour  en  préparer  du  beurre , du  fromage 
ou  du  sucre  de  lait , soit  pour  en  faire  des 
applications  utiles  aux  arts.  D’où  il  résulte  que, 
le  lait  étant  celui  de  tous  les  fluides  animaux 
dans  lequel  l’homme  a trouvé  le  plus  de  res- 
sources , il  est  de  son  très  grand  intérêt  de 
ne  négliger  aucun  des  moyens  qui  peuvent 
concourir  à rendre  sa  nature  plus  parfaite  et 
sa  quantité  plus  considérable.  C’est  à quoi  il 


parviendra  facilement , sans  doute,  en  soignant 
davantage  les  femelles  qui  fabriquent  le  lait , 
en  leur  administrant  d’excellente  nourriture, 
et  sur  tout  en  écartant  d’elles  toutes  les  causes 
qui  peuvent  nuire,  directement  ou  indirecte- 
ment, à leur  santé,  à leur  vigueur,  et  accé- 
lérer leur  dégénérescence. 

Telles  sont  les  expériences  et  les  observations 
que  nous  avons  faites  pour  déterminer  les  pro- 
priétés générales  et  particulières  des  parties 
constituantes  des  différens  laits  les  plus  usités , 
considérés  dans  leurs  rapports  avec  la  chimie, 
la  médecine  et  l’économie  rurale. 


.Avertissement. 

Traité  sur  le  lait. 

PREMIERE  PARTIE. 

Du  lait  considéré  relativement  a la 
chimie. 

Article  I.er  Des  propriétés  physiques 
du  lait. 

Art.  II.  Des  parties  'volatiles  et  fixes 
du  lait. 

Des  parties  volatiles  du  lait. 

Des  parties  fixes  du  lait. 

Art.  III.  De  la  crème. 

Art.  IV.  Des  parties  qui  constituent  la 
crème. 

Du  beurre. 

Manière  d'être  du  beurre  dans  la  crème. 

Des  proportions  du  beurre  relativement  au  lait. 
Coloration  du  beurre. 

Dancidité  du  beurre. 

Du  lait  de  beurre. 

Du  lait  écrémé. 

Art.  "V . Des  pellicules  produites  à la 
surface  du  lait  qu’on  fait  chauffer. 

Formation  des  pellicules. 

Cause  de  la  jormation  des  pellicules. 

De  la  nature  des  pellicules. 

Art.  VI.  Des  agens  propres  à la  coa- 
gulation du  lait. 

Coagulation  par  les  acides. 

Coagulation  par  les  sels  à excès  d'acide. 


79- 

ibid. 


Coagulation  par  les  sels  neutres. 

Coagulation  par  le  corps  muqueux. 

Coagulation  par  l'alcoHol. 

Coagulation  par  les  végétaux 
Coagulation  par  les  matières  animales. 

JDu  phénomène  de  la  coagulation. 

A k t.  VII.  De  la  matière  caséeuse. 

Examen  de  la  matière  caséeuse. 

Nature  de  la  matière  caséeuse. 

Art.  VIII.  Des  sels  contenus  dans  le 
sérum. 


Pages. 

83. 

84. 

85. 
ibid. 

9°. 


JDu  sel  ou  sucre  de  lait. 

JDts  autres  substances  salines  contenues  dans  le 
sérum. 


Art.  IX.  De  la  fermentation  du  lait. 


Fermentation  spiritueuse. 
Fermentation  acéteuse. 


DEUXIEME  PARTIE. 


Du  lait  considéré  relativement  à la 
médecine. 


Art.  II.  Influence  des  mèdicamens  sur 
le  lait. 


Fxamen  du  colostrum. 

Nature  du  colostrum. 

Réflexions  sur  les  effets  du  colostrum. 


91* 


g5. 

96. 


101. 


106. 

108. 


n5. 


119. 

130. 

12g. 


i36. 


Article  I.er  Influence  des  alimens  sur 
le  lait. 


ibi&. 


i5i. 


Art.  III.  Influence  des  affections  mo- 
rales et  physiques  sur  le  lait. 

Art.  IV.  Du  colostrum. 


157. 

i63. 

i65. 

172. 


81 


Pages. 

A R t.  V.  De  l’usage  du  lait  comme  médi- 
cament. 188. 

Précautions  à prendre  avant  l'usage  du  lait.  191. 

pendant  l'usage  du  lait.  196. 

après  l'usage  du  lait.  204. 

Art.  VI.  De  l’usage  des  parties  consti- 
tuantes du  lait  comme  médicament.  211. 

1. °  La  crème.  2i3. 

2. °  Le  beurre.  214. 

3. °  La  matière  caséeuse.  216. 

4.0  Le  sérum  ou  petit  lait.  217* 

5. °  Le  sucre  ou  sel  essentiel  de  lait.  218. 

6. °  Le  lait  distillé.  ' 219. 

Art.  VII.  Des  différentes  espèces  de 
lait  dont  l’usage  est  le  plus  générale- 
ment adopté.  222. 

Du  lait  de  vache.  ‘ 2 2 fi. 

Du  lait  de  brebis.  232. 

Du  lait  de  chèvre.  238. 

Du  lait  de  femme.  247. 

Du  lait  d'ânesse . 260. 

Du  lait  de  jument.  264. 

TROISIÈME  PARTIE. 

Du  lait  considéré  relativement  à l éco- 
nomie rurale.  270> 

Article  I.er  De  la  laiterie.  271. 

Emplacement  d'une  laiterie.  273. 

Ustensiles  de  la  laiterie.  276. 

Des  soins  d'une  laiterie.  279. 

Art.  II.  Des 'vaches  laitières.  gg1# 

Art.  III.  Des  traites.  g^ 

Art.  IV.  Du  commerce  du  lait.  3^ 


■'  . " Pages. 

Art.  V.  Des  fabriques  de  beurre.  3X6. 

Ecrémage  du  lait.  3^ 

Battage  de  la  crème.  321. 

Délaitage  du  beurre.  326. 

Des  différentes  qualités  de  beurre.  328. 

Du  beurre  frais.  332. 

Du  beurre  rance.  3 3 5. 

Du  beurre  fondu.  33g. 

Du  beurre  salé.  343. 

Art.  VI.  Desfabriques  de  fromage.  34g. 

De  la  présure.  35 7. 

Du  caillé.  f 3 60. 

Salure  du  caillé.  362. 

Affinage  des  fromages.  364, 

Art.  VII.  Des  différentes  qualités  de 
fromage.  367. 

Des  fromages  dépouillés  de  la  sérosité  spontanément.  3yi. 
Des  fromages  dépouillés  de  la  sérosité  au  moyen  de 
la  compression.  376. 

Des  fromages  dépouillés  de  la  sérosité  au  moyen  de 

la  compression  et  du  feu.  382./ 

Art.  VIII.  Emploi  du  lait  dans  quel- 
ques procédés  relatifs  aux  arts.  386. 

Clarif  cation  des  liqueurs  connues  sous  le  nom  de 
ratafats.  ibid. 

Du  blanchiment  des  toiles  par  le  moyen  du  sérum 
ou  petit  lait.  3 go. 

Application  du  lait  caillé  à la  conservation  des 
viandes.  3g5. 

Alcohol  de  lait.  400* 

Vinaigre  de  lait.  403.* 


li-  ....  ..