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3^i-JS
flantarb Collège Itbrarp
FROM THE
J. HUNTINGTON WOLCOTT
FUND
GIVEN BY ROGER WOLCOTT [CLASS
OF 1870] IN MEMORY OF HIS FATHER
FOR THE <<PURCBASE OF BOOKS OF
PERMANENT VALUE, THE PREFERENCE
TO BE GIVEN TO WORKS OF HISTORY,
POimCAL ECONOMY AND SOCIOLOGY"
Paris. -» Imprimé par £. Thunot et G*, rae Racine, 26.
BATAILLES NAVALES
DE
XA FRANGE,.
pAn
O. TROUDE ^
ANCIEN OFFICIER DE MARINE
.\2- y^
publié
P.R P. LEVOT
CONSERVATEUR DE LA RIBUOTHÈOUE DU FORT DE BREST
Correspondant du ministère de rinstniction publique pour les travaux historiques, etc.
TOME SECOND
PARIS
CHALLAMEL AÎNÉ, ÉDITEUR
LIBBAIBE COHMI88I0IIAIBS POUR LA MARIIE, LES GOLOHIES ET L'ORIENT
37, rue de Bellechasse et 30, rue des Boulangers
1867
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AUG 15 1912
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BATAILLES NAVALES
i DE
LA FRANGE
BATAILLES NAYALES
DE
LA FRANGE.
-*-0''i^ot~
ANNÉE 1778.
Les colonies anglaises d'Amérique, assemblées en con-
grès général, s'étaient proclamées indépendantes en 1776,
et des agents diplomatiques avaient de suite été envoyés
dans les cours de l'Europe pour obtenir que cette indépen-
dance fût reconnue. Avides de gloire et brûlant du désir
de réparer les affronts de la dernière guerre, plusieurs
Français des familles les plus distinguées avaient suivi
l'exemple de Lafayette et avaient mis leur épée à la dis-
position des Américains. Le gouvernement anglais s'en était
plaint et, pour se venger, il avait commis quelques actes
d'agression contre la France. Vers le milieu de l'année 1777,
des bâtiments anglais furent établis en croisière à l'entrée
de la Manche et dans le golfe de Gascogne et , sous prétexte
d'empêcher les envois d'armes et de munitions en Amé-
II 1
2 BATAILLES.— 1778.
rique, ils arrêtaient et visitaient les navires français qu'ils
rencontraient. Au mois de mars 1778, le gouvernement an-
glais fit saisir tous ceux qui se trouvaient dans les ports de la
Grande-Bretagne. En représailles de cette mesure, l'em-
bargo fut mis sur les navires anglais qui se trouvaient dans
les ports de France et des croisières furent établies pour
la protection du commerce. Déjà des coups de canon avaient
été échangés, car les Anglais avaient essayé d'étendre leur
système inquisitorial jusqu'auil bâtiments de guerre. Au
mois d'avril 1777, une frégate anglaise avait tiré quatre
coups de canon à la frégate \aL Tourterelle, capitaine Beaus-
sier de Châteauvert, dans les parages de Saint-Domingue.
Après une canonnade fort vive, le commandant anglais avait
renoncé aux prétentions qu'il pouvait avoir. Au mois de
septembre, c'était la frégate VHèbé qui avait été canonnée
par deux vaisseaux anglais, en sortant de Dunkerque, et
elle n'avait échappé à leur visite que par la supériorité de
sa marche. Ces agressions répétées décidèrent le roi de
France à mettre un terme à ses hésitations : il conclut un
traité d'alliance avec les Américains. L'Angleterre rappela
son ambassadeur. La guerre n'était pas déclarée, mais le mé-
contentement allait croissant de part et d'autre. Louis XVI
accepta le roi d'Espagne comme médiateur, à la condition
que les États-Unis d'Amérique seraient compris dans la
réconciliation. Le ministère anglais répondit aux ouvertures
de l'Espagne qu'il ne pouvait être question de* réconcilia-
tion et de paix que quand la France aurait retiré la décla-
ration du 13 mars, par laquelle elle avait conclu un traité
défensif avec les États-Unis d'Amérique.
L'Angleterre passa bientôt des paroles aux actes. Les
escadres des amiraux Keppel et Byron sortirent de ses
ports, et ses vaisseaux attaquèrent 3 frégates fran-
çaises.
Ce fut dans ces circonstances que M. de Sartine, alors
ministre de la marine, annonçant au lieutenant général
comte d'Orvïlliers sa nomination au commandement en
BATAILLES. -"477». 3
chef de l'armée navale de rOcéan, lui écrivit la lettre sui-
vante :
« Versailles, S avril 1778.
(( Le roi vous a chargé, Monsieur, d'utie commission des
<( plus importantes; vous en connaissez toute l'étendue.
« S. M., en vous confiant une partie de ses forces navales,
« est assurée que votre capacité et votre valeur sauront les
t( multiplier et en tirer parti pour la gloire de son pavillon
<( et l'honneur de ses armes. Elle n'attend pas moins des
(( sentiments des officiers généraux et des commandants
à sons vos ordres; ils doivent sentir que toute FEurope, et
« la marine de S. M. en particulier, ont les yeux ouverts
(( sur la première escadre qui soit sortie de nos ports de-
« puis la guerre dernière, et qu'ils seront responsables au
K roi et à la nation de tout ce qu'ils auraient pu faire et
(( qu'ils n'auront pas fait. Il s'agit de rendre au pavillon
« français tout l'éclat dont il brillait; il s'agit de faire ou-
« blier des malheurs et des fautes passées ; ce n'est que
« par les •actions les plus signalées que la marine peut
c( espérer d'y parvenir. S. M. a le droit d'attendre les plus
({ grands efforts de ses officiers ; la reconnaissance dont ils
« doivent être pénétrés pour les distinctions et les grâces
a dont S. M. les a comblés depuis son avènement au trône,
(( leur en font un devoir ; l'honneur seul suffira pour le leur
c( prescrire. Ils doivent s'attendre qu'ils auront à lutter
« contre de grands obstacles, à vaincre une résistance opi-
(( niâtre, à combattre des ennemis puissants par leur nombre
« et hardis par un grand exercice de la mer et fiers de leurs
(( succès passés. Les forces dont vous disposez suffisent pour
« vous assurer la supériorité; votre courage et celui des
« officiers que vous commandez doivent faire lé reste.
(( Mais, quelles que soient les circonstances dans les-
« quelles l'armée navale du roi puisse se trouver, l'instruc-
« tion de S. M., qu'elle me charge expressément de vous
a faire connaître ainsi qu'à tous les officiers commandants,
<i est (}ue âes vaisseaux attaquent avec la plus grande vi-
4 BATAILLES. --1778.
u gueur et se défendent, en toute occasion, jusqu'à la der-
« nîère extrémité. Les capitaines doivent être certains que,
<c si quelque vaisseau du roi était forcé de se rendre à Ten-
a nemi, S. M. n'admettrait pour justification que l'impos-
« sibilité physique et prouvée où se serait trouvé le capi-
« taine de prolonger sa défense : toute autre raison ne
« serait pas reçue, et S. M. ne pourrait se dispenser de
{( marquer toute son indignation à un capitaine qui aurait
a rendu son vaisseau sans avoir fait toute la résistance que
a sa force pouvait comporter.
« Cet événement n'aura pas lieu ; mais j'ai dû vous faire
« connaître les intentions du roi, que les dispositions des
(( capitaines ont sûrement prévenues, et je n'ai point laissé
« ignorer à S. M. tout ce qu'elle peut attendre du zèle et
« des sentiments dont la marine ambitionne de lui donner
« les preuves les plus éclatantes.
c II me reste un article dont S. M. m'a souvent fait
« rhonneur de m'entretenir ; c'est celui de la subordination.
€ Je ne puis que m'en rapporter à vous. Monsieur, sur les
c moyens que vous croirez devoir employer pour Tintro-
« duire et la maintenir dans l'armée dont vous avez le
« commandement. S. M. vous autorise et vous ordonne
a même de démonter les commandants et d'en nommer
« d'autres à votre choix. Si S. M. exige de la subordination
(( de la part des commandants, les officiers des grades in-
(c férieurs et les gardes de la marine doivent sentir quelle
« doit être la leur, les premiers à l'égard de officiers su-
€ périeurs et de leur capitaine, et les gardes à Tégard de
(C tous les officiers. C'est aux capitaines, qin ont l'autorité
(( en main, que S. M. s'en prendrait si le service ne se fai-
w sait pas sur les vaisseaux avec la régularité qu'elle exige ;
« en leur remettant une portion de son pouvoir, elle leur
a impose le devoir d'en user avec fermeté pour s'opposer
« à tout relâchement,
€ Cette subordination de grade eu grade ne peut nuire
0 à la bonne harmonie qui doit régner entre les officiers
BATAILLES. — 1778. 5
« d'un même état-major, et entre celui-ci et le capitaine;
« au contraire, en mettant chacun à sa place, elle doit con-
« tribuer au maintien de cette harmonie que S. M. vous
« commande d'établir et d'entretenir sur vos vaisseaux.
« Chaque capitaine, chaque officier doit y concourir en
(( particulier en oubliant toute la vivacité et toute la di-
« versité d'opinion qui pourrait la troubler. Rappelez-leur
« quelquefois qu'il ne suffit pas de remplir strictement ce
(( que l'on doit au service ; que la société impose des obli-
« gâtions, et que ces obligations deviennent un devoir pour
a la marine, où, étant forcés de vivre, par état, continuel-
« lement ensemble, il faut être indulgents les uns pour les
< autres, se supporter mutuellement dans des choses qui
« peuvent tenir à des causes qui ne se trouvent pas parfai-
n tement analogues, afin d'éviter toute discussion d'où peut
(c naître la dispute, et vivre dans la bonne intelligence et
« l'union qui doivent particulièrement distinguer des mili-
« taires qui courent les mêmes dangers et aspirent aux
« mêmes honneurs (1) .
« Signé : De Sartine. *
Combien ce langage était différent de celui qu'on tenait
aux amiraux français dans le cours de la guerre précédente,
car ce serait une erreur de croire qu'ils aient suivi par
goût et par caractère le système craintif et défensif qui
prédominait dans la tactique navale. Le gouvernement,
trouvant toujours excessifs les sacrifices qu'exige l'emploi
d'une marine militaire, prescrivit trop souvent à ses ami-
raux de tenir la mer le plus longtemps possible, sans en
venir à des batailles, même à des engagements le plus sou-
vent fort coûteux, et d'où pouvait s'ensuivre la perte de
vaisseaux difficiles à remplacer. Souvent on leur enjoignit,
s'ils étaient forcés d'accepter le combat, d'éviter avec grand
■I 1 1 *i
(1) Dépôt des cartes et plans du ministère de la marine *
ê BATAILLES. — 1778.
soiu de compromettre le sort de leurs escadres par une action
trop décisive. Ils se croyaient, par conséquent, obligés de
battre en retraite dès que l'engagement pienait une tour-
nure trop sérieuse. Ils acquéraient ainsi la funeste habitude
de céder volontairement le champ de bataille dès qu'un
ennemi, même inférieur, le leur disputait avec courage.
Ainsi donc, entretenir à grands frais une armée navale pour
lui prescrire de ne pas faire un usage entier de sa puissance
effective-, renvoyer à la recherche de l'ennemi pour se re-
tirer honteusement de sa présence ; recevoir le combat au
lieu de le donner; commencer des batailles pour les termi-
ner par des simulacres de défaite ; perdre la force morale
pour épargner la force physique, vojlà Tesprit qui, ainsi
que l'a dit fort judicieusement M. Charles Dupii), guida le
ministère français à cette époque; on en connaît les ré-
sultats.
L'agression de l'amiral Keppel ne permettiait plus à la
France de continuer sa politique temporisatrice. Le 8 juil-
let, une armée navale de 32 vaisseaujf et 16 frégates sortit
de Brest sous les ordres du lieutenant général comte d'Or-
villiers. Le 23, à 1" de l'après-midi, on aperçut l'armée
4e l'amirg.! Keppel qui comptait 30 vaisseaux, 6 frégates,
2 cutters et 2 brûlots, L'île d'Ouessant restait alors à 90
nulles dans l'E. -S.-E. Le lieutenant général d'Orvilliers, qi^i
ne croyait rencontrer que 21 vaisseaux, ne voulut pas en-
gager le combat et vira de bord à l'entrée de la nuit. Le
signs^ qui ordonnait cette manœvre ne fut probablement
pas aperçu par les derniers vaisseaux, car le Duc-de-Bour-
gogne et l'Alexandre se séparèrent de l'armée.
Instruit de la force de l'armée anglaise, le gouvernement
français adressa au lieutenant général d'Orvilliers des
instructions nouvelles dans lesquelles on lui faisait savoir
que le roi s'en rapportait à sa prudence pour la conduite
à tenir dans un moment où il avait sous ses ordres toutes
les forces maritimes dont la France pouvait disposer. Le
commandant en chef copimuniqua cette dépêche aux lieu-
BATAILLES. — 1778, 7
tenants généraux comte Duchaffault et duc de Chartres qui
furent d'avis çti'f/ ne pouvait arriver rien de plus fâcheux
aux armes de la France, que de voir son pavillon se retirer
de la présence d'un ennemi d'égale force, sans Vavoir com-
battu. L'attaque fut résolue.
Le temps fut orageux et à grains et le vent très- variable
pendant les trois jours suivants ; les deux commandants en
chef ne songèrent qu'à tenir leurs vaisseaux ralliés et à
profiter des changements de brise pour s élever au vent.
Enfin, le 27 au matin, le temps s'embellit et le vent se fixa à
l'Ouest; l'armée anglaise restait alors à l'E.-N.-E. àSmilles
de distance. A 9% le lieutenant général d'Orviliiers éta-
blit la sienne en ordre de bataille renversé, les amures à
bâbord, ainsi qu'il suit :
Canons,
50 Amphion capitaine Denis Trobriand.
Ti Diadème — de La Cardonnie.
7i Conquérant. ....... chevalier de Monteil.
64 Solitaire — de Briqucville.
74 Intrépide — Beaussier de Ghateauvert (Louis-
André).
80 Saint-Esprit — Lamolte-Picquet, chef d'escadre.
duc de Chartres, lieutenant généraL
7i Zodiaque capitaine Laporte Vézins.
6i Rolland — de LarchanteL
74 Robuste — comte de Grasse, chef d'escadre.
64 Sphinx — comte de Soulanges.
64 Artésien — Destouches.
74 Orient ~ Hector.
64 Actionnaire — de Proissy.
74 Fendant — marquis de Vaudreuil.
100 Bretagne — Duplessis-Parscau.
comte d'Orviliiers, lieutenant général.
74 Magnifique capitaine de Brach.
74 Actif. — d'Orves.
90 Ville-de-Paris — de Peynier.
comte de Guichen, chef d'escadre.
64 Réfléchi capitaine Gillart de Suville.
64 Vengeur — comte d'Amblimont.
74 Glorieux — chevalier de Beaussel
64 Indien - de Lagrandière.
74 Palmier — de Réals.
80 Couronne — Huon de Kermadec.
comte Duchaffault de Besné, lieutenant g^n
74 Bien-Aimé capitaine d'Aubenton.
64 Éveillé — de Botdéru.
70 Dauphin-Royal — marquis de Nieuil.
8 BATAILLES.— 1778.
6i Triton — de Ligondes.
60 Saint-Michel — MithoQ de Genouilly.
50 Fier (1) — Turpin de Breuil.
Frégates : Junon^ Belle -Poule (2), Andromaque, Fortunée , Sibylle, Nymphe,
Concorde, Iphigénie, Résolue, Sensible, Surveillante, Aigrette,
Danaé, Oiseau, Boudeuse^ Coureuse.
L'amiral Keppel qui désirait aussi engager le combat,
fit le signal de chasser; et une petite variation dans la di-
rection du vent lui permettant de porter sur T armée fran-
çaise, il fit virer son armée vent arrière. Ce fut alors seule-
ment que la ligne anglaise se forma dans Tordre ci-après :
Gauons,
00 QuEEN capitaine ....
Harland, vice-amiral.
90 Sandwich capitaine Edwards.
74 Shrewsbury — Ross.
7i Terrible — Bickerlon.
74 Thunderer — Walsingham.
74 Vengeance — Cléments.
74 Valiant - Gower.
64 Vigilakt — Kingsraill.
64 Worcester — Robinson.
74 Stirling Castle — Douglas.
100 VicTORY — Faulkner.
sir Auguslus Keppel^ amiral.
90 Duke capitaine Brereton.
74 Berwick — Slewarl.
74 Gumberland — Peyton.
74 Courageux — Mulgrave.
74 Centaur — Crosby.
74 Egmont — Allen.
74 Elizabetu — Maitl^nd.
64 America — Longford.
64 Bienfaisant ~ Bride.
64 Défiance — Goodall.
74 ExETER — Moore.
90 Formidable —
Palliser, vice-amiral.
90 Océan capitaine Laforest.
74 Prince George — Lindsay.
84 Foudroyant — Jarvis.
74 Hector — Hamillon.
70 MoNARCH — Rowley.
74 Ramilies — Dighby.
74 RoBUST — Hood.
(1) Les trois derniers vaisseaux, très- faibles d'échantillon, étaient en dehors
de la ligne avec les frégates.
(2) On verra plus loin qu'un combat avec une frégate anglaise força la Belle-
Poule à rentrer à Brest.
BATAILLES. — 1778. 9
A 11^, l'avant- garde anglaise attaqua Tarrière-garde
des Français; celle-ci était très-bien formée, et tellement
compacte, que les vaisseaux ennemis, qui avaient proba-
blement Tintention de la traverser, furent obligés de laisser
arriver et de l'élonger sous le vent. Le feu continua ainsi,
chaque vaisseau échangeant, sans s'arrêter, sa bordée avec
celui qui passait par r.on travers. Cette canonnade donna
un avantage marqué aux Français dont les vaisseaux, très-
serfés pouvaient réunir leur feu sur ceux de l'armée an-
glaise qui leur présentaient l'avant jusqu'au moment où ils
laissaient arriver. La brise était fraîche et l'état de la mer
obligeait les premiers à tenir leur batterie basse fermée.
A 2'', le lieutenant général d'Orvilliers, entrevoyant la pos-
sibilité d'envelopper l' arrière-garde anglaise, fit signal aux
vaisseaux de tête d'arriver par un mouvement successif,
puis ensuite, à toute l'armée, de se former en bataille à
l'autre bord. Ce mouvement, pqur réussir, demandait une
exécution immédiate ; il ne fut pas compris par le comman-
dant de l'avant-garde qui, avant de le faire, passa à poupe
du commandant en chef pour lui demander ses intentions.
Ce retard dans l'exécution de ses ordres déterminale lieu-
tenant général d'Orvilliers à prendre lui-même la tête de
son escadre afin de diriger l'évolution ; mais, exécutée trop
tard, cette manœuvre n'eut pas l'efi'et que le commandant
en chef en attendait. Le duc de Chartres devait passer sous
le vent de l'arrière-garde ennemie et la combattre aux
mêmes amures, tandis que le reste de l'armée achèverait
de défiler à contre-bord et au vent de cette arrière-garde
et prendrait ensuite les mêmes amures qu'elle. L'amiral
Keppel avait profité de l'hésitation du commandant de l'a-
vant-garde française ; il avait viré vent devant par la contre-
marche pour se porter sur la queue de la ligne française.
Mais, s' apercevant bientôt que plusieurs de ses vaisseaux
avaient trop d'avaries pour faire cette évolution et le suivre,
il reprit les amures à tribord, afin de ne pas les laisser ex-
posés au feu des vaisseaux français qui pouvaient se porter
10 BATAILLES. — 1778.
sur e¥X; il les rallia alors et, laissant arriver, il fit cesser
le feu à 2** 30"" diB Taprès-midi. L'armée française chassa
l'armée anglaise toute la nuit; le lendemain celle-ci n'était
plus en vue, I^'île d'Ouessant ayant été aperçue le soir, le
lieutenant général d'Orvilliers fit route pour Brest, où il
mouilla le 29. Cette affaire prit le nom de Pataille d'Oues-
sant.
Tous les vaisseaux, particulièrement ia Ville-de-Paris,
le Saint-Esprit^ la Couronne, Y Actif, le Bien-Aimé et le
Réfléchi avaient des avaries, mais de peu d'importance.
VAmphion^ cependant, avait été si maltraité, qu'il avait
fait route pour Brest pendant le combat.
Quant à l'armée anglaise, on a vu qu'une partie de ses
vaisseaux ne put virer de bord lorsque son amiral voulut
attaquer Tarrière-garde française. Le Victor y avait son
grément haché et un grand nombre de boulets à la flot-
taison. Le Tebbible était tellement désemparé, qu'il allait
amener lorsque le Formidable arriva pour le soutenir ; ce
dernier était lui-mêiT)e très-maltrailé. Le Robust faisait
tant d'eau, qu'il avait été obligé de sortir de ]a ligne.
L'ËGMONT était rasé cojnme un ponton ; après lui, c'était
Je Shbewsbury qui avait le plus souffert. En rendant compte
de cette bataille aux lords de TAuîiraqté, l'aipiral Reppel
disait que l'état dans lequel se trouvaient ses vaisseaux ne
lui avait pas laissé le choix de ce qu'il était convenable de
faire. Cet aveu lui fut en quelque sorte arraché par la né-
cessité dans laquelle il se trouva de se disculper d'avoir
présenté la poupe aux vaisseaux français, manœuvre qui,
disait-il dans sa défense, pouvait avoir l'apparence d'une
fuite.
Le fait est que chacun s'attribua 1* honneur de la vic-
toire et prétendit que l'armée ennenoie avait reculé devant
un nouveau combat. Le jugement que passa le commandant
en chef de l'armée anglaise jeta une grande clarté sur cette
affaire et fit disparaître tous les doutes sur les résultats. Le
yice-amiral Palliser fut censuré pour n'avoir pas fait çon-
BATAILLES. — 4778. li
naître l'état de soq vaisseau lorsque le commandant en
chef de l'armée anglaise avait fait le signal de prendre les
amures à bâbord, Le vaisseau Duke n'avait pas pris part
au combat malgré les signaux qui lui avaient été faits ; le
capitaine Brereton fut déclaré incapable de commander et
indigne de servir.
Quoi qu'il en soit de ces accusations et de ces arrêts, ils
semblent établir que le gouvernement anglais fut peu sa-
tisfait de la victoire que le commandant en chef de son
armée navale avait la prétention d'avoir remportée.
La rentrée du lieutenant général d'OrvilUers donna
quelque consistance aux bruits de défaite de Tarmée fran-
çaise. Mais les esprits furent bientôt rassurés^ l'état des
vaisseaux constata que, si cette armée n'avait pas remporté
la victoire, elle n'avait pas non plus éprouvé de désavan-
tages, et c'était un point qui donnait à Ip. nation la con-
science de sa force maritime. Toutefois, on attaqua la
conduite du duc de Chartres ; on prétendit que la défaite
de l'armée anglaise eût été certaine si, obéissant au sigqal
qui lui avait été fait, le commandant de l' avant-garde avait
laissé arriver.
Le chef d'escadre de Rochechouart, qui montait le vais-
seau le DuC'de-Bourgogne , commandé par le cp.pitaine de
Charitte, et le capitaine de vaisseau Trémigon, furent ap-
pelés à se justifier devant un conseil de guerre de la sépa-
ration de ce vaisseau et de Y Alexandre. Le premier fut
déclaré non coupable; l'autre reçut une admonestation.
Le capitaine Trobriand fut remplacé dans le comman-
dement de YAmphion.
Pendant que le port de Brest faisait ses préparatifs de
guerre, on travaillait à mettre les vaisseaux de Toulon en
état de prendre la mer. Les forces navales stationnées dans
les colonies n'étaient plus en rapport avec l'état des choses.
La France n'avait que quelques frégates aux Antilles^ plu-
12 BATAILLES. — 1778.
sieurs autres y furent expédiées, tant pour le service par-
ticulier des colonies, que pour escorter les convois qui de-
vaient effectuer leur retour eu Europe. Le traité défensif
conclu avec les États-Unis nécessitait aussi Tenvoi d'une
escadre sur les côtes de l'Amérique septentrionale.
Le 18 avril, une escadre partit de Toulon, sous le com-
mandement du vice-amiral comte d'Estaing; le 16 mai, elle
passa le détroit de Gibraltar et, le 8 juillet, elle mouilla à
l'entrée de la rivière la Delaware, dans l'état de New- Jersey
des États-Unis d'Amérique, pour mettre à terre le chargé
d'affaires de la France qui était passager sur le Languedoc.
L'escadre remit sous voiles le lendemain. Deux jours après
elle mouilla devant New-York, dans l'État de ce nom : une
escadre anglaise, sous les ordres du vice-amiral Howe, se
trouvait sur cette rade. Le vice-amiral d'Estaing voulut
aller l'attaquer ; mais, prétextant que les vaisseaux fran-
çais calaient tropvd'eau , les pilotes ne voulurent pas les en-
trer dans cette rade. Voici la composition des deux esca-
dres qui se trouvaient en présence.
ESCADRE FRANÇAISE.
Canons.
90 Languedoc capitaine de Boulai nvilliers.
comte d'Estaing, vice-amiral.
80 Tonnant . capitaine comte de Bruyères.
comte de Breugnon^ chef d'escadre.
César capitaine de Raymondis (1).
de Brèves, chef d'escadre.
Zélé, capitaine comte de Barras Saint-Laurent.
74 / Hector . . — chevalier Moriës-Castellet.
Guerrier, ..... — de Bougainville.
Marseillais — Lapoype-Verlrieux.
Protecteur, , - chevalier d'Apchon.
i Vaillant, » — marquis de Chabert.
Provence — de Cbamporcin.
Fantasque, . • • — commandeur de Suffreu.
50 Sagittaire» • • — d'Albert de Rions.
Frégates : Chimère, Engageante, Aimable, Alcmène.
(1)M. Brun, Hist, de la marine; Port de Toulon, dit que le César était
commandé par le capitaine de Brèves. H fait erreur, car le capitaine de Ray-
knondis perdit un bras dans l'engagement que ce vaisseau eut devant New-Port.
BATAILLES. - 1778. 13
ESCADRE ANGLAISE.
Canons.
ËA6LE capitaiDe Adam Duncan.
lord Howe^ vice-amiral.
Trident capitaine P. Molloy.
g, , Elliot, cemraodore.
NoNSUcH capitaine Waltcr Griffilhs.
Saint Albaxs.. ...... — Filzherbert.
SoMMERSET — Ourry.
Ardent — Keppel.
( ExpERiMENT. — sir James Wallace.
50 J Isis — William Gornwallis.
( pRESTON — Hotham^ commodore.
Frégates : Phoemx, Roebuck.
Après être resté pendant quinze jours au mouillage de-
vant New- York, temps qui fut employé à faire de l'eau et
à s'entendre avec le gouvernement des États-Unis, le vice-
amiral d'Estaing mit à la voile et fil route pour New-Port,
dans l'État de la Providence, afin de soutenir les opérations
des Américains contre Rhodes island. Il arriva le 28 en vue
de ce port; et, sur la demande du général américain qui
désirait combiner son attaque avec l'entrée de l'escadre
française, il mouilla en dehors.
L'île de Rhodes est située à l'entrée de la baie de la Pro-
vidence et New-Port se trouve dans sa partie occidentale, à
petite distance de la pointe Sud. Un demi-mille sépare Rho-
des island de l'île Connecticut qui, placée à l'Ouest, a comme
elle sa principale étendue du Nord au Sud. Trois passages
conduisent conséquemment à New-Port. Le premier est la
passe naturelle entre Rhodes island et Connecticut ; le se-
cond est le passage dit de Sea Konnet entre Rhodes is-
land et la partie orientale de la baie de la Providence. Le
dernier enfin est entre la partie occidentale de cette baie
et Connecticut. Il n'y avait pas à s'occuper du passage di-
rect : l'escadre le gardait; mais il était important de fermer
les autres pour empêcher les navires qui se trouvaient soit
à New-Port, soit aux autres mouillages de la baie de la
Providence d'en sortir. Le Fantasque^ le Sagittaire et les
frégates furent placés dans le passage Sea Konnet ; le Pro-
tecteur et la Provence mouillèrent à l'entrée de la passe de
14 BATAILLES» — 1778.
rOuest. I^es capitaines des bâtiments anglais dont on cou-
pait ainsi la retraite virent de suite qu'ils n'avaient qu'un
parti à prendre pour iie pas totnbôr au pouvoir des Français ;
ils incendièrent ou coulèrent successivement les frégates
Orphoeus — Lark — Jung — Fiora de 32° — Cerberus de
28 et la corvette de 18 Falcon. Quelques beaux traits de
courage furent signalés dans ces affaires d'avant-garde.
L'enseigne de vaisseau Dorcet de YAlcmène fut mis à l'ordre
du jour pour avoir accosté une frégate anglaise déjà en
feu et qui fit explosion au moment où il montait à bord.
Enfin, le 8 août, toutes les mesures étaient prises. Pen-
dant que les Américains opéraient un débarquement daûé
la partie Nord de Rhodes island, 8 vaisseaux français for-
cèrent l'entrée de la rade de New-Port, sous le feu des bat-
teries et allèrent jeter l'ancre dans le fond de la bâië de
Connecticut, jusqu'à la pointe Sud de Gold island. Le Zèté
tenait la tête de la colonne ; venaient enâUiie le Tonnaftt^ lé
Vaillant^ Y Hector, le Languedoc^ le Marseillais ^ le César (et
le Guerrier.
Le vice-âmiral Howe, qui avait quitté New- York dès que
l'escadre française avait mis à la voile, parut, le 9 août,
devant New-Port. Son escadre avait été renforcée de 7 fré-
gates, de plusieurs brûlots et des vaisseaux.
Canous.
64 Raisonnable capitaine Onslow.
i Centurion — Braithwaite.
l Renowns — • Dawson
74 CoRNWALL — Edwards.
Le CoRNWALL faisait partie d'une escadre de 13 vaisseaux,
sous les ordres du vice-amiral John Byron, qui avait quitté
Plymouth dans les premiers jours du mois de juin, et qui,
le 13 juillet, avait été dispersée par un violent coup de vent.
Le vice-amiral Byron n'arriva à Halifax que le 26 août.
L'Angleterre avait déjà à vaisseaux, 22 frégates et 10 cof-
vettes sur cette partie de la côte.
L'apparition de l'escadre anglaise contraria les projets
du vice-àmifal d'Estaing ; sa position au mouillage n'était
BATAILLES. — 1778. 15
plus tenable ; ses vaisseaux pouvaient être attaqués par les
batteries de terre et, par mer, détruits ou incetidiés par des
brûlots. Sa détermination fut bientôt prise. Le vent ayant
passé au Nord pendant la nuit, il fit ses dispositions d'ap-
pareillage, et dès que le jour parut, Tescadre mit sous
voiles. Les premiers rayons du jour montrèrent donc aux
Anglais Tescadre française sous voiles, se dirigeant vers
les passes sous le feu des forts, qui furent aussi impuis-
sants à empêcher sa sortie qu'ils l'avaient été â lui défendre
l'entrée de la rade. Le vice-amiral Howe était loin de s'at-
tendre à cet appareillage ; il fit couper les câbles à ceux
de ses vaisseaux qui avaient laissé tomber l'ancre et prit
le large. Le H, les Français l'avaient beaucoup rapproché
et, à à^ de l'après-midi, ses derniers vaisseaux allaient être
joints, lorsque le temps, déjà fort menaçant, devint si mau-
vais, que les deux escadres, forcées de songer à leur sû-
reté personnelle, mirent à la cape; un coup de vent de N.-E.
venait de se déclarer. Les vaisseaux français furent dis-
persés et plusieurs firent des avaries majeures.
Le 12, à 3'' de l'après-midi, le vaisseau de 74' le César
rencontra le vaisseau anglais de 50 Isis, capitaine Corn-
wallis. La présence d'une corvette et d'un autre vaisseau
anglais qui étaient en vue sous le vent n'arrêta pas le chef
d'escadre de Broves. Le combat durait depuis deux heures,
à portée de pistolet, et le feu de l'Isis se ralentissant d'une
manière sensible, il y avait lieu de supposer qu'il ne tar-
derait pas à cesser, lorsque la roue du gouvernail du César
fut démontée. Ce vaisseau ne gouverna plus et l'anglais
lui échappa. Le capitaine de Raymondis perdit le bras
droit à cette affaire.
Le vaisseau de 74° le Marseillais^ capitaine Lapoype-
Vertrieux, démâté de son beaupré et de son mât de misaine,
achevait à peine d'installer un mât de fortune, lorsqu'il fut
attaqué, le même jour à 8*» du soir, parle vaisseau anglais
de 50'' Preston, monté par le commodore Hotham; il s'en
débarrassa après un engagement d'une heure.
16 BATAILLES. —1778.
Le Languedoc démâta de tous ses mâts et perdit son
gouvernail. L^ 13, il fut attaqué dans cet état par le vais-
seau anglais de 50*' RENOV^riss, capitaine Dawson. Quoique
réduit à ne pouvoir se servir que de cinq canons, dont un
fut démonté à la première bordée, il fut abandonné par le
vaisseau anglais, que rien n'obligeait à cesser le combat.
Le 14, tous les vaisseaux, le César excepté, se trouvèrent
ralliés et mouillèrent sur la côte, dans le Sud de Rhodes
island; le vice-amiral d'Estaîng arbora son pavillon sur
Y Hector. Trois jours après, l'escadre alla prendre le mouil-
lage de cette île, V Hector s'empara en chemin de la cor-
vette anglaise de 48* Sénégal. Le Vaillant, de son côté,
prit la bombarde Thunderer, et la frégate la Gracieuse fit
amener la corvette de là ° Zéphyr. La ville de New-Port ne
pouvant fournir à Tescadre les ressources dont elle avait be-
soin, le vice-amiral d'Estaing prit le parti de se rendre à
Boston. Ce départ était d'ailleurs nécessité par l'arrivée du
vice-amiral Byron, dont il devait éviter la rencontre, réduit
comme il Tétait par l'absence d'un vaisseau et le démâtage
de deux autres.
L'escadre anglaise avait aussi été dispersée. La frégate
Apollo sur laquelle l'amiral Hov^^e avait arboré son pavil-
lon, avait démâté de son mât de misaine et de son grand
mât de hune. Tous les vaisseaux avaient fait des avaries ;
le RussEL et TInvincible furent renvoyés en Angleterre.
L'escadre française appareilla, le 21 août, et mouilla le
28 sur la rade de Nantucket; les vaisseaux qui avaient le
moins d'avaries furent embossés dans les passes. En avant
de Boston et sur une étendue de plusieurs milles, la mer
est'Couverte d'îlots et de bancs qui forment plusieurs pas-
ses, d'une défense facile, pour arriver à ce port. A deux
lieues dans le S.-E. se trouve Nantucket, point de la côte
où commence l'enfoncement qu'on pourrait nommer la baie
de Boston. Saint-Georges, un des principaux îlots, est vis-
à-vis Nantucket. C'étaient donc ces deux points qu'il y
avait surtout intérêt à fortifier pour appuyer les vaisseaux.
BATAILLES. — 4778. 17
Le vice-amiral d'Estaing ne manqua pas de le faire. Des
canons pris à bord de ceux des vaisseaux qui travaillaient
à se répalrer sur la rade de Nantucket furent mis à terre,
et des marins de ces mêmes vaisseaux furent désignés pour
faire le service de ces batteries. L'escadre anglaise parut
devant Boston, le 1" septembre, mais elle ne fit aucune
démonstration. La simple inspection des mesures prises
par les Français suffit pour convaincre son commandant en
chef de leur inutilité.
Le 4 novembre, les vaisseaux ayant réparé leurs avaries,
le vice-amiral d'Estaing quitta Boston et fit route pour la
Martinique où il arriva, le g décembre, après avoir encore
reçu un coup de vent qui dispersa son escadre et pendant
lequel le Languedoc démâta de son grand mât de hune et
du mât de perroquet de fougue.
L'escadre anglaise reçut aussi ce nouveau coup de vent
et souffrit beaucoup ; le Sommerset fut jeté à la côte sur le
cap Cod ; le Biçdford, totalement démâté, fut remorqué à
New-York par le Cornwall ; le Culloden fit route pour
l'Angleterre.
Ces pertes ne furent pas les seules que les Anglais su-
birent pendant le séjour du vice-amiral d'Estaing sur les
côtes d'Amérique. Dans les premiers jours de juillet, la
frégate de 44'' Roebuck se jeta à la côte pour échapper aux
chasseurs de l'escadre française. Le brig de 16** Stanley,
qui était venu reconnaître l'escadre, fut amariné par le
César ; la frégate de 28° Mermaid et la corvette de 18*
King's Fisher, se jetèrent sur le cap Hinlopen, le 8 juillet,
pour éviter d'être prises.
Le 4 novembre, jour où le vice-amiral d'Estaing quittait
Boston, le commodore Hotham partait du mouillage de
Sandy-Hook, à l'entrée de la baie de New- York, avec 5
vaisseaux, quelques frégates et un convoi considérable
pour les Antilles ; le 10, il rallia le contre-amiral Barring-
11. 2
18 BATAILLES.— 1778,
ton à la Baii)ade. L'attaque de Tile fratil^ise de Ssûnte-
Lucie était un projet arrêté. Cet officier général n'attendait,
pour l'effectuer, que l'arrivée de renforts qu'il jugeait in-
dispensables. Des troupes furent immédiatement embar-
quées et la division anglaise se dirigea sur Sainte-Lucie.
Les troupes mises à terre, le 13 novembre, s'emparèrent
facilement d'une petite ville sans défense et marchèrent de
suite sur le seul point fortifié qui défendît la rade du Caré-
nage, la batterie du Morne-Fortuné, et l'enlevèrent. Le
contre-amiral Bairington plaça alors ses transports au fond
du Cul-de-sac et embossâ ses vaisseaux à l'entrée de k
rade, après avoir établi quelques canons sur les deux
pointes extérieures.
La baie du Carénage, sur la côte occidentale de Vile
Sainte-Lucie, a son entrée à l'Ouest ; le goulet de cette
rade n'a pas plus de 200 mètres d'ouverture^ Quelques
rochers entourent les deux pointes de cette entrée
encore quelque peu rétrécie par un banc qui part de la
pointe du Sud et qui se répand dans l'O.-N.-O. Le fond
varie de 8 à 15 mètres dans cette passe. En dedans de la
pointe Nord, à environ 550 mètres, se trouve une seconde
pointe entourée d'un récif; le Morne-Fortuné est dans la
direction et à petite distance de cette pointe. Sa batterie
protégeait à la fois la rade, son entrée et le Cul-de-sac,
enfoncement parfaitement abrité sur la côte Nord et au
fond de la baie. Voici l'ordre dans lequel les vaisseaux an-
glais étaient placés.
Canons.
74 Prince of Wales capitaine
honorable Samuel Barrington> contre-amiral.
70 BoYNEs capitaine Sawyer.
SPreston — Hotham.
Centurion — Braithwaite.
, Isis — William Cornwallis.
j Saint Albans — Onslow.
^* I NoNsucH — Walter Griffiths.
Le 14 au matin, le vice-amiral d'Estaing eut connais-
sance de l'attaque dirigée contre Sainte-Locie ; il fii de
BATAILLES. ~477«. \^
isùitte étiiMtiiter 6,000 hoihitiëâ de ttiottpes et, dàtis Tâprêa-
ttidi, il mit souà Voiles avec 11 vaissëaùJc; un dôtazièitié,
lé Marstiliais, lé t'allia le lendemain.
Le 15 au ttiàtîn, T escadre arriva devant la baie du Caré-
nage dans Tordre suivant :
Canons.
74 Zélé capitaine Barras de Saint-Laurent.
80 Tonnant — comte de Bruyères.
comte de Breugnon, chef d'escadre.
t* Marseilîais tapitaine Lapoype-Vertrieut.
80 Languedoc. — de BoulainTilliers.
comte d'Estaing, yice-amiral,
Y4 Éector, capitaine de Moriës-Castellet.
74 César. — de Broyés, chef d'escadre.
64 Fantasque — commandeur de Suffren.
74 Guer¥ier, ......... — de Bougainvîlle.
74 Protecteur. . ^ • — dievalier d'Apchon.
64 Vaillant. . — marquis de Ghabert.
64 Provence. ...;...;. — de Ghamporcin.
50 Sagittaire — d'Albert de Riois.
L'intention dti cblhniandant en chef était d'élonger la
ligne anglaise dû NbM au Stid ; de faire mouiller chaque
vaisseau par le travers d'un vaisseau ennemi et d'autoriser
lès capitâîiies à aborder leur adversaire, s'ils le jugeaient
Convenable. t)ahs le cas où le fond serait trop considérable
ptt'itr laisser tôùiber l'ancre, il comptait prendre position
en dedans de là ligne aùgldse. Les circonstances de vent
et fe position dé l'ennefaaî devaient, du reste, faire modifier
le ^laù d'attaque. Le Sagittaire et la frégate la Chimère
avaient ordre, dans tous les cas, d'attaquer la batterie dé
Ja pointe Sud; la Provence et le Vaillant étaient chargés
d'éteindre le feu de celle du Nord. La brise était faible de
l'Est. L'escadre française élongea la ligne anglaise, en la
canonnant et en recevant son feu et celui des batteries de
terre, mais elle ne mouilla pas ; elle prolongea sa bordée,
et le soir, le commandant en chef renouvela la canonnade
du matin. Le 17, il mouilla dans l'anse du Choc, débarqua
les troupes et les dirigea sur le Morne-Fortuné, distant de
quelques milles seulement de ce mouillage. L'escadre re-
mit ensuite à la voile pour aller attaquer de nouveau la
20 BATAILLES. —4778.
■ ^
division anglaise ; mais la faiblesse de la brise contraria
les projets du commandant en chef et le soir il retourna au
mouillage. L'expédition par terre ne réussit pas. Les trou-
pes furent rembarquées et le 30, Tescadre était de retour
à la Martinique. Le gouverneur de Sainte-Lucie capitula le
lendemain de son départ.
Dès qu'on connut, dans Flnde, la possibilité d'une rup-
ture prochaine avec la France, les Anglais firent secrète-
ment, à Madras, des préparatifs pour attaquer à la fois,
par terre et par mer, les établissements français, avant
qu'ils pussent recevoir des secours d'Europe. Mais, dans
la prévision de cette rupture, le gouverneur de Pondichéry
avait fait fortifier la ville (1), jusque-là ouverte de tous
côtés ; et infof mé des dispositions que prenaient les Anglais,
il différa le départ du vaisseau de 64*^ le Brillant^ capi-
taine Tronjoly, qui était rappelé en France. La frégate de
38* la Pourvoyeuse constituait, avec ce vaisseau, les forces
navales de la France dans les mers de l'Inde. La division
anglaise du commodore Vernon, composée d'un vaisseau
et de deux frégates, venait d'être renforcée de plusieurs
vaisseaux de la Compagnie qu'on avait armés en guerre. Les
Français suivirent cet exemple et le capitaine Tronjoly se
trouva bientôt commander une division composée comme
il suit :
Canons.
64 Brillant capitaine Tronjoly.
58 Pourvoyeuse — Saint-Orens.
26 Sartine — Duchayla.
82 Lawriston — Lefer de Beauvais.
20 Brisson — Duchezeaux.
Le 8 août, le major-général anglais Munro se présenta
devant Pondichéry avec 17,000 hommes et, prévenant le
(1) Elle avait été rendue à la France en 17G5; mais sans enceinte ; les An-
glais en avaient rasé les fortiûcations en 1761.
BATAILLES. —1778. 21
gouverneur qu'il avait reçu du conseil de Madras Tordre de
s'emparer de cette place, il le somma de la lui remettre.
Deux jours après, le commodore Vernon arriva avec sa di-
vision, apportant l'artillerie de siège et les munitions.
Canons.
50 RiPON Edward Vernon^ commodore.
28 GoYENTRT capitaine Benjamin Marlowe.
24 Sea-horse — George Farmer.
14 CoRMORANT — GeoFge Young.
26 Valentine^ vaisseau de la Compagnie.
Le gouverneur de Pondichèry s'attendait à une attaque
simultanée par terre et par mer, et il avait prescrit au com-
mandant de la division française de ne pas s'éloigner de
ces parages ; aussi le commandant Tronjoly put-il contra-
rier de suite l'opération des Anglais. Dès que la division
ennemie fut signalée, il se dirigea sur elle ; le vent souf"
flait du S.-S.-E. , mais si faible, qu'il ne put la joindre avant
T 30" de l'après-midi. Les Français étaient en ordre de
bataille, le Brillant en tête; le commodore anglais était au
centre de sa colonne qui courait à contre-bord. Le com-
mandant Tronjoly n'hésita pas à engager le combat; la
prise de Chandemagor par laquelle l'agression des Anglais
avait commencé, et la conduite du général Munro justi-
fiaient cette attaque, quoique la déclaration de guerre
n'eût pas été notifiée. Il commença le feu dès qu'il fut par
le travers du vaisseau de tête anglais, et chaque bâtiment
en fit^ autant à mesure qu'il découvrit l'ennemi ; les Anglais
ripostèrent immédiatement. Lorsque les deux divisions se
furent dépassées, elles virèrent de bord et recommencèrent
cette canonnade qui dura sept quarts d'heure. Enfin le com-
modore anglais voyant le commandant de la division fran-
çaise bien résolu à ne pas lui laisser remplir sa mission, fit
route au N.-E. Les deux divisions se firent peu de mal dans
ce combat qui fut, en quelque sorte, conduit politiquement
des deux côtés. Loin de poursuivre la division anglaise,
ainsi que le commodore Vernon Tespérait peut-être, le
commandant Tronjoly mouilla auprès de Goudelour et, le
lendemain, il était devant Pondichèry.
22 COMBATS PARTiCULIERS.— 1778.
A quelques jours de là, la division anglaise, renforcée
des vaisseaux de la Compagnie Southampton, Nassau et
BosHOROUGH, passa devant Pondicbéry et s'empara de la
Sartine qui était en croisière. Le 2Q, elle psMTUt encore : la
division française ne bougea pas. N'appréciant pas les mo-
tifs qui empêchaient le commandant de la division navale
de mettre sous voiles, le gouverneur lui donna l'ordre
d'appareiller. Le commandant Tronjoly obéit, mais il se
rendit directement à l'île de France , ne laissant que la
Pourvoyeuse sur la côte.
Pondicbéry capitula, le 16 octobre, après un siégç qui
dura soixante-dix jours.
Pçpuis quelque temps déjà, la France avait conclu un
traité d'alliance et de commerce avec les États-Unis d'A-
mérique; l'Angleterre avait rappelé son ambassadeur et
pourtant, ainsi que je l'ai dit, l'escadre du vice-amiral
d'Estaing avait traversé la Méditerranée et l'Qcéan ^ans
qu'aucun acte d'bostilité eût encore marqué la ruptqre de
la paix entre la France et l'Angleterre. A la frégate de 3Q''
l^ Belle-Poule^ capitaine Ghadeau de Laclocheterie, étai^
réservé l'bonneur de faire j^Ilir la première étincelle de
l'immense incendie dont les flammes allaient bientôt par-
courir toutes les mers.
Cette frégate, qui faisait partie de l'armée navale qu'on
armait à B^est, avait été expédiée avec une autre frégate,
la licorne de 26", capitaine Belizal, pour observer les
inouvPWP^ ^63 Anglais à l'entrée de la Manche. Le 17
juin, les capitaines français aperçurent 1 A vaisseaux anglais
réunis en escadre sous le commandement de l'aqûral Kep-
pel, sorti aussi pour suivre les mouvements de l'arméç na-
vale de Brest ; l'amiral anglais fit chasser les 2 frégates*
Vers 6^ du soir, la frégate Mii^fort avait joint la Licorne
et sommait, en termes Jrès-mesurés, le cajHtaine français
de passer à poupe du vaisseau amiral anglais. Après quel-
COMBATS PARTICULIERS. -^ iTT8. S3
ques hésitations, le capitaine Belizal se rendit à cette in-
vitation.
Presque au même moment, le capitaine Marshall de la
frégate de 28*" Arethusa, transmettait le même ordre au
capitaine Chadeau de Laclocheterie. Sur son refus d'y ob-
tempérer, la frégate anglaise envoya une volée dans la
hanche de dessous le vent de la Bell^PouU; celle-ci ri-
posta immédiatement et laissa un peu arriver pour mettre
la frégate anglaise par son travers. Le combat devint bien-
tôt très-vif, et le grand nombre de tués et de blessés gisant
sur les ponts ne tarda pas à constater l'ardeur qui animait
les deux équipages. A 11^ 30"", démâtée de son grand mât
et presque complètement dégréée, 1' Arethusa fit vent ar-
rière et se Replia sur son escadre. La Belle-Poule^ qui n#
pouvait poursuivre son adversaire sans rencontrer de
nouveaux ennemis, l'accompagna de ses boulets et alla
chercher un abri dansTanse de Kervin, près de Plouescat.
Elle y reçut un renfort d'équipage qui lui permit de rentrer
à Brest.
La Belle-Poule portait 26 canons de 12
et A — de 6;
L' Arethusa — 24 canons de 9
et 4 — de 6.
Quelque peu confus probablement de la conduite qu'il
tenait, alors que le capitaine de la Belle-Poule repous-
sait si énergiquement les prétentions de l'amiral anglais,
le capitaine Belizal voulut continuer sa route ; il n'en était
plus temps. Un des vaisseaux anglais lui envoya un'boulet ;
la frégate française riposta par une volée entière qui fut
reçue par le vaisseau America, et elle amena son pavillon.
Une autre frégate française, la Pallas de 32^, tomba
aussi dans cette escadre et fut prise sans combat.
Le lougr» de 8° le Cmrewé, sorti avec les deux frégates,
reçut une somoiation du capitaine Fairfax du cutter de lO*"
AiJS&T, Le ca^it^ine chevalier de Rosily n'en tint pas
24 COMBATS PARTICULIERS. — 1778.
compte ; mais, moins heureux que la Belle-Poule^ le Coureur
fut obligé de se rendre après un combat de deux heures.
N
A son atterrage sur la côte d'Amérique, au mois de juil-
let, le vice-amiral d'Estaing avait détaché en avant la fré-
gate de 30° Y Engageante^ capitaine chevalier de Gras-Pré-
ville, pour lui indiquer la sonde. Le, 5 de ce mois , cet
officier aperçut la frégate anglaise de 26*" Rose, capitaine
Duncan, et la chassa; à S^ du soir, il n'en était pas à plus
d'une demi-portée de canon. Dès que Y Engageante fut par
le travers de la frégate anglaise, elle lui envoya une bordée,
puis une seconde : toutes deux restèrent sans réponse ; ce
ne fut qu'à la troisième qu'un feu bien nourri d'artillerie
apprit au capitaine Préville qu'il avait affaire à un vigou-
reux adversaire. Le combat durait depuis deux heures, et
cependant le tir des deux frégates était sans résultats ;
Y Engageante se rapprocha à portée de pistolet. Excité par
une résistance si longue qu'il était impatient de faire ces-
ser, l'équipage de la frégate française redoubla d'ardeur. A
1" après minuit, la Rose, coulant bas d'eau et réduite à
l'état le plus pitoyable, amena son pavillon.
L'Engageante portait 26 canons de 12
et 4 — de 6
La Rose — 22 canons de 9 ;
et û — de (5.
Au jour, le capitaine Préville rallia son escadre et, lorsque
l'état de sa prise fut connu, il reçut l'ordre de la couler.
Le 9 juillet, la frégate de 32** Ylphigénie qui éclairait la
marche de l'armée navale sortie de Brest, la veille, aperçut
la corvette anglaise de 20** Livelv qu'elle chassa, et l'ayant
jointe, le capitaine de Kersaint lui enjoignit, ^ son tour,
de se rendre auprès du commandant en chef. Sur le refus
COMBATS PARTICULIERS.— 1778. 25
qui lui en fut fait par le capitaine Biggs, Ylphigénie lui en-
voya sa volée et la corvette amena son pavillon ; elle fut
conduite à Brest.
Le 17, la frégate de 26° la Junon^ capitaine de Beau-
mont, s'empara du cutter de 14* Alert.
La frégate de 26 *" la Concorde ^ capitaine Legardeur de
Tilly, se rendant à Saint-Domingue, aperçut, le 22 août
à la pointe du jour, un bâtiment qui se dirigeait sur elle.
C'était la frégate anglaise de 32*» Minerva, capitaine sir
John Stott, qui croisait dans le Nord de l'île, inquiétant et
visitant tous les navires, et qui prenait la Concorde pour
un navire du commerce. Le capitaine de Tilly la laissa
approcher, et lorsqu'elle fut par son travers, il lui lâcha
sa bordée : il était alors 7\ Le combat prit un caractère
d'acharnement facile à concevoir au début d'une guerre
maritime. A la seconde bordée, la frégate anglaise perdit
son mât d'artimon ; mais ni ses avaries toujours croissantes,
ni une blessure assez grave que son capitaine reçut à la
tête et dont il mourut plus tard, ne ralentirent son feu. Ce-
pendant, à 9' 30", criblée et privée de la moitié de son
équipage, la Minerva dut amener son pavillon : elle fut
prise à la remorque par la frégate française et conduite au
Cap Français, qui était alors en vue. Les avaries de la Con-
corde étaient peu sérieuses et ses pertes très-minimes, com-
parativement à celles de son adversaire.
La Concorde portait 26 canons de 12 ;
La Minerva — 26 — de 12
et 6 — de 6.
La rupture des relations amicales avec l'Angleterre fai-
sait au gouvernement français une obligation de donner
ae GOHBATS PA^lTlCLUËIiS. - i178.
des escortes aux navires du commerce qui se rendaieTit diM^g
}e3 colonies et ^ ceux qui en revenaient. Le l*' septembre,
le capitaine Kéroulas de Gobars, de la frégate de 26'' la
Dédaigneuse^ escortant un convoi de Port-au-Prince au Cap
Français de Saint-Domingue, en cpmpagnie de la frégate
de SS"" la Charmante^ capitaine Macnémara, aperçut au vent
un bâtiment qu'il chassa. Lorsque les deux frégates fran-
çaises, qui louvoyaient sans ordre, furent à bonne distance
Tune de l'autre, ce bâtiment, qui était la frégate anglaise
de 28* Active, capitaine William Williams, laissa arriver
sur la Dédaigneuse, La Charmante prolongea sa bordée de
manière à passer au vent de la frégate anglaise, afin de la
mettre entre deux feux; mais elle arriva trop tard pour
prendre part au combat : T Active avait amené son pavillon
à la seconde bordée de la Dédaigneuse ^ après lui avoir ri-
posté quelques coups de canon.
L'Active était une frégate de 40", mais elle en avait jeté
douze à la mer pendant un coup de vent. Son armement
primitif consistait en 28 canons de 12 en batterie
et 12 — de 6 sur les gaillards.
C'étaient probablement ces derniers qui avaient été jetés
à la mer.
La Dédaigneuse avait 26 canons de 12.
Je dois avouer mes doutes au sujet de l'armement réel
de la frégate anglaise. Une relation, écrite peu de temps
après le combat, dit que l'AcTi^is était une frégate de 28«,
et qu'en ayant jeté 11 à la mer, il ne lui en restait que 17
en batterie.
Le 1& septembre, le capitaine vicomte de Beaumont, de
la frégate de 32? la Junon^ se trouvant à 120 milles dans
le S.-S.-O. d'Ouessant, aperçut sous le vent et chassa la
frégate anglaise de 28'' Fox, capitaine lord Windsor ; celle-ci
diminua de voiles et tint le vent pour l'attendre. Les deux
frégates s'envoyèrent d'abord une volée à contre- bord, puis
le capitaine dd Beaumont vira lof pour lot et prit poste un
COMBATS PARTICULIERS.— 1778. «7
peu de rarrière, mais toujours au vent. Cette position ne
lui procurant pas tous les avantages sur lesquels il compr
tait et, malgré tous ses efforts, ne pouvant réussir à at-
teindre le travers de la frégate anglaise, il laissa porter pour
se placer sous le vent. Afin d'éviter une bordée d* enfilade,
le capitaine anglais laissa aussi arriver, et les deux fré-
gates se présentèrent le travers à portée de fusil. Bientôt
les décharges d'artillerie et de mousqueterie se succédèrent
avec rapidité ; mais les coups de la Junon étaient mieux
dirigés, et après une heure et demie de combat, le Fox
perdit sa grande vergue et ses deux mâts de hune. Leur
chute fut suivie successivement de celle du mât de mi-
saine, du grand mât et du mât d'artimon. La frégate an-
glaise ne pouvait opposer une plus longue résistance ; à ô*",
elle cessa de tirer* Le capitaine Windsor était blessé.
Quoique les avaries de la Junon eussent peu d'importance,
il lui fallut une heure et demie avant de pouvoir amariner
la frégate anglaise, qu'elle conduisit à Brest à la remorque.
La Junon portait 26 canons de 18
et 6 — de 8;
Le Fox — 2A canons de 9
et 4 — de 6.
Le vaisseau de Ôâ"" le TrHon, capitaine comte de Li-
goodes, en croisière à la hauteur du cap Finistère, fut
chassé, le 20 octobre, par le vaisseau anglais de 50° Jupi-
ter et la frégate de 28"" Mëdea qui couraient sur lui vent
arrière ; le vaisseau français les attendit au plus près, bâ-
bord amures. A 5^ 16^ de l'après-midi, le Jupiter était
par son travers, à bâbord, et il avait à peine engagé le com-
bat que la frégate canonnait le Triton par la hanche op-
posée. Le c^itaine de Ligondes ne pouvait accepter le
combat dans cette position. Au moyen d'une grande arri-
vée, il mit ses deux adversaires du même côté. La lutte
durait depuis une heure et deibie lorsque, blessé mortel-
28 COLONIES.— 1778.
lement, le capitaine de Ligondes remit le commandement
au lieutenant |de vaisseau de Roquart. A 8** 15", la Medea
abandonna la partie. Après avoir encore combattu pendant
une heure, le Jupiter s'éloigna à son tour; il échappa à la
poursuite du Triton pendant un grain violent qui obscurcit
rhorizon. Ce dernier dont le grément et la voilure étaient
hachés, relâcha à la Gorogne^
Je ne saurais dire à laquelle des deux catégories de
vaisseaux de dli"" appartenait le Triton^ c'est-à-dire s'il
portait du 18 ou du 12 à sa deuxième batterie.
Pendant une des attaques que l'escadre française aux
ordres du vice-amiral d'Estaing dirigea, dans le mois de
décembre, contre la division anglaise embossée à l'entrée
de la baie du Carénage de Sainte-Lucie, la frégate de 32*^
Ylphigènie^ capitaine de Kersaint, s'empara de la corvette
anglaise de 18'' Çeres, après cinq heures de chasse.
Les colonies de l'Ouest de la France étaient dans des
conditions plus favorables que celles de l'Inde pour repous-
ser les agressions de ses ennemis; on prit même l'initiative
dans les Antilles. Dès qu'il sut que les hostilités avaient
commencé, le gouverneur général des îles sous le Vent
profita de l'absence de l'escadre anglaise qui était alors
sur la côte d'Amérique, pour tenter une expédition contre
la Dominique ; cette île avait été cédée à l'Angleterre en
1763, A cet eflet, 1,800 hommes de troupes furent embar-
qués sur les frégates de 26° la Tourterelle et la Diligente,
capitaines chevalier de la Laurencie et vicomte Duchilleau
de Laroche, YAmphitrite de 32, capitaine Jassaud, et la
corvette de 20** Y Étourdie^ capitaine de Montbas. Le 6 sep-
tembre pendant la nuit, le fort Cachacrou, qui défend la
ville du Roseau, fut enlevé par surprise et, le lendemain,
les troupes furent débarquées sans opposition : une heure
COLONIES.- 4778. 89
après, le gouverneur capitulait. Une garnison fut laissée
dans nie, et la division retourna à la Martinique.
La prise de Pondichéry fut le premier acte d'hostilité
des Anf^lais dans Tlnde. Cette conquête fut facile : la ville
de Pondichéry avait été rendue à la France, à la paix de
1763, sans fortifications et sans fossé d'enceinte.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU INCENDIÉS
pendant Tannée 1778.
FRANÇAIS.
Canons.
38 Pallas Prise par une escadre.
28 Fox * Naufragée à Belle-Isle.
36 Licorne Prise par une escadre.
8 Coureur Pris par un cutter.
S6 Sartine, bâtiment de la
Compagnie (1) Pris par une division.
ANGLAIS.
64 SoMMERSET Naufragô à Terre-Neuye.
ii RoERucK Détruite à la côte.
ORPHiEUS \
t'I ^ > Détruites à Rhodes island.
.., , Jonc (
"** ^ Lark J
MiNERVA Prise par une frégate.
Repdlse Naufragée aux Bermndes.
( cÊmeI; : : : : : : : : ! d"™""* ^ ^^^'^ "'»»'»•
28 \ Merxaid Détruite à la côte.
I Active \
S6 Rose. '. ! ! ! ! ! ■.■.■.! ! ï""'*' P«î *" ^'^^^-
20 LivELY. ; ]'
^Falcon. . . Détruite à Rhodes island.
( King's fisher Détruite à la côte.
18 ) PoMONE. Naufragée aux Antilles.
i Sénégal. Prise par un vaisseau.
\ Ceres Prise par unej^frégate.
16 Stanley. % Prise par un vaisseau.
Ma
(1) Je comprends la Sartine dans cet état parce qu'elle était momentanément
considérée conmie bâtiment de guerre.
*0 BATAILLES. — 4779.
i Merlin DélhiU dans la DeUware.
aler™* 1 ; ; ; ; '. : : .* : î^"» ^^^ *"* ^«**«-
* L*astérique iodique un bâtiment pris à reoDemi.
RÉGàPIinLATION.
FRANÇAIS. . Vaisseaux
Frégates. • . . . .
B&liments de rangâ in-
férieurs
ANGLAIS. . . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in
férieon.
Détraits
Pris.
oa
Incendies.
TOTAL.
naufragés.
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5
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1
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a
»
a
i
8
»
12
6
i
»
io
ANNÉE 1779.
Depuis bientôt un an que, sans déclaration de guerre,
les hostilités étaient commencées entre la France et 1 An-
gleterre, TEspagne, qui n'avait pas abandonné son rôle de
médiatrice, voyait toutes ses propositions repoussées et ne
pouvait obtettir dÙ gouvernement anglais la trêve illimitée
qu'elle avait sollicitée pour son alliée. Bientôt elle eut à
traiter pour son propre compte, et le roi d'Espagne dut
demander satisfaction des insultes continuelles aotqùeltes
son pavillon était en butte , car les officiers anglds ne ces-
saient de fouiller et de piller les navires esps^ois. Il tie fut
pas plus heureux dans cette négociation que dans la pre-
mière ; les réparations qu'il demandait lui furent refusées
d'une manière évasive. Fatigué de voir que le cabinet de
Londres n'avait d'autre but que de traîner les négociations
en longueur, il déclara se trouver dans la nécessité d'em-
ployer tous les moyens en son pouvoir pwf se feire justice
BATAILLES. — 1779. SI
Itii-Dfiétne, fet i! accéda aux propositions que lui fit le roi de
France de àe joindre à lui pour venget leurs grieft respec-
tifs et mettre un terme à Tempire tyrannique que l'Angle-
terre avait la prétention d'exercer sur toutes les mers. Une
alliance offensive et défensive fut conclue entre les deux
puissances, et elles arrêtèrent un projet d'armée navale
combinée qui pût les rendre maîtresses de la ûier sur les
côtes de l'Océan, D'immenses armements furent faits dans
les ports de Frâute et d^Espagne, et Ton compta bientôt
30 vaisseaux et 10 frégates sur la rade de Brest. Le lieu-
tenant général comte d'Orviliiers fut désigné pour cottl-
mander en chef Tarmée combinée.
Un double projet de descente en Angleterre et d'attaqUfe
contre Gibraltar était le but de ces armements. &0,000 faom>
mes furent échelonnés isur IfeS côtes de Bretagne et de Nor-
mandie, prêts à s'élancer de l'autre côté de la Manche au
premier signal. Le lieutenant général d'Orviliiers devait
combattre d'abord l'armée anglaise et convoyer ensuite les
transports sur lesquels les trotipes seraient embarquées.
L'armée navale de iFrance mit à la voile le 3 juin, et se
dirigea sur les côtes d'Espagne, où elle devait trouver les
vaisseaux espagnols; mais elle y croisa pendant un mois
sans en voir apparaître tih sfeul. Les officiers généraux es-
pagnols avaient, en effet, montré beaucoup de répugnance
à se ranger sous les ordres d'un officier étranger, et, le
2 juillet seulement, 8 vaisseaux et 2 frégates, sortis de ïa
Corogne avec le lieutenant général D. Antonio I>ârcê, ral-
lièrent l'armée française. Vingt jours après, 28 autres vais-
seaux, 2 frégates, 2 corvettes et 3 brûlot'â, partie de Cadix
sous le commandement du lieutenant général D. Luis
de Cordovâ, rallièrent aussi ; l'armée combinée àiè trou^
alors forte de 66 vaisseaux et 1 â frégates ; toutefois, il n'y
eut que 20 vaisseaux espagnols qui se rangèrent sous les
ordres du lieutenant général d'Orviliiers; les autres for-
mèrent une armée indépendante, dite d'observation^ dont
le lieutenant général de Gordova prit le commandement.
32 BATAILLES. -^ 1779.
Cette armée combinée, la plus forte qu'on eût vue depuis
près d'un siècle, était composée comme il suit :
Canons.
74 Citoyen capitaine marqais de Nieuii.
70 San Miguel — don Jaan Moreno.
80 Auguste — de Charitte.
de Rochechouart^ chef d'escadre.
64 Protée. • . 4 capitaine Yalmenier de Cacqaeray.
70 San Pablo — de la Villa.
64 Éveillé — chevalier de Balleroy,
70 Arrogante -— don Fidel Estaya. '
100 Ville-de-Paris. — Huon de Kermadec.
comte de Guichen^ lieutenant général.
74 Glorieux capitaine de Beausset, chef d'escadre.
70 Serio — Morales.
64 Indien — de Lagrandière.
70 San Pedro — don JoseDiaz Branes.
70 San José — don Antonio Orserno, chef d'esc.
74 Palmier — chevalier de Reals.
74 Victoire — chevalier d'Albert Saint-Hippolyte.
Frégates : Surveillante, Bellone, Aigrette.
Corvette : Favorite, — Cotre : Pilote.
74 Zodiaque capitaine de Laporte-Vezins.
70 Guerrero — Lopez.
76 San Vincence —
comte Darce, lieutenant général.
74 Scipion capitaine comte de Gherisey.
74 Bien-Aimé — Daubenton.
74 Actif — ^araudin.
78 San Carlos — Lassana, chef d'escadre.
110 Bretagne — Duplessis-Parseau.
comte d'Orvilliers^ lieutenant général.
74 Neptune capitaine Hector^ chef d'escadre.
70 Vincedor - — Ramirez.
74 Destin — chevalier de Goriolis d'Espinouse.
70 San Joaquim — don Carlos de Terres.
70 S'« Isabel — don Antonio Posada^ chef d'esc.
74 Bourgogne — de Marin.
64 Solitaire — chevalier de Monteclerc.
Frégates : Assumpcion, Atalante, Junon^ Concorde,
Corvettes : Grana, Curieuse^ Étourdie.
Lougres : Chasseur, Espiègle,
74 Hercule . capitaine comte d'Amhlimont.
64 SeptentHon — Fumes.
83 Saint-Esprit — chevalier de Médines.
chevalier d'Arzac de Ternay^ chef d'escadre.
74 Intrépide capitaine Beaussier de Chateauvert, Louis-
André.
70 San Angel — Ruites Gordon.
64 Bizarre — Saint-Riveul.
74 Conquérant — chevalier de Monteil^ chef d'esc.
80 Rayo — Giral.
don Miguel Gaston^ lieutenant général.
BATAILLES. —1779. 33
70 San Damas capitaine don Francisco Borja. ' •
64 Actionnaire — Larchantel.
64 Alexandre — de Trémigoo, aîné.
70 Brillante — Garazo.
80 San Luis — don Solano, chef d'escadre.
64 Caton — chevalier de Seillans.
74 Pluton ,. — Destouches.
Frégates : Diane, N« Serî^^del Carmel, Magicienne.
Conrettes : Sénégal, S*« Catharina,
Gdtre : Mutin,
ESCADRE LÉGÈRE.
60 Saint-Michel. capitaine chevalier de Labiochaye.
60 Espana — Avaoz.
80 ^ouronrte — chevalier du Breil de Rays.
Levassor de Latouche, lieutenant général.
53 Minho capitaine don Jos^Zalava.
64 Triton — Ghadeau de Laclocheterie.
ESCA9RE d'observation.
110 SS<^ Trinidad capitaine
don Luis de Gordova, lieutenant général.
80 San Nicolas capitaine Ventura Moreno.
Monarca, . * — Adrian Gantin, chef d'escadre.
San Isidro — don ... Lopez.
San Pascal — don Ponce de Léon, chef d'escadre ;
San Rafaël — Posligo.
San Eugenio ^ Domonte.
Princesa — don ... Léon.
^ , Atlante — don Diego Quevedo.
San Francisco de Asis. . —
Velasco — don Diego Munoz.
Galicia. — - Alberto.
Oriente — Perser.
San Francisco de Paula. — don Alonzo Rivas.
San Isidoro — Saiafranca.
Astuto — Vallecilla.
Frégates : S'« Geriruda^ S'« Rosina,
Après avoir pris connaissance de Tîle d'Ouessant, Tannée
combinée qui manquait déjà d'eau et dé vivres et qui avait
un grand nombre de malades (1), se dirigea sur les côtes
d'Angleterre. L'intention du commandant en chef était
d'aller mouiller dans la baie de Torbay, d'y faire une
(1) L'état de situation du 11 juillet portait à 1,0S5 le nombre des malades et
à 174 celui des convalescents, abord des vaisseaux français; ils avaient déjà
perdu 48 hommes et 412 avaient été envoyés aux hôpitaux du Ferrol et de la
Gorogoe^ pendant que l'armée croisait sur la côte d'Espagne.
11 3
34 BATAILLES. — 1779.
répartition égale des vivres qui se trouvaient encore à bord
des vaisseaux et d'y attendre ceux qu'il avait fait demander
à Brest. Mais lorsque, le 17 août, l'armée arriva à la hau-
teur de cette baie, les vents passèrent à l'Est, grand frais,
et elle fut obligée de louvoyer pour chercher à l'atteindre.
Le temps fut mauvais pendant plusieurs jours. Le 25, le
lieutenant général d'Orvilliers ayant eu des renseigne-
ments précis sur Tarmée anglaise, fit assembler les officiers
généraux en conseil pour délibérer sur le parti qu'il con-
venait de prendre. Il fut exposé que quelques vaisseaux
avaient jusqu'à 300 malades et n'avaient ni chirurgiens ni
médicaments ; que d'autres manquaient d'eau à ce point
qu'ils étaient obligés d'en demander chaque jour à leurs
voisins \ que plusieurs, et notamment la Bretagne^ n'avaient
de vivres que jusqu'au 25 septembre, Le conseil décida
d'une voix unanime que, dans un tel état de choses, il se-
rait imprudent de s'engager dans la Manche *, qu'il fallait
aller chercher l'armée anglaise aux Sorlingues, ou l'y at-
tendre. Le conseil décida encore qu'on abandonnerait la
croisière le 8 septembre, et que, conformément aux ordres
que l'amiral espagnol avait reçus de son gouvernement, les
deux armées se sépareraient dès qu'elles pourraient le faire
sans inconvénients. L'armée combinée se dirigea donc sur
les Sorlingues.
Le 31, les frégates signalèrent A3 vaisseaux; c'était
l'armée anglaise. Le vent était alors au Nord. L*amiral sir
Charles Hardy était sorti de Spithead, le 16 juin, pour
croiser à l'entrée de la Manche, et il avait été poussé au
large par les grands vents d'Est qui avaient régné. Voici
la composition de cette armée :
GanoDs.
74 Resolution capitaine sir Ohaloner Ogle.
74 Invincible — John Laforey.
74 Alfred — William Bayne.
74 Culloden — George fialfour.
74 Ràmiliks -^ Jofat M^utrajc
98 Duke * . « . — sir GharUs Bouglas.
tOO Britannia — M. Pôle. »
George Darby, Tice- amiral.
BATAILLES.— 4779. 35
90 Union. capitaine J. Dalrymple.
Ti Alexander — lord Longford.
7i Mârlborough — Taylor Penny.
7i Defunck — John Simmons.
6i Intrepid — honorable S^ John.
100 Royal George — John Golpoys.
sir John Lockart Ross, contre-amiral.
7i Tbitnderer capitaine honorable Walsingbam.
74 Gumberland. — Josias Peyton.
74> Courageux — lord Mulgrave.
74 Triumph. — Philip Affleck.
90 LoKDON — Samael Gorntsh.
100 ViCTOEY — Kempenfelt.
sir Charles Hardy, amiral.
80 FouimoYAKT. «....., eapitaino John Jerris.
9S Formidable — John Stanton.
74 Terrible — sir Richard Bickerton.
74 MoRARCB — Adam Duncan.
74 Berwick — honorable K. Stewart.
64 Bienfaisant — John Macbride.
74 Shrewsburt — M. Robinson.
64 America S. Thompson.
74 Hector — sir John Hamilton.
74 Centaur — P. Notl.
90 Namur — Charles Fielding.
98 Prince George — Patte n.
Robert Digby^ contre-amiral.
90 QuEEN capitaine Alesander Innés.
74 Egmont — C. Allen.
74 Canada «... — H. Dalrymple.
64 Prudent — J. Burnet.
74 Valiant ~ G. Goodall.
74 Bedfort — Edmund Affleck
50 Romney —
52 Ambuscade, Sodthampton, Andromeda, Apollo.
28 Triton, Milford, Lizard.
20 porcupine.
14 cormorant, swallow.
12 KiLB, Wolf.
L* armée anglaise fut chassée dès qu'elle fut aperçue;
mais le vent reprit à l'Est et, le lendemain , elle était à 18 ou
20 milles au vent, en position d'entrer à Plymouth. L'armée
combinée cessa alors sa poursuite et laissa arriver pour
aller reconnaître un grand nombre de voiles que les vais-
seaux de l'arrière-garde venaient de signaler dans TOuest.
A i"" de l'après-midi, on reconnut en elles un convoi hol-
landais venant de Surinam.
L'armée combinée continua sa croisière jusqu'à l'époque
à laquelle il avait été décidé qu elle effectuerait son retour;
36 BATAiLLE& — I77f .
dk se dirigea alors sur OoessanL Le commandant en chef
y reçat Tordre de roitrer à Brest ; fl rnooiDa sur c^te rade^
le li septembre. Les Taisseanx espagnols Fy sonrirenL
La jonction tardive des vaisseaux espagnols rendit cet
immense armement complètement infmctenx. L'^parition
de l'armée combinée jeta cependant, sur les cfttes d'Angle-
terre, une terreur telle qu'on n'en avait jamais éprouvé de
semblable. On craignait une invasion, et les mesures de
précaution prises par le gouvernement ne contribuèrent
pas peu à entretaûr cette idée. La panique fut encore ang-
meotée par une proclamation royale qui invitait les habi-
tants de la côte à envoyer dans l'intérieur leurs chevaux,
leurs bestiaux et toutes leurs provisions.
Cette campagne fut très-funeste aux équipages des vais-
seaux français. Une croisière de lOi jours, sans qu'on eût
songé à embarquer aucun rafraicbissement , développa
parmi eux une maladie épidémique qui enleva un grand
nombre d'bommes et empêcha l'armée de reprendre la mer
avant la fin de rannée. Le 9 novembre, le lieutenant gé-
néral de Cordova quitta Brest avec 15 vaisseaux espagnols
et 2 frégates, laissant au lieutenant général Gaston le com-
mandement du reste de l'armée espagnole.
Avant de terminer la relation de cette malheureuse et
dispendieuse campagne à laquelle le défaut d'entente, l'im-
prévoyance et une mauvaise organisation donnèrent une
issue si déplorable, je dirai que le lieutenant général d'Or-
villiers ne put supporter les reproches qui lui furent
adressés dans celte circonstance, et qu'à son arrivée en
France il quitta le service. Ces reproches portaient prin-
cipalement sur ce que l'armée combinée n'avait pas inter-
cepté le convoi anglais des Antilles qui était arrivé en An-
gleterre le 8 août.
Le 19 février, le chef d'escadre comte de Grasse ar-
riva à la Martinique avec les vaisseaux le Robuste et le
MagnifiQue de 7li"; le Dauphirir-Royal de 70*=; le Vengeur
BATAILLES. — 1779. 37
de 64*" ; la corvette la Favorite, le cotre Y Alerte et le vais-
seau particulier de 50*^ le Fier-Rodrigue qui s'était joint à
l'escadre. Le 19 avril, le chef d'escadre marquis de Vau-
dreuil arriva aussi avec les vaisseaux le Fendant et le
Sphinx. Enfin, le 27 juin, le vice-amiral d'Estaing reçut
un nouveau renfort de 6 vaisseaux qui lui étaient amenés
par le chef d'escadre Lamotte-PÏquet. C'étaient l'^nnifta/
et le Diadème de 74% le Réfléchi et Y Artésien de 64*; YAm-
phion et le Fier de 50°. L'armée navale des Antilles se
trouva dès lors forte de 25 vaisseaux.
Le 30 juin, le vice-amiral d'Estaing appareilla du Fort-
Royal et se dirigea sur l'Ile de la Grenade qui avait été cé-
dée à l'Angleterre en 1768. Le 2 juillet, l'armée mou^la
dans l'anse Molinier, et 1 ,400 hommes de troupes furent ni&
à terre. Le commandant en chef marcha de suite à leur tête
sur le morne l'Hôpital où les Anglais s'étaient fortifiés, et
il s'en empara dans la nuit du 4 ; le gouverneur se rendit
alors à discrétion. 100 pièces de canon et 30 navires du
commerce devinrent la propriété des vainqueurs,' qui
firent en outre 700 prisonniers.
Retenu par le mauvais temps sur la côte d'Amérique, le
vice-amiral anglais Byron n'était arrivé que le 6 janvier à
Sainte-Lucie ; il en était parti le 10 du mois suivant pour
se porter au-devant du commodore sir Josuah Rowley at-
tendu d'Europe avec un convoi. Lorsque ce convoi fut ar-
rivé, le commodore anglais reçut la mission d'aller croiser
au vent de la Martinique avec S vaisseaux, afin d'empêcher
les divisions attendues de France de se joindre à Tescadre
du vice-amiral d'Estaing. Il était trop tard ; aussi IhiBom-
modore fut-il bientôt rappelé; la nouvelle de la prise de
Saint-Vincent motiva d'ailleurs le ralliement de tous les
vaisseaux qui avaient été détachés. Le vice-amiral By-
ron fit immédiatement embarquer des troupes pour aller
reprendre possession de cetteîle ; mais, sur ces entrefaites,
ayant appris la sortie de l'armée frifiçaise, il renonça à ce
projet et, appareillant avec 21 vaisseaux, le 3 juillet, il se
38 BATAILLES. —4779.
dirigea sur la Grenade. Le 6 au jour, l'armée anglaise pa-
rut à la pointe Nord de Tîle, dans l'ordre ci-après :
Canons.
74 SuFFOLK .... capilaiDO C. Cbristian.
sir Josuah Rowley, commodore.
7^ BoYVES. . • capitaine Her. Sawyer.
74 Royal Oak — Filzherbert.
74 Prince of Wales — Hîll.
hOBorable Samuel Earrifigton^ Tiee-anûrat
74 Maonificent capitaine J, Elphinstone.
64 Trident — P. Molioy.
^ Medway — EdmflndAffleck.
74 Famé -^ Bulcbart.
64 NoNsucH — Waiter Griffiths.
74 Sultan. -<- Alan <jrardDer.
98 Pbincess Royal ^ William Blair.
John Byron, yice-amiral,
74 Albion *..... capitaine (&eorge Bowyer.
64 Stirling Gastle — P. Garkett.
T4 Elizabeth — William Trascott.
^4 Yabhoutil. .....«.« -^ Bateman.
64 Lion » honorable William Gornwallis.
64 Vigilant — Dîghy Dent.
74 €oNauEROR — Havmond.
Hyde Parker, contre-amiral.
74 €oRNWALL capitaine Tim. Edwards.
64 MoNMouTS. ........ •— Robert Fanshaw.
74 Grafton — G. Gollingwood.
Frégate Ariadne.
Dès que les Anglais furent signalés, le vice-amiral d'Es-
taing fit appareiller son armée et la rangea en bataille, les
amures à tribord, sans avoir égard aux postes. Mais la
brise était très-faible de TE.-N.-E., et ce ne fut pas sans
difficulté que cette manœuvre put être exécutée. Le vice-
amiral Byron voulant profiter de sa position au vent et de
la confusion qui devait résulter de l'appareillage instantané
des 24 yaisseaux français, fit signal de chasser sans ordre
et de serrer l'ennemi au feu. Son armée courait largue, bâ-
bord amures ; A yaisseaux, affectés d'abord à la garde des
navires qui portaient les troupes, se mêlèrent aux autres.
Le commandant en chef de l'armée française s'y était pris
assez à temps pour n'être pas surpris; et, lorsque les
vaisseaux anglais furent à portée de canon, ils trouvèrent
son armée, sinon danstm ordre parfait, du moins en posi-
tion de^ combattre et rangée comme il suit :
BATAILLES. — 1779. 39
Canons.
74 Zélé comte de Barras Saint -Laurent^ chef d'esc.
6i Fantasque capitaine commandeur de Snff^en.
74 Magnifique «- cheYalier de Brach.
80 Tonnant — comte de Bruyères.
comte de Breugnon^ lieutenant gènëraL
74 Protectenr capitaine de (irasse-Limermont.
50 Fier — choTalier Turpln de Breuil.
64 Provence — Desmichels de Ghamporcin.
74 Fendant -^ marquis de Yaadreuil, chef d'esc.
64 Artésien — de Peynier.
50 Fier^Rodrigue — de MontauU.
74 Héros ^ chev. Moriès-Castellet, chef d'esc.
80 Languedoc — de Boulainvilliers.
comte d'Estaing, vice-amiral.
74 Robuste capitaine comte de Grasse, chef d'escadre.
64 Vaillant — marquis de Chabert.
50 Sagittaire — d'Albert de Rions.
74 Guerrier — de Bougainville^
64 Sphinx — comte de Soulanges.
74 Diadème, « *- commandeur de Dampierre.
50 Amphion — chOYalier Ferrou de Quengo,
J Marseillais — de Lapoype-Yertrieux.
1 César — de Castellet, ataé.
de Brèves, chef d'escadre»
f Vengeur capitaine chevalier de Betz.
^ \ Réfléchi — Cillart de Suville.
47 Annibal (1). ...... . — de Lamotte -Piquet, chef d'esc.
Kiogstown, ville principale de la Grenade, sur la côte
occidentale de rtle, est bâtie sur une langue de terre qui
ferme au Nord le petit enfoncement auquel on donne le
nom de port et dont Touterture est à l'Ouest. La rade,
proprement dite, est un mouillage sans abri du large dans
le Nord de la ville. La côte, depuis la pointe Nord de File
jusqu'à Kingstown, court à peu près Nord et Sud ; les vents
d'E.^N.-K soufflent donc presque perpendiculairement à
cette direction. Par suite, des vaisseaux venant du Nord
et courant au Sud en éloogeant la côte pour atteindre le
mouillage, peuvent passer à terre ou au vent d'une es-
niM w jL ^Kn.i"mji ,'A'VM» ■ 'Jr* ■! ,t»-yj ■■ ■■'"■tjp.J ■ ■ Il >!■■
(1) M. de Lapeyrouse, Histoire de la marine, commet une erreur en portant
à 25 le nombre des vaisseaux français : le Dmphin-Royaf, qui s'était échoué
en appareillaotduForl-Royal, n'avait pa^ encore rallié* —Le viçQ-amirai Byron
est encore plus loin de la vérité en disant, dans son rapport, qu'il compta 26
ou W1 vaisseau.
40 BATAILLES. - 1779.
Cadre qui, en appareillant et quoique mettant le cap au
Nord, se souvente toujours quelque peu.
A 1^ 30™, la tête des deux armées commença le combat
et, se formant en ligne à mesure qu'ils arrivaient à la hau-
teur des Français, tous les vaisseaux anglais y prirent part
successivement. Le Prince of Wales, le Boynes et le Sultan,
que leur supériorité de marche avait placés de l'avant,
reçurent seuls d'abord le feu de Tavant-garde française et
furent très-maltraités. Le Grafton, le Cornwall, le Lion et
le MoNMOUTH qui arrivèrent ensuite, le furent encore da-
vantage. Il ne pouvait en être autrement, le mode d'attaque
de l'amiral anglais permettant à tous les vaisseaux fran-
çais de diriger leur feu en quelque sorte successivement
sur chacun des vaisseaux ennemis, avant que ceux-ci
pussent riposter. Le vice-amiral Byron ignorait la prise de
Kingtstown et gouvernait, sans appréhensions, sur la baie
de Saint-Georges. Mais bientôt il aperçut le drapeau de la
France flottant sur ks forts qui ne tardèrent pas à le ca-
nonner. Il fit de suite serrer le vent tribord amures tout à
la fois à son armée et le combat devint général, bien que
plusieurs vaisseaux français souventés n'y prissent qu'une
part fort secondaire. Vers 10*" 40"», le vice-amiral d'Estaing
ordonna à ces derniers de reprendre leur poste dans la
ligne et il laissa un peu arriver pour faciliter ce mouve-
ment. Les avaries du Cornwall, du Monmouth et du Lion
étaient telles, que bientôt ces 3 vaisseaux ne purent plus
se maintenir en ligne. Démâté de son grand mât de hune
et de son mât de perroquet de fougue, le dernier fit route
à l'Ouest. A 2^ 15™, l'armée française vira vent devant tout
à la fois. Cette manœuvre, qui compromettait grandement
les 3 vaisseaux anglais souventés, fut de suite imitée par
le vice-amiral Byron. Cet oflScier général ne put cepen-
dant empêcher que le Lion ne fût séparé des siens. Cela
toutefois n'eut pas de conséquence, car le commandant en
chef de l'armée française laissa ce vaisseau continuer sa route
sans Tinquiéter en aucune façon ; il ne s'occupa pas davaa-
BATAILLES.— 1779, ' 41
tage du CoRNWALL et du Monmouth et retourna au mouil-
lage. L'armée ennemie fit route pour Saint-Christophe.
Les avaries des vaisseaux anglais étaient très-graves et,
ainsi que le dit le vice- amiral Byron dans son rapport, il
eût été possible de lui en prendre plusieurs. Mais le but
principal du commandant en chef de Tarmée française était
la conquête de la Grenade. Or, pour s'emparer deâ vais-
seaux souventés, il lui eût fallu diviser les siens, s'éloigner
et s'exposer à livrer un second combat qui pouvait com-
promettre le succès de l'expédition. 11 préféra laisser l'ar-
mée anglaise s'éloigner et retourner prendre son mouillage,
quoique ses .vaisseaux eussent peu d'avaries.
Le capitaine Ferron de Quengo avait perdu la vie, ainsi
que le capitaine Montault du Fier -Rodrigue. Les capitaines
Gillart de Suville, de Gastellet, de Dampierre et de Retz
étaient blessés.
Le vice-amiral d'Estaing quitta le mouillage de la Gre-
nade dès que cela lui fut possible, et après s'être assuré que
l'armée anglaise était encore à Saint-Ghristophe, il rallia
tous les navires du commerce qui devaient effectuer leur
retour en Europe et il fit route pour Saint-Domingue ; le 15
août, il mouilla au Gap Français,
Depuis l'arrivée du vice-amiral d'Estaing sur les côtes
d'Amérique, dans les premiers jours du mois de juillet
1778, nous avons vu l'escadre française parcourir tout le
littoral de l'Amérique septentrionale et la mer des Antilles
pour venir en aide à la cause de Tindépendance des États-
Unis, porter secours à nos colonies menacées et s'emparer
de quelques possessions anglaises. De récentes instructions
prescrivaient au commandant en chef de détacher 3 vais-
seaux et 2 frégates pour aller stationner à Saint-Domingue
avec le chef d'escadre de Lamotte-Piquet ; de laisser 8 vais-
seaux, 7 frégates, 3 corvettes et 1 cotre à la Martinique
avec le chef d'escadre de Grasse ; de prendre sous son es-
42 BATAILLES.— 1T79,
corte toBs les navires de commerce prêts à faire route et
d'effectuer son retour en France avec les vaisseaux et les
frégates qui composaient son escadre à son départ de Tou-
lon. L'ezécuàon immédiate de ces instructions pouvait avoir
le résultat le plus fâcheux ; le parti américain avait fait des
pertes très-grandes depuis que l'escadre française avait
quitté les côtes d'Amérique. La lutte n'était plus égaie
entre les parties belligérantes, car les Américains n'avaient
pas de marine. La ville de Savannah et toute la Géorgie
étaient au pouvoir des Anglais ; la Caroline courait des
dangers imminents, Le vice^miral d'Estaing ne voulut pas
retourner en Europe avant d'avoir rendu un dernier service
aux Américains et, malgré les ordres formels qu'il avait
reçus, cédant aux vives sollicitations du consul de France
à Gbarlestown et à celles du gouvernenr de la Caroline, il
appareilla du Cap Français, le 16 août, et se porta sur les
côtes de Géorgie avec 20 vaisseaux. Le 31, il mouilla de-
vant la rivière de Savannah pour appuyer les opérations du
général américain qui voulait faire le siège de cette ville.
Le lieutenant général de Breugnon, gravement malade au
moment du départ, avait été remplacé par le chef d'es-
cadre de Barras Saint-Laurent ; quelques autres change-
ments avaient été la conséquence de cette mutation. L'ar-
mée navale, sur laquelle 8,000 hommes de troupes des
garnisons de la Martinique et de Saint-Domingue avaient été
embarqués, était composée conune il suit ;
Canons.
! Languedoc capitaine Boulainvilliers.
comte d'Estaing^ Tice-amiral.
Tonnant capitaine de PooteTès-Gien.
comte de Barras Saint* Laurent^ chef d'eftc.
César capitaine de Castellet^ atné.
comte de Broves, chef d'escadre.
Annibal capitaine de Lamotte-Piquet^ chef d'esc.
Robuste — comte de Grasse, chef d'escadre.
-. ; Fendant. . — marqaisde Vaudrenil, cfaef li'
Diadème — commandeur de Dampierre.
Marseillais — Lapoype-Vertrieux.
Zélé — comte de Bruyères.
Guerrier — de Bougainville.
Hector .• . . . — cbev.deMoriès-Castellet,ch.d'esc.
BATAILLES, — 1779. 43
TU Dauphin* Royal, .... « ~ Mitiioi ée Geii«mlly.
Sphinx ~ comte de Soulanges.
Artésien — chevalier de Peynier.
Réfléchi — Ciilart de SuTÎlle.
6i ^ Vengeur. •...;..-• — chevalier de Retz.
Fantasque — commandeur de Sufîren.
Provence — Desmichels de Ghamporcin.
Vaillant — marquis de Chabert.
50 Sagittaire — d'Albert de Rions.
Frégates : Amazone, Chimère, IphigéniCy Fortunée, Blanche, Bou-
deuse, Cérès.
Corvettes : Ellis, Lively.
Flûtes : Bricole^ Truite,
Cotre : Alerte,
Goëlette : Actif.
Le succès semblait devoir couronner cette entreprise.
L'arrivée îno'pinée de l'armée navale remplit les Anglais
d'épouvante; mais les éléments vinrent, une fois encore,
contrarier les opérations du vice-amiral d'Estaing. Le 2
septembre, l'armée navale reçut un coup de vent du S.-E,
au S.-O.; le Réfléchi, qui appareilla, eut toutes ses voiles
emportées et perdit son mât de misaine. La Chimère et l'ii-
lerle cassèrent leur beaupré ; 5 vaisseaux eurent leur gou-
vernail démonté, et sur ce nombre 3 le perdirent : le Lan-
guedoc était un de ces derniers. Toutes ces avaries furent
réparées ; mais la saison avançait et il n'y avait pas de
temps à perdre; on fit donc toutes les dispositions d'at-
taque.
La ville de Savannah est bâtie à quelques milles de l'em-
bouchure et sur la rive droite de la rivière qui porte son
nora. Cette rivière est barrée par un grand banc qui s'étend
au lai^e et sur lequel il n'y a d'eau que pour les navires
d'un faible tonnage. Plusieurs îles, près et généralement
dans le Nord de l'embouchure de la rivière, forment de
nombreux canaux par lesquels on peut aussi y entrer. Le
canal de Port-Royal sépare l'île de ce nom de la terre ferme.
Le bras de mer entre cette île et l'île Sainte-Hélène, qui est
plus au large, porte le nom de Beaufort, ville située dans
le N.-E. de Port-Royal. L'île Tybée semble être le prolon-
gement des terres du Sud de la rivière. La prise de posses-
44 BATAILLES, — 1779.
sîon de cette île avait donc une grande importance, puisque
de ce point on pouvait surveiller l'entrée de la rivière Sa-
vannah ainsi que l'entrée Sud des canaux et empêcher alors
les communications par mer avec Savannah. Mais surveiller
l'entrée Nord de ces canaux n'était pas moins nécessaire.
Voici les dispositions que prit le vice- amiral d'Estaing. Il
plaça le capitaine d'Albert de Rions devant l'entrée Nord
des canaux avec le Sagittaire et la Lively^ capitaine Coet-
lando , et le capitaine Lapérouse plus au Nord, à la hau-
teur de Charlestown, avec Y Amazone. Le chef d'escadre de
Lamotte-Piquet eut mission de surveiller la rivière Hosaba,
ou Great Ogechée, distante de 20 milles au Sud dé l'île
Tybée, cette rivière ayant été choisie pour le débarquement
des troupes. Enfin YEllis, capitaine Fonteneau, fut envoyée
en croî^'-^re devant Tile Sapello, à 20 milles aussi au Sud
de la rivière Ogechée-, elle s'appuyait naturellement sur les
5 vaisseaux du chef d'escadre de Lamotte-Piquet. Ces dis-
positions prises, le vice-amiral d'Estaing laissa le comman-
dement supérieur au chef d'escadre de Broves et, le 9, il
franchit la barre de la rivière Savannah avec les frégates
la Chimère de 26°, capitaine Trolong Durumain, la Blan-
che de 32, capitaine Barin de la Galissonnière, les flûtes
la Bricole et la Truite^ capitaines de Gostebelle et Chaste-
net de Puységur, opéra un débarquement sur l'île Tybée et
s'en rendit facilement maître. On s'occupa de suite de
mettre les troupes à terre. Le temps était assez mauvais et,
soit ignorance des localités, soit mauvais vouloir des pi-
lotes, les embarcations cherchèrent pendant trois jours
Tendroit où elles devaient débarquer leurs passagers ; quel-
ques-unes furent jetées à la côte. Le 16, toutes les troupes
étaient rendues à Minghausen ; elles y campèrent. Pendant
ce temps, un nouveau coup de vent vint compromettre
l'escadre, qui dut mettre sous voiles et se tenir éloignée
de la côte pendant plusieurs jours. Le débarquement des
troupes françaises avait une importance que le commandant
de la place de Savannah ne se dissimula pas, et il chercha
BATAILLES. — 1779. 45
de suite à arrêter leur marche au moyeu d'uu armistice.
Cet armistice lui fut accordé incousidérémeut peut-être, et
il sut en profiter pour faire entrer dans Savannah des ren-
forts sans lesquels il n'aurait pu repousser les attaques des
Français réunis aux Américains. De ce moment, il rejeta
toutes les propositions qui lui furent faites. Il fallut dés
lors se résoudre à un siège en règle, malgré les difficultés
qu'offrait le transport de canons montés sur affûts marins
et des munitions qu'il fallait débarquer des vaisseaux. Tout
cela conduisit jusqu'au 3 octobre. Les batteries ouvrirent
leur feu dès le lendemain, et elles le continuèrent pendant
plusieurs jours, mais sans beaucoup d'effet. Le temps pres-
sait cependant, car le séjour des vaisseaux sur cette côte,
à l'époque de l'année où l'on était arrivé, n'était pas sans
quelque danger; il fallut prendre un parti. L'assaut fut ré-
solu pour le 9. Le vice-amiral d'Ëstaing le dirigea lui-
même. Cette attaque de vive force n'ayant pas réussi, on
battit en retraite et les troupes furent rembajquées. Le
commandant en chef de l'armée navale avait reçu une
blessure très -grave.
Ne voyant désormais aucun inconvénient à mettre à exé-
cution les instructions qui lui avaient été expédiées de
France, le vice-amiral d'Ëstaing ordonna de suite les dis-
positions de l'appareillage. Le Magnifique^ qui avait une
voie d'eau considérable, fut dirigé sur la Martinique sous
l'escorte de YAnnibal et du Réfléchi : ces trois vaisseaux
arrivèrent isolément à leur destination, du 20 au 27 no-
vembre, après une série non interrompue de coups de vent
qui leur occasionnèrent de nombreuses avaries. Il enjoignit
au chef d'escadre de Grasse de partir avec le Robuste^ le
Fendant^ le Diadème^ le Sphinx^ ïlphigénie et YAlcesle;
de rapporter les troupes qui avaient été prises aux garni-
sons des Antilles, et de prendre en passant des farines
dans la Ghesapeak. Quant aux vaisseaux qui étaient partis
de Toulon, ils durent se tenir prêts à mettre sous voiles.
Ufl dernier coup de vent de N.-E, vint, ce jour-là même.
46 COMBATS PARTICULIERS.— 1779.
compléter la séiie des contrariétés qui n'avaient cessé d'ac^
câbler le vice^amirat d'Ëstaing deptiis son arrivée dans ces
parages où^ par on pressentiment assez remarquable, il
avait déclaré ne vouloir rester que huit jours. Appareillés
avec le commencement du coup de vent^ les vaisseaux du
chef d'escadre de Grasse se rendirent isolément et direc-
tement, les uns à Saint-Domingue, les autres à la Marti-
nique; le Fmdant seul entra dans la Gbesapeak. Le 15 jan-
vier 17S0, ce vaisseau arriva au Fort-Royal delà Martinique,
chassé par S vaisseaux anglais qui le canonnaient depuis le
canal de la Dominique.
Les vaisseaux restés devant Savannab éprouvèrent de
graves avaries : quelques-uns cassèrent leurs câbles ; d'au-
tres s'abordèrent L'escadre se trouva dispersée avant même
d'avoir pu être ralliée. Le Languedoc perdit toutes ses an-
cres et eut toutes ses embarcations enlevées. Obligé de tenir
la mer, il rencontra la Provence le 9 du mois suivant. Ce
vaisseau donna au Languedoc une des deux ancres qui lui
restaient, mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés,
eu égard à la violence du vent et à Tétat de la mer qui
était fort grosse. Le Languedoc et la Provence naviguèrent
de conserve et arrivèrent à Brest le 7 décembre ; le César
et le Fantasque y entrèrent le 9. Le Marseillais, le ZèU^
le SagiUaire^ le Protecteur et YExpériment passèrent le dé-
troit de Gibraltar et allèrent à Toulon. Le Guerrier mouilla
à Rochefort ; le VailUmt et Y Hector entrèrent à Lorient. Le
Tonnant relâcha à la Havane.
Pendant que les escadres de la France et de l'Angle-
terre étaient aux prises dans toutes les parties du monde,
quelques bâtiments isolés livraient des combats que je
vais rapporter ci-après :
En janvier, c*était la frégate de 82'* la Boudeuse^ capi-
taine de Grenier qui, se rendant en France avec un con-
voi, chassa la corvette anglaise de 16'' Weazle, capitaine
COMBATS PARTICULIERS.— 1779. 47
Lewis Roberson, soas Tlle Saint-Eustache, et lui fit ame-
ner son pavillon aa troisième coup de canon. Cette cor-
vette allait en Angleterre annoncer la prise de Saintà-Lude.
La frégate de 32" Y Oiseau, capitaine de Tarade^ escor-
tant un convoi de Brest à Saint-Malo rencontra» le 31
janvier, k la hauteur de l'île de Bas, la frégate anglaise
de 32° Apollo, capitaine Pownall. Le capitaine de Tarade
chargea le cotre YExpéditive de la conduite du convoi et,
à l'', il attaqua la frégate ennemie. Démâtée de son grand
mât de hune et du mât de perroquet de fougue, la frégate
française amena son pavillon.
V Oiseau portait 26* de 12 et 6 de 6.
L'Apoixo avait le même armement.
Un fort coup de vent qui s'était déclaré, le 5 février,
avait dispersé un convoi parti depuis vîngt-cînq jours de
Saint-Domingue pour France, sous l'escorte de la frégate
de 32* la Concorde, capitaine Le Gardeur deTilly, et avait
occasionné de grandes avaries à cette frégate dont le
grand mât avait été craqué par la foudre. Le capitaine de
Tilly s'était vu dans la nécessité de jeter douze canons à
la mer. Il n'avait pas encore réparé le désordre de sa mâ-
ture, qu*il lui fallut combattre un corsaire de 14 canons
dont il s'empara.
Le 18 février, un ennemi plus redoutable se présenta à
la Concorde. Chassée parla frégate de 82* Congrès (1), la
frégate française dont la voilure était forcément réduite,
fut bîentM atteinte et, à 9** GO** du matin, elle commença
le feu. Deux heures plus tard, le capitaine de Tilly reçut
une blessure grave, et il fut remplacé par le lieutenant de
■WBhi
(1) U n'a 4tè impossible de troufer le dov du capitaiM de cette frégate;
48 COMBATS PARTICULIERS. - 1779.
vaisseau de Liniëres qui était déjà blessé. Le combat dura
encore une heure, et la frégate anglaise s'éloigna.
La Concorde était armée de 26 canons de 12
et 6 — de 6.
Ces derniers et six de la batterie avaient été jetés par-
dessus le bord.
Le règlement de 1757 assignait également aux frégates
anglaises de 32 — — 26 canons de 12
et 6 — de 6.
Le 7 mars, la frégate de 32*" la Minerve^ capitaine cheva-
lier de Griniouard, sortant de la baie des Baradaires de
Saint-Domingue avec une petite brise d'Est, fut chassée par
le vaisseau de 6A*' Ruby et la frégate de 28"" Nigek qui avaient
été aperçus au vent et qui tous les deux faisaient partie de
la division anglaise en croisière devant cette île. La Minerve
fut d'abord atteinte et canonnée par le vaisseau. La lutte
était trop disproportionnée pour être acceptée s'il était
possible de l'éviter; le capitaine de Grimouard manœuvra
en conséquence et il parvint à s'éloigner du vaisseau, mais
il fut joint par la frégate. La force de ce nouvel adversaire
était plus en rapport avec la sienne ; aussi accepta-t-il
franchement le combat. Choisissant une position qui le
mettait à l'abri des boulets du Ruby, il dirigea sur la Niger
un feu si vif et si précis, que cette frégate se trouva promp-
tement dans robligation de se retirer pour se réparer. La
Minerve prit alors chasse au plus près ; un autre vaisseau
et une frégate qu'on sut être le Bristol et I'Eclus étaient
en vue. La crainte de ne pouvoir atteindre un port de
Saint-Domingue avant d'être joint décida le capitaine de
Grimouard à aller mouiller à l'île d'Inague.
Séparé depuis quelques heures seulement et après une
chasse du vaisseau Y Intrépide et des frégates la Gloire et la
Sibylle avec lesquelles il croisait devant Ouessant, le capi-
COMBATS PARTICULIERS.— 1779. 49
taine de Labretonnière, delà frégate de 32* Y Aigrette^ aper-
çut, le i8 mars à la nuit close, et à 6 milles au plus de la
pointe de Saint-Mathieu, une frégate qu'il prit pour une
de ses compagnes. Attaqué bientôt après, le capitaine de
Labretonnière revint de son erreur et il fit riposter avec
tant de vigueur à son audacieuse ennemie que, après une
canonnade de deux heures, celle-ci prit le large. Mais, soit
que les avaries de la frégate anglaise l'empêchassent de
gouverner, soit qu'elle eût eu une confiance trop grande
dans son pilote, à 11** 30", elle se jeta sur l'île Molène et
s'y brisa; l'équipage fut recueilli par les habitants. Cette
frégate était I'Arethusa de Sô"", capitaine Marshall.
V Aigrette portait 26 canons de 8
et 6 — de &.
L'Arethusa 26 canons de 12
et 10 — de 6.
Les îles Jersey et Guemesey, qui avaient appartenu suc-
cessivement au roi de France, aux évêques d'Avranches,
de Dol et de Coutances, avaient été apportées à l'Angle-
terre, en 1066, par Guillaume le Conquérant, et réunies dé-
finitivement à ce royaume en 1168. Ces îles, par leur posi-
tion géographique, inquiétaient trop le commerce maritime
de la côte N.-O. de la France, pour que le gouvernement
ne songeât pas à s'en emparer. Le 21 avril, une flottille de
bateaux de pêche, portant 1,500 hommes de troupes, sortit
de Saint-Malo sous l'escorte des frégates de 26*^ la Danaéy
capitaine chevalier de Kergariou-Coatlès et la Diane; de
la corvette de6*'la Valeur; de la gabare de 8** Y Écluse et du
cotre de 6*^ la Guêpe. Contrariée par une grande brise du
large, cette flottille fut forcée de rentrer le jour même, et
une série non interrompue de vents de la même partie la
retint dans le port pendant le reste du mois. Ce temps
suflSt pour que le bruit d'une expédition contre Jersey tra-
versât le canal, et toute surprise devint impossible. Ce
IL 4
50^ COMBATS PARTICULIERS. —1779.
projet ne fut pourtant pas abandonné. La petite division
française appareilla de nouveau et mouilla, le 1" mai^ dans
la baie de Saint-Ouen de Jersey ; mais le vent ayant passé
au N. 0. « les faibles embarcations employées pour le trans-
port des troupes, et dont on voulait se servir pour le débar-
quement, ne purent rester au mouillage, et rexpédition re-
tourna & Saint^Malo.
Les deux vaisseaux de 74*= la Bourgogne et la Victoire^
capitaines de Marin et d* Albert Saint-Hippolyte, se rendant
de Toulon à Brest, chassèrent, le 4 mai, à leur sortie du dé-
troit de Gibraltar, les frégates anglaises de 32*^ Montréal
'et Thetis qu'ils parvinrent à atteindre. La Bourgogne at-
taqua la première et la Victoire combattit l'autre. Celle-là
fut assez facilement réduite ; mais plus heureuse que sa
compagne, la Thetis parvint à se soustraire à la poursuite
de son redoutable adversaire qui ne put l'empêcher d'entrer
à Gibraltar.
Les frégates de 26'' la Danaé , capitaine de Kergariou-
Coatlëset la Diane , la corvette de 6'' la Valeur^ la gabare de
S*' Y Écluse et le cotre de 6* la Guêpe ^ sortis de Saint^Malo
le 13 mai, furent chassés immédiatement par le vaisseau
anglais de ôO"" Experimi^nt, capitaine sir James Wallace;
la frégate de 36 PalLâs, capitaine Thomas Spry ; les cor-
vettes Umigorn^ capitaine John Ford, Fortune de 20«et
le brig de 12 Gâbot, capitaine Edmund Dodd. Après avoir
essuyé deux volées, les bâtiments français allèrent s'é-
chouer soùs une petite batterie de 3 canons, dans la baie de
Gancale. La détermination des of&ciers français n'arrêta
pas le capitaine Wallace ; à midi 30"*, il entra à pleines voi-
les dans la baie de Gancale avec sa division et dirigea un
feu des plu» vifs sur les Français ; ceux*ci répondirent d'a-
bord avec vigueur, mais la batterie de terre ayant cessé de
tirer, par suite de l'explosion de Tune de ses trois pièces,
COMBATS PARTICULIERS. — 4T79 J 54
l'équipage de la Danaè se précipita dans les embarcations
et se rendit à terre. Incapable d'arrêter ce naouvement qui
avait lieu sans son ordre, le capitaine de Kergariou fut obligé
d'abandonner la frégate, sans pouvoir même y mettre le
feu, car il n'avait plus le moyen d'en retirer les malades
et les blessés*
L'exemple donné par l'équipage de la Danaé fut imité
par les marins des autres bâtiments.
Les Anglais parvinrent à remettre la Danaé à flot ; ils
incendièrent les trois autres bâtiments. La Valeur et VÊ-
clu$e furent consumées ; mais on parvint à se rendre maître
du feu à bord du cotre qui fut rentré à Saint-Malo.
iriMMMbaMlw
Au mois de mai, alors qu'elle se rendait à la Martinique
avec la division du chef d'escadre de Lamotte-Piquet, la
frégate de 32*= la Blanche, capitaine Barin de la Galisson-
niëre, eut un engagement avec un vaisseau anglais. Le 21,
cet oSicier reçut l'ordre d'aller reconnaître deux bâtiments
qu'on apercevait à l'horizon. C'était le vaisseau anglais de
ôO"" Jupiter qui amarinait un des navires du convoi que la
division française escortait. La force de cet adversaire n'ar-
rêta pas le capitaine de la Galissonnière ; il se plaça par son
travers et lui envoya sa volée* Le Jumtër abandonna sa
prise et s'éloigna.
^mm^lti*^
Le 2 juin, la frégate de 26" la Prudente, capitaine vicomte
d'Escars, se rendant de Gonave à Léogane, à l'entrée de
la baie du Port-au-Prince de Saint-Domingue, fut attaquée
par les vaisseaux anglais Eolus, Ruby et la corvette Ja-
MAiGAi et prise après une vaillante résistance.
Chassée^ le 22 juin, près d'Ouessant, par une division
anglaise^ la frégate de 26'' V Hélène, capitaine vicomte de
52 COMBATS PARTICULIERS. — i779.
Montguyot, se rendit à la frégate de 32" Ambusgâde, après
une courte résistance.
Le 21 juillet la frégate anglaise de 26'^ King George fut
prise par la frégate de 32 la Concorde, capitaine Le Gardeur
de Tilly.
Pendant que l'armée combinée de France et d'Espagne
luttait contre les vents d'Est à l'entrée de la Manche, la
frégate de 32*^ la Jwnon, capitaine Bernard deMarigny, qui
enïaisait partie poursuivit, jusqu'à l'entrée de la rade de Ply-
mouth, 2 navires qu'elle ne put atteindre. Le 17 août, le ca-
pitaine de Marigny faisait route pour rallier l'armée qui était
à grande distance lorsque, vers 8*» du matin, il aperçut un
vaisseau anglais sous la terre et le chassa. Ce vaisseau était
TARDENT de 6a'', capitaine Philip Boteler; il fit vent ar-
rière. La Junon l'eut bientôt atteint et elle lui envoya une
bordée par la hanche de bâbord. Ayant remarqué que les
sabords du vaisseau n'étaient ouverts que d'un côté, le ca-
pitaine de Marigny en conclut que les dispositions de com-
bat n'étaient pas faites des deux bords. Passant de suite à
poupe de 1' Ardent, il lui envoya une volée d'enfilade et,
reprenant sa première route, il le combattit par l'autre
hanche. Les suppositions du capitaine de la Junon étaient
justes, et il eut le temps de tirer plusieurs bordées avant
que le vaisseau pût lui répondre. La frégate de 32*^ la Gen-
tiUcy capitaine baron de La Hage, rallia la Junon sur ces en-
trefaites. L'Ardent ne résista pas longtemps à ces deux an-
tagonistes ; à 11** 30" il amena son pavillon. Gomme il n'en
continuait pas moins à faire route, les frégates de 32*" la
Bellone et la Gloire, qui se portaient en aide à leurs com-
pagnes, lui envoyèrent une volée et lui barrèrent le passage^
il mit alors en panne.
Le gouvernement anglais trouva que le capitaine Boteler
n'avait pas suffisamment prolongé sa défense ; il fit traduire
COMBATS PARTICULIERS. - 1779. 53
cet officier devant un conseil de guerre qui le condamna à
être renvoyé du service.
Le 18 août, le cotre de IS'' le Mutin ^ capitaine chevalier
de Roquefeuil, qui venait de sortir de Brest, porteur d'or-
dres pour le commandant en chef de l'armée combinée
franco-espagnole, enleva à l'abordage le cutter anglais de
12* Active.
Un convoi de navires se rendant en France, sorti du Gap
Français de Saint-Domingue, le 16 août, en même temps
que l'armée navale du vice-amiral d'Estaing, fut dispersé,
à la hauteur des Bermudes, par le coup de vent qui assail-
lit cette armée. Ce convoi était escorté par le vaisseau de ôO*"
le Fierj capitaine chevalier Turpin de Breuil, le Protecteur
de 7â, capitaine de Grasse-Limmermont et les frégates la
Minerva^ Y Aimable de 26' et YAlcmène de 32, capitaine
chevalier de Bonneval. Le Protecteur ^ la Minerva et l'ilt-
mable arrivèrent en France. Le Fier relâcha à la Martinique
sans grand mât, sans mât d'artimon et sans petit mât de
hune. VAlcmène tomba dans la division du contre-amiral
anglais Parker et fut chassée par 2 vaisseaux et la fré-
gate de 32*^ Proserpine. Démâtée de l'un de ses mâts et
entièrement délabrée, elle fut jointe bientôt par la frégate.
Incapable d'aucune résistance dans l'état où était YAlcmène^
le capitaine de Bonneval amena son pavillon en vue de la
Martinique.
La flûte de IS"" le Compas^ capitaine Dubois, qui faisait
partie du convoi parti de Saint-Domingue au mois d*août,
fut prise par la frégate anglaise de 28** Boreas, après un
rude engagement de vingt minutes.
54 COMBATS PARTICULIERS. — 1719.
Cinq jours après la prise de la frégate YÀlcmène, la fré-
gate anglaise de 32*" Proserpine fit amener la frégate de
2A'' le Sphinx^ capitaine Mallevault.
Sur l'avis qu'il venait de recevoir qu'une frégate anglaise
devait sortir de Sainte-Lucie avec deux navires chargés de
munitions de guerre pour la Barbade, le capitaine cheva-
lier de Langan-Boisfévrier, de la frégate de 32' YAm-
philrite^ alla' s'établir en croisière sur leur passage. Le 5
septembre, il aperçut ces bâtiments, les perdit de vue
et ne les retrouva que le 9, dans le N.-O. de la Gre-
nade : la frégate était le Sphinx de 2â", capitaine Sulton.
A 11** du matin YAmphitrite commença le feu. La frégate
anglaise riposta vigoureusement ; mais la chute de son grand
mât de hune, et l'état dans lequel furent bientôt mis le reste
de sa mâture, ses voiles et son grément, forcèrent le capi-
Sulton à reconnaître la supériorité de la frégate française ;
à 1*», il fit amener le pavillon.
VAmphitrite portait 26° de 12 et 6 de 6.
Le Sphinx — 20 de 9 et A de 4.
Le 10 septembre, la frégate ^e 26' Y Amazone^ capitaine
de Lapérouse, qui faisait partie de l'armée du vîce-amiral
d'Estaing, chassa la corvette anglaise de 20* Aribl, capi-
taine Thomas Mackensie. V Amazone fut bientôt à portée
de pistolet de cette corvette et elle engagea un combat
qui cessa après une heure, lorsque I'Ariel eût été démâtée
de son grand mât et de aon mât d'artimon ; le mât de mi-
sAipe s'abs^ttit presque en même temps que le pavillon de
U corvette anglaise.
•^^-
Informé que le vaisseau de 50*" Experiment, capitaine
sir James Wallace, devait sortir de New- York avec un
COMBATS PARTICULIERS. —4779. 55
convoi pour Savannah, le chef d'escadre de Broves qui, on
doit se le rappeler, avait pris le commandement supé-
rieur de l'armée navale qui opérait sur la côte d'Amérique
pendant que le vice-amiral d'Estaing faisait le siège de
Savannah, adjoignit les vaisseaux le Fendant et le Zélé au
Sagittaire^ afin de barrer le passage au vaisseau et à son
convoi. Le capitaine d'Albert de Rions, qui commandait
le Sagittaire^ aperçut TExperiment, le 24 septembre. Le
vaisseau anglais n'avait que des mâts de fortune et cepen-
dant, quoique le Sagittaire fût un des bons marcheurs parmi
les vaisseaux de 50% il eut de la peine à l'atteindre. Le
vaisseau anglais amena son pavillon après une courte ré-
sistance; il avait à bord 150,000 piastres. Trois transports
chargés de vivres et d'effets d'habillement furent aussi
amarinés.
. ■ . ■ ■ I» Il
Forcé de rester dans l'inaction par suite de l'affaiblis-
sement des équipages, le lieutenant général Duchaffault,
qui avait pris le commandement de l'armée navale de
rOcéan, faisait surveiller les mouvements de l'ennemi par
de nombreux croiseurs. Le 2 octobre, les cotres de 14" le
Filote et le Mutin , capitaines de Closnard et chevalier de
Roquefeuil, tombèrent dan%une division de l'armée navale
anglaise de la Manche, et*furent chassés parle vaisseau
de ôO*' Jupiter, ca^taine'^eynolds et les frégates Apollo
de 82 et Crescent de 28. Le Mutin^ totalement dégféé,
amena le premier son pavillon. Le ViXote fut d'abord ca-
nonné parla Crescent gui l'abandonna; mais, joint bien-
tôt par l'autre frégate, le capitaine de Closnard, qui était
blessé, amena aussi son pavillon.
Le 4 octobre, la frégate de 32*' la SuredMante^ capitaine
Ducouédic de Kergoualer et le cotre de 10° l'Expédition,
capitaine vicomte de Roquefeuil, appareillèrent de Brest
pour observer les mouvements de l'armée ennemie, Le
56 COMBATS PARTICULIERS.— 1779.
même jour, la frégate anglaise de 36 "^ Québec, capitaine
George Farraer, accompagnée du cutter de 10 '^ Rambler,
capitaine George, sortit d'un port d'Angleterre avec la
même mission. Ces quatre bâtiments s'aperçurent le 6, à
i5 milles de l'Ile d'Ouessant ; le vent soufflait de l'Est, joli
frais. La frégate française tenait le plus près, tribord amu-
res ^ le Québec, qui était au vent, courant largue, serra
de suite le vent, bâbord amures et diminua de voiles. Cette
espèce d'invitation de l'officier anglais fut comprise par le
capitaine de la Surveillante ; il vira de bord et se mit sous
les huniers, voilure que portait aussi le Québec. Cette der-
nière frégate n'avait serré le vent que pour faire ses dispo-
sitions de combat -, bientôt elle se rapprocha de la frégate
française; à 11'* elle en était à demi-portée de canon. La
Surveillante ayant alors commencé à la canonner, elle loffa
du même bord que la frégate française. Après une heure
de vigoureuse canonnade, la frégate anglaise laissa arriver
pour passer derrière la Surveillante ; mais le capitaine Du-
couédic prévint cette manœuvre en laissant lui-môme arri-
ver en grand ; et, lorsque sa frégate reçut la bordée du
Québec, elle lui présentait le côté de tribord. Le grément
et la voilure des deux frégates étaient déjà tellement ha- '
chés, qu'elles durent contini^r le combat grand largue,
les amures à tribord. L'engagement durait depuis deux
heures et demie, lorsque la Sillrmillant^ fut démâtée de ses
trois mâts qui, fort heureusement, tombèrent sur bâbord.
Cinq minutes plus tard, la mâture du Québec était aussi
abattue en entier, mais sur l'arrière, et sa batterie des gail-
lards se trouva engagée dans toute sa longueur. Le capi<-
taine Ducouédic avait déjà reçu deux balles dans la tête.
Au moment où, profitant des embarras de la frégate an-
glaise, il allait l'aborder, une autre- balle l'atteignit dans
le bas-ventre. Ces blessures ne lui firent cependant pas
quitter le pont; il y donna des ordres jusqu'à la fin du
combat et ce fut lui qui conseilla d'aborder la frégate an-
glaise. Pendant que, A bord de la Surveillante^ on faisait
COMBATS PARTICULIERS.— 1779. 57
les dispositions pour sauter à l'abordage, on vit une fumée
épaisse sortir par les écoutilles et par les sabords de la fré-
gate anglaise, puis bientôt, des flammes qui mirent le feu
aux voiles et aux agrès qui couvraient le pont. Le Québec
était alors très-près de la Surveillante et un peu de l'a-
vant; à défaut d'embarcations qui, toutes, avaient été dé-
truites, celle-ci se servit d'avirons de galère pour s'éloigner.
Mais une masse semblable n'était pas facile à mouvoir et
avant qu'on eût pu parvenir à écarter quelque peu la fré-
gate française, le Québec fit une abattée sur bâbord et
tomba en travers sous son beaupré. Le feu se communiqua
de suite aux voiles et aux cordages qui étaient en pendant
au-dessous de ce mât. L'officier auxiliaire Dufresneau qui
commandait alors sous la direction du capitaine Ducouédic
— tous les autres officiers étaient, ou tués ou gravement
blessés — fit de suite couper le bout-dehors de foc et par-
vint à dégager la Surveillante. Poussée par la brise, la fré-
gate anglaise courut de l'avant en élongeant son adversaire
par bâbord ; elle n'en était pas à plus de cent mètres qu'elle
sauta. Il était 5^.
Ce fut alors seulement que, vaincu par l'intensité des
souffrances que lui causaient ses blessures, le capitaine Du-
couédic cessa de donner des ordres. L'enseigne Dufresneau
fit immédiatement travailler à boucher les nombreux trous
de boulets par lesquels l'eau entrait en quantité telle, que
la frégate était menacée découler. 11 établit ensuite des
mâts de fortune et fit route pour rentrer à Brest.
VEûcpédition et le Rambler n'étaient pas restés specta-
teurs de la lutte des deux frégates ; ils avaient combattu
avec acharnement jusqu'au moment où le feu s'était déclaré
à bord du Québec Le cutter anglais ayant alors détaché
une embarcation vers cette frégate, le capitaine de Roque-
feuil fit cesser de tirer sur lui ; et, oubliant l'anîmosité qui,
un moment avant, les portait l'un contre l'autre, les deux
cotres se dirigèrent vers le lieu du désastre. Le capitaine
de Y Expédition ne s'éloigna que lorsqu'il n'eut plus aucun
58 COMBATS PARTICULIERS. --1779.
espoir de sauver des malheureux se débattant contre la
mort dans les flots. Il se dirigea alors sur la Surveillante
et, à 11*» 30"^, il la prit à la remorque. Traînée par les
bateaux pêcheurs qui, en F apercevant, étaient allés à sa
rencontre, la frégate française mouilla le lendemain soir
à Camaret; le 8 au matin, elle entra à Brest, remorquée
par les embarcations de Tarmée navale. Le capitaine Du-
couédic mourut' de ses blessures trois mois plus tard (1).
48 Anglais étaient parvenus à atteindre la Surveillante
après l'explosion du Québec; Y Expédition en avait sauvé
8, le Rambler^ 17; eîifin un navire suédois en recueillit 13,
ce qui faisait un total de 81 hommes. On n'entendit plus
parler du capitaine Farmer qui avait reçu deux blessures
lorsque sa frégate fit explosion.
On a prétendu que le capitaine Farmer avait quitté le
commandement du vaisseau de 80* Foudroyant, pour
prendre celui du Québec , à la suite d'un pari dans lequel
il s'était fait fort de débarrasser l'Océan des frégates fran-
çaises et de conduire en Angleterre la première qu'il
rencontrerait. Je ne rapporte ce bruit que sous toutes
réserves. J'aurai cependant plusieurs fois l'occasion de
signaler de semblables actes de prétention à la supériorité
de la part de quelques officiers de la marine anglaise.
M. de Lostanges, l'un des officiers de la Surveillanie^
dit, dans la relation qu'il a donnée de ce combat, que la
frégate française portait 36 canons. Il n'existait pourtant
pas de frégates de cette force à cette époque. Le règlement
de 1755 n'en reconnaissait pas au-dessus de 80 bouches à
feu ; et l'état de situation des forces navales de la France,
en 1779, ne fait mention d'aucun bâtiment de cette espèce ;
(1) On peut voir derrière le chœur de Téglise Saint-Louis à Brest, «piquée
contre le mur et à gauche de la grille d'entrée, une plaque en marbre noir re-
présentant la coupe verticale d'une pyramide surmontée d'une urne, rcpotart
sur un prisme. L'inscription gravée sur ce marbre rappelle le combe^t de l.i
Surveillante et porte que ce monument a été élevé par ordre du roi poi)r perpo
tuer le nom ei h mémoire 4a capitaine Ducouédic (V. Biographie bretonne, 1. 1).
COMBATS PARTICULIERS. — n79. 59
on ri*y trouve que des frégates de 34*. Enfin, la matricule
particulière des frégates range la Surveillante dans la
classe de celles qui, portant 26 canons de i 2, avaient reçu
plus tard 6 canons de 6. Pour moi, et malgré l'assertion de
M. de Lostanges, la Surveillante était une frégate de 32.
Quant au Québec, c'était une des frégates créées par
l'ordonnance de 1757 ; elle portait :
26 canons de 12 en batterie,
et 10 — de 6 sur les gaillards.
Les frégates de 32'' la Fortunée et la Blanche, et la cor-
vette de 20*^ YEllis, détachées de l'armée du vice-amiral
d'Estaing pour rapporter une partie des troupes de l'expé-
dition de Savannah dans les différentes colonies des An-
tilles, n'arrivèrent à la Grenade qu'après une traversée des
plus pénibles et au bout de leurs vivres; une voie d'eau
très-inquiétante s'était déclarée à bord de la Blanche. De
la Grenade, les deux frégates et la corvette firent route
pour Saint- Vincent où elles furent accueillies à coups de
canon : la Fortunée eut sa vergue de grand hunier coupée
avant d'avoir pu réussir à se faire reconnaître. Le 21 dé-
cembre, à 15 ou 18 milles de la Guadeloupe, elles aper-
çurent 4 vaisseaux sous pavillon français. Le capitaine de
Marigny continua sa route, sans défiance, jusqu'à ce que,
ayant fait des signaux de reconnaissance, ces vaisseaux
arborèrent le pavillon anglais ; les frégates et la corvette
prirent chasse. Prévenu de la mission qui avait été donnée
à cette petite division , le contre-amiral Parker avait ex-
pédié le contre-amiral Rowley avec le Suffolk, le Magnifi-
CENT, le Vengeance et le Stirling Castle, pour l'attendre
au passage. Les 3 bâtiments français avaient beaucoup
souffert sur les côtes de la Géorgie et pendant cette der-
nière traversée ; leurs équipages étaient tellement affaiblis
que, la batterie armée, il ne restait pas un seul homme
pour la manœuvre à bord de la Fortunée. Sur la Blanche,
60 COMBATS PARTICULIERS. — 1779.
il n'y avait que 3 hommes au lieu de 7 à chaque pièce. La
corvette avait 67 hommes, tout compris. Dans l'après-
midi, ils prirent la bordée du Nord; le temps était orageux
et ils ne ressentirent bientôt plus que des fraîcheurs va-
riables. Vers 6^ 30*", par une de ces bizarreries si fré-
quentes dans ces parages, les vaisseaux anglais arrivaient
vent arrière sur les frégates qui tournoyaient dans une
zone de calme, et ils purent bientôt leur envoyer quelques
boulets, puis des bordées entières : un grain permit aux
bâtiments français de s'éloigner, et chacun d'eux prit
l'allure qui lui était le plus favorable. A 9*», le temps rede-
vint beau. Lorsque le ciel s'éclaircit, la Blanche se trouva
sous la volée d'un vaisseau anglais : le capitaine de la
Galissonnière n'essaya pas de lui résister.
La Fortunée s'était éloignée davantage; mais, placée de
nouveau sous l'influence des folles brises, elle fut atteinte
par deux vaisseaux. Tout fut essayé pour échapper à ces
redoutables adversaires ; la batterie des gaillards fut même
jetée à la mer. Vers 11^, leurs boulets l'atteignaient. A 1*',
un de ces vaisseaux était par son travers à tribord et le
second, par sa hanche de bâbord. Le capitaine vicomte
Bernard de Marigny fit envoyer une volée au premier et
amena son pavillon.
Le capitaine Fonteneau n'eut pas une meilleure chance.
VEllis fut prise, le lendemain, à 2*» de l'après-midi.
A la suite du traité d*aUiance que la France avait conclu
avec les États-Unis d'Amérique pour soutenir la guerre de
l'indépendance, l'Angleterre avait rappelé son ambassa-
deur à Paris , et les premières hostilités avaient eu lieu
en juin 1778. L'escadre du vice-amiral d'Esiaing était ar-
rivée en juillet sur les côtes d'Amérique où elle avait
trouvé celle du vice-amiral Howe. L'arrivée du vice-amiral
Byron dans ces parages avait, depuis cette époque, donné
aux Anglais une supériorité numérique qui faisait au gou-
COLONIES.— 4779. 64
vernement français une obligation d'y envoyer des renforts.
Toutefois, afin de causer au commerce anglais le plus grand
préjudice possible, il fut décidé que les bâtiments qu'on
expédierait attaqueraient , en passant, les établissements
que l'Angleterre entretenait sur la côte occidentale d'A-
frique.
Le 15 décembre 1778, le chef d'escadre marquis de
Vaudreuil était parti de Brest avec une division composée
des bâtiments ci-après :
Canons.
Vaisseaux de 74 Fendant. .
— de 6i Sphinx. .
Frégates de 5. j ^t .'
Corvelles de 16 j fP^^^i^^-
\ Ltvely. . •
Goëlettes de 14 Gorée. . .
— de 4 Lunette. .
capilaine marquis de Vaudreuil^ chef d'esc.
— do Soulangcs.
— cheyalier do Sainnevilie.
— chevalier de Pontevès-Gien.
— comte de Capellis.
— Ëyriès.
— Âllary.
— de Ghavagnac.
Cette division, qui escortait un nombreux convoi destiné
aux Antilles, s'était d'abord dirigée sur le Sénégal, et le
31 janvier, elle faisait capituler Saint-Louis qui avait été
cédé à l'Angleterre à la paix de 1763. Laissant alors les
deux frégates, YÊpervier et les goëlettes sous le comman -
dément du capitaine de vaisseau Pontevès-Gien, le chef
d'escadre de Vaudreuil continua sa route sur Saint-Domin-
gue avec le convoi.
Le commandant Pontevès dirigea d'abord sa division sur
la rivière de Gambie. Le 11 février, le fort James se ren-
dit à discrétion et sans avoir fait aucune défense; la goé-
lette la Gorée remonta alors la rivière et détruisit tous
les établissements anglais des deux rives. La division ap-
pareilla le 6 mars, se porta sur les îles de Los et détruisit
le comptoir qui y était établi. Le 12, elle entra dans la
rivière de Sierra Leone : les batteries de l'île Tasso furent
enlevées, après avoir été canonnées par YÊpervier. Les
frégates attaquèrent ensuite le fort de l'île de Beuse ; après
un quart d'heure, les Français étaient maîtres de cette
fortification ; neuf corsaires qui avaient cherché un refuge
68 COLONIES.— 1779.
SOUS ses canons furent amarinés; le fort et les établisse'-
ments furent démolis» La division sortit ensuite de la n-^
vière et elle fit route pour France ; la Résolue seule se di-
rigea sur la Martinique* Cette expédition coûta 26 navires
à l'Angleterre et tous les établissements qu'elle* avait for-
més sur cette partie de la côte d'Afrique.
Les Anglaiss' étaient emparésde Sainte-Lucie dans les der-
niers jours de l'année précédente, et le vice-amiral d'Estaing,
après avoir essayé en vain de reprendre cette île , était rentré
à la Martinique, le 30 décembre. Supposant que la crainte
d'une nouvelle attaque des Français retiendrait le contre-
amiral Barritigton quelque temps encore darts ces parages,
le commandant en chef de l'escadre française dirigea contre
l'île Saint-Martin une expédition dont la direction fut con-
fiée au capitaine Trolong^Durumain de la corvette de 20°
la Lively. Deux autres corvettes, la BeJelte etY Elites furent
placées sous ses ordres. Le 16 février, cette petite division
attaqua la batterie qui défendait la rade et, après une
heure^ réussit à la faire abandonner. Un détachement de
troupes fut alors débarqué, et le capitaine Durumain mar-
cha à sa tête sur la partie de l'île où la garnison s'était
retirée et retranchée. La résolution de ce détachement était
telle que le commandant anglais ne jugea pas devoir essayer
de lui résister ; il proposa une capitulation qui fut acceptée.
L'île Saint-Barthélémy se rendait, presque en même
temps, au capitaine chevalier Duchilleau qui y avait été
envoyé avec les frégates de 32*^ la Diligente et la Boudeusté
Ayant appris que le contre-amiral Bârrington venait de
prendre la mer avec un convoi que son escadre escortait
au delà des débouquements, le vice*amiral d'Estaing forma
le projet de s'emparer de l'Ile Saint-Vincent, que le traité
de 1768 avait donnée à l'Angleterre, et il chargea le Jieu-
COLONIES.— 4779. 63
tenant de vaisseau Troplong-Durumain de cette expédition.
Le 9 juin, cet officier partit du Fort-Royal de la Marti-
nique avec les corvettes la Lively, YEllis et la Neazle.
300 hommes de troupes qui avaient été embarqués sur
ces bâtiments furent mis à terre, le 16, dans la baie de
Young. Rallié bientôt par un grand nombre de noirs qui
avaient été prévenus de cette attaque, ce détachement mar-
cha sur Kingstown, sans presque rencontrer d'opposition.
Le gouverneur proposa de suite une capitulation qui fut
acceptée. Pendant qu'on en discutait les articles, deux
navires furent sigualés se dirigeant sur la rade. Le capi-
taine Durumain appareilla avec la lAvely et les chassa; ils
amenèrent leur pavillon aux premiers coups de canon;
l'un d'eux était armé de 16 canons. Le capitaine Durumain
se fit remettre à terre et, lorsque la capitillation eut reçu
son exécution, il retourna à la Martinique.
Quelques jours après la bataille de la Grenade, le vice-
amiral d'Estaing détacha le capitaine de Suffren avec
les vaisseaux Je Fantasque et le Solitaire, la frégate la
Fortunée et la corvette la Lively pour aller attaquer l'île
Cariacou. Cette île se rendit, le 14 juillet, sans avoir même
riposté aux quelques coups de canon qui lui furent tirés.
La petite division du commandant de Suffren rallia ensuite
l'armée navale à la Grenade.
/
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGÉS
pendant l'année 1779.
ANGLAIS.
Canons.
6i Ardent Pris par une frégate.
50 ExpERiMENT Pris par un vaisseau.
44 Serapis^ Pris par des corsaires.
56 Arethusa Naurragée sur l'île Molène.
! Montréal Prise par un vaisseau.
Québec. . Incendiée à la suite d'un combat.
28 Hussard Naufragée dans rAmériqife septentrionale
26 KiNG George Prise par une frégate.
64 COLONIES. — 1779.
( Sphinx Prise par une frégate.
^ l Glasgow Naufrajgée dans rAmériqae septentrionale-
20 ÂRIEL. . \
16 Weazle. i It*. 1 *ii
^ > Prises chacune par une frégate.
** { hawke*. . . '. .!!.!!!)
1 Active Pris par un côlre.
FRANÇAIS.
Canons.
64 Roland Brûlé par accident.
Blanche • Prise par un vaisseau.
32 { Fortunée — —
Oiseau Prise par une frégate.
Danaé. . , i Prise par une division.
^„ , Prudente. . — —
^ Hélène Prise par une frégate.
Zéphyr* Brûlée par accident.
i Alcmène Prises par une frégate.
l Sphinx — —
20 Ellis * Prise par un vaisseau.
18 Compas, flûte • Prise par une frégate
** I MuHn. ', l '[ '. !!.*;; I ^'^' P" ''"^ **^^*'*^''-
8 Ecluse ) rvx* •* 1»
6 Valeur j ^^^^^^^ P*"^ ^ ennemi.
RÉCAPITULATION.
ANGLAIS. . . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in
fériours
FRANÇAIS. . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs
Pris.
5
5
5
»
8
Détroits
ou
naufragés.
»
1
»
»
»
2
Incendiés.
L'astérisque indique un bàlimenl pris à l'ennemi.
»
1
»
1
1
»
TOTAL.
3
5
5
1
9
6
BATAILLES. — 1780. 65
ANNEE 1780.
Gibraltar, en ce moment, appelait toute l'attention du
gouvernement anglais. En déclarant la guerre à la Grande-
Bretagne, le roi d'Espagne avait fait investir cette place
par terre et par mer. Le cabinet de Londres confia à l'a-
miral sir George Rodney, qui venait d'être nommé au
commandement des forces navales de l'Angleterre dans les
mers des Antilles, le soin de la ravitailler. Le convoi que
cet officier général conduisait devait être escorté par 21
vaisseaux.
Pénétrant les intentions de leur ennemie, la France et
l'Espagne chargèrent le lieutenant général espagnol don
Luis de Cordova de disputer le passage du détroit de Gi-
braltar à l'amiral anglais, dans le cas où il s'y présenterait.
Une division de 6 vaisseaux français et de 5 frégates, sous
les ordres du chef d'escadre comte de Sades, fut adjointe à
l'escadre espagnole.
Toutes ces dispositions furent, malheureusement, inu-
tiles*, le 3 janvier, un violent coup de vent assaillit l'es-
cadre combinée, désempara un grand nombre de vaisseaux
et les força tous à entrer à Cadix. Rien ne pouvait désor-
mais s'opposer à l'exécution des projets du gouvernement
anglais. Le 8 , l'armée de l'amiral Rodney s'empara, à la
hauteur du cap Finistère, de 21 navires de commerce es-
pagnols chargés de blé et d'un vaisseau qui les escortait.
Le 16, elle attaqua, près de Cadix, une faible escadre de
9 vaisseaux espagnols commandée par le chef d'escadre
don Juan de Langara, prit 6 vaisseaux et en brûla un
septième. Dès que ces événements furent connus à Ma-
drid, le lieutenant général don Miguel Gaston reçut Tordre
de partir de Brest avec les vaisseaux placés sous ses ordres;
U. 5
66 BATAILLES. —1780.
4 vaisseaux français le suivirent avec le chef d'escadre
chevalier de Beausset. Tous étaient arrivés à Cadix , le
13 février. La division du chef d'escadre de Sades rentra
alors à Brest. Mais quelque promptitude que le lieutenant
général espagnol eût mise à exécuter Tordre qui lui avait
été donné, il arriva trop tard pour empêcher l'amiral
Rodney de faire entrer son convoi à Gibraltar, L'amiral
anglais avait même repassé le détroit et fait route pour sa
destination, laissant au contre-amiral Digby le soin de re-
conduire les transports en Angleterre.
A quelques jours de là, le 23 février, le contre-amiral
Digby rencontra un convoi français portant des troupes et
des munitions dans l'Inde; ce convoi était escorté par les
vaisseaux de 64° le Protée et ÏAjax et par la Charmante.
A l'entrée de la nuit, le capitaine Duchilleau de Laroche
qui commandait, signala kYAjax de faire fausse route avec
le gros du convoi ; et, pour masquer ce mouvement, il
continua la route qu'il tenait, avec la frégate et quelques-
uns des plus petits navires. Cette manœuvre lui réussit ;
l'escadre anglaise le suivit. A 1^ du matin, estimant que le
convoi était hors de danger, il voulut tenter de se sous-
traire à la vue des chasseurs ennemis. Mais, en venant au
vent, le Protée démâta de son petit mât de hune, et ce mât,
en tombant, défonça la misaine. Attaqué à 2^ par le vais-
seau de Jk"" Resolution, et peu de temps après par le
Bedford et le Marlborough de même rang, force fut au
Protée de se rendre. Trois navires du commerce tombèrent
aussi au pouvoir des Anglais ; les autres purent atteindre
différents ports. La Charmante mouilla à Lorient.
Cet événement avait une haute gravité. Le capitaine
Duchilleau fut traduit devant un conseil de guerre qui ap-
prouva sa conduite et l'acquitta honorablement.
Depuis que le blocus de Gibraltar avait été résolu, les
gouvernements de France et d'Espagne avaient envoyé à
BATAILLES. — 1780. 67
Cadix tous les bâtiments de guerre dont ils pouvaient dis-
poser. Au mois de mai, une division de cette armée navale,
dont le commandement avait été confié au lieutenant gé-
néral de Cordova, avait fait une petite sortie avec le chef
d'escadre chevalier de Beausset. Le 9 juillet, le comman-
dant en chef mit à la voile avec 31 vdsseaux, 6 frégates,
une corvette et 8 cotres et se porta sur les côtes de Por-
tugal. Cette croisière fut, comme la précédente, de courte
durée; le 18 du même mois, l'armée combinée rentra i
Cadix où elle fut ralliée par 6 vaisseaux français; une petite
division resta seule au large. Le commandant en chef fit
une autre sortie, le 31 juillet. Le 9 août, à environ 150
milles dans l'Ouest du cap Saint-Vincent, l'armée com-
binée tomba, pendant la nuit, dans un convoi anglais de
60 voiles qui se rendait en Amérique et dans l'Inde, sous
l'escorte du vaisseau de 82'' Ramiues et des frégates de 32
SouTBAHPTON et Thetis. ô6 navires furent pris et con-
duits à Cadix par l'armée elle-même. Ces navires étaient
chargés de rechanges de toute espèce; ils portaient aussi
quelques troupes. 6 nouveaux vaisseaux français, quel-
ques frégates et corvettes rallièrent encore l'armée navale
à Cadix.
Deux faibles divisions sortirent avant la fin de Tannée ;
la première appareilla avec le chef d'escadre de Lacarry,
peu de jours après la rentrée de l'armée ; l'autre prit la
mer, au mois de septembre, sous la direction du capitaine
de vaisseau de Marin.
Cependant la France voyait les mois s'écouler et ses res-
sources navales s'épuiser en pure perte. Le rôle qu'on fai-
sait jouer à sa marine ne pouvait être accepté plus long-
temps. Par suite de nouveaux arrangements avec la Cour
de Madrid, le vice-amiral comte d'Estaing prit le comman-
dement de l'armée combinée, à laquelle vint se joindre
Tescadre du lieutenant général de Guichen qui arriva des
Antilles, le 24 octobre, escortant 95 navires du commerce.
Ce convoi, destiné pour la Méditerranée, partit de suite avec
68 BATAILLES.— 1780.
2 frégates; le capitaine de vaisseau de Suffren l'escorta jus-
qu'à Gibraltar avec 5 vaisseaux et 2 frégates.
Cette réunion considérable de vaisseaux avait un but
autre que de protéger et d'intercepter les convois ; on son-
geait toujours à frapper un grand coup à l'Angleterre, en
la dépossédant de la Jamaïque. En faisant ce rassemble-
ment en Europe, on espérait détourner l'attention du gou-
vernement anglais et lui faire supposer que les troupes qui
se réunissaient à Cadix étaient destinées à coopérer au
siège de Gibraltar. Quelque importance qu'on attachât à la
possession de la Jamaïque, le vice-amiral d'Estaing n'avait
pu, l'année précédente, par défaut de forces sufBsantes, en
tenter la conquête. Les tergiversations de l'Espagne forcè-
rent, cette année, à un nouvel ajournement de cette entre-
prise. Le vice-amiral d'Estaing était à peine arrivé à Cadix,
qu'il reçut l'ordre de rentrer en France. 11 mit à la voile, le
31 octobre, avec l'armée combinée et un convoi qui por-
tait les troupes. Le mauvais temps le fit retourner le soir
même au mouillage. Le 7 novembre, il remit à la voile
avec l'escadre française, le convoi, 3 frégates et 6 vais-
seaux espagnols. L'escadre du vice-amiral d'Estaing arriva
à Brest le 3 janvier 1781.
Lorsque les vaisseaux qui étaient retournés à la Marti-
nique après l'expédition de Savannah furent en état de re-
prendre la mer, le chef d'escadre de Lamotte-Piquet mit
sous voiles avec son vaisseau de 74*^ YAnnibal.
le Diadème de 74^ capitaine commandeur de Dampierre^
le Réfléchi de 64 — Cillart de Suville^
et VAmphion de 50 — • de Sainte-Césaire,
pour escorter un convoi qui se rendait à Saint-Domingue.
La division eut connaissance de Lagrange, le 20 mars, et
elle allait entrer au Cap Français, lorsque les vaisseaux
anglais
Lion de. ... 6i^ honorable William Gornwallis, conunodore^
Bristol de. . . 50 -capitaine honorable Thomas Pakenharo^
Janus de. ... 44 — GloTer>
BATAILLES. - 4780. 69
furent aperçus au large. Le chef d'escadre de Lamotte-Pi-
quet fit signal au convoi de continuer sa route et, à sa
division, de chasser en route libre. Les vaisseaux anglais
firent vent arrière sous toutes voiles. VAnnibal gui avait
une marche supérieure atteignit l'ennemi à 5*» du soir et,
sans attendre sa division, il engagea de suite le combat ;
les autres vaisseaux rallièrent successivement. Mais la nuit
était obscure et le feu cessa peu de temps après l'arrivée
des derniers. Ce ne fut toutefois qu'un temps de repos,
car le calme qui régna toute la nuit tint les deux divisions
en présence et la canonnade recommença à à^ du matin.
L'absence complète de brise rendait toute manœuvre impos-
sible. VAnnibal se trouva encore un moment compromis.
Entraîné loin des autres vaisseaux, il devint le point de
mire de tous les canons ennemis ; le Janus le canonna pen-
dant un grand quart d'heure par la hanche de bâbord sans
que la riposte fût possible. Enfin la brise s'éleva et le ral-
liement eut lieu. Le Diadème rendit alors avec usure au
Janus les boulets que ce vaisseau avait envoyés à VAnnibal
et lui fit amener son pavillon (1). Le capitaine de Dam-
pierre demanda à l'envoyer amariner; avant que la ré-
ponse fût donnée, le Janus put profiter de la brise et s'é-
loigner ; les autres vaisseaux anglais le suivirent. La divi-
sion française les poursuivit pendant quelque temps, mais
un vaisseau et une frégate qui arrivaient vent arrière la
firent entrer au Cap Français. Le chef d'escadre de Lamotte-
Piquet était blessé depuis la veille.
Le départ de la division du chef d'escadre de Lamotte-
Piquet pour Saint-Domingue avait décidé le commodore
Collingwood qui observait ses mouvements, à quitter le
(1) Le rapport du commandant de la dmsion ne fait aucune mention de cette
circonstance^ rapportée par le capitaine du Diadème et confirmée par un offi-
cier de ce Taisseau duquel je la tiens.
70 BATAILLES.— 4780.
blocus du Port-Royal de la Martinique. Désirant profiter
de cette circonstance pour faire quelque tentative contre
les colonies anglaises, le gouverneur général des îles sous
le Vent fit embarquer des troupes sur les 8 vaisseaux et sur
la frégate récemment arrivés avec le chef d'escadre de
Grasse, mit sous les ordres de cet officier général A autres
vaisseaux et 1 frégate et prit lui-même passage sur le vais-
seau amiral. Le 22 mars, il rencontra le lieutenant général
de Guichen qui arrivait de France avec 16 vaisseaux, â fré-
gates, 1 flûte, 3 cotres, 1 lougre et un convoi de 83 voiles.
Cet ofiicier général venait prendre le commandement des
forces navales de la France dans les Antilles. Avant de
donner suite au projet conçu par le gouverneur général, le
lieutenant général de Guichen désira mettre ses malades à
terre et l'armée entière se dirigea sur le Fort-Royal. Le
lendemain 23, elle remit sous voiles, forte de 22 vaisseaux
et 6 frégates et fit route pour Sainte-Lucie. Mais lorsqu'elle
arriva devant cette île, 16 vaisseaux (1) étaient à Fancre
au Gros-Islet. La présence de cette armée navale ne per-
mettait pas de tenter l'attaque. Le 27, l'armée française
rentra à la Martinique, et l'idée d'une agression contre les
possessions anglaises fut abandonnée.
Le 13 avril, le commandant en chef appareilla pour cou-
vrir un convoi qui se rendait à Saint-Domingue sous l'es-
corte du vaisseau le Fier et de la frégate la Boudeuse; 3,000
hommes de troupes avaient été embarqués sur les vaisseaux.
Contrariée par les calmes, l'armée navale mit deux jours
à atteindre le canal de la Dominique. Le 16 au matin,
tandis qu'elle louvoyait pour passer au vent de cette île,
21 vaisseaux anglais furent signalés dans le S.-E. Le lieute-
nant général de Guichen ordonna la ligne de bataille natu-
relle, les amures à tribord; peu après, l'armée se forma à
l'autre bord sur les vaisseaux souventés. Les deux armées
(1) Quelques yersions disent dix-sept.
BATAILLES.— 1780. 71
manœuvrèrent pendant vingt-quatre heures pour s'élever au
vent. Le 17, les Français étaient à 27 milles dans l'Ouest de
la Dominique. L'amiral Rodney qui commandait l'armée an-
glaise se décida enfin à combattre*, à midi, il laissa arriver
tout à la fois sur les Français qui virèrent de bord lof
pour lof, aussi tout à la fois, et qui se rangèrent en ba-
taille, bâbord amures, dans l'ordre ci-dessous qui était
l'ordre naturel renversé.
Canons.
74 Destin capitaine comte Dumailz de Goimpy.
64 Vengeur — cheyalier de Reti.
60 Saint-Michel — d'Aymar.
74 PltUon — cbeyalier de Lamarthonie.
80 Triomphant — de Gras-Préville.
comte de Sades^ chef d'escadre.
74 Souverain. • capitaine cheyalier de Glandevès.
64 Solitaire,, — comte de Gicé-Ghampion.
74 Citoyen • , — marquis de Nieail.
64 Caton — comte de Framond.
I Victoire. . — cbeyalierd'AlbertSaint-HippoIyte.
I Fendant — marquis de Vaudrouil, chef d'esc
80 Couronne. — Buor de Lachenalière.
I
comte de Guichen^ lieutenant général.
74 Palmier capitaine chevalier de Monteil, chef d'esc.
< Indien . — cheyalier de Balleroy.
\ Actionnaire — ' de LarchanteK
74 Intrépide — Duplessis-Parscau.
64 Triton * ^ . . «*- firun de Boad«8«
t Magnifique — cheyalier de Brach.
( Robuste *i. — comte de Grasse, chef d'escadre.
i ^P^^^*^' *•«••«•••• -~ comte de Soulanges*
{ Artésien ♦ . .^. . — cheyalier de Peynier.
74 Hercule. . M . , . . . . — comte d'Amblimont.
Frégates : Résolve^ Iphiffér^te^ Courugeuse^ Médée, Gentille,
Coryette : Cérès.
Les Anglais étaient dans Tindre suivant :
Ganoni.
64 STIRI.IM6 Gastle capitaine GarkeU.
^ } Ajax — Uyedale.
'^ ) ËLizABETH. .É ^ honorable ...» Maitlaud.
90 Princess Royal ^ Qammopâ.
Hyde Parker, contre-amiral.
f Albion capitaine Bowyer.
l Terrible — Douglas.
64 Trident — ^ P. Molloy.
74 Grapton -- Collingwood.
64 Yarmouth — Bateman. '
74 Cornwall — Thrt. Edwards.
72 BATAILLES.— 1780.
90 Sandwich — Young.
sir George Brydges Rodney, amiral.
74 SuFFOLK capitaine Crespin.
68 BoYNE — Cotton.
64 Vigilant. — Home.
74 Vengeance — Hotham.
60 Medway — Edmund Affleck.
74 MoNTAGu — HoHlton.
Josuah Rowley, contre-amiral.
74 CoNQUEROR capitaine Watson.
64 Intrepid ^ . . . -— honorable »... S' John.
74 Magnificent — J. Elphinstone.
64 Centurion (1) — ....
Frégates : Venus, Greyhound, Deal Castle, Andromeda, Pegasus.
A l*' de Taprès-midi, les vaisseaux anglais commencè-^
rent à essuyer le feu de Farinée française et, lorsqu'ils
se formèrent en bataille, aux mêmes amures, parallèlement
à celle-ci, ils avaient déjà de nombreuses avaries; le
combat s'engagea alors sur toute la ligne. Peu de temps
après, le corps de bataille de l'armée ennemie ayant fait
une arrivée, le lieutenant général de Guichen crut voir
dans ce mouvement l'intention de couper sa ligne et d'en-
velopper son arrière-garde, et il fit signal de virer lof pour
lof tout à la fois ; l'amiral anglais étant de suite revenu au
vent, cet ordre fut annulé. Les vaisseaux n'aperçurent
malheureusement pas tous ce contre-ordre : l' arrière-garde
et une partie de l' avant-garde nrèrent et se trouvèrent
souventées. Le commandant en chef signala de suite de
rectifier la ligne en laissant arrivéK Pen^nt que l'armée
française faisait ce mouvement, l'armée anglaise continuait
sa route ; à 5*», elle était hors de portée.
L'amiral anglais n'ignorait pas qu'il y avai^à bord des
vaisseaux français des troupes qu'il présumait destinées à .
l'attaque de quelque possession anglaise. L'empressement
avec lequel il profita de la dernière manœuvre de l'armée
française pour s'éloigner, alors que ce mouvement pouvait
\
(1) M. de Lapeyrouse, Histoire de la marine française, ne cite pas le Cen-
turion. Il est d'accord avec les relations anglaises qui ne donnent qne 21 vais-
seaux. Le comte de Guichen dit qu'il y en ayail 22.
BATAILLES.— 1780. 73
lui être si profitable , semble établir qu'il n'avait pas l'in-
tention d'engager une affaire sérieuse; que son but était de
faire quelques avaries aux vaisseaux français, afin de pou-
voir conserver l'avantage du vent et, par suite, d'être en
position de surveiller leurs mouvements. Il ne réussit pas.
Les vaisseaux français n'avaient aucune avarie quelque
peu grave, tandis que plusieurs des siens avaient beaucoup
souffert. Le Sandwich, entre autres, était si maltraité, que
pendant vingt-quaU*e heures on crut ne pouvoir le main-
tenir à flot ; l'amiral lui-même fut obligé de passer* sur le
GoNQUEROR. L'armée anglaise retourna à Sainte-Lucie; les
Français firent route pour la Guadeloupe. Les blessés, au
nombre desquels était le capitaine d'Aymar du Saint-
Michel ^ qui avait eu un bras emporté, furent mis à terre
dans cette île.
Le 20 avril , pendant qu'on travaillait à débarquer les
blessés, l'armée anglaise fut signalée. Les Français appa-
reillèrent, mais les variations de la brise et le calme empê-
chèrent tout engagement.
Gette version oflîcielle diffère beaucoup de celle qu'ont
donnée les historiens anglais d'après le rapport de l'amiral
Rodney. G'est d'ailleurs chose digne de remarque que,
dans cette affaire et dws les deux autres rencontres de
l'armée du lieutenant général de Guichen et de l'armée
anglaise, chacun ait attribué à son adversaire le désir
d'éviter le combat ou de le terminer le plus promptement
possible.
Le lieutenant général de Guichen qui, depuis le
20 avril, n'avait cessé d'observer i' armée anglaise, finit
par l'atteindre, ou plutôt par décider l'amiral Rodney à ac-
cepter un nouveau combat. Le ralliement du Dauphin-
RoyatHet 70^, capitaine Mithon de Genouilly, portait à 23
le nombre des vaisseaux français. L'armée anglaise était
augmentée du vaisseau de 74'' Triumph, capitaine Philip
Afileck. Le 15 mai, l'armée française, alors au vent, laissa
74 BATAILLES. — 1780.
âttiver en ordre de front sur les Anglais rangés en bataille,
bâbord amures. Mais, au moment où le feu allait com-
mencer, le vent passa de l'Est au S.-S.-E. Ce changement
permettant aux Anglais de porter au vent de l'armée fran-
çaise, l'amiral Rodney fit gouverner à TE.-N.-E., tandis
que les Français, placés en échiquier sur la ligne du plus
près tribord, avaient le cap au S.-O. Alors que le chef de file
anglais allait doubler la ligne française, le vent remonta à
l'Est et l'armée ennemie fut forcée de passer sous le vent
de celle du lieutenant général de Guichen. Cet oificier gé-
néral ayaiit de suite rétabli la ligne de bataille, bâbord
amures, les vaisseaux de tète de l'armée anglaise purent
seuls engager le combat. Dès que l'avant-garde française
eut dépassé la ligne anglaise, craignant qu'une nouvelle
variation du vent ne donnât à l'amiral anglais la possibilité
de défiler devant les derniers vaisseaux, le commandant en
chef ordonna de virer vent devant par la contre-marche.
La canonnade cessa à 8^ du soir : elle avait duré une heure.
Les documents qui ont servi à décrire les batailles na-
vales de cette époque sont, en général, si laconiques qu'il
faut souvent raisonner d'après les probabilités. lien résulte
nécessairement que les interprétations sont très^-variées.
Les combats que l'armée navale du lieutenant général de
Guichen livra à celle de l'amiral Rodney sont, entre tous,
ceux sur lesquels on s'accorde le moins. Ma version dif-
fère essentiellement de celles qui ont été données jusqu'à
ce jour (1) ; elle est empruntée au rapport du commandant
evL chef de l'armée française, rapport qui semble avoir été
ignoré même des historiens français.
Après l'engagement du 15 mai, le lieutenant général de
Guichen poursuivit l'armée anglaise pendant quatre jours;
(!) Voir Glerck^ Essai méthodique sur la tactique navale ;hB]iOwhtf, His-
toire de l'indépendance d'Amérique / de Lapeyroosen Histoire de /• marine
française.
BATAILLES. —4780. 75
celle-ci refasait obstinément le combat eniaisant vent ar-
rière chaque fois que les Français laissaient porter sur elle.
Le 19, l'amiral anglais se décida à accepter le combat. Le
ventétaità rE.-S.-E« et à grains. L'armée anglaise, rangée
en bataille, tribord amures, restait au 8.-S.-0. lorsque les
vaisseaux français, en ordre de bataille renversé, les
amures à tribord, reçurent Tordre de virer vent arrière et
de porter tous leurs efforts sur son avant-garde. A 3*» lô*»,
les deux armées se rencontrèrent à bord opposé de telle sorte
que le chef de file de l'armée anglaise eût pu couper la
ligne française entre le troisième et le quatrième vaisseau ;
il ne le fit pas et laissa au contraire arriver. Chaque vais-
seau anglais imitant sa manœuvre, l'armée ennemie élongea
par-dessous le vent celle des Français dont les vaisseaux
laissaient aussi arriver successivement pour se placer sur
une ligne parallèle à la sienne. Les deux armées défilèrent
ainsi l'une devant l'autre» en formant chacune un angle
^al à celui représenté par l'intersection des deux lignes
du plus près. Vers 3^ AS"», et alors qu'elles allaient se dé-
passer, 9 vaisseaux anglais ayant viré de bord (1) , le lieu*-
tenant général de Guicben fit virer ses deux premières es-
cadres vent devant tout à la fois pour soutenir l'arrière-
garde au besoin ; ce mouvement fit reprendre aux Anglais
leurs amures premières. L'arrière-garde française vira
aussi lorsqu'elle n'eut plus d'ennemi par son travers et à
&", les deux armées étaient hors de portée de canon. Elles
s'observèrent d'abord; mais les Anglais laissèrent arriver
pendant la nuit et, au jour, ils étaient à 6 milles sous le
vent. L'île de la Martinique restait alors à 120 milles dans
l'Est.
Ce combat ne fut encore qu'une simple canonnade pen-
dant laquelle quelques vaisseaux anglais furent cependant
très-maltraités. L'Aibion, le Conqueror. le Botne et le
(1) Le rapport de Tao^iral Rodoey, fort succiDct du reste^ ne parle pas de ce
monTement de 9 Taisseanx anglais.
76 BATAILLES.— 1780.
GoRNWALL souffrirent beaucoup et furent envoyés à Sainte-
Lucie. Les autres vaisseaux se rendirent à la Barbade ; le
GoRNWALL ne put être maintenu à flot et coula.
L'armée française n'avait plus d'eau que pour six jours ;
la plupart des vaisseaux ayant d'ailleurs besoin de quelque
réparation, après ces trois engagements, le lieutenant gé-
néral de Guichen fit route pour la Martinique où il mouilla
le 22 mai.
12 vaisseaux espagnols et 3 frégates, sous les ordres du
chef d'escadre Solano, arrivèrent à la Martinique, avec un
convoi, dans la première quinzaine du mois de juin. Le
lieutenant général de Guicben disposait dès lors de forces
assez considérables pour tenter une expédition contre une
des colonies anglaises, avant la mauvaise saison. Mais, lié
probablement par ses instructions, le chef d'escadre Solano
ne voulut adopter aucune combinaison qui pût retarder
son arrivée à la Havane où il déclara vouloir se rendre de
suite. Cette détermination força le lieutenant général de
Guichen à modifier ses projets. Il accompagna l'escadre
espagnole jusqu'à la hauteur du Môle-Saint-Nicolas de
Saint-Domingue et il entra au Gap Français. A quelques
jours de là, il fit route pour l'Europe avec la division du
chef d'escadre de Lamotte-Piquet.
Le chef d'escadre de Grasse qui avait été désigné pour
rester à la Martinique, allégua des raisons de santé pour
retourner en France. Le chef d'escadre de Monteil le rem-
plaça. Les vaisseaux le Palmier j la Victoire ^ le Destin^ le
Réfléchi^ Y Intrépide de 74**, le Solitaire^ le Caton, Y Action-
naire et le Triton de 64 furent placés sous ses ordres.
La réunion de l'escadre espagnole aux vaisseaux du lieu-
tenant général de Guichen avait un moment inquiété l'a-,
mirai Rodney. Cet oflScier général s'était porté de suite
sur la Martinique ; mais les escadres alliées avaient quitté
ce mouillage depuis plusieurs jours. Laissant alors 5 vais-
seaux à Sainte-Lucie, il s'était dirigé sur Saint-Christophe
BATAILLES. — 1780. 77
avec 21 autres. N'y ayant trouvé aucune nouvelle des es-
cadres alliées, il avait expédié le contre-amiral Bowley à
la Jamaïque avec 10 vaisseaux et avait fait voile pour TA-
mérique du Nord avec le reste.
En exécution de l'un des articles du traité conclu avec
les États-Unis, 6,000 hommes de troupes, destinés à servir
en Amérique, furent embarqués sur 26 transports qui par-
tirent de Brest, le 2 mai, sous la conduite du chef d* escadre
de Ternay, avec les vaisseaux suivants :
Canons.
80 Duc-de-Bourgogne capitaine chevalier de Médine.
chevalier d'Arzac do Ternay, chef d'escadre.
( Neptune capitaine Destouches.
( Conquérant — de Lagrandiëre.
Provence — de Lombard.
Ardent — chevalier Charles-René Bernard
. de Marigny.
Jason* — Ghadcau de Laclocheterie.
Éveillé — Le Gardeur de Tilly.
Fantasque, en flûle. ... — Vaudoré.
Frégates : Surveillante^ Amazone.
Le 20 juin, à la hauteur des lies Bermudes, la division
française courant vent arrière avec des vents d'E.-S.-E.,
aperçut plusieurs voiles à bâbord. Le Neptune et Y Éveillé
reçurent Tordre de les reconnaître. A 10^ du matin, ils
signalèrent 5 vaisseaux et une frégate. C'était une division
anglaise composée ainsi qu'il suit :
Canons.
t Sultan capitaine Alan Gardner.
( Hector —
t Lion — hon^'« W. Cornwallis, commodore.
^ l RuBY — M. Everill.
50 Bristol — honorable Thomas Pakenham.
Frégate : Niger.
Le chef d'escadre de Ternay fit former l'ordre de bataille
bâbord amures, ordre dans lequel la division anglaise était
aussi rangée ; le Neptune qui était beaucoup en avant dut
diminuer de voiles pour prendre la tète de la ligne. A
5^ 30", quelques bordées furent échangées. Dès que le
78 COMBATS PARTICULIERS. — 1780.
chef de file de la division française eut dépassé le vaisseau
de tète anglais* il vira de bord et les autres le suivirent par
la contre-marche* Les deux divisions défilèrent à contre
bord en se canonnant encore, et le combat en resta là; U
était alors 7^ du soir. Le chef d'escadre de Ternay rallia
son convoi et continua sa route; le 11 juillet, il arriva à
Rhode-Island. 6 jours après, il vaisseaux anglais et plu-
sieurs frégates se présentèrent devant ce port. La ville de
Rhode-Island ne fut cependant pas attaquée, grâces peut-
être aux dispositions prises par le chef d'escadre français
qui avait embossé sa division de la pointe Brenton à File
Race et fait établir sur cette dernière île plusieurs batteries
avec des canons pris à bord des vaisseaux.
Le 29 avril, les frégates Ylphigénie et la Gentille qui
faisaient partie de l'armée navale du lieutenant général de
Guichen s'emparèrent de la corvette anglaise Fortune.
Le 7 juin, le capitaine comte de Latouche, de la frégate
de 32« YHermione^ en croisière sur la côte de l'Amérique
septentrionale, aperçut k voiles au vent. Le cap Nontuck
de Long-Island restait à 15 milles dans le N.*0. et le vent
soufflait frais du S.-O. Confiant dans la supériorité de
marche de sa frégate qui était du petit nombre de celles
alors doublées en cuivre, le capitaine de Latouche s'éleva
au vent pour les reconnaître ; il put bientôt distinguer une
frégate, une corvette^ une goélette et un senau. La frégate
diminua de voiles, puis arrivant grand largue, elle gouverna
de manière à se rapprocher de YHermione. Celle-ci lui en
facilita le moyen en prenant les amures à tribord. Un peu
avant de se trouver par le travers Tune de l'autre, les deux
frégates carguèrent leurs basses voiles et hissèrent leur
pavillon qu'elles appuyèrent d'une bordée entière : le pa-
villon de la Grande-Bretagne se déploya à la corne du bâti-»
COMBATS PARTICULIERS. — i780. 79
ment étranger, qui était l'isis de SS*", capitûne H&wker.
Après l'avoir doublé par-dessous le vent, le capitsùne de
YHerttUofM vira vent arrière et se trouva bâbord amures,
comme la frégate anglaise dont il atteignit facilement le
travers. Le feu commença tout d'abord avec la plus grande
vivacité et il durait depuis une beure et demie, à demi-
portée de fusil, lorsque l'Isis masqua son petit bunier ;
orientant aussitôt que YHermione l'eut dépassée» elle serra
le vent et s'éloigna. Le capitaine de Latoucbe tenta vaine-
ment d'imiter la manœuvre de TIsis; le grémentde sa
frégate était bâché ; il ne put orienter et se vit obligé de
renoncer à poursuivre son adversaire. Les pertes de la
frégate française étaient d'ailleurs assez sérieuses et son
capitaine était blessé.
VH^rmiom portait 26 canons de 12
et 6 — de 6.
L'Isis avait 26 canons de 12
et 6 -^ de 9.
La Gazette de New-Port du 10 juin donna une relation de
ce combat, d'après un rapport du capitaine Hawker. On y
disait que YHermione avait pris la fuite, quoiqu'une frégate
américaine fût en vue. Je vais transcrire un passage
de la lettre que le capitaine de Latoucbe écrivit au capi-
taine anglais, à ce sujet; il complétera la relation que j'ai
donnée et pourra faire apprécier la bonne foi du capitaine
de risis.
« ....Vos coups ayant occasionné autant de dommages
« dans mon grément, que les miens en ont causé au corps
« de votre frégate , j'ai été dans l'impossibilité de tenir le
« veut pour continuer le combat ; il dépendait de vous
(c d'arriver pour le rengager \ vous avieiî plus de moyens de
« manœuvrer que je n*en avais. Lorsque j*ai vu que vous
a teniez le vent, j'ai attribué votre retraite à la quantité de
«monde que vous aviez perdu-, ce qui aide à me le per-
« suader, c'est le peu de vivacité de votre feu dans les
80 COMBATS PARTICULIERS. — 1780.
«dernières bordées. D'après cette opinion, vous devez*
«juger de ma surprise quand j'ai lu dans la Gazette de
« NeW'Port que vous n'aviez eu que 7 tués et 9 blessés. Je
« suis de meilleure foi que vous, Monsieur : j'avoue 10 tués
« et 37 blessés ; deux de mes officiers et moi sommes de ces
« derniers. Vous voyez que je ne crains pas de parler vrai,
« parce que je n'ai rien à me reprocher. »
« Je terminerai cette lettre par une réflexion que tout
« militaire pourra faire. Si vous avez perdu moins de
« monde et que vous ayez été moins maltraité que moi,
« quelle raison avez-vous eue de ne pas continuer le combat,
« en voyant l'état de mon grément et l'impossibilité physi-
« que où je me trouvais de pouvoir manœuvrer et suivre une
« autre route que celle du vent arrière? Vous manquez donc,
« ou de vérité en n'accusant pas les pertes que vous avez
« éprouvées, ou d'énergie si, ayant perdu peu de monde,
« vous n'avez pas continué le combat avec l'avantage que
« le hasard vous avait donné sur moi. Gomme vous savez
« bien qu'il n'y avait pas de frégate américaine en vue, je
« vous prie de répondre à ce dilemme. »
Je ne sache pas que le capitaine Hawker ait répondu.
Expédié de la Martinique pour rejoindre le chef d'es-
cadre de Lamotte-Piquet à Saint-Domingue , le cotre le
Sans-Pareil^ capitaine chevalier de Sercey, fut chassé, le
26 juin, par le vaisseau anglais de 60° Phoenix et 2 fré-
gates et forcé d'amener son pavillon.
Le 5 juillet, le capitaine Lebreton de Ransanne de la fré-
gate de 32° la Capricieuse^ en croisière sous le cap Finistère,
fut chassé par deux bâtiments qu'il avait vainement cherché
à éviter et dont il ne put apprécier la force qu'à 10** du
soir. C'étaient les frégates anglaises Prudente de 44°, ca-
pitaine Waldegrave, et Licorwe de 40% capitaine Gadogan.
COMBATS PARTICULIERS. - 4780. 84
Ail** 30°, la première fut en position d'engager le combat ;
une heure plus tard, la Licorne soutenait sa compagne. La
lutte la plus acharnée durait depuis cinq heures, lorsque le
lieutenant Cherval prit le commandement de la Capricieuse :
le capitaine de Ransanne et le lieutenant de Ghappelle-
Fontaine avaient été tués ^ le lieutenant Cherval était blessé.
Les mâts et le grément de la frégate française étaient ha-
chés; les canons étaient presque tous démontés; enfin, elle
coulait bas : son pavillon fut amené. Les Anglais en avaient
à peine pris possession que le grand mât et le mât de mi-
saine s'abattirent. Les capteurs ne jugeant pas pouvoir
tenir la Capricieuse à flot y mirent le feu. Les frégates an-
glaises avaient de nombreuses et graves avaries.
Le même jour, la corvette de 18*^ la Perle ^ capitaine
chevalier de Breignou, servant de découverte au vaisseau
Y Actif qui escortait un convoi aux Antilles, fut prise par
le vaisseau anglais de 72*^ Romney, à 120 milles du cap
Finistère. Le capitaine de Breignou envoya une volée au
vaisseau et il fit amener le pavillon.
Ce fut une date néfaste pour la marine française que ce
5 juillet. Ce jour vit encore la corvette de IS*' le Hussard,
capitaine chevalier de Langle, amener son pavillon aux
premières bordées du vaisseau de 72'' Nonsuch, capitaine
James Wallace, à 8 milles dans le N.-O. d'Ouessant.
La frégate de 32*' la Belle-Poule^ capitaine chevalier de
Kergariou Coatlès, fut chassée le 16 juillet, à la hauteur
de la Loire, par le vaisseau anglais de 72** Nonsuch, capi-
taine James Wallace et, à 11** du soir, elle échangeait avec
lui quelques boulets de retraite et de chasse. Trois fois la
Belle 'Poule mit en travers pour envoyer des volées entières
IL 6
ë2 COMBATS PÀtlTlCÛLlfeRS.— 1780.
ad vaigséaù, satig pouvoir réussir à lui faire quelque avarie
capable de ralentir sa marche. A 5^ du matin, blessé mor-
têlleinenl, le capitaine de Kergaribu remit le commande-
ment au lieutenant Lamotte-Tabourel qui était lui-mèihe
blessé ; la frégate ne gouvernait plus. On coiitinua ceperi-
dâiît â coùlbattre jusqu'à ce que, les pompes ne franchis-
sant plus, le nouveau capitaine crut dévoir faire amener le
pavillon.
Le capitaine Vialis de Fontbelie de la frégate de 32* la
Montréal i escortant 6 navires à Alger, fut chassé, le
30 juillet, par la frégate anglaise de 26'' Porcurpine , la
corvette de 22*^ Minorquine, 2 brigs et 1 corsaire : le vent
soufflait de TE.-N.-E. Éloigné encore d'une douzaine de
milles du cap Gaxines,» le capitaine de Fontbelie comptant
sur la protection que devait lui donner la neutralité du pa-
villon algérien , prit le parti d'aller mouiller dans la baie
de Sidi el Ferrucb. Mais la brise mollissant sûus la terre,
les bâtiments ennemis gagnèrent la frégate française et,
vers 6^ 45", ils commencèrent à la canonner. Le capitaine
de Fontbelie mouilla alors, bâbord au large. Blessé dans
ce moment, il remit le commandement à son second, le
comte de Laporte-Yssertieux. Après trois heures et quart
de canonnade infructueuse, les Anglais prirent le large,
mais peu de temps après , ils revinrent vers la frégate
française. La brise ayant repris de la force, le cajûtaioe
de Laporte appareilla. Les Anglais ne voulurent pas enga-
ger un nouveau combat, et ils s'éloignèrent. La Montréal en-
tra à Alger avec son convoi. Le capitaine de Fontbelie
mourut de ses blessures.
Le 10 août, le capitaine Trolong-Durumain de la fré-
gate de 32*^ la Nymphe, en croisière au large de l'île
d'Ôuessant qui restait alors à 12 milles, aperçut une frégalie
anglaise au vent. C'était la Flora de 44% capitaine Peer
COMBATS PARTICULIERS.— 1780. 83
Williams. A 5** 15" du soir, les 2 frégates étaient par le tra-
vers Tune de Faulre et commençaient le combat; une demi-
heure après, le capitaine Durumain tombait atteint par trois
balles et le lieutenant Pennandref de Keranstret le rem-
plaçait. Vers 6\ la Flora dériva sur la Nymphe et l'aborda
de long en long. L'équipage de cette dernière tenta de
suite rçUK)rdage, mais il fut repoussé. Le résultat de cette
attaque fut désastreux; le lieutenant Pennandref fut tué et
ceux des oflBciers qui n'eurent pas le même sort furent
grièvement blessés. Poursuivant Tavantage qu'ils venaient
«fobteair, les Anglais devinrent assaillants à leur tour, et
ils se rendirent maîtres ou pont de la Nymphe. Le lieute-
nant de frégate Taillard fit cesser la lutte, et le pavillon fut
amené. Le capitaine Trolong-Durumain avait cessé de vivre
avant la fin de la journée.
La Nymplie portait 26 canons de 12
et 6 — de 6.
La Floka avait 26 canops de 18,
10 _ de 9
et 8 caronadesdelS.
La FjLOfiA était la première frégate^ portant dies jcarp-
nade39 qui avait un engagement avec une frégate franjfaisp.
Ces caronades, je l'ai déjà dit, n'étaient pas comptéi^is
conotfue canons. Aussi, le capitaine Williams dans son r^
pçirt, «t ^rès lui les bistpriens anglais di3ent-il3 quç h
Flora était une frégate de S6 canons.
Lis capitaine comte de liergariou Locmaria, d^ la fr^igate
de 32'' la /nt^n, ayant été informé, dans le mois de sep-
temtbres qu'ijuie corvette anglaise commettait tputes sortes
de déprédations sur le littoral de TÛe espagnole de la Tri-
nité, se mit à la recherche de ce bâtiment et parvint à le
rencontrer. La corvette anglaise prit audacieusement l'ini-
tiative de l'ttMaque en eevoy-ant deux bordées à la /«hmim.
Celle-ci n'en tira qu'une; mais elleftit sîl)ien dirigée, que
84 COMBATS PARTICULIERS. — 1780.
le grand mât de hune de la corvette fut abattu : elle amena
de suite son pavillon. C'était la Rover de 20", capitaine
Henry Sauvage.
Le 25 septembre, le cotre de 18° le Serpent^ capitaine
Amé de Lalaune, attaqua le brig anglais de là*" Levrette,
dans les environs de Saint-Domingue. Celui-ci amena son
pavillon, mais après une vigoureuse résistance.
Au mois d'octobre, c'étaient les frégates de 32** Y Aimable
^t la Diligente^ escortant un convoi de Rochefort à Rayonne,
qui s'emparaient des 3 cutters anglais Alert, Tartâr et
Jersey. Le premier portait IS*" et les autres 12.
Le 2 novembre, pendant qu'il était occupé à faire de
l'eau, sous voiles, dans la rivière de Gambie, le capitaine
AUary, de la corvette de 16° le Sénégal, aperçut 2 bâti-
ments qui se dirigeaient sur la terre : c'était la corvette an-
glaise de 1&° Zéphyr, capitaine Ingles, accompagnée de la
PoLLY, Lettre de marque de 16°. A 1^ de l'après-midi, la
corvette anglaise engagea le combat au vent et à portée
de pistolet. L'action devint tellement chaude que les ca-
pitaines ne songèrent bientôt plus au voisinage de la terre
et les deux corvettes s'échouèrent ; le feu n'en fut pas ra-.
lenti. A 6'', le pavillon du Sénégal fut amené.
Dans son rapport, le capitaine Ingles dit que la Lettre
de marque resta quelque temps mouillée à trois quarts de
mille des corvettes, mais il ne dit pas ce qu'elle fit pendant
le reste du combat. On peut en induire qu'elle contribua
à réduire le Sénégal. La corvette française fut conduite à
Corée, où elle fut incendiée le 22 novembre (1).
(1) M. de Lapeyrouse, Histoire de la marine française, donne une date
faasse à ce combat C'est, ainsi qae Je viens de le dire, dans le mois de no-
vembre 1780^ et non en 1781, q[a'il eat liea.
COMBATS PARTICULIERS. —1780. 85
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGES
pendant l'année 1780.
ANGLAIS.
Canons.
ÎThunderer Naufragé aox Antilles.
GoRiHWALL. Coulé à Sainte-Lacie.
Ajax Naufragé à la Martinique.
{ Stirling Castle Naufragé aux Antilles.
} Défiance Naufragé à Charlestown.
50 Leviatuan Naufragé aux Açores.
44 Phoenix Naufragée à Ci^.
36 Laurel Naufragée à la Martinique.
^^ AjinROMEDE 1 Naufragées aux Antilles.
28 I Shark Naufragée dans rAmérique du Nord.
{ Unicorn Prise par une division.
26 GbI^mpus. Sombrée à la mer.
20 RoYER Prise par une frégate.
i« i ^^^^^ ■" "■
^ \ Alert Pris par deux frégates.
16 SENEGAL * Brûlée par accident.
14 Levrette. Pris par un cotre.
*^ I jerJev.* .*:;;.*.'!;!] I ^"^ p^^ ^^"^ ^*s**®^-
Corvette : Fortune Prise par deux frégates.
FRANÇAIS.
64 Protée Pris par une escadre.
Nymphe Prise par une frégate.
Belle-Poule Prise par un vaisseau.
32 { Charmante Naufragée sur l'île de Sein.
Capricieuse Détruite à la suite d'un combat.
Junon Naufragée sur l'île Saint-Vincent.
r Pgrle . . )
18 j „ " ,* I Prises chacune par an vaisseau.
16 Sénégal Prise par une corvette.
14 Alerte Naufragé en Amérique.
12 Dauphine Prise par trois corsaires.
Cotre : Sans-Pareil Pris par une division.
* L'astérisque indique un bâtiment pris à l'ennemiv
86
BATAILLES.— 1781.
RÉCAPITULATION.
ANGLAIS. .
FRANÇAIS.
Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs
Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in*
f6ri«ar8
Détruits
Pris.
ou
naufragés.
Incendiés.
TOTAL.
»
1
2
1
»
7
1
2
»
5
»
»
7
1
5
5
1
ï)
G
ANNÉE 1781.
L'avis d'une expédition préparée en Angleterre oontns
la colonie du Cap de Boûne^Eâpérance, rappela au gouver-
nement français Tîntérèt qu'il avait à la conservatiop des
possessions hollandaises de l'Inde ; et, certain que son alliée
attendrait la suite des événements avec son impassibilité
habituelle, il ordMtsa tm armement capable de M donner
secours et protection. Le capitaine de vaisseau de Suffren
fut nommé an tomitiandement de la division destinée &
porter des troupes au Cap de Bonne-Espérance et k se ran-
ger ensuite souis les ordres du capitaine de vaisseau d'Orves
qui commandait les forces navales de la France dans la
mer des Indes. Les vaisseaux désignés pour former cette
division n'étaient pas les seuls qu'on ^rmâ4; à Brest ; 2i ^.u-
tres étaient mis en même temps en état de prendre ia mer.
Afin de tenir le gouvernement anglais dans le doute sur
la destination d'un armement aussi considérable, il avait
été décidé que ces vaisseaux sortiraient tous ensemble et
ne se sépareraient qu'à plusieurs centaines de lieues du
golfe. Il n'y avait cependant pas de temps à perdre : on
BATAILLES. — 1781. 87
apprit biçntôt, en effet, le départ de rexpédition anglaisç.
A quelques ÎQurs de là, 26 vaisseaux purent sortir de Brest;
on était; à la fin du mciis de mars. Le 29, à la hauteur des
Scores, 20 vaisseaux prirent la route des Antilles avec le
lieutenant général de Grasse et la partie du convoi qui avait
cette destinatiop ; 1 vaisseau et 1 frégate se dirigèrent vers
r Amérique du Nord; enfin, 5 vaisseaux, 1 frégate et 1 cor-
vette continuèrent de courir au Sud avec le commandant
de Suffren. Voici la composition de cette dernière division :
7l Héros capitaine commandenr de Suffren de Saint-
Tropez.
74 Annibal — de Trémigon aîné.
! Artésien — chevalier de Gardaillac.
Vengeur, — comte de Forbin,
Sphinx. ... « — Ticomte Ducbillean de {^aroche.
Frégate de 52«= : Fine.
Gorrette de I6« : Fortune.
La frégate fut envoyée en avant pour annoncer l'arrivée
prochaine de la diyision.
V Artésien avait primitivement été désigné pour faire
partie de l'armée du lieutenant général de Grasse, et son
capitaine n'avait pris que l'approvisionnement d'eau néces-
saire pour se rendre aux Antilles. La crainte d'en manquer
lui fit demander à en faire aux îles du Cap Vert. Ces île?
ayant été aperçues, le 16 avril, le capitaine de Cardaillac
reçut Tordre d'aller reconnaître le mouillage de la Praya (1 ) .
Cet oflScier supérieur signala que des bâtiments de guerre
anglais étaient à l'anqre dans la baie. Aucun doute 9e
s'éleva dans l'esprit du commandant de Suffren : ces bâti-
ments ne pouvaient être que ceux qui venaient iie quitter
l'Angleterre pour se rendre au Cap de Bonne-Espérance.
Deux partis se présentaient : continuer la route afin de
tâcher de primer les Anglais de vitesse et d'arriver au Cap
ayant eux ; ou bien, ne tenant aucun compte de la n^itralité
■ni I ■ ■ ^^fl» ■ » MU ■ 1 y m y ■■ wififn ■■!■ ^ ■ ■ Il 1 ■ » ■ I I II Iff
(1) La Prayd; tille sur la côte méridionale de l'tle portugaise San Yago.
S8 BATAILLES. —1781.
des lies du Gap Vert, entrer dans la rade, attaquer la division
anglaise et la mettre au moins dans la nécessité de prolonger
sa relâche pendant un temps assez long pour que les ren-
forts que portait le convoi pussent arriver au Cap avant
l'attaque de cette colonie. Ce dernier moyen entraînait, il
est vrai, avec lui l'obligation de sortir de la lutte dans un
état autre que celui dans lequel on voulait mettre l'ennemi;
mais, tout bien considéré, on pouvait compter sur l'avan-
tage que devait procurer une surprise, et le commandant
de Suffren l'adopta. Il forma sa division en ligne de convoi,
en prit la tête et donna l'ordre de se préparer au combat,
en prévenant qu'il aurait lieu à l'ancre. Il laissa aux capi-
taines toute latitude pour choisir le poste qui leur convien-
drait. Impatient de combattre et, probablement aussi, dé-
sireux de commencer avant que les dispositions des Anglais
fussent faites, le commandant de Suffren ne tint pas compte
de la supériorité de marche du Héros; obligeant ainsi
chaque capitaine à faire le plus de voile possible pour le
suivre, l'ordre de marche signalé ne put être observé.
VAnnibal et Y Artésien tinrent assez bien leur poste, mais
le Vengeur et le Sphinx restèrent loin de Tarrière. Entrant
ainsi l'un après l'autre dans la baie, les vaisseaux reçurent
isolément les bordées concentrées de l'ennemi, qui leur
causèrent de grands dommages. La division anglaise était
composée des vaisseaux :
Canons.
82 Hero capitaine Hawker.
72 MoNMOUTH — James Alms.
{RoMNEY — JoDhstone Commodore.
Jupiter — Paisley.
Isis . — Sutton.
et des frégates : Active^ Diâma^ Jason de 32''; Mercury de S8«.
Cette division escortait 10 vaisseaux de la Compagnie des
Indes portant chacun 30° et 16 transports de 22, 16 et 1A%
La rade de la Praya de l'île San Yago a 2,700 mètres
d'ouverture de l'Est à l'Ouest, sur 1,200 de profondeur du
Nord au Sud. Toutefois, à partir de l'île aux Cailles, située
dans la partie occidentale et à peu près à moitié de la pro-
BATAILLES. -4781. 89
fondeur de la baie, on ne trouve plus que i à ô mètres
d'eau, ce gui oblige les navires d'un tonnage un peu consi-
dérable à* mouiller dans l'Est et le long de la côte. C'est
la position qu'occupaient îk division anglaise et son convoi.
La âeule fortification de ce mouillage consiste en une bat-
terie élevée dans la partie N.-O.
A 10'' 30™, le Héros doubla la pointe Est et, se diri-
geant sur les vaisseaux- gui étaient mouillés dans le voisi-
nage de l'île aux Cailles, il échangea des bordées avec les
bâtiments gui se trouvèrent sur son passage et alla jeter
l'ancre au milieu des vaisseaux. Le commodore Jonhstone
avait prévu ce qui arrivait. Dès que la division française
avait été signalée se dirigeant sur le mouillage qu'il occu-
pait, il avait compris gu'il allait être attagué et il avait
pris ses dispositions en conséguence ; et s'il fut surpris, en
ce sens gue ses vaisseaux et son convoi n'avaient pas la
position gu'il leur eût fait prendre s'il en avait eu le tempsj
gu'un grand nombre d'embarcations étaient absentes de
leur bord, on le trouva, lui et les siens, en mesure de ré-
pondre au premier coup de canon gui fut tiré. Il eut, du
reste, dans la batterie de la Praya un auxiliaire dont les
boulets incommodèrent les Français. Les ordres du com-
mandant de Suilren n'avaient malheureusement pas été
exécutés.
Aucune disposition n'avait été prise à bord de ÏÀnnibal.
Persuadé gue la neutralité des îles du Cap Vert retiendrait
le commandant de la division, et gue l'ordre de se prépa-
rer à combattre était une simple mesure de précaution
pour le cas où les Anglais voudraient s'opposer à l'entrée
de la division, le capitaine de Trémigon n'avait pas même
fait démarrer les canons de son vaisseau, et ses batteries
étaient encombrées de pièces à eau gui avaient été retirées
de la cale. La surprise du capitaine de YAnnibal fut donc
grande lorsgu'il vit le Héros faire jouer son artillerie dès
en entrant dans la rade ; il le suivit, malgré cela, sans hé-
sitation, et alla mouiller dans le Nord de ce vaisseau et à
90 BATAILLES. — 1781.
le toucher, après avoir été canonné par tous les bâtiments
auprès desquels il avait passé, et sans pouvoir leur répon-
dre, Son capitaine paya de sa vie cette sécurité, toujours
trop grande en temps de guerre. Ces deux vaisseaux furent
les seuls qui combattirent. Celui qui les suivait aborda
2 vaisseaux de la Compagnie, en enleva un et sortit avec
lui : le capitaine de ce vaisseau avait été tué dans cette
entreprise. Les deux autres se bornèrent à passer au large
de la ligne ennemie et se tinrent ensuite à l'ouvert de la
baie. La situation était critique, et le commandant de Suf-
fren regretta peut-être un moment d'avoir pris la détermi-
nation qui le compromettait ainsi. Maïs son étoile n'avait
pas encpre atteint l'éclat dont elle devait briller un jour,
et i\ réussit, malgré l'insouciance et le mauvais vouloir de
ses sous-ordres. La lutte ne pouvait être prolongée dans de
semblables conditions. Le Héros fila son câble et, suivi
par son noble compagnon qui, bien que réduit à un seul
mât qui tomba pendant l'évolution put imiter sa manœu-
vre, il sortit de la baie et rallia ses transports qu'il avait
laissés à la garde de la corvette. Le Sphinx avait donné
la remorque à YAnnibal.
Dans la position que le commandant de SufFren avait
choisie, le Héros eut à soutenir le feu de son homonyme, du
MoNMOUTH, du RoMNEY, dcs vaisscaux de la Compagnie qui
pouvaient le découvrir et celui de la batterie de la Praya.
Il leur tint bravement tête; mais, à midi, certain que le
Vengeur^ Y Artésien et le Sphinx ne lui viendraient pas en
aide, le commandant en chef comprit qu'il finirait par suc-
comber dans cette lutte inégale et qu'il devait se retirer
pendant que sa mâture, très-compromise, lui en laissait
encore la possibilité. Le Héros appareilla et prit le large.
Cette détermination du commandant de la division
était d'ailleurs commandée par Tétat de YAnnibah II s'é-
tait écoulé un grand quart d'heure avant que ce vaisseau
eût pu répondre au feu du Monmouïh, du Jupiter, des fré-
gates Active, Diana, auquel se joignit encore celui de
BATAILI^BS — 1781. 91
plusieurs vaisseaux de Compagnie et de la batterie de terre.
Mais alors, sa riposte vigoureuse et soutenue av^it surpris
ses adversaires. Ce combat disproportionné durait depuis
une demi-heure à peine, lorsque le capitaine de Trémigon
eut la cuisse gauche coupée par un boulet (1) et il dut re-
mettre le commandement au lieutenant Morard de Galle.
La position de Y Annibal devint bientôt des plus critiques;
la chute de son mât d'artimon d'abord et, à midi, celle
du grand mât attestèrent l'activité et la justesse du tir
de l'ennemi. La proximité à laquelle le Héros se trouvait
permit au nouveau capitaine de YAnnibal d'apercevoir de
suite la manœuvre de ce vaisseau ; et, comme par un hasard
providentiel^ le sien ayant encore son mât de misaine, l'a-
jbattée se fit avec facilité : elle était à peine achevée que ce
dernier mât tomba aussi. Quelque grave que fût cette ca-
tastrophe, elle n'eut pas les conséquences qu'on pouvait
redouter. Le vent poussa le vaisseau en poupe, et traîné
par le Sphinx qui avait reçu l'ordre de le prendre à la
remorque, il réussit à se mettre hors de l'atteinte des bpus-
lets de l'enneipi.
La fumée était déjà très-épaisse lorsque Y Artésien Bjriy a,
^ I9. hauteur du principal groupe de bâtiments anglais.
Aussi aborda-t-il un vaisseau de la Compagnie qu'il prit
pour un vaisseau de ligne. Ce bâtiment réussit à se décror
cher et s'éloigna en emmenant huit hommes de Y Artésien
qui avaieut sauté à bord. Cette pertQ n'était pas la seule
qu'avait occasionnée cette méprise : une balle reçue en
pleine poitrine avait abattu le capitaine de Cardaillac roide
mort de son banc de quart; le lieutenant de Laboixière
l'avait remplacé. Entraîné sous le vent, YArtésiei} aborda
un autre yaisseau de la Compagnie qu'il enleva. Les câbles
de ce vaisseau furent coupés, et tous deux s'en allèrent en
dérive vers la ppinte occidentale de la baie. L'4^<(^fmreçut
(1) Le capHaine de Trémigoo motinit dans la journée.
92 BATAILLES. — 1781.
Tordre de donner la remorgue à YAnnibal; il arriva trop
tard pour l'exécuter.
Le Vengeur se présenta à son tour, mais le capitaine de
Forbin prit le large après avoir 'défilé en dehors de la ligne
ennemie, et il essaya vainement de recommencer cette ma-
nœuvre.
Le Sphinx imita et suivit le Vengeur. Le capitaine Du-
chilleau, sur le signal gui lui en fut fait, prit YAnnibal à la
remorgue dès gue ce vaisseau se trouva dégagé.
Le Commodore Jonhstone ne put rester impassible en
voyant lui échapper un trophée gu'il ne croyait même pas
avoir besoin de saisir ; il appareilla avec tous ses vaisseaux,
mais il renonça promptement à poursuivre un ennemi gui
allait l'entraîner sous le vent d'un mouillage gu'il aurait
ensuite bien de la peine à atteindre. Il retourna donc
prendre son ancrage et ramena aussi le vaisseau de la
Compagnie gui avait été capturé par YArtésien^ laissant le
commandant de SufFren continuer sa route vers le Gap de
Bonne-Espérance, où il arriva le 21 juin.
Malgré les pertes gue le Héros et surtout YAnnibal
avaient essuyées, malgré les avaries considérables gue ce
dernier vaisseau avait éprouvées, le résultat du combat de la
Praya fut tel gue le commandant de Sulfren l'avait espéré-
La division française arriva au Gap de Bonne-Espérance
avant les vaisseaux anglais, et elle put débarguer les troupes
destinées à cette colonie. Lorsgue le commodore Jonhstone
parut, une guinzaine de jours après, il recula devant une
attague, et se borna à s'emparer de guelgues vaisseaux
hollandais de la Compagnie des Indes gui étaient dans la
baie de Saldanha (1) . La division française put alors suivre
sa destination; elle mouilla à l'Ile de France le 21 octobre.
Le combat de la Praya valut un double avancement au
commandant de Suifren : il fut fait bailli et chef d'escadre.
(1) Saldanha, vaste baie sur la côte occidentale de l'Afrique^ 4 60 milles da
Gap de Bonne-Espérance.
BATAILLES.— i78i. 93
M. de Lapeyrouse , avec lequel je regrette de n'être pas
toujours d'accord, fait erreur en disant que YÀnnibal était
commandé par le capitaine de Guverville. Les désagré-
ments que le commandant de Suffren éprouva à son arrivée
àl'Ile de France n'eurent lieu que parce qu'il fallut pourvoir
définitivement au remplacement du capitaine de Trémigon.
Dans le but d'assurer un refuge à ses bâtiments et un
déboucbé à son commerce » la Hollande avait fondé la co-
lonie de Saint-Eustache , petite île des Antilles. Cet éta-
blissement, qui avait acquis bientôt un grand développe-
ment, venait d'être, au mépris des traités, pillé et détruit
par l'amiral anglais Rodney. Informé du départ du convoi
qui apportait en Angleterre les riches dépouilles des co-
lons hollandais deSaint-Eustache, le gouvernement français
donna l'ordre au chef d'escadre Lamotte-Piquet d'aller
croiser à l'entrée de la Manche avec 6 vaisseaux, 3 frégates
et 2 cotres, pour l'intercepter s'il était possible. Les ren-
seignements du gouvernement français étaient si précis
que, sept jours après la sortie de Brest, le 1" mai, ce con-
voi fut aperçu. 22 navires furent enlevés. Le commodore
Hotham, qui commandait l'escorte réussit à sauver les au-
tres, ainsi que les 2 vaisseaux et les 2 frégates qui les
accompagnaient. La division rentra à Brest le 11 avec ses
prises.
Fatigué des tergiversations de l'Espagne et de Tinaction
du lieutenant général Gordova commandant en chef de
l'armée combinée réunie à Cadix, circonstances qui avaient
fait avorter l'expédition projetée contre la Jamaïque 5 fati-
gué aussi du rôle qu'on faisait jouer à sa marine depuis
que Gibraltar était bloqué, le gouvernement français, ai-je
dit, avait obtenu le remplacement de l'amiral espagnol par le
vice-amiral d'Estaing et avait bientôt rappelé les forces
navales placées sous les forces de cet officier général. Ce
94 BATAILLÈÎS.— 1781.
fut le 3 janvier 1781 qu'elles mouillèrent sur là rade de
Brest. De leur côté, les Espagnols se plaignaient du gou-
vernement français qui , disaient-ils , tenait peu de compte
des intérêts des alliés; ils lui reprochaient, entre autres
choses, de n'avoir pas empêché le ravitaillement de Gi-
braltar. Bref, les esprits étaient fort aigris des deux parts.
Cette inaction dont le gouvernement s'était plaint avait
peut-être un autre motif que celui qu'alléguait le lieute-
nant général Cordova, c'es£-à-dire les ordres de son gou-
vernement. Un ordre du jour du major général don José
Massaredo semble l'indiquer. Ce document curieux porte
la date du 22 février 1781, à bord du vaisseau la Santa
Trinidad.
(( Fait savoir aux commandants et chefs de divi-
« sion l'extrême déplaisir qu'a éprouvé Son Excellence
« depuis sa sortie, en observant l'irrégularité avec laquelle
(( plusieurs vaisseaux naviguent contre tout ordre et Tu-
(1 nion constante qu'exigent les mouvements d'une escadre,
(( et malgré tant de signaux généraux et particuliers qui
(( ont été faits. Il en coûte beaucoup à Son Excellence
(( d'être obligée de désapprouver publiquement une pa-
« reillê forme de navigation ; l'éparpillement de l'escadre
(( a empêché non-seulement d'évoluer, mais même de faire
« les manœuvres indispensables pour prendre les bordées
c les plus favorables.
(i Son Excellence ne peut voir avec indifférence ce qui
« pourrait arriver dans le cas d'une rencontre, ni se borner
« à disposer ce que ses lumières lui dicteraient de mieux.
(( Elle ne peut porter une faible attention sur le serrice tlu
« roi, iet sera t)biigée de se servir très-sérieusement de ses
a facultés contre tout capitaine qui manquerait désormais
a à conserver son poste et à manœuvrer, dans tous les
« tas , tivec la précision et les connaissances requises et
« toujours nécessaires. »
« Pour éviter cette extrémité , Son Exodlence prévîcmt
c( qu'on ait à apprendre et à observer les avertissements
BATAILLES. — 1781. 95
«c qui se trouvent dans le folio 22 jusqu\\ 2b du livre des
« signaux; ils sont en petit nombre et exigent peu de
c peine. Le désordre et Tirrégularité avec lesquels on a
« navigué jusqu'à ce jour sont évidemment le résultat de
n la non-observation de ces articles, »
Oubliant encore une fois ses griefs , la France s'imposa
de nouveaux sacrifices et offrit à la Cour d'Espagne de
tenter la conquête de File de Minorque* Le 23 juin, 18
f aisseaux commandés par le lieutenant général comte de
Guicben se rendirent de Brest à Cadix et se rangèrent sous
les ordres du lieutenant général don Luis de Cordova;
diéjài un vaisseau et une frégate étaient arrivés de Toulon.
Getle réunion devait donner à l'armée combinée une grande
dupérlurité numérique sur l'armée anglaise. Le 22 juillet,
elle mit à la voile, entra dans la Méditerranée et, après
un débarquement d'environ 1â,000 hommes dans l'île de
Minorque, elle repassa le détroit et alla s'établir en
croisière à l'entrée de la Manche. Prévenu à temps , Ta-
miral aaglais Darby s'était replié vers les côtes d' Angle-
terre et avait mouillé à Torbay, où il avait pris toutes les
dispositions que nécessitaient les prévisions d'une attaque
pix)bable. Cette attaque fut, en effet, mise en question;
mais t&ndls que les uns 1^ voyaient couronnée d'un succès
certain , les autres pensaient le contraire. Cette dernière
opinion prévalut et la sortie de cette formidable armée na-
vale fut, une fois encore, sans résultat, car, lorsque le mois
de septembre arriva, le commandant en chef retourna à
Cadix avec ses 30 vaisseaux et le lieutenant général de
Guichen rentra à Brest avec les siens.
La <K^uéte de l'Ile de Minorque ne fut complète qu'au
imois de février de l'année suivante.
La rentrée des vaisseaux de Farmèe combinée ffàîico-e'S-
pagnole permit au gouvernement de s'occuper des cololaïès
96 BATAILLES,— 1781.
des Antilles gui étaient, à cette époque, dans un grand
dénûment. Le lieutenant général de Guicben fut chargé
d'escorter au large le convoi qui leur portait des approvi-
sionnements; cet officier général devait aller ensuite re-
joindre l'amiral espagnol à Cadix, avec 10 vaisseaux et
upe frégate. Le chef d'escadre marquis de Vaudreuil, qui
avait la conduite du convoi, poursuivrait alors sa route avec
7 vaisseaux et 2 corvettes, et plus tard, il détacherait 2
vaisseaux et 2 corvettes pour les mers de l'Inde avec quel-
ques navires du commerce. Le convoi sortit de Brest le 8
décembre. Le cabinet de Saint-James avait bientôt élé in-
formé de ces projets, et le contre-amiral Kempenfeldt avait
été expédié à la recherche de cette flotte avec 13 vaisseaux,
m'aperçut le 10, à environ 150 milles d'Ouessant. Quoique
le temps fût brumeux, la flotte naviguait en toute sécurité
et les convoyeurs étaient à plusieurs milles sous le vent du
convoi. Cette disposition permit au contre-amiral anglais
d'enlever 15 navires, sans qu'il fût possible de leur porter .
aucun secours. La confusion devint, du reste, bientôt des
plus grandes; d'un côté, les vaisseaux anglais tombaient
sur une proie facile à saisir ; de l'autre, les navires du
convoi employaient toutes leurs ressources pour obtenir des
bâtiments de guerre français un appui que ceux-ci tentaient
vainement de leur donner. Le vaisseau Y Actif de 64*, ca-
pitaine Macarthy Macteigue se trouva seul en position de
les secourir, et il eut un engagement assez vif avec le vais-
seau de 82* Edgar. Le désordre cessa dans l'après-midi,
lorsque la brume se dissipa ; le reste de la journée fut em-
ployé à se rallier. Le lieutenant général de Guichen pour-
suivit l'armée anglaise le lendemain et le jour suivant ; mais,
satisfait du succès inespéré qu'il avait obtenu, le contre-
amiral Kempenfeldt évita l'engagement et prit chasse avec
ses prises; il ne put être atteint. Le 23, la flotte fut dis-
persée par un coup de vent qui obligea la majeure partie
des bâtiments à rentrer à Brest. 2 vaisseaux seulement, le
Iriomphanty que montait le chef d'escadre de Vaudreuil,
BATAILLES. -1781. 91
et le Brave arrivèrent aux Antilles avec 5 navires sur 150.
Une partie du convoi de l'Inde put aussi continuer sa route.
Le chef d'escadre chevalier d'Arzac de Ternay avait à
peine terminé les travaux nécessaires pour mettre la divi-
sion qu'il commandait à l'abri d'une attaque à New-Port,
qu'il mourut, le 15 décembre, laissant au chevalier Des-
toucbes, le plus ancien des capitaines de vaisseau, le com-
mandement des forces navales de la France dans l'Amé-
rique du Nord. Cet officier supérieur passa sur le
vaisseau le Duc-de-Bourgogne et le capitaine chevalier de
Médine le remplaça sur le Neptune.
Afin d'arrêter les déprédations que le commodore anglais
Collier ne cessait de commettre sur les côtes de l'état de
Virginie, le commandant Destouches donna l'ordre au ca-
pitaine Le Gardeur de Tilly, au commencement du mois de
février, de se rendre dans la Chesapeak avec son vaisseau
de 64*^ Y Éveillé, les deux frégates de 32« la Gentille et la
Sur%ieillante, et le cotre la Guêpe. La précaution que prirent
les bâtiments anglais de se retirer dans la rivière l'Eliza-
beth, ne permit pas au capitaine de Tilly de remplir sa
mission aussi complètement qu'il l'eût désiré. Il prit ce-
pendant ou détruisit plusieurs navires et, dans le nombre
de ceux qu'il emmena à New-Port, se trouvait le vaisseau de
hh"" RoMULUs, dont le commandement fut donné au capi-
taine de Yillebrune, de la Gentille.
Le succès incomplet de cette première expédition et le
désir qu'il avait de secourir l'état de Virginie, déterminè-
rent le commandant Destouches à faire une nouvelle ten-
tative, mais avec de plus grands moyens, et à acquiescer
en même temps à la demande du général M^ashington qui,
inquiet des avantages remportés par les Anglais sur la ri-
vière James, le sollicitait d'y porter un corps de troupes de
1,200 hommes.
La division française mit sous voiles, le 8 mars. Gon-
IL 7
98 BATAILLES. —4784.
trariée par de grands vents de S.-O. et des brumes, elle
n'eut connaissance du cap Henri que le 16. Ce jour-là,
on aperçut dans le Sud plusieurs voiles qu'on ne tarda pas
à reconnaître pour des vaisseaux ; c'était la division du vice-
amiral Arbuthnot qui commandait les forces navales an-
glaises sur cette côte, depuis le mois de juin de l'année
précédent3. Cette division était composée comme il suit :
Canons.
98 LoNDON capitaiDe Grades.
IRoBusT — Philip Gresby.
Royal Oak — Swiney.
Arbuthnot, yice-amirai.
Bedford capitaine Edmund Affleck.
i America — Samuel Thompson.
64 \ Prudent — Bennet.
( EuROPA — Ghild.
50 Adamant. — Jonhstone.
Frégates : Guadelupe, Pearl, Isis.
Ce jour-là, le vent soufflait du N.-N.-O., la mer était
grosse et la brume ne tarda pas à devenir très-épaisse. Le
commandant Destouches fit signal de se ranger en bataille;
les amures à bâbord. En faisant cette évolution, V Éveillé
et Y Ardent cassèrent leur vergue de grand hunier. L'éloi-
gnement de l'ennemi leur permettant de la changer de
suite, la division mit en panne ; mais, comme elle tombait
incessamment sous le vent, le commandant en chef signala,
à !*• de l'après-midi, de prendre les amures à l'autre bord
en virant vent arrière. Sa division se trouva rangée comme
ci-après :
Canons.
74 Neptune capitaine chevalier de Médine.
80 Duc-de- Bourgogne. ... — chevalier Destouches.
74 Conquérant — de Lagrandière.
{Provence — chevalier de Lombard.
Ardent — chevalier Bernard de Marigny.
Jason — Ghadeau de Laclocheterie.
Éveillé — chevalier Le Gardeur de Tilly.
44 Romulus — de Villebrune.
S% Hermione — comte de Latouche.
64 Fantasque, en flûte. ... — de Vaudoré.
Les Français étaient alors sous le vent de la division an-
glaise. Celle-ci vira bientôt après et se trouva également
en bataille, tribord amures. Le commandant Destoucbes
BATAILLES. — 1781. 99
n'attendit pas que les Anglais eussent terminé leur évolu-
tion pour commencer le feu 5 il sut tirer parti de la ma-
nœuvre ordonnée par le vice-amiral Arbuthnot et fit ca-
nonner ses vaisseaux pendant qu'ils viraient. La régularité
de la ligne ennemie s'en ressentit. Les Français n'étaient
du reste guère mieux formés et le commandant Destouches
jugeant nécessaire de rectifier sa ligne de bataille, fit virer
sa division à 3^ ; cette manœuvre n'ayant pas été imitée
par les Anglais, il ordonna de diminuer de voiles. Le vice-
amiral Arbuthnot fit virer ses vaisseaux vingt minutes plus
tard, mais sans intention de continuer le combat ; et le feu
qui avait cessé lorsque les deux divisions s'étaient dé-
passées ne recommença pas ; les vaisseaux anglais avaient
été trop maltraités pour continuer la lutte, et le Robust,
le Prudent et I'Europa étaient incapables de tenir la mer.
Le vice-amiral anglais leur fit donner la remorque et alla
mouiller sur la rade de Lynhaven à l'entrée de la Ghesapeak.
Le commandant Destouches avait manœuvré sans re-
chercher ni éviter le combat parce que l'issue, même la
plus heureuse, pouvait l'empêcher de remplir la mission
qui l'amenait dans ces parages; mais il l'avait accepté sans
hésitation dès que l'ennemi s'était trouvé en sa présence.
Il ne voulut pas davantage qu'on pût croire qu'il avait dé*
siré la fin du combat. Aussi, quoique le Conquérant eût son
gouvernail et sa mâture dans un état fort inquiétant ; que
le grand mât de Y Ardent fût très-endommagé et que les
autres vaisseaux eussent des avaries plus ou moins graves,
il resta sous voiles devant la Ghesapeak pendant vingt-qua-
tre heures. Mais il n'y avait plus à songer à entrer dans cette
baie puisque l'ennemi se tenait à l'ancre sur son passage. En
conséquence, après avoir montré qu'il ne redoutait pas une
seconde rencontre et y avoir en quelque sorte convié l'a-
miral anglais, il retourna à New-Port. Le capitaine de Mé-
dîne avait été blessé. Le capitaine de Villebrune reprit la
frégate la Gentille et le Romulus fut donné au capitaine
Launay-Tromelin .
100 BATAILLES. — 1781.
Peu de temps après le retour de la division française,
l'État de Massachussetts pria le commandant en chef de
diriger une expédition contre la ville de Penobscot dont le
port servait de refuge à tous les corsaires anglais de la côte.
Celui-ci y consentit; mais le général Washington ayant
émis l'opinion qu'il serait imprudent de diviser les forces
navales et conseillé d*attendre l'arrivée de quelques nou-
veaux bâtiments, l'expédition n'eut pas lieu. Le 6 mai, le
chef d'escadre de Barras Saint-Laurent, désigné pour
prendre le commandement de la division française, arriva
sur la frégate la Concorde^ capitaine chevalier de Tanouarn.
La division était encore augmentée du vaisseau de ÔA"" le
Sagittaire, capitaine chevalier de Montluc Labourdonnaie,
qui était parti de France à la fin du mois de mars.
On se rappelle que le lieutenant général de Grasse était
sorti de Brest à la fin du mois de mars, en même temps que
le commandant de Suifren, et que, rendu aux Açores, il avait
fait route pour les Antilles avec un convoi et les vaisseaux
ci-après :
Canons.
100 Ville-de-Paris capitaine de Sainte-Césaire.
comte de Grasse^ lieutenant général.
de Vaugiraud^ major général.
Auguste capitaine Castillan.
de Bougainvilie, chef d'escadre.
^^ ^ Saint-Esprit capitaine marquis de Gbabert.
Languedoc — baron d'Arros d'Argelos.
Sceptre — comte de Vaudreuil.
César — chevalier Goriolis d'Ëspinouse.
Souverain — chevalier de Glandevès.
Northumberland — marquis de Briqueviile.
Piuton — d'Albert de Rions.
Diadème — chevalier de Monteclerc.
Magnanime — comte Le Bègue.
74 ( Zélé — chevalier de Gras-Préville.
Marseillais — de Gastellane-Majastre.
Bourgogne -^ chevalier de Gharitte.
Scipion — comte de Glavel.
Hector — Renaud d'Aleins.
Hercule — vicomte de Turpin de Breuil.
Glorieux, • — vicomte d'Ëscars.
fiitoyen — d'Ethy.
BATAILLES. - 1781. 101
64 Vaillant — chevalier Charles -René Bernard
de Marigny.
32 Médée — cheyalier de Girardin. *
i Aigrette. — de Traversay. •
( Diligente — vicomte de Mortemart.
P . ( 18*^ Alerte — de Ghabons.
f®s ( U Pandour, ..... — de Grasse-Limmermont.
Lorsque le lieutenant général de Grasse arriva, le
29 avril, en vue de la Martinique , il trouva le contre-ami-
ral Hood en observation devant la baie du Fort-Royal avec
17 vaisseaux anglais. Le yent soufflait de*rE.-N.-E.
La baie du Fort-Royal (1) , sur la côte occidentale de
l'île de la Martinique, a son ouverture à TOuest. Cette
magnifique baie ne compte pas moins de 6 milles de pro-
fondeur, de TEst à l'Ouest, sur un peu plus de 5 du Nord au
Sud. Les navires qui, venant d'Europe, se rendent au Fort-
Royal, attaquent l'île par le Sud, serrent de près les terres
pour profiter des risées qui descendent des mornes et ar-
rivent ainsi au cap Salomon, pointe Sud de la baie du Fort-
Royal. De là, il est facile d'atteindre la rade, môme en
louvoyant, et quelques batteries, placées de l'un et de l'au-
tre côté, soutiendraient au besoin les navires qui iraient
leur demander secours et protection. La distance à laquelle
se tenaient les Anglais permettait certainement au lieute-
nant général de Grasse d'entrer dans la baie et d'arriver
au mouillage sans être inquiété. Il ne le voulut pas et tint
à signaler son apparition dans ces mers par un échange de
quelques boulets avec l'ennemi. Dès qu'il l'aperçut, il fit
signal au convoi de serrer la côte, se tint avec ses vais-
seaux plus au large, et lorsqu'il se trouva à l'ouvert de la
baie du Fort-Royal, il fit arriver son armée tout à la fois
et la fit revenir au vent à grande portée de canon de l'ar-
mée anglaise. Toutes deux engagèrent, dans cette position
et à contre-bord, une canonnade qui cessait lorsque les
vaisseaux s'étaient dépassés pour reprendre , toujours à
(1) Aujourd'hui Fort de France.
102 BATAILLES. — 1781.
grande distance, dès qu'un virement de bord les rappro-
chait. Cette manœuvre dura plusieurs heures. Il était fa-
cultatif au lieutenant général de Grasse d'engager une
affaire générale ; mais, bien qu'il eût été rallié par 4 vais-
seaux qui étaient sur la rade du Fort- Royal, la crainte d'ex-
poser son convoi l'empêcha de courir les chances d'un com-
bat sérieux. Les vaisseaux qui l'avaient rallié étaient:
Canons.
74 Victoire, . • . ^ capitaine d'Albert Saint-Hypolite.
( Caion ~ comte de Framond.
64 I Réfléchi — Cillart de Suville.
( Solitaire — comte de Cicé Champion.
Le contre-amiral Hood resta à l'ouvert de la baie jus-
qu'au lendemain matin ; la gravité des avaries du Rdssel,
du Centaur et de I'Intrepid, le décidèrent alors à s'éloi-
gner. Le capitaine du Centaur avait été tué. Le lieutenant
général de Grasse se mit à la poursuite de l'armée anglaise
et; le 1" mai, il lui fit envoyer quelques boulets. Après
l'avoir harcelée pendant deux jours, il reprit la route du
Fort-Royal où il mouUla le 6. Les vaisseaux français n'a-
vaient eu que de légères avaries dans la voilure et dans le
grément.
Le contre-amiral Hood écrivit que jamais journée n'a-
vait vu dépenser aussi mal à propos autant de poudre et de
boulets que celle du 29 avril. Cela peut être vrai. Ce n'est
cependant pas la conclusion qu'on pourrait tirer de son
rapport puisque c'est lui qui nous apprend, et l'obligation
dans laquelle il se trouva de renvoyer de suite le Russel à
la Barbade , et les motifs qui le déterminèrent à lever la
croisière.
Le chef d'escadre de Monteil qui, après le départ du
comte de Guichen pour l'Europe, au mois de juillet 17S0,
avait pris le commandement de la division navale des An-
tilles, venait de protéger l'entrée de la flotte espagnole du
Mexique à la Havane, et il allait faire route pour le Cap Fran-
çais avec les vaisseaux le Palmier, le Destin^ Y Intrépide, le
BATAILLES.— 1781. 103
Triton et Y Actionnaire de 64° (1) , la frégate YAndromaque et
la corvette le Serpent, lorsque la junte de Tlle de Cuba le
pria de prêter sa coopération aux opérations dirigées con-
tre Pensacola, port de la Floride, dans le golfe du Mexique,
Le chef d'escadre de Monteil accéda à cette demande ; il
consentit même à se ranger sous les ordres du chef d'es-
cadre espagnol don José Solano, et se rendit de suite devant
la ville assiégée. Les opérations marchaient avec une len-
teur telle, que le chef d'escadre français dut demander qu'on
employât ses vaisseaux. Il proposa de faire entrer le Triton,
Y Andromaqv>e et le Serpent dans la rade. Sa proposition
fut acceptée, mais non sans beaucoup de peine. Le jour
même où le mouvement allait se faire, un coup de vent
força la division à appareiller. Pendant que, dispersée, elle
tenait la mer sur cette côte dangereuse, l'explosion d'un
magasin %, poudre détermina le commandant général de
la Floride occidentale à demander une capitulation qu'il
obtint le 8 mVi.
Le général espagnol qui avait dirigé les opérations du
siège se loua de la coopération active et entendue des offi-
ciers et d'un détachement de 800 hommes qui avaient été
fournis par la division française. Celle-ci était de retour
au Cap Français, le 10 juillet.
Le 5 juillet, le lieutenant général de Grasse appareilla du
Fort-Royal de la Martinique et, prenant sous son escorte
tous les navires de commerce qui étaient en partance pour
l'Europe, il se dirigea sur Saint-Domingue ; le 16, il mouilla
au Cap Français. Un désastre affreux avait signalé cette
traversée : la frégate de 32* Ylnconstante^ capitaine de
Longueval, avait été incendiée et 90 hommes seulement
(1) Les capitaines de ces vaisseaux étaient MM. Domaitz de Goimpy, Duples-
sis-Parscau^ Brun de Boades, de LarchanteL Le payillon du commandant en
chef était arboré sur le Palmier.
104 BATAILLES.— 1781.
s'étaient sauvés. Huit jours après l'arrivée de l'armée na-
vale, un malheur semblable arriva au vaisseau de 74" Yln-
trépide^ capitaine Duplessis-Parscau : ce vaisseau faisait
partie de la division du chef d'escadre de Monteil.
Le lieutenant général de Grasse si»vait fait connaître au
ministre de France aux États-Unis son intention de se por-
ter, au mois de juillet, sur la côte d'Amérique pour offrir
sa coopération au commandant en chef de l'armée améri-
caine. Mais comme il n'avait aucune connaissance des mou-
vements de cette armée, qu'il ignorait les projets de ses
généraux , et qu'il ne savait même pas où se trouvait la
division navale qui stationnait sur la côte, il avait prié le
représentant de la France de lui faire parvenir au Cap
Français des renseignements qui lui étaient indispensables
avant de se mettre en route. Expédiée dans ce but, la fré-
gate la Concorde j capitaine de Tanouarn, l'attendait sur
cette rade. Le général comte de Rochambeau qui comman-
dait le corps auxiliaire français envoyé en Amérique, lui
faisait connaître la situation fâcheuse des provinces du Sud
et l'engageait, tant personnellement qu'au nom du général
Washington, à entrer dans la Ghesapeak ou à se porter
sur New-York. Il l'avertissait qu'il avait quitté; la Provi-
dence pour se réunir au commandant en chef de l'armée
américaine sur la rivière l'Hudson et le priait de lui amener
un renfort de 5 à 6,000 hommes, des munitions et de l'ar-
gent, car il n'en avait pas pour payer les troupes qu'il
commandait. Les instructions du commandant en chef lui
prescrivaient de détacher 9 vaisseaux pour escorter les
convois qui rentraient en Europe ; mais elles lui laissaient
aussi la latitude de différer leur départ s'il jugeait leur
présence nécessaire sur la côte d'Amérique. Il se décida,
non-seulement à les garder, mais il prescrivit encore au
chef d'escadre de Monteil qu'il avait trouvé sur la rade, de
se ranger sous son pavillon avec ses à vaisseaux. Il obtint
du gouverneur de Saint-Domingue l'embarquement de
3,300 hommes des garnisons de Tîle, à la condition qu'une
BATAILLES:— 1781. 106
escadre espagnole viendrait stationner sur la rade du Cap
Français pendant l'absence de ces troupes. Quant à l'ar-
gent, il ne lui fut pas possible d'en trouver malgré ses
oflFres et celles du chevalier de Charitte, capitaine du vais-
seau la Bourgogne^ de donner leurs propriétés comme ga-
rantie, et il fut obligé d'en envoyer emprunter à la Havane.
Convaincu que la promptitude de son dépail; contribuerait
puissamment au succès de la campagne, il mit à la voile,
le à août ; et pour mieux cacher la marche de son armée,
il passa par le vieux canal de Bahama. La frégate YAigrette^
capitaine de Traversay, qui avait été envoyée à la Havane,
le rallia en mer avec l'argent demandé. Le 31, l'armée na-
vale jeta l'ancre sur la rade de Lynhaven, à l'entrée de la
Chesapeak. Le vaisseau le Glorieux et les frégates ayant reçu
l'ordre de chasser un convoi qui parut au large, s'emparè-
rent de la corvette anglaise de 14'' Loyalist qui l'escortait.
Je ne saurais dire quels motifs décidèrent le lieute-
nant général de Grasse à choisir la Chesapeak plutôt que
la baie de New- York pour théâtre des opérations de l'ar-
mée navale qu'il commandait. Voulait-il agir en dehors du
concert des généraux Washington et Rochambeau? Préfé-
rait-il venir en aide au général Lafayette qui se trouvait
à Jaraes-Town? Pensait-il enfin que sa coopération serait
plus active dans la Virginie que partout ailleurs? H ne l'a
pas fait connaître. Toujours est-il que, comme je viens de
le dire, il entra dans la Chesapeak.
La Chesapeak, dans l'État de Virginie, est une vaste baie,
parsemée d'iles et de bancs, dans laquelle se jettent un
grand nombre de rivières. De suite après avoir doublé le
cap Henri, pointe Sud de l'entrée, on trouve le mouillage
de Lynhaven ; puis, en suivant la côte du Sud, on entre dans
la rivière James qui, après un parcours de 45 milles, con-
duit à James-Town et à Williamsbourg, villes situées vis-
à-vis l'une de l'autre sur les deux rives. La rivière James
a pour principaux ajQIuents la Nansemond et l'Elisabeth qui
conduisent, la première à Suifolk, l'autre à Norfolk. Si, au
106 BATAILLES. — 1781 .
lieu de continuer la route à l'Ouest, après avoir dépassé le
cap Henri, on tourne brusquement à droite ou au Nord, on
entre dans la baie de la Ghesapeak proprement dite. Ce
passage est rétréci par trois bancs : le premier entoure le
cap Charles, pointe Nord de l'entrée de la baie ; un autre,
dit Horse Shoe^ — fer à cheval — s'étend le long de la
côte opposée depuis la rivière James jusqu'à la rivière de
Back ; entre les deux, mais plus rapproché du premier,
se trouve le troisième appelé Middle Ground — terre du
milieu, — La rade de Lynhaven, qu'on peut considérer
comme la rade extérieure, est donc comprise entre les
terres du Sud, le Horse Shoe, le Middle Ground et le banc
du cap Charles. A l'Ouest, par le travers du Middle Ground^
on voit une belle rivière : c'est l'York qui conduit à la
ville qui lui a donné son nom. York, située à 15 milles dans
les terres, est une position stratégique d'une grande impor-
tance ; elle était alors occupée par le commandant en chef
de l'armée anglaise lord Cornwallis. La ville de Glocester
est en regard, de l'autre côté de la rivière. En remontant
toujours au Nord, après avoir dépassé bon nombre de ri-
vières, on trouve, à quelques milles du fond de la baie, sur
la côte occidentale, la ville d'Annapolis et, à la même
hauteur de l'autre côté, la rivière l'Elk. Du cap Henri
à la ville de Baltimore située entre ces deux positions, on
ne compte pas moins de 200 milles.
Le premier soin du lieutenant général de Grasse fut
d'établir le blocus de la rivière York pour couper les com-
munications des Anglais avec la mer. Il plaça aussi quel-
ques bâtiments à l'entrée de la rivière James, et plus haut
à Hampton, pour surveiller les mouvements de l'ennemi
dans cette partie et protéger le débarquement des troupes
des vaisseaux qui devaient être dirigées sur James-Town.
Ce mouvement eut lieu les 1" et 2 septembre. Ce renfort
permit au général Lafayette de passer de l'autre côté de la
rivière et d'aller occuper Williamsbourg qui n'est pas à plus
de quinze milles dTork.
BATAILLES. — 1781. 107
L'armée navale attendait au mouillage le retour de ses
embarcations lorsque le 5, à 8^ du matin, la frégate qui était
en découverte signala 21 vaisseaux anglais et 7 frégates.
Quoique 90 officiers et plus de 1800 matelots (Ij fussent
absents avec les canots, le lieutenant général de Grasse
fit de suite signal d'appareiller en filant les câbles et rangea
ses vaisseaux en bataille bâbord amures, par rang de vi-
tesse, comme il suit. Le vent soufflait du N.-N.-O.
Canons.
IPiuion capitaine d'Albert de Rions.
Bourgogne — chevalier de Charitte.
Marseillais — de Gastellane-Majastre.
Diadème — chevalier de Monteclerc.
Réfléchi — Cillart de Suville.
( Auguste — Castellan.
80 < de Bougainville, chef d'escadre.
\ Saint-Esprit capitaine marquis de Chabert.
ÎCaton — comte de Fraraond.
César. — chevalier Coriolis d'Espinouse.
Destin — Dumaitz de Goimpy.
104 Ville-de-Paris — de Sainte-Césaire.
comte de Grasse, lieutenant général,
de Vaugiraud, major général.
74 Victoire capitaine d'Albert Saint-Hyppolite.
80 Sceptre — comte de Vaudreuil.
j Norihumberland — marquis de Briqueville.
I Palmier. — baron d'Arros d'Argelos.
6i Solitaire — comte de Gicé-Ghampion.
I Citoyen — d'Éthy.
Scipion, . . .^ — comte de Glavel.
Magnanime. ' — comte Le Bègue.
Hercule — vicomte de Turpin de Breuil.
80 Languedoc — Duplessis-Parscau.
chevalier de Monteil, chef d'escadre.
/ Zélé'. capitaine chevalier de Gras-Préville.
74 j Hector — Renaud d'Aleins.
( Souverain — chevalier de Glandevès.
Frégate : Aigrette.
Les deux vaisseaux le Glorieux et le Vaillant et les autres
frégates restèrent devant les rivières qu'ils surveillaient.
Dès que l'amiral Rodney avait eu connaissance du dé-
part de l'armée navale des Antilles, il avait détaché le
^
(1) Ces chiffres sont évidemment exagérés, mais ce sont ceux qui sont donnés
par le rapport officiel.
108 BATAILLES. — 1781.
contre-amiral Hood avec 14 vaisseaux pour renforcer la
division du contre-amiral Graves qui commandait alors les
forces navales anglaises sur la côte d'Amérique. Ce ren-
fort avait porté à 21 le nombre des vaisseaux anglais réunis
sur la rade de New- York. Le contre-amiral Graves venait
d'apprendre la sortie de la division française de Rhodes-
Island; soupçonnant que le chef d'escadre de Ternay avait
mis à la voile pour se réunir au lieutenant général de
Grasse, il appareilla pour empêcher cette jonction, s'il
était possible. 11 ne rencontra pas la division à la poursuite
de laquelle il s'était mis-, mais, lorsque le 5 septembre, il
parut devant la Ghesapeak, il aperçut l'armée du lieute-
nant général de Grasse au mouillage et, malgré la supé-
riorité numérique des Français, il n'hésita pas à aller les
attaquer. A cet effet, il laissa arriver largue sur la ligne
du plus près bâbord dans l'ordre suivant :
Canons.
82 Shrewsbury capitaine Robinson.
72 Intrepid. — P. Molloy.
(Alcide — Charles Thompson.
Princessa — Charles Koatchball.
Samuel Drake, contre-amiral.
I Ajax capitaine N. Charrington.
' Terrible — Finch.
72 EoROPA — Child.
j MoNTAGu — George Bowen.
( Royal Oak — Ardesoif.
!08 LoNDON — Graves.
Graves, contre-amiral.
( Bedfori) capitaine Th. Graves.
\ Resolution — Robert Manners.
72 America — Samuel Thompson.
j Centaur - John Inglefield.
( MoNARCH — Francis Reynolds.
100 Barfleur — John Knight.
sir Samuel Hood, contre -amiral.
82 Invincible capitaine Saxton.
72 Belliquous — Brine.
82 Alfred — William Bayne.
60 Adamant. . .' — Jonhstone.
72 SOLEBAY —
Arrivée au Middle Ground^ l'armée anglaise vira vent
arrière par la contre-marche et se forma en ligne de convoi
quatre quarts largue, aux mêmes amures que les Français,
BATAILLES.— 1781. 109
c'est-à-dire , bâbord amures. Les routes suivies par les
deux armées faisaient donc un angle de AS*". Cet angle
n'était cependant pas encore assez grand pour les mettre à
distance convenable car, lorsqu'elle se trouva à la hauteur
des vaisseaux de tAte, l'avant-garde anglaise dut laisser
arriver presque vent arrière pour se rapprocher ; elle s'éta-
blit ensuite en bataille à bonne portée de canon. La ma-
nœuvre de l'avant-garde fut successivement imitée par les
deux autres escadres de l'armée ennemie. Toutefois, l'ar-
rière-garde resta aune distance plus grande et c'est à peine
si ses boulets portaient. Le combat qui commença dès qu'il
fut possible, n'eut donc réellement lieu qu'entre les deux
premières escadres des deux armées. On conçoit l'avantage
que ces arrivées successives sur une ligne presque perpen-
diculaire à la route des Français donnèrent à ceux-ci. Ils
purent canonner, en quelque sorte impunément, les vais-
seaux ennemis qui arrivaient en leur présentant l'avant. Le
vent ayant refusé vers 5"*, le lieutenant général de Grasse
signala aux vaisseaux de tête de faire une arrivée pour rec-
tifier la ligne. Le commandant en chef de l'armée anglaise
fit au contraire serrer le vent. La distance entre les deux
armées augmenta incessamment et, au coucher du soleil,
elles étaient hors de portée de canon. Les capitaines de
Chabert, de Monteclerc et de Framond étaient blessés. Le
lieutenant général de Grasse resta sous voiles pendant
quatre jours, prêt à accepter un nouveau combat que l'a-
miral anglais ne jugea pas convenable de livrer. Gomme
sa coopération était nécessaire à l'armée de terre, il se
décida alors à rentrer dans la Gbesapeak. Le 11, l'armée
navale reprit le mouillage en dedans du cap Henri : elle y
fut ralliée par ses embarcations sur le sort desquelles on
n'était pas sans inquiétudes. Le chef d'escadre de Barras
Saint-Laurent était mouillé sur la rade de Lynhaven depuis
la veille avec 8 vaisseaux et 3 frégates. Quoique ses in-
structions lui enjoignissent de se retirer à Boston lorsque le
corps d'armée du général Rochambeau se porterait vers le
**>.
410 BATAILLES.— 178i.
Sud, cet oiBcier général avait cru devoir accéder aux désirs
du général Washington dont les opérations étaient para-
lysées par le manque d'artillerie de siège, et il avait fait
route pour la Chesapeak. Sa division accompagnait 10
transports qui, en outre de l'artillerie et des munitions de
guerre, portaient des vivres et des mâtures.
Plusieurs vaisseaux anglais avaient été très-maltraités
au combat du 5. La Pringessa avait perdu son grand mât
de hune; le Shrewsbury, ses deux mâts et vergues de
hune ; le capitaine Robinson avait eu une jambe emportée.
L'Intrëpid avait eu ses deux vergues de hune coupées
et ses bas mâts fort endommagés. La mâture du Montagu
avait tellement souffert qu'on s'attendait à la voir s'abattre
d'un moment à l'autre. L'Ajax et le Terrible faisaient
beaucoup d'eau, et le dernier dut être livré aux flammes.
L'armée anglaise fit route pour New-York.
Avertis par le capitaine de la Concorde que l'armée na-
vale se dirigeait sur la Chesapeak, les deux généraux en
chef français et américain s'étaient mis en marche et ils ve-
naient d'arriver à l'embouchure de l'Elk, où un officier ex-
pédié par le lieutenant général de Grasse leur apprit l'ar-
rivée des vaisseaux français. Dès que l'armée navale eut
repris son mouillage, ils firent transporter à Williamsbourg
les troupes qui étaient à Annapolis. Trois jours après, ces
troupes et quelques centaines de matelots des vaisseaux qui
furent mis à terre marchèrent sur la ville d'York et en
firent l'investissement. Libres de toute préoccupation du
côté de la mer, les généraux poussèrent le siège de cette
ville avec une grande vigueur. Le 19 octobre, le comman-
dant en chef de l'armée anglaise fut forcé de capituler. A
cinq jours de là, l'armée navale anglaise, renforcée de 7
vaisseaux, se présenta de nouveau devant la Chesapeak;
mais la nouvelle de la capitulation de lord Cornwallis dé-
cida le contre-amiral Graves à renoncer à ses projets d'at-
taque, et laissant le contre-amiral Digby sur la côte, il fit
route pour la Jamaïque.
BATAILLES. -^ 4781. 114
En vertu de la capitulation d'York, les bâtiments anglais
qui se trouvaient dans la rivière devinrent la propriété de
la France. C'étaient les frégates Charron de 44*^ et FovirEY
de 24°; elles furent détruites; la frégate de 28 Guadelupë,
la corvette de 14 Bonetta, 4 cutters et 12 transports. 20
autres navires furent coulés.
Voulant éterniser la prise d'York et de Glocester qui as-
surait l'indépendance des États-Unis, le Congrès prit, le 28
octobre, les résolutions suivantes.
<c Le Congrès, etc., etc.
(( A résolu que les remerciments des États-Unis réunis
« en congrès, seront présentés à Son Excellence le comte
c de Rocbambeau pour la cordialité, le zèle, le talent et le
€ courage avec lesquels il a secondé et avancé les opéra-
€ tions de l'armée alliée contre la garnison britannique
« d'York^
« Résolu que pareils remercîments des États-Unis as-
« semblés en congrès, seraient présentés à Son Excellence
« le comte de Grasse pour l'habileté et la valeur qu'il a
< développées en attaquant et battant la flotte britannique
« à la hauteur de la Cbesapeak, et pour le zèle et l'ardeur
« avec lesquels il a donné, avec l'armée navale à ses ordres,
« les secours et la protection les plus efficaces aux opéra-
« lions de l'armée alliée en Virginie ;
« Résolu que les États-Unis, assemblés en congrès, fe-
« ront ériger à York, en Virginie, une colonne en marbre
(( ornée des emblèmes de l'alliance des États-Unis et de Sa
H Majesté Très-Chrétienne, et chargée d'inscriptions conte-
(t nant un exposé succinct de la reddition du comte de
a Cornwallis à Son Excellence le général Washington,
« commandant en chef les forces combinées de l'Amérique
« et de la France ; à Son Excellence le comte de Rocham- .
« beau, commandant les troupes auxiliaires de Sa Majesté
« Très-Chrétienne en Amérique, et à Son Excellence le
« comte de Grasse commandant en chef l'armée navale de
(( France dans la Chesapeak ^
H2 BATAILLES. — 1781.
« Résolu que deux pièces canon de bataille prises sur
(( l'armée britannique seront présentées par le comman-
« dant en chef de l'armée américaine au comte de Rocham-
(( beau, et qu'on gravera dessus, en bref, que le Congrès
« les ItA a présentées pour la part illustre qu'il a eue à la
« prise;
« Résolu que le secrétaire d'État des affaires étrangères
(( sera chargé de requérir le ministre plénipotentiaire de
c Sa Majesté Très-Chrétienne que le désir du Congrès est
« que sa Majesté permette au comte de Grasse d'accepter
« un témoignage de son approbation, pareil à celui pré-
<( sente au comte de Rochambeau. »
Ce document constate la part que la marine française
prit à la guerre de l'indépendance de l'Amérique.
La présence de l'armée navale étant désormais sans uti-
lité dans ces parages, le lieutenant général de Grasse rem-
barqua ses marins et ses troupes et, le 5 novembre, il fit
route pour la Martinique où il arriva le 26. Il avait détaché
& vaisseaux, sous le commandement du capitaine d'Albert
Saint-Hippolyte, pour reporter les troupes de la garnison
de Saint-Domingue et escorter un riche convoi qui était en
partance pour France. ^
Un brevet portant la date du 21 juillet 1786 autorisa le
lieutenant général comte de Grasse-Tilly à accepter et à
placer dans son château de Tilly les deux canons qui lui
avaient été offerts par le Congrès des États-Unis. Voici l'in-
scription que portaient ces canons : a Pris à l'armée anglaise
par les forces combinées de la France et de l'Amérique à
York-Town en Virginie, le 19 octobre 1781. Présentés par
le Congrès à Son Excellence le comte de Grasse comme un
témoignage des services inappréciables qu'il a reçus de lui
dans cette mémorable journée. »
BATAILLES. — 1781. 113
Le 20 novembre 1780, le gouvernement anglais ordon-
nait à son ambassadeur à la Haye de quitter cette ville
sans prendre congé et, en même temps, il prescrivait à tous
les capitaines des bâtiments de guerre et des corsaires de
s'emparer des navires hollandais qu'ils rencontreraient.
Le motif de cette rupture, qu'on pouvait au reste prévoir
depuis quelque temps, était l'accession des Provinces-Unies
à la confédération que les puissances du Nord venaient de
former pour arrêter les exactions de l'Angleterre. Bien que
désireuse de conserver la paix, cette république avait tenu
peu de compte des signes précurseurs de l'orage qui la mena-
çait, et sa sécurité était telle que le gouvernement français
crut devoir se charger de donner connaissance de la rup-
ture aux gouverneurs des établissements hollandais de la
mer des Indes. Le capitaine Macé, de la corvette la Syl-
phide reçut cette mission
Un journal anglais, — car il paraît que de tout temps la
jactance a été de fort bon goût dans la presse anglaise, —
un journal anglais publia à celte époque l'article suivant,
qui indique quelles devaient être les conséquences de la
sécurité dans laquelle on vivait à la Haye :
« Le commencement de la guerre actuelle avec la Hol-
tt lande ressemble à celui de nos hostilités avec la France
« en 1755. Du mois de juillet, pendant lequel l'amiral
u Boscawen prit les vaisseaux le Lys et ÏAlcide qui se ren-
« daieni à Québec avec des troupes, au mois de juin de
<( l'année suivante que la guerre fut déclarée, l'Angleterre
« avait pris 870 navires. Le 5 janvier 1781, elle a déjà
« capturé 300 navires hollandais et 3,000 hommes. »
Quel avertissement pour les puissances maritimes ! Un
journal, organe d'un parti influent, ne craint pas d'avouer
de tels actes; il se glorifie même de ce que, avant la dé-
claration de guerre et dans deux circonstances différentes,
l'Angleterre ait fait ce que, chez toute autre nation, on
regarderait comme la violation la plus flagrante du droit
le plus sacré! Pour lui, c'est chose naturelle queles visi-
Il '8
114 ÔATAILLËS. — iiH.
tés atbîtraîrèS et lès atrestàtiônâ îUêgàleâ ! Pdrtèf Un jÉn*e-
mlëi* cdtiiJ au commence atànt d*eû x^èliîf fêélleiàëtrt êht
prises ; affaiblir, même par dés moyéti^ îUicilëâ, l'ëà fé8-
sdurces de la puissance à laquelle on va déclâfei* là gaëtife,
telle a toujours été la tactique dé nos VôîSÎti^ d*ôûti*e-ilifei-.
N'était-ce pas celle qu'ils commençaient à dêplttyêif ëtt
1778 lorsque Louis XVI, instruit par le règne des Ééé pré-
décesseurs, rompit brusquement aved rAngletërrè et tifeâ
de représailles à son égard. Auâsi le commercé fràfl^èl
*'eut-il pas à déplorer la perte d'une partie de Sa iflarffîè;
et la détermination du roi de France enflamma lëS étfetii^l^
d'utie ardeur qu'on commençait à né pluâ Ctrtinaltrë dMis^
Tétat-major de la flotte.
Dé toutes les nations de l'Europe, là Frariôe étâtt cèlîë
qtil jouissait, à cette époque, de la plus gtandë cbnsîdêtâ-
tion dans l'Inde. Les princes de Tlndoustati la régardâiêfi*
domine l'unique digue capable d'arrêter iiû jour îê tofifént
qui menaçait leurs domaines. Lé gouvernement âtlglâlll
Combattait cette influence et employait tous leë moyëiii) ëti
son pouvoir afin de prouver à ces princes IJti'llS rfâ^
valent rien à attendre de la nation qu'ils portaient él bâtit,
et rien de mieux à faire que de solliciter la protectiôiï de
la Compagnie anglaise. Cette tactique n'ëbratilâ paâ leà
Convictions du nabad Hyder-Ali qui bâlafiçâit seiil là ptdi^
sance des Anglais dans cette partie dit mdndë; ^âr la prise
de Pondichéry par les Anglais avait entraîné la pëttë de
toutes les possessions françaises de l'Inde. Ce prince ayant
à se plaindre du gouvernement de Madràà qui liil àVait
refusé son appui contre les Marâttes, avait déclâjfé la gttëtife
à la Compagnie dès que les hostilités àvaieiit ôOmméùcé
entre la France et l'Angleterre. Le rôle de là ^rânc© con-»-
sistait donc, dans le moment, à soutenir le dbëf <}ui àvàlt
tant de foi dans sa puissance et à se faire dé nôtiVësLut
alliés. Le capitaine de vaisseau d'Orves, à qui itiCÔttihèlt
plus particulièrement cette mission et qui commandait les
forces navales de la France dans la mer des Indes depuis
6AtAlLLfes.-l'Î8<. ih
le côrilmënéêtfifent de ràtinéë i'^àtJ, AMï âbûs Ses Mi^hs
lés tàisééàùi i
Canons.
T* otidnt, . i csi^mm éb%ié ô*ttfVès ri).
IBrillanh - de Saint-Félix.
èév^ — de Lapallîèfe.
^jax. ........... ^ feoâvêt.
Bizarre. — de Lalandelle-Roscanvec.
5i Fldmdna. — dé iciiivèrvîlie.
Ifesfrégated {Pdûf^^ktàib.
de 40*=. . \ Consolante.
et la corvette de ââ^ M Subtile.
Les Anglais avaient âans les méines parages lés vais-
seaiii :
Canons.
74 SuPERB. . « capitaine Siminton.
Edward Hughes^ contre-amiral.
I BuRFORD capitaine Reynolds.
^^ I ËxÈTER - llIcBard kîiigà.
I Eagle — Ambroise Reddàll.
\ WoRCESTËR* ..;.... — George Talbot.
la frégate dé ^4*= CbvÉîjtfiî.
le brîg de 14' Wëa^lë.
Le c^mmaiiaant d'Orves S'était jônfin fléfcidé h aller îal^e
acte de présence sur la côte orientale Ah la presqu'île de
rinde » âpres avoir touché à Surate^ il était «-iriivé à MA-
draSj le 7 janvier 1781 5 6 vaisseaux anglais ettlùe frégftie
étaient à ce mouillage. Le comniantlant Aé la divisii9n fran-
çaise M voulut pas courir les chances d'un combat i^i
Teicposàit à recevoir dés avaries fort fliflîciles à réparer
dans l'état de pénurie où il était en rechanges; il resta en
panne toute la tiuit , et le lendemain il fit route au Sud le
long de la côte ; le 28 au soir, il mouilla devant PondichérJ.
Le commandant d'Orves ne comprit paà bien la tnissittti
qui lui était confiée; il se borna à donner Tassurance de
l'envoi d'uii corps de troupes; et quoiqu'il eût pu Èti^e
d'un grand secours à Hyder-Ali en interceptant les appro-
visionnements que les Anglais recevaient par mer, il ne
(1) Le capitaine de vâiiséâii k'prvèï, autorisa à pbrièr le payiUon de 6|ef
d'escadre, prenait le titre de brigadier des armées navales.
416 COMBATS PARTICULIERS. — 1781.
voulut pas prolonger son séjour dans ces parages. Rien ne
put ébranler sa résolution, pas même la promesse que lui
lit le chef indien de ravitailler ses vaisseaux s'il consentait
à mettre leur faible garnison à terre pour l'aider d'une
force qui, en fait, n'eût été que morale. La division fran-
çaise était de retour à l'île de France au mois de juillet.
C'était, il faut en convenir, un triste début pour la grande
nation que les princes de l'Inde appelaient à leur aide.
Nous verrons bientôt que la cause à laquelle on peut at-
tribuer la conduite du commandant en chef de la division
de l'Inde, amena dans la situation un changement qui ne
tarda pas à tourner à l'avantage des alliés (1).
Quelques combats particuliers furent livrés dans le cours
de cette année.
Les frégates de 32* la Fine, capitaine chevalier de Ta-
nouarn, et la Minerve^ capitaine chevalier de Grimouard,
la Diligente et Y Aigrette de 26**, sorties de Brest, le 3 jan-
vier, pour croiser à l'entrée de la Manche aperçurent, le
lendemain avant le jour, plusieurs bâtiments dans leurs
eaux; elles couraient alors au plus près tribord amures,
avec des vents de N.-O. Le jour, en se faisant, permit de
distinguer deux vaisseaux anglais : c'étaient le Courageux
et le Vauant de 82°, capitaines lord Mulgrave et Goodall.
Les frégates prirent chasse. A 1^ 30°* de l'après-midi, la
Minerve fut atteinte et attaquée par le Courageux. Une
heure plus tard, étonné probablement de la résistance
qu'opposait la frégate, le capitaine du Valiamt joignit son
feu à celui de son compagnon. La Minerve ne put résister
longtemps à de pareils adversaires : son pavillon fut amené.
Le capitaine de Grimouard, qui était blessé, avait remis le
(1) Le commandant d'Onres était atteint d'ane maladie qai lai rendait le
séjour à bord et à la mer fort incommode, et à laquelle il succomba quelques
mois plus tara.
COMBATS PARTICULIERS. — 1781. 117
commandement au lieutenant Villeneuve. Les avaries du
Courageux étaient au reste presque aussi considérables que
celles de la Minerve ; il fut obligé de changer son beaupré,
son mât de misaine et le mât d'artimon.
Dès que le pavillon de la Minerve eut été amené, le Va-
liant poursuivit la Fine^ mais il ne put l'atteindre ; cette
frégate rentra à Brest avec ses deux autres compagnes.
Le Rover ne fut pas longtemps propriété française.
Cette corvette, qui avait été prise dans le mois de septembre
1780, fut enlevée par un corsaire, au mois de février de
la présente année. Le commandement en avait été donné
au chevalier de Doudon.
La dispersion, au commencement de Tannée précédente,
du convoi qui portait les premiers secours en hommes et
en munitions dans F Inde, avait jeté une grande inquiétude
dans le pays. Cette anxiété devint bien plus grande lors-
qu'on connut le sort de celui qu'escortait le vicomte de
Soulanges. Cet officier, qui commandait le vaisseau de 7A*
le Protecteur^ sortit de Brest, le 20 avril, avec 10 navires
qui portaient des approvisionnements dans l'Inde, et le vais-
seau de là" le Pégase^ capitaine de Sillans, la frégate de
32* YAndromaque^ capitaine du Roslan, le vaisseau de
64 Y Actionnaire, capitaine Kéraijgal et la frégate l'/ndis-
crète ; ces deux derniers étaient armés en flûte. Le jour
même de sa sortie, le convoi fut poursuivi par 12 vaisseaux
anglais et A frégates sous les ordres du contre-amiral Bar-
rington. Dès que l'escadre anglaise fut signalée, le Protec-
teur et le Pégase se placèrent à la queue du convoi et, a 8**
30"* du soir, lorsque la force de l'ennemi eut été bien re-
connue, le commandant de Soulanges signala de gagner
le port le plus voisin ; le vent soufflait du S.-E. Le Pé-
gase fit vent arrière. Le 21 à l*" du matin, le vaisseau an-
Hfi CQPATS V4BTlCUH^ftS, :;ri7^\.
gl^is de 80« FquDROYANT^ çapitainpi J^ryi?, ^\^t gp posi-
tion dç le combattre. 4près pne çpyrts c^îipnnade et 3fti(s
avoir fait aiicuiie digpq^îtipn préal^l^Je, le. papjtaipg (Jq gj}-
lans ordonna l'abordage ; Iq féifa^f stccroçjia Ij? v{|ig§em
anpja;i9 4e long çp long. A 3\ le qmt d'^-rtimop dy P^^se
fuj abattu, ainsi que son petit niât de lfi^^^; ççg P^rt-ppi
étaient considérables : son paYill<)n fut aipené- jt-g ya[]3§^ft^i
QuEEN, arrivé sur ces entrefaites, fut chargé d*amariner le
Pégase, et le Foudroyant, — fort peu endommagé si Ton en
jUgÇ ml^ ^ki^mw^m^n capitsijne Servis qui av^it, Ipi,
reçu une t)lessqrp, — le f QupupYAiïT sç p:îit ^ la, pqvirsqitç 4«
r4c(îpnpaire qu'U att^igpit Iç spjr. ^.e y^i^sçaijf-flûtç ai^^n^
t^QP pavillon aprè? ^vqif écj^apgé une bordée. Le çftRyqi
fut enlevé en entier. Le Protecteur, X jkn^fQViaque ç\ Vin-
discrète rentrèrent à Brest.
Le capitaine de Sillans fat cassé par le conseil de guerre
ayqmsl il eut ^ ^•epflre çompt^ (Je sa ^pp^uite.
Séparé de la division du chef d'escadre de Lamotte-Pi-
quet dont il faisait partie, le vaisseau de 64*" ï Actif, capi-
taine de Boades, fut chassé, le lA mai, par 8 vaisseaux
anglais; l'un deux, le Nonsuch de 72', capitaine Jfames
Wallace, l'atteignit à 8*^ du soir. Un combat très-vif s'en-
gagea entre ces deux vaisseaux et Tobseurité seule y mit
un terme à 10*». Le combat recommença le lendemain matin
à 6*» ; trois heures après le Nonsuch prit le large ; la crainte
de rencontrer la croisière ennemie empêcha le capitaine
de Boades de le poursuivre ; V Actif SiYsii d'ailleurs quelques
avaries qui nécessitaient sa rentrée à Brest. Il y arriva sans
autre rencontre. Le capitaine de Boades était blessé.
Is 2 juin, la frégate de 32*^ la Fée, capitaine de Boubée,
^Ut un court engagement avec la frégate anglaise de
kh^ Ul'YSâS 9X lui fit abandonner la partie.
qOIIBATS PARTICOLIERS. -r- 4731 . ild
A qif€|lgnfi§ jqyrsi de là, le 5, 1^ frégate dç 32* 1> 5t*f-
t?ei((anï^» capitaine cl}evaUer de ViHenwv^ Cillî^rtt s|e rem-
d^Bt 4§« État^-Unis |^ 34int-Ppiningiiç, fut chassée, ik V^t-
t^rr^ge, par cette mêwe frégate f}e 44*" Uï^y^sb, et ellç
engagea le cq^ibat à 9*^ 30" du soir. Après ^wx heures
ôt, dei»ie, T Ulysse s'éloigna* Les avaries de ^ Surveillante
empêchèrent son capitaine de poursuivre la fré|;^te en-
nemie. On voit que le capitaine de T Ulysse, dont je y^-
grette de ne pouvoir donner le nom, n'était pas heureux
dans le choix de ses adversaires.
Le 19 juin, le capitaine Macnémara, de la frégate de 32**
la Friponne aperçut, non loin de Cadix, trois bâtiments de
guerre dans un état de délabrement tel qu'il n'hésita pas
à aller les reconnaître. C'étaient les frégates anglaises Flora
de 44®, capitaine William Peer Williams et Crescent de
34, capitaine John Bligh, qui, le 29 du mois précédent,
avaient combattu les deux frégates hollandaises Castor et
Brill et s'étaient emparées de la première. La Cresoent avait
eu la Brill pour adversaire. Démâtée de son grand mât et
de son mât d'artimon, la frégate anglaise s'était vue forcée
d'amener son pavillon, mais la Flora l'avait dégagée assez
à temps pour l'empêcher d'être amarinée ; le Castor avait
alors cessé de combattre. Les bâtiments aperçus par le ca-
pitaine Macnémara étaient donc la Flora, la Crescent et
le Castor. Cette dernière frégate amena au premier coup
de canon. La Crescent fit peu de résistance. Dans l'état
où était cette frégate depuis son combat, cela s'explique; le
capitaine Bligh, qui la commandait, se soumettait à une
nécessité ; il ne pouvait pas conopter sur l'assistance de la
Flora : celle-ci s'éloignait sous toutes voiles.
Le 21 juillet, les capitaines Lapérouse et comte de La-
touche, des frégates de 32« VAstrie et YHermionej en croî-
120 COMBATS PARTICULIERS. —1781.
sîère sur la côte de rAmérique du Nord, aperçurent un
grand nombre de voiles sous Tlle Royale; le vent était à
rOuest. Ces navires entrèrent dans la baie des Espagnols ;
cinq seulement, à la corne desquels flottait le pavillon an-
glais, laissèrent arriver, et lorsqu'ils eurent parcouru la
moitié de la distance qui les séparait des deux frégates
françaises, ils mirent en panne dans Tordre suivant :
Canons.
24 Allégeance capitaioe
24 Vernon —
28 Charlestown — Evens.
20 VuLTURE — Georges.
14 Jack — Thorn.
A 7^ du soir, les frégates françaises atteignirent les bâti-
ments anglais et les attaquèrent par-dessous le vent. VHer-
mione^ restée d'abord derrière YAstrée, l'avait doublée et
s'était placée par le travers de la Charlestown. Exposée ^u
feu des deux frégates françaises, celle-ci fut bientôt ré-
duite au silence et elle cula. Le capitaine de Lapérouse
supposant que cette frégate, alors démâtée de son grand
mât de hune, avait amené, cessa de lacanonner. Le Jack
n'avait plus de pavillon. Il était 8^ 30°* et le temps était
très-couvert. Les frégates françaises virèrent pour aller
amariner leurs prises ; elles cherchèrent vainement la Char-
lestown : cette frégate avait profité de l'obscurité pour se
soustraire à leurs recherches.
La frégate de 32*^ la Fée, escortant un convoi du Port-au-
Prince au Cap Français de Saint-Domingue reçut, le 21
juillet, un coup de vent pendant lequel elle craqua son
mât de misaine, son beaupré et son grand mât de hune. Le
capitaine de Boubée avait à peine achevé de consolider sa
mâture que, le 27, il fut attaqué par la frégate anglaise
de 40" Nymphe qui s'éloigna après un engagement de deux
heures.
COMBATS PARTICULIERS.— 1781. 121
La frégate de 24*" la Lively^ capitaine de Breignou, reve-
nant de Cayenne en France avec la corvette de 16° rjffi-
rondelle tomba, le 28 juillet, dans l'escadre anglaise de la
Manche. Attaquée par la frégate de 44° Perse VERA^XE, la
Lively amena après une défense de plusieurs heures.
La frégate de 32° la Magicienne, capitaine de Labou-
chetière, partit de Boston, le 1" septembre, pour aller
chercher des mâtures àPorstmouth. Ayant eu connaissance
d'un vaisseau pendant la nuit, elle prit chasse de suite,
mais elle fut poursuivie, et il s'établit entre cet inconnu et
elle une canonnade qui dura jusqu'à 6^ du matin; le vais-
seau avait beaucoup gagné. Estimant alors qu'il ne lui
serait pas possible d'atteindre Boston avant d'être joint, le
capitaine de Labouchetière se décida à courir les chances
d'un combat bord à bord. La Magicienne soutint la lutte
pendant une heure et demie, mais après ce temps, force lui
fut d'amener son pavillon. L'adversaire de la frégate fran-
çaise était le vaisseau anglais de 58° Chatam.
Ce combat avait eu lieu assez près de Boston pour que,
de ce port, on pût entendre la canonnade et voir même les
mâtures des combattants. Dès qu'il fit jour, le vaisseau le
Sagittaire, les frégates YAstrée et YHermione mîl*ent sous
voiles pour se porter sur le théâtre du combat ; mais le vent
tomba entièrement, et ils se virent dans la nécessité de
mouiller dans la passe. Lorsque la brise s'éleva, le Chatam
et la Magicienne n'étaient plus en vue.
La Magicienne
avait 26 canons de 12
et 6 — de 6.
Le Chatam -
— 20 canons de 18
22 — de 12
6 de 6
et 10 caronnades de 32,
Juprsquç reg«asdrQ angl^iaç parut h, Titrée ^p la ^Che^a.
peiik, le çpptFfi-aîPiral Graves eut la pensée gu© lea Frw-
çais avaleut app^-reUlé en f^ant les cibles par le bout a|}ïi
^'être plu^ proiopteiiient §ouç ypiles, et il qrdoppa au? fr^
gâtes de 3?° Isii? etBicHinoNEf, capitaines Dawson et Pudgpu,
d'entrer dans la baie pour couper les bouées. Mais les fré-
gates françaises étaient restées au mouillage et, le 8 sep-
terobr?» eUesi aperçurent cep deux bâtiipents et leur dqnpè-
Feiit la Pliasse. Ilp 3.e rendirent h la frégate de S6" la
JHlig^nte^ capit^ipe vipomte de )!4prteiïïart gui les atteignit
la première.
On a quelquefois reproché à nos marins les mauvais
traitements qu'ils faisaient subir aux prisonniers. Mon Ibt
tention n'est pas de chercher à atténuer ce qu'il peut y avdr
de fondé dans ces plaintes ; mais je doute que des Fran-r
çais aient jamais commis un acte de brutalité semblable à
celui qui suivit la prise de la Philippine.
Cette flûte, commandée par le lieutenant Roquefeuil
de Labistour, rencontra, le 80 septembre, une divisiop
de 2 vaisseaux anglais et 1 corvette. La résistance n'était
pas possible : le pavillon de la Philippine fut ^mené.
L'équipage français fut mis immédiatement dans la cale
des vaisseaux, et on l'y laissa prendant trois mois sans lui
donner d'autres objets de couchage que le^ grelins et les
câbles. Le capitaine Roquefeuil ne put même pas obtenir
qu'on laissât les malades à l'Ile de la Trinité où la division
relâcha. Le 4 janvier 1782, le commandant de la division
anglaise consentit à embarquer les Ç'rançais sur up cartel
qu'il fit accorapaguer par la corvette; il donna à ce navire
tout juste assez de vivres pour qu'on pût avo^r l'espoir de
n'en pas manquer. Aussi, séparé de son escorte .pendant
un coup de vent, le capitaine du cartel prit-il le parti de
relâcher à la baie de TQUs4es-Saint^, d'où il fit ensuite
route pour France.
Pé?ir^u|: de- ïRpttr? à pfflfiti ^^ tçoips qvii le séparait
encore des grandes chaleurs, et d'accord avec ie gotiyeVneuy
général des îles du Vent, le lieutenant général de Grasse
réélut âe faire iine expédition contre Tabago, tle anglaise
du groupe de^ Antilles du Sud. Afiu de maaquer cette opér
ratiQU» UUQ fw^m attaque fut dirigée contre Tîle Sainte-
liU^içi, lie S n^ai, p'^str^rdire deux jours après l'arrivée de
rat^mé^uayal^, 1,000 hoopimea de troupes furent embarqués
sur les vaiss^au^ h Plufon, VEa>pérment et mv 2 frégates.
Ce^ à bâtiip^nt^, accompagnés par $i& vaisseaux, jetèrent
l'aBcre daus la baie du Choc. Les troupes furent mises à
terr^ au Gro^-Islet , ^'emparèrent facilement des hauteurs
qui ayoiaiuent Je morne Fortuné et attaquèrent cette posi-
tion le 12. Cette attaque n'avait d'autre but que de faire
pr^udfelç changea l'eunemi; elle fut conduite sans vigueur,
et les troupes m rembarquèrent pendant la nuit. Au lieu
de 5^ diriger sur la Martinique où Ton devait supposer
qu'elle, retournait, l'armée fit route pour Tabago; les
troupes expéditionnaires y furent débarquées dans la baie
de Courlande. Un renfort de 3,000 hommes, commandés
par le gouverneur général en personne, arriva quelques
jours après.
L'amiral Rodney apprit bientôt le débarquement du pre-
mier détachement et il fît partir de suite de la Barbade 6
vaisseaux et 3 frégates avec un corps de troupes, en re-
commandant cependant au contre- amiral Drake ^ qui
commandait cett^ divi^iou, 4' éviter tout engag^pa^Ut avec
les vaisseaux français. La présence de ceux-ci à Tabago
empêcha cet officiçr générj^l de remplir sa mission ; il re-
tourna à la Barbade, et l'amiral Rodney appareilla immé-
diatement avec 20 vaisseaux. Lorsqu'il arriva en vue de
Tabago, le pavillon de la France flottait sur les fortifications
et sur les principaux édifices : le gouverneur pa.it Çf^PJtulé
le 1*' juin. L' arrivée (rauçaise était alors sous voiles; mais
l'amiral anglais nç jugea pas devoir livrer bataille, et U fit
route pour Sainte-Lucie. Le lieutenant général de Grasse
124 COLONIES.— 1781.
ne le poursuivit pas et, à quelques jours de là» il retourna
à la Martinique.
Lorsqu'il déclara la guerre à la Hollande, le gouverne-
ment anglais, pour redoubler Tardeur de ses généraux,
déclara leur abandonner ses droits aux éflèts et marchan-
dises qui se trouveraient à Saint-Eustache, à Saint-Martin
et à Saba, trois îles du groupe des Antilles, et ne réserver
aux colons que la possession de leurs plantations, de leurs
maisons, de leurs ameublements et de leurs esclaves. L'a-
miral Rodney s'était porté de suite sur Saint-Eustache qui
était l'entrepôt de commerce des Antilles, et il s'en était
rendu maître le 3 février, La conduite que l'amiral anglais
tint dans cette circonstance est trop connue pour que
j'entre dans de plus grands détails sur cette affaire, qui est
d'ailleurs en dehors du cadre que je me suis tracé.
Le 16 novembre, le gouverneur général des Antilles
françaises reprit Saint-Eustache avec 1,200 hommes qu'il
avait fait embarquer sur les frégates la Médèe, YAmazone^
la Galathée et la coryetie Y Aigle, placées sous le comman-
dement du capitaine Girardin. Les îles Saint-Martin et Saba
furent également enlevées aux Anglais.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGÉS
pendant l'année 1781.
^ ANGLAIS.
Canons.
ÎGuLLODEN Naufragé sur la côte d'Amérique.
Stirling Castle Naufragé sur les Gayes d'argent.
Terrible Détruit après un combat.
( RoMULUs Prise par une diyision.
\ Charron Détruite dans la Chesapeak.
56 Crëscent Prise par une frégate.
/ Castor — —
5j ls.s -
J RiGHMOND — —
' Thetis Naufragée à Sainte-Lucie.
j Greyhounb .*" . Naufragée.
^ FotTJ'''!^.' ; ! 1 ^"'®' ^^°' ** Chesapeak.
- j Pélican Naufragée à la Jamaïque.
j Sandwich Naufragée sur ta côte d'Amérique.
^ Siren Naufragée en Europe.
COLONIES. — 1781.
I PiGMY. Naufragée sur les côtes de FraDce.
( Chat Naufragée à Saint-Domingue.
I Jack Pris par une frégate.
14 { LoYALisT Pris par un vaisseau.
( BoNETTA Prise dans la Chesapeak.
12 HoPE Pris par un corsaire.
FRANÇAIS. •
Canons.
80 Couronne ....), ,., ., ^
^^ { Intrépide ) ^"^endiés par accident.
( Pégase Pris par une escadre.
64 Actionnaire, en flûte. . . — —
44 Sérapis*, en flûte Incendiée par accident.
I Magicienne Prise par un vaisseau.
Inconstante Incendiée par accident.
Vénus Naufragée sur les Glenans.
Minerve Prise par un vaisseau.
28 Unicom * . Prise par une frégate.
j Atlas, en flûte. ." Naufragée sur Ouessant.
\ Philippine, en flûte. . . . Prise par une division.
24 Lively* Prise par une frégate.
( Étourdie Naufragée sur la chaussée de Sein.
\ Rover* Prise par un corsaire.
18 Alert* Pris par une frégate.
125
RÉCAPITULATION.
Détraits
Pris.
on
nanfragés.
Incendiés.
TOTAL.
i
4
»
5
(i
»
»
(>
4
2
»
6
2
. »
2
4
5
2
2
9
2
1
»
3
ANGLAIS. . . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs
FRANÇAIS. . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs
L'astérisque indique des bâtiments ayant appartenu aune puissance ennemie.
H6 ÉkUlLhM: -- {"îè^
ANNÉE 1782.
J'ai dit les raisons qui avaient déterminé la France et
r Espagne à remettre l'attaque de Gibraltar à Utie autre
époque ; l'importance militaire de cette position àèoida les
deux Cours alliées à tenter cette annéèl d'en déposséder
l'Angleterre. Cette place n'était certainement pas alors ce
qu'elle est âtijôilrd'htli, titie forteresse en quelqtiè Boitte
imprenable de vive force. Les moyens de défense qu'on y
avait déjà réutiis exigeaient cependant retfa|)lôi de forces
considérables. La direction supérieure de cette entreprise
fut confiée au vâiiiqiiëuf de Minorque, le duc flë CHllon ;
les lieutenants généraux de Cordova et de Guichen furrat
chargés de l'attaque par mer.
Le lieutenant général dé Guichen sortit de Brest, le 14
février 1782, avec ô vaisseaux, 2 frégates et 1 brig. Avant
de se rendre à Cadix, il devait accompagner en dehors du
golfe de Gascogne deux convois pour les Antilles et pour
l'Inde. Le capitaine Mithon de Genouilly escortait le pre-
mier avec les vaisseaux la Couronne^ le Magnifique^ le
Dauphin Royal; les frégates YÊmeraudey là friponne et
* §
Y Engageante ^ les corvettes la Cérès^ la Nàiade et le cotre
le Clairvoyant. Le capitaine de Peynier conduisait l'autre
avec les vaisseaux le Fendant, YArgoriauie et la frégate la
Cléopâtre. Une autre division, commandée par le lieutenant
général de Lamotte-Piquet , avait aussi mis sous voiles
pour conduire ces convois en dehors de la ligne habituelle
des croisières anglaises; elle rentra le 26. Le lieutenant
général de Guichen arriva à Cadix à la fin du mois et se
rangea sous les ordres du lieutenant général espagnol
don Luis de Cordova.
L'armée navale combinée, forte de 32 vaisseaux, mit à
la voile le 3 juin. Les instructions du commandant en chef
BATAILLES. -1?88. 1*7
lili énjôighaieiit d^êlbigiie^ lèâ dMâèdi*!^ ëitiiûëMA qili se te-
naient devant Brest ; de croiser k l'ëiitrèé de là litààëhë
jusqu'à la fin du mois dé juillet, et d^eiitfët* etiâtiitè ààhk
la Méditerranée pour appuyer lès ôpêràtiofiâ à*attàquë
contre Gibraltar et empêcher les ravitaillèmêniâ par iiier.
Voici Tordre dans lequel T armée alliée appareilla de Cadit.
Canons.
70 San Miguel capitaine don Juan AÎorebo.
80 San Fernando <— Angulo.
don Miguel Gaston^ lieutenatit gënëfÂl.
70 Arrogante ea^itâitie don Lopez Garizosa.
64 Lion — de Fournouë.
70 Serio — don Filip Gonzales.
110 Terrible. — de Saint-Riveul.
comte de Guichen^ lieutenant géiièMl.
70 San Pablo, capitaine don Luis Munoz.
6t Espana — don Francisco Yelà^quêÈ.
80 Rayo. . . ; — don Antonio Posadâ,(îllêf(J'ésc.
^^ j Atlante. .....♦•.. — don Dieço Quevedo.
\ San Juan Èàptista. ... -— don traiiciscO tdiâ^es.
6i Septentrion. ....... — don Juan Landeche^
110 Royal-Louis ^ Verdun de la Crenne.
dé Béàusset^ chef d'escàdrè.
çAngel. . « é capitaibe don Jacintho Sefabd.
70 I San Justo — Bascomorales.
\ S'« ïsabei . — marquis dé Medinâ.
110 SSf^ Trinidad. — don Fernando Daio«;
don Luis Cordova, lieutenant généraL
don Josef Hfdzarèdo^ cfiëf d'ètàt-iiiàjof .
IVencedor, . ^ capitaine don Josef Gastejous
Africa — marquis de Cazeres.
San Dainàso — don Antoiiio Ozornô,' chef d'éâÊ.
Galicia. . • • • — don Juan Glayigero.
Terrible — don Francisco Winthuisen.
ÔO San Vîcente — don Ignacio Ponce dfi Ledn, clïéf
d'escadre.
70 Firme — don Atanazia Véranda.
61 Castilla — don Juan Qiiindos.
70 Orienté. — don Domingo Perler.
110 Purissima Concepcion. . — Ozomo y Funés.
don Juân bonnet, liéutènà'bt géh^fàl.
64 Indien. . capitaine de Laubepin.
70 San Joaquim — don Carlos de Terres.
lie Majestueux — Bruni d'Entrfeèàstêaiïx.
Ticomte de Roche chouart, tieuténa&t géBéràl.
70 Brillante capitaine Oustares.
70 San Isidro — don Alvâro L6j)ez.
Frégates: Grulla^ S*^ Perpétua, Amphitrite, S«« Barbara ^ Creàtent,
Résolution.
Cortcjttés : Pandoûr, t^atàlta, Spewelè,
128 BATAILLES. — 1782.
Le 25 pendant la nuit, l'armée combinée chassa un
convoi anglais de 28 voiles qui se rendait au Canada et à
Terre-Neuve sous l'escorte de 2 frégates et du vaisseau de
82* Ramilies, capitaine Moutray. Les bâtiments de guerre
ne purent être joints ; mais 18 navires du commerce fu-
rent capturés et conduits à Brest par le vaisseau le Lion,
Le 11 juillet, Tarmée combinée reçut en renfort les 8
vaisseaux ci-après :
CanoDs.
Invincible capitaine cheyaliér de Rivière.
110 { Lamolte-Piquet, lieutenant-géDéral.
Bretagne * . . . capitaine commandeur de Dampierre.
Robuste — marquis de Nieuii.
Protecteur — comte de Soulanges.
Actif. — Cillart de Suville.
'^ \ Zodiaque — chevalier de Langan Boisfévrier.
Bien Aimé — marquis Valmeaier de Gacqueray.
Guerrier — Duplessis-Parscau.
Ce même jour, à 5** du soir, à 63 milles dans le O.-S.-O.
d'Ouessant, l'armée chassa un vaisseau et 2 frégates. Le
lendemain, l'escadre légère du lieutenant général Lamotte-
Piquet signala un grand nombre de voiles dans le N.-E, :
c'était l'armée anglaise de la Manche. Le vent soufflait du
N.-O. Le commandant en chef ordonna d'abord une chasse
générale et sans ordre ; puis, à 10**, il fit ranger l'armée
sur la ligne du plus près bâbord et donna l'ordre d'atta-
quer dès qu'on pourrait le faire ; on comptait alors 22 vais-
seaux. On ne put les atteindre. A 4^ de l'après-midi, l'es-
cadre légère, qui était à grande distance de l'avant, mit en
panne ^ deux heures plus tard, le commandant en chef fit
le signal de ralliement, rangea l'armée sur trois colonnes
et la tint en panne tribord amures. Le temps fut à grains
pendant la nuit ; au jour, le vent passa au S.-E. Le 13 au ma-
lin, l'armée anglaise était encore en vue dans le N.-E. Après
l'avoir de nouveau poursuivie pendant quelque temps, le
lieutenant général Cordova prit la bordée de l'Ouest,
L'armée combinée continua sa croisière entre Ouessant
et Belle-Isle et elle rentra à Cadix à l'époque déterminée.
Le 10 septembre, l'armée navale mit de nouveau sous
BATAILLES. - 178), iS9
voiles, passa le détroit et alla mouiller à Algésiras où se
trouvaient déjà 2 vaisseaux français et 7 espagnols. A ces
forces destinées, ainsi qu'on Ta déjà dit, à coopérer à l'at-
taque de Gibraltar, devaient se joindre 80 cbaloupes-canon-
niëres et 10 batteries flottantes. Ces batteries, à Tabri de
la bombe, étaient établies sur des carcasses de navires de
600 à 1200 tonneaux . On avait cru les rendre incombustibles
au moyen d'infiltrations continues d'eau à l'intérieur, liai-
beureusement on s'aperçut bientôt que ce procédé, fort
ingénieux du reste, occasionnait une bumidité qui détério-
rait les poudres et on y renonça sans songer que ces pou-
dres pouvûent, jusqu'au moment du combat, être dépo-
sées dans des navires mouillés au large des batteries.
L'équipage de ces bâtiments de nouvelle espèce étût, en
grande partie, composé de soldats.
La ville de Gibraltar est bâtie sur la presqu'île qui
forme la pointe d'Europe et la partie orientale de la baie
d'Algésiras. Ce rocber, fortement découpé dans le sens de
sa longueur qui est d'un peu plus de deux milles du Nord au
Sud, est taillé à pic à l'Est et au Nord ; de ce dernier côté, il
n'a pas moins de 350 mètres de hauteur. Une falaise presque
verticale surplombe au Sud un plateau de peu d'étendue
qui termine la presqu'île. L'élévation de ce plateau au-
dessus de l'eau ne dépasse pas 15 mètres. La face occiden-
tale présente une pente beaucoup moins rapide. C'est de ce
côté, à l'extrémité Nord et au bord de l'eau, que se trouve
la ville. Deux môles, formant deux darses destinées à pro-
curer un abri aux navires suivant leur force, existent sur
la côte occidentale. Le vieux môle est au Nord de la ville ;
le môle neuf est à un mille et demi dans le Sud du premier.
Une presqu'île uniforme et très-basse relie le morne de Gi-
braltar au continent. La ville d'Algéûras se voit à quatre
milles et demi de l'autre côté de la baie. A l'époque à
laquelle je me reporte, la ville de Gibraltar était entou-
rée d'une fortification régulière et deux ouvrages con-
ttdérables en défendaient les approches; un camp retran-
U. 9
1^0 BATAILLJBg.^i7«9.
chétjétaît ite ]9titre établi sur le plateau du SuÂ. Lwiqa$
rftrnàée tiav^ atTiva à Algésiras, plujsîenm Mtaque^ par
teare ûTaientdéjà été faites/ nuii^.saûs avaatag^. Is 4i^
àe ûriUoa oonaplétâ les tr^vauiK de Biég^ et m^B alito^pii
ahnultaùée parterre.et^r uaer fat itésolue pioiirle iS. VimH
ce qui fut arrêté. Pendant qu'uae Gaiaofifiade.vigouiraa9e sif-
rait dirigée par l'artilierie de terre contre la partie jNprd 4f
là tille, 4 vaisseaux emb(%3sés à la pointe d'Ëur û|>e dav#eij|
{yrotéger le débarquement d'un corps d» troupes ^'pjl
mettrli&t à terre dans une des parties abordais d^ }ac^
pow faire diversion à l'attaque de la ville. L^s ^tef?/ff(
bottantes, mouillée des deux côtés du vieux paôle, agifaiwt
sur les deux fronts adjacents. Ainsi disposées, ellea avaient
|)feu à craindre le feu du môle neuf, et elles étaient jSoute«-
nues par les batteries de terre qui prenaient des revers sur
les fronts attaqués. Mais Fentente entre la marine et l'ar-
mée de terre n'était pas parfaite, et le chef d'escadre. Ho^
reuo, qui avait le commandement des batteries flottantes,
ne s'occupa en quelque sorte pas de leur placement; le
colonel du génie d'Arçon, inventeur de ces batteries, fu(
36tdîgé de leur faire prendre lui-même leur mouillage la
veille du jour fixé pour Tattaque, et encore ne suivit-ra
pas ses indications. Elles furent mouillées beaucoup trop
vers le Sud ; très-près les unes des autres, et l'extrémité
*gaucbe de la ligne se trouva vis-à-vis et à une distance
beaucoup trop grande du vieux môle. Placées de la sorte,
4es batteries flottantes furent foudroyées par toute l'artil-^
lerie d'un front immense. D'autre part, les vaisseaux dési-
gnés pour prendre poste à la pointe d'Europe ae bougèrent
pas ; des motifs puissants, dit la relation espagnole, mais
sans les indiquer, empêchèrent de les faire approcheiv
Le débarquement dans cette partie de la presqu'île n'eitf
dès lors pas Heu. Les canonnières ne parurent point. Au
jour fixé, le feu commença à 10^ du matin. Déjà un
grand nombre de boulets avaient été lancés sans suco^ sur
les batteries flottantes lorsque, dans l'après-midi, un boulet
; d« l'une â'el|fis. '
progrès du feu fui
possible de ^'e^
t ^,té p/ise çppiiv
lôigp.er Teiç' yçe^ ^Ç9 wtTffî, W
3 (ftie le t?ii ie cçqi^^&nif^a «^
roçpieni toutes W ^iteirips ft-
oyer 1^ PîUjl0|t3 ^ repQorijMti- 'j^
wriea que ïps ^^rpes n'av^^
paè ;ÇDiww Atteintes, on donna l'çjwrç ^ les ijic^ï^
t*t9}f^ ^^ œvvre de d^fitruc^op ^ut çbqi^àtée. pèW^j^j
If fWt, par le papitainç àiislaîs G1111I19 gi^ sortit je Gibra)-
tfj ureç p^e douzaine d^êiDÏ)ari»tions. ties einbarçàtScHi^
jiççq^liïrent l^ hommes (jui pajçgf pi* échapper ^ c^
l^f ^e \^ veille ; celles de l'armée âUiéiç étirent retponi'^
i ^^HH) |t|prd8 à la nttit • âôTiipmipesiftfrMit sauvés iw^ïçi
cf^^ «»fei»is. 9P oçtre àe 50 ib),Ç99^s trmyé^ âaàs Iw 3|-
1^ W^flapmés des naTiran.
Tel fut le résulut de cett# ^Vt^fi '^tv^àfk)^, ^oni^iâl
préparatifs inquiétèrent un moment PÂn^Ieterre. Elle abôtl-
tit, comme la^U» las jtffmbJBiiinpa coQcertéee im^^ '§t
jour avec l'Espagne^ 1^ tatie d^nse improdnc^yfe W li lû^e
diminution de la coDâMération dwt jotûfèAit «ton ». biÉI
droit la marine €16 la !f ittDt», L'^i>gl«terre dut |>^^^être
la conservation de •» àirteresse JL h mèrâiteUigwn fin
régna entre }e à^ç de ItSAUoQ et le chef -d'escM^ '''l'"^*'^
Uoreno,
On considéra l'attfiqta» de tïibrahar par mertibttitoe ita-
pos^le désornrài. Aiii, certain que les ajyiiériaonifr-
ments de cette place éttfienf fort ridaits, et ay^ "qvîifa
convoi était en route pour la raTÏtùller, le lieateBiBt (^
432 BATAILLES. — 1782.
lierai Gordova resta au mouillage d'Algésiras. Le sort de
Gibraltar dépendant désormais de l'arrivée de ce convoi, la
petâistance du commandant en chef de l'armée combinée à
séjourner dans ces parages occasionna une anxiété des plus
grandes dans cette ville. Une nouvelle déception était ré-
servée au gouvernement espagnol : un violent coup de vent
de S.-O., survenu pendant la nuit du 9 octobre, dérangea
les projets du commandant en chef, ou au moins en empâ-
cha l'exécution. Plusieurs vaisseaux s'abordèrent; le San
Miguel fut jeté à la côte et amena son pavillon sous le feu
du bastion du Sud de Gibraltar. Un autre vaisseau et une
frégate furent également portés à la côte ; ils purent être
relevés. Le convoi anglais se trouvait en position de pro-
fiter de cette circonstance malheureuse. Le 11, au jour, il
fût signalé donnant dans le détroit; le vent était encore si
violent, qu'il fut entraîné dans l'Est; un très-petit nombre
de navires purent atteindre Gibraltar. L'armée combinée
appareilla; mais, contrariée par des brumes et des varia-
tions de vent continuelles, elle ne put empêcher le convoi
d'arriver à sa destination, et ce fut le 18 seulement que les
bâtiments qui lui avaient servi d'escorte furent aperçus re-
passant le détroit avec une jolie brise d'Est. L'armée an-
glaise, commandée par l'amiral Howe, était forte des 3â vais^
seaux et des 8 frégates ci-après :
Canons.
^ I GoLUTH. capitaine Hyde Parker, junior. '
** ( Ganges — FieldiDg.
84 Royal Willum. ..... — Allen.
110 < Britannia. — Hill.
Barringlon, yice-amiral.
108 Atlas capitaine Gollins.
00 Panthsr. . . • .«' - Simonton.
84 Foudroyant. ....... — Jervis.
sa Edgar — Hôtham^ commodore.
72 PoLTPHEMUS. .«•.... — Finch.
88 SuFFOLK. ••..••... — Home.
78 Vigilant — Douglas.
88 ^ Gouragrux.^. ........ — lord Mulgraye.
78 Grown. . . . ~ Reeyes.
8^ Alexander. . • — lord Longford.
78 Sampson. — Haryey.
108 Royal Pringsss ~ Faulkner.
IQATÀILLES 1782. i^%
110 ViCTORY. ....•..». — Leweson Gover Duncan.
lord Howe, amiral.
lûS Bleinheim capitaine Duncan.
72 Âsu — Bligh.
83 EfiHONT. . » Fergnson.
108 QoEEN • . • — Dornet.
sir Samael Hood, contre -amiral.
82 Bellona. . capitaine Onslow.
72 RiUisoMNÀBLE — lord Harvey.
82 FonnTUDE ^ Keppel.
Si Priitcess Amelu — Reynolds.
sir Richard Haghes, contre-amiral.
82 Berwick . capitaine Pbipps.
72 Bienfaisant — Howarth.
82 Dublin — Dickson.
84 Cambridge. ........ — Stewart.
100 Océan — Bigar.
Milbanck, vice -amiral.
100 Union. . capitaine Dalrymple.
60 BuFFALO ~ Halloway.
82 Vengeance — Moutray.
Frégates : Bristol^ Burnet^ Minerya^ Latona, Andromaghe^ BÎËCoyiRTf Diana»
PROSERPINE^ TeRHAG4NT.
Trois brûlots.
Le 20, après deux jours de chasse, Tannée combinée se
trouva en position d'attaquer celle des Anglais qui était
sous le vent ; toutes deux étaient en ordre de bataille, les
amures à tribord. Le vent soufflait alors du Nord. L'armée
des alliés s' étant formée par rang de vitesse, 16 mauvais
marcheurs étaient restés fort loin de l'an'ière pendant cette
chasse de quarante-huit heures; 33 vaisseaux seulement
étaient en ligne. Voici Tordre dans lequel ces derniers^se
présentèrent au combat.
Canons.
110 Invincible • . capitaine cbeyalier de Rivière.
Lamotte-Piqaet^ lieutenant général.
{Guerrier . . • capitaine Duplessis-Parscaa.
Dictateur — de Laclue.
Robuste — marquis de Nieuil.
70 San Isidro — don Alvaro Lopez.
7i Suffisant — de Castellet.
Guerrero — ■
Arrogante — don Lopez Garizoïa.
Sto Elisabeth —
San Laurent. —
74 Zodiaque* — cbeyalier de Langan-BoisféTrier.
/ Rayo — don Antonio.
Posada^ cbef d'escadrOk
Firme capitaine don Atanazia Véranda. ^
Terrible, — Ao^ Fraiiei$c^ .Wint^uisM». * -i
70
70
éiÉ
Ékikmàs.-iiii.
76 San vtcenïe. . • . ^ ^ ^ • ^ taWll^i^ Ponce dé Léon, cbéf aTMemft.
110 Royal- touis. . . . ^ ^ ^ , ci|^,M9^ marquis de Yerdim ^^.^ffeiiy||^
de Beàasset^ clief d'escadre.
San Joaquim, . ^ ., ., .^ capitaine don Carlos de Torr^
70
6i
ro
Casiilla
San /tpi 9ioigti^,
San Jtislo
> > ^
Vencedon» . • .. . ^ ^ • ^ ,..
6i Espana. ....... ^ ,, ^
^^ j Gatofl , , ;
76 Triotnp/ianr^. ....,«
70 Brillante. , .
^^H'
don Juan ^uindôs
don Francisco Idiàqnes.
Bascomorales.
don Josef Gas(û
don Francisco Vé
don Fiiip Gonzaies.
Oustares. . .
don luàn Landéclio.
Bruni d'Edtre
yicomte de Rochechoùairt^ liai
Indien , . . ^ « c^|i§||yi^ de Lau1)epin.
San Raphaël, . ., . , ^ ^ - " -rr,
SS» Trinidad, . ^ y ^ ^ ^ — Baioz.
don Cuis Gôrddvà, Ifeiitén
, ^Uini^ «pèandfliade
c«/. — O
60 Septentrion, . . . ^ ^ ^^
ItO Majestueux. . . . ^ ii ^ i —
64
70
lia
é^B^ï^
^ »!
«ftmV>At Ataitmt »,
'rf~ "PI T Hl I'! '!T 7
iJtO ( .^ , don Juan Bonnet. lieiitenaAt Rén^taL
' > rèrràk . éipilaw» de l§tfîW-^k». ^ ^^
60 San Fernando, .. • . . ^ . capitaine^ Ânguio.
M Mi^l Oà^é, flièiMilit «iIdMI.
^^ ,f^j^*^* • 1 1 •: • -î . WHW B»af%fwr<le ÇMPW»
/ San Miguel — don Juan Moreiro.
Atlante
San Pablo
San jKingfMA. « •> ^ . < ^
70 \ iUiyWi -^ *■ m 4 0 : , • If «I
S<a IsabéAà •*^^^émé*
San Danutso, ••«:•>*.«
Africa, . .. i* < •
Oriente,. ^ « . . •
66 San Julian, , ^ ^ é
64 Lion
66 |{u«é. .••.•41
— don Luiz Mufioz.
ttt-
-tm don Jacintho Serano.
i»: marquis de
• . •
a • «
• • •»
• • •
— don Antonio Oior— ^#rti#^a6le.
— marquis di CasertAi
— don Domiago PertMK
-< de Fournon^.
j(L ^ 30"" du soir. Tayant-garde des alliés (tttn\\ i^n feu
sur les vaisseavv4 m tAte de la ligui^ anglaise ; «lax-ci
plièrent ^e sijy^te, L^af^éfè-garde engagea la secondiçi, puis
le cetttit ii# ffiailiié imt aa coi»{m^1; Viri?6gftttiitA |e la
BATAILLES.— 1782. 436
Hgfiè ànglrise, ou phitôt les mouvements d'arrivée de queï-
qaés^uBes de ses parties, ne permirent pas une attaque sî^
muhanée sur toute sa longueur. Cette tactique fut continuée
pendant toute la durée du combat ; les Anglais plièrent sur
tous les points et, à 10*, ils finirent par laisser arriver
franchement. Le commandant en chef ne les fit pas pour-
suivre. Le Majestueux était le seul vaisseau de l'armée
combinée qui eût des avaries sérieuses. Les vaisseaux an-
glais avaient été plus maltraités et il fallut renvoyer k
BufFALo en Angleterre.
Lesysdsseaux attardés rallièrent le lendemain. L'armée
eunenue était alors si éloignée, que le lieutenant général
de Cordova jugea inutile de lui donner la chasse ; il fît
route pour Cadix où il mouilla le 28. L'amiral Howe déta-
cha huit vaisseaux aux Antilles et retourna en Angleterre.
Penda&l que, comme nous le verrons bientôt, la mari^
de la France brillait dans l'Inde d'un éclat qu'elle conserva
jusqu'à la fin de la guerre, elle éprouvait dans les Antilles
un échec qui détruisit entièrement le prestige dont elle
était entourée dans les mers d'Amérique depuis le comment
cemeiit des hDstilités. Le jour même où le bailli de Suffren
combattait aivec avantage l'escadre anglaise du contre-ami-^
rai Hughes devant Trinquemalé, le comte de Grasse Mvrs^
à l'aniral Rodney, dans le canal de Saintes, la désastreuse
bataille dite de la Dominique.
La conquête de la Jamaïque était toujours le but auquel
devaient tendre les efforts des commandants en chef det
escadres de la France et de l'Angleterre dans la mer des
Antilles. Le moment semblait favorable pour tenter cette
entreprise malgré l'arrivée récente de l'amiral Rodney avec
47 nouveaux vaisseaux anglais. Le lieu de réunion des esca-
dres alliées était toujours à Saint-Domingue ; mais ne vou-
lut |iils kiôset derriëreluilesnavires du commfei'ce^ui dé-
136 BATAILLES.-- 1788.
TÛent retourner en Europe, le lieutenant général de Grasse
différa son départ jusqu'au 8 avril. Ce jour-là, prenant
sous son escorte 150 navires dont une partie portait le
matériel et les munitions nécessaires à l'expédition projetée,
il appareilla de la rade de Saint-Pierre de la Martinique
avec 35 vaisseaux, h frégates, une corvette et un cotre et
se dirigea vers le Nord. Les 2 vsdsseaux le Sagittaire et
YExperifnent furent spécialement désignés pour accompa-
gner le convoi. La sortie de l'armée française fut de suite
signalée par les frégates anglaises qui croisaient devant
Saint-Pierre et, le jour même, le lieutenant général de
Grasse fut averti par ses découvertes que l'amiral Rodney
appareillait de Sainte-Lucie. Le lendemain matin, S7
vaisseaux anglais et 20 frégates furent aperçus de l'arrière.
Le vent soufflait de rE.-S.-E. ; l'armée française avait
alors dépassé la Dominique.
On sait que les Iles Antilles, situées dans Tocéan Atlan-
tique septentrional, à l'entrée de la mer à laquelle elles ont
donné leur nom, décrivent un arc de cercle très-pnmoncé
depuis le golfe de Paria de la province de Gnmana dans
l'Amérique du Sud, jusqu'au Yucatan dans l'Amérique sep-
tentrionale. Après avoir suivi la direction du Nord jusqu'à
la Martinique, cet arc s'infléchit au N. -O. et, de FAn-
guille à l'Ile de Cuba, il court au O.-N.-O. Il faut donc faire
le N.-O. pour se rendre de la Dominique à la Guadeloupe.
En gouvernant ainsi, on laisse le groupe des Saintes un
peu à droite ou dans l'Est. De la pointe des Capucins, la plus
Nord de la Dominique, à la Terre d'en Bas, la plus occi-
dentale des Saintes, on compte 16 milles. Des Sidntes à la
pointe la plus méridionale de la Guadeloupe, la pointe du
Vieux-Fort, il y a 8 milles. La ville de la Basse-Terre,
située dans l'Ouest de l'Ile, n'est pas à plus de 2 milles de
cette dernière. Dans ces parages, la brise régulière d'Ë.-
N.E. à rE.<*S.-E. souffle toujours fraîche dans les canaux,
tandis que dans l'Ouest et près des lies, il fait calme. Des
f îséeSf des raQales plus ou moins fort^ ^i descendent ^ç^
BATAILLES.— i7S2. 137
mornes à des intervalles inégaux, permettent seules aux
bâtiments de faire route; mais souvent, à des distances
trës-rapprochées, ils sont soumis à des influences différentes.
Dans de semblables conditions, il est impossible qu'une
escadre puisse conserver un ordre de marche quelconque
tant qu'elle n'est pas en position de recevoir la brise des
canaux et nul ne saursdt dire combien il lui faudra de temps
pour sortir de la zone des calmes et des folles brises. A 10**
30*", l'armée angldse s'était beaucoup rapprochée, mais
elle était alors en calme sous la Dominique; toutefois, 16
vaisseaux avaient réussi à se déployer et menaçaient les
2 vaisseaux français le Zélé et Y Auguste qui étaient de l'ar-
rière. Le lieutenant général de Grasse fit prendre les amures
à bâbord à son armée et signala au Sagittaire et à VExpe-
riment d'aller mouiller à la Basse-Terre avec le convoi.
Estimant que les 16 vaisseaux anglais avancés ne pourraient
être soutenus de quelque temps par le reste de leur armée
qui en était à plus de 3 milles et, ainsi que je viens de le
dire, en calme sous la terre, il les fit chasser et attaquer à
midi vingt minutes par son avant-garde, à laquelle se joi-
gnirent, par un excès de zèle non autorisé, mais pour lequel
on ne trouva plus tard que des éloges, les 3 vaisseaux le
Glorieux^ le Northumberland et le Citoyen. L'armée fran-
çûse pouvait, dans ce moment, remporter un avantage dé-
cisif en écrasant les vaisseaux ennemis ; mais ceux-ci, soit
par tactique, soit pour se rapprocher du gros de leur armée,
pliaient incessamment. Le commandant en chef, qui ne vou-
lait pas s'éloigner de son convoi, et qui craignait d'ailleurs
que le Zélé et VAugustene fussent atteints par quelques vais-
seaux ennemis pendant qu'il poursuivrait les autres, le
commandant en chef fit reprendre les amures à tribord à
1^ 30">, et il continua sa route. Le Caton^ capitaine de Fra-
mond, fut le seul vaisseau qui signala des avaries ; il mouilla
le soir avec le convoi sur la rade de la Basse-Terre. Le
Jason fut abordé par le Zélé pendant la nuit ; il en résulta
4es ay^r^ ^m détepnipèreqt Iç capit^iqe du premier d^
13< BÂTAIL&BS.'i--i78Sl.
ees deux yidsseaut à aller relâcher à la Badse-Terré. Les
deux armées louToyèrent toute la nuit et la journée an len-*
demain entre la Dominique et les Saintes. Lé Souvetain^
qui s'était échoué en appareillant de Fa llfartinique, ralHa
ce jour-là (1). Le 11, au jour, presque tous les vaisseaux
Ihtnçais avaient doublé les Sainte^l, et il ift'y aurait proba-*-
blement pas eu d'autre engagétÈfènt quef eduî de Pavattrt-^
veille, si le Magnanime et te Zèle ite s^'éfaJenft pas trouvés
à une douzaine de milles sous le vent (%) 9 Yé demîei' avatït
démâté de son grand mât de hutie pét](<knt la ntdt èft s'êt^
laissé arriérer en le changeant. A S^ dé Tapris-mid}, 7 vsîtisb
seaux anglais étaient à S milled daûs les éMi dé Ces vais-
seaux. Le darrger était imminent. A 5^, le Commandant
en chef donna Tordre de laisser arriver pour spouftenit
les deux Français et protéger en même teimps là retraité
du Jason qui n'avait pas encore atteint là Basse-Tette.
Cette démonstration suffit pour faire prendre aux capitaine^
des chasseurs ennemis la détermination dé rallier leur ar-
mée. Malgré ce mouvement d'arrivée, Tarihée française
était à 12 milles environ au vent des Anglais, au Coucher
'■■■"' ' ' ' ' I I. ■ , ■ I I !■■ Il ■.|.i. ■ I. , ■ . lin.
(1) Le KestêDant général de Grasse n'a pas fait eoDiiaitre dans qial bit il
louYoya eotre la DomiDique et les Salâtes, alors qu'il j|iQU,y«it m re^dr^ à Saintp-
D.offiingue sans fatiguer ses taisseaax et leurs équipagiss. Les bAtiments qai
?oat de ht Martinique à cette Ile gotterMot grand Uk%\m U ro. ti*" oi à VO,
3Q« s'il veulent passer ^ vent 49 VUe pour atteiniUa If Cap Cranta. Il est
donc difficile d'apprécier les motifs qui déterminèrent te comrdandaot eh chef à
tenter^ avee 51 taîaseau, plnsiewa Mgates et cotfvèttari,! me aatrepriM;— le
Si^sage au. Toot des Uea — qui ^c ki oilcaii auçi^n <Mai)t^« e^ qui est toujours
ifficiîe et fatigante^ même pour un Dâtimeni isofé. Eue compromettait d'adlleurs
It eonvoi.
(8) Cette ciistance me parait exagérée. En supposant la VUle-de^Paris sur
le méridien de la Terre-d'en-Bas, la plus orientale d'eis Saintes^ cette appré-
ciatioi placerait les deux vaisseau à trois miftes daM l'OhKst ém méridiaû da
1^ peinte du Vieyx-Fort de la Guadeloupe. 11 en résul.te^i^t que le Magnanin^
et le Zélé quj, avec l^es vents régnants chS. 1/i N.-É., pouvaient doubler les
Matae du p reaier bord, puisque la Terres d'et-IUu(t est daas le N.-N.4t de
ija pointe d^s Caj^uciiis de la Dominique, se seraient trouvés^ aprëç trente -six
ieures de louvoyage^ moins avancés qu^ils ne l'étaient le 9 au soir. La consta-
iVliciBi d0 c«tt«i ^nw iodiqvo wlRsManMBt qu'il faut sf^ tonkr aji gasda. ooatte
rappréaiation des distance^ toutes plus ou moins er|;9^K|éef, ^ue ie doQDç tell«s
q^eMJ mt feéiqaéi» ddA' té«
ftivddveftl} eeliii-<^ Càsfti m» b^i^ ê1 ion iftit de iâi^
êéi^fimémk}» retùfofqoe età^ï^ maêaifé k la i^è^
Vdie date i|[aâdel(Atpe. Lc^ jow, M se fàisMbl, péMbft â«
voir Farmée française r^i4tt4«e èMb smiâtï ^èté èirtf^M
Dominique, les Saintes «t Uaorift^CkUante. Une distance de
trois iy,<ii)^^^f\^i^9l^;^ai,t; \^ YiUe-de-Paris desc YAil«eaux
qui étaient le pkâ àil veut ; le Zélé et son remer^fuèiir fi^eiils
étaient âi^ ]|i^ îi^^ts) $ % piilles environ du vaisseau ^ral.
Plusieurs vaiÉMétix mnemis les chassai^»!, et ^s n^ilaient
pas alors ^ i4\^j) di^ 3[ mÙJlG^ #M[^ leurs eaux, ta position
du Zélé était crië^(ila Le oemixiandant en chef fil 1er sigiiil
de ralliem^ ^ ep i^j^e temps, la Ft/Ie-de-i^oiriftlfissa
arriver au S.-S.-O. L^drdre de se préparer m p^ifiHiX
suivit WPâlcyi^teilîeAf, 1^ premier signal. Dès que; )% niou-
tmiemî é'mfivéd de V^année française fui hkù |Nfe4oncé,
les vaisseaux angti^i/; I^^^rent la chasse. A 7^ SOr, \ik ViUiir
de-Pa^ù Aftait à portée eu canon de l'ennemi ; une partie
des vaiss^v^]!^ T^Yt^t Ç^Uié : le commandant eiQ cdbef fit
signal de serrer le v^e»I bâbord amures. Sa pensée était de
ranger misf, if^if^ m Qflàre de bataille renver^ IMIf IbQ^
reusement^ Im j^réoeeapiàtions qui semblent avoir ttKffé^é le
lieutenant igf^r^l 4^ Ql^sse depuis le moment eài Tamiée
anglaise fut sfÉmlée^ |«sqtt*à celui où le pa^(1Neii 4e;la
Vïtle-de-Pàris fut amené, l'empêchèrent de se rappeler
qii^tl joiïf, uiie distance de quatre lîeues le séparait dèqueT-
lee«ft att &^I^.«Q. en hiasaiit le aigoai 4e raffimieBt) (fut
en ei4ie i^oUer cpieloonfque^ Aeasi, lemftte cpnte mî-
9ut^ jlus tara , U ordonna (ig ççjçjib^cçç le^ fe^i^ le^ v^
seaux n'étaient pas encore tous en position de se aifllre
140 BATAILLES.— 1782.
- •
en ligne ,et les derniers formèrent au vent une seconde co^
lonne qui fut peut-être plus gênante qu'utile et qui ne prit
qu'une part secondaire à la première partie de la bataille.
L'armée anglaise rangée en bataille trÛ)ord amures et sous
le vent répondit de suite. La brise soufflait fraîche de l'E,-
l/i-N.-E. dans le canal (1). Voici l'ordre dans lequel les
deux armées étaient rangées ; mais , je le répète , la ligne
française était loin d'être régulière.
ARMÉE FRANÇAISE.
Canons.
' Hercule capitaine Ghadeaa de Laclocheterie.
Nepturie — Renaud d'Aleins.
74 Souverain — chevalier de Glandevès.
Palmier — de Martelly-Chantard.
\ Northumberland — de Sainte-Césaire.
80 Auguste (2) ~ de Gastellan.
de BougainTille^ chef d'escadre.
04 Ardent capitaine de Gouzillon.
' Scipion — comte de GlaTel.
Brave — comte d*Amblimont.
74 CUoyen — d'Ethy.
Hector — de Lavicomté.
. César — yicomte Bernard de Marigny.
70 Dauphin-Royal — comte de Roquefeail-Montpéronx.
80 Languedoc — baron d'Arros d'Argelos.
104 Ville-de Paris — de Layilléon.
comte de Grasse^ lieutenant général.
80 Couronne . capitaine Mithon de Genoniliy.
64 Éveillé — Le Gardenr de Tilly.
i Sceptre — comte de Vaudrenil.
Glorieux — yicomte d'Escars.
Diadème — cbeyalier de Monteclerc.
Destin — Domaitz de Goimpy.
Magnanime — comte Le Bègue.
64 Réfléchi — cheyalier de Médine.
I Conquérant . — de Lagrandière.
* 1 Magnifique — de Macarty Macteigue.
(1) Je garantis l'exactitude de tout ce que je rapporte de ce triste èpisode^^de
notre histoire maritime. J'ai eu entre les mains le Jugement qui, sur la plainte
portée par le lieutenant général de Grasse, fut rendu contre les capitaines de
Son armée et toutes les pièces qui s'y rapportent, c'est-à-dire les interrogatoires
de ces capitaines et les dépositions des officiers sous leurs ordres. C'est d'après
ces documents contradictoires, déposés aujourd'hui au ministère de la marine,
que je donne la relation de la bataille du 18 avril, et de l'engagement qui l'a
précédé.
(9) Le poste du ZiU était derrière Y Auguste; celui du Jason derrière le
Citoyen^
BATAILLES. — 478Î. 141
80 Triomphant — da Payillon.
marquis de Vaudreuil, chef d'escadre.
74 Bourgogne capitaine chevalier de Gharitte.
80 Duc-de-Bourgogne (1). . ^ de GhampmartiD.
chevalier Coriolis d'Espinoase, chef d'escadre.
7i Marseillais capitaine de Gastellane Majastre. .
74 Pluton (i) — d'Albert de Rions. -
Frégates : Amazone^ Aimable^ Galathée, Richmond,
Corvette : Cérès.
Cotre : Clairvoyant.
ARMÉE ANGLAISE.
Canons.
t Royal oak capitaine Thomas Barnett.
82 l Alfred — William Bayne.
f MoNTAGU — George Bowen.
78 Yarmouth — Anthony Parry.
80 Valiant — S. G. Goodall.
100 Barfleur — John Knight.
sir Samael Hood, vice-amiral.
i MoNARCH. capitaine Francis Reynolds.
l Warrior — sir James Wallace.
75 BELuanous — Alexander Satherland.
i Gentaur — John Inglefield.
i Magnificent — • Robert Linzee.
7% Prince William — George Wilkinson.
tBEDFORO. — Thomas Grave.
Edmund Affleck, comroodore.
Ajax. capitaine N. Cbarringtou.
72 Repulse — Thomas Diimaresq.
82 Canada. . — honorable William Comwallis.
72 Saint Albans . — Ingles.
100 Nakur — Robert Fanshaw.
i Formidable. ....... ~ sir Charles Douglas,
sir G. B. Rodney, amiral.
DinLE» . capitaine Allen Gardner.
72 Agamemnon — Benjamin Galdwell.
82 Résolution. ........ — lord Robert Manners.
72 Prothée. — Charles Buckner.
(1) Le poste du Caton était devant le Duc-de-Bourgogne,
(2) L'amiral Rodney, dans son rapport, fait entrer à tort dans la composi-
tion de l'armée française : V le Ja^on, le Caton et le Zélé; les avaries de ces
vaisseaux les avaient obligés de relâcher à la Guadeloupe. 2* VExperiment et
le Sagittaire; ces deux vaisseaux avaient suivi le convoi à la Basse-Terre.
3"* Le Saint-Esprit, le Bien-Aimé, le Minotaure et le Fier; le premier de ces
vaisseaux n'était pas sorti de Fort^Royal; le second était à Brest; les deux
autres étaient retournés en France au mois de décembre de Tannée- précédente.
L'armée navale de France n'était donc réellement que de 30 vaisseaux et non
de '39/ comme le 'dit Tamiral anglais. M. de Lapeyrouse (a) se rapproche da-
vantage de la vérité; il est toutefois dans Terreur en disant que Tannée fran-
çaise comptait 31 vaisseaux.
(a) Bitt9ir9 i^ la «artiM franfain»
9È Hercules. . . . ^ . . • • . — Henr^ Savage.
72 AjiffiRiçà. .. ^ ..... i. — Samuel tliomp^oo.
70 ftussEÙ,. ^ , » f, . f , f f -f- faînes Saumarez.
EÎïT.
78 PrudeKT. . » ^ . . , . ^ ^ — Ad<
tt Yàif^, ,. . f , . . . f , f . — Boberl
Tk ANS<»i. , ^ * . y • . « . ^ •-- William Blair.
88 ToRBAY. .y .. I , . , .y . « — John Gidofn.'
108 Prince George. . . , ^ ^ > -r ^j^m/W V^fiai«j|f
70 Princessa. ....'..'.. — Cnarles KDat^DoJl.
Samuel Drake, contre-aB|f^,
88 GoNQUEROR capitaine George Balfoùr.
72 NoNsucH '. "^ "Wiliam Truscott.
Alcide. . , ^ , f f , f f ^ — Gbarles Thompsc\p.
— Samuel CoroisQ.
88 } Arrogant. ••,.,.» ^ ^ ^
, MARLBOROudà. ...... — Tayldr Penny.
Frégates : Zebra^ Cjfcèl^^]^» ^'^to^ Endymion^ Alarh^ ^k'VV f^^WV^^^Wy
Flora^ ^fi^iL, Jialiov, Eurydice.
Le lieutfs9M.t jj^uinU 4ê (kmsB ne tarda pas à s'aper-
cevoir qu'il ê^l se trtnitet'eill ealme sous la te^ lU^pn^
mier vais^ow 4ô T^vâuit-gaide euuemie éêk k peiâm
arrivé à la hateféttic \l<tt i9ern7er vaisseau de Fafmit^^liiiAs
française, qu'a} iorâo^a de virer lolf poor iof leflààla
fois. La proxittifté il(ss deux lignes, dont ia KSiN^ii^
variait de la portée de fusil & la portée de la oùtraiUÎe,
rendait cette ^mtiœuvre jimpossible. L'étendue lAè ^ ligj^
et f ëpàisseùr àe la fumée empêchèrent à'aîlkiirs Ji-npcirh-
cevoir le signtd, j^ft Hljijb fut pas exécuté, tien ^efë|rtM<i^9
serre-file de Is^ jçolow^i ç^t j*^çu l'ordre de commeÉUHr
le mouvementé fJ^Mt-^gtit&b iipprochait oeoeiMN^t ^e
la DominiqiJL0» ist lê%'im devenait dç plûé e»B fS» toolll;
à 8*^ 16<», le wmtortidâtit en chef ordonna èé *0tr lèf
pour lof par la €aQtre-mar<^e. Les «auses -qui ^avaÎMl
empêché de ypi^ ,^, j>ar mt»^ i'w^miSV te fHHfHper
sigMi^ ienMai«bl tMgottrb. iMuMsi éal 4b Mn» «èrt.
f u|-«e im ïiénïilS^* li^t-ce un voi^mi^^i^
h Are. f outefoiB^ il est «prdtmrble (|W ^m i&Jtai^Tt^ i)0N^
poààiblè cogiiDç )^ i^enûère, ai^riMl; eu m risuïui plas Mr
chstt «uGora, «or ^ellB faisik jpttndriB ttsuis ^ ^rttaMM|
^enSl|4^ î un après Tmite et rispdaijl;;^ ^r dd f «Meiii 1
p«u^^ eurtmii m 4w«»t à ws4sfo«l€fts te thUKêtfHtt^-
teindre les vaisseaux qui n'auraient pas encore co&iuencè
réyolntion, s'ils se touchaient pas ceux auxquels ils ^tl^eii|
f^res^fés. Le v§nt^ en liâl»uat h S.-Ë^ ^ugpeuf^i niT^^|);i4)|^
rite de ^ ligae ; «lie saJiangea beaucoup, et rarmée fran*
faîse se trouva^ pour aiusi 4ire, eu éc))iq]uier« A 11^ 45^^
ramirai Rodoey apercev^uat un inte^vaUie assers iço^iisuii^r
rable entre le dauxième et le troisième v^isçeau du aor|^
4e bataille, fit serrer le vent au Formidabus et, suivi cU^
BiuU'es vaisseaux placés derrière lui» 11 coijij)A la liguje frau-
j^e sur l'avaat du Daufihin-Rùyal hf, f oofusipo ûçvifj^
alors très-grande et des trouées ^ ^re»t m plusieurs eiH
^<Hts$ Favant-garde continua 4e te^a^r .)ç veut bâbo|:4
fwures; les vaisseaux du centr^ ^t, plus tord, ceux de
i'ai^rièiie-^garde 4went laisser anwer iç^ courir largue naiii^
le v€Qt des Anglais. La brise pavait ,pai^ cpssé de xooUir^f-
piW le comnaencement de la bataille et le cakne sprprjit
les 4«ux armées dsuis cette position ; jla (îgimée devint alors
teUement épaisse qu'il fut impossible de pen distinguer :
le fptt discontinua naturellenjient sur la majeure partie 4e
ia ligne. Une petite fraîcheur qui s'éleva de l'Est, vers
l^ âO'^^ dissipa la fumée et jpermit d'apercevoir l'arméis
jfi'ailÇdise divisée en trois grx^pes. )^'^V£^nt-garde était à
quaUie milles au vent et temit le plus près, d'après l'ordre
de son ^bef d'escadre qui, en perdant le vaisseau amiral de
vue, avait répété son dernier signal, celui de serrer le ventf
au lieu de laisser arriver pour le rallier. Les vaisseaux qm
avai^il été coupés étaienjtsous le yent de l'aripée anglaise^
asses bien ralliés, mais généralement dégréés et ep deuic
groupes; ceux du centre serraient le vent bâbord amures j
Jes autres couraient largue. EnJdn, sous le vent, on voyait
le 'Gioritux démâté de tous ses inâts ; la frégate le Bkhmwi
reçut l'ordre d'aller le prendre k ^^ remorque. Le capitrâie
deHortemart largua la remorque, peu de temps après, sur
.le signal q ui lui en fut fait, parce que sa frégate était menacée
d'ôtre écrasée sous le feu de l'ennemi. Dès que les vaisr
sctau^ purent gouverner ^ le commandait es chef fit si^p^l
d^ ralji^ et, ^suite» de rétablir Tordi^ IP^Uif de cqw^\.
114 BATAILLES.— 1782.
Là faiblesse de la brise et les avaries des vaisseaux s'oppo-
sèrent à rexécution de ces signaux ; Tavant-garde continua
à tenir le vent et l'arrière-garde à courir largue; cependant
dès que les vaisseaux de T arrière-garde eurent réparé leurs
principales avaries, ils se rapprochèrent de la VilU-de^
Paris. De ce moment, les Anglais ne s'astreignirent plus à
aucun ordre; ils se portèrent par groupes sur ceux des
vaisseaux français dont l'état semblait leur offrir une vic-
toire facile : la Ville-de-Paris fut enveloppée par derrière,
dans un demi-cercle. Ceux des vaisseaux de l'arrière-garde
qui avaient rallié s'étaient formés en ligne sur l'avant du
vaisseau amiral : dans cette position, leur appui eut peu
d'efficacité. Deux fois déjà le commandant en chef avait
ordonné de diminuer de voiles; à 3^, il signala l'ordre de
bataille les amures à tribord. La majeure partie des vais--
seaux du centre et de l'arrière-garde se conformèrent à ce
signal ; en virant vent devant, ils se formèrent sur le vais-
seau amiral. L'avant-garde qui s'était enfin décidée à laisser
arriver, gouverna vent arrière, malgré les signaux qui lui
furent faits; elle finit cependant par courir parallèlement
à la Ville-de-Paris. L'ordre de tenir le vent donné à A^ 16™,
à 5^ et à 6^ 16", le signal de rallier fait un peu plus tard, ne
purent faire changer de détermination aux capitsdnes des
vaisseaux qui étaient en dehors de la ligne ; tous imitèrent
la manœuvre de l'avant-garde, c'est-à-dire, firent la même
route que la FilIe-de-Pam, mais aucun ne chercha à se
mettre en ligne. Le Triomphant, le Bourgogne, le Langue^
doc^ la Couronne^ le Pluton et le Marseillais furent les seuls
vaisseaux dont la manœuvre dénota l'intention de soutenir
l'amiral. Si leurs capitaines ne le firent pas dans toute l'é-
tendue de leurs pouvoirs, tous les torts ne doivent pas leur
être imputés, car les changements de route de la ViHe-de-
Paris qui embardait à tout moment pour présenter le tra-
vers à chaque vaisseau ennemi qui s'approchait, les tensdent
dans l'indécision sur celle qu'ils devaient suivre et les em-
pêchaient de combiner leurs forces. Quant au chef d'es-
BATAILLES. —^82. 145
cadre de Bougainville, l'enquête à laquelle j'sd emprunté
tous ces détails nous apprend qu'il s'était battu vigoureu-
sement tant qu'il avait eu des ennemis par son travers,
mais que, trop préoccupé de l'état de son propre vaisseau,
il avait cessé de déployer les talents d'un général. Les
avaries des vaisseaux français, probablement plus nom-
breuses et plus graves que celles des vaisseaux anglais,
donnèrent à ceux-ci un avantage qui ne put plus leur être
disputé. Pris de calme par le travers de Tarrière-garde
ennemie, V Hector^ le César et le Citoyen avaient été écra-
sés. Us auraient pu être dégagés par l' avant-garde; mais le
chef de cette escadre s'était borné à faire un signal vague,
celui de porter secours aux vaisseaux qui combattaient en-
core, et personne ne s'approcha d'eux. Le Citoyen parvint
à rallier le corps de bataille. A &^, le César, entièrement
démâté, se pendit au Gemtaur. A 5^ 30"*, Y Hector^ qui
avait lutté contre h vaisseaux ennemis, se rendit au Canada
et à I'Algide. V Ardent et le Glorieux avaient déjà amené
leur pavillon. A 5** 45", les vaisseaux qui s'étaient tenus
jusqu'alors auprès du commandant en chef serrèrent le
vent. Quoique le parti de sauver chacun son vaisseau ait
semblé prévaloir depuis le commencement de cette affaire,
ce fut seulement à cette heure que ce parti fut pris. Un
quart d'heure plus tard, la Ville-de-Paris, combattu dans
ce moment par les vaisseaux Barfleur et Canada, amena
aussi son pavillon ; ce vaisseau ne gouvernait plus, et il
fallut le prendre à la remorque. Le César sauta en l'air
à 10** du soir : 400 Français et 50 Anglais furent victimes
de cet accident dont la cause est restée ignorée. Le Glo-
rieux était en si mauvais état, que les Anglais le livrèrent
aux flammes.
La bataille du 12 avril, à laquelle on a donné le nom de
bataille de la Dominique, est un événement si considéra-
ble dans l'histoire maritime de notre pays, que j'ajouterai
quelques obsei*vations à la relation que je viens de don
ner. Et d'abord, le lieutenant général de Grasse de-
U. 10
i4a BATAILLES. — 17831.
yait-il se borner à un simple engagement le 9 ? Le Gonseil
de marine dont j'ai déjà parlé, estima que la eombi*
nation de s'en tenir à ne faire donner qu'une partie de
noire armée^ peut être considérée comme un trait de pru^
dênce de la part du général^ que pouvaient lui indiquer lei
projets ultérieurs de la campagne. A cela il n'y a qu'une
chose à dire : c'est que le lieutenant général de Grasse
avait la certitude que l'armée anglaise serait, pendant uû
temps plus ou moins long , dans l'impossibilité de se por-^
ter au secours des 16 vaisseaux qui , seuls , étaient en é»-*
iiors de la zone des calmes et des folles brises; et il eût
moins compromis son armée en ordonnant une chasde gé^
nérale, qu'en faisant poursuivre et attaquer l'ennemi par
tlne seule escadre. Quant au Zélé et à ÏAugustel ces deux
vaisseaux pouvaient imiter le mouvement général ; èt^ si
cette manoeuvre présentait des inconvénients^ pousséâ qu'ils
seraient par la brise fraîche du canal , alors que tous les
vaisseaux ennemis étaient en calme sous la Dominique, on
en retraite devant l'armée française, ces deux vaisseaux
avaient peu à craindre d'être atteints avant d'être en posa*
tion de pouvoir demander protection à quelque batterie
française. Mais, si le Conseil ne blâma pas la manœuvre du
lieutenant général de Grasse dans cette circonstance, il
n'approuva pas la conduite que cet officier général tint
pendant la journée du 12 avril. Il émit l'opinion que la po-
sition du Zélé ne rendait pas la manœuvre qui fut faite in-
dispensable; ce vaisseau était tellement au vent de l' armées
anglaise que, quand les vaisseaux ennemis levèrent la
chasse, une distance de 5 milles les séparait encore. La
difTérence dans la force du vent lui donnait, en effet, de
grandes chances de pouvoir éviter le combat : il ftvût
bonne brise au milieu du canal, et la masse des Anglais était
encore sous l'influence des calmes et des folles brises de
te Dominique. Remorqué par YAstréei le Zélé filait de cinq
à six nœuds, et il moailla à la Basse-Terre à 10^ du matin.
DMs tous les cas, il était inutile de coiitântie^ à tourîr
BATAILLES. — 4782. 141
grand largue du moment que Tennemi avait kTô la chasfte^
et, pout* cotnmencér le combat, il eût été prudent fl'atten^
dfe que tous les vaisseaux eussent rallié et que la ligne fti
con?enablemeut formée. Lé Cotiseil déclara aussi qu'il sttt
été {préférable de {>renâre les amures à tribdrâ |iaro6 quei
eit eourtot à contre-bord des Anglais^ le éommindant es
chef boriduisait èes vaisseaux dans la liofue d^ brises vir
riables et des calmes.
Voyons maintenant le rôle que chaque vaièseau jbu» ikë^
liment dans la journée du 12 atril.
L'Hêrmle^ qui se trouvait beaucoup 9^ vent dé Tsmiis
lorsque le commandant en chef fit signal de laisèer porter^
ne put arriver ateez à teihps poul* f)renâre son peste Bk
resta au vent dé la ligné. II était 7*" kè^^ lorsque te dapk»
talne Ghadeau de Laclochetèrie fit corotnefafeer k iilep iur
le quaiHëme Vaiëseau ennemi. Une ti^tirë après la fin ébi
l'engagement général, ayant aperçiu la Vilh-it^FaHè soM
le vèat à environ 6 milles, il gouverna sur elle 9 fldûi â
conserva trop de voiles et la dépassa. Blessé mort^lleolii^
le c^)itainé Ghadeau de Isi Glocheterie atait èêé rcnifilâcé
ffa le liérutènant de vaisseau de Goatlés.
Le Nepinûè était également bien ao vêtit leràctu'on laiatà
lyrriter et^ comme VHereUlê ^ il prit position au vbnt; 11
re^t F ordre de laisser arriver davantage et dé forcer de
voiles^ il n'exécuta pas assez ^nctuellefifient cm sigfiâl,
puièqti'il ne put canonner que le quinzième ou lé seisiiifië
vaiss^ni anglais; Le capitaine Rènaiid d'Aleiiii iris plafa
entre YAuguité et le Northnmbertand ^ doiiEâ)iittit à ee
^stè; le soir, il était à plub de 2 tMe& de la Vith^ie-Pkrki
l^ SoUvèraifii arrivé trbp tard pour prendre soil pofitf,
sif plaça et combattit au vent de YAUgustié, quoique sik
tt^ltaine^ le chevalier de Gtandevds^ eti reçu l'ordre du §e
mttre en ligne . Ge fut le seul vsièséau qui 9e hqppicbâ
du César et de V Hector ; mais il m retkà devint dm t&rcA
sapérîeiireâ.
hé POmiêr ne laissa pas an^iver andèa j^romptooMl,
eés deux yiàsseaut à aller relâcher à la Basse-Terre. Les
deux armées louYoyèrent toute la nuit et la journée du len-*
demain entre ht Dominique et les Saintes. Lé S&umfain^
qui s'était échoué en appareillant de là llfartinîque, ralHà
ce jour-là (1). Le 11 « au jour, presque tous les vaisseaux
lhtn(aîs avaient doublé les Saintes!, et il iï*j aurait proba-
blement pas eu d'autre engagétnëllit quef cëltâ de Pavstrt-
veille, si le Magnanime et le Zélé i!re ff'éidUtrit pas trouvés
à une douzaine de milles sous le vent (i) 9 lé démîei' avatît
démâté de son grand mât de hutie pédant la ntdt et s'éùdt
hissé arriérer en le changeant. Al^âè rapnéi-mifi, 7 vdiis<^
seaux anglâïs étaient à 8 milleà daâs les éxdà dé ces vaisr*
seaux. Le dauger était imminent. A 5^, le ôommandaât
en chef donna Tordre de laisser arrfvter pour sbutenîr
les deux Français et protéger en mètùe teimps là retraité
du Jason qui n'avait pas encore atteint H Basse-Tette.
Cette démonstration suffit pour faire prendre aux capitaines
des chasseurs ennemis la détermination dé rallier leur ar-
mée. Malgré ce mouvement d'arrivée, Parrtiée française
était à 12 milles environ au vent des Anglais, au Coucher
*— '^■" " ' ' ' ■■■' ■■ ■ ■ ■■>■■ ■■ 1 1 1.
(1) Le HdBtoBant général de Grasse n'a pas iàil eoBoaitre dans qm\ bnt il
(piiYoya entre la Dominique et les Saintes^ alors qu'il ftQU,yait aa x^p^àii^ à Saint-
D.oniingue sans fatiguer ses yaisseanx et leurs équipages. Les Mtîments qni
toit cie la Martinique à cette lie goiTernent grand tangu» â»r<l. U*" oi à YO.
SA* s'il veulent passer ^ vent diç ViJ« pour atteio4f& 1^. Cap ^ran^a. Il est
donc difficile d'apprécier les motifs qui déterminèrent té cbmidandant en chef à
taoter^ avae 51 taissiais, plosiawfa Mgatet dt cotf^ettBri^ me •■treprise^-«- le
Mssagf au. vent des Ue^ — qui ql^ ^i Q&mt a^ç^n ap;ai)(^« e;. qui est toujours
difficile et fatigante^ même pour un oàtiment isolé. Elle com|^>omettait d*a!ill'eurs
IteoBToi.
(2) Cette distance me parait exagérée. En supposant la Ville-de^Paris sur
ie méridien de Ja Terre- d'en -Bas, la plus orientale dek» Saintes^ cette appré-
«iatkii ptncerait lea dans Toisseaix à trois mittes daas l'ûnest da méfidion da
1% peinte du Vie^x-fort de la Guadeloupejll en résoUe^i^t que le Mag^uminm
et le Zélé qni, avec l^es teiîts régnants (TE. 1/4 N.-E., pouvaient doubler lés
Mntas dn preMior tod. puvque la Tcrref-c|l'e«-Itaiil est daas le N.-N.-€u de
S |a pointe d^s Gapucius de la Dominiquo, so seraient trouvéiB^ après trente -six
heures de Iduvoyage^ moins avancés quMls ne l'étaient le 9 au sdir. La consta-
mpQB^ d0 «fttft ei^iii: indiqua snAsMinMtt qa'il fav( sf» tevûi an gasda. ootitie
Le ta, à S^ ii^ é«i matitti^ te FiN0-â^P<trfii et lé M98V
kefàltettt; e^iui^el eâssa m» bMiq#è 61 éjeii iftftt âe tâh*
flniœikfMjgoieriiirM, eapîtadâ&Lilpérèiaâe, i^utrorâm
iei le piNmâm à ta reàiotqste eiâ$}é e&ûêaifé à k Bâs^ià'
Icfte de ta l)Qâdelo«pe. Lé jow, ra se ftikÉnl, peftuft éê
voir l'armée française r^MUid«e dMs atkittti erdre ènit^ta
Dominique, les Saintes «t KaynthCkJante. Une distance de
trois ^(p;^Q^^^uç%;ii^p9Jifait; la Ville-de-Paris dea y^Uçeaux
qui étaient le pkt* àil veut ; le Zélé et son remer^fuénr flfeuls
étaient à(i^î ti^ î(êQt)) $ ^ ^lilles environ du vàisses^Vi «W^ral-
Plusieurs vaiÉMMx wMmis les cbassaicM, et 'ûb n'-ilaient
pas alors ^ pl\^) éifi «t wIUq^ ^^ leurs eaux, ta positioB
du Zélé était critN(!li(r Le oemioandant en chef fit le sigilAl
de ralliement ^ ep ij^e temps, la Ft7Ie-de-Pari« laissa
arriver au S.-S.-O. y<irdre de se préparer m e^QiMt
suivit îff^é4i4|teij>eRt> Ift prejpçiier signal. Dès que; \^. niou-
tement d'airrivée de If^amée française fat bien prettoncd,
les vaisseaux angt^i/^ I^y^rent la chasse. A 7^" 80", ^ Fiilfr
de-Pafi$^ ëtaift k portée du canon de l'ennemi ; une partie
des vaiss^w r^Y^t ç^Uié : le commandant qiv (Aef fit
signai de serrer le TWt bâbord amures. Sa pensée était de
ranger ^i;^ MP^ m wdre de bataille renversa MllhQipi-
reusement; tae j^réooemAtions qui semblent avoir âiae||é^é le
lieutenant gj^r^l 4^ Qf^sse depuis le moment eii Tam^
anglaise fut fààM\ée^ |«sqrfà celai où le pa^km #e; ta
VillC'de 'Paris fut amené, l'empêchèrent de se rappeler
qu^àujôur, une distance de quatre fieues le sëpâràîl de queT-
qm^ m>ft ite Ms ^ajtjgeajux » fiftib ta BftouMwml îl-atfrîfée
taeap au S.-&«Q. enhissai^l^ aîgpal ée ralfiemeiit) ^m
m w H iw^^. «^ m'f^p^^^^^^j^m ^m^
an Qvdve i^oUer (fnekMriKpie^ Aiasi, lonqoa qirâie m"
putçs glu? tar4, il ordpnn% d% ^^^va^c^^ fe^i^ legs t||â-
seaux n'étaient pas encore tous en position de se aielltt
140 BÂTAILLES,-^1782.
en ligne ,et les derniers formèrent au vent une seconde co*-
lonne qui fut peut-être plus gênante qu'utile et qui ne prit
qu'une part secondaire à la première partie de la bataille.
L'armée anglaise rangée en bataille tribord amures et sous
le vent répondit de suite. La brise soufflait fraîche de l'E.-
l/i-N.-E. dans le canal (1). Voici l'ordre dans lequel les
deux armées étaient rangées ; mais , je le répète , la ligne
française était loin d'être régulière.
ARMÉE FRANÇAISE.
Canons.
' Hercule capitaine Ghadeaa de Laclocheterie.
Neptune — Renaad d'Aleios.
74 Souverain — chevalier de GlandoTès.
Palmier — de Martelly-Chautard.
\ Northumberland — de Sainte-Gésaire.
80 ^ Auguste (2) — de Gastellan.
de BougaioTille^ chef d'escadre.
04 Ardent capitaine de Goiuillon.
' Scipion — comte de Glayel.
Brave — comte d*Amblimont.
74 Citoyen — dllthy.
Hector — de Lavicomté.
i César — yicomte Bernard de Marigny.
70 Dauphin-Royal — comte de Roqnefeuil-Montpéroux.
80 Languedoc — baron d'Ârros d'Argelos.
lOi Ville-de Paris — de Lavilléon.
comte de Grasse^ lieatenant général.
80 Couronne . capitaine Mithon de Genouilly.
6i Éveillé — Le Gardear de Tilly.
i Sceptre — comte de Vandreuil.
Glorieux — yicomte d'Escars.
Diadème — chevalier de Honteclerc.
Destin ^ Domaitz de Goimpy.
Magnanime — comte Le Bègae.
64 Réfléchi — - chevalier de Médioe.
I Conquérant, . , — de Lagrandière.
* 1 Magnifique — de Macarty Macteigae.
(1) Je garantis l'exactitude de toat ce que je rapporte de ce triste épisode^^de
notre histoire maritime. J'ai eu entre les mains le Jugement qui, sur la plainte
portée par le lieutenant général de Grasse^ fut rendu contre les capitaines de
son armée et toutes les pièces qui s'y rapportent, e'est-à-dire les interrogatoires
de ces capitaines et les dépositions des officiers sous leurs ordres. G'est d'après
ces documents contradictoires, déposés aujourd'hui au ministère de la marine,
que je donne la relation de la bataille du iS avril, et de l'engagement qui Ta
précédé.
(S) Le poste du Z^lé était derrière XAugwte; celui du Jqson derrière )e
Çitoifenj
BATAILLES.— 4788. Ul
80 Triomphant — da PaYillon.
marquis de Vaudreuil, chef d'escadre.
7i Bourgogne capitaine cheyalier de Gharitte.
80 Duc-de -Bourgogne (1). . ^ de GhampmartiD.
chevalier Coriolis d'Espinouse, chef d'escadre.
74 Marseillais capitaine de Gastellane Majastre. .
74 Pluton (S) — d'Albert de Rions. *
Frégates : Amazone^ Aimable^ Galaihée, Richmond.
Gorrette : Cérès,
Gôtre : Clairvoyant
ARMÉE ANGLAISE.
Canons.
l Royal oak capitaine Thomas Burnett.
82 ( Alfred — William Bayne.
f MoNTAGU — George Bowen.
72 Yarkouth — Anthony Parry.
80 Yaliant — S. 6. Goodall.
100 Barfleur ^ John Knight.
sir Samuel Hood, yice-amiral.
i MoMARCH capitaine Francis Reynolds.
l Warrior — sir James Wallace.
78 Belliqucus — Alexander Sutherland.
i Gentaur — John Inglefield.
i Magnificent -— Robert Linzee.
72 Prince William — George Wilkinson.
ÎBedford — Thomas Grave.
Edmund Affleck, comroodore.
Ajax capitaine N. Gbarringtou.
72 Repulse — Thomas Dumaresq.
82 Ganada. . — honorable William Gornwallis.
72 Saint Albans . — Ingles.
100 Namur ~ Robert Fanshaw.
l Formidable. ....... — sir Charles Douglas.
108 I sir G. B. Rodney, amiral.
( Duke . capitaine Allen Gardner.
72 Agamemnon — - Benjamin Galdwell.
82 Résolution. •— lord Robert Manners.
72 Prothée ^ Gharles Buckner.
(1) Le poste da Caton était devant le Duic-de-Bourgogne.
(2) L'amiral Rodney^ dans son rapport, fait entrer à tort dans la composi-
lion de l'armée française : 1** le Jason, le Caton et le Zélé; les avaries de ces
vaisseaux les avaient obligés de relâcher à la Guadelonpe. 2* VExperiment et
le Sagittaire; ces deux vaisseaux avaient suivi le convoi à la Basse-Terre.
3° Le Saint-Esprit, le Bien^Aiméy le Minotaure et le Fier; le premier de ces
vaisseaux n'était pas sorti de Fort-Royal; le second était à Brest; les deux
autres étaient retournés en France au mois de décembre de Tannée- précédente.
L'armée navale de France n'était donc réellement que de 50 vaisseaux et non
de 39, comme le dit Tamiral anglais. M. de Lapeyrouse (a) se rapproche da-
vantage de la vérité; il est toutefois dans Terreur en disant que Tannée fran-
çaise comptait 31 vaisseaux.
(a) Biit9ir9 d9 la marint fran^aift.
4ip Bi^II,L».-..fiWi,
Si Hercules. . . . ^ . . • , . — Heoiy Savage.
72 ÀMEiucà. •. ^ ..... ^ — Sainuel tliompson.
70 ftussEu.. f ^ ^ f, » f , f f -t- James Saumarec.
7a PRUDEiSr. ..,...,», — AnarfW ^f^»
tt FiJtpi. .. . , ^ . . . r ^ f . ^ JE^obert Barber.
fk ANS(^. . ^ ^ .,.««» ^ «-• William Blair.
sa ToRBAT. . ) . I , ,. • t • « *^ Jobb Gidoin.'
lOS Prince George. . . ^ ^^ ^ > — ^ .j^pi^ ^^^^^9$^
70 Princessa. ...'•..'.. — imarles KnatimDojll.
Samuel Drake, coDtre-aB|if;9|,
sa GoNauEROR capitaine George Balfoùr.
72 NoNsucH '. ii Wlliam TruscoU.
iÀLciDE. . . ^ . ^ ^ . p ^ |i — Charles Thompsii^p.
Arrogant. , ^ . » , , ^ ^ — Samuel CoirDisn.
MARLBOROudft. ....... — Tayldr Penny."
Frégates : Zébra, Cjyk|})lt);$[. Xi!àcTO, Endymion, Alarm^ A^^^ft
Flora, %mL, Tmton, Eurydice.
Le lieut^tp^n^t îj^niaU 4ê (km^e ne tarda pas à s^aper-
cevoir qu'il ^iMx se troûtertm e&lme sous la ietté^ ^é^^"^
mier vais^^ 4^ Ttav^t-gaide enuemie étail à peioe
arrivé à la ha«ifèti¥' U^ ijern?er vaisseau de rafvMt*|;^uf«b
française, qi^'H ipi:iâ4)^a de virer 16{ pâor ml leitt à àa
fois. La prorifftfté ijtes deux lignes, dont ia l9^i^
variait de là portée ^e fusil & la portée de la ouutnille,
rendait cette ))iiaieiœuvre jimpossible. L'étendue 4è |i^ ligjiife
et f épaisseur de la fumée empêchèrent d'aîlkiirs :Â^pw-
cevoir le signtâ, ^ Hl)^ fut pas exécuté, Inen ^ ue fë JPXi^lcMr,
serre-file dé % ffoXoxim^ Q^t >r^u l'ordre de commebotr
le mouvement iJ^hiA,'-gw&b approchait cepeiMMli^t ^e
la DominiqiJL^ fà lk.%^ devenait d^ plu9 m |^ 'ipolli;
à 8^ lô"*, le wtaitawifdatit en chef 'ordonna êé *^r Ibf
pour lof ^par la contre-^fflardie. Les «auses -qui -avaîMt
empêché de ypif i^^ pair siûjt^, 4'»émlM^ k l^^mifàr
sigMii teMÉtaftwit twigotifb. «MoHcil 'eut ib Mn» Mn.
fkt'î;» m ¥^qIi%<» M-ce un wi^imt^^isi^ WiiçÊi^i$
le «Are. 9oatefo«K il e^ |ir(>biEMe i|M ^^ inmaati^v ^
poààible coHQmç U première, a^rfMl; $a m rA^ndbtat pto tir
dwtt «uGora, «ar •eH» faisait wraAtie twrs |bs ^ntoSM^^
^enjU^Q tun après TaiiH,9;e et rèo^ai^ite ^r âf f«MèiiA.|
pra^^ c«vtim»m4mna!aMàWàMttl€fts1i^
teindre les vaisseaux qui n'auraient pas encore coiÉbiueàcè
révolntioQ, s'ils se touchaient pas ceux auxquels ils étiieul
i^rassés. Le vmt^ en faâlAfit h S.-Em ^ugpieufa riiT^ipi)^-
rïté de la ligae ; elle s'allongea beaucoup, et Tannée fran*
çaise se trouva, pour ainsi dire, en écjiiquler. A 11^ 45^^
l'amirai Rodaey apercevant un intervaDiB assers «ço^idi^r
rable entre le deuxième et le troisième vaisseau 4u coiy^
de bataille, fit serrer le vent au Formidabus et, suivi i^
autres vaisseaux placés derrière lui* il coijq)a la lign/e fran-
j^e sur l'avant du DcAiphin-Royal Lf, ponfusipn dçni^
alors très-grande et des trouées ^ ^reot en plusieurs en-
droits; Tavsmt-garde continuai 4e t&iir h vent bâbord
^tmures; les vaisseaux du centre ^t, plus tard, ceux de
rarrîëFe->garâe durent laisser animer ^ courir largue iqi^
le vent des Anglsûs. La brise n>vait pa^ içessé de mollir diç-
pui^ le commencement de la bataille et le calme siirprjll;
les deux armées dsms cette position ; }a l^mée devint alors
tdlement épaisse qu'il fut impossible de rien distinguer :
le feu discontinua natureUen;ient sur la majeure partie de
la ligne. Une petite fraîcheur qui s'éleva de l'Est, vers
l'' 30'", dissipa la fumée et .permit d'apercevoir l'armée
française divisée en trois grxHip^s. (l'iivs^nt-garde était à
quatre milles au vent et tenait le plus près, d'après l'ordre
de son chef d'escadre qui, en perdant le vaisseau amiral de
vue, avait répété son dernier signal, celui de serrer le vent^
au lieu de laisser arriver pour le rallier. Les vaisseaux qm
avaieat été coupés étsûent sous le yent de l'aripée anglaise^
assez bien ralliés, mais rgénéralement dégréés et ep deui:
groupes ; ceux du centre serra,ient le vent bâbord amures ;
les autres couraient largue. Enfin, sous le vent, on voyait
le Glorieux démâté de tous ses mâts ; la frégate le BkhmùfikA
reçut l'ordre d'aller le prendre ^ la remorque. Le capitaine
de Mortemart largua la remorque, peu de temps après, siu*
le signal qui lui en fut fait, parce que sa frégate était menacée
d'être écrasée sous le feu de l'ennenii. Dès que les vaisr
seaux purent gouverner^ le commandant en chef fit siçp^i
de raUier et, ensuite, de rétablir l'ordre priipitif de cqw^\.
il4 BATAILLES. — i7S2.
La faiblesse de la brise et les avaries des vaisseaux s'oppo-
sèrent à Texécution de ces signaux ; Tavant-garde continua
à tenir le vent et l'arrière-garde à courir largue; cependant
dès que les vaisseaux de l'arrière-garde eurent répû*é leurs
principales avaries, ils se rapprochèrent de la Ftife-de-
Paris. De ce moment, les Anglais ne s'astreignirent plus à
aucun ordre; ils se portèrent par groupes sur ceux des
vûsseaux français dont l'état semblait leur offrir une vic^
toire facile : la Ville-de-Paris fut enveloppée par derrière,
dans un demi-cercle* Ceux des vaisseaux de l'arrière-garde
qui avaient rallié s'étaient formés en ligne sur l'avant du
vaisseau amiral : dans cette position, leur appui eut peu
d'efficacité. Deux fois déjà le commandant en chef avait
ordonné de diminuer de voiles; à 3^, il signala l'ordre de
bataille les amures à tribord. La majeure partie des vais^
seaux du centre et de l'arrière-garde se conformèrent à ce
signal ; en virant vent devant, ils se formèrent sur le vais-
seau amiral. L'avant-garde qui s'était enfin décidée à laisser
arriver, gouverna vent arrière, malgré les signaux qui lui
furent faits; elle finit cependant par courir parallèlement
à la Ftl/e-de-Paris. L'ordre détenir le vent donné à &*'15'",
à 5^ et à 6*" 16", le signal de rallier fait un peu plus tard, ne
purent faire changer de détermination aux capitsdnes des
vaisseaux qui étaient en dehors de la ligne ; tous imitèrent
la manœuvre de l'avant-garde, c'est-à-dire, firent la même
route que la Fille-de-Pam, mais aucun ne chercha à S6
mettre en ligne. Le Triomphant, le Bourgogne, le Langue--
doc, la Couronne, le Pluton et le Marseillais furent les seuls
vaisseaux dont la manœuvre dénota l'intention de soutenir
l'amiral. Si leurs capitaines ne le firent pas dans toute l'é-
tendue de leurs pouvoirs, tous les torts ne doivent pas leur
être imputés, car les changements de route de la Fi/b-de-
Paris qui embardait à tout moment pour présenter le tra-
vers à chaque vaisseau ennemi qui s'approchait, les tenaient
dans l'indécision sur celle qu'ils devaient suivre et les em-
pêchaient de combiner leurs forces. Quant au chef d'es-
BATAILLES. — ^782. 145
cadre de Bougainville, Tenquête à laquelle j'ai emprunté
tous ces détails nous apprend qu'il s'était battu vigoureu-
sement tant qu'il avait eu des ennemis par son travers,
mais que, trop préoccupé de l'état de son propre vaisseau,
il avait cessé de déployer les talents d'un général. Les
avaries des vaisseaux français, probablement plus nom-
breuses et plus graves que celles des vaisseaux anglais,
donnèrent à ceux-ci un avantage qui ne put plus leur être
disputé. Pris de calme par le travers de Tarrière-garde
ennemie, V Hector^ le César et le Citoyen avaient été écra-
sés. Us auraient pu être dégagés par l' avant-garde ; mais le
chef de cette escadre s'était borné à faire un signal vague,
celui de porter secours aux vaisseaux qui combattaient en-,
core, et personne ne s'approcha d'eux. Le Citoyen parvint
à rallier le corps de bataille. Ai**, le César, entièrement
démâté, se pendit au Cemtàur. A 5** 30"*, Y Hector^ qui
avait lutté contre k vaisseaux ennemis, se rendit au Canada
et à I'Algide. V Ardent et le Glorieux avaient déjà amené
leur pavillon. A 5** 45", les vaisseaux qui s'étaient tenus
jusqu'alors auprès du commandant en chef serrèrent le
vent. Quoique le parti de sauver chacun son vaisseau ait
semblé prévaloir depuis le commencement de cette affaire,
ce fut seulement à cette heure que ce parti fut pris. Un
quart d'heure plus tard, la Ville-de-PariSy combattu dans
ce moment par les vaisseaux Barfleur et Canada, amena
aussi son pavillon ; ce vaisseau ne gouvernait plus, et il
fallut le prendre à la remorque. Le César sauta en l'air
îi 10** du soir : 400 Français et 50 Anglais furent victimes
de cet accident dont la cause est restée ignorée. Le Glo-
rieux était en si mauvais état, que les Anglais le livrèrent
aux flammes.
La bataille du 12 avril, à laquelle on a donné le nom de
bataille de la Dominique, est un événement si considéra-
ble dans l'histoire maritime de notre pays, que j'ajouterai
quelques obseiTations à la relation que je viens de don
ner. Et d'abord, le lieutenant général de Grasse de-
II. 10
i46 BATAILLES. — 1782.
yfûilAl se borner à un simple engagement le 9 ? Le Conseil
de marine dont j'ai déjà parlé, estima que la eombi'
naiêon de s'en tenir à ne faire donner qu'une partie de
noire armée, peut être considérée comme un trait de pni*
dénce de la pari du général, que pouvaient lui indiquer leà
projets ultérieurs de la campagne. A cela il n'y a qu'une
chose à dire : c'est que le lieutenant général de Grasse
avait la certitude que l'armée anglaise serait, pendant nii
temps plus ou moins long, dans l'impossibilité de se por^
ter au secours des 16 vaisseaux qui , seuls , étaient en da^
faors de la zone des calmes et des folles brises ; et il eût
moins compromis son armée en ordonnant une chasâe gé^
nérale, qu'en faisant poursuivre et attaquer l'ennemi par
tine seule escadre. Quant au Zélé et à YAugustel ces deux
vaisseaux pouvaient imiter le mouvement général ; èt^ si
cette manceuvre présentait des inconvénients^ poussés qu'ik
seraient par la brise fraîche du canal , alors que tous les
vaisseaux ennemis étaient en calme sous la Dominique, on
en retraite devant l'armée française, ces deux vaisseaux
avaient peu à craindre d'être atteints avant d'être en posi«
tion de pouvoir demander protection à quelque batterie
française. Mais, si le Conseil ne blâma pas la manœuvre du
lieutenant général de Grasse dans cette circonstance, il
n'approuva pas la conduite que cet officier général tint
pendant la journée du 12 avril. Il émit l'opinion que la po-
sition du Zélé ne rendait pas la manœuvre qui fut faite in-
dispensable; ce vaisseau était tellement au vent del'arméfî
anglaise que, quand les vaisseaux ennemis levèrent la
chasse, une distance de 5 milles les séparait encore. La
différence dans la force du vent lui donnait, en effet, de
grandes chances de pouvoir éviter le combat : il àvût
bonne brise au milieu du canal, et la masse dés Anglais était
encore sous l'influence des calmes et des folles brises de
te Dominique. Remorqué par YAstréei le Zilè filait de cinq
à six nœuds, et il mmilla à la Basse-Terre à 10^ du matin.
Bms tous les cas, il était intitile de coiilîntief à èourir
BATAILLES. — n82. iH
grand largue du moment que l'ennemi avait letô la chas&e^
et, pout* cotnmencer le combat, il eût été prudent â'atten^
dte qtie tous les vaisseaux eussent rallié et que la ligne fiit
Gonyenablemeut formée. Lé Cotiseil déclara anasi qu'il efti
été t)réf érable de prendre les amures à tribdrâ |iaroe que^
en courant à contre-bord des Anglais^ le éomaiindaal en
chef bonduisait ées vaisseaux dans la Éone deë brises va^
riables et des calmes.
Voyons maintenant le rôle que obâque vaiteesu jbiRi iiië^
léraent dans la journée du 12 atriL
L'Hereulei qui se trouvait beaucoup i^ vent dé raraïAs
lorsque le commandant en chef fit signal de laisèer porter^
ne put arriver aésez à teitipsi poui* preDdre son pesté et
resta au vent dé la ligné. II était 7*" ftS""^ lorsque Id di^
taine Chadeau de Laclochetérie fit Comtoeèeer ft tîirer iur
le quathème Vaisseau ennemi. Une ^tire après la fin éhi
l'engagement général, ayant aperçu la Vilk-it^PaHè «séà
le vent à environ 6 milles, il gouverna sur elle) niais fl
conserva trop de voiles et la dépassa. Blessé mort^Ileoiéi^
le capitaine Ghadeas de lai Glooheterie atait éèé reiil{ilicé
p&o* le lieutenant de vaisseau de Goatiès.
Le Neftufiè était également bien ati vetft leràiïu'on laissft
mriter et^ comme YHereulê ^ il prit position au tënt II
re^t Tordre de laisser arriver davantage et dé foreer et
voiles^ il n'exécuta pas assez ^onctuellesoieiit oe n|[^,
puisqu'il ne put canonner que le ({uinnëme ou lé seiiiMËè
vaisseau anglais. Le capitaine Renaud d'iUeiitt ife plafa
entre VAugmté et le Northumbm'tand et éonri)«ttit à es
poste ; le soir, il était à plulr de 2 milles de la nUè^de-^Pkriti
Le Souverain i arrivé trbp tard pcrur prendre soil posië,
se plaçai et combattit au vent de VAugustié, qtmque slii
(capitaine^ le chevalier de Glandevds^ eût reçurordre As is
mettre en ligne . Ge fut le seul vaisseau qui Se h^p^icbâ
du César et de Y Hector ; mais il m n^à âsvânS dm fercsè
supérieures.
Le Palmier ne laissa pas ai^v^ assès lirônÉptesasM,
148 BATAILLES. — 4782.
et fut le quatrième des vaisseaux qui formèrent une se-
conde ligne au vent. Plus tard le capitaine de Martelly
Çhautard se laissa culer derrière Y Ardent et combattit
quelque temps à ce poste. A 10^, il passa devant ce vais-
seau, sur Tordre verbal qui lui fut donné par le chef d'es-
cadre de Bougainville, parce qu'il tirait dans la mâture de
Y Auguste ; il aborda ce dernier vaisseau lorsque la brise
tomba. Dès que la fumée fut dissipée, il signala être hors
d'état de combattre ; il ne lui restait en effet que fort peu de
munitions, et il en demanda au premier vaisseau qui passa
auprès de lui. Séparé de l'armée par plusieurs vaisseaux
ennemis, le Palmier fut obligé de gouverner sur bâbord,
quoique cette route l'éloignât de l'amiral. Il eut bientôt à
combattre deux vaissseaux qui l'abandonnèrent.
Le Northumberland combattit à son poste et suivit les
mouvements de Y Auguste. Le capitaine de Saint-Gésaire,
blessé à mort, fut remplacé par le lieutenant de Lamettrie ;
et ce dernier ayant été tué, l'enseigne de vaisseau Gombaud
de Roquebrune prit le commandement.
V Auguste soutînt beaucoup dans la passade du matin et,
quoiqu'il ne manquât pas de munitions, à midi il signala
être hors d'état de combattre ; trois quarts d'heure après,
il rendit sa manœuvre indépendante. C'est à ce malheu-
reux signal qu'on peut attribuer le manque d'ensemble des
vaisseaux de l' avant-garde. Au lieu de se diriger sur le
César et Y Hector qui demandaient assistance, le chef d'es-
cadre de Bougainville signala de porter secours aux vais-
seaux qui avaient plusieurs adversaires. Cet ordre vague
ne fut exécuté que par un seul vaisseau, et encore fut*il
bientôt obligé de se replier. A 6\ les avaries de Y Auguste
étaient réparées et il était en état de faire de la voile.
Poursuivi alors par 6 vaisseaux ennemis, il ne put rallier
la Ville'de'Paris et il était à 5 milles sous le vent lorsque
le vaisseau amiral amena.
Le Zélé était le serre-file de Y Auguste dans l'ordre ren-
versé. ÏJà, difficulté avec laquelle ce vaisseau évoluait lui
BATAILLES. — 1782. 149
avail fait aborder le Jason pendant la nuit du 10. Cepen-
dant cet abordage n'aurait pas eu lieu si le capitaine de
Gras*Préville n'avait pas commencé son mouvement aussi-
tôt que le signal de virer tout à la fois avait été en l'air.
Son abordage avec la Ville-de-Paris^ la nuit suivante, fut
encore occasionné par une fausse interprétation de la tac-
tique. S'inquiétant peu du signal de virer tout à la fois qui
était fait dans le but de tenir constamment tous les vais-
seaux au même bord, le capitaine Préville ne songeait
qu'à s'élever au vent; et, quoique bâbord amures lorsqu'il
croisa la Ville-de-Paris^ il ne laissa pas arriver pour l'évi-
ter. Le Zélé démâta de son mât d'artimon et de son ipât de
beaupré dans ce nouvel abordage. Malgré les efforts de
ÏAstrée qui l'avait pris de suite à la remorque, il tomba
sous le vent. Chassé, au jour, par une division de l'armée
anglaise, il fut, comme on l'a vu, la cause de la bataille
qui fut livrée.
Le poste de Y Ardent^ par l'absence du Zélé, était der-
rière r^luâ^uste; le capitaine de Gouzillon s'y maintint jus-
qu'à 10^ ; le Palmier vint alors s'interposer entre eux.
Lorsque, après le combat, Y Ardent voulut arriver pour
rallier la Ville-de-Paris ^ il fut coupé et attaqué par quatre
vaisseaux. Sa mauvaise marche laissait à son capitaine
peu d'espoir d'échapper à l'ennemi, et il vit bientôt qu'il
ne devait compter sur aucun secours. Cet isolement démo^-
ralisa promptement l'équipage. Canonné à portée de pistolet
par le vaisseau Monargh, Y Ardent se borna à riposter par
une volée et amena son pavillon.
Le Scipion se maintint constamment .à son poste; le
capitaine de Clavel suivit les mouvements de son chef
d'escadre.
Le 12 au jour, le Brave reçut Tordre de passer à poupe
de l'amiral qui comptait lui faire prendre le ZéJé à la re-
morque. Le capitaine d'Amblimont ne vit probablement
pas ce signal, car il ne l'exécuta pas Lorsque le vent rer
fusa pendant la bataille, le Scipion mit le Brave dans Vo-
iëO BATAILLES. ^ 178S.
Uil^pktion de l&ifieer «rriver pour n'être pte abordé éL de
p^eëdré I«8 amures à Vautre bord pour retouroer à sm
]^te. Bu parcourant la ligne au veut, il tira dans les iâi-
t'ê^all^a dès vaisseaux et en inquiéta plusieurs, notampieftt;
VMeetor. A la un du jour, le Bra^^e était à 096 portée et
deianie de eanoa de la Ville-de-Paris.
Le capitaine d'Bthy, du Citoyen^ ne suivit ppis son esça^
dre lorsque la ligne fut coupée ; il resta combattre auprte
àeVHettar et du César jusqu^à S^ 30">, etn^abandonna eei
vaisseaux qu'après avoir acquis la certitude qu'il ne serait
pas soutenu. A 6^, il était à une portée de fosil de la
filk-de-ParU. De tous les vaisseaux de l'avant-garde, le
Citoyen fut le dernier à cesser le feu et malgré cela, il fut
un des vaispeaux qui se tinrent le plus près de l'amiiaL
Le ^apiudne d^Ediy était Messe*
Le Jaêon, abordé par le Zélé dans la nuit du 10, (nit
quelques voiles déchirées et tomba sous le vent; le capî^
talàe islievalie^ Couète de Villages fit route diree^enient
p^r la Guadeloupe et relicfaa à la B^se-^Terre.
Séparé de son escadre lorsque la ligne fut coupée, et (|e
trouvant dès lors l'avant-dernier vaisseau de Tftvanti'gaFda,
VBectoiF eut à soutenir le feu de la majeure partie des vais-
seaux ennemis qui traversaient la ligne. Puis, resté de l^ar-
rière parce que ses avaries le rendaient incapable de miivrp
eetle avant-garde, il fut attaqué par plusieurs vaisseaui an-
glais. Après la^léfense la plus honorable, le lientepantde
^ssean Beaumanoir qui avait remplacé le capitaine dn
Lavicomté, tué pendant le combat , fit amener le pavillon.
Le Cémr^ déjà fort maltraité lorsque la ligne fut coupée
sar son arrière ^ devenu serre-file de Tavant^garde , fat
écrasé par la partie de T armée anglaise qui prolongeait
nette avant*garde à contre-^bord. Il réussit cependant à
rallier le Citoyen qui avait mis en travers pour l'attendre ;
mais, attaqué par un nouveau groupe de vaisseaux enne-
mis, il fiit abandonné. Le capitaine Bernard de Marign^
était Meseé mortellement, Le capitaine de vaiaeean Lanb,
BATAILLES.— 4782. 151
qui ayait pris le commandement, se défendit avçc la plus
grande valeur jusqu'à l'entier épuisement des munitions d|i
César : le pavillon fut alors amené.
Le ^at«p^m-/{ot/âI masqua lorsque le vent refusa dans là
matinée. Deux vaisseaux ennemis le combattirent et l'abat^
donnèrent après trois quarts d'heure. Il p,llail se porter en
aide au Glorieux lorsqu'il aperçut le signal fait à la fré-
gate la Richmond de prendre ce vaisseau à la remorque.
Le capitaine de Montpéroux se dirigea alors sur la Ville^
de-Paris et se plaça à quatre encablures sur son avant
Quand on prit les amures à tribord, il se trouva entre l'a-r
vant-garde, alors à 3 milles sous le vent, et les vaisseaux
qui combattaient près de l'amiral. Le Dauphin-Royal ne
s'éloigna qu'à la nuit pour suivre le chef d- escadre de Vau-
dreuil.
Le Languedoc se tint constamment auprès de la Ville-dê-
Paris dont il était le matelot d'avant et, dans l'après-midi,
il fut attaqué avant le vaisseau amiral. Lorsque l'ordre de
se former en bataille tribord amures fut donné , le capi-
taine baron d'Arros d'Argelos dépassa la Villé-de-Paris et
se plaça à sa gauche; son vaisseau ne cessa de combattre
que quand le Triomphant fit signal de forcer de voiles
et de lé suivre. Deux vaisseaux le séparaient alors de
l'amiral.
Lorsque le vaisseau la Ville-de-Paris cessa d'être canonfié
par-dessous le vent, c'est-à-dire à 11^ 80*, il laissa arriver
j)our combattre deux vaisseaux anglais qui étaient séparésde
leur armée ; après moins de deux heures il était entièrement
dégréé et presque hors d'état de gouverner. Le mouvement
d'arrivée de Tamiral avait été imité par plusieurs vaisseaux
français, et bientôt tout le corps de bataille gouverna sur
l'arrière-garde qui était sous le vent. Après un court mo-
ment de répit, la Ville-de-Paris fut attaqué par 2 autres
vaisseaux anglais ; à 5^, ce vaisseau en combattait 9 : tous
les efforts de Tennemi se concentraient sur le trois-ponts
français. I^heu^eusement» kmanœuvredeFamiral pendant
152 BATAILLES. — n82,
toute raprës-midi, ses arrivées et ses oloffées continuelles
pour découvrir les vaisseaux qui le combattaient, rendirent
le ralliement fort difficile et la formation de Tordre de batdlle
impossible. Placé, plusieurs fois, à portée de voix de quel-
ques-uns des vaisseaux de son armée, le lieutenant général
de Grasse ne songea pas à se faire donner la remorque, ou
plutôt, il n'en voulut pas, car il refusa celle que le capi-
taine du Pluton lui offrit. Il ne songea pas davantage à pas-
ser sur un autre vaisseau. Jugeant enfin une plus longue
résistance impossible et voulant, en fixant l'attention de
l'ennemi, l'empêcher de continuer sa poursuite, il ordonna
au capitaine de Lavilléon d'amener le pavillon : il était
Q^ 30"».
A 4** 15", la Couronne était à portée de voix delà Vilk-
de-Paris. Sur Tordre verbal du commandant en chef, le
capitaine Mithon de Genouilly se plaça par sa hanche de
tribord, mais il rfy resta pas. Après avoir mis en travers
et envoyé une volée aux vaisseaux anglais les plus rappro-
chés, il augmenta de voiles, précisément au moment où le
vaisseau amiral était attaqué, et il le dépassa tellement, qu'il
lui fallut mettre de nouveau en panne. Lorsque la Ville-de-
Paris amena, la Couronne était à 2 milles sur son avant.
V Éveillé souffrit beaucoup dans sa mâture et ne put
imiter la manœuvre de la Ville-de-Paris. Le capitaine Le
Gardeur de Tilly fit signal d'incommodités, puis celui d'être
hors d'état de combattre, lorsque le commandant en chef
ordonna de reformer la ligne. Il laissa arriver dès qu'il
n'eut plus d'ennemis par le travers et rallia Tarriëre-garde.
Le Sceptre masqua au changement de vent et abattit sur
Tautre bord : il signala être hors d'état de combattre
parce que la rupture de quelques manœuvres Tempêchait
d'arriver comme il le désirait. Cette circonstance lui per-
mit de protéger la manœuvre de la Richmond^ lorsque cette
frégate donna la remorque au Glorieux. Mais, parvenu à
orienter, le capitaine de Vaudreuil ne resta pas auprès
d'elle et il dépassa la Ville-de-Paris qui lui fit 8^;nal de di-
BATAILLES. — 1782. 153
minuer de voiles. Il resta toutefois sur l'avant du vaisseau
amiral et se trouva sous le vent, lorsqu'on prit les amures
à tribord. Il était du nombre des vaisseaux les plus sou-
ventés de l'arrière-garde quand la Ft7/e-dc-Pans amena.
Le capitaine vicomte d'Escars, du Glorieux^ fut tué dès le
commencement de la bataille et remplacé par le lieutenant
de vaisseau Trogoff de Kerlessy. A 11** 30™, rasé de tous
ses mâts, le Glorietix cessa de combattre. Le Magnanime
et le Sceptre étaient auprès de lui et au vent; mais il ne
reçut de secours que de la Richmond qui le prit à la re-
morque. Le capitaine de Mortemart fit de vains efforts,
pendant trois quarts d'heure, pour lui faire rallier le gros
de l'armée qui était cependant sous le vent. Profitant de
la fraîcheur qui s'éleva vers 1^ 30°*, plusieurs vaisseaux
anglais se dirigèrent sur le Glorieux, l'entourèrent et
mirent la Richmond dans la nécessité de larguer la re-
morque. Ainsi abandonné, le lieutenant Trogoff fit amener
le pavillon.
Lorsque le vent refusa, le Diadème masqua et prit les
amures à l'autre bord; le vide qu'il laissa dans la ligne
servit de passage à plusieurs vaisseaux anglais. De 1** à 5^,
le chevalier de Monteclerc combattit sans interruption des
pelotons de vaisseaux ennemis et il se tint auprès du rrtom-
phant jusqu'au moment où l'on prit les amures à tribord,
mouvement qu'il n'exécuta pas de suite. Serre-file de son
escadre, après cette évolution, ce vaisseau ne put pas se
maintenir à son poste; il était toujours de l'avant, quoique
sa voilure eût été réduite autant qu'il était possible de
le faire.
A lis le Destin fit signal d'incommodités et cessa de
tirer pour réparer ses avaries. Le capitaine Dumaitz de
Goimpy suivit les mouvements de son escadre ; il était ce-
pendant à 3 milles sous le vent de la Ville-de-Paris au
coucher du soleil.
Après avoir essuyé le feu de l'avant-garde et celui d'une
partie du corps de bataille ennemis, le Magr^nimp W^
t54 BATAILLES.— 1782.
à combattre bord à bord, lorsque le vent changea, 2 trois-
pontB placés, l'un à tribord et l'autre à bâbord. A 10* 80*,
le feu ayant cessé à l' arrière-garde, ce vaisseau signala
être hors d'état de combattre /et son capitaine demanda
des ordres à celui du Destin. Celui-ci répondit qu'il ne pen-
sait pas qu'il y eût lieu de se séparer, et il promit au ca-
pitaine Le Bègue son appui le plus absolu. Oanonné par
h nouveaux vaisseaux anglais, le Magnanime fit route pour
rallier le Triomphant et dépassa ce vaisseau d'un mille. Le
capitaine Le Bègue était blessé.
Après la passade du matin, le Réfléchi se trouva à A ou
5 milles sous le vent de la Ville-de-Pari^j sans que per^pni|e
pût dire comment cela était arrivé ; le capitaine dp Méçlinp
était blessé. Cq vaisseau fut un de ceux qui §e rapprochè-
rent et se formèrent sur l'avant de l'amiral, Içrsque la troi-
*
sième escadre vira de bord ; sa mauvaise piarche ne lui
permit cependant pas d'arriver en même temps que les au-
tres. A la nuit, son chef d'escadre lui donna l'ordre de le
suivre.
Le capitaine dQ Lp.grandière, du Conquérant^ se maiQti()t
CQpst^mipepj) à SQQ poste et suivit les mouyemçnts A^ son
c^çf d'çsca^rfi.
t» Magnifique, capitaine Macarty Macteigue, combattit
également à son poste ; ce vaisseau fut un de ceux qui se
tiarept le pl»s près de l'amiral.
Lorsque, vers l*" 30» de Taprès-midî, la fumée se dis-
sipa, le Triomphant était un peu sous le vent et par la
hanche de la Ville-de-Paris. Le chef d'escadre de Vaudreuil
manœuvra de la manière la plus convenable : non-seule-
ment il rallia les vaisseaux de son escadre auprès de celui
du commandant en chef, mais, prévoyant les préoccupa-
tions de celui-ci, il adsuma la responsabilité d'ordres qu'il
donna à la troisième escadre, ordres qui furent approuvés
par le lieutenant général de Grasse, car son vaisseau les
répéta. Un seul vaisseau séparait le Triomphant de la ViUe'^
BATAILLES. — 1782. 155
dC'-Paris^ lorsque celui-ci amena son pavillou : le capitaine
Du Pavillon avait été tué.
La conduite que le capitaine de Gharitte, du Bour-
gogncy tint pendant le combat, reçut Tapprobation géné-
rale. A ô'' 30"", il était à moins d'un mille sous le vent de
la Ville-de- Paris ; et quand l'arrière-garde eut viré, son
vsûsseau fut celui qui se tînt le plus près de T amiral.
Le 10 au matin, le Caton^ qui était souventé, deiïtanda
des secours; on lui envoya une frégate. IWalgré cela, le ca-
pitaine comte de Framond relâcha la nuit suivante à la
Basse-Terre de la Guadeloupe, sans y avoir été autorisé.
Lorsque, le 12 au matin, le commandant en chef fit le
signal de laisser arriver et de serrer Fennemî au feu, le
Bue-de-Bourgogne courut si longtemps au S.-O., qu'il se
trouva tout d'abord sous le vent de la ligne ; il vira vent
arrière pour y rentrer et arriva au poste de serre-file lorsque
le premier vaisseau de l'armée anglaise parvenait à cette
hauteur. Dans cette position, il essuya le feu de plusieurs
vaisseaux ennemis et, pour reprendre sa place, il passa
au vent du Pluton et aborda le Bourgogne, Quand il fut
dégagé, il laissa arriver, et la crainte de voir tomber sa
mâture, qui était fort endommagée, détermina son capi-
taine à courir vent arrière toute 1- après-midi ; il établit
même une bonnette basse. Il avait signalé des avaries de
mâture irréparables à la mer; le chef d'escadre Goriolis
d'Espinouse avait ajouté qu'il ne pouvait exécuter aucun
ordre. A b"" IS"", le Due-de-Bourgogne manœuvra pour ral-
lier la Ville-de Paris ; mais il avait couru si longtemps au
O.-N.-O., qu'à & 80*" il en était encore à 15 ihilles ôous
le vent. Une demi-heure avant, il avait passé au vent d'un
vaisseau anglais à trois ponts, démâté de son mât de mi-
saine et remorqué par une frégate : il ne lui avait même
pas envoyé une volée.
Le Marseillais était au vent de toute l'armée quand le
commandant en chef fit le signal de ]^^^pv ?rfiv^r. 11 y
avait dix minutes que le feu était commencé, lei«que It
156 BATAILLES. — 1782.
capitaine de Gastellane put prendre son poste dans la ligne.
Ce vaisseau fut un de ceux qui, dans l'après-midi, se for-
mèrent en ligne sur l'avant de la Ville-d^Paris ; il com-
battit à ce poste jusqu'à ce que le pavillon amiral eût été
amené.
J'ai dit que quand le commandant en chef avait fait le
le sigJDfeil de virer tout à la fois, le Pluton avait reçu l'ordre
de commencer le mouvement, et qu'il ne l'avait pas exé-
cuté. Le capitaine d'Albert de Rions allégua comme justifi-
cation qu'un seul vaisseau ayant répété ce signal, cette
manœuvre lui avait semblé si hasardeuse, qu'il était resté
convaincu que ce vaisseau se trompait dans la répétition
du signal. Le Pluton fut, du reste, un des vaisseaux qui se
rapprochèrent de la Ville-de-Paris et qui se tinrent auprès
du commandant en chef jusqu'au dernier moment.
Le capitaine vicomte de Mortemart n'aperçut pas le signal
qui fut fait à la Richmond de donner la remorque au 6r{o-
rieux; il la donna de son propre mouvement. Le soir, cette
frégate était souventée, parce qu'elle avait été porter au
Duc-de-Bourgogne l'ordre de tenir le vent.
Les capitaines de Montguyot qui fut blessé, et chevalier
de Suzannet, des frégates Y Amazone et Y Aimable^ et le ca-
pitaine d' Aché, du cotre le Clairvoyant^ se placèrent à une
distance convenable pour répéter les signaux. Les capi-
taines de Roquart, de la frégate la Galathée^ et de Paroy,
de la corvette la Cérès^ ne se rapprochèrent pas assez. Tous
prirent les amures à tribord et s'éloignèrent lorsque la ligne
fut coupée (1).
Je ne saurais. dire les dommages que les vaisseaux enne-
mis éprouvèrent. On sait seulement que le capitaine Blair,
de I'Anson, fut tué et que le capitaine Manners, de la Re-
solution, fut blessé. Le capitaine Bayne, de I'Alfp.ed, avait
perdu la vie dans l'engagement du 9. •
(1) Tous ces mouyements sont relatés d'après l'instraction du jogemeot dont
j'ai déjà parlé.
BATAILLES. — 1782. 157
VAstrée mouilla le 12 à la Basse-Terre de la Guadeloupe
avec le Zélé. Le capitaine Lapérouse voulut rallier de suite
l'armée ; mais, contrarié par la direction du vent et les
bâtiments anglais qui se trouvaient sur son passade, il lui
fallut louvoyer longtemps pour passer au vent de l'armée
ennemie. Dans l'après-midi, il rencontra les autres frégates
françaises, dont les capitaines lui apprirent la position des
deux armées. Les vaisseaux le Caton et le Jason^ appareillés
également delà Basse-Terre, se réunirent aux frégates; le
comte de Framond prit, par droit d'ancienneté, le comman-
dement de cette division et resta sous voiles toute la nuit,
dans l'espoir de pouvoir secourir quelque vaisseau désem-
paré. Mais, le 13 au matin, amis et ennemis avaient dis-
paru : la division rallia le mouillage de la Basse-Terre. Ce
même jour, l'amiral Rodney détacha le vice-amiral Hood
avec 10 vaisseaux pour l'observer.
Le 15, profitant de la grande obscurité de la nuit, le
Caton et le Jason, capitaines comte de Framond et Gouète
de Villages; VAstrée, Y Aimable eilsi Cérès, capitaines Lapé-
rouse, chevalier de Suzannet et de Paroy, mirent à la voile
et, ayant réussi à sortir de la rade sans avoir été aper-
çus, ils firent route pour Saint-Domingue, Au jour, le vice-
amiral Hood se mit à leur poursuite et il parvint à les
joindre, le 19, à 18 milles dans le O.-N.-O. de Porto-Rico.
Il les attaqua successivement : YAstrée seule échappa après
un combat de deux heures. Le 22, le capitaine Lapérouse
rencontra le Triomphant et se rangea sous ses ordres.
Lorsque la Ville-de^Paris eut amené son pavillon, esti-
mant qu'une prolongation de combat ne pouvait que donner
lieu à de nouveaux désastres, le chef d'escadre de Vaudreuil
hissa le signal de ralliement et continua sa route sur Saint-
Domingue. Il entra au Gap Français le 25, avec le Triom-
phant, le Sceptre, le Destin, le Languedoc, le Diadème, le
Palmier, le Citoyen, leScipion, le Northumberland, le JKa-
gnanime, le Bourgogne, le Souverain, le Neptune, le Dau-
phin-Royal et le Réfléchi. Le convoi, qui avait profité de la
158 BATAILLES.— 1782.
bataille pour partir de la Basse-Terre, était entré au Gap
Français le 20. Le Duc-de-Bourgogne, la Couronne et le
Magnifique y étaient depuis le 22 ^ le Conquérant depuis
le 23. L Auguste et le Brave y arrivèrent le 1" mai ; TiTer-
cule, le Plulon^ VÊveillé et le Marseillaisi le 11 ; les six
derniers étaient d'abord allés à Curaçao. Le Saint-Esprit^
qui était parti de la Martinique le 19 avrils rallia le 17 mai;
Enfin, 11 vaisseaux espagnols, sous les ordres du ch^
d'escadre Solano, arrivèrent sur la rade du Cap Français
en même temps que le chef d'escadre de Vaudreuil.
Des récriminations s'élevèrent de toutes parts à la suite
de la bataille de la Dominique. Le commandant en chef
se plaignit de ses lieutenants et des capitaines ; et^ de re-
tour d'Angleterre, il obtint leur mise en jugement. Ceux-ci
produisirent des mémoires auxquels on donna peut-être
une importance exagérée, ce qui n'empêcha cependant pas
le Conseil de guerre de dire, qu'en examinant la conduite
de chacun des vaisseaux pendant tput un jour, il n'est guère
possible de ne pas apercevoir quelques fautes; mais qu'é-
chappées au moment de l'action, ces fautes méritent l'in-
dulgenee; Malgré cette observation toute paternelle adressée
à ceux qui rejetaient les torts sur leurs chefs ou si^r leurs
sous-ordres, on ne peut s'empêcher de dire, avec le C-on-
seil^ que la prise du pavillon commandant 30 vaisseaux
de guerre est un trait d'histoire qui entraine les regrets de
toute une nation.
L'instruction minutieuse à laquelle donna lieu la plainte
du lieutenant général comte de Grasse me fait attacher mne
grande valeur à l'arrêt qui complète le travail auquel je me
suis livré) et résume toute la malheureuse affaire à laquelle
on a donné le nom de bataille de la Dominique. Le Conseil
de guerre était composé de :
ÉM. fiftàdenin comte de Breiig&(m, tièutéttàiit gèndral, ^féddéàt.
coMte 4e Onicbep )
comte de L^carry.
ëoiifte d'Àfbàlad dé Joùqàès.
eolutd de LaiBotte-Piqnet. .
he^efiànto génértui.
BATAILLES.— 1782. i^
comte de Marin. . . \
cheyalier d'ApchoD. > chefs d'escadre.
èomtd de GhèH^eyi )
marquis de Nieuil \
chevalier de Ballerpy f « . -, . • ^^
èhetatier ftudn d* Klrttadèc. { *"«"•»"'•' ■*• '*'«*"•
Thevenardi )
Ticumte de Pontevès bien^ capitaine de yaisseau, rapporteur.
Voici le jugement qui fut rendu :
Le Conseil loue la conduite tenue par le sieur de Poulfâ-
queti chevalier de Coatlës, lieutenant de vaisseau, qui iprii
le commandement de Y Hercule à la place de M« de Laclo-
cheterie, tué pendant le combat ;
Admoneste le sieur Renaud d'Aleins, capitaine de vais-
seau^ commandant le Neptune^ pour n'avoir pas fait tout
ce qu'il était possible de faire;
Décharge de toute accusation le sieur de Glandevës, ca-
pitaine de vaisseau, commandant le Souverain ;
Décharge de toute accusation le sieur Martelly Chautard,
capitaine de vaisseau, commandant le Palmiêri
Loue la mémoire de M. de Saint-Césaire, capitaine de
vaisseau, commandant le Northumberlandj et la mémoire du
sieur de Lamettrie, embarqué comme second, et qui rem-
plaça M. de Saint-Gésaire lorsqu'il fut blessé mortelleineiitâ
Décharge de toute accusation le sieur Gombaud de Ro''
quebrune, enseigne de vaisseau du Northumberlêndi qui
prit le commandement lorsque le sieur de Lamettrie fut tué ;
Déclare la conduite du sieur de BougainviUei chef d'es-
cadre « commandant la 8"* escadre ^ irréproobable jusqu'à
midi de la journée du 1 2 avril ; mais ce chef d'escadre
n'ayant pas, dans l'après-midi^ particularisé ses signaux
et fait manœuvrer son escadre pour le plus prompt rallie^
ment possible au corps de bataille, le condamne à être ad-
monesté en présence du tribunal assemblé ;
Décharge de toute accusation le sieur de Gastellan, oaj^-
taine de pavillon du vaisseau YAugu$U$
Déclare la conduite du sieur de Gouzillon , commandant
ï Ardent 9 irréprochable jusqu'au moment où il a amené son
160 BATAILLES. — 1782.
pavillon. Mais, pour n'avoir pas prolongé sa résistance au-
tant qu'il eût pu le faire, Tinterdit pour trois mois de ses
fonctions ;
Loue la conduite tenue par le sieur Clavel, capitaine de
vaisseau, comrnandant le Scipion^ qui, quoique très-malade,
s'est fait transporter sur le pont.
Décharge de toute accusation le sieur Fuschamberg d' Am-
blimont, capitaine de vaisseau, commandant le Brave;
Loue unanimement la conduite et les manœuvres du sieur
d'Éthy, capitaine du vaisseau le Citoyen^ et le décharge de
toute accusation ;
Loue la conduite du sieur de Beaumanoir, lieutenant de
vaisseau, second de Y Hector, dont il prit le commandement
à 4^ 15"*, et a continué le combat malgré l'état de déla-
brement où se trouvait ledit vaisseau, et le décharge de
toute accusation ;
Loue unanimement la mémoire du sieur de Marîgny,
commandant le César^ pour avoir combattu avec la plus
grande valeur jusqu'à 9** du matin qu'il a été blessé mor-
tellement ;
Loue la conduite du sieur Paul, second de ce vsdsseau
dont il a pris le commandement, ayant combattu jusqu'à
3** 30" avec la plus grande opiniâtreté et fait la plus belle
défense jusqu'au moment où. il a été obligé de céder à des
forces supérieures ;
Met le sieur de Monipéroux, capitaine de vaisseau, com-
mandant le Dauphin-Royal y hors de cour et de procès sur
l'accusation intentée contre lui, cet officier ayant combattu
valeureusement le matin du 12 avril, mais étant le soir
éloigné de son poste au corps de bataille ;
Décharge de toute accusation le sieur baron d'Arros,
capitaine de vaisseau, commandant le Languedoc^ et sup-
prime tous mémoires, lettres, écrits, en ce qu'ils contien-
nent d'attentatoire à son honneur et à sa réputation (1);
(1) Allusion à un mémoire publié par le comte de Grasse.
BATAILLES.— 1782. i61
Décharge de toute accusation le sieur de Lavilléon, ca-
pitaine de vaisseau, commandant la Ville-de-Paris^ capitaine
de pavillon de T amiral -,
Décharge de toute accusation le sieur de Mithon, capi-
taine de vaisseau, commandant la Couronne^ et supprime
tous mémoires, lettres et écrits, en ce qu'ils contiennent
d'attentatoire à son honneur et à sa réputation (1);
Décharge de toute accusation le sieur Le Gardeur de Tilly,
capitaine de vaisseau, commandant Y Eveillé;
Décharge de toute accusation le sieur Bigaud, comte de
Vaudreuil, chef d'escadre, commandant le Sceptre (2);
Témoigne ses regrets. sur la perte du comte d'Escars,
capitaine de vaisseau, commandant le Glorieux ^ et loue sa
mémoire, ayant fait une vigoureuse défense jusqu'à 9^ du
matin, heure à laquelle il a été tué;
Décharge de toute accusation le sieur TrogoflF de Ker-
lessy qui prit le commandement du vaisseau, loue sa
conduite et son opiniâtreté dans la défense de ce vais-
seau, sa résistance, sa valeur et sa résolution;
Décharge de toute accusation la mémoire du sieur de
Monteclerc, capitaine de vaisseau, commandant le Diadème;
Décharge de toute accusation le sieur Dumaitz de Goimpy,
capitaine de vaisseau, commandant le Destin;
Décharge de toute accusation le sieur Le Bègue, capitaine
de vaisseau, commandant le Magnanime; lui enjoint d'être,
à l'avenir, plus circonspect dans ses termes et expressions,
qu'il ne l'a été dans son journal et son compte rendu au
ministre ;
Décharge de toute accusation le sieur de Médine, capi-
taine de vaisseau, commandant le Réfléchi;
Décharge de toute accusation le sieur de Lagrandiëre,
capitaine de vaisseau, commandant le vaisseau le Con^
quérant;
(1) Allusion au mémoire précité.
(2) Le comte de Vaudreuil venait d'être fait chef d'escadre.
Il 11
168 BATAILLES. — 1762.
Décharge de toute accusation le sieur Mâbâî^ HSlbtbi^de,
capitaine de vaisseau, commandant le Magnifiqixe, et le loue
de sa valeur dans le combat du 12 avril et de son actitité;
tant dans l'exécution des mouvements fle âod VaissfeaU', ^e
pour rallier la Ville-de-Paris avec le conlttiâtidaiit die ^oû
escadre, et de son attention à conserver son poste i
Décharge de toute accusation le sieur ttî^aiiÛ; ihartHiîs
de Vaudreuil, lieutenant général (1) bbinniâiiHàtït i àr-
rière-garde sur le Triomphant, et loue sa bbnduîtë (fettô
toutes les circonstances de la journée, tàùt èoiaitiië 1c?6m-
mandant dudit vaisseau, que comme géiiérîâli Mi^fttiië
tous les mémoires, lettres ou écrits en ce (j[u'iS <îô4!Mén-
nent d'attentatoires à sa rëfititation et à son hotihëUi* [i) ^
Décharge également de toute accusation lé isielir Mohit-
cabrié de Peyte, capitaine de pavillon à la place 'du siéûr
du Pavillon tufe pendant le combat ;
Loue la mémoire du sieur chevalier du Pavillon j^our
avoir combattu valeureusement jusqu à sa mort;.
Décharge de toute accusation le sieur de Chariite, ca-
pitaine de vaisseau, commandant le Bourgogne, et le loue
de ses manœuvres pendant la journée du 12 avril ;
Pour, le sieqr Coriolis d'Espinouse, chef d'escadre,
montant le vaisseau le Duc-de-Bourgogne, s'être occupé
dans l'après-midi de la journée du 12 avril du danger de
démâter au lieu de faire tout son possible pour ne pas
s'éloigner de son escadre, le Conseil de guerre le condamne
' à être admonesté en présence du tribunal assemblé ;
Décharge de toute accusation le sieur de Champmartin,
capitaine dudit vaisseau ;
Décharge de toute accusation le sieur de Gastellàtië Ma-
jasti^, capitaine de vaisseau, commandant le MaràHUètii';
le loue de son zèle, de sa fermeté et de sou attention la
(1) Lo marquis de Vaudreuil venait d'être fait lieutenant général.
(2) Allusion au mémoire du comte de Grasse.
BATAILLES. — 4782. 163
pltis ëbiyie dahs F exécution des mouvements généraux de
son escadre et de son vaisseau ;
Décharge de toute accusation le sieur d'Albert de Rions,
capitaine de vaisseau, commandant le Plutohi et le loue
de sâ conduite dans la journée du 12 avril •
Décharge de toute accusation le siefar Bourgardl de
Martignari , enseigne de vaisseau , commandant là frégate
YÀmazom à la place de M. deMontguyot;
Honore la mémoire dudit sieur de Montguyot ^ tué daûs
un combat postérieut* ;
Décharge de toute accusation le sieur de Suzannet^ lieu-
tenant de vaisseau, commandant la frégate YAmable;
Décharge de toute accusation le sieur vicomte d'Aché,
enseigne de vaisseau, commandant le cotre le ClairvéyahU
et loue sa conduite dans la journée du 12 avril;
Décharge de toute accusation le sieiir de RoqUarl, lieu-
tenant de vaisseau, commandant la frégate la Gàlaihie;
Décharge de toute accusation le sieur baron de Paroy,
lieiitenant de vaisseau, commandant la frégate la Cérés^
Loue la mémoire de M. le vicomte de Mortemàrt^ icom-
mandant la ft*iègate la Réhmond^ dont la manœuvre hardie
a été titile au Glorieux. Sa conduite valeureuse justifie leà
regrets que le corps conserve d'avwr perdu ce brave mi-
litaire. I
Jugé* Lorient, le M (m&i 1781;
(sidv^iit les «àii^atures. )
On fut plus sévère, plus tard, envers la capitaine du
Caton qu'on ne l'avait été à l'égard des autres capitaines.
Le comte de Frathond fut eondanmë à Une pHsou perp(&-
tueile et conduit au châteÀm de flatoi
Le chevalier Gouëte de Villages; qvi €(HCfiittaëdsdt te
J(mn9 fbt simplement admonesté.
Les griéfâ que lé lieutenant général fcoiiite de QrââBô kvait
élevés contre les capitaines de tmsseati bart)ii d' Arr6s d'Ht-^
gelos et Mitbon de Genoùilly dir Lmsfù^l et de lai CôUh
164 BATAILLES.— 1782.
ronne^ matelots d'avant et d'arrière de la Ville-de-Paris
étaient si nombreux que, en attendant le jugement du Con-
seil de guerre, ces deux officiers avaient été renfermés, le
premier au château de Saumur, l'autre dans celui d'Oues-
sant. D'autre part, le ministre de la marine avait écrit au
chef d'escadre de Bougainville que le roi était satisfait de
sa conduite et trouvait ses services agréables. On a pu
voir que l'opinion des juges fut entièrement opposée à celle
prématurément formée sur la conduite que ces trois offi-
ciers avaient tenue à la bataille de la Dominique. Le juge-
ment nous apprend du reste que, mis hors de cause
malgré la reddition du vaisseau qu'il montait, le lieute-
nant général de Grasse n'en fut pas moins laissé respon-
sable des résultats de la bataille de la Dominique.
La consternation fut grande, en France, à la nouvelle de
l'issue malheureuse de cette bataille. On comprit combien
on aurait de peine à réparer l'échec que la marine venait
d'éprouver; et, par un acte de patriotisme spontané, les
deux frères du roi offrirent un vaisseau de 80 canons. De
leur côté, les États de Bourgogne, les marchands et les né-
gociants de Paris, de Marseille, de Lyon et de Bordeaux of-
frirent chacun un vaisseau de 110'^. L'élan ne s'arrêta pas
là; chacun voulut se frapper d'impositions et de contribu-
tions extraordinaires, pour que les vaisseaux dont la con-
struction était ordonnée fussent mis en état de prendre la
mer le plus tôt possible. Ces dernières offres ne furent pas
acceptées.
A son arrivée au Cap Français de Saint-Domingue, après
la bataille de la Dominique, le chef d'escadre marquis de
Yaudreuil trouva sur rade les deux vaisseaux le Sagittaire
et YEœperiment arrivés avec le convoi et, comme je l'ai dit,
16 vaisseaux espagnols sous les ordres du chef d'escadre
Solano. L'échec que la marine venait d'éprouver força le
nouveau commandant en chef de l'armée française à re-
BATAILLES. —1782. 165
noncer, encore une fois, au projet que les Cours de Ver-
sailles et de Madrid concertaient depuis si longtemps contre
la Jamaïque. On tergiversa beaucoup sur l'emploi des for-
ces navales, et il fut enfin décidé, dans un conseil tenu par
les officiers généraux de terre et de mer des deux puis-
sances alliées, que l'armée française irait chercher dans
l'Amérique du Nord les secours qu'on ne pouvait lui pro-
curer aux îles et dégager en même temps la côte des croi-
seurs anglais qui empêchaient les vivres d'arriver aux
colonies françaises ; que l'escadre espagnole se rendrait à
la Havane, à l'exception de 3 vaisseaux qui resteraient à
Saint-Domingue avec le Palmier et le Scipion. En consé-
quence de cette décision , les deux escadres quittèrent le
Cap Français, passèrent par le vieux canal de Bahama,
et se séparèrent devant la Havane. Celle des Français était
composée comme il suit :
Canons.
Triomphant capitaine Montcabrié de Peyte.
marquis de Vaudreuil^ lieutenant général (1).
Auguste capitaine chevalier de Biré.
80 { comte de Vaudreuil, chef d'escadre (1).
Duc-de- Bourgogne. . . . capitaine de Ghampmartin.
chevalier Coriolis d'Espinouse, chef d'esc.
Couronne capitaine Mithon de Genouilly.
Brave — comte d'Amblimont.
Souverain — commandeur de Glandevès.
Pluton — d'Albert de Rions.
Bourgogne — chevalier de Gharitte.
74 ( Neptune — Renaud d'Aleins,
Citoyen — d'Ethy.
Northumberland. .... — chevalier de Médine.
Hercule — chevalier de Puget-Bras.
Magnifique — Macarty Macteigue.
64 Éveillé — Le Gardeur de Tilly.
( Experiment. ....... — chevalier de Coatlès.
j Sagittaire — Montlue.
Frégates : Amazone ^ Néréide ^ Isis,
Le Sceptre reçut une mission dont je parlerai bientôt.
Arrivé, le 6 juillet, à la hauteur de la Chesapeak, le
(1) J'ai donné de suite au marquis et au comte de Vaudreuil le grade auquel
ils furent promus le 14 août suivant.
466 BATAILLES.- 1782.
lieutenant général de Vaudreuil détacha la ff égatp 1$^ j(V4-
réide pour pfévenir le général Rocbambeau qii'U sq rendait
à Boston, qt il continua sa route ver^ le Nord, hf^ S apdtt
Fi^rmée navale mouilla sur la rade d^ Nantasl^et çt, }e
lendemaii), elle entra à Boston.
A quelques jours de là, le Magnifique fat jeté p^ç gQp
pilpte sur nie Lowels ; il ne put être relevé , mai^tPUtffQp
inatérïél fut sauvé. Comme témoignage de \^ p^rt qn'il
prenait à cette perte, le Congrès 4es Éta^s-Unis offi-U im-
médiatement de remplacer ce vaisseau ; et, plu^ t^d» il ^t
don à la France de YAmerica^ premier vais^ea]i qoQSt^it
sur les cbantiers américains.
L'apparition de l'armée française sur la QÔte jetft 1:4-
larme ëur tous les. points occupés par les Anglais; Igs
crainte^ ne cessèrent c^u'à l'arrivée de Tamiral Figpt 4é$igRé
pour remplacer T amiral Rodney dans le QQiKiPif^d^iQ^t
des forces navales de T Angleterre aux Antilles et sur ^
côte d'Amérique;
On avait travaillé avec ardeur à mettre les vaisseaux
de la division^^çi Vinde en état de reprendre la mer; mais
les réparations n'avaient pas marché aussi promptement
qu'on l'eût dé^ré, parce que les bâtiments atrJY(^3 i^ec ^®
commandant de Suffren étaient dépourvus de rechaiiges.
En France, qn avait ço|ppté sur les ressource^ de Me ^e
France, et ces ressources étaient nulles, puisque les deux
convois qui devaient approvisionner cette' col(}][{i۔ ^valent
été enlevés pifr lès Anglais.
Cepend^Qt tes nouvelles dé Tlnde annonçaie;|tqi)eHyder
Ali faisait éprouver de fréquents échecs aux Anglais et ijae
les Marattes paraissaient disposés à les attaquer du côté de
Malabar : il devenait donc urgent de profiter de ces cir-
constances. Le commandant d'Orves appareilla de l'île de
France, le 7 décembre 1781, et se dirigea sur la côte de
Coromande} avec un convoi qui portait 3,100 hommes de
troupes. Le lô janvier suivant, T escadre eut co^nais3^^çe
BATAILLES. — 1782. 167
d'un vaisseau anglais, ^ui fut chassé, mais infructueuse-
ment, par le Héros et V Artésien. Toutefois, les qal^ps et
les brises folles empêchèrent ce vaisseau de s'éloigner et,
le 21, on r apercevait encore ; il fut chassé de nouveau par
le Héros^ Y Artésien et le Vengeur. Le Héros l'atteignit le
premier. Le vaisseau anglais lui tira, à grande distance,
deux bordées sans effet, auxquelles il ne riposta que lors-
qu'il fut à demi-portée de canon : son feu devint alors
tellenfîent nourri et fut si bien dirigé, que le vaisseau an-
glais avait amené avant l'arrivée de Y Artésien et du Ven-'
geur. Ce vaisseau était THannibal de 50"^ (1) , capitaine
Christie ; il avait été expédié de Sainte-Hélène pour annon-
cer l'arrivée de 2 autres vaisseaux et de plusieurs trans-
ports chargés de troupes et de munitions. Ce vaisseau fut
immédiatement incorporé dans l'escadre, et le commande-
nqent ep fut donné au lieutenant de vaisseaa chevalier Mo*
rard de Galle qui commandait la frégate la Pourvoyeuse.
La santé du commandant d'Orves dépérissait de manière
à donner des inquiétudes ; à quelques jours de là, il remit
la direct joq de re§fi^(lre au capitaine de Suffren. Cet ofEcier
supérieur mourut le 9 février, et le bailli de Suffren, qui
avait été nommé chef d'escadre un mois avant, prit le com-
mandemenli .en chef des forces navales de la France dans
la mer des In(}es. Quelques changements eurent lieu im-
mwi^temçnt pa«rmi les capitaines de l'escadre; je rappelle
ci-aprèis sq. composition :
Canons.
f Héros capitaine Moissac.
j bailli de Suffren, c|ief é^escadre.
^ Orient. "^V capitaine de Lapallière.
Annibal i\ — de Tromelin.
Vengeur — comte de Forbin.
Sévère. . — chevalier de Villeneuve-Cillart.
Sphinx — vicomte^ Duchilleau de Laroche.
64 ( Bizarre. — chev. de LalandeUe-Roscanvec.
Artésien — . Bidé .de Maurville.
Ajax — BouYctt.
Brillant ~ de Saint-Félix.
(1) Afin de distinguer ce vaisseau de V Annibal français^ je conserverai à cette
168 BATAILLES. — 1782.
( Flamand — de GaTerriUe.
l Harmibal — cheYalier Morard de Galle,
Frégates : Pourvoyeuse^ Fine, Bellone.
CorTeites : Subtile, Sylphide, Diligent (1).
L'escadre arriva en vue de Madras, le 16 février : 9 vais-
seaux anglais et 2 frégates étaient à l'ancre sur cette rade,
sous la protection du fort Saint-Georges et des batteries
de la ville noire, La supériorité de l'escadre française dis-
paraissait donc grandement devant la force des batteries
de terre. Le chef d'escadre de Suffren eut cependant la
pensée d'attaquer; le souvenir de ce qui s'était passé au
combat de la Praya et à son arrivée à l'île de France l'ar-
rêta : il craignit de compromettre dans un premier combat
le prestige qui entourait le nom français dans l'Inde. Mus
ne voulant pas qu'on pût lui imputer plus tard le parti,
quel qu'il fût, qui allait être pris, il tint à ce que chacun
assumât une partie de la responsabilité, et il exigea que
chaque capitaine se prononçât sur la coopération qu'il
comptait apporter dans le cas où il prendrait roflFensive. Il
appela donc les capitaines en conseil et leur demanda leur
opinion sur l'opportunité de l'attaque. Tous, moins un, émî-
prise son orthographe anglaise et je la désignerai sous le nom à!Hœmibalf d«
préférence à celui de Petit Annibal qui lui fut donné dans l'escadre.
(t) Les rapports du commandant en chef de l'escadre de l'Inde m*ont peimis
de suivre avec soin les mutations fréquentes des capitaines, mutations dont
M. Cunat, Histoire du bailli de Suffren, seul, de tous les auteurs qui ont écrit
les campagnes de l'Inde, a tenu compte. Et cependant, je dois le dire, les indi*
cations de mouyements que j'ai trouvées dans ces rapports ne sont pas toujours
d'accord avec celles portées aux rôles d'équipage ou aux états de situation.
Ainsi, par exemple, en ce qui concerne le chevalier de Galle, le bailli de Suf-
fren dit qu'à son arrivée à l'Ile de France, le commandement de V Annibal fut
donné au capitaine de Tromelin et celui de la frégate la Pourvoyeuse au lieu-
tenant de Galle. Ce mouvement est confirmé par le rôle d'équipage de VAn-
nibal sur lequel on lit l'annotation suivante à la suite du nom du chevalier de
Galle : « Passé capitaine de la Pourvoyeuse le 1" novembre 1781. » A quelques
mois de là, cet officier fut nommé au commandement du vaisseau anglais cap-
turé VHannibal qu'il conserva pendant toute Tannée 1782. Les états de revues
établis par le port de Brest désignent cependant le chevalier de Galle comme
commandant de V Annibal pendant les années 1782 et 1785. J'ai pris pour bonnes
les indications du commandant en chef, dans la pensée que les mutations qu'il
était autorisé à 'faire et qu'il indiquait dans sa correspondance officielle avaient
bien pu n'être que tardivement connues en France.
BATAILLES. -^ 1782. 169
rent l'avis qu'il ne fallait pas combattre (1). Le chef d'esca-
dre de Suffrense rangea à l'avis de la majorité. L'escadre
avait momentanémentlaissé tomber l'ancre à 3 milles dansle
Nord de Madras. Sa présence étant inutile dansces parages,
signal fut fait d'appareiller et de gouverner au Sud ^ le convoi
reçut l'ordre de se rendre en route libre devant Pondichéry,
en élongeant la côte ; les vaisseaux gouvernèrent un peu
plus au large. En voyant l'escadre française faire route au
Sud, le contre-amiral Hughes, qui n'était pas sans se pré-
occuper beaucoup de la conservation des anciennes pos-
sessions hollandaises, à la prise desquelles la marine avait
pMssamment contrij^ué et que, dans le moment, ses vais-
seaux seuls *pou"Vaient, défendre, le contre-amiral anglais
mit sous voiles ^. mais en voyant les navires du commerce
suivre une route différente de celle que l'escadre avait prise,
il conçut la pensée d'enlever ce convoi et, dès qu'il fit nuit,
il lui donna lâchasse. Excités par la prise de quelques na-
vires, les vaisseaux anglais ne conservèrent aucun ordre,
et lorsque le jour se fit, le 17, ils furent aperçus dispersés
sous le vent. Le fiheî d'escadre de Sulfren fit de suite le
signal de leur donner la chasse en route libre. La faiblesse
et les variations de la brise contrarièrent l'exécution de cet
ordre. L'amiral anglais put rallier ses vaisseaux et les
ranger en bataille, les amures à bâbord. Le chef d'escadre
de Sulfren en fit autant à distance convenable, et à 3** de
l'après-midi, il ordonna de laisser arriver quatre quarts
largue sur l'escadre anglaise qui l'attendait rangée comme
ci-dessous :
GanoDS.
64 WoRCESTER capitaine Charles Wood.
70 BuRFORD — Peter Rainier.
72 MoiNMOUTH — Âlms.
64 Eagle ~ Ambrose Riddals.
74 SupERD — Stevens.
sir Edward Hughes, conlre-amiral.r
74 MoNARCA capitaine John Gell.
(I) C'était le capitaine Perrier de Salverl, de la Bellone,
i7p ByyTAlLLpS. — 1782.
82 Hero — Hawker. ;
60 Isis — Lumley.
71 ExETER Reynolds.
|\ichar4 KiDg^ commodore.
Frégates : Combustion, Sea-horse.
Les manœuvres d'escadre offrent des difficultés qu'une
longue pratique et une connaissance parfaite de son v^s-
seau permettent seules à un capitaine dq surmonter. Paripi
ces manœuvres, il en est qui sont plvis difficiles les unes que
les autres, et celles qui ont pour objet de fjiire courir une
escadre grand largue ou vent arrière sont cçftaipement les
plus épineuses. La difficulté est d'autant plus grapdequ§
la marche des vaisseaux est plus différeptQ. Ge^ hotiolKf
élémentaires aujourd'hui, le bouillant chef #i(pi.dre qui
commandait les forces navales de la Frajnce dans I'Iq^C),
oublia trop souvent d'en tenir compte; et ïï îi|i arriva d'i^t-
tribuer à ses sous-ordres des résultats qu'il p'avjj|; p^ tou-
jours dépendu d'eux de prévenir. Qu'on S|^ rappelle, en
effet, que sur les 12 vaisseaux qui composaient actuelter
ment l'escadre, 2 ou 3 seulement étaient doublés en cuivre,
et que les autres étaient mailletés ; que pinsieùrs capitaines
n'avaient pas encore navigué avec le vaisseau qu^l^gni-
mandaient; que quelques-uns, enfin, commandaienf ppiir
la première fois, et l'on verra si, avec de sembUbles élôf
ments, il n'y avait pas lieu de prendre des préc||ifjj|^s au:î^-
queltes le commandant en chef ne songea malheufeuseiq^ieQt
jamais. L'escadre française gouvern?^ donc en o^dre de
marche, quatre quarts largue, sur les Anglais; et copipae
ceux-ci couraient toujours de l'avant, il en résulta que,
lorsqu'à 3^ 15™, elle s'en trouva à portée convenable, les
vaisseaux de tète ne portaient plus que sur la queue de la
colonne ennemie. Serrant alors le vent, bâbord amures,
le Héros remonta la ligne, en la canonnant, jusqu'au Su-
PERB par le travers duquel il s'arrêta^ 4 vaisseaux imitè-
rent sa manœuvre et cijoisirent chacun pour adversaire un
des vaisseaux placés en arrière du Superb. Voici l'ordre
dans lequel les Français se présentèrent. Ainsi que je
B4TA1LI.es. — 1782. 171
l'ai dit, le Béro^ marchait ^n tête ; yepa|pnj pi^sïiilp
Y Orient y le Sphinx^ le Vengeur^ YHannibaty Y^nnibç^U
le Bnarre^ le l^évère^ XAJQ^^ le Flamand, YAr(èsi^n; le
Brillant fermait la marche. Qn voit qu^Up était la position
des depx escadres ; leg g d^r^i^^s vaisseaux aDglais, étajenit
attaqués et les 4 de tête i^e cpncjbattaient pas ; du côté de?
Français, c'étaient, au contraire, le^ 5 preipie^^ vs^ssgîiux
qui se battaient; ]e^ 1 autrei^, qui oyaient, sqrré le v^nt
plus Ou moins promptement, étaient derrière ceux-là et.î^ii
feut» 6t n'avaient pas d'ennemis péif lejnr, travers. Up 3igi}^l
qui resta en permanence à bord du Rèro^ leur prescrivit
4e prendre un poste qpi leur permît de cpmbattre : ils n'en
tinrent auc^n compte. Deux vaisseau?: seulement se portè-
rent sous le vent de la ligne ennemie et créèrent à. ceux de
la queue des difficultés dont ceux-ci ne sortirppt quç grâce
à, rii^teryentipn de leur avantTgarde qui vira de bord lof
pour lof pour leur venir en aide, et qui obligea les 2 frfiq-
çais à passer de nouveau de l'autre côfé de la ligpe. Tou-
tefois, cette iutfirveption avait été tarfjiye, et le^ vaisseçi^x
attaqués furent très-mal traités ; il fut heufiqujç j)puj ^y^
(|U6]a,Quit vînt mettre un terme au qo]T|ba^, Une njpiji^^e
TiBscadre frapçaise se borna \ tirer de loji^.eti Qornroe le
dit le commandant en chef, à s'étpurdif p^^r 1^ tifuit de s^s
canonsï Igs hpulets de ces va^sseaiix ne portaient ,T|^êiqe pas.
Certain désormais qii' il ne pouyait cprap^^çr, sijr la cpjçp^p
ration de leurs capitaines^ le cpmman^ant e^ çljief ,fîf cp^^^r
le feu à la nuit, prit le3 amures àj'aptre hcjrd.et ajla
iPQuiJler à Pondiçhéry aygc le convoi. Le ^érps,, YQ^rit^t
et le Sphinx avaient été très-maltraités. Dij côté des An-
glaii?, ce furent I'Exeter et le Superb qui. souffrirent le
pjus : les capitaines Reynolds et Stey^ps, de ces deux vais-
seaux, avaient été tués.
Voici, individuellement, comment les choses se pas-
sèrent :
• «
Le Héros envoya sa première bordée à l'ip^ETEif, et pro-
172 BATAILLES.— 1782.
longea la ligne ennemie jusqu'au Superb qu'il combattit
tant qu'il fit jour.
V Orient imita la manœuvre du Héros; envoya une bor-
dée aux vaisseaux ennemis et s'arrêta par le travers du
Monabgâ qui devint son adversaire définitif et qu'il ne
cessa de combattre que lorsqu'il en reçut l'ordre.
Le Sphinx suivit son chef de file, envoya une volée à
l'ExETER et prit, par le travers du Hero, le poste que son
numéro d'ordre lui donnait dans la ligne. Ce vaisseau
ne cessa son feu que quand le commandant en chef en fit
le signal.
Le Vengeur manœuvra comme les 3 vaisseaux qui le
précédr^îent ; il envoya une bordée à I'Exeter ôt combattit
risis jusqu'à la nuit.
L'Hannibal aurait eu aflaire à forte partie si I'Exeter
qu'il combattait n'avait pas préalablement reçu quatre
bordées destructives. Sa faiblesse relative rendait néan-
moins sa position périlleuse ; il s'y maintint cependant et,
soutenu plus tard par 2 vaisseaux qui obligèrent I'Exe-
ter à combattre des deux bords, il contribua à mettre le
vaisseau anglais en quelque sorte dans l'impossibilité de
continuer la lutte. VHannibal ne cessa de combattre que
lorsque le signal en fut fait.
VAnnibal^ qui était le sixième vaisseau de la ligne, se
trouva sans adversaire. Au lieu de se placer de manière à
pouvoir diriger ses boulets sur le serre-file anglais, il tint
le vent par la hanche de bâbord de VHannibaU à grande
distance, et resta là malgré le signal. qui ne cessa de flot-
ter à bord du Héros, de combattre l'ennemi à portée de
pistolet. Le capitaine de ce vaisseau ne crut cependant
pas devoir rester silencieux et il consomma autant de pou-
dre que les autres.
Le Bizarre suivit en tout la manœuvre de son chef de file.
Le Sévère agit de même.
VAjax, qui avait serré le vent derrière le Sévère, reçut
Tordre de combattre Tennemi sous le vent; mais le capi-
BATAILLES. — 1782, 173
taine de ÏAnnibàl lui ayant signalé de ne pas quitter son
poste, il ne TexécHta pas.
Le Flamand reçut également Tordre de prendre position
sous le vent de la ligne ennemie. Ce vaisseau se couvrit
de voiles et alla combattre au poste qu'on lui assignait.
L'arrivée des 4 vaisseaux d'avant-garde le fit passer de
nouveau de l'autre côté.
V Artésien resta au vent et , comme les autres , fit un
grand feu, quoique hors de portée.
Le Brillant venait en dernier. Le capitaine de ce vais-
seau ayant demandé et obtenu d'exécuter le signal qui
avait été fait à YAjax, laissa de suite arriver et prit le
travers de I'Exeter. La position du vaisseau anglais de-
vint bientôt fort critique; malheureusement, une avarie
occasionnée, dit-on, par des boulets français de l' arrière-
garde, firent culer le Brillant : I'Exeter était presque ré-
duit. La manœuvre des vaisseaux anglais de l' avant-garde
détermina aussi le capitaine de Saint-Félix à passer de
l'autre côté de la ligne.
Tel fut le combat du 17 février, le premier que le chef
d'escadre de Suffren livra dans l'Inde, combat dans lequel,
malgré une supériorité numérique d'un quart, les Français
n'eurent aucun avantage décisif. Il faut toutefois le dire :
la quantité disparaissait devant la qualité. Ici commença
à se montrer ouvertement l'esprit de jalousie et d'indisci-
pline contre lequel le commandant en chef eut à lutter
pendant toute la durée de son commandement et qui pa-
ralysa constamment les faibles moyens dont il pouvait
disposer. Cet esprit, il l'avait prévu, et il s'était mis en
mesure d'en avoir raison (1).
(1) La version que je viens de donner du combat du 17 février^ dit générale-
menl combat de Madras, diffère essentiellement do celles qui ont été écrites et
qui ont été empruntées, presque textuellement, à l'ouvrage anglais de Clerk (a),
La mienne est prise dans les rapports officiels du bailli de Suffren, documents
(a) A methodieal esiay on the naval laetick».
iii BATAILLES. -^i7821:
Le chef d'escadre de SuiTren avait eu bdnii^ssaiicede Ift
prise de Negapatam (1 ) par les Anglais ; cette place fivait
succombé à Une attaque simultanée par terre et par mer^ au
mois de novembre de l'année précédente. Il estima roccasioa
favorable pour la replacer sous la domitiationdb laUoUaAde;
mais le général Ducfaemin qui commandait les th3upe3 q^0
portail le convoi ne partagea pas cette opinion. Une c|^
branches du Colerbon, rivière dont la source est dai» les
Gattes vient, après avoir traversé le royaume de Tangaoui'>
se jeter à la mer à quelques milles dans le Sud de Porto-
Novo (2). Cette rivière, malgré sa barre, offrait an endroit
commode pour le débarquement ; ce point avait été indi-
qué par Hyder-Ali. L'escadre y jeta l'ancre, et les troupe^
mises à terre marchèrent de suite sur Goudelour (3) qui
se rendit par capitulation le 4 avril.
A son arrivée dans Flnde, une occasion s'était offerte
qui avait permis au chef d'escadre de Suffren de voir
combien la discipline y était relâchée à bord des bâtimentp.
Il s'en était plaint au ministre de la marine et voici à
quelle occasion. Le commandant de YAnnibal ayant été tué
au combat de la Praya, il avait donné le commandement
d& ce vaisseau au chevalier de Galle qui en était le second.
Lorsqu'il arriva à l'île de France, les officiers de la divisign
de rinde ne se bornèrent pas à critiquer la nomination du
chevalier de Galle, ils la trouvèrent injuste et déclarèrent
au commandant d'Orves être prêts à donner leur démis-
sion, s'il ne faisait pas droit à leur réclamation. Quelque
inconvenante et surtout subversive de toute discipline que
précieux qui sont épars au milieu des nombreux papiers non classés que possèJo
le dépôt des cartes et plans du ministère de la marine et dont l'existence ne
parait avoir été cnnnue que de M. Cunat dont l'intéressante et consciencieuse
Histoire du bailli de Suffren fait exception à la règle générale.
(i) Negapatam, principal établissement des Hollandais sur la côte de Coro-
mande], à 70 milles au Sud de Pondichéry.
(2) Porto NoYO^ petite ville alors au pouvoir du Naliàb, à 23 milles dans lè
Sud de Pondichéry.
(3j Goudelour^ comptoir anglais à 36 nulles au Sud de Pondichéry.
BAÎÀILLÉk.— iïéâ. 178
fût une pareille rfequête, lé èômiûfiaildàiit d'OrVeé l'afebùéillll
favorablement. Il ne ratifia pas le choix fclu bailli Û'e
Suffren et nomma un des ofticiers dé sa diVision au cbtii-
mandement de VAnnibal. Cotntne déidomtbâgémeiit, li
donna la frégate la Pourvoyeuse aU chevaliei* de Galle, t)n
pareil ordre de choses ne pouvait coH^eriii' au chef d'es-
cadre de Suffren. Aussi, dès qu'il eut rëiii]plaôè Ife côintaâh-
dant d'Orves, établit-il des règles de serVîcé qui ttaçâlelit
à chacun la ligne de ses devoirs. C'était sfedbhtër lerhoyfeh
de sévir aux premiers écarts. Cela tatdà peu. îl avait
fait connaître aux capitaines la tactiqiië qu'il C6mj)taic
suivre suivant les circonstances, laissant d'iâilleûrs chaciiii
libre de sa manœuvre, celle-ci devant être èubdrdôhiiée à
la force et à la position de l'ennemi ; il avait déclaré s'éh
rapporter aux connaissances et à la valeur des capitaines
pour les moyens secondaires. Malgré ces instructioiis gé-
nérales, données pour suppléer au défaut d'ordres immé-
diats, il vit, dès cette première affaire, se produire l'esprit
d'insubordination qu'il avait déjà remarqué et qui nécessita
l'emploi des mesures les plus sévères.
Les maladies commençaient à exercer de fâcheux ratages
dansl' escadre de l'Inde ; déjà il lui manquait 1,000 hdmmes.
Malgré cela , impatient de combattre de nouveau l'escadre
anglaise avant l'arrivée des renforts qu'il savait être an-
noncés, le chef d'escadre de Suffren remit à la voile le
23 mars. Le 9 du mois suivant, elle lui fut signalée dans
le N.-N.-E. ; lèvent soufflait de rE.-N.-E, Il manosuvrâ
pour l'atteindre ; mais la faiblesse de la brise tint plusieurs
jours les escadres en préseuce sans que les Français pussent
engager le combat. Le 12 au jour^ les positions étaient
changées ; quelques variations de la brise ayant permis à
l'escadre française de gagner le vent, le chef d'escadre de
Suffren ordonna une chasse générale en route libre. Les
Anglais qui couraient alors vent arrière sur Trinque^
176 BATAILLES.— i782.
malé (1) dont les terres s'apercevaient au loin, se ran-
gèrent en bataille tribord amures. Profitant de l'inaction
dans laquelle était restée l'escadre française, le gouver-
neur de Madras avait dirigé contre cette ville une expédi-
tion qui s'en était emparée au commencement de la pré-
sente année 1782. Malgré la diligence qu'avait mise le chef
d'escadre de Suffren k chercher l'escadre anglaise, il n'avait
pu réussir à la joindre avant qu'elle eût été renforcée des
vaisseaux Sultan de 82% capitaine Watt, et Magnanime de
72, capitaine Worseley; elle comptait conséquemment
11 vaisseaux et une frégate. La supériorité numérique était
donc encore aux Français qui avaient 12 vaisseaux et 3
frégates. Voici Tordre dans lequel les Anglais se ran-
gèrent :
Canons.
64 ËxETER capitaine Robert Montagu.
Richard King, commodore.
82 Sultan capitaine James Watt.
64 Eagle — Ambrose Reddals.
70 BuRFORD — Peler Rainier.
72 MoNMOUTU — James Aims.
74 SuPERB — Mac Lellan.
sir Edward Hughes, yice-amiral
70 Monarcâ capitaine John Gell.
72 Magnanime — Charles Wolseley.
60 Isis. — Lumley.
82 Hero — Hawker.
64 Worcester — Charles Wood.
La manœuvre du vice-amiral anglais fit suspendre la
chasse ; le commandant en chef rallia ses vaisseaux et les
établit aussi en bataille du même bord que Tennemi. A
midi, il laissa arriverde nouveau grand largue, sur la ligne
du plus près et, à 1^ 30°, serrant le vent tribord amures,
il fit le signal de commencer le feu ; une portée de fusil
séparait à peine les deux escadres. Les vaisseaux français
se trouvèrent rangés comme il suit :
(1) Trinquemalé, vaste port sur la cdte N.-E. de llle de Coyian à 72 lieues
dans le Sud de Pondichéry.
BATAILLES. — 1782. 177
Gauons.
fil I rew^éfwr capitaine comte de Porbin.
\ Artésien — Bidé de Maurville.
50 Hnnnihal — chevalier Morard de Galle.
6i Sphinx — vicomte Duchilleau de Laroche.
74 Héros -- Moissac.
bailli de Snffren, chef d'escadre.
74 Orient capitaine de Lapalliëre.
{Brillant — de Saint-Félix.
Sévère — chevalier de Villeneuve-Cillart.
Ajax — Boavet.
74 Annibal — de Tromelin.
50 Flamand — de Cuverville.
64 Bizarre — chevalier de LalandelleRoscanvec.
Le passage de Tordre de marche sur une ligne de relè-
vement à Tordre de bataille est une manœuvre difficile si,
pendant qu'ils couraient grand largue, les vaisseaux n'ont
pas eu Tattention de se maintenir sur la ligne indiquée.
Malheureusement, dans cette circonstance encore, Texécu-
tion de Tavant-dernier signal avait laissé à désirer et,
lorsque Tordre de tenir le vent fut donné, les vaisseaux
ne se trouvèrent pas sur la même ligne ; les deux premiers,
encore trop au vent, avaient dépassé la tête de la colonne
ennemie, tandis que les cinq derniers étaient de Tarrière et
beaucoup au vent. Dans cette position, le feu de ces 7 vais-
seaux était sans effet et, en réalité, 5 vaisseaux seulement
combattaient. Aucun signal ne put décider les capitaines
des premiers à se rapprocher, et les autres durent continuer
seuls une lutte dont les suites indiquèrent quel aurait pu
être le résultat du combat, s'ils eussent été imités. Le Mon-
MouTH, écrasé sous le feu de Tartillerie du Héros, perdît
deux de ses bas mâts et c'en était probablement fait de ce
vaisseau, si le vice-amiral Hughes ne fût venu s'interposer
entre lui et le Héros. Mais le vaisseau amiral français avait
lui-même des avaries fort graves qui ne tardèrent pas à
nécessiter l'intervention des 2 vaisseaux qui le suivaient.
Incapable de soutenir un semblable choc, le Superb fut
forcé de chercher un abri derrière le vaisseau au secours
duquel il s'était porté avec tant d'empressement. La situa-
tion se compliquait. Pour en sortir, le commandant en
IL 12
ilï BATAILLES. — 4782.
chef de Tescadrô anglaise fit virer ses vaisseaux lof pour
lof tout à la fois à 3** 45". Cette manœuvre était devenue
d'autant plus nécessaire que T arrière-garde inoccupée, ou
du moins peu occiif)éé d'abord, était maintenant assez
vigoureusement pressée par les Français de cette partie.
L'évolution s'effectua avec précision et un des vaisseaux
prit le MoNMOUTH à la remorque. Le chef d'escadre ae
Suifren n'avait cependant pas l'intention d'abaiîdonner œ
dernier vaisseau qui n'était plus en état de combattre. Il
ordonna à son escadre d'exécuter le mouvement que ve-
naient de faire les Anglais ; mais les choses se {)assèrent
diiOFéremment de son côté. Les deux vaisseaux de tête Hê-
sitèrent et firent l'évolution avec lenteur. Un des vaissèàiii
de l'arrière-garde, au lieu de virer vent arrière, envoya veiil
Hevant et quoique ayant manqué plusieurs fois son mou-
vement, persista à virer de la même manière. Pour comblé
de contrariétés, le feu prit à bord de Y Orient au moinént
où il achevait son évolution. Toujours prêt à soutenir ses
camarades, le cajpitaine du Brillant se plaça entre lui et
l'ennemi, au risque d'être incendié lui-même et lui donna
la possibilité de travailler de suite à éteindre l'incendié.
Cet événement compléta le désordre de l'escadre française ;
ciiacun combattit comme et où il put. A 5^ 15"*, le Héràs
péirdit son petit mât de hune, et ce vaisseau ne manœuvrant
plus qu'avec difficulté, le chef d'escadre de Suffren passa
sur YAjax. 5 vaisseaux français combattaient seuls àloiris;
lés autres , plus ou moins avariés , restaient de Tartiërèl
Cependant l'escadre anglaise approchait toujours de la -
côte et, depuis quelque temps, les éclats précipitée 'dîî
tonnerre se mêlaient aux détonations de l'artillerie. tJné
forte pluie d'orage augmentait l'obscurité qui commeiiipâii
à devenir profonde. Le chef d'escadre de SuÔren ordonna
de cesser le feu et laissa chaque capitaine libre de sa ma-
nœuvre pour la sûreté de son bâtiment. Tous mirent le càp
au Nord; plusieurs vaisseaux avaient talonné. A 8^ IB",
lorsque l'orage eut perdu de sa force, signal fut îiâit âë
ëAi'ÂiLLËS.— 17^2. 179
laisser tomber l'ancre : cJiaqué vaisseail liiomllà 8& il le
trouvait. L'obscurité était si grande que la frégate la Jt'inè,
ciierchant lé Èè'ros pour lui donner là i*enà6i:qué, iôaîDà
iterpellèn
grandes, qu'ils ne songèrent même pas à brûler Une amorce,
lin grain qui gonfla les voiles, par tiasard convenablement
disposées de la trégate française, la dégagea fort heiii*eu-
sèment. Le jour, en se faisant, laissa voir les deux escadres
à l'ancre^ à 2 milles l'uiie de ràiitre. Leurs avaries et leurs
pertes étaient considérables; les capitaines iran^is de
Villeneuve-CîUart et Morard de (îallé êtàieût blessés.
Voici maintenant la part que chacun prit à cette affaire.
L'ExETER ouvrit le feu le premier et le dirigea sur le
Vengeur i alors que ce vaisseau courait encore grand largue*
Lorsque celui-ci eut loffé, la distance qui sépara ces deux
adversaires fut si grande, qu'ils brûlèrent beaucoup de pou-
dre sans se faire aucun mal. Lé éignal fait au Vengeur de
serrer l'ennemi au feu resta sans effet, et le virement de
bord ordonné, à 3' 45"*, ne fut exécuté pair lui qu'avec in-
décision et lenteur.
V Artésien manœuvria et se conduisit^ eii tdûf point,
cbinnie son chef de file. Il échangea ses boulets avec lé
Sultan, sans tenir aucun compte de Tordre qui lui fut
donné de combattre de plus près. Il inît de la lenteur et âè
l'indécision à exécuter le virement de bord ordonné à
3** 45"". V Artésien combattit sur le iibùveâû bord jùsqi[*à
ce que Tordre de cesser le feu eût été donné.
La lutte entre YHdnnibal et T£àgl£ eut une autre im-
portance, car ces vaisseaux combattirent à là distance qui
avait iéié ordonnée.
Le BuRFORD fut vigoureusement serré par le Spïiinçç.
e capitaine de ce vaisseau exécuta avec ponctualité tous
les ordres qui lui furent donnés.
Le Héros se plaça d'abord par le travers du Sùperb;
180 BATAILLES.— 1782.
mais quelque temps après , s' apercevant que le Monmodth,
qui n'avait pas d'adversaire, partageait ses coups entre le
Héros et le Sphinx^ le commandant en chef remonta jus-
qu'à lui et lui fit payer cher l'espèce de quiétude dans la-
quelle il était resté jusque-là. Le Monmouth vit, en effet,
son mât d'artimon et son grand mât s'abattre successive-
ment, et c'en était peut-être fait de ce vaisseau, si le vice-
amiral anglais, témoin de ce désastre , ne fût venu inter-
poser son propre vaisseau entre les combattants. Ce fut
alors le Héros qui se trouva dans une position critique.
Ce^vaisseau n'avait pas obtenu le résultat que je viens
de dire sans avoir, lui aussi , grandement souffert. Les
capitaines de Y Orient et du Brillant comprirent de suite
leur devoir. Simultanément, et sans qu'il eût été néces-
saire de leur en faire le signal, ils forcèrent de voiles,
firent au Héros un abri avec leurs vaisseaux et combattirent
le SuPERB avec une vigueur telle, que celui-ci dut aller
chercher un abri sous le vent du Monmouth. Mais cette
nécessité d'abandonner le poste où il s'était porté ne fit pas
oublier au commandant en chef de l'escadre anglaise la
position, en quelque sorte désespérée, de son chef de file-,
pour l'en sortir, il ordonna de suite de virer lof pour
lof tout à la fois, et le Monmouth fut pris à la remorque.
Le chef d'escadre de Sulfren fit le même signal à ses vais-
seaux. Le Héros continua de combattre à l'autre bord;
mais, démâté de son petit mât de hune , il ne gouverna
bientôt plus qu'avec difficulté. Le commandant en chef dut
quitter ce vaisseau qui ne pouvait plus tenir son poste et ,
laissant au capitaine Moissac le soin de le remettre au
moins en état de naviguer, il arbora son pavillon sur
ÏAjax'^ il était 5^ 15". Le fléros suivit de loin son escadre
et laissa tomber une ancre lorsque l'ordre en fut donné.
V Orient j après avoir engagé vigoureusement le Mo-
NARGA, imita le mouvement du Héros ] il eut dès lors le
SuPERB pour antagoniste. Lorsque, dans le but de couvrir
le Monmouth qui avait perdu deux de ses bas mâts , le
BATAILLES. - 1782. 181
vice-amiral anglais augmenta de voiles, Y Orient le suivit,
protégea le Héros et contribua à forcer le Superb à chercher
un abri sous le vent de la ligne. Ce vaisseau exécuta Tordre
de virer; mais, dès que son évolution fut terminée, le feu
prit à son bord et il se laissa culer pour l'éteindre.
Le Brillant combattit d'abord le Magnanime, imita la
manœuvre de Y Orient et contribua aussi à dégager le Héros
et à obliger le Superb à passer sous le vent de la ligne. Il
vira sur le signal qui en fut fait, abrita V Orient lorsque le
feu se déclara à son bord, et combattit jusqu'au signal qui
ordonna de cesser de le faire.
Le Sévère , YAjax^ YAnnibal^ le Flamand et le Bizarre
qui n'avaient pas bien tenu leur poste, exécutant à la lettre
l'ordre de prendre le plus près, se trouvèrent tout d'abord
trop auvent. Les signaux de laisser arriver, de s'approcher
davantage, ne purent décider leurs capitaines à quitter la
position qu'ils avaient choisie et dans laquelle ils brû-
laient leur poudre en pure perte. Cependant plus tard,
lorsque le Héros, Y Orient et le Brillant se portèrent en
avant, ces vaisseaux se rapprochèrent et leurs coups eurent
plus d'efficacité. Ils exécutèrent Tordre qui fut donné de
virer lof pour lof tout à la fois. Seul YAjax vira vent de
devant , mais après plusieurs tentatives infructueuses qui
ne purent décider son capitaine à effectuer son évolution
vent arrière. Après le virement de bord, ces 5 vaisseaux
combattirent d'une manière soutenue jusqu'au signal de
cesser le feu. Ce fut YAjax que le commandant en chef
choisit pour porter son pavillon lorsqu'il quitta le Héros.
Le 19, Tescadre française mit à la voile pour Benti-
colo (1) où elle mouilla le lendemain ; mais avant de faire
route, le commandant en chef manœuvra de manière à en-
gager le vice-amiral anglais à |venir tenter de nouveau le
sort des armes au large des bancs derrière lesquels il s'é-
(1) Benticolo^ petit comptoir hollandais de l'ile de Geylan à 56 milles au Sud
de Trinquemalé.
1^2 BATAILLES. — 1782.
r ( i
tait en quelque sorte fait une position inexpugnable. Gelul-
çî n'en tint aucun compte, et entra le 22' à Xçinqùemale.
Le chef d^êscadre de' Suffren expédia de suite uii aviso
au gouverneur de l'île de france pour lui faire connaît^
sa situation et lui demander des mâtures et des munitions.*
Il lui disait que si, forcé par les circonstances, il lui fallait
«.'"II" * , , • • *■ : . ■ _ . ■ j I ;
quitter la côte, il irait à Malac, et il le priait de diriger sur
Pointe àç Galles (1 ) les secours et les renforts qii^on lui
enverrait.
' ^a détermination prise par le c|ief d'escadre de puffren
d'aller à Benticolo fit dire aux Andais que la victoire leur
était restée. Le commandant en chef de l'escadre française
donnç les raisons de son départ ; il n avait pas voulu en-
gager un nouveau combat dans des eaux aussi peu pro-
fondes, et avait attendu, mais en vain, que les Anglais
eussent appareillé.
' L'a relâche à Benticolo causa un grand désappointement
dans l'escadre. Une fermentation sourde ne tarda pas à se
manifester parmi les capitaines et dans les états-majors.
On discutait la possibilité de tenir plus longtemps la Iner,
l'utilité du séjour de l'escadre dans ces parages, et Ton
n'hésitait pas à avancer que le retour à l'île de France était
çonimandé. Ces observations intempestives arrivèrent jus-
qu'au commandant en chef; mais le bailli de Suffren ne
craignît pas de sacrifier les intérêts de ses sous-ordres aux
intérêts du service. 11 avait vu promptement qu'il était de
toute nécessité pour la France d'avoir une force maritime
imposante sur la côte de Coromandel, et il comprit l'effet
fâcheux que son départ produirait dans les circonstances
actuelles. Quitter la côte, c était obliger Hyder-AJi â'iraiter
avec lès Anglais. Que devenait alors le corps auxiliaire
français? En vain disait-on que 1 escadre reparaîtrait. Si
l^on avait éprouvé tant de difficultés â la mettre en état de
;î '\
i, (1) Pointe de Galles, possession hollandaise sur la côte S.-O. de Ceylan.
BATAILLES. — i7$2. 18?
-» ».
reprendre la mer, }es embarras eussent f^^ ^utrçmeçt
grands 4ans l'état où elle se trouvait. Le prix q^ie le oîj^f
4'escadre de Suffren attachait à la présence des vaissea^i^
sur la côte de Coromandel se résume parfaitement bien
dans cette phrase par laquelle il répondit; à la demande
qui lui était faite : Plutôt ensevelir V escadre sous les murs de
Madras! Il opposa aux mécontents une fermeté contre la-
quelle les criailleries vinrent s'émousser et il n'hésita paa
à sévir. Il est hors de doute que sans cette énergie du
commandant en chef, l'escadre eût encore donné le triste
spectacle des dissensions qui avaient eu un résultat si f|l-
cheux à une autre époque.
Malgré les ordres positifs qu'il avait reçus de France,
ordres qui, malheureusement, étaient connus de tous, lô
chef d'escadre de Suffren prit donc sur lui de prolonger son
séjour sur la côte. Il fit travailler immédiatement à réparer
et à approvisionner ses vaisseaux ; grâces aux prises qu'ils
avaient faites et aux secours que les Hollandais leur don-
nèrent à Benticolo, ils purent recevoir six mois de vivres.
Cela fait, l'escadre se rendit à Porto Novo et, delà, à C|ou-
delour. '
Le chef d'escadre de Suffren n'avait pas cessé de se
préoccuper de la prise de Negapatam, la plus importance
des colonies hollandaises de la côte de Coromandel. Trou-
vant le commandant des troupes françaises auxiliaires aussi
peu partisan de cette expédition aujourd'hui qu'il Tétait i
son arrivée dans l'Inde, il profita du séjour de l'escadre |k
Goudelour pour entiter directement en relations avec Hy^der-
Ali et lui proposer de coopérer à l'attaque de cette ville.
Avec l'aide de ce prince, il put embarquer 1200 hommes,
dont 800 cipayes, pour compléter les équipages des vais-
seaux et en outre 300 soldats pour les opérations par terre.
Après avoir fait connaître ses projets au gouverneur de
nie de France, et |ui aybir i^ighfdé % ^çult^s jje plus
184 BATAILLES. —1782.
en plus grandes que lui occasionnaient le dénûment le
plus complet d'argent, d'approvisionnements, de vivres, de
médicaments et T affaiblissement des équipages, il mit à la
voile dans les premiers jours du mois de juillet et se dirigea
vers le Sud. Le 5, il était devant Negapatam; l'escadre
anglaise était mouillée sur cette rade. Le vice-amiral
Hughes n'attendit pas à être attaqué au mouillage ; il appa-
reilla, mais se maintint en observation au vent, et la nuit
se passa ainsi. Le lendemain 6 juillet, le vice-amiral an-
glais fit arriver, dans Tordre ci-après, sur l'escadre fran-
çaise alors rangée en bataille, tribord amures, comme
il suit; YAjax qui avait démâté la veille de son grand
mât de hune ne l'avait pas encore remplacé ; ce vaisseau ne
se mit pas en ligne. Lèvent soufflait du S.»0.
ESCADRE FRANÇAISE. * .
Canons.
50 Flamand capitaine de Cuverville.
74 Ànnibal — de Tromelii.
64 Brillant — de Saint-Félix.
/ ^^^^^^' • • V» — chevalier do Villeneuve Cillart.
\ Héros — Moissac.
bailli de Suffren^ chef d'escadre.
64 Sphinx capitaine vicomte Duchilleau de Laroche.
50 Hannibal — chevalier Mor2M*d de Galle.
1 Artésien — Bidé de Maurville.
Vengeur — comte de Forbin.
Bizarre [i) — chevalierdeLalandelle-RoscanYec.
74 Orient — de Lapallière.
64 Ajax (pour mémoire). . . — Bouvet.
Frégates : Bellone, Fine.
Corvettes : Naïade, Diligente. •
ESCADRE ANGLAISE.
Canons.
82 Hero capitaine Charles Hughes.
Richard King, commodore.
64 ExETER r • • Capitaine Robert llontagu.
60 Isis.. . — Luml^fc
70 BuRFORD — Peter^fiainier.
82 Sultan — James Watt. *
74 SuPERB — Mac Lellan.
sir Edward Hughes^ vice -amiral.
(1) Ce poste n'était pas celui qui avait d'abord été assigné au Bizarre» Ce
vaisseau, étant sorti de la 1% ne pour demander Texplication d'un signal^ avait
reçu l'ordre de se placer entre l'Orient et le Vengeur,
BATAILLES. — 1782. 185
70 Monàrca capitaine John Gell.
64 WoRCESTER — Charles Weod.
72 MoNMouTH — James Alms.
6I> Eagle -— Ambrose Beddals.
72 Magnanjme -— Charles Wolseley.
Frégate : Sea-horse.
A lO^'SO" du matin, le commandant en chef de l'escadre
française fit le signal de commencer le feu. Le combat ne
s'engagea pas avec la même vigueur sur tous les points.
La ligne de relèvement sur laquelle les Anglais avaient
navigué n'était pas celle du plus près ; elle faisait un angle
assez prononcé ajirec elle. Il en résulta que, lorsqu'ils vinrent
au vent, le chef de file était à portée de mitraille de la tête
de li^Colonne française, tandis que le dernier était à une dis-
tance qui peflnettait à peine aux boulets de l'atteindre. De
part et d'autre, le#6 premiers vaisseaux se battirent avec
acharnement et les'deux amiraux qui, après trois mois seu-
lement, ce trouvant de nouveau en présence, tenaient
également à sortir vainqueurs d'une lutte qui pût autoriser
l'un d'eux à faire la preuve d'une victoire, car jusque-là,
il n'y avait eu d^' avantage décisif d'aucun côté. Ce fut en
vain que le chef, i^cadre de SufFren voulut mettre sa
gauche çn position de donner d'une manière efficace ; le
dernier vaisseau ne put réussir à se rapprocher. Le chef
de file de la colonne française fut écrasé et contraint de
sortir de la Hgtie ; mais il avait mis un de ses adversaires
dans la nécessité de se retirer du feu. Un autre vaisseau
français dont le grand mât avait été abattu se trouva dans
une position fort critique ; le commandant en chef lui fit
un abri avec le Héros et le dégagea. Grâce à cette inter-
vention, ce vaisseaif^ut travailler à déblayer son pont en-
combré sous des débris de grément et de mâture. Telle
était la situation lorsque, vers 1^ de l'après-midi, le vent
en sautant du S.-O. au S.-S.-E., vint jeter le désordre
dans les deux escadres. Les vaisseaux français reçurent
l'ordre de virer lof pour iof et de se former en bataille, les
amures à bâbord, sans avoir égard aux postes. Deux vais-
186 BATAILLES. — 1*788.
seaux furent masqués, abattirent sur tribord, e{; ||qfs quç
les autres s' éloignaient pour effectuer leur évoiutioii, îls
restèrent au milieu des vaisseaux ennemis. Cette foiseipcof^
le commandant en chef aperçut le danger qu'ils couraient
et bientôt un des deux fut dégagé. Une fausse appréciation
de la situation, un moment de faifilesse qu'on peut com-
prendre, mais qui n'est pas excusable en présence de
1 ennemi, sauvèrent le second vaisseau qui n'avait pu faire
le tour. Les Anglais prirent aussi la bordée du Sud/ 11 fallut
dy temps aux uns et aux autres pour se rallier. On tira bien
encore jusqu'à 4'' 30'", mais la saute de ■cent avait par le
fait mis fin au combat ; les engagements Jfertâels qui sui-
virent ne furent plus que des escarmouches entre des ^^-
seaux qui cherchaient à rallier leur esoft^lB. «l-e Hero fai-
sait des signaux de détresse; le Mo^bca, entièc^eçt
désemparé, ne gouvernait plus ; le Wohcester avait aussi
beaucoup souffert. Les avaries des autres vaisseaux anglûs
ët^ént si considérables, que le vice-amiral Hughes déclara
qu'il luieùtétéimpossible de continuer le combat,etqu'ilav^t
dû renoncer au projet qu'il avait formé de le recommencer
le lendemain. Cela ne l'empêcha pas (jfl'^ire que son escadre
avait eu une supériorité marquée sur celle des Fr^çais et
que, si le vent n'eût pas changé, il avait tout lieu ^e croire
que le combat se fût terminé par la prise de ,quf!lques vais-
seaux français. Le capitaine Mac l.e}Ian
Les Français laissèrent tomber l'ancre à
la pellone traînant le Brillant à la rempi
vaisseaux avaient de graves avaries; oi^l
Flamand déjà mentionnée, le Héros et le Sétére ^vajent &^
trës-maltraités. Le Sphinx aVait aussi beaucoup gpa^ert et
son capitîûne était blessé. Voici la part que chaqt^vajsgeau
prit à ce combat.
Il était près de iO^ âS" lorsque le Flamawj ^ra ses
BATAILLIÇ^.— 1732. 1?7
Pf^miers coups de canon. Le vaisseau amifal §>uf erb, placé
le sixj^me dans la ligne ennemie, s' étant arrêté p^r Iç
travers du JSféros, les 4 vaisseayx qui précédaient ce
(^ernier se trquvèrent en présence des 5 anglais qui
marchaient en avant du Superb ; et ceux-ci ayant choisi
pour adversaire le vaisseau qui leur correspondait, en re-
montant jusqu'au Flamand, il en ipésulta que celui-ci
échut en partage au Hero et à TExeier. Le vaisseau fran-
çais se ressentit de cette double attaque, et après avoir lutté
avec intrépidi|;é, il dut se retirer du feu. Les 2 vaisseaux
anglais é|aienj;, au reste, aussi maltiraités que |eur a^vgf-
sairp.
Ii'4nni6a{ fut attacjué par |*Isis. JiOrsque par suite de {a
saute de vent, lel^rillant se trouva sous le canon de VPagl^
et du WoRCESTER, YAnnibal prêta le cô^é à ces deux vais-
seaux et contribua à çjégager son compatriote.
Le B^rillant eut le Sultan pour adversaire, et senti J; bien-
tôt les ef|et^ de sa puissante artillerie. Son grand mât fut
abattu et il se trouva dans une position (|es plus critiqueg.
Le llêros lui vint en aide ; mais refficacité de ce secours fut
(^e courte durée. Lorsque le vent sauta auS.-E., je frU^fint
masqua et abattit sur tribord entre le Worcester et TEagle.
Le commandant en chef, qui suivait tous les mouvements
(je ses vaisseaux, lui prêta encore assistance et je dégagea
de nouveau.
he Sévère eut à combatfre le Burford jusqu'çi la i^aute <|e
vent. Ce vaisseau masqua alors et, abattant sur îfribord,
il se trouva sous les batteries du Sultan. Un fait regrettaj^le
et dont je parlerai plus loin se passa, dans cette cirç(^nsÇançe,
à bord du Sévère, Ce vaisseau put rallier son escadre.
Le Héros, ainsi que je J'ai dit, fut; choisi pour ad-
versaire par le vice ami raj Hughes; mais U position dans
laquelle se trouva le Brillant, par suite de la chute de son
grand mât, le fit cjianger de vis-à-vis. Jl (|ouJ)Ia ]e jBre'|lani
au vent, lui fit un rempart du Héros e|; présenta le travers
au Sultan. Plus tard, lorsque je vent passa au Ç.-E. etguç
188 BATAILLES.— 1782.
ce même vaisseau masqua, ce fut encore le Béros qui lui
vint en aide, car le chef d'escadre de Suflfren savait main-
tenant jusqu'à quel point il pouvait compter sur la coopé-
ration de ses sous-ordres, et il faisait ce qu'ils eussent dû
faire.
Le Sphinx^ qui combattait le Monarca, remplaça le Héros
par le travers du Superb et se maintint à ce poste jusqu'au
changement de vent.
VHannibaU Y Artésien^ le Vengeur^ le Bizarre et YOrient
ne prirent qu'une part secondaire au combat. La distance
à laquelle les vaisseaux qui leur correspondaient dans la
ligne ennemie tinrent le vent, rendit la lutte sans efficacité
dans cette partie. V Orient reçut Tordre de se rapprocher;
son capitaine essaya de le faire, mais il ne put y réussir.
Quant à YAjax^ il ne se mit même pas en ligne.
Le combat que je viens de relater mit le commandant en
chef de Tescadre dans une position bien difficile, car, on
l'a vu par les extraits de correspondance que j'ai cités, ses
vaisseaux n'avaient pas de rechanges : 19 mâts de hune
étaient cependant à changer! Et l'on comprend que là ne
s'arrêtaient pas les avariesj nécessitant le remplacement
immédiat de mâts , vergues, voiles ou parties de grément.
La Pourvoyeuse donna tout son grand mât au Brillant et
prit celui de la flûte la Fortitude. La mâture de la Sylphide
fut donnée aux plus nécessiteux. Quand le commandant en
chef eut pourvu aux plus pressants besoins de l'escadre,
il se rendit à Goudelour. De leur côté, les Anglais allèrent
à Madras.
Le lendemain du combat, le vice-amiral Hughes envoya
un parlementaire au commandant en chef de l'escadre fran-
çaise pour réclamer le vaisseau le Sévère qui, disait-il, avait
continué de combattre après avoir amené son pavillon. Le
chef d'escadre de Suffren ne fit pas droit à cette réclamation
basée, répondit-il, sur une erreur ; car si le pavillon du Sé-
vère avait un instant cessé de flotter à sa corne, ce devait
être par suite de la rupture de la drisse.
BATAILLES.— 1782. 189
Cette demande motiva une enquête sur ce qui s'était
passé à bord du Sévère ; voici ce qu'elle apprit. Pressé vi-
vement par 2 vsdsseaux anglais, le capitaine du Sévère avait
donné l'ordre d'amener le pavillon. Dès que cette nouvelle
•se fut répandue à bord, les oflBciers firent redoubler le feu,
et le capitaine se vit forcé d'ordonner de bisser les couleurs.
Le vaisseau anglais Sultan, qui avait mis en panne pour
envoyer amariner le Sévère, fut la victime de cette déter-
mination : il reçut pendant quelque temps, sans riposter,
tout le feu du vaisseau français.
Le chef d'escadre de Suffren suspendit le capitaine cheva-
lier de ViUeneuve-Cillart de ses fonctions. Le capitaine Bidé
de Maurville, de V Artésien, et le capitaine comte de For-
bin, du Vengeur, furent aussi remplacés dans leur com-
mandement. Le capitaine Bouvet quitta son vaisseau pour
raisons de santé.
A la version officielle que j'ai donnée de l'aflFaire du
Sévère^ version qui fut accréditée dans l'escadre, je crois
devoir joindre un extrait du mémoire justificatif publié
par le capitaine de Villeneuve-Cillart. Cet officier prétend
d'abord que le Sévère était le plus mauvais marcheur et le
vaisseau le plus mal armé de l'escadre ; que quand, à la
mort du comte d'Orves, il quitta la frégate la Bellone pour
le prendre, il trouva tout à faire et à organiser, a Depuis
« le combat du 12 avril, continue-t-il, le Sévère avait fait
(( beaucoup de pertes, et le nombre de ses malades était
(( encore si grand, que l'on avait eu beaucoup de peine à
(( armer les deux batteries; il ne restait personne pour
« celle des gaillards, ni pour la manœuvre.
« Lorsque le vent passa au S.-Ë. pendant le combat, le
(( Sévère avait perdu sa vergue de petit hunier ; le grand
« hunier était tombé sur le chouque ; son mât d'artimon
« était au tiers coupé et son grément tellement haché, que
(I le capitaine de Cillart se disposait à sortir de la ligne, ainsi
« que l'avait fait le Flamand. Cette saute de vent le coiffa
« et, incapable de manœuvrer, il tomba dans la ligne an-
188 BATAILLES.— 1782.
ce même vaisseau masqua, ce fut encore le Héros qui lui
vint en aide, car le chef d'escadre de Suffren savait main-
tenant jusqu'à quel point il pouvait compter sur la coopé-
ration de ses sous-ordres, et il faisait ce qu'ils eussent dû
faire.
Le Sphinx i qui combattait le Monarca, remplaça le Héros
par le travers du Superb et se maintint à ce poste jusqu'au
changement de vent.
VHannibaU YArtèsieriy le Vengeur ^ le Bizarre et YOrient
ne prirent qu'une part secondaire au combat. La distance
à laquelle les vaisseaux qui leur correspondaient dans la
ligne ennemie tinrent le vent, rendit la lutte sans efficacité
dans cette partie. V Orient reçut l'ordre de se rapprocher;
son capitaine essaya de le faire, mais il ne put y réussir.
Quant à VAjax^ il ne se mit même pas en ligne.
Le combat que je viens de relater mit le commandant en
chef de l'escadre dans une position bien difficile, car, on
l'a vu par les extraits de correspondance que j'ai cités, ses
vaisseaux n'avaient pas de rechanges : 19 mâts de hune
étaient cependant à changer! Et l'on comprend que là ne
s'arrêtaient pas les avaries] nécessitant le remplacement
immédiat de mâts , vergues, voiles ou parties de grément.
La Pourvoyeuse donna tout son grand mât au Brillant et
prit celui de la flûte la Forlitude. La mâture de la Sylphide
fut donnée aux plus nécessiteux. Quand le commandant en
chef eut pourvu aux plus pressants besoins de l'escadre,
il se rendit à Goudelour. De leur côté, les Anglais allèrent
à Madras.
Le lendemain du combat, le vice-amiral Hughes envoya
un parlementaire au commandant en chef de l'escadre fran-
çaise pour réclamer le vaisseau le Sévère qui, disait-il, avait
continué de combattre après avoir amené son pavillon. Le
chef d'escadre de Suffren iie fit pas droit à cette réclamation
basée, répondit-il, sur une erreur ; car si le pavillon du Sé-
vère avait un instant cessé de flotter à sa corne, ce devait
être par suite de la rupture de la drisse.
BATAILLES.— 1782. 189
Cette demande motiva une enquête sur ce qui s'était
passé à bord du Sévère ; voici ce qu'elle apprit. Pressé vi-
vement par 2 vaisseaux anglais, le capitaine du Sévère avait
donné l'ordre d'amener le pavillon. Dès que cette nouvelle
•se fut répandue à bord, les officiers firent redoubler le feu,
et le capitaine se vit forcé d'ordonner de hisser les couleurs.
Le vaisseau anglais Sultan, qui avait mis en panne pour
envoyer amariner le Sévère, fut la victime de cette déter-
mination : il reçut pendant quelque temps, sans riposter,
tout le feu du vaisseau français.
Le chef d'escadre de Sufifren suspendit le capitaine cheva-
lier de Villeneuve-Cillart de ses fonctions. Le capitaine Bidé
de Maurville, de V Artésien, et le capitaine comte de For-
bin, du Vengeury furent aussi remplacés dans leur com-
mandement. Le capitaine Bouvet quitta son vaisseau pour
raisons de santé.
A la version officielle que j'ai donnée de l'affaire du
Sévère^ version qui fut accréditée dans l'escadre, je crois
devoir joindre un extrait du mémoire justificatif publié
par le capitaine de Villeneuve-Cillart. Cet officier prétend
d'abord que le Sévère était le plus mauvais marcheur et le
vaisseau le plus mal armé de l'escadre ; que quand, à la
mort du comte d'Orves, il quitta la frégate la Bellone pour
le prendre, il trouva tout à faire et à organiser. « Depuis
<( le combat du 12 avril, continue-t-il, le Sévère avait fait
« beaucoup de pertes, et le nombre de ses malades était
(c encore si grand, que l'on avait eu beaucoup de peine à
« armer les deux batteries; il ne restait personne pour
« celle des gaillards, ni pour la manœuvre.
({ Lorsque le vent passa au S.-E. pendant le coipbat, le
(( Sévère avait perdu sa vergue de petit hunier ; le grand
« hunier était tombé sur le chouque ; son mât d'artimon
(t était au tiers coupé et son grément tellement haché, que
« le capitaine de Cillart se disposait à sortir de la ligne, ainsi
« que l'avait fait le Flamand. Cette saute de vent le coiffa
« et, incapable de manœuvrer, il tomba dans la ligne an-
490 BATAILLES. — 1782.
« glaise et tut èiitburé. Un viisseau <le BÀ** le prit èii énfi-
(( lade par l'àrrifere.; un 74 le combattit par lé traverâ âe
« bâbord, et Un troisième, après lui avoir énvby^ Ijhô vol^e
(c à'iécharpe par T avant, prit poste à tribord. Le ^ere^^
« touîduré masqué, réboiidit de son mieux aii î^û de cis
« trois âdv'érààîres 'î inàis ib{*sque le capitaiiiB M tllîàî't vît
(t Tesbâdré î'ràîiçàise â' éloigner, car tous lès vâisséâuxi à
« rëxcèptibn du Wrîïïant^ avaient abattu è\ït i'aùtt'è iJôfâ,
i; il jilgeâ inutile de prblbnigër sa défenke et fit àiilbbèr le
u pavillon. Les vaisseaux dûi le côipbàttaieilt cessèrent âûô-
« silôt léiî'r feu et celui de trlBorâ à'èloigiiia. Daiis ce inq-
« inblU^iii; le SWere abattit èuî* tribord et le veiitjprit dâHs
« ses vbîlèà ; lé Ck|)ilàine db Clllah fit alorâ bbntiiiuer. le
« feu pir la pretiâière batterie, là seule ^m rë'siât armée,
<( et il i*èj oignit àôtt escadre. >>
Lorsque l'ordre qui le suspendait de ses fonctions lui fut
noUfié, le capjitaine de Villeneuve-Cillart dem^ndB, à 9ep-
vir comme volontaire sur l'escadre; il ne put l'obtenir et
fut renvoyé à l'île de France.
Le roi approuva les mesures priseâ par le comiiiaiiclctbt
en chef des forces navales de Tlnde; il poussa niêûié la
sévérité plus loin que liii. Le chevalier de Villéîieuvé-Cil-
larl fût cassé. Les capitaines Bidé de Maûi:ville et dé Tr6-
ttielin furent rayés des listes ; le comte dé ]?orbin fut déclaré
incapable d'être employé 5 le chevalier de Lalandelle-Itos-
canvec fut;aQis en retraite sans pension, et le Capitaine de
Lapallière fut invité à prendre sa retraite.
L'admiration que le Nabab Hyder-AÙ Jprôfesâalt pour
le bailli de Sùflfrén augmentait de jour en jour. Ayant ap-
pris le retour de l'escadre à Goudeloiir, il pahit d'Harni
avec son armée et alla établir son caibp à 9 milles de la
mer, afin d'avoir une eiitrevue avec le commandant en chef
de l'escadre française. Un prince d'Asie se déplaçant avec
une armée de 12,000 hommes pour donner un témoignage
authentique de sa haute estime à un oOiciëi' français est
BATAILLES. — i782. \l\
bhdse trop digne de remarque, pour que j'omette de la
relater, fcette énïi'iévue eut lieii le 2^ juillet.
il ne suffisait cependant pas de vouloir, d'ans Tintèirèi
de la France» et malgré les instructions inintelligentes qui
étaient arrivées d'Europe , ne pas quitter la côte de Coro-
ihandel; il fallait pouvoir y rester, et l'êtàt dès vaisseaux
était tel, qu'on touchait au moment où, de toute néçëssue^
li îaudraii faire route pour nie ae France. Le besoin d'un
port se faisait sentir plus que jamais et, malheureusé-
nient, depuis le mois de janvier, 1 insouciance du gouver-
nement hollandais avait livré aux Anglais Trinquemâll
seiil port dàiîs lequel *'
réparation^ de qûel^
poussait donc le chef d'escadre de ouiirén vers trinque-
malé : rendre à un allié une ville qiii lui avait été enleVéèjl
et se procurer iiid abri sûr et cominbde pour entreprendre
les travaux devenus indispensables après une navigation
active et plusieurs combats. L'escadre quittai Goudeloui* le
1" âoul;, èi fit route
Hiôpitàl. Informé de
escbrt'é par 2 vaisseaux et une frégate, le commandant èii
chef alla mouiller à Bentlcôlo où ce convoi , lés vaisseau^
;« îj ;:. '^.i?<..:
\e Saint'Miçheï, Y Illustre et la frégate là Consolante lerç-
joighireriL ïl mit alors soUs voiles et, lé 25 août au jourl
l'escadre entra dans la liaie de Trinquetaàlé, le Èèros en
tèté, sous le feu d'une petite bàitei:iè établie à la pointe du
mat dé pavillon a laquelle il fut défendu de répondre, et
elle iiiouilla, ainsi que le coùvoi qui là suivait, dans l'ar-
rièré-baie où elle était à l'abri des batteries de la ville.
La vaste baie de Trinquemalé, sur la côte orientale de
l'île de Ceylan, à 72 lieues dans le Sud de iPondichéry, est
partagée en deux rades par une langue de terre qui court
à peu près de l'Ouest à l'Est. En outre des fortifications
égulières de la yille, un fort est établi Bur cette presqu'île.
r
192 BATAILLES. —1782.
Il fallait donc mieux qu'un coup de main pour se rendre
maître d'une semblable position. Cependant les nouveaux
occupants la défendirent peu ; ils laissèrent les vaisseaux
prendre tranquillement leur mouillage et ne firent aucune
opposition au débarquement de 2,400 hommes qui furent
mis à terre. Après une résistance de trois jours, le gou-
verneur capitula. Le chef d'escadre de Suffren avait con-
duit lui-même toutes les attaques et dirigé toutes les opé-
rations.
Le 2 septembre dans l'après-midi, au moment où Ton
apposait les dernières signatures sur la capitulation , Tes-
cadre anglaise fut signalée au large. Dès que le vice-amiral
Hughes avait eu connaissance de la direction que l'escadre
française avait prise, il s'était douté des intentions de son
commandant en chef; mais, quelque promptitude qu'il eût
fait apporter à la mise en état de ses vaisseaux, il n'avait
pu prendre la mer avant le 20 août. C'était trop tard ; il
arriva devant Trinquemalé pour voir l'étendard de la France
flotter sur les principaux édifices de la ville et sur les forts.
Son parti fut bientôt pris. Il n'était pas en mesure, dans le
moment, de disputer aux Français la possession de cette
place importante ^ mais il songea à entraîner leur escadre
loin de terre pour la combattre dans une position avanta-
geuse, et essayer de mettre le chef d'escadre de Suffren
dans l'impossibilité de jouir des bénéfices de sa conquête.
Il gouverna donc de suite au large. Le commandant en chef
de l'escadre française recherchait avec trop d'empressé*
ment l'occasion de livrer bataille pour rester au mouillage
alors que l'ennemi était en vue ; il fit toutes ses disposi-
tions, et le lendemain matin, il sortit de la baie avec une
petite brise de S.-O. La première partie du plan du vice-
amiral Hughes avait un commencement de réussite^ cet
officier général sut manœuvrer de manière à attirer en-
tièrement son ennemi dans le piège qu'il lui tendait. Il
serra d'abord le vent et, lorsque, dans le but de rectifier
quelque peu leur ligne, les Français prirent le plus près,
BATAILLES. — 1782. 493
il laissa arriver de nouveau et continua cette manœuvre,
sans jamais gouverner au même air de vent, jusqu'à
1*» 15°*. Le chef d'escadre de Suffren qui ne saisit pas le
but d'une pareille tactique, se laissa entraîner à une pour-
suite dans laquelle tout le désavantage était de son côté *, il
était en effet loisible au vice-amiral anglais de choisir son
moment et d'attendre, dans une position bien établie, l'es-
cadre française à laquelle il était fort difficile de se présen-
ter au combat avec ordre. J'ai déjà dit combien est grande
la difficulté de tenir un certain nombre de bâtiments sur
une ligne de relèvement surtout, et c'était le cas, lorsque
ces bâtiments ont une marche différente. Or, si quelques-
uns des vaisseaux de l'escadre française étaient doublés
en cuivre, la majeure partisane l'était pas. Et, il faut bien
le dire, le chef bouillant et toujours impatient de com-
battre qui était à la tête des forces navales de la France
dans l'Inde, n'était pas homme à conduire ses vaisseaux
avec cet excès de prudence et de circonspection que dic-
tait la circonstance. Entraîné par son ardeur, il ne vit pas
que, comme lui, son ennemi voulait une bataille, et que ce
qu'il prenait, lui, pour de la faiblesse et de l'hésitation,
n'était qu'une tactique habile de la part d'un adversaire
qui savait à qui il avait affaire. Ce que le vice-amiral Hu-
ghes avait supposé arriva ; et lorsqu'il estima les vaisseaux
français suffisamment en désordre, U s'arrêta définitivement
et établit les siens en bataille, les amures à tribord dans
l'ordre que voici :
Canons.
64 ExETER capitaine Robert Montagu.
60 Isis I — Lumley.
82 Hero — Charles Hoghes.
Richard King, commodore.
72 Sceptre capitaine Samuel Graves.
70 BuRFORD — Peter «Rainier.
82 Sultan — James Watt.
74 SoPERB — Henry Newcome.
sir Edward Hughes, Tice-amiral.
70 MoNARCA capitaine John Geil.
64 ËAGLE. . • . • — Ambrose Reddals.
II. 13
194 . BATAILLES.— 1782.
i f llAGNAifiiiE — Charles Wolseley.
T* ( MoNMouTH — James Alœs. .
éi WoRCESTER — Charles Wood.
, eâ frégates Medea et Cotentry étaient en dehors de la
A 1^ 55",. les capitaines, français reçurent l'ordre d^^^^
le vent par le travers dç l'escadre anglaise. Les vaisseaux
se suivaient comine ci-après :
Gîtons^,- ^;/ ï • .
64 Artésien capitaine de Saint-Félix.
H Ortfffiff ; — de tajirallière.
60 SawiiMichel — ^'Aymafi : : :
_ y éévêre . — Mauryille de Langle.
^* * ÈHltâkt — dé Keirsau«6i«. '
^0 ffannibal — eheyalier M orard |e GaMi >
et Sphinx — vicomte Duchilleau de Laroche.
7i Héros — Moissac.
ji lîj ; bailli de Safff en ^ chef d'es0dre.
74 lÙiistre capitaine comte de Bruyères.
iO Wlatnand, — Perrier de Sàlyert. ■
64 AjjdOi. — vicomte de Beaumont Lemaitre.
40 Consolante — Péan.
74 AnnUial — dé tromelirr.
_ i Vengeur -- de Cuverville^ :
l Bizarre -- chevalierdeLalandelle Roscanvec.
y^ ftrégates la Bellone^ la Fine et la corvette la Fortune
acqonopagnaient l'escadre.
Qette fois encore, le passage de l'ordre de marche à
Vordre de bataille fut mal exécuté -, les vaisseaux de l'avaiyt*
garde dépassèrent ia tête de la colonne ennemie et, dans
le but de prendre leur poste, ils serrèrent le vent tant qu'ils
purent : cette manœuvre les éloigna au lieu de les rappro-
cher. Le dernier vaisseau du corps de bataille se trouvant
trop près de son chef de file, mit un hunier sur lé mit.
Celui-ci crut devoir en faire autant : et le vaisseau aroirdl,
probablement pôtii* hè t)âs se séparer de ces deux vais-
seaux placés immédiatement derrière lui, mit lui-mêikie en
panne. Il en résulta que les sept premiers vaisseaux s'éloi-
gnèrent davantage, et (Jue le vaisseau de tête de l' arrière-
garde dépassa ceux du centre. On conçoit combien la con-
fusion fut grande. Il n'était pas possible d' engage): ainsi le
BATAILLES.— 1782. 4Sl5
combat. Le commandant en chef fit signal de laiiser arriver
jusqu'à portée de pistolet, et il appuya cet ordre d'un coup
de canon. Chacun attendait le signal de tommeocer le f^O.
La détonation de ce coup de canon s*était à peine fidt ed^
tendre, qile toutes les batteries du iféf os tirèrent. Prompte^
dans cette circonstance, à imiter les mcfuvèments du \b\è*
seau amiral, plusieurs capitaines engagèrent le ôombi^ Il
faut en convenir. Terreur était possible, pu|8(|ue le HéirM
avait été le premier à lâcher sa bordée : l'affaire se troilva
donc mal engagée, mais il n'était plus possible, de la re-^
mettre. Les vaisseaux se gênaient à Tarant et à Tarrièrth-
garde, et ils étaient trop loin de T ennemi pour 4jue teuf;^
pût avoir un résultat; 3 vaisseaux du corps de bataille lut-
tèrent seuls avec désespoir contre un eiitiesdi qui.leUtr ^tçÂt
bien supérieur en forces, et deux d'entre eux^ dont un étâil
le Héros lui-même, privés de deux de leurs bas mâts^ ^e
trouvèrent grandement comptomis. Les signaux du eem-
mandant en chef furent à peu près sans effet; Tarrièi^
garde y fut insensible, et T avant-garde ne lee ex#tiute
qu'avec lenteur. Tous furent, il ièst \rai, contrariés par 1a
faiblesse de la brise et par le calme. Les élémeots lutlère&t
aussi contre le chef d'escadre dé Suffren dans cet$e.irfï!wr|^
Un de ses vaisseaux embarqua tant id'eau pi^r Sa batterie
basse qu'il fut sur le point de couler et qu'il dut ae retirée
Un autre qui, faute de munitions^ avait été daas la néces-
sité de sortir de la ligne, eut le ieil h bord et (ut obligé dç
couper une partie de sa mâture. Enfin* Vers ô*" 30"*^ la brM
s'éleva du large; Tavant-garde rallia et dégagea lèavaisseauii
compromis. L'état de quelques-uns des vâisseaul ftngiEiis
fit prendre alors au vice^^miral Hughes la dét^^Ailitatioi^
de faire route au Nord. La nuit était du Jtiite arriva ; >1
était 7*' 20". Les vaisseaux anglais avaient beaucoup souf^^
fert ; le Worcester, TEagle, le Bdrford, le Monmouth et
le SuPERB étaient criblés. Les capitaines Lumley de Tl^ïs*
James Watt dû Sulta^î, avaient été tués, et le capitaine
Charles Wood du Worcester avait reçu une blessure ex-
196 BATAILLES. —1782.
trêmement grave. I/escadre anglaise se rendit directement
à Madras. Du côté des Français, le Héros avait perdu son
grand mât, son mât d'artimon et son petit mât de hune.
Vlllustre avait démâté de son grand mât et de son mât
d'artimon : le capitaine de Bruyères était blessé. VAjax
avait eu un mât de hune abattu. Le capitaine Péan de la
Consolante avait été tué (1). Deux vaisseaux prirent le
Héros et Y Illustre à la remorque, et Fescadre fit route pour
Trinquemalé qu'elle ne put atteindre que le 8. Une nou-
velle épreuve y attendait le chef d'escadre de SufTren : en
louvoyant pour prendre son mouillage, l'Orient se jeta à la
côte et il ne put être relevé. Disons maintenant comment
chaque capitaine comprit les obligations de sa position.
Lorsque le commandant en chef fit signal de former la
ligne de bataille, Y Artésien se trouva bien en avant de la
colonne ennemie. Dans le but de diminuer le sillage et de
prendre son poste, le capitaine de ce vaisseau serra le vent
de manière à mettre ses voiles en ralingue. Cette malen-
contreuse manœuvre eut pour résultat d'éloigner Y Artésien
au lieu de le rapprocher, et ce vaisseau ne prit part au
combat que quand, à 5*» 20", une brise fraîche du large lui
permit d'exécuter l'ordre donné, deux heures auparavant,
de se rapprocher à portée de pistolet. Ce fut Y Artésien qui
contribua le plus à dégager les vaisseaux qui combattaient
au centre.
V Orient se trouva dans la même situation que son chef
de file. Comme lui, il dépassa la tête de la colonne enne-
mie ; comme lui, il ne combattit que lorsque la brise le
poussa sur le champ de bataille.
Le Saint-Michel se trouva dans une position identique et
son capitaine imita la manœuvre des 2 vaisseaux qui le
précédaient. Toutefois, le Saint-Michel ne combattit pas
(1) l\ y eut 82 tués et 255 blessés dans Tescadre. Le nombre des tnés variait
de 1 à 50^ celui des blessés de 8 à 82 par yaisseau. Cinq n'eurent ni tués ni
blessés. Ce résultat indique suffisamment la part inégale que les Taisseaaz
prirent au combat.
BATAILLES. — 1782. 197
car, lorsqu'on ouvrit sa batterie basse, Teau entra par les
sabords en quantité telle qu'il fallut la refermer, et il se
retira.
Le Sévère qui se trouvait aussi en avant et au vent de la
tête de la colonne ennemie, n'exécuta pas plus que les
vaisseaux qui le précédaient le signal de se rapprocher ;
et il n'y eut guère pour lui possibilité de faire usage de
son artillerie avant que le vent l' eût-conduit dans le groupe
des vaisseaux qui combattaient.
De tous les vaisseaux de T avant-garde qui s'étaient vus
d'abord dans l'impossibilité de combattre, le Brillant fut
le premier à rallier les vaisseaux qui se battaient. Mais, au
lieu de passer entre ces vaisseaux déjà fort maltraités et
Tennemi, il gouverna au large et se plaça derrière 1'//-
lustre.
VHannibal combattit en avant du poste qu'il devait
occuper, et il ne s'inquiéta nullement de l'embarras dans
lequel se trouvèrent le Héros^ Y Illustre et ÏAjax.
Le Sphinx remonta également trop haut dans la ligne
ennemie. Son capitaine oublia que son poste de matelot
d'avant de l'amiral lui faisait une obligation de se main-
tenir auprès de ce vaisseau auquel il ne prêta qu'une as-
sistance tardive.
Le Héros fut littéralement écrasé. Mais, il faut bien le
dire, la faute n'en était pas tout entière aux capitaines des
autres vaisseaux. Lorsque, par suite du signal de former
la ligne de bataille , l'escadre fut au plus près, les deux
derniers vaisseaux du corps de bataille mirent un hunier
sur le mât. Si le Héros qui les précédait n'imitait pas leur
manœuvre, il allait se trouver isolé, puisque YHannibal et
le Sphinx s'étaient portés trop en avant. Il mit donc en
panne, mais sans faire aucun signal. Cette manœuvre
acheva ce que le passage de l'ordre de marche à l'ordre de
bataille avait commencé : le désordre devint extrême.
Pour le réparer, il n'y avait pas de temps à perdre. Aussi,
afin d^appeler l'attention sur le signal de laisser arriver et
198 BATAILLES.— 1782.
d'approcher Tennemi à portée de pistolet qui fut hissé à
bord du Héros y le commandant en chef fit-il tirer un coup
de éanon. Sur le vaisseau amiral lui-même, ce coup de ca-
non fut pris pour Tordre de commencer le feu : les batte-
ries du Héroê tirèrent. D'autres vaisseaux l'imitèrent. C'en
était f^it, le combat était engagé , mais dans des condi-
tions toiit & fait défavorables, puisque les vides qui exis-
taient en avant du Héros et en arrière du corps de bataille
permettaient à Tennemi de concentrer son feu sur les vais-
seaux qui se trouvaient ainsi isolés. A S** 20™, signal fut
fait à l'avant-garde de venir soutenir le vaisseau amiral ;
nous savoîis déjà qu'elle n'en tint pas compte. La position
du Héros était' fort critique. Son grand mât et son mât
d'artimon furent successivement abattus. Ce fut dans ce
moment que, n'apercevant plus le pavillon de poupe ni ce-
lui de commandement, le bailli de Suffren s'écria: Des
pavillons! quon apporte tous les pavUlofis blancs! qu'on en
meUê tout autour du vaisseau! Les vaisseaux finirent par
rallier; ils couvrirent et dégagèrent le i/ëro«. Le comman-
dant en chef arbora son pavillon $ur ï Orient et resta sur
c^ Vx-ûsseau jusqu'à la fin du combat. Le Sphinx prit le
il^rofi à la remorque.
Lors de Ja formation de h ligne de bataille, le Flamand se
rapprocha trop de Y Illustre et mit sur le mât. Le capitaine
dfi ce dernier vaisseau imita cette manœuvre, on ne sait
tf^p pourquoi, et occasionna ainsi une partie du désarroi
dam lequel i'eacadre se trouva. Le capitaine de Bruyèreg
rii^bata noblement }a faute qu'il avait commise en restant
ju$qu-au dernier mofnent là où était son poste, auprès du
vm^^eau amiral. L'/2(ics(f6 partagea, tous les périls du Hè-
res et, eomme lui, il fut écrasé. Il avait déjà perdu son mât
d'ftrtimon lorsque le signal de se porter au feu fut fait à
Tavani-garde. Plus tard, son grand mât fut aussi abattu.
Éùfm, grâce au concours un peu tardif, mais réellement
ufficaee, des vaisseaux de T avant- garde , l Illustre fut dé-
gagé et YBannibal le prit à la renK)rque.
BATAILLES. — 1782. 199
C'est le Flamand qui fut la cause première du désordre
daps lequel l'escadre se trouva. Le capitaine de ce vaisseau
ayant mal calculé son mouvement d'oloffée, lors de la for-
mation de Tordre de bataille, se trouva trop près de VlUmîrê
et mit un hunier sur le mât pour se laisser culer. Nous
avons vu que cette manœyvrf fut imitée par Ylliustreet
parle Héros. N'obtenant pas dès lors le résiritat qa'il s'était
promis, le capitaine du Flamand fit orianter ,' passsf ioui
le vent et ne rentra plus dans la ligne. ' ? '
Naturellement surpris par la manœuvre de son chef de
file, VAjaxne put amortir assez promptemènt' son erre et
le dépassa; mais son capitaine s'arrêta auprès du com-
mandant en chef et, avec Y Illustre^ il soutint Ip Héros jus-
qu'au dernier moment. Ce vaisseau fut, comÀië les deux
autres, dégagé par Tavant-garde. VAjax n'avait perdu
qu'un mât de hune. ,' ; j -:
La frégate la Consolante,. qui avait été mise en ligne,
reçut l'ordre de doubler l'ennemi par-dess6uë !e' Vent* 8a
manœuvre ayant été contrariée par le WoRCEâtEk, siérfe-
fiie de la ligne, elle présenta le travers à ce 'Vaïiséau."Èfelris
cette lutte inégale, le capitaine Péan fut victime dé' Teifift)-
sion d'une grenade qu'on crut être tombée dé là TiuneWïr-
timon de la frégate. * ' ' ■' '* ^^
VAnnibal avait tenu le vent trop tôt et se trouva à une
distance à laquelle son tir ne pouvait avoir d*effi(éàcîtél $^ri
capitaine s'y maintint cependant malgré Tordre de co'm-
battre à portée de pistolet. ' "^
Le Vengeur reçut, en inême temps que la Çonsolanie^
l'ordre dédoubler l'ennemi par-dessous Jeyent; noaissa
manœuvre fut déjouée et il combatltit au ven|;. jCj5 y^^jgs^siu
n'avî^t malheureusement presque pas de jmjni|i|.ops et
elles furent promptement épuisées. Son capitaine du|; alors
se retirer et il se plaça au vent du corps de bataille :
le feu était à bord de ce vaisseau. Le Vengeur devint un
éppuvaotfjiil qqi ne contribua pas peu |t ÇQippléter le dé-
200 BATAILLES.- 1782.
sordre derarrière-garde. Le sacrifice du mât d'artimon qui
fut coupé arrêta Tincendie.
Le Bizarre qui fermait la marche resta de l'arrière sans
ennemi par le travers.
L'escadre française avait, jusqu'à ce jour, été numérique^
ment supérieure à l'escadre anglaise et cependant, le bailli
de Sulfren n'avait pas encore remporté de victoire décisive.
La lettre qu'il écrivit au ministre de la marine, après le
combat du 3 septembre, et que je transcris en entier, en
donne la raison. Voici ce document intéressant.
A bord du Héros,,.
« Monseigneur,
« J'ai le cœur navré par la défection la plus générale :
« je viens de manquer 1* occasion de détruire l'escadre an-
« glaise. J'avais quatorze vaisseaux et la Comolante que
(t j'avais mise en ligne. L'amiral Hughes évitait sans fuir ;
(c pour mieux dire il fuyait en ordre, conformant sa voi-
(( lure à la marche des plus mauvais voiliers ; et larguant à
« mesure, il fit courir jusqu'à dix et même douze aires de
« vent; ce ne fut qu'à 2*» de l'après-midi que je pus le
c« joindre. Ma ligne à peu près formée, j'attaquai et fis le
« signal d'approcher. J'avais fait signal au Vengeur et k la
« Consolante de doubler par la queue ; on n'approcha point.
« 11 n'y a eu que le HéroSy Y Illustre et YÀjax qui aient
u combattu de près et en ligne.' Les autres, sans égard à
« leur poste, sans faire aucune manoeuvre, ont tiraillé de
« loin ou, pour mieux dire, hors de portée de canon. Tous,
«^oui tous, ont pu approcher puisque nous étions au venl
« et de l'avant, et aucun ne Ta fait. Plusieurs de ceux-là
« se sont conduits bravement dans d'autres combats. Je
u ne puis attribuer celte horreur qu'à l'envie de finir la
« campagne , à la mauvaise volonté et à l'ignorance, car
(( je n'oserais soupçonner rien de pis. Le résultat a été
t terrible. Le Héron, Y Illustre ont perdu grand niftt, mât
« d'artimon, petit mât de hune etc. Ce seraient des avaries
BATAILLES.— 1782. 201
« affreuses en Europe ; jugez dans Tlnde où nous n'avons
« aucune ressource en ce genre, 11 faut que je vous dise,
« Monseigneur, que des officiers depuis longtemps à l'île
« de France, ne sont ni marins ni militaires. Point marins,
« parce qu'ils n'y ont point navigué, et l'esprit mercan-
« tile, d'indépendance et d'insubordination est absolument
Cl opposé à l'esprit militaire. Les maîtres y ont contracté
« un esprit de rapine qu'il est impossible de réprimer.
« Vous ne sauriez imaginer. Monseigneur, toutes les petites
(( ruses qu'on a employées pour me faire revenir. Vous
c( n'en serez pas surpris si vous savez qu'à l'île de France
« l'argent vaut 18 p. 100 et, quand on fait des affaires,
«( infiniment plus; et pour cela il faut y être.
« Messieurs de Lalandelle, de Tromelin, de Saint-Félix,
« de Galle ont demandé à quitter leurs vaisseaux ; j'ai été
« trop mécontent d'eux pour ne pas le leur accorder avec
€ plaisir. Si je ne change pas plusieurs autres, c'est faute
<( d'avoir des personnes en état de commander les vaisseaux ;
« je vous envoie la liste apostillée. 11 est affreux d'avoir
« pu quatre fois détruire l'escadre anglaise et qu'elle existe
(• toujours. Le choix des officiers pour l'Inde est des plus
(( essentiels, parce qu'on n'est-pas à même de les changer.
<( Je ne crois pas avoir les talents qu'il faudrait; je ne suis
« rassuré que par la confiance que vous avez en moi. Mais
« en vérité, si ma mort ou ma santé faisait vaquer le com-
« mandement, qui me remplacerait? monsieur d'Aymar?
« Vous le connaissez. Monsieur Peynier est brave, zélé,
« excellent pour un jour de combat; mais je croirais la
<( conduite d'une grande escadre fort au-dessus de ses
« forces dans ce moment, n'ayant point encore été éprouvé
« dans cette partie. Je ne connais qu'une personne qui
« ait toutes les qualités qu'on peut désirer; qui est très-
ce brave, très-instruite; pleine d'ardeur et de zèle, désin-
« téressée ; bon marin : c'est monsieur d'Albert de Rions
« et, fût-il en Amérique, envoyez-lui une frégate. J'en
« vaudrai mieux l'ayant, car il m'aidera; et si je meurs,
202 COMBATS PARTICULIERS.— 1782.
« VOUS serez assuré que le bien du service n'y perdra rien.
« Si vous me l'aviez donné quand je vous l'ai demandé, nous
(( «erions maîtres de rinde. Je puis avoir fait desfftute@à
tt ]^ guerre; qui n'en fait pas t mais on ne pourra m'iBo
(( ifpputer aucune de celles qui font perdre 1^9 affaires*
<tt Je 3uis, etc.
« Signé : bailli de Sdffren. »
Disons cependant, sans chercher d'autres causes, que le
résultat incomplet dont le commandant en chef des forces
navales de la France dans les mers de Tlnde se plaignait^
pouvait aussi dépendre de la composition des équipages.
Les armements considérables faits depuis 1778 avaîëiit
épuisé les ressources du personnel ; on y remédiait en com*
plétant les équipages avec des milices gardes-côtes, des
troupes de marine, exclusivement employées jusqu'alors à
former la garnison des vaisseaux, et enfin, avec ce qtfon
appelait des novices volontaires, qui étaient deô homln^s
de l'intérieur recrutés à prix d'argent. On conçoit quels
équipages devaient former de tels éléments. Le relâche-
ment et l'esprit d'indépendance tenaient aussi à une autre
cause que celle signalée ; on peut en attribuer une partie
au règlement sur les tables. Général, capitaine, oflSiciers,
gardes-marine mangeaient ensemble ; tout était confondu.
On se tutoyait comme camarades. Quand on manœuvrait,
le subalterne donnait son avis, discutait, et le chef impa-
tienté préférait souvent céder plutôt que de se faire 4es
ennemis. Des faits de ce genre sont constatés par des té-
moins dont ou ne peut suspecter la véracité.
Les avantages furent à peu près balancés dans les com-
bats particuliers qui furent livrés cette année.
Lorsque, le 17 février, l'escadre française de l'Inde alla
mouiller à Porto Novo, après le combat qu'elle avait livré
aux Anglais, la frégate de 32'' la Bellone , capitaine Perrier
COMBATS PARTICULIERS. — 1782. 203
de Salvert , fut laissée en croisière au large. Huit jours plus
tard, le 26, cette fréga.te rallia l'escadre avecla corvette
anglaise de 20^ le Chasseur, qu'elle avait fait amener aprèé
vingt minutes de combat. Le commandement en fut donné
au lieutenant Boisgelin.
Le 26 juin, c'était la frégate de 32'^ la Fée^ capitaine
de Boubée, qui s'emparait', à la hauteur du cap Lizàrd
d'Angleterre, de la corvette anglaise de 18*= ALligatob
qui portait les dépêches du commandant de la division âes
ééte» occidentales d' Afrique.
Le 28 juillet au soir, et alors que l'armée navale se ren-
dait du Cap Français à Boston, une canonnade fort vive
fut entendue dans le Sud-, le commandant en chef Se
dirigea de ce côté. Le lendemain au jour, là frégate TiimA-
zane fut aperçue sans pavillon et démâtée de son grand
mât et de son mât d'artimon ; près d'elle se trouvait UDé
frégate anglaise qui prit chasse; V Amazone hîssa alors
son pavillon. Cette frégate, commandée par le lieutenant
de vaisseau de Montguyot, avait été chassée, le 28 dans
l'après-midi, par la frégate anglaise de â8** Santa Marc a-
BiTA, capitaine Salter. A S\ celle-ci passa à la distance
d'un câble, à contre-bord de Y Amazone qui lui lâcha sa
bordée et vira immédiatement vent arrière. Le capitaine
anglais attendit que l'évolution de' la frégate française fût
commencée pour lui envoyer sa volée en poupe; il l'ap-
procha ensuite à portée de pistolet en la tenant à tribord.
Le combat fut terrible; aprè^ ciijq quarts 4*heure, le lieu-
tenant de vaisseau chevalier de rjÉpine qui avait remplacé
le capitaine de Montguyot, tué pendant l'action, fit amener
le pavillon ; cet officier était blessé lui-même. Le grand niât
et le mât d'artimon de Y Amazone s'abattirent presque en
même temps que le pavillon. A la nuit, le capitaine §ajter
204 COMBATS PARTICULIERS. — 1782.
suspendit le transbordement des prisonniers, envoya 68
hommes à bord de la frégate française et la prit à la re-
morque. Lorsqu'au jour il aperçut Tarmée, il fit revenir à
son bord les officiers et les matelots détachés; et, sans
prendre le temps d'embarquer son canot qu'il abandonna,
il coupa le grelin de remorque et prit chasse. L'équipage
de Y Amazone rehissa de suite les couleurs nationales (1).
La Gazette d'Albany du 8 août fit les réflexions suivantes
sur ce combat : « Nous sommes informés que la S/lnta
(( Margarita est un très-beau bâtiment ayant 28'' de 18 en
c batterie. Cela étant, elle devait avoir un très-grand
« avantage sur la frégate française qui , d'après le rap-
« port, ne porte que du 12 et du 6 ; cette infériorité est
« immense. »
Le rédacteur de la Gazette d'Albamj était mal informé en
ce qui concerne la force de Y Amazone ; la matricule des
bâtiments armés constate que cette frégate était une de
celles auxquelles on n'avait pas ajouté 6 canons de 6 sur
les gaillards; elle ne portait que 26° de 12.
L'observation du Journal (ÏAlbany servira à établir la
force exacte de la Santa Margarita, quelle que soit d'ail-
leurs la classe à laquelle les relations anglaises aient fait
appartenir cette frégate. D'après le règlement du 3 juillet
1779, les frégates dites de 38 étaient les seules qui eussent
28*^ de 18 en batterie. Or, comme en 1782, ces frégates
remplacèrent leurs caronades de 18 par des caronades du
calibre de 2A, la Santa Margarita devait avoir :
28 canons de 18,
2 — de 12,
8 — de 9,
et 10 caronades de 24.
V Amazone faisait partie de l'armée navale aux ordres
(1) M. de Lapeyrouse omet de relater cette circonstance importante dans
son Histoire de la marine française.
COMBATS PARTICULIERS. —1782. 205
du lieutenant général de Vaudreuil ; elle avait été envoyée
en découverte, le jour même où elle avait été attaquée. En
rendant compte de son combat, cet ofBcier général appela
l'attention du ministre sur les avantages que l'emploi des
caronades et la substitution des platines au boute -feu
donnaient aux bâtiments de la marine anglaise. Ces avan-
tages étaient réels puisque, d'une part, l'emploi des caro-
nades permettait l'embarquement de pièces de fort calibre ;
et que, de l'autre, l'usage des platines procurait, dans le
tir, une précision à laquelle il n'était pas possible de pré-
tendre avec le boute-feu.
Le 11 août, les frégates la Friponne et la Résolue^ capi-
taines de Blachon et de Saint-Jean , s'emparaient des cor-
vettes anglaises de 26*^ Swift et Speedy.
Le 12 août, la frégate de 32'' la Bellone, capitaine de
Piervert, détachée pour observer les mouvements de l'en-
nemi rencontra, à la hauteur de l'île Ceylan, la frégate
anglaise de 30*' Coventry, capitaine Mitchell et l'attaqua.
Le combat prit bientôt un caractère de vigueur et d'opi-
niâtreté inaccoutumé. Spectateurs habituels des combats de
leurs escadres, les deux capitaines avaient saisi avec empres-
sement l'occasion de mesurer leurs forces. Après deux heures
de lutte acharnée, les deux frégates se séparèrent totalement
désemparées. Le capitaine de Piervert avait perdu la vie.
Sa mort était en partie cause de l'état dans lequel se trou-
vait la Bellone. Lorsqu'il fut tué, une contestation s'éleva
au sujet du commandement. Le second de la fr^ate était
italien et, aux termes des ordonnances, il était par c« fait
exclu du commandement en temps de guerre. Cet officier
ne voulait pas qu'un autre s'emparât de l'autorité qu'il pré-
tendait lui appartenir et, pendant la discussion qui s'en-
suivit entre lui et le premier lieutenant, la frégate resta sans
206 COMBATS PARTICULIERS. — 1782.
chef. On conçoit le désordre qui dut en résuLten Gé fttt
une circonstaQce fâcheuse, car il fallait que la frégate juft«
glaise eût de bien graves avaries pour cesser son feu danâ
l'état où était son adversaire.
La Bellone avait Ûb canons (de 12,
d ë — de 6.
La Cb VENTRY portsiit 26 canons de ^2,
et A — de 6.
,, *
Le capitaine de Beaulieu qui avait été aomtné au com-
mandement du Brillant reprit celui de la Bellone.
Sortie de Saint-Malo avec na convoi qu' elle conduisait,!^
Brest, la frégate de 38*^ TJÏéj&é, capitaine chevaliçar, é%
Vigny, fut chassée, le 3 septembre au matin, par le Rain-
Bow de /i8^ capitaine Trollope. Un boulet heureux qui
coupa la barre du gouvernail ne permit à YHébjé de g(^-
verner qu'avec difficulté, et elle fut jointe par le trave^
de V^ô de Bas, Son pavillon f^ut amené après un court
combat. Le convoi se réfugia à Morlaix.
VÊéhé portait 26 canons de îè,
et 12 — de 8.
Quant au Rainbow qu'on peut considérer comme^jp
vaisseau puisqu'il avait deux batteries, en outre dç coUf
des gaillards, il avait un armement particulier que npus
trouvons mentionné dans un document livré à la publi-
cité (1). Il avait :
20 caronadés de 68,
22 — dé 42,
et 6 — de 32.
La conduite du capitaine de vaisseau de Vigny fut exa-
(1) W. James^ The naval hisiory of Great Britain.
COMBATS PARTICULIERS. — 1782. à07
minée par un conseil de guerre. Cet ofTicielr supéHéiir,
trouvé coupable, fut condamné à 16 ans de pKsoû, à êttè
cassé et déclaré incapable de servir. Le ca{)itâine de Yï^ûf
rappela de cet arrêt. Le nouveau conseil de giietre devâiit
lequel il fut traduit, se borna à réduire la |)remière j>artîe
de la peine à six années d'emjirisonnement.
Dans le courant du mois d'août^ les fr^ateâ VAi0 de
40'^ capitaine de Latoucbe^ et la Gloire de 32, capitaine
chevalier dé Vailongue, partitent de Rochefort pour porter
en Amérique de l'argent et plusieurs officiers qui ralliaient
l'armée du général Rochambeaa. Lé A septembre peûdôttt
la nuit, à 135 lieues dans l'Est dé Long-Islatld, elles a|)er-
çurent sous le vent un bâtiment qui courait comme elles
tribord amures avec des vents d'Ouest et qu'à l'élévalioii
de son bois elles jugèrent bientôt devoir être un vaisseau.
Ce bâtiment héla la Gloire qui était sous le vent dé sa
conserve; Y Aigle serra de suite le vent. La crainte de pré-
senter la poupe à cet inconnu en imitant cette manœuvré
décida le capitaine de la Gloire à laisser porter; et sâtlè
savoir s'il avait affaire à un ami ou à un ennemi^ il lui fit
envoyer une bordée qui reçut immédiatement Une riposté:
le feu coîitinua de part et d'autre. Le capitaine dé Latoucbé
laissa arriver la première détohation, liiâis où avait cesâè
de tirer lorsque sa frégate arriva isur le JieU an combat j lé
capitaine du vaisseau étranger et celui dé la Gloire étaient
enires en pourparlers pour se demander à quelle nation ih
appartenaient. Ce répit fut de courte durée: les mold
France et Angleterre furent coitimé trn signal qui rendît
inutile Tordre de recommencer le feu. Après quelque
temps, Y Aigle remplaça la Gloire par le travers du vais-
seau ; mais la supériorité du feu de ce redoutable adver-
saire fit bientôt de tels dégâts à cette frégate, que le capi-
taine de Latouche crut devoir tenter l'abordage; il ne réus^t
pas. La coopération de la Gloire était du reste très-active ;
208 COMBATS PARTICULIERS. — 4782.
elle ç^nonnait le vaisseau alternativement de l'avant et de
Tarrière. Le jour, en se faisant, permit d'apercevoir plu-
sieurs voiles au nombre desquelles on' distinguait un vais-
seau. Le capitaine de Latouche auquel son ancienneté
donnait le commandement ne jugea pas devoir l'attendre :
les deux frégates continuèrent leur route, après deux heures
cinquante minutes d'engagement. Le vaisseau anglais
qu'elles avaient combattu était I'Hector de 74**.
Les voiles aperçues par les frégates françaises faisaient
partie d'un convoi anglais que le contre-amiral Graves
escortait en Europe avec les vaisseaux Ramilies qu'il mon-
tait, Canada, Centaur, la Ville de Paris, le Glorieux, le
Caton et THector. Ce dernier se rendait à Halifax lorsque
les frégates le rencontrèrent.
Douze jours après le combat que je viens de relater, un
coup de vent violent dispersa le convoi du contre-amiral
Graves ; une partie périt corps et biens. Le vaisseau amiral
Ramilies coula : son équipage fut recueilli par un transport.
L'Hector coula également. Le Glorieux disparut : on n'en-
tendit plus parler de ce vaisseau. La Ville de Paris devint
la proie des flammes et son équipage entier périt par le
feu ou dans les eaux. Le Centaur coula ; son équipage
eut le temps de s'embarquer dans les canots, mais un seul
atteignit le rivage : il portait douze hommes au nombre
desquels se trouvait le capitaine. L'Ardent et le Jason qui
étaient aussi partis de la Jamaïque avec le convoi avaient
été heureusement jugés incapables de faire la traversée et
renvoyés; le premier fut condamné. Ce désastre fit donc
disparaître, en quelque sorte d'un seul coup, toute trace
matérielle de la bataille du 12 avril, car le Ramilies et le
Centaur exceptés, tous ces vaisseaux avaient été pris à la
bataille de la Dominique.
Le 12 septembre, huit jours après leur combat avec le
vaisseau THector, les frégates Y Aigle de 40'' et la Gloire
COMBATS PARTICULIERS. - 1782. 209
de 32, capitaines de Latouche et chevalier de Vallongue,
chassèrent plusieurs navires ; dans le nombre était le brig
anglais de 14'' Ragoon, capitaine Edmund Nagle, dont elles
s'emparèrent. A la nuit, les frégates mouillèrent à 6 milles
du cap James et un canot fut envoyé à terre pour prendre
un pilote de la Delaware : ce canot se perdit. Le 1 3 au jour, 5
bâtiments de grande apparence furent aperçus dans le S.-E. ;
le vent soufflait du N.-N.-E. Les frégates appareillèrent
et entrèrent dans la rivière. Mais ces parages étaient incon-
nus aux deux capitaines, et ils s'engagèrent dans le passage
dit passe des Ciseaux^ formé par deux bancs qui se réunis-
sent. La sonde constata que Y Aigle ne pourrait pas franchir
cet obstacle; les frégates laissèrent tomber l'ancre. Les
bâtiments aperçus formaient une division sous les ordres
du Commodore lord Keith Elphinstone ; c'étaient les vais-
seaux Warwick et Lion; la frégate Vestale, la corvette
BoNETTA et une prise armée. Ils suivirent les frégates fran-
çaises jusqu'à l'entrée de la rivière. Le commodore anglais
fit proposer un échange de prisonniers au capitaine La-
touche et pendant qu'on traitait cette affaire, des embar«-
cations anglaises se mirent à sonder la passe ; les canots
des deux frégates envoyés pour troubler cette opération
furent repoussés par la Bonetta. Les pilotes du pays ayant
donné l'assurance que les frégates françaises franchiraient
le barrage, on travailla à les alléger et, à 4** du soir, elles
appareillèrent : la Gloire passa et gagna le grand chenaU
V Aigle n'eut pas le même bonheur; cette frégate toucha
et elle ne tarda pas à tomber sur le côté . La Vestale vint
alors se placer par sa hanche de tribord, la Bonetta, de
l'autre côté et la prise se mit en travers sous son arrière.
A 8*^30°', ces 3 bâtiments ouvrirent leur feu sur la fré-
gate française qui ne put leur répondre qu'avec trois
canons. Dans cette situation critique, la défense était im-
possible. L'argent et les passagers avaient déjà été mis à
terre ; la mâture de Y Aigle fut coupée -, de larges ouvertures
furent pratiquées dans ses flancs; et, lorsque le capitaine
II. 14
siin COMBATS Particuliers. ^lYsâ.
de Latoucbe crut avoir la certitude qu'il ne serait pas pos-*
sibk de relever la frégate» il fit amener le pavillon et héla
qu'il se rendait. Une quarantaine d'hommes avaient quitté
le bord dans deux embarcations. Les précautions prises par
le capitaine de Y Aigle n'empêchèrent pas les Anglais de
remettre cette frégate à flot et de l'emmener au lai^e.
Le vaisseau de 7h!^ le Scipion, capitaine Grimouardi et
la frégate Sibylle ^ capitaine comte de Kergariou Locmari»^
faisant route pour Saint-Domingue après avoir accompagné
en dehors des débouquements un fort convoi qui se ren-
dait en France, furent chassés, le 18 octobre» par les vais-
seaux anglais Lôndon de lOS"", capitaine Kemptone, et
ToBBAT de 82, capitaine Gidoin, La brise était faible de
l'E.-^.-Ë. Les deux bâtiments français furent gagnés et^
après un échange de quelques boulets en chasse et en re*^
traite, le London atteignit une position d'où il allait faire
sentir au Scipion la puissance de son artillerie* Il était alors
8^ 20"* du soir. Le capitaine Grimouard n'en attendit pas
reflet ; il laissa arriver sur l'avant du vaisseau ennemi»
lui envoya sabordée de tribord à double projectile et revint
immédiatement au vent pour éviter une bordée d'enfilade.
Mais cette arrivée avait tellement rapproché les deux vais-
seaux que, quand le Scipion revint au lof,- il se trouva
bord à bord et à tribord du Lonoon. Le combat dura peu
dans cette position ; quelque précipitées et meurtrières que
fussent les décharges de la mousqueterie du vaisseau an-
glais, — il était presque impossible de se servir des canons
— celles du Scipion l'étaient encore davantage et bientôt
son adversaire réussit à se dégager. Le Scipion vint de
suite sur bâbord , passa derrière le vaisseau anglais en lui
envoyant une volée d'écharpe et continua de le canonner
à bâbord. La Sibylle était à grande distance ^ elle avait fait
de la voile pour se faire poursuivre par le Torbay, mais le
capitaine anglais ne s'était pas laissé prendre à cette ma-
COMBATS PARTICULIERS.- i78«. ^i
pœuvre et il s'était dirigé sur le lieu du combftt» J^Qr&qu'il
y arriva, le London avait cessé de tirer ; il vçtt^iti dç pçirdrç
sa vergue de petit hunier et Toloffée subitç qyi |i,v$tit été
la conséquence de cette avarie avait mis toutes sea voil^g
sur le mât. Le capitaine Gidoin n'eut pas un instant la
pensée que ce vaisseau pût être son compagnon de croi-
sière et, dans le but d'être fixé sur le motif de son silence ,
m
il lui tira plusieurs coups de canon ; revenant bientôt cle
son erreur, il dirigea son feu sur le Scipion qui gouvernait
alors sur Saint-Domingue. Il était 10^ 30"^ L'intention
du capitaine Grimouard n'était pas de recommencer ime
nouvelle lutte; il se borna à échanger quelques bordées
avec ce vaisseau qui, du reste, ne s*éloîgt|a pas du LoutDO» i
lorsque les principales avaries de celui-ci ftirent réparéeSi
tous deux reprirent la chasse : çq fut inutile cettç fois. Le
Scipion entra dans la baie de Sàmana peu de temps après le
lever du soleil. Au moment où il allait laisser tomber ïaA^
cre dans le Port à l'Anglais, il toucha sur une roche dont
la position n'était pas déterminée et il coul^ sur place |
tout l'équipage fut sauvé. Le capitaine Grimouard avait été
blessé au combat de la veille.
Le capitaine de Kergariou ne crut pas devoir s'approcèér
d'un champ de bataille sur lequel il ne pouvait trouver
d'autre adversaire qu'un vaisseau ; il fit route pour le Gap
Français et la Sibylle y entra sans autre rencontre.
Le Palmier qui était chargé de l'escorte dq convoi avec
3 frégates eut une fin encore plus déplorable que celle du
Scipion. A la suite d'un coup de vent qui dispersa son con-
voi, à une trentaine de lieues des Bermudes, une voie
d'eau considérable se déclara à bord de ce vaisseau et, lei
pompes ne pouvant plus franchir, le capitaine Martellf
Chautard Tabandonna et passa avec son équipage sur les
navires qui étaient encore auprès de lui.
Au mois d'octobre, la corvette de 18° la Sémillant^^ çapi-
212 COMBATS PARTICULIERS.— 1782.
taine chevalier d'Arraud, combattit, en vue de Madère, la
corvette anglaise de même force Molly, et Tobligea àamener
son pavillon, après une heure et demie de vigoureuse rési-
stance.
La corvette la Cérès qui avait été capturée, au mois d'avril,
après la bataille de la Dominique, fut prise, en décembre,
par les frégates la Nymphe et la Concorde.
L'année se termina par la prise du vaisseau le Solitaire
de 64% que commandait le chevalier de Borda. Parti de la
Martinique avec le vaisseau le Triton^ les frégates la Réso-
lue, la Nymphe, et la corvette la Speedy pour croiser de-
vant la Barbade, le Solitaire se trouva, le 6 décembre au
matin, après une nuit très-obscure, au milieu d'une division
de 8 vaisseaux anglais sous les ordres du contre-amiral sir
Richard Hughes. Le vaisseau français prit chasse; mais,
à midi 80"*, il fut joint par le Ruby de 72% capitaine Col-
lins, qu'il combattit jusqu'à 2^; un second vaisseau arriva
alors. Démâté de son mât d'artimon et désemparé dans
toutes ses parties, le Solitaire succomba. Le Ruby portsût
des traces nombreuses de la résistance de son adversaire.
La corvette de SA"" la Speedy fut aussi atteinte et eut le
même sort que le Solitaire.
Dans les mers des Antilles, la campagne s'ouvrit par la
prise de l'île anglaise de Saint- Christophe. A peine de re-
tour de son expédition contre Saint-Eustache, le gouverneur
général marquis de Bouille se concerta avec le lieutenant
général de Grasse pour diriger une attaque contre l'île an-
glaise de la Barbade (1). L'armée navale mit à la voile, le
(1) La Barbade est à une centaine de milles dans le S.-S.-E. de la Martinique.
COLONIES,— 1782. 213
17 décembre 1781, mais elle tenta vainement de remonter
jusqu'à cette île : la force du vent et les avaries que firent les
vaisseaux la forcèrent deux fois à relâcher. On renonça alors
à l'attaque contre la Barbade, et Saint-Christophe fut
choisie comme but de l'expédition (1). Le 5 janvier, 26
vaisseaux ayant à bord 6,000 hommes de troupes mirent
à la voile. V Hector, le Palmier ^ le Conquérant et le Ré~
fléchi qui avaient le plus souffert dans les sorties du mois
précédent restèrent au Fort-Royal ; le Solitaire avait été
envoyé à Saint-Domingue. L'armée navale arriva, le H ,
sur laradede la Basse-Terre de Saint-Christophe. Elle était
à peine mouillée qu'une députation des habitants les plus
notables vint donner au commandant en chef l'assurance
qu'ils ne prendraient aucune part à la lutte qui allait
s'engager, et qu'ils conserveraient la plus stricte neu-
tralité.
Les troupes expéditionnaires purent dès lors être
mises à terre sans aucune opposition et marcher de suite
sur le fort de Brimstone-hill , — montagne de soufre
— dans lequel la garnison de la ville s'était renfermée.
Brimstone-hill est une montagne escarpée que l'art et la
nature ont fortifiée ; elle est voisine de la côte et distante
de 9 milles et demi dans le N.-O. de la Basse-Terre. Un peu
plus haut, toujours dans le N.-O., direction que la côte
cesse alors de courir, se trouvent la petite ville et le mouil-
lage de Sandy-point, — pointe sablonneuse — placés tous
les deux sous l'artillerie du fort de Brimstone-hill. Cette
considération, quoique ayant sa valeur, n'arrêta pas le
gouverneur général. Les difficultés qui lui restaient à sur-
monter étaient telles, qu'il n'hésita pas à s'établira la pointe
Sandy d'où il pouvait avoir des communications faciles
avec l'armée navale. La perte du transport qui portait l'ar-
(1) Saint-Christophe est à enyiroD cinquante lieues dans le N.-N.-E. de la
Martinique. ,
214 COLONIES.— 1782.
tillérïe de âiége fétài^à les opérations; deux bàtteHêâ pti-^
ftètot Cependant bientôt ouvrir leur feu.
Dès que le vite-amiral Hood, qui avait remplacée i'ftmiral
ftodney dans le commandement des forces navatesde T An-
gleterre dans ces parages, apprit les projets des Fraûçai»^
il appareilla de là Bârbade et se dirigea sur Sàint^Chriâ-
tophe avec 22 vaisseaux; le 25 au matin, il était en Vlie^
dans le Sud de cette île. L^ apparition de Tarmëe aoglàide
faillit ôùcâèîonner la perte de Ylsis. Pressé d'avertir te
Génénux qui était à Nièves , petite île voisine et dépeû^
àante de Saint-Chrlstophè, le capitaine de cette ft*égiate ^
prit t>âl3 toutes les précautions nécessaires pouif Mteindte
le mouillage et il s'échoua. VIsis put être remise à flot le
lendemain , et elle rejoignit l'armée navale ainsi que le
vai'sèeau.
La rade de Sandy-point est incontestablement le mellletif
mouillage pour une escadre qui voudrait jeter des seicours
dans le fort de Brimstone-hiU ; et comme cette fortification
était la plus considérable de l'île, le lieutenant gétiértal de
Grâèse eût de suite la pensée que le commandant en chef
de l'armée anglaise allait conduire ses vaisseaux à cel
anct^ge. Il vit promptement combien Toccupatioti de
celte position par l'armée ennemie pouvait avoir de con*
séquences fâcheuses pour le corps expédîtioaftàîfte tjil
investissait ce fort. Non-seulement l'amiral anglais cott-
pàît ses communications avec la mer, mais il allait ptx)-
bablement lui susciter de nouveaux embarras en débar-
quant un corps de troupes capable, sinon de faire levet le
âîége, du moins d'en faire ralentir et peut-être même sus-
pendre les travaux . En présence de oes considérations, le
lieutenant général de Grasse n'hésita pas; et quoique la
distance à laquelle il était de Sàndy-point ne fût pas grande,
il mit de suite sous voiles sans même attendre que l'ami-
ral anglais eût marqué sa manœuvre et indiqué la route
qu'il conaptait suivire et il se dirigea vers le N.-O. Il ne
tarda pas à s'apercevoir que le commandant de l'armée
COLONIES. — ITSSI. «15
anglaise n'avait pas l'intention qu'il lui avait prêtée. Ar-
rivé à la hauteur de la pointe Sainte-Croix, la plus Sud de
Tile, celui-ci serra la côte et il alla jeter l'ancre daus la
grande baiedes Salines,à 3 milles dans le S.-E. de laBassa-
Terre. Ce fut en vain que le commandant en chef de l'ar-
mée française voulut influer sur cette détermination en
faisant virer ses vaisseaux tout à la fois ; il était trop stmr
venté : avec les vents d'£.-N.-E. qui régnaient, il ne lai
était pas possible d'inquiéter l'ennemi. Aussi, celui-ci prit-
il tranquillemeot son mouillage sur une l^ne N.-N.-E. et
&-S.-0., la tête assez rapprochée de terre pour que le pas-
sage en dedans présentât de graves inconvénienls. Le liau-
tenant général de Grasse continua la bordée de bâbord iA
fit canonner l'armée aoglaise en passant, mais de loin; le
défilé terminé, il vira de bord lof pour lof par la contre*
marche ; il était alors h^ du soir. Voici l'ordre dans lequel
les Français étaient rangés :
Canons.
( Souverain capiiaioe chevalier de Glandevës.
\ Hercule — Chadeau de Laclocheterie.
i Languedoc — baron d'Arros d'Argelos.
\ Duc-de-Bourgogne — de Champmartiiu'
comte de Barras Saint-Laveat, lieuleiu gén.
74 Marseillais capitaine de Gastel|ane Ma|astre.
64 Jason — ch'eyalier Gouëte 4» VlU^ges.
( Magnanime. — comte Le Bègne.
^* {Zélé,. — chevalier de Gras-PréviUê,
64 Eveillé - Le Gardeur de Tiliy.
80 Saint-Esprit — marquis de Ghabert.
74 Sceptre. — comte de Vaudreuil.
104 Ville-de-Paris. ...... — de Sainte-Gésaire.
c!) nlo de Grasse, lieutenaat |;énéral.
César capitaine chevalier Goriolis d'ËspifiOose.
Northumberland — marquis de Briqueville.
. Diadème. ....,,.,, -— chevalier de MontecUrc^.
Glorieux, >,...... — vicomte d'Eacars.
Citoyen — d'Ethy.
Scipion — Dassas.
64 Ardent — chevalier Charles-René Bernard
deMarigny.
7^ Neptune — Renaud d'Aleins.
80 Auguste, — de Gastellaa.
de Boagainville, chef d'escadre.
i Bourgogne capitaine chevalier de Gtiaritte.
^* l Pluton, . ^ d'Albert de Rions;
216 COLONIES.— 1782.
6i Caton — comte de Framond.
I Sagittaire — de Montluc.
*" ( Experiment (1) — cheyalier de Médine.
L'armée française resta sous voiles toute la nuit Le 26
au matin, le lieutenant général de Grasse gouverna sur
l'armée anglaise et , à S*" 55°", élongeant tribord amures sa
ligne d'embossage qui était très-serrée , il la canonna sur
toute sa longueur. Lorsque l' avant-garde eut dépassé le
dernier vaisseau, le commandant en chef jBt virer lof pour
lof par la contre-marche. Quelques avaries obligèrent le
Souverain à changer de poste ; il se plaça derrière le Lan-
guedoc. A midi, l'armée française reprit les amures à tri-
bord et la canonnade recommença à 2^ 15°", mais cette
fois les efforts ne portèrent que sur l'extrémité Sud de la
ligne ennemie qui était formée comme il suit :
Canons.
72 Saint-Albams capitaine Ingles.
82 Alcide — Charles Thompson.
72 Intrepid — Molloy.
1 ToRBAY ^ — John Gidoin.
j Princessa — Charles Knatchball.
Samuel Drake, contre-amiral.
108 Prince George capitaine James Williams.
82 Ajax — N. Gharrington.
72 Prince William — Georges Wilkinson.
I Sbrewsbory — John Knight.
) Invincible — Saxton.
100 Barfleur — Hood.
Sir Saini;cl Hood^ vice-amiral.
82 MoNARCH capitaine Francis Reynolds.
72 Belliquous — lord Granstoan.
Gentaur. — John Inglefield.
Alfred.. • • • — William Bayne.
Russell — Stanhope.
82 { Resolution -^ lord Robert Manners.
Bedford i . . . — Edmund Affleck.
firavci, vice-amiral.
Canada capitaine honorable William GornWallis.
72 Prudent — Andrew Barkley.
82 MoNTAGU — George Bowen.
72 America — Samoel Thompson.
(1) M. de Lapeyrouse, Hist. de la marine française, fait errear en citatt
V Hector, le Palmier et le Réfléchi; j'ai déjà dit que ces vaisseaux étaient rtv- -^
tés à la Martinique. Le vice-amiral Hood^ qui prétend avoir compté 33 vaisseaux,
fait également erreur lorsqu'il dit: Je fus attaqué par toutes les forcée fran-
çaises au nombre de 27 vaisseaux»
COLONIES. — 1782. 217
Lorsque tous les vaisseaux eurent défilé devant la partie
de la ligne sur laquelle Tattaque était dirigée, le lieute-
nant général de Grasse prit le large et il n'inquiéta pas
davantage Tarmée anglaise. Estimant que le séjour des An-
glais à ce mouillage ne pouvait qu'être favorable aux arri-
vages d'Europe, il les y laissa tranquilles et se borna à les
surveiller. Le vice-amiral Hood profita de la facilité qu'on
lui donnait pour mettre des troupes à terre ; mais, repous-
sées par les Français, elles furent forcées de se rembarquer.
Cependant le siège du fort de Brimstone-hill traînait en
longueur. La batterie basse du vaisseau le Caton fut dé-
barquée. Grâce à la vigueur que cette augmentation d'ar-
tillerie permit d'imprimer aux opérations, le gouverneur
capitula le 2 février au soir. Deux jours après, l'armée
française se rendit à Nièves pour prendre des vivres qui lui
étaient apportés par un convoi. La nouvelle de la prise du
fort de Brimstone-hill arriva bientôt à la connaissance du
vice-amiral Hood; sa présence à Saint-Christophe devenait
dès lors inutile. Profitant de l'éloignement de l'armée fran-
çaise, il appareilla pendant la nuit en coupant les câbles et
laissant des fanaux sur les bouées pour n'être pas inquiété
dans sa retraite.
Le lieutenant général de Grasse s'était mépris, on l'a
vu, sur les intentions du vice-amiral Hood. Ce dernier es-
pérait surprendre l'armée française au mouillage et, dès
en partant de la Barbade , il avait communiqué son plan
d'attaque aux capitaines sous ses ordres. Il comptait porter
tous ses efforts sur la tête de la ligne française et faire
virer ses vaisseaux vent arrière par la contre-marche à me-
sure qu'ils auraient tiré leur bordée. Cette attaque de-
vait être répétée jusqu'à ce que tous les vaisseaux français
eussent été réduits à l'impossibilité de combattre. Ce plan
ne put être misa exécution puisque les Français étaient
sous voiles; ce fut celui que suivit, par la force des cir-
constances, le lieutenant général de Grasse, mais seule-
ment dans la seconde partie de son attaque car, le premier
2H8 COLONIES.— 1782.
jour et le matin du deuxième , il avait rendu les chances
égales en défilant sur toute la longueur de la ligne enne-
mie; il avait même engagé le combat avec désavantage
parce que, arrivant par la pointe Sainte^Croix, les vais-
seaux français avaient été canonnés longtemps avantde pou-
voir faire usage de leur artillerie. La crainte de se souven-
ter empêcha le lieutenant général de Grasse de poursuivre
les Anglais ^ il laissa une forte garnison dans le fort de
Brimstone-hill et retourna à la Martinique.
De nombreuses critiques s'élevèrent contre la tactique
suivie par le lieutenant général de Grasse dans cette cirooflh
stance. SU jugeait peu dangereuse l'attaque de l'île ou
plutôtdu fortde Brimstone-hill au moyen d'un débarquement
effectué devant la ville, il eut peut-être raison d'appareiller;
mais ne devait-il pas attendre, sinon avant de mettre sous
voiles, du moins avant de faire le sacrifice des avantages
que pouvait lui donner la position au vent, à savoir ce que
Fennemi voulait faire? S* il mit sous voiles parce qu'U
voyait du désavantage à combattre à Tancre, pourquoi du
moment qu'il n'avait plus à redouter un débarquement &
Sandy-point, n'attaqua-t-il pas plutôt et plus vigoureuse-
ment l'armée anglaise à laquelle il donna le temps de
prendre telle position qu'elle avait jugée convenable?
Doutait-il de ses forces et craignait-il que l'ennemi, sorti
vainqueur de la lutte, ne reprît possession <ie Tîle? Telles
furent quelques-unes des questions qu'on posa après le
combat naval de Saint-Christophe. Le lieutenant général
de Grasse n'y répondit pas; mais une affaire autrement
importante dut lui faire regretter, quelques mois plus taixi,
de n'avoir pas profité des chances qui lui avaient été of-
fertes devant Saint-Christophe (1).
Le 20 janvier, pendant que le gouverneur général des
(1) ÀlUsion à la bataille de la Dominique déjà relatée.
COLONIES. — 1782. 819
Antilles faisait le siège du fort de Brimstone^hill de Saint-^
Christophe, le lieutenant général de Grasse envoya le vais-
seau le Généreux y capitaine vicomte d'Escars, s'emparer
de la petite île de Nlèves. Cette expédition n'offrit aucune
difficulté.
Après la prise de Saint-Christophe, le lieutenant général
de Grasse détachai une division sous le commandement
du lieutenant général de Barras Saint-Laureût, pour at-
taquer l'île Montserrat. Cette île capitula le 22 février. Le
comte de Barras retourna en France après cette expé-
dition.
Presque en même temps que le gouverneur général des
Antilles reprenait les colonies que les Anglais avaient en-
levées aux Hollandais dans ces mers, le capitaine de vais-
seau de Kersaint faisait éprouver à l'Angleterre des échecs
semblables dans la Guyane. Cet officier supérieur était
parti de Rochefort, le 8 octobre 1781, avec les frégates et
les corvettes :
GanoBs.
52 Iphigénie qu'il commandait.
26 Aimable capitaine chevalier de Sazannet.
Î2 Ctiien^de-Chasse — vicomte de Pluvinel.
20 Rossignol -^ chev. Goëtnempren de Kersaint.
18 David — chevalier Dombideau.
Après une relâche à Cayenne, la division se dirigea sur
Déraérari. 250 hommes de troupes furent mis à terre, le
22 janvier 1782, et arrivèrent devant la ville pendant la
nuit. Ils n'éprouvèrent aucune résistance : le fort g-v^it éjé
évacué. Une capitulation fut conclue immôdiatemeùt.
Le 5 février, Tîle Essequibo capitula et le 8, Berbice s§
rendit au caj)itaine de Suzannet.
Lorsque, à la fin du mois de juin, l'armée navale avait
fait route pour les États-Unis d'Amérique, le lieutenant
220 COLONIES. — 1782.
général de Vaudreuil avait laissé le vaisseau de Ih"" le
Sceptre^ capitaine Lapérouse, au Gap Français de Saint-
Domingue, et avait donné à cet officier la mission d'aller
détruire les établissements anglais de la baie d'Hudson.
Cette expédition offrait de grandes difficultés ; rien n'avait
été disposé pour naviguer dans ces parages; on n'avait
même pas de cartes des côtes que le Sceptre allait visiter.
Une telle entreprise ne pouvait être mieux confiée qu'au
capitaine Lapérouse, car il montrait déjà pour les expédi-
tions aventureuses, cette ardeur qui priva la France d'un
officier appelé à faire faire un grand pas à l'histoire de la
géographie.
Le Sceptre appareilla du Gap Français, le 31 mai, en
compagnie des frégates de 32° YAstrèe et Y Engageante^
capitaines chevalier de Lgingle et de Lajaille -, 300 soldats
avaient été embarqués sur ces bâtiments. Après une navi-
gation fort pénible dans les glaces, la division arriva, le
8 août, devant le fort du Prince de Galles ; les troupes
furent mises à terre, le jour même. Le fort se rendit le
lendemain sans avoir fait aucune résistance : tous les ma-
gasins furent détruits. Le capitaine Lapérouse remit à la
voile, le H , et se dirigea sur le fort York , centre des éta-
blissements anglais dans ces parages; il y arriva le 20.
Mais avant de s'approcher de cette côte dangereuse et peu
connue, il fallut faire une exploration et sonder l'entrée de
la rivière Deshayes sur laquelle le fort était établi. Gette re-
connaissance terminée, le débarquement fut effectué, le 21
au soir. Le peu de profondeur des eaux de la rivière arrêta
de bonne heure les embarcations, et les 250 hommes dont
se composait le détachement expéditionnaire marchèrent
l'espace d'un mille dans la vase. Obligés de faire un long
circuit à cause de la nature du terrain, il leur fallut deux
jours pour arriver au fort; les portes en furent ouvertes à
la première sommation. Toutes les marchandises qui se
trouvaient à York furent brûlées, et l'expédition se rem-
barqua. La petite division française avait été plusieurs fois
COLONIES. — 1782. 221
compromise pendant son séjour sur cette côte ; le capi-
taine Lapérouse ne crut pas devoir Ty prolonger : il fit
route pour l'Europe.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGÉS
pendant Tannée 1782.
ANGLAIS.
Canons.
110 Ville de Paris * Brûlé en raer.
108 Royal George Sombré à Porstmouth.
(Glorieux* \
Hector* / ^ ,,
Ramilies I «^«""«^ «" «"f-
l LiENTAUR. ••••....•<
( Lion Naufragé sur la côte d'Amérique.
50 Hannibal Pris par une division.
c Stag Naufragée sur la côte d'Angleterre
^^ ( Sta Monica Naufragée feur l'île Tortola.
ÎSpeedy \
f. j Prises par deux frégates.
22 CoRMORANT Sombrés en mer-
20 Chasseur c . . ) j. . , f-A*«i«
I. [ Prises chacune par une frégate.
alligator. •(. ...•«)
Cérès * Prise par deux frégates.
MoLLY Prise par une corvette.
16 vo'iZr: : : : : : : ; : : I p"^«^ p" ""« ^'*«**''-
14 Racoon Prise par deux frégates.
Corvette : Allégeance. . . . Prise par une escadre.
français.
Canons.
110 Ville-de-Paris 1
Hector > Pris à la bataille de la Dominique.
Glorieux j
César Brûlé après la bataille de la Dominique
74 { Magnifique Naufragé sur la côte d'Amérique.
Palmier Coulé en mer.
Scipion * Naufragé à Saint-Domingue.
Orient Naufragé dans l'Inde.
Solitaire Pris par une division.
Ardent Pris à la bataille de la Dominique.
^^'^'^ \ Pris par une division.
Jason )
40 Aigle Prise par une division.
58 Hébé Prise par une frégate.
26 [i^"^^^^t ) Prises par un vaisseau.
32 Cybèle, en flûte Naufragée en Amérique.
26 Necker — ,.,,.. Prise par un vaisseau.
2«« BATAILLES. --ma.
-« I r^ •*' '•••♦. j Prises par une division.
18 l Espion ,1 *^
I Pig^y * Prise par deux y&isseaiix.
U ^Bmettà\ '. l ' '. '. ; ! .* .' I ^'''''^' P^'^ ""« ^^^•**«-
Corvette : Expédition Détruite à la côte.
* L'astérisque indique un bâtiment pris à la puissance ennemie.
hécapitulation.
ANGLAIS. . .
FRANÇAIS.
Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in
férieurs
Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in
férieurs.»
Détruits
Plis.
ou
Incendiés.
TOTAL,
iMiifragés.
1
2
6
1
1
»
8
5
8
7
5
1
i
1
»
9
12
6
6
1
»
T
ANNÉE 1785.
La bataille de la Dominique n'apporta aucune modifica-
tion au projet d'expédition auquel l'armée navale des An-
tilles devait coopérer. Les alliés pouvaient disposer d'un
nombre de vaisseaux assez considérable pour diriger une
attaque contre la Jamaïque. On annonça donc des renforts
et un corps de 2&)000 hommes au lieutenant général de
Vaudreuil, et on lui donna Tordre de se tenir à une soixan-
taine de lieues au vent de la Barbade et d'y attendre ces
renforts. Tel était le plan qu'arrêtaient les gouvernements
de laFrance et de l'Espagne pendant que le conseil de guerre
qui s'était réuni à Saint-Domingue après la bataille de la
Dominique et dont j'ai déjà parlé décidait, sur les obser-
vations du chef d'escadre espagnol Solano, que la jonction
BATAILLES. — 1783. 223
des escadres aurait lieu à Porto Gabello, sur la côte ferme.
Dès que les intentions du gouvernement furent connues, le
gouverneur de Saint-Domingue expédia le brig de 14° le
TarUton, capitaine Lecamus, à Boston. Mais, le 3 janvier,
le Tarleton eut un engagement avec un brig anglais et ce
combat le mit dans la nécessité de relâcher au Port au
Prince pour réparer quelques avaries ; il ne remit sous voiles
que le 9 février. Ce jour-là même, il fut chassé et canonné
par une frégate et un brig anglais, et fut forcé de chercher
un abri sous les batteries de la côte. Ainsi retardé dans sa
mission, le capitaine Lecamus arriva trop tard pour trouver
Tannée du lieutenant général de Vaudreuil à Boston et
même pour la rencontrer à la mer; elle avait quitté ce port
le 20 décembre pour se rendre dans le golfe avec un con-
voi portant 4,000 hommes des troupes du général de
Rocbambeau. Le commandant en chef de Tarmée navale
finit cependant par avoir connaissance des intentions des
Cours de France et d'Espagne, et il fit route pour le Cap
Français où il mouilla le 15 avril. Le Duc-de-Bourgogne^
capitaine Champmartin, fut le seul vaisseau de l'armée
qui ne rentra pas dans ce port : il s'était perdu dans le
golfe sur le cap Ribero.
Pendant que, faute d'instructions précises, Tarmée na-
vale des Antilles courait ainsi les mers, le vice-amiral d'Es-
taing avait été nommé au commandement en chef de l'armée
combinée qui devait agir contre la Jamaïque. Cet officier
général s'était de suite rendu à Cadix où il avait trouvé des
bâtiments généralement mal armés. A la date du 1" jan-
vier, il leur manquait 2043 hommes. La réunion de ces
vaisseaux à l'armée du lieutenant général de Vaudreuil et
à ceux que le lieutenant général espagnol don Juan de
Langara y Xuarte devait conduire au rendez-vous, allait
porter l'armée combinée au chiffre énorme de 60 vais-
seaux; 17,000 hommes de troupes, dont 5,700 Espagnols
étaient destinés à prendre passage sur les vaisseaux de
Cadix. Si ces troupes ne suffisaient pas, les garnisons de3
264 BATAILLES. — 1783.
différentes iles fourniraient le complément qui serait jugé
nécessaire.
Le gouvernement anglais n'ignorait pas le but de tous
ces préparatifs. Il avait arrêté que les 28 vaisseaux qui
étaient en Amérique et 8 ou 10 autres qu'il expédierait
d'Europe, attendraient le vice-amiral d'Estaing dans la mer
des Antilles, tandis que le vice-amiral Hood, avec 13 vois-
seaux de la Nouvelle- Angleterre et 6 ou 7 de la Jamauque,
croiserait devant le Cap Français, afin d'empêcher le lieu-
tenant général de Vaudreuil d'atteindre le rendez-vous.
Si le vice-amiral d'Estaing passait aux îles sans^ y arrêter,
il devait être suivi par les deux armées anglaises réunies.
50 à 60 vaisseaux étaient ainsi destinés à soutenir les
12,000 hommes de troupes qu'on avait réunis à la Ja-
maïque.
Les préliminaires de paix entre la France et l'Espagne
d'une part et l'Angleterre de l'autre, signés le 20 janvier,
rendirent tous ces préparatifs inutiles. Le vice-amiral d'Es-
taing reçut l'ordre de renvoyer immédiatement en France
les vaisseaux et les troupes qui étaient à Cadix. Le lieute-
nant général Lamotte-Piquet conduisit 9 vaisseaux et &
frégates à Brest. Le capitaine de vaisseau comte de Flotte
partit pour Toulon avec 12 vaisseaux, 3 frégates et 2 cor-
vettes. Le capitaine Vialis de Fontbelle du Réfléchi fut
chargé, avec V Éveillé^ d'accompagner les transports qui
avaient reçu des vivres pour les Antilles.
Ainsi fut définitivement dissoute cette armée combinée
qui entraîna les gouvernements de France et d'Espagne
dans des dépenses énormes, que ne compensèrent certai-
nement pas les quelques avantages qu'ils retirèrent de cet
armement.
L'escadre de l'Inde quitta Trinquemalé, le 1" octobre,
pour aller à Goudelour; le vaisseau le Bizarre dont le
commandement avait été donné au capitaine Trehouret de
BATAILLES. - 1783. 225
Pennelé, se perdit en se rendant à ce mouillage. Le chef
d'escadre de Suffren ne fit qu'un court séjour sur cette rade 5
les mauvais temps le forcèrent à quitter ces parages. Il se
dirigea sur Sumatra et, le 1" novembre, il mouilla à Achem.
Pendant cette relâche, il fut informé de l'arrivée à l'Ile de
France des renforts que le lieutenant général de Bussy
attendait pour prendre en personne la direction des af-
faires; mais il apprit, en même temps, que hommes et
bâtiments étaient dans l'état le plus déplorable. .Le scorbut
et une maladie épidémique qui régnait toujours, avaient
décimé les équipages et les troupes passagères; le géné-
ral de Bussy était lui-même atteint de cette maladie.
Les vaisseaux le Hardi et Y Alexandre ne pouvaient re-
prendre la mer de quelque temps. Le dernier, considéré
comme un foyer d'infection, fut livré aux flammes. Quoi
qu'il en fût, cette nouvelle fit hâter le départ et l'escadre
mit sous voiles, le 20 décembre, pour aller s'établir en croi-
sière sur la côte d'Orixa (1). Cette croisière de l'escadre
de rinde sur la côte fut très-préjudiciable au commerce
anglais. Un bâtiment de guerre fut aussi capturé et cela
sans combat : c'était la frégate de SO*" Coventry qui,
croyant avoir rallié son escadre, mouilla de nuit au milieu
des vaisseaux, français, alors à l'ancre à l'embouchure du
Gange. Ayant appris la mort d'Hyder Ali par son capi-
taine, le chef d'escadre de Suliren prit le parti de se ren-
dre à Goudelour d'où il fit route pour Trinquemalé. Le
10 mars, le général de Bussy arriva dans ce port avec 3
vaisseaux, une frégate et un convoi.
Le lieutenant général de Bussy, nommé au commande-
ment supérieur des forces de terre et de mer dans l'Inde,
avait quitté la France, peu de mois après le départ de la
division du commandant de Sufl^ren, avec les vaisseaux le
Saint Michel et Y Illustre, la frégate la Consolante et quel-
ques navires portant des troupes et des approvisionnements
(1) Partie Nord de la côte de Goromaodel.
IL 15
4citoiite Ç9pèpç. Ces navires p' avaient qu'une partie4e8 i^ii-
forts qu'op envoyait dans l'Inde. Le reste devait suivre de
près; pi^is la seconde division, confiée au capitaine de
Sonlangei^t fut prise pi; dispersée, ainsi que je l'ai dit.-rr-
23 avril 1782. — Arrivé h TUe de France sans encombre,
le général de Bussy avait envoyé les vaisseaux, la fré-»
gâte et le petit convoi rejoindre Tescadre, et il avait at-
tendu Tarrivée du second convoi qui fut amené par le
capitaine de Peynier. On doit se rappeler que la jonction
des premiers vaisseaux avait eu lieu à Benticolo^ Le départ
tardif du comnîaodant en chef des forces de terre et 4e
mer tenait donc à. la décision qu'il avait prise, mais a^6^i
^ la circonstance que voici. Le capitaine Boisgelin, 4^ la
çorve);te de 18° le Chassei^r^ expédié pour annoncer l'arri-
vée des renforts au chef d'escadre de Suffren et Jui porter
des instructions, ne l'avait pas trouvé à Achem. Informé
dfi {a direction que l'escadre avait prise, il s'était m\s h sa
recherche ; mais sa corvette avait été capturée par la frégate
anglaise Mepea. Les renseignements avaient dès lorp man-
qué de part et d'autre. Ne revoyant pas le Chasseur^ le
commandant supérieur, qui avait pris le parti d'aller lui-
nième à la rencontre 4e l'escadre, s'était dirigé sur Acbem ;
et ayant appris, devant ce port, que l'escadre française ne
s'y trouvait plus, il s'était rendu à Trinquemalô où il l'avait
enfin jointe. L'escadre mit de suite à la voile et, le len-
demain, les troupeâ apportées par le convoi furent miges
à terre à Porto Novo. Cette opération terminée , les v^il-
seaux retournèrent à Trinquemalé, à l'exception du Fen-
dant, du Saint-MicheU des frégates la Cléopc^tr^ et la Co-
veniry qui furent envoyés croiser devant Madras avec le
capitaine de Peynier. Presque tous les vaisseaux furent ca-
rénés à Trinquemalé ; les gréments furent encore visités,
car ils étaient en si mauvais état, qu'il était indispensable
de faire ce travail à chaque relâche. Le manque absolu
de mâtures consola un peu le conimandant de l'escadre
de la perte de r Orient et dix Bizarre; leurs mâts furent
BATAILLES. — 1783. Sr
donnés aux vaisseaqjc qui en avaient le plue besoin.
Le jour même où Teseadre rentrait à Trinquemalô,
l'escadre anglaise qu'on croyait toujours à Bombay où elle
était allée se réparer pendant la mauva^e saison, avait été
aperçue faisant route au Nord. Il était important d'en don-
ner de suite avis au commandant de Peynier et au général
de Bussy. Le lieutenant Villaret Joyeuse reçut cette mis-
sion avec la Naïade^ mais il ne put la remplir : 8$ gop-
vette fut capturée par un vaisseau apglais. La prise de ce
bâtiment n'eut pas les conséquences qu'on pouvait redou-
ter : le commandant de Peynier, heureusement inspiré,
avait quitté sa croisière la veille du jour où le vice^amiral
Hughes était arrivé à Madras, et il entra à Tripquemalé
sans avoir eu connaissance de Tescadre ennemie.
Voici le plan général de campagne qui avait été tracé
au lieutenant général de Bussy. « Si la Hollande, portaient
« ses instructions, si la Hollande fait partir à une époque
(( convenable les 8 vaisseaux de 50'' que la Compagnie
a arme en ce moment, et qui sont destinés pour les Indes,
a jamais l'escadre anglaise ne s'élèvera asses haut pour
(( pouvoir, sans un grand désavantage, se mesurer avee
a les deux divisions combinées de France et de Hollande.»
« Si, par des circonstances qu'on ne peut prévoir, les
« 8 vaisseaux hollandais ne sortaient pas du Texel, et que
t les Anglais devinssent supérieurs, la division du Roi
c( n'en doit pas moins sortir de l'Ile de France ; c'est a^
« commandant de cette division à naviguer de manière i
<( éviter de combattre jusqu'à ce qu'elle ait débarqué ses
f troupes sur quelque partie du continent; elle combattra
<c ensuite sans craindre qu'un revers maritime puisse ar»
a rêter la révolution que l'armée du Roi doit opérer si elle
« débarque dans l'Inde.
« Alors, rien ne peut plus s'opposer à ce que le comte
« d'Orves (1) aille attaquer la division anglaise parce que,
(1) On ne doit pas oublier que ces instructions étaient écrites as eommeno«<
228 BATAILLES. — 1783.
« assuré des ports de Geylan, lorsque les Anglais auront
« perdu Bombay, ils n'auront plus de retraite qu'à la côte
(( Est, lorsque nous en aurons de tous genres. La division
a française ayant fiinsi des ports de retraite , ne sera plus
(c obligée, comme dans les guerres précédentes, d'employer
« six mois tous les ans pour aller se réparer aux lies.
(( L'importance de Geylan est telle que , si les troupes
a anglaises s'étaient emparées de cette île, ou si Hyder
(( Ali ayant fait la paix, l'armée du continent s'enr était
(i rendue maîtresse, l'objet delà reprendre serait peut-ôtre
(( plus important que toutes les autres conquêtes par les-
ff quelles on pourrait commencer la guerre de l'Inde. »
On a pu voir que, sans connaître ces instructions, le
chef d'escadre de SufFren avait rempli les intentions du
gouvernement. Mais la Hollande ne tint pas ses promesses ;
non-seulement les vaisseaux du Texel ne parurent point,
mais pendant que la sollicitude de la France la portait à
employer une partie de ses forces navales à la conserva-
tion des colonies hollandaises, paisible spectateur de la latte
entre l'escadre française et l'escadre anglaise, le comman-
dant en chef de la division que nos alliés entretenaient
dans ces parages restait tranquille à Batavia, laissant
au bailli de Suffren le soin de défendre des possessions
dont le sort ne semblait l'intéresser que médiocrement.
La prise de Trinquemalé avait porté ses fruits. Tandis
que le vice-amiral Hughes s'était vu forcé de passer de
l'autre côté de la presqu'île de l'Inde pour visiter ses vais-
seaux, le chef d'escadre de Suffren avait fait faire aux siens
dans ce port les réparations indispensables. Mais, s'il était
resté maître de la mer, l'arrivée des renforts envoyés au
lieutenant général de Bussy ne changea pas la face des
affaires sur terre. Le défaut d'entente entre le général Du-
chemin et Hyder Ali dont les troupes combattaient à côté
ment de 1782 et que le capitaine de Taisseau d'Orves commaDdait alors la di-
vision nayale. t
BATAILLES. — 1783. 229
de celles de la France, ne cessa pas à la mort du général
français et du chef indien : l'insouciance du général de
Bussy égala certainement celle de son prédécesseur. Tous
deux, du reste, avaient pour excuse, si Ton peut en ad-
mettre, que Tétat de leur santé les retenait en quelque
sorte forcément sous leur tente. Au lieu de s'améliorer,
les choses empirèrent et l'armée des alliés, obligée de se
retirer sous Goudelour, ne tarda pas à être dans la néces-
sité de demander un abri aux murailles de cette ville dont
les fortifications étaient insignifiantes et qui était sans mu-
nitions et sans vivres. Son ravitaillement devint même
bientôt impossible, car à l'investissement par terre se joi-
gnit le blocus par mer : informé de la situation, le vice-
amiral Hughes avait mouillé ses vaisseaux devant la ville.
Le sort de l'armée était donc entre les mains du chef d'es-
cadre de Suffren que le général de Bussy tenait au courant
de la situation , en même temps qu'il le pressait de venir
à son secours. Dans cette circonstance, le commandant des
forces navales montra ce qu'il y avait d'énergie et de dé-
vouement dans son âme. Il pressa les réparations et, quoi-
qu'il n'eût que 15 mauvais vaisseaux à opposer aux 18
anglais stationnés devant Goudelour, il mit à la voile après
avoir tenu aux capitaines de son armée le langage sui-
vant en guise d'ordre du jour : « L'état critique où se
« trouvent les affaires du Roi exige que nous travaillions
« tous de concert. Loin de nous toute mésintelligence ca-
« pable de nuire au bien de la chose; montrons que l'hon-
« neur d'être Français vaut bien l'avantage dont se prévaut
i( l'ennemi. L'armée, sous les murs de Goudelour (1), est
« perdue si nous n'allons à son secours. La gloire de la
« sauver nous est peut-être réservée; nous devons du
« moins le tenter. Vous connaissez, messieurs, les nou-
« veaux ordres du roi; croyez qu'il ne faut pas moins que
(1) Elle n'était pas encore renfermée dans la place.
330 BATAILLES. - 4783.
É cela pour m' empêcher de partager vos pârils» (1). Voki
Tordre auquel le chef d'esoadre de Suffren faisait allusion t
tt Considérant qu'il est impossible au commandant d'une
u armée navale de juger, pendant un combat, du mouve*
H ment de sa ligne et de celle de l'ennemi, tant à cause de
a la fumée du canon dont il est enveloppé, que par Tatten-
« tion qu'il est obligé de porter à la manœuvre participa
< lière du vaisseau sur lequel son pavillon est arboré ;
« Considérant que les vaisseaux de tête distinguent dif-
tt ficilement les signaux qui leur sont adressés du centre
« de la ligne^ et que le moment de les exécuter est souvent
tt passé lorsqu'ils les aperçoivent;
f( Je vous fais cette lettre pour vous dire que mon inten-
(( tion est que* si dorénavant vous trouvez Toccasion de
a combattre mes ennemisi vous aurez à quitter le vaisseau
« sur lequel votre pavillon sera arboré et que vous passiez
H sur la frégate dont vous aurez fait le choix, d'où il vous
« sera plus facile d'observer la manœuvre des ennemis ,
u d'indiquer celle que vous jugerez à propos de faire faire
« à l'armée navale dont je vous ai confié le commandement
H et d'en presser l'exécution. »
« Signé : Loms. >
Cet ordre était la conséquence d'une ordonnance royale
qui avait été promulguée après la bataille de la Dominique.
Oui, il y avait un grand dévouement, un amour de la
patrie plus grand encore chez le chef qui allait au devant
de l'ennemi avec des vaisseaux qui eu étaient aux expé-
dients pour se procurer des mfits , des voiles et des cor-
dages; avec des vaisseaux qui faisaient tant d'eau que le
jeu des pompes ne pouvait être interrompu et dont les
équipages, attaqués parle scorbut, présentaient l'eflec-
tif strictement nécessaire, non pour combattre, mais pour
naviguer. Les vaisseaux de 74*^ avaient à peine 500 hommes,
(1) GuDat, Hist. du baiili de Suffr$n*
BATAILLES. — 1783. 231
y Gotnpriâ les Caffrès et les Lascats cJU'il aVàit été poSsîble
de recruter et les soldats qU*on avait embâi^quês àtî mo-
ment du départ, et 11 leur en revenait 7ââ. Et cependant,
le vice-amiral anglais qui n'ignorait aucune de ces parti*
cularités ne crut pas devoir accepter le combat lorsque^
le lA juillet, les Français se présentèrent devant Goudé-
lour. Bien plus, quand il se décida à mettre sous voiles,
il manœuvra de telle sorte que les Français purent prendre,
le 17, le mouillage qu'il occupait devant la ville. Le com-
mandant de l'armée navale en profita pour demander au
général de Bussy un complément d'équipages : 500 soldats
et 700 cipayes lui furent envoyés. Ce fut avec une sem*
blable composition d'équipages que les vaisseaux appareil-
lèrent le 18 et gouvernèrent sur les Anglais. Les variations
dans la force et dans la direction du vent s'opposèrent à la
rencontre des deux armées. Le lendemain, elles manœu-
vrèrent pour tâcher de gagner la position du vent ou pour
s'assurer cette position. Enfin, le 20, la brise s'étant fixée
à l'Ouest, l'armée française laissa porter sur celle dès An-
glais, disposée en bataille, bâbord amures et en panne
dans Tordre suivant :
Canons.
82 Defènge i . . capitaiDO Nownliam.
60 Isis — Christopher Hallidaj.
80 Gibraltar — Thomas Hicks.
air Robert Bickerton, contré-amiral.
82 Inflexible. ........ capitaine honorable J. Chetwind.
( ExETER — John Smith.
éi } WoRCESTER — Charles Hughes.
( Afriga — Robert Macdonall.
82 Sultan — Andrew Mitchell.
74. SuPERB — Henry Newcome.
sir Edward Hughes, yice-amiral.
J MoNARCA capitaine John Gell.
( BuRFORD • • . — Peter Rai nier.
1 Sceptre — Samuel Graves.
Magnanime — Thomas Mackensie.
64 Eagle — William Clarke.
82 Hero — Theophilus Jones.
Richard King, commodore.
50 Ëristol capitaine James Burne]f.
72 Monmouth -— James Alms.
82 Cumberland — William Ailen.
232 BATAILLES. — 1783.
A Z^ 30", l'armée française se trouvant à distance con-
venable, le chef d'escadre de SufFren fit serrer le vent
bâbord amures, et le combat s'engagea sur toute la ligne
dans Tordre que voici. Conformément aux instructions
qu'il avait reçues, le bailli de Suffren avait arboré son
pavillon sur la frégate la Cléopâlre^ capitaine de Rosily.
Canons.
I Sphinx — Ducbilleau de Laroche.
I Brillant — de Kersauson.
7i Fendant — chevalier de Peynier (1).
50 Flamand — Perrier de Salvert.
64 AJax — Dupas de Laroancelière.
50 Hannibal — Pas de Beauliea.
Î Argonaute — de Clavières.
Héros — Moissac.
Illustre — comte de Bruyères.
60 Saint-Michel — vicomte de Beaumont-Lemaitre.
«1 i V^^y^^^ — ^® Cuverville.
l Sévère — Maunrille de Langle.
74 Annibal -- d'Aymar.
( Hardi, — de Kerhué.
\ Artésien — de Vignes d*Arrac.
Frégates : Consolante^ Cléopâtre, Coventry.
L'ardeur des états-majors et des équipages répondit à
celle de leur chef d'escadre. Chacun combattit vaillamment
à son poste et il n'y eut que des éloges à donner. Pressée
de plus en plus par les Français qui tenaient à exécuter le
signal, hissé en quelque sorte en permanence en tête de la
mâture de la Ctéopâtre^ de combattre à demi-portée de
fusil, l'armée anglaise arriva constamment, mais en faisant
bonne contenance et peut-être dans le but d'éloigner l'ar-
mée française de Goudelour. La nuit fit cesser le combat
après deux heures et demie de lutte acharnée. Toutefois,
(1) M. Cunat (a) dit que le capitaine de Saint-Félix qui^ on doit se le rappeler,
aTait été remplacé dans son commandement après le combat du 5 septembre
1782^ obtint de servir comme capitaine de pavillon sur le Fendant^ et qu'il fut
blessé au cumbat devant Goudelour. Il est fort possible que, désireux de se
réhabiliter dans Tescadre, M. de Saint Félix ait obtenu de servir en sous-or-
dre sur un vaisseau ; mais ce ne dut être qu'en second et non comme capi-
taine de pavillon, puisque M. de Peynier n'était lui-même que capitaine de
vaisseau.
(a) Hist. du bailli de Suffren, ''
BATAILLES. —1783. 233
les boulets français accompagnèrent les vaisseaux anglais
tant que Tobscurité permit de les apercevoir.
Disons-le bien haut à la gloire du chef d'escadre de
Suffren, à la gloire des capitaines, des officiers et des équi-
pages de son armée, il était beau de marcher aussi brave-
ment au combat dans des conditions pareilles à celles dans
lesquelles se trouvait cette armée de Tlnde. Vaisseaux
vieux, cassés et ne manœuvrant plus que difficilement;
équipages épuisés et composés, dans un rapport assez con-
sidérable, d'Indiens et de soldats, en un mot d'hommes
qui ne savaient rien des choses de la mer; bien plus qui,
dès que la brise fraîchissait, étaient exposés à tous les in-
convénients de la navigation ; tels étaient les éléments que,
amiral et capitaines avaient rois comme enjeu de la partie
qui avait été engagée et qu'ils avaient certainement ga-
gnée. Oui, je le répète, car on ne sait pas, lorsqu'on n'est
pas marin, les difficultés qu'un capitaine doit vaincre pour
organiser son équipage pour le combat, honneur à l'armée
navale de Tlnde; honneur au chef qui sut empêcher qu'on
ne ressentît dans cette partie du monde le contre-coup du
désastre que la marine de la France avait éprouvé dans la
mer des Antilles.
A part un vaisseau dont le capitaine se porta en aide à
son chef de file, accidentellement placé dans une situation
difficile, chacun se maintint au poste que son rang dans
la ligne lui avait donné. Le choix que le Héros avait fait
du SuPERB pour adversaire donna aux 7 vaisseaux qui le
précédaient un antagoniste, et laissa même le chef de file
de la colonne ennemie sans vis-à-vis. Mais bientôt les quatre
premiers remontèrent la ligne, et le Sphinx quitta l'Isis
pour se placer par le travers du Defence.
Le Brillant remonta également d'un rang, après avoir
envoyé sa bordée au Gibraltar et combattit l'Isis que le
Sphinx venait d'abandonner.
Le Fendant s'adressa au Gibraltar après avoir eu I'In-
FLEX1B4.E pour vis-à-vis. Il combattait depuis ,une heure
234 BATAILLES. — 1783.
lorsque le feu prit à sa htine d'artîmôn. Le Flamtmdi en
s'interposant entre lui et Tennemi, donna à son capîtaîûè
la possibilité de travailler exclusivement à éteindre l'in-
cendie : on parvint à s'en rendre maître.
Le Flamand combattait TInflexible lorsque le feu se dé*
Clara à bord du Fendant, Son capitaine augmenta de Suite
de voiles et alla faire un abri à son chef de file qui put
alors s'occuper de Tincendie; mais le capitaine Perrier* dé
Salvert perdit la vie par suite du noble empressement qu'il
avait mis à venir en aide au commandant de sa divisioti. Le
lieutenant Trublet de la Villejégu le remplaça. La manœu*
vre du Flamand fit un vide dans lequel le Gibraltar Voulut
passer; le Flamand Yen empêcha en se laissant culer (1).
Le mouvement en avant des quatre vaisseaux dont je
viens de parler permit à TExeter de joindre son feu à
celui du WoRCESïER qui combattait YAjacû. Ce vais&eaù
leur tint bravement tête, mais il perdit son capitaine dafiiS
cette lutte inégale.
VHannibal était par le travers de TAfrica*
V Argonaute combattait le Sultan.
Le Héros y quoique le pavillon de commandement ne flot-
tât pas en tête de ses mâts, avait instinctivement choisi lô
SuPE!»6 pour adversaire.
Dans la seconde partie de la ligne, 7 français seulement
se trouvaient opposés à 9 vaisseaux anglais. V Illustre étârit
placé entre le Monarca et le Burford.
Le Saint-Michel tenait le travers du Sceptre.
Le Vengeur avait le Magnanime pour adversaire.
Le Sévère échangea ses bordées avec TEAGLEé
UAnnihal combattit le Hero.
Le Hardi tint tête au Bristol d'abord, puÎ8 ensuite au
MONMOUTH.
(1) M. Trublet de la Villejégu dit, dans son Journal de la campagne de
Vlnde du bailli de Suffren, qoe cette manœuvre pouvait avoir pour objet
de remplir l'engagement que le capitaine Hicks^ nouvellement arrivé d'Europe,
avait pris d'enlever un vaisseau français au pretnier combat auquel il âMtttittit.
-./ qjaflfij
BATAILLES. -1783. 2138
Ëtifin YAnisieri attaqua l6 GumberLand.
Le commandant en chef comptant recotntnèticef le Com-
bat le lendemain, les frégates reçurent Tordre d'observer
Tennemi pendant la nuit. Mais les vaisseaux furent entraî-
nés sous le vent de Pdndichéry, et il mouilla dès qu'il fit
jour. A midi, les Anglais furent aperçus à 15 milles dans
le N.-E. Quoique les vents vinssent du large, ils ne jugè-
rent pas à propos d'approcher davantage; l'armée fran-
çaise mit sous voiles et les chassa jusqu'au 15 ; ce jour-là,
elle les perdit de vue et retourna à Goudelour. Les troupes
qui avaient été embarquées furent remises à terre; on
leur adjoignit même 1,200 hommes des vaisseaux. Le 27,
la frégate anglaise Medea arriva à Goudelour en parlemen*-
taire. Le contre-amiral Hughes venait d'apprendre que
les préliminaires de la paix avaient été signés et il faisait
proposer une suspension d'armes au chef d'escadre de
ftufiren» Celui-^^ci y consentit. Le comité de Madras faisait
les mêmes propositions à M. de Bussy qui les accepta éga-
lement. Le 21 août, la frégate la Surveillante arriva de
France avec la nouvelle officielle de la paix. Cette frégate
apportait aussi au bailli de Suffren l'avis de sa nomina-
tion au grade de lieutenant général, par ordonnance du
8 février, et l'ordre de rentrer en Europe. Le capitaine de
Peynier était désigné pour lui succéder dans le comman-
dement des forces navales de la France dans l'Inde. Les
vaisseaux le Fendant^ V Argonaute , le Brillant^ le Saint-
Michel, VHannibaU les frégates la Bellone^ la Surteillante
et la Coventry devaient composer sa division. Le 26 mars
1784, le lieutenant général bailli de Suffren mouilla à
Toulon avec les vaisseaux qu'il ramenait en France. Ja-
loux de récompenser le héros de l'Inde, le marin auquel
la France et la Hollande devaient la conservation de leurs
possessions en Asie, Louis XVI créa pour le bailli de
Suffren une quatrième charge de vice-amiral qui fut sup-
primée à sa mort.
Avant d'en finir avec la grande figure qui jeta tant
236 BATAILLES.— 4783.
d'éclat sur ce règne, un mot sur la mort du bailli de Suflfren,
rapportée d'une manière si erronée par divers auteurs qui,
généralement, l'ont attribuée à des excès de table. Je
tiens de source certaine l'anecdote suivante (1). De retour
à Paris, Suffren fut sollicité par un haut et puissant sei-
gneur de la Cour de revenir sur le jugement qu'il avait
porté sur un oflicier de l'escadre de l'Inde qui avait été
démonté de son commandement après un combat. Suffren
répondit, avec sa franchise habituelle, qu'il ne pouvait rien
faire pour un ..•. Une provocation en duel fut la consé-
quence de cette réponse, et le héros que les boulets de
l'ennemi avaient tant de fois respecté tomba sous le fer
d'un compatriote (2) .
Quelques combats particuliers furent livrés avant la si-
gnature ou la notification du traité de paix qui fut signé
avec l'Angleterre au commencement de cette année. La
frégate de 32° la Sibylle^ capitaine comte de Kergariou-Loc-
maria, et la corvette de 14° le Railleur^ capitaine Hébert-
Duval, parties de Saint-Domingue, à la fin de décembre
1782, avec un convoi pour la Chesapeak, furent chassées, le
2 janvier 1783, en dehors des débouquements, par le vais-
seau anglais de 60° Endymion et la frégate de AO Magi-
(1) Le Tice-amiral Hugon à qui madame Montholon l'avait racontée.
(2) M. Léon Guérin, Hist, marit, de la France^ dément aussi la version 'de
la mort naturelle du bailli de Suffren et le fait tuer en duel. Seulement^ il at-
tribue ce duel à quelques paroles échangées dans un bal entre notre héros et
un personnage qui donnait le bras à une dame que l'épée du bailli aurait heur-
tée. M. Guérin dit tenir ce détail du contre amiral Linois.
M. Jal, Scènes de la vie maritime, donne une version conforme à la mienne.
D'après lui, Tadversaire de Suffren serait le prince de Mirepoix. Cette version
vient d'un serviteur du bailli de Suffren.
Enfin, on lit dans le Manuel des goutteux et des rhumatisans d'Alphonse
Leroy, Paris 1805, que notre héros mourut d'une saignée répétée an bras^ opé-
ration faite contre l'avis de l'auteur qui était son médecin.
Je laisse le lecteur rechercher quelle est, de toutes ces variantes, la venioD
à laquelle il doit s'arrêter. C'est là un travail biographique qui n'entre pas dans
mon cadre.
BATAILLES. — 1783. 237
ciENNE. Cette dernière se dirigea d'abord sur la corvette,
à laquelle elle avait déjà envoyé deux volées lorsque le ca-
pitaine de Kergariou se porta en aide à sa conserve. La fré-
gate anglaise avait pris beaucoup d'avance sur le vaisseau,
qui était alors à grande distance. A 2^ de l'après-midi,
la Sibylle était par le travers de la Magicienne : le combat
commença immédiatement. La frégate ennemie perdit de
suite son mât d* artimon ; ce début était d'un heureux augure.
Le capitaine de Kergariou ne put, toutefois, jouir qu'im-
parfaitement de cet avantage : frappé par une mitraille, il
fut remplacé par le lieutenant de vaisseau Morel d'Escures,
Loin d'être ralentie par cet événement malheureux, l'ar-
deur des Français alla toujours croissant, et la chute
successive du grand mât et du mât de misaine de la Magi-
cienne témoigna de l'adresse de leurs canonniers. A 3^, la
frégate anglaise était rase comme un ponton (1). Malgré
cet éclatant succès, le lieutenant Morel se vit dans la néces-
sité d'abandonner son ennemi vaincu ; le vaisseau appro-
chait, et une lutte avec ce nouvel antagoniste était chose
impossible, surtout dans l'état où était la Sibylle. Il la cou-
vrit de toutes les voiles qu'elle pût encore porter et rallia le
convoi. L'Endymion chassa la Sibylle jusqu'à 6*", mais sans
succès : cette frégate était du petit nombre de celles qui
avaient été doublées en cuivre. La Sibylle avait éprouvé de
grandes pertes ; un seul officier avait été respecté par les
boulets de la Magicienne.
La. Sibylle portait 26
canons de 12
et 6
— de 6.
La Magicienne avait 26
canons de 18
6
— de 9
et 8 caronades de 2&.
La Sibylle rejoigpitson convoi au jour, mais le Railleur
n'était plus en vue. Le 11, à 105 milles de l'embouchure
(1) Je regrette de ne pouvoir donner le nom du capitaine de la Magicienne
mes recherches, à cet effet, ont été vaines.
^Î8 COMBATS PARTirUl^lEUS. — 1783.
de la Ghesapeak, par un grand vent de 8.-0., deux fsêû*
inents le chassèrent. Le capitaine Hébert laissa arriver vw^
arrière et força de voiles. Joint et canonné à 8^ de Taprèfto
midi, par la frégate anglaise de Sô^' Gyclope, il amena soo
pavillon.
La Sibylle avait à peine réparé les avaries qu'elle Wfl4t
éprouvées dans son combat avec la MAGicifiNVE que, le 0,
elle reçut un coup de vent pendant lequel elle démâtar d#
tous ses mâts, et fut obligée de jeter 12 caqons à la iper. h^
convoi fut dispersé. Des mâts de fortune avaient été in^tq^lr
lés et la frégate française continuait sa route lorsquQ, le 23,
plusieurs voiles furent aperçues. Le désir de connaîtra
exactement sa position et probablement aussi Tespoîr d'^-t
chapper par la ruse h ces bâtiments, s'ils étaient ennenali?,
déterminèrent le capitaine de Kergariou à avoir recours 4
un subterfuge qui lui occasionna nue cruelle mortification.
Il fit hisser le pavillon blanc au-dessous "du pavillon de U
Grande-Bretagne (1) , et plaça un yacht anglais d^-ns les
grands haubans. La corvette de 20° Hussau, capit^^ipe
Russell (2), se détacha et se dirigea sur la Sibylle qu'elle ap-
procha à portée de voix ; puis, presque aussitôt, le capitaine
anglais manœuvra pour s'éloigner sans répondre aux ques?*
tiens qui lui avaient été adressées. Le but que se proposs^t
le capitaine de Kergariou était manqué ; il avait vraisem-
blablement été reconnu. Il fallait dès Iqrs mettre la corvette
anglaise hors d'état de faire un signal et d'aller donner
l'éveil à ses compagnons. Dans ce but, il laissa arriver en
grand sur elle avec l'espoir de lui faire quelque grave avarie
en l'abordant. Le capitaine anglais réussit à éviter ce choc.
"i-*-
(t) Ce signal signifiait : prise française. Le captear hisse lonjoura son pavil*
Ion au-dessus de celui du navire capturé.
(2) Le rapport du capitaine de Kergariou, déposé à l'amirauté de Tréguier, dit
que la coryette anglaise portait 20 canons, 4 obasiers d« 18, proba)>lem9Qt des
caronades, et 2 canons de 6.
COMBATS PARTICULIERS. - 17^3. â|9
I^a ruse étant inutile désormais, le capitaine de U Sibylle
fit amener le pavillon anglais et ouvrir le feu sur le Hussab.
Malheureusement, le yacht placé dans les haubaqs se
trouva engagé, et les premiers coups de canon furent ti-
rés avant qu'il fût enlevé. La corvette riposta par \\j\e
bordée, et avec tant de succès, que ses boulets frappèrent
au-dessous de la flottaison dans un moment où la frégate,
qui n'était pas suffisamment appuyée, avait son flaac e»-
tièrement à découvert, et occasionnèrent plusieurs voies
d'eau considérables. Dans un instant, les soutes à poudre
furent inondées. Le Hussar se replia de suite sur uq vais-
seau qu'on distinguait alors parfaitement. Ce moment de
répit permit au capitaine de Kergariou de faire travailler à
boucher les trous de boulets. On ne put réussir à aveugler
toutes les ouvertures et bientôt les pompes ne franchirent
plus. On jeta encore 12 canons à la mer. Le vaisseau aperçu
était le Centurion de 60*; il atteignit promptement la Si-
bylle et se plaça par sa hanche du vent. La frégate française
n'avait d'autre poudre que celle qui était dans les pièces;
elle amena son pavillon à la seconde volée du vaisseau ; le
HpssAR s'était rapproché et lui avait aussi tiré quelques
coups de canon. La corvette Harrier était alors également
en position de combattre.
Le capitaine du Hussar, plus ancien de grade que celui
du Centurion, revendiqua l'honneur de la victoire qu'il
prétendit avoir remportée seul; et, taxant de mauvaise foi
le capitaine de Kergariou qui, disait-il, avait combattu sous
pavillon anglais, il brisa l'épée de cet officier et le relégua
dans l'entrepont de la corvette, sous la garde d'une senti-
nelle, avec défense de communiquer avec qiji que ce fût.
Les autres officiers de la frégate furent aussi séquestrés
dans cette partie du navire et mis à la ration de matelot;
on ne leur donna pas un seul objet de literie pour se cou-
cher. Les égards que le contre-amiral Digby témoigna plus
tard au capitaine de la Sibylle constatent que la conduite
de cet officier supérieur ne fut pas aussi déloyale que le
240 COMBATS PARTICULIERS. — 4783.
capitaine Russell le prétendit. Que, dans l'état de détresse
où se trouvait la Sibylle^ le capitaine dé Kergariou ait eu
recours à la ruse pour cacher sa nationalité , cet oiBcier
n'aurait fait qu'user d'un moyen dont toutes les puissances
font usage sur mer, en temps de guerre. Autre chose eût
été de combattre sous pavillon étranger, comme cela fut
pratiqué, à une époque postérieure, par plusieurs bâti-
ments anglais, ainsi que j'aurai occasion de le constater.
Mais, tel ne fut pas le cas du capitaine de Kergariou. Je ne
sache pas, en eflet, qu'il puisse y avoir des doutes sur la
nationalité d'un bâtiment qui a un pavillon flottant à la
poupe et un second dans les haubans. D'ailleurs, celui qui
resta déployé dans celte partie du grément de la Sibylle
n'étaitpas,rigoureusement,lepavillonnationalâeIaGranâe-
Bretagne : c'était simplement un yacht.
Chassé par une escadre anglaise, lecapitaine chevalier de
l'Épine, de la corvette de 16° le Dragon, en croisière sur la
côte Nord de Saint-Domingue, mouilla, le 22 janvier, au mi-
lieu des récifs qui bordent la côte dans cette partie de l'île.
S' apercevant que cette détermination n'arrêtait pas les
bâtiments ennemis, et que ceux-ci mettaient leurs embar-
cations à la mer, il fit évacuer la corvette. Après avoir,
comme adieux, envoyé une volée à mitraille aux canots qui
se dirigeaient de son côté, il mit le feu au Dragon qui
sauta peu de temps après.
Le 17 février, les frégates la Nymphe de 36** et VAm"
phitrite de 32, capitaines vicomte de Mortemart et de Saint-
Ours, sorties de la Guadeloupe pour croiser au large des
îles, aperçurent sous lèvent qui souillait du N.-E., un gros
bâtiment qu'elles chassèrent : c'était le vaisseau anglais de
50** Argo, capitaine Butchart, qui portait le gouverneur à
Antigues; ce vaisseau fit vent arrière. Vers 11"* du matin,
COMBATS PARTICULIERS —1783. 241
VAmphitrite qui avait laissé la Nymphe loin derrière elle,
se trouva en position d'envoyer les premiers boulets à
TAboo; trois quarts d'heure plus tard, elle le canonnait
vigoureusement par la hanche de tribord. UArgo embarda
alors sur la droite, afin de pouvoir se servir de tous ses
canons ; mais, lançant sur le bord opposé, YAmphitrite
passa derrière lui, se plaça sous son autre hanche , le
combattit dans cette position. Quoique la mer fût assez
grosse pour que le vaisseau ne pût se servir de sa batterie
basse, le capitaine Butchart continua le combat jusqu'à ô"»
du soir ; la Nymphe venait de rallier et avait pris poste par
son travers. Démâté de son grand mât de hune et de sa
grande vergue, I'Argo amena son pavillon. VAmphitrite^
la Nymphe et leur prise se dirigèrent sur la Martinique. Le
commandement de celle-ci avait été donné au lieutenant
de vaisseau Rosalio ; YAmphitrite n'avait presque pas souf-
fert et n'avait pas perdu un seul homme. Le 19, lorsque
le jour parut, la petite division se trouva près d'un vais-
seau anglais de 82*^ qui passa à contre-bord et envoya quel-
ques boulets à YAmphitrite ; celle-ci riposta par une bordée.
Ce vaisseau reçut aussi la volée de la Nymphe et de YArgo.
Deux nouveaux bâtiments ayant été aperçus sous le vent,
les trois français prirent des routes différentes ; la Nymphe
se dirigea au Nord, YAmphitrite courut au S.-E. : cette der-
nière frégate fut chassée par le vaisseau. La chute du petit
mât de hune de Y Amphitrite^ qui avait été endommagé
au combat du 17, donna à ce vaisseau un avantage de
marche bien marqué; cet événement malheureux eut lieu
à 9^ du matin. Le capitaine de Saint-Ours prit le parti
de courir largue , route qui le conduisait sur Porto-Rico :
cette île fut aperçue dans la soirée. Cette allure rendit à
YAmphitrite l'avantage delà marche; le vaisseau leva la
chasse et la frégate mouilla le lendemain sur la rade de
Saint-Jean. Ce vaisseau était I'Invincible de 82% capitaine
Saxton; il faisait partie de l'escadre du contre-amiral
Hood.
II. i6
242 COMBATS fARTICULlEHS.— l-ÎSS.
La Nymphe entra au Port au Princ6 de Saint-Domiiigaei
VArgo suivit riNviifciBLB pendant tout le temps qtie tt
vaisseau poursuivit YAmphUrite, et il arbora le parilloû
de la Grande-Bretagne dès qu'il leva lâchasse* Il ne tn'edt
pas possible de dire comment ce vaisseau fut pris; oA
doit supposer que les Anglais laissés à bord s'en emparô-*
rent après les premiers coups de canon tirés par riNviH*-
QlfiLE.
Les vaisseaux le Triton de Gi*", YAmphion de 50 et la
frégate de 32 la Concorde^ capitaine chevalier du Glesmeur»
se rendant de Saint-Domingue à la Martinique, furent chas-
sés, dans le courant du mois de février, par 3 vaisseaux
anglais et une corvette de Tescadre de l'amiral Pigot. Les
deux vaisseaux parvinrent à faire perdre leurs traces ; mais,
jointe par le Magnifique de 80*, la Concorde amena son
pavillon après la défense la plus honorable.
Le le février, le capitaine marqùiâ de Grasse Briàtiçôû, de
la corvette de 18° la Coquette^ s'était emparé dés lleâ ïttN
ques, dans les débouquements de Saint-Domingue. Lfe
ih mars, l'apparition d'une division anglaise força la Co-
quette à quitter le mouillage. Atteinte par le vaiââeàU Ré-
sistance, capitaine James King, elle amena son pavillôfi
«près avoir tiré une bordée. Le capitaine anglais rèjoigûtt
iilors sa division qui se composait d'un autre vaisseau, de
2 frégates et de 2 corsaires. Les Anglais tentèrent de re-
prendre les îles Turques, en jetant quelques troupèà à
terre ; mais ces détachements fui-ent repousses, et les bâti-
ments ennemis prirent le large.
J'ai déjà dit que Tescadre anglaise, qui était allée passer
la mauvaise saison à Bombay, ayant été aperçue faisant
route m Nord, le chef d'escadre de Suffren, alors à Tria-
COMBATS PARTICULIERS. -1783. 243
quemalé, avait expédié immédiatement le lieutenant Vil-
laret Joyeuse, auquel il avait donné le commandement de
la corvette de 20*' la Naïade^ en prévenir le capitaine de Pey^
nier qui avait été laissé en observation devant Madras avec
2 vaisseaux et 2 frégates, et lui porter Tordre de rallier.
Le capitaine Villaret devait aussi 'aller avertie le général
de Bussy à Goudelour. Trois joiirç aprèâ^ son èépart, le
11 avril, la Naïade fut chassée par le vaisseau de f^""
Sceptre, capitaine Samuel Graves, et, elle amena son pa-
villon après une canonnade qui ne dura pas moins de
cinq heures; elle avait perdu deux mâts de hun^; son
gouvernail était brisé, et elle avait sept canons démontés.
«
BATIMENTS PIliS, DÉTR^iTS OU NAUFll^GÉS
pendant rannée 1785.
ANGLAIS.
Canons.
50 Cat™' ■ * '. *. '. *. : ; : ; } Naufragés dans Tlnde.
56 Pallas Naufragée sur la côte d'Amérique.
50 €ovENTRY Prise par une escadre.
français.
Canons.
74 Duù-de-Bourgogne Naufragé dans le golfe du Mexique.
64 Bizarre Naufragé dans l'Inde.
< Concorde
^^ i Sibylle 1
20 Naïade / Prises chacune par un vaisseau.
** } Chasseur* /
16 Dragon Détruite à la côte.
14 bailleur Prise par un vaisseau.
* L'astérisque indique on i»àtiffient pris à rennemi.
S46 PARALLÈLE.
guerre de 1778 est le chef d'escadre bailli de Suffren.
Abandonné à ses propres inspirations, et Ton peut dire ft
ses propres moyens, il sut se créer des ressources, faire
vivre son escadre sans argent et la conduire, non pas une,
mais six fois au combat, et l'on peut ajouter sans trop d'exa-
gération, à la victoire. Il sut dominer Pesprit frondeur 9t
indiscipliné de ses sous-ordres, et il ne craignit pa« de
briser ceux qui eurent la prétention d'entraver ses projets.
Grâce à une activité incessante et à une énergie peu com^
mune, il obtint des résultats sur lesquels nul n'eût osé
compter. Disons-le cependant, il faut prendre le cbef
d'escadre de Suffren tel que l'ont fait les circonstancoB, et
ne pas chercher ce qu'il eût été dans une autre position.
Il faut voir le commandant en chef des forces navales de la
France dans l'Inde, à la tète d'abord de 5, puis de 10 et
enfin de 15 vaisseaux, et se demander comment il a rempli
la mission qui lui était confiée. Je n'hésite paâ à le dire,
de tous les officiers généraux de l'époque, c'est le bailli de
Suffren qui comprit le mieux son rôle, et c'est à lui
qu'il faut attribuer la part la plus large des lauriero re-
cueillis par la marine de Louis XYI.
ORGANISATION. 847
L€}3 batailles navales de la République çt de l'Empire
forpient un pendant bien triste èi, celles si belles et si glo-
rieuses qui ont été livrées sur le continent à la même
époque. Cependant, aujourd'hui qu'en France les yeux
sont tournés vers la marine, il devient nécessaire de réta-
blir sous leur véritable jour les faits tronqués, dénaturés
et parfois imaginaires qu'on a présentés aujf lecteurs. Cette
tâcbQ est pénible et difficile ; aussi ai-je longtemps bésité
à consentir à la publication de ces notes, et ce n'est qu'a-
prés de mûrçs réflexions que je me suis décidé à détruire
les illusions de cette partie de la population, fort nombrçuse
en FrancQ, qui ne connaît qu'imparfaitement l'histoirç âe
1^ marine.
Jj'histoire maritime de la France se lie d'ailleurs essentiel-
lement à celle de la Grande-Bretagne et, depuis longtemps
cette dernière a été écrite par deux auteurs. Tous les combats
racontés aujourd'hui l'ont dope été déjà en Angleterre (1) ;
inais ils ont été décrits 4*après les rapports des amiraux
anglais, dans des vues, des intérêts entièrement anglais
et, il faut le dire, souvent avec une partialité qui deman-
dait une rectification plus prompte. Pourquoi cette rectifi-
cation s'est-elle fait tant attendre, alors qu'il ne s'agissait
plus de donner de la publicité ^ (les faits mameureuî^ qu'on
pouvait désirer voir tomber dans l'oubli, mais seulement
de diminuer l'impression fâcheuse produite par les rela-
tions anglaises? De rapporter avec sincérité des fautes
souvent grossies, des échecs mal expliqués, et enfin de
bien fixer les esprits sur les quelques faits glorieux pour
la marine de la France, qui ont été traités assez légèrement
(1) The naval \history of Great Britain from the déclaration ofwar hy
France in 1795, to the accession of George IV hy William James. London^
Richard Bentley, 1857. — The naval history of Great Britain from the war
1795 to 1856, by Edward Pelham Brenton, captain in the royal navy, Lon-
don, Henry Colburn, 1857.
S46 PARALLÈLE.
guerre de 1778 est le chef d'escadrt) bailU de SiiffroQ.
Abandonné à ses propres inspirations, et l'on pwt dire h
ses propres moyens, il sut se créer des ressources* &ira
vivre son escadre sans argent et la conduire, non pas uqq,
oiais six fois au combat, et l'on peut ajouter sans trop d'ex^
gération, à la victoire. Il sut dominer l'esprit frondeur 9t
indiscipliné de* ses sous-ordres, et il ne craignit pai de
briser ceux qui eurent la prétention d'entraver ses projets.
Grâce à une activité incessante et à une énergie peu com^
mune, il obtint des résultats sur lesquels nul a'eût osé
compter. Disons-le cependant, il faut prendre le chef
d'escadre de Suffren tel que Vont fait les circonstances, et
ne pas chercher ce qu'il eût été dans une autre posîtloD.
Il faut voir le commandant en chef des forces navales de la
France dans l'Inde, à la tête d'abord de 6, puis de 10 et
enfin de 15 vaisseaux, et se demander comment il a rempli
la mission qui lui était confiée. Je n'hésite pad à le dire,
de tous les officiers généraux de l'époque, c'est le bailU de
Suffren qui comprit le mieux son rôle, et c'est h lui
qu'il faut attribuer la part la plus large des lauriere re-
cueillis par la marine de Louis XVI.
ORGANISATION. W
Les batailles navales de la Jftépublique et de TEnipire
forjuent un pendant bien triste à celles si belles et si glo-
rieuses qui ont été livrées sur le continent à la naêrae
époque. Cependant, aujourd'hui qu'en France les yeu^
sont tournés vers la marine, il devient nécessaire de réta-
blir sous leur véritable jour les faits tronqués, dénaturés
et parfois imaginaires qu'on a présentés au? lecteurs. Cette
tâche est pénible et difficile ; aussi ai-je longtemps bésité
à consentir à la publication de ces notes, et ce n'est qu'a-
près de mûres réflexions que je me suis décidé à détruire
les illusions de cette partie de la population, fort nombreuse
en FrancQ, qui ne connaît qu'imparfaitement l'histoirç ôe
1^ marine.
L'histoire maritime de la France se lie d'ailleurs essentiel-
lement à celle delà Grande-Bretagne et, depuis longtemps
cette dernière a été écrite par deux auteurs. Tous les combats
racontés aujourd'bui l'ont donc été déjà en Angleterre (1) ;
mais ils ont été décrits 4' après les rapports des amiraux
anglais, dans des vues, des intérêts entièrement anglais
et, il faut le dire, souvent avec une partialité qui deman-
dait une rectification plus prompte. Pourquoi cette rectifi-
cation s'est-elle fait tant attendre, alors qu'il ne s'agissait
plus de donner de la publicité ^ des faits malheureux qu'on
pouvait désirer voir tomber dans l'oubli, mais seulement
de diminuer l'impression fâcheuse produite par les rela-
tions anglaises? De rapporter avec sincérité des fautes
souvent grossies, des échecs mal expliqués, et enfin de
bien fixer les esprits sur les quelques faits glorieux pour
la marine de la France, qui ont été traités assez légèrement
(1) The naval \history of Great Britain from tke déclaration of war by
France in 1793, to the accession of George IV by William James. London^
Richard Bentley, 1857. — The naval history of Great Britain from the war
1793 to 1856, by Edward Pelham Brenton, captain in the royal navy, Lon-
don, Henry Colburn, 1857.
848 ORGANISATION.
par les auteurs étrangers, quand encore ils ne les ont pas
passés sous silence ?
La publication des documents authentiques est un de-
voir, aujourd'hui que Ton semble vouloir s'occuper de la
marine. Il ne suflît pas, en effet, de la montrer telle qu'elle
est, il faut encore dire ce qu'elle a été. Or, le meilleur
moyen de juger la valeur d'une institution, c'est de consta-
ter les résultats qu'elle a produits.
On sera peut-être surpris de ne trouver dans cet ou-
vrage aucun des combats qui ont, à si juste titre, illustré
les corsaires français. Ces combats étaient cependant, je
l'avoue, dignes à tous égards de figurer à côté de ceux des
bâtiments de l'État; mais c'eût été m' écarter du plan que
je me suis tracé. Mon but unique n'est pas de décrire des
batailles ; j'ai voulu montrer le résultat obtenu par les di-
vers systèmes d'organisation. Or, les armements en course
étaient entièrement en dehors des lois organisatrices de la
marine militaire.
Mais alors même que mon intention unique eût été de
relater des combats, je me fusse arrêté devant une impos-
sibilité matérielle. Il n'existe au ministère de la marine
aucun document relatif aux corsaires. Aux termes des rè-
glements sur la course, les capitaines correspondaient avec
les préfets et avec les chefs maritimes qui rendaient en-
suite compte au ministre. Les rapports des capitaines des
corsaires sont donc épars dans tous les ports de la France
et de ses colonies, et l'on comprend la difficulté de sem-
blables recherches.
Après avoir donné la possibilité d'établir un jugement
raisonné sur la manière dont étaient armés les bâtiments
de l'époque (1), il n'est pas moins important de jeter un
coup d'œil sur la situation du matériel, et surtout sur le
(1) Tome 1. Introduction.
ORGANISATION. 249
personnel. Cette dernière question a trop été laissée de
côté, ce me semble. Il ne suffit pas d'avoir de bons bâ-
timents; il faut encore des officiers pour les commander
et des matelots pour les manœuvrer. Il faut qu'on sache
avec quels éléments la France entra dans la lice. Si une
chose doit surprendre, c'est que les résultats n'aient pas
encore été plus désastreux.
On peut, en effet, établir ce fait, qu'à l'époque à laquelle
se rapporte cette étude, la marine anglaise avait, au per-
sonnel comme au matériel, une supériorité incontestable
sur celle de la France. Et, par supériorité matérielle, ]e
n'entends pas seulement un plus grand nombre de bâti-
ments de guerre, cette différence étant, chez nos voisins,
la conséquence de la multiplicité de leurs possessions
d'outre-mer, mais encore la manière • dont ces bâtiments
étaient chargés, matés, voilés et gréés (1). Il faut bien
l'avouer, l'Angleterre marchait rapidement alors dans cette
voie de progrès dans laquelle nous ne sommes entrés qu'à
la paix, et à laquelle nous devons, comme puissance mari-
time, la place que nous occupons. Il suffit de connaître
quelque peu un navire pour apprécier les causes de Tinfé-
riorité de marche qu'avaient les bâtiments de guerre fran-
çais sur ceux de la Grande-Bretagne, et les difficultés
qu'éprouvaient les premiers lorsqu'il fallait faire quelque
manœuvre de force. D'un côté, l'on trouvait une répartition
bien entendue des poids, des mâtures proportionnées, des
voiles bien taillées et des cordages de bonne qualité. De
l'autre, les bâtiments étaient surchargés; les mâts avaient
(1) Le P. Hoste ne disait pas sans raison, il y a bientôt deux cents ans : « l\
« n'en est pas de même des engagements sur mer et des combats sur terre.
« Une armée^ quand elle est inférieure en force^ se retranche, occupe des pos-
« tes avantageux, se couvre par des bois et par des rivières, suppléant ainsi à
(( la force qui lui manque ; mais sur mer^ il ne peut y avoir d'autre avantage
<( que celui du vent, et le vent est chose trop inconstante pour qu'on y puisse
« compter. Une flotte est comme une armée surprise en rase campagne^ qui
(( n'aurait ni le temps ni le moyen de se retrancher. Je pense qu'il serait dif-
« ticile à celte armée de prendre un bon parti^ si elle était de beaucoup infé-
« rieure à l'ennemi. »
SKO ORGANISATION.
une dimension telle» qu'il était souvent impossible de Iflf»
ehanger à la mer ; les vQiles étaient petites, échfinçréea §t
perdaient ainsi en surface toute cette toile qui était si nécQ^r
eaire pour piouvoir avec vitesse les corps pesants auxquels
elles étaient immédiatement appliquées. Et, si Von se rap«-
pelle ces voiles , faites avec des toiles mal OQufeçtionu^a,
on se demandera, par la comparaison de ce qui se pasa^
aujourd'hui, coipment ou pouvait les manier» et surtout quel
usage elles pouvaient faire. Pour 1@ grémeut, c'était pQUt^
être pis encore : la pénurie des matières forçait d'empioyi^r
iQutes celles qu'on pouvait se procurer : aus^i» du jour âl^
la déclaration de guerre à la conclusion de la paûi, nç
cessa^t-on de se plaindre de la mauvaise qualité des por^^
dages.
Si maintenant, avant de nous occuper de l'état^major,
nous jetons un coup d'œil sur le rQste du persoQuel, pQus
verrons des équipages composés d'hommes enti^remQnt
étrangers à la marine, qui, aprèfii un court ç^our ^ur les
rades, faisaient leur première campagne , et auxqui^ls il
manquait, par conséquent, la plus utile des qualitéfi du
navigateur 2 l'habitude de la mer. Que rop compliqua ç^t^
situation de l'obligation d'un combat prochain, çt Vqp
verra avec quels moyens la France lutta mv mer çoqtr^
TAngl^terre. Et vraiment, lorsque l'ou voit le temps qui Q^t
nécessaire aujourd'hui pour organiser un ôquipagQi poiir
que chacun soit familiarisé avec toutes les parties du sçr^
vice auquel il est appelé à. concourir peQdapt le combat,
on peut se demander comment les choses se paasaienli |t
une époque où l'on ne savait pour ainsi dire pas ce que
c'était qu'un rôje; pu chacun était censé arriver à bord
avec les connaissances nécessaires à un marin, par on ne
travaillât uullement à les acquérir. C'était souyent à la
mer, et par un gros temps que, pour la première fois, un
))omme montait dans ia mature et, sous le feu de l'ennemi,
quHl manœuvrait un canon. Que l'on juge de la position
des chefs, avec de pareils éléments! N'y trouvera-t-on pas
OEGANISATION. %M
\m^ dea principales oftuse^ â^ \mr panqu^ <}q çQpfianoQ»
de leur hésitation et, par suit^, de l'audacç de nos eime-
mis qui n'ignoraient pas ces circpu^tapoes |
Le cadre que je me suis tracé ne mp permet p^n de
na' étendre eur Torganigation de la m^rinQ, Jq regrette que
les auteurs qui en ont écrit l'histoire n'aient p^s traité cette
partie ai importante, mn vices de laquelle je n'hésîtQ pas
h attribuer presque tous nos désastres. La subordination Qt
la discipline ne sont pas choses tellement n^tMreUes, quçi l'on
puisse s'y plier à tous les âges, et je crois qu'il fout y avQir
été habitué dès la plus tendre enfance. Il dut être fort dif-
ficile de façonner à la discipline et h la subordination nn
corps d'officiers composé de parties hétérogènes, ou d'iP»-
dividufl entrant au service avec une opinion et de» idégp
toutes formées.
Sous Louis XIV, époque de laquelle date réellei^ent h
marine militaire de la France, on n'était admis dans 1^ ms^^
Fine qu'en produisant des titres de noblesse, et l'on sait ce
qu'était alors la noblesse. Duquesne ne tarda pas k s'aper>-
oevoip et à se plaindre de la manière dont les capitaines et
les officiers faisaient leur service, et du peu d'importance
qu'ils attachaient aux évolutions. Ce grand amiral ne s'efr
fraya pas des embarrs^ que devait lui susciter la lutte
qu'il allait engager contre le corps de la noblesse ; et, en
démontrant au ministre la nécessité de l'étude dea évolu«'
tiens, il lui demanda l'autorisation de punir, de démonter
même de leurs commandements les capitaines qui ne se-r
raient pas attentifs à ses ordres. *
Plus tard, les officiers bleus et ceux de la Compagnie des
Indes furent des sujets d'envie et de haine pour o§ux de h
marine royale.
Louis XVI sentit qu'il fallait changer l'organlSâtiQU de
la marine, et il eut le courage et la force de faire ee que
les ministres de Louis XV avaient vainement tenté. îs
mode d'admission fut changé ; la roture ne fut plus exclue
de la marine militaire; les maîtres d'équipage et les pi-^
252 ORGAlSlSAtlON,
lotes purent y être admis comme enseignes de vaisseau.
Cet essai ne fut pas heureux. Le bailli de Suffrën ne
cessa de se plaindre du peu de connaissances et de Hodis-
cipline des ofiiciers sous ses ordres.
La Révolution vint encore bouleverser ce qui avait été
fait, et rémigration des officiers nobles et de ceux qui ne
voulaient pas admettre les idées du jour, mit la Convention
nationale dans l'obligation d'improviser des officiers. La
majeure partie appartenait à la marine du commerce. Ces
officiers, fort bons marins peut-être, mais non façonnés à la
discipline militaire, ne connaissaient aucunement la tac-
tique navale, et ce fut souvent au moment du combat qu'ils
eurent à en appliquer une première fois les principes.
4^ conçoit combien leur tâche devenait difficile dans de
semblables moments. Mais avec l'épaulette arrivèrent par-
fois l'âmour-propre ridicule et des prétentions plus ridi-
cule§[ encore ; et si, sous Louis XVI, la camaraderie qui
existait entre le chef et le subordonné portait celui-ci à dis-
cuter les ordres qui lui étaient donnés, à l'époque que Ton va
parcourir, les idées d'égalitéet les prétentions à des connais-
sances qui ne sont pas toujours inséparables de la place ou
du rang, produisirent le même résultat. De là l'indiscipline
que les amiraux de la République ne cessèrent de signaler
au gouvernement. Cet esprit d'indépendance exista pendant
tout l'Empire.
. i'Mais ce que je voudrais démontrer ne serait bien senti
"que si l'on développait les vices d'organisation de ces di-
verses époques, et cela ne m'est pas possible. Je me borne
à recommander l'étude des décrets d'organisation aux per-
sonnes qui voudront connaître les causes de la décadence
de la marine militaire de la France depuis le règne de
Louis XIV.
Après avoir décrété que tous les citoyens étaient égale-
ment admissibles^ aux emplois civils et militaires de la
marine, l'Assemblée nationale rendit le décret suivant, le
22 avril i 791 :
j 1 1
^
\
ORGANISATION. 253
Art. l*^ Le corps de la marine est supprimé, et le mode
de nomination pour la recréation de la marine sera fait,
pour cette fois seulement, de la manière suivante.
Art. 2. Le corps de la marine française, entretenu par
TEtat, sera composé de 3 amiraux, 9 vice-amiraux, 18 contre-
amiraux, 180 capitaines de vaissçau, 800 lieutenants de
vaisseau et 200 enseignes de vaisseau.
Art. 3. Le nombre des enseignes de vaisseau non entre-
tenus ne sera point limité.
Art. 4. Le nombre des aspirants entretenus sera fixé
à 300.
Art. 6. La charge d'amîral de France est supprimée.
Art. 8. Les amiraux, vice -amiraux et contre -amiraux
seront choisis'^par le roi, parmi les officiers généraux ac-
tuellement existants, et le tiers des places de contre-amiraî
sera laissé vacant, pour être rempli, au choix du r^i, par
les officiers actuellement capitaines de vaisseau.
Art. 9. Les 180 capitaines de vaisseau seront choisis
parmi les capitaines de vaisseau actuels, les capitaines et
directeurs de port, les majors de vaisseau, les lieutenants
de vaisseau plus anciens dans ce grade que quelques-uns
des majors des dernières promotions, et tous les oflSciers
des classes qui seront dans le cas de concourir à cette for-
mation ; ils seront choisis par le roi.
Le roi pourra accorder quatre de ces places à des ma-
rins des autres grades qui auraient rendu à l'État, pendant
la guerre, des services distingués restés sans récompense.
Art. 11. Les lieutenants seront choisis parmi les lieute^
nants de vaisseau, lieutenants de port et sous-lieutenants
actuels.
Art. 15. Le grade de sous-lieutenant est supprimé. La
moitié des places d'enseigne entretenu sera donnée aux
sous-lieutenants. Sur l'autre moitié, dix places seront ré-
servées pour les maîtres entretenus, et le reste sera donné
au concours qui aura lieu incessamment.
Art. 17. Le brevet d'enseigne de vaisseau non entretenu
.-••^
254 ORGANISATION.
sera donné, en ce moment, à tous les capitaines de navires
reçus pour le long cours.
Art. 19. Le titre d'aspirant entretenu sera donné aux
élèves et volontaires actuels qui n'ont pas trois années de
navigation; le surplus des places sera donné au concourd.
Le 29 du même mois d'avril, l'Assemblée nationale dé*-
créta :
Art. 5. Tous les jeunes gens de quinze à vingt aûs pour-
ront être admis , après un examen « Comme aspirants dt
marine»
Art. 1&. Le grade d'enseigne entretenu sera donné au
concours. Celui d'enseigne non entretenu sera donné à tous
les navigateurs qui, après six années de navigation, dont
un an au moins sur les vaisseaux de l'État/'ou en qualké
d'officier sur un bâtiment uniquement armé en courait
aurontfSatisfait à un examen public sur la théorie et la pra-
tique de l'art maritime»
Art. 28» Le dixième des places d'enseigne entretenu
sera donné aux maîtres entretenus, moitié à Tanciennetét
moitié au choix du roi, sans avoir égard à l'âge.
Art. 29. Les autres places d'enseigne entretenu âeroat
données au concours, par tin examen sur toutes les branches
de mathématiques applicables à la marine et sur toutes les
parties de l'art maritime.
Art. 80. Seront admis à cet examen tous ceux qui^ ayant
rempli les conditions prescrites pour le concours, n'auront
pas dépassé l'âge de trente ans.
Nul ne pourra être officier avant l'âge de dix-huit ans.
Art. 33. Tous les enseignes entretenus et non entretenus
pourront également prétendre au grade de lieutenant de
vaisseau, pourvu qu'ils n'aient pas plus de quarante ans.
Les cinq sixièmes des places vacantes seront accordés i
ceux d'entre eux qui auront le plus de temps de navigation,
en qualité d'enseigne, sur les vaisseaux de l'État; l'autre
sixième sera laissé au choix du roi, qui pourra le fûre,
sans distinction d'âge, entre tous les enseignes qui auront
ORGANISATION. i»5
vingt-quatre mois de navigation sur les vaisseaux de l'État.
Art. 35. Les capitaines de vaisseau seront pris parmi
les lieutenants de vaisseau, de la manière suivante ; une
moitié à Tancienneté et l'autre naoitié au choix du roi» sans
égard à l'âge.
Art. Sô. Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui
auront au moins trois années de navigation dans ce grade.
Art. 37. Le grade de capitaine de vaisseau pourra augsi
être donné aux enseignes de vaisseau non entretenus qui,
ayant dépassé l'âge de quarante ans, auront huit ftuuéts
de navigation» dont deux sur lefi vaisseaux de l'État, et le
reste comme capitaines de navires du commerce, et qui se
seront distingués par leurs talents et par leur conduite.
Art. ko. Les contre-amiraux seront prie parmi les capi-
taines de vaisseau, un tiers à l'ancienneté et deux tiers au
choix du roi. Ce choix ne pourra porteif que sur ceux des
capitaines de vaisseau qui auront au moins vingt-quatre
mois de navigation dans ce grade.
Art. &1. Les contre-amitaux parviendront au grade de
vice-amiral par ancienneté.
Art. â2. Les amiraux pourront Être pris parmi les vice-
amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du
roi (1).
Art. Â5. Le commandement des armées navales et des
escadres composées d'au moins 9 vaisseaux de ligne , ne
pourra être confié qu'à des amiraux, vice-^amiraûx ou Con-
tre-amiraux, mais indistinctement entre eux*
Art. A6. Les commandements de division sefont bonfiés
aux contre-amiraux et aux capitaines de vaisseau indistine*^
tement ; et celui des vaisseaux de ligne, armés en guerri^i
à des capitaines de vaisseau.
Art. 47. Les commandants des frégates seront pri4 in*
^^.u
(1) Les articles qui n'ont pas àiirectemèfit IrMt à là Hotnîttation tti à YàH'A^
cernent des officiers n'ont pas été transcrits.
286 ORGANISATION.
distinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les
lieutenants de vaisseau.
Art. àS. Les autres bâtiments seront indistinctement
commandés, soit par les lieutenants, soit par les enseignes
de vaisseau entretenus ou non entretenus.
Les nouveaux élus furent bientôt les seuls oflSciers sur
lesquels on put compter pour les armements , car Fémi-
gration ne tarda pas à enlever ceux qui, par attachement
à la famille déchue , ou qui , blessés de se voir préférer
des officiers plus jeunes et, souvent aussi, de moins d'ex-
périence qu'eux, ne voulurent pas servir la République.
Les insurrections qui ne tardèrent pas à se manifester dans
la flotte, forcèrent les autres à s'éloigner. Une revue, faite
à Brest le 20 novembre 1791, constata l'absence de 30 ca-
pitaines de vaisseau, 20 majors, 160 lieutenants, et 49
sous-lieutenants de vaisseau ; il en était de même dans les
autres ports.
Le 21 juin 1792, l'Assemblée législative modifia l'article
âO du décret du 29 avril. Elle statua, que le choix du
roi, pour la nomination de contre-amiraux, pourrait s'exer-
cer, pour cette fois seulement, sur ceux des capitaines de
vaisseau qui auraient plus de quatre années de comman-
dement dans les grades de major et de lieutenant de vais-
seau, plus de quinze années sur les vaisseaux de l'État et
au moins trois ans de service pendant la guerre.
L'article 4 au titre II d'un autre décret, en date du
17 septembre 1792 portait : Les trois années de naviga-
tion, dans le grade de lieutenant de vaisseau, exigées par
la loi du 29 avril pour être susceptible d'être nommé ca-
pitaine de vaisseau au choix du pouvoir exécutif, seront
réduites à trente mois pendant la dUrée de la guerre ac-
tuelle.
Art. 6. La moitié des places de lieutenant vacantes, ou
qui viendront à vaquer, seront dévolues de droit aux en-
seignes de vaisseau entretenus, par rang d'ancienneté, et
sans avoir égard à Tâge, qui réuniront six années de ser-
ORGANISATION. , 257
vice à la mer sur les vaisseaux de l'État en qualité d'offi-
cier ou de premier maître ; la moitié de ce temps, ou une
moindre durée pourra être remplie par le commandement
des navires du commerce.
Art. 7. La moitié des places de lieutenant de vaisseau
sera donnée, au choix du pouvoir exécutif, aux enseignes
entretenus et non entretenus, aux anciens sous-lieutenants
de vaisseau et sous-lieutenants de port, aux officiers auxi-*
liaires qui auront été embarqués en cette qualité sur les
vaisseaux de l'État, en temps de guerre et, de préférence,
à ceux qui se seront distingués par des actions d'éclat;
enfin, aux premiers maîtres les plus distingués qui [auront
satisfait aux conditions imposées par l'article précédent
aux enseignes de vaisseau entretenus.
Art. 12. Le quart des places d'enseigne de vaisseau en-
tretenu qui, après le complètement du grade de lieutenant
de vaisseau, se trouveraient vacantes sera, suivant l'esprit
de l'article 46 du décret du 15 avril 1791, accordé aux
sous-lieutenants de vaisseau et de port.
Le dixième de ces places sera, conformément à l'ar-
ticle 27 de la même loi, accordé aux maîtres entretenus. '
Le surplus des places, pour les porter à cent soixante,
sera, pour cette fois seulement, donné au choix du pou-
voir exécutif, aux officiers auxiliaires,- aux volontaires et
aux navigateurs de toute classe ayant au moins vingt ims
et pas plus de quarante , qui réuniront quatre années de
service à la naer sur les vaisseaux de l'État , en qualité
d'officiers, de pilotes, d'élèves ou de volontaires. Deux
années de ce temps pourront être remplacées par un temps
égal de commandement des navires de commerce. Quarante
places seront réservées pour le prochain concours.
Un second décret du 17 septembre 1702 portait :
Article 1. Les titres d'élèves et de volontdres de la ma*
rine demeurent supprimés ; les fonctions dont ces naviga-
teurs étaient ci-devant chargés à bord des vaisseaux de
l'État, seront remplies par des aspirants de marine.
IL 47
^58 ORGANISATION.
Art* 3. Ne seront admis à servir comme aspirants de la
marine sur les vaisseaux de l'État , que les sujets qui , «Q
jugement de l'examinateur, auront répondu d'une mani^
satisfaisante sur les objets spécifiés par l'article 6 du titre II
de la loi du 10 août 1791 relative aux écoles de maiinet
Art. 5. Sont exceptés des dispositions de Tartiole i ;
l* les aspirants actuellement entretenus auxquels il sera
expédié des certificats sans qu'ils aient aucune nouvelle
formalité à remplir ; S*" ceux des anciens ^àves et voloo-r
taires de la marine qui n'ayant pas encore complété tr(H9
ans sur les vaisseaux de l'État^ demanderont des certiiicati
d'aspirants. Le ministre de la marine leur en expédiera sans
qu'ils soient assujettis à passer un nouvel examen.
Art. 6. Le nombre des aspirants de la marine aéra ilU-
mité; ils n'auront aucun grade militaire, le seul objet de
leur institution étant de procurer aux jeunes gens qui sq
destinent au service de la mer, les moyens de s'instruire
et d'acquérir le temps de navigatiou nécessaire pour de*
venir officier.
Art. 7. Les aspirants seront divisés en trois classes.
Art. 11. Il ne sera embarqué en qualité d'aspirant, sur
les vaisseaux de l'État, aucun sujet au-dessous de quinze
ans et au-dessus de vingt-cinq.
La pénurie d'officiers devenait telle, qu'un décret du
18 septembre 1792 statua que tous ofiByciers, soit auxi^
liaires, soit d'infanterie ou d'artillerie qui avaient obtenu
de nouveaux grades à la mer, de leurs généraux ou caiâ-
taines, pendant la dernière guerre, jouiraient de suite des
émoluments attachés aux dits grades et reprendraient leur
andenneté dans le grade auquel ils avaient été promuBi h
compter de la date de leur avancement et seraient même
promus à des grades supérieurs, si leurs cadets y avaient
déjà été i»romus , en reprenant également leur rang d'an-
cienneté parmi ces derniers.
Cet appel ne sufQt pas ; il fallût cependant des offîcîfii^.
Aussi, le 13 janvier 1793, la Convention nationale décréta :
OHGANISATION. 2o9
Art. 3. Le ministre de la marinç pourra choisir les con-
tre-amiraux parmi tous les capitaines de vaisseau actuelle-
ment à leur poste, ou eu activité de service, et nommés ca-
pitaines avant le 31 décembre dernier, le droit d'ancienneté
demeurant toujours réservé d'après les lois anciennes.
Art. 4. Le nombre des capitaines de vaisseau, antérieurs
à la formation du 1*' janvier 1792, se trouvant réduit par
la désertion h un nombre de beaucoup inférieur à celui
des besoins de la République, le ministre de ïa marine est
autorisé à remplacer, en entier, la moitié de^ capitaines d^e
vaisseau a Tancienneté.
Art, 5. Le ministre choisira la moitié des capitaines^ in-
distinctement parmi tous les lieutenants de vaissçinu, quel
que soit leur temps de navigation dans cet dernier grade,
et parmi les capitaines de commerce ayant cinq années de
commandement en course ou au long cours.
Art. 7. Le temps de navigation nécessaire pour TadmisT
sion au grade de lieutenant de vaisseau sera fixé h cinq
années, soit sur les vaisseaux de l'État, soit sur les navU
res de commerce. Les candidats devront avoir été reçus
capitaines au long cours ; avoir commandé deux an^ e»
cette qualité, ou navigué deux ans sur les vaisseaux de
l'État comme enseignes, ofSciers auxiliaires, entretenus ou
brevetés pour la campagne, ou comme maîtres pilotes»
Art. 10. Le nombre d'années de navigation e;sigée3 pour
le grade d'ensergne entretenu sera fixé h quatre, soit sur
les bâtiments de l'État, soit sur ceux du commerce indis-
tinctement. Les candidats devront avoir servi sur les pre-
miers comme officiers-mariniers ou comme maîtres pilotes ,
ou sur ceux du commerce, comme lieutenants, pendant
deux années. Pourront aussi être admis ceux des volon-
taires, élèves ou aspirants entretenus, ayant quatre ans de
navigation, dès qu'ils auront subi l'examen prescrit; par Jes
lois précédentes.
Le 6 février 1793, la Convention nationale décréta que
les navigateurs qui, avant d'avoir servi sur les vaisseaux
260 ORGANISATION.
de la République, avaient subi Texamen pour être admis
au grade d'enseigne non entretenu, obtiendraient le brevet
dudit grade, en justifiant qu'ils avaient atteint l'âge et le
temps de service nécessaires avant le 1" janvier 1793.
Le 18 mars 1793 :
Que les citoyens qui, sur l'invitation du"* ministre de la
marine, avaient été désignés par les marins de leurs dé-
partements respectifs comme les plus dignes d'être promus
au grade de capitaine de vaisseau de la République, se-
raient admis à ce grade, pourvu qu'ils aient commandé
plusieurs voyages, ou qu'ils soient déjà lieutenants de
vaisseau, même de la dernière promotion, et qu'ils soient
pourvus de certificats de civisme.
Le 9 juin : '
Art. 1«'. Les enseignes entretenus de la marine, actuel-
lement employés sur les vaisseaux de la République, pour-
ront être admis aux places de lieutenant qui sont au choix
du ministre, en justifiant qu'ils sont âgés de vingt-cinq ans,
qu'ils ont six années de navigation sur les vaisseaux de
l'État et servi deux ans au moins comme volontaires de
première classe.
Art. 2. Sera également admissible au grade de lieute-
nant de vaisseau tout navigateur qui sera reçu capitaine
au long cours et justifiera qu'il a, après sa réception, na-
vigué pendant trois ans au moins en qualité de second sur
les navires de commerce.
Art. 3. Les enseignes non entretenus qui auront deux
années de service comme volontaires de première classe, se-
ront aussi admissibles au grade d'enseigne entretenu, et
pourront en obtenir le brevet sans subir de nouveaux
examens.
Le 28 juillet :
Art. 2. La Convention nationale autorise le ministre de
la marine, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné,
à efiectuer le remplacement des ofliciers généraux et des
ofiiciers des états - majors , en choisissant dans tous les
ORGANISATION. 261
grades, et sans être astreint aux dispositions des lois pré*
cédentes sur le mode d'avancement et de remplacement.
Enfin, le 7 octobre, parut le décret dit â!épurementy et
dont les principaux articles étaient ainsi conçus :
Art. A. Sur le compte qui sera rendu au ministre de la
marine du talent et du civisme de chacun des oflSciers de
marine, il présentera au comité de marine Tétat des oflB-
ciers et aspirants dont la conduite, le talent et le civisme
lui paraîtront suspects, et le comité en référera à la Con-
vention nationale.
Art. 5. Indépendamment des informations qui pourront
être faites par le ministre de la marine, l'état des noms de
tous les officiers et aspirants composant la u^arine militaire
de la République sera affiché dans les endroits les plus
apparents de leur domicile.
Art. 6. Indépendamment de l'état des officiers affiché
dans leur domicile, la liste générale distribuée aux mem-
bres de la Convention nationale sera envoyée à la muni-
cipalité de chaque quartier.
Art. 7. Tous les habitants de la ville ou du bourg où les
noms de ces officiers et aspirants seront affichés, et ceux
de leur dernier domicile qui auront connaissance, soit de
leur incivisme, de leur incapacité ou de leur inconduite ha-
bituelle, sont invités, au nom du salut public, d'en faire
leur dénonciatio]! par écrit, signée d'eux, à la municipalité
du lieu.
Art. 8. La municipalité recevra les dénonciations qui lui
seront faites pendant la huitaine qui suivra le jour où l'état
des officiers aura été affiché ; elle les fera passer, dans les
trois jours suivants, à la municipalité du chef-lieu du syn-
dicat, qui convoquera le conseil général de la commune et
tous les marins de son arrondissement pour statuer, de
concert, sur les dénonciations.
Art. 9. L'assemblée aura lieu le premier jour de repos
qui suivra la convocation ; les membres du conseil général
et les marins réunis donneront leur avis par appel no-
nt ORGANISATION.
miûaly soit à haute voix, soit au scrutin, et la décisloit
sera prise à la majorité des suffrages.
Art. 10. Immédiatement après la clôture du procès-
verbal, la municipalité en enverra une expédition au mi-
nistre de la marine qui destituera ceux contre lesquels les
dénonciations se trouveront fondées.
Art. 11. Après cette réforme, le ministre de la marine
procédera, sans délai, au remplacement des officiers desti-
tués, émigrés, ou retirés de la marine.
Art. 12. Le ministre donnera Tordre aux chefs et SOUS^
chefs d'administration de la marine, de couvoc^uer au chef-
lieu du quartier les officiers de la marine militaire qtû
auront conservé la confiance publique, et les capitaines et
officiers du commerce de leur arrondissement, susceptibles
du grade d'enseigne de vaisseau et dont le civisme sera
bien connu.
Art. là. L'assemblée procédera en présence de deux
officiers municipaux à la nomination des candidats parmi
lesquels le ministre de la marine devra choisir les officiers
de remplacement de tous les grades pour compléter Tar-
mée navale.
Art. 14. Ce choix ne pourra tomber que sur ceux qui
réuniront les conditions exigées par les lois des 6 février et
9 juin derniers sur l'organisation provisoire de la marine.
Art. 15. Le nombre des candidats à présenter par les
assemblées d'arrondissement devra être triple pour chacun
des grades indiqués par le ministre.
Art. 16. Le ministre pourra faire son choix pour les
places vacantes, tant sur les candidats présentés par les
assemblées d'arrondissement, que sur les officiers de la
marine et aspirants actuellement en activité et qui n'ont
cessé de mériter la confiance publique.
Art. 20. Il sera incessamment présenté à la Convention
nationale une loi définitive sur l'admission aux différents
grades de la marine.
Eh bien! avais-je tort? N'est-îl pas surprenant que la
ORGANISATION. 263
marine ait survécu à tant d'actes désorganisateurs pro-
mulgués comme décrets d'organisation? Décréter qu'on sera
officier et même commandant des bâtiments de FÉtat sans
avoir jamais fait et quelquefois même vu manoeuvrer un
canon ; sans avoir jamais ouvert un ouvrage de tactique
navale , ni pratiqué une évolution en escadre ; qu'on est
apte à commander un ou plusieurs bâtiments de guerre
parce qu'on a conduit ou piloté un navire de commerce;
qu'pn a la science infuse parce qu'on a, ou mieux encore,
parce qu'on est réputé avoir du civisme ! N'est-ce pas là le
comble de l'aveuglement! Il fallait, dira-t-on, des officiers
quand même? Non! mieux valait désarmer les vaisseaux
dans les ports, renoncer momentanément à avoir des es^^
cadres; mieux valait faire ce qu'on fit tardivement, mais
qu'on fit quelques années plus tard, et décréter que le
corps de la marine était supprimé. Ce décret mettait, il est
vrai, l'existence de la marine en question, mais il n'aggra-
vait pas la situation : c'était un coup de dé jeté avec la
certitude de ne pas perdre et qui offrait la chance du gain.
Le simple bon sens aurait dû indiquer, que si les institu-
tions des peuples anciens pouvaient être imitées dans quel-
ques-unes de leurs parties, elles ne pouvaient l'être dans
toutes ; et la marine était de ces dernières. Les perfection*
nements apportés à l'art de la navigation et l'emploi de
l'artillerie exigent des connaissances qui ne peuvent s'acqué-
rirque par Tétude et par la pratique ; et le courage, l'audace,
vertus principales de ceux qui combattaient sur mer dans
l'antiquité, ne sauraient suffire aujourd'hui. Ce courage,
cette audace, on les trouva certainement chez bon nombre
des nouveaux capitaines ; ces officiers possédaient également
les connaissances nécessaires pour conduire un navire d'un
point à un autre. Mais on finit par s'apercevoir que ces
qualités n'étaient pas les seules que le capitaine d'un vais-
seau en escadre devait possède!: et, d'un coup de plume,
on mit à néant ce qu'on avait si imprudemment édifié,
U n'est pas sans intérêt de jeter un coup d'œil rétrospec-
364 ORGANISATION.
tif sur les causes de rinfériorité relative de la marine
militaire de la France sous la République, afin de restituer
à chacun la part de responsabilité qui lui revient. Certes,
je dirai avec tous les historiens, que l'émigration a été la
cause première de la désorganisation et de la décadence de
la marine; mais j'ajouterai que c'est moins à elle qu'au
gouvernement, qu'à l'absence complète du sens maritime
en France, qu'il faut attribuer les désastres de cette épo-
que. On chercherait en vain dans les chroniques des autres
nations une ignorance des choses de la marine pareille à
celle dont ont fait preuve les diverses assemblées qui ont
gouverné la France à la fin du siècle dernier; jamais
l'histoire n'avait eu à dérouler des tableaux aussi sombres
que ceux que je vais placer sous les yeux du lecteur. Cette
ignorance n'a été surpassée que par l'abnégation que du-
rent faire de leur réputation et de leur vie, les chefs qui re-
çurent la mission de conduire des escadres composées de
vaisseaux comme ceux que la France possédait alors et avec
le personnel que l'on connaît. Il n'est pas un capitaine appelé
au commandement d'un bâtiment, pas un officier général
désigné pour commander une escadre, qui n'ait senfi le
poids de la responsabilité diminuer à mesure que les in-
stallations de son bâtiment ou des vaisseaux de son escadre
devenaient plus complètes et que l'instruction pratique de
tous 9 des officiers comme des matelots, devenait plus
solide. Combien cette responsabilité ne dut-elle pas rester
lourde ! combien ne dut-elle pas paralyser les facultés des
chefs qui, au moment du combat, savaient ne disposer
d'aucun des éléments qui assurent la victoire ! Il faut le
répéter et le répéter bien haut, tout en laissant à l'émi-
gration la responsabilité qui lui incombe, le mode si peu
intelligent de recrutement des officiers et des matelots,
l'indifférence qu'on apporta à l'instruction pratique des
états- majors et des équipages; l'empressement fâcheux
que Ton mit à armer et à faire sortir des vaisseaux inca-
pables, les uns de combattre, les autres de naviguer, de--
COMBATS PARTICULIERS.— 1791. 265
valent nécessairement amener les catastrophes que le pays
eut à déplorer, catastrophes trop nombreuses certainement,
mais encore au-dessous de ce qu'on pouvait redouter, si
Ton songe qu'à toutes ces causes de désastres, il faut ajou-
ter l'insurrection, en quelque sorte permanente, qui régna
à bord des bâtiments de la République pendant les pre-
mières années de la guerre.
"•«fOio^
ANNÉE 1791.
La guerre n'était pas encore déclarée. L'Assemblée lé-
gislative n'avait pas pris l'importante détermination de
répondre par une franche déclaration de guerre aux actes
d'hostilité mal déguisée de l'Autriche. L'Angleterre con-
tinuait ses protestations, sinon amicales , du moins pacifi-
ques. Et cependant, Tannée n'était pas terminée, que les
officiers de la marine de S. M. Britannique molestaient, vio-
lentaient même nos navires marchands, et cela quelquefois
en présence de bâtiments de guerre français. Ce sans-gêne,
pour ne pas caractériser autrement cette manière d'agir,
donna lieu à une grave conflagration. C'est dans l'Inde
qu'eut lieu cet épisode maritime, le premier dont j'ai à
parler.
Ce premier épisode fut la conséquence de cet abus de la
force dont les Anglais ont si souvent fait usage et contre
lequel la nation française s'est si énergiquement soulevée
il y a quelques années.
A la fin de l'année 1791, la France avait dans l'Inde les
frégates la Cybèle^ YAtàlante et la Résolue^ placées sous les
ordres du chef de division de Saint-Félix. Les forces navales
de l'Angleterre, commandées parle commodore Cornwallis,
«66 COMBATS PARTICULARS. -i7M .
consistaient dans le vaisseau Grown, les frégates Peiksb*
YERANGE, pHGGNix , Vestale , MiNERVA , Thabies, les corvet-
tes Atalante et Ariel. Le commodore anglais, se servant dn
prétexte de la guerre avec Typpo Saïb, et de la nécessité
d'empêcher les neutres de procurer des aijnes et des mu-
nitions à ce prince indien, avait ordonné de visiter tous
les navires du commerce. Le 28 octobre 1791, il fit appa-
reiller de Tellichery, petit port sur la côte de Malabar, la
frégate de AO*' Phoënix, capitaine sir Richard Stracban et la
corvette de 20° Atalante, capitaine Foot, pour visiter un
navire français gui paraissait au large. La faiblesse de la
brise ne leur permit pas de le joindre ; elles le suivirent ce-
pendant et mouillèrent, trois jours après lui, sur la rade
du comptoir français de Mahé, situé à une trentaine de
milles au Nord de Tellichery. Un officier anglais se rendit
de suite à bord du navire français et demanda à voir les
expéditions. Le capitaine ayant refusé d'en donner con-
naissance, Tofiicier anglais fit appuyer sa demande par un
détachement de soldats. Les écoutilles furent ouvertes par
violence et le navire fut visité : on n'y trouva ni armes ni
munitions de guerre. Le commandant de Mahé s'étant plaint
de la conduite irrégulière du capitaine Foot, le commo-
dore Comwallis rejeta tous les torts sur l'officier qui avait
été envoyé à bord, lequel, assura-t-il, avait fait plus que ne
le portaient ses instructions ^ il désapprouva sa conduite
et fit agréer ses excuses au commandant du comptoir.
Ces exigences des Anglais et la présence des corsaires
marattes firent sentir au chef de division de Saint-Félix la
nécessité de tenir une de ses frégates sur la côte de Mala-
bar ; la Résolue de 82*, capitaine Gallamand, y fut envoyée.
Cette frégate, partie de Mahé avec deux navires du com-
merce qu'elle escortait à Mangalore, passa devant Tellichery,
le 49 novembre de grand matin 5 trois frégates étaient à
ce mouillage. La Résolue et les deux marchands hissèrent
leur pavillon ; les frégates qui étaient à l'ancre arborèrent
le pavillon anglais, et bientôt deux d'entre elles mirent.
COMBATS PARTICULIERS.— i%l. 267
sons voiles et se dirigèrent sur là RisùluBé A 2** de Taprès-
midi, une d'elles tira un coup de canon auquel la frégate
française répondit sans se déranger de sa route. Un quart
d'heure après, la même frégate, qui était alors très-près,
tira un second coup de canon ; le capitaine Gallamand en fit
également tirer un second ; mais voulant connaître le motif
de ces avertissements, il mit en panne et fit signal aux deux
navires de continuer leur route. Les frégates anglaises
étaient la Persévérance et la Phcenix , toutes les deux de
AO canons. Sir Richard Strachan qui commandait la se-
conde fit prévenir le capitaine Gallamand qu'il avait ordre
de visiter les deux marchands. La Prcënix avait déjà
mis deux canots à la mer ; et pendant que l'un d'eux se
rendait à bord de la Résolue^ l'autre se dirigeait sur les
navires qui faisaient toujours route ; la frégate anglaise
les invita à s'arrêter en tirant plusieurs coups de ca-
nons à boulets. Le capitaine Gallamand répondit à cette
agression en envoyant un boulet sur l'avant de la frégate
Phcënix et un second sur son arrière. Dans ce moment, le
canot anglais accostait un des navires et la seconde frégate
atteignait Tautre. Get acte de violence mit fin aux pour-
parlers engagés entre les deux capitaines ; celui de la
Résolue ordonna de faire feu sur la Phgenix, qui était du
reste disposée au combat, car la riposte ne se fit pas atten-
dre. La Résolue était placée par le travers de bâbord et
sous le vent de la frégate anglaise ; le combat continua dans
cette position. La Persévérance ne resta pas spectatrice
de la lutte dans laquelle sa compagne se trouvait engagée ;
elle se laissa culer, et dès qu'elle fut par le bossoir de
tribord de la Résolue^ elle joignit son feu à celui de sa
conserve. La Phcenix vint alors en grand sur bâbord, passa
à poupe de la frégate française à laquelle elle envoya une
bordée d'enfilade, et revenant immédiatement sur tribord,
elle continua de la combattre par la hanche de bâbord. Les
forces étaient trop disproportionnées pour que la Résolue
pût lutter avec avantage ; après vingt^cinq minute» de vi*
268 COMBATS PARTICULIERS. — 1791 .
goureuse défense, elle avait son gouvernail brisé, son
grément et sa voilure hachés ; la corne venait d'être cou-*
pée et le pavillon avait été entraîné dans sa chute ; le ca-
pitaine Gallamand avait reçu une blessure à la jambe et
une autre à la tète. Résister plus longtemps à deux fré-
gates, toutes les deux plus fortes que la sienne, était chose
inutile : il fit hêler qu'il amenait.
Le capitaine Strachan fit dire au capitaine de la Résolue
que, malgré l'avantage qu'il venait d'obtenir, il ne considé^
rait pas la frégate française comme sa prise, et il lui envoya
des ouvriers pour aider à réparer ses avaries. Le capitaine
Strachan engageait enfin le capitaine Gallamand à se ren-
dre à Tellichery pour donner ensemble des explications
sur ce conflit au commodore Gornwallis. Le capitaine fran-
çaiil refusa de se rendre à cette invitation; il déclara
qu'ayant amené, il se constituait prisonnier et qu'on pou-
vait le conduire où l'on jugerait convenable. Après six
heures d'hésitation de la part de sir Richard Strachan, qui
insistait pour que la Résolue rehissât son pavillon et fit
route, Ja frégate française fut conduite par les Anglais à
Tellichery. Le 20, elle fut appareillée par un ofiicier et un
équipage anglais et, accompagnée par la Persévérance,
elle fut dirigée sur Mahé. Aussitôt qu'elle fut mouillée,
les Anglais qui l'avaient conduite retournèrent à bord de
leur frégate qui prit le large. Ge combat avait coûté la vie
à 12 hommes de la Résolue qui avait en outre 56 blessés.
ANNÉE 1792
Ges actes d'agression ne furent pas les seuls que les
Anglais commirent dans ces parages avant la déclaration
de guerre. Le A janvier 1792, la frégate la Cybele^ montée
COMBATS PARTICULIERS. — 1792. 269
par le chef de division de Saint-Félix , fut rencontrée de
nuit par la frégate anglaise Minerya , commandée par le
Commodore Cornwallîs, qui lui tira un coup de canon. Cet
officier supérieur prétendit s'être mépris et donna pour ex-
cuse que, dans la position des Anglais vis-à-vis de Typpo
Saïb, il devait visiter tous les navires qu'il rencontrait.
Le lendemain de cette affaire, jour de son arrivée à
Mahé, le chef de division de Saint-Félix apprit le com-
bat de la Résolue ; il ordonna que le pavillon de cette fré-
gate fût rehissé , fit des représentations très-vives au Com-
modore anglais, et finit parle prévenir que, s'il persistait
à visiter les navires français , il considérerait cette viola-
tion comme une déclaration de guerre, et que dès lors il
repousserait la force par la force. Le commodore prétendit
que, dans cette circonstance» le capitaine Gallamand avait
été l'agresseur.
La noble détermination du commandant des forces na-
vales de la France dans les mers de l'Inde fut paralysée par
un mouvement insurrectionnel des équipages de la Cybèle
et de la Résolue; ils déclarèrent qu'ils ne se battraient que
dans le cas où ils seraient attaqués. Celui de la Résolue
prit l'initiative , et des menaces furent faites au comman-
dant en chef, lorsqu'il se rendit à bord pour connaître les
motifs du désordre. La position n'était plus tenable; le
chef de division de Saint-Félix quitta ces parages, où le
pavillon de la France était exposé à recevoir de nouvelles
humiliations sans qu'il lui fût possible d'en tirer ven-
geance ; et la présence de la Résolue dans ces mers ne
pouvant être désormais qu'un sujet d'animosité entre les
deux marines, il renvoya cette frégate en France.
Le commodore Cornwallis expédia un bâtiment en Eu-
rope pour rendre compte de ce conflit à son gouvernement.
Le ministère anglais donna l'ordre de mettre le capitaine
Strachan en jugement. Quel fut le résultat de cette préten-
due satisfaction donnée au pavillon français? Je ne saurais
le dire. Un blâme au plus j car on verra le capitaine Strachan
%1Q COMBATS PARTICULIERS. ^ im .
souvent en scène dans le Ublem qw je vaj^ essayer 4e
reproduire (1).
L'Assemblée nationale confirma le chef de division de
Saint-Félix dans le commandement de la division de l'Indei
et lui conféra le grade de contre-amiral. Cette commission
lui fut remise par le capitaine Rosily, de la Fortet qui por*
tait le gouverneur et les commissaires du gouvernement
délégués aux iles de France et de la Réunion. Cette fré"
gâte repartit immédiatement avec YÀtalante pour escorter
un convoi qui se rendait en France; la prévision d'we
rupture prochaine avec l'Angleterre nécessitait cett^ me-
sure.
mxv*-
Jetons maintenant un coup d'œil sur l'Europe, et voywis
quelle était Tattitude des divers États au moment où la
révolution éclata en France. Cet examen est nécessaire
pour bien comprendre le§ causes des nombreux armements
qui ne tardèrent pas à être faits et les motifs qui poussèrent
toutes les puissances à une guerre qui fut si glorieuse pour
la France, mais, je le dis avec aniertunie, si désastreuse
pour sa marine. Un historien célèbre trace ainsi la situa-
tion (2) : «Au milieu de Tannée 1790, la révolution français
se commença d'attirer l'attention des souverains étrangers;
son langage était si assuré, si ferme, il avait un caractère
de généralité qui semblait si bien le rendre propre à plus
d'un peuple, que les princes étrangers durent s'en effrayer.
On avait pu croire jusque-là à une agitation passagère;
mais les succès de l'Assemblée constituante, sa fermeté, sa
constance inattendue et surtout l'avenir qu'elle se proposait
et qu'elle proposait à toutes les nations, durent lui attirer
plus de considération et de haine et lui mériter l'honneur
d'occuper les cabinets. L'Europe, alors, était divisée en
ii 1 I ■« ■ ^ m V ^^■■F'.ww
(1) Brentoo, Nwjal history of Qf€ai firitain, dit q«e la çfMidaita du Com-
modore Gornwallis (ut approuvée.
(2) Thiers, Histoire de la Révohtion frmçaiie.
COMBATS PARTICULIERS. — 1792. 271
deux grandes ligues ennemies : la ligue anglo-prussienne
d'une part, et les Cours impériales de l'autre .
« Frédéric-Guillaume , roi de Prus§e, avait abandonné
l'alliance de la France pour celle de l'Angleterre. Uni à
cette puissance, il avait formé cette fameuse ligue anglo^
prussienne gui tenta de si grandes choses et qui n'en exé*
cuta aucune ^ qui souleva la Suède, la Pologne, la Porte
contre la Russie et l'Autriche^ abandonna tous ceux qu'elle
avait soulevés, et contribua même à les dépouiller en par-
tageant la Pologne.
« Le projet de l'Angleterre et de la Prusse réunies avait
été de ruiner la Russie et l'Autriche en suscitant contre elles
la Suède, la Pologne gémissant d'un premier partage, et h
Porte Ottomane courroucée des invasions russes* L'inteU'^
tion particulière de l'Angleterre^ dans cette ligue, était 46
se venger des secours fournis aux colonies américaines par
la France, sans lui déclarer la guerre. Elle en avait trouvé
le moyen en mettant aux prises les Turcs et les RusseSt
La France ne pouvait demeurer neutre entre ces deux peu^
pies, sans s'aliéner les Turcs qui comptaient sur elle^ et
sans perdre ainsi sa dominatian commerciale dans 1^ Le^
vant. D'autre part, en participant à la guerre, elle perdait
l'alliance de la Russie, avec laquelle elle venait de conclure
un traité infiniment avantageux, qui lui assurai]; les bois
de construction et tous l^s objets que le Nord fournit
abondamment à la marine* Ainsi, dans les deux cas, U
France essuyait un domnaage. Eu attendant, l'Angleterre
préparait ses forces et se disposait h les déployer au besoin.
D'ailleurs, voyant le désordre de* finanoi^s sous les no-
tables, le désordre populaire SQU9 la Constituante, elle
croyait n'avoir pas besoin de la guerre, et l'on a pensé
qu'elle aimait encore mieux détruire la France par les
troubles intérieurs que par les armes^
« Cette ligue anglo-prussienne avait fait livrer quelques
batailles dont le succès fut balancé* Gustave de Suèd^
s'était tiré en héros d'une position od il s'était engagé en
272 COMBATS PARTICULIERS.— 1792.
aventurier. La Hollande insurgée avait été soumise au Sta-
tbouder par les intrigues anglaises et les armées prus-
siennes. L'habile Angleterre avait ainsi privé la France
d'une alliée maritime. La Pologne achevait de se consti-
tuer et allait prendre les armes. La Turquie avait été battue
par la Russie. En juillet 1790, la paix fut signée entre
l'Autriche et la Prusse ; en août, la Russie fit la sienne avec
Gustave, et n'eut plus affaire qu'à la Pologne et aux Turcs.
L'attention des puissances finissait donc par se diriger
presque tout entière vers la France. Quelque temps au-
paravant, lorsque la ligue anglo-prussienne poursuivait
secrètement la France, ainsi que l'Espagne sa constante
alliée, quelques navires anglais furent saisis par les Espa-
gnols. Les réclamations furent suivies d'un armement gé-
néral dans les ports de l'Angleterre. Aussitôt l'Espagne
demanda des secours à la France, et Louis XVI ordonna
l'armement de 15 vaisseaux. On accusa l'Angleterre de
vouloir, dans cette occasion, augmenter nos embarras. Les
troubles intérieurs furent, en effet, plus grands au moment
de l'armement général, et l'on ne put s'empêcher de voir
une liaison entre les menaces de l'Angleterre et la renais-
sance du désordre. )>
Cependant la Cour de Vienne , au mépris des traités,
ne cessait d'accorder une protection ouverte aux Français
qui refusaient de reconnaître l'ordre de choses établi en
France. Elle formait un concert avec plusieurs puissances de
l'Europe contre l'indépendance et la sûreté de la nation fran-
çaise. François !•', roi de Hongrie et de Bohême, avait, par
deux notes du 18 mars et du 7 avril 1792, refusé de renoncer
à ce projet et, malgré la proposition qui lui avait été faite
de réduire de part et d'autre à l'état de paix les troupes
échelonnées sur les frontières, il continuait ses préparatifs
hostiles. Il avait, en outre, attenté à la souveraineté de la
nation française en déclarant vouloir maintenir les préten-
tions des princes allemands possessionnés en France, aux-
quels la nation française n'avait cessé d'offrir des indem-
COMBATS PARTICULIERS. -1792. 273
nités. Il cherchait enfin à diviser les Français et à les armer
les uns contre les autres, en offrant un appui aux mécon-
tents. Son refus de répondre aux dernières dépêches du roi
des Français ôtant tout espoir d'obtenir d'une manière ami-
cale le redressement de ces griefs, le 20 avril, l'Assemblée
législative lui déclara la guerre.
La maison d'Autriche, entraînant la Prusse, la décida
bientôt à marcher contre la France, La Russie s'était dé-
clarée la première contre la Révolution et secondait les
émigrés. La Suède, immobile, recevait encore les navires
français dans ses ports. Le Danemark promettait une stricte
neutralité. On pouvait se regarder comme en guerre avec
laCour de Turin. Lepape préparait ses foudres. L'Espagne,
sans entrer ouvertement dans la coalition, ne semblait ce-
pendant pas disposée à exécuter le pacte de famille et à
rendre à la France les secours qu'elle en avait reçus. Les
0
Etats-Unis auraient peut-être voulu aider la France de leurs
moyens, mais ces moyens étaient nuls à cause de leur éloi-
gnement. L* Angleterre s'engageait à la neutralité et en
donnait de nouvelles assurances : elle faisait cependant des
armements extraordinaires, et tout annonçait une rupture
prochaine avec cette puissance. Certain, par l'expérience,
qu'elle ferait sortir un nombre infini de corsaires et de bâ-
timents légers pour inquiéter le commerce aussitôt que les
liaisons amicales seraient rompues, le ministère ordonna
d'établir sur les côtes des croiseurs destinés à le protéger.
Le 25 juillet , parut le manifeste du duc de Rruns-
wick.
Afin d'être prêt à repousser les attaques des puissances
maritimes de la Méditerranée, le Conseil exécutif provi-
soire arrêta qu'il serait formé à Toulon une escadre de
9 vaisseaux : le commandement en fut donné au contre-
amiral Truguet. Mais ce port n'en avait que cinq en état
de prendre la mer^ c'étaient :
Canons.
80 Tonnant capitaine Blanqnet Dnchayla.
Trugaet, contre-amiral.
II. 18
îâl74 COMBATS PARTICULIERS. — 47M.
iCommerce-de-Bordeaux . capitaine Saint-Julien.
Scipion — Degoy.
Lys. .••....... -- Brueys d'Aigallien*
Centaure — Missiessy.
On leur adjoignit les frégates la Sibylle^ la Junùn^ la MU
nerve^ la Modeste, la Vestale et la Fortunée ; les corretteft
la Badine^ la Poulette^ la Brunej la Belette^ la Fauvette #1
le Rossignol} les avisos le Jarte^on, le jETa^ardy VAkrl€ et
le Gerfaud.
Brest expédia à Toulon les vaisseaux :
Canons.
80 Languedoc capitaine Latouche-TréTille.
Vengeur — Ledall-Kéréon.
74 Orion -^ Vaullier.
Entreprenant — Tiiirat
Avant l'arrivée des vaisseaux de l'Océan, le contre-amiral
Truguet reçut Tordre de se porter sur les côtes d'Italie «t
de s'y concerter avec le général Anselme, qui devait faire
une diversion sur Nice pendant que le général en chef Mon-
tesquieu attaquerait la Savoie. En exécution de ces ordres,
la division de Toulon mit à la voile ; le 2i septembre, elle
était devant Nice et s'y établissait en croisière. Cette ville
et Villefranche qui la touche furent prises par l'armée
française : la corvette sarde la Caroline, qui se trouvait
dans ce dernier port, fut capturée et envoyée à Toulon,
Sur ces entrefaites, un coup de vent d'Est força la divi-
sion à prendre le large ; 3 vaisseaux relâchèrent aux lies
d'Hyères, près de Toulon et les deux autres au golfe Juan,
qui se trouve au-dessous de Cannes. Le 11 octobre, ils
étaient tous les cinq à Villefranche, où ils furent ralliés
par ceux de Brest. Us y prirent 1,000 hommes de troupes
et firent route pour Oneille, petite ville du littoral dtt
duché de Gênes, où ils arrivèrent le 26. Le contre-amiral
Truguet envoya de suite sommer le commandant de cette
place de se rendre. Des paysans, embusqués sur le rivage,
firent feu sur l'embarcation et tuèrent l'enseigne de vais-
seau d'Aubermesnil, aide-de-camp du commandant en chdTi
ainsi que cinq autres personnes; le capitaine de vaisseau
COMBATS PARTICUUEHS.- 1792. 37^
Duchayla et plusieurs matelots furent blessés. Cet attenta^
' fut vengé par une canonnade terrible que les vaisseaip;:
ouvrirent immédiatement sur la ville. Oneille fut livrée ^i;
pillage pendant deux jours, après lesquels les troupes furent
rembarquées, leur nombre n'étant pas suffisant pour occu-
per la ville, et l'escadre retourna à Villefranche.
Ces diverses expéditions nécessitèrent l'envoi de nou*
velles forces dans la Méditerranée. Les vaisseaux de 74*
le Patriote, le Léopard et le Duguay-Trouirif ainsi que J^
frégate YÀrèthuse furent expédiés de Brest; Y Apollon e$
le Généreux de 74*" et la frégate Y Hélène^ de Rochefortj
enfin le Thémistocle de 7 h'' partit de Lorient.
Pendant que nos armées entraient dans les États de
terre ferme du Piémont, le gouvernement songea à utiliser
l'escadre de la Méditerranée, en la faisant participer à une
attaque contre l'île de Sardaigne. Les troupes destinée»
à cette expédition se trouvant en Corse, le contre-amiral
Truguet reçut l'ordre de réunir à Ajaccio tous les navires
du commerce qu'il pourrait trouver, de s'y rendre de sa
personne avec 4 vaisseaux et quelques frégates, et d'es^
corterce convoi au mouillage de la petite île San Pietro, sur
la c6teS.-0.de la Sardaigne. En conséquence de ces instruc-
tions, le contre-amiral Truguet quitta Villefranche et se
rendit & Ajaccio. La campagne commença mal. Le vaisseau
le Vengeur toucha en entrant dans la vaste baie d' Ajaccio,
et cela si rudement, que la voie d'eau qui en résulta né*
cessita l'échouage immédiat de ce vaisseau, qu'il ne fut plus
possible de relever. Les troupes furent embarquées et,
le 13 janvier 1793, la division et les transports jetèrent
l'ancre sur la rade de San Pietro.
De son côté, le capitaine de vaisseau Latouche-Trévîile
avait reçu l'ordre de se rendre à Naples avec le reste de
l'escadre, c'est-à-dire avec 10 vaisseaux et 2 frégates, pour
demander satisfaction de l'insulte faite à la nation dans la
«76 COMBATS PARTICULIERS. —1792.
personne du citoyen Semonville, son ambassadeur à Con*
Btantinople» qui était outragé de la manière la plus violente
dans un mémoire du général Acton, ministre du roi de Na-
jples; Cette réparation obtenue, le commandant Latoucbe
devait rallier le contre-amiral Truguet en Sardaigne. Un
retard dans l'arrivée de 2 bombardes, que le commandant
Latoucbe considérait comme indispensables» fit perdre un
temps précieux pour la saison ; Tescadre ne quitta la côte
que le 10 décembre. Lorsque le 16, vers midi, elle parut
à là bauteur de l'île d'Iscbia, à rentrée de la baie de Naples,
un officier napolitain monta à bord du Languedoc et rappela
au commandant Latoucbe que les traités s'opposaient à ce
que plus de 6 bâtiments de guerre de la même nation mouil-
lassent sur la rade ; il ajouta que le séjour d'une force plus
considérable devant la ville pourrait être considéré comme
un acte d'hostilité. Le commandant de l'escadre française
répondit qu'il ne diviserait pas ses forces, qu'il allait jeter
l'ancre devant le palais du roi, et que, si un seul coup de
canon était tiré sur les vaisseaux de la République, il ne
remettrait sous voiles qu'après avoir entièrement détruit
la ville. L'escadre mouilla effectivement devant le palus
sans aucune autre opposition, et le commandant Latoucbe
demanda immédiatement la réparation qu'il devait exiger;
Le général Acton proposa d'abord de soumettre l'affaire
à l'arbitrage d'une troisième puissance : cette proposition
fut repoussée. Enfin, après quelques hésitations, la Cour
de Naples donna la satisfaction demandée. Vingt-quatre
heures après, l'escadre appareillait pour la Sardaigne. Elle
fut dispersée, pendant la nuit du 20 au 21, par un violent
coup de vent d'O.-N.-O. et, au jour, les vaisseaux Y Entre-
prenant, le Scipion et une frégate étaient seuls réunis au
Languedoc, Ce dernier démâta successivement de son mât
de misaine, de son grand mât et du mât d'artimon; il fai-
sait eau de toutes parts. Le vent ayant passé au S.-O. dans
la journée, le commandant Latoucbe ordonna au capitaine
Degoy, du Scipion^ d'aller apprendre au contre-amiral Tru-
COMBATS PARTICULIERS. — 1792. 277
guet la dispersion de l'escadre et Tétat dans lequel se trou-
vait le Languedoc, Il se fit ensuite donner par YEntrepre^
fiant une remorque qui cassa presque aussitôt, et gouverna
pour rentrer à Naples. Le vent augmenta encore pendant
la nuit suivante. La position du Languedoc devenait fort
critique, car la terre s'apercevait à la lueur des éclairs,
mais pas assez distinctement pour être reconnue. Les em-
barras croissaient d'ailleurs à chaque instant par la rup-
ture des pitons de bragues et des boucles des palans des
canons. La barre du gouvernail cassa aussi. Enfin, après
avoir passé, dans l'après-midi du 2&, à un jet de pierre
de nie de Capri sur laquelle il s'était trouvé affalé , le
Languedoc mouilla sur la rade de Naples avec le vaisseau
et la frégate qui l'accompagnaient. Il reçut dans ce port
tous les secours dont il avait besoin et, le 30 janvier, il
put remettre sous voiles. Huit jours après, le commandant
Latouche ralliait le contre-amiral Truguet au mouillagef
de San Pietro, où tous les vaisseaux avaient successive-
ment jeté l'ancre.
La non-acceptation, par une partie de la population, de
l'ordre de choses établi en France, donna lieu à quelques
événements maritimes que je ne puis passer sous silence.
Pendant quelque temps, il y eut dans la marine deux dra-
peaux qui combattirent l'un contre l'autre, comme si les
embarras du pays n'étalent pas déjà assez grands, sans
qu'il fallût encore les augmenter par des dissensions civiles
qui ne faisaient que l'affaiblir. Ce mouvement réactionnaire
des esprits ne tarda pas à traverser l'^éan, et le Conseil
exécutif sentit la nécessité de remplacer les bâtiments sta-
tionnés aux Antilles et d'y envoyer de nouvelles troupes.
Le général Rochambeau, nommé gouverneur général des
lies du Vent, le général Cdllot, gouverneur de la Guade-
loupe, et quatre commissaires civils, prirent passage sur
la frégate la Sémillantey capitaine Bruix, qui avait mission
278 COMBATS PARTICULIERS. -1792.
d'escorter un convoi portant 2,000 hommes de troapès t
cette frégate partit de Lorient le 10 août.
Une lettre, arrivée à la Guadeloupe dans les pt^mièrai
jours de septembre, annonça que les Prussiens et les Ati-
trichiens étaient entrés à Paris, et qu'une contre-révolutîotl
avait eu lieu en France. Au milieu de l'agitation occasionnée
par cette nouvelle, répandue probablement à desseiût le
capitaine Malleves^ult, de la frégate la Calypso^ demanda Un
gouverneur d'arborer le pavillon blanc. Malgré son téÙïk
formel» un pavillon blanc fut hissé à bord de la frégate et
salué de 21 coups de canon. Cet acte séduisit la pôptl-
lation de la Guadeloupe ; le gouverneur lui-même fut efi-
traîné, et le pavillon blanc fut arboré dans Tlle eiliifire*
La Calypso mit aussitôt à la voile pour porter cette nduVellfe
à la Martinique, qui suivit l'exemple de la Guadeloupe.
La Sémillante arriva sur ces entrefaites à la Martiùiqde.
Le 16 septembre, des députés du comité colonial se itiii-
dirent à bord et y ramenèrent un aide de camp du gênêrjll
Rocharabeau qui avait été envoyé à terre avec des dépêches
qu'il ne lui avait pas été permis de remettre. Le capitaine
Malleveault signifia au chef de l'expédition, de la part du
gouverneur Behague et du chef de division Rivière, qu'il eût
à s'éloigner, s'il ne voulait pas être traité en ennemi. Là
partie n'était pas égale. La division navale de la Martinique
se composait du vaisseau de 74* la Ferme^ monté par le
commandant ; des frégates la Calypso et la Dtdon, capitaines
Malleveault de Vaumorant et Villevielle; de la corvette. le
Marêchal'de-Castriesj capitaine vicomte d'Aché, et du brîg
le Ballon^ capitaine Robert Rougemont. La Sémillante et
son convoi prirent Ifciarge, et lorsqu'il vit le pavillon blane
flotter également sur la Guadeloupe, le général Rochafn-
beau obtint d'être conduit au Cap Français de Saint-Do-
mingue. ^
La flûte la Bienvenue ^ capitaine Lacarrière, et deux
transports chargés de troupes, se séparèrent du convoi et
relâchèrent sur la rade de la Basse-Terre de l'île anglaise
COMBATS PARTICULIERS. — 4792. 279
de Saint-Christophe. Ils se disposaient à continuer leur
route pour Saint-Domingue lorsque, le 3 octobre dans
Taprès-midi, 3 bâtiments portant flamme et pavillon blancs
furent aperçus au large : c'étaient la Calypso^ le Maréchal-
de-Castries et le Ballon* Après ce qui s'était passé à la
Martinique, le capitaine Lacarrière s'attendit à être attaqué ;
il demanda protection au gouverneur de Tlle, qui l'engagea
à arborer les couleurs de la Grande-Bretagne. Un officier
delà flûte, envoyé le lendemain abord de la Calypso qui se
tenait à l'entrée de la rade, fut accablé d'injures et chargé
de prévenir son capitaine qu'il eût à arborer le pavillon
blanc, s'il ne voulait être coulé. Cette intimation répandit
l'alarme à bord de la Bienvenue et des deux transports ; la
majeure partie des équipages et des troupes qui, à la vérité
étaient sans armes, se précipitèrent dans les canots ou se
jetèrent à la nage pour gagner la terre. La Calypso ayant
alors manœuvré pour atteindre le mouillage, la Bienvenue
hissa le pavillon anglais. Cette détermination n'arrêta pas
le capitaine Malleveault; il prévint celui de la flûte que ce
pavillon ne l'empêcherait pas de le couler, s'il n'obtempé-
rait à l'invitation qui lui avait été faite. Dans l'après-midi,
le capitaine Lacarrière descendit à terre pour conférer avec
deux officiers de la frégate, qui lui dirent avoir l'ordre du
roi de faire arborer le pavillon blanc à tous les bâtiments
français : il s'y refusa positivement. Le 5, la Calypso et le
Ballon se placèrent tribord et bâbord de la Bienvenue et
firent d'ostensibles dispositions d'attaque. Le capitaine
Lacarrière se décida à couper ses câbles et à s'échouer à la
plage ; il descendit alors à terre avec les quelques hommes
qui étaient restés à son bord.
Les menaces du capitaine MalleveatQt n'empêchèrent pas
les équipages et les passagers des 3 bâtiments français de
trouver un asile dans la forteresse de Brimslone 5 ils furent
renvoyés en France peu de temps après. La Bienvenue fut
remise à flot et emmenée par la Calypso qui laissa les deux
transports, mais entièrement vides.
280 COMBATS PARTICULIERS. — 1792.
Le Moniteur du samedi 12 janvier 1793 contenait VBtr-
ticle suivant : « Une frégate de la division que le perfide
« Behague avait sous ses ordres, la Calypso^ s'était empa-
« rée, dans la baie de Saint-Christophe, d'un navire du
« convoi du général Rochambeau. A cette nouvelle, le
a gouverneur anglais de cette île envoya contre cette fré-
« gâte un vaisseau de guerre qui, malgré son pavillon
« blanc, lui lâcha sa bordée et la fit amener. En vain le
« capitaine de la Calypso répétait-il qu'il était Français;
« que les deux rois n'étaient pas en guerre. Le gouverneur
(( lui fit répondre qu'il ne connaissait d'autre pavillon
« français que celui aux trois couleurs , et que la frégate
« ne pouvait être qu'un corsaire dont il devait s'emparer.
* L'équipage de la Calypso fut fait prisonnier. »
Ce récit du Moniteur me paraît être un ampliation dé-
naturée de l'événement du h octobre. Une brochure ayant
pour titre : t Mémoire pour le citoyen Malleveault détenu
dans les prisons de la Force — 1793 — d vient à l'appui de
cette opinion. On y lit, en effet, que le général Behague
partit de la Martinique, le 11 janvier 1793, avec le vais-
seau la Ferme^ la frégate la Calypso^ le Maréchal de Cas"
tries et l'aviso le Coureur^ et qu'il se rendit à l'île de la
Trinité deux mois avant la déclaration de guerre à l'Espa-
gne, à laquelle il confia ces bâtiments en dépôt.
L'Assemblée nationale avait mis fin à ses travaux; le
capitaine Lacrosse de la Félicité fut chargé d'aller en porter
la nouvelle aux Antilles. Arrivé le 1" décembre devant
Saint-Pierre de la Martinique, il y apprit l'insurrection
de cette île et de la Guadeloupe , et la retraite du général
Rochambeau. En envoyant ses paquets au gouverneur Be-
hague, il lui écrivit pour tâcher de le ramener au parti
de la République ; mais, convaincu bientôt qu'il ne pouvait
séjourner sans danger sur cette rade, il alla mouiller à
Sainte-Lucie, la plus rapprochée des îles du Sud, qui était
restée fidèle à la France. Les démarches du capitaine La-
crosse eurent pour résultat de le faire déclarer aventurier
COMBATS PARTICULIERS. — 1792. 281
sans titre et sans mission ; et, par arrêtés des 10 et 18 dé-
cembre, la Martinique et la Guadeloupe déclarèrent la
guerre à la France.
Pendant son séjour à Sainte-Lucie, le capitaine Lacrosse
apprit que la CalypsoeildkBienvénue^ nommée la Royaliste
depuis son enlèvement, étaient parties pour la Guade-
loupe. Sachant que le vaisseau la Ferme était hors d'état
de prendre la mer, il forma le projet d'enlever la corvette
le Maréchal de Castries qui était restée sur la rade de
Saint-Pierre. L'enseigne de vaisseau Pelletier, chargé de
cette entreprise, appareilla avec la goélette la Ketily et
arriva sur la rade de Saint-Pierre pendant la nuit du 29 dé-
cembre. Les renseignements qui avaient été donnés au
capitaine Lacrosse étaient inexacts; la Kettly reprit le
large.
Le lendemain à 2^ du matin, le capitaine Pelletier chassa
une goélette qui arbora flamme et pavillon blancs. Après
lui avoir envoyé une bordée, il l'aborda et l'enleva. Cette
goélette était la Légère; elle portait 6 pîerriers et était
commandée par l'aspirant Garnier.
Cependant, malgré les mesures sévères prises pour em-
pêcher la circulation d'une adresse que le capitaine La-
crosse avait envoyée aux habitants des deux îles, le parti
républicain augmentait chaque jour; les marins de la
division désertaient et tout faisait présager que le parti do-
minant ne tarderait pas à succomber. La ville de la Pointe-
à-Pitre donna l'impulsion. Le 28 décembre, le pavillon
tricolore fut arboré sur le fort de Fleur-d'épée et il flotta
bientôt dans l'île entière. Le 24 janvier 1793, une com-
mission générale extraordinaire des représentants élus par
chaque quartier, requit le capitaine Lacrosse de remplir
les fonctions de gouverneur général jusqu'à l'arrivée de
celui qui avait été désigné par le gouvernement.
La Martinique se laissa entraîner par l'exemple de sa
voisine. Les habitants des campagnes s'insurgèrent; ef-
frayés à r annonce des forces que la métropole devait dé-
S82 BATAILLES.— 1793.
ployer contre eux, les planteurs abandonnèrent leurs habi-
tations et se réfugièrent dans les lies voisines. Incapable
de se maintenir dans cette fausse position, le gouverneur
Bebague partit le 11 janvier pour Tile de la Trinité espa-
gnole, avec le chef de division Rivière et tous les bâtiments
sous ses ordres. Le jour même, le pavillon tricolore fut ar-
boré à la Martinique qui , le 2S, nomma aussi le capitaine
Lacrosse son gouverneur provisoire-
Prévenu de ce qui se passait aux îles du Vent, le général
Rochambeau avait quitté Saint-Domingue; il arriva le
28 janvier à la Guadeloupe sur le brig le Lutin ; et , après
y avoir fait reconnaître le général GoUot, il se rendit i^ la
Martinique.
-ooJOîo-o-
ANNÉE 1785.
Le 10 août 1792, l'Angleterre avait rappelé son ambas-
sadeur à Paris, et elle ne souffrait celui de la République
à Londres, que comme envoyé de la royauté renversée.
Toutes ces subtilités diplomatiques n'avaient d'autre but
que de satisfaire aux convenances à l'égard du roi renfernrt
au Temple, et en même temps de différer les bostilités. Lb
ministre Pitt se plaignait de ce que la France menaçait lea
alliés de l'Angleterre , attaquait même ses intérêts, et en
preuve, il citait la Hollande. Le grief principal allégué
était l'ouverture de T Escaut, mesure que les Français
avaient prise en entrant dans les Pays-Bas. Le second grief
était le décret du 15 décembre, par lequel la Convention
nationale promettait secours et assistance à tous les peuples
qui secoueraient le joug de la tyrannie. Pitt se plaignait
enfin des menaces et des déclamations continuelles qui
partmnt des Jacobins contre les gcnivernements.
BATAILLES. — 1793. 381
Cependant le procès du mois de janvier 1793 précipita
les événements ; le gouvernement anglais lança une loi in-
quisitorîale contre les Français qui voyageaient en Angle-
terre; des préparatifs et des proclamations annoncèrent
une guerre imminente. On excita la populace de Londres;
on réveilla cette aveugle passion qui, en Angleterre, faisait
regarder une guerre contre la France comme un grand
service national; on mit enfin embargo sur des navires
chargés de grains qui se trouvaient dans ses ports; et à la
nouvelle du 21 janvier, l'ambassadeur français, que jus-
que-là on avait refusé en quelque sorte de reconnaître,
reçut l'ordre de sortir sous huit jours du royaume.
Ne voulant pas laisser impunie la violation de ses liai-
sons de bon voisinage et du droit des nations, le Conseil
exécutif provisoire ordonna d'arrêter les navires anglais,
russes, hollandais, prussiens et autrichiens qui se trou-
vaient dans les ports de la République.
Cette situation des affaires politiques fit modifier les or-
dres donnés au contre-amiral Truguet qui dut, non-seule**
ment se rendre directement à Brest, mais encore renoncer
à ses opérations en Sardaigne, dans le cas où elles ne se-
raient pas entièrement terminées. Mais, soit qu'il n'eût pas
reçu ces nouvelles instructions, soit que le besoin pressant
de vivres l'eût forcé de prendre cette détermination * le
contre-amiral Truguet mouilla à Toulon.
La nouvelle impétuosité révolutionnaire déconcerta la
neutralité calculée des puissances que l'Angleterre travail*
lait à soulever contre la France. Le Stathouder de la Hol-
lande se défiant toujours de son peuple et n'ayant d'autre
appui que les escadres anglaises, lui avait donné toute espèea
de satisfaction et témoignait par une foule de démonstra<^
tiens hostiles, sa malveillance pour la France. Les Espa-
gnols avaient été peu émus de la révolution et c'étaient
moins des raisons de sûreté et de politique que des raisons
de parenté qui indisposaient le cabinet de Madrid contre
la République française. Au moment du jugement définitif
SI84 BATAILLES.— 1793.
de Louis XVI» il offrit la reconnaissance politique de
la République et sa médiation auprès de toutes les puis-
sances, si on laissait la vie sauve au monarque détrôné ; de-
puis ce temps, sa disposition à la guerre n'était plus dou-
teuse. La Catalogne se remplissait de troupes; dans les
ports, on armait avec activité.
Au milieu de la conjuration générale , le Danemark et
la Suède gardaient seuls une sage réserve. Le gouverne-
ment français avait parfaitement jugé ces dispositions gé-
nérales et l'impatience qui le caractérisait dans ce mo-
ment ne lui permettait pas d'attendre les déclarations de
guerre» mais le portait au contraire à les provoquer.
Depuis le 10 août 1792, il n'avait cessé de demander à
être reconnu -, après le 21 janvier, il mit toutes les consi-
dérations de côté, et il était décidé à une guerre univer*
selle. Voyant que les hostilités cachées n'étaient pas moins
dangereuses que les hostilités ouvertes, il se hâta de
mettre ses ennemis en demeure de se déclarer. La Conven-
tion nationale ordonna un rapport sur la conduite du gour
vernement anglais envers la France; sur les intrigues du
Stathouder et des Provinces-Unies et, le !•* février, B
déclara solennellement la guerre à F Angleterre et à la Hol-
lande.
11 fallait, dès lors, songer à mettre les colonies en état de
défense et à renforcer les stations navales. Des ordres fu-
rent donnés dans tous les ports de l'Océan pour l'affrète-
ment des navires nécessaires au transport des troupes, des
armes et des munitions; et, afin que l'ennemi ne pût
pas empêcher leur réunion à Brest, on fît sortir toutes
les frégates et tous les avisos qui étalent armés. Mais les
Anglais avaient déjà des croiseurs sur les côtes de France
et plusieurs frégates furent obligées de chercher dans les
ports un refuge contre les forces supérieures qu'elles ren-
contraient. Le ministère fit alors sortir deBrest une division
de 2 vaisseaux et de & frégates, sous les ordres du capitaine
de vaisseau Duval, dont la mission protectrice fut toutefois
\
BATAILLES.— 1793. 285
un moment retardée par les troubles des départements dé
rOuest. Au mois de mars, le contre-amiral Landais sortit
également de Toulon avec 5 vaisseaux pour assurer la na-
vigation et protéger le transport des subsistances atten-
dues de Gènes et aussi l'arrivage des navires venant d^
colonies. ^^^^
Voici du reste comment étaient réparties les forces na- |
vales de la République* La division de Ssdnt-Dotningue était |
composée de 3 vaisseaux» 7 frégates, 7 corvettes ou avisos.
La Martinique avait 5 frégates. 2 avisos stationnsuent à
Cayenne. Il y avait dans l'Inde h frégates et un aviso. La
division de Brest était de 7 vaisseaux et 5 frégates; h fré^
gâtes et h avisos croisaient sur la côte de la Vendée; 2 fré-
gates et 7 avisos, dans la Manche. La rade de Cherbourg
était défendue par un vaisseau et 8 canonnières. Celle de
nie d'Âix, par 3 vaisseaux. Un vaisseau, h frégates et une
corvette croisaient sur la côte d'Italie. Il y avait 8 frégates
et 2 corvettes dans le Levant. 6 frégates et 12 avisos étaient
employés à divers services dans la Méditerranée* Enfin,
Toulon avait 17 vaisseaux, 3 frégates et plusieurs avisos ^
prêts à prendre la mer au premier ordre.
L'Angleterre avait accueilli avec faveur les ouvertures
qui lui avaient été faites au sujet des secours à envoyer
aux Vendéens. La nécessité de surveiller cette partie du
littoral et aussi de protéger la réunion des navires destinés
à approvisionner les colonies, détermina le gouvernement
à donner au vice-amiral Morard de Galle l'ordre de sortir
de Brest, le 8 mars, et d'aller croiser dans le golfe de Gas-
cogne avec 3 vaisseaux et 7 frégates. Peu de jours après*
ces vsdsseaux furent dispersés par un coup de vent kçxl leur
occasionna des avaries assez graves pour nécessiter leur
rentrée au port; ils étaient tous de retour le 19.
Ce même coup de vent fit rentrer la division du com-
mandant Duval qui avait été tué par la rupture d'une ma-
nœuvre.
Ces premières sorties purent faire présager Tesprit d'In-
S86 BATAILLES. — 1703.
subordinatioa et d'indépendance qui allsdt se répandre ^
bord des bâtiments ; les matelots commentaient les ordres
qu'on leur donnait, et ce fut dans un moment critique où
les siens n'étaient pas assez promptement exécutés, que U
capitaine Duval du Tourville^ se portant de sa personiie sur
le lieu du danger, fut tué par une manœuvre qui, en M
détendant, l'abattit sur le pont.
Au milieu du mois de mars, le capitaine de Taisseam
Villaret Joyeuse alla]mouilIer dans la baie de Quiberon avec
deux vaisseaux , afin d'empêcher les Anglais d'établir dai
communications avec les campagnes du Morbihan et de la
Loire*Inférieure qui étaient en pleine insurrection. CM
forces furent bientôt jugées insuffisantes ; il fallait d'ailleora
assurer l'arrivée des convois. Brest , Lorient et Rochefort
reçurent l'ordre d'armer tous les bâtiments en état de preii?
dre la mer et de les envoyer à Quiberon. L'importance da
ce commandement devint telle que, le 22 mai, le vica-»
amiral Morard de Galle en fut de nouveau chargé. La
1*' août, croisant avec 19 vaisseaux et plusieurs frégates i
12 milles dans le O.-S.-O. de Tîle de Groix, il eut connaiô-
sance d'une armée anglaise de 17 vaisseaux et 9 frégateaj
lèvent soufflait du O.-S.-O.
La nécessité dans laquelle s'était tout d'abord trouvéa
l'Angleterre d'envoyer des bâtiments dans ses colonies,
l'avait empêchée d'avoir une escadre prête à prendra b
mer pendant que les vaisseaux français se réunissaient à
Quiberon. L'amiral Howe n'avait pu mettre à la voile da
Sainte-Hélène que le là juillet, avec les vaisseaux qui va*
naient d'être signalés au commandant en chef de Tarméa
française et qui étaient :
Canons.
QuEEN CHàRLOTTE. .... Capitaine Roger Gartis.
liO { lord Richard Howe^ amiraL
Royal George capitaine William Domett.
sir Alexander Hood, Tice^amiral.
Royal Sovereign capitaine Henry Nichols.
108 { Thomas Grayes, vice-amiral.
LoHDOff capitaine Richard Goodwin Ke«tf •
BATAILLES. ^4 1#S. MV
CuMBiBLAim. — ThomtsLoufl.
loha Macbride, contre-winiiL
MoTTAGu capitaine James MoDtago*
Ramilies — Henry Harvej.
^^ . AuDACious. •.•••.•• — William Parker.
Brunswick* • • — John Hanrey.
Gânges — Pye Molloy,
Sdffolk. • -^ Peter Rainiw.
Hajestic — Charles Gotton.
Edgar. • • — Alhermale Bertie*
VETERAN, ». — Edmond NngenL
Sceptre • • • • — Richard Dacres.
'^ l Sampson — Robert llonta|(«.
, bîTREPU) ^ honorable Ghariev CupHltr.
Frégates : Hebe^ Latona, South amptoh, Phaston^ Inconstaht, ^omu(>
LaPWING, PSGAfUS^ NiGn.
2 brigSy 2 cutters et an loagre.
Le lendemsân , le vent augmenta beaucoup et la mer de-
vint très-grosse. Le vice-amiral Morard de Galle ne vou-
lant pas engager le combat dans des circonstances" aussi
défavorables» avec des vaisseaux nouvellement armés ^ fit
route pour Belle-Isle et mouilla le h an soir sur la rade du
Palais.
La baie de Quiberon continaa d*ètre le rendes^voàs d«t
vidsseaux des ports de l'Océan ; et dans les premiers jours
de septembre, l'armée navale comptait les S3 vaisaeanc
et les 13 frégates que void :
Canons.
Terrible capitaine Bonnefouz.
Morard de Galle, tice-amiral.
110 l Côte^*Qr capitaine Dn Pletsif-GcMiMaB.
Landais, contre-amiral.
Bretagne capitaine Richery.
Lelarge, contre^ninl.
Auguste. capitaine Kergnelen» ffftiiyK Ujiff Ij
SO { Indomptable — Bruix.
Juste. • • — Terraeio».
Trajan.. • — Villaret Joje99^ (Lo«i|).
Tigre — VanstabeL
Audacieux — BouTot (Jeii|h ftioyi^.
Téméraire — Dorré.
Suffren — Obet
7^ ( Impétueux — LeTÔqw (Jmhi).
Aquilon. — Benry (Jea&-Si|ip|Mi).
Northumberland, .... — Thomai.
Jean Bart • ^ Goetaempfta.
Tourville — - Langlois.
Achille» • • • . — Bertrand XenngiieD,
288 BATAILLES. — 1793.
Convention — Labatut.
Neptune, •« Tiphaine*
74 {RévoltUion — Trinqualéon.
Superbe — Boissaayeur. .
Sans-Pareil — Démons.
Frégates : Proserpine, Pomone, UraniCy Carmagnole^ Galatliée, Enga*
géante, Insurgente, Gracieuse, Sémillante^ Andromaque,
Médée, Bellone, Hermione.
La double mission de cette armée navale, chargée de
protéger la rentrée des convois et de surveiller les côtes
des départements insurgés, rendait la position du comman-
dant en chef fort difficile *, il ne lui était en effet pas pos-
sible de remplir ses instructions sans morceler son armée,
chose au moins imprudente en présence de forces aussi
considérables que ^l'étaient celles des Anglais* Le but fat
donc en partie manqué ; les vaisseaux passaient quelques
jours à la voile et revenaient prendre leur mouillage ; les
frégates seules faisaient un service actif en convoyant les
navires du commerce.
Le rassemblement de ces vaisseaux n'avait pas eu lieu
sans de grandes difficultés; aux embarras matériels de
l'armement s'était jointe l'indiscipline des matelots. De
grands retards avaient été occasionnés par leur absence
du bord qu'ils quittaient aussitôt la revue passée, pour n'y
plus paraître que ramenés par les municipalités. A Brest,
les équipages de plusieurs vaisseaux avaient refusé de
sortir, prétextant qu'en les faisant appareiller, on n'avsdt
d'autre but que de les faire prendre par les Anglais. L'in-
surrection ne tarda pas à se montrer menaçante dans toute
l'armée navale; une partie des manœuvres dormantes do
vaisseau le Northumberland furent coupées pendant la nidt
du 6 août» Les actes d'insubordination auxquels se li-
vraient les équipages pouvaient être attribués à plusieurs
causes. La majeure partie des hommes était sans vête*
ments et souffrait horriblement à bord des bâtiments. Les
équipages avaient en outre peu de confiance dans leurs
chefs, et les officiers n'en avaient pas davantage les uns à
l'égard des autres. Les officiers de l'ancienne marine ne
BATAILLES. — 1793. 289
cachaient pas si bien leur morgue et leur dépit qu'ils ne
les laissassent apercevoir de temps à autre. Ceux de la
marine du commerce en étaient irrités, et ces deux partis
dans les états-majors n* attendaient qu'une occasion pour
éclater. Enfin, la station de Quiberon était assez mal choisie ;
car, bien que les communications avec la terre fussent
aussi rares que possible, les équipages y étaient exposés
à toutes sortes de séductions. Le commandant en chef crut
devoir représenter au Comité de salut public combien, avec
de semblables éléments, il lui était difficile de lutter con-
tre l'armée anglaise; ses vaisseaux commençaient d'ail-
leurs à être à court de vivres. Se rendant l'interprète des
réclamations des équipages, il demanda à rentrer à Brest :
il reçut Tordre de continuer sa croisière. Incapable de se
faire obéir et ayant perdu la confiance de l'armée, il de-
manda alors à être remplacé : il ne l'obtint pas davantage.
Le vice-amiral Morard de Galle parvint cependant à
calmer quelque peu l'efiervescence des esprits en formant
un conseil composé d'un officier et d'un marin de chaque
bâtiment. Ce conseil fut unanime à demander la rentrée de
l'armée navale au port de Brest. Il fut en même temps dé-
cidé, qu'en attendant des ordres, l'armée mettrait àla voile
pour escorter un convoi qui était en relâche depuis quel -
ques jours dans le Morbihan. La frégate la Bellone qui
l'accompagnait s'était échouée sur des roches en entrant.
Il eût peut-être été possible de la relever si l'équipage,
moins une quarantaine d'hommes, n'eût refusé d'exécuter
les ordres qui lui étaient donnés. L'appareillage eut lieu
le 19; le 26, l'armée reprenait son mouillage à Belle-Isle
pour faire des vivres qui venaient de lui être envoyés.
Enfin, le député Tréhouart, envoyé pour prendre connais-
sance du véritable état des choses, ayant reconnu que le
salut de l'armée dépendait de sa prompte rentrée à Brest,
donna l'ordre d'appareiller; elle mouilla sur cette rade
dans la nuit du 28 septembre. Toute communication des
vaisseaux entre eux et avec la terre fut interdite, et le re-
n. 19
m BATAILLES. - 1793,
présentant du peuple procéda immédiatement à une eo^
quête sur les faits graves qui venaient de se passer. Ces
faits motivèrent l'arrestation et la destitution de plusiçi^3
oi&ciers et marins. Le vice-amiral Morard de Galle et lepf
contre-amiraux Lelarge et Rerguelen furent destitués, ainsi
que le capitaine Boissauveur. Le premier fut mis en ét^
d'arrestation et y resta dix-huit mois. Les capitaines TliOr
mas, Du Plessis-Grenédan et Goetnempren furent trs^uitm
devant le tribunal révolutionnaire* Les capitainiss Çpnne**
foux et Richery furent également mis en état d'arrest^on.
Le même arrêté élevait le capitaine Yiliaret Joyeuse va
£i;rade de contre-amiral, et le nommait au cQmipai)dl3iP9At
de l'armée navale.
Le mois de septembre fut encore marqué par U perte
de la frégate Yffermione qui, le 20, se jeta sur lît roçbn
appelée le Four, vis-àrvisle Croisic.
Le 8 avril, l'aviso le SansSoud s'était déjà pçr4n sur
cette roche.
Pendant que les armée^s do la République envahissM^ot
la Belgique et se portaient sur la Hollande, nw escadrille,
cofuposéô de la corvette de 20'' VAriel^ des avisos r£v0îM,
ie Fanfaron, X Entreprise et deux cbaloupes-canoonièreet
était chargée, sous la direction du lieutenant de vaisseea
Moultson, de seconder les opérations sur le littora). Au mois
de mars, cette petite division fut bloquée dans FEscaut par
une division anglo-hollandaise de 3 vaisseaux rasés, 11 fr^
gâtes, 6 brigs, 8 cutters, 7 bombardes et 5 cbaloupes-ca«-
nonnières ; plusieurs de ces bâtiments entrèrent dans le
fleuve. Le 20, la chaloupe- canonnière française Ia5a»fU«-
Lucie^ capitaine Castagnier, fut attaquée pendant la nuit
par 20 embarcations, et enlevée sous le fort Lillo qui ne tire
pas un seul coup de canon pour la soutenir. Le capitaine
Castagnier était dans ce moment en mission auprès du
commandant en chef de Tarmée de terre. Après révacua»
BATAILLES. - 1793. 291
tion d'Anvers, VAriel et le Fanfaron furent coulés dan^
l'Escaut. Les agrès et Tartillerie qui en avaient été préala-
blement enlevés, furent dirigés sur Bruges par les canaux :
les habitants de cette ville s'en emparèrent.
Une divisîoa composée des vaisseaux de 74** le Tigres le
Jean Bart^ le Tourmlle^ Y Impétueux^ l'Aquilon çt la Révo^
lution; des frégates Vlnsurgente^ la Sémillante et des brigs
le Ballon et Y Espiègle , sortit de Brest, le 16 novembre,
sous le commandement du contre-aniiral Vanstabel, pour
croiser à l'ouvert de la Manche, afin d'intercepter un con-*
voi qu'on savait devoir partir des ports de l'Angleterre pour
Toulon, sous l'escorte de 5 vaisseaux aux ordres de l'aipiral
sir John Jervis. Le 18, vers 10^ du matin, 38 voiles furenç
aperçues dans le N.-O. ; lèvent soufflait alors bon frais du
S.-S.-E. Les frégates reconnurent 26 vaisseaux; c'était
Fjescadre de l'amiral Howe, qui était sortie de Torbay avec
cplle destinée à croiser sur les côtes de France. Le contre^
amiral Vanstabel fit signal de louvoyer en route libre pour
s'élever au vent, mais sans perdre le Tigre de vue. La 5é-
millante^ capitaine Lemancq , qui avait une marche bien
inférieure à celle des vaisseaux, fut gagnée par une frégate
anglaise qui l'eût infailliblement séparée de sa division, si
le commandant en chef, rendant sa manœuvre indépen-
dante, n'eût laissé arriver pour la soutenir ; il obligea ainsi
la frégate ennemie à cesser sa poursuite. Elle ne rallia ce-
pendant son armée qu'après avoir lancé quelques boulets
au Tigre et au Jean Bart.
Le temps fut à grains pendant la nuit et les bâtiments de
la division se séparèrent; au jour, le Jean Bart et YAqui-
Ion étaient seuls avec le Tigre. Le contre-amiral Vanstabel
attendit le reste de sa division pendant quelques jours, puis
fit route pour Brest, où il mouilla le 2décembre. Il y trouva
le Tourville^ la Révolution^ les deux frégates et le Ballon.
Le 19 novembre au matin, Y Espiègle^ capitaine Bazile
292 BATAILLES.— 1793.
Biller, avait rallié le vaisseau YImpétueuXj mais ils se perdi-
rent encore de vue pendant la nuit du 22 qui fut très-mau-
vaise. Ce même jour, V Espiègle fut chassé par une frégate
anglaise qui ne put l'atteindre. Le 2& au matin, le capitaine
Biller aperçut 1 armée anglaise à petite distance sous le
vent; 2 frégates s'en détachèrent et, à 9** 30", elles purent
lui envoyer quelques volées. Une demi-heure après, il faisait
calme ; le brig en profita pour s'éloigner à l'aide de ses avi-
rons. Favorisé ensuite par de légères fraîcheurs et Fcbs-
curité de la nuit , il parvint à se soustraire à la poursuite
de ces frégates. Le 29, l'île d'Ouessant fut aperçue dans
le N.-E. ; mais plusieurs voiles étaient également en vue,
et les 2 frégates anglaises Nymphe et Circe, placées direc-
tement de Tavant, virèrent de bord pour reconnaître !'£«-
piègle qui prit aussitôt chasse à l'Ouest, quoique les deux
frégates eussent arboré le pavillon français. Le vent était
au S.-E. A 11** 15", les frégates canonnaient vigoureuse-
ment le brig auquel, depuis plus de deux heures, elles
envoyaient des boulets. Vingt minutes plus tard, V Espiègle
amenait son pavillon. Il fut conduit à Plymouth par la
Nymphe.
Si la France perdit un brig de guerre, l'Angleterre se
vit enlever 17 navires du commerce par la division dont ce
brig faisait partie.
Disons, pour terminer, que V Impétueux mouilla le 11 dé*
cembre sur la rade de Brest.
Le vaisseau le Léopard, qui faisait partie de Tescadre
du commandant Latouche-Tré ville, était déjà au mouillage
de l'Ile San Pietro, lorsque le contre-amiral Truguet y ar-
riva (1) . Séparé pendant le coup de vent du 21 décembre, le
capitaine Grammont avait fait route pour le rendez-vous dé-
(1) V. page 275,
BATAILLES. — 1793. 293
signé, et il avait de suite sommé Tîle de se rendre. Les
Français en avaient pris possession le 2 janvier 1793. Se-
condé par les habitants de cette île , le contre-amiral Tru-
guet fit répandre des proclamations en Sardaigne, offrant
partout l'appui et la protection de la République française.
Le 23, la division jeta l'ancre dans le golfe de Cagliari,
et un parlementaire fut envoyé au gouverneur. Ici, comme
à Oneille, le canot qui le portait fut reçu à coups de fusil
et le commandant en chef se vit dans la nécessité de châ-
tier la ville par une canonnade et un bombardement de
vingt-quatre heures. Obligé dès lors de déployer toutes ses
forces, il prit le parti d'attendre un convoi qui devait lui
être amené par le vaisseau le Commerce-de-Bordeaux^
et qui portait un corps de 2,700 volontaires. Ces troupes,
jointes à celles qui avaient été prises en Corse, aux sol-
dats de la garnison des vaisseaux et aux matelots dont on
pouvait disposer, formaient un corps assez considérable
pour que le commandant en chef pût concevoir l'espoir
de terminer heureusement une expédition qui, depuis trois
mois, était traversée par une foule d'intrigues et contrariée
par une série de mauvais temps. Mais le convoi, dispersé
par un coup de vent, avait été obligé de chercher un abri
dans les ports de la Corse, et ce retard aggravait la posi-
tion de l'escadre dont les équipages, accablés de priva-
tions, avaient jusque-là supporté toutes les fatigues avec
courage. Enfin, le 2 février, le Commerce-de-Bordeaux et
son convoi mouillèrent sur la rade de San Pietro, où arri-
vèrent aussi successivement, ainsi que je l'ai déjà dit, les
vaisseaux qui avaient été détachés avec le commandant
Latouche-Tréville.
Cagliari, ville principale de la Sardaigne, s'élève au fond
du vaste golfe auquel elle a donné son nom, et à l'extrémité
méridionale de l'île. Un petit promontoire, portant le nom
de cap Saint-Élie, et courant du Nord au Sud, partage
le golfe en deux mouillages distincts : celui de l'Ouest est
la rade de Cagfiari ; l'autre a été nommé baie Quartu. La
294 BATAIM.ES. — 1793.
rade proprement dite est protégée par le fort Saînt-Ignace,
construit sur le cap Saint-Élie. Le lazaret est au pied de ce
fort. Ce promontoire peut être considéré comme le pro-
longement du versant méridional du mont Urpino qui do-
mine la ville du côté de TEst. Plusieurs mamelons assez
élevés la surplombent aussi au Nord, côté où se trouve
la fortification principale, le château Michèle. Une espèce
d'étang, peu avancé dans les terres, rend le débarque-
ment difficile dans la baie Quartu.
Le contre-amiral Truguet concerta immédiatement son
plan d'attaque avec le général Gasabianca qui commandait
les troupes. 4,400 soldats ou volontaires devaient débar-
quer dans la baie Quartù, à fi milles de la ville et attaquer
le mont Ûrpino par l'Est, pendant que 700 soldats de la
garnison des vaisseaux débarqueraient dans l^Ouest, pro-
tégés par un vaisseau chargé d'éteindre le feu du fort Saint-
Ignace qui pouvait contrarier cette attaque. tJn second
vaisseau devait foudroyer une caserne établie au lazaret,
et balayer le chemin de communication de la ville avec les
hauteurs; enfin, quatre autres vaisseaux , embossés paral-
lèlement au rivage, et les bombardes avaient mission dé
dissiper tous les rassemblements.
Le mauvais temps retarda l'exécution de ce plan jusqu'au
11 février. Ce jour-là, le Tonnant^ le Centaure et Y Apollon
allèrent mouiller sur la rade. La Junon^ YAréthuse et la
Vestale s'échelonnèrent le long de la plage. Le Duguay--
Trouin^ le Tricolore , le Thémislocle et le Léopard se rap-
prochèrent aussi de la ville. Le capitaine Latouche-Tréville,
qui venait d'être élevé au grade de contre-amiral, fut chargé
de l'attaque par mer avec le Languedoc^ Y Entreprenant^ le
Scipion et le Patriote, Ces dispositions prirent trois jours.
Les troupes furent ensuite mises à terre avec 16 canons,
sans autre opposition que celle qui fut faite par une tour
du cap Saint-Élie dont le Patriote eut bientôt raison. Le
15 au 'matin, les vaisseaux et les bombardes commencè-
rent leur feu et les troupes se mirent en marche. Vingt-
BATAILLES. — 1793. 295
quatre heures après, elles étaient en pleine détoute, sans
avoir vu l'ennemi, par Teffet d*une panique, et se préci-
pitaient vers le rivage en demandant à grands cris à se
tembarquer. Mais il ventait alors grande brise du S.-E.,
vent qui soulève toujours la mer dans la rade de Ca-
gliarî et les communications avec la terré n'étaient pas
possibles. Pendant deux jours, l'escadre, ou du moitié les
vaisseaux qui étaient sur la rade de Cagliari furent en
perdition, et pendant ces deux jours, le corps d'armée ex-
péditionnaire qui était sur la plage, sans être aucunement
inquiété par l'ennemi, refusa d'en bouger et ne cessa de
demander à retourner à bord. Le 18, le vent diminua un
peu et passa à l'Ouest. Le Léopdrd, la Jûnon et YArêthuae
avaient été obligés de couper leur mâtttre^ le pretnier était
échoué. Presque tous les bâtiments, tant de l'escadre que
du convoi, avaient perdu leurs embarcations et deux trans-
ports avaient été jetés à la côte. Les troiipes et Tartillerie
furent rembarquées le 20.
Il ne fallait plus songer à une entreprise cdtîîrtiéncée
sous d'aussi malheureux auspices ; tout projet Ultérieur dût
même être abandonné. Le coup de vent du 21 décembre
avait d'ailleurs fait modifier les instructions en vértti des-
quelles le contre-amiral Truguet devait châtier, en pas-
sant, le pape et le sacré collège, et les ramener aux senti-
ments de respect dus à la République française, et se |)ortél'
ensuite sur Livoutne pour tirer vengeance des outrages
faits à la France par le gfatid-duc cjui venait d'àutorîséi-
l'établissement d'une espèce d'arsenal fusse datis Ce port.
Les volontaires furent mis sur le Languedoc^ YEntrbptè^
Mnt et le Thémistocle^ et ces vaisseaux centrèrent à Toulon
après les avoir déposés datis le golfe Juan. Le reste des
troupes partit sur les transports qui furent suivis succes-
sivement par toutes les frégates et les vaisseaux de l'es-
cadre, moins 6 qui restètent avec le commandant éb chef
pour mettre l'île San-Pietro et la presqu'île d'Antiocco en
état de défense convenable, et relever le Léopard. Ce vais-
296 BATAILLES. — 1793.
seau, gui avait été canonné jusqu'au 19, s'était tellement
envasé, qu'il ne fut pas possible de le remettre à flot. On
enleva son matériel, et lorsque cette opération fut terminée,
sa coque fut livrée aux flammes. Ralliant alors les 6
vaisseaux qui étaient sur le point de manquer de vivres,
le contre-amiral Truguet fit route pour Toulon où il mouilla
le 8 mars.
Les relations de bonne amitié avec l'Angleterre et avec
l'Espagne avaient cessé d'exister. Cette dernière puissance
réunissait dans le port de Garthagëne une armée navale
dont la première opération fut la prise de l'île San-Pietro
et de la presqu'île d' Antiocco , qui entraîna la perte des
2 frégates françaises la Richmond et V Hélène^ alors sta-
tionnées dans ces parages. La première fut incendiée.
La ville de Lyon s'était soulevée contre la Convention
nationale et les principales villes du Midi n'avaient pas
tardé à suivre son exemple. A Marseille, à Toulon, à Bor-
deaux, à Nîmes, à Montauban, les royalistes s'étaient em-
parés du mouvement, et avaient organisé des corps de fé-
déralistes qui devaient se joindre à ceux de Lyon. Détaché
avec un corps de l'armée des Alpes, le général Garteaux
avait reçu Tordre de marcher sur Marseille et il y était en-
tré à la suite d'un engagement assez vif. Cet événement en
décida un autre, le plus funeste qui eût encore affligé la
République. Les Jacobins de Toulon, réunis à la Municipa-
lité, étaient en opposition constante avec les officiers de la
marine; ils ne cessaient de se plaindre de la lenteur avec
laquelle on réparait les vaisseaux de l'escadre, de leur im-
mobilité dans le port, et ils demandaient à grands cris la
punition de ceux auxquels ils attribuaient le mauvais suc-
cès de l'expédition de Sardâigne. Les républicains modérés
leur répondaient que les vieux officiers étaient seuls capables
de commander les escadres; que les vaisseaux ne pouvaient
pas être réparés plus promptement; que les faire sortir
BATAILLES. — 1793. 297
contre les escadres anglaises et espagnoles réunies serait
fort imprudent. Les modérés l'emportèrent dans les sec-
tions. Une foule d'agents secrets, intriguant pour le compte
des émigrés et des Anglais , s'introduisirent bientôt dans
Toulon, et conduisirent les habitants plus loin qu'ils ne se
proposaient d'aller. Ces agents s'étaient assurés que les
escadres coalisées seraient prêtes à se présenter au pre-
mier signal. Au moment où le général Carteaux entrait
dans Marseille, on fit aux sections la honteuse proposition
de recevoir les Anglais qui prendraient la place en dépôt
au nom de Louis XVIL Les sections déclarèrent qu'il était
préférable d'avoir recours à la générosité des ennemis que
de se soumettre à la tyrannie des habitants. La marine in-
dignée envoya une députation aux sections pour s'opposer
à l'infamie qui se préparait. Mais les contre-révolutionnai-
res repoussèrent les réclamations de la marine, et firent
accepter la proposition. Aussitôt on donna le signal aux
Anglais qui croisaient entre Toulon et Marseille; et le
contre-amiral de Trogolf, qui avait momentanément rem-
placé le contre-amiral Truguet dans le commandement de
l'escadre, se mettant à la tête de ceux qui invoquaient l'as-
sistance des Anglais, les appela en arborant le pavillon
blanc. Le capitaine Saint* Julien, déclarant TrogofT traître
à la patrie, hissa le pavillon de commandement : deux
vaisseaux seulement se réunirent au sien.
Telle est la version accréditée ; je l'ai empruntée à un
ouvrage intitulé : la Révolution de Toulon en 1793, par le
baron Gauthier de Brécy; je n'ai eu entre les mains au-
cune pièce qui puisse donner un caractère authentique aux
paroles de cet écrivain. M. Léon Guérin, dans son Histoire
de la marine contemporaine ^ dit que ni la signature ni l'ad-
hésion du contre-amiral de TrogolTnese trouvent sur aucun
des actes qui amenèrent et sanctionnèrent la remise de la
ville de Toulon aux Anglais. J'ai pu si souvent constater
l'inexactitude des récits de cette époque, que j'accepte
avec bonheur et que je m'empresse de reproduire cette
Sld8 BATAILLES.— 1793.
têhabilitàtion d'un officier général de la marine. M. ûtiério
ajoute que Tarmée de Garteaux venait d'entrer à Marseille
lorsque le chevalier d'Imbert, capitaine de VÀpolîoh^ pré-
sident du comité général des sections réuni aux trois corps
administratifs, lança une proclamation dans laquelle 11
annonçait que Toulon avait proclamé Louis XVII. Ce ma-
nifeste fut envoyé, non à Trogoff, maïs au capitaine Sditit-
tfiilien qui, profitant d'une prétendue indisposllion de cet
officier général qu'on retenait probablement de force âterfë,
avait arboré le pavillon de commandementsur le Commèree-
de-Bordeaux. Le nouveau commandant en chef he xhit
aucun obstacle à la libre communication du coitiité avëô
l^àrmée anglaise. Mais de graves dissentiments d'opinion
s'étatit manifestés à bord des Vaisseaux, Saint-^uliëtl &e
laissa entraîner vers l'opinion républicaine. Le ^a^iiitàinè
Vân Kempen de la Perle , refusa seul de reconnàîtf'e lé
commandant Saint-Julien ; et, lorsque ce dernier officlëi'âé
rangea au parti républicain, suivant les prescriptions réac-
tionnaires du comité général, il arbora le pavillôti àtniral
et fit signal de ralliement à tous les vaisseaux. L'escàdrè
anglaise était signalée et l'amiral Hood avait demandé qttè
l'on mouillât les vaisseaux français en petite rade. Le
Généreux et le Scipion commencèrent le mouvement, et
16 vaisseaux passèrent de la grande dans la petite râdé.
Le Commerce-de-Bordeaux et le Duguay-Trouin restèrerit
seuls à leur premier mouillage. Lorsque l'escadre anglaise
parut à la hauteur du cap Sepet, le capitaine Saint*Juliên
abandonna son vaisseau; l'équipage de Isl Topaze^ môib^
un officier et huit hommes, le suivit.
Le vice-amiral Hood, qui avait longtemps hésité, pahlt
enfin le 28 août et, sous prétexte de prendre le port en
dépôt, il le reçut pour l'incendier ou pour le détruire.
L'armée espagnole , forte de 17 vaisseaux, entra quelques
heures après (1). 1,500 Anglais avaient pris possession du
(1) L'historien anglais James dit que les deox armées entrèrent en même
BATAILLES. — 1793. 299
fort Lamalgue pendant la nuit. Voici la compositiofa de
l'armée anglaise :
Canons.
YiCTORY capitaine John Knight.
110 < lord Hood, vice-amiral.
Britannia capitaine John Halloway.
William Hotham, yice-amiral.
Windsor Castle capitaine sir Thomas Byard.
Philip Cosby, vice-amiral.
108 ( Princess royal capitaine Cbild Purvis.
Charles Goodall^ contre- amiral.
Saint George capitaine Thomas Foley.
John Gell^ contre -amiral.
Alcide capitaine Robert Linzee.
Terrible — Skefflngton Ltilwldgô.
Egmont ; . . ^-: Archibald Dickson.
RoBusT — honor. George Keith Élphiostone.
Courageux — honorable William Waldegràte.
^^ j Bedford ~ Robert Mann.
Berwick — sir John Collins.
Captain ^— Sanihel Reeve.
FoRTiTUDE i . , — William Young.
Leviathan — honorable Séyinour Conway.
CoLossus - Morice Polë,
Illustrious i — Lenox Frederick.
Agamemnon — Horatio Nelson.
Ardent — Mâiihers Stitton.
^ Diadem — Andrew Sutherland.
Intrepid — honorable Charles Carpenier.
L'escadre française était composée des vaisseaux, fré-
gates et corvettes :
Canons.
120 Commerce-de-Pnris. . . . capitaine Pascfuief.
comte de Trogoff Kerlessy, contre-amiral.
80 Tonnant * . . . . capitaine Amiel«
Apollon - Imbert fthomas).
Centaure — Causse (Joseph).
Commerce-de- Bordeaux . - Saint-Jillien.
Destin — Eyraiid.
Duguay-Trouin — Cosmao Kerjulien.
-, . Entreprenant — tloabennec.
Généreux — Cazotte.
He'ros — Héraud.
Heureux ». - Gavoty.
Tricolore — Pourquier.
Orion — Puren Keraadren*
\ Patriote — Èouvet (Pierre).
temps. M. Pons, dans ses Mémoires pour servir à r histoire de la ville de
Toulon en 1795, dit : « L'escadre anglaise vint mouiller dans îa rade et y fiit
bientôt suivie par la flotte espagnole qtti aVàil été appelée par les signaux des
Anglais. »
300 BATAILLES. — 1793.
^Pompée, — Poalain.
_. J Sctpion — Degoy de Bègues.
i Thémistocle — Duhamel du Désert.
\ Suffisant — Racord.
ÎAréthuse • ~ Dachesne GoQt.
Perle. — Van Kempen.
Topaze — Gassin.
i Aurore — Jonqaier.
53 < Alceste — Marquezy (Thomas).
( Sérieuse — Mauric.
26 Poulette •— Fargharson Staart.
20 Mulet — Maureau (André).
U Tarleton — Haselet.
Il y avait eu outre dans le port : 1 vaisseau de 120 ca-
nons; 7 de 74; 3 frégates de 36 et 3 de 32.
En construction : 1 vaisseau de 7 à canons et 1 frégate
de&O.
Je n'entrerai pas dans les détails de la prise de Toulon
par l'armée de la République; je me bornerai à dire que,
d'après le rapport de Barrëre à la Convention natio-
nale, le résultat réel, positif, delà convention conclue entre
le comité de Toulon et le vice-amiral Hood» fut qu'en se
retirant, le 18 décembre, les Anglais et les Espagnols em-
menèrent h vaisseaux et 16 frégates, corvettes ou brigs,
et brûlèrent 9 vaisseaux et 5 frégates. Ce fut le capitaine
Sidney Smith qui fut chargé de cette dernière opération.
Le document suivant, publié en Angleterre, est d'ac-
cord avec le rapport du conventionnel Barrère :
BATIMENTS BRÛLÉS A TOULON.
Triomphant , Duguay-Trouin , Commerce-de-Bordeaux^
Destin^ Tricolore, Suffisant^ Centaure^ Dictateur^ Thémis-
tocle, Héros, Sérieuse^ Iphigénie^ Montréal^ /m, Caroline^
Auguste^ Alerte.
EMMENÉS PAR LE VICE-AMIRAL HOOD.
Commerce-de-Paris 9 Pompée, Puissant, Aréthuse, Topaze,
Perle, Aurore, Alceste, Lutine. Poulette, Belette, Prosélyte,
Mulet, Sincère, Amulette, Tarleton.
Les bâtiments pris à Toulon furent considérés comme
COMBATS PARTICULIERS. — 1793. 301
faisant partie des escadres des alliés, et pendant tout le
temps que dura la campagne, ils ne cessèrent de porter le
pavillon blanc. Us furent ensuite envoyés en Angleterre
en deux divisions ; la première y arriva en mars, l'autre
en septembre 1794, L'artillerie du Patriote^ de Y Entre-
prenant^ de YOrion et de Y Apollon avait été enlevée, et
ces vaisseaux, auxquels on avait adjoint la gabare le Plu-
vier, emportèrent 5 à 6,000 marins qui inquiétaient l'a-
miral anglais et les sections ^ ils arborèrent le pavillon de
parlementaire. Au lieu de se rendre en Angleterre, ainsi
que cela leur avait été prescrit, les capitaines des deux
premiers firent route pour Brest; le troisième entra à
Rochefort, l'autre à Lorient. La gabare mouilla aussi à
Lorient. Le Scipion ne sortit pas de la Méditerranée ; le
26 novembre 179S, il avait brûlé à Livourne*
Les résultats des combats particuliers qui eurent lieu
pendant cette année furent à peu près balancés.
Le capitaine Leissegues de l'aviso de lO*" le Goéland^ se
rendant du Gap Français de Saint-Domingue à Jérémie pour
y chercher un convoi, aperçut, le 26 avril au jour, à l'entrée
de cette baie, la frégate anglaise de 40* Pénélope, et fit de
suite route sur la terre dans Tespoir d'y trouver un abri.
Chassé par la frégate, il commença à recevoir ses premiers
boulets vers 7^. Tous efforts pour échapper à un aussi re-
doutable adversaire furent inutiles ; à Q*», la frégate n'était
plus qu'à une portée de fusil : l'aviso riposta alors, mais
la lutte ne pouvait être de longue durée. Criblé et coulant
bas d'eau, le Goéland amena son pavillon. Il fut conduit à
la Jamaïque.
Au nombre des croiseurs et des convoyeurs dont les
nombreux corsaires génois et piémontais avaient nécessité
la sortie, se trouvaient le vaisseau de 74*" l^Thémistocley ca-
302 COMBATS PARTICULIERS. -1793.
pitaine Duhamel du Désert, et la frégate la Sfodp^fe qui ^
tenaient entre Gènes et Livoume. Ces deux bâtiments
avaient quitté ce dernier mouillage, le 3 maî, avec 17 na-
vires chargés de blé pour différents ports de FrancQ et
se trouvaient à 6 milles d'Oneille, par une faible bri??
de S.-E. , lorsque 5 corsaires sortirent de ce port et cbM-
sèrent le convoi. Poursuivis aussitôt» ces nayires iROuil*.
lèrent sous les batteries et furent abandonnés de leurs équi-
pages qui descendirent à terre. A 9^ du matin, le Thémih
tocle laissa tomber Tancre aussi près d'eux que le foQ4
put le lui permettre et, pendant une heure, il les canonna
ainsi que les batteries. La mer était malheureusement fqrt
houleuse et le feu du vaisseau produisait peu d'effet, tan-
dis que les batteries qui tiraient sur lui à boulets rouget
lui faisaient beaucoup de mal. Le vent mollissant d'ailleurs
d'une manière sensible, le capitaine Duhamel craignit de
ne pouvoir se relever de la côte, et il appareilla à 10*" pour
rejoindre son convoi qui avait continué sa route sous la
conduite de la Modeste.
f^
Le 17 mai, la frégate de àO"" la Concorde^ capitaine Yw-
dongen, qui faisait partie de la division de Saint-DomiQg^t
chassa, à quelques milles dans l'Ouest de cette ilç, Ift
frégate anglaise de 32"* Hyena, capitaine Hargood, ^ui
amena son pavillon après avoir tiré quelques coups 49
canon.
Le même jour à 1** du matin , le capitaine Gaillard, de
là frégate de 36" la Sémillante^ en croisière à une centaine
de lieues dans le N.-O. de la Corogne, courant la bor-
dée du Nord avec des vents d'E.-N.-E. , aperçut sous le vent
un bâtiment qui avait les amures à l'autre bord ; il vira
pour suivre ses mouvements. Au jour, il reconnut une fré-
gate anglaise : c'était la Venus de A0% capitaine Jonathan
COMBATS PARTICULIERS. — i703. 303
Faiilknor. A 6^*, les deux frégates epgagèFent Je combat h
la distance d'un demi-câble. Trois quarts d'heure après,
le capitaine Gaillard, frappé d'une balle qui l'élendit rpids
mort, fut remplacé par son second, le lieutenant de vais-
seau Belleville. Celui-ci avait à peine pris le comroOT^^-^
ment qu'il fut tué également. L'enseigne de vaisseau Car-
reau qui lui succéda s'approcha davantage et passa spug
le vent de la frégate ennemie* Il lança alors sur bâbor4
pour aborder son adversaire; mais la Venus ayant loffé en
même temps se trouva sur son avant et parvîot à s'éloigner
assez pour faire discontinuer le coinbat. La Sémillant^^
dont le grément et la voilure étaient fort endom»iagé.g, ne
put la poursuivre et elle fit route pour Brest.
La Sémillante avait 26 canons de 12,
6 — de 6.
et & caronades de 36.
La Venus — 26 canons de 12,
6 — de 6.
et 8 caronades de 18.
Le capitaine Mullon de la frégate de SO** la Cléopâlre (1),
en croisière à l'entrée de la Manche, aperçut, le 17 juin au
jour, la frégate anglaise de kk"" Nymphe, capitaine Edward
Pelle w, qu'il attendit en diminuant de voiles. A 6^^, les
deux frégates étaient à portée de voix san^ s'être encore
tiré un seul coup de canon. Le capitaine Mullon héla alor»
la Nymphe, dont l'équipage poussa trois hourrab auxquels
les Français répondirent par le cri de Vive la Nation! L9
feu commença de suite et devint terrible. Placées par te
travers l'une de Tautre, les deux frégates combattirçoit
vent arrière pendant une demi-heure ; la Cléopâtre vipt m-
(1) Je n'ai pu me procurer le rapport officiel de ce combat. Je le dODoe d'a-
près rbislorien anglais James.
304 COMBATS PARTICULIERS.— 1793.
suite un peu du bord opposé à la frégate anglaise qui imita
sa manœuvre. Dans ce moment, le mât d'artimon de la
première s*abattit. Cette avarie neutralisant une partie de
son artillerie, le capitaine MuUon revint en grand sur l'au-
tre bord et engagea son beaupré entre le grand mât et le
mât de misaine de la Nymphe. Mais avant que l'équipage
eût pu sauter à bord, le bout-dehors de beaupré cassa et
les deux frégates s'élongèrent en sens opposé; le feu re-
prit avec une nouvelle vigueur. Cinquante-cinq minutes
après le commencement du combat, la Cléopâtre succom-
bait et amenait son pavillon. ^
Le capitaine MuUon avait perdu la vie. Blessé mortelle-
ment et n'ayant plus que quelques moments d'existence,
il saisit un papier qu'il croyait être ses instructions et le
mit en pièces.
L'Angleterre ayant déjà une frégate de ce nom, donna à
sa prise celui de 1' Oiseau.
La Cléopâtre portait 26 canons de 12,
et 10 — de 6.
La Nymphe — 26 canons de 12,
10 — de 9,
et 8 caronades de 2 A.
J'ai dit ailleurs (1) que j'aurais loccasion de relater
quelques exemples de forfanterie des Anglais ; cette occa-
sion se présente dès le commencement de la guerre.
Le capitaine Bompard, de la frégate de 3 A* l'Embuscade,
de retour à New- York, capitale de l'État de ce nom des
.États-Unis d'Amérique, après une croisière pendant la-
quelle il avait capturé une soixantaine de navires, aperçut au
large une frégate qu'il crut française et à bord de laquelle il
envoya un officiera C'était la frégate anglaise de 40* Boston,
(1) Combat de la Surveillante et de la Qoebec, 1779.
COMBATS PARTICULIERS. — 1793. 305
capitaine George Courtenay. En rapprochant, rofficier
français eut des soupçons sur sa nationalité et il ne l'accosta
qu'après qu'un bateau pilote, qui se trouvait à portée de
voix, lui eût assuré qu'il n'y avait que des Français à bord.
Afin d'induire en erreur les Américains et les Français, le
capitaine Courtenay avait en effet réuni sur la dunette de
la frégate toutes les personnes de l'équipage qui parlaient
français, et le bateau pilote, en passant le long de son
bord, avait été trompé. L'embarcation française accosta
donc la frégate : son équipage fut fait prisonnier.
La présence de la Boston, dans ces parages, était ce que
Ton pourrait appeler en français une fanfaronnade. A la
suite d'une fête qui lui avait été donnée à Halifax, le capi-
taine Courtenay avait promis d'y amener YUmbuscade et
il s'était immédiatement dirigé sur New-York, où il savait
la trouver. Le capitaine anglais fit part à l'officier français
du vif désir qu'il avait de combattre la frégate française,
et il chargea ûa pilote d'aller porter à son capitaine un
défi par lequel il lui faisait savoir qu'il l'attendrait pen-
dant trois jours. Le pilote remplit scrupuleusement son
message et, probablement sur la recommandation du capi-
taine anglais, il l'afficha dans un café.
Quelque puérile que fût une semblable provocation,
qui pouvait coûter la vie à une foule de braves, elle frappa
au cœur l'équipage de la frégate française. Après avoir
pris l'avis des officiers de son état-major, le capitaine
Borapard mit à la voile pour entrer en lice ; c'était le
30 juillet. La Boston était alors à quelques milles de Long-
island. Les deux frégates s'aperçurent réciproquement
pendant la nuit.
Au jour, elles étaient par le travers l'une de l'autre, YEm-
buscade au vent, à portée de canon et à bâbord de la Boston
qui ouvrit le feu par une bordée entière. Les deux frégates
mirent le grand hunier sur le mât. Le combat durait de-
puis deux heures, et le feu avait une telle vivacité qu'on
eût cru qu*il ne faisait que commencer, lorsque la frégate
IL 20
306 COMBATS PARTICULIERS. —1793.
anglaise, dont la muraille présentait de larges ouvertures,
orienta et prit chasse en serrant le vent. C'était un com-
mencement de défaite ; mais cela ne suffisait pas à l'équi-
page de Y Embuscade qui voulait que son adversaire incon-
sidéré lui restât comme gage de son triomphe. Le capitaine
Bompard le poursuivit donc; mais sa frégate avait elle-
même de grandes avaries dans sa mâture, et sa marche
ne répondit pas à Tardeur de son équipage. La Boston
s'éloignait toujours! Après une heure et demie, la chasse
fut levée et la frégate française rentra à New- York aux
acclamations de la population qui s'était portée sur l'Ile
Jersey pour y être témoin de cette lutte.
Les pertes éprouvées par la Boston étaient considéra-
bles, et le capitaine Courtenay avait payé de sa vie l'im-
prudente provocation à laquelle il s'était laissé entraîner.
V Embuscade portait 26 canons de 12,
6 — de 6.
et 2 caronades de 36.
La Boston — 26 canons de 12,
6 — de 6
et 8 caronades de 12.
En commémoration de ce combat dont ils avaient été les
témoins, les habitants de New- York offrirent au capitsône
Bompard une médaille en or, dont TefSgie représentait la
Liberté assise sur Y Embuscade. Elle tenait une pique d'une
main, et de l'autre elle foudroyait la frégate anglaise qui
fuyait devant elle ; sur le revers on lisait : Par les habitants
de New-York au citoyen Bompard pour sa brave con-
duitCf etc. , etc.
Le lougre le Hoock de 18% capitaine Pitot, se trouvant,
le matin du 5 septembre, à 21 milles environ dans l'Ouest
de l'île d'Ouessant, aperçut devant lui le cutter anglais de
12^* HoPE qui courait à contre-bord. Ils commencèrent à
se canonner aussitôt que leurs boulets purent porter et.
COMBATS PARTICULIERS— 1791 307
en passant sur Tavant du lougre, l'Anglais lui envoya une
volée qui cribla ses voiles ; l'élongeant ensuite, il alla se
placer sous le vent. Le pont du Hoock était encombré de
débris, sa vergue de grand hunier était en outre tombée
de manière à engager la batterie. Le cutter anglais, vou-
lant profiter de cette circonstance, envoya vent devant
pour passer sur Tarrière du lougre, mais ime prompte dé-
termination prise par le capitaine Pitot fit manquer cette
manœuvre. Au moment où le Hope envoyait vent devant,
son beaupré se trouva engagé dans les grands haubana âa
Hoock qui avait laissé arriver en grand. Après avoir balayé
le pont du cutter par une décharge de mousqueterie, led
Français sautèrent à bord : sept hommes seulement res-
tèrent sur le lougre avec le capitaine pour les manœuvres
indispensables. La résistance des Anglais fut opiniâtre et
le combat corps à corps dura une demî-hëùrê avant que
le capitaine anglais se rendît. Le Hope fut conduit à Brest
Le Hoock avait 16 canons de 8
et 2 caronades du même calibre.
Le Hope — 12 caronades de 8, 6 et &•
Le capitaine Brice, du cotre de 10" le Dragon^ se trou-
vant, dans la soirée du 4 octobre, à 80 milles de Tembou-
chure de la Gironde avec des vents d'Ouest, aperçut un
lougre de 12*^ sur lequel il laissa porter et qu'il atteignît
à 6^. Sans que ni l'un ni l'autre eussent arboré leur pa-
villon, ces deux bâtiments engagèrent une escarmouche
que la nuit interrompit presque aussitôt et ils se perdirent
de vue. La précipitation avec laquelle cet inconnu s'était
retiré du feu dès que cela lui avait été possible, fit regretter
au capitaine Brice d'avoir perdu ses traces* Sa disparition
presque subite lui fit soupçonner que, pour s'éloigner plus
promptement, il avait laissé porter, et il arriva lui-même
de deux quarts. A 9**, il était à portée de voix de ce lougre
avec lequel il engagea une nouvelle canonnade^ trois b^-
308 COMBATS PARTICULIERS.— 1793.
dées à mitraille le firent encore battre en retraite et la nuit
était si obscure qu'il parvint à se dérc^er une seconde fois
aux coups du Dragon. Celui-ci continua sa route.
Le 5 octobre au matin, une division anglo-espagnole
sous les ordres du contre-amiral anglais John Gell et du
chef d'eseadre espagnol Moreno, parut devant Gènes où
se trouvait la frégate la Modeste^ capitaine Giloux. Cette
division comptait 3 vaisseaux anglais, 3 espagnols et 5
brigs des deux nations. Le vaisseau français de là"" le 5ct-
pton, capitaine Degoy, en faisait aussi partie; ce vaisseau
portait le pavillon blanc (1). Vers midi, le BEDFORxde 82*»
capitaine Robert Mann, entra dans la rade et mouilla par
le travers de la frégate française et presque à la toucher.
Confiant dans la neutralité du port de Gènes, le capitaine.
Giloux ne dérangea pas l'équipage qui dînait dans ce mo-
ment. Le vaisseau anglais était à peine mouillé que ses
embarcations, chargées de monde, abordèrent la Modeste;
et bien qu'on ne leur opposât aucune résistance, les An-
glais massacrèrent sans pitié tous les hommes qu'ils ren-
contrèrent. Surpris ainsi sans défense, les Français se je-
tèrent à la nage; mais, poursuivis par les embarcations
ennemies, ils se virent enlever ce dernier espoir de salut.
Une centaine d'hommes seulement échappèrent à ce mas-
sacre : on ne compta cependant qu'une quarantaine de tués.
Le même attentat fut commis à bord de deux tartanes
françaises qui étaient sur rade.
Ces actes d'hostilité, dans un port dont la neutralité était
reconnue, donnèrent lieu à une plainte de la part des repré-
sentants du peuple délégués par la Conventidn nationale
près de l'armée d'Italie. Cependant, quoique les batteries
eussent reçu Tordre de s'opposer à la sortie du vaisseau
anglais, la hégBXelB. Modeste fut emmenée par lui, pendant
(1) Ce vaisseau était un de ceux qui avaient été pris à Toulon.
COMBATS PARTICULIERS. — 1793. 309
la nuit du 10, sans le plus léger empêchement de la part
du gouverneur de la place.
Cette complaisance ou cette faiblesse des autorités de
Gènes ne fut pas oubliée ; et lorsque, en juin 1796, le
Piémont fit un traité de paix avec la France, 2 millions de
francs furent demandés comme indemnité de la prise de la
frégate la Modeste.
Aussitôt que le lieutenant de vaisseau Eydoux, comman-
dant la frégate Y Impérieuse (l),qui se trouvait alors dans
le port de la Spezzia, eut connaissance de la violation
commise à Gênes sur la frégate la Modeste^ il ne se consi-
déra plus à Tabri des attaques de l'ennemi dans le port
neutre où était sa frégate et il mit sous voiles. Il était à
peine dehors qu'il fut chassé par plusieurs vaisseaux et se
vit obligé de rentrer. Il fit de suite mettre à terre tous les
objets d'armement et les vivres de ['Impérieuse et il coula
sa frégate par un petit fond sous la forteresse. Cette opé-
ration était à peine terminée que le vaisseau anglais de 82*"
Captain, capitaine Samuel Reeve, et le trôis-ponts espa-
gnol Salvador di MuiNoo, mouillèrent sur la rade. Les ca^
pitaines de ces deux vaisseaux travaillèrent, non-seulement
à relever V Impérieuse, mais ils enlevèrent tous les vivres
et les agrès déposés à terre et ils sortirent sans la plus lé-
gère opposition.
Cela se passait le 12 octobre.
La frégate l'Impérieuse prit le nom d' Unité dans la ma-
rine anglaise.
Deux frégates stationnées à Cherbourg appareillaient
alternativement pour croiser au large et rentraient au port
aussitôt qu'elles avaient fait quelque prise. L'une d'elles, la
(1) Le capilaine Pebog, d'ètra destitaé pour causo
d'inciyisme.
3i0 COMBATS PARTICULIERS. - 1793.
fiiunion de hO% sortie le 18 octobre» aperçut le lendemaio,
dans l'Est, un bâtiment que le capitaine Déniau reconnut
ôtre une frégate anglaise. C'était en effet la GaESCENrâe
AA°, capitaine Jame9 Saumarez. Le vent était très-fsûble
du S*-S.-E. A 1*^ 30"* du matin, la tour de Barfleur res-
tant à 6 milles dans le Sud, la frégate anglaise fut en po-
sition de tirer les premiers boulets à la Réunion qui cou-
rait comme elle bâbord amures. Toutes deux étaient pré-
parées au combat ; aussi l'action s'engagea-t-elle de la ma-
nière la plus vive. Après trois quarts d'heure, la corne et la
vergue de misaine de la Réunion étaient brisées et tom-
baient sur le pont ; la drisse du grand hunier était coupée
et la vergue portait sur le chouque. De son côté, la Gres-
QENT avait sa vergue de grand hunier coupée en deux et son
petit mât de hune cassé au ras du chouque. Malgré ces
avaries, la frégate anglaise parvint plusieurs fois à prendre
son adversaire d'enfilade. A 11^ 15", la brise en passant au
O.-N.-O., plaça la Réunion au vent. Les avaries de la fré-
gate française étaient de nature à ne pas lui permettre de
se maintenir le cap au Sud, ainsi que le désirait son capi-
taine ; elle arriva vent arrière, s' exposant ainsi au feu d'é-
eharpe de la Grescent qui fut si bien dirigé, que le pavil-
lon de la frégate française était amené avant que sa ma-
nœuvre eût pu indiquer quelle avait été l'intention de son
capitaine. II était alors midi. Une seconde frégate anglaise,
la CiRCE de 32", arrivait de l'Est sous toutes voiles ; elle
prit une partie de l'équipage de la Réunion.
La Réunion portait 26 canons de 18
10 — de 6
et 4 caronades de 36.
La Grescent — 26 canons de 18
10 — de 9
et 8 caronades de 18.
La frégate de âO« YUranie, capitaine Tartu, l'une do
COMBATS PARTICULIERS. -1793. 3H
celles qui croisaient dans le golfe de Gascogne, s'empara,
vers le milieu du mois d'octobre, de la corvette espagnole
Alcoudia de lô*" qui amena aux premiers coups de canon.
La majeure partie de son équipage ayant été prise à bord de
la frégate, cette augmentation de personnel obligea le capi-
taine Tartu à faire route pour rentrer à Brest. Il n'était plus
qu'àquelques milles dans le Sud de Tîle d'Ouessant, avecune
jolie brise d'Ouest lorsque, le 2â octobre à 8** du matin,
il aperçut dans le N.-N.-Ë. un fort bâtiment courant au
S.-S.-O. Il tint le plus près bâbord amures et il lui fut
bientôt possible de reconnaître un bâtiment de guerre :
c'était la frégate anglaise de 32*" Thames, capitaine James
Cotes, qui se rendait à Gibraltar. A 10** 30", les deux fré-
gates étaient à portée de canon et, en laissant un peu ar-
river, YUranie put envoyer sabordée de bâbord. La fré-
gate anglaise riposta de suite, et laissant arriver à son tour,
elle passa à poupe de YUranie et prit poste par son tra-
vers de tribord. Le combat continua dans cette position;
mais après trois quarts d'heure,, le feu de la frégate an-
glaise diminua d'une manière sensible. C'est qu'alors sa
muraille portait de nombreuses traces de la justesse du tir
des canonniers français et les pièces de sa batterie étaient
en grande partie hors de service. Le capitaine Cotes ne
laissa pas longtemps Y Uranie jouir d'un semblable avan-
tage. Lançant sur bâbord et passant de nouveau à poupe
de la frégate française , il alla prendre de ce bord le poste
qu'il avait occupé de l'autre côté. Le feu de la Thames re-
prit alors toute sa vigueur ; mais bientôt on vit tomber sa
vergue de grand hunier et peu après, celles du petit hu-
nier et du perroquet de fougue. Ces avaries devaient faire
pressentir la fin prochaine de la lutte et l'équipage de
r Uranie redoubla d'ardeur. Dans ce moment, le capitaine
Tartu eut une jambe emportée par un boulet : le lieutenant
\Mbert le remplaça dans le commandement. Le capitaine
Cotes profita de la stupeur qui résulta de cet événe-
ment pour s'éloigner. Quoique entièrement dégréée, VU-
312 COMBATS PARTICULIERS. — 1793.
ranie devait avoir encore un avantage de marche sur son
adversaire. Le lieutenant Wibert craignit cependant que;
dans le cas où il lui faudrait engager une nouvelle lutte,
les prisonniers espagnols ne profitassent de Tafifaiblisse-
ment de l'équipage pour se soulever; Tarmement des prises
faites depuis le commencement de la croisière lui avait
déjà enlevé une soixantaine d'hommes. Convaincu d'ail»
leurs que la frégate anglaise ne tarderait pas à être aper-
çue par quelque croiseur français, il abandonna son en-
nemi à moitié vaincu et fit route pour Rochefort.
, L' £/rame portait 26 canons de 12
10 — de 6
et à caronades de 36.
La Thames — 26 canons de 12
et 6 — de 6.
Le lieutenant Wibert ne s'était pas trompé; la Thabies
n'échappa à l' Uranie que pour être amarinée par une au-
tre frégate française. Ces deux frégates s'étaient à peine
perdues de vue, que la première fut chassée par la Carma-
gnole de SS"", capitaine Allemand (Zacbarie). Une bordée
suffit pour faire amener la frégate anglaise qui était hors
d'état de recommencer un nouveau combat. La Carma^
gnole entra à Brest avec sa prise à la remorque (1) .
Afin d'éterniser dans la marine le nom du capitaine de
(1) Je lis dans une note da Précis sur la vie et les campagnes du vice-
amiral Martin, donnée par M. Pouget comme extraite de VHistoire de Roche"
fort, que, le S brumaire an II (85 octobre 1795)^ la frégate la Cliopàtrey atta-
quée par deux frégates anglaises, allait succomber si V Uranie, qui rentrait à
Rochefort, ne fût arrivée à temps pour Tassister; et que les frégates ennemies
capturées furent conduites dans la Charente. Cette Torsion est erronée. Si j'ai
emprunté à l'historien anglais James, généralement bien informé, le récit da
combat de la Cléopâtre, lequel eut lieu le 17 juin et non le 2 brumaire (S3 oc-
tobre), j'ai eu entre les mains le rapport qui constate que le combat de YUranie
fut isolé ; qu'elle ne combattit qu'une seule frégate anglaise ; que ce fut la Car-
magnole qui lit amener cette dernière et la conduisit à Brest. V Uranie avait
pris la route de Rochefort.
COMBATS PARTICULIERS. — 1793. 313
YUranie^ qui mourut le lendemain du combat, cette fré-
gate fut nommée la Tartu.
Les frégates de 32" la Melpomène^ la Minerve et la For-
tunée^ capitaines Gay, Allemand (Zacharie) et Maistral
(Désiré) , et le brig de 18*" la Flèche, capitaine Allemand (Jo-
seph), se rendant de Tunis en Corse, furent chassés, le
22 novembre, par le vaisseau anglais Agamemnon de 72°,
capitaine Horatio Nelson, qui croisait sur la côte occidentale
de la Sardaigne, A 8** 15" du matin, la Melpomène qui
était de l'arrière fut jointe et engagea le combat. La Mi-
nerve laissa aussitôt arriver pour la soutenir 5 mais le vais-
seau anglais ne l'attendit pas; il s'éloigna avant que cette
frégate fût en position de lui envoyer des boulets. LdiMeU
pomène se rendit à Bastia ; les deux autres frégates et le
brig entrèrent à Saint-Florent.
Le 25 novembre le capitaine Riouffe de la frégate de 36°
Y Inconstante, parti du Port-au-Prince de Saint-Domingue
avec deux navires qu'il conduisait au port du Petit Trou
aperçut deux navires par le travers de la petite Goave;
il était alors 1" du matin. Le capitaine Riouffe s'en in-
quiéta peu d'abord; persuadé, on ne sait trop pourquoi,
que c'étaient des navires du commerce, il ne fit aucune
disposition de combat et il s'écoula quelque temps ayant
qu'il donnât l'ordre de faire lever l'équipage. Cette mesure
était indispensable, car les câbles, montés des deux bords
dans la batterie , avaient été relevés sur les canons pour
la nuit (1) . Vers 1** 30" on put, de Y Inconstante, hêler ces
(1) L'emploi des câbles en chanvre est devenu si rare dans la marine^ qu'il
n'est pas hors de propos de rappeler comment on s'en servait. Les câbles^ sortis
de la cale, étaient éioogés dans la batterie lorsqu'on approchait du mouillage ;
00 appelait cela prendre la bitture. Quand on naviguait dans des parages où
il pouvait devenir nécessaire de laisser tomber une ancre au fond, la bitture
restait prise et, au moment du coucher de l'équipage» on relevait le câble sur
les canons ou on l'accrochait aux barrots.
314 COMBATS PARTICULIERS- —1793.
bâtiments. Gela était presque inutile, car la nuit était belle
et la lune qui éclairait Thorizon permettait de distinguer
le pavillon de la Grande-Bretagne flottant à leur corne;
c'étaient les frégates anglaises de hO"" Pénélope et Iphige-
NiA, capitaines Samuel Rowley et Patrick Sainclair. Celles-
ci avaient également reconnu le pavillon de la République,
car elles bêlèrent de Tamener. Le capitaine Riouffe laissa
de suite arriver vent arrière, et engagea avec les frégates
ennemies une canonnade de chasse et de retraite qu'il fit
bientôt cesser en ordonnant d'amener le pavillon. Dans ce
moment TIphigenu fut découverte par tribord. L'officier
de la batterie n'ayant pas encore 'été prévenu de ce qui se
passait sur le pont, commanda de tirer sur elle. La frégate
anglaise riposta par une bordée qui fut funeste au capitaine
de ï Inconstante : il tomba grièvement blessé. Le feu cessa
dès qu'on sut dans la batterie que le pavillon était amené.
Un officier de la Pénélope était déjà à bord et prensdt
possession de la frégate française qu'il conduisit à la Ja-
maïque. Le capitaine Riouffe y mourut de ses blessures.
VInconstante avait 26 canons de 12,
6 — de 6
et k caronades de 30.
La Pénélope et I'Iphigenia portaient
chacune 26 canons de 12^
6 — de 6
et 8 caronades de 18.
Noirmoutiers était au pouvoir des royalistes depuis le
12 octobre. Gette île avait une importance trop grande, par
suite de sa position sur la côte de la Vendée, pour que le
gouvernement ne tentât pas promptement de la reprendre.
Le capitaine Pitot, de la frégate la Nymphe^ reçut l'ordre
d'aller l'attaquer avec la corvette le Fabius, capitaine Le-
cour, l'aviso la Cousine, capitaine Villedieu, et la canon-
nière rJ/e-dTigw, capitaine Bertrand. Ces bâtiments appa-
COMBATS PARTICULIERS. —1793. 315
renièrent de Quiberon, le 30 décembre, avec des vents de
S.-O., et eurent à soutenir le feu des batteries de l'île dès
qu'ils en furent à portée. Leurs canons répondirent toutes
les fois que la route suivie le permit. Malheureusement la
brise, devenue très-faible, nécessita l'emploi des embarca-
tions avant que la petite division eût pu atteindre son
mouillage, et la frégate, qui avait perdu sa vergue de
grand hunier, fut portée à la côte par le courant. Les bat-
teries dirigèrent alors exclusivement sur elle leur feu, par-
tagé jusqu'alors entre tous les bâtiments. La Nymphe ne
put être relevée, même après la prise de Noirmoutiers
qui rentra le 4 janvier sous la dépendance de la Répu-
blique.
Le conseil martial, chargé d'examiner la conduitedu lieu-
tenant de vaisseau Pitot, déclara qu'il n'y avait pas lieu à
accusation contre cet oflQcier.
Dans le courant de cette année, la corvette la Céleste^ se
rendant du Havre à Toulon, s'empara du brig anglais de
IS*' Scout.
Le 20 septembre, un décret avait frappé de réquisition
tous les objets propres à la construction des navires, à leur
armement et à leur équipement. Là ne s'arrêtèrent pas les
mesures que crut devoir prendre le gouvernement républi-
cain en faveur de la marine de l'État. La pénurie des navires
de transport n'ayant pas tardé à se faire sentir, une loi
du à octobre mit tous les navires du commerce en réquisi-
tion , en laissant à la marine le soin de choisir ceux qui
pourraient lui convenir. Cette mesure était la conséquence
de la guerre générale qui suivit la révolution ; elle assurait
une ressource immense à la République.
Cette réquisition fut suspendue par arrêté du 17 fructi-
dor an II (3 septembre 1794). — Mais, peu de temps après,
le motif qui l'avait fait établir détermina l'arrêté du Comité
314 COMBATS PARTICULIERS. — 1793.
bâtiments. Gela était presque inutile, car la nuit était belle
et la lune qui éclairait Thorizon permettait de distinguer
le pavillon de la Grande-Bretagne flottant à leur corne ;
c'étaient les frégates anglaises de AO*' Pénélope et Iphige-
NiA, capitaines Samuel Rowley et Patrick Sainclair, Gelles-
ci avaient également reconnu le pavillon de la République,
car elles bêlèrent de l'amener. Le capitaine RiouiTe laissa
de suite arriver vent arrière, et engagea avec les frégates
ennemies une canonnade de chasse et de retraite qu'il fit
bientôt cesser en ordonnant d'amener le pavillon. Dans ce
moment TIphigenia fut découverte par tribord. L'officier
de la batterie n'ayant pas encore 'été prévenu de ce qui se
passait sur le pont, commanda de tirer sur elle. La frégate
anglaise riposta par une bordée qui fut funeste au capitaine
de ï Inconstante : il tomba grièvement blessé. Le feu cessa
dès qu'on sut dans la batterie que le pavillon était amené.
Un officier de la Pénélope était déjà à bord et prenait
possession de la frégate française qu'il conduisit à la Ja-
maïque. Le capitaine RioufTe y mourut de ses blessures.
V Inconstante avait 26 canons de 12,
6 — de 6
et k caronades de 30.
La Pénélope et I'Iphigenia portaient
chacune 26 canons de 12,
6 — de 6
et 8 caronades de 18.
Noirmoutiers était au pouvoir des royalistes depuis le
42 octobre. Gette île avait une importance trop grande, par
suite de sa position sur la côte de la Vendée, pour que le
gouvernement ne tentât pas promptement de la reprendre.
Le capitaine Pitot, de la frégate la Nymphe j reçut l'ordre
d'aller l'attaquer avec la corvette le Fabius, capitaine Le-
cour, l'aviso la Cousine, capitaine Villedieu, et la canon-
nière rJte-d'r(?w, capitaine Bertrand. Ces bâtiments appa-
COMBATS PARTICULIERS. —1793. 315
renièrent de Quiberon, le 30 décembre, avec des vents de
S.-O., et eurent à soutenir le feu des batteries de Tîle dès
qu'ils en furent à portée. Leurs canons répondirent toutes
les fois que la route suivie le permit. Malheureusement la
brise, devenue très-faible, nécessita l'emploi des embarca-
tions avant que la petite division eût pu atteindre son
mouillage, et la frégate, qui avait perdu sa vergue de
grand hunier, fut portée à la côte par le courant. Les bat-
teries dirigèrent alors exclusivement sur elle leur feu, par-
tagé jusqu'alors entre tous les bâtiments, La Nymphe ne
put être relevée, même après la prise de Noirmoutiers
qui rentra le 4 janvier sous la dépendance de la Répu-
blique.
Le conseil martial, chargé d'examiner la conduitedu lieu-
tenant de vaisseau Pitot, déclara qu'il n'y avait pas lieu à
accusation contre cet officier.
Dans le courant de cette année, la corvette la Céleste^ se
rendant du Havre à Toulon, s'empara du brig anglais de
18*^ Scout.
Le 20 septembre, un décret avait frappé de réquisition
tous les objets propres à la construction des navires, à leur
armement et à leur équipement. Là ne s'arrêtèrent pas les
mesures que crut devoir prendre le gouvernement républi-
cain en faveur de la marine de l'État. La pénurie des navires
de transport n'ayant pas tardé à se faire sentir, une loi
du A octobre mit tous les navires du commerce en réquisi-
tion , en laissant à la marine le soin de choisir ceux qui
pourraient lui convenir. Cette mesure était la conséquence
de la guerre générale qui suivit la révolution ; elle assurait
une ressource immense à la République.
0
Cette réquisition fut suspendue par arrêté du 17 fructi-
dor an II (3 septembre 1794). — Mais, peu de temps après,
le motif qui l'avait fait établir détermina l'arrêté du Comité
316 COLONIES. — 1793.
de salut public du 19 vendémiaire an III (10 octobre 1794),
portant que les navires jugés indispensablement nécessri-
res au service de la marine, continueraient d'être traités
conformément à la loi du 4 octobre 1793. Cet arrêté ne fui
définitivement abrogé que le 1" avril 1795.
Le 13 avril, l'île de Tabago, la plus Sud du groupe des
Antilles, fut attaquée par une division aux ordres du contre-
amiral anglais Gardner et capitula.
Le 14 mai, les petites îles Saint -Pierre et Miquelon,
auprès de Terre-Neuve, furent surprises sans défense par
la division du vice-amiral anglais King.
Le 21 août, ce fut la ville de Pondichéry, chef-lieu des
établissements français de l'Inde, qui fut prise.
Peu de jours après la déclaration de guerre à TAngle-
terre, le capitaine de vaisseau Sercey (Pierre), qui fut
presque aussitôt promu au grade de contre-amiral, partit
de Brest pour Saint-Domingue avec les vaisseaux de 7â'
YÊole et Y America; il avait mission de prendre sous son
escorte les navires du commerce qui seraient prêts à effec-
tuer leur retour en France. Mais lorsque ceux-ci furent
réunis sur la rade du Cap Français, les Commissaires ci-
vils Polverel et Santhonax, qui étaient arrivés sur la frégate
la Galathée^ capitaine Carabis, suspendirent leur départ
jusqu'à l'arrivée des nouveaux bâtiments de guerre desti-
nés à former la station. Le commerce, mécontent à juste
titre du retard apporté au départ d'un convoi d'une grande
valeur, fit des représentations au gouverneur Galbaud, ré-
cemment arrivé aussi sur la frégate la Concorde. Malgré
les pressantes sollicitations de ce général, et celles d'un
COLONIES. — 1793. 317
conseil composé des principales autorités de l'île et des
contre-amiraux Sercey et Cambis (1), les commissaires
persistèrent à retenir le convoi. On devait craindre cepen-
dant que l'ennemi n'arrivât dans ces parages avec des
forces capables de le bloquer et même de l'enlever, car
aucune mesure n'avait encore été prise pour la défense du
Cap Français. V America, la frégate YAstrée, les avisos
VExpèditioriy Y Actif et le Serin étaient au Port-au-Prince;
les deux contre-amiraux, mouillés sur la rade du Cap Fran-
çais avec le Jupiter, YÊole, la Concorde et la flûte la Nor-
mande, avaient défense de faire aucun mouvement. Les
capitaines des navires de commerce se virent bientôt dans
l'obligation de vendre une partie de leur cargaison pour
subvenir à leurs dépenses.
Les choses étaient dans cet état lorsque les commis-
saires civils firent arrêter le gouverneur.
En arrivant dans la colonie, cet officier général avait
trouvé le caractère des deux commissaires si peu respecté,
qu'il avait cru pouvoir se soustraire à leur autorité. Il
avait débuté par des mesures violentes qui n'eurent pas
l'assentiment public. Les commissaires voulurent alors faire
sentir la supériorité de leurs pouvoirs en défendant aux
habitants d'obéir à ses injonctions. Ils déversèrent sur lui
tous les dégoûts possibles et finirent par lui retirer son
commandement et par le séquestrer à bord de la Normande.
Les autres bâtiments de guerre étaient remplis d'hommes
ardents qui y étaient également détenus prisonniers ; la
présence d'une victime aussi marquante électrisa toutes
les haines. Leur vive expansion et le désir de la vengeance
firent croire au général Galbaud qu'il pourrait briser par
la force le joug sous lequel il avait fléchi. Il monta la tête
aux marins des équipages et l'insurrection n'attendit plus
(1) Ce dernier avait été promu depuis sou arrivée à Saint-Domingue et avait
pris le commandement de la division^ à la place du contre-amiral Grimouard qui
était retourné en France.
318 COLONIES. — 1793.
qu'un prétexte pour éclater. L'occasion ne tarda pas à
se présenter.
Des bruits, vrais ou faux, de destitution des principaux
officiers de marine de la division, se propagèrent. Ils ré^
pandirent une grande émotion parmi les équipages dont
l'esprit fut bientôt porté jusqu'à l'exaltation en faveur de
leurs chefs. Des luttes eurent lieu à terre entre des hommes
de couleur et les marins qui y étaient sans cesse insultéd.
Les officiers eux-mêmes n'étaient pas à l'abri des menaceà
de la populace ni de ses attaques. Et cependant, loin de
tenir compte des plaintes incessantes qui leur étaient por-
tées parla marine, les commissaires prenaient à l'égard
des états-majors et des équipages les mesures les pltis
vexatoires.
Le 20 juin, le général Galbaud publia une proclamation
contre les commissaires civils et se rendit à bord de tous
les bâtiments de la division. L'insurrection des équipages
fut bientôt à son comble. Le contre-amiral Sercey fut con-
signé dans sa chambre par celui de YÊole. Ceux du Jupiter j
de la Concorde et delà Normande agirent de la même ma-
nière à l'égard du contre-amiral Cambis et des capitaines»
Il n'y eut plus qu'une autorité sur la rade, celle du général
Galbaud. Dans l'après-midi, les navires du commerce fu-
rent retirés de dessous les batteries ; ceux de guerre s'em-
bossèrent, et leurs équipages effectuèrent un débarquement
sous la conduite de leur nouveau chef. Le lendemain, le
général Galbaud attaqua l'hôtel du gouvernement où les
commissaires s'étaient retirés. On se battit toute la journée
et le jour suivant. Les hommes de couleur, dévoués aux
commissaires, avaient été appelés à leur secours. Au milieu
du désastre, ce parti foudroyé par les batteries de l'arsenal,
parut un moment faiblir. Un ressentiment féroce suggéra
alors aux deux commissaires l'idée la plus désastreuse. La
chaîne des noirs fut rompue, les portes des prisons furent
ouvertes ; tous les ouvriers, tous les esclaves furent armés»
Bientôt alors tout ne fut plus que sang et carnage ; le pîl-
COLONIES. — 1793. 319
Iftge devint général et l'incendie éclata sur tous les points
de la ville. Le parti du généraF Galbaud finit par plier.
Forcé de battre eu retraite le 23, il se replia sur le port
où tout était confusion. Les vieillards, les femmes etles en-
fants que le fer et les flammes avaient épargnés, se préci-
pitèrent sur ses pas et se jetèrent dans des embarcations,
incapables de les contenir tous : un grand nombre de ces
malheureux périrent dans les flots. En un instant, les vais-
seaux furent encombrés de ceux qui avaient échappé à ce
dernier désastre. Le général se rendit à bord du Jvpiter,
et tint sous les canons de ce vaisseau la ville et l'arsenal
dont il avait eu la précaution de faire enclouer les pièces.
Mais si sa personne était hors de danger, les vaisseaux ne
l'étaient pas ; on y éprouvait les inquiétudes les plus gra-
ves, car on savait que Tordre avait été donné de faire feu
sur tous les bâtiments de la rade.
Sur ces entrefaites, le contre-amiral Sercey reçut une
députation des négociants qui le faisaient prier d'appareil-
ler avec le convoi. Il se rendit à leurs instances, et le 24,
il mit à la voile, sauvant ainsi d'une destruction à peu près
certaine, tous les navires du commerce qui se trouvaient
sur la rade du Cap Français. Le lendemain, le général Gal-
baud donna l'ordre aux autres bâtiments de guerre d'appa-
reiller aussi. Le capitaine Vandongen, delà Concorda?, qui
s*y refusa fut suspendu de ses fonctions par son équipage ;
la frégate mit sous voiles avec le Jupiter. Quelques jours
après, ce vaisseau à bord duquel était toujours Tex-gouver-
neur de Saint-Domingue, rencontra YÊole et son convoi et
fit route avec eux pour les États-Unis ; mais ils se séparèrent
bientôt. Les chefs du mouvement de la Concorde n'avaient
pas tardé à se trouver dans le plus grand embarras. Dans
la précipitation du départ, ils n'avaient pas considéré les
besoins de la frégate à bord de laquelle il ùe se trouvait
qu'une douzaine de barriques d'eau. Le capitaine Vandon-
gen fut prié de reprendre le commandement. Le premier
soin de cet officier fut de se diriger vers un port dans le-
320 COLONIES.— 1793.
quel il pourrait faire de Peau. Le Port-de-Paix, sur la
pôte Nord de Saint-Domingue, fut choisi comme le plus
rapproché ; mais la Concorde en fut repoussée à coups de
canon et elle entra au Môle Saint-Nicolas, à quelques mil-
les dans rOuest du premier. Là aussi on avait reçu Tordre
de faire feu sur les bâtiments de guerre et le commandant
de la place prévint le capitaine Vandongen qu'il exécute-
rait cet ordre s'il ne partait pas le lendemain. Au jour, la
frégate était sous voiles et, le 7 juillet, elle mouillait sur
la rade d'Hampton dans l'état de Norfolk des États-Unis.
UÊole y arriva le même jour avec son convoi ; le Jupiter s'y
trouvait déjà.
Sur l'invitation du chargé d'affaires de la République
française, ces trois bâtiments se rendirent à New-York .
L'équipage du Jupiter y fut renouvelé en entier. Le contre-
amiral Gambis obtint de rester à terre et le commande-
ment de ce vaisseau fut donné au capitaine Bompard de
YEmbuscade,
Les navires partis de Saint-Domingue furent immé-
diatement dispersés dans différents ports afin de pouvoir
s'approvisionner plus facilement; et, en attendant qu'un
convoi de farine qu'il avait ordre d'expédier en France fût
rassemblé, le chargé d'affaires de la France ordonna au
contre-amiral Sercey d'aller attaquer les îles Saint-Pierre
et Miquelon, dont les Anglais s'étaient emparés le 14 mai.
Cet officier général mit à la voile, le 9 octobre, avec les
vaisseaux YÊole et le Jupiter^ les frégates la Concorde ^
la Précieuse et l'aviso le Cerf. Quelques jours après, l'é-
quipage du Jupiter déclara au capitaine Bompard que
l'ordre du représentant de la République était un non-
sens et l'obligea à faire route pour France. Cet exemple
ne tarda pas à séduire ceux de YÊole et des deux frégates
dont les capitaines furent également obligés de se diriger
vers la France. Le Cerf reçut la mission d'aller annoncer cette
détermination au chargé d'affaires. Séparés par le mauvais
temps à la hauteur des Açores, les deu!^ vaisseaux et les
COLONIES. — 1793. 324
frégates arrivèrent à Brest isolément dans les premiers
jours du mois de novembre.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGÉS
pendant l'année 1795.
ANGLAIS*
Canons.
7i SciPioN* Brûlé à Livourne.
HAMEs I pj,jggg chacune par une frégate.
l Amphitrite Naufragée dans la Méditerranée.
18 Scout Pris par une corvette.
iPiGMY Naufragé sur les côtes d'Angleterre.
Advice — dans la baie de Honduras.
Alerte Pris par les Français.
12 HoPE • — par un lougre.
/ Viper )
♦ l Vigilant'-: ." ." ." .' '. '. '.'.\ " *" "*' '*'«S'*'"-
FRANÇAIS.
120 Commerce-de-Paris. . . . ) ^^ . , m i^
80 Triomphant » P'" * Toulon.
Commerce-de- Bordeaux,
Centaure
Destin
Duguay-Trouin
Héros . ) Détruils à Toulon.
Dictateur
74 ( Suffisant
Thémistocle, •
Tricolore., • .
Léopard Naufragé à Cagliari.
Pompée
Puissant
Scipion. ... } Pris à Toulon.
Aréthuse
40 { Perle
Réunion Prise par une frégate.
58 Impérieuse — par un vaisseau.
I'Fine Naufragée sur la côte d'Amérique.
Sérieuse Détruite à Toulon.
Cléopâtre Prise par une frégate.
Inconstante — par deux frégates.
5i Jphigénie . Détruite à Toulon.
Modeste Prise par une division. ^
Richmond Brûlée en Sardaigne.
Hélène Prise en Sardaigne.
^ ^ Bellone Naufragée à Quiberon.
Hermione — au Croisic.
Nymphe — à Noirmoutiers.
II * ti
asft
COLONIES.— 1713.
SS
Si
80
Àlceste.f • • • .
Sultane
Topaze. • • . . .
Lutine
Sensible
Aurore
Victorieuse. • •
Iris
Montréal
Victoire
Prises à Toulon.
• • » •
Détruites & Toulon.
prosélyte i
Belette \ Prises & Toulon.
Poulette, , . . , I
^^''^^'f i Détruites à Toulon,
Auguste • • . I
Blonde Prise par deux frégates.
/ Mulet Prise à Toulon.
Ariel Détruite dans l'Escaut.
Convention Nationale. . . Prise par une escadre.
l Prompte.
Compte l Prises chacune par une fréga^,
Alerte Détruite h Toulon.
^^ i S;"^7'^; j Prises à Toulon.
Amulette i
" i cuHeix: '. \ \ \ '. : : : : I ^' ^^^^^^^ p*' «»« ^^^w^*-
^* I Tarleton — à Toulon.
IS Lutin — par un brig.
* L'astérisque indique un bâtiment pris à l'ennemi.
RÉCAPITULAnOIf.
juNOUis. • • Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in
férieurt
FRAifÇAis. . Vaisseaux
Frégates •
Bâtiments de rangs in*
lérieurs*
fris.
P
S
i
5
14
U
Détruits
ou
Inceadiéi.
ffOlU.
naufragés.
»
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11
7
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4
»
IS
BATAILLES. -1794. 3«3
ANNÉE 1794.
Une division sous les ordres du capitaine de vaisseau
Desgarceaux, composée des frégates Y Engageante de 86*
qu'il commandait, la Résolue de 36, capitaine Puillon Vil-
léon, la Pomone de 44, capitaine Pevrieu, et de la corvette
de 20* la Babet^ capitaine Belhomme, en croisière à Fou-
vert de la Manche, se trouva, le 25 avril, en présence de
5 frégates qui furent aperçues dans le O.-N.-O et qui la
chassèrent. A 5** 30°» de Taprès-midi, ces frégates hissèrent
le pavillon anglais et quelques-unes Tappuyèreilt d'une,
bordée entière; c'étaient la Flora de 42^, capitaine sir
John Borlase Warren qui commandait la division ; TAre-
THUSA de 44, capitaine sir Edvrard Pelew ; la Melampus
et la Concorde de 42, capitaines Thomas Wells et sir Ri-
chard Strachan, et la Nymphe de 44, capitaine George Mur-
ray. Après plusieurs virements de bord, les Anglais se
trouvèrent au vent dans Tordre ci-dessus et, vers 6*, ils
engagèrent le combat. L'Engageante était chef de file de
la division française, la Pomone suivait et la Babet fermait
la marche. Signal fut fait à la Résolue qui se tenait par la
hanche de dessous le vent de Y Engageante de rentrer dans
la ligne ; son capitaine n'exécuta pas cet ordre et se borna
à envoyer des boulets à la Flora, adversaire de VEnga-
géante^ lorsque sa position lui permettait de découvrir la
frégate ennemie, et à T Arethusa qui était la seconde dans
la ligne anglaise. D'après la disposition des combattants,
la Pomone était par le travers de la Melampus, la Babet prê-
tait le flanc à la Concorde -, la Nymphe n'avait pas d'adver-
saire. Les deux divisions couraient bâbord amures.au plus
près. Au moment où, un peu avant S"*, le commandant
Desgarceaux réitérait de vive voix au capitaine Villéon
l'ordre de se mettre en ligne, il eut la tête emportée par un
324 BATAILLES. —1794.
boulet. Le lieutenant de vaisseau Lemaître le renoplaça et
prévint le capitaine de la Résolue de cet événement : il
recutdeluirordre.de forcer de voiles et de gagner la
terre, manœuvre que fit de suite aussi le nouveau coni-
mandant de la division.
La Pomone imita la manœuvre de ses deux compagnes»
mais son infériorité de marche ne lui permit pas de les
suivre. Les frégates Melampus et Nymphe s'étaient jointes
à la Flora pour poursuivre les deux frégates françaises ;
I'Arethusa et la Gongordë s'attachèrent à la Pomone. La
première prit poste au vent, l'autre se plaça du bord op-
posé. A 8*" 30", la frégate française fut démâtée de son
mât d'artimon ; peu de temps après, sa vergue de misaine
fut coupée en deux et, à 9^ moins un quart, son grand mât
s'abattit. Les dégâts n'étaient pas moins grands dans la
batterie. Blessé dès le commencement du combat, le capi-
taine Pevrieu héla, à 9^ 30*", qu'il se rendait. Le petit mftt
de hune tombait en ce moment.
La Babet ne put lutter longtemps; restée de Tarrière
par suite de la chute de son petit mât de hune, elle fut
criblée et, la première, elle amena son pavillon.
Le capitaine de la Concorde avait abandonné la Pomone
à I'Arethusa, dès qu'il avait jugé sa coopération inutile,
pour se joindre à la chasse que les autres frégates don-
naient à Y Engageante et à la Résolue. Il les dépassa facile-
ment et, à 11** 30°", il était par le travers du vent de YEn-^
gageante. La Résolue lui tira quelques coups de canon et»
laissant sa compagne engagée, elle continua sa route et
parvint à faire perdre ses traces. Le combat se soutint
avec ardeur entre les deux frégates. A 1** 30"*, la Con-
corde laissa arriver pour passer sur l'arrière de la frégate
française : celle-ci neutralisa cette manœuvre en arrivant
aussi. La frégate anglaise revint alors au vent et reçut de l'a-
vant une bordée d'écharpe de son adversaire qui imita ce
mouvement. Le capitaine Strachan réussit enfin à passer
à tribord et continua le combat dans cette position. La
BATAILLES. - 1794. 325
chute des trois mâts de hune de Y Engageante^ le triste état
du reste de sa mâture et la masse d'eau qui entrait par de
nombreux trous de boulets ne le ralentirent pas. Cependant,
à 2"* 30"*, toutes les munitions se trouvant épuisées, il fal-
lut amener le pavillon si noblement défendu. Il fut salué
par la chute instantanée des bas mâts.
La Pomone portait 28 canons de 18
12 — de 8
et à caronades de 36.
La Résolue et l'Engageante
avaient chacune 26 canons de J 2
6 — de 6
et à caronades de 36.
La Babet était armée de 20 canons de 6.
L' Arethusa avait 28 canons de 18
2 — de 9
et lA caronades de 32.
La Flora — 26 canons de 18
10 — de 9
et 6 caronades de IS.
La Melampus — 26 canons de 18
2 — de 12
6 — de 9
et 8 caronades de 32.
La Concorde — 26 canons de 12
4 — de 6
et 12 caronades de 2&.
La Nymphe — 26 canons de 12
10 — de 6
et 8 caronades de 24.
Le gouvernement révolutionnaire faisait d'incroyables
efforts et déployait une activité extraordinaire pour don-
ner à la France une armée navale sur l'Océan. Il fallait
d'autant plus d'énergie pour relever la marine, qu'elle
3116 BATAILLES.— 1794.
venaît de faire des pertes immenses à Toulon. La trahk-
soD, en livrant ce port aux Anglais, avait causé la Ae%*
truction d'une partie des forces maritimes de la Répobli*
que. La Convention nationale ciiargea deux de ses roembrest
Jean Bon Saint-André et Prieur de la Marne» de surv^*'
1er les armements du port de Brest.
La famine pesait alors sur tous les départements ; la
misère du peuple était grande, ses souffrances excesssives.
Cet état de choses pouvait accroître les mécontentements.
Justement inquiète de cette situation calamiteuse, la
Convention nationale avait ordonné au citoyen Genêt, son
représentant aux États-Unis, de rassembler dans la baie
de la Chesapeak de l'État de Virginie, le plus grand nom-
bre de navires possible, et de les charger de farine. Le
contre-amiral Vanstabel, sorti de Brest le 24 décembre
1793 avec une division, devait les prendre sous son es-
corte. 4 autres vaisseaux, 2 frégates et une corvette avaient
accompagné le contre-amiral Vanstabel en dehors du golfe
et s'étaient ensuite établis en croisière dans le Sud de l'Ir-
lande. Dans la nuit du 31 décembre, cette dernière divi-
sion avait reçu un coup de vent qui l'avait forcée de ren-
trer.
Bien que la corvette le Brutus^ arrivée le 26 janvier aux
États-Unis, eût annoncé au chargé d'affaires de la France
^'apparition prochaine du contre-amiral Vanstabel, le con-
voi n'était pas encore prêt le 12 février lorsque, après une
traversée de quarante-sept jours, la division française
mouilla dans la Chesapeak. Ce fut le 11 avril seulement
que le conlre-amiral Vanstabel put mettre à la voile avec
un convoi de 130 navires, escorté par les vaisseaux le
Tigre et le Jean Bart^ les frégates la Sémillante^ Y Embus-
cade^ la Charente et YAstrée.
Le représentant Genêt avait annoncé à la Convention
nationale qu'il expédierait une partie du convoi sous l'es-
corte de la frégate YAslrêe et de la gabare la Normande
aussitôt que cela lui serait possible. On devait dèa lors
BATAILLES.— 1*794. Hl
présumer que ces navires seraient en route avant Taftlvée
du contre-amiral Vanstabel en Amérique^ et il était urgent
de protéger leur atterrage. Les vaisseaux le Sans^Pareil
de 86% YÀudadeuw, le Patriote^ le Téméraire et le Tfàjan
de 78 ; les frégates la Oalathéë et Y Unité et la eoftetté le
Maire Guitton sortirent de Brest, à cet effet, le 10 avril»
sous le commandement du contre-amiral Nielly, dont le pa-
villon flottait sur le Safis-Pareil Une division légère, com-
posée de la frégate YAtalante^ de la corvette la Lm)fenB et
du brig YÊpervier^ fut aussi envoyée à leur rencontre.
Cependant , ce convoi si impatiemment attendu ep
France, les Anglais le convoitaient, et des forces formida-
bles avaient été disposées sur. plusieurs points pour l'in-
tercepter. Le jour de son départ d'Amérique^ sa marche,
la force de son escorte « celle des vaisseaux envoyés à sa
rencontre^ tout était connu en Angleterre. La saison des
gros vents était passéCé Le convoi retardé, soit par la len-
teur, soit par l'incurie des agents de la République en
Amérique» soit par les entraves qu'il avait rencontrées,
ne pouvait plus arriver à Tépoque favorable à laquelle il
était attendu, et la division du contre^amiral Nielly deve-
nait insuffisante pour le défendre.
Le Comité de salut public comprit qu'il fallait à tout
prix assurer les subsistances du peuple, et il ordonna ftm
contre-amiral Villaret de sortir avec l'armée navale de
Brest. Le représentant Jean Bon Saint-André fut embar*
que sur le vaisseau amiral.
Voici comment, quelques jours auparavant» le 11 mai
1794, ce représentant dépeignait la situation de là marine
dans une lettre au Comité de salut public : a La loi du
« 26 brumaire a besoin de développements ; je l'ai senti,
« surtout au moment de la sortie de l'escadre où il importe
« de mettre de l'ensemble dans toutes les parties du sér^
c( vice et de prévenir les divisions qui ont trop souvent
« déshonoré la marine française. L'esprit d'isolement n'en
« est pas si entièrement banni qu'il ne faille encore le
328 BATAILLES. —1794.
n brider avec soin, et ilestmème d'autant plus dangereux,
« qu'il affecte de se reproduire sous la livrée de la liberté.
« Il ne serait plus temps de mettre un frein à l'amour--
« propre qui ne veut point reconnaître d'unité dans les
« mouvements, quand il aurait occasionné de grands mal-
« heurs. C'est ce qui m'a déterminé à faire sur-le-champ
a une loi qui, en principe rigoureux, ne peut être faite
« que par la Convention nationale ; mais le rapport du
« délit à la peine est ici d'une telle évidence, et les dispo-
« sitions de mon arrêté sont d'une nécessité si indispensa-
« ble, que je ne balance pas à croire qu'il sera approuvé
« par vous et que vous en demanderez sur-le-champ la
(( sanction à la Convention nationale. Il ne faut pas qu'au
(c moment d'une action, les généraux de la République
(( soient abandonnés comme l'ont été les Confians, les
« d'Estaing et tant d'autres. Le général vous répond sur
« sa tête de l'exécution de vos ordres, c'est la règle.
<( Mais sa responsabilité disparait, si la loi ne lui garantit
< pas l'obéissance des instruments que vous mettez dans
<( sa main (1). »
Le 16 mai, l'armée mit sous voiles composée comme il
suit :
GanoDS.
1S4 Montagne (2) capitaine Bazire.
Villaret Joyeuse, contre-amiral.
DelmottO; contre-amiral, major-généraK
I Terrible capitaine Leroy.
Bouvet François, contre-amiral.
Révolutionnaire (3). . . . capitaine Vandongeo.
Républicain (4) — Longer.
i Indomptable — Lamesle.
^® l Jacobin (5) — Gassin.
(1) L'arrêté dont il est question fut sanctionné par le Comité de saint publie
le 5 messidor (21 juin); et a eu force de loi, dans la marine^ jusqu'au 10 fé-
vrier 1843.
(2) Primitivement les États-de-Bourgogne, puis la Côte-d"Or,
(3) D'abord la Bretagne,
(4) L*ancien Royal-Louis,
(5) D'abord l'Auguste,
BATAILLES. 4794. 329
Juste (1) capitaine Blayet.
Scipion (2) — Huguet.
Achille — > LaYillesgris.
America, . — Lhéritier.
Convention (5) — Allary.
Entreprenant, , — Lefranck.
Eole • — Bertrand Keranguen.
Gasparin (4) — Tardy.
Jemmapes • . — Desmartis*
78 ( Impétueux — Douville.
Montagnard — Bompard.
Montblanc — Thevenard (Alexandre).
Mucius — Larréguy.
Neptune — Tiphaine.
Northumberland — Etienne.
Pelletier (5) — Berrade.
Tourville — Langlois.
Tyrannicide — Dordelin (Joseph).
Vengeur — Renaudin (Jean).
Frégates : Brutus (6), Insurgente^ Seine, Proserpine, Tamise, Gentille^
Précieuse, Bellone.
Corvettes et brigs : Surprise, Société Populaire, Diligente, Courrier^
Jean Bart, Mutine, Naïade, Furet,
L'instruction des équipages, à cette époque, était loin
de répondre à leur patriotisme ; une foule d'hommes al-
laient à la mer pour la première fois. De plus, les artilleurs
de la marine avaient été débarqués à la suite de l'insurrec-
tion de Quiberon, et avaient été remplacés par des soldats
de l'armée de terre qui appartenaient, soit à la première
réquisition, soit à la dernière levée opérée par la Conven-
tion. Aussi, le contre-amiral Villaret avait-il reçu Tordre
de transformer sa marche en un cours d'enseignement pra-
tique, qui devait profiter en même temps aux capitaines,
dont plusieurs naviguaient en escadre pour la première
fois.
Le 19, la corvette le Maire Guitton, qui avait été cap-
turée quatre jours auparavant par les Anglais, fut prise
(l) Les Deux- Frères,
(2Î Le Saint-Esprit,
(5) Le Sceptre, •
(4) V Apollon,
(5) Le Séduisant.
(6) L'ancien Diadème qui ÀTait été rasé.
»Mf BATAILLES. — 1794.
ainsi que le convoi qu'elle escortait ; la Mutine fut adjointe
à l'escorte. Ce même jour, Tannée navale fut ralliée par
le vaisseau le Patriote ^ capitaine Lucadou, séparé depuis
la nuit du 11 de la division du contre-amiral Nîelly. La
veille, ce vaisseau slvaitfait amener la frégate anglaisé de
40* Castor, capitaine Thomas Trowbridge.
Lorsque l'époque présumée du passage du convoi fut ar^
rivée, le commandant en chef se dirigea vers lô rendez-
vous assigné à toutes les divisions ; il y était le 21 mal. Trois
jours après, la frégate la Galathée^ de la division Nielly,
escortant quelques prises, fut rencontrée par l'armée na-
vale. Le contre-amiral Villaret garda cette frégate et la
remplaça par la corvette la Société Populaire et la frégate
hollandaise la Vigilante^ prise le 21 par la Proserpine. Le
28, à 8^ du matin^ l'armée de la République courant au
N.-N.-E. sur trois colonnes, l'armée anglaise fut aperçue
dans le N.-E. ^ le vent soufflait frais du S.-S.-O. A 9*^* le
contre-amiral Villaret signala l'ordre de bataille^ les amures
à bâbord. La force du vent et l'état de la mer rendirent
cette évolution difficile et, à midi^ la ligne n'était pas cbk
eore formée; le signal fut répété &2^ Enfin, à 2^ Ai"*!
voulant établir sa ligne, alors complètement en désordrei
le commandant en chef fit prendre les amures k triborâi
A 8^ 15", il vira de nouveau lof pour lof.
L'armée anglaise avait appareillé, le 2 mai, de la rade
de Sainte-Hélène avec un nombreux convoi pour les Indes*
L'amiral Howe, qui la commandait, s'était séparé du oon*
voi à la hauteur du cap Lizard, et avait chargé le contre*
amiral Montagu de l'escorter avec 6 vaisseaux et 2 frégates
Jusqu'au delà du golfe ; le capitaine Rainier devait alors le
conduire à sa destination avec un vaisseau et 5 frégates. La
division du contre-amiral Montagu avait ordre de rester
ensuite en croisière sur la route présumée des navires
français attendus d'Amérique. Lord HoWe, qui avait été
informé du point de croisière de l'armée française, avait
pris cette direction et, le 28 au matin, il en eut CQOpftis-
/:
BATAILLES. — 1794. 311
sance. La Bienne comptait 26 vaisseaux^ 7 frégates, un
brig, 2 cutters et 2 brûlots.
GanoBf.
QuEEN CHiRtoTTE eapîtaîno gir Roger Gartis^
lord Richard Howe, amiral.
110 { ROYAL SovERSicif. • . • * eapitàinë Hebri Nicbols^
Thomas GraTes> yiçe-amiral.
RôtAL GeOrCé capitaine William t)omett.
sir Aletadder Hood^ vioe'^tni^af.
lupREGNABLE Capitaine BlagdsQ Westcost*
Benjamin Caldwell, contre-àmiral.
BARFLBùit. ..««.• é . capitaine Gathberg CoUingweod»
108 \ George Bowyer^ contre^amiral*
QoEEN. . • • • • capitaine John Bull.
Alaii Gardfier^ eoBtre-aniifàU
Glort. capitaine Joho Ëlphinstooe.
I C/ESAR . • . • — Pye Molloy.
^ \ Gibraltar. « . « . é . • . ^ Tboiba^ MâckeAsift.
Belleropuon* • • , . ^ A . — William Hope.
t1i«mas Paslei^^ contre-amiràl.
Leviathan. . 4 . .^ . . » « oapitiiiD» lord Baghe^ Seymot^*
Russel , . . — Willet Payae.
Marleorougr — honorable Cfanfîdïà Berkeley,
Defekge. 4 é , , à i i ^ , «^ iatnéi Oamibier*
Tremendous. •••*•,. — James Pigatt.
Intingible — nonorable ThomSâ Pakenhatà.
CuLLODEN* . w • • . « « • é «^ Isaad llhomberg^
Brunswick « . • • — John HarTey.
Valiant — Thomas Pringîê.
Orion. 4 . « . • . ^ . ^ • ^ TfaoïBai Duckwortlic
Ramilies. • . . h . • • • • -* Henry Haryey.
Alfred. • — ^ohn Bazely.
MoNTAGir. ...•«..•« '^ James Montai*
Majestic — Charles Gutton.
Thdnderer. ........ *- Albemâfle Bôrtiê.
>AuDAGious« . • • • 4 . . • *^ Williaoi Parker.
Frégates : Phabton^ hm^vk, Nicbri &dYTHililfrToii> Vairvs» Aûm&nr, IPCBftSw.
Erig : Kingsfisher.
Cutters : Rattler, Ranger.
L'armée anglaise qui courait ati S<*E. prit les amures à
bâbord lorsque; à 2^ Ad"", celle dei» FranÇ£^i& se ferma
tribord amures.
On a prétendu que le contre-amiral Villaret Joyeuse ,
cédant àTinfluence du représentant Jean Bon Saint-André,
offrit immédiatement la bataille. Les documents officiels dé-
mentent cette assertion. L'armée anglaise se trouvait sur
le passage du convoi d'Amérique ; çn livr^^Dt b^t^Ul^ en
28
332 BATAILLES.— 1794.
cet endroit, on aurait commis la faute de la forcer d'y sé-
journer. Or le commandant en] chef et le représentant du
peuple n'eurent garde de se laisser aller à une semblable
erreur. Ils manœuvrèrent pour attirer les Anglais dans une
autre direction. Le but de cette tactique ressort évidem-
ment du rapport que Jean Bon Saint-André adressa, le
13 juin, au Comité de salut public. « Le salut du convoi
n étant l'objet de notre mission, disait-il, nous jugeâmes
(( que, dans notre position, ce que nous avions de mieux à
(c faire, était d'éloigner l'ennemi de la route qu'il devait
« suivre. Nous calculâmes qu'en prenant la bordée du
<( large, le convoi passerait à environ vingt-cinq lieues
(( dans le Sud des deux armées. La justesse de cette
« combinaison a été prouvée par l'événement. » On peut
même se demander si le commandant en chef laissa arriver
pour se rapprocher de l'armée ennemie. Le procès-verbal
rédigé par les officiers du Vengeur le dit positivement. Un
historien anglais (1) tient le même langage. Cependant
Jean Bon Saint-André , qui suit si exactement le mouve-
ment des deux armées dans son Journal sommaire, Jean
Bon Saint-André ne parle pas de cette manœuvre. « Nous
« courions vent arrière dans l'espoir de rencontrer au Nord
« la division du contre-amiral Nielly, dit le représentant
« du peuple, lorsque les frégates de l'avant signalèrent
« une flotte. Nous reconnûmes bientôt que c'était l'armée
« anglaise, forte de 36 voiles, courant au plus près du
c vent, les amures à tribord. Aussitôt qu'elle nous eut
« aperçus, elle manœuvra pour se former en ligne de ba-
« taille. L'armée française se forma également dans l'ordre
(( renversé, les amures à bâbord. » Enfin, le contre-amiral
Villaret dit dans son rapport : « Mon premier soin, après
« avoir reconnu la force de l'armée anglaise, fut de former
(( l'ordre de bataille sur la ligne du plus près, bâbord
(1) William James, The naval history of Great Britain.
BATAILLES.— 1794. 333
'( amures. » Les journaux de bord de T armée, parfaitement
d'accord avec les assertions du représentant et du comman-
dant en chef, démentent d'ailleurs la version accréditée et
le rapport du capitaine du Vengeur, Ces journaux consta-
tent que l'armée française courait au N.-N.-E. sur trois
colonnes, avec des vents deSud, lorsque l'armée ennemie fut
aperçue dans le Nord. Ce n'est donc pas lorsqu'elle fut si-
gnalée que les Français laissèrent arriver. Loin de là, les
mêmes journaux s'accordent à dire que le commandant en
chef ordonna presque aussitôt de se former en bataille
bâbord amures et que l'armée courut vers l'Ouest. Il est
vrai que, dans l'après-midi, elle vira de bord , mais pour
prendre le plus près, ce qui la fit gouverner au S.-E. ou à
l'E.-S.-E. Elle suivit cette route toute la nuit. Il semble
donc bien avéré que le contre-amiral Villaret ne manœu-
vra pas pour offrir immédiatement le combat.
Le vent avait beaucoup augmenté et la mer était devenue
fort grosse. L'amiral Howe forma une division légère de
5 vaisseaux dont il donna le commandement au contre-
amiral Pasley avec ordre d'attaquer F arrière-garde fran-
çaise; il signala ensuite une chasse générale. Vers Z^ 30™,
il fit rallier ses vaisseaux, laissant la division légère seule
continuer la chasse. A 4**, le Révolutionnaire reçut l'ordre
de prendre la queue de la ligne qui s'étendait beaucoup ;
les vaisseaux de tête diminuèrent de voiles^ les deux ar-
mées étaient alors bâbord amures. A 6**, le Bëllerophon
était assez près du Révolutionnaire pour engager le com-
bat; cinq quarts d'heure après, il était obligé de se retirer
du feu; mais le Russel, le Marlborough et le Thunderer
étaient alors en position de continuer le tombai avec le
vaisseau français ; placé au vent, celui-ci ne pouvait se ser-
vir de sa batterie basse. Le Révolutionnaire eut sa vergue
de misaine et celle du grand hunier coupées. A 7^ 30", le
commandant en chef ayant fait signal de forcer de voiles,
ce vaisseau resta de l'arrière et il tomba sous. le vent; le
Leviathan et I'Audacious se joignirent aux vaisseaux qui le
334 BATÂILLE&*--4794.
combattaient déjà. A 0^ 80", le capitaine Vandongen fut
tué et remplacé par le troisième lieutenant Renaudeau;
le premier lieutenant avait reçu une blessure grave; le
deuxième avait été tué. Accablé par le nombre, le Révo^
lutUmnaire allait probablement succomber, si l'amiral Howe
n'eût' fait, à ce moment, le signal de ralliement. Le lieu*
tenant Renaudeau, blessé dès qu'il parut sur le pont, avidt
remis le commandement au lieutenant Dorré. Cet officier
fit gouverner de suite à r£.-N.-£.; le feu avait entièire'-
ment cessé à 10\ Le Révolutionnaire démâta de son m&t
de misaine et de son grand mât pendant la nuit. Le Jour
suivant, il rencontra Y Audacieux et la frégate Y Unité de U
division du contre-amiral Nielly ; le vaisseau le prit à la
remorque et ils mouillèrent, le 8 juin, sur la rade de rtls
d'Aix. Le vaisseau anglais Auoagious, qui avait été fort
maltraité , fit route pour Plymouth. Rencontré par la fré-
gate de 36* la Bellone^ il fut canonné pendant une demi-
heure et put ensuite continuer sa route.
Les deux armées coururent tribord amures toute la nuit.
Le S9 au matin, elles étaient distantes d'environ 6 milles,
celle de la République toujours au vent qui était encore
très-frais du S.-S.-O. L'armée anglaise ayant viré à 7* 80»,
son avant-garde fut canonnée par T arrière-garde française,
mais à une distance telle, qu'elle ne riposta pas. A 8^,
l'armée française prit aussi les amures à bâbord par un
virement successif et vent arrière et, à 9** 15", le com-
mandant en chef signala à Tavant-garde de serrer l'en-
nemi au feu. Le Montagnard^ qui tenait la tête de la ligne,
laissa arriver ainsi que les vaisseaux qui le suivaient et,
trois quarts d'heure après, il commença le feu. Le combat
devint bientôt très-vif sur ce point. Mais pendant que cha-
cun des vaisseaux de cette avant-garde combattait deux
et jusqu'à trois vaisseaux ennemis, le commandant en chef
maintenait le reste de son armée fort loin au vent, sans
paraître trop s'inquiéter du résultat de cette lutte inégale.
Vers midi cependant, le Montagnard demanda à être retiré
BATAILLES. -^1794. 835
du feu. L'amiral anglais» qui ne semble pas avoir tiré tout
le parti possible du mode d'attaque des Français, fit, ep
ce moment, signal de virer de bord. Ce signal né futSBii(9^
doute pas aperçu, car peu de vaisseaux virèrent de suite ;
il est vrai que plusieurs avaient éprouvé des avaries assez
graves pour n'exécuter cette manœuvre qu'avec dif&culté.
Quoi qu'il en soit, la ligne anglaise se trouva dès lorscoiq*
pléiement déformée. Le contre-amiral Villaret jugea le
moment favorable pour faire donner le corps de bataille
ainsi quel' arrière-garde et laissa arriver de manière à croispr
la route des Anglais. Ainsi, pendant que Tavant-garde gou-
vernait au O.-N.-O., au plus près du vent, et l'armée aif*
glaise à l'E.-S.-Ë. , à peu près sans ordre, les deux der-
nières escadres de l'armée française prenaient une directi^
qui devait être le Nord ou leN.-N.-O., couraqt obliquement
sur l'ennemi. Il s'ensuivit une vigoureuse canonnade à con-
tre-bord. Bientôt, l'avant-gardefrançaise se trouva seule sur
le champ de bataille où elle avait combattu, puisque l'en-
nemi suivait une route diamétralement opposée à la sienne ;
elle ne reçut cependant qu'à 2^ 80"^ l'ordre de virer pour
se rapprocher du reste de l'armée et le signal lui enjoi-
gnait de le faire vent devant par 1^ contre*marche. L'exé*
cution de cet ordre n'était pas possible. Le Montagnard
demandait une remorque et les autres vaisseaux de l'avant*
garde avaient leur grément et leurs voiles trop endomma*
gés pour réussir à virer vent devant. Les deux armées
courant Tune sur l'autre, se rencontrèrent promptement,
et aucune des deux ne se dérangeant de sa route, les vais-
seaux se mêlèrent. Le vaisseau amiral anglais Queen Chab-
LOTTE passa derrière YÊole, sixième vaisseau de queue,
prit les mêmes amures que lui et le combattit au vent. Le
Bellerophon s'adressa au Terrible qui avait démâté de son
petit mât de hune et sur l'avant duquel il avait passé ; ce
vaisseau, pàrsuite de la position sous le vent du Jyrannictdtf
et de r indomptable, était de fait le serre-iile de la ligqe.
Donnant dans le même créneau, le Levutuàbt prit poste au
336 BATAILLES.— 1794.
vent des deux vaisseaux souventés. L'Orion et le Barfjjsur
passèrent entre le Tyrannicide et Y Indomptable et portèrent
principalement leurs coups sur le dernier, a Mais, dit le
contre-amiral Villaret dans son rapport, les Anglais trou-
vèrent une résistance qui doit immortaliser Dordelin et La-
mesle. » Dès que le commandant en chef s'aperçut de la
position fâcheuse de son arrière-garde, il signala de virer
vent devant par la contre-marche pour aller la dégager.
Il était i}". Les vaisseaux tardant à répondre à ce signal
qui demandait une exécution immédiate, le contre-amiral
Villaret prit l'initiative à â"" 45" et, ordonnant de se placer
par rang de vitesse, il se mit à la tête de la colonne. Tous
virèrent plus ou moins tard, à l'exception du Montagnard
qui continua vers l'Ouest. L'amiral anglais n'attendit pas
leur arrivée ; il rallia ses vaisseaux. Les deux armées se
canonnèrent encore quelque temps et le feu cessa en-
tièrement à 5^. Les Français qui avaient perdu l'avantage
du vent reprirent les amures à bâbord et chacun travailla
à réparer ses avaries. V Indomptable en avait de consi-
dérables dans toutes ses parties. Le Tyrannicide et loi
n'avaient plus que leurs bas mâts. Le Brutus prit T/fi-
domptable à la remorque et le conduisit à Brest ; le ilfonl-
blanc les escorta. Du côté des Anglais, les vaisseaux Queer,
Royal George, Soyereign et Invincible avaient le plus
souffert.
Le Montagnard avait eu tout d'abord sa vergue de petit
hunier coupée. A 1^, le vaisseau qu'il combattait se retira
et le laissa réparer le désordre de son grément qui était
haché. Lorsque, plus tard, le commandant en chef ordonna
de virer, le capitaine Bompard signala ne pouvoir le faire
et demanda une remorque. La mâture du Montagnard était
tellement transpercée par les boulets, qu'il n'osa changer
d'amures dans la crainte de la voir s'abattre; il travailla
à l'assujettir et vira à à^. La frégate la Seine^ qui s'était ap-
prochée de lui lorsqu'il avait signalé des avaries, le prit à
la remorque. Une brume très-épaisse ne permettait plus
BATAILLES. — 1794. 337
d'apercevoir Farinée (1) ; quelques vaisseaux se voyaient
dans le lointain, mais il était impossible de distinguer à
laquelle des deux nations ils appartenaient. Le capitaine
Bompard envoya la Seine les reconnaître; le capitaine
Cornic (Yves), de retour à 2^ du matin, déclara que cela
ne lui avait pas été possible. La brume continua toute la
journée; au jour, il n'y avait plus un seul bâtiment en
vue. Le capitaine Bompard gagna alors le rendez-vous
indiqué dans ses instructions et il y rencontra le contre-
amiral Vanstabel qui lui donna l'ordre de le suivre.
La plupart des historiens qui ont rapporté le combat
naval du 29 mai (9 prairial) ont attribué à Tinexpérience
et au manque de connaissances tactiques de quelques capi-
taines la non-exécution du signal de virer de bord fait par
le commandant en chef. Si Ton tient compte de la manière
dont se faisaient les promotions à cette époque, et qu'on
jette les yeux sur les états de services des officiers auxquels
était confié le commandement des vaisseaux de la princi-
pale armée navale de la République, nul doute qu'on ne
soit autorisé à penser que, dans cette occasion, plusieurs
durent n'être pas à la hauteur de la position que les circon-
stances leur avaient faite. Il serait injuste, toutefois, de
ne pas admettre que des signaux non répétés, ou au moins
répétés d'une manière imparfaite, purent nç pas être
aperçus. Cela ayant eu lieu dans l'armée anglaise, cette
hypothèse n'est pas inadmissible en faveur des capitaines
français.
Toujours observé par les Anglais, le contre-amiral Vil-
laret continua de courir au N.-O. Le 30, le convoi d'Amé-
rique passa sur le lieu même du combat. Ce jour-là, le
contre-amiral Nielly rallia avec le Sans-Pareil^ capitaine
Courand, le Trajan^ capitaine Dumou*ier, et le Téméraire^
capitaine Morel (Henry). Le vaisseau de 78° le Trente-et-un-
(1) Aucon autre rapport que celai da Montagnard oe fait mention de ce
brouillard le jour même da combat.
II. «2
3S8 BATAILLES.— 4794.
Mai (1), capitaine Ganteaume (Honoré) se joigidt égale»
ment à l'armée, ce qui la porta à 20 vaisseaux. L'amiral
Howe pouvait en mettre 35 en ligne.
Une brume très-épaisse enveloppa les deuiE armées pen*-
dant trente-six heures et, durant ce temps, elles ne 8'a«
perçurent qu'à de rares intervalles; le ciel ne redevint
clair que le 1*' juin (18 prairial). L'armée anglaise avait
conservé le vent qui soufflait du Sud au S.*S.-^E. et, ainsi
que celle de la République, elle courait bâbord amu«
res. Le contre-amiral Nielly porta son pavillon sur le
Républicain^ et plusieurs changements furent prescrits dans
l'ordre de bataille qui fut établi comme il suit : Convention.
Gasparin, America^ Téméraire, Terrible^ Impétueux^ Jlfu-
cius^ÊoUf Iburville, Trajan^ Tyrannicide, Juste, Montagne^
Jacobin, Achille, Vengeur, Northumberlani, Patriote, En*
treprenant, Neptune, Jemmapes, Trente-et-un-Mai, J3éptf«
blicain, Sans-Pareil, Scipion, Pelletier, L'amiral Howe
intervertit aussi l'ordre de ses vaisseaux et les rangea
ainsi : C^sar, Bellerophon, Leviâthan, Russel, Royal
SovEREiGN, Mârlborough, Defenge, Impregnarle, Treush-
nous, Barfleur, Invincible, Gulloden, Gibraltar, Qukbv
Charlotte, Brunswick, Valiant, Orion, Qdeen, Ramilics,
Alfred, Montagu, Royal Georges, Majestic, Glort,
Thunderer- Après quelques manœuvres préparatoires,
l'armée anglaise laissa porter tout à la fois, à 8** du matiiit
sur celle de la République, alors en panne, et chaque vais-
seau ennemi se dirigea sur celui qui lui correspondait dans
la ligne française. L'amiral Howe avait signalé qu'il se por-
tait sur le centre avec l'intention de couper la ligne ; mais
il laissait chaque capitaine libre d'attaquer, comme il l'en-
tendrait, le vaisseau français qui lui correspondait. Tons
étaient sous les huniers. A 8** 45™, — 9*» 24*" suivantla relation
anglaise, — les vaisseaux de tète de l'armée française ouvri-
rent le feu, à grande distance ; les Anglais ne ripostèrent
(1) L'ancien Orion.
BATAILLES. —1794. 339
qu'un quart d'heure plus tard. L'obliquité de la ligne en-
nemie ne permit pas que l'attaque fût instantanée. La plu*
part des vaisseaux anglais restèrent au yent ; quelque»-unft
cependant traversèrent la ligne, et œs derniers dirigèrent
de préférence leurs coups sur ceux des vaisseaux français
qui étaient déjà attaqués de l'autre bord. Une fumée épaisM
enveloppa bientôt les combattants et jeta dans leurs rangs
la confusion la plus grande. Français et Anglais étaient
confondus et, pendant près de deux heures, chacun fut
libre de ses mouvements. L'effrayante canonnade qui avflût
ainsi voilé la lumière se ralentit naturellement beaucoup» ou
du moins elle ne fut plus Concentrée sur un espace aussi
restreint qu'au commencement de la bataille* La fumée ss
dissipapeu à peu, et l'on put enfin se reconnaître. Il pouvait
alors être 10^ du matin. Quelle ne dut pas être la surprisa
du commandant en chef lorsque, à cette heure, le nuage de
fumée qui enveloppait la Montagne venant à se dissiper, il
se vit seul, sans aucun des vaisseaux de son armée devant
ni derrière lui, à l'exception du Terrible démâté de son
grand mât et de son mât d'artimon (1). Bientôt cependant
il en aperçut quelques-uns sous le vent, à 6 milles enyinm,
et il leur fit signal de virer vent devant. Ce signal né fut
probablement pas aperçu ; toujours «st-il qu'il ne fut pas
exécuté. Le vaisseau amiral ne pouvait pourtant pas reste!*
isolé. Persuadé que l'armée entière était souventée et qild#
seul, le vaisseau la Montagne s'était maintenu à son postOt
à midi, le commandant en chef donna à son capitaine de
pavillon Tordre de laisser arriver sur le» vaisseaux si-
gnalés. Il ne lui vint pas à l'idée que d'autres vaisseaui
pussent être au vent du sien ou, du moins, il estima qoe^
(1) Ce sont les propres expressions du commaBdaat ei tM; elpoortatt m
plan dressé par le major général de l'armée, aussitôt que la fumée fut dissipée»
place le Téméraire et le Terrible devant la Montagne ; l'Entreprenant, te
Neptune et le Scipion, dans ses eaux; to Trer^et-un-Mai «t \% Stéputiicaà»
nn peu au vent et de l'arrière. Ce plaa constate au3si une grande exagératioa
dans l'appréciation des distances.
340 BATAILLES. — 1794.
s'il y en avait, il leur serait toujours facile de le rallier
sous le vent. Cette appréciation de la situation, quelle que
fût sa valeur, eut le résultat le plus funeste. L'armée n'é-
tait pas en entier sous le vent de la Montagne; 10 vaisseaux
étaient au vent et, chose assez étrange mais qu'il n'étaitguère
possible de prévoir, ces vaisseaux étaient précisément ceux
qui avaient le plus souffert. Ils ne tardèrent pas à être si-
gnalés; tous étaient plus ou moins désemparés, plus ou
moins incapables de se mouvoir. Quelques-uns avaient
une voile, la civadière. Ceux qui n'avaient même plus cette
ressource, incapables de faire tourner leur avant dans la
direction du vaisseau amiral, étaient comme cloués à leur
place. Plusieurs combattaient encore. Le commandant en
chef comprit qu'il ne pourrait se porter trop promptement
au secours de ces vaisseaux, et il ordonna de suite à ceux qui
l'entouraient de virer de bord. Cet ordre ne fut exécuté que
partiellement ; quelques capitaines prétendirent ne l'avoir
pas vu, d'autres, n'avoir pu y donner suite à cause de l'état
de leur propre vaisseau. Ce mouvement procura à plusieurs
vaisseaux des deux armées l'occasion d'échanger quelques
bordées et il eut pour résultat de dégager le Rèptiblicain^
le Mucius^ le Scipionet le Jemmapes, Mais ces à vaisseaux
bénéficièrent seuls de la manœuvre de leur armée ; les
ô autres, plus maltraités qu'eux, étaient plus au vent,
pêle-mêle avec les Anglais, et ne purent être atteints à la
bordée. Le commandant en chef se borna à donner l'ordre
aux frégates et aux corvettes d'aller les dégager en les
prenant à la remorque : les unes et les autres répondirent
qu'il n'y avait pas un seul Français dans le groupe des vais-
seaux démâtés. Le fait est qu'il n'y avait pas un seul pavil-
lon tricolore arboré ; mais cela n'était pas im preuve, et nul
n'aurait contesté aux frégates et aux corvettes, autrement
qu'avec le canon, le droit de délivrer, de reprendre un
vaisseau français amené, les couleurs de la Grande-Breta-
gne eussent-elles flotté à sa poupe. Le commandant en
chef n'insista pas. Seulement, peu confiant dans le rapport
BATAILLES. — 1794. 341
qui lui avait été fait, et voulant donner aux vaisseaux qui
manquaient le temps de rallier, il mit en panne et y resta
jusqu'à S"" du soir sans être aucunement inquiété par l'en-
nemi. Aucun vaisseau français n'ayant paru, il fit alors
route au N.-O. avec 19 vaisseaux et en abandonna 6 sur
lesquels 3 seulement avaient été amarinés.
Cet exposé succinct ne pouvant donner qu'une idée in-
complète de! cette bataille, je vais suivre isolément la ma-
nœuvre de chacun des vaisseaux. Ce travail présente quel-
ques difficultés, parce que M. James (1), auquel j'ai parfois
recours pour les détails et, d'après lui probablement, quel-
ques historiens français ont donné à l'armée française un
ordre de bataille erroné. Il en résulte que l'historien de la
marine de la Grande-Bretagne cite souvent à tort tel vais-
seau français comme ayant été l'adversaire d'un vaisseau
anglais. Sans trop oser me flatter de n'avoir pas commis
quelques erreurs, j'ai l'espoir d'être aussi près que possi-
ble de la vérité. Mais avant d'entrer dans ces détails, je
vais essayer d'expliquer comment l'armée de la Répu-
blique se trouva morcelée dès le commencement de la
bataille.
Pour qui connaît les difficultés de l'ordre de marche sur
une ligne de relèvement, il est évident que tous les vais-
seaux anglais ne durent pas se trouver, en même temps,
en position d'engager le combat. Dans le nombre de ceux
qui coupèrent la ligne, quelques-uns combattirent le vais-
seau français sur l'arrière duquel ils avaient passé, tandis
que d'autres doublèrent ce vaisseau et en attaquèrent un
autre que celui qui correspondait à leur numéro d' ordre -
Quelques-uns des vaisseaux de la République restèrent
ainsi sans adversaire direct et se trouvèrent bientôt dans
Tobligation de faire une arrivée pour ne pas tomber sur
leur chef de file dont les avaries retardaient incessamment
la marche. La ligne dut donc se trouver tout d'abord rom-
— ^^i— »— ^-^i^— — — ^»— I — »i————^— j»^—»——— ^^-^——i»——»»i— ^— ««—«—— »^—^———— ~^
(1) The naval history of Great liritain.
348 BATAILLES.*- 1794.
pue, brisée dans toute sou étendue et, au milieu de la
eonfuaion toujours croissante qu'occasionnait l'épaisse fu«>
mée qui enveloppait les deux armées, chacun chercha un
chef de file, un guide qui pût lui indiquer les mouvements
de la tête de la colonne. On peut admettre que les vais-
seaux qui avaient passé sous le vent de la ligne se suivi*
rent, sans trop savoir où ils allaient, sans s'inquiéter qui
les dirigeait et sans se préoccuper davantage de la canon-
nade qui grondait toujours non loin d'eux, mais en se nu-
lentissant cependant. On peut donc supposer que si quel-
ques capitaines s'éloignèrent sciemment du théâtre du
combat, d'autres prirent, de bonne foi, une direction qu'Us
croyaient suivie par l'armée entière. Les vaisseaux qui
couraient ainsi n'ayant pris qu'une part très-secondaire à
la bataille durent s^éloigner promptement de leurs compa*
gnons, dégréés déjà, et tenant le plus près du vent. On ne
saurait expliquer autrement la présence sous le vent des
vaisseaux appartenant aux trois escadres de l'armée ft'an*
çaise, et non à l' avant-garde seulement, ainsi que l'écrivit
le représentant Jean Bon Saint-André, et que d'autres
l'ont répété après lui. L'inspection du plan qui fut dressé
à 10*" du matin par le major général de l'armée et la liste
des vaisseaux qui furent pris ou délivrés établit suflSsam«
ment cette vérité, qu'on se battit sur toutes les parties de
la ligne et que quelques vaisseaux isolés , ne comprenant
pas bien leur rôle], laissèrent seuls arriver sans y être
forcés,
Le CiESAR, chef de file de l'armée ennemie, commença
le feu à 8^ 45"". Il s'était placé par la hanche du vent de la
Convention qu'il combattit, à portée de pistolet, sans grand
effet; en manœuvrant pour prendre ce poste, le vaisseau
anglais avait été canonné par le Gasparin que le Bellebo*
PHON combattait au vent et à grande distance. Ce dernier
vaisseau, démâté de ses mâts de hune, fut retiré du feu
par la frégate Latona. Le contre-amiral Pasley avait reçu
une blessure assez grave pour être obligé de quilier le
BATAILLES.— 1794. 943
ponu Qusmt au Yaisseau la Convention^ enveloppé bientôt
dans un nuage de fumée qui lui fit perdre l^armée de Tae«
il vira vent arrière, passa sous le vent du LbvuxbjlH, lui
envoya sa bordée et prit le plus près sur l'autre bord*
A 3^ il rallia le commandant en chef» Le Gasparin imita en
tous points sa manœuvre»
Au moment où les deux vaisseaux de téta ouvraient le
feu, VAmerica était attaqué par le Levi4than. Celuinci,
après une heure d'engagement, le démâta de son mftt de
misaine qui tomba sur tribord* Entraîné sous le vent,
Y America reçut pendant quelques instants Tappui du Goi-
parin et de la Convention dont les capitaines ne jugèrent
pas toutefois devoir s'arrêter* Le capitaine Lbéritier dut
donc continuer. un combat désavantageux auquel prirent
plus ou moins part les vaisseaux ennemis qui aUlonnaient
la ligne, et il ne lui fut pas possible d'imiter la manœuvre
de la Montagne, A 2^, son grand mât tomba sur l'arriôre
et entraîna le mât d'artimon dans sa chute, VAmertea fut
abandonné dans cet état ; le capitaine du Pelletier çii passa
près de lui, refusa de le prendre à la remorque* Lê'véïnt
laissé à Y America ne fut pas de longue durée. Attaqué de
nouveau sans pouvoir riposter, dans la crainte de mettre
le feu aux voiles qui pendaient le long des murailles, le
capitaine Lhéritier fit amener le paviUoni VAmerica fut
amariné par le RussEt. Plus tard« le capitaine du RoTiX
SovEREiGN, ignorant ce qui s'était passé, lança quelques
boulets au vaisseau français dont le paiillon était œpen^
dant déjà amené; et se prévalant des quelques coups de
canon qu'il avait tirés, il envoya amariner une seconde foia
Y America et renvoya l'équipage que le capitaine du RuMm
avait placé sur ce vaisseau. Le Letutoan n'avait pas dV
varie grave.
Le Téméraire fut attaqué par le Russbl; k 10^^ le vaii-*
seau anglais perdit ^son petit mât de hunt* L'ordre d'ar-
river, donné alors par le commandant en cbeft fit cesser
le combat Le Rdssbl imita la maïuwwe do Timire^.
344 BATAILLES.— 1794.
mais n'ayant pu le suivre, il s'attacha à d'autres adver-
saires.
Le Terrible se trouva opposé au Royal Sovereign» trois
ponts comme lui, et portant aussi le pavillon d'officier gé->
néral. Le combat commença à grande distance. On eût dit
que c'était en hésitant que le vaisseau anglais venait pré-
senter un défi à son redoutable adversaire ; mais bientôt,
impatients de se mesurer de plus près, les deux capitaines
se rapprochèrent. A 10\ le Terrible fut démâté de son
grand mât et du mât d'artimon, et arriva vent arrière. Le
Royal Sovereign le suivit, car son capitaine ne pouvait
abandonner une entreprise qui ne semblait pas devoir pré-
senter désormais de grandes difficultés; il y renonça ce-
pendant bientôt pour s'attacher à la Montagne^ qu'il ne
combattit du reste que fort peu de temps. La frégate la
Galathée prit alors le Terrible à la remorque et imita la
manœuvre de la Montagne^ lorsque ce vaisseau se rappro-
cha de ceux qui avaient été aperçus sous le vent. A 6**, le
Pelletier remplaça la Galathée. Le contre-amiral Graves
avait été grièvement blessé dès le commencement de l'ac-
tion.
V Impétueux fut combattu à tribord par le Marlborough
qui avait traversé la ligne derrière lui et s'était placé par
son travers. A lO*' 15™, le feu prit à son petit hunier; la
chute du mât de hune dans la mer fit heureusement cesser
les craintes occasionnées par cet événement ; le capitaine
Douville, dangereusement blessé, venait de remettre le
commandement au lieutenant Lacoste. Ce dernier eut
presque aussitôt la mâchoire fracassée et fut remplacé par
le lieutenant de vaisseau Teillard. Cet officier avait à peine
pris son nouveau poste, que le mât de misaine s'abattit en
arrière sur le pont à tribord. Privé des voiles de l'avant,
Y Impétueux ne gouverna plus et il tomba en grand sur son
adversaire. Le Mucius qui suivait Y Impétueux^ arrêté dans
sa marche par ces deux vaisseaux qu'il n'eut pas le temps
d'éviter, aborda le Marlborough par la hanche de tribord
BATAILLES. — 1794. 345
et lui abattit son mât d'artimon (1) , mais il démâta en
même temps de tous ses mâts. Le Marlborough fut dégagé
par la frégate Aquilon. Vers l"" 15"*, le lieutenant Teillard
aperçut Tarmée à 4 milles sous le vent. On Ta déjà dit,
Y Impétueux n'avait plus de voiles de l'avant ; son gouver-
nail était brisé ; il fallut renoncer à se diriger de ce côté.
Le Gasparin et la Convention passèrent auprès de lui, et
bien que ces vaisseaux n'eussent pas d'avaries apparentes,
ils continuèrent leur route sans lui donner aucun secours;
leurs capitaines alléguèrent l'obligation d'exécuter le signal
de ralliement fait par la Montagne. Enveloppé par plusieurs
vaisseaux ennemis et coulant bas d'eau V Impétueux amena
son pavillon à Z^ 30" et fut amariné par le Rdssel (2).
Le Defence coupa la ligne sur l'arrière du Muciusj le
combattit par le travers et perdit de suite son grand mât
et son mât d'artimon. Malheureusement, dans ce moment,
le Mucius abordait le Marlborough, et le capitaine Lar-
réguy dut abandonner son adversaire à YÊole: Rasé lui-
même comme un ponton par suite de cet abordage, le
Mucius se trouva seul lorsque le vaisseau anglais eut été
retiré du feu. Attaqué plus tard par le Russel, le capitaine
Larréguy fit amener le pavillon.
VËole, sur l'avant duquel le Defence avait coupé la
ligne, malgré la vive canonnade qu'il avait dirigée sur le
vaisseau anglais pendant que celui-ci lui présentait l'a-
vant, YÊole remplaçant le Mucius ne put empêcher la fré-
gate PiïAETON de dégager ce vaisseau. Le capitaine Ber-
trand Keranguen reçut, dès le commencement delà bataille,
uneblessure dont il mourut quatre jours après et, à 11**, il fut
remplacé par le lieutenant Benoist. VÊole laissa alors ar-
river, et après avoir canonné le Leviathan en passant, il
(1) C'est probablemeDt par erreur que M. James, rhistorien de la marine an-
glaise, dit que l'abordage eut lieu par Tavant. Il est difficile de concevoir qu'en
passant sous le vent, un vaisseau aborde par l'avant un bâtiment placé devant
lui dans la ligne.
(2) Ce vaisseau brûla le 29 août, dans le port de Porstmouth.
346 BATAILLES.— 1794.
rallia les vaisseaux souventés dont il devint le chef de file.
Plus tard» il exécuta Tordre de virer donné par le com-
mandant en chef qu'il venait d'apercevoir sous le veot*
Le Tourville^ le Trajan et le Tyrannicide furent peu vi-
goureusement attaqués et ne combattirent qu'accidenteU
lement. S' attachant à suivre chacun son chef de file, leurs
capitaines allèrent former sous le vent ce groupe vers lequel
le commandant en chef se dirigea plus tard. Le Trajan
avait le Tyrannicide à la remorque depuis le 20 juin.
Après avoir combattu la Montagne et le Jacobin^ le
vaisseau anglais du commandant en chef Quken Ghar«*
LOTTE, qui avait perdu ses deux mâts et vergues de hune,
se porta par le travers de dessous le vent du Juste^ attaqué
déjà à bâbord par I'Inyingible et à tribord parle Gibraltar.
Dès le commencement de l'action, le capitaine Blavet re«
çut une blessure qui le força de quitter le pont à 10**; il
remit le commandement au lieutenant de vaisseau Gam-*
bernon. Dans cette lutte inégale, le Juste fut entièrement
démâté ; son grand mât et son mât d'artimon furent abat-
tus sur la dunette ; le mât de misaine tomba sur le pont i
bâbord. La batterie des gaillards se trouva ainsi engagés
dans toute sa longueur ; la deuxième batterie était déjà pres«
que complètement désemparée. Les adversaires du vaisseau
français n'étaient du reste guère en meilleur état; le vaisseau
amiral avait perdu son dernier mât de hune ; le Gibraltar
était rasé de tous ses mâts. Le Juste se dégagea à l'aide
de sa civadière et d'un foc hissé sur un bout-dehors et, en
passant derrière le vaisseau de l'amiral anglais, il lui en-
voya, comme adieux, une bordée entière en poupe. Le ca-
pitaine Blavet était remonté sur le pont après un premier
pansement, mais il se vit dans la nécessité de descendre
de nouveau dans sa chambre. A 4** 30", entouré par plu-
sieurs vaisseaux ennemis, le Juste amena son pavillon et
fut amariné.
Il était 9^ 30"" lorsque le Quebn Gharlottb qui, depuii
quelque temps déjà, était le point de mire des canons dé
BATAILLES.— 1794. 347
tous les vaisseaux du centre, coupa la ligne derrière la
Montagne en lui envoyant une désastreuse bordée d'enfi-
lade. La manœuvre de ce vaisseau était parfaitement in-
diquée par sa manière dé gouverner : elle ne pouvait
laisser de doutes sur son intention de traverser la ligne.
Le capitaine Bazire crut pouvoir l'en empêcher en mettant
son grand hunier et son perroquet de fougue sur le mât.
De son côté,, le capitaine Gassin du Jacobin^ matelot d'ar-
rière du vaisseau amiral, dans le but aussi d'empêcher le
QuEEN Charlotte de passer devant lui, força de voiles en
même temps que le vaisseau amiral en diminua. Il en ré-
sulta que les deux vaisseaux se trouvèrent tout à coup l'un
sur l'autre et que, jpour éviter un abordage, le capitaine
Gassin dut faire une légère arrivée et sortir de la ligne.
Quelque fâcheuse que fût cette détermination, elle était
devenue indispensable par la manœuvre de la Montagne ;
elle eut même, dans cette circonstance, le résultat heureux
de contrarier beaucoup le capitaine du Queen Charlotte,
car, après avoir dépassé la Montagne, il trouva sous
son beaupré un autre vaisseau qui lui rendit largement
les coups qu'il avait portés au commandant en chef de
l'armée française. Le capitaine Curtis prit le seul parti
qui lui restât ; il loiTa en grand et se trouva pris entre
deux vaisseaux qui le canonnèrent vigoureusement. Mal*
heureusement , le capitaine du Jacobin ne sut pas con-
server cet avantage ; il fit de la voile et, sans motif ap-
préciable, il s'éloigna en remontant la ligne. Plus tard, il
suivit les vaisseaux qui allèrent s'établir sous le vent. Le
Queen Charlotte fit comme le Jacobin; il remonta la li-
gne. Le capitaine Bazire avait été une des premières vic-
times des bordées destructives de ce vaisseau, h^ Montagne
eut ensuite à combattre le Royal Sovebeign, puis le Va-
liant. Vers 10**, après quelque répit qui permit à la fumée
de se dissiper, le commandant en chef s' apercevant que
la Montagne était isolée, laissa arriver sur un groupe de
vaisseaux qui fut signalé sous ït vent Chemin faisw^ la
348 BATAILLES.— 1791.
Uontagne eut occasion d'envoyer [ au Marlbobough une
bordée qui occasionna une blessure au capitaine Berkeley.
Quelque temps après» le vaisseau amiral vira avec ceux
qu'il avait ralliés pour se rapprocher d'autres vaisseaux
aperçus au vent.
Le Brunswick voulut profiter du mouvement du Jacobin
pour couper la ligne sur l'arrière de ce vaisseau ; mais il
en fut empêché par Y Achille qui força de voiles et boucha
le créneau. Cette manœuvre valut à Y Achille quelques bou-
lets qui ne lui étaient pas destinés ; mais distrait par le
Vengeur, le Brunswick cessa de s'occuper de lui ; il eut
alors à combattre le Vauant et le Ramilies. La voilure et le
grément de Y Achille étaient dans un délabrement tel, que
tous les vaisseaux de l'arrière-garde le dépassèrent. A midi
IS"", son grand mât et son mât d'artimon s'abattirent sur
tribord et il arriva vent arrière. Presque tous ses sabords
étaient couverts par des débris de mâture, par des voiles
et par des cordages. Plusieurs vaisseaux ennemis suivirent
Y Achille et continuèrent à le canonner. A 2*», il perdit son
mât de misaine. Privé de tous ses mâts et par suite de ses
voiles, le vaisseau n'était plus appuyé ; il roulait beaucoup
et il fallut fermer les sabords de la batterie basse pour
empêcher l'eau d'y entrer. A 3^, le pavillon de Y Achille fut
amené. Les vaisseaux qui le combattaient s'étant alors
éloignés sans l'amariner, le capitaine Lavillesgris fit éta-
blir la voile de civadière pour rallier l'armée qu'il venait
d'apercevoir à 4 ou 5 milles sous le vent. 2 vaisseaux dé-
mâtés furent pris à la remorque auprès de lui par des fré-
gates; une corvette sembla disposée à lui rendre le même
service, mais quelques boulets lancés par des vaisseaux
ennemis la firent s'éloigner, et à à^ 30°*, Y Achille fut ama-
riné par le Ramilies.
Forcé de renoncer h traverser la ligne sur l'avant de VA-
chille , le capitaine du Brunswick voulut passer sur l'arrière de
ce vaisseau, mais il rencontra un nouvel obstacle. Dès que
le capitaine Renaudin, du Fen^eur, eut aperçu sa manœuvre.
BATAILLES. — 1794. 349
il augmenta de voiles pour lui barrer le passage et il l'obli-
gea de loffer en grand. Les deux vaisseaux étaient alors si
rapprochés que T Anglais tomba sur le Français et l'aborda
de long en long. En partie dégréés par cet abordage, ils
furent entraînés hors de la ligne et alors s'engagea une
lutte qui devint terrible. V Achille prêta un moment assis-
tance au Vengeur, mais la fumée le lui fit perdre de vue.
Vers midi, après un combat de trois heures, les deux vais-
seaux se dégagèrent. Le capitaine Harvey qui venait de
recevoir sa troisième blessure, remit le commandement à
son second. Le Brunswick avait perdu son mât d'artimon ;
son beaupré et son mât de misaine étaient coupés de ma-
nière à ne pouvoir être maintenus debout. Le Ramilies, qui
venait d'arriver à son aide, laissa les 2vaisseaux s'éloigner
l'un de l'autre, et lorsqu'ils furent suffisamment distants
pour que ses mouvements ne fussent pas gênés, il ouvrit
sur le Vengeur un feu d'autant plus vif que, n'ayant pas
d'avaries, il était entièrement maître de ses mouvements.
Il l'abandonna totalement démâté, mais fort endommagé
lui-même dans toutes ses parties. Le Vengeur avait reçu
un grand nombre de boulets à la flottaison et presque tous
ses mantelets de sabord étaient brisés. Réduit à l'état de
ponton , il était ballotté par la mer et embarquait de l'eau par
toutes ces ouvertures; il s'affaissait d'une manière sensible
. sous cette surcharge, malgré les efforts de l'équipage à
pomper. L'eau gagna les soutes à poudres et il devint dès
lors impossible de continuer le feu ; le pavillon n'en fut pas
moins maintenu flottant. Le Trente-et-un-mai s'approcha
pour dégager le Vengeur; mais assailli par plusieurs vais-
seaux ennemis, il s'éloigna. Le danger que courait le vais-
seau français devint bientôt imminent pour tout le monde,
et les Anglais émus à la pensée de l'affreuse catastrophe
qui menaçait son équipage, cessèrent de tirer sur lui et lui
envoyèrent leurs embarcations. Toutes furent prompte-
ment remplies; malheureusement, elles n'étaient pas assez
nombreuses pour contenir tout l'équipage. Il n'y avait du
380 BATAILLES. — 1794.
reste pas de temps à perdre : cea embarcationa étatont à
peine débordées, que le Vengeur disparut avec les malheo*
reuses victimes qui étaient restées à bord. Quelques hom-
mes revinrent sur Teau et s'accrochèrent les uns à des
mâts, les autres à des débris; 250 furent recueillis par les
canots de F Alfred, du Gulloden et par le cutter Rattuis»
Le récit qu'on vient de lire du combat du vaisseau le
Vengeur diffère sur bien des points des relations qui <mt
été données de cet émouvant épisode de la bataille du
13 prairial. Je Tai écrit, après avoir consulté plusieurs
versions anglaises, ayant sous les yeux un document d*uas
grande valeur historique, le Procès-verbal de TMnetnêni
du vaisseau de la République le Vengeur (1)« Il m*a semblé
qu'on pouvait, sans aucun inconvénient, présenter les faits
tels qu'ils se sont passés, et qu'il n'était plus nécessaire,
aujourd'hui, d'entourer la belle lutte du Vengeur de cett«
auréole quelque peu fantastique d'héroïsme dont, en l'an II
de la République, et au commencement d'une guerre, on
s'était servi pour enflammer les esprits et détourner les
regards du reste du tableau. Voici le document dont j*âi
parlé.
Procès-verbal de l'événement du vaisseau le VengeuTé
Aujourd'hui premier messidor, an second de la Repu*
blique une et indivisible, nous soussignés, capitaine, offi-
ciers, sous-chef civil et autres personnes de l'équipage du
vaisseau le Vengeur du peuple^ coulé bas le treize prairial
dernier, nous trouvant prisonniers de guerre au caution-
nement de Tavinstock, en Angleterre, assemblés pour ré-
diger le récit des événements qui ont précédé et entraîné
la perte dudit vaisseau le Vengeur du peuple^ faisant parUe
de l'escadre aux ordres du contre-amiral Villaret, y avons
procédé ainsi qu'il suit*
(1) Dépôt des cartes et plans du ministère de la marine.
BATAILLES.— 1794. 364
Nous trouvant, le 9 dudit mois de prairial par la lati-
tude de 47° 27' Nord et par la longitude de 17^ 28' Ouest
du méridien de Paris, les vents de la partie du Sud, na-
viguant sur trois colonnes, à S"* du matin, les frégates fran-
çaises à la découverte signalèrent T armée ennemie com-
posée de 86 voiles : 26 vaisseaux de ligne dont 7 à trois
ponts, 1 de 50° servant d'hôpital, 4 frégates, 8 corvettes
et 2 brûlots , le tout anglais. Sur-le-champ , le général,
pour mieux reconnaître Tennemi, fit arriver Tannée fran-
çaise, en conservant toujours Tordre des trois colonnes.
Lorsque nous fûmesàenviron deux lieues deTarmée anglaise,
le signal fut fait de former Tordre de bataille dans Tordra
naturel, en se formant sur la colonne du centre. L'expé-
rience de notre marine ne répondait pas, selon nous, à la
bonne volonté de plusieurs oQîciers; nous eûmes la dou-
leur de voir que cette manœuvre ne put être exécutée. Ce-
pendant, à vaisseaux et A frégates détachés de Tarmée
anglaise serraient le vent et paraissaient vouloir attaquer
la queue de la nôtre. Alors, le général Villaret se voyant
pressé, et mécontent sans doute d'éprouver ces difficultés,
donna Tordre à chacun des vaisseaux de prendre rang sans
avoir égard à son poste, et au vaisseau le RévoluHonnnire
d'aller à la queue, A 8*" du soir, celui-ci et deux ou trois
autres se trouvèrent engagés. Nous fûmes témoins du com-
bat jusqu'à 10^* ; il nous parut ne pas leur être avantageux.
L'escadre ne donna point de secours à ces vaisseaux et
continua toujours sa route, alors à TEst, courant même
bordée que T ennemi à vue. Au jour, nous n'avons plus
aperçu les vaisseaux de notre arrière-garde.
Le lendemain 10, sur les 9^ du matin, ventant grand
frais, toujours du Sud, Tennemi vira de bord vent devant par
la contre-marche et porta de nouveau sur la queue de Tar-
mée républicaine en cherchant à gagner le vent. Nous
exécutâmes la même manœuvre lof pour lof et reçûmes
Tordre de nous disposer à Tattaque. Les vaisseaux de la
tête des deux flottes se joignirent bientôt et le combat
352 BATAILLES. — 1794.
commença* Mais Tayantage n'était pas égal ; Tennemi pou-
vait se servir de sa batterie basse et nous, au vent, la
bande de son côté, l'eau s' élevant au-dessus des sabords»
nous étions dans Timpossibilité d'en faire usage. Cet in-
convénient néanmoins n'était pas capable de déconcerter des
républicains ; le feu fut très-vif et se soutint avec la même
ardeur jusqu'à midi. Les Anglais apercevant un peu de
désordre dans la queue de notre armée, voulurent en pro-
fiter. La tête de leur ligne vira lof pour lof par la contre-
marche en prolongeant notre armée sous le ven( ; ils mal-
traitèrent plusieurs de nos vaisseaux, et le Vengeur du
peuple^ pour empêcher de couper la ligne, reçut le feu de
10 des leurs. Il fallut faire la même manœuvre que l'en-
nemi et le général français donna l'ordre, d'abord |t la
tête de l'armée, de virer vent devant par la contre-marche.
•
Cette évolution ne paraissait pas s'exécuter, nous ne sa-
vons pourquoi. Il fit signal pour savoir si on ne le pouvsdt
pas : il n'y eut point de réponse. Il donna l'ordre de virer
lof pour lof et ne fut pas plus heureux. L'instant était cri-
tique, et, dans cette circonstance pressante, le chef de
l'armée dut s'irriter de trouver tant d'obstacles. Son génie
sut les surmonter, car nous ne pouvons nous empêcher de
dire avec la sincérité qui dicte cet écrit, que le citoyen Vil-
laret a montré dans cette crise tout le talent d'un général
et qu'il a justifié la confiance des braves républicains qu'il
commandait. Il donna l'ordre enfin de virer de la même
manière, tout à la fois, sans avoir égard au rang. Cette
manœuvre réussit et, dans un quart d'heure, Tordre de ba-
taille fut formé d'une manière satisfaisante. Nous nous
trouvâmes sous le vent, position plus favorable. Le vais-
seau le Vengeur du peuple par hasard, ou peut-être par la
promptitude de son évolution, était à la tête de la colonne,
chef de file du commandant. Il se battit contre deux vais-
seaux à trois ponts et aurait été très-maltraité si les vais-
seaux la Montagne et le Scipion ne fussent venus à son
secours. La Montagne seconda ses efforts contre l'ennemi,
BATAILLES. — 179L 35»
et ils le caDonnërent ensemble pendant une heure et demie.
Mais le Scipion eut la précaution de se mettre à couvert
du Vengeur du Peuple et lui coupa son grand étai et les
bras de misaine. Sur les observations qui lui furent faites
par le général et par nous, qu'il n'était pas à son poste, il
alla le prendre. Presque au même instant» tous les vais-
seaux ennemis se trouvèrent en pelotons ; ils étaient con-
fondus; le désordre parsdssait même être parmi eux, et
certes nous pouvons dire que les Français auraient pu en
tirer parti. Mais ils étaient trop affalés sous le vent et s'é-
^ loîgnèrent.
Le 11, dans la matinée, Tennemi parut à trois lieues et
demie ou environ , courant la même bordée que Tannée
française. Nous l'observâmes autant que put le permettra
un brouillard très-épais et bientôt, la brume ayant aug^
mente, nous le perdîmes tout à fût de vue.
Le 12, la brume était si épsdsse, qu'à peine apercevait-
on un vaisseau à portée de pistolet.
Le 13, le vent petit frsds de la partie du S.-E. Sur les 8^
du matin, le temps s'étaitéclairci, l'armée ennemie parut au
vent à la distance de deux lieues ; elle ne tarda pas à arriver
sur nous en dépendant. L'ordre de serrer la ligne et de se
préparer au combatïut donné à l'armée française et aussitôt
exécuté. Nous allions à petite voile; l'ennemi forçait da-
vantage et en prolongeant notre colonne; le combat s'en-
gagea. Le Vengeur du Peuple avait essuyé le feu de 2 vais-
seaux dont un à trois ponts, lorsqu'un troirième vint pour
lui couper la ligne : il fallait l'en empêcher. En consé-
quence, nous forçâmes de voiles et vînmes du lof. Cette
manœuvre aurait réussi, et le feu terrible de nos battcpâes
que notre équipage servait avec un courage et une ardeur
incroyables aurait criblé le vaisseau ennemi, lorsqu'une
circonstance imprévue rendit nos efforts infructueux. Ce
vaisseau s'obstinant à vouloir couper chemin^ le Vmgmr
du Peuple, déterminé à ne pas le souffrir, tenta l'abordage.
II y parvint ; mais en élongeant, il se trouva accrocbô par
IL n
354 BATAILLES. — 47ÔI.
Tancre de Tenneml. Il lui envoya d'abord fonte sa bordée
et ne put ensuite lui tirer que quelques coups de canon
de l'arrière et de Tavant, parce qu'il n'y avait pas entre
les deux vaisseaux assez d'espace pour passer les écouvillons
en bois. L'Anglais, au contraire, avec des écouvillons en
corde, avait l'avantage de pouvoir se servir de tous ses
canons. Dans ce moment, nous donnâmes l'ordre à un dé*
tachement de sauter à l'abordage. Tout était disposé pour
l 'exécution ; mais il fallut bientôt renoncer à ce projet r
nous aperçûmes deux vaisseaux ennemis, dont un à trois
ponts, qui arrivaient sur l'autre bord ; chacun alla repren-
dre son poste dans les batteries, et le feu recommença. L'é-
quipage, encouragé par les officiers, soutint ce nouveau
choc avec une intrépidité vraiment républicaine ; nous re-
çûmes plusieurs bordées à couler bas. De ce côté, l'ennemi
nous abandonnait, lorsque la verge de l'ancre du vaisseau
avec lequel nous étions abordés depuis plus de deux heures
cassa. Le trois-ponts le voyant s'éloigner vira de bord, re-
vint sur nous et nous tira deux autres bordées qui démâ-
tèrent le Vengeur du Peuple de tous ses mâts, excepté celui
d'artimon qui ne tomba qu'une demi-heure après. Nous
ne pûmes lui riposter parce que l'eau avait subitement
pénétré dans les soutes et que l'équipage se disposait à
pomper et à puiser.
L'ennemi se trouvait de nouveau en désordre et confondu
avec quelques-uns de nos vaisseaux qu'il avait engagés.
L'armée française était sous le vent et avait 2 vaisseaux
qui, au contraire, le tenaient et s'éloignaient beaucoup.
Nous avions l'espoir qu'elle viendrait, sinon pour recom-
mencer le combat, au moins qu'elle en ferait la feinte pour
obliger les Anglais à abandonner nos vaisseaux démâtés et
deux des leurs dont ils ne pouvaient pas s'occuper. Nous
n'eûmes pas cette consolation : des raisons, majeures sans
doute, y mirent obstacle. Mais nos frégates, ou étaient*
elles? Vinrent-elles nous donner des secours? Nous n'en
reçûmes aucun, et nous n'en pouvons deviner la cause.
BATAILLES.— 1794- 3î^8
Le vaisseau le Vengeur du Peuple approchait sensible-
ment cependant du moment où la mer allait rengloiit!r«
Le danger s'accroissait de la manière la pltis alarmante
malgré les efforts de l'équipagô à pomper et à ptilser. Nous
Ylmes sortir du groupe ennemi deux de nos vaisseaux dont
un, le Trente-et-un-Mai ^ venait de passer près de flous.
Il fit naître parmi nous quelques espérances de salut» mais
elles furent bientôt évanouies* Il se disposait à nous prefl^
dre à la remorque, lorsque les Anglais se débrouillèrent et
le forcèrent à s'éloigner en chassant de notre côté. L*eau
avait gagné l'entrepont. Nous avions jeté plusieurs catKms
à la mer. La partie de notre équipage qui connaissait le
danger répandait l'alarme. Ces mêmes hommes, que tous
les efforts de l'ennemi n'avaient pas effrayés, frémirent
à l'aspect du malheur dont ils étaient menacés* Nous étions
tous épuisés de fatigue. Les pavillons étaient amarrés en
berne. Plusieurs vaisseaux anglais ayant mis leurs canots
à la mer, les pompes et les seaux furent bientôt abandon^
nés. Ces embarcations arrivées le long du bord reçurent
tous ceux qui les premiers purent s'y jeter. A peine étaient^
elles débordées, que le plus affreux spectacle s'offrit à
nos regards. Ceux de nos camarades qui étaient restés à
bord du Vengeur du Peuple^ les mains levées au ciel, im«
ploraient en poussant des cris lamentables, des secoure
qu'ils ne pouvaient plus espétar. Bientôt disparurent et le
vaisseau et les malheureuses victimes qu'il contenait. Au
milieu de l'horreur que nous inspirait à tous ce tableau dé-
chirant, nous ne pûmes nous défendre d'iin sentiment môle
d'admiration et de douleun Nous entendîmes, en noue
éloignant, quelques-uns de nos camarades former encoro
des vœux pour leur patrie ; les derniers cris de ces mal-
heureux furent ceux de : Vive la République ! ils moururent
en les prononçant. Plusieurs revinrent sur l'eau, les uns
sur des planches, d'autres sur des mâts ou des débris du
vaisseau. Ils furent sauvés par un cutter, une chaloupe et
quelques canots, et conduits à bord des vaiftseauz anglais.
366 BATAILLES. — 1794.
Nous Dous sommes occupés, depuis cette malheureuse
journée, à connaître le nombre des hommes échappés au
péril, et d'après nos différentes demandes verbales et par
écrit, nous avons reconnu qu'il s'était sauvé la quantité de
367 personnes, nous compris. En sorte que de 723 qid
composaient notre équipage avant le premier combat, il
s'en est perdu 356, desquels il y a eu, suivant ce que nous
pouvons en juger, 250 tués ou blessés.
En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-ver-
bal pour valoir et servir ce que de raison.
Fait au cautionnement de Tavinstock , en Angleterre, les
jour et an susdits.
{Suivent les signatures.) (1)
Ce n'est pas sans surprise qu'on lit dans l'ouvrage re-
marquable, sinon impartial , de M. William James (2) le
passage suivant que je transcris textuellement : « Parmi
les 30 ou âO hommes qui n'avaient pas reçu de blessures,
il s'en trouva sans doute quelques-uns qui, ainsi que les
matelots anglais ont l'habitude de le faire dans de sembla-
bles circonstances désespérées, se précipitèrent à la cam-
buse pour y chercher de l'ardeur. Ainsi inspirés, il n'est
pas extraordinaire que, lorsque le vaisseau s'engloutit dans
les eaux, quelques-uns aient crié : Vive la nation! Vive la
République! ou que l'un d'eux, plus furieusement patriote
que le reste de ses compagnons avinés, ait, dans ce mo-
ment pénible pour les spectateurs — et nous croyons qu'il
est arrivé quelque chose comme cela — fait ondoyer le
pavillon aux trois couleurs, sous lequel il avait si noble-
ment combattu. » (3)
(1) Renaudin^ Jean Hugine, Louis Rousseau, Pelet, Trouvée, Lussot, etc.
(2) The naval history of Great Britain.
(5) Among theSOoriOunhurtby wounds/doubtless tbere wereseyeral who,
as British sailors frequently do in similar cases of despair^ had flown to the
spirit-room for relief. Thus inspired^ it is not extraordinary that, when the
ship was going down, some of them should eiclaim : « Vive la nation! Vive
BATAILLES.— 1794. 357
Oui, et quoi qu'en dise le capitaine Brenton (1), il y a
quelque chose de vrai dans le rapport qui fut fait à la Con-
vention nationale, car on a pu lire ce passage dans leprocès-
verbal que j'ai rapporté, et dont cet officier n'avait proba-
blement pas eu connaissance, u Au milieu de l'horreur
que nous inspirait à tous ce tableau déchirant, nous ne pou-
vions nous défendre d'un sentiment mêlé d'admiration et
de douleur. Nous entendions, en nous éloignant, quelques-
uns de nos camarades former encore des vœux pour leur
pjrtrie; les derniers cris de ces infortunés furent ceux de
Vive la République! Ils moururent en les prononçant.»
Plus crédule que l'historien anglais, j'admets sans hé-
siter qu'à cette époque où les Français donnèrent tant
de preuves d'héroïsme et de dévouement à la République, il
put se trouver des marins qui, après avoir un instant frémi
à l'idée du danger qui les menaçait, n'eurent pas besoin
d'avoir recours aux spécifiques de la cambuse pour re-
trouver de l'énergie, et qui, dans ce moment désastreux,
oubliant parents, amis, famille, ne songèrent qu'à la mère-
patrie pour laquelle Us adressaient des vœux à l'Être su-
prême.
Le Northumberland eut un moment le Valiant pour
adversaire ; mais le capitaine Etienne ayant laissé arriver,
le Valiant coupa la ligne sur l'avant du vaisseau français,
se porta sur V Achille et l'abandonna au Queen qui lui
abattit tous ses mâts. Ce fut en vain que le Northumber-
land essaya de rallier l'amiral. Entièrement isolé, le capi-
taine Etienne amena son pavillon.
Le Patriote fut attaqué par I'Orion qui le combattit par
le travers et au vent, et se retira après avoir perdu son
la République! » or that one, more furiously patriotic than the rest of his
drunken compaDions sbould, at this painfuld moment to the spectators — and
sometbing of the kiod we belieye did happen — wave to and fro the tri-colou-
red flag, under which he had so nobly fought.
(1) There was no cry of « Vive la nation i » so falsely stated in the Conven-
tion.— II n'y eut pas un cri de Vive la nation! ainsi qu'on l'a dit faussement
àlaOoDYdntion. — The naval history of Great Britain,
dltô BATAILLES.-- 1794.
grand mât de hune, sa grande vergue et ea vergue de
grand hunier. Plusieurs autres vaisseaux i et notamment
le QuJSEN, combattirent encore le Patriote dont le capitaine
crut devoir rallier ceux de son armée qui formaient une
nouvelle ligne sous le vent. Le grand nombre des malades
du Patriote força le capitaine Lucadou à agir ainsi*
V Entreprenant fut engagé par TAlfred et laissa arriver
pour se former sous le vent avec les vaisseaux qui s*y
trouvaient déjà.
Le Neptune n'eut à combattre que le Montagu dont«Ie
capitaine fut tué. Le vaisseau français suivit ceux qui se
formaient sous le vent.
Le Qu£EN, qui avait déjà reçu quelques avaries en cher-
chant un adversaire, s'arrêta au Jemmapes par la hanche
de tribord duquel il prit position. Il fut reçu par ce vais-
seau comme il l'avait été par le Northumberland ^ avec
beaucoup de vigueur, et perdit son grand mât, son mât
d'artimon et son petit mât de hune. Quant au vaisseau
français dont la mâture entière avait été abattuoi il laissa
arriver sur la Montagne qui se dirigeait de son côté ; mais
avant de quitter le Queen, il lui abattît encore son mât de
perroquet de fougue ; une frégate le prit à la remorque» Le
capitaine Desmartis avait été tué. J'ai dit que le commandant
en chef avait viré de bord pour aller secourir les vaisseaux
qu'il avait aperçus au vent. Le Jemmapes fut le premier
que cette manœuvre préserva d'une capture certaineé
Le Trente-et'un-Mai combattit auprès du Républicain^
et aussi heureux que lui, il put se dégager sous quelques
lambeaux de voilure.
Le Royal George passa entre le Sans-Pareil et le Répu'
blicain^ fut rudement canonné par ces deux vaisseaux et
prit position par le bossoir de tribord du dernier. Bientôt
son grand mât de hune, son mât de perroquet de fougue et
son mât de misaine furent abattus sur tribord. Le Gloky
vint en aide à son compatriote en attaquant le RéptMicain^
et le démâtant de son grand mât et de son mât d*artimon,
BATAILLES.— 1794. 359
il le mit dans l'impossibilité de s'occuper davantage du
Royal George. La chute des deux mâts de derrière fit, en
effet, abattre le Républicain sur tribord, et le contre-
amiral Nielly se replia sur les vaisseaux qui étaient sous
le vent. Ses deux adversaires étaient hors d'état de l'in-
quiéter désormais.
Le Sans-Pareil eut le Majestic pour premier vis-à-vis
du côté du vent; le Glory, qui avait contourné la colonne
par la queue, lui présenta bientôt après le travers sous
le vent. Vers 10**, le mât d'artimon du Sans-Pareil s'a-
battit sur le couronnement et, un quart d'heure après,
le mât de misaine sur l'arrière à bâbord. Ce dernier dé-
fonça le pont, engagea la batterie haute et encombra celle
des gaillards, de manière à en rendre l'usage impossible.
Devenu serre-file par suite de la manœuvre du Scipion et
du Pelletier qui avaient laissé arriver, le Sans-Pareil fut
canonné, de tous les bords, par les vaisseaux anglais qui
doublaient la ligne par cette extrémité. A 11**, son grand
mât fut abattu sur le gaillard d'avant à tribord. Dans cette
situation critique, le Républicain^ quoique grandement
compromis lui-même, lui prêta seul assistance. Jugé alors
incapable de se mouvoir, il fut abandonné par l'ennemi
à 1^ 30"% et il resta ainsi battu par la lame, et les sabords
fermés, car les roulis étaient si forts qu'il embarquait de
l'eau de toutes parts. Le capitaine Courand ne put réussir
à faire gouverner le Sans-Pareil^ et il lui fut dès lors im-
possible de rallier l'armée qui était à environ trois milles
sous le vent. Entouré de nouveau par l'ennemi, il fit ame-
ner le pavillon à 2^ 30".
Le Pelletier reçut la bordée de quelques-uns diBS vais^
seaux anglais qui doublèrent l'armée française j par la
queue, et enveloppé bientôt dans une épaisse fumée qui
ne lui permit plus de distinguer ses amis de l'ennemi,
le capitaine Berrade courut bâbord amures pendant trois
quarts d'heure, sans s'inquiéter aucunement de ce qui se
passait à côté de lui et sans se préoccuper le moios du
360 BATAILLES.— 1794.
monde de Tétat de quelques vaisseaux qu'il distingua
et reconnut très-bien. Il refusa même à Y America ^ en-
tièrement démâté, la remorque que le capitaine de ce
vaisseau lui demanda, prétendant que les avaries de sa
voilure ne lui permettaient pas de se rendre à son désir.
Il se dirigea alors sur le gros de Tarmée qu'il aperçut sous
le vent, et le commandant en chef lui fit prendre le Terrible
à la remorque.
Le Scipion, serre-file de la ligne, commença à tirer à
9*» 45°*, et il échangea des bordées avec des vaisseaux en-
nemis dont plusieurs passèrent sur son arrière. Cette canon-
nade, presque continue, n'avait pas lieu sans que le vais-
seau français n'éprouvât de nombreuses avaries. Son grand
mât fut d'abord abattu; un quart d'heure après, c'était le
mât d'artimon et bientôt le mât de misaine qui tombaient.
Le pont se trouva ainsi couvert de débris de mâture, de
voiles et de cordages. Les canons avaient disparu sous ces
décombres. La fumée qui enveloppa les deux armées le fit
abandonner dans cet état. Le capitaine Huguet en profita
pour mâler un bout-dehors sur l'avant, et au moyen d'un
foc et de deux bonnettes, il parvint à faire arriver le vais-
seau vent arrière pour rallier l'armée qu'il avait aperçue
sous le vent. Cette route le fit passer près du Vengeur qui
lui demanda la remorque : dans l'état du Scipion c'était
chose impossible. Ce vaisseau reçut encore la bordée de
3 vaisseaux ennemis et, à 7^, il fut pris à la remorque par
la frégate la Proserpine ; une demi-heure après, il avait
rallié l'armée.
J'ai déjà dit qu'à 8** du soir, le contre-amiral Villaret avait
fait route au N.-O. avec 19 vaisseaux et les frégates; trois
quarts d'heure plus tard, les deux armées étaient hors de
vue. Le commandant en chef laissait sur le champ de ba-
taille le Justey YAchille^ Y America^ le Northumberland^
Y Impétueux et le Sans-Pareil; les trois premiers avaient
seuls été amarinés. Le Vengeur avait coulé. Le rapport
anglais déclare qu'il avait non-seulement été impossible k
BATAILLES. — 1794. 361
r amiral Howe de prendre immédiatement possession de
ces vaisseaux, mais encore qu'il lui eût été fort difficile de
dégager les siens si le commandant en chef de l'armée
française avait fait un retour offensif. Ce ne fut, en effet,
que le 3 au soir qu'il put faire route pour l'Angleterre, et
soft armée n'arriva que le 12 à Spithead.
Le 3, le commandant en chef de l'armée française apprit
d'un brig détaché par le contre-amiral Vanstabel, que le
convoi d'Amérique ne tarderait pas à arriver dans ces pa-
rages. Les frégates la Précieuse, la Galathée et ce brig fu-
rent expédiés à cet officier général pour lui donner con-
naissance de la bataille qui venait d'être livrée. Le
lendemain, l'armée avait, tant bien que mal, réparé ses
avaries. Il ne pouvait y avoir désormais de doutes sur le
sort des vaisseaux qui manquaient ; mais on pouvait sup-
poser que l'état dans lequel ils avaient été laissés sur le
champ de bataille ne leur aurait pas permis de faire route
et qu'on avait la chance de les y trouver encore. Le contre-
amiral Villaret eut l'idée de se porter de nouveau vers le
lieu de la bataille, et fit débattre cette question dans un
conseil de guerre. Dans ce moment, les découvertes si-
gnalèrent une escadre anglaise dans le Sud. Le représen-
tant Jean Bon Saint-André opposa la raison d'un homme
d'État à l'ardeur des officiers : u Si en provoquant un nouveau
combat, leur dit-il, vous entraînez la destruction complète
de l'armée navale, qui protégera le convoi de grains (1)? »
L'escadre signalée était celle du contre-amiral anglais
Montagu. Cet officier général était retourné en Angleterre,
après avoir croisé devant Ouessant jusqu'au 25 mai. Mais
la prise du convoi de grains était chose trop importante
pour que le gouvernement anglais renonçât à l'espoir de
(1) Il n'est pas fait mention de ce conseil de guerre dand les rapports que
j'ai eus entre les mains. Je répète ce qui a ét6 écrit. Le journal nautique de la
Montagne constate cependant que les contre-amiraux Bouvet et Nielly furent
appelés le 4 à bord de ce vaisseau.
36â BATAILLES. —1794.
s'en emparer. Le 2 juin, le contre-amiral Montagu avait d9
pouveau reçu Tordre de sortir avec un renfort de à yai^
seaux, ce qui porta son escadre à 9 vaisseaux et 2 frégates.
Les 19 vaisseaux français, dont 5 étaient traînés à la re-
morque, et sur ce nombre, 2 entièrement démâtés, n'étaient
qu'à 51 milles de Brest lorsque l'escadre anglaise fut si-
gnalée; le vent soufflait alors faiblement du N.-O. L'armée
de la République laissa porter sur l'escadre anglaise. Mais
celle-ci ayant fait elle-même vent arrière, le contre-amiral
Villaret craignit avec raison de se souventer, et il fit lever
lâchasse à 6^ du soir. Le 11, tous les vaisseaux mouillè-
rent sur la rade de Bertheaume. Le convoi d'Amérique
arriva le lendemain à ce mouillage, ainsi que le Monta-
gnard et la Seine. Vaisseaux et navires du commerce en-
trèrent ensemble à Brest, où l'arrivée des grains fit mo-
mentanément oublier le désastre du 1** juin.
J'ai dit que le convoi avait passé sur le champ de ba-
taille deux jours après que les deux armées s'en étaient
éloignées. Parti le 11 mai de la Ghesapeak, le contre-amiral
Vanstabel s'était dirigé sur les Açores et, en vue de ces
lies, il avait expédié V Éveillée à la recherche de la division
qui lui avait été annoncée devoir le rejoindre. Le 29, des
détonations précipitées d'artillerie et, plus tard, des vents
de Nord, déterminèrent le capitaine de cette corvette à
faire route pour Rochefort où il mouilla le ô juin au matin.
V Éveillée précédait le convoi, de Tavance qu'un bâtiment
isolé peut prendre sur un grand nombre de navires du
commerce réunis, dans un trajet d'environ 360 lieues. U est
donc probable que le convoi d'Amérique eût tombé au milieu
de l'armée anglaise, si celle-ci n'eût été attirée au large.
Je terminerai ce qui a rapport à la bataille du 1""' juin,
dite du 13 prairial, en rappelant que, sur la motion de
Barrère, la Convention décréta que Tarraée navale de
Brest avait bien mérité de la patrie, et qu'un modèle du
vaisseau le Vengeur serait suspendu aux voûtes du Pan-
théon.
BATAILLES. — 1794. 363
Malgré cette déclaration de la Convention, les capitaines
de cette armée navale furent mis en jugement* Le capi-
taine de vaisseau Gassin du Jacobin^ après une détention
préventive de vingt-deux mois, fut condamné à trois mois
de suspension sans solde. Les capitaines Tardy du Gaspa-
rin, Langlois du TourvilUy Berrade du Pelletier^ Lucadou
du Patriote, Allary de la Convention et Dumontier du Tra*'
jan furent destitués. Le capitaine et les ofEciers du Révo-
lutionnaire, qui avaient été mis en prison à leur arrivée en
France, et tous les autres capitaines, furent acquittés.
■**M.i^*il ri É >
Le contre-amiral Nielly sortit le 12 septembre, avec une
des divisions de Tarmée navale de Brest, pour intercepter
les convois qu*on savait être attendus en Angleterre.
Cette division était composée des vaisseaux :
Canons.
Zélé. capitaine Portodec.
Nielly, coDtre-Hunilral.
Nestor capitaine Monnier.
7S { Marat (1) — Lefranck.
Jean Bart. . . * — Pillet.
Droits de l'Homme. ... — Trinqualéon.
Tigre Martagne.
des frégates : la Fraternité {'i), la Surveillante, la iVëctete^e,
et du cotre : le Courrier-de-Nanles.
La Fraternité et la Surveillante rentrèrent le 20. La pre^
mière avait démâté de son petit mât de hune et craqué
son beaupré. L'autre, à laquelle un coup de mer avait oc*
casionné de graves avaries , se laissa souventer. Elle fut
poursuivie par plusieurs vaisseaux anglais et obligée de
chercher un refuge dans le port. Le contre-amiral Nielly
renvoya le cotre pour demander d'autres frégates. Le
3 octobre, il fut rallié par la Dryade^ la GentiUe, la €a^
carde, la Tribune et la corvette la Jacobine. Contrariée par
une série de mauvais temps et des brumes, cette division
(1) L'ancien Lion,
(2) Primitivement VAglaé.
364 BATAILLES. — 1794.
rentra à Brest deux jours après» sans avoir rencontré aucun
navire et avec des avaries plus ou moins graves.
Le contre-amiral Nielly sortit de nouveau le 22 octobre;
il avait porté son pavillon sur le IHgre. Les vaisseaux de
IS"" le Caton et le Pelletier (1) , capitaines Donat et Rsdl-
lardy avaient remplacé le Zélé et le Nestor. A quelques
jours de là, le Caton démâta de son petit mât de hune,
cassa ses barres de perroquet et fut renvoyé à Lorient.
Surprise, le 31 vers 4^ du matin, par les vaisseaux an-
glais de 82'' Ganges et Montagu, la corvette la Jacobine^
capitaine DandicoUe, qui s'était écartée de la division ,
amena son pavillon après avoir vainement essayé de leur
échapper. Le cap Finistère restait à 120 lieues dans l'Est.
Le 6 novembre, la division courant au Sud par une jolie
brise de O.-N.-O., eut connaissance, à 2*» 15" du matin, de
2 bâtiments dans le S.-S.-O. Le contre-amiral Nielly les
fît chasser et la division française prit comme eux les
amures à bâbord. Lorsqu'il fit jour, on reconnut 2 vais-
seaux anglais : c'étaient FAlexander, capitaine Rodney
Bligh, et le Canada, capitaine Powell Hamilton, tous les
deux de 82° ; ils retournaient en Angleterre après avoir
escorté à la hauteur du cap Saint- Vincent un convoi pour
Gibraltar et pour l'Amérique. A 6** 45™, les vaisseaux fran-
çais se formèrent en ligne de bataille, le Tigre en tête, et
aussitôt, le Marat, les Droits de V Homme et le Jean Bart
reçurent l'ordre de doubler l'ennemi au vent pour le mettre
entre deux feux. A 8** 15°*, le Tigre était en position d'en-
voyer quelques boulets à 1' Alexander ; mais ce vaisseau ne
pouvant échapper à ceux qui étaient au vent, le contre-
amiral Nielly ne s'arrêta pas à le combattre et, suivi du
Pelletier^ il poursuivit le second qui courait un peu au
large. A 8** 30"\ quelques boulets furent échangés entre le
Tigre et le Canada qui s'éloignait toujours. Le vent mollis-
(1) L'ancien Séduisant»
BATAILLES. — 1794. 365
sant beaucoup, les 2 vaisseaux français levèrent la chasse
et rallièrent le reste de la division. Moins heureux que son
compagnon, TAlexander fut joint à 11** 30" par les Droits
de f Homme qui engagea le combat au vent, à portée de
pistolet et, peu de temps après, par le Marat qui se plaça
sous sa hanclie, du bord opposé. Le vaisseau les Droits de
V Homme ayant eu sa vergue de petit hunier coupée après
une demi-heure, ne put se maintenir au poste qu'il occu-
pait ; le Jean Bart le remplaça, A midi 15", le Marat passa
derrière le vaisseau anglais et lui envoya une bordée d'en-
filade : le Jean Bart le canonnait alors parle bossoir. L'A-
LEXANDER ne pouvait résister longtemps à une pareille at-
taque; à 1^ 25™, il amena son pavillon. Dès que le Tigre
eut rallié , il le prit à la remorque, car les vaisseaux qui
l'avaient combattu avaient trop souffert pour le faire. Le
Pelletières fut chargé le lendemain, et la division fit route
pour Brest, où elle arriva avec sa prise dont l'avarie prin-
cipale consistait dans la perte de sa grande vergue.
Le Canada, qui n'eut à soutenir qu'une canonnade de
peu d'effet, gagna un port d'Angleterre.
A la fin de cette année, le gouvernement donna Tordre au
contre-amiral Renaudin de partir de Brest avec 6 vaisseaux,
3 frégates et une corvette pour porter des projectiles à Toulon.
Le vice-amiral Villaret, qui avait conservé le commande-
ment de l'armée navale, devait escorter cette division en de-
hors du golfe de Gascogne , croiser ensuite pendant quinze
jours dans ces parages et, avant de rentrer, détacher 6 vais-
seaux et 3 frégates à la Guadeloupe et à Saint-Domiùgue. La
pénurie en vivres et en approvisionnements était telleàBrest,
en ce moment que, pour armer complètement les vaisseaux
et les frégates en partance et pour donner six mois de vivres
à ceux qui allaient aux Antilles, il fallut dégarnir les au-
tres. Parmi ces derniers, plusieurs durent sortir n'ayant
que pour quinze jours de vivres. La plupart avaient des
366 BATAILLES. -1794,
mâts Jumelés et les coques étaient généralement hors d'état
de résister à un mauvais temps. L^ année avait essayé plu-
sieurs fois de sortir. Le 2& décembre, le vice-amiral ViUarôt
fit de nouveau à l'armée le signal d'appareiller ; il vôntaît
grand frais du N.-E. Cette fois encore elle resta au moufl-»
lage; le signal de mettre sous voiles n'avait cependant pas
été annulé. Un incident malheureux marqua cette demiôre
tentative d'appareillage. Le vaisseau de 110'' le Républimn
chassa sur ses ancres pendant qu*il virait et, dérivant sur
la roche dite la Gormorandière, il laissa tomber deux att-
cres. Le capitaine Longer appareilla à 2*» 30*" ; maiâ, ne
se voyant pas suivi, il mouilla dans le goulet. L^'ànCre ét&ît
à peine au fond que, sur les observations du pilote, il
donna l'ordre de la lever. Pendant qu'on y travaillait, le
câble cassa et, avant que les voiles fussent établies, le Si-
publicain fut porté sur la roche Mingan ; il était alors 6^ 80*
du soir. Quelque moyen qu'on employât pour le retirer, te
vaisseau ne bougea pas. Bientôt il commença à talonner, et
l'eau entra dès lors rapidement dans la cale; la batterie haute
et celle des gaillards furent jetées à la mer. Le vaisseau étant
échoué par l'arrière, l'eau se porta de l'avant et cette partie
s'enfonça incessamment. Toutes les embarcations étaient
déjà brisées ou emportées. La violence du vent empêcha de
porter des secours au Républicain avant le lendemain. Le
vaisseau le Fougueux^ capitaine Labrier, arrivé Tavaut-
veille de Rochefort et mouillé à Camaret, lui envoya seâ
embarcations à 9**, et parvint à sauver la majeure partie de
l'équipage ; dix hommes seuls se noyèrent.
Le Redoutable^ qui cassa ses câbles, se tira d'affaire plus
heureusement que le Républicain ; il put prendre le large.
La frégate la Vertu reçut l'ordre de le suivre.
Enfin, le 29 dans l'après-midi, l'armée navale, forte dé
35 vaisseaux, outre les frégates et les corvettes, mît à la
voile et alla mouiller à Camaret pour attendre quelques
retardataires ; elle fit route définitivement le lendemain.
BATAILLES.— 1794. 367
Le jour où le vaisseau le Républicain se perdait dans le
goulet de Brest, un désastre semblable avait lieu sur la rade
de Cherbourg : la corvette de 20* la Sérieuse^ jetée à la
côte, y avait été défoncée.
•««■«'••aaiMa^r
Le contre-amiral Martin (1) , qui commandait resoadre
de Toulon, se disposait à sortir avec 7 vaisseaux et quel-
ques frégates destinés à porter des troupes en Corse et à
escorter 15 navires chargés d'approvisionnements pour
cette lie, lorsque la nouvelle de la prise de Bastîa par les
Anglais vint changer la destination de cette division. Le
6 juin dans T après-midi, cet officier général, auprès du-
quel on avait placé le représentant du peuple Salicetti,
mit sous voiles avec la division ci-dessous, pour aller croi-
ser sur la côte.
Canons.
124 Sans-Culottes (2) capitaine Lapalisse.
Martin (Pierre), contre-amiral.
86 Tonnant. .....••.. capitaine Gosmao Kerjolien.
I Généreux. ....•.,. — Louis.
Censeur — Benoist.
Heureux — Lacaille.
Timoléon (5) ..».,• . — Khrom.
Duquesne — Allemand (Zaobarie).
Frégates : Junon, Friponne, Sérieuse^ Boudeuse,
Corvettes : Badine, Alerte.
Goélettes : Surveillante et Jacobin,
Le vent était à T Ouest, petit frais, et une division an*
glaise de dix voiles était en vue dans le Sud, courant bâ-
bord amures. Les Français se formèrent en bataille, les
i^MkMUIk>j;a>aa«irilMaiMia«H«aMMMwi^Mta«iikteidMk^
(1) M. Pouget, Précis historique de la vie et des campagnes du vice-arttl-
rai Martin, dit que les opérations de l'escadre de la Méditerranée sont racon-
tées d'une manière très-inexacte daas toutes les relations; et, expliquant la
cause de ces inexactitudes par la disparition des rapports du yice-amiral Mar-
tin, il déclare pouvoir réparer ces erreurs, étant possesseur des journaux de
bord et de la correspondance officielle de cet officier général. Ce que dit M. Pou-
get de la disparition des rapports est exact. Mais les journaux du Sans-Culottes
existent au ministère de la marine, et c'est à eux et à quelques rapports de ca-
pitaines que j'ai emprunté les faits dont on trouvera ici le récit.
(2) L'ancien Dauphin Royal,
(5) Primitivement la Commune de Bordeaux.
368 BATAILLES. — 1794.
amures à tribord. Cette bordée devait leur faire prompte-
ment rencontrer l'ennemi ; mais celui-ci ne jugea pas à
propos de venir davantage à leur rencontre, et lorsqu'il
fut à 9 milles environ, il vira de bord. Le lendemain il
était hors de vue.
Le 8, devant Fréjus, un bâtiment fut signalé sous la
terre. Trompé par le pavillon qui flottait à la corne des
vaisseaux français, il les approcha sans défiance ; lorsqu'il
reconnut son erreur, il était trop tard pour qu'il pût
échapper à ceux qui le chassaient. Ce bâtiment était la
frégate de 36'' I'Alceste, prise par les Anglais dans le
port de Toulon, et donnée par eux à la Sardaigne. La
Boudeuse de 32'', capitaine Charbonnier, la joignit la pre-
mière et eut avec elle un engagement assez vif, à 6 milles
au vent de la division. Le combat durait depuis deux
heures, lorsque le lonnant arriva à portée de combattre.
Au troisième coup de canon qu'il tira, la frégate sarde
amena son pavillon. La Boudeuse avait beaucoup souffert :
son grément était haché et son grand mât était assez en-
dommagé pour qu'il fût nécessaire de la renvoyer à Toulon.
L'Alceste, qui avait été expédiée de Bastia par l'amiral .
Hood pour se réunir à l'escadre de blocus, n'avait aucune
avarie sérieuse et fut gardée dans la division.
Le même jour, le brig anglais Expédition de 14°, se
rendant de Bastia à Livourne, fut pris par la frégate la
Sérieuse et conduit à Nice paLVjYAlcesie.
r
Dès que l'amiral Hood api)rit la sortie de la division
française, il appareilla de Corse avec les 13 vaisseaux et
les 4 frégates que voici :
Canons.
i ViCTORT capitaine John Inglefield.
110 < lord Hood, amiral.
(Britannia capitaine John Halloway.
William Hotham^ yico-amiral.
Princess Royal capitaine John Ghild Puryis.
Granston Goodall^ vice-amiral.
108 { Windsor Castle capitaine sir Thomas Byard.
Philip Grosby, yice-amiral.
Saint George capitaine Thomas Foley.
sir Hyde Parker, contre^aroiral.
BATAILLES. — 1794. 369
Alcide capitaine John Woodiey.
Robert Linzee, contre-amiraL
Terrible capitaine George GampbeU.
SkeflSngton Lutwidge, contre-amiral.
Egmont capitaine John Sutton.
8S { Archibald Dickson, contre-amiral (1).
Bedford capitaine Robert Mann.
Captain — Samuel Reeve.
FoRTiTUDE.* — William Young.
Illustrious • . — Thomas Lennox Frederick.
Berwigk -> William Shield.
Frégates : Romulus^ Juno, Meleager^ Dido.
Le 10 au soir, les découvertes de la division française,
alors à une trentaine de milles dans le Sud de Nice, si-
gnalèrent Fescadre anglaise. Le contre-amiral Martin ne
crut pas devoir combattre des forces aussi disproportion-
nées, et il alla mouiller au golfe Juan, dans le départe-
ment du Yar. En approchant de terre, la brise manqua
entièrement, et les vaisseaux entrèrent remorqués par
leurs canots. Cette circonstance donna à l'escadre anglaise
le temps de s'approcher, et la frégate Dido, qui le fit un
peu trop, fut reçue par plusieurs décharges d'artillerie qui
lui firent prendre le large. L'amiral Hood retourna en
Corse avec 2 vaisseaux et laissa le soin du blocus au vice-
amiral Hotham. La division française s'embossa ; mais la
présence de l'escadre anglaise nécessita une augmentation
de précautions. On établit plusieurs batteries à terre, et
les îles Sainte-Marguerite et Honorât furent fortifiées.
Plusieurs tartanes armées de canons prirent poste en
tète de la ligne ; aidées par les chaloupes de la division,
elles devaient couler ou détourner les brûlots que l'en-
nemi pourrait tenter de lancer. Ces dispositions étaient à
peine achevées que le commandant en chef reçut Tordre
de ramener la division à Toulon. La présence continuelle
de l'escadre anglaise, la faiblesse et la constance des vents
d'Ouest l'en empêchèrent.
(1) Le grand nombre d'officiers généraux de cette escadre était la conséquence
de la promotion qui Tenait d'être faite à l'occasion de roccupation de Touloà*
II. 24
370 BATAILLES.— i794.
Le 3 août, 17 vaisseaux espagnols se réunirent aux An»
glais.
Bloquée par des forces aussi considérables, qui cepen-
dant n'osaient faire aucune tentative, la division française
prolongea son séjour au golfe Juan. Cette circonstance ne
manqua pas d'être un point de mire pour la malveillance.
Les soupçons les plus injurieux planèrent sur le contre-
amiral Martin qui, depuis le départ de Salicetti pour l'ar-
mée d'Italie, ne cessait de demander le prompt envoi d'un
autre représentant du peuple, dont la présence pourrait
calmer l'agitation des esprits. Enfin, après avoir occupé
l'escadre anglaise pendant cinq mois, la division française
sortit du golfe Juan à la faveur d'un coup de vent et elle
mouilla à Toulon le 2 novembre.
Nous avons vu partir successivement de l'Inde les fré-
gates qui formaient la division française dans ces parages :
la Cybèle seule y était restée. Depuis la déclaration de
guerre, une autre frégate, la. Prudente^ y avait été envoyée*
Ces deux frégates et les nombreux corsaires qu'avait ar-
més l'île de France, faisaient un tort considérable au com-
merce anglais. Résolu de mettre un terme à ces calamités,
le gouverneur des possessions anglaises arma une division
destinée à tenir ces hardis navigateurs bloqués dans leurs
ports, et à réduire ainsi à la famine la colonie de l'île de
France qui n'était approvisionnée que par eux.
Des vaisseaux avaient été armés à Madras et à Bombay ;
ils devaient se réunir aux forces que Ton attendait d'Eu-
rope. Déjà le Commodore Newcome avait été détaché avec
une division envoyée au-devant d'un convoi attendu d'An-
gleterre, pendant que les vaisseaux de 60* Ccnturioiv,
capitaine Samuel Osborne, et Diomedes, capitaine Mathew
Smith, s'établissaient en croisière devant l'île de France.
La position de cette colonie ne tarda pas à devenir critique.
Le conseil colonial s'assembla et décida que, malgré la
disproportion des forces et les conséquences qui pouvaient
BATAILLES. — 1794. 374
en résulter, le capitaine Renaud sortirait avec la frégate de
SO*" la Prudente qu'il commandait, la Cybèle de 40**, capi**
taine Tréhoûart (Pierre) , et le brig de 14* le Coureur (1) ,
capitaine Garreau, pour aller combattre les deux vaisàe&uX
anglais et les obliger à lever le blocus. Le corsaire de 20*
la Rosalie et Taviso le Sans-Culottes leur furent adjoints.
Cette mission fut acceptée avec joie par la division fran^
çaise. et il n*y eut pas un habitant de Tîle qui n'enviât lé
sort des marins. Les équipages étaient faibles ; il fallait les
compléter. De nombreuses demandes d'embarquement
furent adressées au gouverneur, qui se vît dans la nécessité
d'en accorder un bon nombre. La garnison elle-même
voulut prendre part au combat qui allait en quelque sorte
décider du sort de l'île : 1 50 soldats furent répartis sur les
frégates.
Sortie le 19 octobre, ce ne fut que trois jours après que
la division française aperçut les croiseurs ennemis, à une
vingtaine de milles au vent de l'île. Le Centuriow et le
DioMEDES laissèrent aussitôt arriver et, à 3^ 30*" de l'après-
midi, ils se trouvèrent à portée de pistolet, le premier par
le travers de la Prudente^ l'autre à côté de la Cybèle^ placée
dans les eaux de sa conserve, et toutes les deux au plus
près du vent. Les avisos prirent poste par la hanche des
Anglais. Un combat acharné eut lieu alors entre ces bâti-
ments; mais après une heure, et quoique le Centurion
eût déjà de nombreuses avaries, le capitaine Renaud sen-
tit qu'il ne pouvait prolonger la lutte dans cette position.
Rétablissant sa misaine et ses perroquets qui avaient été
cargués dès le commencement du combat, il dépassa son
adversaire et vira de bord sur son avant en lui envoyant
sabordée. 11 fit signal à la Ct/6èle d'imiter cette xnaûœuvre 5
mais cet ordre ne put être exécuté : fortement avariée
dans sa mâture et dans son grément, cette frégate était
pour ainsi dire clouée à la place où elle se trouvait. La
(1) L'ancien Duc-de-Chartres^
37« BATAIU.ES. -4794.
brise , d'ailleurs très-faible j usqu à ce moment, était complè-
tement tombée, et il lui fallut soutenir seule le feu du Dio-
MEDES et du Centurion. Le capitaine Tréhoûart fut du reste
admirablement soutenu par le brig le Coureur^ dont le capi-
taine déploya Taudace la plus grande dans ce combat. Ce fut
inutilement que les signaux d'arriver et de se retirer du feu
furent faits à la Cybèle; elle ne put y réussir. A 6^, le Cen-
turion perdit ses deux mâts de hune. Une légère fratcbeor
s'étant élevée dans ce moment, la Cybèle put en profiter
pour se rapprocher de la Prudente qui, de son côté, revensdt
sur les vaisseaux ennemis. Le grand mât de la première
s'abattit dans ce moment. Le Diomedes voulut la suivre»
mais ses. avaries l'en empêchèrent. La Prudente prit alors
sa conserve à la remorque et la petite division rentra
triomphante au port, aux acclamations des habitants qui
couvraient le rivage.
Le résultat de cette brillante affaire fut tel qu'on l'avait
espéré. Le Centurion qui, outre ses deux mâts de hune,
avait perdu son mât d'artimon, et le Diomedes, levèrent le
blocus pour aller se réparer dans leurs ports, et les sub-
sistances purent arriver à l'île de France.
La Prudente portait 28 canons de 18
— et 8 — de 8
La Cybèle — 28 canons de 18
et 12 — de 8
Le Centurion avait 22 canons de 2i
— 22 — de 12
_ 6 — de 6
— à caronades de 2à
— et 6 — de 12
Le Diomedes — 22 canons de 18
— 22 — de 12
_ 6 — de 6
•-* et 4 0 caronades de 1 8
COMBATS PARTICULIERS. — 1794. 373
La Corse paraissait peu soucieuse des événements qu
se passaient en France, et elle resta calme jusqu'au mo-
ment où il fut question d'organiser une garde nationale ;
les désordres allèrent croissant lorsqu'il fallut nommer
les municipalités. Le lieutenant général Paoliqui comman-
dait cette île, accusé d'avoir fait échouer l'expédition de
Sardaigne, avait été cité à la barre de la Convention. Ap-
pelant, en quelque sorte, de cet arrêt, il avait convoqué
une consulte générale des députés des communes et s'était
ainsi séparé de fait de la France. Déclaré traître à la pa-
trie et abandonné bientôt d'une partie des habitants, il
avait imploré l'assistance du vice-amiral anglais Hood qui
était alors à Toulon. Celui-ci s'était d'abord borné à faire
croiser quelques bâtiments autour de l'île et à donner de
la poudre et des munitions aux insurgés^ mais au com-
mencement de l'année 1794, cinq régiments anglais fu-
rent débarqués dans le Nord auprès de Saint-Florent,
et pour leur début, ils durent attaquer cette ville. La
Minerve et la Fortunée^ arrivées sur cette rade à la fin de
l'année précédente, y avaient été retenues par l'autorité
locale et leurs équipages avaient été mis à terre pour ren-
forcer la garnison. La sortie de ces frégates étant devenue
impossible, car une forte division ennemie les surveillait,
on crut les soustraire à une capture certaine en les échouant
à la côte. Lorsque, après six jours de résistance, la ville
de Saint-Florent fut abandonnée par sa garnison qui se
replia sur Calvi, le capitaine Maistral (Désiré) livra la
Fortunée aux flammes. Les Anglais réussirent à remettre la
Minerve à flot, et cette frégate prit le nom de San Fiorenzo
dans la marine anglaise. Les équipages des deux frégates
ne s'arrêtèrent pas à Calvi; ils furent dirigés sur Bastia et
partagèrent les dangers et les privations de la garnison de
cette place jusqu'à la capitulation du 21 mai. La corvette
la Flèche fut prise dans ce port.
Le 11 janvier, le capitaine Gay, de la frégate de 32' la
Melpomène, aperçut, non loin de Calvi, la frégate la Mi--
374 COMBATS PARTICULIERS. — 1794.
gnonne chassée par 2 frégates anglaises et un vaisseau ; il se
rapprocha d'elle pour la soutenir. A 11^ 45"*, les frégates
ennemies se trouvèrent en position d'envoyer des boulets
à cet audacieux auxiliaire, et bientôt la canonnade devint
très-vive entre ces trois frégates. Je ne compte pas la JMî-
gnonne^ car son capitaine, oublieux de ce que celui de la
Melpomène venait de faire pour lui, s'éloignait sous toutes
voiles en couvrant cependant la mer de ses boulets, La
proximité de la côte arrêta les frégates anglaises; à 3**,
elles rallièrent le vaisseau qui n'avait pu s'approcher assez
pour prendre part à l'engagement. La Melpomène avait
ses bas mâts criblés, ainsi que son petit mat de hune ; son
corps portait aussi des traces nombreuses de boulets. Prise'
de calme sous la terre, elle fut remorquée à Calvi par des
embarcations du pays. Calvi fut la dernière place qui ar-
rêta les Anglais ; elle ne se rendit qu'au commencement
du mois d'août. La Melpomène et la Mignonne devinrent la
propriété des vainqueurs.
Dès le 14 juin, les Corses s'étaient déclarés séparés de
la France et avaient reçu sir Robert Elliot comme vice-roi
de la Grande-Bretagne. Disons de suite que la bonne in-
telligence ne fut pas de longue durée entre les Corses et
les Anglais. L'orgueil britannique ne pouvait sympathiser
avec le caractère ardent et les habitudes de ces monta-
gnards. Le nombre des partisans de la France augmenta
de jour en jour, et une expédition partie de Livourne s'em-
para deBastia le 21 octobre 1796; quelques jours après,
les Anglais avaient évacué l'île entière et la Corse était
redevenue française.
Les combats particuliers, assez nombreux cette année,
ne furent pas généralement avantageux à la France.
Le capitaine Biller, de la corvette de 18'' la Trompeuse,
se trouvant, le 13 janvier à 8^ du matin, à 200 milles dans
l'Ouest des Sorlîngues, îles situées à la pointe S.-O. de
COMBATS PARTICULIERS.— 1794. 375
l'Angleterre, aperçut un bâtiment sur lequel il se dirigea
pour le reconnaître : ce bâtiment était une frégate anglaise.
Il ventait bon frais et la mer était grosse. Quoique la cor-
vette eût promptement pris chasse, elle fut atteinte après
cinq heures de poursuite et son pavillon fut amené à la
première bordée qui lui fut tirée.
Prenant en considération Tétat de la mer qui ne permet-
tait pas de se servir de la batterie de la Trompeuse^ le con-
seil martial chargé d'examiner la conduite du capitaine
Biller le déclara non coupable et le déchargea de toute
accusation.
Un convoi d'une trentaine de navires se rendant de la
rade de Cannes à Marseille et à Arles sous l'escorte de la
frégate la Vestale, capitaine Foucaud, de la corvette de
30^ la Badine, capitaine Laindet Lalonde et de deux petits
avisos, se vit dans la nécessité de chercher un refuge à
Saint-Tropez pour échapper à la poursuite de 3 vaisseaux
anglais et une frégate qui étaient signalés. On était au
15 février. En entrant dans la baie, la Badine se jeta
sur le plateau de roches dites les Sardinaux placées à sa
pointe Nord, et elle futcanonnée pendant une deml-b^ure
par un des vaisseaux et la frégate. Parvenue à se remettre
à flot, elle entra à Saint-Tropez avec la Vesfaleqm lui av^ait
prêté l'assistance de ses canons; le convoi et le restçdp
l'escorte y étaient déjà. Aucun bâtîiiîent n'éprouva d'ay;|«^
ries, pas même la Badine par suite de son ^çhouagef
Un convoi parti du Havre, le 1" mars, sous Tesciorte
des chaloupes-canonnières de 3 canons de 24 YEtna^ ca-
pitaine Giffard, la Foudre^ la Terrible^ la Tempête et la
Fulminante; du lougre de T*' la Citoyenne; de l'aviso
Y Année et de la bombarde la Salamandre qui portait 10 ca-
nons de 8 et 2 mortiers, fut chassé le lend^nis^ii p^r up
376 COMBATS PARTICULIERS.— 1794.
brig anglais de 16'' qu'on supposa être le Viper (1). Il ven-
tait bon frais de O.-N.-O. Le capitaine Giffard, qui com-
mandait, fit signal de forcer les voiles. Laissée beaucoup
de rarriëre, la Salamandre fut jointe et attaquée à &" du
soir. Le capitaine Leguillon, jeune, accueillit le brig en-
nemi avec une vigueur telle que, se méprenant proba-
blement sur la force réelle de la bombarde, l'anglais se
retira après un combat de cinq quarts d'heure. Les canon-
nières ne furent d'aucune utilité à la Salamandre; la mer
ëtût trop grosse pour qu'elles pussent se servir de leur ar-
tillerie.
Les cotres le Requin^ capitaine Morel (Dominique), le
Souffleur et le Poisson-Volant , se rendant de Boulogne à
Dunkerque, furent chassés, le 30 avril, par deux frégates,
un brig et un cutter anglais. Quoique la petite escadrille
française se fût approchée de terre, les deux avisos enne-
mis l'attaquèrent par le travers du fort Sangatte. S' aper-
cevant bientôt que l'intention des frégates était de lui bar-
rer le passage, le capitaine Morel fit signal de relâcber à
Calais, où les 3 cotres entrèrent en échangeant des boulets
avec les Anglais qui les accompagnèrent jusqu'à l'entrée
des jetées.
Le capitaine Durand Linois de la frégate de 36*" Tilla-
lante^ sorti de Brest avec la corvette la Levrette et le brig
YÊpenoier pour se porter à la rencontre du convoi de grains
attendu des États-Unis d'Amérique, aperçut, le 6 mai vers
midi, 28 voiles dans le N.-E. ; le vent soufilait du N.-N.-E,
Deux bâtiments se détachèrent du groupe et chassèrent
les Français. Le petit mât de perroquet de YAtalante ve-
nait d'être dépassé, afin de ne pas fatiguer le mât de
hune éclaté au-dessus du chouque. Le capitaine Linois
(1) Ce brig et la coryette VAmaranthe aTaient ét6 pris, le 23 jaDTÎer, par la
frégate aDglaii^e Flora.
COMBATS PARTICULIERS.— 1794. 377
signala liberté de manœuvre à la Levrette qui fit vent ar-
rière; le brig s'était séparé Tavant-veille pendant un coup
de vent. Les deux chasseurs étaient les vaisseaux anglais
Saint Albans de 72°, capitaine James Vashon, et Swiftsure
de 82, capitaine Charles Boynes. Le premier s'attacha à la
poursuite de la Levrette ; l'autre échangea des boulets à toute
volée avec YAtalante jusqu'à la nuit. Une chasse de trente
heures diminua à peine la distance qui séparait les deux
derniers bâtiments, car la brise était très-faible. Le 7, elle
varia et, vers S*» du matin, YAtalante^ encore sous le vent,
se trouva par le travers du Swiftsure qui la canonna dès
lors avec plus d'efficacité. Il manquait 26 hommes à la
frégate. Son équipage, composé d'ailleurs en grande par-
tie de jeunes gens qui allaient au feu pour la première fois,
fut peu rassuré par cette canonnade nocturne. Beaucoup
abandonnèrent leur poste, et les exhortations ne furent pas
suffisantes pour les y ramener. Cependant le vaisseau ne
discontinuant pas son feu, YAtalante fut bientôt mise dans
l'impossibilité de manœuvrer. L'eau entrait en telle abon-
dance dans la cale, que le capitaine Linois fit amener le
pavillon à 4*' 15*".
Le jugement que subit le capitaine Linois constata que
r équipage de YAtalante avait passé deux jours et deux
nuits aux postes de combat, et qu^aù moment où le feu
avait commencé, on manœuvrait les avirons depuis priés
de seize heures; que le pavillon n'avait été amené que
lorsqu'on jugea le maintien de la frégate à flot impossible
et qu'on ne dut plus compter sur la coopération d'un équi-
page harassé de fatigue. Aussi le capitaine de YAtalante
fut-il acquitté , malgré l'arrêté de la Convention en vertu
duquel il devait être condamné à mort pour s'être rendu.
VAtalante prit rang parmi les frégates anglaises sous
le nom de 1* Espion.
LAtalante portait 26 canons de 12
— 6 — de 6
— et 4 caronades de 36
378 COMBATS PARTICULIERS. —4794.
Le SWIFTSUAE avait 28 canons de 32
— 30 — de 24
— 16 — de 9
— et 8 caronades de 32
Le capitaine Aucan, de la corvette de 22*» le Maire-Guit-
ton^ détaché de la division aux ordres du contre-amiral
Nielly pour escorter quelques prises, aperçut, le 15 mai
pendant la nuit, 5 bâtiments qui ne répondirent pas ftU3f
signaux de la corvette. Signal de liberté de manœuvre
fut immédiatement fait aux prises, mais c'est à peine si
elles purent profiter de la faculté qui leur était laissée, tant
la brise était faible. Le jour, en se faisant, permit de dis-
tinguer une division anglaise; ses boulets atteignaient
déjà la corvette. Le capitaine Aucan n'essaya pas de résiS'p
ter; il tira quelques coups de canon et fit amener le pavil-
lon. Le Maire-Guiiion fut amariné par la frégate Hebe. Le
convoi fut capturé.
Quelques jours après, le Maire-GuilUm et son convoi fu-
rent rencontrés et délivrés par Tarmée navale du contre^
amiral Villarct. Cet officier général enleva l'artillerie de la
corvette, mit les malades des vaisseaux à son bord et l'ex-
pédia à Lorient.
Le capitaine Bouyer, de la corvette de 20'' le Républicain^
sorti de Brest avec des dépêches pour le commandant en
chef de l'arméede l'Océan, rencontra, le 2A mai, la corvette
de 12° Y Inconnue dont le capitaine avait la môme mission ;
ils naviguèrent de conserve. Le soir môme, un grand nom-
bre de voiles furent aperçues. Les renseignements obtenus
de quelques navires du commerce et la position de ces
voiles pouvaient faire supposer aux deux capitaines que
c'éLiiient les vaisseaux du contre-amiral Viilarct. Dans cette
confiance, ils se dirigèrent vers eux. 11 venta bon frais
pendant la nuit qui fut en outre très-obscure ; les deux
COMBATS PAUTIGULIEKS. — 1794. 379
corvettes se perdirent de vue. Au jour, le capitaine Bouyer
reconnut son erreur; les voiles aperçues appartenaient
bien à une armée navale, niais c'était à celle des Anglais.
Chassé par plusieurs vaisseaux et frégates qui faisaient
pleuvoir sur lui les boulets, le capitaine du Républicain
sentit rinutilité de la résistance et amena ison pavillon. Le
RèjmhJicain fut livré aux flammes.
Un autre bâtiment brûlait à petite distance : c'était Y In-
connue qui, elle aussi, était victime de la trop grande con-
fiance de son capitaine.
L'enseigne de vaisseau Bouyer fut acquitté par le con-
seil martial qui fut chargé de prononcer sur sa conduite.
Un arrêt analogue fut probablement rendu en faveur du
capitaine de Y Inconnue.
L'ex-frégate anglaise de 40* Castor^ capitaine Thomas
Trowbridge, prise sans combat, le 10 mai, par le vaisseau
de 78*= le Patriote de la division du contre-amiral Nielly»
se sépara le 25 pendant une chasse ; le commandement en
avait été donné au lieutenant de vaisseau Lhuillier. Lfi
mauvaise composition et la faiblesse de son équipage dé-
cidèrent cet officier à faire route pour Brest. Le 29, il
aperçut derrière lui un bâtiment qu'il supposa être une
découverte de Farmée française; il continua sa route,
mais en faisant des signaux de reconnaissance. Ce bâtiment
n'y répondit pas : c'était, en effet, la frégate anglaise dje
36*^ Carysfort, capitaine Francis Laforey. Grâce à la supério-
rité de sa marche, celle-ci atteignit facilement le travers de
la frégate française. Le combat s'engagea alors avec la plus
grande vivacité; malheureusement, la faiblesse numérique
de l'équipage du Castor ne lui permit pas de le continuer
longtemps ainsi; la batterie des gaillards n'avait même pu
être armée. Sa mâture fut criblée sans que ses canonniers
inexpérimentés eussent réussi à occasionner l'avarie la
plus légère à la frégate anglaise. Pour comble d'infor-
380 COMBATS PARTICULIERS. — 1794.
tune, le feu prit aux porte-haubans d'artimon. Le service
de rartillerie qui allait se ralentissant incessamment, souf-
frit encore de cet événement. Le lieutenant Lhuillier fit
amener le pavillon.
Traduit devant un conseil martial, le lieutenant de vais-
seau Lhuillier fut acquitté*
Quelques jours plus tard, une des frégates de la divi-
sion du contre-amiral Nielly s'empara du cutter anglais
Crocodile.
Après que les Anglais se furent rendus maîtres du petit
port de Bastia, situé sur la côte orientale de Tlle de Corse,
ils en expédièrent les habitants à Toulon sur deux parle-
mentaires auxquels le commandant de l'escadre stationnée
dans ce port ne voulut pas accorder l'entrée, et qu'il fit
conduire aux îles d'Hyères par la frégate de 32" r/pAîgrênîe,
capitaine Gouet. Cette frégate faisant route pour rentrer à
Toulon rencontra, pendant la nuit du 3 juin, une frégate
anglaise qui la héla et qui reçut une volée pour toute ré-
ponse. Cette frégate ne resta pas muette à cette agression
et un feu très-nourri s'ensuivit de part et d'autre. Après
une demi-heure, la frégate ennemie se retira en faisant des
signaux qui, dénotant la présence de l'escadre anglaise»
empêchèrent le capitaine Gouet de la poursuivre. Au jour,
il aperçut en effet 8 voiles dans le Sud et retourna aux lies
d'Hyères. V Iphigénie retnit sous voiles le lendemain. Elle
avait eu un mât et une vergue de hune fortement endom-
magés dans son engagement avec la frégate anglaise. Ce
mât s'abattit dans la traversée d'Hyères à Toulon oti elle
entra avec une division envoyée à sa rencontre.
Pendant cette même nuit du 3 juin, la corvette la It-
bertéf capitaine Saunier, sortie pour observer l'armée ap-
COMBATS PARTICULIERS.— 1794. 384
glaise qui croisait devant Toulon, essuya le feu de 3 vais-
seaux auxquels elle n'échappa que par la supériorité de sa
marche.
Le capitaine Rondeau, de la frégate de 32* la Sibylle^
était depuis plusieurs jours sur la rade de Miconi de l'archi-
pel du Levant avec 3 navires du commerce qu'il accompa-
gnait à Candie lorsque, le 17 juin, un convoi anglais escorté
par un vaisseau et trois frégates parut au large. Le vais-
seau, qui était leRoMNEY de 60% capitaine honorable Wil-
liam Paget, entra dans la rade et mouilla par le travers
de la frégate française. Dès que l'ancre fut au fond, le ca-
pitaine anglais fit engager le capitaine français à ar-
borer le pavillon blanc et à ne pas tenter une résistance
que la disproportion des forces rendrait inutile. Ce dernier
répondit ne pouvoir arborer un pavillon qui n'était pas
celui de la République. Soupçonnant les intentions du ca-
pitaine Paget, les Primats de Miconi avaient de suite en-
voyé rappeler la neutralité de l'île. Loin d'avoir égard
à leurs observations, le capitaine anglais retint leur en-
voyé à son bord, et passant des menaces à l'exécution, le
RoMNEY ouvrit son feu sur la Sibylle qui lui riposta immé-
diatement. L'action fut très-chaude pendant une heure et
demie; mais après ce temps, l'équipage de la frégate se
jeta dans les embarcations ou à la nage et gagna la terre ;
38 hommes seulement restèrent à bord. Ne voulant pas
compromettre plus longtemps les jours de ces quelques
braves qui , seuls , avaient compris leur devoir, le capitaine
Rondeau fit amener le pavillon. Le capitaine Paget em-
mena la Sibylle et les navires du commerce; mais leurs
équipages, y compris le capitaine Rondeau, furent mis à
terre avant le départ.
La Sibylle portait 26 canons de 12
4 — de 6
et 2 caronades de 36
382 COMBATS PARTICULIERS. —1794.
Le lloM;N£Y avait 22 cauon^ de SA
22 — de 12
6 — de 6
h caronades de 24
et 6 — de 12
Le 14 juillet, le capitaine Lhermite (Pierre), delà fré-
gate la Seine^ en croisière sur la côte d'Irlande, s'empara
de la corveite anglaise de 20'' Levrette qui revenait de la
Jamaïque.
Le 23 août, les capitaines Magendie, de la corvette de
12* V Espion et Passard de V Alerte, de même force, se trou-
vant vers 9'' du matin à quelques milles dans le Sud de
Brest, entendirent des coups de canon qui les firent rallier
la terre. La brume qui avait régné jusqu'alors s' étant dis-
sipée à 11'', ils apcrçurenl une frégate française poursuivie
par 0 frégates anglaises. Le vent souillait de l'Est. Chassées
à leur tour par les deux frégates Flora do 42'' que montait
le Commodore sir Borlase AVarren et Arethusa de ââ, ca-
pitaine sir Edward Pclcw, les deux corvettes allèrent
mouiller sous les batteries d'Audierne. Le capitaine Ma-
gendie fit aussitôt porter une ancre à jet dans la direction
de la terre, et le icmps lui manquant pour lever celle qui
était au fond, il coupa son câble et vira sur l'ancre à jet.
Mais celle-ci ne tint pas et, entjaîné parle courant, l'Esptoii
fut jeté sur la roche appelée la Gamelle. A S**, les frégates
anglaises ouvrirent leur feu sur les deux corvettes qui y ré-
pondirent avec vigueur, la position de Y Espion lui permet-
tant fort heureusement de se servir de sa batterie. La mer
était belle et le tir sur un bâtiment immobile était facile;
le grand mât et le mât d'artimon de cette corvette furent
bientôt abattus; sa muraille portait aussi de nombreuses
traces de boulets. A 7\ elle tomba sur le côté ; une partie
de ses canons étant déjà démontés, le capitaine Magendie
COMBATS PARTICULIERS. -4794. 383
la fit évacuer. Cette détermination n'arrêta pas le feu des
frégates; elles continuèrent à tirer à mitraille sur les câ*-
nots qui, pavillon déployé, emportaient l'équipage à terre.
Le Commodore Warren voulut plus tard faire incendier
V Espion^ mais il ne put y réussir. A la nuit, le capitaine
Magendie retourna à bord et parvint à relever la corvette
qu'il mouilla dans la baie d'Audierne.
V Alerte se jeta aussi sur la Gamelle, d'où il ne put
être retiré. Le lieutenant de vaisseau Passard fut déclaré
non coupable.
Chassé, le 23 août, par la division du commodore an-
glais sir Borlase Warren, le capitaine Papin (Jacques), de
la frégate de Sô*" la Volontaire^ qui croisait devant Brest
avec le brig le Lazouski (1) , prit la bordée de terre ; la
brise soufflait du N.-E. Les chasseurs se divisèrent de
manière à enceindre la Volonlaire dans un demi-cercle.
Cette disposition l'empêchant de doubler les Penmarks,
rochers situés près de la côte entre Brest et Lorient, le
capitaine Papin mouilla, à 2'* de l'après-midi, entre la
pointe à laquelle ces rochers ont donné leur nom et Au-
dierne. Les frégates Artois de Zi4*, capitaine Edmund
Nagle, Diamond de 48, capitaine sir Sidney Smith, Gala-
THiEA de 40, capitaine sir Richard Goodwin Keats et Diana
de 48, capitaine Jonathan Faulknor, le suivirent, mais elles
ne mouillèrent pas; elles défilèrent successivement devant
la Volonlair^c en lui envoyant leur bordée. Cette attaque
durait depuis deux heures, et rien n'annonçait qu'une autre
cause que la nuit dût y mettre un terme, lorsque le capi-
taine Papin, dans le but de prendre une position plus fa-
vorable, coupa ses câbles et s'échoua à la côte, le travers
au large. La canonnade continua jusqu'à à^ 15"*; l'état de
la marée décida alors le commodore anglais à s'éloigner.
(1) L'aDcien Espoir,
384 COMBATS PARTICULIERS. —1794.
La Volontaire échappait à rennemi, mais sa position était
loin d'être rassurante ; elle était échouée sur des roches
et ne tarda pas à faire de Teau ; bientôt les pompes ne fran-
chirent plus. Désespérant de relever la frégate dont le com-
mandement lui était confié, le capitaine Papin ordonna de
débarquer les vivres et les approvisionnements et* cette
opération terminée, il fit descendre l'équipage à terre.
Le Lazouski avait pris une direction différente et n'avdt
pas été poursuivi.
Le jury, chargé d'examiner la conduite du capitaine
Papin, déclara cet officier non coupable.
Le 10 septembre à A^ du matin, le capitaine Gollinet, du
cotre la Surprise^ courant bâbord amures avec une belle
brise de N.-N.-E., dans les parages d'Ouessant, aperçut
devant lui et au vent plusieurs bâtiments dont 2 lui ap-
puyèrent la chasse 5 il arriva vent arrière. Le jour, en se
faisant, permit au capitaine de la Surprise de reconnaître
2 frégates anglaises dans les bâtiments qui le chassaient:
c'étaient la Pallas et 1' Aquilon. La défense n'était pas pos-
sible. Après un échange de quelques coups de canon , le
pavillon du cotre fut amené.
Le jury qui examina la conduite de l'enseigne de vais-
seau Gollinet déclara qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre.
Le capitaine Thevenard (Alexandre) , de la frégate de 44*
la Révolutionnaire j se rendant du Havre à Brest, fut chassé
pendant la nuit du 21 octobre, et à quelques milles, de l'Ile
d'Ouessant, par les frégates anglaises Arethusa, Diamond
de 48% capitaines sir Edward Pelew et sir Sidney Smith,
Artois de 44, capitaine Edmund Nagle et Galathjea de 40,
capitaine Richard Goodwin Keats. La brise était faible du
N.-E. Dès que le jour parut, une canonnade de chasse et
de retraite s'établit entre la Révolutionnaire et T Artois;
COLONIES. — 1794. 385
mais lorsque le vaisseau rasé anglais fut à distance con-
venable, le capitaine Thevenard lança subitement au vent
et lui envoya une bordée entière. Cette manœuvre, qui fut
sans résultat, permit à TArtois d'atteindre le travers de
dessous le vent de la Révolutionnaire. Le combat continua
dans cette position. Une demi-heure plus tard, la Diamond
arriva, suivie de près par les 2 autres frégates. Le capi-
taine Thevenard dut céder à la force : à 10^ 80"*, il fit
amener le pavillon. La Révolutionnaire avait perdu ses
vergues de grand hunier et de perroquet de fougue.
Le jury déclara qu'il n'y avait pas lieu à accusation contre
le lieutenant de vaisseau Thevenard.
Lorsque, le 1" février 1793, la guerre avait été déclarée
à l'Angleterre et à la Hollande, la France était en posses-
sion des colonies qui lui avaient été reconnues par le traité
de paix de 1783. C'étaient, dans l'Amérique du Nord, les
deux petites îles Saint-Pierre et Miquelon sur la côte de
Terre-Neave; aux Antilles, les îles de la Martinique, les
Saintes, la Guadeloupe, laDésirade, Sainte-Lucie, Tabago,
Marie Galante, une partie de Saint-Martin et de Saint-
Domingue; la Guyane, dans l'Amérique du Sud. En Afri-
que, Saint-Louis et l'île de Corée. Aux Indes, Pondichéry,
Chandernagor, Karikal, Yanaon, Mahé, les îles de France
et de Bourbon (d) et Foulpointe à Madagascar.
J'ai dit comment les troubles de la Vendée, en obligeant
le gouvernement à tenir un grand nombre de bâtiments
sur la côte occidentale de la France, avaient momentané-
ment empêché d'envoyer des secours aux colonies. Aussi,
dès le 14 avril J793, les Anglais s'emparaient-ils de
Tabago. Dans l'Inde, on avait promptement appris la dé-
claration de guerre par l'isthme de Suez ; et avant qu'on
(1) Aujourd'hui la Réunion.
II. 25
SS6 COLONIES. -4194.
eût pu prendre aucune mesure, Ghanderuagor, Karikal,
Yanaon, Mahé étaient au pouvoir des Anglais. Au mois
d'août, ils s'étaient emparés de Pondichéry. Les lies de
Saint-Pierre et Miquelon avaient aussi été prises.
Les colonies des Antilles se trouvèrent bientôt dans la
position la plus critique ; elles étaient dans un état de pé-
nurie affligeant , et les gouverneurs ne conservant plus
qu'une ombre d'autorité, elles tombèrent dans l'anarchie
la plus complète. Des planteurs de la Martinique et de la
Guadeloupe députèrent vers les Anglais et promirent de
livrer ces îles à la première expédition qui se présentendt.
Le pavillon blanc flotta de nouveau sur certains quartiers
de la Martinique et les deux partis se faisaient une guerre
à mort, lorsque une division anglaise de 8 vaisseaux et
plusieurs frégates, sous le commandement du contre-ami-
ral Gardner, se présenta, le 11 janvier 1793, devant le Fort*
Royal , et fit un débarquement. Les passions et les haines
s'éteignirent un instant. Culbutées sur tous les points^
les colonnes d' Anglo-émigrés se rembarquèrent.
Une députation de propriétaires de la Martinique avait
déjà demandé l'intervention du chef de division Rivière qui
s'était retiré à l'Ile espagnole de la Trinité avec les bâtimenti
sous ses ordres. Un conseil avait été tenu à cet effet, dant
les premiers jours d'avril, et il avait été convenu que le
pavillon espagnol flotterait à côté de celui de la France sur
tous les forts de l'île, dans le cas où Ton parviendrait à
rétablir l'ordre. Mais ce ne fut que longtemps après que le
gouvernement espagnol consentit à accorder la protection
qui lui était démandée ^ et lorsque le chef de division Ba-*
relia se présenta devant la Martinique, l'amiral anglais
Jervis venait de s'en rendre maître.
Humiliée de l'échec qu'elle avait reçu, l'Angleterre avait
envoyé des forces assez considérables pour le réparer. Une
expédition commandée par l'amiral Jervis était partie
d'Europe, et avait paru, le à février 1794, devant la Marti*
nique. Le 22 mai, après trente-deux jours de bombarde-
COLONIES. --4794. 8S7
ment, le général Rochambeau avait capitulé dans le folrt
Bourbon^ seul point de l'Ile qui ne fût pas au pouvoir de
l'ennemi.
Le & avril, Tile de Sainte-Lucie capitulait aussi.
Les Anglais se dirigèrent ensuite sur la Guadeloupe «t^
chemin faisant, ils s'empâtèrent des Saintes. Le 11, ih
firent un débarquement dans la baie de la Poiute-à^Pltref
et ayant réussi à faire abandonner toutes leè positiotis va
passant la garnison de la batterie de Fleut-d'Épée par les
armes (1), ils furent bientôt maîtres de la Grande-'Terre*
Le 21, le général GoUot signa la capitulation de laGuacki^
loupe et de ses dépendances. Toutes les possessions fran-
çaises des îles du Vent tombèrent ainsi en un mois au
pouvoir des Anglais.
L'Angleterre ne vit pas sans orgueil le succès qu'elle
venait d'obtenir dans les Antilles. Maîtresse de presque
toute la partie française^de Saint-^Domingue que ses tramei
et ses séductions lui avaient soumise, elle caresliait l'idée
d'enlever pour toujours cette précieuse colonie à la Franeeé
Souveraine absolue des lies du Vent, elle se flattait que
rbydre toujours renaissante des passions ne permettrait
pas de longtemps à la France de la troubler dans la pos^
session de ces îles. La Martinique, que le dévouement d'une
faible, mais influente partie des habitants lui rendait pré«
cieuse , obtint ses libéralités intéressées. La Guadeloupe,
au contraire, qui n'avait pas perdu le souvenir des incw-
dies et des dévastations des Angliâs, fut traitée aveô là
plus grande rigueur.
m *àt\ M uni
La nouvelle des événements qui viennent d'être relatés
n'était pas encore parvenue en France lorsque, vers là fin
du mois d'avril, le capitaine de vaisseau Leissegues partit
de Rochefort avec les frégates la Pique et la îliitis , le
(1) firyan Edwards. lÉhi^ ùf thé ÈritisH tôionîe^ in thé We&f fndiM.
388 COLONIES. - 1794.
cotre le Cerf-Volant^ les flûtes le Marsouin et la PrivayanU
qui portaient 800 hommes destinés à renforcer les garni*
sons des Antilles. Les généraux nommés au commande-
ment de ces colonies et les délégués de la Convention
nationale avaient pris passage sur ces bâtiments. Le com-
mandant Leissegues n'apprit la prise de la Martinique et
de la Guadeloupe qu'en arrivant en vue de cette dernière
lie; bientôt il sut que toutes les colonies françaises étaient
au pouvoir des Anglais. Le projet de reprendre la Guade-
loupe fut de suite arrêté ^ le 3 juin, la division jeta Fancre
dans la baie de la Pointe- à-Pltre.
La colonie de la Guadeloupe est, on le sait, partagée en
deux parties par un petit bras de mer qui porte le nom de
rivière Salée; l'île la plus occidentale est la Guadeloupe
proprement dite; l'autre se nomme la Grande-Terre. C'est
sur cette dernière, et à l'entrée méridionale de la rivière
Salée, que se trouve la ville de la Pointe-à-Pître. Un en-
foncement assez considérable entre les deux lies forme la
baie à laquelle la ville a donné son nom. Resserrée vers
le fond, cette baie offre un bon ancrage abrité par un vaste
banc et de nombreux Ilots généralement placés du côté de
la Guadeloupe. Le principal, l'Ilot à Cochons, qui est aussi
le plus rapproché de la Grande-Terre, marque la limite
Sud de la rade. Devant la ville , la profondeur des eanx
varie entre 3 et 7 mètres. La passe, située dans l'Est de
cet Ilot, est défendue par la batterie de Fleur-d'Épée qui
bat également un enfoncement de la côte dit la Giunde-
Baie. Cette batterie, établie à peu près à mi-distance de la
ville et du bourg du Gozier, de l'aulre côté de la Grande-
Baie, est à environ 2 milles de chacun de ces points.
Le soir même de l'arrivée , les troupes furent mises k
terre, ainsi que les marins qui purent leur être adjoints
sans trop affaiblir les équipages, et pendant la nuit du 6,
ce petit corps d'armée, dirigé par les généraux Cartier et
Rouyer, enleva d'assaut la batterie de Fleur-d'Épée défen-
due par 900 hommes et 17 pièces de canon. Étonnés delant
COLONIES. — 4794. Mt
d'audace, les Anglais abandonnèrent toutes les positioiis
qu'ils occupaient de ce côté de la ville; ils ne s'arrêtèrent
même pas à la Poiate-à-Pltre. Les Françûs l'occupèreot
immédiatement, et la division put alors entrer dans ce.qu'on
appelle le port, c'est-à-dire dans la partie de la rade la plus
rapprochée de la ville; elle s'empara de 87 navires qui s'y
trouvaient.
Menacés d'être chassés de Fife, les Anglais ne tarderait
pas à paraître avec des forces considérables. L'amiral
Jervis arriva, le lendemaini avec 6 vaisseaux, 12 fr.égates
ou corvettes, 5 canonnières, 16 transports, et débarquaaa
Gozier un corps de 3,500 hommes. Le commandant Lds-
segues avait pris les dispositions les plus actives pour em-
pêcher l'ennemi d'entrer dans la rade; 2 transports avaient
été coulés dans la passe qui y conduit, et une partie des
canons des frégates avdent été mis à terre pour établir des
batteries sur la plage; le service en était confié t des ma-
rins et à des oi&ciers de marine. Les Anglûs marchèrent
d'abord sur Fleur-d'Épée , vms ils ne furent pas tentés
d'imiter la manière de faire des Français* Us constnur
sirent des batteries, en tout 80 canons ou mortiers, sur le
morne Mascotte qui domine cette fortification, et. ils rattih*
quèrentde ce bord pendant que leurs canonnières la ^saocm-
naient du côté de la mer. Ce fut eu vain que la gamiscm
de Fleur-d'Épée voulut débusquer l'ennemi de cette poeir'
tion : deux fois elle fut repoussée. Les Anglais avaient aqasi
établi une batterie de mortiers en facede la ville etleàbom-
bes dévastaient la Pointe-à«Pltre, en môme tempe que les
boulets détruissdent les revêtements de Fleur-d'Épée*. La
consternation se répandit promptement parmi les habitiAta,
et les frégates ne furent préservées de Tincendie quineturda
pas à se déclarer dans plusieurs quartiers, que grâce i la
précaution qui avait été prise de couvrir leur pont 4o. m^
telas et de leur faire un rempart avec le» navires da com-
merce.
^e bomb^trdement durait d^uisua voiSt et la fièvre
8»0 COLONIES. — 4794.
jaune faisait d*a(freux ravages dans les rangs de la petite
année française. Le commissaire du gouvernement Ghréf-
tien et le général Cartier en avaient été les victimes ; le
général Rouyer avait été tué. Bien décidés cependant à
empocher les Anglais de rentrer en possession de cette
partie de File, les commandants de terre et de mer goB-
vinrent que, dans le cas où il y aurait absolue nécessité
d'abandonner la ville, ils se retireraient sur le mome du
Gouvernement, qui reçut plus tard le nom de Mome de U
Victoire. Ce point fut fortifié avec des canons pris à bord
des frégates , et le capitaine de vaisseau Merlet reçut le
commandement de ce poste important; le capitaine de
vaisseau Escubar fut chargé de diriger les batteries qu'on
plaça dans les avenues de la ville ; celles-ci étaient servies
par des marins. Tous les officiers de la division furent
répartis dans ces différents postes.
Exaspérés qu'une poignée de Français abandonnés à
eux-mêmes, exténués par les maladies et resserrés dans
une ville ouverte, fAt sourde à toutes leurs propositions, les
Anglais voulurent en finir par une attaque décisive. Dans
la nuit du 1^ au 2 juillet, après avoir fait feu de toutes
leurs batteries pendant huit heures consécutives, ils di-
rigèrent deux colonnes de 1,000 hommes chacune sur )a
Pointe-à-Pitre« Les avant-postes furent enlevés et la garni-
son se replia sur le mome du Gouvernement. Massés au<-
tour de ce poste, les Anglais n'attendaient que le jour pour
l'enlever. Mais dès qu'il parut, les braves qui le défen-
daient foudroyèrent les colonnes ennemies qu^une des fré-
gates canonnait aussi à bout portant. La poudre cependant
commençait à manquer et il devenait impossible de tenir
longtemps désormais, lorsque une canonnière qui dirigeait
ses coups sur la partie de la ville où était l'ennemi, mit le
feu à une maison dont on avait fait un magasin à poudre.
L'explosion qui en résulta tua aux Anglais beaucoup de
monde, et fut le signal de leur déroute. Reprenant alois
V offensive, les Français les poursuivirent la MdomMttB
ÇOLOmïW.«-«W. Mi
^6 les reiaisf 9t U* fanAreiçA de Ai r^imt Awf han r*«
tranchemeote sivec pert4 d^ 80Q bomww 9t de touti tow
artillerie (1),
' Pendant trois mpius, iQg Ang]m m disomtûm^rmii pM
leurs attaquer et m çessëFçnt de fsÔTQ jau§r te» t^ooUMWf
et cela impqném^nt p$urce q»6| «ur to pQi^t d« maQ^MT df
munitions, le co<nipandapt|rwçai9 )pg gardidi; ppur le cm
d'une attaque décipive. Pendant ce tenops, la fiàne XRoiik
spnnait les sQldata ^t tes marwp qu'ép^rgaatent tes ho}^
tets ennemis, et te garnison 9'^aU)Uw4t de jour w
jour; le gépôral Aub^rt ayait AucçomH» Dm bataîlteof
d'hommes d9 cputeur furent orgapîiéi ppw rwiplir cff
vides ; et lorsque te mauvais^ laispn fut pasa^, te capitiNHi
d'artillerie P^terdyt upmmé par tecofpmteaaîra du geuv^i^
nement Yiqtor ^ug^QAf gi^nérfd d§ âiTWoa et eoronmpdent
en chef de te force ^nQ^^ s^qQuài per te cbaf de beteUte»
Boudet, uommé général do brigede, «mt povtmt tspter
rç]^puteten complète doi AngteiA,
Le premier ^te offensif eut Iteu fostrt te Petit^Boorgi
principal magasin du cftmp Bi^rville pù.js'^tatent ritogiili
les Anglais. Des canots furent disposés pour transpoi^MT
les troupes destinées ^ ^tte eip^tiw 4W devait «eiiplre
de nuit; des caponnièrea obarg^d^ çpuper lee'çoiailHHMr
patiQPSi de l'escadre auglwie ftvec te wipp aTwen^ rwN»
de les soutenir» GottQ nntreprisç fut «ourOQi^ de lUQCtei
te PetitnQourg fut enleva, I«e ZO oçt4j»r»t te g ^oéral 6i»r
ham capitula et 1,&00 Anglais prisonnieri lurvnt wniP)^
sur leur escadre, abandonnant, outre 88 bouches à feu»
:3,Û00 fusils, une quauliti consid^rftUe de mmltloM^^de
vivres et 800 émigrés qi4 eiVMeQt emNtttU d«n» Nh
rangs* Ces infortuné^ pubirgQt te peiofl fU» ,te toi B^qrar
çait contre eux. • î
Pélivré de toute aretete due eptte pwtte de i'fter 1* t/^
(I) Les Ang] iîr n'aTAn^rent qa« la perte d'un géiéril, u eapttifiM lli nlâ-
•Ë^ièeileft ^mhMMMtiiii^MiiKlliM«e«;..-, .•*'^
392 COLONIES. — 1794.
gérai en chef marcha sur la Basse-Terre. A son approche,
les troupes ennemies abandonnèrent toutes les positions
qu'elles occupaient, mais en les dévastant ; elles évacuèrent
également la ville de la Basse-Terre. Le général Prescott
détruisit les magasins, l'arsenal et les batteries, et se ren-
ferma dans le fort Saint-Charles avec 860 hommes. Le
général Pelardy arriva devant ce fort, le 14 novembre,
et commença les travaux de siège. Ils étaient terminés
et les batteries allaient être démasquées, quand les An-
glais, ne jugeant pas à propos de soutenir une attaque
générale, évacuèrent le fort dans la nuit du 10 déceifnbre
et se réfugièrent à bord de 7 vaisseaux et & frégates qui
étaient mouillés depuis quelques jours sur la rade. Les
Français entrèrent à S*» du matin dans le fort Saint-Charles
où ils trouvèrent 73 pièces de canons en bon état, 75 mil-
liers de poudre, 2,000 boulets, 854 fusils et beaucoup de
vivres. Cette retraite les rendit maîtres de la colonie.
Pendant la durée de ce siège, 40 hommes de Marie-Ga-
lante, réfugiés à la Pointe-à-Pître , se firent débarquer
dans leur lie par des pirogues et en reprirent posfses-
sion.
Ainsi, après avoir lutté pendant huit mois et demi contre
8,000 Anglais, soutenus par une forte division navale,
2,200 hommes, soldats, marins et hommes de couleur,
dont les deux tiers périrent par le fer ou par les maladies,
rendirent à la République les colonies de la Guadeloupe et
de Marie-Galante.
Une division composée du vaisseau rasé Y Expérimenta
des frégates la Venqeance et la Félicité; des brigs la Mutine
et YÊpervier, partit de Brest, le 28 septembre, sous le
commandement du capitaine de vaisseau Allemand (Za-
charie), et se porta sur la côte de Guinée où elle détruisit
tous les comptoirs anglais et ruina rétablissement de Sierra-
Leone. Une des frégates remonta la rivière jusqu'à l'Ile
Banca, dont le fort fut abandonné après deux jours di
COLONIES.— 1794. 39^
fense. Quand elle eut démoli toutes les fortifications,. brisé
les canons, pris les marchandises de la Compagnie an-
glaise et détruit 110 navires anglais, espagnols oupor^
tugais, la division retourna en France.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGÉS
pendant rannée 1794.
ANGLAIS.
Canons.
j Impétueux* Brûlé par accident.
( Alexànder Pris par une division.
72 Ardent. Brûlé par accident.
iCoNVERT Naufragée sur le Grand Caïman.
Castor Prise par une frégate.
Daphne — par une armée.
28 Rose Naufragée à la Jamaïque.
24 Moselle* Prise.
20 Levrette * — par une frégate.
18 Amphitrite Naufragée dans la Méditerranée.
Alert ]
HouND I Pris chacun par une frégate.
Ig ; Espion * )
Pylades Naufragé à Sbetland.
Scout Pris par une frégate.
Actif* Sombré.
Expédition |
14 \ Speedy > Pris par des divisions.
Ranger • . « j
6 Spitfire Sombré à Saint-Domingue.
Cutler : Crocodile. ...... Pris par une division.
FRANÇAIS.
114 Républicain Naufragé sur la Toche Mingan.
i Sans-Pareil.
*® \ Juste
^'"^/^^ > Pris an combat du !•' juin.
Impétueux ' *
78 { ÂchiUe ,
Northumberland. ...
Vengeur Coulé pendant le combat du 1!! juin.
f ^^^^^^ P"^® P**" ""® divi;?ion.
\ Révolutionnaire Détruite à la côte.
42 Minerve Prise à Saint-Florent.
40 Castor * — par une frégate.
Volontaire Détruite à la côle.
Fortunée Prise à Saint-Florent.
^ Engageante — par une division.
Atalante 1 _ chacune par un vaisseau,
j Sibylle f
** i Melpomène — à Calvi.
394
COLONIES. — 1794.
( Bienvenue. • •
SI iMiffnenna, • .
( Revenge *. . .
Jacobine., . ,
Sans-Culottes.
[ Babet.
U
par QBe Hi? isioi.
par une frégate,
par deux ▼aisseaux,
par un^ (régatf.
par une division.
SO
18
16
li
Î Sérieuse Naufragée à Cherbourg.
Républicain Détruite à la mer.
Révolutionnaire, • , » . , Prise par «na frégatç.
Trompeuse. ..••..,. -r- par m)e corvette.
Mosd'le' ! .' ! .'.';; i .' I "" P^^^"'^® P*^ ^°® ^'^^«**«-
F/écA(? — à Bastia.
Alerte Détriiit à Donarnenez.
tuâdeioùpe'. \\\\ \ ; ; j P'w P*"" »«« «scadre.
Liberté » .... J
ildt/. I '
Sirène
Reprisai*
Narcisse
Quartidi. r
par une frégate.
— par deux vaisseaux.
— par une escadre.
— par une frégate.
;— par une division.
12 \venXr. ] '. '. \ \ '/. [\\ " chacun par une frégate.
( Inconnue Brûlée par Tennemi.
Corvette : Amaranthe. . . Prisç par une frégate.
^L'astérisque indiqua mt ftâtimeqt pris h- l'ennemi.
RÉCAPITULATION.
ANGLAIS. . . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs.. ......
FRANÇAIS. . Vaisseaux
Frégates
Bâtiments de rangs in-
férieurs.» ......
Détruits
?ris.
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naufragés.
laeendiés.
TeXAL.
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«
ORGANISATION. - 1796. 8§5
ANNÉE 179S.
On a vu que, malgré les efforts de la Convention natiO'r
nale et ceux de ses représentants qui déployaient dans les
ports et à bord même des bâtiments l'activité la plus
grande, le résultat obtenu dans les essais de réorganisation
du personnel et surtout de l'état-major de la flotte pou-
vaient être considérés comme nuls. Certes, il y aurait in-
justice à attribuer tous les désastres maritimes de Tannée
179& aux officiers auxquels on avait confié le commande-
ment des bâtiments et principalement le commandement
des vaisseaux de la République ; on ne saurait cependant
méconnaître que des fautes furent commises, fautes aux-
quelles quelque3-uns de ces désastres peuvent être attri-
bués. Aussi reconnut^on bientôt que le dernier mot n'était
pas dit en matière d'organisation ; qu'une réforme était né-
cessaire, non telle qu'on Favail; entendue jusqu'alors, mais
une réforme faite avec mesure et discernement. Consulté à
ce sujet, le vice^amiral Villaret écrivit, le 27 mars 1795,
la lettre suivante que je transcris textuellement :
Au citoyen Dalbarade, commissaire de la marine et
des colonies.
«Citoyen commissaire,
« C'est bien à juste titre que tu te récries sur Tincapa-
u cité des commandants de convoi ; tu aurais pu étendre
a tes plaintes beaucoup plus loin. Quant à moi, je tranche
c le mot ; ignorance, intrigues, prétentions, apathie pour
(( le service, basses jalousie, ambition de grade, non pour
(( avoir occasion de se distinguer, mais bien parce que
« remploi donno plus d'argent, voilà malheureusament le
« tableau trop fidèle des dix-neuf vingtièmes des offieiers.
396 ORGANISATION. — 1795.
fc Tu n'ignores pas sans doute que les meilleurs marins des
« différentes places de commerce se tinrent retirés derrière
« le rideau dans le commencement de la révolution et qu'il
«s'en présenta au contraire une foule qui, ne pouvant
u s'employer au commerce, parce qu'ils n'avaient d'autre
« talent que le verbiage du patriotisme, à la faveur du-
« quel ils avaient séduit les sociétés populaires dont ils
«étaient membres, obtinrent les premiers emplois. Les
« capitaines expérimentés, que je suis bien loin d'excuser
« parce qu'ils sont véritablement coupal)les d'égoîsme, s'ils
« ne le sont d'incivisme, ces hommes, dis-je, qui auraient
« pu servir efficacement la République par leurs talents
« et leurs connaissances, se sont constamment refusés de-
« puis à prendre la mer et, par un amour-propre inexcu-
« sable, préfèrent encore aujourd'hui le service delà garde
« nationale à celui de la mer où, disent-ils, ils seraient
« obligés de servir sous des capitaines auxquels ils ont
« souvent refusé le commandement d'un quart.
c Voilà la vraie cause du petit nombre d'hommes instruits
«qu'a fournis la marine du commerce; voilà par consé-
« quent la cause des fréquents accidents qu'éprouve la
« marine de la République qu'il est véritablement temps
« d'épurer. Puisque la justice et par conséquent les talents
« sont à l'ordre du jour, et que la France entière est au-
« jourd'hui bien convaincue que le patriotisme, qui est bien
« une des vertus les plus essentielles des agents du gouver-
« nement, n'est cependant pas la seule, comme on le préten-
«' dait autrefois, qu'on doive exiger dans les commandants
a de nos armées et de nos flottes, tu es sans doute en droit
« d'exiger de moi, diaprés cet exposé, des notes qui puis-
« sent te mettre à même de créer un corps de marine qui
« puisse seconder les hautes vues qu'a la Convention sur
u cette partie des forces de la République. Mais, mes apos-
H tilles et les retraites que je solliciterais ne pourraient-
« elles pas être taxées d'arbitraire, puisque je ne pourrais
« alléguer que mon opinion, le défaut d'éducatioq et Iç peu
ORGANISATION. - 1795. 397
« de moral de la plupart de ces commandants qui ne le sont
« qu'en dépit de la nature, qui paraît leur avoir refusé
« Ténergie, Tactivité et les connaissances indispensables à
« rhomme destiné à commander à ses semblables (1).
(( Signé ViLLARET. Jl
Quelques mois plus tard, après le combat de Groix, cet
officier général écrivait au ministre de la marine : « L'in-
« subordination de plusieurs capitaines, Tignorance ex-
u trême de quelques autres rendirent nulles toutes mes
a mesures, et mon cœur fut navré des malheurs que je pré-
« sageai dès ce moment. »
Presque à la même époque, le représentant Letourneur
(de la Manche), qui venait d'assister au combat du cap
Noiis dans la Méditerranée, faisait entendre les mêmes
plaintes, n Les équipages, écrivait-il, se sont conduits avec
«une intrépidité peu commune, et je suis convaincu que
« ce revers dont ils ont été à portée d'apprécier eux-mêmes
« les causes, ne fera qu'ajouter à leur énergie. Il y a beau-
té coup de bonne volonté parmi les officiers; mais je ne
« puis vous dissimuler qu'elle n'est soutenue ni par l'ex-
« périence ni par une capacité suffisante, au moins chez
«la plupart (2). »
La lettre suivante du vice-amiral Villaret achèvera de
peindre la situation : « On s'est adressé aux sociétés popu*
« laires pour qu'elles désignent les hommes qui réunissent
(( les connaissances de la marine au patriotisme. Les socié-
« tés populaires ont cru qu'il suffisait à un homme d'avoir
u beaucoup navigué pour être marin, si d'ailleurs il était
« patriote. Elles n'ont pas réfléchi que le patriotisme seul
c ne conduit pas les vaisseaux. On a donc donné des
« grades à des hommes qui n'ont dans la marine d'autre
(1) Archives du ministère de la marine.
(2) Archives du ministère de la marine.
398 ORGANISATION. — 1795.
« mérite que celui d'avoir été beaucoup à la mer, sanç
< songer que tel homme est souvent dans un navire comme
«un ballot. Aussi la routine de ces hommes s'est*dle
(( trouvée déconcertée au premier événement imprévu. Ce
« n'est pas toujours, il faut bien le dire, le plus instruit et
« le plus patriote en même temps qui a obtenu les suffrages
(( dans les sociétés, mais souvent le plus intrigant et le
u plus faux^ celui qui, avec de Teffronterie et un peu de
« babil, a su en imposer à la majorité. On est tombé d&Qé
(( un autre inconvénient. Sur une apparence d'activité ^ue
(( produit Tefiervescence de l'âge, on a donné des grades
« à des jeunes gens sans connaissances, sans talents, sans
<( expérience et sans examen. Il a semblé, sans doute, que
H les pilotes de l'ancienne marine étaient faits pour aspirer
(( à tous les grades ; aussi sont-ils tous placés. Eh bien t
K le mérite de la très-grande majorité d'entre eux se bôrod
« à estimer la route, à faire le point et à pointer la ôarté
(( d'une manière routinière. Beaucoup n'ont jamais été à
<( portée de mettre à exécution la partie brillante du ma-
(( rin, la manœuvre, qui déjoue les dispositions de l'en-
«nemi et donne l'avantage à forces égales. Qu'ont de
« commun avec l'art du marin, les canonniers, les voiliets,
« les calfats, les charpentiers et on pourrait dire les maîtres
« d'équipage dont la majeure partie savent à peine lire et
« écrire, quelques-uns pas du tout I II y en a cependant
a qui ont obtenu des grades d'officiers et même de c&«
H pitaines (1) . »
Ces lettres viennent surabondamment corroborer Ce que
j'ai dit plus haut (2) .
Le Directoire ne tarda pas à partager l'opinion du vice-
amiral Yillaret et à voir que la cause première de la défaite
(1) Dépôt des cartes et plans de la marine,
(2) Il faut cependant se tenir en garde contre les appréciatioDS du citoyen L«-
tourneur. Les rapports du contre-amiral Martin constatent qu'il exaltait sans
cesse le déYouement et la discipline des équipages, quoique témoin de leur
insoucianco et de leur indiscipline.
ORGANISATION.^ i79tt« 30»
des escadres d@ la Républiqae tenait à Torganisation de la
marine. Jusqu'à ce jour, tous les postes avaient été oocu^
pés par des hommes choisis par les sociétés populaires $
la désorganisation était à son comble dans les arsenaut«
La tâche n'était pas facile; il fallait faire le sacrifice de
toute considération personnelle, anéantir d'ancieùties pré-
tentions et trouver des hommes de génie^ de probité et
d'expérience. Il n'était guère possible d'arriver du premier
coup au meilleur choix ) il fallait se réserver la faculté de
prendre de bons officiers alors absents des ports et.éloi-^
gnés depuis longtemps de la Surveillance de chefs capables
de les juger* Au commencement de l'an IV, la Convention
nationale décréta plusieurs lois relatives à la marine, et le
3 brumaire (26 octobre 1705) , le Directoire lança le décret
d'organisation suivant s
Art. 1. II y aura dans la marine militaire deux dasses
d'aspirants.
Art. 2. Seront admis dans la seconde classe^ les jeunes
gens âgés de douze ans m moins et de diX'-huit ans au plus
qui i ayant six mois de navigation^ auront satisfait à uû
examen sur l'arithmétique.
Art. 8. Seront admis à la première classe, les jeuties
gens âgés de quinze à vingt et un ans qui, ayant viâgt^
quatre mois de navigation^ dont six sur les bâtiments de
la République, auront répondu d'une manière satisfaisante
à un examen sur la géométrie, la théorie du pilotage, les
éléments de tactique et la manœuvre des gréments^
Art. ié Le nombre des aspirants entreteûus sera cm*
stamment de deux cents.
Art. 5. Les grades des officiers de la marine sont t M-
seigne de vaisseau ; lieutenant de vaisseau ; eapitainé de
frégate ; capitaine de vaisseaa ; dbief de division $ contre*^
amiral et vice-amiraL
Art. 6. Le grade d'enseigne de vaisseau sera conféré
aux navigateurs de l'âge de dix«buit à vingt'htiit ans qui,
ayant quarante-buit moii effectifs de navigalton ^ répm^
400 ORGANISATION.— 1795.
dront le mieux à Texamea sur la géométrie, la théorie da
pilotage, les éléments de tactique et la manœuvre des gré-
ments, ainsi que sur toutes les manœuvres, mouvements
et évolutions des bâtiments naviguant seuls, et sur la pra-
tique du canonnage.
Art. 7. Le grade de lieutenant de vaisseau sera conféré
aux enseignes de vaisseau les plus anciens dans ce grade et
qui, étant âgés de vingt-six ans au moins, et ayant soixante
mois effectifs de navigation, auront en outre satisfait à un
examen sur l'abattage des vaisseaux en quille, sur l'arri-
mage et les moyens de rétablir ou de conserver dans la
navigation l'assiette et les tirants d'eau les plus avanta-
geux; sur l'exécution des signaux ou tactique navale; sur
les dispositions avant, pendant et après le combat; sur les
lois de police ou de discipline militaire et celles pénales
pour la marine.
Art. 8. Les places de capitaines de frégate, capitaines
de vaisseau, et chefs de division seront données à des offi-
ciers du grade immédiatement inférieur à celui à occuper,
la moitié à l'ancienneté, et l'autre moite au choix du Direc-
toire exécutif.
Le même jour, 3 brumaire an IV, le Directoire exécutif
rendit cet autre décret concernant les officiers de vaisseau.
Art. 1. Le corps actuel des officiers de vaisseau est sup-
primé.
Art. 2. Il sera créé un corps d'officiers de marine ainsi
composé : 8 vice-amiraux ; 16 contre-amiraux ; 60 chefs de
division; 100 capitaines de vaisseau; 180 capitaines de
frégate; AOO lieutenants de vaisseau; 600 enseignes de
vaisseau.
Art. 3. Le titre d'amiral n'est que temporaire ; il sera
conféré à tout officier général commandant une armée na-
vale de quinze vaisseaux et au-dessus, et seulement pen-
dant la durée de la campagne.
Art. A. Il sera nommé de suite 5 vice-amiraux, 12 contre-
amiraux, àO chefs de division, 80 capitaines de vaisseau.
ORGANISATION.--i795. 401
140 capitaines de frégate. Le nombre des lieutenants et
des enseignes de vaisseau sera complété.
Art. 5. Les vice-amiraux et contre -amiraux seront
choisis parmi les officiers génénaux actuels de la marine
et les capitaines de vaisseau de première classe.
Les chefs de division, parmi tous les capitaines de vais-
seau actuels.
Les capitaines de vaisseau, parmi les capitaines de
frégate [et les lieutenants de vaisseau actuels et parmi les
capitaines de commerce qui, ayant commandé pendant
trente-six mois, soit au long cours, soit en course, ont
en outre servi en qualité d'officiers sur les vaisseaux de
guerre de l'État, depuis la révolution.
Les capitaines de frégate seront choisis parmi les lieute-
nants et enseignes de vaisseau entretenus et non entrete-
nus, actuellement au service, et parmi les capitaines de
commerce qui ont commandé pendant vingt-quatre mois,
soit au long cours, soit en course (1).
Art. 8. Les vice-amiraux, pour le complément de l'arti-
cle 2, seront choisis parmi les contre-amiraux en activité
de service et parmi les généraux de la marine qui n'auront
pas participé à la première formation.
Les contre-amiraux seront choisis parmi les contre-ami-
raux et les chefs de division qui n'auront pas été l'objet
du premier choix.
Les chefs de division seront choisis parmi les capitaines
de vaisseau en activité de service et parmi ceux qui n'au-
ront pas été placés lors du premier choix.
Les capitaines de vaisseau seront choisis parmi les ca-
pitaines de frégate et parmi les lieutenants de vaisseau qui
n'auront pas participée la première formation.
Les capitaines de frégate seront choisis parmi les lieu-
tenants de vaisseau en activité de service et parmi les
(1) Je répète que les articles qui n'ont pas directement trait à la nomination
ou à l'ayancement des officiers n'ont pas été transcrits.
II. S6
IM OR6ANISATIÛN.--179».
enseignes de raisseau entretenus et non entretenus qui
n'auront pas été noqimés lors du premier choix.
Le nombre des lieutenants de vaisseau sera Complété,
s'il y a lieu, en nommant de la manière ci-dessus indi-
quée, à la moitié des places vacantes, ceux dés lieutenants
et enseignes actuellement au service qui n'auront pas par-
ticipé à la première formation, et en donnant l'autre m<H-
tié aux enseignes de vaisseau d'après leur ancienneté de
service.
Art. lié Après le complément, les remplacementii s'il
y a lieu, se feront de la manière suivante : la moitié des
places dans tous les grades sera donnée, à l'ancienneté,
aux officiers du grade immédiatement inférieur! l'autre
moitié sera au choix du Directoire exécutif, pour ceux
qui auront exercé les fonctions de ce grade pendant neuf
mois au moins.
Les neuf dixièmes des places d'enseigne de vaisseau
seront donnés au concours, d'après les lois, et le Direc-
toire exécutif pourra disposer du dixième restant en faveur
des maîtres entretenus et autres oiBciers-mariniers qui se-
ront jugés susceptibles d*ôtre promus au grade d'ensei-
gne de vaisseau.
Art. 16. Le commandement d'une armée navale ou d'une
escadre ne pourra être confié qu'à un ofiicier général de
la marine.
Toute division de trois vaisseaux de ligne, eu ayant une
destination particulière, sera commandée par un officier
général, ou au moins par un capitaine de vaisseau.
Les événements survenus pendant l'année précédente,
tant en Europe que dans les colonies, avaient nécessité un
grand développement de forces navales. On sentit bientôt
le besoin d'en régulariser la répartition, et l'on songea
d'abord à établir un service permanent dé protection de
la marine du commerce. La surveillance du cabotage, sur
BATAILLES.— 1795. 403
toutes les côtes de la France, fut confiée à des comman-
dants particuliers qui relevaient des conunandants en chef
des escadres de T Océan et de la Méditerranéei
Le contre-amiral Vanstabel commandait la division de lH
mer du Nord et, sous lui, le capitaine de vaisseau Meynâe
était chargé du service sur la côte depuis le Texel jus^'à
Calais.
Le contre-amiral Gornic Dumoulin (Pierre) avait le com-
mandement des forces employées dans la Manche, depuis
Calais jusqu'à TAbervrac'b, à quelques milles au Nord de
Brest.
Le capitaine de vaisseau Pillet avait le commandement
supérieur des convoyeurs dé Brest au Pertuis d'Antioche
et , sous sa direction , le lieutenant de vaisseau Fayaut
surveillait le cabotage de Camâret.
Les lieutenants de vaisseau Hallay et Poydras étuient
chargés de diriger la navigation de Brest, le premier pour
le N.-O. de la Manche, Tautre pour la partie S.-E.
Le capitaine de vaisseau Letorzec avait la difectiûti des
convois du Pertuis d*Antioche à la côte d'Espagne»
Le lieutenant de vaisseau Aluse était chargé dé ptotéger
le cabotage de la Gironde.
Ce service était fait par quelques frégates et corvettes,
mais généralement par des avisos.
Une division de 5 frégates, sous le commandement du
contre-amiral Ledall Tromelin, fut en outre établie en croi-
sière dans le golfe de Gascogne, avec mission de se porter
partout où sa présence serait nécessaire.
On a vu (1) qu'une division sous les ordres du cOntre-
amiral Renaudin était partie de Brest à la fin dU inois de
décembre 1794, pour aller porter des munitions de guerre
à Toulon, et que le vice-amiral Villaret Joyeuse qui com-
' • - -^
(1) Page 566.
404
BATAILLES.— 1795.
mandait l'armée navale du premier de ces deux ports, était
également sorti avec ses vaisseaux pour raccompagner
jusques en dehors du golfe de Gascogne. En outre des fré-
gates et des bâtiments de moindre force, l'armée navale et
la division réunies formaient uo total des 36 vaisseaux que
voici :
Canons.
118 Montagne capitaine Vignot.
Villaret Joyeuse, vice-amiral.
Terrible capitaine Bedout.
Nielly, contre-amiral.
Révolutionnaire capitaine Leguardan.
Majestueux — Lebeau.
N eu f 'Thermidor (i).. . . — Dorré.
ScipioH, — Hoguet.
Inaomptable. ....... — Lamesle.
Jemma^)es — Laffon.
Renaudin, contre-amiral.
114
86
78
/
Montagnard. . . .
Gasparin
Treyiie-si-un-Mai.
•liejimdre
Aqmion
Redoutable {%]. . ,
Patriote
Nestor
Convention
Pelletier
Trajan ,
Entreprenant. . .
Tyrannicide. . . .
Neptune
Révolution. ...
Tourville
Marat
Superbe
capitaine Richery.
— Lhermitte (Jean).
— Ganteaume (Honoré).
— Guillemet.
— Laterre.
— Moncousu.
— Letendre.
— Monnier.
— Terrasson.
— Raillard.
— Leray.
— Dufay.
— Dordelin (Joseph).
— Tiphaioe.
— Laindet Lalonde.
— ■ Henry (Jean-Baptiste).
~ Lefranck.
— Colomb.
ESCADRE LÉGÈRE.
— Matagne.
Vanstabel, contre-amiral.
Zélé. capitaine Porlodec.
Tigre,
78
Jean Bart.
Téméraire
Fougueux
Eole
Audacieux
Mucius
Droits 'de-V Homme.
Piilet.
Morel (Henry).
Giot Labrier.
Trinqualéon.
Pilastre.
Larréguy.
Gornic Dumoulin (Yves).
(1) Nouveau nom du Jacobin,
(2) L'ancien Suffren.
BATAILLES.— 1796. 405
Frégates : Vertu^ Courageuse, Méduse, Virginie^ Surveillante, Insurgente,
Railleuse, Précieuse, Fraternité, Embuscade, Tamise, Cha^
rente (1), Républicaine (2).
Corvettes : Berceau, Bayonnaise, Légère^ Espion, Bergère, Impatiente,
Atalante.
Brigs ; Papillon, Bonnet Rouge,
Le vent souffla avec violence pendant la nuit du !•' jan-
vier; plusieurs vaisseaux firent des avaries; le Nestor^
entre autres, fut obligé de rentrer par suite d'un dérnatage,
et le Téméraire signala une voie d'eau qui donnait des in-
quiétudes. Le vent ayant diminué le lendemain, le contre-
amiral Vanstabel reçut l'ordre de chasser dans le N.-O.
avec Fescadre légère : une brume intense qui survint
quelques heures après, le sépara de l'armée et il ne la re-
joignit que le 24 avec un autre vaisseau, le Neptune^ 3 fré-
gates et 2 corvettes, aussi séparés, et qui l'avaient rallié.
La persistance des vents de S.-E. inspirait des craintes
sérieuses. J'ai déjà dit que plusieurs vaisseaux étaient sor-
tis avec quinze jours de vivres; le vice-amiral Villaret dut
en retirer à ceux qui se rendaient à Toulon pour en don-
ner aux vaisseaux et aux frégates qui n'en avaient plus.
Cette opération, assez délicate à la mer, était à peine
terminée, qu'un brouillard très-épais dispersa l'armée de la
République et, le 28, un coup de vent, qui fort heureuse-
ment se déclara au S.-O., occasionna quantité de dés-
astres.
Le Téméraire, dont la voie d'eau était devenue alar-
mante, fit route pour Brest sous la misaine. Privé d'ob-
servations depuis plusieurs jours, le capitaine Morel atterrit
sur le cap Fréhel et entra à Saint-Malo.
Retardé dans son appareillage par la rupture de son
cabestan, le Neptune n'avait pu rejoindre l'armée à Ca-
maret. Le 31, le capitaine Tiphaine rencontra le contre-
amiral Vanstabel et le suivit. La persistance du mauvais
(1) L'ancienne Capricieuse.
(2) Autrefois la Panthère,
40« BATAILLES.— 4795.
temps avait considérablement délié le Neptune ; les inquié-
tudes de son capitaine augmentaient chaque jour et il en
fit part au commandant de l'escadre légère ; celui-ci, vu
Fétat de la mer, ne put que lui promettre des secours im-
médiats au moment même où ils deviendraient urgents.
On a vu que ce vaisseau avait rejoint l'armée le 2& janvier.
Une nouvelle voie d*eau, qui se déclara le lendemain pen-
dant la nuit, obligea le capitaine Tiphaine à prendre les
amures à l'autre bord en faisant des signaux de détresse ;
mais incapable de tenir le travers , il lui fallut gouverner
vent arrière. Les pompes ne franchissaient plus et toute la
partie de l'équipage qui n'était pas occupée à pomper,
était employée à vider l'eau avec des bailles et des seaux.
Presque toute l'artillerie, les boulets et les ancres furent
jetés à la mer. Cette situation critique dura cinq jours et
pendant les trois derniers, personne ne bougea du poste
qui lui avait été assigné. Enfm, le 28, la terre fut aperçue,
et à midi 30», le Neptune était échoué sur les vases de
Perros, à quelques lieues dans le Nord de Brest. L'incli-
naison du vaisseau devint telle qu'on coupa de suite la mâ-
ture et l'équipage fut envoyé à terre : cinquante hommes
furent trouvés noyés dans l'intérieur. Le Neptune ne put
être relevé.
Après quelques jours de navigation, la guibre du Neuf-
Thermidor se détacha de l'étrave. Le capitaine Dorré fit
couper le beaupré et le petit mât de hune, jeter les ancres
et les canons de la batterie haute à la mer. Le 29 janvier,
les pompes ne franchissaient plus. Le vent s' étant déclaré
au S.-O. pendant la nuit, le capitaine Dorré fit gouverner
au S.-E. Malgré cela, les roulis étaient si violents que la
grande vergue et la vergue du grand hunier tombèrent sur
le pont et brisèrent trois pompes ; l'eau gagna dès lors ra-
pidement et le vaisseau s'immergea de plus en plus. Lors-
que les canons de la première batterie furent à fleur d'eau,
le Majestueux et le Marat qui l'accompagnaient lui en-
voyèrent leurs embarcations : l'évacuation dix Neuf-Thermi"
BATAILLES.— 1795. 497
dor fut terminée le 81 à k^ du matin. Moins de trois heures
après, ce vaisseau disparaissait englouti dans les flots.
Le Superbe eut le même sort que le Neuf-Thermidor. Dès
le 26 janvier, le capitaine Colomb avait prévenu le com-^
mandant en chef que son vaisseau coulait bas ; il en avait
reçu des pompes dont sept furent constamment en jeu. Le
30, trois d'entre elles s'engagèrent, et quoique l'artillerie
et les boulets eussent été jetés à la mer, l'eau gs^na tou-^
jours. Le vice-amiral Villaret^ordonna alors d'évacuer le
Superbe ; la Montagne^ le Montagnard et le Papillon aidè-
rent à activer cette opération. L'eau était arrivée à la hau-
teur de l'entrepont lorsque le capitaine Colomb quitta le
bord : vingt minutes après, le Superbe disparaissait dans
les flots.
Le Scipion était un vieux vaisseau qui, ainsi que le
Neuf-Thermidor^ avait été condamné et qui ne put sup-
porter les mauvais temps qui assaillirent l'armée navale &
sa sortie du port. Ce vaisseau faisait beaucoup d'eau et
chaque jour il se délia davantage par suite de la rupture
des chevilles et des courbes. Le 25, les pompes ne frao^
chissant plus, le Montagnardt le Trenie-eUun^Mai et la
Railleuse reçurent l'ordre de le surveiller. On essaya de le
cintrer avec un grelin, mais cette opération n'amena w-
cun résultat. Le capitaine Huguet demanda alors et obtint
de relâcher; le Trente-et-un^Mai l'accompagna. La route,
presque vent arrière et à sec de voiles que les deux vais-
seaux suivirent, fatigua beaucoup le Scipion. Les chevilles
sortaient et les écarts s'ouvraient de tous côtés; le vaisf-^
seau menaçait de s' entr' ouvrir. On jeta à la mer tout c#
qui fatiguait les hauts. Dans l'après-midi» le grand mât d^
hune s'abattit et, en tombant, il cassa la grande vergue
en deux. Un des morceaux de celle-ci s'étant enfoncé ver-
ticalement dans le pont, vint ajouter au désastre en fai-
sant levier pour disjoindra le vaisseau. Des neuf pompes
qui jouaient constamment, deux furent brisées par cet ac-
cident. A 4*"» le capitaine Huguet demanda des seeours au
408 BATAILLES. — 1795.
TrenU-^t-un^Mai. Le vent tomba fort heureusement pen-
dant la nuit, mais la mer resta fort grosse et il fallut sur*
monter de grandes difficultés pour sauver l'équipage. Il
était. 3*» 15" du matin lorsque les derniers hommes quit-
tèrent le bord.
Le vaisseau la Convention perdit son gouvernail et réus-
sit à atteindre Lorient à la remorque du Pelletier. Le Foti-
giieux mouilla à Lorient et le reste de l'armée se trouva
rallié à Brest le 3 février.
Pendant cette désastreuse* sortie de trente-cinq jours,
l'armée de la République captura 70 navires anglais et la
frégate Daphne; c'était une faible compensation aux pertes
qu'elle avait faites. Le vice-amiral Villaret dut s'estimer
heureux de n'en avoir pas éprouvé davantage, car si les
vents de S.-O. s'étaient déclarés seulement un jour plus
tard, le Majestueux et le Révolutionnaire eussent probable*
ment aussi été rayés de la liste des vaisseaux de la R£~
publique.
Tous les vaisseaux avaient assez souffert pour ne pou-
voir reprendre de suite la mer ; ceux destinés à Toulon ne
furent prêts qu'à la fin du mois. Le 22 février, le contre-
amiral Renaudin sortit avec les vaisseaux le Jemmapes, le
Montagnard^ le Trenle-et-un-Mai, Y Aquilon^ le Jyranni-
cide, la Révolution^ les frégates la Courageuse^ Y Embuscade^
la Félicité et la corvette l' Unité, Cette division fut contra-
riée par de grands vents d'Ouest. Le Trente-et-un-Mai dé-
mâta de son mât de misaine et de son grand mât de huna
en entrant dans la Méditerranée ; le Tyrannicide le prit à la
remorque. Le 2 avril, la division arriva à Toulon, encom-
brée de malades et sans avoir fait d'autre rencontre que
celle d'un vaisseau espagnol qui ne put être atteint.
Une seconde division de 3 vaisseaux, commandée par le
contre-amiral Vence , croisait dans le golfe de Gascogne:
pour protéger le commerce; ces vaisseaux étaient :
BATAILLES. —1795. 409
Canons.
I Nestor capitaine Monoier.
Yence, contre-amiral.
Fougueux capitaine Giot Labrier.
Zélé — Aved Magnac.
Le 7 du mois de juin, cette division, accompagnant un
convoi nombreux qui se rendait de Bordeaux à Lorient et
à Brest sous Tescorte spéciale des frégates la Médée^
YAndromaque et de la corvette le Brutus^ fut chassée par
5 vaisseaux anglais, 2 frégates et un brig aux ordres du
vice-amiral Cornwallis. C'étaient :
Canons.
110 Royal Sovereign capitaine John Whitby.
honorable William Cornwallis, vice-amiral.
iMARS capitaine sir Charles Cotton.
Triumph ^ • . . — sir Erasmus Gower.
Brunswick — lord Charles Fitzgerald.
Bellerofhon — lord Cransloun.
Frégates : Phaeton, Pallas. *
Brig : Kingsfisher.
Le contre-amiral Vence signala au convoi de filer le long
de terre avec son escorte, et se dirigea sur Belle-Isle avec les
vaisseaux qui mouillèrent sur la rade du Palais après avoir
échangé quelques boulets avec Tennemi. Le vice-amiral
anglais se porta alors sur le convoi et, à 6^, il tirait sur les
frégates. VAndromaque, qui était la dernière, fut atteinte
d'abord et retardée dans sa marche par quelques avaries
de mâture; le capitaine Farjenel put bientôt prévoir le
sort qui lui était réservé.. Afin de tromper l'attente de l'en-
nemi, il allait jeter sa frégate sur l'île d'flœdic lorsque, à
8**, alors qu'il n'était plus qu'à trois longueurs de bâtiment
des roches, les Anglais levèrent la chasse. Le capitaine
Farjenel eut le bonheur de réussir à éviter les récifs, et il
rejoignit la Médée avec laquelle il alla mouiller sur la rade
de l'île d'Aix; une partie du convoi entra dans la rivière
de Vannes ; quelques navires se réfugièrent dans la Loire :
7 furent capturés. Un autre convoi, escorté par les frégates
la Tribune^ la Néréide^ la Républicaine et la Vengeance^ était
déjà en relâche à Belle-Isle.
Le lendemain de cette affaire, le vice -amiral Cornwallis
410 BATAILLES. - 1795.
se porta à l'entrée de la Manche pour escorter les prises
qu'il avait faites depuis son arrivée sur les côtes de France.
Le contre-amiral Vence crut voir dans cet éloignement de
l'escadre anglaise une ruse pour lui faire quitter son mouil-
lage et, persuadé qu'elle était aux Penmarks, bien qu'il
n'eût même pas cherché à s'en assurer, il ne bougea pas
et se borna à donner connaissance de sa relâche aux repré-
sentants du peuple en mission à Brest, en les informant que
les vaisseaux de sa division n'avaient plus que pour trois
jours de vivres. La difficulté de leur en envoyer rendait la
situation inquiétante ; aussi les représentants donnëreut-ils
l'ordre au vice-amiral Villaret d'aller faire lever le blocus
avec toutes les forces dont il pouvait disposer immédiate-
ment. Le représentant Topsent fut adjoint au comman-
dant en chef. Le 11, l'escadre, forte de 9 vaisseaux» 9 fré-
gates et h corvettes, mit à la voile.
Canons.
ISi Peuple (1) capitaine Vignot.
Villaret Joyeuse, vice-amiral.
Bruix, chef de division^ chef d*6tat-]haJor.
Redoutable capitaine Moncoasu.
Kerguelen, contre-amiral.
Alexandre capitaine Guillemet.
DroitS"de~V Homme. ... — Sébire Beauchesoe.
78 \ Formidable (2) — Durand Linois.
JeanBart — Legouardun.
Mucius — Larréguy.
Wattigny — Donat.
Tigre — Bedout.
Le contre-amiral Vence s'était enfin décidé à quitter la
rade du Palais et, le 16, il rencontra l'escadre de Brest.
Cette réunion mit sous les ordres du vice-amiral Villaret
les 12 vaisseaux que l'on connaît déjà et les 18 frégates
et corvettes ci-après :
Brave. — Scèwla (3). — Républicaine. — Vengeance. -^
(1) Nouveau nom du vaisseau la Montagne.
(2) Nouveau nom du Jdarat.
(S) L« T&isseau rasé ^Illustre.
BATAILLES.— 1796. Ail
Montagne. -^Virginie. — ^ Proserpiney — Insurgente. -^
Dryade. — Fraternité. — Fidèle. — Cocarde nationaUé —
Régénérée. — Tribune. — Atalante. — Constance. — La$
Casas. — Papillon^
Le jour même de cette jonction, 6 voiles suspectes furent
aperçues dans TOuest, à 9^ du matin-, le vent soufflait de
cette partie et le temps était très-brumeux. La Cocarde^ la
Proserpine et la Virginie reçurent Tordre d'aller les recon-
naître: elles signalèrent 5 vaisseaux et une frégate courant
vent arrière. Le vice-amiral Villaret rangea de suite son
escadre en bataille, les amures à tribord, sans avoir égard
aux postes , et il en prit la tête. Le Mucius et le Zélé reçu-
rent Tordre de chasser à droite, et le reste de Tescadre,
sur la route qu.'elle tenait. Les vaisseaux en vue formaient
la division du vice-amiral Corn wallis qui revenait se mettre
en observation devant Belle-Isle; ils prirent, comme les
Français, le plus près les amures à tribord. Cette ma-
nœuvre fit penser au vice-amiral Villaret que ces vaisseaux
étaient seuls et qu'ils n'étaient pas les éclaireurs d'une es-
cadre. Il réitéra Tordre de chasser sans avoir égard aux
mauvais marcheurs, et il signala de poursuivre Tennemi de
manière à le forcer de se rendre ou de faire côte. A midi,
la pointe Ouest de Tîle de Croix restait à 18 milles dans
TEst. Les Français continuèrent la chasse toute la journée
sans avantage marqué ; le veot se faisait à peine sentir. La
mauvaise marche du Peuple retenant ce vaisseau loin de
Tarrière, le commandant en chef passa sur la frégate la
Fraternité^ capitaine Florinville. Le 17 — 29 prairial — la
brise fraîchit et prit au N.-E.; T escadre française qui avait
beaucoup gagné pendant la nuit, se trouva au vent; au
jour, le Zélé n'était pas à plus de trois portées de canon du
dernier vaisseau anglais et il était suivi» & petite distance,
par les Droits-de^Vhomme^ le Formidable^ le Wattigny, le
Fougueux^ et le Tigre. Signal fut fait à ces vaisseaux de
412 BATAILLES.— 4795.
harceler rennemi pour retarder sa marche, et aux vais-
seaux arriérés, de doubler sous le vent pour le mettre
entre deux feux. La division anglaise gouvernait alors an
N.-O. 1/4 N. dans Tordre suivant : Brdmswick, Royal
Soverëign, Bellerophom, Triumph, Mars. Le Zélé ouvrit
son feu sur le dernier, à 9*^ lO"' et, peu après, la frégate
la Virginie^ capitaine Bergeret, était derrière le vaisseau
anglais auquel, au moyen de grandes embardées, elle en-
voyait des bordées entières ; les 5 autres vaisseaux français
suivaient sous toutes voiles dans les eaux du Zélé. A 10**, le
capitaine Aved Magnac, peu désireux d'engager le combat
avant d'être soutenu, cargua sa grande voile, puis sa misaine
et enfin mit le perroquet de fougue sur le mât. Il n'était d'ail-
leurs pas sans inquiétude, dans ce moment, sur la solidité
de son mât de misaine et de son grand mât de hune , et
il lui manquait déjà 153 hommes, absents, malades ou
blessés; le Zélé fut bientôt hors du feu. Moins d'une demi-
heure après, le Tigre le remplaça et engagea une canon-
nade soutenue avec le Royal Sovkreign; tous les vaisseaux
anglais et les Vroits-de-V homme prirent une part plus ou
moin s grande à cette canonnade. Le Mars et le Tigre se re-
tirèrent vers S'^SO", le premier avec de nombreuses avaries,
l'autr'. avec son grand mât de hune fort endommagé. Le
vaisseau les Droits-de-V homme resta alors seul engagé;
quoique placés au vent, les capitaines du Formidable et du
Zélé ne jugèrent pas devoir se porter à son aide, et il était
6** 30", lorsque le Jean Bart et le Wattigny purent lui prê-
ter assistance. Le capitaine Magnac se décida alors à faire
de la voile ; mais au lieu de laisser arriver pour se rappro-
cher, il alla se placer en avant et hors de la portée du
canon de l'ennemi. Le Peuple restait à 12 milles de la
Fraternité et V Alexandre à 15 milles ; les autres vaisseaux
étaient à une distance telle que leur bois paraissait à peine.
Le commandant en chef fit signal de ralliement et il re-
porta son pavillon sur le Peuple. Le vent souffla du N.-O.
BATAILLES. — 1795. 413
f.n\nd frais pendant la nuit ; Tescadre mit à la cape. Le 19,
le vent tomba et passa à l'Est : la route fut donnée au S.-
S.-E. sans ordre (1).
Le 22 — 5 messidor — à A*" du matin, un grand nombre
de voiles furent signalées dans le N.-O. 1/4 0. ; la brise
était faible, toujours de la même partie. C'était l'escadre
de l'amiral anglais Bridport composée comme il suit :
Canons.
Royal George capitaine William Damett.
110 { îord Bridport, amiral.
QuEEN Charlotte. . . . capiijDe sir Andrew Doaglas.
Qdeen — William Bedford.
sir Alan Gardner, vice-amiral.
LoNDON capitaine Edward GriflOiths.
John Colpoys, yice-amiral.
108 ( Prince of Wales .... capitaine John Bazely.
Henry Harvey, contre-amiral.
Prince capitaine Charles Hamilton.
Barfleur —> James Dacres.
Prince George — William Edge.
Valiant — Christopher Parker.
Orion — sir James Saumarez.
82 ( Irrésistible — Richard Grindall.
Russell — Thomas Larcom.
Colossus — John Monkton.
80 Sans Pareil — William Browel.
lord Hugh Seymour, contre-amiral.
Frégates : Révolutionnaire, Thalia, Nymphe, Aquilon, AsiRiSA,
et 6 bâtiments légers.
9
Un nombreux convoi, conduit par le commodore sir Bor-
lase Warren, portant des troupes destinées à une expédition
sur la côte de Bretagne, était aussi en vue. La frégate du com-
modore, la PoMONE de 40° et les vaisseaux de 82** Robust, ca-
pitaine Edward Thomborough, Thunderer, capitaine Alber-
maleBertie et Standard, capitaine Joseph Ellison, l'accom-
pagnaient. Les mauvais marcheurs de l'escadre française
reçurent l'ordre de forcer de voiles; les autres, d'en di-
minuer. Signal fut fait aussi de serrer le vent et d^ se
(1) M. James, The naval history etc., dit qae, séparés par un coup de yent,
les vaisseaux français allèrent chercher un abri à Belle-Isle; qu'ils quittèrent ce
mouillage dès qu'ils furent tous réunis et firent route pour Brest. Le rapport
officiel ne dit pas un mot de cela.
444 BATAILLES. — 1795.
rapprocher du vaisseau amiral. Quelques capitaines seu-
lement se conformèrent h ccl ordre, et celui de Y Alexandre
lui-même, qui devait tout craindre des mauvaises qualités
de son vaisseau, mit le commandant en chef dans la né-
cessité de le lui répéter. A 10"* 30", le vice-amiral Yillairet
porta son pavillon sur la frégate la Proserpine^ capitaine
Daugier, le contre-amiral Kerguelen passa sur la Dryad»^
capitaine Grammont et le contre-amiral Vence, sur la
Fraternité^ capitaine Florinville. Une demi-heure plus
tard, le commandant en chef ordonna de former la ligne
de bataille sur Y Alexandre^ le plus mauvais marcheur dé
l'escadre. Le capitaine de ce vaisseau ne comprit probable-
ment pas le signal qui ordonnait ce mouvement, car il le
contraria en laissant arriver. Le vent qui n'avait cessé de
mollir passa au S.-O. dans l'après-midi; ce changement
fut profitable à l'ennemi qui le ressentit le premier. Après
avoir signalé l'ordre de marche sur la ligne du plus près
tribord, la route à TE.-N.-E. , et à la Régénérée^ capitaine
Héron, de prendre Y Alexandre à la remorque, le vent ha-
lant l'Ouest, etle commandant en chef voulant se réserver la
possibilité de se ranger en bataille de l'un ou de l'autre bord
selon les circonstances, signala Tordre de front. Cet ordre de
marche ne fut pas formé un seul instant, malgré les signaux
particuliers et les ordres verbaux qui furent transmis par
les frégates, particulièi*ement au Mucius et au Jean Bart^
de régler leur marche sur celle des plus mauvais mar-
cheurs. La Virginie, capitaine Bergeret, reçut la mission
de prendre le Redoutable à la remorque. Pendant que le
vice-amiral Yillaret employait ainsi tous les moyens en son
pouvoir pour se faire comprendre et obéir des capitaines de
son escadre, les vaisseaux anglais approchaient toujours.
Le vent tomba heureusement à la nuit, pour s'élever au
Sud vers l*" du matin. Au jour, l'île de Groix restait à
15 milles dans l'Ë.-N.-E.; 3 milles seulement séparaient
les deux escadres. Le commandant en chef signala de
nouveau l'ordre de marche sur la ligne du plus prés tri-
BATAILLES. — 1795. 415
bord, la route à TE.-N.-E., avec injonction aux meilleurs
voiliers de régler leur marche sur celle des mauvais mar-
cheurs et, de sa personne, il se porta sur l'arrière de la
ligne avec la Proserpine. Tous ces ordres furent sans effet.
L'ignorance et l'indiscipline de plusieurs capitaines, pour
ne pas dire plus, rendirent nulles toutes les mesures
prescrites par le commandant en chef. Ses signaux et ses
ordres, même ceux donnés par lui au porte-voix, restèrent
inexécutés ; chacun forçait de voiles i c'était à qui attein-
drait le port. 11 vaisseaux anglais étaient alors presque
à portée de canon. V Alexandre, isolé à l'extrême gauche,
appelait l'attention particulière du con)mandant en chef;
Idi Régénérée, qui avait largué la remorque, reçut Tordre de
la reprendre. Bientôt la frégate la Concorde prévint que la
ligne s'engorgeait au centre vers lequel toute la gauche
s'était portée; mais au lieu d'appuyer sur bâbord, ces
vaisseaux persistèrent à tenir le vent, augmentant ainsi, et
les difficultés de la manœuvre et la distance qui les sépa-
rait de Y Alexandre. Le Zélé, notamment^ passa du centre à
la droite de la ligne. Le commandant en chef signala alors
à r escadre et particulièrement à V Alexandre de serrer la
ligne : ce signal resta sans exécution, même de la part de
ce dernier vaisseau dont la position devenait de plus en
plus critique, car un groupe de vaisseaux ennemis était
sur le point de l'atteindre. L'escadre de droite et celle du
centre reçurent l'ordre de gouverner au Né^-E. ; cette route
devait les rapprocher de V Alexandre ; mais le Peuple^ le
Tigre, le Redoutable et le Jean Bart laissèrent seuls arri-
ver, et encore furent-ils obligés de reprendre bientôt leur
première route, parce que le Wattigny, le Fougueux et le
Zélé, placés entre eux et le vaisseau menacé, s'obstinaie&t
à appuyer de leur côté. L'Alexandre et le Mueius, premier
et deuxième vaisseaux de gauche, commencèrent à tirer
en retraite à b"" Aô"" du matin. Le premier ne tarda pas à
être attaqué par I'Orion et par 1' Irrésistible ; la Régénirie
largua la remorque et le Mucius^ augmentant de voiles,
4iG BATAILLES— 1795.
l'abaDdonDa. Le commandant en chef ne vit d'autre moyen
de faire soutenir ce vaisseau que de se former sur lui en ligne
de convoi. Mais c'était un parti pris de ne pas obéir, et les
capitaines Bedout, Durand Linois et Legouardun du Tigre^
du Formidable et du Jean Bart furent les seuls, qui exécu-
tèrent cet ordre ^ les autres vaisseaux continuèrent à s'é-
loigner. Le vice-amiral Villaret ne pouvait cependant pas
se résoudre à abandonner Y Alexandre ; il fit signal d'aller
le dégager : plusieurs vaisseaux répétèrent le signal, au-
cun ne l'exécuta. Le Jean Bart, qui avait forcé de voiles
pour se placer derrière le Peuple^ ne s'y maintint même
pas et, lorsque à l"" 30*", le capitaine Legouardun reçut une
blessure qui l'obligea à quitter le pont et à remettre le
commandement au lieutenant de vaisseau BeauUon, son
second, ce vaisseau était à deux câbles en avant du Peuple.
Sur l'ordre qui lui fut donné de reprendre son poste, il
eargua sa misaine et ses perroquets et mit son grand hu-
nier sur le mât. Il y était à peine, que son chef de file di-
minua subitement de voiles et masqua même son grand
hunier ; le Jean Bart qui venait d'avoir sa roue de gou-
vernail brisée, n'ayant pu prévoir cette manœuvre, doubla
de nouveau le Peuple. Deux fois le signal de reprendre
son poste fut fait au Mucius : son capitaine n'en tint aucun
compte. Le grément et la voilure de Y Alexandre étaient
hachés; ses vergues étaient presque toutes coupées ; une
grande partie de ses canons étaient démontés; il avait près
de 3 mètres d'eau dans la cale. Sa résistance avait été hé-
roïque, mais elle ne pouvait se prolonger davantage. Le
QuEEN Charlotte avait joint son feu à celui des autres
vaisseaux : le capitaine Guillemet fit amener le pavillon.
Il était 11*' 30"*; V Alexandre n'était pas à plus de 6 milles
de terre. Les vaisseaux qui l'avaient plus particulièrement
combattu portaient des traces nombreuses de sa vaillante
défense. L Alexandre prit le nom d' Alrxander dans la ma-
rine anglaise.
L'attaque des vaisseaux anglais n'avait pas été exclu*
BATAILLES— 1795. 417
sive kV Alexandre; dès 6** 15"\ le Formidable avait eu à
combattre le Queen Charlotte et le Sans Pareil. La roue
de son gouvernail ayant été brisée, il ne put gouverner
qu'avec difficulté pendant quelque temps et cette circon-
stance fâcheuse le fit rester de T arrière. Le capitaine Li-
nois, blessé, avait remis le commandement au lieutenant
de vaisseau Broca. Le Formidable ne tarda pas à se trou^
ver dans la situation la plus critique, séparé du reste de
son escadre avec presque toutes ses voiles en lambeaux
et ses manœuvres coupées, et soutenu seulement par le
Tigre et le Redoutable, Cette situation se trouva encore
aggravée par Tincendie : le feu prit h sa dunette et se
communiqua au mât d'artimon. Obligé de porter toute
son attention vers ce nouveau désastre, le lieutenant de
vaisseau Broca fit cesser de tirer et amener le pavillon. Il
était 11** 45"; le vaisseau était à 3 milles de l'île de Groix.
Le Formidable fut classé dans la marine anglaise sous le
nom de Belle-Isle.
Tandis que les capitaines Guillemet et Linois se débat-
taient ainsi contre un résultat sur lequel ils ne pouvaient
cependant concevoir aucun doute, les autres vaisseaux
continuaient leur route sans aucun ordre. Les mauvais
marcheurs seuls, au nombre de cinq, le Peuple^ le Redou-
lablsy les Dr oits-de-V Homme ^ le Tigre et le Nestor^ navi-
guant avec ensemble, formaient une arrière-garde capable
d'arrêter un moment l'ennemi. Aussi celui-ci crut-il de-
voir l'attaquer en même temps par les extrémités et par
r arrière. Deux de ses vaisseaux dépassèrent même ce
groupe-, mais après une courte canonnade avec le Waili"
gmj et le Rrave^ ils rallièrent leur escadre. Les ordres du
commandant en chef n'étaient pas plus exécutés en ce mo-
ment qu'ils ne l'avaient été avant le commencement du
combat. Ce fut en vain qu'il signala aux vaisseaux de tête
de diminuer dévoiles et même de mettre en panne; au
Zélé enfin de donner la remorque au Tigre : le capitaine
Magnac se borna à mettre le grand hunier sur le mât,
H. 27
418 BATAiLLES.— 4796.
Indigné de la conduite des capitaines, le vice-amiral l^ili-
ret fit carguer les basses voiles de la frégate qu'il montait,
et dans l'espoir que sa manœuvre serait imitée, et qu'on
n'oserait pas le laisser seul en arrière exposé au fea fie
tous les vaisseaux ennemis, il mit en travers pour arrêter
les fuyards. Il se trompait encore ; chacun ne songeait qu:à
soi et cherchait son salut dans la fuite. Le vaisseau las
Dr oits-de-V Homme ^ qui avait fini par faire comme les «li-
tres, reçut un signal de mécontentement lorsqu'il passa,
auprès de la Proserpine ^ seul cependant il avait mis en
panne. Cédant aux représentations de son pilote, le capi-
taine Sebire avait fait servir lorsque la basse Garo resta à
un mille sous le vent (1) .
Le Tigre était coupé, entouré et combattu par le Londor,
le QuEEN Charlotte et le Queen, lorsque le commandant
en chef ordonna de mettre en panne. Le capitaine Bedoni,
qui recevait sa troisième blessure, venait d'être descendu
dans sa chambre. Le Tigre n'avait plus de voiles ; la mèche
de son gouvernail était coupée : il ne gouvernait plus« D
succomba, victime du dévouement et de l'obéissance de son
capitaine, au moment où il atteignait le port ; il n'était pas
à plus de trois encablures de l'île de Groix {2) . Le RoTix-
George qui arrivait lui envoya, par inadvertance sans
doute, une bordée après que son pavillon eut été anoené.
En ce moment, les autres vaisseaux étaient plus ou moins
engagés. La Proserpine rétablit sa voilure pour ne pas
être enveloppée. Le vice-amiral Villaret avait d'abord eu
l'intention de mouiller devant Groix ; mais reconnaissant
que ses vaisseaux n'y seraient pas à l'abri de l'attaque de
Tennemi, il se décida à entrer à Lorient. L'amiral anglais
(1) La basse Garo, sur laquelle il n'ya que six mètres d'eau, est TiS milles 1/S
dans le N.-O. de la pointe du Talut et à 6 milles du Port-Loùi£.
(2) £d parlant de la défense du Tigrcy Fox dit au parlement anglais: a JNous
ayons vu récemment^ dans le combat de Groix^ un exemple de noble mépris
pour la mort. Dans une action mémorable^ le capitaine Bedout^ combattant pour
l'tLûnneur de la pairie, a rivalisé avec les héros de la Grèce et de Rome; 1
a été pris, mais couvert de gloire et de blessures. »
BATAIL1.es. — 179ë. J^f
abandonnai alors la poursuite. Les pertes éti^ieut ip;û^Lr
fiantes des deux^ètés. Le.QuEEN Cbaiu^otte, k ^an3 Sa#^)^
pi riRRESisTiBifi seuls avaient des ayam3 &^¥^f }ff 4^1*'
nier avait perdis 6oa capitaine.
Telle fut risspe de Taffaire qu'où 4^^f)e ^f^ ^f^çe
sous le nom de çqmbat jde firoix, comjb^^ans 1^^ j'i^9-
rance et findisciplifie se montrèrent da^s to^ta ipiff |qi}cç.
C'était le résultat des idées de l'Assemble et 4e l» Copy^ep-
tion nationales surlamar^e et aus^^ -laiCO):^éiÇKiepp^ 4/? ji'^-
migration. Ou do^t âirex%pendaj[it, pon ootuoie ^ttéQ^AJI^Qn
des fautes coma^ises par Igs capitaijies, ^^s dan^ ^'^téi;^t
de la vérité, que tous les équipages ides va^ss^au^ ^^^^^ V^"
complets, qu'il y ay;ûjt un gra^dia9fi)^e4^xigi^l44p^ ^,
par suite, le service de l'artillerie 41^ ^\^t étfje ^ qff'çu
portant les hommes d'i^ne piëjce j^ ijupi/e .^^f)^. .Çj^p^i^ant
le vice-amiral Villaret devint l'pbje^ 4e -^t^Gis ^ i?(^s^-
tions. On avait dit «u ctiçf jcLe v^i^H^t ^^f^ s'j^qui^l^r
beaucoup 4es moyei^^i^f^ ^ sa 4^i{Mi^i^Q« P^ f^lli;^ Jpa^-
veilknts fièrent lapiç^s daof^ }^ pub)j^ {>a|? qi^lqH^ ;e|^Igi-
taines de l'escadre, .et ][6^ E€fdré^ ^ff»^ ^ I^Vple i^gat
en défendre la pu}>|icatiiOiL l^ YÂcer^m^f ^1 Vi^ax^ i;f>9>pnt
qu'en pareille ciri^on^t^p^ iji dey^t, ppn s^e justiû^^ xpj^
metti^ sous les yeux 4e la najtijMi la 4^4uitç 4f^ ^3 ^^
ordres, afiu qu'elle pût el^e^j^i^^ jflger c;p(p^Q|| /^t^t
difficile la t&che qui ét^iiç kp^oç^ .a^x efnpm^qdf^ ^s
escadres 4e 1a llépubliq^ep ^ 1)9 j^M§i '^7^ î^ |Pf#Q^^
la plai|3i%e ^iy^nt^ :
^( Pans la jpurnée ^ 29 ^^ifil, j§ {^^ jpe p]b|iw ^e
(( 4u capitaine du Zélé ^jl^, ^^pt ^^W^ V'MfpP k ^ ^^
« matio, se reUra 4u im ^^ffigt wpi}^ ^pr^ f^^ )Q9.W|I^--
« vra le reste de la j(m^^ V^W ^stff J^» fxv\^i(Çj f^pi-
« qu'il n'eût éprouvé auc^np^ «rapp Jf^^W^ e.t gi^V^ ^'^ût
« que ciiiq homnaes hors -4^ cotoJiaV ^^ FPI? P|f^9)f . iS'^ ^
<c qu'il laissa comba«ttr/e 1§ J^^r ^ l^^^fiUr^f^ffj^fpjne
a se^lâ , restant -r quoiqu'il fû^ liç ?v^^Vf l^wW de
« l'ariBée — traiMiiûUe ^i^U^iç idy Ç«j0^t;41^^'aj;À ^on
420 lUTAILLES. — 1795.
« perroquet de fougue sur le mât dès le moment qu'il s'a-
« percevait que les boulets ennemis l'approchaient.
(( Je me plains également, dans la journée du 5 messidor,
n du même capitaine qui, loin de profiter de la marche de
a son vaisseau pour voler au secours de YAlexandre^ se porta
«au contraire, malgré mes signaux, dans la partie de
« l'escadre qui n'était pas exposée, et ne profita des bonnes
« qualités de son vaisseau que pour ne pas prendre part à
f( l'action. Je me plains encore bien amèrement de la dés-
ff obéissance qu'il apporta dans le signal que je lui fis de
« donner la remorque au Tigre , désobéissance à laquelle
«j'attribue la perte de ce vaisseau qui n'avait tout au
« plus que quatre encablures à parcourir pour atteindre
« le coureau de Groix.
a Je me plains du Mucius qui, se trouvant auprès de
« V Alexandre lorsque l'action commença, força de voiles
« dès les premières volées et se porta même en avant de
ce la frégate que je montais. Jamais on ne montra plus
« d'ignorance ni plus d'impéritie dans les manœuvres et
« dans les mouvements d'une armée.
(( Je me plains de l'ignorance et de l'insubordination du
« capitaine du Fougueux qui, ayant toujours mal manœu-
(( vré, n'a pris nulle part à l'action, quoique je l'aie rap-
t( pelé à ses devoirs par des signaux particuliers, et que les
« bonnes qualités de son vaisseau lui permissent de se-
« courir les vaisseaux engagés, sans se compromettre.
« Le Wattigny tint constamment le vent, tandis que les
« efibrts de l'ennemi se portaient sur les vaisseaux sous le
« vent que j'ordonnais d'appuyer. Pourquoi le capitaine
« Donat dont le vaisseau n'avait nullement souffert, et qui
c marche très-bien, n'a-t-il pas exécuté l'ordre de mettre
« en panne pour couvrir le Tigré ?
« Je me plains du Jean. Bart qui, s' étant d'abord porté
(I en arrière avec la meilleure contenance et qui avait en-
ci gagé le combat de la manière la plus vigoureuse, força
n de voiles, passa à la tête de] l'escadre , et n'exécuta ni
BATAILLES.— 1795. 424
a l'ordre de prendre poste derrière le Peuple^ ni celui de
<( mettre en panne.
(( Je reproche au capitaine des Dr oits-^e-V Homme ^ ofB-
« cier fort instruit, de n'être pas resté en panne jusqu'à ce
(( que j'eusse fait le signal d'éventer.
« Je n'ai d'ailleurs à donner que les plus grands éloges
(( aux généraux Vence et Kerguelen qui me secondaient.
« Je ne saurais assez louer la manœuvre et la valeur des
« autres capitaines, et je rends avec plaisir hommage à
(( l'intelligence des commandants des frégates, parmi les-
« quels il est de ma justice de faire une mention particu-
« lière de la bravoure du citoyen Bergeret , commandant
« la Virginie^ qui n'a pas hésité à attaquer et qui a com-
« battu. longtemps l'ennemi. Le courage du citoyen Héron,
« commandant la Régénérée^ qui n'abandonna la remorque
<( qu'il donnait à X Alexandre que lorsque ce vaisseau fut
« enveloppé, mérite les plus grands éloges. »
La conduite de ces officiers fut examinée par un jury
composé des capitaines de vaisseau Boissauveur, Lebrun,
Maistral (Esprit), Leray et des lieutenants de vaisseau Mor-
phy, Rolland et Lhermitte (Jean).
Le capitaine de vaisseau Aved Magnac du ZèU^ trouvé
coupable par le jury dans l'affaire du 17 juin ; coupable
aussi, mais excusable dans celle du 22, fut cassé, déclaré
incapable de servir, et condamné à six mois de prison par
conseil martial.
Le capitaine Giot Labrier, du Fougueux^ jugé coupable,
fut déclaré incapable de servir.
Les capitaines de vaisseau Larréguy et Donat, du Uuciu$
et du Watiigny^ convaincus du fait, mais non criminels,
furent mis hors de détention.
Les capitaines de vaisseau Legouardun et Sébire, du Jean
Bart et des Droits-de-V Homme j ainsi que le lieutenant de
vaisseau BauUon furent déchargés de l'accusation portée
contre eux.
Ce jugement, qui porte la date du A fructidor an 111, est
^I^é: VacÉltier, B6uVèt, FraîDçoiB, NteNy, ooQti^aAilrani ;
Malles, Gourio, Puren, Deniau, Vignot, ixmgêr^ Mallkrdy
Céglraftâ; ôapitameEr ete talssean.
t'értèt dtî conseil tAàtiîal ne £(atisfit pd» dofflpMtement,'
paratt-il, le Comité de sâlut publie, eap 11 déerâla (fae la
Mndtiitè p^liculière tetftie, piendant le procès, par ]^ ca^
pitàiné Avèd Mâgnac, coudait né à stibir 6ofi efiapplaobiie^
tiiëtit âti f6rt là Loi, à Bré^st , nécessitait sa transition au
ébStéâtt âtt Taureau, à l'entrée (fe la riviAre de M^cA» et
ifiénie plds foin d*il était nécesdaire ;
Qùë les* (ifapitaines Larrëguy et Donat, déeiarfe paç le
jiiiftCfbv^ititus du fait, mtài non criminel^^ élaienl indignes
de dbttiïrmer leurs fonetionfs, et il destitua ces deux officierai
Le éoMIiiâ de âalut public ordonna^ ep (mtre, qct» les
àt|litàittés Legottardunr et Sébire seraient d6elaré# flMk^
iétwi^ dans leuf cofErmandement, en préseno^ d^ offietors
de rcirmée et de eeti* du pott assefiûfèléér.
Lé^ b&tittiëtiH qtxi avaient été signalé» kH^^éi re£Mdra^
VK^-ànyiifài Villstret rentrait à Lerieilt, étàieÉrfr 5tf trâifS^ittriÂ
escortés par 3 vaisseaux et 6 frégates, ibrmaili là di!^<-^
iïôVi flfu cdtnmbdot^ anglais sir Borla^ Warrdii, ebarg^de
^ê^ët et d'àidefr réxpédîtion que leô émigrés projet^^eM
ilè^tiis^ loftrgtétnp^ centre la Bretagne. Ils allër^t AoitiUev
tdi }à Mdé dtr Pouidu, at! Nord de Lorient, où FftQilMl
Bridport les rejoignit. La présence de cette expédition
iSMihii Që f ktis ityquiétndes en France t bn draignit ine
tentative sur Lorient, et le commandant de Fesoaèf$ tràxt^
çiM Téi^t Y(ft&rë de faire contribuer loâr valémirux à la
éëttfùië de là! ^itle. Totrtés lés troupes embarquée^ cottiam
garnisons furent mises à terre, ainsi que )es cdnonnlerfif M
fètf m^tî^à dér bcwne volotité.
hts dispositfôifs qui furent prise? dérangèrent probable
tiiètit les projets de ramiral anglais car, au lieu d'efflso^
tuer sa descente dans la baie du Pouidu, comme i} paltds^
iMl iéti atbii- i'itttétrtibiir,' il âë rendit dans celle de QolberoD,
BATAILLES.— i796. 4*3
OÙ il mouilla le 25 juin. Ce mouvement lit changer le
système de défense qui avait été arrêté; les soldats des
vaisseaiux furent remplacés dans le service qui leur avait
été assigné dans la place par des marins, et Ton en forma
une colonne qui fut mise à la disposition du général Jos-
net pour s'opposer au progrès de Tennemi. Ce fut cette
colonne qui cerna le corps des royalistes à Carnac e
prépara ainsi les mémorables, mais tristes journées des
16 et 21 juillet qui anéantirent les projets de la Cour de
Londres contre la République ; journées dans lesquelles,
suivant Ténergique expression de Sheridan, le sang anglais
ne coula pas, mais son honneur suinta par tous les pores.
Le mauvais succès de cette expédition ne rebuta pas les
royalistes, et Ton vit pendant plusieurs mois encore une
forte escadre anglaise croiser dans les parages de Belïe-Isle
et de Croix. Un nouveau débarquement, à la tête duquel
se trouvait un prince français, eut lieii à l'île d^Yeu; après
des pourparlers sans fin, l'amiral anglais mit à la voilé, lé
15 novembre, abandonnant les trop confiants royali^teô i
leur malheureux sort.
Pendant que ce parti éprouvait un si tade échec à Qui-
beron, l'Espagne signait à Bâle, le 12 juillet, un traité de
paix avec la République française.
Les réparations des vaisseaux furent poussées avec acti-
vité dans le port de Lorient et, à la fin du mois d'août, il
ne leur manquait plus que des équipages pour qu'ils pus-
sent reprendre la mer. La pénurie des subâistaûceâ avait
nécessité leur congédiement, et les marins qui avaient été
conservés faisaient le service à terre. Ce ne fut pas chose
facile de faire rallier des matelots ; il fallut un décret pour
les rappeler sous les drapeaux. Il n'en revint néanmoins
qu'un très-petit nombre, et l'on prit le parti de faire sortir
isolément, ou du moins par divisions, les vaisseaux qui
étaient en relâche; arrivés à Brest, leurs équipages étaient
renvoyés à Lorient pour armer de nouveaux vaisseaux. Ce
fut de cette manière que l'escadre de l'Océan quitta Lorient
424 BATAILLES. -1795.
en trois divisious, sous les ordres des coutre-amiraux Vence
et Kerguelen et du vice-amiral Villaret, les 9 décembre
1795, 10 jauvier et 6 mars 1796. Celles des frégates qui
n'avaient pas encore repris leur service de croisière sorti-
rent avec ces divisions; quelques-unes furent envoyées à
Rocbefort, où l'on faisait des préparatifs d'armement ; les
vaisseaux le Waltigny et le Fougueux reçurent aussi cette
direction.
La sortie de l'escadre française fut favorisée par le dé-
part de celle des Anglais qui n'avaient laissé qu'une divi-
sion de frégates dans ces parages.
Pendant cette expédition des Anglais sur la côte, le
cutter de 14° Swan fut pris par la frégate la, Forte de la
division du commandant Moultson.
Pour faire face aux nombreux armements que nécessi-
taient les circonstances et mettre l'escadre de Toulon en
état de reprendre la mer, il fallut compléter les équipages
avec 2,400 hommes de la légion de la Corrèze, des 18* et
108* demi-brigades. Ce complément porta à 7,500 le nom-
bre des hommes qui, sur un eCTectif de 12,000, n'avaient
jamais été à la mer. Et en retranchant 1,300 officiers et
maîtres, il restait 2,300 matelots pour armer 15 vaisseaux»
7 frégates et 15 corvettes. Voilà pour le personnel. Au
matériel, le contre-amiral Martin déclara que le premier
mauvais temps ne le laisserait pas sans inquiétudes sur le
sort de plusieurs vaisseaux. Ses observations ne furent pas
prises en cousidératioii et, le 2 iiiars, Tarméemit à la voile»
com])ust}e coinme ii suit :
120 Suns-Cu/uUeà' {{. capitaine Lupaliï^f.
Martiu (Pierre), coulre-aïuirai.
i Ca-ùa ['Ij capitaine Coudé.
\ Tonnant — Cosmao Kerjulieu.
belmutie^ contre -amiiui.
(1) Le Daupiiin-Huyal,
(9) La Couronne,
78
BATAILLES'— 1795. 425
Victoire (1) capitaine Savary.
Alcide — Leblond Sainl-Hylaire.
Barras — Maureau.
Censeur — Benoist.
Conquérant — Lemancq.
Duquesne — Allemand (Zacharie).
Généreux — Louis.
Guerrier — lofernet.
Heureux — Lacaille.
Mercure — Catteford.
Peuple Souverain {"l]. . . — Charbonnier.
\ Timoléon (5) — Khrom.
Frégates : Artémise, A Icesie, Minerve ^ Vestale, FriponnCrJunon, Diane,
Corvettes : Brune^ Badine.
Brigs : Hasard, Scoutf Alerte,
Le représentant du peuple Letourneur (de la Manche)
était embarqué sur le vaisseau amiral.
Quelle était la destination de cette armée navale? On
doit supposer que le but de sa sortie était une attaque con-
tre la Corse puisque, pour la faire appareiller, on avait
attendu que l'armée anglaise &' éloignât de cette île, et que
des troupes avaient été embarquées sur les vaisseaux et
sur des transports qui ne quittèrent pas, il est vrai, la
rade. La correspondance du représentant Letourneur in-
dique, en eft'et, un débarquement en Corse et une expédi-
tion sur Livourne. M. Thiers a écrit (4) que le gouverne-
ment avait imaginé un coup de main sur Rome pour
venger l'assassinat de l'ambassadeur Basseville. Le Comité
de salut public, dans son rapport à la Convention na-
tionale, dit que l'armée n'était sortie que pour assurer
la navigation des navires français dans la Méditerranée.
M. Pouget(5) prétend qu'il était primitivement question
d'une expédition sur les côtes d'Italie; mais que le contre-
amiral Martin ayant trouvé ce projet impraticable, eu
égard à la force de l'escadre anglaise, le gouvernement
décida que les vaisseaux de Toulon sortiraient uniquement
(1) Le Languedoc d'abord et Y Anti-Féderaliste ensuite .
(2) L'ancien Souverain.
(ô) Le Contmtrcc-de-Bordeaux.
(4) Histoire de lu Hévolution française.
(5) Précis sur la vie et les campagnes du vice-amiral Martin.
42e BATAÎLLKS. — 1795.
pour chercher et combattre rennemi. Quoi qu'il en soit,
contrariée par les calmes et par les vents, ce fut aeule*
ment le 8 que Tarmée arriva en vue de la partie Nord de
la Corse. Vers S^ du matin, les découvertes signalèrent un
vaisseau sous la terre : c'était le vaisseau anglais de 82*"
Berwick, capitaine Adam Littlejohn, qui allait rejoindre
son escadre à Livourne. Le vent soufflait du S. -0. Le IHi-
quesne^ le Censeur ^ Y Àlceste et la. Minerve reçurent Tordre
de lui donner la chasse; la Vestale le fit aussi. La frégate
de 36'' YAlceste^ capitaine Lejoille, l'atteignit la premijire
et Fattaqua de suite. Après une honorable résistance qui
coûta la vie au capitaine Littlejohn, le Berwiqk amena son
paivillon au moment où la Vestale^ capitaine Delorme, qui
venait d'arriver, lui envoyait sa seconde volée. Le Du-
q/Mme, qui approchait également, et qui ne s'était pas
aperçu que le vaisseau anglais eût amené son pavillon, loi
tira aussi une bordée. Le Berwigk, vaisseau de 82®, n'en
portait que 6A et, démâté à la suite d'un coup de veut sur
la rade de Saint-Florent, il avait la mâture d'une frégate ; il
fut de suite envoyé à Toulon. VAlcesle avait perdu son
mât d'artimon, et le capitaine Lejoille avait reçu une bles-
sure grave.
Dès que le vice-amiral Hotham apprit la sortie de l'armée
française; il appareilla de Livourne avec les vsdsseaux.
Canons.
110 Britânhia capitaine John Halloway.
William Hotham, vice-amiral.
Princess royal capitaine Jotin Ghild Porris.
Cranston Goodall, ilce-amiral.
108 ( SkUiT George capitaine Thomas Foley.
sir Hyde Parker, vice-amiral.
WixDsoR GisTLE capitaine John Gore.
Robert Linzee, vice-amiral.
Gaptain capitaine Samuel Reeve.
FoRTiTUDE — William Young.
Illustrious — Thomas Frederick Lennox.
. Terrible -— George Campbell.
^ Courageux — Augustin Montgomery.
Egmont ^ John Satton.
Bedford — Davidge Gould.
Tancredi (napolitain). . . — Garracioli.
liATAlLLKS. —^795. 4^7
^_ i ^G^piHNON — Horatio Nelson.
'* rOiADEM: . — Charles Tyter.
Pr6garKeis : iNxossT^NTy Lowestoffc, Meleager, Romulii^^ Pyk^^deiMivirva.
^ lies d^uxdepières étaient napolitaines.
2 corvettes él 2 éuttefs.
Le 11 au matin, les découvertes^ françaises signalèréirt
l'escadre anglaise sous le vent, liiaîs tiiïe brame épaisse
ïâ fit bientôt perdre de vue avatrt qu'on eût pu recon-
naître sa force, et les deux escadres iHânièutrërent pen^
dânt deux jotifs, tantôt erf vue l'une de rsititrè, tantôt rie
^é voyant pas. Le 13, Tenneinî fut distinctement afjerçtf
sôus le vent et , jïbur la ptetnièté fois, on |mt compter ses^
lA vaisseaux (1). Quatre d'étitre etl< se trouvant fort eir
avant des autres, le cottïrhàndàrif en chef de l'armée fran-
çaise eut l'idée de les couper et dans ce but, il fit i^ignâî
ié laisser arriver quatre cj^arts largue par un mouvement
sucfcessîf. II codrut ainsi pendant quatre heures ; le veut
étant alors presque entièrement fOffibé et là ligné ô^alltfri-
gëànt beaucoup, il donna Tordre de virer lof pour lof par
k contre-marche. Là faiblesse de la brise tînt lès escadres
et présence pendaiît lé reste de la Journée, maîi^ elles né
se rapprochèrent pàS.
tJri àrr&té du 12 juîil 1794 oM6niiâtif à tèrns tes Officiel
généraux commandsttil; une armée, àilx officiers gêiiérâttJi
doihmândant les escadres qtli là composaient et à tou» les
ëomtoândants d'escadre de 12 vaisseaux , d'al-borèr letir
çàvillon sur une frégate peiïdànt le Combat (2)*. fiû exé^-
ciitîon de cet arrêté, le conttè-amirâl Mstrtîn mît SOù pâ-
^îïlon sur là jUinéhe, capitaine Portée, et le toYïtréJ*
amiral Delmotte passa sur là PripôtlAe, càftftiltte Thrllët
(.1} Ce chiffre e$t donné par les relations apg;laises. ]tt. Pouge^. à roaTrase
duquel j'ai volontiers recoars poar ce qai concerne' les campagnes au yicè-âàii-
^àl Marlih auquel des liens d'étroite parenté lé fltUàcBent^ M. Pou|et dit qa'U
y avait 17 vaisseaux.
(2) Cet arrêté fut rapporté le é juîn iiiS et remplacé par un adiré quî^-
Ukà^ (fiïb \eé amirlât féraieikt athé}ét leur pcr?lllofi sur un vaiéiBAU de premier
428 BATAILLES. — 4795.
(Léonce). Vers 7^ du matin, le 1&, Tescadre ennemie fut
aperçue sous le vent, à environ 3 milles ; la brume avait
empoché de la voir plus tôt. Le vent soufflait du S.-O.
Alors aussi, on s'aperçut que le Mercure manquait. Ce
vaisseau avait démâté de son grand mât de hune entre
6 et 7^ du soir, et s'était bientôt séparé de l'armée que la
brume lui fit perdre de vue. Craignant de tomber dans
l'escadre ennemie, et bien que le commandant en chef qui
connaissait ses avaries lui eût promis de lui envoyer une
frégate, le capitaine Catteford avait fait route pour le golfe
Juan, rendez-vous assigné en cas de séparation, au risque
de trouver sur son passage l'ennemi qu'il craignait de ren-
contrer. Cette séparation n'était pas le seul événement de
cette nuit sombre et venteuse : le Ça-ira et la Victoire s'é-
taient abordés et , démâté de ses deux mâts de hune, le
premier de ces deux vaisseaux était tombé sous le vent;
lorsque la brume se dissipa, il occupait une position in-
termédiaire entre les deux escadres. Bientôt on vit la fré-
gate anglaise Inconstant, capitaine Francis Freemantle,
l'approcher et le canonuer. Le capitaine Coudé, qui faisait
travailler à sauver son grément et les débris de sa mâture,
se décida à couper tout ce qui pendait encore le long du
bord pour dégager ses batteries; il put alors riposter et
força la frégate à se retirer. Deux vaisseaux, TAgameiinon
et le Captain, la remplacèrent et le Ça-ira eût fini par
succomber, si à lO** 30'", la Vestale^ capitaine Delorme, ne
fût venue le prendre à la remorque. £n même temps que
le commandant en chef donnait cet ordre au capitaine de
la Vestale, il signalait à l'armée de former une prompte
ligne de bataille, de forcer de voiles et de gouverner au
N.-E. pour aller secourir le vaisseau engagé. Les capitaines
se conformèrent rigoureusement à cet ordre et ne ciiirent
pas devoir suivre une route autre que x^elle signalée. Le
commandant en chef ne s'aperçut malheureusement pas
assez tôt que l'armée ne passerait pas, ainsi qu'il le dési-
rait et qu'il l'avait supposé, entre le Ça-tra et l'ennemi.
BATAILLES. — 1795. 429
et ce vaisseau se trouva encore sous le vent de la ligne.
L'approche des Français décida cependant TAgamemnon et
le C4APTAIN à rejoindre leur escadre et l'affaire en resta là
pour la journée. Il était alors l*" 25"* (1). Le Censeur prit
le Ça-ira à la remorque.
La brise fut faible pendant la nuit; l'armée navigua à
peu près sans ordre, mais assez bien ralliée. Au jour, on
put constater une nouvelle séparation : le Sans-Culottea
avait quitté l'armée. Persuadé qu'un nouveau combat au-
rait lieu le lendemain, le contre-amiral Martin était resté
sur la Minerve^ mais, à l'entrée de la nuit, il s'était ap-
proché du Sans-Culottes et lui avait fait connaître ses inten-
tions. Le capitaine Lapalisse avait alors informé le com-
mandant en chef que son vaisseau gouvernait fort mal. On
vit bientôt, en effet, le trois-ponts tomber sous le vent
l'on ne tarda pas à le perdre de vue. Vers 3** du matin, par
une fausse interprétation des ordres qu'il avait reçus, le
capitaine Lapalisse vira de bord et s'éloigna par suite
davantage 5 il chercha vainement l'armée pendant toute la
journée. Chassé par 2 vaisseaux ennemis, le 16 au matin,
il entra à Gênes.
Le vent était entièrement tombé et l'armée française
se trouvait en calme, à 21 milles dans le S.-O. de Gênes; le
Ça-ira et le Censeur^ qui avait largué la remorque, étaient
à grande distance dans l'Ouest; et l'escadre anglaise, alors
à moins de 3 milles dans le Nord, gouvernait avec une brise
très-faible de N.-O sur les deux vaisseaux isolés qui, eux,
cherchaient tardivement à se rapprocher des leurs. Mais,
quoi qu'ils fissent, ils ne purent réussir à parcourir la dis-
tance qui les séparait de leur armée, avant d'être joints
par le Captain et par le Bedford; il était 6" 40"*. Après un
engagem.ent d'une heure, le Captain, qui était arrivé le
premier, fut entièrement désemparé et mis hors d'état de
continuer son feu. L'autre vaisseau, aussi peu heureux dans
Il I ■ I I I . Il „^»mmmm ■ —MM—
(1) M. William James, The naval history, etc., dit 2 heures 15 minutes.
43t) BATAILLES. — 1795.
son attaque, se retira également. Us forent remplacés pèr
riLLDSTRious ct le CouRAGEux. Il était 7^ Jkô"' lorsque Tar-
mée française reçot la brise; mais quelques tâisseafdE
abattirent sur un bord, les autres sur l'autre, et le désordre
devint aussi grand que possible au moment où leur api^
était le plus nécessaire à ceux qui étaient attaqués. Le
Duque$ney chef de file de la ligne, prit les amures à trfr
bord, ainsi que le Tonnant^ la Victoire et le Thnoléon. Le
commandant en chef signala de se former en bataille sar
ces vaisseaux : son intention était de passer entre lé Ça-4ra9
le Censeur et l'escadre anglaise. Mais la brise defint telle-
ment faible, que les vaisseaux gouvernaient & peine; et,
malgré les signaux répétés de serrer Tennlâmi au feu, ks
h vaisseaux mentionnés plus haut furent les seuls qui ar-
rivèrent en aide aux deux qui étaient engagés. Tous
â.vaient cependant leurs embarcations % la mer pour fed-
liter l'évolution. Dans ce pêle-mêle, le Duqueme fut abordé
par la frégate anglaise Lowestoffe qui parvint à se dégh-
ger, grâce à l'intervention de la MiN£tiTA. Les Fran(àtis
avaient le cap au O.-S.-O. et portaient par conséquent sir
les vaisseaux anglais avancés avec lesquels le iJa-Hrà et le
Penseur étaient engagés. Cette route permit même M. ca-
pitaine Allemand de passer au vent à eux et de les séparer
de leur escadre. A 8*", le Duquesne^ la Viettrire^ le Tannant
et le TimoUon engagèrent successivement l'iLLTiSTRidiÀ,
le Courageux et plusieurs autres vaisseaux anglais. Vtie
heure après, les deux premiers vaisseau! ennemis if ayiâiéiit
plus que leur mât de misaine ; H^ isi là faiblesse de la brise
empêcha les autres vaisseaux de leur escadre de les sou-
tenir, elle les préserva d'une capture & peu près cerliâiie.
Après avoir doublé les vaisseaux anglais, au lieu de Isîb-
ser arriver pour les combattre en faisant la même route, ie
Duquesne continua à serrer le vent ; sa manœuvre fut imi-
tée par les vaisseaux qui le suivaient. Le Censeur n'atUt
plus que son mât d'artimon. Accablé par le nombre, il
amena son pavillon à 10" : il était si maltraité, que les Aillais
BATAILLER, -r 47^5. f ?i
le livrèrent aux flammes. Rasé comme un ponton, le (7a-ira
cessade tirer presque en même temps que lui. H avait plus<k
S mètres d'eau dans la cale et avait perdu 600 hon^/pes j[l).
L'armée française continua sa route vers TOuest et Us
Anglais gouvernèrent au N.-E. Le feu av^it complètement
cessé à 1^ 30"*. Ce combat prit le noip /du pap Nolis. Sa-
tisfait du résultat inespéré qu'il avait ;^btenu, le vice-^h
ral Hotham ne jugea pas devoir engagi^f 4e copibat d'upe
manière plus sérieuse; le soir, son escadrp lètait bors île
vue. Le lendemain, la Victoire^ le TmoUojft^ la Minervfi et
ÏAlceste, qui avaient des avaries asse? graves^ furent cçp-
'Voyés à Toulon. Le capitaine du TifnoUan avait reim fj^e
blessure.
Assaillie par un coup de vent, Tarmée française ^a
mouiller sur la rade d'Hyères, près de TouioQ, o^ ^le
fut ralliée par le Mercure, et quelques jours après, parle
Sans'CuloUes, à la recherche duquel ie ^a$ard avait été
envoyé. L'armée rentra à Toulon le 24 -mars.
L'escadre anglaise se rendit à la Spezzia, dans le golfe de
Gênes ; le Goura&eux y arriv:^ ^ ]a riemorque d'une frégUitç.
L'Illustrious, remorqué aussi par une frégate, fut sèfi^é
de son encadre pendant le coup de vent; la frégate fût
obligée de larguer la remorque pour ne pas être entraînée
à la côte. Le 18 au matin, le vaisseau mouilla dansl^ baie
de Valence, entre la Spezzia et Livourne ; mais les câbles
cassèrent et il fut jeté au plain. Les secours envoyas pour
le relever ayant été impuissants, il fut incendié.
Un jury fut chargé d'examiner la conduite des capitaines
du Sans'CuloUes, du Mercure et du Duquesne auxquels le
commandant en chef reprochait la non-exécution He plu-
sieurs ordres. Ce jury déclara qu'il n'y avait pas liçu à ac-
cusation et donna les plus grands éloges aux capitaines
Coudé et Benoisl.
(l) L'élévation des perles de ce vaisseau m'a délerminé à en donner U chif-
Tre que j'ai pris dans le rapport officiel.
in BATAILLES. — 1795.
L'armée navale de la Méditerranée était à peine ren-
trée à Toulon, que déjà les prétendus patriotes prenaient
leurs dispositions pour Tempêcher d'en sortir, sous pré-
texte qu'on voulait la livrer à l'ennemi. A leur instigation,
et pour arriver à ces fins, les ouvriers de l'arsenal s'insur-
gèrent, enlevèrent les armes des magasins, et soutenus par
les paysans des environs, ils s'emparèrent du fort Lamalgne ;
de cette position ils dominaient l'entrée de la rade et la rade
elle-même. Malheureusement ils ne s'en tinrent pas là, et
bientôt leurs funestes doctrines vinrent infester les équi-
pages et les désorganisèrent. D'un autre côté, les maladies
faisaient d'affreux ravages à bord des bâtiments dont les
marins, aussi peu vêtus que les soldats des armées de
terre, étaient en grande partie attaqués du scorbut. Au
mois d'avril, il manquait 6,764 hommes à l'effectif général,
en malades ou en déserteurs. On comprend combien il était
difficile de reprendre la mer dans de pareilles conditions.
19 vaisseaux et 7 frégates, tous assez mal armés, purent
cependant sortir le 7 juin, mais chacun avec une centaine
d'hommes en moins. Ces vaisseaux et ces frégates étaient:
Canons.
120 Orient (1) capitaine Lapalisse.
Martin (Pierre), contre- amiraL
{ Tonnant capitaine Gosmao Kerjalien.
^^ I Delmotte, contre-amiral.
( Victoire (2) capitaine Savary.
iJemmape.'i — Laiïon.
/ Renaudin, contre-amiral.
Duquesne capitaine Allemand (Zacharie).
Généreux — Louis.
Peuple Souverain — Lindet Lalonde.
Heureux . — LacaïUe.
78 / Metcurc — Catteford.
Jupiter — Richery.
Guerrier — Infernet.
Alcide — Leblond Saint-ïïylalre.
Barras — Maurenu.
Aquilon — Laterre.
Révolution — Fay.
(1) Ancien Sans-Culotles.
(2) Nouveau nom de V Anti-Fédéraliste.
BATAILLES.— 1795. 433
Républicain (1) — Ganteaume (Honoré).
Tyrannicîde ~ Dordelin (Joseph).
"^^ ] Timoléon — Charbonnier.
Berwick — Dumanoir Lepelley.
Frégates : Junon, Minerve, Alceste^ Justice, Friponne, Artémisey Sérîettse,
Corvettes: Badine, Brune.
Brig : Alerte.
Celte sortie n'avait d'autre but que d'arrêter la désertion,
en attendant des nouvelles positives de la force de l'ennemi
que l'on savait avoir reçu un renfort; le contre-amiral
Maan venait en effet d'arriver à Saint-Florent de l'île de
Corse et le vice-amiral Hotham se trouva dès lors avoir sous
ses ordres les 23 vaisseaux ci-après :
Canons.
IBritannia capitaine John Halloway.
William Hotham, yice-amiral.
VicTORY capitaine John Knight.
Robert Maan, contre-amiral.
108 Barfleur • . capitaine John Bazeley.
Windsor Castle — John Gore.
Robert Linzee, contre-amiral.
100 { Saint George capitaine Thomas Foley.
sir Hyde Parker, vice-amiral.
Princess royal capitaine John Child Purvis.
Cranston Goodall, contre-amiral.
Captain capitaine Samuel Reeve.
Egmont — John Sutton.
Courageux — Benjamin Hallowell.
Terrible — GcQrge Campbell.
Bedford — Davidge Gould.
FoRTiTUDE — William Young.
S2 ( Gibraltar — John Pakenham.
Bombay Castle — Charles Chambrelavne.
Saturn -— James Douglas.
Cumberland — Samuel Rowley.
Defence — Thomas Wells.
Cl LLODEN — Thomas Trowbridge.
\aui)acious - William Shield.
( Agamemnon — Horatio Nelson.
''^ i DiADEM — Charles Tyler.
( GuiSGARBo. r vaisseaux i — Spanocchi.
! Samnito. . l napolitains. ( — Guiellichini.
Frégates : Meleager, Cyclops.
Corvettes : Ariadne, Comet, Eclair, Flèche.
Cutter : Resolution.
Le contre-amiral Martin s'établit en croisière devant
7;
'J) Ancien Trente-et -un-Mai.
Il f8
434 IJATAILI.KS. - 1795.
Toulon et envoya les frégates la Minerve de 42*, capitaine
Delorme, et YArlémi$e de A0% capitaine Decasse, en oih
servation sous Tîle de Minorque. On comprit ]>ientôt qpe
la présence de Tannée navale serait plus utile sur les côtes
d'Italie qu'à l'entrée de Toulon. Toutes les puissances ita-
liennes désiraient alors la paix, celles du moins qu'une im-
prudence pouvait compromettre. Depuis que les Français
étaient aux portes de Gênes, la Toscane était impatiente
de revenir à son rôle, et quoique pressé par l'amiral an-
glais dont les vaisseaux se tenaient constamment dans ces
parages , le Grand-duc venait de conclure un traité avec
la France. Il ne restait que la Cour de Naples qui, égarée
par les passions de la reine et les intrigues de l'Angle-
terre, était loin de songer à négocier et faisait de ridicules
promesses de secours à la coalition. Conformément aux
instructions reçues par le commandant en chef, l'année
navale se dirigea sur Gênes le 8 juillet. Mais avant de le*
ver sa croisière, le contre-amiral Martin renvoya les vi^s-
seaux le Guerrier et le Mercure à Toulon ; le premier était
en trop mauvais état pour tenir la mer; l'autre avait reçu
de graves avaries dans un abordage. Le 7 dans la soirée,
Tarmée navale s'approcha assez de la Corse pour recon-
naître celle des Anglais au mouillage de Saint-Florent. Son
apparition détermina l'appareillage de celle-ci, mais six
jours s'écoulèrent sans qu'elles se rencontrassent ; ce fut
seulement le 13, pendant la nuit, qu'elles eurent connais-
sance l'une de l'autre ; les Anglais étaient au vent, et par
suite d'une grande brise de N.-O. qui avait régné jusqu'à
ce moment, les vaisseaux français étaient sans ordre. Le
jour, en se faisant, permit de compter 23 vaisseaux anglais
et 6 frégates o.î rorvottes. Le contre-amiral Martin or-
donna la formation d'une prompte ligne de bataille; mais
ne voulant pas risquer un combat dans les conditions où
se trouvaient ses vaisseaux, il fit route pour le golfe Juan,
suivi par l'armée anglaise. Les vaisseaux français ne
tardèrent pas à ressentir l'influence de la terre et ils furent
BATAILLES. -179o. 435
gagnés par les Anglais qui ne subirent cette influence que
vers 11'* ; les deux armées gouvernaient à peine à çeitte
heure. Une petite fraîcheur de S.-E. s'étant élevée vers
midi, le commandant en chef renouvela Tordre de se for-
mer en bataille sans avoir égard aux postes, et comme le
vent hâlait TEst, il se dirigea sur Fféjus, çt fij; efls^jitç le
signal de commencer le feu aussitôt que ceU serait possible.
Les vaisseaux ennemis les plus avaqpés étajçn^ alors à, portpç
de canon ; mais, soit que les uns et les autres se jugeassent
encore à une trop grande distance, soit que les positiops
relatives ne permissent pas d'exécuter cet ordre, la canon-
nade ne commença qu'à'midi 15™. Quelques-uns des vaiçh
seaux français de T arrière-garde furent attaqués vigoureu-
sement par les vaisseaux de tête de l'armée ermèn^ie, §t
YAlcide, comme serre-file, eut à combattre le Victory, le
CuLLODEN et le CUMBERJ.AND. Lcs frégatcs la Jusiice^ capi-
taine Dalbarade (Jacques) , et YAlceste^ capitaine Çubp^'t,
reçurent Tordre de prendre ce vaisseau à la reiporqiiQ;
et comme i'Alcide était écrasé sous lefegideTenoenii, s^gQ^
fut fait aux vaisseaux Iqs plus rapprochés de f^vori^^ l^
manœuvre des frégates. \J Aquilon mit çn p^iUne; zq^i^
s' apercevant que le feu étf^it à bofd (Je V4lci4^9 il f>n^q^
promptement. Un incendie s'étîiiit ep effet déclaré à bord çj^
ce vaisseau et il se propageait avec i^ne rapl^if^ tQll^, gue
les Anglais eux-mêmes durent s' Soigner ppi^r Qp pas ft^re
incendiés. A i^ 30", YAlcidte s^tij^ 2Lyçtq|; epooirq \ l^p^cil
près de la moitié de son équipage ; le rejste ^vait ^té rp-
cueilli par des embarçatiqQ^ anglaises,. ^^ c^pjit^iqe L$-
blond fut une des victimes de ciette çatas|;ropi)e (1). V4mi^
Ion, le Généreux^ le Berwick e\]^ Jj/rat^fiicide prirent seiifjj
(I) M. James, The naval history, etc., dit que VAlcide avait amené son
pavillon à 2" et que rincendie n'eut lieu qu^ùn quart d'heure après. J'ai relaté
l'événeroent d'après le rapport du commandant en chef (a); on pen^, dès \bx\,
supposer la version anglaise erronée.
(a) A s** 1/2 /'Alcidc, ayani encore ton paviUonet «a fiammCf fil explêiion, (Joarnal
da coulre-amiral Martin.)
',:\C> HATAILLKS. — 1";9I>.
part îicet engagement qui ccosa après l'explosion de 1*4/-
cide. L'amiral anglais leva la chasse à 12 milles de terre et
prit le large. L'armée française mouilla à Fréjus, et quel-
ques jours après, elle rentra à Toulon.
Le gouvernement ayant formé le projet de détruire les
établissements des Anglais dans l'Amérique du Nord, le
capitaine de vaisseau Richery, auquel cette mission fut
coiîfiée, sortit de Toulon, le li septembre, avec les vais-
seaux :
Canons.
86 Victoire capitaine Lemancq.
i Jupiter — Richery.
Barras — Maureaa.
Berwick — Dumanoir Lepelley.
Révolution — Faye.
Duqueane — Allemand (Zacharie).
et les frégates XEmhusauIe, la Félicité et la Friponne,
Le commandant Richery avait ordre de se rendre d'abord
à Saint-Domingue pour y prendre les vaisseaux le Fou-
gueux et le Watligny, ainsi que les frégates la Décade et la
Néréide que le cliL^f de division Thévenard (Alexandre)
devait y conduire. Le capitaine de vaisseau Thomas le
rallierait aussi, dans cette colonie, avec les frégates la ift-
duse, Ylmurgenie, la lienonwiée, les corvettes la Douce-
reuse^ YAtàlante et 5 flûtes chargées de troupes, et le ca-
pitaine Siméon, avecla frégate la Vengeance^ la corvette le
Berceau et 4 transports qui avaient également des troupes.
Le commandant Richery devait se porter avec toutes ces
forces réunies devant le Môle-Saint-Nicolas et le Port-au-
Prince, alors occupés par les Anglais, et surprendre les
bâtiments qui se trouveraient sur ces rades. Mais c'était
là la partie la moins importante de sa mission. Le Direc-
toire pensait avec raison que les Anglais ne se maintien-
draient pas longtemps à Saint-Domingue, et la position
qu'ils avaient prise dans cette île ne l'inquiétait pas beau-
coup. La division navale devait dévaster l'île anglaise de
HATAILLES. — 1795. 437
la Jamaïque, ruiner les établissements de la Nouvelle-
Angleterre et ceux de Terre-Neuve ; et, dans le cas où ses
vivres le lui permettraient, terminer sa campagne par une
croisière aux Açores.
Le 7 octobre, à 150 milles dans T Ouest du cap Saint-
Vincent d'Espagne, la division française chassa un convoi
anglais de 32 voiles qui allait de Smyrne en Angleterre
sous l'escorte des vaisseaux de 82*^ Fortitude, Bedfgrd,
Censeur; de TArgo de 54*^; des frégates Junon, Lutine
de 40% et du brig de 12° Tisiphone, aux ordres du contre-
amiral Linzee. A ^^ 30™ de Taprès-midi, et après une assez
courte canonnade, le Censeur, capitaine Gore, démâté de
ses mâts de hune, amena son pavillon. Les deux autres
vaisseaux et les frégates parvinrent à se sauver. Les na-
vires du commerce furent moins heureux ; poursuivis par
les frégates et bientôt par la division entière, deux seuls
échappèrent. Le commandant Richery fit route pour Cadix
avec ses prises; mais, par suite d'une convention avec
l'Espagne, trois vaisseaux seulement entrèrent en rade; les
autres jetèrent l'ancre devant Rota. Quelques jours après,
l'entrée du port fut accordée à tous les vaisseaux. Le com-
mandement du Censeur fut donné au lieutenant de vaisseau
Lecourt, de la Félicité^ et celui de cette frégate passa au
lieutenant Oré du Jupiter.
Les difficultés que le commandant Richery éprouva pour
la vente de ses prises, l'obligèrent à faire sur la rade de
Cadix un séjour plus long qu'il n'en avait d'abord eu l'in-
tention. Le 17 décembre, il reçut un violent coup de vent
pendant lequel la Victoire, le Duquesne et la Révolution
cassèrent leurs câbles et furent jetés à la côte entre Santa
Maria et Puerto Real ; tous les autres vaisseaux cassèrent
aussi des amarres. Le Duquesne et la Révolution étaient
échoués sur un fond de vase d'où il fut facile de les rele-
ver; le troisième vaisseau, la Victoire^ qui était sur un fond
dur, fut aussi remis à flot, mais avec de nombreuses et
graves avaries qui nécessitèrent sou entrée immédiate au
43R RATAILI.es.— 1795.
bassîD. Quelques bâtiments espagnols avaient également
été portes à la côte. Les réparations nécessitées pair l'é-
cHbùage des trois vaisseaux prolongèrent encore le sé-
jour de là division française sur la rade de Cadix; le
commandant Richery y apprit sa nomination au gradé de
contre-amiral. Le 13 mars 1796, il arbora son pavillon à
bord du Jupiter dont il donna le commandement au lieu-
tenant de vaisseau Rochet.
Quelques jours avant Téchouage des vaisseaux, le 12 â^
cëmbre, la corvette le Scout, capitaine Dumiîig, s^ètiut
perdue sur les Gochinos, à l'entrée de là rade d^è (2a9ix.
Quelque sévère que fût la surveillance exercée psu: les
Anglais sur le port de Toulon, le capitaine de vaisseau
(îanteaunie (Honoré) parvint à tromper la vigilance des
croiseurs, et le 10 octobre, il fit route pour le Levant avec
le vaisseau de
78*^ llépublicaw, dont il avait pris le comniiuideinenl.
les frégates de 4i« ! '':''^'''" ' ' '^P*^^''^" Dalbarade (Jacques).
"^ i Junon. ... — Leduc.
de 42 Artémise. . — Standelet.
lescorvettesde 50*" Badine. ... - Racord.
et de 16 Hasard, . . — Bassibre.
Les instructions du commandant Canteauihe lui ènjoi*
gnaient d'aller s'établir en croisière dans TÀrcliipèl et de
faire le plus de înal possible au commerce des ennemis de
là République. L'amiral anglais ne tarda pas â être informa
Je là sortie de la division française et il se mit à sa pour-
suite ; mais le commandant Ganteaume fut assez heùréùx
pour dérober sa marche à l'ennemi. A quelque jours de
là, là division française fut cependant aperçue sur là cïïe
dô Sardaigne et, pour la seconde fois, son commàndànl
parvint â dérouter l'amiral anglais sur ses intentions ul-
térieures. Après avoir fait une apparition devàni Tunis ôû
il laissa la Sérieuse qui était sortie de Toulon en même
temps que lui, le commandant Ganteaume fit route à l'Est,
BATAILLES— 1795. 439
La division fut dispersée, à l'entrée du golfe de Smyrne,
par un coup de vent qui démâta la Justice de ses mâts de
misaine et d'artimon. La Junon la remorqua aux Darda-
nelles ; le Républicain, YArlémise et le Hasard entrèrent à
l^orto Sigri de Tîle Mételin; la Badine avait été laissée en
observation à l'entrée de TArchipel. La frégate et les
deux corvettes que la France entretenait dans le Levant
étaient presque constamment retenues sur la rade de
Smyrne par la présence d'une division anglaise. Il n'eût
pas été impossible de surprendre cette division si le mau-
vais temps n'était venu déjouer les projets du comman-
dant Ganteaume. La surprise étant impossible désormais,
car son arrivée dans ces parages était connue, il prit la dé-
termination d'aller aux Dardanelles.
Cependant les réparations de la Justice ne se faisaient
qu'avec une extrême lenteur; le commandant Ganteaume
ne pouvant prolonger davantage son séjour dans le Levant,
se décida à y laisser cette frégate. Le 2 janvier 1796, il
quitta les Dardanelles et il mouilla à Toulon, le 5 du mois
suivant. Six prises' avaient été le résultat de cette croisière.
Le nouveau commandant en chef de Tescadre anglaise
de la Méditerranée, amiral sir John Jervis, finit par con-
naître la destination de cette division qui, deux fois, avait
échappé à son prédécesseur. 11 envoya 2 vaisseaux et à
frégates dans l'Archipel ; ces bâtiment furent aperçus, le
27 décembre, par la Badine qui se réfugia à Coron, en
Morée. La Lowestoffe l'y suivit; mais le capitaine de
cette frégate respecta la neutralité de ce territoire et ne
molesta pas la corvette française,
La frégate la Justice rentra en France au mois de juil-
let 1796.
Lorsque la Convention nationale apprit les succès de
l'expédition partie l'année précédente pour les Antilles,
elle ordonna d'y envoyer de nouvelles troupes, des armes
et des munitions. Prévenu du départ de ce convoi, le com-
440 COMBATS PARTICULIERS. — 4795.
missaire du gouvernement à la Guadeloupe expédia à sa
rencontre la frégate de 36° la Pique (1) dont le commande-
ment avait été donné au capitaine Conseil. L'appareillage du
bâtiment français détermina celui de la frégate anglaise de
40* la Blanche, capitaine Robert Faulknor, qui était mouil-
lée à l'ouvert de la baie de la Pointe-à-Pître. La Pique
la chassa; mais ce fut seulement le lendemain, 5 janvier,
à minuit 30"', que passant à contre-bord et au vent, elle
put lui tirer les premiers coups de canon. La frégate an -
glaise vira peu de temps après et gouverna droit dans les
eaux de la Pique qui l'attendait; lorsqu'elle ne fut plus
qu'à petite distance, le capitaine Conseil fit une arrivée pour
l'aborder par le beaupré. La Blanche l'évita en arrivant
aussi, et le combat s'engagea bord à bord. Vers 2^ 30"*, la
frégate anglaise qui était un peu de l'avant loffa subite-
ment, et envoyant à son adversaire une bordée d'écharpe,
elle engagea le beaupré de la Pique entre ses deux mâts
de devant; le grand mât et le mât d'artimon de la frégate
française s'abattirent. Le capitaine Conseil voulut en pro-
fiter pour sauter à l'abordage; ses détachements furent
constamment repoussés. La Pique ne tarda pas à éviter et
élongea la Blanche à tribord ; les deux frégates continuè-
rent à tirer avec ceux de leurs canons dont on pouvait se
servir, mais la mousqueterie joua dès lors le rôle princi-
pal. A 3\ le dernier mât de la Pique s'abattit : deux heures
après, elle amena son pavillon. Le vaisseau anglais de 72*
Vétéran, qui arrivait sous toutes voiles, était alors à portée
de donner assistance à la Blanche. Le capitaine Robert
Faulknor avait été tué peu après l'abordage des deux
frégates.
La Pique portait 26 canons de 12
6 — de 6
et 4 caronades de 36.
'!) L'ancienne Fleur-de-Lys,
COMBATS PARTICULIERS. — 1795. 441
La Blanche — 26 canons de 12
6 — de 6
et 8 caronades de 18.
Le 8 janvier, le capitaine Saint-Laurent, parti de Ro-
chefort avec la corvette de 22*= Y Espérance, prise faite de-
puis quelques mois sur les Espagnols, fut chassé, à l'en-
trée de la Chesapeak, par le vaisseau anglais Argonauta et
la frégate I'Oiseau, et se vit dans la nécessité d'amener
son pavillon.
Le brig de 12Me iîegiun, capitaine Morel (Dominique),
séparé pendant un coup de vent d'une division sous les
ordres du capitaine de vaisseau Lhermite (Pierre), faisait
route pour Dunkerque, lorsque le 20 février au point du
jour, il se trouva à portée de canon d'une frégate; le vent
soiifflait encore bon frais du S.-E. Le Requin prit chasse
et engagea avec la frégate une canonnade de retraite pen-
dant laquelle le capitaine Morel fit jeter à la mer ancres,
canots, en un mot, tout ce qui, en allégeant le brig, pou-
vait contribuer à lui donner une augmentation de marche.
Lorsque le jour fut fait, on aperçut des bâtiments dans
toutes les directions. A 10'' 30"% la frégate qui chassait le
Requin étant à portée de voix, le capitaine Morel fit une
grande arrivée sur tribord et lui envoya une volée entière.
Lançant aussitôt sur l'autre bord, il lui tira celle de bâ-
bord, presque à bout portant. La frégate y répondit et mit
le brig dans l'impossibilité de lui échapper. La résistance
n'étant pas possible, le pavillon fut amené. Cette frégate
était anglaise ; c'était la Thalia de i4°, capitaine Grindec.
Elle faisait partie de l'armée navale de l'amiral Hovv^e.
Le 2 mars, le capital lie» la corvette de 18*
V Espion, chargé par le < C ' de Tannée
m COMBATS PARTICIJLIKHS. — 4795.
navalf! tic Brest d observer les mouvements des Anglais,
faisant route pour rentrer au port avec une grande brise
(lu Nord, aperçut 3 frégiites anglaises sous le vent. A S*" 30*
du soir, le capitaine Magendie, qui ne s'estimait pas à plus
de 3(5 milles dans le N.-O. de l'île d'Ouessant, vit un
nouveau bâtiment devant lui : il mit alors le cap au S.-0.
Ce dernier bâtiment le chassa, et ses signaux ne purent
laisser de doutes sur sa nationalité : c'était encore un en-
nemi. Les dispositions du combat furent faites à bord de
l'Espion ; mais lorsqu'on voulut ouvrir les saborda, Feau
entra avec une telle abondance qu'il fallut les refermer de
suite. Il n*y avait donc d'autre espoir que dans la fuite, et
cet espoir ne fut pas de longue durée. A 9^ 15", le chas-
seur envoya ses premiers boulets ; la canonnade dura ce-
pendant jusqu'à 1^ du matin. Ce bâtiment, à la poupe du-
quel on pouvait alors distinguer le pavillon anglais, était
la frégate de 48° Lively. Le capitaine George Burlton hêla
à Y Espion d'amener : un quart d'heure après, la corvette
était amarinée. V Espion prit le nom de Spy dans la ma-
rine anglaise.
Le capitaine Magendie fut acquitté par le conseil mar-
tial qui eut mission d'examiner sa conduite.
La goélette de 18'' la Coureuse^ commandée par l'enseigne
de vaisseau Landais, escortant un petit convoi de la baie
de Benodet à Lorient. fut chassée, le 25 mars, par Z fré-
gates anglaises de la division du commodore Warren et
amarinée sans résistance. Les navires du commerce furent
capturés également.
La corvette de 18° le Jean Bart^ capitaine Néel, qui se
rendait en France avec les archives de Saint-Domingue,
reçut un violent coup de vent pendant lequel le capitaine
fit jeter li canons à la mer. Le 26 mars, il aperçut les fré-
gates anglaises Sâinta Margaretta de hh"^^ et Cerberus de
COMBATS PARTICULIERS. - 1795. 443
40 qui l'atteignirent après trois jours de chasse et le iireiU
amener aux premiers coups de canop. Le Jean Bari prit
le nom cI'Arab dans la marine anglaise.
Le conseil martial qui jugea le capitaine Néel Tacquitta
à Tunanimité.
Après avoir escorté au port du Passage, situé sur la
frontière septentrionale d'Espagne, un convoi jie vivres
pour Tarmée des Pyrénées, les frégates de 36° la Mèàèe
et Y Andromaque^ capitaines Papin et Bergeret, retournaient
à Bordeaux avec les mêmes navires lorsque, le 6 avril, à
12 ou 15 milles du port qu'elles venaient de quitter, elles
aperçurent h frégates anglaises qui les chassèrent. Le
convoi reçut l'ordre de rentrer^ mais la nécessité de cou-
vrir les plus mauvais marcheurs obligea les 2 frégates
françaises à une canonnade assez vive avec les bâtiments
ennemis. Elle fut toutefois sans conséquences, et la Mèdée
et VAndromaque purent rentrer au Passage.
La frégate de Sô'^ la Gentille ^ capitaine Canon, en croi-
sière à rentrée de la Manche avec 2 autres frégates de
même force, la Gloire et la Fraternité^ capitaines Beens et
Florin vilie, chassa, dans la matinée du 10 avril, pn navire
aperçu dans le S.-O. \ le vpnt soufflait de TEst, bon frais.
Ce navire était danois. A 8*"^ lorsque le canot qui l'avait
visité revenait abord, 8 autres voiles fprent signalées. La
Grloire et la Fraternité étaient alors à 6 i»|lle3 dans l'E,-
N.-È. de la Gentille^ et faisaient route au 0,-N.-0. ; çpr le
signai que lui fit le cQqimandant de la division, le capi^ine
Canon mit le cap au N.-O. Les voiles aperçues, qui faisaient
partie d'une division sous les ordres du contre-amiral an-
glais John Colpoys, chassèrept les frégates françaises sur
des routes -différentes, de l'Ouest au N.-O. ; elles étaient
encore à grande distance, lorsqu'à midi, le commandant
de la division française rendit libre la manœuvre de chaque
4i4 r.OMBATS PARTICULIERS.— 1795.
capitaine. La Fraternité et la Gloire coDtiûuèrent leur
route au N.-O. pendant quelque temps; puis la dernière
serra le vent; elle fut suivie par un vaisseau et 3 frégates.
A 6*" du soir, elle commença à échanger des boulets avec
la frégate de hO"" Asïuœa, capitaine lord Henry Powlet,
mais il était 10'' lorsqu'elle put engager le combat avec
quelque efficacité; il fut acharné. Après une heure, la
Gloire amena son pavillon (1).
La Gloire portait 26 canons de 12,
(5 — de 6
et û caronades de 36.
L'AsTRQEA — 26 canons de 12,
6 _ de 9
et 8 caronades de 32.
La Gentille qui gouverna d'un quart plus sur bâbord
fut aussi gagnée, et la nuit était trop belle pour que le ca-
pitaine Canon pût espérer échapper par une fausse roule;
le vent avait beaucoup molli. Après dix heures de pour-
suite, les vaisseaux de 82*^ Hainnibal et Robust étaient à
portée de pistolet. Quelques coups de canon furent tirés
et le pavillon de la frégate française fut amené.
Traduit devant un conseil martial, le capitaine Canon
fut déclaré non coupable et acquitté.
La Fraternité continua sa route largue, chassée par un
vaisseau et une frégate qui la canonnèrent à 6** 30"* du
soir. Cette canonnade fut sans conséquence et cessa à la
nuit. Les premiers rayons du jour montrèrent au capitaine
Florinville I'IIannibal occupé à amariner la Gentille. Ce
vaisseau se joignit à celui qui le chassait déjà, et ce fut
lui qui, à 6'' du soir, lui envoya les premiers boulets; il
cessa son feu à la nuit. Le second vaisseau laissa alors
arriver pour passer derrière la frégate française qui
(1) Je n'ai pu me procnrer le rapport da capitaiDe Beens: je donne le combat
de la Gloire d'après M. William James,
COMBATS PARTICULIERS. -1795. 445
vira aussitôt de bord vent devant. L'Hannibal voulut en
faire autant; mais il manqua son évolution et la fit vent
arrière; la brise était alors très-faible. Le capitaine Flo-
rinville se fit remorquer par ses canots, et le vent ayant
fraîchi pendant la nuit, les chasseurs furent perdus de
vue. La Fraternité entra à Lorient.
Le capitaine Jamet, de la corvette de 18* Y Hirondelle
appareillé de Saint-Malo dans la journé du 15 mai pour
aller porter des ordres au commandant du fort de la Latte,
dans la baie de la Fresnaye, à 18 milles environ dans l'Ouest,
fut chassé par 2 frégates anglaises qui ne purent Tattein-
dre. Il était arrivé à sa destination, lorsqu'il aperçut plu-
sieurs autres bâtiments qui se dirigeaient également de ce
côté. Embossant aussitôt sa corvette sous le fort, le capitaine
Jamet se disposa à repousser une attaque qui ne se fit pas
attendre. Il y avait à peine une heure que Y Hirondelle était
au mouillage, que 10 bâtiments de guerre se formèrent en
demi-cercle autour d'elle et l'attaquèrent, La canonnade
continua presque sans interruption jusqu'à 4^ du soir,
entre la corvette et le fort d'une part et les bâtiments an-
glais de l'autre. La nuit approchant, ceux-ci jugèrent pru-
dent de se retirer. Le capitaine Jamet en profita pour re-
mettre sous voiles, et le soir même il rentra à Saint-Malo.
Le capitaine Montalan, de la corvette de 30* la Tourte-
relle, croisant au large de la pointe S.-O. de l'Angleterre,
avec une faible brise de Nord, aperçut de l'arrière, le
13 mai à Q^ du matin, un bâtiment qui, comme lui, courait
tribord amures. Il vira de bord pour le reconnaître, et
le prenant pour une corvette, il l'attendit sous les hu-
niers. Vers lO'^, il envoya quelques Jboulets à ce bâtiment
qui n'était plus alors qu'à deux portées de fusil. Lorsque
cet inconnu, qui jusqu'à ce moment avait présenté l'avant,
44fî COMHATS 1>ARTICULIKKS.— 1795.
laissa arriver, le capitaine MontalaD étonné reconnut une
frégate de kO"" : c'était la Liyëit, capitaine George Burltoô.
La Tourterelle vira de bord immédiatement: m$ds il ^aisàii
presque calme et l'évolution eut lieu lentement. Avec une
•brise semblable, il n'était d'ailleurs pas possible de se
mettre hors de l'atteinte des boulets de ce redoutable ad-
versaire. Dans l'impossibilité où il se trouvait de s'éloi-
gner, le capitaine Montalan voulut neutraliser autant que
possible l'artillerie de la frégate en la niet^t 4$u|is ses
eaux. Mais le capitaine Burlton, qui devina cette manœuyrç,
arriva en même temps que lui et il tint la tourterelle par
son travers. Le combat qui s'ensuivit fut désastreux pour
la corvette. Son grément fut haché et sa grande vergue
coupée. A !*■ 20™ de l'après-midi, il ne restait que huit
pièces en état de faire feu et seulement cinq hommes pqur
servir chacune d'elles. L'eau entrait alors dans la cale par
cinq ouvertures différentes. La Tourterelle amena son pa-
villon : elle fut remorquée à Plymouth. •
Traduit devant le conseil martial, le capitaine Montalan
fut acquitté.
La Tourterelle portait 2à canons d^ 8,
2 — de i^
et h caronades de 36«
La LiYELY — 26 canons de IÇ,
6 _ de 9
et 8 caronades de 32.
La France eut à cette époque un ennemi de moins à com-
battre. La conquête de la Hollande par les armées de la
République, pendant le rigoureux hiver de 1794, amënii
le traité de paix qui fut signé le 16 mai 1795 entre cette
Puissance et la France.
Par ce traité, les Provinces-Unies s'engageaient à fpur-
nir 12 vaisseaux et 18 frégates à la France. Mais l'article
le plus avantageux était celui qui stipulait que le port
.^iii
COMBATS PARTICUIJERS. — 1795. 447
de Flessingue de l'île Walcheren, à l'entrée de l'Escaut,
serait commun aux deux Républiques qui devaient y
avoir chacune leur arsenal, leurs chantiers, etc. Bien
qu'il fût constant qu'à la cessation des hostilités, la Hol-
lande pouvait disposer de 2 vaisseaux de 74*^, de 6 de 6à
et de 4 de 54 ; de 3 frégates de 44, de 4 de 36, et de 14
corvettes ou avisos, le secours qu'elle avait promis se fit
longtemps attendre, et la marine de la Franée ne trouva
que difficultés dans ses ports.
Le capitaine Pourquier, commandaQt In frégate de 40' h
Courageuse et la flottille destinée à soutenir les opérations
de l'armée des Pyrénées Orientales, fut attaqué, le 26 mai,
au mouillage de Fioses, dans le golfe de ce nom sur la
côte de Catalogne, où se trouvait aussi la canonnière la
Terreur, par 16 canonnières et bombardes que soutenaient
3 frégates et 2 vaisseaux espagnols. Le feu bien nourri de
la Courageuse, auquel se joignit celui de la citadelle et
du Bouton de Roses sous lesquels elle était embosàée,
rendit vaine la tentative des Espagnols.
Deux jours après, le 28, la corvette la Prompte tombait
au pouvoir des Anglais.
La corvette de 16*^ la Liberté, capitaine Landolphe, en
croisière au vent de Saint-Domingue, fut chassée, le 30 mai,
par la frégate anglaise de 40* Alarm, capitaine Mils, qui
avait été aperçue au vent. A 2** de l'après-midi, la cor-
vette française reçut quelques boulets, et peu de temps
après, à portée de pistolet, une bordée entière à laquelle
elle répondit par la sienne. Une entreprise audacieuse
pouvait seule sauver la Liberté; aussi soii capitaine avait-
il tout d'abord résolu d'aborder la frégate anglaise, et
lorsqu'il eut riposté, il fit gouverner sur elle. Une seconde
448 COMIJATS 1>ARTK:UI.IERS.— 1795.
bordée, h mitraille, bien que désastreuse, ne changea pas
sa détermination. Lo capitaine de TAlarm évita Tabordage
et héla à la corvette d'amener son pavillon. Quoique la
Liberté eût reçu plusieurs boulets à la flottaison et qu'elle
s'immergeât avec rapidité, le capitaine Landolphe répondit
qu'il n'amènerait pas, mais qu'il ne repousserait pas les
embarcations qui seraient envoyées pour sauver l'équipage.
Le capitaine Mils comprit la mission d'humanité à laquelle
il était appelé. Le transbordement des Français était à
peine terminé que la corvette disparaissait dans les flots.
L'enseigne de vaisseau Landolphe comparut devant un
conseil martial qui l'acquitta à l'unanimité.
Lorsque l'armée navale était sortie de Toulon, au mois
de juin, le contre-amiral Martin avait envoyé les frégates
la Minerve de hO% capitaine Delorme, et YArtémise de 40,
capitaine Decasse, en observation à la hauteur de l'île de
Minorque. Le 23, elles aperçurent, se dirigeant sur elles,
2 bâtiments qu'on reconnut plus tard être 2 frégates an-
glaises. C'étaient la Dido de 34% capitaine Henry Towry, et
la LowESTOFFE de 40, capitaine Robert Gambier Middleton.
Le capitaine Delorme, auquel son ancienneté donnait le
commandement, fit signal de se préparer au combat; à
S*" 30™, il cargua ses basses voiles et mit en panne ; l'^lr-
témise était alors sous le vent de sa compagne. La Minerve
ouvrit son feu sur la Dido lorsqu'elle fut à portée de fusil;
celle-cin'en continua pas moins saroute vent arrière, et elle
aborda en grand la frégate française, en engageant son
l)eaupré dans ses haubans d'artimon de tribord. La se-
cousse fut violente ; le beaupré, le mât de misaine, le grand
mât de hune et le mât d'artimon de la Minerve en furent
abattus, tandis que, par un hasard extraordinaire, la fré-
gate anglaise ne perdit que son mât d'artimon ; cependant
ses deux huniers furent déchirés. La Lowestoffe passa
derrière la Minerve, lui envoya sa volée, se dirigea sur
COMBATS PARTICULIERS.— 1795. 449
VArtèmise qui avait orienté et se plaça par son travers au
vent. Il y avait une heure que le combat durait dans les
positions qui viennent d'être indiquées, lorsque la Minerve
et la DiDO se séparèrent. L'encombrement de leurs ponts
et de leurs batteries les obligea à une espèce de trêve, et
elles travaillèrent à se débarrasser des débris de mâture
dont elles étaient couvertes et entourées. Elles n'en eurent
pasle temps, car mus parla m^me pensée, le capitaine De-
casse et le capitaine Middleton virèrent pour aller assister
chacun leur compatriote. Le dernier seul réussit: la Mi-
nerve avait amené son pavillon avant l'arrivée de sa con-
serve. Le capitaine Decasse ne crut pas devoir continuer
la lutte : il fit route pour Toulon (1).
La Minerve avait 28 canons de 18,
12 _ de 8
et 2 caronades de 36 .
VArtèmise - - 26 canons de 12,
10 — de 6
et à caronades de 36.
La DiDO portait 24 canons de 9,
a — de 6
et 6 caronades de 18.
La LowESTOFFE 26 canons de 12,
6 — de 6
et 8 caronades de 18.
Le G juillet, un des bâtiments de la division des mers
du Nord, la corvette de 14*" la Fraternité^ capitaine
Allemes, eut un engagement avec une frégate anglaise
(1) M. Pouget, Précis historique sur la vie et les campagnes du vice^ami-
rai Miu'tin, dilquo le capitaine Decasse futdéroonlé de son commandement et
traduil devant un jury qui le renvoya de la plainte. W ajoute que cet acquilte-
raent fut le rnolif qui fll changer la législation maritime et remplacer les jurys
par les conseils de guerre. M. Brun, Hisl. de In marine^ Port de Toulon,
prétend que le capitaine de VArtèmise fut déclaré incapable de servir.
H. S9
450 COMBATS PARTICULIERS. —4795-1
qui escortait un convoi. Après une canonnade qui dura de
6 à lO*" du matin, la corvette française parvint à s'éloi-
gner assez pouF se mettre hors de la portée des bouieta
de son redoutable adversaire.
Dans la matinée du 13 juillet, on vit sortir de la rivière
de Morlaix une flottille dont les bâtiments, affectés à des
services spéciaux, ne se trouvaient réunis que par suite de
la nécessité de renouveler leurs vivres. Le capitaine Bol-
loche était chargé, avec la corvette de 12'' le Furet, de la
surveillance des convois de TAbervrack à Cherbourg; la
corvette de 20'' la Levrette stationnait à Tîle Breha4^^ la
canonnière le Vésuve^ à Paimpol; le lougre le Granville^
àPerros; le cotre Y Espiègle, à Morlaix. Tous retournaient
à leurs stations respectives. Pris de calme de très-bonne
heure et drossés par le courant, ces bâtiments mouillèrent
à 9 milles du cap Fréhel. Vers O'' 30"", ils aperçurent 3 fré-
gates, un lougre et un cutter anglais gouvernant sur la terre
avec des vents du large. Les capitaines de la petite esca-
drille n'attendirent pas que la brise arrivât jusqu'à eux
pour lever leur ancre; ils se servirent de leurs canots et
de leurs avirons pour rentrer en rivière. Le Furets la Ze-
vrette et le Granville entrèrent dans le port de la Couchée.
Le Vésuve mouilla à l'entrée ; une frégate anglaise vint Ty
enlever, mais non sans avoir éprouvé une vive résistance.
L'Espiègle fut joint avant d'avoir atteint la terre et se
rendit.
Une attaque du môme genre avait lieu ce jour-là dans la
Manche. Le capitaine Guillemiii, de la corvette de 20* la
Vigilanlc, mouillé sur l:i rade de la Hongue, dans la par-
tie orientale du département de la Mauche, se disposait à
mettre sous voiles avec un convoi qu'il devait escorter à
Cherbourg, loisque vers 8'' du matin, 2 frégates anglaises,
2 bombardes, 2 canonnières et 2 brigs furent signalés,
COMBATS PARTICULIERS. — 1795. 454
louvoyant pour venir l'attaquer. Il fit mettre de suite soti
convoi en sûreté et embossa sa corvette sous le fort. Cette
opération n'était pas terminée, qu'il était attaqué par titie
frégate et une canonnière. Ces bâtiments se retirèretit après
trois quarts d'heure ; le premier avait sa vergue de petit
hunier coupée, et mouilla pour changer ses mâts de huflô.
Le mauvais succès de l'entreprise du mois dé ïnai Hé
rebuta pas les Espagnols; ils tenaient à s'emparer des bâ-
timents français qui croisaient sur les côtes de la Catalo-
gne, ou au moins à les détruire. Le 8 août dans la soirée,
18 canonnières, une frégate et un vaisseau espagnols mouil-
lèrent dans la baie de Roses ; la frégate de 40° la Coura-
geuse, capitaine Pourquier, la Boudeuse de Sô*' et 2 brigfi
de J8 s'y trouvaient alors; tous quatre s'embossèrent sows
la citadelle. Les canonnières commencèrent l'attaque le
lendemain à C* du matin. Le feu des bâtiments français,
vigoureusement secondés d'ailleure par les batteries de ïa
place, y mit promptement un terme. Les Espagnols simu-
lèrent ensuite un débarquement sur un des points de ht
rade, et ils se retirèrent sans rien entrepreûdre.
Le capitaine Arnaud, de la corvetle XEydra^ chargé âtêc
l'aviso la République Française et deux felouques de se-
conder les opérations du général Masséna sur la céte de
Gênes, aperçut, le 26 août, une division anglaise qttî se
dirigeait sur le mouillage d'Alassio où il se trouvait. Cette
division, placée sous les ordres du capitaine Nelson , «gte-
sait sur le littoral, de concert avec les Autrichiens, pour
expulser les Français d'Italie. Malgré la neutralité du pays
dans lequel il se trouvait, le capitaine Arnaud jugea pru-
dent de se rapprocher de la terre. A 9*», la division ennemie
laissa tomber l'ancre; un vaisseau et une frégate s'embos-
sèrent par le travers de l' Uydra et ouvrirent leur feu sûr
.i:>2 COMBATS PARTICULIERS.— 1795.
cette corvette. Abandonné immédiatement par une partie
de son équipage qui se jeta à la nage, le capitaine Arnaud
reçut du représentant du peuple près de l'armée d'Italie
l'ordre de débarquer les armes et tout ce qui pourraitêtre
enlevé, et d'évacuer rz///dr a qui ne pou vait opposer qu'une
bien faible résistance à de si formidables adversaires*
Cet ordre fut exécuté, et avant de quitter le bord, le ca-
pitaine Arnaud fit pratiquer plusieurs ouvertures dans la
cale. Malheureusement il ne put réussir à couler la cor-
vette, et les embarcations qui accostèrent YHydra l'emme-
nèrent au large.
Lorsque la division anglaise entra dans la baie, les fe-
louques la Vigilante et la Constitution^ capitaines Gastaud
et Durand, qui allaient à Tîle d'Albinga, mouillèrent à la
pointe Est d'Alassio. Une frégate se dirigea sur elles et
après les avoir canonnées pendant quelque temps, elle ex-
pédia ses embarcations pour s'en emparer. Les deux capi-
taines les firent évacuer; mais, quelque bien nourri que
fût le feu de mousqueterie dirigé de la plage sur les em-
barcations anglaises, ils ne purent les empêcher d'enlever
les deux felouques.
Après la prise de YHydra^ 2 frégates firent route pour
la rade de l'Aiguille où était mouillé l'aviso la République
Française^ capitaine Rêvez; leurs embarcations l'enle-
vèrent.
Le 29, la division du capitaine Nelson échoua dans une
attaque contre la canonnière le Nivôse, capitaine Martin
(Jean) ; 2 frégates et un brig la canonnèrent pendant quatre
heures, dans la petite anse de San-Lorenzo, près d'Oneille,
sans pouvoir la faire amener.
2 brigs et 2 cotres sous les ordres du lieutenant de vais-
seau Correwinder, du brig de 1/»*' le Pandour, furent canon-
nés le 31 août, à leur sortie de Dunkerque, par une cor-
vette anglaise, un brig, à cutters et un lougre. Après avoir
^ COMBATS PARTICULIERS.— 4795. i55
échangé quelques bordées, les bâtiments français rentrèrent
dans le port, à T exception du Pandour qui fut pris.
Les corvettes de 14° la Suffisante et la Victorieuse ^ capi-
taines Nosten et Salaun, en croisière dans la Manche,
furent chassées le 31 août par deux frégates ; la brise était
faible du S.-O. La vue d*un grand nombre de voiles dé-
termina la séparation des deux corvettes ; la Suffisante tint
le vent bâbord amures-, la Victorieuse se dirigea sur Tautre
bord. Cette dernière ne tarda pas à être jointe par les
vaisseaux anglais de 82° Vénérable , Mikotaur et une fné-
gâte, et elle amena son pavillon après avoir échangé quel-
ques boulets avec Tennemi. Une demi-heure plus tard, le
lougre de 20° Speedy engageait la canonnade avec la
Suffisante. L'arrivée de la frégate Venus et du vaisseau
Mars rendit la résistance inutile : le capitaine Nosten fit
amener le pavillon.
Le jury déclara qu'il n'y avait pas lieu à accusation
contre les lieutenants de vaisseau Salaun et Nosten.
La corvette de li'' Y Assemblée Nationale y capitaine Gou-
rouge, se rendant de Brest à Saint-Malo avec une faible
brise d'E.-S.-E. , fut chassée, le 2 septembre avant le jour,
par une frégate qui hissa à 6^ le pavillon anglais et Tappuya
d'une bordée entière. Cette frégate était la Diamond de
48% capitaine sir Sidney Smith. Remorquée par ses ca-
nots, V Assemblée Nationale chercha un refuge dans la
rivière de Tréguier, mais elle y trouva la brise contraire et
fut jetée sur les roches dites la basse Crublent, dans le
N.-N.-O. de Tîle d'Er, située à l'ouvert de la rivière et
dans sa partie occidentale. L'eau entra de suite en abon-
dance dans la corvette, et le grand mât et le mât d'arti-
mon s' étant abattus, l'équipage fut mis à terre, à l'excep-
tion de huit hommes, le capitaine compris, que les canots
m COMBATS PARTiCUI.lEUS. — 179B.
se purent conteDÎr. Les embarcations étaient â^ peine àir
bordées, qu'une forte lame couvrit Y Assemblée Nationale ei
enleva le capitaine Courouge de la dunette d'où il donnait
ses derniers ordres ; il ne fut pas possible de le sauver.
La position désespérée de Y Assemblée Nationale ne Batis-
fit pas le capitaine Sidney Smith : il fit tirer sur la corvette
pendant qu'on Tévacuait; il expédia ensuite sea eaibdrQi^«-
tions qui ne trouvèrent à bord que les sept hommes mea-
tiennes plus haut; le reste de l'équipage, moins quatone
hommes qui se noyèrent, avait pu atteindre le rivage.
Cette affaire souleva des récriminations de p&rt et d'au-
tre. Les Français se plaignirent d'avoir été mitraillés par
la frégate pendant qu'ils se rendaient à terre. De leur côté,
les Anglais prétendirent que la batterie de l'île d'Er avait
tiré sur un canot parlementaire expédié par le oa^Htûae
Smith. Quoi qu'il en soit de ces griefs réciproques doat
aucune des parties ne semble avoir cherché à se disoulper»
on peut ajouter à la charge des Anglais, qu'ils âélMUV
quërent sur Tîle et enlevèrent tout ce qui se trouva sûus
leur main.
Les capitaines Lamy et Carry,des canonnières la Brutale
et la Surprise^ partis de Calais avec 3 navires qu'ils con-
duisaient au Havre, aperçurent une frégate anglaise, un lou-
gre et 3 cutters sous le cap Gris Nez. Les canonnières se
dirigèrent sur Boulogne où elles firent entrer leur convoî,
et après une canonnade de trois heures avec rennenu,
elles mouillèrent elles-mêmes devant le port. Dana la spî-
rée, les Anglais prirent le large. Cette affaire eut lieu le
16 septembre.
Le capitaine Foucaud, de la frégate de 40"^ la Vestale^
«chargé avec la corvette do '24'' la Brune, les brigs de 14
YAlcesie et le Scout^ de la conduite d'un convoi sorti de
Gênes le 20 septembre, fut chassé par la frégate anglaise
COMBATS PARTICULIERS. — 1795. 4^5
de hO^ SouTHAMPTON, capitaine James M'nemara, et la
corvette de W Moselle, capitaine Charles Brisbane. Le
convoi se replia sous la terre avec les deux brigs, tandis
que la Brune retournait à Gênes. La Veslale qui proté-
geait la retraite des navires du commerce fut attaquée, à
9'' 30"' du soir, par la frégate anglaise; trois quarts d'heure
après, celle-ci se retira et démâta de son mât d'artimon.
Le convoi entra le lendemain à Villefranche. Ce port ne
pouvant fournir à la frégate les objets dont elle avait be-
soin à la suite de l'engagement de la veille, le capitaine
Foucaud fit route pour Toulon où il mouilla quelques
jours après.
La corvette de *2/i^ le Superbe, capitaine i>oudoux, Bn
croisière au vent de Tîle de la Barbade, Tune des Antilles,
fut cliassée, pendant la nuit du 1" octobre, par un gros
bâtiment qui fut aperçu trop tard pour être évité; c'était
le vaisseau anglais de 82*^ Vanguard. Le vaisseau envoya
quelques boulets à la corvette et lui héla d'amener son pa-
villon, ce qui fut fait un peu avant minuit.
Jugé pour ce fait, le lieutenant de vaisseau Dôudoux fut
acquitté.
La corvette de 18*= la Républicaine, capitaine Boucher, et
le brig le Brutus, partis dans la matinée du 10 octobre de
l'île de la Grenade, l'une des Antilles du Sud, ayant eu
connaissance de la frégate anglaise de 40° Mermaid, capi-
taine Warre, gouvernèrent pour retourner au mouillage
qu'ils venaient de quitter; gagnés par la frégate, ils lais-
sèrent tomber l'ancre dans la baie du Requin. Le capitaine
du brig fit immédiatement évacuer son bâtiment et le livra
aux flammes. Les Anglais en prirent possession et s'étant
rendus maîtres de l'incendie, ils l'emmenèrent.
Le 13, la Républicaine fut rencontrée et chassée par la
456 COMBATS PARTICULIERS.— 1795.
même frégate. Joint à 3^ 15*", le capitaine Boucher résista
pendant dix minutes et amena son pavillon (1) .
Les frégates de â2*^ la TariUy capitaine Robin, la Néréide
de 40 et la corvette de 16 V Éveillé rentrant à Rochefort
après une croisière de soixante jours, furent chassées, le
17 octobre, sous l'île de Groîx, par un vaisseau anglais et
3 frégates. Quelques coups de canon furent échangés entre
l'une des frégates françaises et la plus avancée des fré-
gates ennemies, mais le voisinage de la côte fit lever la
chasse.
La corvette n'eut pourtant pas le bonheur d'échapper à
l'ennemi. Un peu éloignée de ses compagnes, elle fut
jointe et attaquée par le vaisseau de 82** Thunderër et la
frégate Pomone. Le capitaine Honoré amena son pavillon,
mais non sans avoir fait connaître la valeur de son artil-
lerie (2).
J'ai dit que l'apparition du commandant Ganteaume
dans le Levant avait déterminé les Anglais à s'éloigner du
golfe de Smyrne, dans lequel ils tenaient bloqués les quel-
ques bâtiments qui composaient la division stationnée dans
ces parages. Le commandant Rondeau profita de l'éloi-
gnement des frégates anglaises pour mettre sous voiles,
avec l'intention de se porter à la rencontre du comman-
dant Ganteaume. Mais , assailli par le coup de vent qui
avait dispersé la division de Toulon, il mouilla à l'entrée
de la baie de Smyrne. Il y était encore lorsque, le 9 dé-
cembre dans l'après-midi, un bâtiment fut signalé au large.
La frégate la Sensible et la corvette la Sardine allèrent le
reconnaître. Le lendemain, àl** du matin, elles étaient au-
(1) Je donne ces deux affaires d'après la relation anglaise de M. James.
(2) Relation anglaise.
COMBATS PARTICULIERS — 1795. 457
près de ce bâtiment qui avait laissé tomber l'ancre. C'était
la Nemesis, petite frégate anglaise de 28** qui, croyant
trouver sa division, se dirigeait sur le golfe de Smyrne. La
Sensible et la Sardine mouillèrent, l'une à tribord, l'autre
à bâbord de la frégate anglaise et assez près pour Tempo-
cher de faire aucun mouvement. Dès qu'il fit jour, le com-
mandant Rondeau somma le capitaine de la Nemesis d'a-
mener; mais auparavant, afin qu'on ne pût invoquer, plus
tard, la violation du droit de neutralité, un officier anglais
fut invité à se rendre à bord de la Sensible. Il y fut con-
staté que la frégate était en dehors des limites protectrices.
Le capitaine de la Nemesis déclara qu'il amènerait son
pavillon au premier coup de canon qui lui serait tiré. La
Nemesis fut expédiée à Tunis sous le commandement de
l'enseigne de vaisseau Chautard. La Sensible et la Sardine
firent également route pour ce port, au milieu du mois de
décembre, la première commandée par le capitaine Escof-
fier, l'autre par l'enseigne de vaisseau Icard.
BATIMENTS PRIS, DÉTRUITS OU NAUFRAGES
pendant l'année 1795.
ANGLAIS.
Canons.
108 BoYiNË Brûlé par accident.
Î Censeur * Pris par une division.
Berwick — par deux frégates.
Illustrious Naufragé dans la Méditerranée.
5i DioMEDEs — dans ITnde.
4S Amethyst Naufragée à Alderney.
28 Nemesis* Prise par une frégate et une corrette.
20 Daphne ~^ par un yaisseau.
I Flèche " Naufragé au Canada.
14 I FuNGFisH Pris par un corsaire.
' SwAN —par une frégate.
4 Shark — à la Hougue.
FRANÇAIS.
!Çà-lra Pris au combat du cap Nolii.
S^W"ft^ *« résàlamer.
\
458 COMBATS PAUÏICULIERS.— 1795.
Superbe Sombré à la mer.
Neptune Naufragé k Porros.
Censeur Pris au combat du cap Noiis.
78 / Formidable i
Alexandre ' Pris au combat de Groix.
Tirjre \
Alcide Brûlé en comballaDt.
I Galathée Naufragée sur les côtes de France.
« ' Srr' ": """: : : : } p"- p" ""^ ^-s»'»-
Gloire Prise par une frégate,
56 { Gentille — par un yaisseau.
'Mrèiie: '. : : : : ; ; t **"'*' •"" ""* ''*^'""'-
^g I Raison Prise par deux frégates.
Perdrix j
Superbe > Prises par un vaisseau.
23 Espérance* )
20 Dumas Prise par deux frégates.
Espion — par une frégate.
Jean Bart — par deux frégates.
Sans-Culottes Détruit par les Anglais.
, Éveillé 1 Tk • j- • •
( Expédition 1 *^""'' P*' ""• *'"'"'"•
J Liberté Coulée à la suite d'un combat.
^ Scout Naufragé à Cadix.
^Speedy* Prise par une frégate.
l Suffisante — par une division.
" ) m^Z'rè. '. : '. '. '. '.'.'.\ ^"' P*' ""* ''^8ate.
\ Assemblée Nationale. . . Naufragée sur les côtes de France.
/ Coureuse in- t '^ *
\ n • \ Prises par une frégate.
j Victorieuse Prise par une division.
' Rude Détruit par les Anglais.
10 Carmagnole Naufragée à la Barbade.
Corvettes : Prompte Prise.
Hydra — par une division.
Brig : Brutus Pris par une frégate.
* L'astérisque indique un b/Vliment pris à Tcnnomi.
Vaisseau:
Frègales.
Bàtimenli
fèrieur
Vaisseau:
Frégates.
BUimeofa
TABLE DES MATIERES.
ANNÉE 1778.
Agressions de l'Angleterre. .• • 1
Lettre du ministre de la marine au lieutenant général d'Onrillien S
Bataille d'Ouessant • 6
Départ de Tescadre du yice-amiral d'Estaing pour l'Amérique 11
Entrée de Tescadre à New-Port 15
Sortie de New-Port • . • . 15
Engagement du vaisseau le César et du Taissean anglais Isis 15
-^ du yaisseau le Marseillais et du Taisseau anglais Pubstoit. 15
— du yaisseau le Languedoc et du Taisseau anglais Rxrowiis. 16
Prise des corvettes anglaises Senbgal^ Ziputr et de la lombarde Thuh*
DERER • 16
Séjour de l'escadre française à Boston 16
L'escadre se rend à la Martinique 17
Prise du brig anglais Stànlet. . • • 17
Attaque d'une division anglaise à Sainte-Lucie 17
Prise de cette île par les Anglais • SO
Combat d'une division française et d'une division anglaise devant Pon-
dichéry. Capitulation de cette ville „ 30
Combat de la frégate la Belle-Poule et de la frégate anglaise Arithusa. 9Ê
Prise des frégates la Pallas et la lÂcome, , , tÊ
Combat du lougre le Coureur et du cutter anglais Aurt IB
— de la frégate l'Engageante, Prise de la frégate anglaise Rosi. . ii
Prise de la corvette anglaise Livilt tl
— du cutter Alert • . . • • 85
Combat de la frégate la Concorde. Prise de la frégate anglaise MniiaVA. 95
— de la frégate la Dédaigneuse. Prise de la frégate anglaise Ac-
tive '. . . 1
Combat de la frégate la Junon. Prise de la frégate anglaise Fox t
, — du vaisseau Je Triton avec le vaisseau anglais Junna et la M-
462 TABLE DES MATIÈRES.
Ptges.
gale Mëdëa S7
Prise de la frégate anglaise Gères i8
— de l'île anglaise la Dominique Vi
— de Pondichéry S9
Bâtiments pris, détruits ou naufragés pendant Tannée 89
ANNÉE 1779.
Traité d'alliance avec l'Espagne SO
Croisière d'une armée combinée franco-espagnole 51
Prise de l'tle anglaise la Grenade. Bataille entre Tanoée escale de lâ
France et celle d'Angleterre 56
Expédition de Savannali. Morcellement de l'escadre d'Amérique 41
Prise do la corvette anglaise VVeazle 46
Combat do la frégate VOisenu et do la frégate anglaise Apollo 47
— de la frégate la Concorde et de la frégate anglaise Congrès. . 47
— de la frégate la Minerve avec le vaisseau anglais Roby et la fré-
gate Niger 48
Combat de la frégate V Aigrette et de la frégate anglaise Aretiiusa. . . 48
Expédition contre l'île anglaise de Jersey 49
Combat du vaisseau la Bourgogne. Prise de la frégate anglaise Montréal. &0
— de la frégate la Danaé avec une division anglaise 50
Engagement de la frégate la Blanche et du vaisseau anglais Jupiter. . . 51
Combat de la frégate la Prudente avec une division anglaise 51
— de la frégate VHélène et de la frégate anglaise Ambusgade. ... 51
— de la frégate la Concorde. Prise de la frégate anglaisé ItSÈê
George ^••* W
Combat de la frégate la Junon. Prise du vaisseau angbis AlwENf . .
— du cotre le ilfz/^tTz. Prise du cutter anglais Active
• •
Prise de la frégate VAlcmène tt
— de la flûte le Compas 4^
Combat de la frégate le Sphinx et de la frégate anglaisé PftosERPiNK. • . t^
— de la frégate YAmphitrite, Prise de la frégate anglaise Sphinx. • 54
« de la frégate V Amazone, Prise de la corvette angtaiâe Aiuel. • . 54
— du vaisseau le Sagittaire, Prise du vaisseau anglais Expëaimemy. 84
Prise des cotres le Pilote et le Lutin Siil^
Combat de la frégate la Sur>mllanie et de la frégate adglatisb Qmfttc. . 89
Combat du cotre V Expédition et du cutter anglais Rambler. ...... 8!T
Prise de la frégate la Blanche 8ii
— de la frégate la Fortunée 19
— de la corvette VEllis I|8
— de Saint-Louis du Sénégal par les Français • . . .. #i
Destruction des établissements anglais de la côte occidentale d'Afrique. . C|l
Prise des îles anglaises Saint-Martin^ Saint- Yincent et âaint-Barthèiem^.
— de Cariacou
BAtiments pris, détruits ou incendiés pendant l'année 65
ANNÉE 1780.
Blocus de Gibraltar «i
Prise du vaisseau le Protée 66
Armée combinée franco-espagnole 66
Prise d'un convoi anglais 6T
Sortie des divisions des chefs d'escadre de Beauaset, de Laoarry ai du
TABLE DES MATIÈRES. 463
Pages,
commandant de Marin tfî
Le vice-amiral d'Estaing prend le commandement de l'armée combinée. . 67
Rentrée de lescadre française en France (f^
Combat de la division du chef d'escadre de Lamotte PJGquet avec une di-
vision anglaise 6$
Arrivée de la divir^ion du lieutenant général de Guiche» à la Martinique. 69
Engagement de l'armée navale des Antilles avec l'armée anglaise TO
Deuxième rencontre de l'armée française et de l'armée anglaise TÇ
Troisième rencontre des deux armées 74
Arrivée d'une escadre espagnole à la Martinique . T6
Départ du lieutenant général de Guichen pour l'Europe 76
Le chef descadre de Monteil prend le commandement de la divisiOD des
Antilles T6
Départ d'une division pour Hhodes Island. Engagement avec une division
anglaise TT
Prise de la corvette anglaise Fortune 7>^
Combat de la frégate \Hermione et de la frégate anglaise Isis 78
Prise du cotre le Sans-Vareil 80
Combat de la frégate la Capricieuse et des frégates anglaises Prfdbnte
et Licorne 9K^
Prise de la corvette la Perle g|
— de la corvette le Hussard 81
Combat de la frégate la Belle-Poule et du vaisseau anglais Non§uch. . . 81
Engagement de la frégate la Mow^r<iû/ avec une division anglaise 82
Combat de la frégate la Nymphe avec la frégate anglaise Flora 82
Prise de la corvette anglaise Rover 83
Combat du cotre le Serpent. Prise du brig anglais Levrettk 84
Prise des cutters anglais Alert, Tartar et Jersst 84
Combat de la corvette le Sénégal et de la cetvette anglaise Zephvr. . . 84
Râtiments pris, détruits ou incendiés pendant l'année 85
ANNÉE 1781.
Combat de la Praya M
Enlèvement d'un convoi anglais par la division du chef d^esoadre de L»-
motte Picquet t^
Armée combinée franco-espagnole 93.
Ordre du jour de l'amiral espagnol 94
Débarquement à Minorque 96>
Attaque et dispersion d'un convoi destiné aux colonies françaises 95
Engagement du vaisseau l'Actif avec le vaisseau anglais ËDGAfi. .... 96
Prise du vaisseau anglais Romulus 9T.
Combat devant la Chcsapeak 98
Le chef descadre Barras Saint-Laurent prend le commandement d# la di-
vision d'Amérique 199-
Rencontre des armées navales de France et d'Angleterre devant le Foit-
Royal de la Martinique 101
Expédition de Pensacola 198*
Incendie de la frégate l'/wcow^^^n^e et du vaisseau l'/n^rëpîrfe 198
Prise de lu frégate anglaise Loyalist 199-
Combat de la Clies.ipeak 195.
Résolutions du Congrès des Étals-Unis d'Amérique 111
Sécurité du gouvernement hollandais US
464 TABLE DES MATIÈRES.
Pagw.
Situation des Français dans l'Inde 114
Voyage de la division de l'Inde sur la côte 115
Combat de la frégate la Minerve avec deux vaisseaux anglais 11
— de la corvette le Hover UT
Attaque d'un convoi français. Combat du vaisseau le Pégase et du Tais-
seau anglais Foudroyant 117
Prise du vaisseau anglais armé en flûte VActionnaire 118
Combat du vaisseau rytc7// et du vaisseau anglais Nonsuch 118
Engagement de la frégate la Fée et do la frégate anglaise Ulysse. ... 118
Combat de la frégate la Surveillante et de la frégate anglaise Ulysse. . 119
— de la frégate la Friponne. Prise des frégates anglaises Castor
et Crescekt 119
Combat de VAstrée et de VHermione. Prise de la corvette anglaise
Jack 119
Engagement de la frégate la Fée et de la frégate anglaise Nymphe. • . liO
Combat de la frégate la Lively et de la frégate anglaise Persévérance. ISl
f— de la frégate la Magicienne et du vaisseau anglais Chatam. • . ISl
Prise des frégates anglaises Isis et Richmond liS
— de la flûte la Philippine m
Fausse attaque sur Sainte-Luciu. Prise de l'ile anglaise de Tabago. . . . 125
Prise des lies Saint-Eustache, Saint-Martin et Saba par les Français. • • 124
Bâtiments pris, détruits ou incendiés pendant l'année 124
ANNÉE 1782.
Armée combinée franco-espagnole. Prise d'un convoi anglais 126
Attaque de Gibraltar 128
Engagement de l'armée combinée avec l'armée anglaise 152
— de l'armée navale des Antilles avec l'armée anglaise sous
la Dominique. 155
Uataille de la Dominique 159
Combat des vaisseaux le Jason^ le Caton, des frégates VAstrée, V Aima-
ble et de la corvette la Cérés 157
Jugement rendu par le conseil de guerre 158
Dévouement de la nation 164
Armée du lieutenant général de Yaudrouil 164
Naufrage du vaisseau \eMagni figue 166
Combat du vaisseau le Héros, Prise du vaisseau anglais Hannibal.. . . 167
Le bailli de Suffren prend le commandement de l'escadre de l'Inde. . . 167
Combat, dit de Madras, sur la côte de Coromandel 169
Prise de Goudelour par les Français , 174
Esprit des officiers dans l'Inde 174
Seconde rencontre de l'escadre française et de l'escadre anglaise devant
nie Ceylan .* 175
Nouvelle manifestation dos états-majors ISS
Troisième rencontre de l'escadre française et de l'escadre anglaise devant
Negapatam 185
Enquête sur la conduite du capitaine du Sévère 189
Entrevue du chef d'escadre de Suffren Hyder et d'Ali 190
Prise de Trinquemalé 191
Quatrième rencontre de l'escadre française et de l'escadre anglaise de-
vant ce port 192
Naufrage du vaisseau VOrient. . . . ' 196
TABLE DES MATIÈRES. 465
Ptget.
Lettre du chef d'escadre de Suffren au ministre de la marine SOO
Combat de la frégate la Bellone. Prise de la corrette anglaise le
Chasseur 209
Combat de la frégate la Fée. Prise de la corvette anglaise Alligator. . 20S
Combat de la frégate V Amazone et de la frégate anglaise Santa BIar*
GARITA SOS
ObseryatioDS sur Tartillerie des bâtiments anglais ^ . . . . S05
Prise des corvettes anglaises Swift et Speedy « S05
Combat de la frégate la Bellone et de la frégate anglaise Goventrt. . . 805
— de la frégate VHébé et du vaisseau anglais Rainrow 80^
— des frégates V Aigle et la Gloire avec le vaisseau anglais Hector. 207
Désastre d'un convoi anglais et de son escorte 80$
Prise du brig anglais Racoon 209
— de la frégate V Aigle 810
Combat et naufrage du vaisseau le Scipion, ... I 810
Naufrage du vaisseau le Palmier 811
Combat de la corvette la Sémillante. Prise de la corvette anglaise
Mollt • 811
Prise de la corvette anglaise Gères. 818
Combat du vaisseau le Solitaire contre une division anglaise 818
Prise de la corvette la Speedy 818
Prise de llle anglaise Saint-Christophe* Combat naval 818
— de rUe anglaise de Nièves • 818
— de nie anglaise de Montserrat 819
— de Démérari, — d'Essequibo^ — de Berbice 819
Expédition dans la baie d'Hudson • 819
Bâtiments pris, détruits ou incendiés pendant l'année 881
ANNÉE 1785.
Projet d'expédition contre la Jamaïque 888
Armée du lieutenant général de Vaudreoil • . • • . 82$
Engagement du brig le Tarleton • 885
Naufrage du vaisseau le Duc de Bourgogne» 885
Préliminaires de paix •.• 884
Dissolution de l'armée combinée franco-espagnole. 884
Naufrage du vaisseau le Bizarre 884
Départ de Tescadre de l'Inde pour Somatia. Retour à la cOte • . . . . 325
Croisière sur la côte d'Orixa 225
Prise de la frégate anglaise Goventrt. . • 825
— de la corvette le Chasseur 225
Plan de campagne • 227
Combat devant Goudelour »•«... 889
Ordre du roi sur le poste du commandant en chef pendant le combaL' . • 250
Cessation des hostilités dans l'Inde 255
Versions diverses sur la mort du bailli de Suffren. .^ 856
Combat de la frégate la Sibylle et de la frégate anglaise Maciciimni. . . 856
Prise du brig le Railleur • • . . . 856
Combat de la frégate la Sibylle contre la corvette anglaise Hossar et le
vaisseau Centurion • • • . . 858
Destruction du brig le Dragon • 240
Combat de VAmphitrite et de la Nymphe. Prise du vaisseau anglais
Argo . 340
Les Anglais reprennent possession de ce vaisseau* 242
II 30
m TABLE DES MATIÈRES.
Ptgei.
Combat de la f régale la Concorde et du yaisseau anglais Macnifiooi. • • M9
Prise des lies Turques par les Français 242
— de la corretle la Coquette S4S
— de la corvette' la Naïade 24S
B&timents pris, détruits ou incendiés pendant l'année. . 243
Récapitulation générale des bâtiments pris, détruits ou incendiés de 1778
à la paix «41
Parallèle 244
ANNÉE 1791.
Exposition i47
Situation de la marine S48
Décrets d'organisation 25S
Conduite des Anglais dans l'Inde i6(
Combat de la frégate la Résolue et des frégates anglaises Phobnix et
Perseteiunce M6
ANNÉE 1792.
Autre acte d'agression des Anglais dans l'Inde 268
Situation de l'Europe VfO
Coalition contre la France 171
Déclaration de guerre à T Autriche 175
Expédition de Nice et de Villefranche 174
— d'Oneille 174
— de Sardaigne 175
— de Naples 17ft
Réaction dans les colonies dos Antilles. 177
Enlèyement de la flûte la Bienvenue 178
Prise de la goëlette la Légère 181
La Guadeloupe et la Martinique reconnaissent la République 181
ANNÉE 1795.
Exposition 181
Déclaration de guerre à l'Angleterre et à la Hollande 184
Croisières pour la protection du commerce 184
Répartition des forces navales 185
Escadre de l'Océan. Insurrection des équipages 188
Naufrage de la frégate la Jiellone 189
— de la frégate VHermione et de Taviso le Sans-SoiÂci 190
Division de l'Escaut 190
Croisière de la division du contre-amiral Vanstabel 191
Prise du brig V Espiègle
Expédition de C^gliari. Naufrage du vaisseau le Léopard
Défection de l'escadre de Toulon
Prise de l'aviso le Goéland SOI
Engagement du vaisseau le Thémistocle avec des corsaires 501
Combat de la frégate la Concorde, Prise de la frégate anglaise HViGNA. SOI
— de la frégate la Sémillante et de la frégate anglaise Venus. . . SOI
— de la frégate la Cléopàtre et de la frégate anglaise Nymphe. . . SOS
— de la frégate V Embuscade et de la frégate anglaise fiosTon. . . S04
— du lougre le Hook, Prise du cutter anglais Hope S08
TABLE DES MATIÈRES. 4«7
Pages.
Combat du cotre le Dragon et d'un lougre S07
EnlèYement de la frégate la Modeste à Gônes SM
~ de la frégate VImpérieuse à la Spezria S09
Combat de la frégate la Réunion et de la frégate anglaise Gaesgent. . . 509
— de la frégate VUranie, Prise de la frégate espagnole Alcoudia. SIO
— de la frégate VUranie, Prise de la frégate anglaise Thàhes. . . SU
Engagement de la frégate la Melpomène aTOc le vaisseau anglais Agà-
VEUNON 515
(iOmbat de la frégate l'Inconstante contre les frégates anglaises Péné-
lope et IPHIGENIA 515
Attaque de Noirmoutiers. Naufrage de la frégate la Nymphe 51i
Prise du brick anglais Scout 515
Réquisition sur la marine du commerce 515
Prise de Tile Tabago^ — des lies Saint-Pierre et Miquelon, — de Pondi-
chéry 516
Troubles à Saint-Domingue 516
Bâtiments pris^ détruits ou naufragés pendant l'année 581
ANNÉE 179i.
Combat des frégates VEngageante, la Résolue, la Pomone et la conrette
la Babet contre cinq frégates anglaises * 5i5
Départ de la division du contre-amiral Yanstabel pour TAmérique. . . • 885
Sortie de la division du contre-amiral Nielly 587
Lettre du représentant du peuple Jean Bon Saint-André 587
Sortie de l'armée navale de l'Océan 388
Prise de la frégate anglaise Castor et de la frégate hoUaDdaise Vigi-
lante 550
Combat du vaisseau le Révolutionnaire atec une division de Tannée an-
glaise 555
Combat du 9 prairial 584
Bataille du 15 prairial 587
Rentrée du contre-amiral Yanstabel avec le convoi d'Amérique
Croisière de la division du contre-amiral Nielly. Prise du vaisseau an-
glais Alexander
Prise de la corvette là Jacobine . 864
Sortie de l'armée navale de l'Océan et de la division du contre-aminl
Renaudin Mi
Naufrage du vaisseau le Républicain 566
— de la corvette la Sérieuse. . • 867
Sortie de la division du contre-amiral Martin 867
Combat de la frégate la Boudeuse* Prisa de la frégate sarde FAubste. 868
Prise du brig anglais Experition
Blocus de la division du contre-amiral Martin au golfe luan
Combat des frégates la Prudente et la Cybèle eoilre les vaisseau an-
glais DiOMEDEs et Centurion 876
iDsujrrection en Corse. Destruction de la frégate la Fortimie» 578
Engagement de la frégate la Melpomène .:. ^;. SIS
Prise de la corvette la Trompeuse . . •^:,. 874
Engagement de la corvette la Badine avec un vairaeau anglais et lune
frégate '...'.;. 875
Combat de la bombarde la SaUnrnanére et du brig anglais ¥im. . /. 875
Attaque des avisos le Requin, le Souffletsr et !• Poismm Vékmt par "un
•*.'
468 TABLE DES MATIÈRES.
brig et un catter anglais 876
Combat de la frégate VAialnnte et du vaisseau anglais Swiftsuke. . . . S76
Prise de la corvette le Mairc-Guitton par les Anglais d'abord et par les
Français ensuite S78
Prise dés corvettes le Républicain et V Inconnue 378
Combat de la frégate le Castor et de la frégate anglaise Gârysfort. . . 379
Prise du cutter anglais Crocodile 580
Engagement de la frégate VIphigénie avec une frégate anglaise S80
— do la corvette la Liberté avec une division anglaise 580
Combat de la frégate la Sibyile et du vaisseau anglais Romney 381
Prise de la corvette anglaise Levrette 581
Attaque des corvettes VEspwn et \ Alerte par deux frégates anglaises.
Perle de Y Alerte 58i
Attaque de la frégate la Volontaire par quatre frégates anglaises 585
Prise du cotre la Surprise 38i
Combat de la frégate la Révolutionnaire contre le vaisseau rasé anglais
ARTOIS et consorts 58i
Prise de Tabago^ — dos comptoirs de l'Inde^ — de la Martinique, — de
Sainte-Lucie^ — des Saintes, — de la Guadeloupe et de ses dépen-
dances 585
Les Français reprennent la Guadeloupe et Marie-Galante 587
Destruction des comptoirs anglais de la côte occidentale d'Afrique. . . . 592
Bâtiments pris^ détruits ou naufragés pendant Tannée 595
ANNÉE 1795.
Lettres du vice-amiral Villaret au ministre de la marine 595
Opinion de cet officier général sur l'organisation de la flotte 595
Décrets d'organisation 599
Mesures prises pour la protection du commerce 409
Division du contre-amiral Tromelin 405
Naufrage des vaisseaux le Neptune, le Neuf -Thermidor, le Scipion et
le Superbe 405
Prise de la frégate anglaise Daphne 408
Rentrée de l'armée navale de l'Océan 408
Départ de la division du contre-amiral Renaudin 408
Croisière de la division du contre-amiral Vcnce 408
Engagement de la frégate ÏAndromaque avec plusieurs bâtiments an-
glais 409
Jonction de la division du contre -amiral Vence à l'escadre de Brest. . . 410
Engagement de Tescadre avec une division anglaise 411
Combat de Groix. Plainte du commandant en chef. Jugement du conseil
martial 413
Combat de Carnac 425
Traité de paix avec l'Espagne 4S5
Rentrée de l'escadre de Brest 435
Prise du cutter anglais Swan 4S4
Situation de l'escadre de Toulon 4S4
Sortie de cette escadre 494
Prise du vaisseau anglais Berwick 426
Combat du cap Nolis 4i7
Engagement de l'escadre de Toulon devant Fréjus 4SS
Prise du vaisseau anglais Censeur et d'un nombreux convoi par la divi-
TABLE DES MATIÈRES. 469
Pages.
sion du commandanl Richery 456
Naufrage de la conretle le Scout 458
Croisière de la division du commandant Ganteaume 458
Combat de la frégate la Pique et de la frégate anglaise Blanche 459
Prise de la corvette V Espérance 441
— du brig le Requin 441
— de la corvette V Espion 441
— de la goëlette la Coureuse 442
— de la corvette le Jean-Bart 449
Engagement des frégates la Médée et YAndromaque avec quatre frégates
anglaises 442
Combat de la frégate la Gloire et de la frégate anglaise Astr^ea 445
Prise de la frégate la Gentille 4i4
Engagement de la frégate la Fraternité avec deux vaisseaux anglais. . . 444
— de la corvette {'Hirondelle avec une division anglaise. . . . 445
Combat de la corvette la Tourterelle et de la frégate anglaise Lively. 445
Traité de paix avec la Hollande 4.46
Attaque de la frégate la Courageuse et de la canonnière la Tendeur par
une flottille espagnole dans la baie de Roses M7
Prise de la corvette la Prompte 447
Combat de la corvette la Liberté et de la frégate anglaise Alarm 447
— des frégates la Minerve et VArtémise avec les frégates anglaises
DlDO et LOWESTOFFE . 448
Engagement de la corvette la Fraternité avec une frégate anglaise. . . 449
Prise de la canonnière le Vésuve et du cotre VEspiègle -450
Engagement de la corvette la Vigilante avec une frégate 450
Attaque des frégates la Courageuse et la Boudeuse dans la baie de
Roses 451
Eolèvement de la corvette ÏHydra 451
Prise de trois avisos 451
Attaque de la canonnière le Nivôse 451
Prise du brig le Pandour. 452
— des corvettes la Suffisante et la Victorieuse 455
Perte de la corvette V Assemblée Nationale 455
Engagement des canonnières la Brutale et la Surprise . i54
— de la frégate la Vestale et de la frégate anglaise Southamp-
TON 454
Prise de la corvette la Superbe 455
— du brig le Brutus et de la corvette la Républicaine 455
— de la corvette VEveillé 456
— de la frégate anglaise Nevesis 456
Bâtiments pris, détruits ou naufragés pendant l'année 457
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
ERRATA.
Au lieu de Lamotte-Picquet ou Lamotte-Piquet^ lis$x : Lamotte Picquet.
Page 7, ligne 39 au lieu de Beaussel; lisez : Beausset.
— 59, — 27 au lieu de 47. Ânnibal^ lisex : 7i. Ânnibal.
— 148 et 159^ au lieu de Saint-Césaire, lisez : Saiote-Césaire.
— 160, ligne 21, au lieu de Paul, lisez : Laub.
— 207, — 23, au lieu de arriver la première, lisez : anÎTer à la pre-
mière.
— 213, note, au lieu de dans le N.N.Ë., lisez: dans le N.N.O.
— 300, ligne 13, au lieu de Maselet, lisez : Masclet.
— 328, — 27, au lieu de Leroy, lisez : Leray.
— 404, — 12, au lieu de Leguardun, lisez : Legouardun.
— 404, — 38, au lieu de Maiagne, lisez : Martagne.
— 404 et 421, au lieu de Lhermitte, lisez : L'hermitte.
— 414, ligne 20, au lieu de et le commandant en chef, lisez : le conuMB-
dant en chef.
— - 422, — i, au lieu de Bouvet, François, lisez : Bouvet (FrAnçois).
— 432, — 51, au /2>M ef^ Lindet Lalonde, /i^tfz.'Laindet Lalonde.
— 432, — 39, au lieu de Fay, lisez : Faye.
Paris. ■— Impiimé par E. Thdnot et C*, me Racine, M.
2 7 f :- 7
'■•■ '~i f^