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Full text of "Batailles navales de la France;"

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3^i-JS 


flantarb  Collège  Itbrarp 


FROM  THE 

J.  HUNTINGTON  WOLCOTT 

FUND 

GIVEN  BY  ROGER  WOLCOTT  [CLASS 
OF  1870]  IN  MEMORY  OF  HIS  FATHER 
FOR  THE  <<PURCBASE  OF  BOOKS  OF 
PERMANENT  VALUE,  THE  PREFERENCE 
TO  BE  GIVEN  TO  WORKS  OF  HISTORY, 
POimCAL  ECONOMY  AND  SOCIOLOGY" 


Paris.  -»  Imprimé  par  £.  Thunot  et  G*,  rae  Racine,  26. 


BATAILLES  NAVALES 


DE 


XA  FRANGE,. 


pAn 


O.     TROUDE    ^ 

ANCIEN   OFFICIER  DE  MARINE 


.\2-  y^ 


publié 


P.R   P.    LEVOT 

CONSERVATEUR  DE  LA  RIBUOTHÈOUE  DU  FORT  DE  BREST 

Correspondant  du  ministère  de  rinstniction  publique  pour  les  travaux  historiques,  etc. 


TOME   SECOND 


PARIS 

CHALLAMEL  AÎNÉ,  ÉDITEUR 

LIBBAIBE  COHMI88I0IIAIBS  POUR  LA  MARIIE,  LES  GOLOHIES  ET  L'ORIENT 

37,  rue  de  Bellechasse  et  30,  rue  des  Boulangers 

1867 


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AUG  15  1912 


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II 


BATAILLES    NAVALES 


i  DE 


LA  FRANGE 


BATAILLES  NAYALES 


DE 


LA  FRANGE. 


-*-0''i^ot~ 


ANNÉE  1778. 


Les  colonies  anglaises  d'Amérique,  assemblées  en  con- 
grès général,  s'étaient  proclamées  indépendantes  en  1776, 
et  des  agents  diplomatiques  avaient  de  suite  été  envoyés 
dans  les  cours  de  l'Europe  pour  obtenir  que  cette  indépen- 
dance fût  reconnue.  Avides  de  gloire  et  brûlant  du  désir 
de  réparer  les  affronts  de  la  dernière  guerre,  plusieurs 
Français  des  familles  les  plus  distinguées  avaient  suivi 
l'exemple  de  Lafayette  et  avaient  mis  leur  épée  à  la  dis- 
position des  Américains.  Le  gouvernement  anglais  s'en  était 
plaint  et,  pour  se  venger,  il  avait  commis  quelques  actes 
d'agression  contre  la  France.  Vers  le  milieu  de  l'année  1777, 
des  bâtiments  anglais  furent  établis  en  croisière  à  l'entrée 
de  la  Manche  et  dans  le  golfe  de  Gascogne  et ,  sous  prétexte 
d'empêcher  les  envois  d'armes  et  de  munitions  en  Amé- 
II  1 


2  BATAILLES.— 1778. 

rique,  ils  arrêtaient  et  visitaient  les  navires  français  qu'ils 
rencontraient.  Au  mois  de  mars  1778,  le  gouvernement  an- 
glais fit  saisir  tous  ceux  qui  se  trouvaient  dans  les  ports  de  la 
Grande-Bretagne.  En  représailles  de  cette  mesure,  l'em- 
bargo fut  mis  sur  les  navires  anglais  qui  se  trouvaient  dans 
les  ports  de  France  et  des  croisières  furent  établies  pour 
la  protection  du  commerce.  Déjà  des  coups  de  canon  avaient 
été  échangés,  car  les  Anglais  avaient  essayé  d'étendre  leur 
système  inquisitorial  jusqu'auil  bâtiments  de  guerre.  Au 
mois  d'avril  1777,  une  frégate  anglaise  avait  tiré  quatre 
coups  de  canon  à  la  frégate  \aL  Tourterelle,  capitaine  Beaus- 
sier  de  Châteauvert,  dans  les  parages  de  Saint-Domingue. 
Après  une  canonnade  fort  vive,  le  commandant  anglais  avait 
renoncé  aux  prétentions  qu'il  pouvait  avoir.  Au  mois  de 
septembre,  c'était  la  frégate  VHèbé  qui  avait  été  canonnée 
par  deux  vaisseaux  anglais,  en  sortant  de  Dunkerque,  et 
elle  n'avait  échappé  à  leur  visite  que  par  la  supériorité  de 
sa  marche.  Ces  agressions  répétées  décidèrent  le  roi  de 
France  à  mettre  un  terme  à  ses  hésitations  :  il  conclut  un 
traité  d'alliance  avec  les  Américains.  L'Angleterre  rappela 
son  ambassadeur.  La  guerre  n'était  pas  déclarée,  mais  le  mé- 
contentement allait  croissant  de  part  et  d'autre.  Louis  XVI 
accepta  le  roi  d'Espagne  comme  médiateur,  à  la  condition 
que  les  États-Unis  d'Amérique  seraient  compris  dans  la 
réconciliation.  Le  ministère  anglais  répondit  aux  ouvertures 
de  l'Espagne  qu'il  ne  pouvait  être  question  de* réconcilia- 
tion et  de  paix  que  quand  la  France  aurait  retiré  la  décla- 
ration du  13  mars,  par  laquelle  elle  avait  conclu  un  traité 
défensif  avec  les  États-Unis  d'Amérique. 

L'Angleterre  passa  bientôt  des  paroles  aux  actes.  Les 
escadres  des  amiraux  Keppel  et  Byron  sortirent  de  ses 
ports,  et  ses  vaisseaux  attaquèrent  3  frégates  fran- 
çaises. 

Ce  fut  dans  ces  circonstances  que  M.  de  Sartine,  alors 
ministre  de  la  marine,  annonçant  au  lieutenant  général 
comte  d'Orvïlliers  sa  nomination  au  commandement  en 


BATAILLES. -"477».  3 

chef  de  l'armée  navale  de  rOcéan,  lui  écrivit  la  lettre  sui- 
vante : 

«  Versailles,  S  avril  1778. 

((  Le  roi  vous  a  chargé,  Monsieur,  d'utie  commission  des 
<(  plus  importantes;  vous  en  connaissez  toute  l'étendue. 
«  S.  M.,  en  vous  confiant  une  partie  de  ses  forces  navales, 
«  est  assurée  que  votre  capacité  et  votre  valeur  sauront  les 
t(  multiplier  et  en  tirer  parti  pour  la  gloire  de  son  pavillon 
<(  et  l'honneur  de  ses  armes.  Elle  n'attend  pas  moins  des 
((  sentiments  des  officiers  généraux  et  des  commandants 
à  sons  vos  ordres;  ils  doivent  sentir  que  toute  FEurope,  et 
«  la  marine  de  S.  M.  en  particulier,  ont  les  yeux  ouverts 
((  sur  la  première  escadre  qui  soit  sortie  de  nos  ports  de- 
«  puis  la  guerre  dernière,  et  qu'ils  seront  responsables  au 
K  roi  et  à  la  nation  de  tout  ce  qu'ils  auraient  pu  faire  et 
((  qu'ils  n'auront  pas  fait.  Il  s'agit  de  rendre  au  pavillon 
«  français  tout  l'éclat  dont  il  brillait;  il  s'agit  de  faire  ou- 
«  blier  des  malheurs  et  des  fautes  passées  ;  ce  n'est  que 
«  par  les  •actions  les  plus  signalées  que  la  marine  peut 
c(  espérer  d'y  parvenir.  S.  M.  a  le  droit  d'attendre  les  plus 
({  grands  efforts  de  ses  officiers  ;  la  reconnaissance  dont  ils 
«  doivent  être  pénétrés  pour  les  distinctions  et  les  grâces 
a  dont  S.  M.  les  a  comblés  depuis  son  avènement  au  trône, 
((  leur  en  font  un  devoir  ;  l'honneur  seul  suffira  pour  le  leur 
c(  prescrire.  Ils  doivent  s'attendre  qu'ils  auront  à  lutter 
«  contre  de  grands  obstacles,  à  vaincre  une  résistance  opi- 
((  niâtre,  à  combattre  des  ennemis  puissants  par  leur  nombre 
«  et  hardis  par  un  grand  exercice  de  la  mer  et  fiers  de  leurs 
((  succès  passés.  Les  forces  dont  vous  disposez  suffisent  pour 
«  vous  assurer  la  supériorité;  votre  courage  et  celui  des 
«  officiers  que  vous  commandez  doivent  faire  lé  reste. 

((  Mais,  quelles  que  soient  les  circonstances  dans  les- 
«  quelles  l'armée  navale  du  roi  puisse  se  trouver,  l'instruc- 
«  tion  de  S.  M.,  qu'elle  me  charge  expressément  de  vous 
a  faire  connaître  ainsi  qu'à  tous  les  officiers  commandants, 
<i  est  (}ue  âes  vaisseaux  attaquent  avec  la  plus  grande  vi- 


4  BATAILLES. --1778. 

u  gueur  et  se  défendent,  en  toute  occasion,  jusqu'à  la  der- 
«  nîère  extrémité.  Les  capitaines  doivent  être  certains  que, 
<c  si  quelque  vaisseau  du  roi  était  forcé  de  se  rendre  à  Ten- 
a  nemi,  S.  M.  n'admettrait  pour  justification  que  l'impos- 
«  sibilité  physique  et  prouvée  où  se  serait  trouvé  le  capi- 
«  taine  de  prolonger  sa  défense  :  toute  autre  raison  ne 
«  serait  pas  reçue,  et  S.  M.  ne  pourrait  se  dispenser  de 
{(  marquer  toute  son  indignation  à  un  capitaine  qui  aurait 
a  rendu  son  vaisseau  sans  avoir  fait  toute  la  résistance  que 
a  sa  force  pouvait  comporter. 

«  Cet  événement  n'aura  pas  lieu  ;  mais  j'ai  dû  vous  faire 
«  connaître  les  intentions  du  roi,  que  les  dispositions  des 
((  capitaines  ont  sûrement  prévenues,  et  je  n'ai  point  laissé 
«  ignorer  à  S.  M.  tout  ce  qu'elle  peut  attendre  du  zèle  et 
«  des  sentiments  dont  la  marine  ambitionne  de  lui  donner 
«  les  preuves  les  plus  éclatantes. 

c  II  me  reste  un  article  dont  S.  M.  m'a  souvent  fait 
«  rhonneur  de  m'entretenir  ;  c'est  celui  de  la  subordination. 
€  Je  ne  puis  que  m'en  rapporter  à  vous.  Monsieur,  sur  les 
c  moyens  que  vous  croirez  devoir  employer  pour  Tintro- 
«  duire  et  la  maintenir  dans  l'armée  dont  vous  avez  le 
«  commandement.  S.  M.  vous  autorise  et  vous  ordonne 
a  même  de  démonter  les  commandants  et  d'en  nommer 
«  d'autres  à  votre  choix.  Si  S.  M.  exige  de  la  subordination 
((  de  la  part  des  commandants,  les  officiers  des  grades  in- 
(c  férieurs  et  les  gardes  de  la  marine  doivent  sentir  quelle 
«  doit  être  la  leur,  les  premiers  à  l'égard  de  officiers  su- 
€  périeurs  et  de  leur  capitaine,  et  les  gardes  à  Tégard  de 
(C  tous  les  officiers.  C'est  aux  capitaines,  qin  ont  l'autorité 
((  en  main,  que  S.  M.  s'en  prendrait  si  le  service  ne  se  fai- 
w  sait  pas  sur  les  vaisseaux  avec  la  régularité  qu'elle  exige  ; 
«  en  leur  remettant  une  portion  de  son  pouvoir,  elle  leur 
a  impose  le  devoir  d'en  user  avec  fermeté  pour  s'opposer 
«  à  tout  relâchement, 

€  Cette  subordination  de  grade  eu  grade  ne  peut  nuire 
0  à  la  bonne  harmonie  qui  doit  régner  entre  les  officiers 


BATAILLES.  — 1778.  5 

«  d'un  même  état-major,  et  entre  celui-ci  et  le  capitaine; 

«  au  contraire,  en  mettant  chacun  à  sa  place,  elle  doit  con- 

«  tribuer  au  maintien  de  cette  harmonie  que  S.  M.  vous 

«  commande  d'établir  et  d'entretenir  sur  vos  vaisseaux. 

«  Chaque  capitaine,  chaque  officier  doit  y  concourir  en 

((  particulier  en  oubliant  toute  la  vivacité  et  toute  la  di- 

«  versité  d'opinion  qui  pourrait  la  troubler.  Rappelez-leur 

«  quelquefois  qu'il  ne  suffit  pas  de  remplir  strictement  ce 

((  que  l'on  doit  au  service  ;  que  la  société  impose  des  obli- 

«  gâtions,  et  que  ces  obligations  deviennent  un  devoir  pour 

a  la  marine,  où,  étant  forcés  de  vivre,  par  état,  continuel- 

«  lement  ensemble,  il  faut  être  indulgents  les  uns  pour  les 

<  autres,  se  supporter  mutuellement  dans  des  choses  qui 

«  peuvent  tenir  à  des  causes  qui  ne  se  trouvent  pas  parfai- 

n  tement  analogues,  afin  d'éviter  toute  discussion  d'où  peut 

(c  naître  la  dispute,  et  vivre  dans  la  bonne  intelligence  et 

«  l'union  qui  doivent  particulièrement  distinguer  des  mili- 

«  taires  qui  courent  les  mêmes  dangers  et  aspirent  aux 

«  mêmes  honneurs  (1) . 

«  Signé  :  De  Sartine.  * 

Combien  ce  langage  était  différent  de  celui  qu'on  tenait 
aux  amiraux  français  dans  le  cours  de  la  guerre  précédente, 
car  ce  serait  une  erreur  de  croire  qu'ils  aient  suivi  par 
goût  et  par  caractère  le  système  craintif  et  défensif  qui 
prédominait  dans  la  tactique  navale.  Le  gouvernement, 
trouvant  toujours  excessifs  les  sacrifices  qu'exige  l'emploi 
d'une  marine  militaire,  prescrivit  trop  souvent  à  ses  ami- 
raux de  tenir  la  mer  le  plus  longtemps  possible,  sans  en 
venir  à  des  batailles,  même  à  des  engagements  le  plus  sou- 
vent fort  coûteux,  et  d'où  pouvait  s'ensuivre  la  perte  de 
vaisseaux  difficiles  à  remplacer.  Souvent  on  leur  enjoignit, 
s'ils  étaient  forcés  d'accepter  le  combat,  d'éviter  avec  grand 


■I 1 1  *i 


(1)  Dépôt  des  cartes  et  plans  du  ministère  de  la  marine  * 


ê  BATAILLES.  — 1778. 

soiu  de  compromettre  le  sort  de  leurs  escadres  par  une  action 
trop  décisive.  Ils  se  croyaient,  par  conséquent,  obligés  de 
battre  en  retraite  dès  que  l'engagement  pienait  une  tour- 
nure trop  sérieuse.  Ils  acquéraient  ainsi  la  funeste  habitude 
de  céder  volontairement  le  champ  de  bataille  dès  qu'un 
ennemi,  même  inférieur,  le  leur  disputait  avec  courage. 
Ainsi  donc,  entretenir  à  grands  frais  une  armée  navale  pour 
lui  prescrire  de  ne  pas  faire  un  usage  entier  de  sa  puissance 
effective-,  renvoyer  à  la  recherche  de  l'ennemi  pour  se  re- 
tirer honteusement  de  sa  présence  ;  recevoir  le  combat  au 
lieu  de  le  donner;  commencer  des  batailles  pour  les  termi- 
ner par  des  simulacres  de  défaite  ;  perdre  la  force  morale 
pour  épargner  la  force  physique,  vojlà  Tesprit  qui,  ainsi 
que  l'a  dit  fort  judicieusement  M.  Charles  Dupii),  guida  le 
ministère  français  à  cette  époque;  on  en  connaît  les  ré- 
sultats. 

L'agression  de  l'amiral  Keppel  ne  permettiait  plus  à  la 
France  de  continuer  sa  politique  temporisatrice.  Le  8  juil- 
let, une  armée  navale  de  32  vaisseaujf  et  16  frégates  sortit 
de  Brest  sous  les  ordres  du  lieutenant  général  comte  d'Or- 
villiers.  Le  23,  à  1"  de  l'après-midi,  on  aperçut  l'armée 
4e  l'amirg.!  Keppel  qui  comptait  30  vaisseaux,  6  frégates, 
2  cutters  et  2  brûlots,  L'île  d'Ouessant  restait  alors  à  90 
nulles  dans  l'E.  -S.-E.  Le  lieutenant  général  d'Orvilliers,  qi^i 
ne  croyait  rencontrer  que  21  vaisseaux,  ne  voulut  pas  en- 
gager le  combat  et  vira  de  bord  à  l'entrée  de  la  nuit.  Le 
signs^  qui  ordonnait  cette  manœvre  ne  fut  probablement 
pas  aperçu  par  les  derniers  vaisseaux,  car  le  Duc-de-Bour- 
gogne  et  l'Alexandre  se  séparèrent  de  l'armée. 

Instruit  de  la  force  de  l'armée  anglaise,  le  gouvernement 
français  adressa  au  lieutenant  général  d'Orvilliers  des 
instructions  nouvelles  dans  lesquelles  on  lui  faisait  savoir 
que  le  roi  s'en  rapportait  à  sa  prudence  pour  la  conduite 
à  tenir  dans  un  moment  où  il  avait  sous  ses  ordres  toutes 
les  forces  maritimes  dont  la  France  pouvait  disposer.  Le 
commandant  en  chef  copimuniqua  cette  dépêche  aux  lieu- 


BATAILLES.  — 1778,  7 

tenants  généraux  comte  Duchaffault  et  duc  de  Chartres  qui 
furent  d'avis  çti'f/  ne  pouvait  arriver  rien  de  plus  fâcheux 
aux  armes  de  la  France,  que  de  voir  son  pavillon  se  retirer 
de  la  présence  d'un  ennemi  d'égale  force,  sans  Vavoir  com- 
battu. L'attaque  fut  résolue. 

Le  temps  fut  orageux  et  à  grains  et  le  vent  très- variable 
pendant  les  trois  jours  suivants  ;  les  deux  commandants  en 
chef  ne  songèrent  qu'à  tenir  leurs  vaisseaux  ralliés  et  à 
profiter  des  changements  de  brise  pour  s  élever  au  vent. 
Enfin,  le  27  au  matin,  le  temps  s'embellit  et  le  vent  se  fixa  à 
l'Ouest;  l'armée  anglaise  restait  alors  à  l'E.-N.-E.  àSmilles 
de  distance.  A  9%  le  lieutenant  général  d'Orviliiers  éta- 
blit la  sienne  en  ordre  de  bataille  renversé,  les  amures  à 
bâbord,  ainsi  qu'il  suit  : 

Canons, 

50      Amphion capitaine  Denis  Trobriand. 

Ti      Diadème —  de  La  Cardonnie. 

7i      Conquérant.  .......  chevalier  de  Monteil. 

64      Solitaire —  de  Briqucville. 

74      Intrépide —  Beaussier  de  Ghateauvert  (Louis- 
André). 

80      Saint-Esprit —  Lamolte-Picquet,  chef  d'escadre. 

duc  de  Chartres,  lieutenant  généraL 

7i      Zodiaque capitaine  Laporte  Vézins. 

6i      Rolland —  de  LarchanteL 

74      Robuste —  comte  de  Grasse,  chef  d'escadre. 

64      Sphinx —  comte  de  Soulanges. 

64      Artésien —  Destouches. 

74      Orient ~  Hector. 

64      Actionnaire —  de  Proissy. 

74      Fendant —  marquis  de  Vaudreuil. 

100      Bretagne —  Duplessis-Parscau. 

comte  d'Orviliiers,  lieutenant  général. 

74      Magnifique capitaine  de  Brach. 

74      Actif. —  d'Orves. 

90      Ville-de-Paris —  de  Peynier. 

comte  de  Guichen,  chef  d'escadre. 

64      Réfléchi capitaine  Gillart  de  Suville. 

64      Vengeur —  comte  d'Amblimont. 

74      Glorieux —  chevalier  de  Beaussel 

64      Indien -  de  Lagrandière. 

74      Palmier —  de  Réals. 

80      Couronne —  Huon  de  Kermadec. 

comte  Duchaffault  de  Besné,  lieutenant  g^n 

74      Bien-Aimé capitaine  d'Aubenton. 

64      Éveillé —  de  Botdéru. 

70      Dauphin-Royal —  marquis  de  Nieuil. 


8  BATAILLES.— 1778. 

6i      Triton —       de  Ligondes. 

60     Saint-Michel —       MithoQ  de  Genouilly. 

50      Fier  (1) —        Turpin  de  Breuil. 

Frégates  :  Junon^  Belle -Poule  (2),  Andromaque,  Fortunée ,  Sibylle,  Nymphe, 

Concorde,  Iphigénie,  Résolue,  Sensible,  Surveillante,  Aigrette, 

Danaé,  Oiseau,  Boudeuse^  Coureuse. 

L'amiral  Keppel  qui  désirait  aussi  engager  le  combat, 
fit  le  signal  de  chasser;  et  une  petite  variation  dans  la  di- 
rection du  vent  lui  permettant  de  porter  sur  T armée  fran- 
çaise, il  fit  virer  son  armée  vent  arrière.  Ce  fut  alors  seule- 
ment que  la  ligne  anglaise  se  forma  dans  Tordre  ci-après  : 

Gauons, 

00  QuEEN capitaine  .... 

Harland,  vice-amiral. 

90  Sandwich capitaine  Edwards. 

74  Shrewsbury —  Ross. 

7i  Terrible —  Bickerlon. 

74  Thunderer —  Walsingham. 

74  Vengeance —  Cléments. 

74  Valiant -  Gower. 

64  Vigilakt —  Kingsraill. 

64  Worcester —  Robinson. 

74  Stirling  Castle —  Douglas. 

100  VicTORY —  Faulkner. 

sir  Auguslus  Keppel^  amiral. 

90  Duke capitaine  Brereton. 

74  Berwick —  Slewarl. 

74  Gumberland —  Peyton. 

74  Courageux —  Mulgrave. 

74  Centaur —  Crosby. 

74  Egmont —  Allen. 

74  Elizabetu —  Maitl^nd. 

64  America —  Longford. 

64  Bienfaisant ~  Bride. 

64  Défiance —  Goodall. 

74  ExETER —  Moore. 

90  Formidable —  

Palliser,  vice-amiral. 

90  Océan capitaine  Laforest. 

74  Prince  George —  Lindsay. 

84  Foudroyant —  Jarvis. 

74  Hector —  Hamillon. 

70  MoNARCH —  Rowley. 

74  Ramilies —  Dighby. 

74  RoBUST —  Hood. 


(1)  Les  trois  derniers  vaisseaux,  très- faibles  d'échantillon,  étaient  en  dehors 
de  la  ligne  avec  les  frégates. 

(2)  On  verra  plus  loin  qu'un  combat  avec  une  frégate  anglaise  força  la  Belle- 
Poule  à  rentrer  à  Brest. 


BATAILLES.  — 1778.  9 

A  11^,  l'avant- garde  anglaise  attaqua  Tarrière-garde 
des  Français;  celle-ci  était  très-bien  formée,  et  tellement 
compacte,  que  les  vaisseaux  ennemis,  qui  avaient  proba- 
blement Tintention  de  la  traverser,  furent  obligés  de  laisser 
arriver  et  de  l'élonger  sous  le  vent.  Le  feu  continua  ainsi, 
chaque  vaisseau  échangeant,  sans  s'arrêter,  sa  bordée  avec 
celui  qui  passait  par  r.on  travers.  Cette  canonnade  donna 
un  avantage  marqué  aux  Français  dont  les  vaisseaux,  très- 
serfés  pouvaient  réunir  leur  feu  sur  ceux  de  l'armée  an- 
glaise qui  leur  présentaient  l'avant  jusqu'au  moment  où  ils 
laissaient  arriver.  La  brise  était  fraîche  et  l'état  de  la  mer 
obligeait  les  premiers  à  tenir  leur  batterie  basse  fermée. 
A  2'',  le  lieutenant  général  d'Orvilliers,  entrevoyant  la  pos- 
sibilité d'envelopper  l' arrière-garde  anglaise,  fit  signal  aux 
vaisseaux  de  tête  d'arriver  par  un  mouvement  successif, 
puis  ensuite,  à  toute  l'armée,  de  se  former  en  bataille  à 
l'autre  bord.  Ce  mouvement,  pqur  réussir,  demandait  une 
exécution  immédiate  ;  il  ne  fut  pas  compris  par  le  comman- 
dant de  l'avant-garde  qui,  avant  de  le  faire,  passa  à  poupe 
du  commandant  en  chef  pour  lui  demander  ses  intentions. 
Ce  retard  dans  l'exécution  de  ses  ordres  déterminale  lieu- 
tenant général  d'Orvilliers  à  prendre  lui-même  la  tête  de 
son  escadre  afin  de  diriger  l'évolution  ;  mais,  exécutée  trop 
tard,  cette  manœuvre  n'eut  pas  l'efi'et  que  le  commandant 
en  chef  en  attendait.  Le  duc  de  Chartres  devait  passer  sous 
le  vent  de  l'arrière-garde  ennemie  et  la  combattre  aux 
mêmes  amures,  tandis  que  le  reste  de  l'armée  achèverait 
de  défiler  à  contre-bord  et  au  vent  de  cette  arrière-garde 
et  prendrait  ensuite  les  mêmes  amures  qu'elle.  L'amiral 
Keppel  avait  profité  de  l'hésitation  du  commandant  de  l'a- 
vant-garde française  ;  il  avait  viré  vent  devant  par  la  contre- 
marche pour  se  porter  sur  la  queue  de  la  ligne  française. 
Mais,  s' apercevant  bientôt  que  plusieurs  de  ses  vaisseaux 
avaient  trop  d'avaries  pour  faire  cette  évolution  et  le  suivre, 
il  reprit  les  amures  à  tribord,  afin  de  ne  pas  les  laisser  ex- 
posés au  feu  des  vaisseaux  français  qui  pouvaient  se  porter 


10  BATAILLES.  — 1778. 

sur  e¥X;  il  les  rallia  alors  et,  laissant  arriver,  il  fit  cesser 
le  feu  à  2**  30""  diB  Taprès-midi.  L'armée  française  chassa 
l'armée  anglaise  toute  la  nuit;  le  lendemain  celle-ci  n'était 
plus  en  vue,  I^'île  d'Ouessant  ayant  été  aperçue  le  soir,  le 
lieutenant  général  d'Orvilliers  fit  route  pour  Brest,  où  il 
mouilla  le  29.  Cette  affaire  prit  le  nom  de  Pataille  d'Oues- 
sant. 

Tous  les  vaisseaux,  particulièrement  ia  Ville-de-Paris, 
le  Saint-Esprit^  la  Couronne,  Y  Actif,  le  Bien-Aimé  et  le 
Réfléchi  avaient  des  avaries,  mais  de  peu  d'importance. 
VAmphion^  cependant,  avait  été  si  maltraité,  qu'il  avait 
fait  route  pour  Brest  pendant  le  combat. 

Quant  à  l'armée  anglaise,  on  a  vu  qu'une  partie  de  ses 
vaisseaux  ne  put  virer  de  bord  lorsque  son  amiral  voulut 
attaquer  Tarrière-garde  française.  Le  Victor  y  avait  son 
grément  haché  et  un  grand  nombre  de  boulets  à  la  flot- 
taison. Le  Tebbible  était  tellement  désemparé,  qu'il  allait 
amener  lorsque  le  Formidable  arriva  pour  le  soutenir  ;  ce 
dernier  était  lui-mêiT)e  très-maltrailé.  Le  Robust  faisait 
tant  d'eau,  qu'il  avait  été  obligé  de  sortir  de  ]a  ligne. 
L'ËGMONT  était  rasé  cojnme  un  ponton  ;  après  lui,  c'était 
Je  Shbewsbury  qui  avait  le  plus  souffert.  En  rendant  compte 
de  cette  bataille  aux  lords  de  TAuîiraqté,  l'aipiral  Reppel 
disait  que  l'état  dans  lequel  se  trouvaient  ses  vaisseaux  ne 
lui  avait  pas  laissé  le  choix  de  ce  qu'il  était  convenable  de 
faire.  Cet  aveu  lui  fut  en  quelque  sorte  arraché  par  la  né- 
cessité dans  laquelle  il  se  trouva  de  se  disculper  d'avoir 
présenté  la  poupe  aux  vaisseaux  français,  manœuvre  qui, 
disait-il  dans  sa  défense,  pouvait  avoir  l'apparence  d'une 
fuite. 

Le  fait  est  que  chacun  s'attribua  1* honneur  de  la  vic- 
toire et  prétendit  que  l'armée  ennenoie  avait  reculé  devant 
un  nouveau  combat.  Le  jugement  que  passa  le  commandant 
en  chef  de  l'armée  anglaise  jeta  une  grande  clarté  sur  cette 
affaire  et  fit  disparaître  tous  les  doutes  sur  les  résultats.  Le 
yice-amiral  Palliser  fut  censuré  pour  n'avoir  pas  fait  çon- 


BATAILLES.  —  4778.  li 

naître  l'état  de  soq  vaisseau  lorsque  le  commandant  en 
chef  de  l'armée  anglaise  avait  fait  le  signal  de  prendre  les 
amures  à  bâbord,  Le  vaisseau  Duke  n'avait  pas  pris  part 
au  combat  malgré  les  signaux  qui  lui  avaient  été  faits  ;  le 
capitaine  Brereton  fut  déclaré  incapable  de  commander  et 
indigne  de  servir. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  accusations  et  de  ces  arrêts,  ils 
semblent  établir  que  le  gouvernement  anglais  fut  peu  sa- 
tisfait de  la  victoire  que  le  commandant  en  chef  de  son 
armée  navale  avait  la  prétention  d'avoir  remportée. 

La  rentrée  du  lieutenant  général  d'OrvilUers  donna 
quelque  consistance  aux  bruits  de  défaite  de  Tarmée  fran- 
çaise. Mais  les  esprits  furent  bientôt  rassurés^  l'état  des 
vaisseaux  constata  que,  si  cette  armée  n'avait  pas  remporté 
la  victoire,  elle  n'avait  pas  non  plus  éprouvé  de  désavan- 
tages, et  c'était  un  point  qui  donnait  à  Ip.  nation  la  con- 
science de  sa  force  maritime.  Toutefois,  on  attaqua  la 
conduite  du  duc  de  Chartres  ;  on  prétendit  que  la  défaite 
de  l'armée  anglaise  eût  été  certaine  si,  obéissant  au  sigqal 
qui  lui  avait  été  fait,  le  commandant  de  l' avant-garde  avait 
laissé  arriver. 

Le  chef  d'escadre  de  Rochechouart,  qui  montait  le  vais- 
seau le  DuC'de-Bourgogne ,  commandé  par  le  cp.pitaine  de 
Charitte,  et  le  capitaine  de  vaisseau  Trémigon,  furent  ap- 
pelés à  se  justifier  devant  un  conseil  de  guerre  de  la  sépa- 
ration de  ce  vaisseau  et  de  Y  Alexandre.  Le  premier  fut 
déclaré  non  coupable;  l'autre  reçut  une  admonestation. 

Le  capitaine  Trobriand  fut  remplacé  dans  le  comman- 
dement de  YAmphion. 


Pendant  que  le  port  de  Brest  faisait  ses  préparatifs  de 
guerre,  on  travaillait  à  mettre  les  vaisseaux  de  Toulon  en 
état  de  prendre  la  mer.  Les  forces  navales  stationnées  dans 
les  colonies  n'étaient  plus  en  rapport  avec  l'état  des  choses. 
La  France  n'avait  que  quelques  frégates  aux  Antilles^  plu- 


12  BATAILLES.  — 1778. 

sieurs  autres  y  furent  expédiées,  tant  pour  le  service  par- 
ticulier des  colonies,  que  pour  escorter  les  convois  qui  de- 
vaient effectuer  leur  retour  eu  Europe.  Le  traité  défensif 
conclu  avec  les  États-Unis  nécessitait  aussi  Tenvoi  d'une 
escadre  sur  les  côtes  de  l'Amérique  septentrionale. 

Le  18  avril,  une  escadre  partit  de  Toulon,  sous  le  com- 
mandement du  vice-amiral  comte  d'Estaing;  le  16  mai,  elle 
passa  le  détroit  de  Gibraltar  et,  le  8  juillet,  elle  mouilla  à 
l'entrée  de  la  rivière  la  Delaware,  dans  l'état  de  New- Jersey 
des  États-Unis  d'Amérique,  pour  mettre  à  terre  le  chargé 
d'affaires  de  la  France  qui  était  passager  sur  le  Languedoc. 
L'escadre  remit  sous  voiles  le  lendemain.  Deux  jours  après 
elle  mouilla  devant  New-York,  dans  l'État  de  ce  nom  :  une 
escadre  anglaise,  sous  les  ordres  du  vice-amiral  Howe,  se 
trouvait  sur  cette  rade.  Le  vice-amiral  d'Estaing  voulut 
aller  l'attaquer  ;  mais,  prétextant  que  les  vaisseaux  fran- 
çais calaient  tropvd'eau ,  les  pilotes  ne  voulurent  pas  les  en- 
trer dans  cette  rade.  Voici  la  composition  des  deux  esca- 
dres qui  se  trouvaient  en  présence. 

ESCADRE   FRANÇAISE. 

Canons. 

90     Languedoc capitaine  de  Boulai nvilliers. 

comte  d'Estaing,  vice-amiral. 

80      Tonnant .  capitaine  comte  de  Bruyères. 

comte  de  Breugnon^  chef  d'escadre. 

César capitaine  de  Raymondis  (1). 

de  Brèves,  chef  d'escadre. 

Zélé, capitaine  comte  de  Barras  Saint-Laurent. 

74   /  Hector .  .  —       chevalier  Moriës-Castellet. 

Guerrier,  .....  —        de  Bougainville. 

Marseillais —       Lapoype-Verlrieux. 

Protecteur,  , -        chevalier  d'Apchon. 

i  Vaillant,  » —        marquis  de  Chabert. 
Provence —        de  Cbamporcin. 

Fantasque,  .  •  • —        commandeur  de  Suffreu. 

50      Sagittaire»  •  • —        d'Albert  de  Rions. 

Frégates  :  Chimère,  Engageante,  Aimable,  Alcmène. 


(1)M.  Brun,  Hist,  de  la  marine;  Port  de  Toulon,  dit  que  le  César  était 
commandé  par  le  capitaine  de  Brèves.  H  fait  erreur,  car  le  capitaine  de  Ray- 
knondis  perdit  un  bras  dans  l'engagement  que  ce  vaisseau  eut  devant  New-Port. 


BATAILLES.  - 1778.  13 

ESCADRE    ANGLAISE. 

Canons. 

ËA6LE capitaiDe  Adam  Duncan. 

lord  Howe^  vice-amiral. 

Trident capitaine  P.  Molloy. 

g,    ,  Elliot,  cemraodore. 

NoNSUcH capitaine  Waltcr  Griffilhs. 

Saint  Albaxs..  ......        —        Filzherbert. 

SoMMERSET —        Ourry. 

Ardent —        Keppel. 

(  ExpERiMENT. —        sir  James  Wallace. 

50   J  Isis —        William  Gornwallis. 

(  pRESTON —       Hotham^  commodore. 

Frégates  :  Phoemx,  Roebuck. 

Après  être  resté  pendant  quinze  jours  au  mouillage  de- 
vant New- York,  temps  qui  fut  employé  à  faire  de  l'eau  et 
à  s'entendre  avec  le  gouvernement  des  États-Unis,  le  vice- 
amiral  d'Estaing  mit  à  la  voile  et  fil  route  pour  New-Port, 
dans  l'État  de  la  Providence,  afin  de  soutenir  les  opérations 
des  Américains  contre  Rhodes  island.  Il  arriva  le  28  en  vue 
de  ce  port;  et,  sur  la  demande  du  général  américain  qui 
désirait  combiner  son  attaque  avec  l'entrée  de  l'escadre 
française,  il  mouilla  en  dehors. 

L'île  de  Rhodes  est  située  à  l'entrée  de  la  baie  de  la  Pro- 
vidence et  New-Port  se  trouve  dans  sa  partie  occidentale,  à 
petite  distance  de  la  pointe  Sud.  Un  demi-mille  sépare  Rho- 
des island  de  l'île  Connecticut  qui,  placée  à  l'Ouest,  a  comme 
elle  sa  principale  étendue  du  Nord  au  Sud.  Trois  passages 
conduisent  conséquemment  à  New-Port.  Le  premier  est  la 
passe  naturelle  entre  Rhodes  island  et  Connecticut  ;  le  se- 
cond est  le  passage  dit  de  Sea  Konnet  entre  Rhodes  is- 
land et  la  partie  orientale  de  la  baie  de  la  Providence.  Le 
dernier  enfin  est  entre  la  partie  occidentale  de  cette  baie 
et  Connecticut.  Il  n'y  avait  pas  à  s'occuper  du  passage  di- 
rect :  l'escadre  le  gardait;  mais  il  était  important  de  fermer 
les  autres  pour  empêcher  les  navires  qui  se  trouvaient  soit 
à  New-Port,  soit  aux  autres  mouillages  de  la  baie  de  la 
Providence  d'en  sortir.  Le  Fantasque^  le  Sagittaire  et  les 
frégates  furent  placés  dans  le  passage  Sea  Konnet  ;  le  Pro- 
tecteur et  la  Provence  mouillèrent  à  l'entrée  de  la  passe  de 


14  BATAILLES»  — 1778. 

rOuest.  I^es  capitaines  des  bâtiments  anglais  dont  on  cou- 
pait ainsi  la  retraite  virent  de  suite  qu'ils  n'avaient  qu'un 
parti  à  prendre  pour  iie  pas  totnbôr  au  pouvoir  des  Français  ; 
ils  incendièrent  ou  coulèrent  successivement  les  frégates 
Orphoeus  —  Lark  —  Jung  —  Fiora  de  32°  —  Cerberus  de 
28  et  la  corvette  de  18  Falcon.  Quelques  beaux  traits  de 
courage  furent  signalés  dans  ces  affaires  d'avant-garde. 
L'enseigne  de  vaisseau  Dorcet  de  YAlcmène  fut  mis  à  l'ordre 
du  jour  pour  avoir  accosté  une  frégate  anglaise  déjà  en 
feu  et  qui  fit  explosion  au  moment  où  il  montait  à  bord. 

Enfin,  le  8  août,  toutes  les  mesures  étaient  prises.  Pen- 
dant que  les  Américains  opéraient  un  débarquement  daûé 
la  partie  Nord  de  Rhodes  island,  8  vaisseaux  français  for- 
cèrent l'entrée  de  la  rade  de  New-Port,  sous  le  feu  des  bat- 
teries et  allèrent  jeter  l'ancre  dans  le  fond  de  la  bâië  de 
Connecticut,  jusqu'à  la  pointe  Sud  de  Gold  island.  Le  Zèté 
tenait  la  tête  de  la  colonne  ;  venaient  enâUiie  le  Tonnaftt^  lé 
Vaillant^  Y  Hector,  le  Languedoc^  le  Marseillais  ^  le  César  (et 
le  Guerrier. 

Le  vice-âmiral  Howe,  qui  avait  quitté  New- York  dès  que 
l'escadre  française  avait  mis  à  la  voile,  parut,  le  9  août, 
devant  New-Port.  Son  escadre  avait  été  renforcée  de  7  fré- 
gates, de  plusieurs  brûlots  et  des  vaisseaux. 

Canous. 

64      Raisonnable capitaine  Onslow. 

i  Centurion —  Braithwaite. 

l  Renowns — •  Dawson 

74      CoRNWALL —  Edwards. 

Le  CoRNWALL  faisait  partie  d'une  escadre  de  13  vaisseaux, 
sous  les  ordres  du  vice-amiral  John  Byron,  qui  avait  quitté 
Plymouth  dans  les  premiers  jours  du  mois  de  juin,  et  qui, 
le  13  juillet,  avait  été  dispersée  par  un  violent  coup  de  vent. 
Le  vice-amiral  Byron  n'arriva  à  Halifax  que  le  26  août. 
L'Angleterre  avait  déjà  à  vaisseaux,  22  frégates  et  10  cof- 
vettes  sur  cette  partie  de  la  côte. 

L'apparition  de  l'escadre  anglaise  contraria  les  projets 
du  vice-àmifal  d'Estaing  ;  sa  position  au  mouillage  n'était 


BATAILLES.  — 1778.  15 

plus  tenable  ;  ses  vaisseaux  pouvaient  être  attaqués  par  les 
batteries  de  terre  et,  par  mer,  détruits  ou  incetidiés  par  des 
brûlots.  Sa  détermination  fut  bientôt  prise.  Le  vent  ayant 
passé  au  Nord  pendant  la  nuit,  il  fit  ses  dispositions  d'ap- 
pareillage, et  dès  que  le  jour  parut,  Tescadre  mit  sous 
voiles.  Les  premiers  rayons  du  jour  montrèrent  donc  aux 
Anglais  Tescadre  française  sous  voiles,  se  dirigeant  vers 
les  passes  sous  le  feu  des  forts,  qui  furent  aussi  impuis- 
sants à  empêcher  sa  sortie  qu'ils  l'avaient  été  â  lui  défendre 
l'entrée  de  la  rade.  Le  vice-amiral  Howe  était  loin  de  s'at- 
tendre à  cet  appareillage  ;  il  fit  couper  les  câbles  à  ceux 
de  ses  vaisseaux  qui  avaient  laissé  tomber  l'ancre  et  prit 
le  large.  Le  H,  les  Français  l'avaient  beaucoup  rapproché 
et,  à  à^  de  l'après-midi,  ses  derniers  vaisseaux  allaient  être 
joints,  lorsque  le  temps,  déjà  fort  menaçant,  devint  si  mau- 
vais, que  les  deux  escadres,  forcées  de  songer  à  leur  sû- 
reté personnelle,  mirent  à  la  cape;  un  coup  de  vent  de  N.-E. 
venait  de  se  déclarer.  Les  vaisseaux  français  furent  dis- 
persés et  plusieurs  firent  des  avaries  majeures. 

Le  12,  à  3''  de  l'après-midi,  le  vaisseau  de  74'  le  César 
rencontra  le  vaisseau  anglais  de  50  Isis,  capitaine  Corn- 
wallis.  La  présence  d'une  corvette  et  d'un  autre  vaisseau 
anglais  qui  étaient  en  vue  sous  le  vent  n'arrêta  pas  le  chef 
d'escadre  de  Broves.  Le  combat  durait  depuis  deux  heures, 
à  portée  de  pistolet,  et  le  feu  de  l'Isis  se  ralentissant  d'une 
manière  sensible,  il  y  avait  lieu  de  supposer  qu'il  ne  tar- 
derait pas  à  cesser,  lorsque  la  roue  du  gouvernail  du  César 
fut  démontée.  Ce  vaisseau  ne  gouverna  plus  et  l'anglais 
lui  échappa.  Le  capitaine  de  Raymondis  perdit  le  bras 
droit  à  cette  affaire. 

Le  vaisseau  de  74°  le  Marseillais^  capitaine  Lapoype- 
Vertrieux,  démâté  de  son  beaupré  et  de  son  mât  de  misaine, 
achevait  à  peine  d'installer  un  mât  de  fortune,  lorsqu'il  fut 
attaqué,  le  même  jour  à  8*»  du  soir,  parle  vaisseau  anglais 
de  50''  Preston,  monté  par  le  commodore  Hotham;  il  s'en 
débarrassa  après  un  engagement  d'une  heure. 


16  BATAILLES. —1778. 

Le  Languedoc  démâta  de  tous  ses  mâts  et  perdit  son 
gouvernail.  L^  13,  il  fut  attaqué  dans  cet  état  par  le  vais- 
seau anglais  de  50*'  RENOV^riss,  capitaine  Dawson.  Quoique 
réduit  à  ne  pouvoir  se  servir  que  de  cinq  canons,  dont  un 
fut  démonté  à  la  première  bordée,  il  fut  abandonné  par  le 
vaisseau  anglais,  que  rien  n'obligeait  à  cesser  le  combat. 

Le  14,  tous  les  vaisseaux,  le  César  excepté,  se  trouvèrent 
ralliés  et  mouillèrent  sur  la  côte,  dans  le  Sud  de  Rhodes 
island;  le  vice-amiral  d'Estaîng  arbora  son  pavillon  sur 
Y  Hector.  Trois  jours  après,  l'escadre  alla  prendre  le  mouil- 
lage de  cette  île,  V Hector  s'empara  en  chemin  de  la  cor- 
vette anglaise  de  48*  Sénégal.  Le  Vaillant,  de  son  côté, 
prit  la  bombarde  Thunderer,  et  la  frégate  la  Gracieuse  fit 
amener  la  corvette  de  là  °  Zéphyr.  La  ville  de  New-Port  ne 
pouvant  fournir  à  Tescadre  les  ressources  dont  elle  avait  be- 
soin, le  vice-amiral  d'Estaing  prit  le  parti  de  se  rendre  à 
Boston.  Ce  départ  était  d'ailleurs  nécessité  par  l'arrivée  du 
vice-amiral  Byron,  dont  il  devait  éviter  la  rencontre,  réduit 
comme  il  Tétait  par  l'absence  d'un  vaisseau  et  le  démâtage 
de  deux  autres. 

L'escadre  anglaise  avait  aussi  été  dispersée.  La  frégate 
Apollo  sur  laquelle  l'amiral  Hov^^e  avait  arboré  son  pavil- 
lon, avait  démâté  de  son  mât  de  misaine  et  de  son  grand 
mât  de  hune.  Tous  les  vaisseaux  avaient  fait  des  avaries  ; 
le  RussEL  et  TInvincible  furent  renvoyés  en  Angleterre. 

L'escadre  française  appareilla,  le  21  août,  et  mouilla  le 
28  sur  la  rade  de  Nantucket;  les  vaisseaux  qui  avaient  le 
moins  d'avaries  furent  embossés  dans  les  passes.  En  avant 
de  Boston  et  sur  une  étendue  de  plusieurs  milles,  la  mer 
est'Couverte  d'îlots  et  de  bancs  qui  forment  plusieurs  pas- 
ses, d'une  défense  facile,  pour  arriver  à  ce  port.  A  deux 
lieues  dans  le  S.-E.  se  trouve  Nantucket,  point  de  la  côte 
où  commence  l'enfoncement  qu'on  pourrait  nommer  la  baie 
de  Boston.  Saint-Georges,  un  des  principaux  îlots,  est  vis- 
à-vis  Nantucket.  C'étaient  donc  ces  deux  points  qu'il  y 
avait  surtout  intérêt  à  fortifier  pour  appuyer  les  vaisseaux. 


BATAILLES.  —  4778.  17 

Le  vice-amiral  d'Estaing  ne  manqua  pas  de  le  faire.  Des 
canons  pris  à  bord  de  ceux  des  vaisseaux  qui  travaillaient 
à  se  répalrer  sur  la  rade  de  Nantucket  furent  mis  à  terre, 
et  des  marins  de  ces  mêmes  vaisseaux  furent  désignés  pour 
faire  le  service  de  ces  batteries.  L'escadre  anglaise  parut 
devant  Boston,  le  1"  septembre,  mais  elle  ne  fit  aucune 
démonstration.  La  simple  inspection  des  mesures  prises 
par  les  Français  suffit  pour  convaincre  son  commandant  en 
chef  de  leur  inutilité. 

Le  4  novembre,  les  vaisseaux  ayant  réparé  leurs  avaries, 
le  vice-amiral  d'Estaing  quitta  Boston  et  fit  route  pour  la 
Martinique  où  il  arriva,  le  g  décembre,  après  avoir  encore 
reçu  un  coup  de  vent  qui  dispersa  son  escadre  et  pendant 
lequel  le  Languedoc  démâta  de  son  grand  mât  de  hune  et 
du  mât  de  perroquet  de  fougue. 

L'escadre  anglaise  reçut  aussi  ce  nouveau  coup  de  vent 
et  souffrit  beaucoup  ;  le  Sommerset  fut  jeté  à  la  côte  sur  le 
cap  Cod  ;  le  Biçdford,  totalement  démâté,  fut  remorqué  à 
New-York  par  le  Cornwall  ;  le  Culloden  fit  route  pour 
l'Angleterre. 

Ces  pertes  ne  furent  pas  les  seules  que  les  Anglais  su- 
birent pendant  le  séjour  du  vice-amiral  d'Estaing  sur  les 
côtes  d'Amérique.  Dans  les  premiers  jours  de  juillet,  la 
frégate  de  44''  Roebuck  se  jeta  à  la  côte  pour  échapper  aux 
chasseurs  de  l'escadre  française.  Le  brig  de  16**  Stanley, 
qui  était  venu  reconnaître  l'escadre,  fut  amariné  par  le 
César  ;  la  frégate  de  28°  Mermaid  et  la  corvette  de  18* 
King's  Fisher,  se  jetèrent  sur  le  cap  Hinlopen,  le  8  juillet, 
pour  éviter  d'être  prises. 


Le  4  novembre,  jour  où  le  vice-amiral  d'Estaing  quittait 
Boston,  le  commodore  Hotham  partait  du  mouillage  de 
Sandy-Hook,  à  l'entrée  de  la  baie  de  New- York,  avec  5 
vaisseaux,  quelques  frégates  et  un  convoi  considérable 
pour  les  Antilles  ;  le  10,  il  rallia  le  contre-amiral  Barring- 
11.  2 


18  BATAILLES.— 1778, 

ton  à  la  Baii)ade.  L'attaque  de  Tile  fratil^ise  de  Ssûnte- 
Lucie  était  un  projet  arrêté.  Cet  officier  général  n'attendait, 
pour  l'effectuer,  que  l'arrivée  de  renforts  qu'il  jugeait  in- 
dispensables. Des  troupes  furent  immédiatement  embar- 
quées et  la  division  anglaise  se  dirigea  sur  Sainte-Lucie. 
Les  troupes  mises  à  terre,  le  13  novembre,  s'emparèrent 
facilement  d'une  petite  ville  sans  défense  et  marchèrent  de 
suite  sur  le  seul  point  fortifié  qui  défendît  la  rade  du  Caré- 
nage, la  batterie  du  Morne-Fortuné,  et  l'enlevèrent.  Le 
contre-amiral  Bairington  plaça  alors  ses  transports  au  fond 
du  Cul-de-sac  et  embossâ  ses  vaisseaux  à  l'entrée  de  k 
rade,  après  avoir  établi  quelques  canons  sur  les  deux 
pointes  extérieures. 

La  baie  du  Carénage,  sur  la  côte  occidentale  de  Vile 
Sainte-Lucie,  a  son  entrée  à  l'Ouest  ;  le  goulet  de  cette 
rade  n'a  pas  plus  de  200  mètres  d'ouverture^  Quelques 
rochers  entourent  les  deux  pointes  de  cette  entrée 
encore  quelque  peu  rétrécie  par  un  banc  qui  part  de  la 
pointe  du  Sud  et  qui  se  répand  dans  l'O.-N.-O.  Le  fond 
varie  de  8  à  15  mètres  dans  cette  passe.  En  dedans  de  la 
pointe  Nord,  à  environ  550  mètres,  se  trouve  une  seconde 
pointe  entourée  d'un  récif;  le  Morne-Fortuné  est  dans  la 
direction  et  à  petite  distance  de  cette  pointe.  Sa  batterie 
protégeait  à  la  fois  la  rade,  son  entrée  et  le  Cul-de-sac, 
enfoncement  parfaitement  abrité  sur  la  côte  Nord  et  au 
fond  de  la  baie.  Voici  l'ordre  dans  lequel  les  vaisseaux  an- 
glais étaient  placés. 

Canons. 

74      Prince  of  Wales capitaine   

honorable  Samuel  Barrington>  contre-amiral. 
70      BoYNEs capitaine  Sawyer. 

SPreston —        Hotham. 
Centurion —        Braithwaite. 
,  Isis —       William  Cornwallis. 

j  Saint  Albans —        Onslow. 

^*   I  NoNsucH —       Walter  Griffiths. 

Le  14  au  matin,  le  vice-amiral  d'Estaing  eut  connais- 
sance de  l'attaque  dirigée  contre  Sainte-Locie  ;  il  fii  de 


BATAILLES.  ~477«.  \^ 

isùitte  étiiMtiiter  6,000  hoihitiëâ  de  ttiottpes  et,  dàtis  Tâprêa- 
ttidi,  il  mit  souà  Voiles  avec  11  vaissëaùJc;  un  dôtazièitié, 
lé  Marstiliais,  lé  t'allia  le  lendemain. 

Le  15  au  ttiàtîn,  T  escadre  arriva  devant  la  baie  du  Caré- 
nage dans  Tordre  suivant  : 

Canons. 

74      Zélé capitaine  Barras  de  Saint-Laurent. 

80      Tonnant —       comte  de  Bruyères. 

comte  de  Breugnon,  chef  d'escadre. 

t*      Marseilîais tapitaine  Lapoype-Vertrieut. 

80     Languedoc. —       de  BoulainTilliers. 

comte  d'Estaing,  yice-amiral, 

Y4     Éector, capitaine  de  Moriës-Castellet. 

74      César. —       de  Broyés,  chef  d'escadre. 

64      Fantasque —       commandeur  de  Suffren. 

74      Guer¥ier, .........       —       de  Bougainvîlle. 

74     Protecteur.  .  ^  • —       dievalier  d'Apchon. 

64      Vaillant.    .    —       marquis  de  Ghabert. 

64     Provence. ...;...;.       —       de  Ghamporcin. 
50     Sagittaire —       d'Albert  de  Riois. 

L'intention  dti  cblhniandant  en  chef  était  d'élonger  la 
ligne  anglaise  dû  NbM  au  Stid  ;  de  faire  mouiller  chaque 
vaisseau  par  le  travers  d'un  vaisseau  ennemi  et  d'autoriser 
lès  capitâîiies  à  aborder  leur  adversaire,  s'ils  le  jugeaient 
Convenable.  t)ahs  le  cas  où  le  fond  serait  trop  considérable 
ptt'itr  laisser  tôùiber  l'ancre,  il  comptait  prendre  position 
en  dedans  de  là  ligne  aùgldse.  Les  circonstances  de  vent 
et  fe  position  dé  l'ennefaaî  devaient,  du  reste,  faire  modifier 
le  ^laù  d'attaque.  Le  Sagittaire  et  la  frégate  la  Chimère 
avaient  ordre,  dans  tous  les  cas,  d'attaquer  la  batterie  dé 
Ja  pointe  Sud;  la  Provence  et  le  Vaillant  étaient  chargés 
d'éteindre  le  feu  de  celle  du  Nord.  La  brise  était  faible  de 
l'Est.  L'escadre  française  élongea  la  ligne  anglaise,  en  la 
canonnant  et  en  recevant  son  feu  et  celui  des  batteries  de 
terre,  mais  elle  ne  mouilla  pas  ;  elle  prolongea  sa  bordée, 
et  le  soir,  le  commandant  en  chef  renouvela  la  canonnade 
du  matin.  Le  17,  il  mouilla  dans  l'anse  du  Choc,  débarqua 
les  troupes  et  les  dirigea  sur  le  Morne-Fortuné,  distant  de 
quelques  milles  seulement  de  ce  mouillage.  L'escadre  re- 
mit ensuite  à  la  voile  pour  aller  attaquer  de  nouveau  la 


20  BATAILLES. —4778. 

■  ^ 

division  anglaise  ;  mais  la  faiblesse  de  la  brise  contraria 
les  projets  du  commandant  en  chef  et  le  soir  il  retourna  au 
mouillage.  L'expédition  par  terre  ne  réussit  pas.  Les  trou- 
pes furent  rembarquées  et  le  30,  Tescadre  était  de  retour 
à  la  Martinique.  Le  gouverneur  de  Sainte-Lucie  capitula  le 
lendemain  de  son  départ. 


Dès  qu'on  connut,  dans  Flnde,  la  possibilité  d'une  rup- 
ture prochaine  avec  la  France,  les  Anglais  firent  secrète- 
ment, à  Madras,  des  préparatifs  pour  attaquer  à  la  fois, 
par  terre  et  par  mer,  les  établissements  français,  avant 
qu'ils  pussent  recevoir  des  secours  d'Europe.  Mais,  dans 
la  prévision  de  cette  rupture,  le  gouverneur  de  Pondichéry 
avait  fait  fortifier  la  ville  (1),  jusque-là  ouverte  de  tous 
côtés  ;  et  infof mé  des  dispositions  que  prenaient  les  Anglais, 
il  différa  le  départ  du  vaisseau  de  64*^  le  Brillant^  capi- 
taine Tronjoly,  qui  était  rappelé  en  France.  La  frégate  de 
38*  la  Pourvoyeuse  constituait,  avec  ce  vaisseau,  les  forces 
navales  de  la  France  dans  les  mers  de  l'Inde.  La  division 
anglaise  du  commodore  Vernon,  composée  d'un  vaisseau 
et  de  deux  frégates,  venait  d'être  renforcée  de  plusieurs 
vaisseaux  de  la  Compagnie  qu'on  avait  armés  en  guerre.  Les 
Français  suivirent  cet  exemple  et  le  capitaine  Tronjoly  se 
trouva  bientôt  commander  une  division  composée  comme 
il  suit  : 

Canons. 

64      Brillant capitaine  Tronjoly. 

58      Pourvoyeuse —  Saint-Orens. 

26      Sartine —  Duchayla. 

82      Lawriston —  Lefer  de  Beauvais. 

20      Brisson —  Duchezeaux. 

Le  8  août,  le  major-général  anglais  Munro  se  présenta 
devant  Pondichéry  avec  17,000  hommes  et,  prévenant  le 


(1)  Elle  avait  été  rendue  à  la  France  en  17G5;  mais  sans  enceinte  ;  les  An- 
glais en  avaient  rasé  les  fortiûcations  en  1761. 


BATAILLES. —1778.  21 

gouverneur  qu'il  avait  reçu  du  conseil  de  Madras  Tordre  de 
s'emparer  de  cette  place,  il  le  somma  de  la  lui  remettre. 
Deux  jours  après,  le  commodore  Vernon  arriva  avec  sa  di- 
vision, apportant  l'artillerie  de  siège  et  les  munitions. 

Canons. 

50      RiPON Edward  Vernon^  commodore. 

28      GoYENTRT capitaine  Benjamin  Marlowe. 

24      Sea-horse —       George  Farmer. 

14      CoRMORANT —       GeoFge  Young. 

26      Valentine^  vaisseau  de  la  Compagnie. 

Le  gouverneur  de  Pondichèry  s'attendait  à  une  attaque 
simultanée  par  terre  et  par  mer,  et  il  avait  prescrit  au  com- 
mandant de  la  division  française  de  ne  pas  s'éloigner  de 
ces  parages  ;  aussi  le  commandant  Tronjoly  put-il  contra- 
rier de  suite  l'opération  des  Anglais.  Dès  que  la  division 
ennemie  fut  signalée,  il  se  dirigea  sur  elle  ;  le  vent  souf" 
flait  du  S.-S.-E. ,  mais  si  faible,  qu'il  ne  put  la  joindre  avant 
T  30"  de  l'après-midi.  Les  Français  étaient  en  ordre  de 
bataille,  le  Brillant  en  tête;  le  commodore  anglais  était  au 
centre  de  sa  colonne  qui  courait  à  contre-bord.  Le  com- 
mandant Tronjoly  n'hésita  pas  à  engager  le  combat;  la 
prise  de  Chandemagor  par  laquelle  l'agression  des  Anglais 
avait  commencé,  et  la  conduite  du  général  Munro  justi- 
fiaient cette  attaque,  quoique  la  déclaration  de  guerre 
n'eût  pas  été  notifiée.  Il  commença  le  feu  dès  qu'il  fut  par 
le  travers  du  vaisseau  de  tête  anglais,  et  chaque  bâtiment 
en  fit^ autant  à  mesure  qu'il  découvrit  l'ennemi  ;  les  Anglais 
ripostèrent  immédiatement.  Lorsque  les  deux  divisions  se 
furent  dépassées,  elles  virèrent  de  bord  et  recommencèrent 
cette  canonnade  qui  dura  sept  quarts  d'heure.  Enfin  le  com- 
modore anglais  voyant  le  commandant  de  la  division  fran- 
çaise bien  résolu  à  ne  pas  lui  laisser  remplir  sa  mission,  fit 
route  au  N.-E.  Les  deux  divisions  se  firent  peu  de  mal  dans 
ce  combat  qui  fut,  en  quelque  sorte,  conduit  politiquement 
des  deux  côtés.  Loin  de  poursuivre  la  division  anglaise, 
ainsi  que  le  commodore  Vernon  Tespérait  peut-être,  le 
commandant  Tronjoly  mouilla  auprès  de  Goudelour  et,  le 
lendemain,  il  était  devant  Pondichèry. 


22  COMBATS  PARTiCULIERS.— 1778. 

A  quelques  jours  de  là,  la  division  anglaise,  renforcée 
des  vaisseaux  de  la  Compagnie  Southampton,  Nassau  et 
BosHOROUGH,  passa  devant  Pondicbéry  et  s'empara  de  la 
Sartine  qui  était  en  croisière.  Le  2Q,  elle  psMTUt  encore  :  la 
division  française  ne  bougea  pas.  N'appréciant  pas  les  mo- 
tifs qui  empêchaient  le  commandant  de  la  division  navale 
de  mettre  sous  voiles,  le  gouverneur  lui  donna  l'ordre 
d'appareiller.  Le  commandant  Tronjoly  obéit,  mais  il  se 
rendit  directement  à  l'île  de  France ,  ne  laissant  que  la 
Pourvoyeuse  sur  la  côte. 

Pondicbéry  capitula,  le  16  octobre,  après  un  siégç  qui 
dura  soixante-dix  jours. 


Pçpuis  quelque  temps  déjà,  la  France  avait  conclu  un 
traité  d'alliance  et  de  commerce  avec  les  États-Unis  d'A- 
mérique; l'Angleterre  avait  rappelé  son  ambassadeur  et 
pourtant,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  l'escadre  du  vice-amiral 
d'Estaing  avait  traversé  la  Méditerranée  et  l'Qcéan  ^ans 
qu'aucun  acte  d'bostilité  eût  encore  marqué  la  ruptqre  de 
la  paix  entre  la  France  et  l'Angleterre.  A  la  frégate  de  3Q'' 
l^  Belle-Poule^  capitaine  Ghadeau  de  Laclocheterie,  étai^ 
réservé  l'bonneur  de  faire  j^Ilir  la  première  étincelle  de 
l'immense  incendie  dont  les  flammes  allaient  bientôt  par- 
courir toutes  les  mers. 

Cette  frégate,  qui  faisait  partie  de  l'armée  navale  qu'on 
armait  à  B^est,  avait  été  expédiée  avec  une  autre  frégate, 
la  licorne  de  26",  capitaine  Belizal,  pour  observer  les 
inouvPWP^  ^63  Anglais  à  l'entrée  de  la  Manche.  Le  17 
juin,  les  capitaines  français  aperçurent  1 A  vaisseaux  anglais 
réunis  en  escadre  sous  le  commandement  de  l'aqûral  Kep- 
pel,  sorti  aussi  pour  suivre  les  mouvements  de  l'arméç  na- 
vale de  Brest  ;  l'amiral  anglais  fit  chasser  les  2  frégates* 
Vers  6^  du  soir,  la  frégate  Mii^fort  avait  joint  la  Licorne 
et  sommait,  en  termes  Jrès-mesurés,  le  cajHtaine  français 
de  passer  à  poupe  du  vaisseau  amiral  anglais.  Après  quel- 


COMBATS  PARTICULIERS.  -^  iTT8.  S3 

ques  hésitations,  le  capitaine  Belizal  se  rendit  à  cette  in- 
vitation. 

Presque  au  même  moment,  le  capitaine  Marshall  de  la 
frégate  de  28*"  Arethusa,  transmettait  le  même  ordre  au 
capitaine  Chadeau  de  Laclocheterie.  Sur  son  refus  d'y  ob- 
tempérer, la  frégate  anglaise  envoya  une  volée  dans  la 
hanche  de  dessous  le  vent  de  la  Bell^PouU;  celle-ci  ri- 
posta immédiatement  et  laissa  un  peu  arriver  pour  mettre 
la  frégate  anglaise  par  son  travers.  Le  combat  devint  bien- 
tôt très-vif,  et  le  grand  nombre  de  tués  et  de  blessés  gisant 
sur  les  ponts  ne  tarda  pas  à  constater  l'ardeur  qui  animait 
les  deux  équipages.  A  11^  30"",  démâtée  de  son  grand  mât 
et  presque  complètement  dégréée,  1' Arethusa  fit  vent  ar- 
rière et  se  Replia  sur  son  escadre.  La  Belle-Poule^  qui  n# 
pouvait  poursuivre  son  adversaire  sans  rencontrer  de 
nouveaux  ennemis,  l'accompagna  de  ses  boulets  et  alla 
chercher  un  abri  dansTanse  de  Kervin,  près  de  Plouescat. 
Elle  y  reçut  un  renfort  d'équipage  qui  lui  permit  de  rentrer 
à  Brest. 

La  Belle-Poule  portait  26  canons  de  12 

et    A    —     de    6; 
L' Arethusa        —      24  canons  de    9 

et    4    —      de    6. 

Quelque  peu  confus  probablement  de  la  conduite  qu'il 
tenait,  alors  que  le  capitaine  de  la  Belle-Poule  repous- 
sait si  énergiquement  les  prétentions  de  l'amiral  anglais, 
le  capitaine  Belizal  voulut  continuer  sa  route  ;  il  n'en  était 
plus  temps.  Un  des  vaisseaux  anglais  lui  envoya  un'boulet  ; 
la  frégate  française  riposta  par  une  volée  entière  qui  fut 
reçue  par  le  vaisseau  America,  et  elle  amena  son  pavillon. 

Une  autre  frégate  française,  la  Pallas  de  32^,  tomba 
aussi  dans  cette  escadre  et  fut  prise  sans  combat. 

Le  lougr»  de  8°  le  Cmrewé,  sorti  avec  les  deux  frégates, 
reçut  une  somoiation  du  capitaine  Fairfax  du  cutter  de  lO*" 
AiJS&T,  Le  ca^it^ine  chevalier  de  Rosily  n'en  tint  pas 


24  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1778. 

compte  ;  mais,  moins  heureux  que  la  Belle-Poule^  le  Coureur 
fut  obligé  de  se  rendre  après  un  combat  de  deux  heures. 


N 


A  son  atterrage  sur  la  côte  d'Amérique,  au  mois  de  juil- 
let, le  vice-amiral  d'Estaing  avait  détaché  en  avant  la  fré- 
gate de  30°  Y  Engageante^  capitaine  chevalier  de  Gras-Pré- 
ville,  pour  lui  indiquer  la  sonde.  Le,  5  de  ce  mois ,  cet 
officier  aperçut  la  frégate  anglaise  de  26*"  Rose,  capitaine 
Duncan,  et  la  chassa;  à  S^  du  soir,  il  n'en  était  pas  à  plus 
d'une  demi-portée  de  canon.  Dès  que  Y  Engageante  fut  par 
le  travers  de  la  frégate  anglaise,  elle  lui  envoya  une  bordée, 
puis  une  seconde  :  toutes  deux  restèrent  sans  réponse  ;  ce 
ne  fut  qu'à  la  troisième  qu'un  feu  bien  nourri  d'artillerie 
apprit  au  capitaine  Préville  qu'il  avait  affaire  à  un  vigou- 
reux adversaire.  Le  combat  durait  depuis  deux  heures,  et 
cependant  le  tir  des  deux  frégates  était  sans  résultats  ; 
Y  Engageante  se  rapprocha  à  portée  de  pistolet.  Excité  par 
une  résistance  si  longue  qu'il  était  impatient  de  faire  ces- 
ser, l'équipage  de  la  frégate  française  redoubla  d'ardeur.  A 
1"  après  minuit,  la  Rose,  coulant  bas  d'eau  et  réduite  à 
l'état  le  plus  pitoyable,  amena  son  pavillon. 

L'Engageante  portait  26  canons  de  12 

et    4     —      de    6 
La  Rose  —       22  canons  de    9  ; 

et    û     —      de    (5. 

Au  jour,  le  capitaine  Préville  rallia  son  escadre  et,  lorsque 
l'état  de  sa  prise  fut  connu,  il  reçut  l'ordre  de  la  couler. 


Le  9  juillet,  la  frégate  de  32**  Ylphigénie  qui  éclairait  la 
marche  de  l'armée  navale  sortie  de  Brest,  la  veille,  aperçut 
la  corvette  anglaise  de  20**  Livelv  qu'elle  chassa,  et  l'ayant 
jointe,  le  capitaine  de  Kersaint  lui  enjoignit,  ^  son  tour, 
de  se  rendre  auprès  du  commandant  en  chef.  Sur  le  refus 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1778.  25 

qui  lui  en  fut  fait  par  le  capitaine  Biggs,  Ylphigénie  lui  en- 
voya sa  volée  et  la  corvette  amena  son  pavillon  ;  elle  fut 
conduite  à  Brest. 


Le  17,  la  frégate  de  26°  la  Junon^  capitaine  de  Beau- 
mont,  s'empara  du  cutter  de  14*  Alert. 


La  frégate  de  26  *"  la  Concorde ^  capitaine  Legardeur  de 
Tilly,  se  rendant  à  Saint-Domingue,  aperçut,  le  22  août 
à  la  pointe  du  jour,  un  bâtiment  qui  se  dirigeait  sur  elle. 
C'était  la  frégate  anglaise  de  32*»  Minerva,  capitaine  sir 
John  Stott,  qui  croisait  dans  le  Nord  de  l'île,  inquiétant  et 
visitant  tous  les  navires,  et  qui  prenait  la  Concorde  pour 
un  navire  du  commerce.  Le  capitaine  de  Tilly  la  laissa 
approcher,  et  lorsqu'elle  fut  par  son  travers,  il  lui  lâcha 
sa  bordée  :  il  était  alors  7\  Le  combat  prit  un  caractère 
d'acharnement  facile  à  concevoir  au  début  d'une  guerre 
maritime.  A  la  seconde  bordée,  la  frégate  anglaise  perdit 
son  mât  d'artimon  ;  mais  ni  ses  avaries  toujours  croissantes, 
ni  une  blessure  assez  grave  que  son  capitaine  reçut  à  la 
tête  et  dont  il  mourut  plus  tard,  ne  ralentirent  son  feu.  Ce- 
pendant, à  9'  30",  criblée  et  privée  de  la  moitié  de  son 
équipage,  la  Minerva  dut  amener  son  pavillon  :  elle  fut 
prise  à  la  remorque  par  la  frégate  française  et  conduite  au 
Cap  Français,  qui  était  alors  en  vue.  Les  avaries  de  la  Con- 
corde  étaient  peu  sérieuses  et  ses  pertes  très-minimes,  com- 
parativement à  celles  de  son  adversaire. 

La  Concorde  portait  26  canons  de  12  ; 
La  Minerva     —      26     —      de  12 

et    6     —      de    6. 


La  rupture  des  relations  amicales  avec  l'Angleterre  fai- 
sait au  gouvernement  français  une  obligation  de  donner 


ae  GOHBATS  PA^lTlCLUËIiS.  -  i178. 

des  escortes  aux  navires  du  commerce  qui  se  rendaieTit  diM^g 
}e3  colonies  et  ^  ceux  qui  en  revenaient.  Le  l*'  septembre, 
le  capitaine  Kéroulas  de  Gobars,  de  la  frégate  de  26''  la 
Dédaigneuse^  escortant  un  convoi  de  Port-au-Prince  au  Cap 
Français  de  Saint-Domingue,  en  cpmpagnie  de  la  frégate 
de  SS""  la  Charmante^  capitaine  Macnémara,  aperçut  au  vent 
un  bâtiment  qu'il  chassa.  Lorsque  les  deux  frégates  fran- 
çaises, qui  louvoyaient  sans  ordre,  furent  à  bonne  distance 
Tune  de  l'autre,  ce  bâtiment,  qui  était  la  frégate  anglaise 
de  28*  Active,  capitaine  William  Williams,  laissa  arriver 
sur  la  Dédaigneuse,  La  Charmante  prolongea  sa  bordée  de 
manière  à  passer  au  vent  de  la  frégate  anglaise,  afin  de  la 
mettre  entre  deux  feux;  mais  elle  arriva  trop  tard  pour 
prendre  part  au  combat  :  T  Active  avait  amené  son  pavillon 
à  la  seconde  bordée  de  la  Dédaigneuse ^  après  lui  avoir  ri- 
posté quelques  coups  de  canon. 

L'Active  était  une  frégate  de  40",  mais  elle  en  avait  jeté 
douze  à  la  mer  pendant  un  coup  de  vent.  Son  armement 
primitif  consistait  en  28  canons  de  12  en  batterie 

et  12      —      de    6  sur  les  gaillards. 
C'étaient  probablement  ces  derniers  qui  avaient  été  jetés 
à  la  mer. 

La  Dédaigneuse  avait  26  canons  de  12. 

Je  dois  avouer  mes  doutes  au  sujet  de  l'armement  réel 
de  la  frégate  anglaise.  Une  relation,  écrite  peu  de  temps 
après  le  combat,  dit  que  l'AcTi^is  était  une  frégate  de  28«, 
et  qu'en  ayant  jeté  11  à  la  mer,  il  ne  lui  en  restait  que  17 
en  batterie. 


Le  1&  septembre,  le  capitaine  vicomte  de  Beaumont,  de 
la  frégate  de  32?  la  Junon^  se  trouvant  à  120  milles  dans 
le  S.-S.-O.  d'Ouessant,  aperçut  sous  le  vent  et  chassa  la 
frégate  anglaise  de  28''  Fox,  capitaine  lord  Windsor  ;  celle-ci 
diminua  de  voiles  et  tint  le  vent  pour  l'attendre.  Les  deux 
frégates  s'envoyèrent  d'abord  une  volée  à  contre- bord,  puis 
le  capitaine  dd  Beaumont  vira  lof  pour  lot  et  prit  poste  un 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1778.  «7 

peu  de  rarrière,  mais  toujours  au  vent.  Cette  position  ne 
lui  procurant  pas  tous  les  avantages  sur  lesquels  il  compr 
tait  et,  malgré  tous  ses  efforts,  ne  pouvant  réussir  à  at- 
teindre le  travers  de  la  frégate  anglaise,  il  laissa  porter  pour 
se  placer  sous  le  vent.  Afin  d'éviter  une  bordée  d* enfilade, 
le  capitaine  anglais  laissa  aussi  arriver,  et  les  deux  fré- 
gates se  présentèrent  le  travers  à  portée  de  fusil.  Bientôt 
les  décharges  d'artillerie  et  de  mousqueterie  se  succédèrent 
avec  rapidité  ;  mais  les  coups  de  la  Junon  étaient  mieux 
dirigés,  et  après  une  heure  et  demie  de  combat,  le  Fox 
perdit  sa  grande  vergue  et  ses  deux  mâts  de  hune.  Leur 
chute  fut  suivie  successivement  de  celle  du  mât  de  mi- 
saine, du  grand  mât  et  du  mât  d'artimon.  La  frégate  an- 
glaise ne  pouvait  opposer  une  plus  longue  résistance  ;  à  ô*", 
elle  cessa  de  tirer*  Le  capitaine  Windsor  était  blessé. 
Quoique  les  avaries  de  la  Junon  eussent  peu  d'importance, 
il  lui  fallut  une  heure  et  demie  avant  de  pouvoir  amariner 
la  frégate  anglaise,  qu'elle  conduisit  à  Brest  à  la  remorque. 

La  Junon  portait  26  canons  de  18 

et    6     —      de    8; 

Le  Fox        —      2A  canons  de    9 

et    4     —     de    6. 


Le  vaisseau  de  Ôâ""  le  TrHon,  capitaine  comte  de  Li- 
goodes,  en  croisière  à  la  hauteur  du  cap  Finistère,  fut 
chassé,  le  20  octobre,  par  le  vaisseau  anglais  de  50°  Jupi- 
ter et  la  frégate  de  28""  Mëdea  qui  couraient  sur  lui  vent 
arrière  ;  le  vaisseau  français  les  attendit  au  plus  près,  bâ- 
bord amures.  A  5^  16^  de  l'après-midi,  le  Jupiter  était 
par  son  travers,  à  bâbord,  et  il  avait  à  peine  engagé  le  com- 
bat que  la  frégate  canonnait  le  Triton  par  la  hanche  op- 
posée. Le  c^itaine  de  Ligondes  ne  pouvait  accepter  le 
combat  dans  cette  position.  Au  moyen  d'une  grande  arri- 
vée, il  mit  ses  deux  adversaires  du  même  côté.  La  lutte 
durait  depuis  une  heure  et  deibie  lorsque,  blessé  mortel- 


28  COLONIES.— 1778. 

lement,  le  capitaine  de  Ligondes  remit  le  commandement 
au  lieutenant  |de  vaisseau  de  Roquart.  A  8**  15",  la  Medea 
abandonna  la  partie.  Après  avoir  encore  combattu  pendant 
une  heure,  le  Jupiter  s'éloigna  à  son  tour;  il  échappa  à  la 
poursuite  du  Triton  pendant  un  grain  violent  qui  obscurcit 
rhorizon.  Ce  dernier  dont  le  grément  et  la  voilure  étaient 
hachés,  relâcha  à  la  Gorogne^ 

Je  ne  saurais  dire  à  laquelle  des  deux  catégories  de 
vaisseaux  de  dli""  appartenait  le  Triton^  c'est-à-dire  s'il 
portait  du  18  ou  du  12  à  sa  deuxième  batterie. 


Pendant  une  des  attaques  que  l'escadre  française  aux 
ordres  du  vice-amiral  d'Estaing  dirigea,  dans  le  mois  de 
décembre,  contre  la  division  anglaise  embossée  à  l'entrée 
de  la  baie  du  Carénage  de  Sainte-Lucie,  la  frégate  de  32*^ 
Ylphigènie^  capitaine  de  Kersaint,  s'empara  de  la  corvette 
anglaise  de  18''  Çeres,  après  cinq  heures  de  chasse. 


Les  colonies  de  l'Ouest  de  la  France  étaient  dans  des 
conditions  plus  favorables  que  celles  de  l'Inde  pour  repous- 
ser les  agressions  de  ses  ennemis;  on  prit  même  l'initiative 
dans  les  Antilles.  Dès  qu'il  sut  que  les  hostilités  avaient 
commencé,  le  gouverneur  général  des  îles  sous  le  Vent 
profita  de  l'absence  de  l'escadre  anglaise  qui  était  alors 
sur  la  côte  d'Amérique,  pour  tenter  une  expédition  contre 
la  Dominique  ;  cette  île  avait  été  cédée  à  l'Angleterre  en 
1763,  A  cet  eflet,  1,800  hommes  de  troupes  furent  embar- 
qués sur  les  frégates  de  26°  la  Tourterelle  et  la  Diligente, 
capitaines  chevalier  de  la  Laurencie  et  vicomte  Duchilleau 
de  Laroche,  YAmphitrite  de  32,  capitaine  Jassaud,  et  la 
corvette  de  20**  Y  Étourdie^  capitaine  de  Montbas.  Le  6  sep- 
tembre pendant  la  nuit,  le  fort  Cachacrou,  qui  défend  la 
ville  du  Roseau,  fut  enlevé  par  surprise  et,  le  lendemain, 
les  troupes  furent  débarquées  sans  opposition  :  une  heure 


COLONIES.- 4778.  89 

après,  le  gouverneur  capitulait.  Une  garnison  fut  laissée 
dans  nie,  et  la  division  retourna  à  la  Martinique. 


La  prise  de  Pondichéry  fut  le  premier  acte  d'hostilité 
des  Anf^lais  dans  Tlnde.  Cette  conquête  fut  facile  :  la  ville 
de  Pondichéry  avait  été  rendue  à  la  France,  à  la  paix  de 
1763,  sans  fortifications  et  sans  fossé  d'enceinte. 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  INCENDIÉS 

pendant  Tannée  1778. 

FRANÇAIS. 

Canons. 

38      Pallas Prise  par  une  escadre. 

28      Fox  * Naufragée  à  Belle-Isle. 

36      Licorne Prise  par  une  escadre. 

8      Coureur Pris  par  un  cutter. 

S6      Sartine,  bâtiment  de  la 

Compagnie  (1) Pris  par  une  division. 

ANGLAIS. 

64      SoMMERSET Naufragô  à  Terre-Neuye. 

ii      RoERucK Détruite  à  la  côte. 

ORPHiEUS \ 

t'I  ^ >  Détruites  à  Rhodes  island. 

..,   ,  Jonc ( 

"**   ^  Lark J 

MiNERVA Prise  par  une  frégate. 

Repdlse Naufragée  aux  Bermndes. 

(  cÊmeI;  :  :  :  :  :  :  :  :  !  d"™""*  ^  ^^^'^  "'»»'»• 

28  \  Merxaid Détruite  à  la  côte. 

I  Active \ 

S6      Rose.  '.  !  !  !  !  !  ■.■.■.!  !     ï""'*'  P«î  *"  ^'^^^- 
20     LivELY. ;  ]' 

^Falcon.  . .      Détruite  à  Rhodes  island. 

(  King's  fisher Détruite  à  la  côte. 

18  )  PoMONE. Naufragée  aux  Antilles. 

i  Sénégal. Prise  par  un  vaisseau. 

\  Ceres Prise  par  unej^frégate. 

16      Stanley. %  Prise  par  un  vaisseau. 


Ma 


(1)  Je  comprends  la  Sartine  dans  cet  état  parce  qu'elle  était  momentanément 
considérée  conmie  bâtiment  de  guerre. 


*0  BATAILLES.  —  4779. 

i  Merlin DélhiU  dans  la  DeUware. 
aler™*  1  ;  ;  ;  ;  '.  :  :  .*  :  î^"»  ^^^  *"*  ^«**«- 

*  L*astérique  iodique  un  bâtiment  pris  à  reoDemi. 

RÉGàPIinLATION. 


FRANÇAIS.  .    Vaisseaux 

Frégates.  •  .  .  .  . 
B&liments  de  rangâ  in- 
férieurs  

ANGLAIS.  .  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in 
férieon. 


Détraits 

Pris. 

oa 

Incendies. 

TOTAL. 

naufragés. 

» 

)> 

)) 

» 

2 

1 

i> 

5 

1 

» 

)> 

1 

» 

a 

» 

a 

i 

8 

» 

12 

6 

i 

» 

io 

ANNÉE  1779. 


Depuis  bientôt  un  an  que,  sans  déclaration  de  guerre, 
les  hostilités  étaient  commencées  entre  la  France  et  1  An- 
gleterre, TEspagne,  qui  n'avait  pas  abandonné  son  rôle  de 
médiatrice,  voyait  toutes  ses  propositions  repoussées  et  ne 
pouvait  obtettir  dÙ  gouvernement  anglais  la  trêve  illimitée 
qu'elle  avait  sollicitée  pour  son  alliée.  Bientôt  elle  eut  à 
traiter  pour  son  propre  compte,  et  le  roi  d'Espagne  dut 
demander  satisfaction  des  insultes  continuelles  aotqùeltes 
son  pavillon  était  en  butte ,  car  les  officiers  anglds  ne  ces- 
saient de  fouiller  et  de  piller  les  navires  esps^ois.  Il  tie  fut 
pas  plus  heureux  dans  cette  négociation  que  dans  la  pre- 
mière ;  les  réparations  qu'il  demandait  lui  furent  refusées 
d'une  manière  évasive.  Fatigué  de  voir  que  le  cabinet  de 
Londres  n'avait  d'autre  but  que  de  traîner  les  négociations 
en  longueur,  il  déclara  se  trouver  dans  la  nécessité  d'em- 
ployer tous  les  moyens  en  son  pouvoir  pwf  se  feire  justice 


BATAILLES.  — 1779.  SI 

Itii-Dfiétne,  fet  i!  accéda  aux  propositions  que  lui  fit  le  roi  de 
France  de  àe  joindre  à  lui  pour  venget  leurs  grieft  respec- 
tifs et  mettre  un  terme  à  Tempire  tyrannique  que  l'Angle- 
terre avait  la  prétention  d'exercer  sur  toutes  les  mers.  Une 
alliance  offensive  et  défensive  fut  conclue  entre  les  deux 
puissances,  et  elles  arrêtèrent  un  projet  d'armée  navale 
combinée  qui  pût  les  rendre  maîtresses  de  la  ûier  sur  les 
côtes  de  l'Océan,  D'immenses  armements  furent  faits  dans 
les  ports  de  Frâute  et  d^Espagne,  et  Ton  compta  bientôt 
30  vaisseaux  et  10  frégates  sur  la  rade  de  Brest.  Le  lieu- 
tenant général  comte  d'Orviliiers  fut  désigné  pour  cottl- 
mander  en  chef  Tarmée  combinée. 

Un  double  projet  de  descente  en  Angleterre  et  d'attaqUfe 
contre  Gibraltar  était  le  but  de  ces  armements.  &0,000  faom> 
mes  furent  échelonnés  isur  IfeS  côtes  de  Bretagne  et  de  Nor- 
mandie, prêts  à  s'élancer  de  l'autre  côté  de  la  Manche  au 
premier  signal.  Le  lieutenant  général  d'Orviliiers  devait 
combattre  d'abord  l'armée  anglaise  et  convoyer  ensuite  les 
transports  sur  lesquels  les  trotipes  seraient  embarquées. 

L'armée  navale  de  iFrance  mit  à  la  voile  le  3  juin,  et  se 
dirigea  sur  les  côtes  d'Espagne,  où  elle  devait  trouver  les 
vaisseaux  espagnols;  mais  elle  y  croisa  pendant  un  mois 
sans  en  voir  apparaître  tih  sfeul.  Les  officiers  généraux  es- 
pagnols  avaient,  en  effet,  montré  beaucoup  de  répugnance 
à  se  ranger  sous  les  ordres  d'un  officier  étranger,  et,  le 
2  juillet  seulement,  8  vaisseaux  et  2  frégates,  sortis  de  ïa 
Corogne  avec  le  lieutenant  général  D.  Antonio  I>ârcê,  ral- 
lièrent l'armée  française.  Vingt  jours  après,  28  autres  vais- 
seaux, 2  frégates,  2  corvettes  et  3  brûlot'â,  partie  de  Cadix 
sous  le  commandement  du  lieutenant  général  D.  Luis 
de  Cordovâ,  rallièrent  aussi  ;  l'armée  combinée  àiè  trou^ 
alors  forte  de  66  vaisseaux  et  1  â  frégates  ;  toutefois,  il  n'y 
eut  que  20  vaisseaux  espagnols  qui  se  rangèrent  sous  les 
ordres  du  lieutenant  général  d'Orviliiers;  les  autres  for- 
mèrent une  armée  indépendante,  dite  d'observation^  dont 
le  lieutenant  général  de  Gordova  prit  le  commandement. 


32  BATAILLES.  -^  1779. 

Cette  armée  combinée,  la  plus  forte  qu'on  eût  vue  depuis 
près  d'un  siècle,  était  composée  comme  il  suit  : 

Canons. 

74      Citoyen capitaine  marqais  de  Nieuii. 

70     San  Miguel —       don  Jaan  Moreno. 

80      Auguste —       de  Charitte. 

de  Rochechouart^  chef  d'escadre. 

64     Protée.  •  .  4 capitaine  Yalmenier  de  Cacqaeray. 

70     San  Pablo —       de  la  Villa. 

64      Éveillé —       chevalier  de  Balleroy, 

70      Arrogante -—        don  Fidel  Estaya.  ' 

100      Ville-de-Paris. —       Huon  de  Kermadec. 

comte  de  Guichen^  lieutenant  général. 

74      Glorieux capitaine  de  Beausset,  chef  d'escadre. 

70      Serio —       Morales. 

64      Indien —       de  Lagrandière. 

70      San  Pedro —       don  JoseDiaz  Branes. 

70     San  José —       don  Antonio  Orserno,  chef  d'esc. 

74      Palmier —       chevalier  de  Reals. 

74      Victoire —       chevalier  d'Albert  Saint-Hippolyte. 

Frégates  :  Surveillante,  Bellone,  Aigrette. 
Corvette  :  Favorite,  —  Cotre  :  Pilote. 

74     Zodiaque capitaine  de  Laporte-Vezins. 

70      Guerrero —       Lopez. 

76      San  Vincence —        

comte  Darce,  lieutenant  général. 

74      Scipion capitaine  comte  de  Gherisey. 

74     Bien-Aimé —       Daubenton. 

74      Actif —       ^araudin. 

78     San  Carlos —       Lassana,  chef  d'escadre. 

110     Bretagne —       Duplessis-Parseau. 

comte  d'Orvilliers^  lieutenant  général. 

74     Neptune capitaine  Hector^  chef  d'escadre. 

70      Vincedor -  —       Ramirez. 

74      Destin —       chevalier  de  Goriolis  d'Espinouse. 

70      San  Joaquim —       don  Carlos  de  Terres. 

70      S'«  Isabel —       don  Antonio  Posada^  chef  d'esc. 

74      Bourgogne —        de  Marin. 

64      Solitaire —       chevalier  de  Monteclerc. 

Frégates  :  Assumpcion,  Atalante,  Junon^  Concorde, 
Corvettes  :  Grana,  Curieuse^  Étourdie. 
Lougres  :  Chasseur,  Espiègle, 

74      Hercule .  capitaine  comte  d'Amhlimont. 

64      SeptentHon —       Fumes. 

83     Saint-Esprit —       chevalier  de  Médines. 

chevalier  d'Arzac  de  Ternay^  chef  d'escadre. 
74     Intrépide capitaine  Beaussier  de  Chateauvert,  Louis- 
André. 

70      San  Angel —       Ruites  Gordon. 

64      Bizarre —        Saint-Riveul. 

74      Conquérant —       chevalier  de  Monteil^  chef  d'esc. 

80      Rayo —       Giral. 

don  Miguel  Gaston^  lieutenant  général. 


BATAILLES.  —1779.  33 

70      San  Damas capitaine  don  Francisco  Borja.     '  • 

64      Actionnaire —  Larchantel. 

64      Alexandre —  de  Trémigoo,  aîné. 

70      Brillante —  Garazo. 

80      San  Luis —  don  Solano,  chef  d'escadre. 

64      Caton —  chevalier  de  Seillans. 

74      Pluton ,.       —  Destouches. 

Frégates  :  Diane,  N«  Serî^^del  Carmel,  Magicienne. 

Conrettes  :  Sénégal,  S*«  Catharina, 

Gdtre  :  Mutin, 

ESCADRE  LÉGÈRE. 

60      Saint-Michel. capitaine  chevalier  de  Labiochaye. 

60      Espana —       Avaoz. 

80     ^ouronrte —       chevalier  du  Breil  de  Rays. 

Levassor  de  Latouche,  lieutenant  général. 

53      Minho capitaine  don  Jos^Zalava. 

64      Triton —       Ghadeau  de  Laclocheterie. 

ESCA9RE    d'observation. 

110      SS<^  Trinidad capitaine  

don  Luis  de  Gordova,  lieutenant  général. 

80      San  Nicolas capitaine  Ventura  Moreno. 

Monarca, .  * —       Adrian  Gantin,  chef  d'escadre. 

San  Isidro —       don  ...  Lopez. 

San  Pascal —       don  Ponce  de  Léon,  chef  d'escadre  ; 

San  Rafaël —       Posligo. 

San  Eugenio ^       Domonte. 

Princesa —       don  ...  Léon. 

^  ,  Atlante —        don  Diego  Quevedo. 

San  Francisco  de  Asis.  .       —        

Velasco —        don  Diego  Munoz. 

Galicia. — -       Alberto. 

Oriente —       Perser. 

San  Francisco  de  Paula.  —        don  Alonzo  Rivas. 

San  Isidoro —       Saiafranca. 

Astuto —       Vallecilla. 

Frégates  :  S'«  Geriruda^  S'«  Rosina, 

Après  avoir  pris  connaissance  de  Tîle  d'Ouessant,  Tannée 
combinée  qui  manquait  déjà  d'eau  et  dé  vivres  et  qui  avait 
un  grand  nombre  de  malades  (1),  se  dirigea  sur  les  côtes 
d'Angleterre.  L'intention  du  commandant  en  chef  était 
d'aller  mouiller  dans  la  baie  de  Torbay,  d'y  faire  une 


(1)  L'état  de  situation  du  11  juillet  portait  à  1,0S5  le  nombre  des  malades  et 
à  174 celui  des  convalescents,  abord  des  vaisseaux  français;  ils  avaient  déjà 
perdu  48  hommes  et  412  avaient  été  envoyés  aux  hôpitaux  du  Ferrol  et  de  la 
Gorogoe^  pendant  que  l'armée  croisait  sur  la  côte  d'Espagne. 

11  3 


34  BATAILLES.  — 1779. 

répartition  égale  des  vivres  qui  se  trouvaient  encore  à  bord 
des  vaisseaux  et  d'y  attendre  ceux  qu'il  avait  fait  demander 
à  Brest.  Mais  lorsque,  le  17  août,  l'armée  arriva  à  la  hau- 
teur de  cette  baie,  les  vents  passèrent  à  l'Est,  grand  frais, 
et  elle  fut  obligée  de  louvoyer  pour  chercher  à  l'atteindre. 
Le  temps  fut  mauvais  pendant  plusieurs  jours.  Le  25,  le 
lieutenant  général  d'Orvilliers  ayant  eu  des  renseigne- 
ments précis  sur  Tarmée  anglaise,  fit  assembler  les  officiers 
généraux  en  conseil  pour  délibérer  sur  le  parti  qu'il  con- 
venait de  prendre.  Il  fut  exposé  que  quelques  vaisseaux 
avaient  jusqu'à  300  malades  et  n'avaient  ni  chirurgiens  ni 
médicaments  ;  que  d'autres  manquaient  d'eau  à  ce  point 
qu'ils  étaient  obligés  d'en  demander  chaque  jour  à  leurs 
voisins  \  que  plusieurs,  et  notamment  la  Bretagne^  n'avaient 
de  vivres  que  jusqu'au  25  septembre,  Le  conseil  décida 
d'une  voix  unanime  que,  dans  un  tel  état  de  choses,  il  se- 
rait imprudent  de  s'engager  dans  la  Manche  *,  qu'il  fallait 
aller  chercher  l'armée  anglaise  aux  Sorlingues,  ou  l'y  at- 
tendre. Le  conseil  décida  encore  qu'on  abandonnerait  la 
croisière  le  8  septembre,  et  que,  conformément  aux  ordres 
que  l'amiral  espagnol  avait  reçus  de  son  gouvernement,  les 
deux  armées  se  sépareraient  dès  qu'elles  pourraient  le  faire 
sans  inconvénients.  L'armée  combinée  se  dirigea  donc  sur 
les  Sorlingues. 

Le  31,  les  frégates  signalèrent  A3  vaisseaux;  c'était 
l'armée  anglaise.  Le  vent  était  alors  au  Nord.  L*amiral  sir 
Charles  Hardy  était  sorti  de  Spithead,  le  16  juin,  pour 
croiser  à  l'entrée  de  la  Manche,  et  il  avait  été  poussé  au 
large  par  les  grands  vents  d'Est  qui  avaient  régné.  Voici 
la  composition  de  cette  armée  : 

GanoDs. 

74      Resolution capitaine  sir  Ohaloner  Ogle. 

74      Invincible —  John  Laforey. 

74      Alfred —  William  Bayne. 

74      Culloden —  George  fialfour. 

74     Ràmiliks -^  Jofat  M^utrajc 

98     Duke *  .  «  .       —  sir  GharUs  Bouglas. 

tOO     Britannia —  M.  Pôle.  » 

George  Darby,  Tice- amiral. 


BATAILLES.— 4779.  35 

90  Union. capitaine  J.  Dalrymple. 

Ti  Alexander —       lord  Longford. 

7i  Mârlborough —       Taylor  Penny. 

7i  Defunck —        John  Simmons. 

6i  Intrepid —       honorable  S^  John. 

100  Royal  George —       John  Golpoys. 

sir  John  Lockart  Ross,  contre-amiral. 

7i  Tbitnderer capitaine  honorable  Walsingbam. 

74  Gumberland. —       Josias  Peyton. 

74>  Courageux —        lord  Mulgrave. 

74  Triumph. —        Philip  Affleck. 

90  LoKDON —       Samael  Gorntsh. 

100  ViCTOEY —        Kempenfelt. 

sir  Charles  Hardy,  amiral. 

80  FouimoYAKT.  «.....,  eapitaino  John  Jerris. 

9S  Formidable —       John  Stanton. 

74  Terrible —       sir  Richard  Bickerton. 

74  MoRARCB —       Adam  Duncan. 

74  Berwick —       honorable  K.  Stewart. 

64  Bienfaisant —        John  Macbride. 

74  Shrewsburt —       M.  Robinson. 

64  America S.  Thompson. 

74  Hector —        sir  John  Hamilton. 

74  Centaur —        P.  Notl. 

90  Namur —        Charles  Fielding. 

98  Prince  George —       Patte n. 

Robert  Digby^  contre-amiral. 

90  QuEEN capitaine  Alesander  Innés. 

74  Egmont —       C.  Allen. 

74  Canada «...       —       H.  Dalrymple. 

64  Prudent —       J.  Burnet. 

74  Valiant ~       G.  Goodall. 

74  Bedfort —       Edmund  Affleck 

50  Romney —        

52  Ambuscade,  Sodthampton,  Andromeda,  Apollo. 

28  Triton,  Milford,  Lizard. 

20  porcupine. 

14  cormorant,  swallow. 

12  KiLB,  Wolf. 

L* armée  anglaise  fut  chassée  dès  qu'elle  fut  aperçue; 
mais  le  vent  reprit  à  l'Est  et,  le  lendemain ,  elle  était  à  18  ou 
20  milles  au  vent,  en  position  d'entrer  à  Plymouth.  L'armée 
combinée  cessa  alors  sa  poursuite  et  laissa  arriver  pour 
aller  reconnaître  un  grand  nombre  de  voiles  que  les  vais- 
seaux de  l'arrière-garde  venaient  de  signaler  dans  TOuest. 
A  i""  de  l'après-midi,  on  reconnut  en  elles  un  convoi  hol- 
landais venant  de  Surinam. 

L'armée  combinée  continua  sa  croisière  jusqu'à  l'époque 
à  laquelle  il  avait  été  décidé qu  elle  effectuerait  son  retour; 


36  BATAiLLE&  —  I77f . 

dk  se  dirigea  alors  sur  OoessanL  Le  commandant  en  chef 
y  reçat  Tordre  de  roitrer  à  Brest  ;  fl  rnooiDa  sur  c^te  rade^ 
le  li  septembre.  Les  Taisseanx  espagnols  Fy  sonrirenL 

La  jonction  tardive  des  vaisseaux  espagnols  rendit  cet 
immense  armement  complètement  infmctenx.  L'^parition 
de  l'armée  combinée  jeta  cependant,  sur  les  cfttes  d'Angle- 
terre, une  terreur  telle  qu'on  n'en  avait  jamais  éprouvé  de 
semblable.  On  craignait  une  invasion,  et  les  mesures  de 
précaution  prises  par  le  gouvernement  ne  contribuèrent 
pas  peu  à  entretaûr  cette  idée.  La  panique  fut  encore  ang- 
meotée  par  une  proclamation  royale  qui  invitait  les  habi- 
tants de  la  côte  à  envoyer  dans  l'intérieur  leurs  chevaux, 
leurs  bestiaux  et  toutes  leurs  provisions. 

Cette  campagne  fut  très-funeste  aux  équipages  des  vais- 
seaux français.  Une  croisière  de  lOi  jours,  sans  qu'on  eût 
songé  à  embarquer  aucun  rafraicbissement ,  développa 
parmi  eux  une  maladie  épidémique  qui  enleva  un  grand 
nombre  d'bommes  et  empêcha  l'armée  de  reprendre  la  mer 
avant  la  fin  de  rannée.  Le  9  novembre,  le  lieutenant  gé- 
néral de  Cordova  quitta  Brest  avec  15  vaisseaux  espagnols 
et  2  frégates,  laissant  au  lieutenant  général  Gaston  le  com- 
mandement du  reste  de  l'armée  espagnole. 

Avant  de  terminer  la  relation  de  cette  malheureuse  et 
dispendieuse  campagne  à  laquelle  le  défaut  d'entente,  l'im- 
prévoyance  et  une  mauvaise  organisation  donnèrent  une 
issue  si  déplorable,  je  dirai  que  le  lieutenant  général  d'Or- 
villiers  ne  put  supporter  les  reproches  qui  lui  furent 
adressés  dans  celte  circonstance,  et  qu'à  son  arrivée  en 
France  il  quitta  le  service.  Ces  reproches  portaient  prin- 
cipalement sur  ce  que  l'armée  combinée  n'avait  pas  inter- 
cepté le  convoi  anglais  des  Antilles  qui  était  arrivé  en  An- 
gleterre le  8  août. 

Le  19  février,  le  chef  d'escadre  comte  de  Grasse  ar- 
riva à  la  Martinique  avec  les  vaisseaux  le  Robuste  et  le 
MagnifiQue  de  7li";  le  Dauphirir-Royal  de  70*=;  le  Vengeur 


BATAILLES.  — 1779.  37 

de  64*"  ;  la  corvette  la  Favorite,  le  cotre  Y  Alerte  et  le  vais- 
seau particulier  de  50*^  le  Fier-Rodrigue  qui  s'était  joint  à 
l'escadre.  Le  19  avril,  le  chef  d'escadre  marquis  de  Vau- 
dreuil  arriva  aussi  avec  les  vaisseaux  le  Fendant  et  le 
Sphinx.  Enfin,  le  27  juin,  le  vice-amiral  d'Estaing  reçut 
un  nouveau  renfort  de  6  vaisseaux  qui  lui  étaient  amenés 
par  le  chef  d'escadre  Lamotte-PÏquet.  C'étaient  l'^nnifta/ 
et  le  Diadème  de  74%  le  Réfléchi  et  Y  Artésien  de  64*;  YAm- 
phion  et  le  Fier  de  50°.  L'armée  navale  des  Antilles  se 
trouva  dès  lors  forte  de  25  vaisseaux. 

Le  30  juin,  le  vice-amiral  d'Estaing  appareilla  du  Fort- 
Royal  et  se  dirigea  sur  l'Ile  de  la  Grenade  qui  avait  été  cé- 
dée à  l'Angleterre  en  1768.  Le  2  juillet,  l'armée  mou^la 
dans  l'anse  Molinier,  et  1 ,400  hommes  de  troupes  furent  ni& 
à  terre.  Le  commandant  en  chef  marcha  de  suite  à  leur  tête 
sur  le  morne  l'Hôpital  où  les  Anglais  s'étaient  fortifiés,  et 
il  s'en  empara  dans  la  nuit  du  4  ;  le  gouverneur  se  rendit 
alors  à  discrétion.  100  pièces  de  canon  et  30  navires  du 
commerce  devinrent  la  propriété  des  vainqueurs,' qui 
firent  en  outre  700  prisonniers. 

Retenu  par  le  mauvais  temps  sur  la  côte  d'Amérique,  le 
vice-amiral  anglais  Byron  n'était  arrivé  que  le  6  janvier  à 
Sainte-Lucie  ;  il  en  était  parti  le  10  du  mois  suivant  pour 
se  porter  au-devant  du  commodore  sir  Josuah  Rowley  at- 
tendu d'Europe  avec  un  convoi.  Lorsque  ce  convoi  fut  ar- 
rivé, le  commodore  anglais  reçut  la  mission  d'aller  croiser 
au  vent  de  la  Martinique  avec  S  vaisseaux,  afin  d'empêcher 
les  divisions  attendues  de  France  de  se  joindre  à  Tescadre 
du  vice-amiral  d'Estaing.  Il  était  trop  tard  ;  aussi  IhiBom- 
modore  fut-il  bientôt  rappelé;  la  nouvelle  de  la  prise  de 
Saint-Vincent  motiva  d'ailleurs  le  ralliement  de  tous  les 
vaisseaux  qui  avaient  été  détachés.  Le  vice-amiral  By- 
ron fit  immédiatement  embarquer  des  troupes  pour  aller 
reprendre  possession  de  cetteîle  ;  mais,  sur  ces  entrefaites, 
ayant  appris  la  sortie  de  l'armée  frifiçaise,  il  renonça  à  ce 
projet  et,  appareillant  avec  21  vaisseaux,  le  3  juillet,  il  se 


38  BATAILLES. —4779. 

dirigea  sur  la  Grenade.  Le  6  au  jour,  l'armée  anglaise  pa- 
rut à  la  pointe  Nord  de  Tîle,  dans  l'ordre  ci-après  : 

Canons. 
74      SuFFOLK ....  capilaiDO  C.  Cbristian. 

sir  Josuah  Rowley,  commodore. 

7^     BoYVES.  .  • capitaine  Her.  Sawyer. 

74      Royal  Oak —        Filzherbert. 

74      Prince  of  Wales —       Hîll. 

hOBorable  Samuel  Earrifigton^  Tiee-anûrat 

74      Maonificent capitaine  J,  Elphinstone. 

64      Trident —       P.  Molioy. 

^     Medway —       EdmflndAffleck. 

74      Famé -^       Bulcbart. 

64      NoNsucH —       Waiter  Griffiths. 

74     Sultan. -<-       Alan  <jrardDer. 

98      Pbincess  Royal ^        William  Blair. 

John  Byron,  yice-amiral, 

74     Albion *.....  capitaine  (&eorge  Bowyer. 

64      Stirling  Gastle —       P.  Garkett. 

T4      Elizabeth —       William  Trascott. 

^4      Yabhoutil.  .....«.«       -^       Bateman. 

64     Lion »       honorable  William  Gornwallis. 

64      Vigilant —       Dîghy  Dent. 

74     €oNauEROR —       Havmond. 

Hyde  Parker,  contre-amiral. 

74     €oRNWALL capitaine  Tim.  Edwards. 

64     MoNMouTS.  ........       •—       Robert  Fanshaw. 

74      Grafton —        G.  Gollingwood. 

Frégate  Ariadne. 

Dès  que  les  Anglais  furent  signalés,  le  vice-amiral  d'Es- 
taing  fit  appareiller  son  armée  et  la  rangea  en  bataille,  les 
amures  à  tribord,  sans  avoir  égard  aux  postes.  Mais  la 
brise  était  très-faible  de  TE.-N.-E.,  et  ce  ne  fut  pas  sans 
difficulté  que  cette  manœuvre  put  être  exécutée.  Le  vice- 
amiral  Byron  voulant  profiter  de  sa  position  au  vent  et  de 
la  confusion  qui  devait  résulter  de  l'appareillage  instantané 
des  24  yaisseaux  français,  fit  signal  de  chasser  sans  ordre 
et  de  serrer  l'ennemi  au  feu.  Son  armée  courait  largue,  bâ- 
bord amures  ;  A  yaisseaux,  affectés  d'abord  à  la  garde  des 
navires  qui  portaient  les  troupes,  se  mêlèrent  aux  autres. 
Le  commandant  en  chef  de  l'armée  française  s'y  était  pris 
assez  à  temps  pour  n'être  pas  surpris;  et,  lorsque  les 
vaisseaux  anglais  furent  à  portée  de  canon,  ils  trouvèrent 
son  armée,  sinon  danstm  ordre  parfait,  du  moins  en  posi- 
tion de^  combattre  et  rangée  comme  il  suit  : 


BATAILLES.  — 1779.  39 

Canons. 

74      Zélé comte  de  Barras  Saint -Laurent^  chef  d'esc. 

6i      Fantasque capitaine  commandeur  de  Snff^en. 

74     Magnifique «-       cheYalier  de  Brach. 

80      Tonnant —       comte  de  Bruyères. 

comte  de  Breugnon^  lieutenant  gènëraL 

74     Protectenr capitaine  de  (irasse-Limermont. 

50      Fier —       choTalier  Turpln  de  Breuil. 

64      Provence —       Desmichels  de  Ghamporcin. 

74      Fendant -^       marquis  de  Yaadreuil,  chef  d'esc. 

64      Artésien —        de  Peynier. 

50      Fier^Rodrigue —       de  MontauU. 

74     Héros ^       chev.  Moriès-Castellet,  chef  d'esc. 

80      Languedoc —        de  Boulainvilliers. 

comte  d'Estaing,  vice-amiral. 

74     Robuste capitaine  comte  de  Grasse,  chef  d'escadre. 

64      Vaillant —       marquis  de  Chabert. 

50     Sagittaire —       d'Albert  de  Rions. 

74      Guerrier —       de  Bougainville^ 

64      Sphinx —       comte  de  Soulanges. 

74      Diadème,  «     *-       commandeur  de  Dampierre. 

50     Amphion —       chOYalier  Ferrou  de  Quengo, 

J  Marseillais —       de  Lapoype-Yertrieux. 

1  César —       de  Castellet,  ataé. 

de  Brèves,  chef  d'escadre» 

f  Vengeur capitaine  chevalier  de  Betz. 

^    \  Réfléchi —       Cillart  de  Suville. 

47     Annibal  (1).  ......  .       —       de  Lamotte -Piquet,  chef  d'esc. 

Kiogstown,  ville  principale  de  la  Grenade,  sur  la  côte 
occidentale  de  rtle,  est  bâtie  sur  une  langue  de  terre  qui 
ferme  au  Nord  le  petit  enfoncement  auquel  on  donne  le 
nom  de  port  et  dont  Touterture  est  à  l'Ouest.  La  rade, 
proprement  dite,  est  un  mouillage  sans  abri  du  large  dans 
le  Nord  de  la  ville.  La  côte,  depuis  la  pointe  Nord  de  File 
jusqu'à  Kingstown,  court  à  peu  près  Nord  et  Sud  ;  les  vents 
d'E.^N.-K  soufflent  donc  presque  perpendiculairement  à 
cette  direction.  Par  suite,  des  vaisseaux  venant  du  Nord 
et  courant  au  Sud  en  éloogeant  la  côte  pour  atteindre  le 
mouillage,  peuvent  passer  à  terre  ou  au  vent  d'une  es- 


niM  w  jL   ^Kn.i"mji  ,'A'VM»       ■ 'Jr*     ■! ,t»-yj  ■■     ■■'"■tjp.J  ■  ■  Il     >!■■ 


(1)  M.  de  Lapeyrouse,  Histoire  de  la  marine,  commet  une  erreur  en  portant 
à  25  le  nombre  des  vaisseaux  français  :  le  Dmphin-Royaf,  qui  s'était  échoué 
en  appareillaotduForl-Royal, n'avait pa^  encore  rallié*  —Le  viçQ-amirai  Byron 
est  encore  plus  loin  de  la  vérité  en  disant,  dans  son  rapport,  qu'il  compta  26 
ou  W1  vaisseau. 


40  BATAILLES.  -  1779. 

Cadre  qui,  en  appareillant  et  quoique  mettant  le  cap  au 
Nord,  se  souvente  toujours  quelque  peu. 

A  1^  30™,  la  tête  des  deux  armées  commença  le  combat 
et,  se  formant  en  ligne  à  mesure  qu'ils  arrivaient  à  la  hau- 
teur des  Français,  tous  les  vaisseaux  anglais  y  prirent  part 
successivement.  Le  Prince  of  Wales,  le  Boynes  et  le  Sultan, 
que  leur  supériorité  de  marche  avait  placés  de  l'avant, 
reçurent  seuls  d'abord  le  feu  de  Tavant-garde  française  et 
furent  très-maltraités.  Le  Grafton,  le  Cornwall,  le  Lion  et 
le  MoNMOUTH  qui  arrivèrent  ensuite,  le  furent  encore  da- 
vantage. Il  ne  pouvait  en  être  autrement,  le  mode  d'attaque 
de  l'amiral  anglais  permettant  à  tous  les  vaisseaux  fran- 
çais de  diriger  leur  feu  en  quelque  sorte  successivement 
sur  chacun  des  vaisseaux  ennemis,  avant  que  ceux-ci 
pussent  riposter.  Le  vice-amiral  Byron  ignorait  la  prise  de 
Kingtstown  et  gouvernait,  sans  appréhensions,  sur  la  baie 
de  Saint-Georges.  Mais  bientôt  il  aperçut  le  drapeau  de  la 
France  flottant  sur  ks  forts  qui  ne  tardèrent  pas  à  le  ca- 
nonner.  Il  fit  de  suite  serrer  le  vent  tribord  amures  tout  à 
la  fois  à  son  armée  et  le  combat  devint  général,  bien  que 
plusieurs  vaisseaux  français  souventés  n'y  prissent  qu'une 
part  fort  secondaire.  Vers  10*"  40"»,  le  vice-amiral  d'Estaing 
ordonna  à  ces  derniers  de  reprendre  leur  poste  dans  la 
ligne  et  il  laissa  un  peu  arriver  pour  faciliter  ce  mouve- 
ment. Les  avaries  du  Cornwall,  du  Monmouth  et  du  Lion 
étaient  telles,  que  bientôt  ces  3  vaisseaux  ne  purent  plus 
se  maintenir  en  ligne.  Démâté  de  son  grand  mât  de  hune 
et  de  son  mât  de  perroquet  de  fougue,  le  dernier  fit  route 
à  l'Ouest.  A  2^  15™,  l'armée  française  vira  vent  devant  tout 
à  la  fois.  Cette  manœuvre,  qui  compromettait  grandement 
les  3  vaisseaux  anglais  souventés,  fut  de  suite  imitée  par 
le  vice-amiral  Byron.  Cet  oflScier  général  ne  put  cepen- 
dant empêcher  que  le  Lion  ne  fût  séparé  des  siens.  Cela 
toutefois  n'eut  pas  de  conséquence,  car  le  commandant  en 
chef  de  l'armée  française  laissa  ce  vaisseau  continuer  sa  route 
sans  Tinquiéter  en  aucune  façon  ;  il  ne  s'occupa  pas  davaa- 


BATAILLES.— 1779,      '  41 

tage  du  CoRNWALL  et  du  Monmouth  et  retourna  au  mouil- 
lage. L'armée  ennemie  fit  route  pour  Saint-Christophe. 

Les  avaries  des  vaisseaux  anglais  étaient  très-graves  et, 
ainsi  que  le  dit  le  vice- amiral  Byron  dans  son  rapport,  il 
eût  été  possible  de  lui  en  prendre  plusieurs.  Mais  le  but 
principal  du  commandant  en  chef  de  Tarmée  française  était 
la  conquête  de  la  Grenade.  Or,  pour  s'emparer  deâ  vais- 
seaux souventés,  il  lui  eût  fallu  diviser  les  siens,  s'éloigner 
et  s'exposer  à  livrer  un  second  combat  qui  pouvait  com- 
promettre le  succès  de  l'expédition.  11  préféra  laisser  l'ar- 
mée anglaise  s'éloigner  et  retourner  prendre  son  mouillage, 
quoique  ses  .vaisseaux  eussent  peu  d'avaries. 

Le  capitaine  Ferron  de  Quengo  avait  perdu  la  vie,  ainsi 
que  le  capitaine  Montault  du  Fier -Rodrigue.  Les  capitaines 
Gillart  de  Suville,  de  Gastellet,  de  Dampierre  et  de  Retz 
étaient  blessés. 

Le  vice-amiral  d'Estaing  quitta  le  mouillage  de  la  Gre- 
nade dès  que  cela  lui  fut  possible,  et  après  s'être  assuré  que 
l'armée  anglaise  était  encore  à  Saint-Ghristophe,  il  rallia 
tous  les  navires  du  commerce  qui  devaient  effectuer  leur 
retour  en  Europe  et  il  fit  route  pour  Saint-Domingue  ;  le  15 
août,  il  mouilla  au  Gap  Français, 


Depuis  l'arrivée  du  vice-amiral  d'Estaing  sur  les  côtes 
d'Amérique,  dans  les  premiers  jours  du  mois  de  juillet 
1778,  nous  avons  vu  l'escadre  française  parcourir  tout  le 
littoral  de  l'Amérique  septentrionale  et  la  mer  des  Antilles 
pour  venir  en  aide  à  la  cause  de  Tindépendance  des  États- 
Unis,  porter  secours  à  nos  colonies  menacées  et  s'emparer 
de  quelques  possessions  anglaises.  De  récentes  instructions 
prescrivaient  au  commandant  en  chef  de  détacher  3  vais- 
seaux et  2  frégates  pour  aller  stationner  à  Saint-Domingue 
avec  le  chef  d'escadre  de  Lamotte-Piquet  ;  de  laisser  8  vais- 
seaux, 7  frégates,  3  corvettes  et  1  cotre  à  la  Martinique 
avec  le  chef  d'escadre  de  Grasse  ;  de  prendre  sous  son  es- 


42  BATAILLES.— 1T79, 

corte  toBs  les  navires  de  commerce  prêts  à  faire  route  et 
d'effectuer  son  retour  en  France  avec  les  vaisseaux  et  les 
frégates  qui  composaient  son  escadre  à  son  départ  de  Tou- 
lon. L'ezécuàon  immédiate  de  ces  instructions  pouvait  avoir 
le  résultat  le  plus  fâcheux  ;  le  parti  américain  avait  fait  des 
pertes  très-grandes  depuis  que  l'escadre  française  avait 
quitté  les  côtes  d'Amérique.  La  lutte  n'était  plus  égaie 
entre  les  parties  belligérantes,  car  les  Américains  n'avaient 
pas  de  marine.  La  ville  de  Savannah  et  toute  la  Géorgie 
étaient  au  pouvoir  des  Anglais  ;  la  Caroline  courait  des 
dangers  imminents,  Le  vice^miral  d'Estaing  ne  voulut  pas 
retourner  en  Europe  avant  d'avoir  rendu  un  dernier  service 
aux  Américains  et,  malgré  les  ordres  formels  qu'il  avait 
reçus,  cédant  aux  vives  sollicitations  du  consul  de  France 
à  Gbarlestown  et  à  celles  du  gouvernenr  de  la  Caroline,  il 
appareilla  du  Cap  Français,  le  16  août,  et  se  porta  sur  les 
côtes  de  Géorgie  avec  20  vaisseaux.  Le  31,  il  mouilla  de- 
vant la  rivière  de  Savannah  pour  appuyer  les  opérations  du 
général  américain  qui  voulait  faire  le  siège  de  cette  ville. 
Le  lieutenant  général  de  Breugnon,  gravement  malade  au 
moment  du  départ,  avait  été  remplacé  par  le  chef  d'es- 
cadre de  Barras  Saint-Laurent  ;  quelques  autres  change- 
ments avaient  été  la  conséquence  de  cette  mutation.  L'ar- 
mée navale,  sur  laquelle  8,000  hommes  de  troupes  des 
garnisons  de  la  Martinique  et  de  Saint-Domingue  avaient  été 
embarqués,  était  composée  conune  il  suit  ; 

Canons. 

!  Languedoc capitaine  Boulainvilliers. 
comte  d'Estaing^  Tice-amiral. 
Tonnant capitaine  de  PooteTès-Gien. 

comte  de  Barras  Saint* Laurent^  chef  d'eftc. 

César capitaine  de  Castellet^  atné. 

comte  de  Broves,  chef  d'escadre. 

Annibal capitaine  de  Lamotte-Piquet^  chef  d'esc. 

Robuste —       comte  de  Grasse,  chef  d'escadre. 

-.   ;  Fendant.  . —       marqaisde  Vaudrenil,  cfaef  li' 


Diadème —  commandeur  de  Dampierre. 

Marseillais —  Lapoype-Vertrieux. 

Zélé —  comte  de  Bruyères. 

Guerrier —  de  Bougainville. 

Hector .•  .  .  .  —  cbev.deMoriès-Castellet,ch.d'esc. 


BATAILLES,  — 1779.  43 

TU      Dauphin*  Royal,  ....  «  ~  Mitiioi  ée  Geii«mlly. 

Sphinx ~  comte  de  Soulanges. 

Artésien —  chevalier  de  Peynier. 

Réfléchi —  Ciilart  de  SuTÎlle. 

6i  ^  Vengeur.  •...;..-•  —  chevalier  de  Retz. 

Fantasque —  commandeur  de  Sufîren. 

Provence —  Desmichels  de  Ghamporcin. 

Vaillant —  marquis  de  Chabert. 

50      Sagittaire —  d'Albert  de  Rions. 

Frégates  :  Amazone,  Chimère,  IphigéniCy  Fortunée,  Blanche,  Bou- 
deuse, Cérès. 

Corvettes  :  Ellis,  Lively. 

Flûtes  :  Bricole^  Truite, 

Cotre  :  Alerte, 

Goëlette  :  Actif. 

Le  succès  semblait  devoir  couronner  cette  entreprise. 
L'arrivée  îno'pinée  de  l'armée  navale  remplit  les  Anglais 
d'épouvante;  mais  les  éléments  vinrent,  une  fois  encore, 
contrarier  les  opérations  du  vice-amiral  d'Estaing.  Le  2 
septembre,  l'armée  navale  reçut  un  coup  de  vent  du  S.-E, 
au  S.-O.;  le  Réfléchi,  qui  appareilla,  eut  toutes  ses  voiles 
emportées  et  perdit  son  mât  de  misaine.  La  Chimère  et  l'ii- 
lerle  cassèrent  leur  beaupré  ;  5  vaisseaux  eurent  leur  gou- 
vernail démonté,  et  sur  ce  nombre  3  le  perdirent  :  le  Lan- 
guedoc était  un  de  ces  derniers.  Toutes  ces  avaries  furent 
réparées  ;  mais  la  saison  avançait  et  il  n'y  avait  pas  de 
temps  à  perdre;  on  fit  donc  toutes  les  dispositions  d'at- 
taque. 

La  ville  de  Savannah  est  bâtie  à  quelques  milles  de  l'em- 
bouchure et  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  qui  porte  son 
nora.  Cette  rivière  est  barrée  par  un  grand  banc  qui  s'étend 
au  lai^e  et  sur  lequel  il  n'y  a  d'eau  que  pour  les  navires 
d'un  faible  tonnage.  Plusieurs  îles,  près  et  généralement 
dans  le  Nord  de  l'embouchure  de  la  rivière,  forment  de 
nombreux  canaux  par  lesquels  on  peut  aussi  y  entrer.  Le 
canal  de  Port-Royal  sépare  l'île  de  ce  nom  de  la  terre  ferme. 
Le  bras  de  mer  entre  cette  île  et  l'île  Sainte-Hélène,  qui  est 
plus  au  large,  porte  le  nom  de  Beaufort,  ville  située  dans 
le  N.-E.  de  Port-Royal.  L'île  Tybée  semble  être  le  prolon- 
gement des  terres  du  Sud  de  la  rivière.  La  prise  de  posses- 


44  BATAILLES,  — 1779. 

sîon  de  cette  île  avait  donc  une  grande  importance,  puisque 
de  ce  point  on  pouvait  surveiller  l'entrée  de  la  rivière  Sa- 
vannah  ainsi  que  l'entrée  Sud  des  canaux  et  empêcher  alors 
les  communications  par  mer  avec  Savannah.  Mais  surveiller 
l'entrée  Nord  de  ces  canaux  n'était  pas  moins  nécessaire. 
Voici  les  dispositions  que  prit  le  vice- amiral  d'Estaing.  Il 
plaça  le  capitaine  d'Albert  de  Rions  devant  l'entrée  Nord 
des  canaux  avec  le  Sagittaire  et  la  Lively^  capitaine  Coet- 
lando ,  et  le  capitaine  Lapérouse  plus  au  Nord,  à  la  hau- 
teur de  Charlestown,  avec  Y  Amazone.  Le  chef  d'escadre  de 
Lamotte-Piquet  eut  mission  de  surveiller  la  rivière  Hosaba, 
ou  Great  Ogechée,  distante  de  20  milles  au  Sud  dé  l'île 
Tybée,  cette  rivière  ayant  été  choisie  pour  le  débarquement 
des  troupes.  Enfin  YEllis,  capitaine  Fonteneau,  fut  envoyée 
en  croî^'-^re  devant  Tile  Sapello,  à  20  milles  aussi  au  Sud 
de  la  rivière  Ogechée-,  elle  s'appuyait  naturellement  sur  les 
5  vaisseaux  du  chef  d'escadre  de  Lamotte-Piquet.  Ces  dis- 
positions prises,  le  vice-amiral  d'Estaing  laissa  le  comman- 
dement supérieur  au  chef  d'escadre  de  Broves  et,  le  9,  il 
franchit  la  barre  de  la  rivière  Savannah  avec  les  frégates 
la  Chimère  de  26°,  capitaine  Trolong  Durumain,  la  Blan- 
che de  32,  capitaine  Barin  de  la  Galissonnière,  les  flûtes 
la  Bricole  et  la  Truite^  capitaines  de  Gostebelle  et  Chaste- 
net  de  Puységur,  opéra  un  débarquement  sur  l'île  Tybée  et 
s'en  rendit  facilement  maître.  On  s'occupa  de  suite  de 
mettre  les  troupes  à  terre.  Le  temps  était  assez  mauvais  et, 
soit  ignorance  des  localités,  soit  mauvais  vouloir  des  pi- 
lotes, les  embarcations  cherchèrent  pendant  trois  jours 
Tendroit  où  elles  devaient  débarquer  leurs  passagers  ;  quel- 
ques-unes furent  jetées  à  la  côte.  Le  16,  toutes  les  troupes 
étaient  rendues  à  Minghausen  ;  elles  y  campèrent.  Pendant 
ce  temps,  un  nouveau  coup  de  vent  vint  compromettre 
l'escadre,  qui  dut  mettre  sous  voiles  et  se  tenir  éloignée 
de  la  côte  pendant  plusieurs  jours.  Le  débarquement  des 
troupes  françaises  avait  une  importance  que  le  commandant 
de  la  place  de  Savannah  ne  se  dissimula  pas,  et  il  chercha 


BATAILLES.  — 1779.  45 

de  suite  à  arrêter  leur  marche  au  moyeu  d'uu  armistice. 
Cet  armistice  lui  fut  accordé  incousidérémeut  peut-être,  et 
il  sut  en  profiter  pour  faire  entrer  dans  Savannah  des  ren- 
forts sans  lesquels  il  n'aurait  pu  repousser  les  attaques  des 
Français  réunis  aux  Américains.  De  ce  moment,  il  rejeta 
toutes  les  propositions  qui  lui  furent  faites.  Il  fallut  dés 
lors  se  résoudre  à  un  siège  en  règle,  malgré  les  difficultés 
qu'offrait  le  transport  de  canons  montés  sur  affûts  marins 
et  des  munitions  qu'il  fallait  débarquer  des  vaisseaux.  Tout 
cela  conduisit  jusqu'au  3  octobre.  Les  batteries  ouvrirent 
leur  feu  dès  le  lendemain,  et  elles  le  continuèrent  pendant 
plusieurs  jours,  mais  sans  beaucoup  d'effet.  Le  temps  pres- 
sait cependant,  car  le  séjour  des  vaisseaux  sur  cette  côte, 
à  l'époque  de  l'année  où  l'on  était  arrivé,  n'était  pas  sans 
quelque  danger;  il  fallut  prendre  un  parti.  L'assaut  fut  ré- 
solu pour  le  9.  Le  vice-amiral  d'Ëstaing  le  dirigea  lui- 
même.  Cette  attaque  de  vive  force  n'ayant  pas  réussi,  on 
battit  en  retraite  et  les  troupes  furent  rembajquées.  Le 
commandant  en  chef  de  l'armée  navale  avait  reçu  une 
blessure  très -grave. 

Ne  voyant  désormais  aucun  inconvénient  à  mettre  à  exé- 
cution les  instructions  qui  lui  avaient  été  expédiées  de 
France,  le  vice-amiral  d'Ëstaing  ordonna  de  suite  les  dis- 
positions de  l'appareillage.  Le  Magnifique^  qui  avait  une 
voie  d'eau  considérable,  fut  dirigé  sur  la  Martinique  sous 
l'escorte  de  YAnnibal  et  du  Réfléchi  :  ces  trois  vaisseaux 
arrivèrent  isolément  à  leur  destination,  du  20  au  27  no- 
vembre, après  une  série  non  interrompue  de  coups  de  vent 
qui  leur  occasionnèrent  de  nombreuses  avaries.  Il  enjoignit 
au  chef  d'escadre  de  Grasse  de  partir  avec  le  Robuste^  le 
Fendant^  le  Diadème^  le  Sphinx^  ïlphigénie  et  YAlcesle; 
de  rapporter  les  troupes  qui  avaient  été  prises  aux  garni- 
sons des  Antilles,  et  de  prendre  en  passant  des  farines 
dans  la  Ghesapeak.  Quant  aux  vaisseaux  qui  étaient  partis 
de  Toulon,  ils  durent  se  tenir  prêts  à  mettre  sous  voiles. 
Ufl  dernier  coup  de  vent  de  N.-E,  vint,  ce  jour-là  même. 


46  COMBATS  PARTICULIERS.— 1779. 

compléter  la  séiie  des  contrariétés  qui  n'avaient  cessé  d'ac^ 
câbler  le  vice^amirat  d'Ëstaing  deptiis  son  arrivée  dans  ces 
parages  où^  par  on  pressentiment  assez  remarquable,  il 
avait  déclaré  ne  vouloir  rester  que  huit  jours.  Appareillés 
avec  le  commencement  du  coup  de  vent^  les  vaisseaux  du 
chef  d'escadre  de  Grasse  se  rendirent  isolément  et  direc- 
tement, les  uns  à  Saint-Domingue,  les  autres  à  la  Marti- 
nique; le  Fmdant  seul  entra  dans  la  Gbesapeak.  Le  15  jan- 
vier 17S0,  ce  vaisseau  arriva  au  Fort-Royal  delà  Martinique, 
chassé  par  S  vaisseaux  anglais  qui  le  canonnaient  depuis  le 
canal  de  la  Dominique. 

Les  vaisseaux  restés  devant  Savannab  éprouvèrent  de 
graves  avaries  :  quelques-uns  cassèrent  leurs  câbles  ;  d'au- 
tres s'abordèrent  L'escadre  se  trouva  dispersée  avant  même 
d'avoir  pu  être  ralliée.  Le  Languedoc  perdit  toutes  ses  an- 
cres et  eut  toutes  ses  embarcations  enlevées.  Obligé  de  tenir 
la  mer,  il  rencontra  la  Provence  le  9  du  mois  suivant.  Ce 
vaisseau  donna  au  Languedoc  une  des  deux  ancres  qui  lui 
restaient,  mais  ce  ne  fut  pas  sans  de  grandes  difficultés, 
eu  égard  à  la  violence  du  vent  et  à  Tétat  de  la  mer  qui 
était  fort  grosse.  Le  Languedoc  et  la  Provence  naviguèrent 
de  conserve  et  arrivèrent  à  Brest  le  7  décembre  ;  le  César 
et  le  Fantasque  y  entrèrent  le  9.  Le  Marseillais,  le  ZèU^ 
le  SagiUaire^  le  Protecteur  et  YExpériment  passèrent  le  dé- 
troit de  Gibraltar  et  allèrent  à  Toulon.  Le  Guerrier  mouilla 
à  Rochefort  ;  le  VailUmt  et  Y  Hector  entrèrent  à  Lorient.  Le 
Tonnant  relâcha  à  la  Havane. 


Pendant  que  les  escadres  de  la  France  et  de  l'Angle- 
terre étaient  aux  prises  dans  toutes  les  parties  du  monde, 
quelques  bâtiments  isolés  livraient  des  combats  que  je 
vais  rapporter  ci-après  : 

En  janvier,  c*était  la  frégate  de  82'*  la  Boudeuse^  capi- 
taine de  Grenier  qui,  se  rendant  en  France  avec  un  con- 
voi, chassa  la  corvette  anglaise  de  16''  Weazle,  capitaine 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1779.  47 

Lewis  Roberson,  soas  Tlle  Saint-Eustache,  et  lui  fit  ame- 
ner son  pavillon  aa  troisième  coup  de  canon.  Cette  cor- 
vette allait  en  Angleterre  annoncer  la  prise  de  Saintà-Lude. 


La  frégate  de  32"  Y  Oiseau,  capitaine  de  Tarade^  escor- 
tant un  convoi  de  Brest  à  Saint-Malo  rencontra»  le  31 
janvier,  k  la  hauteur  de  l'île  de  Bas,  la  frégate  anglaise 
de  32°  Apollo,  capitaine  Pownall.  Le  capitaine  de  Tarade 
chargea  le  cotre  YExpéditive  de  la  conduite  du  convoi  et, 
à  l'',  il  attaqua  la  frégate  ennemie.  Démâtée  de  son  grand 
mât  de  hune  et  du  mât  de  perroquet  de  fougue,  la  frégate 
française  amena  son  pavillon. 

V Oiseau  portait  26*  de  12  et  6  de  6. 

L'Apoixo  avait  le  même  armement. 


Un  fort  coup  de  vent  qui  s'était  déclaré,  le  5  février, 
avait  dispersé  un  convoi  parti  depuis  vîngt-cînq  jours  de 
Saint-Domingue  pour  France,  sous  l'escorte  de  la  frégate 
de  32*  la  Concorde,  capitaine  Le  Gardeur  deTilly,  et  avait 
occasionné  de  grandes  avaries  à  cette  frégate  dont  le 
grand  mât  avait  été  craqué  par  la  foudre.  Le  capitaine  de 
Tilly  s'était  vu  dans  la  nécessité  de  jeter  douze  canons  à 
la  mer.  Il  n'avait  pas  encore  réparé  le  désordre  de  sa  mâ- 
ture, qu*il  lui  fallut  combattre  un  corsaire  de  14  canons 
dont  il  s'empara. 

Le  18  février,  un  ennemi  plus  redoutable  se  présenta  à 
la  Concorde.  Chassée  parla  frégate  de  82* Congrès  (1),  la 
frégate  française  dont  la  voilure  était  forcément  réduite, 
fut  bîentM  atteinte  et,  à  9**  GO**  du  matin,  elle  commença 
le  feu.  Deux  heures  plus  tard,  le  capitaine  de  Tilly  reçut 
une  blessure  grave,  et  il  fut  remplacé  par  le  lieutenant  de 


■WBhi 


(1)  U  n'a  4tè  impossible  de  troufer  le  dov  du  capitaiM  de  cette  frégate; 


48  COMBATS  PARTICULIERS.  - 1779. 

vaisseau  de  Liniëres  qui  était  déjà  blessé.  Le  combat  dura 
encore  une  heure,  et  la  frégate  anglaise  s'éloigna. 
La  Concorde  était  armée  de  26  canons  de  12 

et  6     —    de   6. 
Ces  derniers  et  six  de  la  batterie  avaient  été  jetés  par- 
dessus le  bord. 

Le  règlement  de  1757  assignait  également  aux  frégates 
anglaises  de  32        —      —      26  canons  de  12 

et  6     —     de  6. 


Le  7  mars,  la  frégate  de  32*"  la  Minerve^  capitaine  cheva- 
lier de  Griniouard,  sortant  de  la  baie  des  Baradaires  de 
Saint-Domingue  avec  une  petite  brise  d'Est,  fut  chassée  par 
le  vaisseau  de  6A*'  Ruby  et  la  frégate  de  28""  Nigek  qui  avaient 
été  aperçus  au  vent  et  qui  tous  les  deux  faisaient  partie  de 
la  division  anglaise  en  croisière  devant  cette  île.  La  Minerve 
fut  d'abord  atteinte  et  canonnée  par  le  vaisseau.  La  lutte 
était  trop  disproportionnée  pour  être  acceptée  s'il  était 
possible  de  l'éviter;  le  capitaine  de  Grimouard manœuvra 
en  conséquence  et  il  parvint  à  s'éloigner  du  vaisseau,  mais 
il  fut  joint  par  la  frégate.  La  force  de  ce  nouvel  adversaire 
était  plus  en  rapport  avec  la  sienne  ;  aussi  accepta-t-il 
franchement  le  combat.  Choisissant  une  position  qui  le 
mettait  à  l'abri  des  boulets  du  Ruby,  il  dirigea  sur  la  Niger 
un  feu  si  vif  et  si  précis,  que  cette  frégate  se  trouva  promp- 
tement  dans  robligation  de  se  retirer  pour  se  réparer.  La 
Minerve  prit  alors  chasse  au  plus  près  ;  un  autre  vaisseau 
et  une  frégate  qu'on  sut  être  le  Bristol  et  I'Eclus  étaient 
en  vue.  La  crainte  de  ne  pouvoir  atteindre  un  port  de 
Saint-Domingue  avant  d'être  joint  décida  le  capitaine  de 
Grimouard  à  aller  mouiller  à  l'île  d'Inague. 


Séparé  depuis  quelques  heures  seulement  et  après  une 
chasse  du  vaisseau  Y  Intrépide  et  des  frégates  la  Gloire  et  la 
Sibylle  avec  lesquelles  il  croisait  devant  Ouessant,  le  capi- 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1779.  49 

taine  de  Labretonnière,  delà  frégate  de  32*  Y  Aigrette^  aper- 
çut, le  i8  mars  à  la  nuit  close,  et  à  6  milles  au  plus  de  la 
pointe  de  Saint-Mathieu,  une  frégate  qu'il  prit  pour  une 
de  ses  compagnes.  Attaqué  bientôt  après,  le  capitaine  de 
Labretonnière  revint  de  son  erreur  et  il  fit  riposter  avec 
tant  de  vigueur  à  son  audacieuse  ennemie  que,  après  une 
canonnade  de  deux  heures,  celle-ci  prit  le  large.  Mais,  soit 
que  les  avaries  de  la  frégate  anglaise  l'empêchassent  de 
gouverner,  soit  qu'elle  eût  eu  une  confiance  trop  grande 
dans  son  pilote,  à  11**  30",  elle  se  jeta  sur  l'île  Molène  et 
s'y  brisa;  l'équipage  fut  recueilli  par  les  habitants.  Cette 
frégate  était  I'Arethusa  de  Sô"",  capitaine  Marshall. 

V  Aigrette  portait  26  canons  de  8 

et   6     —      de  &. 
L'Arethusa  26  canons  de  12 

et  10     —     de  6. 


Les  îles  Jersey  et  Guemesey,  qui  avaient  appartenu  suc- 
cessivement au  roi  de  France,  aux  évêques  d'Avranches, 
de  Dol  et  de  Coutances,  avaient  été  apportées  à  l'Angle- 
terre, en  1066,  par  Guillaume  le  Conquérant,  et  réunies  dé- 
finitivement à  ce  royaume  en  1168.  Ces  îles,  par  leur  posi- 
tion géographique,  inquiétaient  trop  le  commerce  maritime 
de  la  côte  N.-O.  de  la  France,  pour  que  le  gouvernement 
ne  songeât  pas  à  s'en  emparer.  Le  21  avril,  une  flottille  de 
bateaux  de  pêche,  portant  1,500  hommes  de  troupes,  sortit 
de  Saint-Malo  sous  l'escorte  des  frégates  de  26*^  la  Danaéy 
capitaine  chevalier  de  Kergariou-Coatlès  et  la  Diane;  de 
la  corvette  de6*'la  Valeur;  de  la  gabare  de  8**  Y  Écluse  et  du 
cotre  de  6*^  la  Guêpe.  Contrariée  par  une  grande  brise  du 
large,  cette  flottille  fut  forcée  de  rentrer  le  jour  même,  et 
une  série  non  interrompue  de  vents  de  la  même  partie  la 
retint  dans  le  port  pendant  le  reste  du  mois.  Ce  temps 
suflSt  pour  que  le  bruit  d'une  expédition  contre  Jersey  tra- 
versât le  canal,  et  toute  surprise  devint  impossible.  Ce 

IL  4 


50^  COMBATS  PARTICULIERS.  —1779. 

projet  ne  fut  pourtant  pas  abandonné.  La  petite  division 
française  appareilla  de  nouveau  et  mouilla,  le  1"  mai^  dans 
la  baie  de  Saint-Ouen  de  Jersey  ;  mais  le  vent  ayant  passé 
au  N.  0.  «  les  faibles  embarcations  employées  pour  le  trans- 
port des  troupes,  et  dont  on  voulait  se  servir  pour  le  débar- 
quement, ne  purent  rester  au  mouillage,  et  rexpédition  re- 
tourna &  Saint^Malo. 


Les  deux  vaisseaux  de  74*=  la  Bourgogne  et  la  Victoire^ 
capitaines  de  Marin  et  d*  Albert  Saint-Hippolyte,  se  rendant 
de  Toulon  à  Brest,  chassèrent,  le  4  mai,  à  leur  sortie  du  dé- 
troit de  Gibraltar,  les  frégates  anglaises  de  32*^  Montréal 
'et  Thetis  qu'ils  parvinrent  à  atteindre.  La  Bourgogne  at- 
taqua la  première  et  la  Victoire  combattit  l'autre.  Celle-là 
fut  assez  facilement  réduite  ;  mais  plus  heureuse  que  sa 
compagne,  la  Thetis  parvint  à  se  soustraire  à  la  poursuite 
de  son  redoutable  adversaire  qui  ne  put  l'empêcher  d'entrer 
à  Gibraltar. 


Les  frégates  de  26''  la  Danaé ,  capitaine  de  Kergariou- 
Coatlëset  la  Diane ,  la  corvette  de  6''  la  Valeur^  la  gabare  de 
S*'  Y  Écluse  et  le  cotre  de  6*  la  Guêpe ^  sortis  de  Saint^Malo 
le  13  mai,  furent  chassés  immédiatement  par  le  vaisseau 
anglais  de  ôO""  Experimi^nt,  capitaine  sir  James  Wallace; 
la  frégate  de  36  PalLâs,  capitaine  Thomas  Spry  ;  les  cor- 
vettes Umigorn^  capitaine  John  Ford,  Fortune  de  20«et 
le  brig  de  12  Gâbot,  capitaine  Edmund  Dodd.  Après  avoir 
essuyé  deux  volées,  les  bâtiments  français  allèrent  s'é- 
chouer soùs  une  petite  batterie  de  3  canons,  dans  la  baie  de 
Gancale.  La  détermination  des  of&ciers  français  n'arrêta 
pas  le  capitaine  Wallace  ;  à  midi  30"*,  il  entra  à  pleines  voi- 
les dans  la  baie  de  Gancale  avec  sa  division  et  dirigea  un 
feu  des  plu»  vifs  sur  les  Français  ;  ceux*ci  répondirent  d'a- 
bord avec  vigueur,  mais  la  batterie  de  terre  ayant  cessé  de 
tirer,  par  suite  de  l'explosion  de  Tune  de  ses  trois  pièces, 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  4T79 J  54 

l'équipage  de  la  Danaè  se  précipita  dans  les  embarcations 
et  se  rendit  à  terre.  Incapable  d'arrêter  ce  naouvement  qui 
avait  lieu  sans  son  ordre,  le  capitaine  de  Kergariou  fut  obligé 
d'abandonner  la  frégate,  sans  pouvoir  même  y  mettre  le 
feu,  car  il  n'avait  plus  le  moyen  d'en  retirer  les  malades 
et  les  blessés* 

L'exemple  donné  par  l'équipage  de  la  Danaé  fut  imité 
par  les  marins  des  autres  bâtiments. 

Les  Anglais  parvinrent  à  remettre  la  Danaé  à  flot  ;  ils 
incendièrent  les  trois  autres  bâtiments.  La  Valeur  et  VÊ- 
clu$e  furent  consumées  ;  mais  on  parvint  à  se  rendre  maître 
du  feu  à  bord  du  cotre  qui  fut  rentré  à  Saint-Malo. 


iriMMMbaMlw 


Au  mois  de  mai,  alors  qu'elle  se  rendait  à  la  Martinique 
avec  la  division  du  chef  d'escadre  de  Lamotte-Piquet,  la 
frégate  de  32*=  la  Blanche,  capitaine  Barin  de  la  Galisson- 
niëre,  eut  un  engagement  avec  un  vaisseau  anglais.  Le  21, 
cet  oSicier  reçut  l'ordre  d'aller  reconnaître  deux  bâtiments 
qu'on  apercevait  à  l'horizon.  C'était  le  vaisseau  anglais  de 
ôO""  Jupiter  qui  amarinait  un  des  navires  du  convoi  que  la 
division  française  escortait.  La  force  de  cet  adversaire  n'ar- 
rêta pas  le  capitaine  de  la  Galissonnière  ;  il  se  plaça  par  son 
travers  et  lui  envoya  sa  volée*  Le  Jumtër  abandonna  sa 
prise  et  s'éloigna. 


^mm^lti*^ 


Le  2  juin,  la  frégate  de  26"  la  Prudente,  capitaine  vicomte 
d'Escars,  se  rendant  de  Gonave  à  Léogane,  à  l'entrée  de 
la  baie  du  Port-au-Prince  de  Saint-Domingue,  fut  attaquée 
par  les  vaisseaux  anglais  Eolus,  Ruby  et  la  corvette  Ja- 
MAiGAi  et  prise  après  une  vaillante  résistance. 


Chassée^  le  22  juin,  près  d'Ouessant,  par  une  division 
anglaise^  la  frégate  de  26''  V Hélène,  capitaine  vicomte  de 


52  COMBATS  PARTICULIERS.  —  i779. 

Montguyot,  se  rendit  à  la  frégate  de  32"  Ambusgâde,  après 
une  courte  résistance. 


Le  21  juillet  la  frégate  anglaise  de  26'^  King  George  fut 
prise  par  la  frégate  de  32  la  Concorde,  capitaine  Le  Gardeur 
de  Tilly. 

Pendant  que  l'armée  combinée  de  France  et  d'Espagne 
luttait  contre  les  vents  d'Est  à  l'entrée  de  la  Manche,  la 
frégate  de  32*^  la  Jwnon,  capitaine  Bernard  deMarigny,  qui 
enïaisait  partie  poursuivit,  jusqu'à  l'entrée  de  la  rade  de  Ply- 
mouth,  2  navires  qu'elle  ne  put  atteindre.  Le  17  août,  le  ca- 
pitaine de  Marigny  faisait  route  pour  rallier  l'armée  qui  était 
à  grande  distance  lorsque,  vers  8*»  du  matin,  il  aperçut  un 
vaisseau  anglais  sous  la  terre  et  le  chassa.  Ce  vaisseau  était 
TARDENT  de  6a'',  capitaine  Philip  Boteler;  il  fit  vent  ar- 
rière. La  Junon  l'eut  bientôt  atteint  et  elle  lui  envoya  une 
bordée  par  la  hanche  de  bâbord.  Ayant  remarqué  que  les 
sabords  du  vaisseau  n'étaient  ouverts  que  d'un  côté,  le  ca- 
pitaine de  Marigny  en  conclut  que  les  dispositions  de  com- 
bat n'étaient  pas  faites  des  deux  bords.  Passant  de  suite  à 
poupe  de  1' Ardent,  il  lui  envoya  une  volée  d'enfilade  et, 
reprenant  sa  première  route,  il  le  combattit  par  l'autre 
hanche.  Les  suppositions  du  capitaine  de  la  Junon  étaient 
justes,  et  il  eut  le  temps  de  tirer  plusieurs  bordées  avant 
que  le  vaisseau  pût  lui  répondre.  La  frégate  de  32*^  la  Gen- 
tiUcy  capitaine  baron  de  La  Hage,  rallia  la  Junon  sur  ces  en- 
trefaites. L'Ardent  ne  résista  pas  longtemps  à  ces  deux  an- 
tagonistes ;  à  11**  30"  il  amena  son  pavillon.  Gomme  il  n'en 
continuait  pas  moins  à  faire  route,  les  frégates  de  32*"  la 
Bellone  et  la  Gloire,  qui  se  portaient  en  aide  à  leurs  com- 
pagnes, lui  envoyèrent  une  volée  et  lui  barrèrent  le  passage^ 
il  mit  alors  en  panne. 

Le  gouvernement  anglais  trouva  que  le  capitaine  Boteler 
n'avait  pas  suffisamment  prolongé  sa  défense  ;  il  fit  traduire 


COMBATS  PARTICULIERS.  -  1779.  53 

cet  officier  devant  un  conseil  de  guerre  qui  le  condamna  à 
être  renvoyé  du  service. 


Le  18  août,  le  cotre  de  IS''  le  Mutin  ^  capitaine  chevalier 
de  Roquefeuil,  qui  venait  de  sortir  de  Brest,  porteur  d'or- 
dres pour  le  commandant  en  chef  de  l'armée  combinée 
franco-espagnole,  enleva  à  l'abordage  le  cutter  anglais  de 
12*  Active. 

Un  convoi  de  navires  se  rendant  en  France,  sorti  du  Gap 
Français  de  Saint-Domingue,  le  16  août,  en  même  temps 
que  l'armée  navale  du  vice-amiral  d'Estaing,  fut  dispersé, 
à  la  hauteur  des  Bermudes,  par  le  coup  de  vent  qui  assail- 
lit cette  armée.  Ce  convoi  était  escorté  par  le  vaisseau  de  ôO*" 
le  Fierj  capitaine  chevalier  Turpin  de  Breuil,  le  Protecteur 
de  7â,  capitaine  de  Grasse-Limmermont  et  les  frégates  la 
Minerva^  Y  Aimable  de  26'  et  YAlcmène  de  32,  capitaine 
chevalier  de  Bonneval.  Le  Protecteur ^  la  Minerva  et  l'ilt- 
mable  arrivèrent  en  France.  Le  Fier  relâcha  à  la  Martinique 
sans  grand  mât,  sans  mât  d'artimon  et  sans  petit  mât  de 
hune.  VAlcmène  tomba  dans  la  division  du  contre-amiral 
anglais  Parker  et  fut  chassée  par  2  vaisseaux  et  la  fré- 
gate de  32*^  Proserpine.  Démâtée  de  l'un  de  ses  mâts  et 
entièrement  délabrée,  elle  fut  jointe  bientôt  par  la  frégate. 
Incapable  d'aucune  résistance  dans  l'état  où  était  YAlcmène^ 
le  capitaine  de  Bonneval  amena  son  pavillon  en  vue  de  la 
Martinique. 

La  flûte  de  IS""  le  Compas^  capitaine  Dubois,  qui  faisait 
partie  du  convoi  parti  de  Saint-Domingue  au  mois  d*août, 
fut  prise  par  la  frégate  anglaise  de  28**  Boreas,  après  un 
rude  engagement  de  vingt  minutes. 


54  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1719. 

Cinq  jours  après  la  prise  de  la  frégate  YÀlcmène,  la  fré- 
gate anglaise  de  32*"  Proserpine  fit  amener  la  frégate  de 
2A''  le  Sphinx^  capitaine  Mallevault. 


Sur  l'avis  qu'il  venait  de  recevoir  qu'une  frégate  anglaise 
devait  sortir  de  Sainte-Lucie  avec  deux  navires  chargés  de 
munitions  de  guerre  pour  la  Barbade,  le  capitaine  cheva- 
lier de  Langan-Boisfévrier,  de  la  frégate  de  32'  YAm- 
philrite^  alla'  s'établir  en  croisière  sur  leur  passage.  Le  5 
septembre,  il  aperçut  ces  bâtiments,  les  perdit  de  vue 
et  ne  les  retrouva  que  le  9,  dans  le  N.-O.  de  la  Gre- 
nade :  la  frégate  était  le  Sphinx  de  2â",  capitaine  Sulton. 
A  11**  du  matin  YAmphitrite  commença  le  feu.  La  frégate 
anglaise  riposta  vigoureusement  ;  mais  la  chute  de  son  grand 
mât  de  hune,  et  l'état  dans  lequel  furent  bientôt  mis  le  reste 
de  sa  mâture,  ses  voiles  et  son  grément,  forcèrent  le  capi- 
Sulton  à  reconnaître  la  supériorité  de  la  frégate  française  ; 
à  1*»,  il  fit  amener  le  pavillon. 

VAmphitrite  portait  26°  de  12  et  6  de  6. 
Le  Sphinx         —    20  de    9  et  A  de  4. 


Le  10  septembre,  la  frégate  ^e  26'  Y  Amazone^  capitaine 
de  Lapérouse,  qui  faisait  partie  de  l'armée  du  vîce-amiral 
d'Estaing,  chassa  la  corvette  anglaise  de  20*  Aribl,  capi- 
taine Thomas  Mackensie.  V Amazone  fut  bientôt  à  portée 
de  pistolet  de  cette  corvette  et  elle  engagea  un  combat 
qui  cessa  après  une  heure,  lorsque  I'Ariel  eût  été  démâtée 
de  son  grand  mât  et  de  aon  mât  d'artimon  ;  le  mât  de  mi- 
sAipe  s'abs^ttit  presque  en  même  temps  que  le  pavillon  de 
U  corvette  anglaise. 


•^^- 


Informé  que  le  vaisseau  de  50*"  Experiment,  capitaine 
sir  James  Wallace,  devait  sortir  de  New- York  avec  un 


COMBATS  PARTICULIERS.  —4779.  55 

convoi  pour  Savannah,  le  chef  d'escadre  de  Broves  qui,  on 
doit  se  le  rappeler,  avait  pris  le  commandement  supé- 
rieur de  l'armée  navale  qui  opérait  sur  la  côte  d'Amérique 
pendant  que  le  vice-amiral  d'Estaing  faisait  le  siège  de 
Savannah,  adjoignit  les  vaisseaux  le  Fendant  et  le  Zélé  au 
Sagittaire^  afin  de  barrer  le  passage  au  vaisseau  et  à  son 
convoi.  Le  capitaine  d'Albert  de  Rions,  qui  commandait 
le  Sagittaire^  aperçut  TExperiment,  le  24  septembre.  Le 
vaisseau  anglais  n'avait  que  des  mâts  de  fortune  et  cepen- 
dant, quoique  le  Sagittaire  fût  un  des  bons  marcheurs  parmi 
les  vaisseaux  de  50%  il  eut  de  la  peine  à  l'atteindre.  Le 
vaisseau  anglais  amena  son  pavillon  après  une  courte  ré- 
sistance; il  avait  à  bord  150,000  piastres.  Trois  transports 
chargés  de  vivres  et  d'effets  d'habillement  furent  aussi 

amarinés. 

.  ■ .  ■  ■  I»  Il 

Forcé  de  rester  dans  l'inaction  par  suite  de  l'affaiblis- 
sement des  équipages,  le  lieutenant  général  Duchaffault, 
qui  avait  pris  le  commandement  de  l'armée  navale  de 
rOcéan,  faisait  surveiller  les  mouvements  de  l'ennemi  par 
de  nombreux  croiseurs.  Le  2  octobre,  les  cotres  de  14"  le 
Filote  et  le  Mutin ,  capitaines  de  Closnard  et  chevalier  de 
Roquefeuil,  tombèrent  dan%une  division  de  l'armée  navale 
anglaise  de  la  Manche,  et*furent  chassés  parle  vaisseau 
de  ôO*'  Jupiter,  ca^taine'^eynolds  et  les  frégates  Apollo 
de  82  et  Crescent  de  28.  Le  Mutin^  totalement  dégféé, 
amena  le  premier  son  pavillon.  Le  ViXote  fut  d'abord  ca- 
nonné  parla  Crescent  gui  l'abandonna;  mais,  joint  bien- 
tôt par  l'autre  frégate,  le  capitaine  de  Closnard,  qui  était 
blessé,  amena  aussi  son  pavillon. 


Le  4  octobre,  la  frégate  de  32*'  la  SuredMante^  capitaine 
Ducouédic  de  Kergoualer  et  le  cotre  de  10°  l'Expédition, 
capitaine  vicomte  de  Roquefeuil,  appareillèrent  de  Brest 
pour  observer  les  mouvements  de  l'armée  ennemie,   Le 


56  COMBATS  PARTICULIERS.— 1779. 

même  jour,  la  frégate  anglaise  de  36  "^  Québec,  capitaine 
George  Farraer,  accompagnée  du  cutter  de  10  '^  Rambler, 
capitaine  George,  sortit  d'un  port  d'Angleterre  avec  la 
même  mission.  Ces  quatre  bâtiments  s'aperçurent  le  6,  à 
i5  milles  de  l'Ile  d'Ouessant  ;  le  vent  soufflait  de  l'Est,  joli 
frais.  La  frégate  française  tenait  le  plus  près,  tribord  amu- 
res ^  le  Québec,  qui  était  au  vent,  courant  largue,  serra 
de  suite  le  vent,  bâbord  amures  et  diminua  de  voiles.  Cette 
espèce  d'invitation  de  l'officier  anglais  fut  comprise  par  le 
capitaine  de  la  Surveillante  ;  il  vira  de  bord  et  se  mit  sous 
les  huniers,  voilure  que  portait  aussi  le  Québec.  Cette  der- 
nière frégate  n'avait  serré  le  vent  que  pour  faire  ses  dispo- 
sitions de  combat  -,  bientôt  elle  se  rapprocha  de  la  frégate 
française;  à  11'*  elle  en  était  à  demi-portée  de  canon.  La 
Surveillante  ayant  alors  commencé  à  la  canonner,  elle  loffa 
du  même  bord  que  la  frégate  française.  Après  une  heure 
de  vigoureuse  canonnade,  la  frégate  anglaise  laissa  arriver 
pour  passer  derrière  la  Surveillante  ;  mais  le  capitaine  Du- 
couédic  prévint  cette  manœuvre  en  laissant  lui-môme  arri- 
ver en  grand  ;  et,  lorsque  sa  frégate  reçut  la  bordée  du 
Québec,  elle  lui  présentait  le  côté  de  tribord.  Le  grément 
et  la  voilure  des  deux  frégates  étaient  déjà  tellement  ha-  ' 
chés,  qu'elles  durent  contini^r  le  combat  grand  largue, 
les  amures  à  tribord.  L'engagement  durait  depuis  deux 
heures  et  demie,  lorsque  la  Sillrmillant^  fut  démâtée  de  ses 
trois  mâts  qui,  fort  heureusement,  tombèrent  sur  bâbord. 
Cinq  minutes  plus  tard,  la  mâture  du  Québec  était  aussi 
abattue  en  entier,  mais  sur  l'arrière,  et  sa  batterie  des  gail- 
lards se  trouva  engagée  dans  toute  sa  longueur.  Le  capi<- 
taine  Ducouédic  avait  déjà  reçu  deux  balles  dans  la  tête. 
Au  moment  où,  profitant  des  embarras  de  la  frégate  an- 
glaise, il  allait  l'aborder,  une  autre-  balle  l'atteignit  dans 
le  bas-ventre.  Ces  blessures  ne  lui  firent  cependant  pas 
quitter  le  pont;  il  y  donna  des  ordres  jusqu'à  la  fin  du 
combat  et  ce  fut  lui  qui  conseilla  d'aborder  la  frégate  an- 
glaise. Pendant  que,  A  bord  de  la  Surveillante^  on  faisait 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1779.  57 

les  dispositions  pour  sauter  à  l'abordage,  on  vit  une  fumée 
épaisse  sortir  par  les  écoutilles  et  par  les  sabords  de  la  fré- 
gate anglaise,  puis  bientôt,  des  flammes  qui  mirent  le  feu 
aux  voiles  et  aux  agrès  qui  couvraient  le  pont.  Le  Québec 
était  alors  très-près  de  la  Surveillante  et  un  peu  de  l'a- 
vant; à  défaut  d'embarcations  qui,  toutes,  avaient  été  dé- 
truites, celle-ci  se  servit  d'avirons  de  galère  pour  s'éloigner. 
Mais  une  masse  semblable  n'était  pas  facile  à  mouvoir  et 
avant  qu'on  eût  pu  parvenir  à  écarter  quelque  peu  la  fré- 
gate française,  le  Québec  fit  une  abattée  sur  bâbord  et 
tomba  en  travers  sous  son  beaupré.  Le  feu  se  communiqua 
de  suite  aux  voiles  et  aux  cordages  qui  étaient  en  pendant 
au-dessous  de  ce  mât.  L'officier  auxiliaire  Dufresneau  qui 
commandait  alors  sous  la  direction  du  capitaine  Ducouédic 
—  tous  les  autres  officiers  étaient,  ou  tués  ou  gravement 
blessés  —  fit  de  suite  couper  le  bout-dehors  de  foc  et  par- 
vint à  dégager  la  Surveillante.  Poussée  par  la  brise,  la  fré- 
gate anglaise  courut  de  l'avant  en  élongeant  son  adversaire 
par  bâbord  ;  elle  n'en  était  pas  à  plus  de  cent  mètres  qu'elle 
sauta.  Il  était  5^. 

Ce  fut  alors  seulement  que,  vaincu  par  l'intensité  des 
souffrances  que  lui  causaient  ses  blessures,  le  capitaine  Du- 
couédic cessa  de  donner  des  ordres.  L'enseigne  Dufresneau 
fit  immédiatement  travailler  à  boucher  les  nombreux  trous 
de  boulets  par  lesquels  l'eau  entrait  en  quantité  telle,  que 
la  frégate  était  menacée  découler.  11  établit  ensuite  des 
mâts  de  fortune  et  fit  route  pour  rentrer  à  Brest. 

VEûcpédition  et  le  Rambler  n'étaient  pas  restés  specta- 
teurs de  la  lutte  des  deux  frégates  ;  ils  avaient  combattu 
avec  acharnement  jusqu'au  moment  où  le  feu  s'était  déclaré 
à  bord  du  Québec  Le  cutter  anglais  ayant  alors  détaché 
une  embarcation  vers  cette  frégate,  le  capitaine  de  Roque- 
feuil  fit  cesser  de  tirer  sur  lui  ;  et,  oubliant  l'anîmosité  qui, 
un  moment  avant,  les  portait  l'un  contre  l'autre,  les  deux 
cotres  se  dirigèrent  vers  le  lieu  du  désastre.  Le  capitaine 
de  Y  Expédition  ne  s'éloigna  que  lorsqu'il  n'eut  plus  aucun 


58  COMBATS  PARTICULIERS. --1779. 

espoir  de  sauver  des  malheureux  se  débattant  contre  la 
mort  dans  les  flots.  Il  se  dirigea  alors  sur  la  Surveillante 
et,  à  11*»  30"^,  il  la  prit  à  la  remorque.  Traînée  par  les 
bateaux  pêcheurs  qui,  en  F  apercevant,  étaient  allés  à  sa 
rencontre,  la  frégate  française  mouilla  le  lendemain  soir 
à  Camaret;  le  8  au  matin,  elle  entra  à  Brest,  remorquée 
par  les  embarcations  de  Tarmée  navale.  Le  capitaine  Du- 
couédic  mourut' de  ses  blessures  trois  mois  plus  tard  (1). 

48  Anglais  étaient  parvenus  à  atteindre  la  Surveillante 
après  l'explosion  du  Québec;  Y  Expédition  en  avait  sauvé 
8,  le  Rambler^  17;  eîifin  un  navire  suédois  en  recueillit  13, 
ce  qui  faisait  un  total  de  81  hommes.  On  n'entendit  plus 
parler  du  capitaine  Farmer  qui  avait  reçu  deux  blessures 
lorsque  sa  frégate  fit  explosion. 

On  a  prétendu  que  le  capitaine  Farmer  avait  quitté  le 
commandement  du  vaisseau  de  80*  Foudroyant,  pour 
prendre  celui  du  Québec  ,  à  la  suite  d'un  pari  dans  lequel 
il  s'était  fait  fort  de  débarrasser  l'Océan  des  frégates  fran- 
çaises et  de  conduire  en  Angleterre  la  première  qu'il 
rencontrerait.  Je  ne  rapporte  ce  bruit  que  sous  toutes 
réserves.  J'aurai  cependant  plusieurs  fois  l'occasion  de 
signaler  de  semblables  actes  de  prétention  à  la  supériorité 
de  la  part  de  quelques  officiers  de  la  marine  anglaise. 

M.  de  Lostanges,  l'un  des  officiers  de  la  Surveillanie^ 
dit,  dans  la  relation  qu'il  a  donnée  de  ce  combat,  que  la 
frégate  française  portait  36  canons.  Il  n'existait  pourtant 
pas  de  frégates  de  cette  force  à  cette  époque.  Le  règlement 
de  1755  n'en  reconnaissait  pas  au-dessus  de  80  bouches  à 
feu  ;  et  l'état  de  situation  des  forces  navales  de  la  France, 
en  1779,  ne  fait  mention  d'aucun  bâtiment  de  cette  espèce  ; 


(1)  On  peut  voir  derrière  le  chœur  de  Téglise  Saint-Louis  à  Brest,  «piquée 
contre  le  mur  et  à  gauche  de  la  grille  d'entrée,  une  plaque  en  marbre  noir  re- 
présentant la  coupe  verticale  d'une  pyramide  surmontée  d'une  urne,  rcpotart 
sur  un  prisme.  L'inscription  gravée  sur  ce  marbre  rappelle  le  combe^t  de  l.i 
Surveillante  et  porte  que  ce  monument  a  été  élevé  par  ordre  du  roi  poi)r  perpo 
tuer  le  nom  ei  h  mémoire  4a  capitaine  Ducouédic  (V.  Biographie  bretonne,  1. 1). 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  n79.  59 

on  ri*y  trouve  que  des  frégates  de  34*.  Enfin,  la  matricule 
particulière  des  frégates  range  la  Surveillante  dans  la 
classe  de  celles  qui,  portant  26  canons  de  i  2,  avaient  reçu 
plus  tard  6  canons  de  6.  Pour  moi,  et  malgré  l'assertion  de 
M.  de  Lostanges,  la  Surveillante  était  une  frégate  de  32. 

Quant  au  Québec,  c'était  une  des  frégates  créées  par 
l'ordonnance  de  1757  ;  elle  portait  : 

26  canons  de  12  en  batterie, 
et  10    —      de   6  sur  les  gaillards. 


Les  frégates  de  32''  la  Fortunée  et  la  Blanche,  et  la  cor- 
vette de  20*^  YEllis,  détachées  de  l'armée  du  vice-amiral 
d'Estaing  pour  rapporter  une  partie  des  troupes  de  l'expé- 
dition de  Savannah  dans  les  différentes  colonies  des  An- 
tilles, n'arrivèrent  à  la  Grenade  qu'après  une  traversée  des 
plus  pénibles  et  au  bout  de  leurs  vivres;  une  voie  d'eau 
très-inquiétante  s'était  déclarée  à  bord  de  la  Blanche.  De 
la  Grenade,  les  deux  frégates  et  la  corvette  firent  route 
pour  Saint- Vincent  où  elles  furent  accueillies  à  coups  de 
canon  :  la  Fortunée  eut  sa  vergue  de  grand  hunier  coupée 
avant  d'avoir  pu  réussir  à  se  faire  reconnaître.  Le  21  dé- 
cembre, à  15  ou  18  milles  de  la  Guadeloupe,  elles  aper- 
çurent 4  vaisseaux  sous  pavillon  français.  Le  capitaine  de 
Marigny  continua  sa  route,  sans  défiance,  jusqu'à  ce  que, 
ayant  fait  des  signaux  de  reconnaissance,  ces  vaisseaux 
arborèrent  le  pavillon  anglais  ;  les  frégates  et  la  corvette 
prirent  chasse.  Prévenu  de  la  mission  qui  avait  été  donnée 
à  cette  petite  division  ,  le  contre-amiral  Parker  avait  ex- 
pédié le  contre-amiral  Rowley  avec  le  Suffolk,  le  Magnifi- 
CENT,  le  Vengeance  et  le  Stirling  Castle,  pour  l'attendre 
au  passage.  Les  3  bâtiments  français  avaient  beaucoup 
souffert  sur  les  côtes  de  la  Géorgie  et  pendant  cette  der- 
nière traversée  ;  leurs  équipages  étaient  tellement  affaiblis 
que,  la  batterie  armée,  il  ne  restait  pas  un  seul  homme 
pour  la  manœuvre  à  bord  de  la  Fortunée.  Sur  la  Blanche, 


60  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1779. 

il  n'y  avait  que  3  hommes  au  lieu  de  7  à  chaque  pièce.  La 
corvette  avait  67  hommes,  tout  compris.  Dans  l'après- 
midi,  ils  prirent  la  bordée  du  Nord;  le  temps  était  orageux 
et  ils  ne  ressentirent  bientôt  plus  que  des  fraîcheurs  va- 
riables. Vers  6^  30*",  par  une  de  ces  bizarreries  si  fré- 
quentes dans  ces  parages,  les  vaisseaux  anglais  arrivaient 
vent  arrière  sur  les  frégates  qui  tournoyaient  dans  une 
zone  de  calme,  et  ils  purent  bientôt  leur  envoyer  quelques 
boulets,  puis  des  bordées  entières  :  un  grain  permit  aux 
bâtiments  français  de  s'éloigner,  et  chacun  d'eux  prit 
l'allure  qui  lui  était  le  plus  favorable.  A  9*»,  le  temps  rede- 
vint beau.  Lorsque  le  ciel  s'éclaircit,  la  Blanche  se  trouva 
sous  la  volée  d'un  vaisseau  anglais  :  le  capitaine  de  la 
Galissonnière  n'essaya  pas  de  lui  résister. 

La  Fortunée  s'était  éloignée  davantage;  mais,  placée  de 
nouveau  sous  l'influence  des  folles  brises,  elle  fut  atteinte 
par  deux  vaisseaux.  Tout  fut  essayé  pour  échapper  à  ces 
redoutables  adversaires  ;  la  batterie  des  gaillards  fut  même 
jetée  à  la  mer.  Vers  11^,  leurs  boulets  l'atteignaient.  A  1*', 
un  de  ces  vaisseaux  était  par  son  travers  à  tribord  et  le 
second,  par  sa  hanche  de  bâbord.  Le  capitaine  vicomte 
Bernard  de  Marigny  fit  envoyer  une  volée  au  premier  et 
amena  son  pavillon. 

Le  capitaine  Fonteneau  n'eut  pas  une  meilleure  chance. 
VEllis  fut  prise,  le  lendemain,  à  2*»  de  l'après-midi. 


A  la  suite  du  traité  d*aUiance  que  la  France  avait  conclu 
avec  les  États-Unis  d'Amérique  pour  soutenir  la  guerre  de 
l'indépendance,  l'Angleterre  avait  rappelé  son  ambassa- 
deur à  Paris ,  et  les  premières  hostilités  avaient  eu  lieu 
en  juin  1778.  L'escadre  du  vice-amiral  d'Esiaing  était  ar- 
rivée en  juillet  sur  les  côtes  d'Amérique  où  elle  avait 
trouvé  celle  du  vice-amiral  Howe.  L'arrivée  du  vice-amiral 
Byron  dans  ces  parages  avait,  depuis  cette  époque,  donné 
aux  Anglais  une  supériorité  numérique  qui  faisait  au  gou- 


COLONIES.— 4779.  64 

vernement  français  une  obligation  d'y  envoyer  des  renforts. 
Toutefois,  afin  de  causer  au  commerce  anglais  le  plus  grand 
préjudice  possible,  il  fut  décidé  que  les  bâtiments  qu'on 
expédierait  attaqueraient ,  en  passant,  les  établissements 
que  l'Angleterre  entretenait  sur  la  côte  occidentale  d'A- 
frique. 

Le  15  décembre  1778,  le  chef  d'escadre  marquis  de 
Vaudreuil  était  parti  de  Brest  avec  une  division  composée 
des  bâtiments  ci-après  : 


Canons. 
Vaisseaux  de    74      Fendant.  . 

—  de    6i      Sphinx.    . 

Frégates  de     5.  j  ^t  .' 

Corvelles  de    16  j  fP^^^i^^- 

\  Ltvely.  .  • 

Goëlettes  de    14      Gorée.  .  . 

—  de      4      Lunette.   . 


capilaine  marquis  de  Vaudreuil^  chef  d'esc. 

—  do  Soulangcs. 

—  cheyalier  do  Sainnevilie. 

—  chevalier  de  Pontevès-Gien. 

—  comte  de  Capellis. 

—  Ëyriès. 

—  Âllary. 

—  de  Ghavagnac. 


Cette  division,  qui  escortait  un  nombreux  convoi  destiné 
aux  Antilles,  s'était  d'abord  dirigée  sur  le  Sénégal,  et  le 
31  janvier,  elle  faisait  capituler  Saint-Louis  qui  avait  été 
cédé  à  l'Angleterre  à  la  paix  de  1763.  Laissant  alors  les 
deux  frégates,  YÊpervier  et  les  goëlettes  sous  le  comman  - 
dément  du  capitaine  de  vaisseau  Pontevès-Gien,  le  chef 
d'escadre  de  Vaudreuil  continua  sa  route  sur  Saint-Domin- 
gue avec  le  convoi. 

Le  commandant  Pontevès  dirigea  d'abord  sa  division  sur 
la  rivière  de  Gambie.  Le  11  février,  le  fort  James  se  ren- 
dit à  discrétion  et  sans  avoir  fait  aucune  défense;  la  goé- 
lette la  Gorée  remonta  alors  la  rivière  et  détruisit  tous 
les  établissements  anglais  des  deux  rives.  La  division  ap- 
pareilla le  6  mars,  se  porta  sur  les  îles  de  Los  et  détruisit 
le  comptoir  qui  y  était  établi.  Le  12,  elle  entra  dans  la 
rivière  de  Sierra  Leone  :  les  batteries  de  l'île  Tasso  furent 
enlevées,  après  avoir  été  canonnées  par  YÊpervier.  Les 
frégates  attaquèrent  ensuite  le  fort  de  l'île  de  Beuse  ;  après 
un  quart  d'heure,  les  Français  étaient  maîtres  de  cette 
fortification  ;  neuf  corsaires  qui  avaient  cherché  un  refuge 


68  COLONIES.— 1779. 

SOUS  ses  canons  furent  amarinés;  le  fort  et  les  établisse'- 
ments  furent  démolis»  La  division  sortit  ensuite  de  la  n-^ 
vière  et  elle  fit  route  pour  France  ;  la  Résolue  seule  se  di- 
rigea sur  la  Martinique*  Cette  expédition  coûta  26  navires 
à  l'Angleterre  et  tous  les  établissements  qu'elle*  avait  for- 
més sur  cette  partie  de  la  côte  d'Afrique. 


Les  Anglaiss' étaient  emparésde  Sainte-Lucie  dans  les  der- 
niers jours  de  l'année  précédente,  et  le  vice-amiral  d'Estaing, 
après  avoir  essayé  en  vain  de  reprendre  cette  île ,  était  rentré 
à  la  Martinique,  le  30  décembre.  Supposant  que  la  crainte 
d'une  nouvelle  attaque  des  Français  retiendrait  le  contre- 
amiral  Barritigton  quelque  temps  encore  darts  ces  parages, 
le  commandant  en  chef  de  l'escadre  française  dirigea  contre 
l'île  Saint-Martin  une  expédition  dont  la  direction  fut  con- 
fiée au  capitaine  Trolong^Durumain  de  la  corvette  de  20° 
la  Lively.  Deux  autres  corvettes,  la  BeJelte  etY Elites  furent 
placées  sous  ses  ordres.  Le  16  février,  cette  petite  division 
attaqua  la  batterie  qui  défendait  la  rade  et,  après  une 
heure^  réussit  à  la  faire  abandonner.  Un  détachement  de 
troupes  fut  alors  débarqué,  et  le  capitaine  Durumain  mar- 
cha à  sa  tête  sur  la  partie  de  l'île  où  la  garnison  s'était 
retirée  et  retranchée.  La  résolution  de  ce  détachement  était 
telle  que  le  commandant  anglais  ne  jugea  pas  devoir  essayer 
de  lui  résister  ;  il  proposa  une  capitulation  qui  fut  acceptée. 

L'île  Saint-Barthélémy  se  rendait,  presque  en  même 
temps,  au  capitaine  chevalier  Duchilleau  qui  y  avait  été 
envoyé  avec  les  frégates  de  32*^  la  Diligente  et  la  Boudeusté 


Ayant  appris  que  le  contre-amiral  Bârrington  venait  de 
prendre  la  mer  avec  un  convoi  que  son  escadre  escortait 
au  delà  des  débouquements,  le  vice*amiral  d'Estaing  forma 
le  projet  de  s'emparer  de  l'Ile  Saint-Vincent,  que  le  traité 
de  1768  avait  donnée  à  l'Angleterre,  et  il  chargea  le  Jieu- 


COLONIES.— 4779.  63 

tenant  de  vaisseau  Troplong-Durumain  de  cette  expédition. 
Le  9  juin,  cet  officier  partit  du  Fort-Royal  de  la  Marti- 
nique avec  les  corvettes  la  Lively,  YEllis  et  la  Neazle. 
300  hommes  de  troupes  qui  avaient  été  embarqués  sur 
ces  bâtiments  furent  mis  à  terre,  le  16,  dans  la  baie  de 
Young.  Rallié  bientôt  par  un  grand  nombre  de  noirs  qui 
avaient  été  prévenus  de  cette  attaque,  ce  détachement  mar- 
cha sur  Kingstown,  sans  presque  rencontrer  d'opposition. 
Le  gouverneur  proposa  de  suite  une  capitulation  qui  fut 
acceptée.  Pendant  qu'on  en  discutait  les  articles,  deux 
navires  furent  sigualés  se  dirigeant  sur  la  rade.  Le  capi- 
taine Durumain  appareilla  avec  la  lAvely  et  les  chassa;  ils 
amenèrent  leur  pavillon  aux  premiers  coups  de  canon; 
l'un  d'eux  était  armé  de  16  canons.  Le  capitaine  Durumain 
se  fit  remettre  à  terre  et,  lorsque  la  capitillation  eut  reçu 
son  exécution,  il  retourna  à  la  Martinique. 


Quelques  jours  après  la  bataille  de  la  Grenade,  le  vice- 
amiral  d'Estaing  détacha  le  capitaine  de  Suffren  avec 
les  vaisseaux  Je  Fantasque  et  le  Solitaire,  la  frégate  la 
Fortunée  et  la  corvette  la  Lively  pour  aller  attaquer  l'île 
Cariacou.  Cette  île  se  rendit,  le  14  juillet,  sans  avoir  même 
riposté  aux  quelques  coups  de  canon  qui  lui  furent  tirés. 
La  petite  division  du  commandant  de  Suffren  rallia  ensuite 
l'armée  navale  à  la  Grenade. 


/ 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGÉS 

pendant  l'année  1779. 

ANGLAIS. 

Canons. 

6i      Ardent Pris  par  une  frégate. 

50      ExpERiMENT Pris  par  un  vaisseau. 

44      Serapis^ Pris  par  des  corsaires. 

56      Arethusa Naurragée  sur  l'île  Molène. 

!  Montréal Prise  par  un  vaisseau. 

Québec.  . Incendiée  à  la  suite  d'un  combat. 

28      Hussard Naufragée  dans  rAmériqife  septentrionale 

26      KiNG  George Prise  par  une  frégate. 


64  COLONIES.  — 1779. 

(  Sphinx Prise  par  une  frégate. 

^  l  Glasgow Naufrajgée  dans  rAmériqae  septentrionale- 

20      ÂRIEL.    . \ 

16      Weazle.    i It*.        1  *ii 

^  >  Prises  chacune  par  une  frégate. 

**  {  hawke*.  . .  '. .!!.!!!) 

1       Active Pris  par  un  côlre. 

FRANÇAIS. 

Canons. 

64      Roland Brûlé  par  accident. 

Blanche •  Prise  par  un  vaisseau. 

32  {  Fortunée —  — 

Oiseau Prise  par  une  frégate. 

Danaé.  .  ,  i Prise  par  une  division. 

^„   ,  Prudente.  . —  — 

^  Hélène Prise  par  une  frégate. 

Zéphyr* Brûlée  par  accident. 

i  Alcmène Prises  par  une  frégate. 

l  Sphinx —  — 

20     Ellis  * Prise  par  un  vaisseau. 

18     Compas,  flûte •  Prise  par  une  frégate 

**   I  MuHn.    ',  l  '[  '.  !!.*;;  I   ^'^'  P"  ''"^  **^^*'*^''- 

8     Ecluse )    rvx*    •*  1» 

6      Valeur j   ^^^^^^^  P*"^  ^  ennemi. 

RÉCAPITULATION. 


ANGLAIS. .  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in 

fériours 

FRANÇAIS.  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs  


Pris. 


5 
5 

5 

» 
8 


Détroits 

ou 
naufragés. 


» 
1 

» 
» 
» 

2 


Incendiés. 


L'astérisque  indique  un  bàlimenl  pris  à  l'ennemi. 


» 
1 

» 
1 
1 

» 


TOTAL. 


3 
5 

5 
1 
9 

6 


BATAILLES.  — 1780.  65 


ANNEE  1780. 


Gibraltar,  en  ce  moment,  appelait  toute  l'attention  du 
gouvernement  anglais.  En  déclarant  la  guerre  à  la  Grande- 
Bretagne,  le  roi  d'Espagne  avait  fait  investir  cette  place 
par  terre  et  par  mer.  Le  cabinet  de  Londres  confia  à  l'a- 
miral sir  George  Rodney,  qui  venait  d'être  nommé  au 
commandement  des  forces  navales  de  l'Angleterre  dans  les 
mers  des  Antilles,  le  soin  de  la  ravitailler.  Le  convoi  que 
cet  officier  général  conduisait  devait  être  escorté  par  21 
vaisseaux. 

Pénétrant  les  intentions  de  leur  ennemie,  la  France  et 
l'Espagne  chargèrent  le  lieutenant  général  espagnol  don 
Luis  de  Cordova  de  disputer  le  passage  du  détroit  de  Gi- 
braltar à  l'amiral  anglais,  dans  le  cas  où  il  s'y  présenterait. 
Une  division  de  6  vaisseaux  français  et  de  5  frégates,  sous 
les  ordres  du  chef  d'escadre  comte  de  Sades,  fut  adjointe  à 
l'escadre  espagnole. 

Toutes  ces  dispositions  furent,  malheureusement,  inu- 
tiles*, le  3  janvier,  un  violent  coup  de  vent  assaillit  l'es- 
cadre combinée,  désempara  un  grand  nombre  de  vaisseaux 
et  les  força  tous  à  entrer  à  Cadix.  Rien  ne  pouvait  désor- 
mais s'opposer  à  l'exécution  des  projets  du  gouvernement 
anglais.  Le  8 ,  l'armée  de  l'amiral  Rodney  s'empara,  à  la 
hauteur  du  cap  Finistère,  de  21  navires  de  commerce  es- 
pagnols chargés  de  blé  et  d'un  vaisseau  qui  les  escortait. 
Le  16,  elle  attaqua,  près  de  Cadix,  une  faible  escadre  de 
9  vaisseaux  espagnols  commandée  par  le  chef  d'escadre 
don  Juan  de  Langara,  prit  6  vaisseaux  et  en  brûla  un 
septième.  Dès  que  ces  événements  furent  connus  à  Ma- 
drid, le  lieutenant  général  don  Miguel  Gaston  reçut  Tordre 
de  partir  de  Brest  avec  les  vaisseaux  placés  sous  ses  ordres; 

U.  5 


66  BATAILLES.  —1780. 

4  vaisseaux  français  le  suivirent  avec  le  chef  d'escadre 
chevalier  de  Beausset.  Tous  étaient  arrivés  à  Cadix ,  le 
13  février.  La  division  du  chef  d'escadre  de  Sades  rentra 
alors  à  Brest.  Mais  quelque  promptitude  que  le  lieutenant 
général  espagnol  eût  mise  à  exécuter  Tordre  qui  lui  avait 
été  donné,  il  arriva  trop  tard  pour  empêcher  l'amiral 
Rodney  de  faire  entrer  son  convoi  à  Gibraltar,  L'amiral 
anglais  avait  même  repassé  le  détroit  et  fait  route  pour  sa 
destination,  laissant  au  contre-amiral  Digby  le  soin  de  re- 
conduire les  transports  en  Angleterre. 

A  quelques  jours  de  là,  le  23  février,  le  contre-amiral 
Digby  rencontra  un  convoi  français  portant  des  troupes  et 
des  munitions  dans  l'Inde;  ce  convoi  était  escorté  par  les 
vaisseaux  de  64°  le  Protée  et  ÏAjax  et  par  la  Charmante. 
A  l'entrée  de  la  nuit,  le  capitaine  Duchilleau  de  Laroche 
qui  commandait,  signala  kYAjax  de  faire  fausse  route  avec 
le  gros  du  convoi  ;  et,  pour  masquer  ce  mouvement,  il 
continua  la  route  qu'il  tenait,  avec  la  frégate  et  quelques- 
uns  des  plus  petits  navires.  Cette  manœuvre  lui  réussit  ; 
l'escadre  anglaise  le  suivit.  A 1^  du  matin,  estimant  que  le 
convoi  était  hors  de  danger,  il  voulut  tenter  de  se  sous- 
traire à  la  vue  des  chasseurs  ennemis.  Mais,  en  venant  au 
vent,  le  Protée  démâta  de  son  petit  mât  de  hune,  et  ce  mât, 
en  tombant,  défonça  la  misaine.  Attaqué  à  2^  par  le  vais- 
seau de  Jk""  Resolution,  et  peu  de  temps  après  par  le 
Bedford  et  le  Marlborough  de  même  rang,  force  fut  au 
Protée  de  se  rendre.  Trois  navires  du  commerce  tombèrent 
aussi  au  pouvoir  des  Anglais  ;  les  autres  purent  atteindre 
différents  ports.  La  Charmante  mouilla  à  Lorient. 

Cet  événement  avait  une  haute  gravité.  Le  capitaine 
Duchilleau  fut  traduit  devant  un  conseil  de  guerre  qui  ap- 
prouva sa  conduite  et  l'acquitta  honorablement. 


Depuis  que  le  blocus  de  Gibraltar  avait  été  résolu,  les 
gouvernements  de  France  et  d'Espagne  avaient  envoyé  à 


BATAILLES.  — 1780.  67 

Cadix  tous  les  bâtiments  de  guerre  dont  ils  pouvaient  dis- 
poser. Au  mois  de  mai,  une  division  de  cette  armée  navale, 
dont  le  commandement  avait  été  confié  au  lieutenant  gé- 
néral de  Cordova,  avait  fait  une  petite  sortie  avec  le  chef 
d'escadre  chevalier  de  Beausset.  Le  9  juillet,  le  comman- 
dant en  chef  mit  à  la  voile  avec  31  vdsseaux,  6  frégates, 
une  corvette  et  8  cotres  et  se  porta  sur  les  côtes  de  Por- 
tugal. Cette  croisière  fut,  comme  la  précédente,  de  courte 
durée;  le  18  du  même  mois,  l'armée  combinée  rentra  i 
Cadix  où  elle  fut  ralliée  par  6  vaisseaux  français;  une  petite 
division  resta  seule  au  large.  Le  commandant  en  chef  fit 
une  autre  sortie,  le  31  juillet.  Le  9  août,  à  environ  150 
milles  dans  l'Ouest  du  cap  Saint-Vincent,  l'armée  com- 
binée tomba,  pendant  la  nuit,  dans  un  convoi  anglais  de 
60  voiles  qui  se  rendait  en  Amérique  et  dans  l'Inde,  sous 
l'escorte  du  vaisseau  de  82''  Ramiues  et  des  frégates  de  32 
SouTBAHPTON  et  Thetis.  ô6  navires  furent  pris  et  con- 
duits à  Cadix  par  l'armée  elle-même.  Ces  navires  étaient 
chargés  de  rechanges  de  toute  espèce;  ils  portaient  aussi 
quelques  troupes.  6  nouveaux  vaisseaux  français,  quel- 
ques frégates  et  corvettes  rallièrent  encore  l'armée  navale 
à  Cadix. 

Deux  faibles  divisions  sortirent  avant  la  fin  de  Tannée  ; 
la  première  appareilla  avec  le  chef  d'escadre  de  Lacarry, 
peu  de  jours  après  la  rentrée  de  l'armée  ;  l'autre  prit  la 
mer,  au  mois  de  septembre,  sous  la  direction  du  capitaine 
de  vaisseau  de  Marin. 

Cependant  la  France  voyait  les  mois  s'écouler  et  ses  res- 
sources navales  s'épuiser  en  pure  perte.  Le  rôle  qu'on  fai- 
sait jouer  à  sa  marine  ne  pouvait  être  accepté  plus  long- 
temps. Par  suite  de  nouveaux  arrangements  avec  la  Cour 
de  Madrid,  le  vice-amiral  comte  d'Estaing  prit  le  comman- 
dement de  l'armée  combinée,  à  laquelle  vint  se  joindre 
Tescadre  du  lieutenant  général  de  Guichen  qui  arriva  des 
Antilles,  le  24  octobre,  escortant  95  navires  du  commerce. 
Ce  convoi,  destiné  pour  la  Méditerranée,  partit  de  suite  avec 


68  BATAILLES.— 1780. 

2  frégates;  le  capitaine  de  vaisseau  de  Suffren  l'escorta  jus- 
qu'à Gibraltar  avec  5  vaisseaux  et  2  frégates. 

Cette  réunion  considérable  de  vaisseaux  avait  un  but 
autre  que  de  protéger  et  d'intercepter  les  convois  ;  on  son- 
geait toujours  à  frapper  un  grand  coup  à  l'Angleterre,  en 
la  dépossédant  de  la  Jamaïque.  En  faisant  ce  rassemble- 
ment en  Europe,  on  espérait  détourner  l'attention  du  gou- 
vernement anglais  et  lui  faire  supposer  que  les  troupes  qui 
se  réunissaient  à  Cadix  étaient  destinées  à  coopérer  au 
siège  de  Gibraltar.  Quelque  importance  qu'on  attachât  à  la 
possession  de  la  Jamaïque,  le  vice-amiral  d'Estaing  n'avait 
pu,  l'année  précédente,  par  défaut  de  forces  sufBsantes,  en 
tenter  la  conquête.  Les  tergiversations  de  l'Espagne  forcè- 
rent, cette  année,  à  un  nouvel  ajournement  de  cette  entre- 
prise. Le  vice-amiral  d'Estaing  était  à  peine  arrivé  à  Cadix, 
qu'il  reçut  l'ordre  de  rentrer  en  France.  11  mit  à  la  voile,  le 
31  octobre,  avec  l'armée  combinée  et  un  convoi  qui  por- 
tait les  troupes.  Le  mauvais  temps  le  fit  retourner  le  soir 
même  au  mouillage.  Le  7  novembre,  il  remit  à  la  voile 
avec  l'escadre  française,  le  convoi,  3  frégates  et  6  vais- 
seaux espagnols.  L'escadre  du  vice-amiral  d'Estaing  arriva 
à  Brest  le  3  janvier  1781. 


Lorsque  les  vaisseaux  qui  étaient  retournés  à  la  Marti- 
nique après  l'expédition  de  Savannah  furent  en  état  de  re- 
prendre la  mer,  le  chef  d'escadre  de  Lamotte-Piquet  mit 
sous  voiles  avec  son  vaisseau  de  74*^  YAnnibal. 

le  Diadème  de  74^ capitaine  commandeur  de  Dampierre^ 

le  Réfléchi  de  64 —       Cillart  de  Suville^ 

et  VAmphion  de  50 — •       de  Sainte-Césaire, 

pour  escorter  un  convoi  qui  se  rendait  à  Saint-Domingue. 
La  division  eut  connaissance  de  Lagrange,  le  20  mars,  et 
elle  allait  entrer  au  Cap  Français,  lorsque  les  vaisseaux 
anglais 

Lion  de.    ...  6i^ honorable  William  Gornwallis,  conunodore^ 

Bristol  de. .  .  50 -capitaine  honorable  Thomas  Pakenharo^ 

Janus  de. ...  44 —       GloTer> 


BATAILLES.  -  4780.  69 

furent  aperçus  au  large.  Le  chef  d'escadre  de  Lamotte-Pi- 
quet  fit  signal  au  convoi  de  continuer  sa  route  et,  à  sa 
division,  de  chasser  en  route  libre.  Les  vaisseaux  anglais 
firent  vent  arrière  sous  toutes  voiles.  VAnnibal  gui  avait 
une  marche  supérieure  atteignit  l'ennemi  à  5*»  du  soir  et, 
sans  attendre  sa  division,  il  engagea  de  suite  le  combat  ; 
les  autres  vaisseaux  rallièrent  successivement.  Mais  la  nuit 
était  obscure  et  le  feu  cessa  peu  de  temps  après  l'arrivée 
des  derniers.  Ce  ne  fut  toutefois  qu'un  temps  de  repos, 
car  le  calme  qui  régna  toute  la  nuit  tint  les  deux  divisions 
en  présence  et  la  canonnade  recommença  à  à^  du  matin. 
L'absence  complète  de  brise  rendait  toute  manœuvre  impos- 
sible. VAnnibal  se  trouva  encore  un  moment  compromis. 
Entraîné  loin  des  autres  vaisseaux,  il  devint  le  point  de 
mire  de  tous  les  canons  ennemis  ;  le  Janus  le  canonna  pen- 
dant un  grand  quart  d'heure  par  la  hanche  de  bâbord  sans 
que  la  riposte  fût  possible.  Enfin  la  brise  s'éleva  et  le  ral- 
liement eut  lieu.  Le  Diadème  rendit  alors  avec  usure  au 
Janus  les  boulets  que  ce  vaisseau  avait  envoyés  à  VAnnibal 
et  lui  fit  amener  son  pavillon  (1).  Le  capitaine  de  Dam- 
pierre  demanda  à  l'envoyer  amariner;  avant  que  la  ré- 
ponse fût  donnée,  le  Janus  put  profiter  de  la  brise  et  s'é- 
loigner ;  les  autres  vaisseaux  anglais  le  suivirent.  La  divi- 
sion française  les  poursuivit  pendant  quelque  temps,  mais 
un  vaisseau  et  une  frégate  qui  arrivaient  vent  arrière  la 
firent  entrer  au  Cap  Français.  Le  chef  d'escadre  de  Lamotte- 
Piquet  était  blessé  depuis  la  veille. 


Le  départ  de  la  division  du  chef  d'escadre  de  Lamotte- 
Piquet  pour  Saint-Domingue  avait  décidé  le  commodore 
Collingwood  qui  observait  ses  mouvements,  à  quitter  le 


(1)  Le  rapport  du  commandant  de  la  dmsion  ne  fait  aucune  mention  de  cette 
circonstance^  rapportée  par  le  capitaine  du  Diadème  et  confirmée  par  un  offi- 
cier de  ce  Taisseau  duquel  je  la  tiens. 


70  BATAILLES.— 4780. 

blocus  du  Port-Royal  de  la  Martinique.  Désirant  profiter 
de  cette  circonstance  pour  faire  quelque  tentative  contre 
les  colonies  anglaises,  le  gouverneur  général  des  îles  sous 
le  Vent  fit  embarquer  des  troupes  sur  les  8  vaisseaux  et  sur 
la  frégate  récemment  arrivés  avec  le  chef  d'escadre  de 
Grasse,  mit  sous  les  ordres  de  cet  officier  général  A  autres 
vaisseaux  et  1  frégate  et  prit  lui-même  passage  sur  le  vais- 
seau amiral.  Le  22  mars,  il  rencontra  le  lieutenant  général 
de  Guichen  qui  arrivait  de  France  avec  16  vaisseaux,  â  fré- 
gates, 1  flûte,  3  cotres,  1  lougre  et  un  convoi  de  83  voiles. 
Cet  ofiicier  général  venait  prendre  le  commandement  des 
forces  navales  de  la  France  dans  les  Antilles.  Avant  de 
donner  suite  au  projet  conçu  par  le  gouverneur  général,  le 
lieutenant  général  de  Guichen  désira  mettre  ses  malades  à 
terre  et  l'armée  entière  se  dirigea  sur  le  Fort-Royal.  Le 
lendemain  23,  elle  remit  sous  voiles,  forte  de  22  vaisseaux 
et  6  frégates  et  fit  route  pour  Sainte-Lucie.  Mais  lorsqu'elle 
arriva  devant  cette  île,  16  vaisseaux  (1)  étaient  à  Fancre 
au  Gros-Islet.  La  présence  de  cette  armée  navale  ne  per- 
mettait pas  de  tenter  l'attaque.  Le  27,  l'armée  française 
rentra  à  la  Martinique,  et  l'idée  d'une  agression  contre  les 
possessions  anglaises  fut  abandonnée. 

Le  13  avril,  le  commandant  en  chef  appareilla  pour  cou- 
vrir un  convoi  qui  se  rendait  à  Saint-Domingue  sous  l'es- 
corte du  vaisseau  le  Fier  et  de  la  frégate  la  Boudeuse;  3,000 
hommes  de  troupes  avaient  été  embarqués  sur  les  vaisseaux. 
Contrariée  par  les  calmes,  l'armée  navale  mit  deux  jours 
à  atteindre  le  canal  de  la  Dominique.  Le  16  au  matin, 
tandis  qu'elle  louvoyait  pour  passer  au  vent  de  cette  île, 
21  vaisseaux  anglais  furent  signalés  dans  le  S.-E.  Le  lieute- 
nant général  de  Guichen  ordonna  la  ligne  de  bataille  natu- 
relle, les  amures  à  tribord;  peu  après,  l'armée  se  forma  à 
l'autre  bord  sur  les  vaisseaux  souventés.  Les  deux  armées 


(1)  Quelques  yersions  disent  dix-sept. 


BATAILLES.— 1780.  71 

manœuvrèrent  pendant  vingt-quatre  heures  pour  s'élever  au 
vent.  Le  17,  les  Français  étaient  à  27  milles  dans  l'Ouest  de 
la  Dominique.  L'amiral  Rodney  qui  commandait  l'armée  an- 
glaise se  décida  enfin  à  combattre*,  à  midi,  il  laissa  arriver 
tout  à  la  fois  sur  les  Français  qui  virèrent  de  bord  lof 
pour  lof,  aussi  tout  à  la  fois,  et  qui  se  rangèrent  en  ba- 
taille, bâbord  amures,  dans  l'ordre  ci-dessous  qui  était 
l'ordre  naturel  renversé. 

Canons. 

74      Destin capitaine  comte  Dumailz  de  Goimpy. 

64      Vengeur —  cheyalier  de  Reti. 

60      Saint-Michel —  d'Aymar. 

74      PltUon —  cbeyalier  de  Lamarthonie. 

80      Triomphant —  de  Gras-Préville. 

comte  de  Sades^  chef  d'escadre. 

74     Souverain.  • capitaine  cheyalier  de  Glandevès. 

64     Solitaire,, —  comte  de  Gicé-Ghampion. 

74      Citoyen •  ,  —  marquis  de  Nieail. 

64      Caton —  comte  de  Framond. 

I  Victoire.  . —  cbeyalierd'AlbertSaint-HippoIyte. 

I  Fendant —  marquis  de  Vaudrouil,  chef  d'esc 

80     Couronne. —  Buor  de  Lachenalière. 

I 

comte  de  Guichen^  lieutenant  général. 

74      Palmier capitaine  chevalier  de  Monteil,  chef  d'esc. 

<  Indien .       —  cheyalier  de  Balleroy. 

\  Actionnaire — '  de  LarchanteK 

74     Intrépide —  Duplessis-Parscau. 

64      Triton *  ^  .  .       «*-  firun  de  Boad«8« 

t  Magnifique —  cheyalier  de  Brach. 

(  Robuste *i.       —  comte  de  Grasse,  chef  d'escadre. 

i  ^P^^^*^'  *•«••«••••       -~  comte  de  Soulanges* 

{  Artésien ♦  .  .^.  .       —  cheyalier  de  Peynier. 

74     Hercule.   .  M  .  ,  .  .  .  .       —  comte  d'Amblimont. 
Frégates  :  Résolve^  Iphiffér^te^  Courugeuse^  Médée,  Gentille, 
Coryette  :  Cérès. 

Les  Anglais  étaient  dans  Tindre  suivant  : 

Ganoni. 

64     STIRI.IM6  Gastle capitaine  GarkeU. 

^     }  Ajax —  Uyedale. 

'^  )  ËLizABETH.  .É ^  honorable  ...»  Maitlaud. 

90     Princess  Royal ^  Qammopâ. 

Hyde  Parker,  contre-amiral. 

f  Albion capitaine  Bowyer. 

l  Terrible —  Douglas. 

64      Trident —    ^  P.  Molloy. 

74      Grapton --  Collingwood. 

64      Yarmouth —  Bateman.  ' 

74      Cornwall —  Thrt.  Edwards. 


72  BATAILLES.— 1780. 

90      Sandwich —       Young. 

sir  George  Brydges  Rodney,  amiral. 

74     SuFFOLK capitaine  Crespin. 

68     BoYNE —       Cotton. 

64      Vigilant. —       Home. 

74      Vengeance —       Hotham. 

60     Medway —       Edmund  Affleck. 

74      MoNTAGu —       HoHlton. 

Josuah  Rowley,  contre-amiral. 

74     CoNQUEROR capitaine  Watson. 

64     Intrepid ^  .  .  .       -—       honorable  »...  S'  John. 

74     Magnificent —       J.  Elphinstone. 

64      Centurion  (1) —       .... 

Frégates  :  Venus,  Greyhound,  Deal  Castle,  Andromeda,  Pegasus. 

A  l*'  de  Taprès-midi,  les  vaisseaux  anglais  commencè-^ 
rent  à  essuyer  le  feu  de  Farinée  française  et,  lorsqu'ils 
se  formèrent  en  bataille,  aux  mêmes  amures,  parallèlement 
à  celle-ci,  ils  avaient  déjà  de  nombreuses  avaries;  le 
combat  s'engagea  alors  sur  toute  la  ligne.  Peu  de  temps 
après,  le  corps  de  bataille  de  l'armée  ennemie  ayant  fait 
une  arrivée,  le  lieutenant  général  de  Guichen  crut  voir 
dans  ce  mouvement  l'intention  de  couper  sa  ligne  et  d'en- 
velopper son  arrière-garde,  et  il  fit  signal  de  virer  lof  pour 
lof  tout  à  la  fois  ;  l'amiral  anglais  étant  de  suite  revenu  au 
vent,  cet  ordre  fut  annulé.  Les  vaisseaux  n'aperçurent 
malheureusement  pas  tous  ce  contre-ordre  :  l' arrière-garde 
et  une  partie  de  l' avant-garde  nrèrent  et  se  trouvèrent 
souventées.  Le  commandant  en  chef  signala  de  suite  de 
rectifier  la  ligne  en  laissant  arrivéK  Pen^nt  que  l'armée 
française  faisait  ce  mouvement,  l'armée  anglaise  continuait 
sa  route  ;  à  5*»,  elle  était  hors  de  portée. 

L'amiral  anglais  n'ignorait  pas  qu'il  y  avai^à  bord  des 
vaisseaux  français  des  troupes  qu'il  présumait  destinées  à  . 
l'attaque  de  quelque  possession  anglaise.  L'empressement 
avec  lequel  il  profita  de  la  dernière  manœuvre  de  l'armée 
française  pour  s'éloigner,  alors  que  ce  mouvement  pouvait 


\ 


(1)  M.  de  Lapeyrouse,  Histoire  de  la  marine  française,  ne  cite  pas  le  Cen- 
turion. Il  est  d'accord  avec  les  relations  anglaises  qui  ne  donnent  qne  21  vais- 
seaux. Le  comte  de  Guichen  dit  qu'il  y  en  ayail  22. 


BATAILLES.— 1780.  73 

lui  être  si  profitable ,  semble  établir  qu'il  n'avait  pas  l'in- 
tention d'engager  une  affaire  sérieuse;  que  son  but  était  de 
faire  quelques  avaries  aux  vaisseaux  français,  afin  de  pou- 
voir conserver  l'avantage  du  vent  et,  par  suite,  d'être  en 
position  de  surveiller  leurs  mouvements.  Il  ne  réussit  pas. 
Les  vaisseaux  français  n'avaient  aucune  avarie  quelque 
peu  grave,  tandis  que  plusieurs  des  siens  avaient  beaucoup 
souffert.  Le  Sandwich,  entre  autres,  était  si  maltraité,  que 
pendant  vingt-quaU*e  heures  on  crut  ne  pouvoir  le  main- 
tenir à  flot  ;  l'amiral  lui-même  fut  obligé  de  passer* sur  le 
GoNQUEROR.  L'armée  anglaise  retourna  à  Sainte-Lucie;  les 
Français  firent  route  pour  la  Guadeloupe.  Les  blessés,  au 
nombre  desquels  était  le  capitaine  d'Aymar  du  Saint- 
Michel  ^  qui  avait  eu  un  bras  emporté,  furent  mis  à  terre 
dans  cette  île. 

Le  20  avril ,  pendant  qu'on  travaillait  à  débarquer  les 
blessés,  l'armée  anglaise  fut  signalée.  Les  Français  appa- 
reillèrent, mais  les  variations  de  la  brise  et  le  calme  empê- 
chèrent tout  engagement. 

Gette  version  oflîcielle  diffère  beaucoup  de  celle  qu'ont 
donnée  les  historiens  anglais  d'après  le  rapport  de  l'amiral 
Rodney.  G'est  d'ailleurs  chose  digne  de  remarque  que, 
dans  cette  affaire  et  dws  les  deux  autres  rencontres  de 
l'armée  du  lieutenant  général  de  Guichen  et  de  l'armée 
anglaise,  chacun  ait  attribué  à  son  adversaire  le  désir 
d'éviter  le  combat  ou  de  le  terminer  le  plus  promptement 
possible. 

Le  lieutenant  général  de  Guichen  qui,  depuis  le 
20  avril,  n'avait  cessé  d'observer  i' armée  anglaise,  finit 
par  l'atteindre,  ou  plutôt  par  décider  l'amiral  Rodney  à  ac- 
cepter un  nouveau  combat.  Le  ralliement  du  Dauphin- 
RoyatHet  70^,  capitaine  Mithon  de  Genouilly,  portait  à  23 
le  nombre  des  vaisseaux  français.  L'armée  anglaise  était 
augmentée  du  vaisseau  de  74''  Triumph,  capitaine  Philip 
Afileck.  Le  15  mai,  l'armée  française,  alors  au  vent,  laissa 


74  BATAILLES.  — 1780. 

âttiver  en  ordre  de  front  sur  les  Anglais  rangés  en  bataille, 
bâbord  amures.  Mais,  au  moment  où  le  feu  allait  com- 
mencer, le  vent  passa  de  l'Est  au  S.-S.-E.  Ce  changement 
permettant  aux  Anglais  de  porter  au  vent  de  l'armée  fran- 
çaise, l'amiral  Rodney  fit  gouverner  à  TE.-N.-E.,  tandis 
que  les  Français,  placés  en  échiquier  sur  la  ligne  du  plus 
près  tribord,  avaient  le  cap  au  S.-O.  Alors  que  le  chef  de  file 
anglais  allait  doubler  la  ligne  française,  le  vent  remonta  à 
l'Est  et  l'armée  ennemie  fut  forcée  de  passer  sous  le  vent 
de  celle  du  lieutenant  général  de  Guichen.  Cet  oificier  gé- 
néral ayaiit  de  suite  rétabli  la  ligne  de  bataille,  bâbord 
amures,  les  vaisseaux  de  tète  de  l'armée  anglaise  purent 
seuls  engager  le  combat.  Dès  que  l'avant-garde  française 
eut  dépassé  la  ligne  anglaise,  craignant  qu'une  nouvelle 
variation  du  vent  ne  donnât  à  l'amiral  anglais  la  possibilité 
de  défiler  devant  les  derniers  vaisseaux,  le  commandant  en 
chef  ordonna  de  virer  vent  devant  par  la  contre-marche. 
La  canonnade  cessa  à  8^  du  soir  :  elle  avait  duré  une  heure. 
Les  documents  qui  ont  servi  à  décrire  les  batailles  na- 
vales de  cette  époque  sont,  en  général,  si  laconiques  qu'il 
faut  souvent  raisonner  d'après  les  probabilités.  lien  résulte 
nécessairement  que  les  interprétations  sont  très^-variées. 
Les  combats  que  l'armée  navale  du  lieutenant  général  de 
Guichen  livra  à  celle  de  l'amiral  Rodney  sont,  entre  tous, 
ceux  sur  lesquels  on  s'accorde  le  moins.  Ma  version  dif- 
fère essentiellement  de  celles  qui  ont  été  données  jusqu'à 
ce  jour  (1)  ;  elle  est  empruntée  au  rapport  du  commandant 
evL  chef  de  l'armée  française,  rapport  qui  semble  avoir  été 
ignoré  même  des  historiens  français. 


Après  l'engagement  du  15  mai,  le  lieutenant  général  de 
Guichen  poursuivit  l'armée  anglaise  pendant  quatre  jours; 


(!)  Voir  Glerck^  Essai  méthodique  sur  la  tactique  navale  ;hB]iOwhtf,  His- 
toire de  l'indépendance  d'Amérique  /  de  Lapeyroosen  Histoire  de  /•  marine 
française. 


BATAILLES.  —4780.  75 

celle-ci  refasait  obstinément  le  combat  eniaisant  vent  ar- 
rière chaque  fois  que  les  Français  laissaient  porter  sur  elle. 
Le  19,  l'amiral  anglais  se  décida  à  accepter  le  combat.  Le 
ventétaità  rE.-S.-E«  et  à  grains.  L'armée  anglaise,  rangée 
en  bataille,  tribord  amures,  restait  au  8.-S.-0.  lorsque  les 
vaisseaux  français,  en  ordre  de  bataille  renversé,  les 
amures  à  tribord,  reçurent  Tordre  de  virer  vent  arrière  et 
de  porter  tous  leurs  efforts  sur  son  avant-garde.  A  3*»  lô*», 
les  deux  armées  se  rencontrèrent  à  bord  opposé  de  telle  sorte 
que  le  chef  de  file  de  l'armée  anglaise  eût  pu  couper  la 
ligne  française  entre  le  troisième  et  le  quatrième  vaisseau  ; 
il  ne  le  fit  pas  et  laissa  au  contraire  arriver.  Chaque  vais- 
seau anglais  imitant  sa  manœuvre,  l'armée  ennemie  élongea 
par-dessous  le  vent  celle  des  Français  dont  les  vaisseaux 
laissaient  aussi  arriver  successivement  pour  se  placer  sur 
une  ligne  parallèle  à  la  sienne.  Les  deux  armées  défilèrent 
ainsi  l'une  devant  l'autre»  en  formant  chacune  un  angle 
^al  à  celui  représenté  par  l'intersection  des  deux  lignes 
du  plus  près.  Vers  3^  AS"»,  et  alors  qu'elles  allaient  se  dé- 
passer, 9  vaisseaux  anglais  ayant  viré  de  bord  (1) ,  le  lieu*- 
tenant  général  de  Guicben  fit  virer  ses  deux  premières  es- 
cadres vent  devant  tout  à  la  fois  pour  soutenir  l'arrière- 
garde  au  besoin  ;  ce  mouvement  fit  reprendre  aux  Anglais 
leurs  amures  premières.  L'arrière-garde  française  vira 
aussi  lorsqu'elle  n'eut  plus  d'ennemi  par  son  travers  et  à 
&",  les  deux  armées  étaient  hors  de  portée  de  canon.  Elles 
s'observèrent  d'abord;  mais  les  Anglais  laissèrent  arriver 
pendant  la  nuit  et,  au  jour,  ils  étaient  à  6  milles  sous  le 
vent.  L'île  de  la  Martinique  restait  alors  à  120  milles  dans 
l'Est. 

Ce  combat  ne  fut  encore  qu'une  simple  canonnade  pen- 
dant laquelle  quelques  vaisseaux  anglais  furent  cependant 
très-maltraités.  L'Aibion,  le  Conqueror.  le  Botne  et  le 


(1)  Le  rapport  de  Tao^iral  Rodoey,  fort  succiDct  du  reste^  ne  parle  pas  de  ce 
monTement  de  9  Taisseanx  anglais. 


76  BATAILLES.— 1780. 

GoRNWALL  souffrirent  beaucoup  et  furent  envoyés  à  Sainte- 
Lucie.  Les  autres  vaisseaux  se  rendirent  à  la  Barbade  ;  le 
GoRNWALL  ne  put  être  maintenu  à  flot  et  coula. 

L'armée  française  n'avait  plus  d'eau  que  pour  six  jours  ; 
la  plupart  des  vaisseaux  ayant  d'ailleurs  besoin  de  quelque 
réparation,  après  ces  trois  engagements,  le  lieutenant  gé- 
néral de  Guichen  fit  route  pour  la  Martinique  où  il  mouilla 
le  22  mai. 


12  vaisseaux  espagnols  et  3  frégates,  sous  les  ordres  du 
chef  d'escadre  Solano,  arrivèrent  à  la  Martinique,  avec  un 
convoi,  dans  la  première  quinzaine  du  mois  de  juin.  Le 
lieutenant  général  de  Guicben  disposait  dès  lors  de  forces 
assez  considérables  pour  tenter  une  expédition  contre  une 
des  colonies  anglaises,  avant  la  mauvaise  saison.  Mais,  lié 
probablement  par  ses  instructions,  le  chef  d'escadre  Solano 
ne  voulut  adopter  aucune  combinaison  qui  pût  retarder 
son  arrivée  à  la  Havane  où  il  déclara  vouloir  se  rendre  de 
suite.  Cette  détermination  força  le  lieutenant  général  de 
Guichen  à  modifier  ses  projets.  Il  accompagna  l'escadre 
espagnole  jusqu'à  la  hauteur  du  Môle-Saint-Nicolas  de 
Saint-Domingue  et  il  entra  au  Gap  Français.  A  quelques 
jours  de  là,  il  fit  route  pour  l'Europe  avec  la  division  du 
chef  d'escadre  de  Lamotte-Piquet. 

Le  chef  d'escadre  de  Grasse  qui  avait  été  désigné  pour 
rester  à  la  Martinique,  allégua  des  raisons  de  santé  pour 
retourner  en  France.  Le  chef  d'escadre  de  Monteil  le  rem- 
plaça. Les  vaisseaux  le  Palmier  j  la  Victoire ^  le  Destin^  le 
Réfléchi^  Y  Intrépide  de  74**,  le  Solitaire^  le  Caton,  Y  Action- 
naire  et  le  Triton  de  64  furent  placés  sous  ses  ordres. 

La  réunion  de  l'escadre  espagnole  aux  vaisseaux  du  lieu- 
tenant général  de  Guichen  avait  un  moment  inquiété  l'a-, 
mirai  Rodney.  Cet  oflScier  général  s'était  porté  de  suite 
sur  la  Martinique  ;  mais  les  escadres  alliées  avaient  quitté 
ce  mouillage  depuis  plusieurs  jours.  Laissant  alors  5  vais- 
seaux à  Sainte-Lucie,  il  s'était  dirigé  sur  Saint-Christophe 


BATAILLES.  — 1780.  77 

avec  21  autres.  N'y  ayant  trouvé  aucune  nouvelle  des  es- 
cadres alliées,  il  avait  expédié  le  contre-amiral  Bowley  à 
la  Jamaïque  avec  10  vaisseaux  et  avait  fait  voile  pour  TA- 
mérique  du  Nord  avec  le  reste. 


En  exécution  de  l'un  des  articles  du  traité  conclu  avec 
les  États-Unis,  6,000  hommes  de  troupes,  destinés  à  servir 
en  Amérique,  furent  embarqués  sur  26  transports  qui  par- 
tirent de  Brest,  le  2  mai,  sous  la  conduite  du  chef  d* escadre 
de  Ternay,  avec  les  vaisseaux  suivants  : 

Canons. 

80      Duc-de-Bourgogne capitaine  chevalier  de  Médine. 

chevalier  d'Arzac  do  Ternay,  chef  d'escadre. 

(  Neptune capitaine  Destouches. 

(  Conquérant —        de  Lagrandiëre. 

Provence —       de  Lombard. 

Ardent —       chevalier  Charles-René  Bernard 

.  de  Marigny. 

Jason* —       Ghadcau  de  Laclocheterie. 

Éveillé —       Le  Gardeur  de  Tilly. 

Fantasque,  en  flûle.  ...       —       Vaudoré. 
Frégates  :  Surveillante^  Amazone. 

Le  20  juin,  à  la  hauteur  des  lies  Bermudes,  la  division 
française  courant  vent  arrière  avec  des  vents  d'E.-S.-E., 
aperçut  plusieurs  voiles  à  bâbord.  Le  Neptune  et  Y  Éveillé 
reçurent  Tordre  de  les  reconnaître.  A  10^  du  matin,  ils 
signalèrent  5  vaisseaux  et  une  frégate.  C'était  une  division 
anglaise  composée  ainsi  qu'il  suit  : 

Canons. 

t  Sultan capitaine  Alan  Gardner. 

(  Hector —  

t  Lion —  hon^'«  W.  Cornwallis,  commodore. 

^  l  RuBY —  M.  Everill. 

50     Bristol —  honorable  Thomas  Pakenham. 

Frégate  :  Niger. 

Le  chef  d'escadre  de  Ternay  fit  former  l'ordre  de  bataille 
bâbord  amures,  ordre  dans  lequel  la  division  anglaise  était 
aussi  rangée  ;  le  Neptune  qui  était  beaucoup  en  avant  dut 
diminuer  de  voiles  pour  prendre  la  tète  de  la  ligne.  A 
5^  30",  quelques  bordées  furent  échangées.  Dès  que  le 


78  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1780. 

chef  de  file  de  la  division  française  eut  dépassé  le  vaisseau 
de  tète  anglais*  il  vira  de  bord  et  les  autres  le  suivirent  par 
la  contre-marche*  Les  deux  divisions  défilèrent  à  contre 
bord  en  se  canonnant  encore,  et  le  combat  en  resta  là;  U 
était  alors  7^  du  soir.  Le  chef  d'escadre  de  Ternay  rallia 
son  convoi  et  continua  sa  route;  le  11  juillet,  il  arriva  à 
Rhode-Island.  6  jours  après,  il  vaisseaux  anglais  et  plu- 
sieurs frégates  se  présentèrent  devant  ce  port.  La  ville  de 
Rhode-Island  ne  fut  cependant  pas  attaquée,  grâces  peut- 
être  aux  dispositions  prises  par  le  chef  d'escadre  français 
qui  avait  embossé  sa  division  de  la  pointe  Brenton  à  File 
Race  et  fait  établir  sur  cette  dernière  île  plusieurs  batteries 
avec  des  canons  pris  à  bord  des  vaisseaux. 


Le  29  avril,  les  frégates  Ylphigénie  et  la  Gentille  qui 
faisaient  partie  de  l'armée  navale  du  lieutenant  général  de 
Guichen  s'emparèrent  de  la  corvette  anglaise  Fortune. 


Le  7  juin,  le  capitaine  comte  de  Latouche,  de  la  frégate 
de  32«  YHermione^  en  croisière  sur  la  côte  de  l'Amérique 
septentrionale,  aperçut  k  voiles  au  vent.  Le  cap  Nontuck 
de  Long-Island  restait  à  15  milles  dans  le  N.*0.  et  le  vent 
soufflait  frais  du  S.-O.  Confiant  dans  la  supériorité  de 
marche  de  sa  frégate  qui  était  du  petit  nombre  de  celles 
alors  doublées  en  cuivre,  le  capitaine  de  Latouche  s'éleva 
au  vent  pour  les  reconnaître  ;  il  put  bientôt  distinguer  une 
frégate,  une  corvette^  une  goélette  et  un  senau.  La  frégate 
diminua  de  voiles,  puis  arrivant  grand  largue,  elle  gouverna 
de  manière  à  se  rapprocher  de  YHermione.  Celle-ci  lui  en 
facilita  le  moyen  en  prenant  les  amures  à  tribord.  Un  peu 
avant  de  se  trouver  par  le  travers  Tune  de  l'autre,  les  deux 
frégates  carguèrent  leurs  basses  voiles  et  hissèrent  leur 
pavillon  qu'elles  appuyèrent  d'une  bordée  entière  :  le  pa- 
villon de  la  Grande-Bretagne  se  déploya  à  la  corne  du  bâti-» 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  i780.  79 

ment  étranger,  qui  était  l'isis  de  SS*",  capitûne  H&wker. 
Après  l'avoir  doublé  par-dessous  le  vent,  le  capitsùne  de 
YHerttUofM  vira  vent  arrière  et  se  trouva  bâbord  amures, 
comme  la  frégate  anglaise  dont  il  atteignit  facilement  le 
travers.  Le  feu  commença  tout  d'abord  avec  la  plus  grande 
vivacité  et  il  durait  depuis  une  beure  et  demie,  à  demi- 
portée  de  fusil,  lorsque  l'Isis  masqua  son  petit  bunier  ; 
orientant  aussitôt  que  YHermione  l'eut  dépassée»  elle  serra 
le  vent  et  s'éloigna.  Le  capitaine  de  Latoucbe  tenta  vaine- 
ment d'imiter  la  manœuvre  de  TIsis;  le  grémentde  sa 
frégate  était  bâché  ;  il  ne  put  orienter  et  se  vit  obligé  de 
renoncer  à  poursuivre  son  adversaire.  Les  pertes  de  la 
frégate  française  étaient  d'ailleurs  assez  sérieuses  et  son 
capitaine  était  blessé. 

VH^rmiom  portait  26  canons  de  12 

et   6     —    de   6. 
L'Isis  avait  26  canons  de  12 

et   6     -^     de  9. 

La  Gazette  de  New-Port  du  10  juin  donna  une  relation  de 
ce  combat,  d'après  un  rapport  du  capitaine  Hawker.  On  y 
disait  que  YHermione  avait  pris  la  fuite,  quoiqu'une  frégate 
américaine  fût  en  vue.  Je  vais  transcrire  un  passage 
de  la  lettre  que  le  capitaine  de  Latoucbe  écrivit  au  capi- 
taine anglais,  à  ce  sujet;  il  complétera  la  relation  que  j'ai 
donnée  et  pourra  faire  apprécier  la  bonne  foi  du  capitaine 
de  risis. 

«  ....Vos  coups  ayant  occasionné  autant  de  dommages 
«  dans  mon  grément,  que  les  miens  en  ont  causé  au  corps 
«  de  votre  frégate ,  j'ai  été  dans  l'impossibilité  de  tenir  le 
«  veut  pour  continuer  le  combat  ;  il  dépendait  de  vous 
(c  d'arriver  pour  le  rengager  \  vous  avieiî  plus  de  moyens  de 
«  manœuvrer  que  je  n*en  avais.  Lorsque  j*ai  vu  que  vous 
a  teniez  le  vent,  j'ai  attribué  votre  retraite  à  la  quantité  de 
«monde  que  vous  aviez  perdu-,  ce  qui  aide  à  me  le  per- 
«  suader,  c'est  le  peu  de  vivacité  de  votre  feu  dans  les 


80  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1780. 

«dernières  bordées.  D'après  cette  opinion,  vous  devez* 
«juger  de  ma  surprise  quand  j'ai  lu  dans  la  Gazette  de 
«  NeW'Port  que  vous  n'aviez  eu  que  7  tués  et  9  blessés.  Je 
«  suis  de  meilleure  foi  que  vous,  Monsieur  :  j'avoue  10  tués 
«  et  37  blessés  ;  deux  de  mes  officiers  et  moi  sommes  de  ces 
«  derniers.  Vous  voyez  que  je  ne  crains  pas  de  parler  vrai, 
«  parce  que  je  n'ai  rien  à  me  reprocher.  » 

«  Je  terminerai  cette  lettre  par  une  réflexion  que  tout 
«  militaire  pourra  faire.  Si  vous  avez  perdu  moins  de 
«  monde  et  que  vous  ayez  été  moins  maltraité  que  moi, 
«  quelle  raison  avez-vous  eue  de  ne  pas  continuer  le  combat, 
«  en  voyant  l'état  de  mon  grément  et  l'impossibilité  physi- 
«  que  où  je  me  trouvais  de  pouvoir  manœuvrer  et  suivre  une 
«  autre  route  que  celle  du  vent  arrière?  Vous  manquez  donc, 
«  ou  de  vérité  en  n'accusant  pas  les  pertes  que  vous  avez 
«  éprouvées,  ou  d'énergie  si,  ayant  perdu  peu  de  monde, 
«  vous  n'avez  pas  continué  le  combat  avec  l'avantage  que 
«  le  hasard  vous  avait  donné  sur  moi.  Gomme  vous  savez 
«  bien  qu'il  n'y  avait  pas  de  frégate  américaine  en  vue,  je 
«  vous  prie  de  répondre  à  ce  dilemme.  » 

Je  ne  sache  pas  que  le  capitaine  Hawker  ait  répondu. 


Expédié  de  la  Martinique  pour  rejoindre  le  chef  d'es- 
cadre de  Lamotte-Piquet  à  Saint-Domingue ,  le  cotre  le 
Sans-Pareil^  capitaine  chevalier  de  Sercey,  fut  chassé,  le 
26  juin,  par  le  vaisseau  anglais  de  60°  Phoenix  et  2  fré- 
gates et  forcé  d'amener  son  pavillon. 


Le  5  juillet,  le  capitaine  Lebreton  de  Ransanne  de  la  fré- 
gate de  32°  la  Capricieuse^  en  croisière  sous  le  cap  Finistère, 
fut  chassé  par  deux  bâtiments  qu'il  avait  vainement  cherché 
à  éviter  et  dont  il  ne  put  apprécier  la  force  qu'à  10**  du 
soir.  C'étaient  les  frégates  anglaises  Prudente  de  44°,  ca- 
pitaine Waldegrave,  et  Licorwe  de  40%  capitaine  Gadogan. 


COMBATS  PARTICULIERS.  -  4780.  84 

Ail**  30°,  la  première  fut  en  position  d'engager  le  combat  ; 
une  heure  plus  tard,  la  Licorne  soutenait  sa  compagne.  La 
lutte  la  plus  acharnée  durait  depuis  cinq  heures,  lorsque  le 
lieutenant  Cherval  prit  le  commandement  de  la  Capricieuse  : 
le  capitaine  de  Ransanne  et  le  lieutenant  de  Ghappelle- 
Fontaine  avaient  été  tués  ^  le  lieutenant  Cherval  était  blessé. 
Les  mâts  et  le  grément  de  la  frégate  française  étaient  ha- 
chés; les  canons  étaient  presque  tous  démontés;  enfin,  elle 
coulait  bas  :  son  pavillon  fut  amené.  Les  Anglais  en  avaient 
à  peine  pris  possession  que  le  grand  mât  et  le  mât  de  mi- 
saine s'abattirent.  Les  capteurs  ne  jugeant  pas  pouvoir 
tenir  la  Capricieuse  à  flot  y  mirent  le  feu.  Les  frégates  an- 
glaises avaient  de  nombreuses  et  graves  avaries. 


Le  même  jour,  la  corvette  de  18*^  la  Perle ^  capitaine 
chevalier  de  Breignou,  servant  de  découverte  au  vaisseau 
Y  Actif  qui  escortait  un  convoi  aux  Antilles,  fut  prise  par 
le  vaisseau  anglais  de  72*^  Romney,  à  120  milles  du  cap 
Finistère.  Le  capitaine  de  Breignou  envoya  une  volée  au 
vaisseau  et  il  fit  amener  le  pavillon. 


Ce  fut  une  date  néfaste  pour  la  marine  française  que  ce 
5  juillet.  Ce  jour  vit  encore  la  corvette  de  IS*'  le  Hussard, 
capitaine  chevalier  de  Langle,  amener  son  pavillon  aux 
premières  bordées  du  vaisseau  de  72''  Nonsuch,  capitaine 
James  Wallace,  à  8  milles  dans  le  N.-O.  d'Ouessant. 


La  frégate  de  32*'  la  Belle-Poule^  capitaine  chevalier  de 
Kergariou  Coatlès,  fut  chassée  le  16  juillet,  à  la  hauteur 
de  la  Loire,  par  le  vaisseau  anglais  de  72**  Nonsuch,  capi- 
taine James  Wallace  et,  à  11**  du  soir,  elle  échangeait  avec 
lui  quelques  boulets  de  retraite  et  de  chasse.  Trois  fois  la 
Belle 'Poule  mit  en  travers  pour  envoyer  des  volées  entières 
IL  6 


ë2  COMBATS  PÀtlTlCÛLlfeRS.— 1780. 

ad  vaigséaù,  satig  pouvoir  réussir  à  lui  faire  quelque  avarie 
capable  de  ralentir  sa  marche.  A  5^  du  matin,  blessé  mor- 
têlleinenl,  le  capitaine  de  Kergaribu  remit  le  commande- 
ment au  lieutenant  Lamotte-Tabourel  qui  était  lui-mèihe 
blessé  ;  la  frégate  ne  gouvernait  plus.  On  coiitinua  ceperi- 
dâiît  â  coùlbattre  jusqu'à  ce  que,  les  pompes  ne  franchis- 
sant plus,  le  nouveau  capitaine  crut  dévoir  faire  amener  le 
pavillon. 

Le  capitaine  Vialis  de  Fontbelie  de  la  frégate  de  32*  la 
Montréal i  escortant  6  navires  à  Alger,  fut  chassé,  le 
30  juillet,  par  la  frégate  anglaise  de  26''  Porcurpine  ,  la 
corvette  de  22*^  Minorquine,  2  brigs  et  1  corsaire  :  le  vent 
soufflait  de  TE.-N.-E.  Éloigné  encore  d'une  douzaine  de 
milles  du  cap  Gaxines,»  le  capitaine  de  Fontbelie  comptant 
sur  la  protection  que  devait  lui  donner  la  neutralité  du  pa- 
villon algérien ,  prit  le  parti  d'aller  mouiller  dans  la  baie 
de  Sidi  el  Ferrucb.  Mais  la  brise  mollissant  sûus  la  terre, 
les  bâtiments  ennemis  gagnèrent  la  frégate  française  et, 
vers  6^  45",  ils  commencèrent  à  la  canonner.  Le  capitaine 
de  Fontbelie  mouilla  alors,  bâbord  au  large.  Blessé  dans 
ce  moment,  il  remit  le  commandement  à  son  second,  le 
comte  de  Laporte-Yssertieux.  Après  trois  heures  et  quart 
de  canonnade  infructueuse,  les  Anglais  prirent  le  large, 
mais  peu  de  temps  après ,  ils  revinrent  vers  la  frégate 
française.  La  brise  ayant  repris  de  la  force,  le  cajûtaioe 
de  Laporte  appareilla.  Les  Anglais  ne  voulurent  pas  enga- 
ger un  nouveau  combat,  et  ils  s'éloignèrent.  La  Montréal  en- 
tra à  Alger  avec  son  convoi.  Le  capitaine  de  Fontbelie 
mourut  de  ses  blessures. 


Le  10  août,  le  capitaine  Trolong-Durumain  de  la  fré- 
gate de  32*^  la  Nymphe,  en  croisière  au  large  de  l'île 
d'Ôuessant  qui  restait  alors  à  12  milles,  aperçut  une  frégalie 
anglaise  au  vent.  C'était  la  Flora  de  44%  capitaine  Peer 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1780.  83 

Williams.  A  5**  15"  du  soir,  les  2  frégates  étaient  par  le  tra- 
vers Tune  de  Faulre  et  commençaient  le  combat;  une  demi- 
heure  après,  le  capitaine  Durumain  tombait  atteint  par  trois 
balles  et  le  lieutenant  Pennandref  de  Keranstret  le  rem- 
plaçait. Vers  6\  la  Flora  dériva  sur  la  Nymphe  et  l'aborda 
de  long  en  long.  L'équipage  de  cette  dernière  tenta  de 
suite  rçUK)rdage,  mais  il  fut  repoussé.  Le  résultat  de  cette 
attaque  fut  désastreux;  le  lieutenant  Pennandref  fut  tué  et 
ceux  des  oflBciers  qui  n'eurent  pas  le  même  sort  furent 
grièvement  blessés.  Poursuivant  Tavantage  qu'ils  venaient 
«fobteair,  les  Anglais  devinrent  assaillants  à  leur  tour,  et 
ils  se  rendirent  maîtres  ou  pont  de  la  Nymphe.  Le  lieute- 
nant de  frégate  Taillard  fit  cesser  la  lutte,  et  le  pavillon  fut 
amené.  Le  capitaine  Trolong-Durumain  avait  cessé  de  vivre 
avant  la  fin  de  la  journée. 

La  Nymplie  portait  26  canons  de  12 

et  6     —     de    6. 
La  Floka  avait      26  canops  de  18, 

10      _     de    9 
et    8  caronadesdelS. 

La  FjLOfiA  était  la  première  frégate^  portant  dies  jcarp- 
nade39  qui  avait  un  engagement  avec  une  frégate  franjfaisp. 
Ces  caronades,  je  l'ai  déjà  dit,  n'étaient  pas  comptéi^is 
conotfue  canons.  Aussi,  le  capitaine  Williams  dans  son  r^ 
pçirt,  «t  ^rès  lui  les  bistpriens  anglais  di3ent-il3  quç  h 
Flora  était  une  frégate  de  S6  canons. 


Lis  capitaine  comte  de  liergariou  Locmaria,  d^  la  fr^igate 
de  32''  la  /nt^n,  ayant  été  informé,  dans  le  mois  de  sep- 
temtbres  qu'ijuie  corvette  anglaise  commettait  tputes  sortes 
de  déprédations  sur  le  littoral  de  TÛe  espagnole  de  la  Tri- 
nité, se  mit  à  la  recherche  de  ce  bâtiment  et  parvint  à  le 
rencontrer.  La  corvette  anglaise  prit  audacieusement  l'ini- 
tiative de  l'ttMaque  en  eevoy-ant  deux  bordées  à  la  /«hmim. 
Celle-ci  n'en  tira  qu'une;  mais  elleftit  sîl)ien  dirigée,  que 


84  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1780. 

le  grand  mât  de  hune  de  la  corvette  fut  abattu  :  elle  amena 
de  suite  son  pavillon.  C'était  la  Rover  de  20",  capitaine 
Henry  Sauvage. 


Le  25  septembre,  le  cotre  de  18°  le  Serpent^  capitaine 
Amé  de  Lalaune,  attaqua  le  brig  anglais  de  là*"  Levrette, 
dans  les  environs  de  Saint-Domingue.  Celui-ci  amena  son 
pavillon,  mais  après  une  vigoureuse  résistance. 


Au  mois  d'octobre,  c'étaient  les  frégates  de  32**  Y  Aimable 
^t  la  Diligente^  escortant  un  convoi  de  Rochefort  à  Rayonne, 
qui  s'emparaient  des  3  cutters  anglais  Alert,  Tartâr  et 
Jersey.  Le  premier  portait  IS*"  et  les  autres  12. 


Le  2  novembre,  pendant  qu'il  était  occupé  à  faire  de 
l'eau,  sous  voiles,  dans  la  rivière  de  Gambie,  le  capitaine 
AUary,  de  la  corvette  de  16°  le  Sénégal,  aperçut  2  bâti- 
ments qui  se  dirigeaient  sur  la  terre  :  c'était  la  corvette  an- 
glaise de  1&°  Zéphyr,  capitaine  Ingles,  accompagnée  de  la 
PoLLY,  Lettre  de  marque  de  16°.  A  1^  de  l'après-midi,  la 
corvette  anglaise  engagea  le  combat  au  vent  et  à  portée 
de  pistolet.  L'action  devint  tellement  chaude  que  les  ca- 
pitaines ne  songèrent  bientôt  plus  au  voisinage  de  la  terre 
et  les  deux  corvettes  s'échouèrent  ;  le  feu  n'en  fut  pas  ra-. 
lenti.  A  6'',  le  pavillon  du  Sénégal  fut  amené. 

Dans  son  rapport,  le  capitaine  Ingles  dit  que  la  Lettre 
de  marque  resta  quelque  temps  mouillée  à  trois  quarts  de 
mille  des  corvettes,  mais  il  ne  dit  pas  ce  qu'elle  fit  pendant 
le  reste  du  combat.  On  peut  en  induire  qu'elle  contribua 
à  réduire  le  Sénégal.  La  corvette  française  fut  conduite  à 
Corée,  où  elle  fut  incendiée  le  22  novembre  (1). 


(1)  M.  de  Lapeyrouse,  Histoire  de  la  marine  française,  donne  une  date 
faasse  à  ce  combat  C'est,  ainsi  qae  Je  viens  de  le  dire,  dans  le  mois  de  no- 
vembre 1780^  et  non  en  1781,  q[a'il  eat  liea. 


COMBATS  PARTICULIERS. —1780.  85 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGES 

pendant  l'année  1780. 

ANGLAIS. 
Canons. 

ÎThunderer Naufragé  aox  Antilles. 

GoRiHWALL. Coulé  à  Sainte-Lacie. 

Ajax Naufragé  à  la  Martinique. 

{  Stirling  Castle Naufragé  aux  Antilles. 

}  Défiance Naufragé  à  Charlestown. 

50      Leviatuan Naufragé  aux  Açores. 

44      Phoenix Naufragée  à  Ci^. 

36     Laurel Naufragée  à  la  Martinique. 

^^      AjinROMEDE 1  Naufragées  aux  Antilles. 

28  I  Shark Naufragée  dans  rAmérique  du  Nord. 

{  Unicorn Prise  par  une  division. 

26     GbI^mpus. Sombrée  à  la  mer. 

20     RoYER Prise  par  une  frégate. 

i«  i  ^^^^^ ■"  "■ 

^  \  Alert Pris  par  deux  frégates. 

16     SENEGAL  * Brûlée  par  accident. 

14     Levrette. Pris  par  un  cotre. 

*^  I  jerJev.*  .*:;;.*.'!;!]  I  ^"^  p^^  ^^"^  ^*s**®^- 

Corvette  :  Fortune Prise  par  deux  frégates. 

FRANÇAIS. 

64     Protée Pris  par  une  escadre. 

Nymphe Prise  par  une  frégate. 

Belle-Poule Prise  par  un  vaisseau. 

32  {  Charmante Naufragée  sur  l'île  de  Sein. 

Capricieuse Détruite  à  la  suite  d'un  combat. 

Junon Naufragée  sur  l'île  Saint-Vincent. 

r  Pgrle                      .     .     ) 
18  j  „     "  ,* I  Prises  chacune  par  an  vaisseau. 

16     Sénégal Prise  par  une  corvette. 

14      Alerte Naufragé  en  Amérique. 

12     Dauphine Prise  par  trois  corsaires. 

Cotre  :  Sans-Pareil Pris  par  une  division. 

*  L'astérisque  indique  un  bâtiment  pris  à  l'ennemiv 


86 


BATAILLES.— 1781. 


RÉCAPITULATION. 


ANGLAIS.  . 


FRANÇAIS. 


Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs  

Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in* 
f6ri«ar8 


Détruits 

Pris. 

ou 
naufragés. 

Incendiés. 

TOTAL. 

» 
1 

2 

1 

» 

7 
1 
2 

» 
5 

» 

» 

7 
1 

5 

5 

1 

ï) 

G 

ANNÉE  1781. 


L'avis  d'une  expédition  préparée  en  Angleterre  oontns 
la  colonie  du  Cap  de  Boûne^Eâpérance,  rappela  au  gouver- 
nement français  Tîntérèt  qu'il  avait  à  la  conservatiop  des 
possessions  hollandaises  de  l'Inde  ;  et,  certain  que  son  alliée 
attendrait  la  suite  des  événements  avec  son  impassibilité 
habituelle,  il  ordMtsa  tm  armement  capable  de  M  donner 
secours  et  protection.  Le  capitaine  de  vaisseau  de  Suffren 
fut  nommé  an  tomitiandement  de  la  division  destinée  & 
porter  des  troupes  au  Cap  de  Bonne-Espérance  et  k  se  ran- 
ger ensuite  souis  les  ordres  du  capitaine  de  vaisseau  d'Orves 
qui  commandait  les  forces  navales  de  la  France  dans  la 
mer  des  Indes.  Les  vaisseaux  désignés  pour  former  cette 
division  n'étaient  pas  les  seuls  qu'on  ^rmâ4;  à  Brest  ;  2i  ^.u- 
tres  étaient  mis  en  même  temps  en  état  de  prendre  ia  mer. 
Afin  de  tenir  le  gouvernement  anglais  dans  le  doute  sur 
la  destination  d'un  armement  aussi  considérable,  il  avait 
été  décidé  que  ces  vaisseaux  sortiraient  tous  ensemble  et 
ne  se  sépareraient  qu'à  plusieurs  centaines  de  lieues  du 
golfe.  Il  n'y  avait  cependant  pas  de  temps  à  perdre  :  on 


BATAILLES.  — 1781.  87 

apprit  biçntôt,  en  effet,  le  départ  de  rexpédition  anglaisç. 
A  quelques  ÎQurs  de  là,  26  vaisseaux  purent  sortir  de  Brest; 
on  était;  à  la  fin  du  mciis  de  mars.  Le  29,  à  la  hauteur  des 
Scores,  20  vaisseaux  prirent  la  route  des  Antilles  avec  le 
lieutenant  général  de  Grasse  et  la  partie  du  convoi  qui  avait 
cette  destinatiop  ;  1  vaisseau  et  1  frégate  se  dirigèrent  vers 
r Amérique  du  Nord;  enfin,  5  vaisseaux,  1  frégate  et  1  cor- 
vette continuèrent  de  courir  au  Sud  avec  le  commandant 
de  Suffren.  Voici  la  composition  de  cette  dernière  division  : 

7l      Héros capitaine  commandenr  de  Suffren  de  Saint- 
Tropez. 

74     Annibal —  de  Trémigon  aîné. 

!  Artésien —  chevalier  de  Gardaillac. 

Vengeur, —  comte  de  Forbin, 

Sphinx.   ...  « —  Ticomte  Ducbillean  de  {^aroche. 

Frégate  de  52«=  :  Fine. 
Gorrette  de  I6«  :  Fortune. 

La  frégate  fut  envoyée  en  avant  pour  annoncer  l'arrivée 
prochaine  de  la  diyision. 

V Artésien  avait  primitivement  été  désigné  pour  faire 
partie  de  l'armée  du  lieutenant  général  de  Grasse,  et  son 
capitaine  n'avait  pris  que  l'approvisionnement  d'eau  néces- 
saire pour  se  rendre  aux  Antilles.  La  crainte  d'en  manquer 
lui  fit  demander  à  en  faire  aux  îles  du  Cap  Vert.  Ces  île? 
ayant  été  aperçues,  le  16  avril,  le  capitaine  de  Cardaillac 
reçut  Tordre  d'aller  reconnaître  le  mouillage  de  la  Praya  (1  ) . 
Cet  oflScier  supérieur  signala  que  des  bâtiments  de  guerre 
anglais  étaient  à  l'anqre  dans  la  baie.  Aucun  doute  9e 
s'éleva  dans  l'esprit  du  commandant  de  Suffren  :  ces  bâti- 
ments ne  pouvaient  être  que  ceux  qui  venaient  iie  quitter 
l'Angleterre  pour  se  rendre  au  Cap  de  Bonne-Espérance. 
Deux  partis  se  présentaient  :  continuer  la  route  afin  de 
tâcher  de  primer  les  Anglais  de  vitesse  et  d'arriver  au  Cap 
ayant  eux  ;  ou  bien,  ne  tenant  aucun  compte  de  la  n^itralité 


■ni  I  ■      ■    ^^fl»    ■         »    MU    ■    1  y    m       y  ■■  wififn  ■■!■     ^  ■      ■   Il  1      ■   »    ■  I  I   II  Iff 


(1)  La  Prayd;  tille  sur  la  côte  méridionale  de  l'tle  portugaise  San  Yago. 


S8  BATAILLES.  —1781. 

des  lies  du  Gap  Vert,  entrer  dans  la  rade,  attaquer  la  division 
anglaise  et  la  mettre  au  moins  dans  la  nécessité  de  prolonger 
sa  relâche  pendant  un  temps  assez  long  pour  que  les  ren- 
forts que  portait  le  convoi  pussent  arriver  au  Cap  avant 
l'attaque  de  cette  colonie.  Ce  dernier  moyen  entraînait,  il 
est  vrai,  avec  lui  l'obligation  de  sortir  de  la  lutte  dans  un 
état  autre  que  celui  dans  lequel  on  voulait  mettre  l'ennemi; 
mais,  tout  bien  considéré,  on  pouvait  compter  sur  l'avan- 
tage que  devait  procurer  une  surprise,  et  le  commandant 
de  Suffren  l'adopta.  Il  forma  sa  division  en  ligne  de  convoi, 
en  prit  la  tête  et  donna  l'ordre  de  se  préparer  au  combat, 
en  prévenant  qu'il  aurait  lieu  à  l'ancre.  Il  laissa  aux  capi- 
taines toute  latitude  pour  choisir  le  poste  qui  leur  convien- 
drait. Impatient  de  combattre  et,  probablement  aussi,  dé- 
sireux de  commencer  avant  que  les  dispositions  des  Anglais 
fussent  faites,  le  commandant  de  Suffren  ne  tint  pas  compte 
de  la  supériorité  de  marche  du  Héros;  obligeant  ainsi 
chaque  capitaine  à  faire  le  plus  de  voile  possible  pour  le 
suivre,  l'ordre  de  marche  signalé  ne  put  être  observé. 
VAnnibal  et  Y  Artésien  tinrent  assez  bien  leur  poste,  mais 
le  Vengeur  et  le  Sphinx  restèrent  loin  de  Tarrière.  Entrant 
ainsi  l'un  après  l'autre  dans  la  baie,  les  vaisseaux  reçurent 
isolément  les  bordées  concentrées  de  l'ennemi,  qui  leur 
causèrent  de  grands  dommages.  La  division  anglaise  était 
composée  des  vaisseaux  : 

Canons. 

82     Hero capitaine  Hawker. 

72      MoNMOUTH —  James  Alms. 

{RoMNEY —  JoDhstone  Commodore. 

Jupiter —  Paisley. 

Isis .       —  Sutton. 

et  des  frégates  :  Active^  Diâma^  Jason  de  32'';  Mercury  de  S8«. 

Cette  division  escortait  10  vaisseaux  de  la  Compagnie  des 
Indes  portant  chacun  30°  et  16  transports  de  22, 16  et  1A% 
La  rade  de  la  Praya  de  l'île  San  Yago  a  2,700  mètres 
d'ouverture  de  l'Est  à  l'Ouest,  sur  1,200  de  profondeur  du 
Nord  au  Sud.  Toutefois,  à  partir  de  l'île  aux  Cailles,  située 
dans  la  partie  occidentale  et  à  peu  près  à  moitié  de  la  pro- 


BATAILLES. -4781.  89 

fondeur  de  la  baie,  on  ne  trouve  plus  que  i  à  ô  mètres 
d'eau,  ce  gui  oblige  les  navires  d'un  tonnage  un  peu  consi- 
dérable à*  mouiller  dans  l'Est  et  le  long  de  la  côte.  C'est 
la  position  qu'occupaient  îk  division  anglaise  et  son  convoi. 
La  âeule  fortification  de  ce  mouillage  consiste  en  une  bat- 
terie élevée  dans  la  partie  N.-O. 

A  10''  30™,  le  Héros  doubla  la  pointe  Est  et,  se  diri- 
geant sur  les  vaisseaux-  gui  étaient  mouillés  dans  le  voisi- 
nage de  l'île  aux  Cailles,  il  échangea  des  bordées  avec  les 
bâtiments  gui  se  trouvèrent  sur  son  passage  et  alla  jeter 
l'ancre  au  milieu  des  vaisseaux.  Le  commodore  Jonhstone 
avait  prévu  ce  qui  arrivait.  Dès  que  la  division  française 
avait  été  signalée  se  dirigeant  sur  le  mouillage  qu'il  occu- 
pait, il  avait  compris  gu'il  allait  être  attagué  et  il  avait 
pris  ses  dispositions  en  conséguence  ;  et  s'il  fut  surpris,  en 
ce  sens  gue  ses  vaisseaux  et  son  convoi  n'avaient  pas  la 
position  gu'il  leur  eût  fait  prendre  s'il  en  avait  eu  le  tempsj 
gu'un  grand  nombre  d'embarcations  étaient  absentes  de 
leur  bord,  on  le  trouva,  lui  et  les  siens,  en  mesure  de  ré- 
pondre au  premier  coup  de  canon  gui  fut  tiré.  Il  eut,  du 
reste,  dans  la  batterie  de  la  Praya  un  auxiliaire  dont  les 
boulets  incommodèrent  les  Français.  Les  ordres  du  com- 
mandant de  Suilren  n'avaient  malheureusement  pas  été 
exécutés. 

Aucune  disposition  n'avait  été  prise  à  bord  de  ÏÀnnibal. 
Persuadé  gue  la  neutralité  des  îles  du  Cap  Vert  retiendrait 
le  commandant  de  la  division,  et  gue  l'ordre  de  se  prépa- 
rer à  combattre  était  une  simple  mesure  de  précaution 
pour  le  cas  où  les  Anglais  voudraient  s'opposer  à  l'entrée 
de  la  division,  le  capitaine  de  Trémigon  n'avait  pas  même 
fait  démarrer  les  canons  de  son  vaisseau,  et  ses  batteries 
étaient  encombrées  de  pièces  à  eau  gui  avaient  été  retirées 
de  la  cale.  La  surprise  du  capitaine  de  YAnnibal  fut  donc 
grande  lorsgu'il  vit  le  Héros  faire  jouer  son  artillerie  dès 
en  entrant  dans  la  rade  ;  il  le  suivit,  malgré  cela,  sans  hé- 
sitation, et  alla  mouiller  dans  le  Nord  de  ce  vaisseau  et  à 


90  BATAILLES.  — 1781. 

le  toucher,  après  avoir  été  canonné  par  tous  les  bâtiments 
auprès  desquels  il  avait  passé,  et  sans  pouvoir  leur  répon- 
dre, Son  capitaine  paya  de  sa  vie  cette  sécurité,  toujours 
trop  grande  en  temps  de  guerre.  Ces  deux  vaisseaux  furent 
les  seuls  qui  combattirent.  Celui  qui  les  suivait  aborda 
2  vaisseaux  de  la  Compagnie,  en  enleva  un  et  sortit  avec 
lui  :  le  capitaine  de  ce  vaisseau  avait  été  tué  dans  cette 
entreprise.  Les  deux  autres  se  bornèrent  à  passer  au  large 
de  la  ligne  ennemie  et  se  tinrent  ensuite  à  l'ouvert  de  la 
baie.  La  situation  était  critique,  et  le  commandant  de  Suf- 
fren  regretta  peut-être  un  moment  d'avoir  pris  la  détermi- 
nation qui  le  compromettait  ainsi.  Maïs  son  étoile  n'avait 
pas  encpre  atteint  l'éclat  dont  elle  devait  briller  un  jour, 
et  i\  réussit,  malgré  l'insouciance  et  le  mauvais  vouloir  de 
ses  sous-ordres.  La  lutte  ne  pouvait  être  prolongée  dans  de 
semblables  conditions.  Le  Héros  fila  son  câble  et,  suivi 
par  son  noble  compagnon  qui,  bien  que  réduit  à  un  seul 
mât  qui  tomba  pendant  l'évolution  put  imiter  sa  manœu- 
vre, il  sortit  de  la  baie  et  rallia  ses  transports  qu'il  avait 
laissés  à  la  garde  de  la  corvette.  Le  Sphinx  avait  donné 
la  remorque  à  YAnnibal. 

Dans  la  position  que  le  commandant  de  SufFren  avait 
choisie,  le  Héros  eut  à  soutenir  le  feu  de  son  homonyme,  du 
MoNMOUTH,  du  RoMNEY,  dcs  vaisscaux  de  la  Compagnie  qui 
pouvaient  le  découvrir  et  celui  de  la  batterie  de  la  Praya. 
Il  leur  tint  bravement  tête;  mais,  à  midi,  certain  que  le 
Vengeur^  Y  Artésien  et  le  Sphinx  ne  lui  viendraient  pas  en 
aide,  le  commandant  en  chef  comprit  qu'il  finirait  par  suc- 
comber dans  cette  lutte  inégale  et  qu'il  devait  se  retirer 
pendant  que  sa  mâture,  très-compromise,  lui  en  laissait 

encore  la  possibilité.  Le  Héros  appareilla  et  prit  le  large. 
Cette  détermination  du  commandant  de  la  division 
était  d'ailleurs  commandée  par  Tétat  de  YAnnibah  II  s'é- 
tait écoulé  un  grand  quart  d'heure  avant  que  ce  vaisseau 
eût  pu  répondre  au  feu  du  Monmouïh,  du  Jupiter,  des  fré- 
gates Active,  Diana,  auquel  se  joignit  encore  celui  de 


BATAILI^BS  — 1781.  91 

plusieurs  vaisseaux  de  Compagnie  et  de  la  batterie  de  terre. 
Mais  alors,  sa  riposte  vigoureuse  et  soutenue  av^it  surpris 
ses  adversaires.  Ce  combat  disproportionné  durait  depuis 
une  demi-heure  à  peine,  lorsque  le  capitaine  de  Trémigon 
eut  la  cuisse  gauche  coupée  par  un  boulet  (1)  et  il  dut  re- 
mettre le  commandement  au  lieutenant  Morard  de  Galle. 
La  position  de  Y Annibal devint  bientôt  des  plus  critiques; 
la  chute  de  son  mât  d'artimon  d'abord  et,  à  midi,  celle 
du  grand  mât  attestèrent  l'activité  et  la  justesse  du  tir 
de  l'ennemi.  La  proximité  à  laquelle  le  Héros  se  trouvait 
permit  au  nouveau  capitaine  de  YAnnibal  d'apercevoir  de 
suite  la  manœuvre  de  ce  vaisseau  ;  et,  comme  par  un  hasard 
providentiel^  le  sien  ayant  encore  son  mât  de  misaine,  l'a- 
jbattée  se  fit  avec  facilité  :  elle  était  à  peine  achevée  que  ce 
dernier  mât  tomba  aussi.  Quelque  grave  que  fût  cette  ca- 
tastrophe, elle  n'eut  pas  les  conséquences  qu'on  pouvait 
redouter.  Le  vent  poussa  le  vaisseau  en  poupe,  et  traîné 
par  le  Sphinx  qui  avait  reçu  l'ordre  de  le  prendre  à  la 
remorque,  il  réussit  à  se  mettre  hors  de  l'atteinte  des  bpus- 
lets  de  l'enneipi. 

La  fumée  était  déjà  très-épaisse  lorsque  Y  Artésien  Bjriy  a, 
^  I9.  hauteur  du  principal  groupe  de  bâtiments  anglais. 
Aussi  aborda-t-il  un  vaisseau  de  la  Compagnie  qu'il  prit 
pour  un  vaisseau  de  ligne.  Ce  bâtiment  réussit  à  se  décror 
cher  et  s'éloigna  en  emmenant  huit  hommes  de  Y  Artésien 
qui  avaieut  sauté  à  bord.  Cette  pertQ  n'était  pas  la  seule 
qu'avait  occasionnée  cette  méprise  :  une  balle  reçue  en 
pleine  poitrine  avait  abattu  le  capitaine  de  Cardaillac  roide 
mort  de  son  banc  de  quart;  le  lieutenant  de  Laboixière 
l'avait  remplacé.  Entraîné  sous  le  vent,  YArtésiei}  aborda 
un  autre  yaisseau  de  la  Compagnie  qu'il  enleva.  Les  câbles 
de  ce  vaisseau  furent  coupés,  et  tous  deux  s'en  allèrent  en 
dérive  vers  la  ppinte  occidentale  de  la  baie.  L'4^<(^fmreçut 


(1)  Le  capHaine  de  Trémigoo  motinit  dans  la  journée. 


92  BATAILLES.  — 1781. 

Tordre  de  donner  la  remorgue  à  YAnnibal;  il  arriva  trop 
tard  pour  l'exécuter. 

Le  Vengeur  se  présenta  à  son  tour,  mais  le  capitaine  de 
Forbin  prit  le  large  après  avoir  'défilé  en  dehors  de  la  ligne 
ennemie,  et  il  essaya  vainement  de  recommencer  cette  ma- 
nœuvre. 

Le  Sphinx  imita  et  suivit  le  Vengeur.  Le  capitaine  Du- 
chilleau,  sur  le  signal  gui  lui  en  fut  fait,  prit  YAnnibal  à  la 
remorgue  dès  gue  ce  vaisseau  se  trouva  dégagé. 

Le  Commodore  Jonhstone  ne  put  rester  impassible  en 
voyant  lui  échapper  un  trophée  gu'il  ne  croyait  même  pas 
avoir  besoin  de  saisir  ;  il  appareilla  avec  tous  ses  vaisseaux, 
mais  il  renonça  promptement  à  poursuivre  un  ennemi  gui 
allait  l'entraîner  sous  le  vent  d'un  mouillage  gu'il  aurait 
ensuite  bien  de  la  peine  à  atteindre.  Il  retourna  donc 
prendre  son  ancrage  et  ramena  aussi  le  vaisseau  de  la 
Compagnie  gui  avait  été  capturé  par  YArtésien^  laissant  le 
commandant  de  SufFren  continuer  sa  route  vers  le  Gap  de 
Bonne-Espérance,  où  il  arriva  le  21  juin. 

Malgré  les  pertes  gue  le  Héros  et  surtout  YAnnibal 
avaient  essuyées,  malgré  les  avaries  considérables  gue  ce 
dernier  vaisseau  avait  éprouvées,  le  résultat  du  combat  de  la 
Praya  fut  tel  gue  le  commandant  de  Sulfren  l'avait  espéré- 
La  division  française  arriva  au  Gap  de  Bonne-Espérance 
avant  les  vaisseaux  anglais,  et  elle  put  débarguer  les  troupes 
destinées  à  cette  colonie.  Lorsgue  le  commodore  Jonhstone 
parut,  une  guinzaine  de  jours  après,  il  recula  devant  une 
attague,  et  se  borna  à  s'emparer  de  guelgues  vaisseaux 
hollandais  de  la  Compagnie  des  Indes  gui  étaient  dans  la 
baie  de  Saldanha  (1) .  La  division  française  put  alors  suivre 
sa  destination;  elle  mouilla  à  l'Ile  de  France  le  21  octobre. 

Le  combat  de  la  Praya  valut  un  double  avancement  au 
commandant  de  Suifren  :  il  fut  fait  bailli  et  chef  d'escadre. 


(1)  Saldanha,  vaste  baie  sur  la  côte  occidentale  de  l'Afrique^  4  60  milles  da 
Gap  de  Bonne-Espérance. 


BATAILLES.— i78i.  93 

M.  de  Lapeyrouse ,  avec  lequel  je  regrette  de  n'être  pas 
toujours  d'accord,  fait  erreur  en  disant  que  YÀnnibal  était 
commandé  par  le  capitaine  de  Guverville.  Les  désagré- 
ments que  le  commandant  de  Suffren  éprouva  à  son  arrivée 
àl'Ile  de  France  n'eurent  lieu  que  parce  qu'il  fallut  pourvoir 
définitivement  au  remplacement  du  capitaine  de  Trémigon. 


Dans  le  but  d'assurer  un  refuge  à  ses  bâtiments  et  un 
déboucbé  à  son  commerce  »  la  Hollande  avait  fondé  la  co- 
lonie de  Saint-Eustache ,  petite  île  des  Antilles.  Cet  éta- 
blissement, qui  avait  acquis  bientôt  un  grand  développe- 
ment, venait  d'être,  au  mépris  des  traités,  pillé  et  détruit 
par  l'amiral  anglais  Rodney.  Informé  du  départ  du  convoi 
qui  apportait  en  Angleterre  les  riches  dépouilles  des  co- 
lons hollandais  deSaint-Eustache,  le  gouvernement  français 
donna  l'ordre  au  chef  d'escadre  Lamotte-Piquet  d'aller 
croiser  à  l'entrée  de  la  Manche  avec  6  vaisseaux,  3  frégates 
et  2  cotres,  pour  l'intercepter  s'il  était  possible.  Les  ren- 
seignements du  gouvernement  français  étaient  si  précis 
que,  sept  jours  après  la  sortie  de  Brest,  le  1"  mai,  ce  con- 
voi fut  aperçu.  22  navires  furent  enlevés.  Le  commodore 
Hotham,  qui  commandait  l'escorte  réussit  à  sauver  les  au- 
tres, ainsi  que  les  2  vaisseaux  et  les  2  frégates  qui  les 
accompagnaient.  La  division  rentra  à  Brest  le  11  avec  ses 
prises. 

Fatigué  des  tergiversations  de  l'Espagne  et  de  Tinaction 
du  lieutenant  général  Gordova  commandant  en  chef  de 
l'armée  combinée  réunie  à  Cadix,  circonstances  qui  avaient 
fait  avorter  l'expédition  projetée  contre  la  Jamaïque  5  fati- 
gué aussi  du  rôle  qu'on  faisait  jouer  à  sa  marine  depuis 
que  Gibraltar  était  bloqué,  le  gouvernement  français,  ai-je 
dit,  avait  obtenu  le  remplacement  de  l'amiral  espagnol  par  le 
vice-amiral  d'Estaing  et  avait  bientôt  rappelé  les  forces 
navales  placées  sous  les  forces  de  cet  officier  général.  Ce 


94  BATAILLÈÎS.— 1781. 

fut  le  3  janvier  1781  qu'elles  mouillèrent  sur  là  rade  de 
Brest.  De  leur  côté,  les  Espagnols  se  plaignaient  du  gou- 
vernement français  qui ,  disaient-ils ,  tenait  peu  de  compte 
des  intérêts  des  alliés;  ils  lui  reprochaient,  entre  autres 
choses,  de  n'avoir  pas  empêché  le  ravitaillement  de  Gi- 
braltar. Bref,  les  esprits  étaient  fort  aigris  des  deux  parts. 

Cette  inaction  dont  le  gouvernement  s'était  plaint  avait 
peut-être  un  autre  motif  que  celui  qu'alléguait  le  lieute- 
nant général  Cordova,  c'es£-à-dire  les  ordres  de  son  gou- 
vernement. Un  ordre  du  jour  du  major  général  don  José 
Massaredo  semble  l'indiquer.  Ce  document  curieux  porte 
la  date  du  22  février  1781,  à  bord  du  vaisseau  la  Santa 
Trinidad. 

((  Fait  savoir  aux  commandants  et  chefs  de  divi- 

«  sion  l'extrême  déplaisir  qu'a  éprouvé  Son  Excellence 
«  depuis  sa  sortie,  en  observant  l'irrégularité  avec  laquelle 
((  plusieurs  vaisseaux  naviguent  contre  tout  ordre  et  Tu- 
(1  nion  constante  qu'exigent  les  mouvements  d'une  escadre, 
((  et  malgré  tant  de  signaux  généraux  et  particuliers  qui 
((  ont  été  faits.  Il  en  coûte  beaucoup  à  Son  Excellence 
((  d'être  obligée  de  désapprouver  publiquement  une  pa- 
«  reillê  forme  de  navigation  ;  l'éparpillement  de  l'escadre 
((  a  empêché  non-seulement  d'évoluer,  mais  même  de  faire 
«  les  manœuvres  indispensables  pour  prendre  les  bordées 
c  les  plus  favorables. 

(i  Son  Excellence  ne  peut  voir  avec  indifférence  ce  qui 
«  pourrait  arriver  dans  le  cas  d'une  rencontre,  ni  se  borner 
«  à  disposer  ce  que  ses  lumières  lui  dicteraient  de  mieux. 
((  Elle  ne  peut  porter  une  faible  attention  sur  le  serrice  tlu 
«  roi,  iet  sera  t)biigée  de  se  servir  très-sérieusement  de  ses 
a  facultés  contre  tout  capitaine  qui  manquerait  désormais 
a  à  conserver  son  poste  et  à  manœuvrer,  dans  tous  les 
«  tas ,  tivec  la  précision  et  les  connaissances  requises  et 
«  toujours  nécessaires.  » 

«  Pour  éviter  cette  extrémité ,  Son  Exodlence  prévîcmt 
c(  qu'on  ait  à  apprendre  et  à  observer  les  avertissements 


BATAILLES.  — 1781.  95 

«c  qui  se  trouvent  dans  le  folio  22  jusqu\\  2b  du  livre  des 
«  signaux;  ils  sont  en  petit  nombre  et  exigent  peu  de 
c  peine.  Le  désordre  et  Tirrégularité  avec  lesquels  on  a 
«  navigué  jusqu'à  ce  jour  sont  évidemment  le  résultat  de 
n  la  non-observation  de  ces  articles,  » 

Oubliant  encore  une  fois  ses  griefs ,  la  France  s'imposa 
de  nouveaux  sacrifices  et  offrit  à  la  Cour  d'Espagne  de 
tenter  la  conquête  de  File  de  Minorque*  Le  23  juin,  18 
f aisseaux  commandés  par  le  lieutenant  général  comte  de 
Guicben  se  rendirent  de  Brest  à  Cadix  et  se  rangèrent  sous 
les  ordres  du  lieutenant  général  don  Luis  de  Cordova; 
diéjài  un  vaisseau  et  une  frégate  étaient  arrivés  de  Toulon. 
Getle  réunion  devait  donner  à  l'armée  combinée  une  grande 
dupérlurité  numérique  sur  l'armée  anglaise.  Le  22  juillet, 
elle  mit  à  la  voile,  entra  dans  la  Méditerranée  et,  après 
un  débarquement  d'environ  1â,000  hommes  dans  l'île  de 
Minorque,  elle  repassa  le  détroit  et  alla  s'établir  en 
croisière  à  l'entrée  de  la  Manche.  Prévenu  à  temps ,  Ta- 
miral  aaglais  Darby  s'était  replié  vers  les  côtes  d' Angle- 
terre et  avait  mouillé  à  Torbay,  où  il  avait  pris  toutes  les 
dispositions  que  nécessitaient  les  prévisions  d'une  attaque 
pix)bable.  Cette  attaque  fut,  en  effet,  mise  en  question; 
mais  t&ndls  que  les  uns  1^  voyaient  couronnée  d'un  succès 
certain ,  les  autres  pensaient  le  contraire.  Cette  dernière 
opinion  prévalut  et  la  sortie  de  cette  formidable  armée  na- 
vale fut,  une  fois  encore,  sans  résultat,  car,  lorsque  le  mois 
de  septembre  arriva,  le  commandant  en  chef  retourna  à 
Cadix  avec  ses  30  vaisseaux  et  le  lieutenant  général  de 
Guichen  rentra  à  Brest  avec  les  siens. 

La  <K^uéte  de  l'Ile  de  Minorque  ne  fut  complète  qu'au 
imois  de  février  de  l'année  suivante. 


La  rentrée  des  vaisseaux  de  Farmèe  combinée  ffàîico-e'S- 
pagnole  permit  au  gouvernement  de  s'occuper  des  cololaïès 


96  BATAILLES,— 1781. 

des  Antilles  gui  étaient,  à  cette  époque,  dans  un  grand 
dénûment.  Le  lieutenant  général  de  Guicben  fut  chargé 
d'escorter  au  large  le  convoi  qui  leur  portait  des  approvi- 
sionnements; cet  officier  général  devait  aller  ensuite  re- 
joindre l'amiral  espagnol  à  Cadix,  avec  10  vaisseaux  et 
upe  frégate.  Le  chef  d'escadre  marquis  de  Vaudreuil,  qui 
avait  la  conduite  du  convoi,  poursuivrait  alors  sa  route  avec 
7  vaisseaux  et  2  corvettes,  et  plus  tard,  il  détacherait  2 
vaisseaux  et  2  corvettes  pour  les  mers  de  l'Inde  avec  quel- 
ques navires  du  commerce.  Le  convoi  sortit  de  Brest  le  8 
décembre.  Le  cabinet  de  Saint-James  avait  bientôt  élé  in- 
formé de  ces  projets,  et  le  contre-amiral  Kempenfeldt  avait 
été  expédié  à  la  recherche  de  cette  flotte  avec  13  vaisseaux, 
m'aperçut  le  10,  à  environ  150  milles  d'Ouessant.  Quoique 
le  temps  fût  brumeux,  la  flotte  naviguait  en  toute  sécurité 
et  les  convoyeurs  étaient  à  plusieurs  milles  sous  le  vent  du 
convoi.  Cette  disposition  permit  au  contre-amiral  anglais 
d'enlever  15  navires,  sans  qu'il  fût  possible  de  leur  porter  . 
aucun  secours.  La  confusion  devint,  du  reste,  bientôt  des 
plus  grandes;  d'un  côté,  les  vaisseaux  anglais  tombaient 
sur  une  proie  facile  à  saisir  ;  de  l'autre,  les  navires  du 
convoi  employaient  toutes  leurs  ressources  pour  obtenir  des 
bâtiments  de  guerre  français  un  appui  que  ceux-ci  tentaient 
vainement  de  leur  donner.  Le  vaisseau  Y  Actif  de  64*,  ca- 
pitaine Macarthy  Macteigue  se  trouva  seul  en  position  de 
les  secourir,  et  il  eut  un  engagement  assez  vif  avec  le  vais- 
seau de  82*  Edgar.  Le  désordre  cessa  dans  l'après-midi, 
lorsque  la  brume  se  dissipa  ;  le  reste  de  la  journée  fut  em- 
ployé à  se  rallier.  Le  lieutenant  général  de  Guichen  pour- 
suivit l'armée  anglaise  le  lendemain  et  le  jour  suivant  ;  mais, 
satisfait  du  succès  inespéré  qu'il  avait  obtenu,  le  contre- 
amiral  Kempenfeldt  évita  l'engagement  et  prit  chasse  avec 
ses  prises;  il  ne  put  être  atteint.  Le  23,  la  flotte  fut  dis- 
persée par  un  coup  de  vent  qui  obligea  la  majeure  partie 
des  bâtiments  à  rentrer  à  Brest.  2  vaisseaux  seulement,  le 
Iriomphanty  que  montait  le  chef  d'escadre  de  Vaudreuil, 


BATAILLES. -1781.  91 

et  le  Brave  arrivèrent  aux  Antilles  avec  5  navires  sur  150. 
Une  partie  du  convoi  de  l'Inde  put  aussi  continuer  sa  route. 


Le  chef  d'escadre  chevalier  d'Arzac  de  Ternay  avait  à 
peine  terminé  les  travaux  nécessaires  pour  mettre  la  divi- 
sion qu'il  commandait  à  l'abri  d'une  attaque  à  New-Port, 
qu'il  mourut,  le  15  décembre,  laissant  au  chevalier  Des- 
toucbes,  le  plus  ancien  des  capitaines  de  vaisseau,  le  com- 
mandement des  forces  navales  de  la  France  dans  l'Amé- 
rique du  Nord.  Cet  officier  supérieur  passa  sur  le 
vaisseau  le  Duc-de-Bourgogne  et  le  capitaine  chevalier  de 
Médine  le  remplaça  sur  le  Neptune. 

Afin  d'arrêter  les  déprédations  que  le  commodore  anglais 
Collier  ne  cessait  de  commettre  sur  les  côtes  de  l'état  de 
Virginie,  le  commandant  Destouches  donna  l'ordre  au  ca- 
pitaine Le  Gardeur  de  Tilly,  au  commencement  du  mois  de 
février,  de  se  rendre  dans  la  Chesapeak  avec  son  vaisseau 
de  64*^  Y  Éveillé,  les  deux  frégates  de  32«  la  Gentille  et  la 
Sur%ieillante,  et  le  cotre  la  Guêpe.  La  précaution  que  prirent 
les  bâtiments  anglais  de  se  retirer  dans  la  rivière  l'Eliza- 
beth,  ne  permit  pas  au  capitaine  de  Tilly  de  remplir  sa 
mission  aussi  complètement  qu'il  l'eût  désiré.  Il  prit  ce- 
pendant ou  détruisit  plusieurs  navires  et,  dans  le  nombre 
de  ceux  qu'il  emmena  à  New-Port,  se  trouvait  le  vaisseau  de 
hh""  RoMULUs,  dont  le  commandement  fut  donné  au  capi- 
taine de  Yillebrune,  de  la  Gentille. 

Le  succès  incomplet  de  cette  première  expédition  et  le 
désir  qu'il  avait  de  secourir  l'état  de  Virginie,  déterminè- 
rent le  commandant  Destouches  à  faire  une  nouvelle  ten- 
tative, mais  avec  de  plus  grands  moyens,  et  à  acquiescer 
en  même  temps  à  la  demande  du  général  M^ashington  qui, 
inquiet  des  avantages  remportés  par  les  Anglais  sur  la  ri- 
vière James,  le  sollicitait  d'y  porter  un  corps  de  troupes  de 
1,200  hommes. 

La  division  française  mit  sous  voiles,  le  8  mars.  Gon- 
IL  7 


98  BATAILLES. —4784. 

trariée  par  de  grands  vents  de  S.-O.  et  des  brumes,  elle 
n'eut  connaissance  du  cap  Henri  que  le  16.  Ce  jour-là, 
on  aperçut  dans  le  Sud  plusieurs  voiles  qu'on  ne  tarda  pas 
à  reconnaître  pour  des  vaisseaux  ;  c'était  la  division  du  vice- 
amiral  Arbuthnot  qui  commandait  les  forces  navales  an- 
glaises sur  cette  côte,  depuis  le  mois  de  juin  de  l'année 
précédent3.  Cette  division  était  composée  comme  il  suit  : 

Canons. 
98     LoNDON capitaiDe  Grades. 

IRoBusT —       Philip  Gresby. 
Royal  Oak —       Swiney. 
Arbuthnot,  yice-amirai. 
Bedford capitaine  Edmund  Affleck. 

i  America —       Samuel  Thompson. 

64  \  Prudent —       Bennet. 

(  EuROPA —       Ghild. 

50     Adamant.  —       Jonhstone. 

Frégates  :  Guadelupe,  Pearl,  Isis. 

Ce  jour-là,  le  vent  soufflait  du  N.-N.-O.,  la  mer  était 
grosse  et  la  brume  ne  tarda  pas  à  devenir  très-épaisse.  Le 
commandant  Destouches  fit  signal  de  se  ranger  en  bataille; 
les  amures  à  bâbord.  En  faisant  cette  évolution,  V Éveillé 
et  Y  Ardent  cassèrent  leur  vergue  de  grand  hunier.  L'éloi- 
gnement  de  l'ennemi  leur  permettant  de  la  changer  de 
suite,  la  division  mit  en  panne  ;  mais,  comme  elle  tombait 
incessamment  sous  le  vent,  le  commandant  en  chef  signala, 
à  !*•  de  l'après-midi,  de  prendre  les  amures  à  l'autre  bord 
en  virant  vent  arrière.  Sa  division  se  trouva  rangée  comme 
ci-après  : 

Canons. 

74      Neptune capitaine  chevalier  de  Médine. 

80      Duc-de- Bourgogne.  ...  —  chevalier  Destouches. 

74      Conquérant —  de  Lagrandière. 

{Provence —  chevalier  de  Lombard. 

Ardent —  chevalier  Bernard  de  Marigny. 

Jason —  Ghadeau  de  Laclocheterie. 

Éveillé —  chevalier  Le  Gardeur  de  Tilly. 

44      Romulus —  de  Villebrune. 

S%     Hermione —  comte  de  Latouche. 

64      Fantasque,  en  flûte.   ...  —  de  Vaudoré. 

Les  Français  étaient  alors  sous  le  vent  de  la  division  an- 
glaise. Celle-ci  vira  bientôt  après  et  se  trouva  également 
en  bataille,  tribord  amures.  Le  commandant  Destoucbes 


BATAILLES.  — 1781.  99 

n'attendit  pas  que  les  Anglais  eussent  terminé  leur  évolu- 
tion pour  commencer  le  feu  5  il  sut  tirer  parti  de  la  ma- 
nœuvre ordonnée  par  le  vice-amiral  Arbuthnot  et  fit  ca- 
nonner  ses  vaisseaux  pendant  qu'ils  viraient.  La  régularité 
de  la  ligne  ennemie  s'en  ressentit.  Les  Français  n'étaient 
du  reste  guère  mieux  formés  et  le  commandant  Destouches 
jugeant  nécessaire  de  rectifier  sa  ligne  de  bataille,  fit  virer 
sa  division  à  3^  ;  cette  manœuvre  n'ayant  pas  été  imitée 
par  les  Anglais,  il  ordonna  de  diminuer  de  voiles.  Le  vice- 
amiral  Arbuthnot  fit  virer  ses  vaisseaux  vingt  minutes  plus 
tard,  mais  sans  intention  de  continuer  le  combat  ;  et  le  feu 
qui  avait  cessé  lorsque  les  deux  divisions  s'étaient  dé- 
passées ne  recommença  pas  ;  les  vaisseaux  anglais  avaient 
été  trop  maltraités  pour  continuer  la  lutte,  et  le  Robust, 
le  Prudent  et  I'Europa  étaient  incapables  de  tenir  la  mer. 
Le  vice-amiral  anglais  leur  fit  donner  la  remorque  et  alla 
mouiller  sur  la  rade  de  Lynhaven  à  l'entrée  de  la  Ghesapeak. 
Le  commandant  Destouches  avait  manœuvré  sans  re- 
chercher ni  éviter  le  combat  parce  que  l'issue,  même  la 
plus  heureuse,  pouvait  l'empêcher  de  remplir  la  mission 
qui  l'amenait  dans  ces  parages;  mais  il  l'avait  accepté  sans 
hésitation  dès  que  l'ennemi  s'était  trouvé  en  sa  présence. 
Il  ne  voulut  pas  davantage  qu'on  pût  croire  qu'il  avait  dé* 
siré  la  fin  du  combat.  Aussi,  quoique  le  Conquérant  eût  son 
gouvernail  et  sa  mâture  dans  un  état  fort  inquiétant  ;  que 
le  grand  mât  de  Y  Ardent  fût  très-endommagé  et  que  les 
autres  vaisseaux  eussent  des  avaries  plus  ou  moins  graves, 
il  resta  sous  voiles  devant  la  Ghesapeak  pendant  vingt-qua- 
tre heures.  Mais  il  n'y  avait  plus  à  songer  à  entrer  dans  cette 
baie  puisque  l'ennemi  se  tenait  à  l'ancre  sur  son  passage.  En 
conséquence,  après  avoir  montré  qu'il  ne  redoutait  pas  une 
seconde  rencontre  et  y  avoir  en  quelque  sorte  convié  l'a- 
miral anglais,  il  retourna  à  New-Port.  Le  capitaine  de  Mé- 
dîne  avait  été  blessé.  Le  capitaine  de  Villebrune  reprit  la 
frégate  la  Gentille  et  le  Romulus  fut  donné  au  capitaine 
Launay-Tromelin . 


100  BATAILLES.  — 1781. 

Peu  de  temps  après  le  retour  de  la  division  française, 
l'État  de  Massachussetts  pria  le  commandant  en  chef  de 
diriger  une  expédition  contre  la  ville  de  Penobscot  dont  le 
port  servait  de  refuge  à  tous  les  corsaires  anglais  de  la  côte. 
Celui-ci  y  consentit;  mais  le  général  Washington  ayant 
émis  l'opinion  qu'il  serait  imprudent  de  diviser  les  forces 
navales  et  conseillé  d*attendre  l'arrivée  de  quelques  nou- 
veaux bâtiments,  l'expédition  n'eut  pas  lieu.  Le  6  mai,  le 
chef  d'escadre  de  Barras  Saint-Laurent,  désigné  pour 
prendre  le  commandement  de  la  division  française,  arriva 
sur  la  frégate  la  Concorde^  capitaine  chevalier  de  Tanouarn. 
La  division  était  encore  augmentée  du  vaisseau  de  ÔA""  le 
Sagittaire,  capitaine  chevalier  de  Montluc  Labourdonnaie, 
qui  était  parti  de  France  à  la  fin  du  mois  de  mars. 


On  se  rappelle  que  le  lieutenant  général  de  Grasse  était 
sorti  de  Brest  à  la  fin  du  mois  de  mars,  en  même  temps  que 
le  commandant  de  Suifren,  et  que,  rendu  aux  Açores,  il  avait 
fait  route  pour  les  Antilles  avec  un  convoi  et  les  vaisseaux 
ci-après  : 

Canons. 

100      Ville-de-Paris capitaine  de  Sainte-Césaire. 

comte  de  Grasse^  lieutenant  général. 

de  Vaugiraud^  major  général. 
Auguste capitaine  Castillan. 

de  Bougainvilie,  chef  d'escadre. 

^^  ^  Saint-Esprit capitaine  marquis  de  Gbabert. 

Languedoc —       baron  d'Arros  d'Argelos. 

Sceptre —       comte  de  Vaudreuil. 

César —       chevalier  Goriolis  d'Ëspinouse. 

Souverain —       chevalier  de  Glandevès. 

Northumberland —       marquis  de  Briqueviile. 

Piuton —       d'Albert  de  Rions. 

Diadème —       chevalier  de  Monteclerc. 

Magnanime —       comte  Le  Bègue. 

74  (  Zélé —       chevalier  de  Gras-Préville. 

Marseillais —       de  Gastellane-Majastre. 

Bourgogne -^       chevalier  de  Gharitte. 

Scipion —       comte  de  Glavel. 

Hector —       Renaud  d'Aleins. 

Hercule —       vicomte  de  Turpin  de  Breuil. 

Glorieux,  • —       vicomte  d'Ëscars. 

fiitoyen —       d'Ethy. 


BATAILLES.  -  1781.  101 

64      Vaillant —  chevalier  Charles -René    Bernard 

de  Marigny. 

32      Médée —  cheyalier  de  Girardin.  * 

i  Aigrette. —  de  Traversay.  • 

(  Diligente —  vicomte  de  Mortemart. 

P .         (  18*^    Alerte —  de  Ghabons. 

f®s  (  U     Pandour, .....  —  de  Grasse-Limmermont. 

Lorsque  le  lieutenant  général  de  Grasse  arriva,  le 
29  avril,  en  vue  de  la  Martinique ,  il  trouva  le  contre-ami- 
ral Hood  en  observation  devant  la  baie  du  Fort-Royal  avec 
17  vaisseaux  anglais.  Le  yent  soufflait  de*rE.-N.-E. 

La  baie  du  Fort-Royal  (1) ,  sur  la  côte  occidentale  de 
l'île  de  la  Martinique,  a  son  ouverture  à  TOuest.  Cette 
magnifique  baie  ne  compte  pas  moins  de  6  milles  de  pro- 
fondeur, de  TEst  à  l'Ouest,  sur  un  peu  plus  de  5  du  Nord  au 
Sud.  Les  navires  qui,  venant  d'Europe,  se  rendent  au  Fort- 
Royal,  attaquent  l'île  par  le  Sud,  serrent  de  près  les  terres 
pour  profiter  des  risées  qui  descendent  des  mornes  et  ar- 
rivent ainsi  au  cap  Salomon,  pointe  Sud  de  la  baie  du  Fort- 
Royal.  De  là,  il  est  facile  d'atteindre  la  rade,  môme  en 
louvoyant,  et  quelques  batteries,  placées  de  l'un  et  de  l'au- 
tre côté,  soutiendraient  au  besoin  les  navires  qui  iraient 
leur  demander  secours  et  protection.  La  distance  à  laquelle 
se  tenaient  les  Anglais  permettait  certainement  au  lieute- 
nant général  de  Grasse  d'entrer  dans  la  baie  et  d'arriver 
au  mouillage  sans  être  inquiété.  Il  ne  le  voulut  pas  et  tint 
à  signaler  son  apparition  dans  ces  mers  par  un  échange  de 
quelques  boulets  avec  l'ennemi.  Dès  qu'il  l'aperçut,  il  fit 
signal  au  convoi  de  serrer  la  côte,  se  tint  avec  ses  vais- 
seaux plus  au  large,  et  lorsqu'il  se  trouva  à  l'ouvert  de  la 
baie  du  Fort-Royal,  il  fit  arriver  son  armée  tout  à  la  fois 
et  la  fit  revenir  au  vent  à  grande  portée  de  canon  de  l'ar- 
mée anglaise.  Toutes  deux  engagèrent,  dans  cette  position 
et  à  contre-bord,  une  canonnade  qui  cessait  lorsque  les 
vaisseaux  s'étaient  dépassés  pour  reprendre ,  toujours  à 


(1)  Aujourd'hui  Fort  de  France. 


102  BATAILLES.  — 1781. 

grande  distance,  dès  qu'un  virement  de  bord  les  rappro- 
chait. Cette  manœuvre  dura  plusieurs  heures.  Il  était  fa- 
cultatif au  lieutenant  général  de  Grasse  d'engager  une 
affaire  générale  ;  mais,  bien  qu'il  eût  été  rallié  par  4  vais- 
seaux qui  étaient  sur  la  rade  du  Fort- Royal,  la  crainte  d'ex- 
poser son  convoi  l'empêcha  de  courir  les  chances  d'un  com- 
bat sérieux.  Les  vaisseaux  qui  l'avaient  rallié  étaient: 

Canons. 

74      Victoire,  .  •  .  ^ capitaine  d'Albert  Saint-Hypolite. 

(  Caion ~  comte  de  Framond. 

64  I  Réfléchi —  Cillart  de  Suville. 

(  Solitaire —  comte  de  Cicé  Champion. 

Le  contre-amiral  Hood  resta  à  l'ouvert  de  la  baie  jus- 
qu'au lendemain  matin  ;  la  gravité  des  avaries  du  Rdssel, 
du  Centaur  et  de  I'Intrepid,  le  décidèrent  alors  à  s'éloi- 
gner. Le  capitaine  du  Centaur  avait  été  tué.  Le  lieutenant 
général  de  Grasse  se  mit  à  la  poursuite  de  l'armée  anglaise 
et;  le  1"  mai,  il  lui  fit  envoyer  quelques  boulets.  Après 
l'avoir  harcelée  pendant  deux  jours,  il  reprit  la  route  du 
Fort-Royal  où  il  mouUla  le  6.  Les  vaisseaux  français  n'a- 
vaient eu  que  de  légères  avaries  dans  la  voilure  et  dans  le 
grément. 

Le  contre-amiral  Hood  écrivit  que  jamais  journée  n'a- 
vait vu  dépenser  aussi  mal  à  propos  autant  de  poudre  et  de 
boulets  que  celle  du  29  avril.  Cela  peut  être  vrai.  Ce  n'est 
cependant  pas  la  conclusion  qu'on  pourrait  tirer  de  son 
rapport  puisque  c'est  lui  qui  nous  apprend,  et  l'obligation 
dans  laquelle  il  se  trouva  de  renvoyer  de  suite  le  Russel  à 
la  Barbade ,  et  les  motifs  qui  le  déterminèrent  à  lever  la 
croisière. 


Le  chef  d'escadre  de  Monteil  qui,  après  le  départ  du 
comte  de  Guichen  pour  l'Europe,  au  mois  de  juillet  17S0, 
avait  pris  le  commandement  de  la  division  navale  des  An- 
tilles, venait  de  protéger  l'entrée  de  la  flotte  espagnole  du 
Mexique  à  la  Havane,  et  il  allait  faire  route  pour  le  Cap  Fran- 
çais avec  les  vaisseaux  le  Palmier,  le  Destin^  Y  Intrépide,  le 


BATAILLES.— 1781.  103 

Triton  et  Y  Actionnaire  de  64°  (1) ,  la  frégate  YAndromaque  et 
la  corvette  le  Serpent,  lorsque  la  junte  de  Tlle  de  Cuba  le 
pria  de  prêter  sa  coopération  aux  opérations  dirigées  con- 
tre Pensacola,  port  de  la  Floride,  dans  le  golfe  du  Mexique, 
Le  chef  d'escadre  de  Monteil  accéda  à  cette  demande  ;  il 
consentit  même  à  se  ranger  sous  les  ordres  du  chef  d'es- 
cadre espagnol  don  José  Solano,  et  se  rendit  de  suite  devant 
la  ville  assiégée.  Les  opérations  marchaient  avec  une  len- 
teur telle,  que  le  chef  d'escadre  français  dut  demander  qu'on 
employât  ses  vaisseaux.  Il  proposa  de  faire  entrer  le  Triton, 
Y Andromaqv>e  et  le  Serpent  dans  la  rade.  Sa  proposition 
fut  acceptée,  mais  non  sans  beaucoup  de  peine.  Le  jour 
même  où  le  mouvement  allait  se  faire,  un  coup  de  vent 
força  la  division  à  appareiller.  Pendant  que,  dispersée,  elle 
tenait  la  mer  sur  cette  côte  dangereuse,  l'explosion  d'un 
magasin  %,  poudre  détermina  le  commandant  général  de 
la  Floride  occidentale  à  demander  une  capitulation  qu'il 
obtint  le  8  mVi. 

Le  général  espagnol  qui  avait  dirigé  les  opérations  du 
siège  se  loua  de  la  coopération  active  et  entendue  des  offi- 
ciers et  d'un  détachement  de  800  hommes  qui  avaient  été 
fournis  par  la  division  française.  Celle-ci  était  de  retour 
au  Cap  Français,  le  10  juillet. 


Le  5  juillet,  le  lieutenant  général  de  Grasse  appareilla  du 
Fort-Royal  de  la  Martinique  et,  prenant  sous  son  escorte 
tous  les  navires  de  commerce  qui  étaient  en  partance  pour 
l'Europe,  il  se  dirigea  sur  Saint-Domingue  ;  le  16,  il  mouilla 
au  Cap  Français.  Un  désastre  affreux  avait  signalé  cette 
traversée  :  la  frégate  de  32*  Ylnconstante^  capitaine  de 
Longueval,  avait  été  incendiée  et  90  hommes  seulement 


(1)  Les  capitaines  de  ces  vaisseaux  étaient  MM.  Domaitz  de  Goimpy,  Duples- 
sis-Parscau^  Brun  de  Boades,  de  LarchanteL  Le  payillon  du  commandant  en 
chef  était  arboré  sur  le  Palmier. 


104  BATAILLES.— 1781. 

s'étaient  sauvés.  Huit  jours  après  l'arrivée  de  l'armée  na- 
vale, un  malheur  semblable  arriva  au  vaisseau  de  74"  Yln- 
trépide^  capitaine  Duplessis-Parscau  :  ce  vaisseau  faisait 
partie  de  la  division  du  chef  d'escadre  de  Monteil. 

Le  lieutenant  général  de  Grasse  si»vait  fait  connaître  au 
ministre  de  France  aux  États-Unis  son  intention  de  se  por- 
ter, au  mois  de  juillet,  sur  la  côte  d'Amérique  pour  offrir 
sa  coopération  au  commandant  en  chef  de  l'armée  améri- 
caine. Mais  comme  il  n'avait  aucune  connaissance  des  mou- 
vements de  cette  armée,  qu'il  ignorait  les  projets  de  ses 
généraux ,  et  qu'il  ne  savait  même  pas  où  se  trouvait  la 
division  navale  qui  stationnait  sur  la  côte,  il  avait  prié  le 
représentant  de  la  France  de  lui  faire  parvenir  au  Cap 
Français  des  renseignements  qui  lui  étaient  indispensables 
avant  de  se  mettre  en  route.  Expédiée  dans  ce  but,  la  fré- 
gate la  Concorde j  capitaine  de  Tanouarn,  l'attendait  sur 
cette  rade.  Le  général  comte  de  Rochambeau  qui  comman- 
dait le  corps  auxiliaire  français  envoyé  en  Amérique,  lui 
faisait  connaître  la  situation  fâcheuse  des  provinces  du  Sud 
et  l'engageait,  tant  personnellement  qu'au  nom  du  général 
Washington,  à  entrer  dans  la  Ghesapeak  ou  à  se  porter 
sur  New-York.  Il  l'avertissait  qu'il  avait  quitté;  la  Provi- 
dence pour  se  réunir  au  commandant  en  chef  de  l'armée 
américaine  sur  la  rivière  l'Hudson  et  le  priait  de  lui  amener 
un  renfort  de  5  à  6,000  hommes,  des  munitions  et  de  l'ar- 
gent, car  il  n'en  avait  pas  pour  payer  les  troupes  qu'il 
commandait.  Les  instructions  du  commandant  en  chef  lui 
prescrivaient  de  détacher  9  vaisseaux  pour  escorter  les 
convois  qui  rentraient  en  Europe  ;  mais  elles  lui  laissaient 
aussi  la  latitude  de  différer  leur  départ  s'il  jugeait  leur 
présence  nécessaire  sur  la  côte  d'Amérique.  Il  se  décida, 
non-seulement  à  les  garder,  mais  il  prescrivit  encore  au 
chef  d'escadre  de  Monteil  qu'il  avait  trouvé  sur  la  rade,  de 
se  ranger  sous  son  pavillon  avec  ses  à  vaisseaux.  Il  obtint 
du  gouverneur  de  Saint-Domingue  l'embarquement  de 
3,300  hommes  des  garnisons  de  Tîle,  à  la  condition  qu'une 


BATAILLES:— 1781.  106 

escadre  espagnole  viendrait  stationner  sur  la  rade  du  Cap 
Français  pendant  l'absence  de  ces  troupes.  Quant  à  l'ar- 
gent, il  ne  lui  fut  pas  possible  d'en  trouver  malgré  ses 
oflFres  et  celles  du  chevalier  de  Charitte,  capitaine  du  vais- 
seau la  Bourgogne^  de  donner  leurs  propriétés  comme  ga- 
rantie, et  il  fut  obligé  d'en  envoyer  emprunter  à  la  Havane. 
Convaincu  que  la  promptitude  de  son  dépail;  contribuerait 
puissamment  au  succès  de  la  campagne,  il  mit  à  la  voile, 
le  à  août  ;  et  pour  mieux  cacher  la  marche  de  son  armée, 
il  passa  par  le  vieux  canal  de  Bahama.  La  frégate  YAigrette^ 
capitaine  de  Traversay,  qui  avait  été  envoyée  à  la  Havane, 
le  rallia  en  mer  avec  l'argent  demandé.  Le  31,  l'armée  na- 
vale jeta  l'ancre  sur  la  rade  de  Lynhaven,  à  l'entrée  de  la 
Chesapeak.  Le  vaisseau  le  Glorieux  et  les  frégates  ayant  reçu 
l'ordre  de  chasser  un  convoi  qui  parut  au  large,  s'emparè- 
rent de  la  corvette  anglaise  de  14''  Loyalist  qui  l'escortait. 

Je  ne  saurais  dire  quels  motifs  décidèrent  le  lieute- 
nant général  de  Grasse  à  choisir  la  Chesapeak  plutôt  que 
la  baie  de  New- York  pour  théâtre  des  opérations  de  l'ar- 
mée navale  qu'il  commandait.  Voulait-il  agir  en  dehors  du 
concert  des  généraux  Washington  et  Rochambeau?  Préfé- 
rait-il venir  en  aide  au  général  Lafayette  qui  se  trouvait 
à  Jaraes-Town?  Pensait-il  enfin  que  sa  coopération  serait 
plus  active  dans  la  Virginie  que  partout  ailleurs?  H  ne  l'a 
pas  fait  connaître.  Toujours  est-il  que,  comme  je  viens  de 
le  dire,  il  entra  dans  la  Chesapeak. 

La  Chesapeak,  dans  l'État  de  Virginie,  est  une  vaste  baie, 
parsemée  d'iles  et  de  bancs,  dans  laquelle  se  jettent  un 
grand  nombre  de  rivières.  De  suite  après  avoir  doublé  le 
cap  Henri,  pointe  Sud  de  l'entrée,  on  trouve  le  mouillage 
de  Lynhaven  ;  puis,  en  suivant  la  côte  du  Sud,  on  entre  dans 
la  rivière  James  qui,  après  un  parcours  de  45  milles,  con- 
duit à  James-Town  et  à  Williamsbourg,  villes  situées  vis- 
à-vis  l'une  de  l'autre  sur  les  deux  rives.  La  rivière  James 
a  pour  principaux  ajQIuents  la  Nansemond  et  l'Elisabeth  qui 
conduisent,  la  première  à  Suifolk,  l'autre  à  Norfolk.  Si,  au 


106  BATAILLES.  —  1781 . 

lieu  de  continuer  la  route  à  l'Ouest,  après  avoir  dépassé  le 
cap  Henri,  on  tourne  brusquement  à  droite  ou  au  Nord,  on 
entre  dans  la  baie  de  la  Ghesapeak  proprement  dite.  Ce 
passage  est  rétréci  par  trois  bancs  :  le  premier  entoure  le 
cap  Charles,  pointe  Nord  de  l'entrée  de  la  baie  ;  un  autre, 
dit  Horse  Shoe^  —  fer  à  cheval  —  s'étend  le  long  de  la 
côte  opposée  depuis  la  rivière  James  jusqu'à  la  rivière  de 
Back  ;  entre  les  deux,  mais  plus  rapproché  du  premier, 
se  trouve  le  troisième  appelé  Middle  Ground  —  terre  du 
milieu,  —  La  rade  de  Lynhaven,  qu'on  peut  considérer 
comme  la  rade  extérieure,  est  donc  comprise  entre  les 
terres  du  Sud,  le  Horse  Shoe,  le  Middle  Ground  et  le  banc 
du  cap  Charles.  A  l'Ouest,  par  le  travers  du  Middle  Ground^ 
on  voit  une  belle  rivière  :  c'est  l'York  qui  conduit  à  la 
ville  qui  lui  a  donné  son  nom.  York,  située  à  15  milles  dans 
les  terres,  est  une  position  stratégique  d'une  grande  impor- 
tance ;  elle  était  alors  occupée  par  le  commandant  en  chef 
de  l'armée  anglaise  lord  Cornwallis.  La  ville  de  Glocester 
est  en  regard,  de  l'autre  côté  de  la  rivière.  En  remontant 
toujours  au  Nord,  après  avoir  dépassé  bon  nombre  de  ri- 
vières, on  trouve,  à  quelques  milles  du  fond  de  la  baie,  sur 
la  côte  occidentale,  la  ville  d'Annapolis  et,  à  la  même 
hauteur  de  l'autre  côté,  la  rivière  l'Elk.  Du  cap  Henri 
à  la  ville  de  Baltimore  située  entre  ces  deux  positions,  on 
ne  compte  pas  moins  de  200  milles. 

Le  premier  soin  du  lieutenant  général  de  Grasse  fut 
d'établir  le  blocus  de  la  rivière  York  pour  couper  les  com- 
munications des  Anglais  avec  la  mer.  Il  plaça  aussi  quel- 
ques bâtiments  à  l'entrée  de  la  rivière  James,  et  plus  haut 
à  Hampton,  pour  surveiller  les  mouvements  de  l'ennemi 
dans  cette  partie  et  protéger  le  débarquement  des  troupes 
des  vaisseaux  qui  devaient  être  dirigées  sur  James-Town. 
Ce  mouvement  eut  lieu  les  1"  et  2  septembre.  Ce  renfort 
permit  au  général  Lafayette  de  passer  de  l'autre  côté  de  la 
rivière  et  d'aller  occuper  Williamsbourg  qui  n'est  pas  à  plus 
de  quinze  milles  dTork. 


BATAILLES.  — 1781.  107 

L'armée  navale  attendait  au  mouillage  le  retour  de  ses 
embarcations  lorsque  le  5,  à  8^  du  matin,  la  frégate  qui  était 
en  découverte  signala  21  vaisseaux  anglais  et  7  frégates. 
Quoique  90  officiers  et  plus  de  1800  matelots  (Ij  fussent 
absents  avec  les  canots,  le  lieutenant  général  de  Grasse 
fit  de  suite  signal  d'appareiller  en  filant  les  câbles  et  rangea 
ses  vaisseaux  en  bataille  bâbord  amures,  par  rang  de  vi- 
tesse, comme  il  suit.  Le  vent  soufflait  du  N.-N.-O. 

Canons. 

IPiuion capitaine  d'Albert  de  Rions. 

Bourgogne —        chevalier  de  Charitte. 

Marseillais —        de  Gastellane-Majastre. 

Diadème —       chevalier  de  Monteclerc. 

Réfléchi —        Cillart  de  Suville. 

(  Auguste —       Castellan. 

80  <  de  Bougainville,  chef  d'escadre. 

\  Saint-Esprit capitaine  marquis  de  Chabert. 

ÎCaton —        comte  de  Fraraond. 

César. —        chevalier  Coriolis  d'Espinouse. 

Destin —        Dumaitz  de  Goimpy. 

104      Ville-de-Paris —        de  Sainte-Césaire. 

comte  de  Grasse,  lieutenant  général, 
de  Vaugiraud,  major  général. 

74      Victoire capitaine  d'Albert  Saint-Hyppolite. 

80      Sceptre —        comte  de  Vaudreuil. 

j  Norihumberland —        marquis  de  Briqueville. 

I  Palmier. —        baron  d'Arros  d'Argelos. 

6i      Solitaire —        comte  de  Gicé-Ghampion. 

I  Citoyen —        d'Éthy. 

Scipion,  .  .  .^ —       comte  de  Glavel. 

Magnanime.  ' —        comte  Le  Bègue. 

Hercule —       vicomte  de  Turpin  de  Breuil. 

80      Languedoc —       Duplessis-Parscau. 

chevalier  de  Monteil,  chef  d'escadre. 

/  Zélé'. capitaine  chevalier  de  Gras-Préville. 

74    j  Hector —        Renaud  d'Aleins. 

(  Souverain —       chevalier  de  Glandevès. 

Frégate  :  Aigrette. 

Les  deux  vaisseaux  le  Glorieux  et  le  Vaillant  et  les  autres 
frégates  restèrent  devant  les  rivières  qu'ils  surveillaient. 

Dès  que  l'amiral  Rodney  avait  eu  connaissance  du  dé- 
part de  l'armée  navale  des  Antilles,  il  avait  détaché  le 


^ 


(1)  Ces  chiffres  sont  évidemment  exagérés,  mais  ce  sont  ceux  qui  sont  donnés 
par  le  rapport  officiel. 


108  BATAILLES.  — 1781. 

contre-amiral  Hood  avec  14  vaisseaux  pour  renforcer  la 
division  du  contre-amiral  Graves  qui  commandait  alors  les 
forces  navales  anglaises  sur  la  côte  d'Amérique.  Ce  ren- 
fort avait  porté  à  21  le  nombre  des  vaisseaux  anglais  réunis 
sur  la  rade  de  New- York.  Le  contre-amiral  Graves  venait 
d'apprendre  la  sortie  de  la  division  française  de  Rhodes- 
Island;  soupçonnant  que  le  chef  d'escadre  de  Ternay  avait 
mis  à  la  voile  pour  se  réunir  au  lieutenant  général  de 
Grasse,  il  appareilla  pour  empêcher  cette  jonction,  s'il 
était  possible.  11  ne  rencontra  pas  la  division  à  la  poursuite 
de  laquelle  il  s'était  mis-,  mais,  lorsque  le  5  septembre,  il 
parut  devant  la  Ghesapeak,  il  aperçut  l'armée  du  lieute- 
nant général  de  Grasse  au  mouillage  et,  malgré  la  supé- 
riorité numérique  des  Français,  il  n'hésita  pas  à  aller  les 
attaquer.  A  cet  effet,  il  laissa  arriver  largue  sur  la  ligne 
du  plus  près  bâbord  dans  l'ordre  suivant  : 

Canons. 

82      Shrewsbury capitaine  Robinson. 

72      Intrepid. —  P.  Molloy. 

(Alcide —  Charles  Thompson. 

Princessa —  Charles  Koatchball. 
Samuel  Drake,  contre-amiral. 

I  Ajax capitaine  N.  Charrington. 

'  Terrible —  Finch. 

72      EoROPA —  Child. 

j  MoNTAGu —  George  Bowen. 

(  Royal  Oak —  Ardesoif. 

!08      LoNDON —  Graves. 

Graves,  contre-amiral. 

(  Bedfori) capitaine  Th.  Graves. 

\  Resolution —  Robert  Manners. 

72      America —  Samuel  Thompson. 

j  Centaur -  John  Inglefield. 

(  MoNARCH —  Francis  Reynolds. 

100      Barfleur —  John  Knight. 

sir  Samuel  Hood,  contre -amiral. 

82      Invincible capitaine  Saxton. 

72      Belliquous —  Brine. 

82      Alfred —  William  Bayne. 

60      Adamant.  .  .' —  Jonhstone. 

72        SOLEBAY —  

Arrivée  au  Middle  Ground^  l'armée  anglaise  vira  vent 
arrière  par  la  contre-marche  et  se  forma  en  ligne  de  convoi 
quatre  quarts  largue,  aux  mêmes  amures  que  les  Français, 


BATAILLES.— 1781.  109 

c'est-à-dire ,  bâbord  amures.  Les  routes  suivies  par  les 
deux  armées  faisaient  donc  un  angle  de  AS*".  Cet  angle 
n'était  cependant  pas  encore  assez  grand  pour  les  mettre  à 
distance  convenable  car,  lorsqu'elle  se  trouva  à  la  hauteur 
des  vaisseaux  de  tAte,  l'avant-garde  anglaise  dut  laisser 
arriver  presque  vent  arrière  pour  se  rapprocher  ;  elle  s'éta- 
blit ensuite  en  bataille  à  bonne  portée  de  canon.  La  ma- 
nœuvre de  l'avant-garde  fut  successivement  imitée  par  les 
deux  autres  escadres  de  l'armée  ennemie.  Toutefois,  l'ar- 
rière-garde  resta  aune  distance  plus  grande  et  c'est  à  peine 
si  ses  boulets  portaient.  Le  combat  qui  commença  dès  qu'il 
fut  possible,  n'eut  donc  réellement  lieu  qu'entre  les  deux 
premières  escadres  des  deux  armées.  On  conçoit  l'avantage 
que  ces  arrivées  successives  sur  une  ligne  presque  perpen- 
diculaire à  la  route  des  Français  donnèrent  à  ceux-ci.  Ils 
purent  canonner,  en  quelque  sorte  impunément,  les  vais- 
seaux ennemis  qui  arrivaient  en  leur  présentant  l'avant.  Le 
vent  ayant  refusé  vers  5"*,  le  lieutenant  général  de  Grasse 
signala  aux  vaisseaux  de  tête  de  faire  une  arrivée  pour  rec- 
tifier la  ligne.  Le  commandant  en  chef  de  l'armée  anglaise 
fit  au  contraire  serrer  le  vent.  La  distance  entre  les  deux 
armées  augmenta  incessamment  et,  au  coucher  du  soleil, 
elles  étaient  hors  de  portée  de  canon.  Les  capitaines  de 
Chabert,  de  Monteclerc  et  de  Framond  étaient  blessés.  Le 
lieutenant  général  de  Grasse  resta  sous  voiles  pendant 
quatre  jours,  prêt  à  accepter  un  nouveau  combat  que  l'a- 
miral anglais  ne  jugea  pas  convenable  de  livrer.  Gomme 
sa  coopération  était  nécessaire  à  l'armée  de  terre,  il  se 
décida  alors  à  rentrer  dans  la  Gbesapeak.  Le  11,  l'armée 
navale  reprit  le  mouillage  en  dedans  du  cap  Henri  :  elle  y 
fut  ralliée  par  ses  embarcations  sur  le  sort  desquelles  on 
n'était  pas  sans  inquiétudes.  Le  chef  d'escadre  de  Barras 
Saint-Laurent  était  mouillé  sur  la  rade  de  Lynhaven  depuis 
la  veille  avec  8  vaisseaux  et  3  frégates.  Quoique  ses  in- 
structions lui  enjoignissent  de  se  retirer  à  Boston  lorsque  le 
corps  d'armée  du  général  Rochambeau  se  porterait  vers  le 


**>. 


410  BATAILLES.— 178i. 

Sud,  cet  oiBcier  général  avait  cru  devoir  accéder  aux  désirs 
du  général  Washington  dont  les  opérations  étaient  para- 
lysées par  le  manque  d'artillerie  de  siège,  et  il  avait  fait 
route  pour  la  Chesapeak.  Sa  division  accompagnait  10 
transports  qui,  en  outre  de  l'artillerie  et  des  munitions  de 
guerre,  portaient  des  vivres  et  des  mâtures. 

Plusieurs  vaisseaux  anglais  avaient  été  très-maltraités 
au  combat  du  5.  La  Pringessa  avait  perdu  son  grand  mât 
de  hune;  le  Shrewsbury,  ses  deux  mâts  et  vergues  de 
hune  ;  le  capitaine  Robinson  avait  eu  une  jambe  emportée. 
L'Intrëpid  avait  eu  ses  deux  vergues  de  hune  coupées 
et  ses  bas  mâts  fort  endommagés.  La  mâture  du  Montagu 
avait  tellement  souffert  qu'on  s'attendait  à  la  voir  s'abattre 
d'un  moment  à  l'autre.  L'Ajax  et  le  Terrible  faisaient 
beaucoup  d'eau,  et  le  dernier  dut  être  livré  aux  flammes. 
L'armée  anglaise  fit  route  pour  New-York. 

Avertis  par  le  capitaine  de  la  Concorde  que  l'armée  na- 
vale se  dirigeait  sur  la  Chesapeak,  les  deux  généraux  en 
chef  français  et  américain  s'étaient  mis  en  marche  et  ils  ve- 
naient d'arriver  à  l'embouchure  de  l'Elk,  où  un  officier  ex- 
pédié par  le  lieutenant  général  de  Grasse  leur  apprit  l'ar- 
rivée des  vaisseaux  français.  Dès  que  l'armée  navale  eut 
repris  son  mouillage,  ils  firent  transporter  à  Williamsbourg 
les  troupes  qui  étaient  à  Annapolis.  Trois  jours  après,  ces 
troupes  et  quelques  centaines  de  matelots  des  vaisseaux  qui 
furent  mis  à  terre  marchèrent  sur  la  ville  d'York  et  en 
firent  l'investissement.  Libres  de  toute  préoccupation  du 
côté  de  la  mer,  les  généraux  poussèrent  le  siège  de  cette 
ville  avec  une  grande  vigueur.  Le  19  octobre,  le  comman- 
dant en  chef  de  l'armée  anglaise  fut  forcé  de  capituler.  A 
cinq  jours  de  là,  l'armée  navale  anglaise,  renforcée  de  7 
vaisseaux,  se  présenta  de  nouveau  devant  la  Chesapeak; 
mais  la  nouvelle  de  la  capitulation  de  lord  Cornwallis  dé- 
cida le  contre-amiral  Graves  à  renoncer  à  ses  projets  d'at- 
taque, et  laissant  le  contre-amiral  Digby  sur  la  côte,  il  fit 
route  pour  la  Jamaïque. 


BATAILLES.  -^  4781.  114 

En  vertu  de  la  capitulation  d'York,  les  bâtiments  anglais 
qui  se  trouvaient  dans  la  rivière  devinrent  la  propriété  de 
la  France.  C'étaient  les  frégates  Charron  de  44*^  et  FovirEY 
de  24°;  elles  furent  détruites;  la  frégate  de  28  Guadelupë, 
la  corvette  de  14  Bonetta,  4  cutters  et  12  transports.  20 
autres  navires  furent  coulés. 

Voulant  éterniser  la  prise  d'York  et  de  Glocester  qui  as- 
surait l'indépendance  des  États-Unis,  le  Congrès  prit,  le  28 
octobre,  les  résolutions  suivantes. 

<c  Le  Congrès,  etc.,  etc. 

((  A  résolu  que  les  remerciments  des  États-Unis  réunis 
«  en  congrès,  seront  présentés  à  Son  Excellence  le  comte 
c  de  Rocbambeau  pour  la  cordialité,  le  zèle,  le  talent  et  le 
€  courage  avec  lesquels  il  a  secondé  et  avancé  les  opéra- 
€  tions  de  l'armée  alliée  contre  la  garnison  britannique 
«  d'York^ 

«  Résolu  que  pareils  remercîments  des  États-Unis  as- 
«  semblés  en  congrès,  seraient  présentés  à  Son  Excellence 
«  le  comte  de  Grasse  pour  l'habileté  et  la  valeur  qu'il  a 
<  développées  en  attaquant  et  battant  la  flotte  britannique 
«  à  la  hauteur  de  la  Cbesapeak,  et  pour  le  zèle  et  l'ardeur 
«  avec  lesquels  il  a  donné,  avec  l'armée  navale  à  ses  ordres, 
«  les  secours  et  la  protection  les  plus  efficaces  aux  opéra- 
«  lions  de  l'armée  alliée  en  Virginie  ; 

«  Résolu  que  les  États-Unis,  assemblés  en  congrès,  fe- 
«  ront  ériger  à  York,  en  Virginie,  une  colonne  en  marbre 
((  ornée  des  emblèmes  de  l'alliance  des  États-Unis  et  de  Sa 
H  Majesté  Très-Chrétienne,  et  chargée  d'inscriptions  conte- 
(t  nant  un  exposé  succinct  de  la  reddition  du  comte  de 
a  Cornwallis  à  Son  Excellence  le  général  Washington, 
«  commandant  en  chef  les  forces  combinées  de  l'Amérique 
«  et  de  la  France  ;  à  Son  Excellence  le  comte  de  Rocham- . 
«  beau,  commandant  les  troupes  auxiliaires  de  Sa  Majesté 
«  Très-Chrétienne  en  Amérique,  et  à  Son  Excellence  le 
«  comte  de  Grasse  commandant  en  chef  l'armée  navale  de 
((  France  dans  la  Chesapeak  ^ 


H2  BATAILLES.  — 1781. 

«  Résolu  que  deux  pièces  canon  de  bataille  prises  sur 
((  l'armée  britannique  seront  présentées  par  le  comman- 
«  dant  en  chef  de  l'armée  américaine  au  comte  de  Rocham- 
((  beau,  et  qu'on  gravera  dessus,  en  bref,  que  le  Congrès 
«  les  ItA  a  présentées  pour  la  part  illustre  qu'il  a  eue  à  la 
«  prise; 

«  Résolu  que  le  secrétaire  d'État  des  affaires  étrangères 
((  sera  chargé  de  requérir  le  ministre  plénipotentiaire  de 
c  Sa  Majesté  Très-Chrétienne  que  le  désir  du  Congrès  est 
«  que  sa  Majesté  permette  au  comte  de  Grasse  d'accepter 
«  un  témoignage  de  son  approbation,  pareil  à  celui  pré- 
<(  sente  au  comte  de  Rochambeau.  » 

Ce  document  constate  la  part  que  la  marine  française 
prit  à  la  guerre  de  l'indépendance  de  l'Amérique. 

La  présence  de  l'armée  navale  étant  désormais  sans  uti- 
lité dans  ces  parages,  le  lieutenant  général  de  Grasse  rem- 
barqua ses  marins  et  ses  troupes  et,  le  5  novembre,  il  fit 
route  pour  la  Martinique  où  il  arriva  le  26.  Il  avait  détaché 
&  vaisseaux,  sous  le  commandement  du  capitaine  d'Albert 
Saint-Hippolyte,  pour  reporter  les  troupes  de  la  garnison 
de  Saint-Domingue  et  escorter  un  riche  convoi  qui  était  en 
partance  pour  France.  ^ 

Un  brevet  portant  la  date  du  21  juillet  1786  autorisa  le 
lieutenant  général  comte  de  Grasse-Tilly  à  accepter  et  à 
placer  dans  son  château  de  Tilly  les  deux  canons  qui  lui 
avaient  été  offerts  par  le  Congrès  des  États-Unis.  Voici  l'in- 
scription que  portaient  ces  canons  :  a  Pris  à  l'armée  anglaise 
par  les  forces  combinées  de  la  France  et  de  l'Amérique  à 
York-Town  en  Virginie,  le  19  octobre  1781.  Présentés  par 
le  Congrès  à  Son  Excellence  le  comte  de  Grasse  comme  un 
témoignage  des  services  inappréciables  qu'il  a  reçus  de  lui 
dans  cette  mémorable  journée.  » 


BATAILLES.  — 1781.  113 

Le  20  novembre  1780,  le  gouvernement  anglais  ordon- 
nait à  son  ambassadeur  à  la  Haye  de  quitter  cette  ville 
sans  prendre  congé  et,  en  même  temps,  il  prescrivait  à  tous 
les  capitaines  des  bâtiments  de  guerre  et  des  corsaires  de 
s'emparer  des  navires  hollandais  qu'ils  rencontreraient. 
Le  motif  de  cette  rupture,  qu'on  pouvait  au  reste  prévoir 
depuis  quelque  temps,  était  l'accession  des  Provinces-Unies 
à  la  confédération  que  les  puissances  du  Nord  venaient  de 
former  pour  arrêter  les  exactions  de  l'Angleterre.  Bien  que 
désireuse  de  conserver  la  paix,  cette  république  avait  tenu 
peu  de  compte  des  signes  précurseurs  de  l'orage  qui  la  mena- 
çait, et  sa  sécurité  était  telle  que  le  gouvernement  français 
crut  devoir  se  charger  de  donner  connaissance  de  la  rup- 
ture aux  gouverneurs  des  établissements  hollandais  de  la 
mer  des  Indes.  Le  capitaine  Macé,  de  la  corvette  la  Syl- 
phide  reçut  cette  mission 

Un  journal  anglais, —  car  il  paraît  que  de  tout  temps  la 
jactance  a  été  de  fort  bon  goût  dans  la  presse  anglaise,  — 
un  journal  anglais  publia  à  celte  époque  l'article  suivant, 
qui  indique  quelles  devaient  être  les  conséquences  de  la 
sécurité  dans  laquelle  on  vivait  à  la  Haye  : 

«  Le  commencement  de  la  guerre  actuelle  avec  la  Hol- 
tt  lande  ressemble  à  celui  de  nos  hostilités  avec  la  France 
«  en  1755.  Du  mois  de  juillet,  pendant  lequel  l'amiral 
u  Boscawen  prit  les  vaisseaux  le  Lys  et  ÏAlcide  qui  se  ren- 
«  daieni  à  Québec  avec  des  troupes,  au  mois  de  juin  de 
<(  l'année  suivante  que  la  guerre  fut  déclarée,  l'Angleterre 
«  avait  pris  870  navires.  Le  5  janvier  1781,  elle  a  déjà 
«  capturé  300  navires  hollandais  et  3,000  hommes.  » 

Quel  avertissement  pour  les  puissances  maritimes  !  Un 
journal,  organe  d'un  parti  influent,  ne  craint  pas  d'avouer 
de  tels  actes;  il  se  glorifie  même  de  ce  que,  avant  la  dé- 
claration de  guerre  et  dans  deux  circonstances  différentes, 
l'Angleterre  ait  fait  ce  que,  chez  toute  autre  nation,  on 

regarderait  comme  la  violation  la  plus  flagrante  du  droit 

le  plus  sacré!  Pour  lui,  c'est  chose  naturelle  queles  visi- 

Il  '8 


114  ÔATAILLËS.  —  iiH. 

tés  atbîtraîrèS  et  lès  atrestàtiônâ  îUêgàleâ  !  Pdrtèf  Un  jÉn*e- 
mlëi*  cdtiiJ  au  commence  atànt  d*eû  x^èliîf  fêélleiàëtrt  êht 
prises  ;  affaiblir,  même  par  dés  moyéti^  îUicilëâ,  l'ëà  fé8- 
sdurces  de  la  puissance  à  laquelle  on  va  déclâfei*  là  gaëtife, 
telle  a  toujours  été  la  tactique  dé  nos  VôîSÎti^  d*ôûti*e-ilifei-. 
N'était-ce  pas  celle  qu'ils  commençaient  à  dêplttyêif  ëtt 
1778  lorsque  Louis  XVI,  instruit  par  le  règne  des  Ééé  pré- 
décesseurs, rompit  brusquement  aved  rAngletërrè  et  tifeâ 
de  représailles  à  son  égard.  Auâsi  le  commercé  fràfl^èl 
*'eut-il  pas  à  déplorer  la  perte  d'une  partie  de  Sa  iflarffîè; 
et  la  détermination  du  roi  de  France  enflamma  lëS  étfetii^l^ 
d'utie  ardeur  qu'on  commençait  à  né  pluâ  Ctrtinaltrë  dMis^ 
Tétat-major  de  la  flotte. 

Dé  toutes  les  nations  de  l'Europe,  là  Frariôe  étâtt  cèlîë 
qtil  jouissait,  à  cette  époque,  de  la  plus  gtandë  cbnsîdêtâ- 
tion  dans  l'Inde.  Les  princes  de  Tlndoustati  la  régardâiêfi* 
domine  l'unique  digue  capable  d'arrêter  iiû  jour  îê  tofifént 
qui  menaçait  leurs  domaines.  Lé  gouvernement  âtlglâlll 
Combattait  cette  influence  et  employait  tous  leë  moyëiii)  ëti 
son  pouvoir  afin  de  prouver  à  ces  princes  IJti'llS  rfâ^ 
valent  rien  à  attendre  de  la  nation  qu'ils  portaient  él  bâtit, 
et  rien  de  mieux  à  faire  que  de  solliciter  la  protectiôiï  de 
la  Compagnie  anglaise.  Cette  tactique  n'ëbratilâ  paâ  leà 
Convictions  du  nabad  Hyder-Ali  qui  bâlafiçâit  seiil  là  ptdi^ 
sance  des  Anglais  dans  cette  partie  dit  mdndë;  ^âr  la  prise 
de  Pondichéry  par  les  Anglais  avait  entraîné  la  pëttë  de 
toutes  les  possessions  françaises  de  l'Inde.  Ce  prince  ayant 
à  se  plaindre  du  gouvernement  de  Madràà  qui  liil  àVait 
refusé  son  appui  contre  les  Marâttes,  avait  déclâjfé  la  gttëtife 
à  la  Compagnie  dès  que  les  hostilités  àvaieiit  ôOmméùcé 
entre  la  France  et  l'Angleterre.  Le  rôle  de  là  ^rânc©  con-»- 
sistait  donc,  dans  le  moment,  à  soutenir  le  dbëf  <}ui  àvàlt 
tant  de  foi  dans  sa  puissance  et  à  se  faire  dé  nôtiVësLut 
alliés.  Le  capitaine  de  vaisseau  d'Orves,  à  qui  itiCÔttihèlt 
plus  particulièrement  cette  mission  et  qui  commandait  les 
forces  navales  de  la  France  dans  la  mer  des  Indes  depuis 


6AtAlLLfes.-l'Î8<.  ih 

le  côrilmënéêtfifent  de  ràtinéë  i'^àtJ,  AMï  âbûs  Ses  Mi^hs 
lés  tàisééàùi  i 

Canons. 

T*    otidnt, .  i csi^mm  éb%ié  ô*ttfVès  ri). 

IBrillanh -        de  Saint-Félix. 
èév^ —       de  Lapallîèfe. 
^jax.  ...........       ^       feoâvêt. 
Bizarre. —       de  Lalandelle-Roscanvec. 

5i      Fldmdna. —        dé  iciiivèrvîlie. 

Ifesfrégated   {Pdûf^^ktàib. 

de  40*=.   .   \  Consolante. 
et  la  corvette  de  ââ^  M  Subtile. 

Les  Anglais  avaient  âans  les  méines  parages  lés  vais- 
seaiii  : 

Canons. 

74      SuPERB.  .  « capitaine  Siminton. 

Edward  Hughes^  contre-amiral. 

I  BuRFORD capitaine  Reynolds. 

^^  I  ËxÈTER -       llIcBard  kîiigà. 

I  Eagle —       Ambroise  Reddàll. 

\  WoRCESTËR*    ..;....        —       George  Talbot. 
la  frégate  dé  ^4*=  CbvÉîjtfiî. 
le  brîg  de  14'  Wëa^lë. 

Le  c^mmaiiaant  d'Orves  S'était  jônfin  fléfcidé  h  aller  îal^e 
acte  de  présence  sur  la  côte  orientale  Ah  la  presqu'île  de 
rinde  »  âpres  avoir  touché  à  Surate^  il  était  «-iriivé  à  MA- 
draSj  le  7  janvier  1781 5  6  vaisseaux  anglais  ettlùe  frégftie 
étaient  à  ce  mouillage.  Le  comniantlant  Aé  la  divisii9n  fran- 
çaise M  voulut  pas  courir  les  chances  d'un  combat  i^i 
Teicposàit  à  recevoir  dés  avaries  fort  fliflîciles  à  réparer 
dans  l'état  de  pénurie  où  il  était  en  rechanges;  il  resta  en 
panne  toute  la  tiuit ,  et  le  lendemain  il  fit  route  au  Sud  le 
long  de  la  côte  ;  le  28  au  soir,  il  mouilla  devant  PondichérJ. 
Le  commandant  d'Orves  ne  comprit  paà  bien  la  tnissittti 
qui  lui  était  confiée;  il  se  borna  à  donner  Tassurance  de 
l'envoi  d'uii  corps  de  troupes;  et  quoiqu'il  eût  pu  Èti^e 
d'un  grand  secours  à  Hyder-Ali  en  interceptant  les  appro- 
visionnements que  les  Anglais  recevaient  par  mer,  il  ne 


(1)  Le  capitaine  de  vâiiséâii  k'prvèï,  autorisa  à  pbrièr  le  payiUon  de  6|ef 
d'escadre,  prenait  le  titre  de  brigadier  des  armées  navales. 


416  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1781. 

voulut  pas  prolonger  son  séjour  dans  ces  parages.  Rien  ne 
put  ébranler  sa  résolution,  pas  même  la  promesse  que  lui 
lit  le  chef  indien  de  ravitailler  ses  vaisseaux  s'il  consentait 
à  mettre  leur  faible  garnison  à  terre  pour  l'aider  d'une 
force  qui,  en  fait,  n'eût  été  que  morale.  La  division  fran- 
çaise était  de  retour  à  l'île  de  France  au  mois  de  juillet. 
C'était,  il  faut  en  convenir,  un  triste  début  pour  la  grande 
nation  que  les  princes  de  l'Inde  appelaient  à  leur  aide. 
Nous  verrons  bientôt  que  la  cause  à  laquelle  on  peut  at- 
tribuer la  conduite  du  commandant  en  chef  de  la  division 
de  l'Inde,  amena  dans  la  situation  un  changement  qui  ne 
tarda  pas  à  tourner  à  l'avantage  des  alliés  (1). 


Quelques  combats  particuliers  furent  livrés  dans  le  cours 
de  cette  année. 

Les  frégates  de  32*  la  Fine,  capitaine  chevalier  de  Ta- 
nouarn,  et  la  Minerve^  capitaine  chevalier  de  Grimouard, 
la  Diligente  et  Y  Aigrette  de  26**,  sorties  de  Brest,  le  3  jan- 
vier, pour  croiser  à  l'entrée  de  la  Manche  aperçurent,  le 
lendemain  avant  le  jour,  plusieurs  bâtiments  dans  leurs 
eaux;  elles  couraient  alors  au  plus  près  tribord  amures, 
avec  des  vents  de  N.-O.  Le  jour,  en  se  faisant,  permit  de 
distinguer  deux  vaisseaux  anglais  :  c'étaient  le  Courageux 
et  le  Vauant  de  82°,  capitaines  lord  Mulgrave  et  Goodall. 
Les  frégates  prirent  chasse.  A  1^  30°*  de  l'après-midi,  la 
Minerve  fut  atteinte  et  attaquée  par  le  Courageux.  Une 
heure  plus  tard,  étonné  probablement  de  la  résistance 
qu'opposait  la  frégate,  le  capitaine  du  Valiamt  joignit  son 
feu  à  celui  de  son  compagnon.  La  Minerve  ne  put  résister 
longtemps  à  de  pareils  adversaires  :  son  pavillon  fut  amené. 
Le  capitaine  de  Grimouard,  qui  était  blessé,  avait  remis  le 


(1)  Le  commandant  d'Onres  était  atteint  d'ane  maladie  qai  lai  rendait  le 
séjour  à  bord  et  à  la  mer  fort  incommode,  et  à  laquelle  il  succomba  quelques 
mois  plus  tara. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1781.  117 

commandement  au  lieutenant  Villeneuve.  Les  avaries  du 
Courageux  étaient  au  reste  presque  aussi  considérables  que 
celles  de  la  Minerve  ;  il  fut  obligé  de  changer  son  beaupré, 
son  mât  de  misaine  et  le  mât  d'artimon. 

Dès  que  le  pavillon  de  la  Minerve  eut  été  amené,  le  Va- 
liant  poursuivit  la  Fine^  mais  il  ne  put  l'atteindre  ;  cette 
frégate  rentra  à  Brest  avec  ses  deux  autres  compagnes. 


Le  Rover  ne  fut  pas  longtemps  propriété  française. 
Cette  corvette,  qui  avait  été  prise  dans  le  mois  de  septembre 
1780,  fut  enlevée  par  un  corsaire,  au  mois  de  février  de 
la  présente  année.  Le  commandement  en  avait  été  donné 
au  chevalier  de  Doudon. 


La  dispersion,  au  commencement  de  Tannée  précédente, 
du  convoi  qui  portait  les  premiers  secours  en  hommes  et 
en  munitions  dans  F  Inde,  avait  jeté  une  grande  inquiétude 
dans  le  pays.  Cette  anxiété  devint  bien  plus  grande  lors- 
qu'on connut  le  sort  de  celui  qu'escortait  le  vicomte  de 
Soulanges.  Cet  officier,  qui  commandait  le  vaisseau  de  7A* 
le  Protecteur^  sortit  de  Brest,  le  20  avril,  avec  10  navires 
qui  portaient  des  approvisionnements  dans  l'Inde,  et  le  vais- 
seau de  là"  le  Pégase^  capitaine  de  Sillans,  la  frégate  de 
32*  YAndromaque^  capitaine  du  Roslan,  le  vaisseau  de 
64  Y  Actionnaire,  capitaine  Kéraijgal  et  la  frégate  l'/ndis- 
crète  ;  ces  deux  derniers  étaient  armés  en  flûte.  Le  jour 
même  de  sa  sortie,  le  convoi  fut  poursuivi  par  12  vaisseaux 
anglais  et  A  frégates  sous  les  ordres  du  contre-amiral  Bar- 
rington.  Dès  que  l'escadre  anglaise  fut  signalée,  le  Protec- 
teur et  le  Pégase  se  placèrent  à  la  queue  du  convoi  et,  a  8** 
30"*  du  soir,  lorsque  la  force  de  l'ennemi  eut  été  bien  re- 
connue, le  commandant  de  Soulanges  signala  de  gagner 
le  port  le  plus  voisin  ;  le  vent  soufflait  du  S.-E.  Le  Pé- 
gase fit  vent  arrière.  Le  21  à  l*"  du  matin,  le  vaisseau  an- 


Hfi  CQPATS  V4BTlCUH^ftS,  :;ri7^\. 

gl^is  de  80«  FquDROYANT^  çapitainpi  J^ryi?,  ^\^t  gp  posi- 
tion dç  le  combattre.  4près  pne  çpyrts  c^îipnnade  et  3fti(s 
avoir  fait  aiicuiie  digpq^îtipn  préal^l^Je,  le.  papjtaipg  (Jq  gj}- 
lans  ordonna  l'abordage  ;  Iq  féifa^f  stccroçjia  Ij?  v{|ig§em 
anpja;i9  4e  long  çp  long.  A  3\  le  qmt  d'^-rtimop  dy  P^^se 
fuj  abattu,  ainsi  que  son  petit  niât  de  lfi^^^;  ççg  P^rt-ppi 
étaient  considérables  :  son  paYill<)n  fut  aipené-  jt-g  ya[]3§^ft^i 
QuEEN,  arrivé  sur  ces  entrefaites,  fut  chargé  d*amariner  le 
Pégase,  et  le  Foudroyant, — fort  peu  endommagé  si  Ton  en 
jUgÇ  ml^  ^ki^mw^m^n  capitsijne  Servis  qui  av^it,  Ipi, 
reçu  une  t)lessqrp, — le  f  QupupYAiïT  sç  p:îit  ^  la,  pqvirsqitç  4« 
r4c(îpnpaire  qu'U  att^igpit  Iç  spjr.  ^.e  y^i^sçaijf-flûtç  ai^^n^ 
t^QP  pavillon  aprè?  ^vqif  écj^apgé  une  bordée.  Le  çftRyqi 
fut  enlevé  en  entier.  Le  Protecteur,  X jkn^fQViaque  ç\  Vin- 
discrète  rentrèrent  à  Brest. 

Le  capitaine  de  Sillans  fat  cassé  par  le  conseil  de  guerre 
ayqmsl  il  eut  ^  ^•epflre  çompt^  (Je  sa  ^pp^uite. 


Séparé  de  la  division  du  chef  d'escadre  de  Lamotte-Pi- 
quet  dont  il  faisait  partie,  le  vaisseau  de  64*"  ï Actif,  capi- 
taine de  Boades,  fut  chassé,  le  lA  mai,  par  8  vaisseaux 
anglais;  l'un  deux,  le  Nonsuch  de  72',  capitaine  Jfames 
Wallace,  l'atteignit  à  8*^  du  soir.  Un  combat  très-vif  s'en- 
gagea entre  ces  deux  vaisseaux  et  Tobseurité  seule  y  mit 
un  terme  à  10*».  Le  combat  recommença  le  lendemain  matin 
à  6*»  ;  trois  heures  après  le  Nonsuch  prit  le  large  ;  la  crainte 
de  rencontrer  la  croisière  ennemie  empêcha  le  capitaine 
de  Boades  de  le  poursuivre  ;  V Actif  SiYsii  d'ailleurs  quelques 
avaries  qui  nécessitaient  sa  rentrée  à  Brest.  Il  y  arriva  sans 
autre  rencontre.  Le  capitaine  de  Boades  était  blessé. 


Is  2  juin,  la  frégate  de  32*^  la  Fée,  capitaine  de  Boubée, 
^Ut  un  court  engagement  avec  la  frégate  anglaise  de 
kh^  Ul'YSâS  9X  lui  fit  abandonner  la  partie. 


qOIIBATS  PARTICOLIERS.  -r-  4731 .  ild 

A  qif€|lgnfi§  jqyrsi  de  là,  le  5,  1^  frégate  dç  32*  1>  5t*f- 
t?ei((anï^»  capitaine  cl}evaUer  de  ViHenwv^  Cillî^rtt  s|e  rem- 
d^Bt  4§«  État^-Unis  |^  34int-Ppiningiiç,  fut  chassée,  ik  V^t- 
t^rr^ge,  par  cette  mêwe  frégate  f}e  44*"  Uï^y^sb,  et  ellç 
engagea  le  cq^ibat  à  9*^  30"  du  soir.  Après  ^wx  heures 
ôt,  dei»ie,  T Ulysse  s'éloigna*  Les  avaries  de  ^  Surveillante 
empêchèrent  son  capitaine  de  poursuivre  la  fré|;^te  en- 
nemie. On  voit  que  le  capitaine  de  T Ulysse,  dont  je  y^- 
grette  de  ne  pouvoir  donner  le  nom,  n'était  pas  heureux 
dans  le  choix  de  ses  adversaires. 


Le  19  juin,  le  capitaine  Macnémara,  de  la  frégate  de  32** 
la  Friponne  aperçut,  non  loin  de  Cadix,  trois  bâtiments  de 
guerre  dans  un  état  de  délabrement  tel  qu'il  n'hésita  pas 
à  aller  les  reconnaître.  C'étaient  les  frégates  anglaises  Flora 
de  44®,  capitaine  William  Peer  Williams  et  Crescent  de 
34,  capitaine  John  Bligh,  qui,  le  29  du  mois  précédent, 
avaient  combattu  les  deux  frégates  hollandaises  Castor  et 
Brill  et  s'étaient  emparées  de  la  première.  La  Cresoent  avait 
eu  la  Brill  pour  adversaire.  Démâtée  de  son  grand  mât  et 
de  son  mât  d'artimon,  la  frégate  anglaise  s'était  vue  forcée 
d'amener  son  pavillon,  mais  la  Flora  l'avait  dégagée  assez 
à  temps  pour  l'empêcher  d'être  amarinée  ;  le  Castor  avait 
alors  cessé  de  combattre.  Les  bâtiments  aperçus  par  le  ca- 
pitaine Macnémara  étaient  donc  la  Flora,  la  Crescent  et 
le  Castor.  Cette  dernière  frégate  amena  au  premier  coup 
de  canon.  La  Crescent  fit  peu  de  résistance.  Dans  l'état 
où  était  cette  frégate  depuis  son  combat,  cela  s'explique;  le 
capitaine  Bligh,  qui  la  commandait,  se  soumettait  à  une 
nécessité  ;  il  ne  pouvait  pas  conopter  sur  l'assistance  de  la 
Flora  :  celle-ci  s'éloignait  sous  toutes  voiles. 


Le  21  juillet,  les  capitaines  Lapérouse  et  comte  de  La- 
touche,  des  frégates  de  32«  VAstrie  et  YHermionej  en  croî- 


120  COMBATS  PARTICULIERS.  —1781. 

sîère  sur  la  côte  de  rAmérique  du  Nord,  aperçurent  un 
grand  nombre  de  voiles  sous  Tlle  Royale;  le  vent  était  à 
rOuest.  Ces  navires  entrèrent  dans  la  baie  des  Espagnols  ; 
cinq  seulement,  à  la  corne  desquels  flottait  le  pavillon  an- 
glais, laissèrent  arriver,  et  lorsqu'ils  eurent  parcouru  la 
moitié  de  la  distance  qui  les  séparait  des  deux  frégates 
françaises,  ils  mirent  en  panne  dans  Tordre  suivant  : 

Canons. 

24      Allégeance capitaioe  

24      Vernon —        

28      Charlestown —        Evens. 

20      VuLTURE —        Georges. 

14      Jack —        Thorn. 

A  7^  du  soir,  les  frégates  françaises  atteignirent  les  bâti- 
ments anglais  et  les  attaquèrent  par-dessous  le  vent.  VHer- 
mione^  restée  d'abord  derrière  YAstrée,  l'avait  doublée  et 
s'était  placée  par  le  travers  de  la  Charlestown.  Exposée  ^u 
feu  des  deux  frégates  françaises,  celle-ci  fut  bientôt  ré- 
duite au  silence  et  elle  cula.  Le  capitaine  de  Lapérouse 
supposant  que  cette  frégate,  alors  démâtée  de  son  grand 
mât  de  hune,  avait  amené,  cessa  de  lacanonner.  Le  Jack 
n'avait  plus  de  pavillon.  Il  était  8^  30°*  et  le  temps  était 
très-couvert.  Les  frégates  françaises  virèrent  pour  aller 
amariner  leurs  prises  ;  elles  cherchèrent  vainement  la  Char- 
lestown :  cette  frégate  avait  profité  de  l'obscurité  pour  se 
soustraire  à  leurs  recherches. 


La  frégate  de  32*^  la  Fée,  escortant  un  convoi  du  Port-au- 
Prince  au  Cap  Français  de  Saint-Domingue  reçut,  le  21 
juillet,  un  coup  de  vent  pendant  lequel  elle  craqua  son 
mât  de  misaine,  son  beaupré  et  son  grand  mât  de  hune.  Le 
capitaine  de  Boubée  avait  à  peine  achevé  de  consolider  sa 
mâture  que,  le  27,  il  fut  attaqué  par  la  frégate  anglaise 
de  40"  Nymphe  qui  s'éloigna  après  un  engagement  de  deux 
heures. 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1781.  121 

La  frégate  de  24*"  la  Lively^  capitaine  de  Breignou,  reve- 
nant de  Cayenne  en  France  avec  la  corvette  de  16°  rjffi- 
rondelle  tomba,  le  28  juillet,  dans  l'escadre  anglaise  de  la 
Manche.  Attaquée  par  la  frégate  de  44°  Perse VERA^XE,  la 
Lively  amena  après  une  défense  de  plusieurs  heures. 


La  frégate  de  32°  la  Magicienne,  capitaine  de  Labou- 
chetière,  partit  de  Boston,  le  1"  septembre,  pour  aller 
chercher  des  mâtures  àPorstmouth.  Ayant  eu  connaissance 
d'un  vaisseau  pendant  la  nuit,  elle  prit  chasse  de  suite, 
mais  elle  fut  poursuivie,  et  il  s'établit  entre  cet  inconnu  et 
elle  une  canonnade  qui  dura  jusqu'à  6^  du  matin;  le  vais- 
seau avait  beaucoup  gagné.  Estimant  alors  qu'il  ne  lui 
serait  pas  possible  d'atteindre  Boston  avant  d'être  joint,  le 
capitaine  de  Labouchetière  se  décida  à  courir  les  chances 
d'un  combat  bord  à  bord.  La  Magicienne  soutint  la  lutte 
pendant  une  heure  et  demie,  mais  après  ce  temps,  force  lui 
fut  d'amener  son  pavillon.  L'adversaire  de  la  frégate  fran- 
çaise était  le  vaisseau  anglais  de  58°  Chatam. 

Ce  combat  avait  eu  lieu  assez  près  de  Boston  pour  que, 
de  ce  port,  on  pût  entendre  la  canonnade  et  voir  même  les 
mâtures  des  combattants.  Dès  qu'il  fit  jour,  le  vaisseau  le 
Sagittaire,  les  frégates  YAstrée  et  YHermione  mîl*ent  sous 
voiles  pour  se  porter  sur  le  théâtre  du  combat  ;  mais  le  vent 
tomba  entièrement,  et  ils  se  virent  dans  la  nécessité  de 
mouiller  dans  la  passe.  Lorsque  la  brise  s'éleva,  le  Chatam 
et  la  Magicienne  n'étaient  plus  en  vue. 


La  Magicienne 

avait  26     canons    de  12 

et    6        —        de    6. 

Le  Chatam     - 

—         20     canons    de  18 

22       —        de  12 

6                   de     6 

et  10  caronnades  de  32, 

Juprsquç  reg«asdrQ  angl^iaç  parut  h,  Titrée  ^p  la  ^Che^a. 

peiik,  le  çpptFfi-aîPiral  Graves  eut  la  pensée  gu©  lea  Frw- 

çais  avaleut  app^-reUlé  en  f^ant  les  cibles  par  le  bout  a|}ïi 
^'être  plu^  proiopteiiient  §ouç  ypiles,  et  il  qrdoppa  au?  fr^ 
gâtes  de  3?°  Isii?  etBicHinoNEf,  capitaines  Dawson  et  Pudgpu, 
d'entrer  dans  la  baie  pour  couper  les  bouées.  Mais  les  fré- 
gates françaises  étaient  restées  au  mouillage  et,  le  8  sep- 
terobr?»  eUesi  aperçurent  cep  deux  bâtiipents  et  leur  dqnpè- 
Feiit  la  Pliasse.  Ilp  3.e  rendirent  h  la  frégate  de  S6"  la 
JHlig^nte^  capit^ipe  vipomte  de  )!4prteiïïart  gui  les  atteignit 
la  première. 

On  a  quelquefois  reproché  à  nos  marins  les  mauvais 
traitements  qu'ils  faisaient  subir  aux  prisonniers.  Mon  Ibt 
tention  n'est  pas  de  chercher  à  atténuer  ce  qu'il  peut  y  avdr 
de  fondé  dans  ces  plaintes  ;  mais  je  doute  que  des  Fran-r 
çais  aient  jamais  commis  un  acte  de  brutalité  semblable  à 
celui  qui  suivit  la  prise  de  la  Philippine. 

Cette  flûte,  commandée  par  le  lieutenant  Roquefeuil 
de  Labistour,  rencontra,  le  80  septembre,  une  divisiop 
de  2  vaisseaux  anglais  et  1  corvette.  La  résistance  n'était 
pas  possible  :  le  pavillon  de  la  Philippine  fut  ^mené. 
L'équipage  français  fut  mis  immédiatement  dans  la  cale 
des  vaisseaux,  et  on  l'y  laissa  prendant  trois  mois  sans  lui 
donner  d'autres  objets  de  couchage  que  le^  grelins  et  les 
câbles.  Le  capitaine  Roquefeuil  ne  put  même  pas  obtenir 
qu'on  laissât  les  malades  à  l'Ile  de  la  Trinité  où  la  division 
relâcha.  Le  4  janvier  1782,  le  commandant  de  la  division 
anglaise  consentit  à  embarquer  les  Ç'rançais  sur  up  cartel 
qu'il  fit  accorapaguer  par  la  corvette;  il  donna  à  ce  navire 
tout  juste  assez  de  vivres  pour  qu'on  pût  avo^r  l'espoir  de 
n'en  pas  manquer.  Aussi,  séparé  de  son  escorte  .pendant 
un  coup  de  vent,  le  capitaine  du  cartel  prit-il  le  parti  de 
relâcher  à  la  baie  de  TQUs4es-Saint^,  d'où  il  fit  ensuite 
route  pour  France. 


Pé?ir^u|:  de-  ïRpttr?  à  pfflfiti  ^^  tçoips  qvii  le  séparait 
encore  des  grandes  chaleurs,  et  d'accord  avec  ie  gotiyeVneuy 
général  des  îles  du  Vent,  le  lieutenant  général  de  Grasse 
réélut  âe  faire  iine  expédition  contre  Tabago,  tle  anglaise 
du  groupe  de^  Antilles  du  Sud.  Afiu  de  maaquer  cette  opér 
ratiQU»  UUQ  fw^m  attaque  fut  dirigée  contre  Tîle  Sainte- 
liU^içi,  lie  S  n^ai,  p'^str^rdire  deux  jours  après  l'arrivée  de 
rat^mé^uayal^,  1,000  hoopimea  de  troupes  furent  embarqués 
sur  les  vaiss^au^  h  Plufon,  VEa>pérment  et  mv  2  frégates. 
Ce^  à  bâtiip^nt^,  accompagnés  par  $i&  vaisseaux,  jetèrent 
l'aBcre  daus  la  baie  du  Choc.  Les  troupes  furent  mises  à 
terr^  au  Gro^-Islet ,  ^'emparèrent  facilement  des  hauteurs 
qui  ayoiaiuent  Je  morne  Fortuné  et  attaquèrent  cette  posi- 
tion le  12.  Cette  attaque  n'avait  d'autre  but  que  de  faire 
pr^udfelç  changea  l'eunemi;  elle  fut  conduite  sans  vigueur, 
et  les  troupes  m  rembarquèrent  pendant  la  nuit.  Au  lieu 
de  5^  diriger  sur  la  Martinique  où  Ton  devait  supposer 
qu'elle,  retournait,  l'armée  fit  route  pour  Tabago;  les 
troupes  expéditionnaires  y  furent  débarquées  dans  la  baie 
de  Courlande.  Un  renfort  de  3,000  hommes,  commandés 
par  le  gouverneur  général  en  personne,  arriva  quelques 
jours  après. 

L'amiral  Rodney  apprit  bientôt  le  débarquement  du  pre- 
mier détachement  et  il  fît  partir  de  suite  de  la  Barbade  6 
vaisseaux  et  3  frégates  avec  un  corps  de  troupes,  en  re- 
commandant cependant  au  contre- amiral  Drake  ^  qui 
commandait  cett^  divi^iou,  4' éviter  tout  engag^pa^Ut  avec 
les  vaisseaux  français.  La  présence  de  ceux-ci  à  Tabago 
empêcha  cet  officiçr  générj^l  de  remplir  sa  mission  ;  il  re- 
tourna  à  la  Barbade,  et  l'amiral  Rodney  appareilla  immé- 
diatement avec  20  vaisseaux.  Lorsqu'il  arriva  en  vue  de 
Tabago,  le  pavillon  de  la  France  flottait  sur  les  fortifications 
et  sur  les  principaux  édifices  :  le  gouverneur  pa.it  Çf^PJtulé 
le  1*' juin.  L' arrivée  (rauçaise  était  alors  sous  voiles;  mais 
l'amiral  anglais  nç  jugea  pas  devoir  livrer  bataille,  et  U  fit 
route  pour  Sainte-Lucie.  Le  lieutenant  général  de  Grasse 


124  COLONIES.— 1781. 

ne  le  poursuivit  pas  et,  à  quelques  jours  de  là»  il  retourna 
à  la  Martinique. 

Lorsqu'il  déclara  la  guerre  à  la  Hollande,  le  gouverne- 
ment anglais,  pour  redoubler  Tardeur  de  ses  généraux, 
déclara  leur  abandonner  ses  droits  aux  éflèts  et  marchan- 
dises qui  se  trouveraient  à  Saint-Eustache,  à  Saint-Martin 
et  à  Saba,  trois  îles  du  groupe  des  Antilles,  et  ne  réserver 
aux  colons  que  la  possession  de  leurs  plantations,  de  leurs 
maisons,  de  leurs  ameublements  et  de  leurs  esclaves.  L'a- 
miral Rodney  s'était  porté  de  suite  sur  Saint-Eustache  qui 
était  l'entrepôt  de  commerce  des  Antilles,  et  il  s'en  était 
rendu  maître  le  3  février,  La  conduite  que  l'amiral  anglais 
tint  dans  cette  circonstance  est  trop  connue  pour  que 
j'entre  dans  de  plus  grands  détails  sur  cette  affaire,  qui  est 
d'ailleurs  en  dehors  du  cadre  que  je  me  suis  tracé. 

Le  16  novembre,  le  gouverneur  général  des  Antilles 
françaises  reprit  Saint-Eustache  avec  1,200  hommes  qu'il 
avait  fait  embarquer  sur  les  frégates  la  Médèe,  YAmazone^ 
la  Galathée  et  la  coryetie  Y  Aigle,  placées  sous  le  comman- 
dement du  capitaine  Girardin.  Les  îles  Saint-Martin  et  Saba 
furent  également  enlevées  aux  Anglais. 

BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGÉS 
pendant  l'année  1781. 

^      ANGLAIS. 

Canons. 

ÎGuLLODEN Naufragé  sur  la  côte  d'Amérique. 

Stirling  Castle Naufragé  sur  les  Gayes  d'argent. 

Terrible Détruit  après  un  combat. 

(  RoMULUs Prise  par  une  diyision. 

\  Charron Détruite  dans  la  Chesapeak. 

56      Crëscent Prise  par  une  frégate. 

/  Castor —  — 

5j      ls.s - 

J  RiGHMOND —  — 

'  Thetis Naufragée  à  Sainte-Lucie. 

j  Greyhounb .*" .      Naufragée. 

^  FotTJ'''!^.'  ;  ! 1  ^"'®'  ^^°'  **  Chesapeak. 

-     j  Pélican Naufragée  à  la  Jamaïque. 

j  Sandwich Naufragée  sur  ta  côte  d'Amérique. 

^  Siren Naufragée  en  Europe. 


COLONIES.  — 1781. 

I  PiGMY. Naufragée  sur  les  côtes  de  FraDce. 

(  Chat Naufragée  à  Saint-Domingue. 

I  Jack Pris  par  une  frégate. 

14  {  LoYALisT Pris  par  un  vaisseau. 

(  BoNETTA Prise  dans  la  Chesapeak. 

12      HoPE Pris  par  un  corsaire. 

FRANÇAIS.     • 

Canons. 

80      Couronne ....),         ,.,  .,    ^ 

^^   { Intrépide )  ^"^endiés  par  accident. 

(  Pégase Pris  par  une  escadre. 

64      Actionnaire,  en  flûte.    .  .  —  — 

44      Sérapis*,  en  flûte Incendiée  par  accident. 

I  Magicienne Prise  par  un  vaisseau. 

Inconstante Incendiée  par  accident. 

Vénus Naufragée  sur  les  Glenans. 

Minerve Prise  par  un  vaisseau. 

28      Unicom  * .  Prise  par  une  frégate. 

j  Atlas,  en  flûte. ." Naufragée  sur  Ouessant. 

\  Philippine,  en  flûte.  .  .  .  Prise  par  une  division. 

24      Lively* Prise  par  une  frégate. 

(  Étourdie Naufragée  sur  la  chaussée  de  Sein. 

\  Rover* Prise  par  un  corsaire. 

18      Alert* Pris  par  une  frégate. 


125 


RÉCAPITULATION. 


Détraits 

Pris. 

on 
nanfragés. 

Incendiés. 

TOTAL. 

i 

4 

» 

5 

(i 

» 

» 

(> 

4 

2 

» 

6 

2 

.  » 

2 

4 

5 

2 

2 

9 

2 

1 

» 

3 

ANGLAIS.  .  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs  

FRANÇAIS.   .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs  


L'astérisque  indique  des  bâtiments  ayant  appartenu  aune  puissance  ennemie. 


H6  ÉkUlLhM: -- {"îè^ 


ANNÉE  1782. 


J'ai  dit  les  raisons  qui  avaient  déterminé  la  France  et 
r Espagne  à  remettre  l'attaque  de  Gibraltar  à  Utie  autre 
époque  ;  l'importance  militaire  de  cette  position  àèoida  les 
deux  Cours  alliées  à  tenter  cette  annéèl  d'en  déposséder 
l'Angleterre.  Cette  place  n'était  certainement  pas  alors  ce 
qu'elle  est  âtijôilrd'htli,  titie  forteresse  en  quelqtiè  Boitte 
imprenable  de  vive  force.  Les  moyens  de  défense  qu'on  y 
avait  déjà  réutiis  exigeaient  cependant  retfa|)lôi  de  forces 
considérables.  La  direction  supérieure  de  cette  entreprise 
fut  confiée  au  vâiiiqiiëuf  de  Minorque,  le  duc  flë  CHllon  ; 
les  lieutenants  généraux  de  Cordova  et  de  Guichen  furrat 
chargés  de  l'attaque  par  mer. 

Le  lieutenant  général  dé  Guichen  sortit  de  Brest,  le  14 
février  1782,  avec  ô  vaisseaux,  2  frégates  et  1  brig.  Avant 
de  se  rendre  à  Cadix,  il  devait  accompagner  en  dehors  du 
golfe  de  Gascogne  deux  convois  pour  les  Antilles  et  pour 
l'Inde.  Le  capitaine  Mithon  de  Genouilly  escortait  le  pre- 
mier avec  les  vaisseaux  la  Couronne^  le  Magnifique^  le 
Dauphin  Royal;  les  frégates  YÊmeraudey  là  friponne  et 

*  § 

Y  Engageante  ^  les  corvettes  la  Cérès^  la  Nàiade  et  le  cotre 
le  Clairvoyant.  Le  capitaine  de  Peynier  conduisait  l'autre 
avec  les  vaisseaux  le  Fendant,  YArgoriauie  et  la  frégate  la 
Cléopâtre.  Une  autre  division,  commandée  par  le  lieutenant 
général  de  Lamotte-Piquet ,  avait  aussi  mis  sous  voiles 
pour  conduire  ces  convois  en  dehors  de  la  ligne  habituelle 
des  croisières  anglaises;  elle  rentra  le  26.  Le  lieutenant 
général  de  Guichen  arriva  à  Cadix  à  la  fin  du  mois  et  se 
rangea  sous  les  ordres  du  lieutenant  général  espagnol 
don  Luis  de  Cordova. 

L'armée  navale  combinée,  forte  de  32  vaisseaux,  mit  à 
la  voile  le  3  juin.  Les  instructions  du  commandant  en  chef 


BATAILLES. -1?88.  1*7 

lili  énjôighaieiit  d^êlbigiie^  lèâ  dMâèdi*!^  ëitiiûëMA  qili  se  te- 
naient devant  Brest  ;  de  croiser  k  l'ëiitrèé  de  là  litààëhë 
jusqu'à  la  fin  du  mois  dé  juillet,  et  d^eiitfët*  etiâtiitè  ààhk 
la  Méditerranée  pour  appuyer  lès  ôpêràtiofiâ  à*attàquë 
contre  Gibraltar  et  empêcher  les  ravitaillèmêniâ  par  iiier. 
Voici  Tordre  dans  lequel  T armée  alliée  appareilla  de  Cadit. 

Canons. 

70      San  Miguel capitaine  don  Juan  AÎorebo. 

80      San  Fernando <—        Angulo. 

don  Miguel  Gaston^  lieutenatit  gënëfÂl. 

70     Arrogante ea^itâitie  don  Lopez  Garizosa. 

64      Lion —        de  Fournouë. 

70      Serio —        don  Filip  Gonzales. 

110      Terrible. —        de  Saint-Riveul. 

comte  de  Guichen^  lieutenant  géiièMl. 

70      San  Pablo, capitaine  don  Luis  Munoz. 

6t      Espana —       don  Francisco  Yelà^quêÈ. 

80      Rayo. .  .  ; —        don  Antonio  Posadâ,(îllêf(J'ésc. 

^^   j  Atlante.    .....♦•..        —        don  Dieço  Quevedo. 

\  San  Juan  Èàptista.  ...        -—       don  traiiciscO  tdiâ^es. 

6i      Septentrion.   .......        —        don  Juan  Landeche^ 

110      Royal-Louis ^       Verdun  de  la  Crenne. 

dé  Béàusset^  chef  d'escàdrè. 

çAngel.  .  « é  capitaibe  don  Jacintho  Sefabd. 

70  I  San  Justo —       Bascomorales. 

\  S'«  ïsabei .        —       marquis  dé  Medinâ. 

110      SSf^  Trinidad. —        don  Fernando  Daio«; 

don  Luis  Cordova,  lieutenant  généraL 
don  Josef  Hfdzarèdo^  cfiëf  d'ètàt-iiiàjof . 

IVencedor,    .  ^ capitaine  don  Josef  Gastejous 
Africa —       marquis  de  Cazeres. 
San  Dainàso —       don  Antoiiio  Ozornô,' chef  d'éâÊ. 
Galicia. .  •  •  • —       don  Juan  Glayigero. 
Terrible —        don  Francisco  Winthuisen. 

ÔO      San  Vîcente —        don  Ignacio  Ponce  dfi  Ledn,  clïéf 

d'escadre. 

70     Firme —        don  Atanazia  Véranda. 

61      Castilla —       don  Juan  Qiiindos. 

70      Orienté. —       don  Domingo  Perler. 

110      Purissima  Concepcion.  .       —        Ozomo  y  Funés. 

don  Juân  bonnet,  liéutènà'bt  géh^fàl. 

64      Indien.  . capitaine  de  Laubepin. 

70      San  Joaquim —        don  Carlos  de  Terres. 

lie     Majestueux —       Bruni  d'Entrfeèàstêaiïx. 

Ticomte  de  Roche chouart,  tieuténa&t  géBéràl. 

70      Brillante capitaine  Oustares. 

70      San  Isidro —        don  Alvâro  L6j)ez. 

Frégates:  Grulla^  S*^  Perpétua,  Amphitrite,  S««  Barbara ^  Creàtent, 

Résolution. 
Cortcjttés  :  Pandoûr,  t^atàlta,  Spewelè, 


128  BATAILLES.  — 1782. 

Le  25  pendant  la  nuit,  l'armée  combinée  chassa  un 
convoi  anglais  de  28  voiles  qui  se  rendait  au  Canada  et  à 
Terre-Neuve  sous  l'escorte  de  2  frégates  et  du  vaisseau  de 
82*  Ramilies,  capitaine  Moutray.  Les  bâtiments  de  guerre 
ne  purent  être  joints  ;  mais  18  navires  du  commerce  fu- 
rent capturés  et  conduits  à  Brest  par  le  vaisseau  le  Lion, 

Le  11  juillet,  Tarmée  combinée  reçut  en  renfort  les  8 
vaisseaux  ci-après  : 

CanoDs. 

Invincible capitaine  cheyaliér  de  Rivière. 

110  {  Lamolte-Piquet,  lieutenant-géDéral. 

Bretagne *  .  .  .  capitaine  commandeur  de  Dampierre. 

Robuste —        marquis  de  Nieuii. 

Protecteur —        comte  de  Soulanges. 

Actif. —       Cillart  de  Suville. 

'^  \  Zodiaque —       chevalier  de  Langan  Boisfévrier. 

Bien  Aimé —       marquis  Valmeaier  de  Gacqueray. 

Guerrier —       Duplessis-Parscau. 

Ce  même  jour,  à  5**  du  soir,  à  63  milles  dans  le  O.-S.-O. 
d'Ouessant,  l'armée  chassa  un  vaisseau  et  2  frégates.  Le 
lendemain,  l'escadre  légère  du  lieutenant  général  Lamotte- 
Piquet  signala  un  grand  nombre  de  voiles  dans  le  N.-E,  : 
c'était  l'armée  anglaise  de  la  Manche.  Le  vent  soufflait  du 
N.-O.  Le  commandant  en  chef  ordonna  d'abord  une  chasse 
générale  et  sans  ordre  ;  puis,  à  10**,  il  fit  ranger  l'armée 
sur  la  ligne  du  plus  près  bâbord  et  donna  l'ordre  d'atta- 
quer dès  qu'on  pourrait  le  faire  ;  on  comptait  alors  22  vais- 
seaux. On  ne  put  les  atteindre.  A  4^  de  l'après-midi,  l'es- 
cadre légère,  qui  était  à  grande  distance  de  l'avant,  mit  en 
panne  ^  deux  heures  plus  tard,  le  commandant  en  chef  fit 
le  signal  de  ralliement,  rangea  l'armée  sur  trois  colonnes 
et  la  tint  en  panne  tribord  amures.  Le  temps  fut  à  grains 
pendant  la  nuit  ;  au  jour,  le  vent  passa  au  S.-E.  Le  13  au  ma- 
lin, l'armée  anglaise  était  encore  en  vue  dans  le  N.-E.  Après 
l'avoir  de  nouveau  poursuivie  pendant  quelque  temps,  le 
lieutenant  général  Cordova  prit  la  bordée  de  l'Ouest, 
L'armée  combinée  continua  sa  croisière  entre  Ouessant 
et  Belle-Isle  et  elle  rentra  à  Cadix  à  l'époque  déterminée. 
Le  10  septembre,  l'armée  navale  mit  de  nouveau  sous 


BATAILLES.  - 178),  iS9 

voiles,  passa  le  détroit  et  alla  mouiller  à  Algésiras  où  se 
trouvaient  déjà  2  vaisseaux  français  et  7  espagnols.  A  ces 
forces  destinées,  ainsi  qu'on  Ta  déjà  dit,  à  coopérer  à  l'at- 
taque de  Gibraltar,  devaient  se  joindre  80  cbaloupes-canon- 
niëres  et  10  batteries  flottantes.  Ces  batteries,  à  Tabri  de 
la  bombe,  étaient  établies  sur  des  carcasses  de  navires  de 
600  à  1200  tonneaux .  On  avait  cru  les  rendre  incombustibles 
au  moyen  d'infiltrations  continues  d'eau  à  l'intérieur,  liai- 
beureusement  on  s'aperçut  bientôt  que  ce  procédé,  fort 
ingénieux  du  reste,  occasionnait  une  bumidité  qui  détério- 
rait les  poudres  et  on  y  renonça  sans  songer  que  ces  pou- 
dres pouvûent,  jusqu'au  moment  du  combat,  être  dépo- 
sées dans  des  navires  mouillés  au  large  des  batteries. 
L'équipage  de  ces  bâtiments  de  nouvelle  espèce  étût,  en 
grande  partie,  composé  de  soldats. 

La  ville  de  Gibraltar  est  bâtie  sur  la  presqu'île  qui 
forme  la  pointe  d'Europe  et  la  partie  orientale  de  la  baie 
d'Algésiras.  Ce  rocber,  fortement  découpé  dans  le  sens  de 
sa  longueur  qui  est  d'un  peu  plus  de  deux  milles  du  Nord  au 
Sud,  est  taillé  à  pic  à  l'Est  et  au  Nord  ;  de  ce  dernier  côté,  il 
n'a  pas  moins  de  350  mètres  de  hauteur.  Une  falaise  presque 
verticale  surplombe  au  Sud  un  plateau  de  peu  d'étendue 
qui  termine  la  presqu'île.  L'élévation  de  ce  plateau  au- 
dessus  de  l'eau  ne  dépasse  pas  15  mètres.  La  face  occiden- 
tale présente  une  pente  beaucoup  moins  rapide.  C'est  de  ce 
côté,  à  l'extrémité  Nord  et  au  bord  de  l'eau,  que  se  trouve 
la  ville.  Deux  môles,  formant  deux  darses  destinées  à  pro- 
curer un  abri  aux  navires  suivant  leur  force,  existent  sur 
la  côte  occidentale.  Le  vieux  môle  est  au  Nord  de  la  ville  ; 
le  môle  neuf  est  à  un  mille  et  demi  dans  le  Sud  du  premier. 
Une  presqu'île  uniforme  et  très-basse  relie  le  morne  de  Gi- 
braltar au  continent.  La  ville  d'Algéûras  se  voit  à  quatre 
milles  et  demi  de  l'autre  côté  de  la  baie.  A  l'époque  à 
laquelle  je  me  reporte,  la  ville  de  Gibraltar  était  entou- 
rée d'une  fortification  régulière  et  deux  ouvrages  con- 

ttdérables  en  défendaient  les  approches;  un  camp  retran- 
U.  9 


1^0  BATAILLJBg.^i7«9. 

chétjétaît  ite  ]9titre  établi  sur  le  plateau  du  SuÂ.  Lwiqa$ 

rftrnàée  tiav^  atTiva  à  Algésiras,  plujsîenm  Mtaque^  par 
teare  ûTaientdéjà  été  faites/ nuii^.saûs  avaatag^.  Is  4i^ 
àe  ûriUoa  oonaplétâ  les  tr^vauiK  de  Biég^  et  m^B  alito^pii 
ahnultaùée  parterre.et^r  uaer  fat  itésolue  pioiirle  iS.  VimH 
ce  qui  fut  arrêté.  Pendant  qu'uae  Gaiaofifiade.vigouiraa9e  sif- 
rait  dirigée  par  l'artilierie  de  terre  contre  la  partie  jNprd  4f 
là  tille,  4  vaisseaux  emb(%3sés  à  la  pointe  d'Ëur û|>e  dav#eij| 
{yrotéger  le  débarquement  d'un  corps  d»  troupes  ^'pjl 
mettrli&t  à  terre  dans  une  des  parties  abordais  d^  }ac^ 
pow  faire  diversion  à  l'attaque  de  la  ville.  L^s  ^tef?/ff( 
bottantes,  mouillée  des  deux  côtés  du  vieux  paôle,  agifaiwt 
sur  les  deux  fronts  adjacents.  Ainsi  disposées,  ellea  avaient 
|)feu  à  craindre  le  feu  du  môle  neuf,  et  elles  étaient  jSoute«- 
nues  par  les  batteries  de  terre  qui  prenaient  des  revers  sur 
les  fronts  attaqués.  Mais  Fentente  entre  la  marine  et  l'ar- 
mée de  terre  n'était  pas  parfaite,  et  le  chef  d'escadre.  Ho^ 
reuo,  qui  avait  le  commandement  des  batteries  flottantes, 
ne  s'occupa  en  quelque  sorte  pas  de  leur  placement;  le 
colonel  du  génie  d'Arçon,  inventeur  de  ces  batteries,  fu( 
36tdîgé  de  leur  faire  prendre  lui-même  leur  mouillage  la 
veille  du  jour  fixé  pour  Tattaque,  et  encore  ne  suivit-ra 
pas  ses  indications.  Elles  furent  mouillées  beaucoup  trop 
vers  le  Sud  ;  très-près  les  unes  des  autres,  et  l'extrémité 
*gaucbe  de  la  ligne  se  trouva  vis-à-vis  et  à  une  distance 
beaucoup  trop  grande  du  vieux  môle.  Placées  de  la  sorte, 
4es  batteries  flottantes  furent  foudroyées  par  toute  l'artil-^ 
lerie  d'un  front  immense.  D'autre  part,  les  vaisseaux  dési- 
gnés pour  prendre  poste  à  la  pointe  d'Europe  ae  bougèrent 
pas  ;  des  motifs  puissants,  dit  la  relation  espagnole,  mais 
sans  les  indiquer,  empêchèrent  de  les  faire  approcheiv 
Le  débarquement  dans  cette  partie  de  la  presqu'île  n'eitf 
dès  lors  pas  Heu.  Les  canonnières  ne  parurent  point.  Au 
jour  fixé,  le  feu  commença  à  10^  du  matin.  Déjà  un 
grand  nombre  de  boulets  avaient  été  lancés  sans  suco^  sur 
les  batteries  flottantes  lorsque,  dans  l'après-midi,  un  boulet 


;  d«  l'une  â'el|fis.  ' 
progrès  du  feu  fui 
possible  de  ^'e^ 
t  ^,té  p/ise  çppiiv 

lôigp.er  Teiç'  yçe^  ^Ç9  wtTffî,  W 
3  (ftie  le  t?ii  ie  cçqi^^&nif^a  «^ 
roçpieni  toutes  W  ^iteirips  ft- 

oyer  1^  PîUjl0|t3  ^  repQorijMti-  'j^ 
wriea  que  ïps  ^^rpes  n'av^^ 
paè  ;ÇDiww  Atteintes,  on  donna  l'çjwrç  ^  les  ijic^ï^ 
t*t9}f^  ^^  œvvre  de  d^fitruc^op  ^ut  çbqi^àtée.  pèW^j^j 
If  fWt,  par  le  papitainç  àiislaîs  G1111I19  gi^  sortit  je  Gibra)- 
tfj  ureç  p^e  douzaine  d^êiDÏ)ari»tions.  ties  einbarçàtScHi^ 
jiççq^liïrent  l^  hommes  (jui  pajçgf  pi*  échapper  ^  c^ 
l^f  ^e  \^  veille  ;  celles  de  l'armée  âUiéiç  étirent  retponi'^ 
i  ^^HH)  |t|prd8  à  la  nttit  •  âôTiipmipesiftfrMit  sauvés  iw^ïçi 
cf^^  «»fei»is.  9P  oçtre  àe  50  ib),Ç99^s  trmyé^  âaàs  Iw  3|- 
1^  W^flapmés  des  naTiran. 

Tel  fut  le  résulut  de  cett#  ^Vt^fi  '^tv^àfk)^,  ^oni^iâl 
préparatifs  inquiétèrent  un  moment  PÂn^Ieterre.  Elle  abôtl- 
tit,  comme  la^U»  las  jtffmbJBiiinpa  coQcertéee  im^^  '§t 
jour  avec  l'Espagne^  1^  tatie  d^nse  improdnc^yfe  W  li  lû^e 
diminution  de  la  coDâMération  dwt  jotûfèAit  «ton  ».  biÉI 
droit  la  marine  €16  la  !f  ittDt»,  L'^i>gl«terre  dut  |>^^^être 
la  conservation  de  •»  àirteresse  JL  h  mèrâiteUigwn  fin 
régna  entre  }e  à^ç  de  ItSAUoQ  et  le  chef -d'escM^  '''l'"^*'^ 
Uoreno, 

On  considéra  l'attfiqta»  de  tïibrahar  par  mertibttitoe  ita- 
pos^le  désornrài.  Aiii,  certain  que  les  ajyiiériaonifr- 
ments  de  cette  place  éttfienf  fort  ridaits,  et  ay^  "qvîifa 
convoi  était  en  route  pour  la  raTÏtùller,  le  lieateBiBt  (^ 


432  BATAILLES.  — 1782. 

lierai  Gordova  resta  au  mouillage  d'Algésiras.  Le  sort  de 
Gibraltar  dépendant  désormais  de  l'arrivée  de  ce  convoi,  la 
petâistance  du  commandant  en  chef  de  l'armée  combinée  à 
séjourner  dans  ces  parages  occasionna  une  anxiété  des  plus 
grandes  dans  cette  ville.  Une  nouvelle  déception  était  ré- 
servée au  gouvernement  espagnol  :  un  violent  coup  de  vent 
de  S.-O.,  survenu  pendant  la  nuit  du  9  octobre,  dérangea 
les  projets  du  commandant  en  chef,  ou  au  moins  en  empâ- 
cha  l'exécution.  Plusieurs  vaisseaux  s'abordèrent;  le  San 
Miguel  fut  jeté  à  la  côte  et  amena  son  pavillon  sous  le  feu 
du  bastion  du  Sud  de  Gibraltar.  Un  autre  vaisseau  et  une 
frégate  furent  également  portés  à  la  côte  ;  ils  purent  être 
relevés.  Le  convoi  anglais  se  trouvait  en  position  de  pro- 
fiter de  cette  circonstance  malheureuse.  Le  11,  au  jour,  il 
fût  signalé  donnant  dans  le  détroit;  le  vent  était  encore  si 
violent,  qu'il  fut  entraîné  dans  l'Est;  un  très-petit  nombre 
de  navires  purent  atteindre  Gibraltar.  L'armée  combinée 
appareilla;  mais,  contrariée  par  des  brumes  et  des  varia- 
tions de  vent  continuelles,  elle  ne  put  empêcher  le  convoi 
d'arriver  à  sa  destination,  et  ce  fut  le  18  seulement  que  les 
bâtiments  qui  lui  avaient  servi  d'escorte  furent  aperçus  re- 
passant le  détroit  avec  une  jolie  brise  d'Est.  L'armée  an- 
glaise, commandée  par  l'amiral  Howe,  était  forte  des  3â  vais^ 
seaux  et  des  8  frégates  ci-après  : 

Canons. 

^    I  GoLUTH. capitaine  Hyde  Parker,  junior.  ' 

**   (  Ganges —  FieldiDg. 

84     Royal  Willum.   .....       —  Allen. 

110  <    Britannia. —  Hill. 

Barringlon,  yice-amiral. 

108     Atlas capitaine  Gollins. 

00     Panthsr.  .  .  • .«' -  Simonton. 

84     Foudroyant.   .......       —  Jervis. 

sa     Edgar —  Hôtham^  commodore. 

72     PoLTPHEMUS.  .«•....       —  Finch. 

88     SuFFOLK.  ••..••...       —  Home. 

78     Vigilant —  Douglas. 

88  ^   Gouragrux.^.  ........       —  lord  Mulgraye. 

78     Grown.  .  . .       ~  Reeyes. 

8^     Alexander.  .  • —  lord  Longford. 

78     Sampson. —  Haryey. 

108     Royal  Pringsss ~  Faulkner. 


IQATÀILLES 1782.  i^% 

110     ViCTORY.  ....•..».       —      Leweson  Gover  Duncan. 

lord  Howe,  amiral. 

lûS     Bleinheim capitaine  Duncan. 

72      Âsu —       Bligh. 

83  EfiHONT. . »       Fergnson. 

108      QoEEN •  .  •        —       Dornet. 

sir  Samael  Hood,  contre -amiral. 

82     Bellona.  . capitaine  Onslow. 

72      RiUisoMNÀBLE —       lord  Harvey. 

82      FonnTUDE ^       Keppel. 

Si      Priitcess  Amelu —       Reynolds. 

sir  Richard  Haghes,  contre-amiral. 

82      Berwick .  capitaine  Pbipps. 

72      Bienfaisant —       Howarth. 

82      Dublin —       Dickson. 

84  Cambridge.  ........        —       Stewart. 

100      Océan —       Bigar. 

Milbanck,  vice -amiral. 
100      Union.    . capitaine  Dalrymple. 

60     BuFFALO ~       Halloway. 

82     Vengeance —       Moutray. 

Frégates  :  Bristol^  Burnet^  Minerya^  Latona,  Andromaghe^  BÎËCoyiRTf  Diana» 

PROSERPINE^  TeRHAG4NT. 

Trois  brûlots. 

Le  20,  après  deux  jours  de  chasse,  Tannée  combinée  se 
trouva  en  position  d'attaquer  celle  des  Anglais  qui  était 
sous  le  vent  ;  toutes  deux  étaient  en  ordre  de  bataille,  les 
amures  à  tribord.  Le  vent  soufflait  alors  du  Nord.  L'armée 
des  alliés  s' étant  formée  par  rang  de  vitesse,  16  mauvais 
marcheurs  étaient  restés  fort  loin  de  l'an'ière  pendant  cette 
chasse  de  quarante-huit  heures;  33  vaisseaux  seulement 
étaient  en  ligne.  Voici  Tordre  dans  lequel  ces  derniers^se 
présentèrent  au  combat. 

Canons. 

110     Invincible •  .  capitaine  cbeyalier  de  Rivière. 

Lamotte-Piqaet^  lieutenant  général. 

{Guerrier .  .  •  capitaine  Duplessis-Parscaa. 
Dictateur —       de  Laclue. 
Robuste —       marquis  de  Nieuil. 

70      San  Isidro —       don  Alvaro  Lopez. 

7i      Suffisant —       de  Castellet. 

Guerrero —        ■ 

Arrogante —       don  Lopez  Garizoïa. 

Sto  Elisabeth — 

San  Laurent. —        

74     Zodiaque* —       cbeyalier  de  Langan-BoisféTrier. 

/  Rayo —       don  Antonio. 

Posada^  cbef  d'escadrOk 

Firme capitaine  don  Atanazia  Véranda.  ^ 

Terrible, —       Ao^  Fraiiei$c^  .Wint^uisM».    *  -i 


70 


70 


éiÉ 


Ékikmàs.-iiii. 


76     San  vtcenïe.  .  •  .  ^  ^  ^  •  ^  taWll^i^  Ponce  dé  Léon,  cbéf  aTMemft. 
110     Royal- touis.  .  .  .  ^  ^  ^  ,  ci|^,M9^  marquis  de  Yerdim  ^^.^ffeiiy||^ 

de  Beàasset^  clief  d'escadre. 
San  Joaquim,   .  ^  .,  .,  .^  capitaine  don  Carlos  de  Torr^ 


70 
6i 

ro 


Casiilla 

San  /tpi  9ioigti^, 

San  Jtislo 


>  >  ^ 


Vencedon» .  •  ..  .  ^  ^  •  ^  ,.. 
6i      Espana.    .......  ^  ,,  ^ 

^^  j  Gatofl , ,  ; 

76      Triotnp/ianr^.    ....,« 
70      Brillante.    ,  . 


^^H' 


don  Juan  ^uindôs 
don  Francisco  Idiàqnes. 
Bascomorales. 
don  Josef  Gas(û 
don  Francisco  Vé 

don  Fiiip  Gonzaies. 


Oustares.  .  . 

don  luàn  Landéclio. 
Bruni  d'Edtre 
yicomte  de  Rochechoùairt^  liai 

Indien ,  .  .  ^  «  c^|i§||yi^  de  Lau1)epin. 

San  Raphaël, .  .,  .  ,  ^  ^  -  "    -rr,       

SS»  Trinidad,  .  ^  y  ^  ^  ^       —       Baioz. 

don  Cuis  Gôrddvà,  Ifeiitén 
,  ^Uini^  «pèandfliade 
c«/. —       O 


60      Septentrion,   .  .  .  ^  ^  ^^ 
ItO      Majestueux.    .  .  .  ^  ii  ^  i       — 


64 
70 

lia 


é^B^ï^ 


^  »! 


«ftmV>At  Ataitmt  », 
'rf~  "PI  T  Hl I'!  '!T  7 

iJtO  (         .^ ,  don  Juan  Bonnet.  lieiitenaAt  Rén^taL 

'    >  rèrràk .  éipilaw»  de  l§tfîW-^k».   ^  ^^ 

60     San  Fernando, ..  •  .  .  ^  .  capitaine^  Ânguio. 

M  Mi^l  Oà^é,  flièiMilit  «iIdMI. 

^^  ,f^j^*^*  •  1  1  •:  •  -î  .  WHW  B»af%fwr<le  ÇMPW» 
/  San  Miguel —       don  Juan  Moreiro. 


Atlante 

San  Pablo 

San  jKingfMA.    «  •>  ^  .  <  ^ 

70    \    iUiyWi  -^    *■  m  4   0    :  ,    •    If   «I 
S<a  IsabéAà  •*^^^émé* 

San  Danutso,  ••«:•>*.« 
Africa,  .  ..  i*  <  • 
Oriente,.   ^  «  .  .  • 
66      San  Julian, ,  ^  ^  é 

64      Lion 

66      |{u«é.  .••.•41 


—  don  Luiz  Mufioz. 

ttt-  

-tm  don  Jacintho  Serano. 

i»:  marquis  de 


•  .  • 

a  •  « 

•  •  •» 

•  •  • 


—  don  Antonio  Oior— ^#rti#^a6le. 

—  marquis  di  CasertAi 

—  don  Domiago  PertMK 


-<       de  Fournon^. 


j(L  ^  30""  du  soir.  Tayant-garde  des  alliés  (tttn\\  i^n  feu 
sur  les  vaisseavv4  m  tAte  de  la  ligui^  anglaise  ;  «lax-ci 
plièrent  ^e  sijy^te,  L^af^éfè-garde  engagea  la  secondiçi,  puis 
le  cetttit ii#  ffiailiié  imt  aa  coi»{m^1;  Viri?6gftttiitA  |e  la 


BATAILLES.— 1782.  436 

Hgfiè  ànglrise,  ou  phitôt  les  mouvements  d'arrivée  de  queï- 
qaés^uBes  de  ses  parties,  ne  permirent  pas  une  attaque  sî^ 
muhanée  sur  toute  sa  longueur.  Cette  tactique  fut  continuée 
pendant  toute  la  durée  du  combat  ;  les  Anglais  plièrent  sur 
tous  les  points  et,  à  10*,  ils  finirent  par  laisser  arriver 
franchement.  Le  commandant  en  chef  ne  les  fit  pas  pour- 
suivre. Le  Majestueux  était  le  seul  vaisseau  de  l'armée 
combinée  qui  eût  des  avaries  sérieuses.  Les  vaisseaux  an- 
glais avaient  été  plus  maltraités  et  il  fallut  renvoyer  k 
BufFALo  en  Angleterre. 

Lesysdsseaux  attardés  rallièrent  le  lendemain.  L'armée 
eunenue  était  alors  si  éloignée,  que  le  lieutenant  général 
de  Cordova  jugea  inutile  de  lui  donner  la  chasse  ;  il  fît 
route  pour  Cadix  où  il  mouilla  le  28.  L'amiral  Howe  déta- 
cha  huit  vaisseaux  aux  Antilles  et  retourna  en  Angleterre. 


Penda&l  que,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  la  mari^ 
de  la  France  brillait  dans  l'Inde  d'un  éclat  qu'elle  conserva 
jusqu'à  la  fin  de  la  guerre,  elle  éprouvait  dans  les  Antilles 
un  échec  qui  détruisit  entièrement  le  prestige  dont  elle 
était  entourée  dans  les  mers  d'Amérique  depuis  le  comment 
cemeiit  des  hDstilités.  Le  jour  même  où  le  bailli  de  Suffren 
combattait  aivec  avantage  l'escadre  anglaise  du  contre-ami-^ 
rai  Hughes  devant  Trinquemalé,  le  comte  de  Grasse  Mvrs^ 
à  l'aniral  Rodney,  dans  le  canal  de  Saintes,  la  désastreuse 
bataille  dite  de  la  Dominique. 

La  conquête  de  la  Jamaïque  était  toujours  le  but  auquel 
devaient  tendre  les  efforts  des  commandants  en  chef  det 
escadres  de  la  France  et  de  l'Angleterre  dans  la  mer  des 
Antilles.  Le  moment  semblait  favorable  pour  tenter  cette 
entreprise  malgré  l'arrivée  récente  de  l'amiral  Rodney  avec 
47  nouveaux  vaisseaux  anglais.  Le  lieu  de  réunion  des  esca- 
dres alliées  était  toujours  à  Saint-Domingue  ;  mais  ne  vou- 
lut |iils  kiôset  derriëreluilesnavires  du  commfei'ce^ui  dé- 


136  BATAILLES.-- 1788. 

TÛent  retourner  en  Europe,  le  lieutenant  général  de  Grasse 
différa  son  départ  jusqu'au  8  avril.  Ce  jour-là,  prenant 
sous  son  escorte  150  navires  dont  une  partie  portait  le 
matériel  et  les  munitions  nécessaires  à  l'expédition  projetée, 
il  appareilla  de  la  rade  de  Saint-Pierre  de  la  Martinique 
avec  35  vaisseaux,  h  frégates,  une  corvette  et  un  cotre  et 
se  dirigea  vers  le  Nord.  Les  2  vsdsseaux  le  Sagittaire  et 
YExperifnent  furent  spécialement  désignés  pour  accompa- 
gner le  convoi.  La  sortie  de  l'armée  française  fut  de  suite 
signalée  par  les  frégates  anglaises  qui  croisaient  devant 
Saint-Pierre  et,  le  jour  même,  le  lieutenant  général  de 
Grasse  fut  averti  par  ses  découvertes  que  l'amiral  Rodney 
appareillait  de  Sainte-Lucie.  Le  lendemain  matin,  S7 
vaisseaux  anglais  et  20  frégates  furent  aperçus  de  l'arrière. 
Le  vent  soufflait  de  rE.-S.-E.  ;  l'armée  française  avait 
alors  dépassé  la  Dominique. 

On  sait  que  les  Iles  Antilles,  situées  dans  Tocéan  Atlan- 
tique septentrional,  à  l'entrée  de  la  mer  à  laquelle  elles  ont 
donné  leur  nom,  décrivent  un  arc  de  cercle  très-pnmoncé 
depuis  le  golfe  de  Paria  de  la  province  de  Gnmana  dans 
l'Amérique  du  Sud,  jusqu'au  Yucatan  dans  l'Amérique  sep- 
tentrionale. Après  avoir  suivi  la  direction  du  Nord  jusqu'à 
la  Martinique,  cet  arc  s'infléchit  au  N.  -O.  et,  de  FAn- 
guille  à  l'Ile  de  Cuba,  il  court  au  O.-N.-O.  Il  faut  donc  faire 
le  N.-O.  pour  se  rendre  de  la  Dominique  à  la  Guadeloupe. 
En  gouvernant  ainsi,  on  laisse  le  groupe  des  Saintes  un 
peu  à  droite  ou  dans  l'Est.  De  la  pointe  des  Capucins,  la  plus 
Nord  de  la  Dominique,  à  la  Terre  d'en  Bas,  la  plus  occi- 
dentale des  Saintes,  on  compte  16  milles.  Des  Sidntes  à  la 
pointe  la  plus  méridionale  de  la  Guadeloupe,  la  pointe  du 
Vieux-Fort,  il  y  a  8  milles.  La  ville  de  la  Basse-Terre, 
située  dans  l'Ouest  de  l'Ile,  n'est  pas  à  plus  de  2  milles  de 
cette  dernière.  Dans  ces  parages,  la  brise  régulière  d'Ë.- 
N.E.  à  rE.<*S.-E.  souffle  toujours  fraîche  dans  les  canaux, 
tandis  que  dans  l'Ouest  et  près  des  lies,  il  fait  calme.  Des 

f  îséeSf  des  raQales  plus  ou  moins  fort^  ^i  descendent  ^ç^ 


BATAILLES.— i7S2.  137 

mornes  à  des  intervalles  inégaux,  permettent  seules  aux 
bâtiments  de  faire  route;  mais  souvent,  à  des  distances 
trës-rapprochées,  ils  sont  soumis  à  des  influences  différentes. 
Dans  de  semblables  conditions,  il  est  impossible  qu'une 
escadre  puisse  conserver  un  ordre  de  marche  quelconque 
tant  qu'elle  n'est  pas  en  position  de  recevoir  la  brise  des 
canaux  et  nul  ne  saursdt  dire  combien  il  lui  faudra  de  temps 
pour  sortir  de  la  zone  des  calmes  et  des  folles  brises.  A 10** 
30*",  l'armée  angldse  s'était  beaucoup  rapprochée,  mais 
elle  était  alors  en  calme  sous  la  Dominique;  toutefois,  16 
vaisseaux  avaient  réussi  à  se  déployer  et  menaçaient  les 
2  vaisseaux  français  le  Zélé  et  Y  Auguste  qui  étaient  de  l'ar- 
rière. Le  lieutenant  général  de  Grasse  fit  prendre  les  amures 
à  bâbord  à  son  armée  et  signala  au  Sagittaire  et  à  VExpe- 
riment  d'aller  mouiller  à  la  Basse-Terre  avec  le  convoi. 
Estimant  que  les  16  vaisseaux  anglais  avancés  ne  pourraient 
être  soutenus  de  quelque  temps  par  le  reste  de  leur  armée 
qui  en  était  à  plus  de  3  milles  et,  ainsi  que  je  viens  de  le 
dire,  en  calme  sous  la  terre,  il  les  fit  chasser  et  attaquer  à 
midi  vingt  minutes  par  son  avant-garde,  à  laquelle  se  joi- 
gnirent, par  un  excès  de  zèle  non  autorisé,  mais  pour  lequel 
on  ne  trouva  plus  tard  que  des  éloges,  les  3  vaisseaux  le 
Glorieux^  le  Northumberland  et  le  Citoyen.  L'armée  fran- 
çûse  pouvait,  dans  ce  moment,  remporter  un  avantage  dé- 
cisif en  écrasant  les  vaisseaux  ennemis  ;  mais  ceux-ci,  soit 
par  tactique,  soit  pour  se  rapprocher  du  gros  de  leur  armée, 
pliaient  incessamment.  Le  commandant  en  chef,  qui  ne  vou- 
lait pas  s'éloigner  de  son  convoi,  et  qui  craignait  d'ailleurs 
que  le  Zélé  et  VAugustene  fussent  atteints  par  quelques  vais- 
seaux ennemis  pendant  qu'il  poursuivrait  les  autres,  le 
commandant  en  chef  fit  reprendre  les  amures  à  tribord  à 
1^  30">,  et  il  continua  sa  route.  Le  Caton^  capitaine  de  Fra- 
mond,  fut  le  seul  vaisseau  qui  signala  des  avaries  ;  il  mouilla 
le  soir  avec  le  convoi  sur  la  rade  de  la  Basse-Terre.  Le 
Jason  fut  abordé  par  le  Zélé  pendant  la  nuit  ;  il  en  résulta 
4es  ay^r^  ^m  détepnipèreqt  Iç  capit^iqe  du  premier  d^ 


13<  BÂTAIL&BS.'i--i78Sl. 

ees  deux  yidsseaut  à  aller  relâcher  à  la  Badse-Terré.  Les 
deux  armées  louToyèrent  toute  la  nuit  et  la  journée  an  len-* 
demain  entre  la  Dominique  et  les  Saintes.  Lé  Souvetain^ 
qui  s'était  échoué  en  appareillant  de  Fa  llfartinique,  ralHa 
ce  jour-là  (1).  Le  11,  au  jour,  presque  tous  les  vaisseaux 
Ihtnçais  avaient  doublé  les  Sainte^l,  et  il  ift'y  aurait  proba-*- 
blement  pas  eu  d'autre  engagétÈfènt  quef  eduî  de  Pavattrt-^ 
veille,  si  le  Magnanime  et  te  Zèle  ite  s^'éfaJenft  pas  trouvés 
à  une  douzaine  de  milles  sous  le  vent  (%)  9  Yé  demîei'  avatït 
démâté  de  son  grand  mât  de  hutie  pét](<knt  la  ntdt  èft  s'êt^ 
laissé  arriérer  en  le  changeant.  A  S^  dé  Tapris-mid},  7  vsîtisb 
seaux  anglais  étaient  à  S  milled  daûs  les  éMi  dé  Ces  vais- 
seaux. Le  darrger  était  imminent.  A  5^,  le  Commandant 
en  chef  donna  Tordre  de  laisser  arriver  pour  spouftenit 
les  deux  Français  et  protéger  en  même  teimps  là  retraité 
du  Jason  qui  n'avait  pas  encore  atteint  là  Basse-Tette. 
Cette  démonstration  suffit  pour  faire  prendre  aux  capitaine^ 
des  chasseurs  ennemis  la  détermination  dé  rallier  leur  ar- 
mée. Malgré  ce  mouvement  d'arrivée,  Tarihée  française 
était  à  12  milles  environ  au  vent  des  Anglais,  au  Coucher 

'■■■"'  '        '  '  '  I  I.       ■     ,         ■  I   I  !■■     Il  ■.|.i.   ■   I.  ,  ■  .  lin. 

(1)  Le  KestêDant  général  de  Grasse  n'a  pas  fait  eoDiiaitre  dans  qial  bit  il 
louYoya  eotre  la  DomiDique  et  les  Salâtes,  alors  qu'il  j|iQU,y«it  m  re^dr^  à  Saintp- 
D.offiingue  sans  fatiguer  ses  taisseaax  et  leurs  équipagiss.  Les  bAtiments  qai 
?oat  de  ht  Martinique  à  cette  Ile  gotterMot  grand  Uk%\m  U  ro.  ti*"  oi  à  VO, 
3Q«  s'il  veulent  passer  ^  vent  49  VUe  pour  atteiniUa  If  Cap  Cranta.  Il  est 
donc  difficile  d'apprécier  les  motifs  qui  déterminèrent  te  comrdandaot  eh  chef  à 
tenter^  avee  51  taîaseau,  plnsiewa  Mgates  et  cotfvèttari,!  me  aatrepriM;—  le 

Si^sage  au.  Toot  des  Uea  —  qui  ^c  ki  oilcaii  auçi^n  <Mai)t^«  e^  qui  est  toujours 
ifficiîe  et  fatigante^  même  pour  un  Dâtimeni  isofé.  Eue  compromettait  d'adlleurs 
It  eonvoi. 

(8)  Cette  ciistance  me  parait  exagérée.  En  supposant  la  VUle-de^Paris  sur 
le  méridien  de  la  Terre-d'en-Bas,  la  plus  orientale  d'eis  Saintes^  cette  appré- 
ciatioi  placerait  les  deux  vaisseau  à  trois  miftes  daM  l'OhKst  ém  méridiaû  da 
1^  peinte  du  Vieyx-Fort  de  la  Guadeloupe.  11  en  résul.te^i^t  que  le  Magnanin^ 
et  le  Zélé  quj,  avec  l^es  vents  régnants  chS.  1/i  N.-É.,  pouvaient  doubler  les 
Matae  du  p reaier  bord,  puisque  la  Terres d'et-IUu(t  est  daas  le  N.-N.4t  de 

ija  pointe  d^s  Caj^uciiis  de  la  Dominique,  se  seraient  trouvés^  aprëç  trente -six 
ieures  de  louvoyage^  moins  avancés  qu^ils  ne  l'étaient  le  9  au  soir.  La  consta- 
iVliciBi  d0  c«tt«i  ^nw  iodiqvo  wlRsManMBt  qu'il  faut  sf^  tonkr  aji  gasda.  ooatte 
rappréaiation  des  distance^  toutes  plus  ou  moins  er|;9^K|éef,  ^ue  ie  doQDç  tell«s 
q^eMJ  mt  feéiqaéi»  ddA' té« 


ftivddveftl}  eeliii-<^  Càsfti  m»  b^i^  ê1  ion  iftit  de  iâi^ 

êéi^fimémk}» retùfofqoe  età^ï^  maêaifé k  la i^è^ 
Vdie  date  i|[aâdel(Atpe.  Lc^  jow,  M  se  fàisMbl,  péMbft  â« 
voir  Farmée  française  r^i4tt4«e  èMb  smiâtï  ^èté  èirtf^M 
Dominique,  les  Saintes  «t  Uaorift^CkUante.  Une  distance  de 
trois  iy,<ii)^^^f\^i^9l^;^ai,t;  \^  YiUe-de-Paris  desc  YAil«eaux 
qui  étaient  le  pkâ  àil  veut  ;  le  Zélé  et  son  remer^fuèiir  fi^eiils 
étaient  âi^  ]|i^  îi^^ts)  $  %  piilles  environ  du  vaisseau  ^ral. 
Plusieurs  vaiÉMétix  mnemis  les  chassai^»!,  et  ^s  n^ilaient 
pas  alors  ^  i4\^j)  di^  3[  mÙJlG^  #M[^  leurs  eaux,  ta  position 
du  Zélé  était  crië^(ila  Le  oemixiandant  en  chef  fil  1er  sigiiil 
de  ralliem^  ^  ep  i^j^e  temps,  la  Ft/Ie-de-i^oiriftlfissa 
arriver  au  S.-S.-O.  L^drdre  de  se  préparer  m  p^ifiHiX 
suivit  WPâlcyi^teilîeAf,  1^  premier  signal.  Dès  que;  )%  niou- 
tmiemî  é'mfivéd  de  V^année  française  fui  hkù  |Nfe4oncé, 
les  vaisseaux  angti^i/;  I^^^rent  la  chasse.  A  7^  SOr,  \ik  ViUiir 
de-Pa^ù  Aftait  à  portée  eu  canon  de  l'ennemi  ;  une  partie 
des  vaiss^v^]!^  T^Yt^t  Ç^Uié  :  le  commandant  eiQ  cdbef  fit 
signal  de  serrer  le  v^e»I  bâbord  amures.  Sa  pensée  était  de 
ranger  misf,  if^if^  m  Qflàre  de  bataille  renver^  IMIf IbQ^ 
reusement^  Im  j^réoeeapiàtions  qui  semblent  avoir  ttKffé^é  le 
lieutenant  igf^r^l  4^  Ql^sse  depuis  le  moment  eài  Tamiée 
anglaise  fut  sfÉmlée^  |«sqtt*à  celui  où  le  pa^(1Neii  4e;la 
Vïtle-de-Pàris  fut  amené,  l'empêchèrent  de  se  rappeler 
qii^tl  joiïf,  uiie  distance  de  quatre  lîeues  le  séparait  dèqueT- 


lee«ft  att  &^I^.«Q.  en  hiasaiit  le  aigoai  4e  raffimieBt)  (fut 

en  ei4ie  i^oUer  cpieloonfque^  Aeasi,  lemftte  cpnte  mî- 
9ut^  jlus  tara ,  U  ordonna  (ig  ççjçjib^cçç  le^  fe^i^  le^  v^ 
seaux  n'étaient  pas  encore  tous  en  position  de  se  aifllre 


140  BATAILLES.— 1782. 

-  • 

en  ligne  ,et  les  derniers  formèrent  au  vent  une  seconde  co^ 
lonne  qui  fut  peut-être  plus  gênante  qu'utile  et  qui  ne  prit 
qu'une  part  secondaire  à  la  première  partie  de  la  bataille. 
L'armée  anglaise  rangée  en  bataille  trÛ)ord  amures  et  sous 
le  vent  répondit  de  suite.  La  brise  soufflait  fraîche  de  l'E,- 
l/i-N.-E.  dans  le  canal  (1).  Voici  l'ordre  dans  lequel  les 
deux  armées  étaient  rangées  ;  mais ,  je  le  répète ,  la  ligne 
française  était  loin  d'être  régulière. 

ARMÉE  FRANÇAISE. 

Canons. 

'  Hercule capitaine  Ghadeaa  de  Laclocheterie. 

Nepturie —  Renaud  d'Aleins. 

74      Souverain —  chevalier  de  Glandevès. 

Palmier —  de  Martelly-Chantard. 

\  Northumberland —  de  Sainte-Césaire. 

80     Auguste  (2) ~  de  Gastellan. 

de  BougainTille^  chef  d'escadre. 

04      Ardent capitaine  de  Gouzillon. 

'  Scipion —  comte  de  GlaTel. 

Brave —  comte  d*Amblimont. 

74      CUoyen —  d'Ethy. 

Hector —  de  Lavicomté. 

.  César —  yicomte  Bernard  de  Marigny. 

70     Dauphin-Royal —  comte  de  Roquefeail-Montpéronx. 

80      Languedoc —  baron  d'Arros  d'Argelos. 

104      Ville-de  Paris —  de  Layilléon. 

comte  de  Grasse^  lieutenant  général. 

80      Couronne .  capitaine  Mithon  de  Genoniliy. 

64     Éveillé —  Le  Gardenr  de  Tilly. 

i  Sceptre —  comte  de  Vaudrenil. 

Glorieux —  yicomte  d'Escars. 

Diadème —  cbeyalier  de  Monteclerc. 

Destin —  Domaitz  de  Goimpy. 

Magnanime —  comte  Le  Bègue. 

64     Réfléchi —       cheyalier  de  Médine. 

I  Conquérant .       —  de  Lagrandière. 

*  1  Magnifique —  de  Macarty  Macteigue. 


(1)  Je  garantis  l'exactitude  de  tout  ce  que  je  rapporte  de  ce  triste  èpisode^^de 
notre  histoire  maritime.  J'ai  eu  entre  les  mains  le  Jugement  qui,  sur  la  plainte 
portée  par  le  lieutenant  général  de  Grasse,  fut  rendu  contre  les  capitaines  de 
Son  armée  et  toutes  les  pièces  qui  s'y  rapportent,  c'est-à-dire  les  interrogatoires 
de  ces  capitaines  et  les  dépositions  des  officiers  sous  leurs  ordres.  C'est  d'après 
ces  documents  contradictoires,  déposés  aujourd'hui  au  ministère  de  la  marine, 
que  je  donne  la  relation  de  la  bataille  du  18  avril,  et  de  l'engagement  qui  l'a 
précédé. 

(9)  Le  poste  du  ZiU  était  derrière  Y  Auguste;  celui  du  Jason  derrière  le 
Citoyen^ 


BATAILLES.  — 478Î.  141 

80      Triomphant —        da  Payillon. 

marquis  de  Vaudreuil,  chef  d'escadre. 

74     Bourgogne capitaine  chevalier  de  Gharitte. 

80      Duc-de-Bourgogne  (1).    .        ^       de  GhampmartiD. 

chevalier  Coriolis  d'Espinoase,  chef  d'escadre. 
7i     Marseillais capitaine  de  Gastellane  Majastre.    . 

74  Pluton  (i) —       d'Albert  de  Rions.    - 

Frégates  :  Amazone^  Aimable^  Galathée,  Richmond, 
Corvette  :  Cérès. 

Cotre  :  Clairvoyant. 

ARMÉE  ANGLAISE. 

Canons. 

t  Royal  oak capitaine  Thomas  Barnett. 

82  l  Alfred —  William  Bayne. 

f  MoNTAGU —  George  Bowen. 

78     Yarmouth —  Anthony  Parry. 

80     Valiant —  S.  G.  Goodall. 

100     Barfleur —  John  Knight. 

sir  Samael  Hood,  vice-amiral. 

i  MoNARCH. capitaine  Francis  Reynolds. 

l  Warrior —  sir  James  Wallace. 

75  BELuanous —  Alexander  Satherland. 

i  Gentaur —  John  Inglefield. 

i  Magnificent — •  Robert  Linzee. 

7%     Prince  William —       George  Wilkinson. 

tBEDFORO. —       Thomas  Grave. 
Edmund  Affleck,  comroodore. 
Ajax. capitaine  N.  Cbarringtou. 

72     Repulse —       Thomas  Diimaresq. 

82     Canada.  . —       honorable  William  Comwallis. 

72      Saint  Albans .       —       Ingles. 

100     Nakur —       Robert  Fanshaw. 

i  Formidable.   .......       ~       sir  Charles  Douglas, 
sir  G.  B.  Rodney,  amiral. 
DinLE» .  capitaine  Allen  Gardner. 

72     Agamemnon —       Benjamin  Galdwell. 

82     Résolution.  ........       —       lord  Robert  Manners. 

72     Prothée. —       Charles  Buckner. 


(1)  Le  poste  du  Caton  était  devant  le  Duc-de-Bourgogne, 

(2)  L'amiral  Rodney,  dans  son  rapport,  fait  entrer  à  tort  dans  la  composi- 
tion de  l'armée  française  :  V  le  Ja^on,  le  Caton  et  le  Zélé;  les  avaries  de  ces 
vaisseaux  les  avaient  obligés  de  relâcher  à  la  Guadeloupe.  2*  VExperiment  et 
le  Sagittaire;  ces  deux  vaisseaux  avaient  suivi  le  convoi  à  la  Basse-Terre. 
3"*  Le  Saint-Esprit,  le  Bien-Aimé,  le  Minotaure  et  le  Fier;  le  premier  de  ces 
vaisseaux  n'était  pas  sorti  de  Fort^Royal;  le  second  était  à  Brest;  les  deux 
autres  étaient  retournés  en  France  au  mois  de  décembre  de  Tannée- précédente. 
L'armée  navale  de  France  n'était  donc  réellement  que  de  30  vaisseaux  et  non 
de '39/ comme  le 'dit  Tamiral  anglais.  M.  de  Lapeyrouse  (a)  se  rapproche  da- 
vantage de  la  vérité;  il  est  toutefois  dans  Terreur  en  disant  que  Tannée  fran- 
çaise comptait  31  vaisseaux. 

(a)  Bitt9ir9  i^  la  «artiM  franfain» 


9È     Hercules.  .  .  .  ^  .  .  •  •  .  —  Henr^  Savage. 

72     AjiffiRiçà.  ..  ^  .....  i.  —  Samuel  tliomp^oo. 

70     ftussEÙ,.  ^  ,  »  f,  .  f  ,  f  f  -f-  faînes  Saumarez. 

EÎïT. 


78  PrudeKT.   .  »  ^  .  .  ,  .  ^  ^        —        Ad< 

tt  Yàif^, ,.  .  f  ,  .  .  .  f  ,  f  .       —       Boberl 

Tk  ANS<»i.  ,  ^  *  .  y  •  .  «  .  ^       •--       William  Blair. 

88  ToRBAY.  .y  ..  I  ,  .  ,  .y  .  «       —       John  Gidofn.' 

108  Prince  George.  .  .  ,  ^  ^  >       -r       ^j^m/W  V^fiai«j|f 

70  Princessa.   ....'..'..       —       Cnarles  KDat^DoJl. 

Samuel  Drake,  contre-aB|f^, 

88  GoNQUEROR capitaine  George  Balfoùr. 

72  NoNsucH '.       "^       "Wiliam  Truscott. 


Alcide.  .  ,  ^  ,  f  f  ,  f  f  ^       —       Gbarles  Thompsc\p. 

—       Samuel  CoroisQ. 


88  }  Arrogant.   ••,.,.»  ^  ^  ^ 


,  MARLBOROudà.    ......       —       Tayldr  Penny. 

Frégates  :  Zebra^  Cjfcèl^^]^»  ^'^to^  Endymion^  Alarh^  ^k'VV  f^^WV^^^Wy 
Flora^  ^fi^iL,  Jialiov,  Eurydice. 

Le  lieutfs9M.t  jj^uinU  4ê  (kmsB  ne  tarda  pas  à  s'aper- 
cevoir qu'il  ê^l  se  trtnitet'eill  ealme  sous  la  te^  lU^pn^ 
mier  vais^ow  4ô  T^vâuit-gaide  euuemie  éêk  k  peiâm 
arrivé  à  la  hateféttic  \l<tt  i9ern7er  vaisseau  de  Fafmit^^liiiAs 
française,  qu'a}  iorâo^a  de  virer  lolf  poor  iof  leflààla 
fois.  La  proxittifté  il(ss  deux  lignes,  dont  ia  KSiN^ii^ 
variait  de  la  portée  de  fusil  &  la  portée  de  la  oùtraiUÎe, 
rendait  cette  ^mtiœuvre  jimpossible.  L'étendue  lAè  ^  ligj^ 
et  f  ëpàisseùr  àe  la  fumée  empêchèrent  à'aîlkiirs  Ji-npcirh- 
cevoir  le  signtd,  j^ft  Hljijb  fut  pas  exécuté,  tien  ^efë|rtM<i^9 
serre-file  de  Is^  jçolow^i  ç^t  j*^çu  l'ordre  de  commeÉUHr 
le  mouvementé  fJ^Mt-^gtit&b  iipprochait  oeoeiMN^t  ^e 
la  DominiqiJL0»  ist  lê%'im  devenait  dç  plûé  e»B  fS»  toolll; 
à  8*^  16<»,  le  wmtortidâtit  en  chef  ordonna  èé  *0tr  lèf 
pour  lof  par  la  €aQtre-mar<^e.  Les  «auses  -qui  ^avaÎMl 
empêché  de  ypi^  ,^,  j>ar  mt»^  i'w^miSV  te  fHHfHper 
sigMi^  ienMai«bl  tMgottrb.  iMuMsi  éal  4b  Mn»  «èrt. 
f u|-«e  im  ïiénïilS^*  li^t-ce  un  voi^mi^^i^ 
h  Are.  f  outefoiB^  il  est  «prdtmrble  (|W  ^m  i&Jtai^Tt^  i)0N^ 
poààiblè  cogiiDç  )^  i^enûère,  ai^riMl;  eu  m  risuïui  plas  Mr 
chstt  «uGora,  «or  ^ellB  faisik  jpttndriB  ttsuis  ^  ^rttaMM| 
^enSl|4^  î  un  après  Tmite  et  rispdaijl;;^  ^r  dd  f  «Meiii  1 
p«u^^  eurtmii  m  4w«»t  à  ws4sfo«l€fts  te  thUKêtfHtt^- 
teindre  les  vaisseaux  qui  n'auraient  pas  encore  co&iuencè 


réyolntion,  s'ils  se  touchaient  pas  ceux  auxquels  ils  ^tl^eii| 
f^res^fés.  Le  v§nt^  en  liâl»uat  h  S.-Ë^  ^ugpeuf^i  niT^^|);i4)|^ 
rite  de  ^  ligae ;  «lie  saJiangea  beaucoup,  et  rarmée  fran* 
faîse  se  trouva^  pour  aiusi  4ire,  eu  éc))iq]uier«  A  11^  45^^ 
ramirai  Rodoey  apercev^uat  un  inte^vaUie  assers  iço^iisuii^r 
rable  entre  le  dauxième  et  le  troisième  v^isçeau  du  aor|^ 
4e  bataille,  fit  serrer  le  vent  au  Formidabus  et,  suivi  cU^ 
BiuU'es  vaisseaux  placés  derrière  lui»  11  coijij)A  la  liguje  frau- 
j^e  sur  l'avaat  du  Daufihin-Rùyal  hf,  f  oofusipo  ûçvifj^ 
alors  très-grande  et  des  trouées  ^  ^re»t  m  plusieurs  eiH 
^<Hts$  Favant-garde  continua  4e  te^a^r  .)ç  veut  bâbo|:4 
fwures;  les  vaisseaux  du  centr^  ^t,  plus  tord,  ceux  de 
i'ai^rièiie-^garde  4went  laisser  anwer  iç^  courir  largue  naiii^ 
le  v€Qt  des  Anglais.  La  brise  pavait  ,pai^  cpssé  de  xooUir^f- 
piW  le  comnaencement  de  la  bataille  et  le  cakne  sprprjit 
les  4«ux  armées  dsuis  cette  position  ;  jla  (îgimée  devint  alors 
teUement  épaisse  qu'il  fut  impossible  de  pen  distinguer  : 
le  fptt  discontinua  naturellenjient  sur  la  majeure  partie  4e 
ia  ligne.  Une  petite  fraîcheur  qui  s'éleva  de  l'Est,  vers 
l^  âO'^^  dissipa  la  fumée  et  jpermit  d'apercevoir  l'arméis 
jfi'ailÇdise  divisée  en  trois  grx^pes.  )^'^V£^nt-garde  était  à 
quaUie  milles  au  vent  et  temit  le  plus  près,  d'après  l'ordre 
de  son  ^bef  d'escadre  qui,  en  perdant  le  vaisseau  amiral  de 
vue,  avait  répété  son  dernier  signal,  celui  de  serrer  le  ventf 
au  lieu  de  laisser  arriver  pour  le  rallier.  Les  vaisseaux  qm 
avai^il  été  coupés  étaienjtsous  le  yent  de  l'aripée  anglaise^ 
asses  bien  ralliés,  mais  généralement  dégréés  et  ep  deuic 
groupes;  ceux  du  centre  serraient  le  vent  bâbord  amures  j 
Jes  autres  couraient  largue.  EnJdn,  sous  le  vent,  on  voyait 
le  'Gioritux  démâté  de  tous  ses  inâts  ;  la  frégate  le  Bkhmwi 
reçut  l'ordre  d'aller  le  prendre  k  ^^  remorque.  Le  capitrâie 
deHortemart  largua  la  remorque,  peu  de  temps  après,  sur 
.le  signal  q  ui  lui  en  fut  fait,  parce  que  sa  frégate  était  menacée 
d'ôtre  écrasée  sous  le  feu  de  l'ennemi.  Dès  que  les  vaisr 
sctau^  purent  gouverner ^  le  commandait  es  chef  fit  si^p^l 
d^  ralji^  et,  ^suite»  de  rétablir  Tordi^  IP^Uif  de  cqw^\. 


114  BATAILLES.— 1782. 

Là  faiblesse  de  la  brise  et  les  avaries  des  vaisseaux  s'oppo- 
sèrent à  rexécution  de  ces  signaux  ;  Tavant-garde  continua 
à  tenir  le  vent  et  l'arrière-garde  à  courir  largue;  cependant 
dès  que  les  vaisseaux  de  T  arrière-garde  eurent  réparé  leurs 
principales  avaries,  ils  se  rapprochèrent  de  la  VilU-de^ 
Paris.  De  ce  moment,  les  Anglais  ne  s'astreignirent  plus  à 
aucun  ordre;  ils  se  portèrent  par  groupes  sur  ceux  des 
vaisseaux  français  dont  l'état  semblait  leur  offrir  une  vic- 
toire facile  :  la  Ville-de-Paris  fut  enveloppée  par  derrière, 
dans  un  demi-cercle.  Ceux  des  vaisseaux  de  l'arrière-garde 
qui  avaient  rallié  s'étaient  formés  en  ligne  sur  l'avant  du 
vaisseau  amiral  :  dans  cette  position,  leur  appui  eut  peu 
d'efficacité.  Deux  fois  déjà  le  commandant  en  chef  avait 
ordonné  de  diminuer  de  voiles;  à  3^,  il  signala  l'ordre  de 
bataille  les  amures  à  tribord.  La  majeure  partie  des  vais-- 
seaux  du  centre  et  de  l'arrière-garde  se  conformèrent  à  ce 
signal  ;  en  virant  vent  devant,  ils  se  formèrent  sur  le  vais- 
seau amiral.  L'avant-garde  qui  s'était  enfin  décidée  à  laisser 
arriver,  gouverna  vent  arrière,  malgré  les  signaux  qui  lui 
furent  faits;  elle  finit  cependant  par  courir  parallèlement 
à  la  Ville-de-Paris.  L'ordre  de  tenir  le  vent  donné  à  A^  16™, 
à  5^  et  à  6^  16",  le  signal  de  rallier  fait  un  peu  plus  tard,  ne 
purent  faire  changer  de  détermination  aux  capitsdnes  des 
vaisseaux  qui  étaient  en  dehors  de  la  ligne  ;  tous  imitèrent 
la  manœuvre  de  l'avant-garde,  c'est-à-dire,  firent  la  même 
route  que  la  FilIe-de-Pam,  mais  aucun  ne  chercha  à  se 
mettre  en  ligne.  Le  Triomphant,  le  Bourgogne,  le  Langue^ 
doc^  la  Couronne^  le  Pluton  et  le  Marseillais  furent  les  seuls 
vaisseaux  dont  la  manœuvre  dénota  l'intention  de  soutenir 
l'amiral.  Si  leurs  capitaines  ne  le  firent  pas  dans  toute  l'é- 
tendue de  leurs  pouvoirs,  tous  les  torts  ne  doivent  pas  leur 
être  imputés,  car  les  changements  de  route  de  la  ViHe-de- 
Paris  qui  embardait  à  tout  moment  pour  présenter  le  tra- 
vers à  chaque  vaisseau  ennemi  qui  s'approchait,  les  tensdent 
dans  l'indécision  sur  celle  qu'ils  devaient  suivre  et  les  em- 
pêchaient de  combiner  leurs  forces.  Quant  au  chef  d'es- 


BATAILLES.  —^82.  145 

cadre  de  Bougainville,  l'enquête  à  laquelle  j'sd  emprunté 
tous  ces  détails  nous  apprend  qu'il  s'était  battu  vigoureu- 
sement tant  qu'il  avait  eu  des  ennemis  par  son  travers, 
mais  que,  trop  préoccupé  de  l'état  de  son  propre  vaisseau, 
il  avait  cessé  de  déployer  les  talents  d'un  général.  Les 
avaries  des  vaisseaux  français,  probablement  plus  nom- 
breuses et  plus  graves  que  celles  des  vaisseaux  anglais, 
donnèrent  à  ceux-ci  un  avantage  qui  ne  put  plus  leur  être 
disputé.  Pris  de  calme  par  le  travers  de  Tarrière-garde 
ennemie,  V Hector^  le  César  et  le  Citoyen  avaient  été  écra- 
sés. Us  auraient  pu  être  dégagés  par  l' avant-garde;  mais  le 
chef  de  cette  escadre  s'était  borné  à  faire  un  signal  vague, 
celui  de  porter  secours  aux  vaisseaux  qui  combattaient  en- 
core,  et  personne  ne  s'approcha  d'eux.  Le  Citoyen  parvint 
à  rallier  le  corps  de  bataille.  A  &^,  le  César,  entièrement 
démâté,  se  pendit  au  Gemtaur.  A  5^  30"*,  Y  Hector^  qui 
avait  lutté  contre  h  vaisseaux  ennemis,  se  rendit  au  Canada 
et  à  I'Algide.  V  Ardent  et  le  Glorieux  avaient  déjà  amené 
leur  pavillon.  A  5**  45",  les  vaisseaux  qui  s'étaient  tenus 
jusqu'alors  auprès  du  commandant  en  chef  serrèrent  le 
vent.  Quoique  le  parti  de  sauver  chacun  son  vaisseau  ait 
semblé  prévaloir  depuis  le  commencement  de  cette  affaire, 
ce  fut  seulement  à  cette  heure  que  ce  parti  fut  pris.  Un 
quart  d'heure  plus  tard,  la  Ville-de-Paris,  combattu  dans 
ce  moment  par  les  vaisseaux  Barfleur  et  Canada,  amena 
aussi  son  pavillon  ;  ce  vaisseau  ne  gouvernait  plus,  et  il 
fallut  le  prendre  à  la  remorque.  Le  César  sauta  en  l'air 
à  10**  du  soir  :  400  Français  et  50  Anglais  furent  victimes 
de  cet  accident  dont  la  cause  est  restée  ignorée.  Le  Glo- 
rieux  était  en  si  mauvais  état,  que  les  Anglais  le  livrèrent 
aux  flammes. 

La  bataille  du  12  avril,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de 
bataille  de  la  Dominique,  est  un  événement  si  considéra- 
ble dans  l'histoire  maritime  de  notre  pays,  que  j'ajouterai 
quelques  obsei*vations  à  la  relation  que  je  viens  de  don 
ner.  Et  d'abord,  le  lieutenant  général  de  Grasse  de- 
U.  10 


i4a  BATAILLES. —  17831. 

yait-il  se  borner  à  un  simple  engagement  le  9  ?  Le  Gonseil 
de  marine  dont  j'ai  déjà  parlé,  estima  que  la  eombi* 
nation  de  s'en  tenir  à  ne  faire  donner  qu'une  partie  de 
noire  armée^  peut  être  considérée  comme  un  trait  de  pru^ 
dênce  de  la  part  du  général^  que  pouvaient  lui  indiquer  lei 
projets  ultérieurs  de  la  campagne.  A  cela  il  n'y  a  qu'une 
chose  à  dire  :  c'est  que  le  lieutenant  général  de  Grasse 
avait  la  certitude  que  l'armée  anglaise  serait,  pendant  uû 
temps  plus  ou  moins  long ,  dans  l'impossibilité  de  se  por-^ 
ter  au  secours  des  16  vaisseaux  qui ,  seuls ,  étaient  en  é»-* 
iiors  de  la  zone  des  calmes  et  des  folles  brises;  et  il  eût 
moins  compromis  son  armée  en  ordonnant  une  chasde  gé^ 
nérale,  qu'en  faisant  poursuivre  et  attaquer  l'ennemi  par 
tlne  seule  escadre.  Quant  au  Zélé  et  à  ÏAugustel  ces  deux 
vaisseaux  pouvaient  imiter  le  mouvement  général  ;  èt^  si 
cette  manoeuvre  présentait  des  inconvénients^  pousséâ  qu'ils 
seraient  par  la  brise  fraîche  du  canal ,  alors  que  tous  les 
vaisseaux  ennemis  étaient  en  calme  sous  la  Dominique,  on 
en  retraite  devant  l'armée  française,  ces  deux  vaisseaux 
avaient  peu  à  craindre  d'être  atteints  avant  d'être  en  posa* 
tion  de  pouvoir  demander  protection  à  quelque  batterie 
française.  Mais,  si  le  Conseil  ne  blâma  pas  la  manœuvre  du 
lieutenant  général  de  Grasse  dans  cette  circonstance,  il 
n'approuva  pas  la  conduite  que  cet  officier  général  tint 
pendant  la  journée  du  12  avril.  Il  émit  l'opinion  que  la  po- 
sition du  Zélé  ne  rendait  pas  la  manœuvre  qui  fut  faite  in- 
dispensable; ce  vaisseau  était  tellement  au  vent  de  l' armées 
anglaise  que,  quand  les  vaisseaux  ennemis  levèrent  la 
chasse,  une  distance  de  5  milles  les  séparait  encore.  La 
difTérence  dans  la  force  du  vent  lui  donnait,  en  effet,  de 
grandes  chances  de  pouvoir  éviter  le  combat  :  il  ftvût 
bonne  brise  au  milieu  du  canal,  et  la  masse  des  Anglais  était 
encore  sous  l'influence  des  calmes  et  des  folles  brises  de 
te  Dominique.  Remorqué  par  YAstréei  le  Zélé  filait  de  cinq 
à  six  nœuds,  et  il  moailla  à  la  Basse-Terre  à  10^  du  matin. 
DMs  tous  les  cas,  il  était  inutile  de  coiitântie^  à  tourîr 


BATAILLES.  — 4782.  141 

grand  largue  du  moment  que  Tennemi  avait  kTô  la  chasfte^ 
et,  pout*  cotnmencér  le  combat,  il  eût  été  prudent  fl'atten^ 
dfe  que  tous  les  vaisseaux  eussent  rallié  et  que  la  ligne  fti 
con?enablemeut  formée.  Lé  Cotiseil  déclara  aussi  qu'il  sttt 
été  {préférable  de  {>renâre  les  amures  à  tribdrâ  |iaro6  quei 
eit  eourtot  à  contre-bord  des  Anglais^  le  éommindant  es 
chef  boriduisait  èes  vaisseaux  dans  la  liofue  d^  brises  vir 
riables  et  des  calmes. 

Voyons  maintenant  le  rôle  que  chaque  vaièseau  jbu»  ikë^ 
liment  dans  la  journée  du  12  atril. 

L'Hêrmle^  qui  se  trouvait  beaucoup  9^  vent  dé  Tsmiis 
lorsque  le  commandant  en  chef  fit  signal  de  laisèer  porter^ 
ne  put  arriver  ateez  à  teihps  poul*  f)renâre  son  peste  Bk 
resta  au  vent  dé  la  ligné.  II  était  7*"  kè^^  lorsque  te  dapk» 
talne  Ghadeau  de  Laclochetèrie  fit  corotnefafeer  k  iilep  iur 
le  quaiHëme  Vaiëseau  ennemi.  Une  ti^tirë  après  la  fin  ébi 
l'engagement  général,  ayant  aperçiu  la  Vilh-it^FaHè  soM 
le  vèat  à  environ  6  milles,  il  gouverna  sur  elle  9  fldûi  â 
conserva  trop  de  voiles  et  la  dépassa.  Blessé  mort^lleolii^ 
le  c^)itainé  Ghadeau  de  Isi  Glocheterie  atait  èêé  rcnifilâcé 
ffa  le  liérutènant  de  vaisseau  de  Goatlés. 

Le  Nepinûè  était  également  bien  ao  vêtit  leràctu'on  laiatà 
lyrriter  et^  comme  VHereUlê  ^  il  prit  position  au  vbnt;  11 
re^t  F  ordre  de  laisser  arriver  davantage  et  dé  forcer  de 
voiles^  il  n'exécuta  pas  assez  ^nctuellefifient  cm  sigfiâl, 
puièqti'il  ne  put  canonner  que  le  quinzième  ou  lé  seisiiifië 
vaiss^ni  anglais;  Le  capitaine  Rènaiid  d'Aleiiii  iris  plafa 
entre  YAuguité  et  le  Northnmbertand  ^  doiiEâ)iittit  à  ee 
^stè;  le  soir,  il  était  à  plub  de  2  tMe&  de  la  Vith^ie-Pkrki 

l^  SoUvèraifii  arrivé  trbp  tard  pour  prendre  soil  pofitf, 
sif  plaça  et  combattit  au  vent  de  YAUgustié,  quoique  sik 
tt^ltaine^  le  chevalier  de  Gtandevds^  eti  reçu  l'ordre  du  §e 
mttre  en  ligne .  Ge  fut  le  seul  vsièséau  qui  9e  hqppicbâ 
du  César  et  de  V Hector  ;  mais  il  m  retkà  devint  dm  t&rcA 
sapérîeiireâ. 

hé  POmiêr  ne  laissa  pas  an^iver  andèa  j^romptooMl, 


eés  deux  yiàsseaut  à  aller  relâcher  à  la  Basse-Terre.  Les 
deux  armées  louYoyèrent  toute  la  nuit  et  la  journée  du  len-* 
demain  entre  ht  Dominique  et  les  Saintes.  Lé  S&umfain^ 
qui  s'était  échoué  en  appareillant  de  là  llfartinîque,  ralHà 
ce  jour-là  (1).  Le  11  «  au  jour,  presque  tous  les  vaisseaux 
lhtn(aîs  avaient  doublé  les  Saintes!,  et  il  iï*j  aurait  proba- 
blement pas  eu  d'autre  engagétnëllit  quef  cëltâ  de  Pavstrt- 
veille,  si  le  Magnanime  et  le  Zélé  i!re  ff'éidUtrit  pas  trouvés 
à  une  douzaine  de  milles  sous  le  vent  (i)  9  lé  démîei'  avatît 
démâté  de  son  grand  mât  de  hutie  pédant  la  ntdt  et  s'éùdt 
hissé  arriérer  en  le  changeant.  Al^âè  rapnéi-mifi,  7  vdiis<^ 
seaux  anglâïs  étaient  à  8  milleà  daâs  les  éxdà  dé  ces  vaisr* 
seaux.  Le  dauger  était  imminent.  A  5^,  le  ôommandaât 
en  chef  donna  Tordre  de  laisser  arrfvter  pour  sbutenîr 
les  deux  Français  et  protéger  en  mètùe  teimps  là  retraité 
du  Jason  qui  n'avait  pas  encore  atteint  H  Basse-Tette. 
Cette  démonstration  suffit  pour  faire  prendre  aux  capitaines 
des  chasseurs  ennemis  la  détermination  dé  rallier  leur  ar- 
mée. Malgré  ce  mouvement  d'arrivée,  Parrtiée  française 
était  à  12  milles  environ  au  vent  des  Anglais,  au  Coucher 

*— '^■"  "  '  '       '       ■■■'     ■■      ■  ■  ■■>■■  ■■  1 1   1. 

(1)  Le  HdBtoBant  général  de  Grasse  n'a  pas  iàil  eoBoaitre  dans  qm\  bnt  il 
(piiYoya  entre  la  Dominique  et  les  Saintes^ alors  qu'il  ftQU,yait  aa  x^p^àii^  à  Saint- 
D.oniingue  sans  fatiguer  ses  yaisseanx  et  leurs  équipages.  Les  Mtîments  qni 
toit  cie  la  Martinique  à  cette  lie  goiTernent  grand  tangu»  â»r<l.  U*"  oi  à  YO. 
SA*  s'il  veulent  passer  ^  vent  diç  ViJ«  pour  atteio4f&  1^.  Cap  ^ran^a.  Il  est 
donc  difficile  d'apprécier  les  motifs  qui  déterminèrent  té  cbmidandant  en  chef  à 
taoter^  avae  51  taissiais,  plosiawfa  Mgatet  dt  cotf^ettBri^  me  •■treprise^-«-  le 
Mssagf  au.  vent  des  Ue^  —  qui  ql^  ^i  Q&mt  a^ç^n  ap;ai)(^«  e;.  qui  est  toujours 
difficile  et  fatigante^  même  pour  un  oàtiment  isolé.  Elle  com|^>omettait  d*a!ill'eurs 
IteoBToi. 

(2)  Cette  distance  me  parait  exagérée.  En  supposant  la  Ville-de^Paris  sur 
ie  méridien  de  Ja  Terre- d'en -Bas,  la  plus  orientale  dek»  Saintes^  cette  appré- 
«iatkii  ptncerait  lea  dans  Toisseaix  à  trois  mittes  daas  l'ûnest  da  méfidion  da 
1%  peinte  du  Vie^x-fort  de  la  Guadeloupejll  en  résoUe^i^t  que  le  Mag^uminm 
et  le  Zélé  qni,  avec  l^es  teiîts  régnants  (TE.  1/4  N.-E.,  pouvaient  doubler  lés 
Mntas  dn  preMior  tod.  puvque  la  Tcrref-c|l'e«-Itaiil  est  daas  le  N.-N.-€u  de 

S |a  pointe  d^s  Gapucius  de  la  Dominiquo,  so  seraient  trouvéiB^  après  trente -six 
heures  de  Iduvoyage^  moins  avancés  quMls  ne  l'étaient  le  9  au  sdir.  La  consta- 
mpQB^  d0  «fttft  ei^iii:  indiqua  snAsMinMtt  qa'il  fav(  sf»  tevûi  an  gasda.  ootitie 


Le  ta,  à  S^  ii^  é«i  matitti^  te  FiN0-â^P<trfii  et  lé  M98V 
kefàltettt;  e^iui^el  eâssa  m»  bMiq#è  61  éjeii  iftftt  âe  tâh* 
flniœikfMjgoieriiirM,  eapîtadâ&Lilpérèiaâe,  i^utrorâm 
iei  le  piNmâm  à  ta  reàiotqste  eiâ$}é  e&ûêaifé  à  k  Bâs^ià' 
Icfte  de  ta  l)Qâdelo«pe.  Lé  jow,  ra  se  ftikÉnl,  peftuft  éê 
voir  l'armée  française  r^MUid«e  dMs  atkittti  erdre  ènit^ta 
Dominique,  les  Saintes  «t  KaynthCkJante.  Une  distance  de 
trois  ^(p;^Q^^^uç%;ii^p9Jifait;  la  Ville-de-Paris  dea  y^Uçeaux 
qui  étaient  le  pkt*  àil  veut  ;  le  Zélé  et  son  remer^fuénr  flfeuls 
étaient  à(i^î  ti^  î(êQt))  $  ^  ^lilles  environ  du  vàisses^Vi  «W^ral- 
Plusieurs  vaiÉMMx  wMmis  les  cbassaicM,  et  'ûb  n'-ilaient 
pas  alors  ^  pl\^)  éifi  «t  wIUq^  ^^  leurs  eaux,  ta  positioB 
du  Zélé  était  critN(!li(r  Le  oemioandant  en  chef  fit  le  sigilAl 
de  ralliement  ^  ep  ij^e  temps,  la  Ft7Ie-de-Pari«  laissa 
arriver  au  S.-S.-O.  y<irdre  de  se  préparer  m  e^QiMt 
suivit  îff^é4i4|teij>eRt>  Ift  prejpçiier  signal.  Dès  que;  \^.  niou- 
tement  d'airrivée  de  If^amée  française  fat  bien  prettoncd, 
les  vaisseaux  angt^i/^  I^y^rent  la  chasse.  A  7^"  80",  ^  Fiilfr 
de-Pafi$^  ëtaift  k  portée  du  canon  de  l'ennemi  ;  une  partie 
des  vaiss^w  r^Y^t  ç^Uié  :  le  commandant  qiv  (Aef  fit 
signai  de  serrer  le  TWt  bâbord  amures.  Sa  pensée  était  de 
ranger  ^i;^  MP^  m  wdre  de  bataille  renversa  MllhQipi- 
reusement;  tae  j^réooemAtions  qui  semblent  avoir  âiae||é^é  le 
lieutenant  gj^r^l  4^  Qf^sse  depuis  le  moment  eii  Tam^ 


anglaise  fut  fààM\ée^  |«sqrfà  celai  où  le  pa^km  #e;  ta 
VillC'de 'Paris  fut  amené,  l'empêchèrent  de  se  rappeler 
qu^àujôur,  une  distance  de  quatre  fieues  le  sëpâràîl  de  queT- 
qm^  m>ft  ite  Ms  ^ajtjgeajux  »  fiftib  ta  BftouMwml  îl-atfrîfée 

taeap  au  S.-&«Q.  enhissai^l^  aîgpal  ée  ralfiemeiit)  ^m 

m  w  H  iw^^.  «^  m'f^p^^^^^^j^m  ^m^ 

an  Qvdve  i^oUer  (fnekMriKpie^  Aiasi,  lonqoa  qirâie  m" 
putçs  glu?  tar4,  il  ordpnn%  d%  ^^^va^c^^  fe^i^  legs  t||â- 
seaux  n'étaient  pas  encore  tous  en  position  de  se  aielltt 


140  BÂTAILLES,-^1782. 

en  ligne  ,et  les  derniers  formèrent  au  vent  une  seconde  co*- 
lonne  qui  fut  peut-être  plus  gênante  qu'utile  et  qui  ne  prit 
qu'une  part  secondaire  à  la  première  partie  de  la  bataille. 
L'armée  anglaise  rangée  en  bataille  tribord  amures  et  sous 
le  vent  répondit  de  suite.  La  brise  soufflait  fraîche  de  l'E.- 
l/i-N.-E.  dans  le  canal  (1).  Voici  l'ordre  dans  lequel  les 
deux  armées  étaient  rangées  ;  mais ,  je  le  répète ,  la  ligne 
française  était  loin  d'être  régulière. 

ARMÉE  FRANÇAISE. 

Canons. 

'  Hercule capitaine  Ghadeaa  de  Laclocheterie. 

Neptune —  Renaad  d'Aleios. 

74      Souverain —  chevalier  de  GlandoTès. 

Palmier —  de  Martelly-Chautard. 

\  Northumberland —  de  Sainte-Gésaire. 

80  ^   Auguste  (2) —  de  Gastellan. 

de  BougaioTille^  chef  d'escadre. 

04      Ardent capitaine  de  Goiuillon. 

'  Scipion —  comte  de  Glayel. 

Brave —  comte  d*Amblimont. 

74      Citoyen —  dllthy. 

Hector —  de  Lavicomté. 

i  César —  yicomte  Bernard  de  Marigny. 

70     Dauphin-Royal —  comte  de  Roqnefeuil-Montpéroux. 

80      Languedoc —  baron  d'Ârros  d'Argelos. 

lOi      Ville-de  Paris —  de  Lavilléon. 

comte  de  Grasse^  lieatenant  général. 

80      Couronne .  capitaine  Mithon  de  Genouilly. 

6i     Éveillé —  Le  Gardear  de  Tilly. 

i  Sceptre —  comte  de  Vandreuil. 

Glorieux —  yicomte  d'Escars. 

Diadème —  chevalier  de  Honteclerc. 

Destin ^  Domaitz  de  Goimpy. 

Magnanime —  comte  Le  Bègae. 

64     Réfléchi — -  chevalier  de  Médioe. 

I  Conquérant,   .  , —  de  Lagrandière. 

*  1  Magnifique —  de  Macarty  Macteigae. 


(1)  Je  garantis  l'exactitude  de  toat  ce  que  je  rapporte  de  ce  triste  épisode^^de 
notre  histoire  maritime.  J'ai  eu  entre  les  mains  le  Jugement  qui,  sur  la  plainte 
portée  par  le  lieutenant  général  de  Grasse^  fut  rendu  contre  les  capitaines  de 
son  armée  et  toutes  les  pièces  qui  s'y  rapportent,  e'est-à-dire  les  interrogatoires 
de  ces  capitaines  et  les  dépositions  des  officiers  sous  leurs  ordres.  G'est  d'après 
ces  documents  contradictoires,  déposés  aujourd'hui  au  ministère  de  la  marine, 
que  je  donne  la  relation  de  la  bataille  du  iS  avril,  et  de  l'engagement  qui  Ta 
précédé. 

(S)  Le  poste  du  Z^lé  était  derrière  XAugwte;  celui  du  Jqson  derrière  )e 
Çitoifenj 


BATAILLES.— 4788.  Ul 

80      Triomphant —        da  PaYillon. 

marquis  de  Vaudreuil,  chef  d'escadre. 

7i     Bourgogne capitaine  cheyalier  de  Gharitte. 

80     Duc-de -Bourgogne  (1).    .       ^       de  GhampmartiD. 

chevalier  Coriolis  d'Espinouse,  chef  d'escadre. 

74     Marseillais capitaine  de  Gastellane  Majastre.    . 

74     Pluton  (S) —       d'Albert  de  Rions.    * 

Frégates  :  Amazone^  Aimable^  Galaihée,  Richmond. 
Gorrette  :  Cérès, 
Gôtre  :  Clairvoyant 

ARMÉE  ANGLAISE. 

Canons. 

l  Royal  oak capitaine  Thomas  Burnett. 

82  (  Alfred —       William  Bayne. 

f  MoNTAGU —       George  Bowen. 

72     Yarkouth —       Anthony  Parry. 

80     Yaliant —       S.  6.  Goodall. 

100      Barfleur ^       John  Knight. 

sir  Samuel  Hood,  yice-amiral. 

i  MoMARCH capitaine  Francis  Reynolds. 

l  Warrior —       sir  James  Wallace. 

78     Belliqucus —       Alexander  Sutherland. 

i  Gentaur —       John  Inglefield. 

i  Magnificent -—       Robert  Linzee. 

72     Prince  William —       George  Wilkinson. 

ÎBedford —       Thomas  Grave. 
Edmund  Affleck,  comroodore. 
Ajax capitaine  N.  Gbarringtou. 

72     Repulse —       Thomas  Dumaresq. 

82     Ganada.  . —       honorable  William  Gornwallis. 

72     Saint  Albans .       —       Ingles. 

100     Namur ~       Robert  Fanshaw. 

l  Formidable.   .......       —       sir  Charles  Douglas. 

108  I  sir  G.  B.  Rodney,  amiral. 

(  Duke .  capitaine  Allen  Gardner. 

72     Agamemnon — -       Benjamin  Galdwell. 

82     Résolution. •—       lord  Robert  Manners. 

72     Prothée ^       Gharles  Buckner. 


(1)  Le  poste  da  Caton  était  devant  le  Duic-de-Bourgogne. 

(2)  L'amiral  Rodney^  dans  son  rapport,  fait  entrer  à  tort  dans  la  composi- 
lion  de  l'armée  française  :  1**  le  Jason,  le  Caton  et  le  Zélé;  les  avaries  de  ces 
vaisseaux  les  avaient  obligés  de  relâcher  à  la  Guadelonpe.  2*  VExperiment  et 
le  Sagittaire;  ces  deux  vaisseaux  avaient  suivi  le  convoi  à  la  Basse-Terre. 
3°  Le  Saint-Esprit,  le  Bien^Aiméy  le  Minotaure  et  le  Fier;  le  premier  de  ces 
vaisseaux  n'était  pas  sorti  de  Fort-Royal;  le  second  était  à  Brest;  les  deux 
autres  étaient  retournés  en  France  au  mois  de  décembre  de  Tannée- précédente. 
L'armée  navale  de  France  n'était  donc  réellement  que  de  50  vaisseaux  et  non 
de  39,  comme  le  dit  Tamiral  anglais.  M.  de  Lapeyrouse  (a)  se  rapproche  da- 
vantage de  la  vérité;  il  est  toutefois  dans  Terreur  en  disant  que  Tannée  fran- 
çaise comptait  31  vaisseaux. 

(a)  Biit9ir9  d9  la  marint  fran^aift. 


4ip  Bi^II,L».-..fiWi, 

Si     Hercules.  .  .  .  ^  .  .  •  ,  .       —       Heoiy  Savage. 
72     ÀMEiucà.  •.  ^  .....  ^       —      Sainuel  tliompson. 


70     ftussEu..  f  ^  ^  f,  »  f  ,  f  f       -t-       James  Saumarec. 
7a     PRUDEiSr.  ..,...,»,       —       AnarfW  ^f^» 
tt     FiJtpi. ..  .  ,  ^  .  .  .  r  ^  f  .       ^      JE^obert  Barber. 
fk     ANS(^.  .  ^  ^  .,.««»  ^       «-•       William  Blair. 
sa     ToRBAT. .  )  .  I  ,  ,.  •  t  •  «       *^       Jobb  Gidoin.' 
lOS     Prince  George.  .  .  ^  ^^  ^  >       — ^       .j^pi^  ^^^^^9$^ 
70     Princessa.  ...'•..'..       —       imarles  KnatimDojll. 

Samuel  Drake,  coDtre-aB|if;9|, 

sa     GoNauEROR capitaine  George  Balfoùr. 

72     NoNsucH '.       ii       Wlliam  TruscoU. 

iÀLciDE.  .  .  ^  .  ^  ^  .  p  ^  |i       —       Charles  Thompsii^p. 
Arrogant.   ,  ^  .  »  ,  ,  ^  ^       —       Samuel  CoirDisn. 
MARLBOROudft.    .......       —       Tayldr  Penny." 

Frégates  :  Zébra,  Cjyk|})lt);$[.  Xi!àcTO,  Endymion,  Alarm^  A^^^ft 
Flora,  %mL,  Tmton,  Eurydice. 

Le  lieut^tp^n^t  îj^niaU  4ê  (km^e  ne  tarda  pas  à  s^aper- 
cevoir  qu'il  ^iMx  se  troûtertm  e&lme  sous  la  ietté^  ^é^^"^ 
mier  vais^^  4^  Ttav^t-gaide  enuemie  étail  à  peioe 
arrivé  à  la  ha«ifèti¥'  U^  ijern?er  vaisseau  de  rafvMt*|;^uf«b 
française,  qi^'H  ipi:iâ4)^a  de  virer  16{  pâor  ml  leitt  à  àa 
fois.  La  prorifftfté  ijtes  deux  lignes,  dont  ia  l9^i^ 
variait  de  là  portée  ^e  fusil  &  la  portée  de  la  ouutnille, 
rendait  cette  ))iiaieiœuvre  jimpossible.  L'étendue  4è  |i^  ligjiife 
et  f  épaisseur  de  la  fumée  empêchèrent  d'aîlkiirs  :Â^pw- 
cevoir  le  signtâ,  ^  Hl)^  fut  pas  exécuté,  Inen  ^ ue  fë  JPXi^lcMr, 
serre-file  dé  %  ffoXoxim^  Q^t  >r^u  l'ordre  de  commebotr 
le  mouvement  iJ^hiA,'-gw&b  approchait  cepeiMMli^t  ^e 
la  DominiqiJL^  fà  lk.%^  devenait  d^  plu9  m  |^  'ipolli; 
à  8^  lô"*,  le  wtaitawifdatit  en  chef  'ordonna  êé  *^r  Ibf 
pour  lof  ^par  la  contre-^fflardie.  Les  «auses  -qui  -avaîMt 
empêché  de  ypif  i^^  pair  siûjt^,  4'»émlM^  k  l^^mifàr 
sigMii  teMÉtaftwit  twigotifb.  «MoHcil  'eut  ib  Mn»  Mn. 
fkt'î;»  m  ¥^qIi%<»  M-ce  un  wi^imt^^isi^  WiiçÊi^i$ 
le  «Are.  9oatefo«K  il  e^  |ir(>biEMe  i|M  ^^  inmaati^v  ^ 
poààible  coHQmç  U  première,  a^rfMl;  $a  m  rA^ndbtat  pto  tir 
dwtt  «uGora,  «ar  •eH»  faisait  wraAtie  twrs  |bs  ^ntoSM^^ 
^enjU^Q  tun  après TaiiH,9;e et  rèo^ai^ite  ^r  âf  f«MèiiA.| 
pra^^  c«vtim»m4mna!aMàWàMttl€fts1i^ 
teindre  les  vaisseaux  qui  n'auraient  pas  encore  coiÉbiueàcè 


révolntioQ,  s'ils  se  touchaient  pas  ceux  auxquels  ils  étiieul 
i^rassés.  Le  vmt^  en  faâlAfit  h  S.-Em  ^ugpieufa  riiT^ipi)^- 
rïté  de  la  ligae  ;  elle  s'allongea  beaucoup,  et  Tannée  fran* 
çaise  se  trouva,  pour  ainsi  dire,  en  écjiiquler.  A  11^  45^^ 
l'amirai  Rodaey  apercevant  un  intervaDiB  assers  «ço^idi^r 
rable  entre  le  deuxième  et  le  troisième  vaisseau  4u  coiy^ 
de  bataille,  fit  serrer  le  vent  au  Formidabus  et,  suivi  i^ 
autres  vaisseaux  placés  derrière  lui*  il  coijq)a  la  lign/e  fran- 
j^e  sur  l'avant  du  DcAiphin-Royal  Lf,  ponfusipn  dçni^ 
alors  très-grande  et  des  trouées  ^  ^reot  en  plusieurs  en- 
droits; Tavsmt-garde  continuai  4e  t&iir  h  vent  bâbord 
^tmures;  les  vaisseaux  du  centre  ^t,  plus  tard,  ceux  de 
rarrîëFe->garâe  durent  laisser  animer  ^  courir  largue  iqi^ 
le  vent  des  Anglsûs.  La  brise  n>vait  pa^  içessé  de  mollir  diç- 
pui^  le  commencement  de  la  bataille  et  le  calme  siirprjll; 
les  deux  armées  dsms  cette  position  ;  }a  l^mée  devint  alors 
tdlement  épaisse  qu'il  fut  impossible  de  rien  distinguer  : 
le  feu  discontinua  natureUen;ient  sur  la  majeure  partie  de 
la  ligne.  Une  petite  fraîcheur  qui  s'éleva  de  l'Est,  vers 
l''  30'",  dissipa  la  fumée  et  .permit  d'apercevoir  l'armée 
française  divisée  en  trois  grxHip^s.  (l'iivs^nt-garde  était  à 
quatre  milles  au  vent  et  tenait  le  plus  près,  d'après  l'ordre 
de  son  chef  d'escadre  qui,  en  perdant  le  vaisseau  amiral  de 
vue,  avait  répété  son  dernier  signal,  celui  de  serrer  le  vent^ 
au  lieu  de  laisser  arriver  pour  le  rallier.  Les  vaisseaux  qm 
avaieat  été  coupés  étsûent  sous  le  yent  de  l'aripée  anglaise^ 
assez  bien  ralliés,  mais  rgénéralement  dégréés  et  ep  deui: 
groupes  ;  ceux  du  centre  serra,ient  le  vent  bâbord  amures  ; 
les  autres  couraient  largue.  Enfin,  sous  le  vent,  on  voyait 
le  Glorieux  démâté  de  tous  ses  mâts  ;  la  frégate  le  BkhmùfikA 
reçut  l'ordre  d'aller  le  prendre  ^  la  remorque.  Le  capitaine 
de  Mortemart  largua  la  remorque,  peu  de  temps  après,  siu* 
le  signal  qui  lui  en  fut  fait,  parce  que  sa  frégate  était  menacée 
d'être  écrasée  sous  le  feu  de  l'ennenii.  Dès  que  les  vaisr 
seaux  purent  gouverner^  le  commandant  en  chef  fit  siçp^i 
de  raUier  et,  ensuite,  de  rétablir  l'ordre  priipitif  de  cqw^\. 


il4  BATAILLES.  — i7S2. 

La  faiblesse  de  la  brise  et  les  avaries  des  vaisseaux  s'oppo- 
sèrent à  Texécution  de  ces  signaux  ;  Tavant-garde  continua 
à  tenir  le  vent  et  l'arrière-garde  à  courir  largue;  cependant 
dès  que  les  vaisseaux  de  l'arrière-garde  eurent  répû*é  leurs 
principales  avaries,  ils  se  rapprochèrent  de  la  Ftife-de- 
Paris.  De  ce  moment,  les  Anglais  ne  s'astreignirent  plus  à 
aucun  ordre;  ils  se  portèrent  par  groupes  sur  ceux  des 
vûsseaux  français  dont  l'état  semblait  leur  offrir  une  vic^ 
toire  facile  :  la  Ville-de-Paris  fut  enveloppée  par  derrière, 
dans  un  demi-cercle*  Ceux  des  vaisseaux  de  l'arrière-garde 
qui  avaient  rallié  s'étaient  formés  en  ligne  sur  l'avant  du 
vaisseau  amiral  :  dans  cette  position,  leur  appui  eut  peu 
d'efficacité.  Deux  fois  déjà  le  commandant  en  chef  avait 
ordonné  de  diminuer  de  voiles;  à  3^,  il  signala  l'ordre  de 
bataille  les  amures  à  tribord.  La  majeure  partie  des  vais^ 
seaux  du  centre  et  de  l'arrière-garde  se  conformèrent  à  ce 
signal  ;  en  virant  vent  devant,  ils  se  formèrent  sur  le  vais- 
seau amiral.  L'avant-garde  qui  s'était  enfin  décidée  à  laisser 
arriver,  gouverna  vent  arrière,  malgré  les  signaux  qui  lui 
furent  faits;  elle  finit  cependant  par  courir  parallèlement 
à  la  Ftl/e-de-Paris.  L'ordre  détenir  le  vent  donné  à  &*'15'", 
à  5^  et  à  6*"  16",  le  signal  de  rallier  fait  un  peu  plus  tard,  ne 
purent  faire  changer  de  détermination  aux  capitsdnes  des 
vaisseaux  qui  étaient  en  dehors  de  la  ligne  ;  tous  imitèrent 
la  manœuvre  de  l'avant-garde,  c'est-à-dire,  firent  la  même 
route  que  la  Fille-de-Pam,  mais  aucun  ne  chercha  à  S6 
mettre  en  ligne.  Le  Triomphant,  le  Bourgogne,  le  Langue-- 
doc,  la  Couronne,  le  Pluton  et  le  Marseillais  furent  les  seuls 
vaisseaux  dont  la  manœuvre  dénota  l'intention  de  soutenir 
l'amiral.  Si  leurs  capitaines  ne  le  firent  pas  dans  toute  l'é- 
tendue de  leurs  pouvoirs,  tous  les  torts  ne  doivent  pas  leur 
être  imputés,  car  les  changements  de  route  de  la  Fi/b-de- 
Paris  qui  embardait  à  tout  moment  pour  présenter  le  tra- 
vers à  chaque  vaisseau  ennemi  qui  s'approchait,  les  tenaient 
dans  l'indécision  sur  celle  qu'ils  devaient  suivre  et  les  em- 
pêchaient de  combiner  leurs  forces.  Quant  au  chef  d'es- 


BATAILLES.  —  ^782.  145 

cadre  de  Bougainville,  Tenquête  à  laquelle  j'ai  emprunté 
tous  ces  détails  nous  apprend  qu'il  s'était  battu  vigoureu- 
sement tant  qu'il  avait  eu  des  ennemis  par  son  travers, 
mais  que,  trop  préoccupé  de  l'état  de  son  propre  vaisseau, 
il  avait  cessé  de  déployer  les  talents  d'un  général.  Les 
avaries  des  vaisseaux  français,  probablement  plus  nom- 
breuses et  plus  graves  que  celles  des  vaisseaux  anglais, 
donnèrent  à  ceux-ci  un  avantage  qui  ne  put  plus  leur  être 
disputé.  Pris  de  calme  par  le  travers  de  Tarrière-garde 
ennemie,  V Hector^  le  César  et  le  Citoyen  avaient  été  écra- 
sés. Us  auraient  pu  être  dégagés  par  l' avant-garde  ;  mais  le 
chef  de  cette  escadre  s'était  borné  à  faire  un  signal  vague, 
celui  de  porter  secours  aux  vaisseaux  qui  combattaient  en-, 
core,  et  personne  ne  s'approcha  d'eux.  Le  Citoyen  parvint 
à  rallier  le  corps  de  bataille.  Ai**,  le  César,  entièrement 
démâté,  se  pendit  au  Cemtàur.  A  5**  30"*,  Y  Hector^  qui 
avait  lutté  contre  k  vaisseaux  ennemis,  se  rendit  au  Canada 
et  à  I'Algide.  V  Ardent  et  le  Glorieux  avaient  déjà  amené 
leur  pavillon.  A  5**  45",  les  vaisseaux  qui  s'étaient  tenus 
jusqu'alors  auprès  du  commandant  en  chef  serrèrent  le 
vent.  Quoique  le  parti  de  sauver  chacun  son  vaisseau  ait 
semblé  prévaloir  depuis  le  commencement  de  cette  affaire, 
ce  fut  seulement  à  cette  heure  que  ce  parti  fut  pris.  Un 
quart  d'heure  plus  tard,  la  Ville-de-PariSy  combattu  dans 
ce  moment  par  les  vaisseaux  Barfleur  et  Canada,  amena 
aussi  son  pavillon  ;  ce  vaisseau  ne  gouvernait  plus,  et  il 
fallut  le  prendre  à  la  remorque.  Le  César  sauta  en  l'air 
îi  10**  du  soir  :  400  Français  et  50  Anglais  furent  victimes 
de  cet  accident  dont  la  cause  est  restée  ignorée.  Le  Glo- 
rieux était  en  si  mauvais  état,  que  les  Anglais  le  livrèrent 
aux  flammes. 

La  bataille  du  12  avril,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de 
bataille  de  la  Dominique,  est  un  événement  si  considéra- 
ble dans  l'histoire  maritime  de  notre  pays,  que  j'ajouterai 
quelques  obseiTations  à  la  relation  que  je  viens  de  don 
ner.  Et  d'abord,  le  lieutenant  général  de  Grasse  de- 
II.  10 


i46  BATAILLES.  — 1782. 

yfûilAl  se  borner  à  un  simple  engagement  le  9  ?  Le  Conseil 
de  marine  dont  j'ai  déjà  parlé,  estima  que  la  eombi' 
naiêon  de  s'en  tenir  à  ne  faire  donner  qu'une  partie  de 
noire  armée,  peut  être  considérée  comme  un  trait  de  pni* 
dénce  de  la  pari  du  général,  que  pouvaient  lui  indiquer  leà 
projets  ultérieurs  de  la  campagne.  A  cela  il  n'y  a  qu'une 
chose  à  dire  :  c'est  que  le  lieutenant  général  de  Grasse 
avait  la  certitude  que  l'armée  anglaise  serait,  pendant  nii 
temps  plus  ou  moins  long,  dans  l'impossibilité  de  se  por^ 
ter  au  secours  des  16  vaisseaux  qui ,  seuls ,  étaient  en  da^ 
faors  de  la  zone  des  calmes  et  des  folles  brises  ;  et  il  eût 
moins  compromis  son  armée  en  ordonnant  une  chasâe  gé^ 
nérale,  qu'en  faisant  poursuivre  et  attaquer  l'ennemi  par 
tine  seule  escadre.  Quant  au  Zélé  et  à  YAugustel  ces  deux 
vaisseaux  pouvaient  imiter  le  mouvement  général  ;  èt^  si 
cette  manceuvre  présentait  des  inconvénients^  poussés  qu'ik 
seraient  par  la  brise  fraîche  du  canal ,  alors  que  tous  les 
vaisseaux  ennemis  étaient  en  calme  sous  la  Dominique,  on 
en  retraite  devant  l'armée  française,  ces  deux  vaisseaux 
avaient  peu  à  craindre  d'être  atteints  avant  d'être  en  posi« 
tion  de  pouvoir  demander  protection  à  quelque  batterie 
française.  Mais,  si  le  Conseil  ne  blâma  pas  la  manœuvre  du 
lieutenant  général  de  Grasse  dans  cette  circonstance,  il 
n'approuva  pas  la  conduite  que  cet  officier  général  tint 
pendant  la  journée  du  12  avril.  Il  émit  l'opinion  que  la  po- 
sition du  Zélé  ne  rendait  pas  la  manœuvre  qui  fut  faite  in- 
dispensable; ce  vaisseau  était  tellement  au  vent  del'arméfî 
anglaise  que,  quand  les  vaisseaux  ennemis  levèrent  la 
chasse,  une  distance  de  5  milles  les  séparait  encore.  La 
différence  dans  la  force  du  vent  lui  donnait,  en  effet,  de 
grandes  chances  de  pouvoir  éviter  le  combat  :  il  àvût 
bonne  brise  au  milieu  du  canal,  et  la  masse  dés  Anglais  était 
encore  sous  l'influence  des  calmes  et  des  folles  brises  de 
te  Dominique.  Remorqué  par  YAstréei  le  Zilè  filait  de  cinq 
à  six  nœuds,  et  il  mmilla  à  la  Basse-Terre  à  10^  du  matin. 
Bms  tous  les  cas,  il  était  intitile  de  coiilîntief  à  èourir 


BATAILLES.  — n82.  iH 

grand  largue  du  moment  que  l'ennemi  avait  letô  la  chas&e^ 
et,  pout*  cotnmencer  le  combat,  il  eût  été  prudent  â'atten^ 
dte  qtie  tous  les  vaisseaux  eussent  rallié  et  que  la  ligne  fiit 
Gonyenablemeut  formée.  Lé  Cotiseil  déclara  anasi  qu'il  efti 
été  t)réf érable  de  prendre  les  amures  à  tribdrâ  |iaroe  que^ 
en  courant  à  contre-bord  des  Anglais^  le  éomaiindaal  en 
chef  bonduisait  ées  vaisseaux  dans  la  Éone  deë  brises  va^ 
riables  et  des  calmes. 

Voyons  maintenant  le  rôle  que  obâque  vaiteesu  jbiRi  iiië^ 
léraent  dans  la  journée  du  12  atriL 

L'Hereulei  qui  se  trouvait  beaucoup  i^  vent  dé  raraïAs 
lorsque  le  commandant  en  chef  fit  signal  de  laisèer  porter^ 
ne  put  arriver  aésez  à  teitipsi  poui*  preDdre  son  pesté  et 
resta  au  vent  dé  la  ligné.  II  était  7*"  ftS""^  lorsque  Id  di^ 
taine  Chadeau  de  Laclochetérie  fit  Comtoeèeer  ft  tîirer  iur 
le  quathème  Vaisseau  ennemi.  Une  ^tire  après  la  fin  éhi 
l'engagement  général,  ayant  aperçu  la  Vilk-it^PaHè  «séà 
le  vent  à  environ  6  milles,  il  gouverna  sur  elle)  niais  fl 
conserva  trop  de  voiles  et  la  dépassa.  Blessé  mort^Ileoiéi^ 
le  capitaine  Ghadeas  de  lai  Glooheterie  atait  éèé  reiil{ilicé 
p&o*  le  lieutenant  de  vaisseau  de  Goatiès. 

Le  Neftufiè  était  également  bien  ati  vetft  leràiïu'on  laissft 
mriter  et^  comme  YHereulê  ^  il  prit  position  au  tënt  II 
re^t  Tordre  de  laisser  arriver  davantage  et  dé  foreer  et 
voiles^  il  n'exécuta  pas  assez  ^onctuellesoieiit  oe  n|[^, 
puisqu'il  ne  put  canonner  que  le  ({uinnëme  ou  lé  seiiiMËè 
vaisseau  anglais.  Le  capitaine  Renaud  d'iUeiitt  ife  plafa 
entre  VAugmté  et  le  Northumbm'tand  et  éonri)«ttit  à  es 
poste  ;  le  soir,  il  était  à  plulr  de  2  milles  de  la  nUè^de-^Pkriti 

Le  Souverain  i  arrivé  trbp  tard  pcrur  prendre  soil  posië, 
se  plaçai  et  combattit  au  vent  de  VAugustié,  qtmque  slii 
(capitaine^  le  chevalier  de  Glandevds^  eût  reçurordre  As  is 
mettre  en  ligne .  Ge  fut  le  seul  vaisseau  qui  Se  h^p^icbâ 
du  César  et  de  Y  Hector  ;  mais  il  m  n^à  âsvânS  dm  fercsè 
supérieures. 

Le  Palmier  ne  laissa  pas  ai^v^  assès  lirônÉptesasM, 


148  BATAILLES.  — 4782. 

et  fut  le  quatrième  des  vaisseaux  qui  formèrent  une  se- 
conde ligne  au  vent.  Plus  tard  le  capitaine  de  Martelly 
Çhautard  se  laissa  culer  derrière  Y  Ardent  et  combattit 
quelque  temps  à  ce  poste.  A  10^,  il  passa  devant  ce  vais- 
seau, sur  Tordre  verbal  qui  lui  fut  donné  par  le  chef  d'es- 
cadre de  Bougainville,  parce  qu'il  tirait  dans  la  mâture  de 
Y  Auguste  ;  il  aborda  ce  dernier  vaisseau  lorsque  la  brise 
tomba.  Dès  que  la  fumée  fut  dissipée,  il  signala  être  hors 
d'état  de  combattre  ;  il  ne  lui  restait  en  effet  que  fort  peu  de 
munitions,  et  il  en  demanda  au  premier  vaisseau  qui  passa 
auprès  de  lui.  Séparé  de  l'armée  par  plusieurs  vaisseaux 
ennemis,  le  Palmier  fut  obligé  de  gouverner  sur  bâbord, 
quoique  cette  route  l'éloignât  de  l'amiral.  Il  eut  bientôt  à 
combattre  deux  vaissseaux  qui  l'abandonnèrent. 

Le  Northumberland  combattit  à  son  poste  et  suivit  les 
mouvements  de  Y  Auguste.  Le  capitaine  de  Saint-Gésaire, 
blessé  à  mort,  fut  remplacé  par  le  lieutenant  de  Lamettrie  ; 
et  ce  dernier  ayant  été  tué,  l'enseigne  de  vaisseau  Gombaud 
de  Roquebrune  prit  le  commandement. 

V  Auguste  soutînt  beaucoup  dans  la  passade  du  matin  et, 
quoiqu'il  ne  manquât  pas  de  munitions,  à  midi  il  signala 
être  hors  d'état  de  combattre  ;  trois  quarts  d'heure  après, 
il  rendit  sa  manœuvre  indépendante.  C'est  à  ce  malheu- 
reux signal  qu'on  peut  attribuer  le  manque  d'ensemble  des 
vaisseaux  de  l' avant-garde.  Au  lieu  de  se  diriger  sur  le 
César  et  Y  Hector  qui  demandaient  assistance,  le  chef  d'es- 
cadre de  Bougainville  signala  de  porter  secours  aux  vais- 
seaux qui  avaient  plusieurs  adversaires.  Cet  ordre  vague 
ne  fut  exécuté  que  par  un  seul  vaisseau,  et  encore  fut*il 
bientôt  obligé  de  se  replier.  A  6\  les  avaries  de  Y  Auguste 
étaient  réparées  et  il  était  en  état  de  faire  de  la  voile. 
Poursuivi  alors  par  6  vaisseaux  ennemis,  il  ne  put  rallier 
la  Ville'de'Paris  et  il  était  à  5  milles  sous  le  vent  lorsque 
le  vaisseau  amiral  amena. 

Le  Zélé  était  le  serre-file  de  Y  Auguste  dans  l'ordre  ren- 
versé. ÏJà,  difficulté  avec  laquelle  ce  vaisseau  évoluait  lui 


BATAILLES.  — 1782.  149 

avail  fait  aborder  le  Jason  pendant  la  nuit  du  10.  Cepen- 
dant cet  abordage  n'aurait  pas  eu  lieu  si  le  capitaine  de 
Gras*Préville  n'avait  pas  commencé  son  mouvement  aussi- 
tôt que  le  signal  de  virer  tout  à  la  fois  avait  été  en  l'air. 
Son  abordage  avec  la  Ville-de-Paris^  la  nuit  suivante,  fut 
encore  occasionné  par  une  fausse  interprétation  de  la  tac- 
tique. S'inquiétant  peu  du  signal  de  virer  tout  à  la  fois  qui 
était  fait  dans  le  but  de  tenir  constamment  tous  les  vais- 
seaux au  même  bord,  le  capitaine  Préville  ne  songeait 
qu'à  s'élever  au  vent;  et,  quoique  bâbord  amures  lorsqu'il 
croisa  la  Ville-de-Paris^  il  ne  laissa  pas  arriver  pour  l'évi- 
ter. Le  Zélé  démâta  de  son  mât  d'artimon  et  de  son  ipât  de 
beaupré  dans  ce  nouvel  abordage.  Malgré  les  efforts  de 
ÏAstrée  qui  l'avait  pris  de  suite  à  la  remorque,  il  tomba 
sous  le  vent.  Chassé,  au  jour,  par  une  division  de  l'armée 
anglaise,  il  fut,  comme  on  l'a  vu,  la  cause  de  la  bataille 
qui  fut  livrée. 

Le  poste  de  Y  Ardent^  par  l'absence  du  Zélé,  était  der- 
rière r^luâ^uste;  le  capitaine  de  Gouzillon  s'y  maintint  jus- 
qu'à 10^  ;  le  Palmier  vint  alors  s'interposer  entre  eux. 
Lorsque,  après  le  combat,  Y  Ardent  voulut  arriver  pour 
rallier  la  Ville-de-Paris ^  il  fut  coupé  et  attaqué  par  quatre 
vaisseaux.  Sa  mauvaise  marche  laissait  à  son  capitaine 
peu  d'espoir  d'échapper  à  l'ennemi,  et  il  vit  bientôt  qu'il 
ne  devait  compter  sur  aucun  secours.  Cet  isolement  démo^- 
ralisa  promptement  l'équipage.  Canonné  à  portée  de  pistolet 
par  le  vaisseau  Monargh,  Y  Ardent  se  borna  à  riposter  par 
une  volée  et  amena  son  pavillon. 

Le  Scipion  se  maintint  constamment  .à  son  poste;  le 
capitaine  de  Clavel  suivit  les  mouvements  de  son  chef 
d'escadre. 

Le  12  au  jour,  le  Brave  reçut  Tordre  de  passer  à  poupe 
de  l'amiral  qui  comptait  lui  faire  prendre  le  ZéJé  à  la  re- 
morque. Le  capitaine  d'Amblimont  ne  vit  probablement 
pas  ce  signal,  car  il  ne  l'exécuta  pas  Lorsque  le  vent  rer 
fusa  pendant  la  bataille,  le  Scipion  mit  le  Brave  dans  Vo- 


iëO  BATAILLES.  ^  178S. 

Uil^pktion  de  l&ifieer  «rriver  pour  n'être  pte  abordé  éL  de 
p^eëdré  I«8  amures  à  Vautre  bord  pour  retouroer  à  sm 
]^te.  Bu  parcourant  la  ligne  au  veut,  il  tira  dans  les  iâi- 
t'ê^all^a  dès  vaisseaux  et  en  inquiéta  plusieurs,  notampieftt; 
VMeetor.  A  la  un  du  jour,  le  Bra^^e  était  à  096  portée  et 
deianie  de  eanoa  de  la  Ville-de-Paris. 

Le  capitaine  d'Bthy,  du  Citoyen^  ne  suivit  ppis  son  esça^ 
dre  lorsque  la  ligne  fut  coupée  ;  il  resta  combattre  auprte 
àeVHettar  et  du  César  jusqu^à  S^  30">,  etn^abandonna  eei 
vaisseaux  qu'après  avoir  acquis  la  certitude  qu'il  ne  serait 
pas  soutenu.  A  6^,  il  était  à  une  portée  de  fosil  de  la 
filk-de-ParU.  De  tous  les  vaisseaux  de  l'avant-garde,  le 
Citoyen  fut  le  dernier  à  cesser  le  feu  et  malgré  cela,  il  fut 
un  des  vaispeaux  qui  se  tinrent  le  plus  près  de  l'amiiaL 
Le  ^apiudne  d^Ediy  était  Messe* 

Le  Jaêon,  abordé  par  le  Zélé  dans  la  nuit  du  10,  (nit 
quelques  voiles  déchirées  et  tomba  sous  le  vent;  le  capî^ 
talàe  islievalie^  Couète  de  Villages  fit  route  diree^enient 
p^r  la  Guadeloupe  et  relicfaa  à  la  B^se-^Terre. 

Séparé  de  son  escadre  lorsque  la  ligne  fut  coupée,  et  (|e 
trouvant  dès  lors  l'avant-dernier  vaisseau  de  Tftvanti'gaFda, 
VBectoiF  eut  à  soutenir  le  feu  de  la  majeure  partie  des  vais- 
seaux ennemis  qui  traversaient  la  ligne.  Puis,  resté  de  l^ar- 
rière  parce  que  ses  avaries  le  rendaient  incapable  de  miivrp 
eetle avant-garde,  il  fut  attaqué  par  plusieurs  vaisseaui  an- 
glais. Après  la^léfense  la  plus  honorable,  le  lientepantde 
^ssean  Beaumanoir  qui  avait  remplacé  le  capitaine  dn 
Lavicomté,  tué  pendant  le  combat ,  fit  amener  le  pavillon. 

Le  Cémr^  déjà  fort  maltraité  lorsque  la  ligne  fut  coupée 
sar  son  arrière  ^  devenu  serre-file  de  Tavant^garde ,  fat 
écrasé  par  la  partie  de  T armée  anglaise  qui  prolongeait 
nette  avant*garde  à  contre-^bord.  Il  réussit  cependant  à 
rallier  le  Citoyen  qui  avait  mis  en  travers  pour  l'attendre  ; 
mais,  attaqué  par  un  nouveau  groupe  de  vaisseaux  enne- 
mis, il  fiit  abandonné.  Le  capitaine  Bernard  de  Marign^ 
était  Meseé  mortellement,  Le  capitaine  de  vaiaeean  Lanb, 


BATAILLES.— 4782.  151 

qui  ayait  pris  le  commandement,  se  défendit  avçc  la  plus 
grande  valeur  jusqu'à  l'entier  épuisement  des  munitions  d|i 
César  :  le  pavillon  fut  alors  amené. 

Le  ^at«p^m-/{ot/âI  masqua  lorsque  le  vent  refusa  dans  là 
matinée.  Deux  vaisseaux  ennemis  le  combattirent  et  l'abat^ 
donnèrent  après  trois  quarts  d'heure.  Il  p,llail  se  porter  en 
aide  au  Glorieux  lorsqu'il  aperçut  le  signal  fait  à  la  fré- 
gate la  Richmond  de  prendre  ce  vaisseau  à  la  remorque. 
Le  capitaine  de  Montpéroux  se  dirigea  alors  sur  la  Ville^ 
de-Paris  et  se  plaça  à  quatre  encablures  sur  son  avant 
Quand  on  prit  les  amures  à  tribord,  il  se  trouva  entre  l'a-r 
vant-garde,  alors  à  3  milles  sous  le  vent,  et  les  vaisseaux 
qui  combattaient  près  de  l'amiral.  Le  Dauphin-Royal  ne 
s'éloigna  qu'à  la  nuit  pour  suivre  le  chef  d- escadre  de  Vau- 
dreuil. 

Le  Languedoc  se  tint  constamment  auprès  de  la  Ville-dê- 
Paris  dont  il  était  le  matelot  d'avant  et,  dans  l'après-midi, 
il  fut  attaqué  avant  le  vaisseau  amiral.  Lorsque  l'ordre  de 
se  former  en  bataille  tribord  amures  fut  donné ,  le  capi- 
taine baron  d'Arros  d'Argelos  dépassa  la  Villé-de-Paris  et 
se  plaça  à  sa  gauche;  son  vaisseau  ne  cessa  de  combattre 
que  quand  le  Triomphant  fit  signal  de  forcer  de  voiles 
et  de  lé  suivre.  Deux  vaisseaux  le  séparaient  alors  de 
l'amiral. 

Lorsque  le  vaisseau  la  Ville-de-Paris  cessa  d'être  canonfié 
par-dessous  le  vent,  c'est-à-dire  à  11^  80*,  il  laissa  arriver 
j)our  combattre  deux  vaisseaux  anglais  qui  étaient  séparésde 
leur  armée  ;  après  moins  de  deux  heures  il  était  entièrement 
dégréé  et  presque  hors  d'état  de  gouverner.  Le  mouvement 
d'arrivée  de  Tamiral  avait  été  imité  par  plusieurs  vaisseaux 
français,  et  bientôt  tout  le  corps  de  bataille  gouverna  sur 
l'arrière-garde  qui  était  sous  le  vent.  Après  un  court  mo- 
ment de  répit,  la  Ville-de-Paris  fut  attaqué  par  2  autres 
vaisseaux  anglais  ;  à  5^,  ce  vaisseau  en  combattait  9  :  tous 
les  efforts  de  Tennemi  se  concentraient  sur  le  trois-ponts 
français.  I^heu^eusement»  kmanœuvredeFamiral  pendant 


152  BATAILLES.  — n82, 

toute  raprës-midi,  ses  arrivées  et  ses  oloffées  continuelles 
pour  découvrir  les  vaisseaux  qui  le  combattaient,  rendirent 
le  ralliement  fort  difficile  et  la  formation  de  Tordre  de  batdlle 
impossible.  Placé,  plusieurs  fois,  à  portée  de  voix  de  quel- 
ques-uns des  vaisseaux  de  son  armée,  le  lieutenant  général 
de  Grasse  ne  songea  pas  à  se  faire  donner  la  remorque,  ou 
plutôt,  il  n'en  voulut  pas,  car  il  refusa  celle  que  le  capi- 
taine du  Pluton  lui  offrit.  Il  ne  songea  pas  davantage  à  pas- 
ser sur  un  autre  vaisseau.  Jugeant  enfin  une  plus  longue 
résistance  impossible  et  voulant,  en  fixant  l'attention  de 
l'ennemi,  l'empêcher  de  continuer  sa  poursuite,  il  ordonna 
au  capitaine  de  Lavilléon  d'amener  le  pavillon  :  il  était 
Q^  30"». 

A  4**  15",  la  Couronne  était  à  portée  de  voix  delà  Vilk- 
de-Paris.  Sur  Tordre  verbal  du  commandant  en  chef,  le 
capitaine  Mithon  de  Genouilly  se  plaça  par  sa  hanche  de 
tribord,  mais  il  rfy  resta  pas.  Après  avoir  mis  en  travers 
et  envoyé  une  volée  aux  vaisseaux  anglais  les  plus  rappro- 
chés, il  augmenta  de  voiles,  précisément  au  moment  où  le 
vaisseau  amiral  était  attaqué,  et  il  le  dépassa  tellement,  qu'il 
lui  fallut  mettre  de  nouveau  en  panne.  Lorsque  la  Ville-de- 
Paris  amena,  la  Couronne  était  à  2  milles  sur  son  avant. 

V Éveillé  souffrit  beaucoup  dans  sa  mâture  et  ne  put 
imiter  la  manœuvre  de  la  Ville-de-Paris.  Le  capitaine  Le 
Gardeur  de  Tilly  fit  signal  d'incommodités,  puis  celui  d'être 
hors  d'état  de  combattre,  lorsque  le  commandant  en  chef 
ordonna  de  reformer  la  ligne.  Il  laissa  arriver  dès  qu'il 
n'eut  plus  d'ennemis  par  le  travers  et  rallia  Tarriëre-garde. 

Le  Sceptre  masqua  au  changement  de  vent  et  abattit  sur 
Tautre  bord  :  il  signala  être  hors  d'état  de  combattre 
parce  que  la  rupture  de  quelques  manœuvres  Tempêchait 
d'arriver  comme  il  le  désirait.  Cette  circonstance  lui  per- 
mit de  protéger  la  manœuvre  de  la  Richmond^  lorsque  cette 
frégate  donna  la  remorque  au  Glorieux.  Mais,  parvenu  à 
orienter,  le  capitaine  de  Vaudreuil  ne  resta  pas  auprès 
d'elle  et  il  dépassa  la  Ville-de-Paris  qui  lui  fit  8^;nal  de  di- 


BATAILLES.  — 1782.  153 

minuer  de  voiles.  Il  resta  toutefois  sur  l'avant  du  vaisseau 
amiral  et  se  trouva  sous  le  vent,  lorsqu'on  prit  les  amures 
à  tribord.  Il  était  du  nombre  des  vaisseaux  les  plus  sou- 
ventés  de  l'arrière-garde  quand  la  Ft7/e-dc-Pans  amena. 

Le  capitaine  vicomte  d'Escars,  du  Glorieux^  fut  tué  dès  le 
commencement  de  la  bataille  et  remplacé  par  le  lieutenant 
de  vaisseau  Trogoff  de  Kerlessy.  A  11**  30™,  rasé  de  tous 
ses  mâts,  le  Glorietix  cessa  de  combattre.  Le  Magnanime 
et  le  Sceptre  étaient  auprès  de  lui  et  au  vent;  mais  il  ne 
reçut  de  secours  que  de  la  Richmond  qui  le  prit  à  la  re- 
morque. Le  capitaine  de  Mortemart  fit  de  vains  efforts, 
pendant  trois  quarts  d'heure,  pour  lui  faire  rallier  le  gros 
de  l'armée  qui  était  cependant  sous  le  vent.  Profitant  de 
la  fraîcheur  qui  s'éleva  vers  1^  30°*,  plusieurs  vaisseaux 
anglais  se  dirigèrent  sur  le  Glorieux,  l'entourèrent  et 
mirent  la  Richmond  dans  la  nécessité  de  larguer  la  re- 
morque. Ainsi  abandonné,  le  lieutenant  Trogoff  fit  amener 
le  pavillon. 

Lorsque  le  vent  refusa,  le  Diadème  masqua  et  prit  les 
amures  à  l'autre  bord;  le  vide  qu'il  laissa  dans  la  ligne 
servit  de  passage  à  plusieurs  vaisseaux  anglais.  De  1**  à  5^, 
le  chevalier  de  Monteclerc  combattit  sans  interruption  des 
pelotons  de  vaisseaux  ennemis  et  il  se  tint  auprès  du  rrtom- 
phant  jusqu'au  moment  où  l'on  prit  les  amures  à  tribord, 
mouvement  qu'il  n'exécuta  pas  de  suite.  Serre-file  de  son 
escadre,  après  cette  évolution,  ce  vaisseau  ne  put  pas  se 
maintenir  à  son  poste;  il  était  toujours  de  l'avant,  quoique 
sa  voilure  eût  été  réduite  autant  qu'il  était  possible  de 
le  faire. 

A  lis  le  Destin  fit  signal  d'incommodités  et  cessa  de 
tirer  pour  réparer  ses  avaries.  Le  capitaine  Dumaitz  de 
Goimpy  suivit  les  mouvements  de  son  escadre  ;  il  était  ce- 
pendant à  3  milles  sous  le  vent  de  la  Ville-de-Paris  au 
coucher  du  soleil. 

Après  avoir  essuyé  le  feu  de  l'avant-garde  et  celui  d'une 
partie  du  corps  de  bataille  ennemis,  le  Magr^nimp  W^ 


t54  BATAILLES.— 1782. 

à  combattre  bord  à  bord,  lorsque  le  vent  changea,  2  trois- 
pontB  placés,  l'un  à  tribord  et  l'autre  à  bâbord.  A  10*  80*, 
le  feu  ayant  cessé  à  l' arrière-garde,  ce  vaisseau  signala 
être  hors  d'état  de  combattre /et  son  capitaine  demanda 
des  ordres  à  celui  du  Destin.  Celui-ci  répondit  qu'il  ne  pen- 
sait pas  qu'il  y  eût  lieu  de  se  séparer,  et  il  promit  au  ca- 
pitaine Le  Bègue  son  appui  le  plus  absolu.  Oanonné  par 
h  nouveaux  vaisseaux  anglais,  le  Magnanime  fit  route  pour 
rallier  le  Triomphant  et  dépassa  ce  vaisseau  d'un  mille.  Le 
capitaine  Le  Bègue  était  blessé. 

Après  la  passade  du  matin,  le  Réfléchi  se  trouva  à  A  ou 
5  milles  sous  le  vent  de  la  Ville-de-Pari^j  sans  que  per^pni|e 
pût  dire  comment  cela  était  arrivé  ;  le  capitaine  dp  Méçlinp 
était  blessé.  Cq  vaisseau  fut  un  de  ceux  qui  §e  rapprochè- 
rent et  se  formèrent  sur  l'avant  de  l'amiral,  Içrsque  la  troi- 

* 

sième  escadre  vira  de  bord  ;  sa  mauvaise  piarche  ne  lui 
permit  cependant  pas  d'arriver  en  même  temps  que  les  au- 
tres. A  la  nuit,  son  chef  d'escadre  lui  donna  l'ordre  de  le 
suivre. 

Le  capitaine  dQ  Lp.grandière,  du  Conquérant^  se  maiQti()t 
CQpst^mipepj)  à  SQQ  poste  et  suivit  les  mouyemçnts  A^  son 
c^çf  d'çsca^rfi. 

t»  Magnifique,  capitaine  Macarty  Macteigue,  combattit 
également  à  son  poste  ;  ce  vaisseau  fut  un  de  ceux  qui  se 
tiarept  le  pl»s  près  de  l'amiral. 

Lorsque,  vers  l*"  30»  de  Taprès-midî,  la  fumée  se  dis- 
sipa, le  Triomphant  était  un  peu  sous  le  vent  et  par  la 
hanche  de  la  Ville-de-Paris.  Le  chef  d'escadre  de  Vaudreuil 
manœuvra  de  la  manière  la  plus  convenable  :  non-seule- 
ment il  rallia  les  vaisseaux  de  son  escadre  auprès  de  celui 
du  commandant  en  chef,  mais,  prévoyant  les  préoccupa- 
tions de  celui-ci,  il  adsuma  la  responsabilité  d'ordres  qu'il 
donna  à  la  troisième  escadre,  ordres  qui  furent  approuvés 
par  le  lieutenant  général  de  Grasse,  car  son  vaisseau  les 
répéta.  Un  seul  vaisseau  séparait  le  Triomphant  de  la  ViUe'^ 


BATAILLES.  — 1782.  155 

dC'-Paris^  lorsque  celui-ci  amena  son  pavillou  :  le  capitaine 
Du  Pavillon  avait  été  tué. 

La  conduite  que  le  capitaine  de  Gharitte,  du  Bour- 
gogncy  tint  pendant  le  combat,  reçut  Tapprobation  géné- 
rale. A  ô''  30"",  il  était  à  moins  d'un  mille  sous  le  vent  de 
la  Ville-de- Paris  ;  et  quand  l'arrière-garde  eut  viré,  son 
vsûsseau  fut  celui  qui  se  tînt  le  plus  près  de  T amiral. 

Le  10  au  matin,  le  Caton^  qui  était  souventé,  deiïtanda 
des  secours;  on  lui  envoya  une  frégate.  IWalgré  cela,  le  ca- 
pitaine comte  de  Framond  relâcha  la  nuit  suivante  à  la 
Basse-Terre  de  la  Guadeloupe,  sans  y  avoir  été  autorisé. 

Lorsque,  le  12  au  matin,  le  commandant  en  chef  fit  le 
signal  de  laisser  arriver  et  de  serrer  Fennemî  au  feu,  le 
Bue-de-Bourgogne  courut  si  longtemps  au  S.-O.,  qu'il  se 
trouva  tout  d'abord  sous  le  vent  de  la  ligne  ;  il  vira  vent 
arrière  pour  y  rentrer  et  arriva  au  poste  de  serre-file  lorsque 
le  premier  vaisseau  de  l'armée  anglaise  parvenait  à  cette 
hauteur.  Dans  cette  position,  il  essuya  le  feu  de  plusieurs 
vaisseaux  ennemis  et,  pour  reprendre  sa  place,  il  passa 
au  vent  du  Pluton  et  aborda  le  Bourgogne,  Quand  il  fut 
dégagé,  il  laissa  arriver,  et  la  crainte  de  voir  tomber  sa 
mâture,  qui  était  fort  endommagée,  détermina  son  capi- 
taine à  courir  vent  arrière  toute  1- après-midi  ;  il  établit 
même  une  bonnette  basse.  Il  avait  signalé  des  avaries  de 
mâture  irréparables  à  la  mer;  le  chef  d'escadre  Goriolis 
d'Espinouse  avait  ajouté  qu'il  ne  pouvait  exécuter  aucun 
ordre.  A  b""  IS"",  le  Due-de-Bourgogne  manœuvra  pour  ral- 
lier la  Ville-de  Paris  ;  mais  il  avait  couru  si  longtemps  au 
O.-N.-O.,  qu'à  &  80*"  il  en  était  encore  à  15  ihilles  ôous 
le  vent.  Une  demi-heure  avant,  il  avait  passé  au  vent  d'un 
vaisseau  anglais  à  trois  ponts,  démâté  de  son  mât  de  mi- 
saine et  remorqué  par  une  frégate  :  il  ne  lui  avait  même 
pas  envoyé  une  volée. 

Le  Marseillais  était  au  vent  de  toute  l'armée  quand  le 
commandant  en  chef  fit  le  signal  de  ]^^^pv  ?rfiv^r.  11  y 
avait  dix  minutes  que  le  feu  était  commencé,  lei«que  It 


156  BATAILLES.  — 1782. 

capitaine  de  Gastellane  put  prendre  son  poste  dans  la  ligne. 
Ce  vaisseau  fut  un  de  ceux  qui,  dans  l'après-midi,  se  for- 
mèrent en  ligne  sur  l'avant  de  la  Ville-d^Paris  ;  il  com- 
battit à  ce  poste  jusqu'à  ce  que  le  pavillon  amiral  eût  été 
amené. 

J'ai  dit  que  quand  le  commandant  en  chef  avait  fait  le 
le  sigJDfeil  de  virer  tout  à  la  fois,  le  Pluton  avait  reçu  l'ordre 
de  commencer  le  mouvement,  et  qu'il  ne  l'avait  pas  exé- 
cuté. Le  capitaine  d'Albert  de  Rions  allégua  comme  justifi- 
cation qu'un  seul  vaisseau  ayant  répété  ce  signal,  cette 
manœuvre  lui  avait  semblé  si  hasardeuse,  qu'il  était  resté 
convaincu  que  ce  vaisseau  se  trompait  dans  la  répétition 
du  signal.  Le  Pluton  fut,  du  reste,  un  des  vaisseaux  qui  se 
rapprochèrent  de  la  Ville-de-Paris  et  qui  se  tinrent  auprès 
du  commandant  en  chef  jusqu'au  dernier  moment. 

Le  capitaine  vicomte  de  Mortemart  n'aperçut  pas  le  signal 
qui  fut  fait  à  la  Richmond  de  donner  la  remorque  au  6r{o- 
rieux;  il  la  donna  de  son  propre  mouvement.  Le  soir,  cette 
frégate  était  souventée,  parce  qu'elle  avait  été  porter  au 
Duc-de-Bourgogne  l'ordre  de  tenir  le  vent. 

Les  capitaines  de  Montguyot  qui  fut  blessé,  et  chevalier 
de  Suzannet,  des  frégates  Y  Amazone  et  Y  Aimable^  et  le  ca- 
pitaine d' Aché,  du  cotre  le  Clairvoyant^  se  placèrent  à  une 
distance  convenable  pour  répéter  les  signaux.  Les  capi- 
taines de  Roquart,  de  la  frégate  la  Galathée^  et  de  Paroy, 
de  la  corvette  la  Cérès^  ne  se  rapprochèrent  pas  assez.  Tous 
prirent  les  amures  à  tribord  et  s'éloignèrent  lorsque  la  ligne 
fut  coupée  (1). 

Je  ne  saurais. dire  les  dommages  que  les  vaisseaux  enne- 
mis éprouvèrent.  On  sait  seulement  que  le  capitaine  Blair, 
de  I'Anson,  fut  tué  et  que  le  capitaine  Manners,  de  la  Re- 
solution, fut  blessé.  Le  capitaine  Bayne,  de  I'Alfp.ed,  avait 
perdu  la  vie  dans  l'engagement  du  9.  • 


(1)  Tous  ces  mouyements  sont  relatés  d'après  l'instraction  du  jogemeot  dont 
j'ai  déjà  parlé. 


BATAILLES.  — 1782.  157 

VAstrée  mouilla  le  12  à  la  Basse-Terre  de  la  Guadeloupe 
avec  le  Zélé.  Le  capitaine  Lapérouse  voulut  rallier  de  suite 
l'armée  ;  mais,  contrarié  par  la  direction  du  vent  et  les 
bâtiments  anglais  qui  se  trouvaient  sur  son  passade,  il  lui 
fallut  louvoyer  longtemps  pour  passer  au  vent  de  l'armée 
ennemie.  Dans  l'après-midi,  il  rencontra  les  autres  frégates 
françaises,  dont  les  capitaines  lui  apprirent  la  position  des 
deux  armées.  Les  vaisseaux  le  Caton  et  le  Jason^  appareillés 
également  delà  Basse-Terre,  se  réunirent  aux  frégates;  le 
comte  de  Framond  prit,  par  droit  d'ancienneté,  le  comman- 
dement de  cette  division  et  resta  sous  voiles  toute  la  nuit, 
dans  l'espoir  de  pouvoir  secourir  quelque  vaisseau  désem- 
paré. Mais,  le  13  au  matin,  amis  et  ennemis  avaient  dis- 
paru :  la  division  rallia  le  mouillage  de  la  Basse-Terre.  Ce 
même  jour,  l'amiral  Rodney  détacha  le  vice-amiral  Hood 
avec  10  vaisseaux  pour  l'observer. 

Le  15,  profitant  de  la  grande  obscurité  de  la  nuit,  le 
Caton  et  le  Jason,  capitaines  comte  de  Framond  et  Gouète 
de  Villages;  VAstrée,  Y  Aimable  eilsi  Cérès,  capitaines  Lapé- 
rouse, chevalier  de  Suzannet  et  de  Paroy,  mirent  à  la  voile 
et,  ayant  réussi  à  sortir  de  la  rade  sans  avoir  été  aper- 
çus, ils  firent  route  pour  Saint-Domingue,  Au  jour,  le  vice- 
amiral  Hood  se  mit  à  leur  poursuite  et  il  parvint  à  les 
joindre,  le  19,  à  18  milles  dans  le  O.-N.-O.  de  Porto-Rico. 
Il  les  attaqua  successivement  :  YAstrée  seule  échappa  après 
un  combat  de  deux  heures.  Le  22,  le  capitaine  Lapérouse 
rencontra  le  Triomphant  et  se  rangea  sous  ses  ordres. 

Lorsque  la  Ville-de^Paris  eut  amené  son  pavillon,  esti- 
mant qu'une  prolongation  de  combat  ne  pouvait  que  donner 
lieu  à  de  nouveaux  désastres,  le  chef  d'escadre  de  Vaudreuil 
hissa  le  signal  de  ralliement  et  continua  sa  route  sur  Saint- 
Domingue.  Il  entra  au  Gap  Français  le  25,  avec  le  Triom- 
phant, le  Sceptre,  le  Destin,  le  Languedoc,  le  Diadème,  le 
Palmier,  le  Citoyen,  leScipion,  le  Northumberland,  le  JKa- 
gnanime,  le  Bourgogne,  le  Souverain,  le  Neptune,  le  Dau- 
phin-Royal et  le  Réfléchi.  Le  convoi,  qui  avait  profité  de  la 


158  BATAILLES.— 1782. 

bataille  pour  partir  de  la  Basse-Terre,  était  entré  au  Gap 
Français  le  20.  Le  Duc-de-Bourgogne,  la  Couronne  et  le 
Magnifique  y  étaient  depuis  le  22  ^  le  Conquérant  depuis 
le  23.  L  Auguste  et  le  Brave  y  arrivèrent  le  1"  mai  ;  TiTer- 
cule,  le  Plulon^  VÊveillé  et  le  Marseillaisi  le  11  ;  les  six 
derniers  étaient  d'abord  allés  à  Curaçao.  Le  Saint-Esprit^ 
qui  était  parti  de  la  Martinique  le  19  avrils  rallia  le  17  mai; 
Enfin,  11  vaisseaux  espagnols,  sous  les  ordres  du  ch^ 
d'escadre  Solano,  arrivèrent  sur  la  rade  du  Cap  Français 
en  même  temps  que  le  chef  d'escadre  de  Vaudreuil. 

Des  récriminations  s'élevèrent  de  toutes  parts  à  la  suite 
de  la  bataille  de  la  Dominique.  Le  commandant  en  chef 
se  plaignit  de  ses  lieutenants  et  des  capitaines  ;  et^  de  re- 
tour d'Angleterre,  il  obtint  leur  mise  en  jugement.  Ceux-ci 
produisirent  des  mémoires  auxquels  on  donna  peut-être 
une  importance  exagérée,  ce  qui  n'empêcha  cependant  pas 
le  Conseil  de  guerre  de  dire,  qu'en  examinant  la  conduite 
de  chacun  des  vaisseaux  pendant  tput  un  jour,  il  n'est  guère 
possible  de  ne  pas  apercevoir  quelques  fautes;  mais  qu'é- 
chappées au  moment  de  l'action,  ces  fautes  méritent  l'in- 
dulgenee;  Malgré  cette  observation  toute  paternelle  adressée 
à  ceux  qui  rejetaient  les  torts  sur  leurs  chefs  ou  si^r  leurs 
sous-ordres,  on  ne  peut  s'empêcher  de  dire,  avec  le  C-on- 
seil^  que  la  prise  du  pavillon  commandant  30  vaisseaux 
de  guerre  est  un  trait  d'histoire  qui  entraine  les  regrets  de 
toute  une  nation. 

L'instruction  minutieuse  à  laquelle  donna  lieu  la  plainte 
du  lieutenant  général  comte  de  Grasse  me  fait  attacher  mne 
grande  valeur  à  l'arrêt  qui  complète  le  travail  auquel  je  me 
suis  livré)  et  résume  toute  la  malheureuse  affaire  à  laquelle 
on  a  donné  le  nom  de  bataille  de  la  Dominique.  Le  Conseil 
de  guerre  était  composé  de  : 

ÉM.  fiftàdenin  comte  de  Breiig&(m,  tièutéttàiit  gèndral,  ^féddéàt. 
coMte  4e  Onicbep ) 


comte  de  L^carry. 

ëoiifte  d'Àfbàlad  dé  Joùqàès. 

eolutd  de  LaiBotte-Piqnet.  . 


he^efiànto  génértui. 


BATAILLES.— 1782.  i^ 

comte  de  Marin.  .  .  \ 

cheyalier  d'ApchoD.  >  chefs  d'escadre. 

èomtd  de  GhèH^eyi  ) 

marquis  de  Nieuil \ 

chevalier  de  Ballerpy f     «    .  -,    .       •    ^^ 

èhetatier  ftudn  d*  Klrttadèc.  {  *"«"•»"'•'  ■*•  '*'«*"• 

Thevenardi ) 

Ticumte  de  Pontevès  bien^  capitaine  de  yaisseau,  rapporteur. 

Voici  le  jugement  qui  fut  rendu  : 

Le  Conseil  loue  la  conduite  tenue  par  le  sieur  de  Poulfâ- 
queti  chevalier  de  Coatlës,  lieutenant  de  vaisseau,  qui  iprii 
le  commandement  de  Y  Hercule  à  la  place  de  M«  de  Laclo- 
cheterie,  tué  pendant  le  combat  ; 

Admoneste  le  sieur  Renaud  d'Aleins,  capitaine  de  vais- 
seau^ commandant  le  Neptune^  pour  n'avoir  pas  fait  tout 
ce  qu'il  était  possible  de  faire; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Glandevës,  ca- 
pitaine de  vaisseau,  commandant  le  Souverain  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Martelly  Chautard, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Palmiêri 

Loue  la  mémoire  de  M.  de  Saint-Césaire,  capitaine  de 
vaisseau,  commandant  le  Northumberlandj  et  la  mémoire  du 
sieur  de  Lamettrie,  embarqué  comme  second,  et  qui  rem- 
plaça M.  de  Saint-Gésaire  lorsqu'il  fut  blessé  mortelleineiitâ 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Gombaud  de  Ro'' 
quebrune,  enseigne  de  vaisseau  du  Northumberlêndi  qui 
prit  le  commandement  lorsque  le  sieur  de  Lamettrie  fut  tué  ; 

Déclare  la  conduite  du  sieur  de  BougainviUei  chef  d'es- 
cadre «  commandant  la  8"*  escadre  ^  irréproobable  jusqu'à 
midi  de  la  journée  du  1 2  avril  ;  mais  ce  chef  d'escadre 
n'ayant  pas,  dans  l'après-midi^  particularisé  ses  signaux 
et  fait  manœuvrer  son  escadre  pour  le  plus  prompt  rallie^ 
ment  possible  au  corps  de  bataille,  le  condamne  à  être  ad- 
monesté en  présence  du  tribunal  assemblé  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Gastellan,  oaj^- 
taine  de  pavillon  du  vaisseau  YAugu$U$ 

Déclare  la  conduite  du  sieur  de  Gouzillon ,  commandant 
ï Ardent 9  irréprochable  jusqu'au  moment  où  il  a  amené  son 


160  BATAILLES. —  1782. 

pavillon.  Mais,  pour  n'avoir  pas  prolongé  sa  résistance  au- 
tant qu'il  eût  pu  le  faire,  Tinterdit  pour  trois  mois  de  ses 
fonctions  ; 

Loue  la  conduite  tenue  par  le  sieur  Clavel,  capitaine  de 
vaisseau,  comrnandant  le  Scipion^  qui,  quoique  très-malade, 
s'est  fait  transporter  sur  le  pont. 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Fuschamberg  d' Am- 
blimont,  capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Brave; 

Loue  unanimement  la  conduite  et  les  manœuvres  du  sieur 
d'Éthy,  capitaine  du  vaisseau  le  Citoyen^  et  le  décharge  de 
toute  accusation  ; 

Loue  la  conduite  du  sieur  de  Beaumanoir,  lieutenant  de 
vaisseau,  second  de  Y  Hector,  dont  il  prit  le  commandement 
à  4^  15"*,  et  a  continué  le  combat  malgré  l'état  de  déla- 
brement où  se  trouvait  ledit  vaisseau,  et  le  décharge  de 
toute  accusation  ; 

Loue  unanimement  la  mémoire  du  sieur  de  Marîgny, 
commandant  le  César^  pour  avoir  combattu  avec  la  plus 
grande  valeur  jusqu'à  9**  du  matin  qu'il  a  été  blessé  mor- 
tellement ; 

Loue  la  conduite  du  sieur  Paul,  second  de  ce  vsdsseau 
dont  il  a  pris  le  commandement,  ayant  combattu  jusqu'à 
3**  30"  avec  la  plus  grande  opiniâtreté  et  fait  la  plus  belle 
défense  jusqu'au  moment  où.  il  a  été  obligé  de  céder  à  des 
forces  supérieures  ; 

Met  le  sieur  de  Monipéroux,  capitaine  de  vaisseau,  com- 
mandant le  Dauphin-Royal  y  hors  de  cour  et  de  procès  sur 
l'accusation  intentée  contre  lui,  cet  officier  ayant  combattu 
valeureusement  le  matin  du  12  avril,  mais  étant  le  soir 
éloigné  de  son  poste  au  corps  de  bataille  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  baron  d'Arros, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Languedoc^  et  sup- 
prime tous  mémoires,  lettres,  écrits,  en  ce  qu'ils  contien- 
nent d'attentatoire  à  son  honneur  et  à  sa  réputation  (1); 

(1)  Allusion  à  un  mémoire  publié  par  le  comte  de  Grasse. 


BATAILLES.— 1782.  i61 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Lavilléon,  ca- 
pitaine de  vaisseau,  commandant  la  Ville-de-Paris^  capitaine 
de  pavillon  de  T  amiral  -, 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Mithon,  capi- 
taine de  vaisseau,  commandant  la  Couronne^  et  supprime 
tous  mémoires,  lettres  et  écrits,  en  ce  qu'ils  contiennent 
d'attentatoire  à  son  honneur  et  à  sa  réputation  (1); 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Le  Gardeur  de  Tilly, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  Y  Eveillé; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Bigaud,  comte  de 
Vaudreuil,  chef  d'escadre,  commandant  le  Sceptre  (2); 

Témoigne  ses  regrets. sur  la  perte  du  comte  d'Escars, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Glorieux ^  et  loue  sa 
mémoire,  ayant  fait  une  vigoureuse  défense  jusqu'à  9^  du 
matin,  heure  à  laquelle  il  a  été  tué; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  TrogoflF  de  Ker- 
lessy  qui  prit  le  commandement  du  vaisseau,  loue  sa 
conduite  et  son  opiniâtreté  dans  la  défense  de  ce  vais- 
seau, sa  résistance,  sa  valeur  et  sa  résolution; 

Décharge  de  toute  accusation  la  mémoire  du  sieur  de 
Monteclerc,  capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Diadème; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Dumaitz  de  Goimpy, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Destin; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Le  Bègue,  capitaine 
de  vaisseau,  commandant  le  Magnanime;  lui  enjoint  d'être, 
à  l'avenir,  plus  circonspect  dans  ses  termes  et  expressions, 
qu'il  ne  l'a  été  dans  son  journal  et  son  compte  rendu  au 
ministre  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Médine,  capi- 
taine de  vaisseau,  commandant  le  Réfléchi; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Lagrandiëre, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  vaisseau  le  Con^ 
quérant; 


(1)  Allusion  au  mémoire  précité. 

(2)  Le  comte  de  Vaudreuil  venait  d'être  fait  chef  d'escadre. 

Il  11 


168  BATAILLES.  — 1762. 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  Mâbâî^  HSlbtbi^de, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Magnifiqixe,  et  le  loue 
de  sa  valeur  dans  le  combat  du  12  avril  et  de  son  actitité; 
tant  dans  l'exécution  des  mouvements  fle  âod  VaissfeaU',  ^e 
pour  rallier  la  Ville-de-Paris  avec  le  conlttiâtidaiit  die  ^oû 
escadre,  et  de  son  attention  à  conserver  son  poste  i 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  ttî^aiiÛ;  ihartHiîs 
de  Vaudreuil,  lieutenant  général  (1)  bbinniâiiHàtït  i  àr- 
rière-garde  sur  le  Triomphant,  et  loue  sa  bbnduîtë  (fettô 
toutes  les  circonstances  de  la  journée,  tàùt  èoiaitiië  1c?6m- 
mandant  dudit  vaisseau,  que  comme  géiiérîâli  Mi^fttiië 
tous  les  mémoires,  lettres  ou  écrits  en  ce  (j[u'iS  <îô4!Mén- 
nent  d'attentatoires  à  sa  rëfititation  et  à  son  hotihëUi*  [i)  ^ 

Décharge  également  de  toute  accusation  lé  isielir  Mohit- 
cabrié  de  Peyte,  capitaine  de  pavillon  à  la  place  'du  siéûr 
du  Pavillon  tufe  pendant  le  combat  ; 

Loue  la  mémoire  du  sieur  chevalier  du  Pavillon  j^our 
avoir  combattu  valeureusement  jusqu  à  sa  mort;. 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Chariite,  ca- 
pitaine de  vaisseau,  commandant  le  Bourgogne,  et  le  loue 
de  ses  manœuvres  pendant  la  journée  du  12  avril  ; 

Pour,  le  sieqr  Coriolis  d'Espinouse,  chef  d'escadre, 
montant  le  vaisseau  le  Duc-de-Bourgogne,  s'être  occupé 
dans  l'après-midi  de  la  journée  du  12  avril  du  danger  de 
démâter  au  lieu  de  faire  tout  son  possible  pour  ne  pas 
s'éloigner  de  son  escadre,  le  Conseil  de  guerre  le  condamne 
'  à  être  admonesté  en  présence  du  tribunal  assemblé  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Champmartin, 
capitaine  dudit  vaisseau  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Gastellàtië  Ma- 
jasti^,  capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  MaràHUètii'; 
le  loue  de  son  zèle,  de  sa  fermeté  et  de  sou  attention  la 


(1)  Lo  marquis  de  Vaudreuil  venait  d'être  fait  lieutenant  général. 

(2)  Allusion  au  mémoire  du  comte  de  Grasse. 


BATAILLES.  —  4782.  163 

pltis  ëbiyie  dahs  F  exécution  des  mouvements  généraux  de 
son  escadre  et  de  son  vaisseau  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  d'Albert  de  Rions, 
capitaine  de  vaisseau,  commandant  le  Plutohi  et  le  loue 
de  sâ  conduite  dans  la  journée  du  12  avril  • 

Décharge  de  toute  accusation  le  siefar  Bourgardl  de 
Martignari ,  enseigne  de  vaisseau ,  commandant  là  frégate 
YÀmazom  à  la  place  de  M.  deMontguyot; 

Honore  la  mémoire  dudit  sieur  de  Montguyot  ^  tué  daûs 
un  combat  postérieut*  ; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  de  Suzannet^  lieu- 
tenant de  vaisseau,  commandant  la  frégate  YAmable; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  vicomte  d'Aché, 
enseigne  de  vaisseau,  commandant  le  cotre  le  ClairvéyahU 
et  loue  sa  conduite  dans  la  journée  du  12  avril; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieiir  de  RoqUarl,  lieu- 
tenant de  vaisseau,  commandant  la  frégate  la  Gàlaihie; 

Décharge  de  toute  accusation  le  sieur  baron  de  Paroy, 
lieiitenant  de  vaisseau,  commandant  la  frégate  la  Cérés^ 

Loue  la  mémoire  de  M.  le  vicomte  de  Mortemàrt^  icom- 
mandant  la  ft*iègate  la  Réhmond^  dont  la  manœuvre  hardie 
a  été  titile  au  Glorieux.  Sa  conduite  valeureuse  justifie  leà 
regrets  que  le  corps  conserve  d'avwr  perdu  ce  brave  mi- 
litaire. I 

Jugé* Lorient,  le  M  (m&i  1781; 

(sidv^iit  les  «àii^atures.  ) 

On  fut  plus  sévère,  plus  tard,  envers  la  capitaine  du 
Caton  qu'on  ne  l'avait  été  à  l'égard  des  autres  capitaines. 
Le  comte  de  Frathond  fut  eondanmë  à  Une  pHsou  perp(&- 
tueile  et  conduit  au  châteÀm  de  flatoi 

Le  chevalier  Gouëte  de  Villages;  qvi  €(HCfiittaëdsdt  te 
J(mn9  fbt  simplement  admonesté. 

Les  griéfâ  que  lé  lieutenant  général  fcoiiite  de  QrââBô  kvait 
élevés  contre  les  capitaines  de  tmsseati  bart)ii  d' Arr6s  d'Ht-^ 
gelos  et  Mitbon  de  Genoùilly  dir  Lmsfù^l  et  de  lai  CôUh 


164  BATAILLES.— 1782. 

ronne^  matelots  d'avant  et  d'arrière  de  la  Ville-de-Paris 
étaient  si  nombreux  que,  en  attendant  le  jugement  du  Con- 
seil de  guerre,  ces  deux  officiers  avaient  été  renfermés,  le 
premier  au  château  de  Saumur,  l'autre  dans  celui  d'Oues- 
sant.  D'autre  part,  le  ministre  de  la  marine  avait  écrit  au 
chef  d'escadre  de  Bougainville  que  le  roi  était  satisfait  de 
sa  conduite  et  trouvait  ses  services  agréables.  On  a  pu 
voir  que  l'opinion  des  juges  fut  entièrement  opposée  à  celle 
prématurément  formée  sur  la  conduite  que  ces  trois  offi- 
ciers avaient  tenue  à  la  bataille  de  la  Dominique.  Le  juge- 
ment nous  apprend  du  reste  que,  mis  hors  de  cause 
malgré  la  reddition  du  vaisseau  qu'il  montait,  le  lieute- 
nant général  de  Grasse  n'en  fut  pas  moins  laissé  respon- 
sable des  résultats  de  la  bataille  de  la  Dominique. 

La  consternation  fut  grande,  en  France,  à  la  nouvelle  de 
l'issue  malheureuse  de  cette  bataille.  On  comprit  combien 
on  aurait  de  peine  à  réparer  l'échec  que  la  marine  venait 
d'éprouver;  et,  par  un  acte  de  patriotisme  spontané,  les 
deux  frères  du  roi  offrirent  un  vaisseau  de  80  canons.  De 
leur  côté,  les  États  de  Bourgogne,  les  marchands  et  les  né- 
gociants de  Paris,  de  Marseille,  de  Lyon  et  de  Bordeaux  of- 
frirent chacun  un  vaisseau  de  110'^.  L'élan  ne  s'arrêta  pas 
là;  chacun  voulut  se  frapper  d'impositions  et  de  contribu- 
tions extraordinaires,  pour  que  les  vaisseaux  dont  la  con- 
struction était  ordonnée  fussent  mis  en  état  de  prendre  la 
mer  le  plus  tôt  possible.  Ces  dernières  offres  ne  furent  pas 
acceptées. 


A  son  arrivée  au  Cap  Français  de  Saint-Domingue,  après 
la  bataille  de  la  Dominique,  le  chef  d'escadre  marquis  de 
Yaudreuil  trouva  sur  rade  les  deux  vaisseaux  le  Sagittaire 
et  YEœperiment  arrivés  avec  le  convoi  et,  comme  je  l'ai  dit, 
16  vaisseaux  espagnols  sous  les  ordres  du  chef  d'escadre 
Solano.  L'échec  que  la  marine  venait  d'éprouver  força  le 
nouveau  commandant  en  chef  de  l'armée  française  à  re- 


BATAILLES.  —1782.  165 

noncer,  encore  une  fois,  au  projet  que  les  Cours  de  Ver- 
sailles et  de  Madrid  concertaient  depuis  si  longtemps  contre 
la  Jamaïque.  On  tergiversa  beaucoup  sur  l'emploi  des  for- 
ces navales,  et  il  fut  enfin  décidé,  dans  un  conseil  tenu  par 
les  officiers  généraux  de  terre  et  de  mer  des  deux  puis- 
sances alliées,  que  l'armée  française  irait  chercher  dans 
l'Amérique  du  Nord  les  secours  qu'on  ne  pouvait  lui  pro- 
curer aux  îles  et  dégager  en  même  temps  la  côte  des  croi- 
seurs anglais  qui  empêchaient  les  vivres  d'arriver  aux 
colonies  françaises  ;  que  l'escadre  espagnole  se  rendrait  à 
la  Havane,  à  l'exception  de  3  vaisseaux  qui  resteraient  à 
Saint-Domingue  avec  le  Palmier  et  le  Scipion.  En  consé- 
quence de  cette  décision ,  les  deux  escadres  quittèrent  le 
Cap  Français,  passèrent  par  le  vieux  canal  de  Bahama, 
et  se  séparèrent  devant  la  Havane.  Celle  des  Français  était 
composée  comme  il  suit  : 

Canons. 

Triomphant capitaine  Montcabrié  de  Peyte. 

marquis  de  Vaudreuil^  lieutenant  général  (1). 

Auguste capitaine  chevalier  de  Biré. 

80  {  comte  de  Vaudreuil,  chef  d'escadre  (1). 

Duc-de- Bourgogne.   .  .  .  capitaine  de  Ghampmartin. 

chevalier  Coriolis  d'Espinouse,  chef  d'esc. 

Couronne capitaine  Mithon  de  Genouilly. 

Brave —       comte  d'Amblimont. 

Souverain —       commandeur  de  Glandevès. 

Pluton —        d'Albert  de  Rions. 

Bourgogne —        chevalier  de  Gharitte. 

74   (  Neptune —       Renaud  d'Aleins, 

Citoyen —        d'Ethy. 

Northumberland.    ....        —        chevalier  de  Médine. 

Hercule —       chevalier  de  Puget-Bras. 

Magnifique —        Macarty  Macteigue. 

64      Éveillé —       Le  Gardeur  de  Tilly. 

(  Experiment.  .......        —       chevalier  de  Coatlès. 

j  Sagittaire —        Montlue. 

Frégates  :  Amazone ^  Néréide ^  Isis, 

Le  Sceptre  reçut  une  mission  dont  je  parlerai  bientôt. 
Arrivé,  le  6  juillet,  à  la  hauteur  de  la  Chesapeak,  le 


(1)  J'ai  donné  de  suite  au  marquis  et  au  comte  de  Vaudreuil  le  grade  auquel 
ils  furent  promus  le  14  août  suivant. 


466  BATAILLES.-  1782. 

lieutenant  général  de  Vaudreuil  détacha  la  ff  égatp  1$^  j(V4- 
réide  pour  pfévenir  le  général  Rocbambeau  qii'U  sq  rendait 
à  Boston,  qt  il  continua  sa  route  ver^  le  Nord,  hf^  S  apdtt 
Fi^rmée  navale  mouilla  sur  la  rade  d^  Nantasl^et  çt,  }e 
lendemaii),  elle  entra  à  Boston. 

A  quelques  jours  de  là,  le  Magnifique  fat  jeté  p^ç  gQp 
pilpte  sur  nie  Lowels  ;  il  ne  put  être  relevé ,  mai^tPUtffQp 
inatérïél  fut  sauvé.  Comme  témoignage  de  \^  p^rt  qn'il 
prenait  à  cette  perte,  le  Congrès  4es  Éta^s-Unis  offi-U  im- 
médiatement de  remplacer  ce  vaisseau  ;  et,  plu^  t^d»  il  ^t 
don  à  la  France  de  YAmerica^  premier  vais^ea]i  qoQSt^it 
sur  les  cbantiers  américains. 

L'apparition  de  l'armée  française  sur  la  QÔte  jetft  1:4- 
larme  ëur  tous  les.  points  occupés  par  les  Anglais;  Igs 
crainte^  ne  cessèrent  c^u'à  l'arrivée  de  Tamiral  Figpt  4é$igRé 
pour  remplacer  T amiral  Rodney  dans  le  QQiKiPif^d^iQ^t 
des  forces  navales  de  T Angleterre  aux  Antilles  et  sur  ^ 
côte  d'Amérique; 

On  avait  travaillé  avec  ardeur  à  mettre  les  vaisseaux 
de  la  division^^çi  Vinde  en  état  de  reprendre  la  mer;  mais 
les  réparations  n'avaient  pas  marché  aussi  promptement 
qu'on  l'eût  dé^ré,  parce  que  les  bâtiments  atrJY(^3  i^ec  ^® 
commandant  de  Suffren  étaient  dépourvus  de  rechaiiges. 
En  France,  qn  avait  ço|ppté  sur  les  ressource^  de  Me  ^e 
France,  et  ces  ressources  étaient  nulles,  puisque  les  deux 
convois  qui  devaient  approvisionner  cette'  col(}][{i۔  ^valent 
été  enlevés  pifr  lès  Anglais. 

Cepend^Qt tes  nouvelles  dé  Tlnde  annonçaie;|tqi)eHyder 
Ali  faisait  éprouver  de  fréquents  échecs  aux  Anglais  et  ijae 
les  Marattes  paraissaient  disposés  à  les  attaquer  du  côté  de 
Malabar  :  il  devenait  donc  urgent  de  profiter  de  ces  cir- 
constances. Le  commandant  d'Orves  appareilla  de  l'île  de 
France,  le  7  décembre  1781,  et  se  dirigea  sur  la  côte  de 
Coromande}  avec  un  convoi  qui  portait  3,100  hommes  de 
troupes.  Le  lô  janvier  suivant,  T escadre  eut  co^nais3^^çe 


BATAILLES.  — 1782.  167 

d'un  vaisseau  anglais,  ^ui  fut  chassé,  mais  infructueuse- 
ment, par  le  Héros  et  V Artésien.  Toutefois,  les  qal^ps  et 
les  brises  folles  empêchèrent  ce  vaisseau  de  s'éloigner  et, 
le  21,  on  r apercevait  encore  ;  il  fut  chassé  de  nouveau  par 
le  Héros^  Y  Artésien  et  le  Vengeur.  Le  Héros  l'atteignit  le 
premier.  Le  vaisseau  anglais  lui  tira,  à  grande  distance, 
deux  bordées  sans  effet,  auxquelles  il  ne  riposta  que  lors- 
qu'il fut  à  demi-portée  de  canon  :  son  feu  devint  alors 
tellenfîent  nourri  et  fut  si  bien  dirigé,  que  le  vaisseau  an- 
glais avait  amené  avant  l'arrivée  de  Y  Artésien  et  du  Ven-' 
geur.  Ce  vaisseau  était  THannibal  de  50"^  (1) ,  capitaine 
Christie  ;  il  avait  été  expédié  de  Sainte-Hélène  pour  annon- 
cer l'arrivée  de  2  autres  vaisseaux  et  de  plusieurs  trans- 
ports chargés  de  troupes  et  de  munitions.  Ce  vaisseau  fut 
immédiatement  incorporé  dans  l'escadre,  et  le  commande- 
nqent  ep  fut  donné  au  lieutenant  de  vaisseaa  chevalier  Mo* 
rard  de  Galle  qui  commandait  la  frégate  la  Pourvoyeuse. 
La  santé  du  commandant  d'Orves  dépérissait  de  manière 
à  donner  des  inquiétudes  ;  à  quelques  jours  de  là,  il  remit 
la  direct joq  de  re§fi^(lre  au  capitaine  de  Suffren.  Cet  ofEcier 
supérieur  mourut  le  9  février,  et  le  bailli  de  Suffren,  qui 
avait  été  nommé  chef  d'escadre  un  mois  avant,  prit  le  com- 
mandemenli  .en  chef  des  forces  navales  de  la  France  dans 
la  mer  des  In(}es.  Quelques  changements  eurent  lieu  im- 
mwi^temçnt  pa«rmi  les  capitaines  de  l'escadre;  je  rappelle 
ci-aprèis  sq.  composition  : 

Canons. 

f  Héros capitaine  Moissac. 

j  bailli  de  Suffren,  c|ief  é^escadre. 

^  Orient. "^V  capitaine  de  Lapallière. 

Annibal i\       —       de  Tromelin. 

Vengeur —       comte  de  Forbin. 

Sévère.  . —       chevalier  de  Villeneuve-Cillart. 

Sphinx —        vicomte^  Duchilleau  de  Laroche. 

64  (  Bizarre. —       chev.  de  LalandeUe-Roscanvec. 

Artésien —  .     Bidé  .de  Maurville. 

Ajax —       BouYctt. 

Brillant ~        de  Saint-Félix. 

(1)  Afin  de  distinguer  ce  vaisseau  de  V Annibal  français^  je  conserverai  à  cette 


168  BATAILLES.  — 1782. 

(  Flamand —       de  GaTerriUe. 

l  Harmibal —       cheYalier  Morard  de  Galle, 

Frégates  :  Pourvoyeuse^  Fine,  Bellone. 
CorTeites  :  Subtile,  Sylphide,  Diligent  (1). 

L'escadre  arriva  en  vue  de  Madras,  le  16  février  :  9  vais- 
seaux anglais  et  2  frégates  étaient  à  l'ancre  sur  cette  rade, 
sous  la  protection  du  fort  Saint-Georges  et  des  batteries 
de  la  ville  noire,  La  supériorité  de  l'escadre  française  dis- 
paraissait donc  grandement  devant  la  force  des  batteries 
de  terre.  Le  chef  d'escadre  de  Suffren  eut  cependant  la 
pensée  d'attaquer;  le  souvenir  de  ce  qui  s'était  passé  au 
combat  de  la  Praya  et  à  son  arrivée  à  l'île  de  France  l'ar- 
rêta :  il  craignit  de  compromettre  dans  un  premier  combat 
le  prestige  qui  entourait  le  nom  français  dans  l'Inde.  Mus 
ne  voulant  pas  qu'on  pût  lui  imputer  plus  tard  le  parti, 
quel  qu'il  fût,  qui  allait  être  pris,  il  tint  à  ce  que  chacun 
assumât  une  partie  de  la  responsabilité,  et  il  exigea  que 
chaque  capitaine  se  prononçât  sur  la  coopération  qu'il 
comptait  apporter  dans  le  cas  où  il  prendrait  roflFensive.  Il 
appela  donc  les  capitaines  en  conseil  et  leur  demanda  leur 
opinion  sur  l'opportunité  de  l'attaque.  Tous,  moins  un,  émî- 


prise  son  orthographe  anglaise  et  je  la  désignerai  sous  le  nom  à!Hœmibalf  d« 
préférence  à  celui  de  Petit  Annibal  qui  lui  fut  donné  dans  l'escadre. 

(t)  Les  rapports  du  commandant  en  chef  de  l'escadre  de  l'Inde  m*ont  peimis 
de  suivre  avec  soin  les  mutations  fréquentes  des  capitaines,  mutations  dont 
M.  Cunat,  Histoire  du  bailli  de  Suffren,  seul,  de  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit 
les  campagnes  de  l'Inde,  a  tenu  compte.  Et  cependant,  je  dois  le  dire,  les  indi* 
cations  de  mouyements  que  j'ai  trouvées  dans  ces  rapports  ne  sont  pas  toujours 
d'accord  avec  celles  portées  aux  rôles  d'équipage  ou  aux  états  de  situation. 
Ainsi,  par  exemple,  en  ce  qui  concerne  le  chevalier  de  Galle,  le  bailli  de  Suf- 
fren dit  qu'à  son  arrivée  à  l'Ile  de  France,  le  commandement  de  V Annibal  fut 
donné  au  capitaine  de  Tromelin  et  celui  de  la  frégate  la  Pourvoyeuse  au  lieu- 
tenant de  Galle.  Ce  mouvement  est  confirmé  par  le  rôle  d'équipage  de  VAn- 
nibal  sur  lequel  on  lit  l'annotation  suivante  à  la  suite  du  nom  du  chevalier  de 
Galle  :  «  Passé  capitaine  de  la  Pourvoyeuse  le  1"  novembre  1781.  »  A  quelques 
mois  de  là,  cet  officier  fut  nommé  au  commandement  du  vaisseau  anglais  cap- 
turé VHannibal  qu'il  conserva  pendant  toute  Tannée  1782.  Les  états  de  revues 
établis  par  le  port  de  Brest  désignent  cependant  le  chevalier  de  Galle  comme 
commandant  de  V Annibal  pendant  les  années  1782  et  1785.  J'ai  pris  pour  bonnes 
les  indications  du  commandant  en  chef,  dans  la  pensée  que  les  mutations  qu'il 
était  autorisé  à 'faire  et  qu'il  indiquait  dans  sa  correspondance  officielle  avaient 
bien  pu  n'être  que  tardivement  connues  en  France. 


BATAILLES. -^  1782.  169 

rent  l'avis  qu'il  ne  fallait  pas  combattre  (1).  Le  chef  d'esca- 
dre de  Suffrense  rangea  à  l'avis  de  la  majorité.  L'escadre 
avait  momentanémentlaissé  tomber  l'ancre  à  3  milles  dansle 
Nord  de  Madras.  Sa  présence  étant  inutile  dansces  parages, 
signal  fut  fait  d'appareiller  et  de  gouverner  au  Sud  ^  le  convoi 
reçut  l'ordre  de  se  rendre  en  route  libre  devant  Pondichéry, 
en  élongeant  la  côte  ;  les  vaisseaux  gouvernèrent  un  peu 
plus  au  large.  En  voyant  l'escadre  française  faire  route  au 
Sud,  le  contre-amiral  Hughes,  qui  n'était  pas  sans  se  pré- 
occuper beaucoup  de  la  conservation  des  anciennes  pos- 
sessions hollandaises,  à  la  prise  desquelles  la  marine  avait 
pMssamment  contrij^ué  et  que,  dans  le  moment,  ses  vais- 
seaux seuls  *pou"Vaient,  défendre,  le  contre-amiral  anglais 
mit  sous  voiles  ^.  mais  en  voyant  les  navires  du  commerce 
suivre  une  route  différente  de  celle  que  l'escadre  avait  prise, 
il  conçut  la  pensée  d'enlever  ce  convoi  et,  dès  qu'il  fit  nuit, 
il  lui  donna  lâchasse.  Excités  par  la  prise  de  quelques  na- 
vires, les  vaisseaux  anglais  ne  conservèrent  aucun  ordre, 
et  lorsque  le  jour  se  fit,  le  17,  ils  furent  aperçus  dispersés 
sous  le  vent.  Le  fiheî  d'escadre  de  Sulfren  fit  de  suite  le 
signal  de  leur  donner  la  chasse  en  route  libre.  La  faiblesse 
et  les  variations  de  la  brise  contrarièrent  l'exécution  de  cet 
ordre.  L'amiral  anglais  put  rallier  ses  vaisseaux  et  les 
ranger  en  bataille,  les  amures  à  bâbord.  Le  chef  d'escadre 
de  Sulfren  en  fit  autant  à  distance  convenable,  et  à  3**  de 
l'après-midi,  il  ordonna  de  laisser  arriver  quatre  quarts 
largue  sur  l'escadre  anglaise  qui  l'attendait  rangée  comme 
ci-dessous  : 

GanoDS. 

64      WoRCESTER capitaine  Charles  Wood. 

70      BuRFORD —       Peter  Rainier. 

72      MoiNMOUTH —        Âlms. 

64      Eagle ~       Ambrose  Riddals. 

74      SupERD —       Stevens. 

sir  Edward  Hughes,  conlre-amiral.r 

74      MoNARCA capitaine  John  Gell. 


(I)  C'était  le  capitaine  Perrier  de  Salverl,  de  la  Bellone, 


i7p  ByyTAlLLpS.  — 1782. 

82      Hero —        Hawker.  ; 

60      Isis —        Lumley. 

71      ExETER Reynolds. 

|\ichar4  KiDg^  commodore. 
Frégates  :  Combustion,  Sea-horse. 

Les  manœuvres  d'escadre  offrent  des  difficultés  qu'une 
longue  pratique  et  une  connaissance  parfaite  de  son  v^s- 
seau  permettent  seules  à  un  capitaine  dq  surmonter.  Paripi 
ces  manœuvres,  il  en  est  qui  sont  plvis  difficiles  les  unes  que 
les  autres,  et  celles  qui  ont  pour  objet  de  fjiire  courir  une 
escadre  grand  largue  ou  vent  arrière  sont  cçftaipement  les 
plus  épineuses.  La  difficulté  est  d'autant  plus  grapdequ§ 
la  marche  des  vaisseaux  est  plus  différeptQ.  Ge^  hotiolKf 
élémentaires  aujourd'hui,  le  bouillant  chef  #i(pi.dre  qui 
commandait  les  forces  navales  de  la  Frajnce  dans  I'Iq^C), 
oublia  trop  souvent  d'en  tenir  compte;  et  ïï  îi|i  arriva d'i^t- 
tribuer  à  ses  sous-ordres  des  résultats  qu'il  p'avjj|;  p^  tou- 
jours dépendu  d'eux  de  prévenir.  Qu'on  S|^  rappelle,  en 
effet,  que  sur  les  12  vaisseaux  qui  composaient  actuelter 
ment  l'escadre,  2  ou  3  seulement  étaient  doublés  en  cuivre, 
et  que  les  autres  étaient  mailletés  ;  que  pinsieùrs  capitaines 
n'avaient  pas  encore  navigué  avec  le  vaisseau  qu^l^gni- 
mandaient;  que  quelques-uns,  enfin,  commandaienf  ppiir 
la  première  fois,  et  l'on  verra  si,  avec  de  sembUbles  élôf 
ments,  il  n'y  avait  pas  lieu  de  prendre  des  préc||ifjj|^s  au:î^- 
queltes  le  commandant  en  chef  ne  songea  malheufeuseiq^ieQt 
jamais.  L'escadre  française  gouvern?^  donc  en  o^dre  de 
marche,  quatre  quarts  largue,  sur  les  Anglais;  et  copipae 
ceux-ci  couraient  toujours  de  l'avant,  il  en  résulta  que, 
lorsqu'à  3^  15™,  elle  s'en  trouva  à  portée  convenable,  les 
vaisseaux  de  tète  ne  portaient  plus  que  sur  la  queue  de  la 
colonne  ennemie.  Serrant  alors  le  vent,  bâbord  amures, 
le  Héros  remonta  la  ligne,  en  la  canonnant,  jusqu'au  Su- 
PERB  par  le  travers  duquel  il  s'arrêta^  4  vaisseaux  imitè- 
rent sa  manœuvre  et  cijoisirent  chacun  pour  adversaire  un 
des  vaisseaux  placés  en  arrière  du  Superb.  Voici  l'ordre 
dans   lequel  les  Français  se   présentèrent.  Ainsi  que  je 


B4TA1LI.es.  — 1782.  171 

l'ai  dit,  le  Béro^   marchait  ^n  tête  ;   yepa|pnj   pi^sïiilp 
Y  Orient  y  le  Sphinx^  le   Vengeur^  YHannibaty  Y^nnibç^U 
le  Bnarre^  le  l^évère^  XAJQ^^  le  Flamand,  YAr(èsi^n;  le 
Brillant  fermait  la  marche.  Qn  voit  qu^Up  était  la  position 
des  depx  escadres  ;  leg  g  d^r^i^^s  vaisseaux  aDglais,  étajenit 
attaqués  et  les  4  de  tête  i^e  cpncjbattaient  pas  ;  du  côté  de? 
Français,  c'étaient,  au  contraire,  le^  5  preipie^^  vs^ssgîiux 
qui  se  battaient;  ]e^  1  autrei^,  qui  oyaient, sqrré  le  v^nt 
plus  Ou  moins  promptement,  étaient  derrière  ceux-là  et.î^ii 
feut»  6t  n'avaient  pas  d'ennemis  péif  lejnr, travers.  Up  3igi}^l 
qui  resta  en  permanence  à  bord  du  Rèro^  leur  prescrivit 
4e  prendre  un  poste  qpi  leur  permît  de  cpmbattre  :  ils  n'en 
tinrent  auc^n  compte.  Deux  vaisseau?:  seulement  se  portè- 
rent sous  le  vent  de  la  ligne  ennemie  et  créèrent  à.  ceux  de 
la  queue  des  difficultés  dont  ceux-ci  ne  sortirppt  quç  grâce 
à,  rii^teryentipn  de  leur  avantTgarde  qui  vira  de  bord  lof 
pour  lof  pour  leur  venir  en  aide,  et  qui  obligea  les  2  frfiq- 
çais  à  passer  de  nouveau  de  l'autre  côfé  de  la  ligpe.  Tou- 
tefois, cette  iutfirveption  avait  été  tarfjiye,  et  le^  vaisseçi^x 
attaqués  furent  très-mal  traités  ;  il  fut  heufiqujç  j)puj  ^y^ 
(|U6]a,Quit  vînt  mettre  un  terme  au  qo]T|ba^,  Une  njpiji^^e 
TiBscadre  frapçaise  se  borna  \  tirer  de  loji^.eti  Qornroe  le 
dit  le  commandant  en  chef,  à  s'étpurdif  p^^r  1^  tifuit  de  s^s 
canonsï  Igs  hpulets  de  ces  va^sseaiix  ne  portaient ,T|^êiqe  pas. 
Certain  désormais  qii' il  ne  pouyait  cprap^^çr,  sijr  la  cpjçp^p 
ration  de  leurs  capitaines^  le  cpmman^ant  e^  çljief  ,fîf  cp^^^r 
le  feu  à  la  nuit,  prit  le3  amures  àj'aptre  hcjrd.et  ajla 
iPQuiJler  à  Pondiçhéry  aygc  le  convoi.  Le  ^érps,,  YQ^rit^t 
et  le  Sphinx  avaient  été  très-maltraités.  Dij  côté  des  An- 
glaii?,  ce  furent  I'Exeter  et  le  Superb  qui.  souffrirent  le 
pjus  :  les  capitaines  Reynolds  et  Stey^ps,  de  ces  deux  vais- 
seaux, avaient  été  tués. 

Voici,  individuellement,  comment  les  choses  se  pas- 
sèrent : 

•  « 

Le  Héros  envoya  sa  première  bordée  à  l'ip^ETEif,  et  pro- 


172  BATAILLES.— 1782. 

longea  la  ligne  ennemie  jusqu'au  Superb  qu'il  combattit 
tant  qu'il  fit  jour. 

V  Orient  imita  la  manœuvre  du  Héros;  envoya  une  bor- 
dée aux  vaisseaux  ennemis  et  s'arrêta  par  le  travers  du 
Monabgâ  qui  devint  son  adversaire  définitif  et  qu'il  ne 
cessa  de  combattre  que  lorsqu'il  en  reçut  l'ordre. 

Le  Sphinx  suivit  son  chef  de  file,  envoya  une  volée  à 
l'ExETER  et  prit,  par  le  travers  du  Hero,  le  poste  que  son 
numéro  d'ordre  lui  donnait  dans  la  ligne.  Ce  vaisseau 
ne  cessa  son  feu  que  quand  le  commandant  en  chef  en  fit 
le  signal. 

Le  Vengeur  manœuvra  comme  les  3  vaisseaux  qui  le 
précédr^îent  ;  il  envoya  une  bordée  à  I'Exeter  ôt  combattit 
risis  jusqu'à  la  nuit. 

L'Hannibal  aurait  eu  aflaire  à  forte  partie  si  I'Exeter 
qu'il  combattait  n'avait  pas  préalablement  reçu  quatre 
bordées  destructives.  Sa  faiblesse  relative  rendait  néan- 
moins sa  position  périlleuse  ;  il  s'y  maintint  cependant  et, 
soutenu  plus  tard  par  2  vaisseaux  qui  obligèrent  I'Exe- 
ter à  combattre  des  deux  bords,  il  contribua  à  mettre  le 
vaisseau  anglais  en  quelque  sorte  dans  l'impossibilité  de 
continuer  la  lutte.  VHannibal  ne  cessa  de  combattre  que 
lorsque  le  signal  en  fut  fait. 

VAnnibal^  qui  était  le  sixième  vaisseau  de  la  ligne,  se 
trouva  sans  adversaire.  Au  lieu  de  se  placer  de  manière  à 
pouvoir  diriger  ses  boulets  sur  le  serre-file  anglais,  il  tint 
le  vent  par  la  hanche  de  bâbord  de  VHannibaU  à  grande 
distance,  et  resta  là  malgré  le  signal. qui  ne  cessa  de  flot- 
ter à  bord  du  Héros,  de  combattre  l'ennemi  à  portée  de 
pistolet.  Le  capitaine  de  ce  vaisseau  ne  crut  cependant 
pas  devoir  rester  silencieux  et  il  consomma  autant  de  pou- 
dre que  les  autres. 

Le  Bizarre  suivit  en  tout  la  manœuvre  de  son  chef  de  file. 

Le  Sévère  agit  de  même. 

VAjax,  qui  avait  serré  le  vent  derrière  le  Sévère,  reçut 
Tordre  de  combattre  Tennemi  sous  le  vent;  mais  le  capi- 


BATAILLES.  — 1782,  173 

taine  de  ÏAnnibàl  lui  ayant  signalé  de  ne  pas  quitter  son 
poste,  il  ne  TexécHta  pas. 

Le  Flamand  reçut  également  Tordre  de  prendre  position 
sous  le  vent  de  la  ligne  ennemie.  Ce  vaisseau  se  couvrit 
de  voiles  et  alla  combattre  au  poste  qu'on  lui  assignait. 
L'arrivée  des  4  vaisseaux  d'avant-garde  le  fit  passer  de 
nouveau  de  l'autre  côté. 

V Artésien  resta  au  vent  et ,  comme  les  autres ,  fit  un 
grand  feu,  quoique  hors  de  portée. 

Le  Brillant  venait  en  dernier.  Le  capitaine  de  ce  vais- 
seau ayant  demandé  et  obtenu  d'exécuter  le  signal  qui 
avait  été  fait  à  YAjax,  laissa  de  suite  arriver  et  prit  le 
travers  de  I'Exeter.  La  position  du  vaisseau  anglais  de- 
vint bientôt  fort  critique;  malheureusement,  une  avarie 
occasionnée,  dit-on,  par  des  boulets  français  de  l' arrière- 
garde,  firent  culer  le  Brillant  :  I'Exeter  était  presque  ré- 
duit. La  manœuvre  des  vaisseaux  anglais  de  l' avant-garde 
détermina  aussi  le  capitaine  de  Saint-Félix  à  passer  de 
l'autre  côté  de  la  ligne. 

Tel  fut  le  combat  du  17  février,  le  premier  que  le  chef 
d'escadre  de  Suffren  livra  dans  l'Inde,  combat  dans  lequel, 
malgré  une  supériorité  numérique  d'un  quart,  les  Français 
n'eurent  aucun  avantage  décisif.  Il  faut  toutefois  le  dire  : 
la  quantité  disparaissait  devant  la  qualité.  Ici  commença 
à  se  montrer  ouvertement  l'esprit  de  jalousie  et  d'indisci- 
pline contre  lequel  le  commandant  en  chef  eut  à  lutter 
pendant  toute  la  durée  de  son  commandement  et  qui  pa- 
ralysa constamment  les  faibles  moyens  dont  il  pouvait 
disposer.  Cet  esprit,  il  l'avait  prévu,  et  il  s'était  mis  en 
mesure  d'en  avoir  raison  (1). 


(1)  La  version  que  je  viens  de  donner  du  combat  du  17  février^  dit  générale- 
menl  combat  de  Madras,  diffère  essentiellement  do  celles  qui  ont  été  écrites  et 
qui  ont  été  empruntées,  presque  textuellement,  à  l'ouvrage  anglais  de  Clerk  (a), 
La  mienne  est  prise  dans  les  rapports  officiels  du  bailli  de  Suffren,  documents 

(a)  A  methodieal  esiay  on  the  naval  laetick». 


iii  BATAILLES. -^i7821: 

Le  chef  d'escadre  de  SuiTren  avait  eu  bdnii^ssaiicede  Ift 

prise  de  Negapatam  (1  )  par  les  Anglais  ;  cette  place  fivait 
succombé  à  Une  attaque  simultanée  par  terre  et  par  mer^  au 
mois  de  novembre  de  l'année  précédente.  Il  estima  roccasioa 
favorable  pour  la  replacer  sous  la  domitiationdb  laUoUaAde; 
mais  le  général  Ducfaemin  qui  commandait  les  th3upe3  q^0 
portail  le  convoi  ne  partagea  pas  cette  opinion.  Une  c|^ 
branches  du  Colerbon,  rivière  dont  la  source  est  dai»  les 
Gattes  vient,  après  avoir  traversé  le  royaume  de  Tangaoui'> 
se  jeter  à  la  mer  à  quelques  milles  dans  le  Sud  de  Porto- 
Novo  (2).  Cette  rivière,  malgré  sa  barre,  offrait  an  endroit 
commode  pour  le  débarquement  ;  ce  point  avait  été  indi- 
qué par  Hyder-Ali.  L'escadre  y  jeta  l'ancre,  et  les  troupe^ 
mises  à  terre  marchèrent  de  suite  sur  Goudelour  (3)  qui 
se  rendit  par  capitulation  le  4  avril. 

A  son  arrivée  dans  Flnde,  une  occasion  s'était  offerte 
qui  avait  permis  au  chef  d'escadre  de  Suffren  de  voir 
combien  la  discipline  y  était  relâchée  à  bord  des  bâtimentp. 
Il  s'en  était  plaint  au  ministre  de  la  marine  et  voici  à 
quelle  occasion.  Le  commandant  de  YAnnibal  ayant  été  tué 
au  combat  de  la  Praya,  il  avait  donné  le  commandement 
d&  ce  vaisseau  au  chevalier  de  Galle  qui  en  était  le  second. 
Lorsqu'il  arriva  à  l'île  de  France,  les  officiers  de  la  divisign 
de  rinde  ne  se  bornèrent  pas  à  critiquer  la  nomination  du 
chevalier  de  Galle,  ils  la  trouvèrent  injuste  et  déclarèrent 
au  commandant  d'Orves  être  prêts  à  donner  leur  démis- 
sion, s'il  ne  faisait  pas  droit  à  leur  réclamation.  Quelque 
inconvenante  et  surtout  subversive  de  toute  discipline  que 


précieux  qui  sont  épars  au  milieu  des  nombreux  papiers  non  classés  que  possèJo 
le  dépôt  des  cartes  et  plans  du  ministère  de  la  marine  et  dont  l'existence  ne 
parait  avoir  été  cnnnue  que  de  M.  Cunat  dont  l'intéressante  et  consciencieuse 
Histoire  du  bailli  de  Suffren  fait  exception  à  la  règle  générale. 

(i)  Negapatam,  principal  établissement  des  Hollandais  sur  la  côte  de  Coro- 
mande],  à  70  milles  au  Sud  de  Pondichéry. 

(2)  Porto  NoYO^  petite  ville  alors  au  pouvoir  du  Naliàb,  à  23  milles  dans  lè 
Sud  de  Pondichéry. 

(3j  Goudelour^  comptoir  anglais  à  36  nulles  au  Sud  de  Pondichéry. 


BAÎÀILLÉk.— iïéâ.  178 

fût  une  pareille  rfequête,  lé  èômiûfiaildàiit  d'OrVeé  l'afebùéillll 
favorablement.  Il  ne  ratifia  pas  le  choix  fclu  bailli  Û'e 
Suffren  et  nomma  un  des  ofticiers  dé  sa  diVision  au  cbtii- 
mandement  de  VAnnibal.  Cotntne  déidomtbâgémeiit,  li 
donna  la  frégate  la  Pourvoyeuse  aU  chevaliei*  de  Galle,  t)n 
pareil  ordre  de  choses  ne  pouvait  coH^eriii'  au  chef  d'es- 
cadre de  Suffren.  Aussi,  dès  qu'il  eut  rëiii]plaôè  Ife  côintaâh- 
dant  d'Orves,  établit-il  des  règles  de  serVîcé  qui  ttaçâlelit 
à  chacun  la  ligne  de  ses  devoirs.  C'était  sfedbhtër  lerhoyfeh 
de  sévir  aux  premiers  écarts.  Cela  tatdà  peu.  îl  avait 
fait  connaître  aux  capitaines  la  tactiqiië  qu'il  C6mj)taic 
suivre  suivant  les  circonstances,  laissant  d'iâilleûrs  chaciiii 
libre  de  sa  manœuvre,  celle-ci  devant  être  èubdrdôhiiée  à 
la  force  et  à  la  position  de  l'ennemi  ;  il  avait  déclaré  s'éh 
rapporter  aux  connaissances  et  à  la  valeur  des  capitaines 
pour  les  moyens  secondaires.  Malgré  ces  instructioiis  gé- 
nérales, données  pour  suppléer  au  défaut  d'ordres  immé- 
diats, il  vit,  dès  cette  première  affaire,  se  produire  l'esprit 
d'insubordination  qu'il  avait  déjà  remarqué  et  qui  nécessita 
l'emploi  des  mesures  les  plus  sévères. 


Les  maladies  commençaient  à  exercer  de  fâcheux  ratages 
dansl' escadre  de  l'Inde  ;  déjà  il  lui  manquait  1,000 hdmmes. 
Malgré  cela ,  impatient  de  combattre  de  nouveau  l'escadre 
anglaise  avant  l'arrivée  des  renforts  qu'il  savait  être  an- 
noncés, le  chef  d'escadre  de  Suffren  remit  à  la  voile  le 
23  mars.  Le  9  du  mois  suivant,  elle  lui  fut  signalée  dans 
le  N.-N.-E.  ;  lèvent  soufflait  de  rE.-N.-E,  Il  manosuvrâ 
pour  l'atteindre  ;  mais  la  faiblesse  de  la  brise  tint  plusieurs 
jours  les  escadres  en  préseuce  sans  que  les  Français  pussent 
engager  le  combat.  Le  12  au  jour^  les  positions  étaient 
changées  ;  quelques  variations  de  la  brise  ayant  permis  à 
l'escadre  française  de  gagner  le  vent,  le  chef  d'escadre  de 
Suffren  ordonna  une  chasse  générale  en  route  libre.  Les 
Anglais  qui  couraient  alors  vent  arrière  sur  Trinque^ 


176  BATAILLES.— i782. 

malé  (1)  dont  les  terres  s'apercevaient  au  loin,  se  ran- 
gèrent en  bataille  tribord  amures.  Profitant  de  l'inaction 
dans  laquelle  était  restée  l'escadre  française,  le  gouver- 
neur de  Madras  avait  dirigé  contre  cette  ville  une  expédi- 
tion qui  s'en  était  emparée  au  commencement  de  la  pré- 
sente année  1782.  Malgré  la  diligence  qu'avait  mise  le  chef 
d'escadre  de  Suffren  k  chercher  l'escadre  anglaise,  il  n'avait 
pu  réussir  à  la  joindre  avant  qu'elle  eût  été  renforcée  des 
vaisseaux  Sultan  de  82%  capitaine  Watt,  et  Magnanime  de 
72,  capitaine  Worseley;  elle  comptait  conséquemment 
11  vaisseaux  et  une  frégate.  La  supériorité  numérique  était 
donc  encore  aux  Français  qui  avaient  12  vaisseaux  et  3 
frégates.  Voici  Tordre  dans  lequel  les  Anglais  se  ran- 
gèrent : 

Canons. 
64     ËxETER capitaine  Robert  Montagu. 

Richard  King,  commodore. 

82      Sultan capitaine  James  Watt. 

64      Eagle —       Ambrose  Reddals. 

70      BuRFORD —       Peler  Rainier. 

72      MoNMOUTU —       James  Aims. 

74      SuPERB —        Mac  Lellan. 

sir  Edward  Hughes,  yice-amiral 

70      Monarcâ capitaine  John  Gell. 

72      Magnanime —       Charles  Wolseley. 

60      Isis. —       Lumley. 

82     Hero —       Hawker. 

64      Worcester —       Charles  Wood. 

La  manœuvre  du  vice-amiral  anglais  fit  suspendre  la 
chasse  ;  le  commandant  en  chef  rallia  ses  vaisseaux  et  les 
établit  aussi  en  bataille  du  même  bord  que  Tennemi.  A 
midi,  il  laissa  arriverde  nouveau  grand  largue,  sur  la  ligne 
du  plus  près  et,  à  1^  30°,  serrant  le  vent  tribord  amures, 
il  fit  le  signal  de  commencer  le  feu  ;  une  portée  de  fusil 
séparait  à  peine  les  deux  escadres.  Les  vaisseaux  français 
se  trouvèrent  rangés  comme  il  suit  : 


(1)  Trinquemalé,  vaste  port  sur  la  cdte  N.-E.  de  llle  de  Coyian  à  72  lieues 
dans  le  Sud  de  Pondichéry. 


BATAILLES. — 1782.  177 

Gauons. 

fil   I  rew^éfwr capitaine  comte  de  Porbin. 

\  Artésien —  Bidé  de  Maurville. 

50      Hnnnihal —  chevalier  Morard  de  Galle. 

6i     Sphinx —  vicomte  Duchilleau  de  Laroche. 

74      Héros --  Moissac. 

bailli  de  Snffren,  chef  d'escadre. 

74      Orient capitaine  de  Lapalliëre. 

{Brillant —  de  Saint-Félix. 

Sévère —  chevalier  de  Villeneuve-Cillart. 

Ajax —  Boavet. 

74      Annibal —  de  Tromelin. 

50      Flamand —  de  Cuverville. 

64     Bizarre —  chevalier  de  LalandelleRoscanvec. 

Le  passage  de  Tordre  de  marche  sur  une  ligne  de  relè- 
vement à  Tordre  de  bataille  est  une  manœuvre  difficile  si, 
pendant  qu'ils  couraient  grand  largue,  les  vaisseaux  n'ont 
pas  eu  Tattention  de  se  maintenir  sur  la  ligne  indiquée. 
Malheureusement,  dans  cette  circonstance  encore,  Texécu- 
tion  de  Tavant-dernier  signal  avait  laissé  à  désirer  et, 
lorsque  Tordre  de  tenir  le  vent  fut  donné,  les  vaisseaux 
ne  se  trouvèrent  pas  sur  la  même  ligne  ;  les  deux  premiers, 
encore  trop  au  vent,  avaient  dépassé  la  tête  de  la  colonne 
ennemie,  tandis  que  les  cinq  derniers  étaient  de  Tarrière  et 
beaucoup  au  vent.  Dans  cette  position,  le  feu  de  ces  7  vais- 
seaux était  sans  effet  et,  en  réalité,  5  vaisseaux  seulement 
combattaient.  Aucun  signal  ne  put  décider  les  capitaines 
des  premiers  à  se  rapprocher,  et  les  autres  durent  continuer 
seuls  une  lutte  dont  les  suites  indiquèrent  quel  aurait  pu 
être  le  résultat  du  combat,  s'ils  eussent  été  imités.  Le  Mon- 
MouTH,  écrasé  sous  le  feu  de  Tartillerie  du  Héros,  perdît 
deux  de  ses  bas  mâts  et  c'en  était  probablement  fait  de  ce 
vaisseau,  si  le  vice-amiral  Hughes  ne  fût  venu  s'interposer 
entre  lui  et  le  Héros.  Mais  le  vaisseau  amiral  français  avait 
lui-même  des  avaries  fort  graves  qui  ne  tardèrent  pas  à 
nécessiter  l'intervention  des  2  vaisseaux  qui  le  suivaient. 
Incapable  de  soutenir  un  semblable  choc,  le  Superb  fut 
forcé  de  chercher  un  abri  derrière  le  vaisseau  au  secours 
duquel  il  s'était  porté  avec  tant  d'empressement.  La  situa- 
tion se  compliquait.  Pour  en  sortir,  le  commandant  en 
IL  12 


ilï  BATAILLES.  — 4782. 

chef  de  Tescadrô  anglaise  fit  virer  ses  vaisseaux  lof  pour 
lof  tout  à  la  fois  à  3**  45".  Cette  manœuvre  était  devenue 
d'autant  plus  nécessaire  que  T arrière-garde  inoccupée,  ou 
du  moins  peu  occiif)éé  d'abord,  était  maintenant  assez 
vigoureusement  pressée  par  les  Français  de  cette  partie. 
L'évolution  s'effectua  avec  précision  et  un  des  vaisseaux 
prit  le  MoNMOUTH  à  la  remorque.  Le  chef  d'escadre  ae 
Suifren  n'avait  cependant  pas  l'intention  d'abaiîdonner  œ 
dernier  vaisseau  qui  n'était  plus  en  état  de  combattre.  Il 
ordonna  à  son  escadre  d'exécuter  le  mouvement  que  ve- 
naient de  faire  les  Anglais  ;  mais  les  choses  se  {)assèrent 
diiOFéremment  de  son  côté.  Les  deux  vaisseaux  de  tête  Hê- 
sitèrent  et  firent  l'évolution  avec  lenteur.  Un  des  vaissèàiii 
de  l'arrière-garde,  au  lieu  de  virer  vent  arrière,  envoya  veiil 
Hevant  et  quoique  ayant  manqué  plusieurs  fois  son  mou- 
vement, persista  à  virer  de  la  même  manière.  Pour  comblé 
de  contrariétés,  le  feu  prit  à  bord  de  Y  Orient  au  moinént 
où  il  achevait  son  évolution.  Toujours  prêt  à  soutenir  ses 
camarades,  le  cajpitaine  du  Brillant  se  plaça  entre  lui  et 
l'ennemi,  au  risque  d'être  incendié  lui-même  et  lui  donna 
la  possibilité  de  travailler  de  suite  à  éteindre  l'incendié. 
Cet  événement  compléta  le  désordre  de  l'escadre  française  ; 
ciiacun  combattit  comme  et  où  il  put.  A  5^  15"*,  le  Héràs 
péirdit  son  petit  mât  de  hune,  et  ce  vaisseau  ne  manœuvrant 
plus  qu'avec  difficulté,  le  chef  d'escadre  de  Suffren  passa 
sur  YAjax.  5  vaisseaux  français  combattaient  seuls  àloiris; 
lés  autres ,  plus  ou  moins  avariés ,  restaient  de  Tartiërèl 
Cependant  l'escadre  anglaise  approchait  toujours  de  la  - 
côte  et,  depuis  quelque  temps,  les  éclats  précipitée  'dîî 
tonnerre  se  mêlaient  aux  détonations  de  l'artillerie.  tJné 
forte  pluie  d'orage  augmentait  l'obscurité  qui  commeiiipâii 
à  devenir  profonde.  Le  chef  d'escadre  de  SuÔren  ordonna 
de  cesser  le  feu  et  laissa  chaque  capitaine  libre  de  sa  ma- 
nœuvre pour  la  sûreté  de  son  bâtiment.  Tous  mirent  le  càp 
au  Nord;  plusieurs  vaisseaux  avaient  talonné.  A  8^  IB", 
lorsque  l'orage  eut  perdu  de  sa  force,  signal  fut  îiâit  âë 


ëAi'ÂiLLËS.— 17^2.  179 

laisser  tomber  l'ancre  :  cJiaqué  vaisseail  liiomllà  8&  il  le 
trouvait.  L'obscurité  était  si  grande  que  la  frégate  la  Jt'inè, 
ciierchant  lé  Èè'ros  pour  lui  donner  là  i*enà6i:qué,  iôaîDà 


iterpellèn 
grandes,  qu'ils  ne  songèrent  même  pas  à  brûler  Une  amorce, 
lin  grain  qui  gonfla  les  voiles,  par  tiasard  convenablement 
disposées  de  la  trégate  française,  la  dégagea  fort  heiii*eu- 
sèment.  Le  jour,  en  se  faisant,  laissa  voir  les  deux  escadres 
à  l'ancre^  à  2  milles  l'uiie  de  ràiitre.  Leurs  avaries  et  leurs 
pertes  étaient  considérables;  les  capitaines  iran^is  de 
Villeneuve-CîUart  et  Morard  de  (îallé  êtàieût  blessés. 

Voici  maintenant  la  part  que  chacun  prit  à  cette  affaire. 

L'ExETER  ouvrit  le  feu  le  premier  et  le  dirigea  sur  le 
Vengeur  i  alors  que  ce  vaisseau  courait  encore  grand  largue* 
Lorsque  celui-ci  eut  loffé,  la  distance  qui  sépara  ces  deux 
adversaires  fut  si  grande,  qu'ils  brûlèrent  beaucoup  de  pou- 
dre sans  se  faire  aucun  mal.  Lé  éignal  fait  au  Vengeur  de 
serrer  l'ennemi  au  feu  resta  sans  effet,  et  le  virement  de 
bord  ordonné,  à  3'  45"*,  ne  fut  exécuté  pair  lui  qu'avec  in- 
décision et  lenteur. 

V Artésien  manœuvria  et  se  conduisit^  eii  tdûf  point, 
cbinnie  son  chef  de  file.  Il  échangea  ses  boulets  avec  lé 
Sultan,  sans  tenir  aucun  compte  de  Tordre  qui  lui  fut 
donné  de  combattre  de  plus  près.  Il  inît  de  la  lenteur  et  âè 
l'indécision  à  exécuter  le  virement  de  bord  ordonné  à 
3**  45"".  V Artésien  combattit  sur  le  iibùveâû  bord  jùsqi[*à 
ce  que  Tordre  de  cesser  le  feu  eût  été  donné. 

La  lutte  entre  YHdnnibal  et  T£àgl£  eut  une  autre  im- 
portance,  car  ces  vaisseaux  combattirent  à  là  distance  qui 
avait  iéié  ordonnée. 

Le  BuRFORD  fut  vigoureusement  serré  par  le  Spïiinçç. 
e  capitaine  de  ce  vaisseau  exécuta  avec  ponctualité  tous 
les  ordres  qui  lui  furent  donnés. 

Le  Héros  se  plaça  d'abord  par  le  travers  du  Sùperb; 


180  BATAILLES.— 1782. 

mais  quelque  temps  après ,  s' apercevant  que  le  Monmodth, 
qui  n'avait  pas  d'adversaire,  partageait  ses  coups  entre  le 
Héros  et  le  Sphinx^  le  commandant  en  chef  remonta  jus- 
qu'à lui  et  lui  fit  payer  cher  l'espèce  de  quiétude  dans  la- 
quelle il  était  resté  jusque-là.  Le  Monmouth  vit,  en  effet, 
son  mât  d'artimon  et  son  grand  mât  s'abattre  successive- 
ment, et  c'en  était  peut-être  fait  de  ce  vaisseau,  si  le  vice- 
amiral  anglais,  témoin  de  ce  désastre ,  ne  fût  venu  inter- 
poser son  propre  vaisseau  entre  les  combattants.  Ce  fut 
alors  le  Héros  qui  se  trouva  dans  une  position  critique. 
Ce^vaisseau  n'avait  pas  obtenu  le  résultat  que  je  viens 
de  dire  sans  avoir,  lui  aussi ,  grandement  souffert.  Les 
capitaines  de  Y  Orient  et  du  Brillant  comprirent  de  suite 
leur  devoir.  Simultanément,  et  sans  qu'il  eût  été  néces- 
saire de  leur  en  faire  le  signal,  ils  forcèrent  de  voiles, 
firent  au  Héros  un  abri  avec  leurs  vaisseaux  et  combattirent 
le  SuPERB  avec  une  vigueur  telle,  que  celui-ci  dut  aller 
chercher  un  abri  sous  le  vent  du  Monmouth.  Mais  cette 
nécessité  d'abandonner  le  poste  où  il  s'était  porté  ne  fit  pas 
oublier  au  commandant  en  chef  de  l'escadre  anglaise  la 
position,  en  quelque  sorte  désespérée,  de  son  chef  de  file-, 
pour  l'en  sortir,  il  ordonna  de  suite  de  virer  lof  pour 
lof  tout  à  la  fois,  et  le  Monmouth  fut  pris  à  la  remorque. 
Le  chef  d'escadre  de  Sulfren  fit  le  même  signal  à  ses  vais- 
seaux. Le  Héros  continua  de  combattre  à  l'autre  bord; 
mais,  démâté  de  son  petit  mât  de  hune ,  il  ne  gouverna 
bientôt  plus  qu'avec  difficulté.  Le  commandant  en  chef  dut 
quitter  ce  vaisseau  qui  ne  pouvait  plus  tenir  son  poste  et , 
laissant  au  capitaine  Moissac  le  soin  de  le  remettre  au 
moins  en  état  de  naviguer,  il  arbora  son  pavillon  sur 
ÏAjax'^  il  était  5^  15".  Le  fléros  suivit  de  loin  son  escadre 
et  laissa  tomber  une  ancre  lorsque  l'ordre  en  fut  donné. 

V  Orient  j  après  avoir  engagé  vigoureusement  le  Mo- 
NARGA,  imita  le  mouvement  du  Héros  ]  il  eut  dès  lors  le 
SuPERB  pour  antagoniste.  Lorsque,  dans  le  but  de  couvrir 
le  Monmouth  qui  avait  perdu  deux  de  ses  bas  mâts ,  le 


BATAILLES.  -  1782.  181 

vice-amiral  anglais  augmenta  de  voiles,  Y  Orient  le  suivit, 
protégea  le  Héros  et  contribua  à  forcer  le  Superb  à  chercher 
un  abri  sous  le  vent  de  la  ligne.  Ce  vaisseau  exécuta  Tordre 
de  virer;  mais,  dès  que  son  évolution  fut  terminée,  le  feu 
prit  à  son  bord  et  il  se  laissa  culer  pour  l'éteindre. 

Le  Brillant  combattit  d'abord  le  Magnanime,  imita  la 
manœuvre  de  Y  Orient  et  contribua  aussi  à  dégager  le  Héros 
et  à  obliger  le  Superb  à  passer  sous  le  vent  de  la  ligne.  Il 
vira  sur  le  signal  qui  en  fut  fait,  abrita  V Orient  lorsque  le 
feu  se  déclara  à  son  bord,  et  combattit  jusqu'au  signal  qui 
ordonna  de  cesser  de  le  faire. 

Le  Sévère ,  YAjax^  YAnnibal^  le  Flamand  et  le  Bizarre 
qui  n'avaient  pas  bien  tenu  leur  poste,  exécutant  à  la  lettre 
l'ordre  de  prendre  le  plus  près,  se  trouvèrent  tout  d'abord 
trop  auvent.  Les  signaux  de  laisser  arriver,  de  s'approcher 
davantage,  ne  purent  décider  leurs  capitaines  à  quitter  la 
position  qu'ils  avaient  choisie  et  dans  laquelle  ils  brû- 
laient leur  poudre  en  pure  perte.  Cependant  plus  tard, 
lorsque  le  Héros,  Y  Orient  et  le  Brillant  se  portèrent  en 
avant,  ces  vaisseaux  se  rapprochèrent  et  leurs  coups  eurent 
plus  d'efficacité.  Ils  exécutèrent  Tordre  qui  fut  donné  de 
virer  lof  pour  lof  tout  à  la  fois.  Seul  YAjax  vira  vent  de 
devant ,  mais  après  plusieurs  tentatives  infructueuses  qui 
ne  purent  décider  son  capitaine  à  effectuer  son  évolution 
vent  arrière.  Après  le  virement  de  bord,  ces  5  vaisseaux 
combattirent  d'une  manière  soutenue  jusqu'au  signal  de 
cesser  le  feu.  Ce  fut  YAjax  que  le  commandant  en  chef 
choisit  pour  porter  son  pavillon  lorsqu'il  quitta  le  Héros. 

Le  19,  Tescadre  française  mit  à  la  voile  pour  Benti- 
colo  (1)  où  elle  mouilla  le  lendemain  ;  mais  avant  de  faire 
route,  le  commandant  en  chef  manœuvra  de  manière  à  en- 
gager le  vice-amiral  anglais  à  |venir  tenter  de  nouveau  le 
sort  des  armes  au  large  des  bancs  derrière  lesquels  il  s'é- 


(1)  Benticolo^  petit  comptoir  hollandais  de  l'ile  de  Geylan  à  56  milles  au  Sud 
de  Trinquemalé. 


1^2  BATAILLES.  — 1782. 


r  (  i 


tait  en  quelque  sorte  fait  une  position  inexpugnable.  Gelul- 
çî  n'en  tint  aucun  compte,  et  entra  le  22' à  Xçinqùemale. 
Le  chef  d^êscadre  de'  Suffren  expédia  de  suite  uii  aviso 
au  gouverneur  de  l'île  de  france  pour  lui  faire  connaît^ 
sa  situation  et  lui  demander  des  mâtures  et  des  munitions.* 
Il  lui  disait  que  si,  forcé  par  les  circonstances,  il  lui  fallait 

«.'"II"  *  ,       ,      •  •     *■         :  .     ■  _         .  ■     j  I     ; 

quitter  la  côte,  il  irait  à  Malac,  et  il  le  priait  de  diriger  sur 
Pointe  àç  Galles  (1  )  les  secours  et  les  renforts  qii^on  lui 
enverrait. 

'  ^a  détermination  prise  par  le  c|ief  d'escadre  de  puffren 
d'aller  à  Benticolo  fit  dire  aux  Andais  que  la  victoire  leur 
était  restée.  Le  commandant  en  chef  de  l'escadre  française 
donnç  les  raisons  de  son  départ  ;  il  n  avait  pas  voulu  en- 
gager un  nouveau  combat  dans  des  eaux  aussi  peu  pro- 
fondes, et  avait  attendu,  mais  en  vain,  que  les  Anglais 
eussent  appareillé. 

'  L'a  relâche  à  Benticolo  causa  un  grand  désappointement 
dans  l'escadre.  Une  fermentation  sourde  ne  tarda  pas  à  se 
manifester  parmi  les  capitaines  et  dans  les  états-majors. 
On  discutait  la  possibilité  de  tenir  plus  longtemps  la  Iner, 
l'utilité  du  séjour  de  l'escadre  dans  ces  parages,  et  Ton 
n'hésitait  pas  à  avancer  que  le  retour  à  l'île  de  France  était 
çonimandé.  Ces  observations  intempestives  arrivèrent  jus- 
qu'au commandant  en  chef;  mais  le  bailli  de  Suffren  ne 
craignît  pas  de  sacrifier  les  intérêts  de  ses  sous-ordres  aux 
intérêts  du  service.  11  avait  vu  promptement  qu'il  était  de 
toute  nécessité  pour  la  France  d'avoir  une  force  maritime 
imposante  sur  la  côte  de  Coromandel,  et  il  comprit  l'effet 
fâcheux  que  son  départ  produirait  dans  les  circonstances 
actuelles.  Quitter  la  côte,  c  était  obliger  Hyder-AJi  â'iraiter 
avec  lès  Anglais.  Que  devenait  alors  le  corps  auxiliaire 

français?  En  vain  disait-on  que  1  escadre  reparaîtrait.  Si 

l^on  avait  éprouvé  tant  de  difficultés  â  la  mettre  en  état  de 


;î  '\ 


i,  (1)  Pointe  de  Galles,  possession  hollandaise  sur  la  côte  S.-O.  de  Ceylan. 


BATAILLES.  —  i7$2.  18? 

-»  ». 

reprendre  la  mer,  }es  embarras  eussent  f^^  ^utrçmeçt 
grands  4ans  l'état  où  elle  se  trouvait.  Le  prix  q^ie  le  oîj^f 
4'escadre  de  Suffren  attachait  à  la  présence  des  vaissea^i^ 
sur  la  côte  de  Coromandel  se  résume  parfaitement  bien 
dans  cette  phrase  par  laquelle  il  répondit;  à  la  demande 
qui  lui  était  faite  :  Plutôt  ensevelir  V escadre  sous  les  murs  de 
Madras!  Il  opposa  aux  mécontents  une  fermeté  contre  la- 
quelle les  criailleries  vinrent  s'émousser  et  il  n'hésita  paa 
à  sévir.  Il  est  hors  de  doute  que  sans  cette  énergie  du 
commandant  en  chef,  l'escadre  eût  encore  donné  le  triste 
spectacle  des  dissensions  qui  avaient  eu  un  résultat  si  f|l- 
cheux  à  une  autre  époque. 


Malgré  les  ordres  positifs  qu'il  avait  reçus  de  France, 
ordres  qui,  malheureusement,  étaient  connus  de  tous,  lô 
chef  d'escadre  de  Suffren  prit  donc  sur  lui  de  prolonger  son 
séjour  sur  la  côte.  Il  fit  travailler  immédiatement  à  réparer 
et  à  approvisionner  ses  vaisseaux  ;  grâces  aux  prises  qu'ils 
avaient  faites  et  aux  secours  que  les  Hollandais  leur  don- 
nèrent à  Benticolo,  ils  purent  recevoir  six  mois  de  vivres. 
Cela  fait,  l'escadre  se  rendit  à  Porto  Novo  et,  delà,  à  C|ou- 
delour.  ' 

Le  chef  d'escadre  de  Suffren  n'avait  pas  cessé  de  se 
préoccuper  de  la  prise  de  Negapatam,  la  plus  importance 
des  colonies  hollandaises  de  la  côte  de  Coromandel.  Trou- 
vant le  commandant  des  troupes  françaises  auxiliaires  aussi 
peu  partisan  de  cette  expédition  aujourd'hui  qu'il  Tétait  i 
son  arrivée  dans  l'Inde,  il  profita  du  séjour  de  l'escadre  |k 
Goudelour  pour  entiter  directement  en  relations  avec  Hy^der- 
Ali  et  lui  proposer  de  coopérer  à  l'attaque  de  cette  ville. 
Avec  l'aide  de  ce  prince,  il  put  embarquer  1200  hommes, 
dont  800  cipayes,  pour  compléter  les  équipages  des  vais- 
seaux et  en  outre  300  soldats  pour  les  opérations  par  terre. 
Après  avoir  fait  connaître  ses  projets  au  gouverneur  de 
nie  de  France,  et  |ui  aybir  i^ighfdé  %  ^çult^s  jje  plus 


184  BATAILLES. —1782. 

en  plus  grandes  que  lui  occasionnaient  le  dénûment  le 
plus  complet  d'argent,  d'approvisionnements,  de  vivres,  de 
médicaments  et  T affaiblissement  des  équipages,  il  mit  à  la 
voile  dans  les  premiers  jours  du  mois  de  juillet  et  se  dirigea 
vers  le  Sud.  Le  5,  il  était  devant  Negapatam;  l'escadre 
anglaise  était  mouillée  sur  cette  rade.  Le  vice-amiral 
Hughes  n'attendit  pas  à  être  attaqué  au  mouillage  ;  il  appa- 
reilla, mais  se  maintint  en  observation  au  vent,  et  la  nuit 
se  passa  ainsi.  Le  lendemain  6  juillet,  le  vice-amiral  an- 
glais fit  arriver,  dans  Tordre  ci-après,  sur  l'escadre  fran- 
çaise alors  rangée  en  bataille,  tribord  amures,  comme 
il  suit;  YAjax  qui  avait  démâté  la  veille  de  son  grand 
mât  de  hune  ne  l'avait  pas  encore  remplacé  ;  ce  vaisseau  ne 
se  mit  pas  en  ligne.  Lèvent  soufflait  du  S.»0. 

ESCADRE   FRANÇAISE.  *      . 

Canons. 

50     Flamand capitaine  de  Cuverville. 

74      Ànnibal —  de  Tromelii. 

64      Brillant —  de  Saint-Félix. 

/  ^^^^^^'  •  •  V» —  chevalier  do  Villeneuve  Cillart. 

\  Héros —  Moissac. 

bailli  de  Suffren^  chef  d'escadre. 

64      Sphinx capitaine  vicomte  Duchilleau  de  Laroche. 

50     Hannibal —  chevalier  Mor2M*d  de  Galle. 

1  Artésien —  Bidé  de  Maurville. 

Vengeur —  comte  de  Forbin. 

Bizarre  [i) —  chevalierdeLalandelle-RoscanYec. 

74      Orient —  de  Lapallière. 

64      Ajax  (pour  mémoire).   .  .        —  Bouvet. 

Frégates  :  Bellone,  Fine. 

Corvettes  :  Naïade,  Diligente.  • 

ESCADRE  ANGLAISE. 

Canons. 

82     Hero capitaine  Charles  Hughes. 

Richard  King,  commodore. 

64     ExETER r     •     •  Capitaine  Robert  llontagu. 

60      Isis..  . —       Luml^fc 

70     BuRFORD —       Peter^fiainier. 

82      Sultan —       James  Watt.  * 

74     SuPERB —       Mac  Lellan. 

sir  Edward  Hughes^  vice -amiral. 


(1)  Ce  poste  n'était  pas  celui  qui  avait  d'abord  été  assigné  au  Bizarre»  Ce 
vaisseau,  étant  sorti  de  la  1% ne  pour  demander  Texplication  d'un  signal^  avait 
reçu  l'ordre  de  se  placer  entre  l'Orient  et  le  Vengeur, 


BATAILLES.  —  1782.  185 

70     Monàrca capitaine  John  Gell. 

64      WoRCESTER —       Charles  Weod. 

72      MoNMouTH —       James  Alms. 

6I>      Eagle -—        Ambrose  Beddals. 

72     Magnanjme -—       Charles  Wolseley. 

Frégate  :  Sea-horse. 

A  lO^'SO"  du  matin,  le  commandant  en  chef  de  l'escadre 
française  fit  le  signal  de  commencer  le  feu.  Le  combat  ne 
s'engagea  pas  avec  la  même  vigueur  sur  tous  les  points. 
La  ligne  de  relèvement  sur  laquelle  les  Anglais  avaient 
navigué  n'était  pas  celle  du  plus  près  ;  elle  faisait  un  angle 
assez  prononcé  ajirec  elle.  Il  en  résulta  que,  lorsqu'ils  vinrent 
au  vent,  le  chef  de  file  était  à  portée  de  mitraille  de  la  tête 
de  li^Colonne  française,  tandis  que  le  dernier  était  à  une  dis- 
tance qui  peflnettait  à  peine  aux  boulets  de  l'atteindre.  De 
part  et  d'autre,  le#6  premiers  vaisseaux  se  battirent  avec 
acharnement  et  les'deux  amiraux  qui,  après  trois  mois  seu- 
lement, ce  trouvant  de  nouveau  en  présence,  tenaient 
également  à  sortir  vainqueurs  d'une  lutte  qui  pût  autoriser 
l'un  d'eux  à  faire  la  preuve  d'une  victoire,  car  jusque-là, 
il  n'y  avait  eu  d^' avantage  décisif  d'aucun  côté.  Ce  fut  en 
vain  que  le  chef,  i^cadre  de  SufFren  voulut  mettre  sa 
gauche  çn  position  de  donner  d'une  manière  efficace  ;  le 
dernier  vaisseau  ne  put  réussir  à  se  rapprocher.  Le  chef 
de  file  de  la  colonne  française  fut  écrasé  et  contraint  de 
sortir  de  la  Hgtie  ;  mais  il  avait  mis  un  de  ses  adversaires 
dans  la  nécessité  de  se  retirer  du  feu.  Un  autre  vaisseau 
français  dont  le  grand  mât  avait  été  abattu  se  trouva  dans 
une  position  fort  critique  ;  le  commandant  en  chef  lui  fit 
un  abri  avec  le  Héros  et  le  dégagea.  Grâce  à  cette  inter- 
vention, ce  vaisseaif^ut  travailler  à  déblayer  son  pont  en- 
combré sous  des  débris  de  grément  et  de  mâture.  Telle 
était  la  situation  lorsque,  vers  1^  de  l'après-midi,  le  vent 
en  sautant  du  S.-O.  au  S.-S.-E.,  vint  jeter  le  désordre 
dans  les  deux  escadres.  Les  vaisseaux  français  reçurent 
l'ordre  de  virer  lof  pour  iof  et  de  se  former  en  bataille,  les 
amures  à  bâbord,  sans  avoir  égard  aux  postes.  Deux  vais- 


186  BATAILLES.  — 1*788. 

seaux  furent  masqués,  abattirent  sur  tribord,  e{;  ||qfs  quç 
les  autres  s' éloignaient  pour  effectuer  leur  évoiutioii,  îls 
restèrent  au  milieu  des  vaisseaux  ennemis.  Cette  foiseipcof^ 
le  commandant  en  chef  aperçut  le  danger  qu'ils  couraient 
et  bientôt  un  des  deux  fut  dégagé.  Une  fausse  appréciation 
de  la  situation,  un  moment  de  faifilesse  qu'on  peut  com- 
prendre, mais  qui  n'est  pas  excusable  en  présence  de 
1  ennemi,  sauvèrent  le  second  vaisseau  qui  n'avait  pu  faire 
le  tour.  Les  Anglais  prirent  aussi  la  bordée  du  Sud/ 11  fallut 
dy  temps  aux  uns  et  aux  autres  pour  se  rallier.  On  tira  bien 
encore  jusqu'à  4''  30'",  mais  la  saute  de  ■cent  avait  par  le 
fait  mis  fin  au  combat  ;  les  engagements  Jfertâels  qui  sui- 
virent ne  furent  plus  que  des  escarmouches  entre  des  ^^- 
seaux  qui  cherchaient  à  rallier  leur  esoft^lB.  «l-e  Hero  fai- 
sait des  signaux  de  détresse;  le  Mo^bca,  entièc^eçt 
désemparé,  ne  gouvernait  plus  ;  le  Wohcester  avait  aussi 
beaucoup  souffert.  Les  avaries  des  autres  vaisseaux  anglûs 
ët^ént  si  considérables,  que  le  vice-amiral  Hughes  déclara 
qu'il  luieùtétéimpossible  de  continuer  le  combat,etqu'ilav^t 
dû  renoncer  au  projet  qu'il  avait  formé  de  le  recommencer 
le  lendemain.  Cela  ne  l'empêcha  pas  (jfl'^ire  que  son  escadre 
avait  eu  une  supériorité  marquée  sur  celle  des  Fr^çais  et 
que,  si  le  vent  n'eût  pas  changé,  il  avait  tout  lieu  ^e  croire 
que  le  combat  se  fût  terminé  par  la  prise  de  ,quf!lques  vais- 
seaux français.  Le  capitaine  Mac  l.e}Ian 
Les  Français  laissèrent  tomber  l'ancre  à 
la  pellone  traînant  le  Brillant  à  la  rempi 
vaisseaux  avaient  de  graves  avaries;  oi^l 
Flamand  déjà  mentionnée,  le  Héros  et  le  Sétére  ^vajent  &^ 
trës-maltraités.  Le  Sphinx  aVait  aussi  beaucoup  gpa^ert  et 
son  capitîûne  était  blessé.  Voici  la  part  que  chaqt^vajsgeau 
prit  à  ce  combat. 
Il  était  près  de  iO^  âS"  lorsque  le  Flamawj  ^ra  ses 


BATAILLIÇ^.— 1732.  1?7 

Pf^miers  coups  de  canon.  Le  vaisseau  amifal  §>uf erb,  placé 
le  sixj^me  dans  la  ligne  ennemie,  s' étant  arrêté  p^r  Iç 
travers  du  JSféros,  les  4  vaisseayx  qui  précédaient  ce 
(^ernier  se  trquvèrent  en  présence  des  5  anglais  qui 
marchaient  en  avant  du  Superb  ;  et  ceux-ci  ayant  choisi 
pour  adversaire  le  vaisseau  qui  leur  correspondait,  en  re- 
montant jusqu'au  Flamand,  il  en  ipésulta  que  celui-ci 
échut  en  partage  au  Hero  et  à  TExeier.  Le  vaisseau  fran- 
çais  se  ressentit  de  cette  double  attaque,  et  après  avoir  lutté 
avec  intrépidi|;é,  il  dut  se  retirer  du  feu.  Les  2  vaisseaux 
anglais  é|aienj;,  au  reste,  aussi  maltiraités  que  |eur  a^vgf- 
sairp. 

Ii'4nni6a{  fut  attacjué  par  |*Isis.  JiOrsque  par  suite  de  {a 
saute  de  vent,  lel^rillant  se  trouva  sous  le  canon  de  VPagl^ 
et  du  WoRCESTER,  YAnnibal  prêta  le  cô^é  à  ces  deux  vais- 
seaux et  contribua  à  çjégager  son  compatriote. 

Le  B^rillant  eut  le  Sultan  pour  adversaire,  et  senti J;  bien- 
tôt les  ef|et^  de  sa  puissante  artillerie.  Son  grand  mât  fut 
abattu  et  il  se  trouva  dans  une  position  (|es  plus  critiqueg. 
Le  llêros  lui  vint  en  aide  ;  mais  refficacité  de  ce  secours  fut 
(^e  courte  durée.  Lorsque  le  vent  sauta  auS.-E.,  je  frU^fint 
masqua  et  abattit  sur  tribord  entre  le  Worcester  et  TEagle. 
Le  commandant  en  chef,  qui  suivait  tous  les  mouvements 
(je  ses  vaisseaux,  lui  prêta  encore  assistance  et  je  dégagea 
de  nouveau. 

he  Sévère  eut  à  combatfre  le  Burford  jusqu'çi  la  i^aute  <|e 
vent.  Ce  vaisseau  masqua  alors  et,  abattant  sur  îfribord, 
il  se  trouva  sous  les  batteries  du  Sultan.  Un  fait  regrettaj^le 
et  dont  je  parlerai  plus  loin  se  passa,  dans  cette  cirç(^nsÇançe, 
à  bord  du  Sévère,  Ce  vaisseau  put  rallier  son  escadre. 

Le  Héros,  ainsi  que  je  J'ai  dit,  fut;  choisi  pour  ad- 
versaire  par  le  vice  ami raj  Hughes;  mais  U  position  dans 
laquelle  se  trouva  le  Brillant,  par  suite  de  la  chute  de  son 
grand  mât,  le  fit  cjianger  de  vis-à-vis.  Jl  (|ouJ)Ia  ]e  jBre'|lani 
au  vent,  lui  fit  un  rempart  du  Héros  e|;  présenta  le  travers 
au  Sultan.  Plus  tard,  lorsque  je  vent  passa  au  Ç.-E.  etguç 


188  BATAILLES.— 1782. 

ce  même  vaisseau  masqua,  ce  fut  encore  le  Béros  qui  lui 
vint  en  aide,  car  le  chef  d'escadre  de  Suflfren  savait  main- 
tenant jusqu'à  quel  point  il  pouvait  compter  sur  la  coopé- 
ration de  ses  sous-ordres,  et  il  faisait  ce  qu'ils  eussent  dû 
faire. 

Le  Sphinx^  qui  combattait  le  Monarca,  remplaça  le  Héros 
par  le  travers  du  Superb  et  se  maintint  à  ce  poste  jusqu'au 
changement  de  vent. 

VHannibaU  Y  Artésien^  le  Vengeur^  le  Bizarre  et  YOrient 
ne  prirent  qu'une  part  secondaire  au  combat.  La  distance 
à  laquelle  les  vaisseaux  qui  leur  correspondaient  dans  la 
ligne  ennemie  tinrent  le  vent,  rendit  la  lutte  sans  efficacité 
dans  cette  partie.  V Orient  reçut  Tordre  de  se  rapprocher; 
son  capitaine  essaya  de  le  faire,  mais  il  ne  put  y  réussir. 
Quant  à  YAjax^  il  ne  se  mit  même  pas  en  ligne. 

Le  combat  que  je  viens  de  relater  mit  le  commandant  en 
chef  de  Tescadre  dans  une  position  bien  difficile,  car,  on 
l'a  vu  par  les  extraits  de  correspondance  que  j'ai  cités,  ses 
vaisseaux  n'avaient  pas  de  rechanges  :  19  mâts  de  hune 
étaient  cependant  à  changer!  Et  l'on  comprend  que  là  ne 
s'arrêtaient  pas  les  avariesj  nécessitant  le  remplacement 
immédiat  de  mâts ,  vergues,  voiles  ou  parties  de  grément. 
La  Pourvoyeuse  donna  tout  son  grand  mât  au  Brillant  et 
prit  celui  de  la  flûte  la  Fortitude.  La  mâture  de  la  Sylphide 
fut  donnée  aux  plus  nécessiteux.  Quand  le  commandant  en 
chef  eut  pourvu  aux  plus  pressants  besoins  de  l'escadre, 
il  se  rendit  à  Goudelour.  De  leur  côté,  les  Anglais  allèrent 
à  Madras. 

Le  lendemain  du  combat,  le  vice-amiral  Hughes  envoya 
un  parlementaire  au  commandant  en  chef  de  l'escadre  fran- 
çaise pour  réclamer  le  vaisseau  le  Sévère  qui,  disait-il,  avait 
continué  de  combattre  après  avoir  amené  son  pavillon.  Le 
chef  d'escadre  de  Suffren  ne  fit  pas  droit  à  cette  réclamation 
basée,  répondit-il,  sur  une  erreur  ;  car  si  le  pavillon  du  Sé- 
vère avait  un  instant  cessé  de  flotter  à  sa  corne,  ce  devait 
être  par  suite  de  la  rupture  de  la  drisse. 


BATAILLES.— 1782.  189 

Cette  demande  motiva  une  enquête  sur  ce  qui  s'était 
passé  à  bord  du  Sévère  ;  voici  ce  qu'elle  apprit.  Pressé  vi- 
vement par  2  vsdsseaux  anglais,  le  capitaine  du  Sévère  avait 
donné  l'ordre  d'amener  le  pavillon.  Dès  que  cette  nouvelle 
•se  fut  répandue  à  bord,  les  oflBciers  firent  redoubler  le  feu, 
et  le  capitaine  se  vit  forcé  d'ordonner  de  bisser  les  couleurs. 
Le  vaisseau  anglais  Sultan,  qui  avait  mis  en  panne  pour 
envoyer  amariner  le  Sévère,  fut  la  victime  de  cette  déter- 
mination :  il  reçut  pendant  quelque  temps,  sans  riposter, 
tout  le  feu  du  vaisseau  français. 

Le  chef  d'escadre  de  Suffren  suspendit  le  capitaine  cheva- 
lier de  ViUeneuve-Cillart  de  ses  fonctions.  Le  capitaine  Bidé 
de  Maurville,  de  V Artésien,  et  le  capitaine  comte  de  For- 
bin,  du  Vengeur,  furent  aussi  remplacés  dans  leur  com- 
mandement. Le  capitaine  Bouvet  quitta  son  vaisseau  pour 
raisons  de  santé. 

A  la  version  officielle  que  j'ai  donnée  de  l'aflFaire  du 
Sévère^  version  qui  fut  accréditée  dans  l'escadre,  je  crois 
devoir  joindre  un  extrait  du  mémoire  justificatif  publié 
par  le  capitaine  de  Villeneuve-Cillart.  Cet  officier  prétend 
d'abord  que  le  Sévère  était  le  plus  mauvais  marcheur  et  le 
vaisseau  le  plus  mal  armé  de  l'escadre  ;  que  quand,  à  la 
mort  du  comte  d'Orves,  il  quitta  la  frégate  la  Bellone  pour 
le  prendre,  il  trouva  tout  à  faire  et  à  organiser,  a  Depuis 
«  le  combat  du  12  avril,  continue-t-il,  le  Sévère  avait  fait 
((  beaucoup  de  pertes,  et  le  nombre  de  ses  malades  était 
((  encore  si  grand,  que  l'on  avait  eu  beaucoup  de  peine  à 
((  armer  les  deux  batteries;  il  ne  restait  personne  pour 
«  celle  des  gaillards,  ni  pour  la  manœuvre. 

«  Lorsque  le  vent  passa  au  S.-Ë.  pendant  le  combat,  le 
((  Sévère  avait  perdu  sa  vergue  de  petit  hunier  ;  le  grand 
«  hunier  était  tombé  sur  le  chouque  ;  son  mât  d'artimon 
«  était  au  tiers  coupé  et  son  grément  tellement  haché,  que 
(I  le  capitaine  de  Cillart  se  disposait  à  sortir  de  la  ligne,  ainsi 
«  que  l'avait  fait  le  Flamand.  Cette  saute  de  vent  le  coiffa 
«  et,  incapable  de  manœuvrer,  il  tomba  dans  la  ligne  an- 


188  BATAILLES.— 1782. 

ce  même  vaisseau  masqua,  ce  fut  encore  le  Héros  qui  lui 
vint  en  aide,  car  le  chef  d'escadre  de  Suffren  savait  main- 
tenant jusqu'à  quel  point  il  pouvait  compter  sur  la  coopé- 
ration de  ses  sous-ordres,  et  il  faisait  ce  qu'ils  eussent  dû 
faire. 

Le  Sphinx i  qui  combattait  le  Monarca,  remplaça  le  Héros 
par  le  travers  du  Superb  et  se  maintint  à  ce  poste  jusqu'au 
changement  de  vent. 

VHannibaU  YArtèsieriy  le  Vengeur ^  le  Bizarre  et  YOrient 
ne  prirent  qu'une  part  secondaire  au  combat.  La  distance 
à  laquelle  les  vaisseaux  qui  leur  correspondaient  dans  la 
ligne  ennemie  tinrent  le  vent,  rendit  la  lutte  sans  efficacité 
dans  cette  partie.  V Orient  reçut  l'ordre  de  se  rapprocher; 
son  capitaine  essaya  de  le  faire,  mais  il  ne  put  y  réussir. 
Quant  à  VAjax^  il  ne  se  mit  même  pas  en  ligne. 

Le  combat  que  je  viens  de  relater  mit  le  commandant  en 
chef  de  l'escadre  dans  une  position  bien  difficile,  car,  on 
l'a  vu  par  les  extraits  de  correspondance  que  j'ai  cités,  ses 
vaisseaux  n'avaient  pas  de  rechanges  :  19  mâts  de  hune 
étaient  cependant  à  changer!  Et  l'on  comprend  que  là  ne 
s'arrêtaient  pas  les  avaries]  nécessitant  le  remplacement 
immédiat  de  mâts ,  vergues,  voiles  ou  parties  de  grément. 
La  Pourvoyeuse  donna  tout  son  grand  mât  au  Brillant  et 
prit  celui  de  la  flûte  la  Forlitude.  La  mâture  de  la  Sylphide 
fut  donnée  aux  plus  nécessiteux.  Quand  le  commandant  en 
chef  eut  pourvu  aux  plus  pressants  besoins  de  l'escadre, 
il  se  rendit  à  Goudelour.  De  leur  côté,  les  Anglais  allèrent 
à  Madras. 

Le  lendemain  du  combat,  le  vice-amiral  Hughes  envoya 
un  parlementaire  au  commandant  en  chef  de  l'escadre  fran- 
çaise pour  réclamer  le  vaisseau  le  Sévère  qui,  disait-il,  avait 
continué  de  combattre  après  avoir  amené  son  pavillon.  Le 
chef  d'escadre  de  Suffren  iie  fit  pas  droit  à  cette  réclamation 
basée,  répondit-il,  sur  une  erreur  ;  car  si  le  pavillon  du  Sé- 
vère avait  un  instant  cessé  de  flotter  à  sa  corne,  ce  devait 
être  par  suite  de  la  rupture  de  la  drisse. 


BATAILLES.— 1782.  189 

Cette  demande  motiva  une  enquête  sur  ce  qui  s'était 
passé  à  bord  du  Sévère  ;  voici  ce  qu'elle  apprit.  Pressé  vi- 
vement par  2  vaisseaux  anglais,  le  capitaine  du  Sévère  avait 
donné  l'ordre  d'amener  le  pavillon.  Dès  que  cette  nouvelle 
•se  fut  répandue  à  bord,  les  officiers  firent  redoubler  le  feu, 
et  le  capitaine  se  vit  forcé  d'ordonner  de  hisser  les  couleurs. 
Le  vaisseau  anglais  Sultan,  qui  avait  mis  en  panne  pour 
envoyer  amariner  le  Sévère,  fut  la  victime  de  cette  déter- 
mination :  il  reçut  pendant  quelque  temps,  sans  riposter, 
tout  le  feu  du  vaisseau  français. 

Le  chef  d'escadre  de  Sufifren  suspendit  le  capitaine  cheva- 
lier de  Villeneuve-Cillart  de  ses  fonctions.  Le  capitaine  Bidé 
de  Maurville,  de  V Artésien,  et  le  capitaine  comte  de  For- 
bin,  du  Vengeury  furent  aussi  remplacés  dans  leur  com- 
mandement. Le  capitaine  Bouvet  quitta  son  vaisseau  pour 
raisons  de  santé. 

A  la  version  officielle  que  j'ai  donnée  de  l'affaire  du 
Sévère^  version  qui  fut  accréditée  dans  l'escadre,  je  crois 
devoir  joindre  un  extrait  du  mémoire  justificatif  publié 
par  le  capitaine  de  Villeneuve-Cillart.  Cet  officier  prétend 
d'abord  que  le  Sévère  était  le  plus  mauvais  marcheur  et  le 
vaisseau  le  plus  mal  armé  de  l'escadre  ;  que  quand,  à  la 
mort  du  comte  d'Orves,  il  quitta  la  frégate  la  Bellone  pour 
le  prendre,  il  trouva  tout  à  faire  et  à  organiser.  «  Depuis 
<(  le  combat  du  12  avril,  continue-t-il,  le  Sévère  avait  fait 
«  beaucoup  de  pertes,  et  le  nombre  de  ses  malades  était 
(c  encore  si  grand,  que  l'on  avait  eu  beaucoup  de  peine  à 
«  armer  les  deux  batteries;  il  ne  restait  personne  pour 
«  celle  des  gaillards,  ni  pour  la  manœuvre. 

({  Lorsque  le  vent  passa  au  S.-E.  pendant  le  coipbat,  le 
((  Sévère  avait  perdu  sa  vergue  de  petit  hunier  ;  le  grand 
«  hunier  était  tombé  sur  le  chouque  ;  son  mât  d'artimon 
(t  était  au  tiers  coupé  et  son  grément  tellement  haché,  que 
«  le  capitaine  de  Cillart  se  disposait  à  sortir  de  la  ligne,  ainsi 
«  que  l'avait  fait  le  Flamand.  Cette  saute  de  vent  le  coiffa 
«  et,  incapable  de  manœuvrer,  il  tomba  dans  la  ligne  an- 


490  BATAILLES.  — 1782. 

«  glaise  et  tut  èiitburé.  Un  viisseau  <le  BÀ**  le  prit  èii  énfi- 
((  lade  par  l'àrrifere.;  un  74  le  combattit  par  lé  traverâ  âe 
«  bâbord,  et  Un  troisième,  après  lui  avoir  énvby^  Ijhô  vol^e 
(c  à'iécharpe  par  T avant,  prit  poste  à  tribord.  Le  ^ere^^ 
«  touîduré  masqué,  réboiidit  de  son  mieux  aii  î^û  de  cis 
«  trois  âdv'érààîres 'î  inàis  ib{*sque  le  capitaiiiB  M  tllîàî't  vît 
(t  Tesbâdré  î'ràîiçàise  â' éloigner,  car  tous  lès  vâisséâuxi  à 
«  rëxcèptibn  du  Wrîïïant^  avaient  abattu  è\ït  i'aùtt'è  iJôfâ, 
i;  il  jilgeâ  inutile  de  prblbnigër  sa  défenke  et  fit  àiilbbèr  le 
u  pavillon.  Les  vaisseaux  dûi  le  côipbàttaieilt  cessèrent  âûô- 
«  silôt  léiî'r  feu  et  celui  de  trlBorâ  à'èloigiiia.  Daiis  ce  inq- 
«  inblU^iii;  le  SWere  abattit  èuî*  tribord  et  le  veiitjprit  dâHs 
«  ses  vbîlèà  ;  lé  Ck|)ilàine  db  Clllah  fit  alorâ  bbntiiiuer.  le 
«  feu  pir  la  pretiâière  batterie,  là  seule  ^m  rë'siât  armée, 
<(  et  il  i*èj oignit  àôtt  escadre.  >> 

Lorsque  l'ordre  qui  le  suspendait  de  ses  fonctions  lui  fut 
noUfié,  le  capjitaine  de  Villeneuve-Cillart  dem^ndB,  à  9ep- 
vir  comme  volontaire  sur  l'escadre;  il  ne  put  l'obtenir  et 
fut  renvoyé  à  l'île  de  France. 

Le  roi  approuva  les  mesures  priseâ  par  le  comiiiaiiclctbt 
en  chef  des  forces  navales  de  Tlnde;  il  poussa  niêûié  la 
sévérité  plus  loin  que  liii.  Le  chevalier  de  Villéîieuvé-Cil- 
larl  fût  cassé.  Les  capitaines  Bidé  de  Maûi:ville  et  dé  Tr6- 
ttielin  furent  rayés  des  listes  ;  le  comte  dé  ]?orbin  fut  déclaré 
incapable  d'être  employé  5  le  chevalier  de  Lalandelle-Itos- 
canvec  fut;aQis  en  retraite  sans  pension,  et  le  Capitaine  de 
Lapallière  fut  invité  à  prendre  sa  retraite. 

L'admiration  que  le  Nabab  Hyder-AÙ  Jprôfesâalt  pour 
le  bailli  de  Sùflfrén  augmentait  de  jour  en  jour.  Ayant  ap- 
pris le  retour  de  l'escadre  à  Goudeloiir,  il  pahit  d'Harni 
avec  son  armée  et  alla  établir  son  caibp  à  9  milles  de  la 
mer,  afin  d'avoir  une  eiitrevue  avec  le  commandant  en  chef 
de  l'escadre  française.  Un  prince  d'Asie  se  déplaçant  avec 
une  armée  de  12,000  hommes  pour  donner  un  témoignage 
authentique  de  sa  haute  estime  à  un  oOiciëi'  français  est 


BATAILLES.  —  i782.  \l\ 

bhdse  trop  digne  de  remarque,  pour  que  j'omette  de  la 
relater,  fcette  énïi'iévue  eut  lieii  le  2^  juillet. 


il  ne  suffisait  cependant  pas  de  vouloir,  d'ans  Tintèirèi 
de  la  France»  et  malgré  les  instructions  inintelligentes  qui 
étaient  arrivées  d'Europe ,  ne  pas  quitter  la  côte  de  Coro- 
ihandel;  il  fallait  pouvoir  y  rester,  et  l'êtàt  dès  vaisseaux 
était  tel,  qu'on  touchait  au  moment  où,  de  toute  néçëssue^ 
li  îaudraii  faire  route  pour  nie  ae  France.  Le  besoin  d'un 
port  se  faisait  sentir  plus  que  jamais  et,  malheureusé- 
nient,  depuis  le  mois  de  janvier,  1  insouciance  du  gouver- 
nement hollandais  avait  livré  aux  Anglais  Trinquemâll 
seiil  port  dàiîs  lequel  *' 
réparation^  de  qûel^ 
poussait  donc  le  chef  d'escadre  de  ouiirén  vers  trinque- 
malé  :  rendre  à  un  allié  une  ville  qiii  lui  avait  été  enleVéèjl 
et  se  procurer  iiid  abri  sûr  et  cominbde  pour  entreprendre 
les  travaux  devenus  indispensables  après  une  navigation 
active  et  plusieurs  combats.  L'escadre  quittai  Goudeloui*  le 
1"  âoul;,  èi  fit  route 
Hiôpitàl.  Informé  de 
escbrt'é  par  2  vaisseaux  et  une  frégate,  le  commandant  èii 
chef  alla  mouiller  à  Bentlcôlo  où  ce  convoi ,  lés  vaisseau^ 


;«    îj    ;:.   '^.i?<..: 


\e  Saint'Miçheï,  Y  Illustre  et  la  frégate  là  Consolante  lerç- 
joighireriL  ïl  mit  alors  soUs  voiles  et,  lé  25  août  au  jourl 
l'escadre  entra  dans  la  liaie  de  Trinquetaàlé,  le  Èèros  en 
tèté,  sous  le  feu  d'une  petite  bàitei:iè  établie  à  la  pointe  du 
mat  dé  pavillon  a  laquelle  il  fut  défendu  de  répondre,  et 
elle  iiiouilla,  ainsi  que  le  coùvoi  qui  là  suivait,  dans  l'ar- 
rièré-baie  où  elle  était  à  l'abri  des  batteries  de  la  ville. 

La  vaste  baie  de  Trinquemalé,  sur  la  côte  orientale  de 
l'île  de  Ceylan,  à  72  lieues  dans  le  Sud  de  iPondichéry,  est 
partagée  en  deux  rades  par  une  langue  de  terre  qui  court 
à  peu  près  de  l'Ouest  à  l'Est.  En  outre  des  fortifications 
égulières  de  la  yille,  un  fort  est  établi  Bur  cette  presqu'île. 


r 


192  BATAILLES. —1782. 

Il  fallait  donc  mieux  qu'un  coup  de  main  pour  se  rendre 
maître  d'une  semblable  position.  Cependant  les  nouveaux 
occupants  la  défendirent  peu  ;  ils  laissèrent  les  vaisseaux 
prendre  tranquillement  leur  mouillage  et  ne  firent  aucune 
opposition  au  débarquement  de  2,400  hommes  qui  furent 
mis  à  terre.  Après  une  résistance  de  trois  jours,  le  gou- 
verneur capitula.  Le  chef  d'escadre  de  Suffren  avait  con- 
duit lui-même  toutes  les  attaques  et  dirigé  toutes  les  opé- 
rations. 

Le  2  septembre  dans  l'après-midi,  au  moment  où  Ton 
apposait  les  dernières  signatures  sur  la  capitulation ,  Tes- 
cadre  anglaise  fut  signalée  au  large.  Dès  que  le  vice-amiral 
Hughes  avait  eu  connaissance  de  la  direction  que  l'escadre 
française  avait  prise,  il  s'était  douté  des  intentions  de  son 
commandant  en  chef;  mais,  quelque  promptitude  qu'il  eût 
fait  apporter  à  la  mise  en  état  de  ses  vaisseaux,  il  n'avait 
pu  prendre  la  mer  avant  le  20  août.  C'était  trop  tard  ;  il 
arriva  devant Trinquemalé  pour  voir  l'étendard  de  la  France 
flotter  sur  les  principaux  édifices  de  la  ville  et  sur  les  forts. 
Son  parti  fut  bientôt  pris.  Il  n'était  pas  en  mesure,  dans  le 
moment,  de  disputer  aux  Français  la  possession  de  cette 
place  importante  ^  mais  il  songea  à  entraîner  leur  escadre 
loin  de  terre  pour  la  combattre  dans  une  position  avanta- 
geuse, et  essayer  de  mettre  le  chef  d'escadre  de  Suffren 
dans  l'impossibilité  de  jouir  des  bénéfices  de  sa  conquête. 
Il  gouverna  donc  de  suite  au  large.  Le  commandant  en  chef 
de  l'escadre  française  recherchait  avec  trop  d'empressé* 
ment  l'occasion  de  livrer  bataille  pour  rester  au  mouillage 
alors  que  l'ennemi  était  en  vue  ;  il  fit  toutes  ses  disposi- 
tions, et  le  lendemain  matin,  il  sortit  de  la  baie  avec  une 
petite  brise  de  S.-O.  La  première  partie  du  plan  du  vice- 
amiral  Hughes  avait  un  commencement  de  réussite^  cet 
officier  général  sut  manœuvrer  de  manière  à  attirer  en- 
tièrement son  ennemi  dans  le  piège  qu'il  lui  tendait.  Il 
serra  d'abord  le  vent  et,  lorsque,  dans  le  but  de  rectifier 
quelque  peu  leur  ligne,  les  Français  prirent  le  plus  près, 


BATAILLES.  — 1782.  493 

il  laissa  arriver  de  nouveau  et  continua  cette  manœuvre, 
sans  jamais  gouverner  au  même  air  de  vent,  jusqu'à 
1*»  15°*.  Le  chef  d'escadre  de  Suffren  qui  ne  saisit  pas  le 
but  d'une  pareille  tactique,  se  laissa  entraîner  à  une  pour- 
suite dans  laquelle  tout  le  désavantage  était  de  son  côté  *,  il 
était  en  effet  loisible  au  vice-amiral  anglais  de  choisir  son 
moment  et  d'attendre,  dans  une  position  bien  établie,  l'es- 
cadre française  à  laquelle  il  était  fort  difficile  de  se  présen- 
ter au  combat  avec  ordre.  J'ai  déjà  dit  combien  est  grande 
la  difficulté  de  tenir  un  certain  nombre  de  bâtiments  sur 
une  ligne  de  relèvement  surtout,  et  c'était  le  cas,  lorsque 
ces  bâtiments  ont  une  marche  différente.  Or,  si  quelques- 
uns  des  vaisseaux  de  l'escadre  française  étaient  doublés 
en  cuivre,  la  majeure  partisane  l'était  pas.  Et,  il  faut  bien 
le  dire,  le  chef  bouillant  et  toujours  impatient  de  com- 
battre qui  était  à  la  tête  des  forces  navales  de  la  France 
dans  l'Inde,  n'était  pas  homme  à  conduire  ses  vaisseaux 
avec  cet  excès  de  prudence  et  de  circonspection  que  dic- 
tait la  circonstance.  Entraîné  par  son  ardeur,  il  ne  vit  pas 
que,  comme  lui,  son  ennemi  voulait  une  bataille,  et  que  ce 
qu'il  prenait,  lui,  pour  de  la  faiblesse  et  de  l'hésitation, 
n'était  qu'une  tactique  habile  de  la  part  d'un  adversaire 
qui  savait  à  qui  il  avait  affaire.  Ce  que  le  vice-amiral  Hu- 
ghes avait  supposé  arriva  ;  et  lorsqu'il  estima  les  vaisseaux 
français  suffisamment  en  désordre,  U  s'arrêta  définitivement 
et  établit  les  siens  en  bataille,  les  amures  à  tribord  dans 
l'ordre  que  voici  : 


Canons. 

64      ExETER capitaine  Robert  Montagu. 

60     Isis I —       Lumley. 

82     Hero —       Charles  Hoghes. 

Richard  King,  commodore. 

72      Sceptre capitaine  Samuel  Graves. 

70     BuRFORD —       Peter  «Rainier. 

82      Sultan —        James  Watt. 

74      SoPERB —       Henry  Newcome. 

sir  Edward  Hughes,  Tice-amiral. 

70      MoNARCA capitaine  John  Geil. 

64      ËAGLE.  .  •  .  • —       Ambrose  Reddals. 

II.  13 


194     .  BATAILLES.— 1782. 

i  f  llAGNAifiiiE —       Charles  Wolseley. 

T*  (  MoNMouTH —       James  Alœs.  . 

éi     WoRCESTER —       Charles  Wood. 

,    eâ  frégates  Medea  et  Cotentry  étaient  en  dehors  de  la 

A 1^  55",.  les  capitaines,  français  reçurent  l'ordre  d^^^^ 
le  vent  par  le  travers  dç  l'escadre  anglaise.  Les  vaisseaux 
se  suivaient  comine  ci-après  : 

Gîtons^,-  ^;/  ï  •  . 

64     Artésien capitaine  de  Saint-Félix. 

H     Ortfffiff  ;     —  de  tajirallière. 

60     SawiiMichel —  ^'Aymafi  :         :   : 

_  y  éévêre .       —  Mauryille  de  Langle. 

^*  *  ÈHltâkt —  dé  Keirsau«6i«.    ' 

^0     ffannibal —  eheyalier  M orard  |e  GaMi  > 

et     Sphinx —  vicomte  Duchilleau  de  Laroche. 

7i     Héros —  Moissac. 

ji      lîj    ;  bailli  de  Safff en ^  chef  d'es0dre. 

74     lÙiistre capitaine  comte  de  Bruyères. 

iO     Wlatnand, —  Perrier  de  Sàlyert.  ■ 

64     AjjdOi. —  vicomte  de  Beaumont  Lemaitre. 

40      Consolante —  Péan. 

74     AnnUial —  dé  tromelirr. 

_  i  Vengeur --  de  Cuverville^  : 

l  Bizarre --  chevalierdeLalandelle  Roscanvec. 

y^  ftrégates  la  Bellone^  la  Fine  et  la  corvette  la  Fortune 
acqonopagnaient  l'escadre. 

Qette  fois  encore,  le  passage  de  l'ordre  de  marche  à 
Vordre  de  bataille  fut  mal  exécuté  -,  les  vaisseaux  de  l'avaiyt* 
garde  dépassèrent  ia  tête  de  la  colonne  ennemie  et,  dans 
le  but  de  prendre  leur  poste,  ils  serrèrent  le  vent  tant  qu'ils 
purent  :  cette  manœuvre  les  éloigna  au  lieu  de  les  rappro- 
cher.  Le  dernier  vaisseau  du  corps  de  bataille  se  trouvant 
trop  près  de  son  chef  de  file,  mit  un  hunier  sur  lé  mit. 
Celui-ci  crut  devoir  en  faire  autant  :  et  le  vaisseau  aroirdl, 
probablement  pôtii*  hè  t)âs  se  séparer  de  ces  deux  vais- 
seaux placés  immédiatement  derrière  lui,  mit  lui-mêikie  en 
panne.  Il  en  résulta  que  les  sept  premiers  vaisseaux  s'éloi- 
gnèrent davantage,  et  (Jue  le  vaisseau  de  tête  de  l' arrière- 
garde  dépassa  ceux  du  centre.  On  conçoit  combien  la  con- 
fusion fut  grande.  Il  n'était  pas  possible  d' engage):  ainsi  le 


BATAILLES.— 1782.  4Sl5 

combat.  Le  commandant  en  chef  fit  signal  de  laiiser  arriver 
jusqu'à  portée  de  pistolet,  et  il  appuya  cet  ordre  d'un  coup 
de  canon.  Chacun  attendait  le  signal  de  tommeocer  le  f^O. 
La  détonation  de  ce  coup  de  canon  s*était  à  peine  fidt  ed^ 
tendre,  qile  toutes  les  batteries  du  iféf  os  tirèrent.  Prompte^ 
dans  cette  circonstance,  à  imiter  les  mcfuvèments  du  \b\è* 
seau  amiral,  plusieurs  capitaines  engagèrent  le  ôombi^  Il 
faut  en  convenir.  Terreur  était  possible,  pu|8(|ue  le  HéirM 
avait  été  le  premier  à  lâcher  sa  bordée  :  l'affaire  se  troilva 
donc  mal  engagée,  mais  il  n'était  plus  possible, de  la  re-^ 
mettre.  Les  vaisseaux  se  gênaient  à  Tarant  et  à  Tarrièrth- 
garde,  et  ils  étaient  trop  loin  de  T ennemi  pour  4jue  teuf;^ 
pût  avoir  un  résultat;  3  vaisseaux  du  corps  de  bataille  lut- 
tèrent seuls  avec  désespoir  contre  un  eiitiesdi  qui.leUtr  ^tçÂt 
bien  supérieur  en  forces,  et  deux  d'entre  eux^  dont  un  étâil 
le  Héros  lui-même,  privés  de  deux  de  leurs  bas  mâts^  ^e 
trouvèrent  grandement  comptomis.  Les  signaux  du  eem- 
mandant  en  chef  furent  à  peu  près  sans  effet;  Tarrièi^ 
garde  y  fut  insensible,  et  T avant-garde  ne  lee  ex#tiute 
qu'avec  lenteur.  Tous  furent,  il  ièst  \rai,  contrariés  par  1a 
faiblesse  de  la  brise  et  par  le  calme.  Les  élémeots  lutlère&t 
aussi  contre  le  chef  d'escadre  dé  Suffren  dans  cet$e.irfï!wr|^ 
Un  de  ses  vaisseaux  embarqua  tant  id'eau  pi^r  Sa  batterie 
basse  qu'il  fut  sur  le  point  de  couler  et  qu'il  dut  ae  retirée 
Un  autre  qui,  faute  de  munitions^  avait  été  daas  la  néces- 
sité de  sortir  de  la  ligne,  eut  le  ieil  h  bord  et  (ut  obligé  dç 
couper  une  partie  de  sa  mâture.  Enfin*  Vers  ô*"  30"*^  la  brM 
s'éleva  du  large;  Tavant-garde  rallia  et  dégagea  lèavaisseauii 
compromis.  L'état  de  quelques-uns  des  vâisseaul  ftngiEiis 
fit  prendre  alors  au  vice^^miral  Hughes  la  dét^^Ailitatioi^ 
de  faire  route  au  Nord.  La  nuit  était  du  Jtiite  arriva  ;  >1 
était  7*'  20".  Les  vaisseaux  anglais  avaient  beaucoup  souf^^ 
fert  ;  le  Worcester,  TEagle,  le  Bdrford,  le  Monmouth  et 
le  SuPERB  étaient  criblés.  Les  capitaines  Lumley  de  Tl^ïs* 
James  Watt  dû  Sulta^î,  avaient  été  tués,  et  le  capitaine 
Charles  Wood  du  Worcester  avait  reçu  une  blessure  ex- 


196  BATAILLES. —1782. 

trêmement  grave.  I/escadre  anglaise  se  rendit  directement 
à  Madras.  Du  côté  des  Français,  le  Héros  avait  perdu  son 
grand  mât,  son  mât  d'artimon  et  son  petit  mât  de  hune. 
Vlllustre  avait  démâté  de  son  grand  mât  et  de  son  mât 
d'artimon  :  le  capitaine  de  Bruyères  était  blessé.  VAjax 
avait  eu  un  mât  de  hune  abattu.  Le  capitaine  Péan  de  la 
Consolante  avait  été  tué  (1).  Deux  vaisseaux  prirent  le 
Héros  et  Y  Illustre  à  la  remorque,  et  Fescadre  fit  route  pour 
Trinquemalé  qu'elle  ne  put  atteindre  que  le  8.  Une  nou- 
velle épreuve  y  attendait  le  chef  d'escadre  de  SufTren  :  en 
louvoyant  pour  prendre  son  mouillage,  l'Orient  se  jeta  à  la 
côte  et  il  ne  put  être  relevé.  Disons  maintenant  comment 
chaque  capitaine  comprit  les  obligations  de  sa  position. 

Lorsque  le  commandant  en  chef  fit  signal  de  former  la 
ligne  de  bataille,  Y  Artésien  se  trouva  bien  en  avant  de  la 
colonne  ennemie.  Dans  le  but  de  diminuer  le  sillage  et  de 
prendre  son  poste,  le  capitaine  de  ce  vaisseau  serra  le  vent 
de  manière  à  mettre  ses  voiles  en  ralingue.  Cette  malen- 
contreuse manœuvre  eut  pour  résultat  d'éloigner  Y  Artésien 
au  lieu  de  le  rapprocher,  et  ce  vaisseau  ne  prit  part  au 
combat  que  quand,  à  5*»  20",  une  brise  fraîche  du  large  lui 
permit  d'exécuter  l'ordre  donné,  deux  heures  auparavant, 
de  se  rapprocher  à  portée  de  pistolet.  Ce  fut  Y  Artésien  qui 
contribua  le  plus  à  dégager  les  vaisseaux  qui  combattaient 
au  centre. 

V  Orient  se  trouva  dans  la  même  situation  que  son  chef 
de  file.  Comme  lui,  il  dépassa  la  tête  de  la  colonne  enne- 
mie ;  comme  lui,  il  ne  combattit  que  lorsque  la  brise  le 
poussa  sur  le  champ  de  bataille. 

Le  Saint-Michel  se  trouva  dans  une  position  identique  et 
son  capitaine  imita  la  manœuvre  des  2  vaisseaux  qui  le 
précédaient.  Toutefois,  le  Saint-Michel  ne  combattit  pas 


(1)  l\  y  eut  82  tués  et  255  blessés  dans  Tescadre.  Le  nombre  des  tnés  variait 
de  1  à  50^  celui  des  blessés  de  8  à  82  par  yaisseau.  Cinq  n'eurent  ni  tués  ni 
blessés.  Ce  résultat  indique  suffisamment  la  part  inégale  que  les  Taisseaaz 
prirent  au  combat. 


BATAILLES.  — 1782.  197 

car,  lorsqu'on  ouvrit  sa  batterie  basse,  Teau  entra  par  les 
sabords  en  quantité  telle  qu'il  fallut  la  refermer,  et  il  se 
retira. 

Le  Sévère  qui  se  trouvait  aussi  en  avant  et  au  vent  de  la 
tête  de  la  colonne  ennemie,  n'exécuta  pas  plus  que  les 
vaisseaux  qui  le  précédaient  le  signal  de  se  rapprocher  ; 
et  il  n'y  eut  guère  pour  lui  possibilité  de  faire  usage  de 
son  artillerie  avant  que  le  vent  l' eût-conduit  dans  le  groupe 
des  vaisseaux  qui  combattaient. 

De  tous  les  vaisseaux  de  T avant-garde  qui  s'étaient  vus 
d'abord  dans  l'impossibilité  de  combattre,  le  Brillant  fut 
le  premier  à  rallier  les  vaisseaux  qui  se  battaient.  Mais,  au 
lieu  de  passer  entre  ces  vaisseaux  déjà  fort  maltraités  et 
Tennemi,  il  gouverna  au  large  et  se  plaça  derrière  1'//- 
lustre. 

VHannibal  combattit  en  avant  du  poste  qu'il  devait 
occuper,  et  il  ne  s'inquiéta  nullement  de  l'embarras  dans 
lequel  se  trouvèrent  le  Héros^  Y  Illustre  et  ÏAjax. 

Le  Sphinx  remonta  également  trop  haut  dans  la  ligne 
ennemie.  Son  capitaine  oublia  que  son  poste  de  matelot 
d'avant  de  l'amiral  lui  faisait  une  obligation  de  se  main- 
tenir auprès  de  ce  vaisseau  auquel  il  ne  prêta  qu'une  as- 
sistance tardive. 

Le  Héros  fut  littéralement  écrasé.  Mais,  il  faut  bien  le 
dire,  la  faute  n'en  était  pas  tout  entière  aux  capitaines  des 
autres  vaisseaux.  Lorsque,  par  suite  du  signal  de  former 
la  ligne  de  bataille ,  l'escadre  fut  au  plus  près,  les  deux 
derniers  vaisseaux  du  corps  de  bataille  mirent  un  hunier 
sur  le  mât.  Si  le  Héros  qui  les  précédait  n'imitait  pas  leur 
manœuvre,  il  allait  se  trouver  isolé,  puisque  YHannibal  et 
le  Sphinx  s'étaient  portés  trop  en  avant.  Il  mit  donc  en 
panne,  mais  sans  faire  aucun  signal.  Cette  manœuvre 
acheva  ce  que  le  passage  de  l'ordre  de  marche  à  l'ordre  de 
bataille  avait  commencé  :  le  désordre  devint  extrême. 
Pour  le  réparer,  il  n'y  avait  pas  de  temps  à  perdre.  Aussi, 
afin  d^appeler  l'attention  sur  le  signal  de  laisser  arriver  et 


198  BATAILLES.— 1782. 

d'approcher  Tennemi  à  portée  de  pistolet  qui  fut  hissé  à 
bord  du  Héros  y  le  commandant  en  chef  fit-il  tirer  un  coup 
de  éanon.  Sur  le  vaisseau  amiral  lui-même,  ce  coup  de  ca- 
non fut  pris  pour  Tordre  de  commencer  le  feu  :  les  batte- 
ries du  Héroê  tirèrent.  D'autres  vaisseaux  l'imitèrent.  C'en 
était  f^it,  le  combat  était  engagé ,  mais  dans  des  condi- 
tions toiit  &  fait  défavorables,  puisque  les  vides  qui  exis- 
taient en  avant  du  Héros  et  en  arrière  du  corps  de  bataille 
permettaient  à  Tennemi  de  concentrer  son  feu  sur  les  vais- 
seaux qui  se  trouvaient  ainsi  isolés.  A  S**  20™,  signal  fut 
fait  à  l'avant-garde  de  venir  soutenir  le  vaisseau  amiral  ; 
nous  savoîis  déjà  qu'elle  n'en  tint  pas  compte.  La  position 
du  Héros  était'  fort  critique.  Son  grand  mât  et  son  mât 
d'artimon  furent  successivement  abattus.  Ce  fut  dans  ce 
moment  que,  n'apercevant  plus  le  pavillon  de  poupe  ni  ce- 
lui de  commandement,  le  bailli  de  Suffren  s'écria:  Des 
pavillons!  quon  apporte  tous  les pavUlofis  blancs!  qu'on  en 
meUê  tout  autour  du  vaisseau!  Les  vaisseaux  finirent  par 
rallier;  ils  couvrirent  et  dégagèrent  le  i/ëro«.  Le  comman- 
dant en  chef  arbora  son  pavillon  $ur  ï  Orient  et  resta  sur 
c^  Vx-ûsseau  jusqu'à  la  fin  du  combat.  Le  Sphinx  prit  le 
il^rofi  à  la  remorque. 

Lors  de  Ja  formation  de  h  ligne  de  bataille,  le  Flamand  se 
rapprocha  trop  de  Y  Illustre  et  mit  sur  le  mât.  Le  capitaine 
dfi  ce  dernier  vaisseau  imita  cette  manœuvre,  on  ne  sait 
tf^p  pourquoi,  et  occasionna  ainsi  une  partie  du  désarroi 
dam  lequel  i'eacadre  se  trouva.  Le  capitaine  de  Bruyèreg 
rii^bata  noblement  }a  faute  qu'il  avait  commise  en  restant 
ju$qu-au  dernier  mofnent  là  où  était  son  poste,  auprès  du 
vm^^eau  amiral.  L'/2(ics(f6  partagea,  tous  les  périls  du  Hè- 
res et,  eomme  lui,  il  fut  écrasé.  Il  avait  déjà  perdu  son  mât 
d'ftrtimon  lorsque  le  signal  de  se  porter  au  feu  fut  fait  à 
Tavani-garde.  Plus  tard,  son  grand  mât  fut  aussi  abattu. 
Éùfm,  grâce  au  concours  un  peu  tardif,  mais  réellement 
ufficaee,  des  vaisseaux  de  T avant- garde ,  l Illustre  fut  dé- 
gagé et  YBannibal  le  prit  à  la  renK)rque. 


BATAILLES.  — 1782.  199 

C'est  le  Flamand  qui  fut  la  cause  première  du  désordre 
daps  lequel  l'escadre  se  trouva.  Le  capitaine  de  ce  vaisseau 
ayant  mal  calculé  son  mouvement  d'oloffée,  lors  de  la  for- 
mation de  Tordre  de  bataille,  se  trouva  trop  près  de  VlUmîrê 
et  mit  un  hunier  sur  le  mât  pour  se  laisser  culer.  Nous 
avons  vu  que  cette  manœyvrf  fut  imitée  par  Ylliustreet 
parle  Héros.  N'obtenant  pas  dès  lors  le  résiritat  qa'il  s'était 
promis,  le  capitaine  du  Flamand  fit  orianter ,'  passsf  ioui 
le  vent  et  ne  rentra  plus  dans  la  ligne.  '  ?      ' 

Naturellement  surpris  par  la  manœuvre  de  son  chef  de 
file,  VAjaxne  put  amortir  assez  promptemènt' son  erre  et 
le  dépassa;  mais  son  capitaine  s'arrêta  auprès  du  com- 
mandant en  chef  et,  avec  Y  Illustre^  il  soutint  Ip  Héros  jus- 
qu'au dernier  moment.  Ce  vaisseau  fut,  comÀië  les  deux 
autres,  dégagé  par  Tavant-garde.  VAjax  n'avait  perdu 
qu'un  mât  de  hune.  ,'     ;    j    -: 

La  frégate  la  Consolante,. qui  avait  été  mise  en  ligne, 
reçut  l'ordre  de  doubler  l'ennemi  par-dess6uë  !e'  Vent*  8a 
manœuvre  ayant  été  contrariée  par  le  WoRCEâtEk,  siérfe- 
fiie  de  la  ligne,  elle  présenta  le  travers  à  ce 'Vaïiséau."Èfelris 
cette  lutte  inégale,  le  capitaine  Péan  fut  victime  dé' Teifift)- 
sion  d'une  grenade  qu'on  crut  être  tombée  dé  là  TiuneWïr- 
timon  de  la  frégate.  *  '     '  ■'  '*  ^^ 

VAnnibal  avait  tenu  le  vent  trop  tôt  et  se  trouva  à  une 
distance  à  laquelle  son  tir  ne  pouvait  avoir  d*effi(éàcîtél  $^ri 
capitaine  s'y  maintint  cependant  malgré  Tordre  de  co'm- 
battre  à  portée  de  pistolet.      '  "^ 

Le  Vengeur  reçut,  en  inême  temps  que  la  Çonsolanie^ 
l'ordre  dédoubler  l'ennemi  par-dessous  Jeyent;  noaissa 
manœuvre  fut  déjouée  et  il  combatltit  au  ven|;.  jCj5  y^^jgs^siu 
n'avî^t  malheureusement  presque  pas  de  jmjni|i|.ops  et 
elles  furent  promptement  épuisées.  Son  capitaine  du|;  alors 
se  retirer  et  il  se  plaça  au  vent  du  corps  de  bataille  : 
le  feu  était  à  bord  de  ce  vaisseau.  Le  Vengeur  devint  un 
éppuvaotfjiil  qqi  ne  contribua  pas  peu  |t  ÇQippléter  le  dé- 


200  BATAILLES.- 1782. 

sordre  derarrière-garde.  Le  sacrifice  du  mât  d'artimon  qui 
fut  coupé  arrêta  Tincendie. 

Le  Bizarre  qui  fermait  la  marche  resta  de  l'arrière  sans 
ennemi  par  le  travers. 

L'escadre  française  avait,  jusqu'à  ce  jour,  été  numérique^ 
ment  supérieure  à  l'escadre  anglaise  et  cependant,  le  bailli 
de  Sulfren  n'avait  pas  encore  remporté  de  victoire  décisive. 
La  lettre  qu'il  écrivit  au  ministre  de  la  marine,  après  le 
combat  du  3  septembre,  et  que  je  transcris  en  entier,  en 
donne  la  raison.  Voici  ce  document  intéressant. 

A  bord  du  Héros,,. 

«  Monseigneur, 

«  J'ai  le  cœur  navré  par  la  défection  la  plus  générale  : 
«  je  viens  de  manquer  1* occasion  de  détruire  l'escadre  an- 
«  glaise.  J'avais  quatorze  vaisseaux  et  la  Comolante  que 
(t  j'avais  mise  en  ligne.  L'amiral  Hughes  évitait  sans  fuir  ; 
(c  pour  mieux  dire  il  fuyait  en  ordre,  conformant  sa  voi- 
((  lure  à  la  marche  des  plus  mauvais  voiliers  ;  et  larguant  à 
«  mesure,  il  fit  courir  jusqu'à  dix  et  même  douze  aires  de 
«  vent;  ce  ne  fut  qu'à  2*»  de  l'après-midi  que  je  pus  le 
c«  joindre.  Ma  ligne  à  peu  près  formée,  j'attaquai  et  fis  le 
«  signal  d'approcher.  J'avais  fait  signal  au  Vengeur  et  k  la 
«  Consolante  de  doubler  par  la  queue  ;  on  n'approcha  point. 
«  11  n'y  a  eu  que  le  HéroSy  Y  Illustre  et  YÀjax  qui  aient 
u  combattu  de  près  et  en  ligne.'  Les  autres,  sans  égard  à 
«  leur  poste,  sans  faire  aucune  manoeuvre,  ont  tiraillé  de 
«  loin  ou,  pour  mieux  dire,  hors  de  portée  de  canon.  Tous, 
«^oui  tous,  ont  pu  approcher  puisque  nous  étions  au  venl 
«  et  de  l'avant,  et  aucun  ne  Ta  fait.  Plusieurs  de  ceux-là 
«  se  sont  conduits  bravement  dans  d'autres  combats.  Je 
u  ne  puis  attribuer  celte  horreur  qu'à  l'envie  de  finir  la 
«  campagne  ,  à  la  mauvaise  volonté  et  à  l'ignorance,  car 
((  je  n'oserais  soupçonner  rien  de  pis.  Le  résultat  a  été 
t  terrible.  Le  Héron,  Y  Illustre  ont  perdu  grand  niftt,  mât 
«  d'artimon,  petit  mât  de  hune  etc.  Ce  seraient  des  avaries 


BATAILLES.— 1782.  201 

«  affreuses  en  Europe  ;  jugez  dans  Tlnde  où  nous  n'avons 
«  aucune  ressource  en  ce  genre,  11  faut  que  je  vous  dise, 
«  Monseigneur,  que  des  officiers  depuis  longtemps  à  l'île 
«  de  France,  ne  sont  ni  marins  ni  militaires.  Point  marins, 
«  parce  qu'ils  n'y  ont  point  navigué,  et  l'esprit  mercan- 
«  tile,  d'indépendance  et  d'insubordination  est  absolument 
Cl  opposé  à  l'esprit  militaire.  Les  maîtres  y  ont  contracté 
«  un  esprit  de  rapine  qu'il  est  impossible  de  réprimer. 
«  Vous  ne  sauriez  imaginer.  Monseigneur,  toutes  les  petites 
((  ruses  qu'on  a  employées  pour  me  faire  revenir.  Vous 
c(  n'en  serez  pas  surpris  si  vous  savez  qu'à  l'île  de  France 
«  l'argent  vaut  18  p.  100  et,  quand  on  fait  des  affaires, 
«(  infiniment  plus;  et  pour  cela  il  faut  y  être. 

«  Messieurs  de  Lalandelle,  de  Tromelin,  de  Saint-Félix, 
«  de  Galle  ont  demandé  à  quitter  leurs  vaisseaux  ;  j'ai  été 
«  trop  mécontent  d'eux  pour  ne  pas  le  leur  accorder  avec 
€  plaisir.  Si  je  ne  change  pas  plusieurs  autres,  c'est  faute 
<(  d'avoir  des  personnes  en  état  de  commander  les  vaisseaux  ; 
«  je  vous  envoie  la  liste  apostillée.  11  est  affreux  d'avoir 
«  pu  quatre  fois  détruire  l'escadre  anglaise  et  qu'elle  existe 
(•  toujours.  Le  choix  des  officiers  pour  l'Inde  est  des  plus 
((  essentiels,  parce  qu'on  n'est-pas  à  même  de  les  changer. 
<(  Je  ne  crois  pas  avoir  les  talents  qu'il  faudrait;  je  ne  suis 
«  rassuré  que  par  la  confiance  que  vous  avez  en  moi.  Mais 
«  en  vérité,  si  ma  mort  ou  ma  santé  faisait  vaquer  le  com- 
«  mandement,  qui  me  remplacerait?  monsieur  d'Aymar? 
«  Vous  le  connaissez.  Monsieur  Peynier  est  brave,  zélé, 
«  excellent  pour  un  jour  de  combat;  mais  je  croirais  la 
<(  conduite  d'une  grande  escadre  fort  au-dessus  de  ses 
«  forces  dans  ce  moment,  n'ayant  point  encore  été  éprouvé 
«  dans  cette  partie.  Je  ne  connais  qu'une  personne  qui 
«  ait  toutes  les  qualités  qu'on  peut  désirer;  qui  est  très- 
ce  brave,  très-instruite;  pleine  d'ardeur  et  de  zèle,  désin- 
«  téressée  ;  bon  marin  :  c'est  monsieur  d'Albert  de  Rions 
«  et,  fût-il  en  Amérique,  envoyez-lui  une  frégate.  J'en 
«  vaudrai  mieux  l'ayant,  car  il  m'aidera;  et  si  je  meurs, 


202  COMBATS  PARTICULIERS.— 1782. 

«  VOUS  serez  assuré  que  le  bien  du  service  n'y  perdra  rien. 
«  Si  vous  me  l'aviez  donné  quand  je  vous  l'ai  demandé,  nous 
((  «erions  maîtres  de  rinde.  Je  puis  avoir  fait  desfftute@à 
tt  ]^  guerre;  qui  n'en  fait  pas  t  mais  on  ne  pourra  m'iBo 
((  ifpputer  aucune  de  celles  qui  font  perdre  1^9  affaires* 
<tt  Je  3uis,  etc. 

«  Signé  :  bailli  de  Sdffren.  » 

Disons  cependant,  sans  chercher  d'autres  causes,  que  le 
résultat  incomplet  dont  le  commandant  en  chef  des  forces 
navales  de  la  France  dans  les  mers  de  Tlnde  se  plaignait^ 
pouvait  aussi  dépendre  de  la  composition  des  équipages. 
Les  armements  considérables  faits  depuis  1778  avaîëiit 
épuisé  les  ressources  du  personnel  ;  on  y  remédiait  en  com* 
plétant  les  équipages  avec  des  milices  gardes-côtes,  des 
troupes  de  marine,  exclusivement  employées  jusqu'alors  à 
former  la  garnison  des  vaisseaux,  et  enfin,  avec  ce  qtfon 
appelait  des  novices  volontaires,  qui  étaient  deô  homln^s 
de  l'intérieur  recrutés  à  prix  d'argent.  On  conçoit  quels 
équipages  devaient  former  de  tels  éléments.  Le  relâche- 
ment et  l'esprit  d'indépendance  tenaient  aussi  à  une  autre 
cause  que  celle  signalée  ;  on  peut  en  attribuer  une  partie 
au  règlement  sur  les  tables.  Général,  capitaine,  oflSiciers, 
gardes-marine  mangeaient  ensemble  ;  tout  était  confondu. 
On  se  tutoyait  comme  camarades.  Quand  on  manœuvrait, 
le  subalterne  donnait  son  avis,  discutait,  et  le  chef  impa- 
tienté préférait  souvent  céder  plutôt  que  de  se  faire  4es 
ennemis.  Des  faits  de  ce  genre  sont  constatés  par  des  té- 
moins dont  ou  ne  peut  suspecter  la  véracité. 


Les  avantages  furent  à  peu  près  balancés  dans  les  com- 
bats particuliers  qui  furent  livrés  cette  année. 

Lorsque,  le  17  février,  l'escadre  française  de  l'Inde  alla 
mouiller  à  Porto  Novo,  après  le  combat  qu'elle  avait  livré 
aux  Anglais,  la  frégate  de  32''  la  Bellone ,  capitaine  Perrier 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1782.  203 

de  Salvert ,  fut  laissée  en  croisière  au  large.  Huit  jours  plus 
tard,  le  26,  cette  fréga.te  rallia  l'escadre  avecla  corvette 
anglaise  de  20^  le  Chasseur,  qu'elle  avait  fait  amener  aprèé 
vingt  minutes  de  combat.  Le  commandement  en  fut  donné 
au  lieutenant  Boisgelin. 


Le  26  juin,  c'était  la  frégate  de  32'^  la  Fée^  capitaine 
de  Boubée,  qui  s'emparait',  à  la  hauteur  du  cap  Lizàrd 
d'Angleterre,  de  la  corvette  anglaise  de  18*=  ALligatob 
qui  portait  les  dépêches  du  commandant  de  la  division  âes 
ééte»  occidentales  d' Afrique. 


Le  28  juillet  au  soir,  et  alors  que  l'armée  navale  se  ren- 
dait du  Cap  Français  à  Boston,  une  canonnade  fort  vive 
fut  entendue  dans  le  Sud-,  le  commandant  en  chef  Se 
dirigea  de  ce  côté.  Le  lendemain  au  jour,  là  frégate TiimA- 
zane  fut  aperçue  sans  pavillon  et  démâtée  de  son  grand 
mât  et  de  son  mât  d'artimon  ;  près  d'elle  se  trouvait  UDé 
frégate  anglaise  qui  prit  chasse;  V Amazone  hîssa  alors 
son  pavillon.  Cette  frégate,  commandée  par  le  lieutenant 
de  vaisseau  de  Montguyot,  avait  été  chassée,  le  28  dans 
l'après-midi,  par  la  frégate  anglaise  de  â8**  Santa  Marc  a- 
BiTA,  capitaine  Salter.  A  S\  celle-ci  passa  à  la  distance 
d'un  câble,  à  contre-bord  de  Y  Amazone  qui  lui  lâcha  sa 
bordée  et  vira  immédiatement  vent  arrière.  Le  capitaine 
anglais  attendit  que  l'évolution  de'  la  frégate  française  fût 
commencée  pour  lui  envoyer  sa  volée  en  poupe;  il  l'ap- 
procha ensuite  à  portée  de  pistolet  en  la  tenant  à  tribord. 
Le  combat  fut  terrible;  aprè^  ciijq  quarts  4*heure,  le  lieu- 
tenant de  vaisseau  chevalier  de  rjÉpine  qui  avait  remplacé 
le  capitaine  de  Montguyot,  tué  pendant  l'action,  fit  amener 
le  pavillon  ;  cet  officier  était  blessé  lui-même.  Le  grand  niât 
et  le  mât  d'artimon  de  Y  Amazone  s'abattirent  presque  en 
même  temps  que  le  pavillon.  A  la  nuit,  le  capitaine  §ajter 


204  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1782. 

suspendit  le  transbordement  des  prisonniers,  envoya  68 
hommes  à  bord  de  la  frégate  française  et  la  prit  à  la  re- 
morque. Lorsqu'au  jour  il  aperçut  Tarmée,  il  fit  revenir  à 
son  bord  les  officiers  et  les  matelots  détachés;  et,  sans 
prendre  le  temps  d'embarquer  son  canot  qu'il  abandonna, 
il  coupa  le  grelin  de  remorque  et  prit  chasse.  L'équipage 
de  Y  Amazone  rehissa  de  suite  les  couleurs  nationales  (1). 

La  Gazette  d'Albany  du  8  août  fit  les  réflexions  suivantes 
sur  ce  combat  :  «  Nous  sommes  informés  que  la  S/lnta 
((  Margarita  est  un  très-beau  bâtiment  ayant  28''  de  18  en 
c  batterie.  Cela  étant,  elle  devait  avoir  un  très-grand 
«  avantage  sur  la  frégate  française  qui ,  d'après  le  rap- 
«  port,  ne  porte  que  du  12  et  du  6  ;  cette  infériorité  est 
«  immense.  » 

Le  rédacteur  de  la  Gazette  d'Albamj  était  mal  informé  en 
ce  qui  concerne  la  force  de  Y  Amazone  ;  la  matricule  des 
bâtiments  armés  constate  que  cette  frégate  était  une  de 
celles  auxquelles  on  n'avait  pas  ajouté  6  canons  de  6  sur 
les  gaillards;  elle  ne  portait  que  26°  de  12. 

L'observation  du  Journal  (ÏAlbany  servira  à  établir  la 
force  exacte  de  la  Santa  Margarita,  quelle  que  soit  d'ail- 
leurs la  classe  à  laquelle  les  relations  anglaises  aient  fait 
appartenir  cette  frégate.  D'après  le  règlement  du  3  juillet 
1779,  les  frégates  dites  de  38  étaient  les  seules  qui  eussent 
28*^  de  18  en  batterie.  Or,  comme  en  1782,  ces  frégates 
remplacèrent  leurs  caronades  de  18  par  des  caronades  du 
calibre  de  2A,  la  Santa  Margarita  devait  avoir  : 

28  canons  de  18, 
2     —     de  12, 
8     —     de   9, 
et  10  caronades  de  24. 

V  Amazone  faisait  partie  de  l'armée  navale  aux  ordres 


(1)  M.  de  Lapeyrouse  omet  de  relater  cette  circonstance  importante  dans 
son  Histoire  de  la  marine  française. 


COMBATS  PARTICULIERS.  —1782.  205 

du  lieutenant  général  de  Vaudreuil  ;  elle  avait  été  envoyée 
en  découverte,  le  jour  même  où  elle  avait  été  attaquée.  En 
rendant  compte  de  son  combat,  cet  ofBcier  général  appela 
l'attention  du  ministre  sur  les  avantages  que  l'emploi  des 
caronades  et  la  substitution  des  platines  au  boute -feu 
donnaient  aux  bâtiments  de  la  marine  anglaise.  Ces  avan- 
tages étaient  réels  puisque,  d'une  part,  l'emploi  des  caro- 
nades permettait  l'embarquement  de  pièces  de  fort  calibre  ; 
et  que,  de  l'autre,  l'usage  des  platines  procurait,  dans  le 
tir,  une  précision  à  laquelle  il  n'était  pas  possible  de  pré- 
tendre avec  le  boute-feu. 


Le  11  août,  les  frégates  la  Friponne  et  la  Résolue^  capi- 
taines de  Blachon  et  de  Saint-Jean ,  s'emparaient  des  cor- 
vettes anglaises  de  26*^  Swift  et  Speedy. 


Le  12  août,  la  frégate  de  32''  la  Bellone,  capitaine  de 
Piervert,  détachée  pour  observer  les  mouvements  de  l'en- 
nemi rencontra,  à  la  hauteur  de  l'île  Ceylan,  la  frégate 
anglaise  de  30*'  Coventry,  capitaine  Mitchell  et  l'attaqua. 
Le  combat  prit  bientôt  un  caractère  de  vigueur  et  d'opi- 
niâtreté inaccoutumé.  Spectateurs  habituels  des  combats  de 
leurs  escadres,  les  deux  capitaines  avaient  saisi  avec  empres- 
sement l'occasion  de  mesurer  leurs  forces.  Après  deux  heures 
de  lutte  acharnée,  les  deux  frégates  se  séparèrent  totalement 
désemparées.  Le  capitaine  de  Piervert  avait  perdu  la  vie. 
Sa  mort  était  en  partie  cause  de  l'état  dans  lequel  se  trou- 
vait la  Bellone.  Lorsqu'il  fut  tué,  une  contestation  s'éleva 
au  sujet  du  commandement.  Le  second  de  la  fr^ate  était 
italien  et,  aux  termes  des  ordonnances,  il  était  par  c«  fait 
exclu  du  commandement  en  temps  de  guerre.  Cet  officier 
ne  voulait  pas  qu'un  autre  s'emparât  de  l'autorité  qu'il  pré- 
tendait lui  appartenir  et,  pendant  la  discussion  qui  s'en- 
suivit entre  lui  et  le  premier  lieutenant,  la  frégate  resta  sans 


206  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1782. 

chef.  On  conçoit  le  désordre  qui  dut  en  résuLten  Gé  fttt 
une  circonstaQce  fâcheuse,  car  il  fallait  que  la  frégate  juft« 
glaise  eût  de  bien  graves  avaries  pour  cesser  son  feu  danâ 
l'état  où  était  son  adversaire. 

La  Bellone  avait      Ûb  canons  (de  12, 

d    ë     —     de   6. 
La  Cb VENTRY  portsiit  26  canons  de  ^2, 

et   A     —     de    6. 

,,  * 

Le  capitaine  de  Beaulieu  qui  avait  été  aomtné  au  com- 
mandement du  Brillant  reprit  celui  de  la  Bellone. 


Sortie  de  Saint-Malo  avec  na  convoi  qu'  elle  conduisait,!^ 
Brest,  la  frégate  de  38*^  TJÏéj&é,  capitaine  chevaliçar,  é% 
Vigny,  fut  chassée,  le  3  septembre  au  matin,  par  le  Rain- 
Bow  de  /i8^  capitaine  Trollope.  Un  boulet  heureux  qui 
coupa  la  barre  du  gouvernail  ne  permit  à  YHébjé  de  g(^- 
verner  qu'avec  difficulté,  et  elle  fut  jointe  par  le  trave^ 
de  V^ô  de  Bas,  Son  pavillon  f^ut  amené  après  un  court 
combat.  Le  convoi  se  réfugia  à  Morlaix. 

VÊéhé  portait  26  canons  de  îè, 

et  12      —     de    8. 

Quant  au  Rainbow  qu'on  peut  considérer  comme^jp 
vaisseau  puisqu'il  avait  deux  batteries,  en  outre  dç  coUf 
des  gaillards,  il  avait  un  armement  particulier  que  npus 
trouvons  mentionné  dans  un  document  livré  à  la  publi- 
cité (1).  Il  avait  : 

20  caronadés  de  68, 

22        —       dé  42, 

et   6        —        de  32. 

La  conduite  du  capitaine  de  vaisseau  de  Vigny  fut  exa- 


(1)  W.  James^  The  naval  hisiory  of  Great  Britain. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1782.  à07 

minée  par  un  conseil  de  guerre.  Cet  ofTicielr  supéHéiir, 
trouvé  coupable,  fut  condamné  à  16  ans  de  pKsoû,  à  êttè 
cassé  et  déclaré  incapable  de  servir.  Le  ca{)itâine  de  Yï^ûf 
rappela  de  cet  arrêt.  Le  nouveau  conseil  de  giietre  devâiit 
lequel  il  fut  traduit,  se  borna  à  réduire  la  |)remière  j>artîe 
de  la  peine  à  six  années  d'emjirisonnement. 


Dans  le  courant  du  mois  d'août^  les  fr^ateâ  VAi0  de 
40'^  capitaine  de  Latoucbe^  et  la  Gloire  de  32,  capitaine 
chevalier  dé  Vailongue,  partitent  de  Rochefort  pour  porter 
en  Amérique  de  l'argent  et  plusieurs  officiers  qui  ralliaient 
l'armée  du  général  Rochambeaa.  Lé  A  septembre  peûdôttt 
la  nuit,  à  135  lieues  dans  l'Est  dé  Long-Islatld,  elles  a|)er- 
çurent  sous  le  vent  un  bâtiment  qui  courait  comme  elles 
tribord  amures  avec  des  vents  d'Ouest  et  qu'à  l'élévalioii 
de  son  bois  elles  jugèrent  bientôt  devoir  être  un  vaisseau. 
Ce  bâtiment  héla  la  Gloire  qui  était  sous  le  vent  dé  sa 
conserve;  Y  Aigle  serra  de  suite  le  vent.  La  crainte  de  pré- 
senter la  poupe  à  cet  inconnu  en  imitant  cette  manœuvré 
décida  le  capitaine  de  la  Gloire  à  laisser  porter;  et  sâtlè 
savoir  s'il  avait  affaire  à  un  ami  ou  à  un  ennemi^  il  lui  fit 
envoyer  une  bordée  qui  reçut  immédiatement  Une  riposté: 
le  feu  coîitinua  de  part  et  d'autre.  Le  capitaine  dé  Latoucbé 
laissa  arriver  la  première  détohation,  liiâis  où  avait  cesâè 
de  tirer  lorsque  sa  frégate  arriva  isur  le  JieU  an  combat  j  lé 
capitaine  du  vaisseau  étranger  et  celui  dé  la  Gloire  étaient 
enires  en  pourparlers  pour  se  demander  à  quelle  nation  ih 
appartenaient.  Ce  répit  fut  de  courte  durée:  les  mold 
France  et  Angleterre  furent  coitimé  trn  signal  qui  rendît 
inutile  Tordre  de  recommencer  le  feu.  Après  quelque 
temps,  Y  Aigle  remplaça  la  Gloire  par  le  travers  du  vais- 
seau ;  mais  la  supériorité  du  feu  de  ce  redoutable  adver- 
saire fit  bientôt  de  tels  dégâts  à  cette  frégate,  que  le  capi- 
taine de  Latouche  crut  devoir  tenter  l'abordage;  il  ne  réus^t 
pas.  La  coopération  de  la  Gloire  était  du  reste  très-active  ; 


208  COMBATS  PARTICULIERS.  — 4782. 

elle  ç^nonnait  le  vaisseau  alternativement  de  l'avant  et  de 
Tarrière.  Le  jour,  en  se  faisant,  permit  d'apercevoir  plu- 
sieurs voiles  au  nombre  desquelles  on' distinguait  un  vais- 
seau. Le  capitaine  de  Latouche  auquel  son  ancienneté 
donnait  le  commandement  ne  jugea  pas  devoir  l'attendre  : 
les  deux  frégates  continuèrent  leur  route,  après  deux  heures 
cinquante  minutes  d'engagement.  Le  vaisseau  anglais 
qu'elles  avaient  combattu  était  I'Hector  de  74**. 

Les  voiles  aperçues  par  les  frégates  françaises  faisaient 
partie  d'un  convoi  anglais  que  le  contre-amiral  Graves 
escortait  en  Europe  avec  les  vaisseaux  Ramilies  qu'il  mon- 
tait, Canada,  Centaur,  la  Ville  de  Paris,  le  Glorieux,  le 
Caton  et  THector.  Ce  dernier  se  rendait  à  Halifax  lorsque 
les  frégates  le  rencontrèrent. 

Douze  jours  après  le  combat  que  je  viens  de  relater,  un 
coup  de  vent  violent  dispersa  le  convoi  du  contre-amiral 
Graves  ;  une  partie  périt  corps  et  biens.  Le  vaisseau  amiral 
Ramilies  coula  :  son  équipage  fut  recueilli  par  un  transport. 
L'Hector  coula  également.  Le  Glorieux  disparut  :  on  n'en- 
tendit plus  parler  de  ce  vaisseau.  La  Ville  de  Paris  devint 
la  proie  des  flammes  et  son  équipage  entier  périt  par  le 
feu  ou  dans  les  eaux.  Le  Centaur  coula  ;  son  équipage 
eut  le  temps  de  s'embarquer  dans  les  canots,  mais  un  seul 
atteignit  le  rivage  :  il  portait  douze  hommes  au  nombre 
desquels  se  trouvait  le  capitaine.  L'Ardent  et  le  Jason  qui 
étaient  aussi  partis  de  la  Jamaïque  avec  le  convoi  avaient 
été  heureusement  jugés  incapables  de  faire  la  traversée  et 
renvoyés;  le  premier  fut  condamné.  Ce  désastre  fit  donc 
disparaître,  en  quelque  sorte  d'un  seul  coup,  toute  trace 
matérielle  de  la  bataille  du  12  avril,  car  le  Ramilies  et  le 
Centaur  exceptés,  tous  ces  vaisseaux  avaient  été  pris  à  la 
bataille  de  la  Dominique. 


Le  12  septembre,  huit  jours  après  leur  combat  avec  le 
vaisseau  THector,  les  frégates  Y  Aigle  de  40''  et  la  Gloire 


COMBATS  PARTICULIERS.  - 1782.  209 

de  32,  capitaines  de  Latouche  et  chevalier  de  Vallongue, 
chassèrent  plusieurs  navires  ;  dans  le  nombre  était  le  brig 
anglais  de  14''  Ragoon,  capitaine  Edmund  Nagle,  dont  elles 
s'emparèrent.  A  la  nuit,  les  frégates  mouillèrent  à  6  milles 
du  cap  James  et  un  canot  fut  envoyé  à  terre  pour  prendre 
un  pilote  de  la  Delaware  :  ce  canot  se  perdit.  Le  1 3  au  jour,  5 
bâtiments  de  grande  apparence  furent  aperçus  dans  le  S.-E.  ; 
le  vent  soufflait  du  N.-N.-E.  Les  frégates  appareillèrent 
et  entrèrent  dans  la  rivière.  Mais  ces  parages  étaient  incon- 
nus aux  deux  capitaines,  et  ils  s'engagèrent  dans  le  passage 
dit  passe  des  Ciseaux^  formé  par  deux  bancs  qui  se  réunis- 
sent. La  sonde  constata  que  Y  Aigle  ne  pourrait  pas  franchir 
cet  obstacle;  les  frégates  laissèrent  tomber  l'ancre.  Les 
bâtiments  aperçus  formaient  une  division  sous  les  ordres 
du  Commodore  lord  Keith  Elphinstone  ;  c'étaient  les  vais- 
seaux Warwick  et  Lion;  la  frégate  Vestale,  la  corvette 
BoNETTA  et  une  prise  armée.  Ils  suivirent  les  frégates  fran- 
çaises jusqu'à  l'entrée  de  la  rivière.  Le  commodore  anglais 
fit  proposer  un  échange  de  prisonniers  au  capitaine  La- 
touche et  pendant  qu'on  traitait  cette  affaire,  des  embar«- 
cations  anglaises  se  mirent  à  sonder  la  passe  ;  les  canots 
des  deux  frégates  envoyés  pour  troubler  cette  opération 
furent  repoussés  par  la  Bonetta.  Les  pilotes  du  pays  ayant 
donné  l'assurance  que  les  frégates  françaises  franchiraient 
le  barrage,  on  travailla  à  les  alléger  et,  à  4**  du  soir,  elles 
appareillèrent  :  la  Gloire  passa  et  gagna  le  grand  chenaU 
V Aigle  n'eut  pas  le  même  bonheur;  cette  frégate  toucha 
et  elle  ne  tarda  pas  à  tomber  sur  le  côté .  La  Vestale  vint 
alors  se  placer  par  sa  hanche  de  tribord,  la  Bonetta,  de 
l'autre  côté  et  la  prise  se  mit  en  travers  sous  son  arrière. 
A  8*^30°',  ces  3  bâtiments  ouvrirent  leur  feu  sur  la  fré- 
gate française  qui  ne  put  leur  répondre  qu'avec  trois 
canons.  Dans  cette  situation  critique,  la  défense  était  im- 
possible. L'argent  et  les  passagers  avaient  déjà  été  mis  à 
terre  ;  la  mâture  de  Y  Aigle  fut  coupée  -,  de  larges  ouvertures 
furent  pratiquées  dans  ses  flancs;  et,  lorsque  le  capitaine 
II.  14 


siin  COMBATS  Particuliers.  ^lYsâ. 

de  Latoucbe  crut  avoir  la  certitude  qu'il  ne  serait  pas  pos-* 
sibk  de  relever  la  frégate»  il  fit  amener  le  pavillon  et  héla 
qu'il  se  rendait.  Une  quarantaine  d'hommes  avaient  quitté 
le  bord  dans  deux  embarcations.  Les  précautions  prises  par 
le  capitaine  de  Y  Aigle  n'empêchèrent  pas  les  Anglais  de 
remettre  cette  frégate  à  flot  et  de  l'emmener  au  lai^e. 


Le  vaisseau  de  7h!^  le  Scipion,  capitaine  Grimouardi  et 
la  frégate  Sibylle ^  capitaine  comte  de  Kergariou  Locmari»^ 
faisant  route  pour  Saint-Domingue  après  avoir  accompagné 
en  dehors  des  débouquements  un  fort  convoi  qui  se  ren- 
dait en  France,  furent  chassés,  le  18  octobre»  par  les  vais- 
seaux anglais  Lôndon  de  lOS"",  capitaine  Kemptone,  et 
ToBBAT  de  82,  capitaine  Gidoin,  La  brise  était  faible  de 
l'E.-^.-Ë.  Les  deux  bâtiments  français  furent  gagnés  et^ 
après  un  échange  de  quelques  boulets  en  chasse  et  en  re*^ 
traite,  le  London  atteignit  une  position  d'où  il  allait  faire 
sentir  au  Scipion  la  puissance  de  son  artillerie*  Il  était  alors 
8^  20"*  du  soir.  Le  capitaine  Grimouard  n'en  attendit  pas 
reflet  ;  il  laissa  arriver  sur  l'avant  du  vaisseau  ennemi» 
lui  envoya  sabordée  de  tribord  à  double  projectile  et  revint 
immédiatement  au  vent  pour  éviter  une  bordée  d'enfilade. 
Mais  cette  arrivée  avait  tellement  rapproché  les  deux  vais- 
seaux que,  quand  le  Scipion  revint  au  lof,-  il  se  trouva 
bord  à  bord  et  à  tribord  du  Lonoon.  Le  combat  dura  peu 
dans  cette  position  ;  quelque  précipitées  et  meurtrières  que 
fussent  les  décharges  de  la  mousqueterie  du  vaisseau  an- 
glais, — il  était  presque  impossible  de  se  servir  des  canons 
—  celles  du  Scipion  l'étaient  encore  davantage  et  bientôt 
son  adversaire  réussit  à  se  dégager.  Le  Scipion  vint  de 
suite  sur  bâbord ,  passa  derrière  le  vaisseau  anglais  en  lui 
envoyant  une  volée  d'écharpe  et  continua  de  le  canonner 
à  bâbord.  La  Sibylle  était  à  grande  distance  ^  elle  avait  fait 
de  la  voile  pour  se  faire  poursuivre  par  le  Torbay,  mais  le 
capitaine  anglais  ne  s'était  pas  laissé  prendre  à  cette  ma- 


COMBATS  PARTICULIERS.- i78«.  ^i 

pœuvre  et  il  s'était  dirigé  sur  le  lieu  du  combftt»  J^Qr&qu'il 
y  arriva,  le  London  avait  cessé  de  tirer  ;  il  vçtt^iti  dç  pçirdrç 
sa  vergue  de  petit  hunier  et  Toloffée  subitç  qyi  |i,v$tit  été 
la  conséquence  de  cette  avarie  avait  mis  toutes  sea  voil^g 
sur  le  mât.  Le  capitaine  Gidoin  n'eut  pas  un  instant  la 
pensée  que  ce  vaisseau  pût  être  son  compagnon  de  croi- 
sière et,  dans  le  but  d'être  fixé  sur  le  motif  de  son  silence , 

m 

il  lui  tira  plusieurs  coups  de  canon  ;  revenant  bientôt  cle 
son  erreur,  il  dirigea  son  feu  sur  le  Scipion  qui  gouvernait 
alors  sur  Saint-Domingue.  Il  était  10^  30"^  L'intention 
du  capitaine  Grimouard  n'était  pas  de  recommencer  ime 
nouvelle  lutte;  il  se  borna  à  échanger  quelques  bordées 
avec  ce  vaisseau  qui,  du  reste,  ne  s*éloîgt|a  pas  du  LoutDO»  i 
lorsque  les  principales  avaries  de  celui-ci  ftirent  réparéeSi 
tous  deux  reprirent  la  chasse  :  çq  fut  inutile  cettç  fois.  Le 
Scipion  entra  dans  la  baie  de  Sàmana  peu  de  temps  après  le 
lever  du  soleil.  Au  moment  où  il  allait  laisser  tomber  ïaA^ 
cre  dans  le  Port  à  l'Anglais,  il  toucha  sur  une  roche  dont 
la  position  n'était  pas  déterminée  et  il  coul^  sur  place  | 
tout  l'équipage  fut  sauvé.  Le  capitaine  Grimouard  avait  été 
blessé  au  combat  de  la  veille. 

Le  capitaine  de  Kergariou  ne  crut  pas  devoir  s'approcèér 
d'un  champ  de  bataille  sur  lequel  il  ne  pouvait  trouver 
d'autre  adversaire  qu'un  vaisseau  ;  il  fit  route  pour  le  Gap 
Français  et  la  Sibylle  y  entra  sans  autre  rencontre. 

Le  Palmier  qui  était  chargé  de  l'escorte  dq  convoi  avec 
3  frégates  eut  une  fin  encore  plus  déplorable  que  celle  du 
Scipion.  A  la  suite  d'un  coup  de  vent  qui  dispersa  son  con- 
voi, à  une  trentaine  de  lieues  des  Bermudes,  une  voie 
d'eau  considérable  se  déclara  à  bord  de  ce  vaisseau  et,  lei 
pompes  ne  pouvant  plus  franchir,  le  capitaine  Martellf 
Chautard  Tabandonna  et  passa  avec  son  équipage  sur  les 
navires  qui  étaient  encore  auprès  de  lui. 


Au  mois  d'octobre,  la  corvette  de  18° la  Sémillant^^  çapi- 


212  COMBATS  PARTICULIERS.— 1782. 

taine  chevalier  d'Arraud,  combattit,  en  vue  de  Madère,  la 
corvette  anglaise  de  même  force  Molly,  et  Tobligea  àamener 
son  pavillon,  après  une  heure  et  demie  de  vigoureuse  rési- 
stance. 


La  corvette  la  Cérès  qui  avait  été  capturée,  au  mois  d'avril, 
après  la  bataille  de  la  Dominique,  fut  prise,  en  décembre, 
par  les  frégates  la  Nymphe  et  la  Concorde. 


L'année  se  termina  par  la  prise  du  vaisseau  le  Solitaire 
de  64%  que  commandait  le  chevalier  de  Borda.  Parti  de  la 
Martinique  avec  le  vaisseau  le  Triton^  les  frégates  la  Réso- 
lue,  la  Nymphe,  et  la  corvette  la  Speedy  pour  croiser  de- 
vant la  Barbade,  le  Solitaire  se  trouva,  le  6  décembre  au 
matin,  après  une  nuit  très-obscure,  au  milieu  d'une  division 
de  8  vaisseaux  anglais  sous  les  ordres  du  contre-amiral  sir 
Richard  Hughes.  Le  vaisseau  français  prit  chasse;  mais, 
à  midi  80"*,  il  fut  joint  par  le  Ruby  de  72%  capitaine  Col- 
lins,  qu'il  combattit  jusqu'à  2^;  un  second  vaisseau  arriva 
alors.  Démâté  de  son  mât  d'artimon  et  désemparé  dans 
toutes  ses  parties,  le  Solitaire  succomba.  Le  Ruby  portsût 
des  traces  nombreuses  de  la  résistance  de  son  adversaire. 

La  corvette  de  SA""  la  Speedy  fut  aussi  atteinte  et  eut  le 
même  sort  que  le  Solitaire. 


Dans  les  mers  des  Antilles,  la  campagne  s'ouvrit  par  la 
prise  de  l'île  anglaise  de  Saint- Christophe.  A  peine  de  re- 
tour de  son  expédition  contre  Saint-Eustache,  le  gouverneur 
général  marquis  de  Bouille  se  concerta  avec  le  lieutenant 
général  de  Grasse  pour  diriger  une  attaque  contre  l'île  an- 
glaise de  la  Barbade  (1).  L'armée  navale  mit  à  la  voile,  le 


(1)  La  Barbade  est  à  une  centaine  de  milles  dans  le  S.-S.-E.  de  la  Martinique. 


COLONIES,— 1782.  213 

17  décembre  1781,  mais  elle  tenta  vainement  de  remonter 
jusqu'à  cette  île  :  la  force  du  vent  et  les  avaries  que  firent  les 
vaisseaux  la  forcèrent  deux  fois  à  relâcher.  On  renonça  alors 
à  l'attaque  contre  la  Barbade,  et  Saint-Christophe  fut 
choisie  comme  but  de  l'expédition  (1).  Le  5  janvier,  26 
vaisseaux  ayant  à  bord  6,000  hommes  de  troupes  mirent 
à  la  voile.  V  Hector,  le  Palmier ^  le  Conquérant  et  le  Ré~ 
fléchi  qui  avaient  le  plus  souffert  dans  les  sorties  du  mois 
précédent  restèrent  au  Fort-Royal  ;  le  Solitaire  avait  été 
envoyé  à  Saint-Domingue.  L'armée  navale  arriva,  le  H , 
sur  laradede  la  Basse-Terre  de  Saint-Christophe.  Elle  était 
à  peine  mouillée  qu'une  députation  des  habitants  les  plus 
notables  vint  donner  au  commandant  en  chef  l'assurance 
qu'ils  ne  prendraient  aucune  part  à  la  lutte  qui  allait 
s'engager,  et  qu'ils  conserveraient  la  plus  stricte  neu- 
tralité. 

Les  troupes  expéditionnaires  purent  dès  lors  être 
mises  à  terre  sans  aucune  opposition  et  marcher  de  suite 
sur  le  fort  de  Brimstone-hill ,  —  montagne  de  soufre 
—  dans  lequel  la  garnison  de  la  ville  s'était  renfermée. 
Brimstone-hill  est  une  montagne  escarpée  que  l'art  et  la 
nature  ont  fortifiée  ;  elle  est  voisine  de  la  côte  et  distante 
de  9  milles  et  demi  dans  le  N.-O.  de  la  Basse-Terre.  Un  peu 
plus  haut,  toujours  dans  le  N.-O.,  direction  que  la  côte 
cesse  alors  de  courir,  se  trouvent  la  petite  ville  et  le  mouil- 
lage de  Sandy-point,  —  pointe  sablonneuse  —  placés  tous 
les  deux  sous  l'artillerie  du  fort  de  Brimstone-hill.  Cette 
considération,  quoique  ayant  sa  valeur,  n'arrêta  pas  le 
gouverneur  général.  Les  difficultés  qui  lui  restaient  à  sur- 
monter étaient  telles,  qu'il  n'hésita  pas  à  s'établira  la  pointe 
Sandy  d'où  il  pouvait  avoir  des  communications  faciles 
avec  l'armée  navale.  La  perte  du  transport  qui  portait  l'ar- 


(1)  Saint-Christophe  est  à  enyiroD  cinquante  lieues  dans  le  N.-N.-E.  de  la 
Martinique.  , 


214  COLONIES.— 1782. 

tillérïe  de  âiége  fétài^à  les  opérations;  deux  bàtteHêâ  pti-^ 
ftètot  Cependant  bientôt  ouvrir  leur  feu. 

Dès  que  le  vite-amiral  Hood,  qui  avait  remplacée  i'ftmiral 
ftodney  dans  le  commandement  des  forces  navatesde  T An- 
gleterre dans  ces  parages,  apprit  les  projets  des  Fraûçai»^ 
il  appareilla  de  là  Bârbade  et  se  dirigea  sur  Sàint^Chriâ- 
tophe  avec  22  vaisseaux;  le  25  au  matin,  il  était  en  Vlie^ 
dans  le  Sud  de  cette  île.  L^ apparition  de  Tarmëe  aoglàide 
faillit  ôùcâèîonner  la  perte  de  Ylsis.  Pressé  d'avertir  te 
Génénux  qui  était  à  Nièves ,  petite  île  voisine  et  dépeû^ 
àante  de  Saint-Chrlstophè,  le  capitaine  de  cette  ft*égiate  ^ 
prit  t>âl3  toutes  les  précautions  nécessaires  pouif  Mteindte 
le  mouillage  et  il  s'échoua.  VIsis  put  être  remise  à  flot  le 
lendemain ,  et  elle  rejoignit  l'armée  navale  ainsi  que  le 
vai'sèeau. 

La  rade  de  Sandy-point  est  incontestablement  le  mellletif 
mouillage  pour  une  escadre  qui  voudrait  jeter  des  seicours 
dans  le  fort  de  Brimstone-hiU  ;  et  comme  cette  fortification 
était  la  plus  considérable  de  l'île,  le  lieutenant  gétiértal  de 
Grâèse  eût  de  suite  la  pensée  que  le  commandant  en  chef 
de  l'armée  anglaise  allait  conduire  ses  vaisseaux  à  cel 
anct^ge.  Il  vit  promptement  combien  Toccupatioti  de 
celte  position  par  l'armée  ennemie  pouvait  avoir  de  con* 
séquences  fâcheuses  pour  le  corps  expédîtioaftàîfte  tjil 
investissait  ce  fort.  Non-seulement  l'amiral  anglais  cott- 
pàît  ses  communications  avec  la  mer,  mais  il  allait  ptx)- 
bablement  lui  susciter  de  nouveaux  embarras  en  débar- 
quant un  corps  de  troupes  capable,  sinon  de  faire  levet  le 
âîége,  du  moins  d'en  faire  ralentir  et  peut-être  même  sus- 
pendre les  travaux .  En  présence  de  oes  considérations,  le 
lieutenant  général  de  Grasse  n'hésita  pas;  et  quoique  la 
distance  à  laquelle  il  était  de  Sàndy-point  ne  fût  pas  grande, 
il  mit  de  suite  sous  voiles  sans  même  attendre  que  l'ami- 
ral anglais  eût  marqué  sa  manœuvre  et  indiqué  la  route 
qu'il  conaptait  suivire  et  il  se  dirigea  vers  le  N.-O.  Il  ne 
tarda  pas  à  s'apercevoir  que  le  commandant  de  l'armée 


COLONIES.  — ITSSI.  «15 

anglaise  n'avait  pas  l'intention  qu'il  lui  avait  prêtée.  Ar- 
rivé à  la  hauteur  de  la  pointe  Sainte-Croix,  la  plus  Sud  de 
Tile,  celui-ci  serra  la  côte  et  il  alla  jeter  l'ancre  daus  la 
grande  baiedes  Salines,à  3  milles  dans  le  S.-E.  de  laBassa- 
Terre.  Ce  fut  en  vain  que  le  commandant  en  chef  de  l'ar- 
mée française  voulut  influer  sur  cette  détermination  en 
faisant  virer  ses  vaisseaux  tout  à  la  fois  ;  il  était  trop  stmr 
venté  :  avec  les  vents  d'£.-N.-E.  qui  régnaient,  il  ne  lai 
était  pas  possible  d'inquiéter  l'ennemi.  Aussi,  celui-ci  prit- 
il  tranquillemeot  son  mouillage  sur  une  l^ne  N.-N.-E.  et 
&-S.-0.,  la  tête  assez  rapprochée  de  terre  pour  que  le  pas- 
sage en  dedans  présentât  de  graves  inconvénienls.  Le  liau- 
tenant  général  de  Grasse  continua  la  bordée  de  bâbord  iA 
fit  canonner  l'armée  aoglaise  en  passant,  mais  de  loin;  le 
défilé  terminé,  il  vira  de  bord  lof  pour  lof  par  la  contre* 
marche  ;  il  était  alors  h^  du  soir.  Voici  l'ordre  dans  lequel 
les  Français  étaient  rangés  : 

Canons. 

(  Souverain capiiaioe  chevalier  de  Glandevës. 

\  Hercule —       Chadeau  de  Laclocheterie. 

i  Languedoc —        baron  d'Arros  d'Argelos. 

\  Duc-de-Bourgogne —       de  Champmartiiu' 

comte  de  Barras  Saint-Laveat,  lieuleiu  gén. 

74      Marseillais capitaine  de  Gastel|ane  Ma|astre. 

64     Jason —       ch'eyalier  Gouëte  4»  VlU^ges. 

(  Magnanime. —       comte  Le  Bègne. 

^*   {Zélé,. —       chevalier  de  Gras-PréviUê, 

64      Eveillé -       Le  Gardeur  de  Tiliy. 

80      Saint-Esprit —       marquis  de  Ghabert. 

74     Sceptre. —       comte  de  Vaudreuil. 

104      Ville-de-Paris. ......        —       de  Sainte-Gésaire. 

c!)  nlo  de  Grasse,  lieutenaat  |;énéral. 

César capitaine  chevalier  Goriolis  d'ËspifiOose. 

Northumberland —       marquis  de  Briqueville. 

.  Diadème. ....,,.,,       -—       chevalier  de  MontecUrc^. 
Glorieux,  >,......       —       vicomte  d'Eacars. 

Citoyen —       d'Ethy. 

Scipion —        Dassas. 

64     Ardent —       chevalier  Charles-René  Bernard 

deMarigny. 

7^     Neptune —       Renaud  d'Aleins. 

80     Auguste, —       de  Gastellaa. 

de  Boagainville,  chef  d'escadre. 

i  Bourgogne capitaine  chevalier  de  Gtiaritte. 

^*   l  Pluton,  . ^       d'Albert  de  Rions; 


216  COLONIES.— 1782. 

6i      Caton —       comte  de  Framond. 

I  Sagittaire —        de  Montluc. 

*"  (  Experiment  (1) —       cheyalier  de  Médine. 

L'armée  française  resta  sous  voiles  toute  la  nuit  Le  26 
au  matin,  le  lieutenant  général  de  Grasse  gouverna  sur 
l'armée  anglaise  et ,  à  S*"  55°",  élongeant  tribord  amures  sa 
ligne  d'embossage  qui  était  très-serrée ,  il  la  canonna  sur 
toute  sa  longueur.  Lorsque  l' avant-garde  eut  dépassé  le 
dernier  vaisseau,  le  commandant  en  chef  jBt  virer  lof  pour 
lof  par  la  contre-marche.  Quelques  avaries  obligèrent  le 
Souverain  à  changer  de  poste  ;  il  se  plaça  derrière  le  Lan- 
guedoc. A  midi,  l'armée  française  reprit  les  amures  à  tri- 
bord et  la  canonnade  recommença  à  2^  15°",  mais  cette 
fois  les  efforts  ne  portèrent  que  sur  l'extrémité  Sud  de  la 
ligne  ennemie  qui  était  formée  comme  il  suit  : 

Canons. 

72     Saint-Albams capitaine  Ingles. 

82      Alcide —       Charles  Thompson. 

72      Intrepid —       Molloy. 

1  ToRBAY ^       —       John  Gidoin. 

j  Princessa —        Charles  Knatchball. 

Samuel  Drake,  contre-amiral. 

108      Prince  George capitaine  James  Williams. 

82      Ajax —       N.  Gharrington. 

72      Prince  William —        Georges  Wilkinson. 

I  Sbrewsbory —       John  Knight. 

)  Invincible —        Saxton. 

100     Barfleur —       Hood. 

Sir  Saini;cl  Hood^  vice-amiral. 

82     MoNARCH capitaine  Francis  Reynolds. 

72      Belliquous —       lord  Granstoan. 

Gentaur. —       John  Inglefield. 

Alfred..  •  •  • —        William  Bayne. 

Russell —       Stanhope. 

82  {  Resolution -^       lord  Robert  Manners. 

Bedford i  .  .  .       —        Edmund  Affleck. 

firavci,  vice-amiral. 

Canada capitaine  honorable  William  GornWallis. 

72      Prudent —       Andrew  Barkley. 

82     MoNTAGU —       George  Bowen. 

72     America —       Samoel  Thompson. 


(1)  M.  de  Lapeyrouse,  Hist.  de  la  marine  française,  fait  errear  en  citatt 
V Hector,  le  Palmier  et  le  Réfléchi;  j'ai  déjà  dit  que  ces  vaisseaux  étaient  rtv-  -^ 
tés  à  la  Martinique.  Le  vice-amiral  Hood^  qui  prétend  avoir  compté  33  vaisseaux, 
fait  également  erreur  lorsqu'il  dit:  Je  fus  attaqué  par  toutes  les  forcée  fran- 
çaises au  nombre  de  27  vaisseaux» 


COLONIES.  — 1782.  217 

Lorsque  tous  les  vaisseaux  eurent  défilé  devant  la  partie 
de  la  ligne  sur  laquelle  Tattaque  était  dirigée,  le  lieute- 
nant général  de  Grasse  prit  le  large  et  il  n'inquiéta  pas 
davantage  Tarmée  anglaise.  Estimant  que  le  séjour  des  An- 
glais à  ce  mouillage  ne  pouvait  qu'être  favorable  aux  arri- 
vages d'Europe,  il  les  y  laissa  tranquilles  et  se  borna  à  les 
surveiller.  Le  vice-amiral  Hood  profita  de  la  facilité  qu'on 
lui  donnait  pour  mettre  des  troupes  à  terre  ;  mais,  repous- 
sées par  les  Français,  elles  furent  forcées  de  se  rembarquer. 

Cependant  le  siège  du  fort  de  Brimstone-hill  traînait  en 
longueur.  La  batterie  basse  du  vaisseau  le  Caton  fut  dé- 
barquée. Grâce  à  la  vigueur  que  cette  augmentation  d'ar- 
tillerie permit  d'imprimer  aux  opérations,  le  gouverneur 
capitula  le  2  février  au  soir.  Deux  jours  après,  l'armée 
française  se  rendit  à  Nièves  pour  prendre  des  vivres  qui  lui 
étaient  apportés  par  un  convoi.  La  nouvelle  de  la  prise  du 
fort  de  Brimstone-hill  arriva  bientôt  à  la  connaissance  du 
vice-amiral  Hood;  sa  présence  à  Saint-Christophe  devenait 
dès  lors  inutile.  Profitant  de  l'éloignement  de  l'armée  fran- 
çaise, il  appareilla  pendant  la  nuit  en  coupant  les  câbles  et 
laissant  des  fanaux  sur  les  bouées  pour  n'être  pas  inquiété 
dans  sa  retraite. 

Le  lieutenant  général  de  Grasse  s'était  mépris,  on  l'a 
vu,  sur  les  intentions  du  vice-amiral  Hood.  Ce  dernier  es- 
pérait surprendre  l'armée  française  au  mouillage  et,  dès 
en  partant  de  la  Barbade ,  il  avait  communiqué  son  plan 
d'attaque  aux  capitaines  sous  ses  ordres.  Il  comptait  porter 
tous  ses  efforts  sur  la  tête  de  la  ligne  française  et  faire 
virer  ses  vaisseaux  vent  arrière  par  la  contre-marche  à  me- 
sure qu'ils  auraient  tiré  leur  bordée.  Cette  attaque  de- 
vait être  répétée  jusqu'à  ce  que  tous  les  vaisseaux  français 
eussent  été  réduits  à  l'impossibilité  de  combattre.  Ce  plan 
ne  put  être  misa  exécution  puisque  les  Français  étaient 
sous  voiles;  ce  fut  celui  que  suivit,  par  la  force  des  cir- 
constances, le  lieutenant  général  de  Grasse,  mais  seule- 
ment dans  la  seconde  partie  de  son  attaque  car,  le  premier 


2H8  COLONIES.— 1782. 

jour  et  le  matin  du  deuxième ,  il  avait  rendu  les  chances 
égales  en  défilant  sur  toute  la  longueur  de  la  ligne  enne- 
mie; il  avait  même  engagé  le  combat  avec  désavantage 
parce  que,  arrivant  par  la  pointe  Sainte^Croix,  les  vais- 
seaux français  avaient  été  canonnés  longtemps  avantde  pou- 
voir faire  usage  de  leur  artillerie.  La  crainte  de  se  souven- 
ter  empêcha  le  lieutenant  général  de  Grasse  de  poursuivre 
les  Anglais  ^  il  laissa  une  forte  garnison  dans  le  fort  de 
Brimstone-hill  et  retourna  à  la  Martinique. 

De  nombreuses  critiques  s'élevèrent  contre  la  tactique 
suivie  par  le  lieutenant  général  de  Grasse  dans  cette  cirooflh 
stance.  SU  jugeait  peu  dangereuse  l'attaque  de  l'île  ou 
plutôtdu  fortde  Brimstone-hill  au  moyen  d'un  débarquement 
effectué  devant  la  ville,  il  eut  peut-être  raison  d'appareiller; 
mais  ne  devait-il  pas  attendre,  sinon  avant  de  mettre  sous 
voiles,  du  moins  avant  de  faire  le  sacrifice  des  avantages 
que  pouvait  lui  donner  la  position  au  vent,  à  savoir  ce  que 
Fennemi  voulait  faire?  S* il  mit  sous  voiles  parce  qu'U 
voyait  du  désavantage  à  combattre  à  Tancre,  pourquoi  du 
moment  qu'il  n'avait  plus  à  redouter  un  débarquement  & 
Sandy-point,  n'attaqua-t-il  pas  plutôt  et  plus  vigoureuse- 
ment l'armée  anglaise  à  laquelle  il  donna  le  temps  de 
prendre  telle  position  qu'elle  avait  jugée  convenable? 
Doutait-il  de  ses  forces  et  craignait-il  que  l'ennemi,  sorti 
vainqueur  de  la  lutte,  ne  reprît  possession  <ie  Tîle?  Telles 
furent  quelques-unes  des  questions  qu'on  posa  après  le 
combat  naval  de  Saint-Christophe.  Le  lieutenant  général 
de  Grasse  n'y  répondit  pas;  mais  une  affaire  autrement 
importante  dut  lui  faire  regretter,  quelques  mois  plus  taixi, 
de  n'avoir  pas  profité  des  chances  qui  lui  avaient  été  of- 
fertes devant  Saint-Christophe  (1). 


Le  20  janvier,  pendant  que  le  gouverneur  général  des 


(1)  ÀlUsion  à  la  bataille  de  la  Dominique  déjà  relatée. 


COLONIES.  — 1782.  819 

Antilles  faisait  le  siège  du  fort  de  Brimstone^hill  de  Saint-^ 
Christophe,  le  lieutenant  général  de  Grasse  envoya  le  vais- 
seau le  Généreux  y  capitaine  vicomte  d'Escars,  s'emparer 
de  la  petite  île  de  Nlèves.  Cette  expédition  n'offrit  aucune 
difficulté. 


Après  la  prise  de  Saint-Christophe,  le  lieutenant  général 
de  Grasse  détachai  une  division  sous  le  commandement 
du  lieutenant  général  de  Barras  Saint-Laureût,  pour  at- 
taquer l'île  Montserrat.  Cette  île  capitula  le  22  février.  Le 
comte  de  Barras  retourna  en  France  après  cette  expé- 
dition. 


Presque  en  même  temps  que  le  gouverneur  général  des 
Antilles  reprenait  les  colonies  que  les  Anglais  avaient  en- 
levées aux  Hollandais  dans  ces  mers,  le  capitaine  de  vais- 
seau de  Kersaint  faisait  éprouver  à  l'Angleterre  des  échecs 
semblables  dans  la  Guyane.  Cet  officier  supérieur  était 
parti  de  Rochefort,  le  8  octobre  1781,  avec  les  frégates  et 
les  corvettes  : 

GanoBs. 
52      Iphigénie  qu'il  commandait. 

26      Aimable capitaine  chevalier  de  Sazannet. 

Î2      Ctiien^de-Chasse —       vicomte  de  Pluvinel. 

20      Rossignol -^       chev.  Goëtnempren  de  Kersaint. 

18      David —       chevalier  Dombideau. 

Après  une  relâche  à  Cayenne,  la  division  se  dirigea  sur 
Déraérari.  250  hommes  de  troupes  furent  mis  à  terre,  le 
22  janvier  1782,  et  arrivèrent  devant  la  ville  pendant  la 
nuit.  Ils  n'éprouvèrent  aucune  résistance  :  le  fort  g-v^it  éjé 
évacué.  Une  capitulation  fut  conclue  immôdiatemeùt. 

Le  5  février,  Tîle  Essequibo  capitula  et  le  8,  Berbice  s§ 
rendit  au  caj)itaine  de  Suzannet. 


Lorsque,  à  la  fin  du  mois  de  juin,  l'armée  navale  avait 
fait  route  pour  les  États-Unis  d'Amérique,  le  lieutenant 


220  COLONIES.  — 1782. 

général  de  Vaudreuil  avait  laissé  le  vaisseau  de  Ih""  le 
Sceptre^  capitaine  Lapérouse,  au  Gap  Français  de  Saint- 
Domingue,  et  avait  donné  à  cet  officier  la  mission  d'aller 
détruire  les  établissements  anglais  de  la  baie  d'Hudson. 
Cette  expédition  offrait  de  grandes  difficultés  ;  rien  n'avait 
été  disposé  pour  naviguer  dans  ces  parages;  on  n'avait 
même  pas  de  cartes  des  côtes  que  le  Sceptre  allait  visiter. 
Une  telle  entreprise  ne  pouvait  être  mieux  confiée  qu'au 
capitaine  Lapérouse,  car  il  montrait  déjà  pour  les  expédi- 
tions aventureuses,  cette  ardeur  qui  priva  la  France  d'un 
officier  appelé  à  faire  faire  un  grand  pas  à  l'histoire  de  la 
géographie. 

Le  Sceptre  appareilla  du  Gap  Français,  le  31  mai,  en 
compagnie  des  frégates  de  32°  YAstrèe  et  Y  Engageante^ 
capitaines  chevalier  de  Lgingle  et  de  Lajaille  -,  300  soldats 
avaient  été  embarqués  sur  ces  bâtiments.  Après  une  navi- 
gation fort  pénible  dans  les  glaces,  la  division  arriva,  le 
8  août,  devant  le  fort  du  Prince  de  Galles  ;  les  troupes 
furent  mises  à  terre,  le  jour  même.  Le  fort  se  rendit  le 
lendemain  sans  avoir  fait  aucune  résistance  :  tous  les  ma- 
gasins furent  détruits.  Le  capitaine  Lapérouse  remit  à  la 
voile,  le  H ,  et  se  dirigea  sur  le  fort  York ,  centre  des  éta- 
blissements anglais  dans  ces  parages;  il  y  arriva  le  20. 
Mais  avant  de  s'approcher  de  cette  côte  dangereuse  et  peu 
connue,  il  fallut  faire  une  exploration  et  sonder  l'entrée  de 
la  rivière  Deshayes  sur  laquelle  le  fort  était  établi.  Gette  re- 
connaissance terminée,  le  débarquement  fut  effectué,  le  21 
au  soir.  Le  peu  de  profondeur  des  eaux  de  la  rivière  arrêta 
de  bonne  heure  les  embarcations,  et  les  250  hommes  dont 
se  composait  le  détachement  expéditionnaire  marchèrent 
l'espace  d'un  mille  dans  la  vase.  Obligés  de  faire  un  long 
circuit  à  cause  de  la  nature  du  terrain,  il  leur  fallut  deux 
jours  pour  arriver  au  fort;  les  portes  en  furent  ouvertes  à 
la  première  sommation.  Toutes  les  marchandises  qui  se 
trouvaient  à  York  furent  brûlées,  et  l'expédition  se  rem- 
barqua. La  petite  division  française  avait  été  plusieurs  fois 


COLONIES.  — 1782.  221 

compromise  pendant  son  séjour  sur  cette  côte  ;  le  capi- 
taine Lapérouse  ne  crut  pas  devoir  Ty  prolonger  :  il  fit 
route  pour  l'Europe. 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGÉS 

pendant  Tannée  1782. 

ANGLAIS. 

Canons. 

110      Ville  de  Paris  * Brûlé  en  raer. 

108      Royal  George Sombré  à  Porstmouth. 

(Glorieux* \ 

Hector* /  ^     ,, 

Ramilies I  «^«""«^  «"  «"f- 

l  LiENTAUR.    ••••....•< 

(  Lion Naufragé  sur  la  côte  d'Amérique. 

50      Hannibal Pris  par  une  division. 

c  Stag Naufragée  sur  la  côte  d'Angleterre 

^^   (  Sta  Monica Naufragée  feur  l'île  Tortola. 

ÎSpeedy  \ 

f.         j   Prises  par  deux  frégates. 

22      CoRMORANT Sombrés  en  mer- 

20      Chasseur c  .  .  )  j.  .        ,  f-A*«i« 

I.  [  Prises  chacune  par  une  frégate. 

alligator.   •(.   ...•«) 

Cérès  * Prise  par  deux  frégates. 

MoLLY Prise  par  une  corvette. 

16  vo'iZr:  :  :  :  :  :  :  ;  :  :  I  p"^«^  p"  ""«  ^'*«**''- 

14      Racoon Prise  par  deux  frégates. 

Corvette  :  Allégeance.    .  .  .      Prise  par  une  escadre. 

français. 

Canons. 

110      Ville-de-Paris 1 

Hector >  Pris  à  la  bataille  de  la  Dominique. 

Glorieux j 

César Brûlé  après  la  bataille  de  la  Dominique 

74  {  Magnifique Naufragé  sur  la  côte  d'Amérique. 

Palmier Coulé  en  mer. 

Scipion *  Naufragé  à  Saint-Domingue. 

Orient Naufragé  dans  l'Inde. 

Solitaire Pris  par  une  division. 

Ardent Pris  à  la  bataille  de  la  Dominique. 

^^'^'^ \  Pris  par  une  division. 

Jason ) 

40     Aigle Prise  par  une  division. 

58     Hébé Prise  par  une  frégate. 

26  [i^"^^^^t )  Prises  par  un  vaisseau. 

32      Cybèle,  en  flûte Naufragée  en  Amérique. 

26     Necker      —    ,.,,..     Prise  par  un  vaisseau. 


2««  BATAILLES. --ma. 

-«  I  r^    •*'    '•••♦. j   Prises  par  une  division. 

18  l  Espion ,1  *^ 

I  Pig^y  * Prise  par  deux  y&isseaiix. 

U     ^Bmettà\  '.  l  '  '.  '.  ;  !  .*  .'  I  ^'''''^'  P^'^  ""«  ^^^•**«- 
Corvette  :  Expédition Détruite  à  la  côte. 

*  L'astérisque  indique  un  bâtiment  pris  à  la  puissance  ennemie. 

hécapitulation. 


ANGLAIS.  .    . 


FRANÇAIS. 


Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in 

férieurs 

Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in 

férieurs.» 


Détruits 

Plis. 

ou 

Incendiés. 

TOTAL, 

iMiifragés. 

1 

2 

6 
1 

1 

» 

8 
5 

8 
7 
5 

1 
i 

1 

» 

9 

12 

6 

6 

1 

» 

T 

ANNÉE  1785. 


La  bataille  de  la  Dominique  n'apporta  aucune  modifica- 
tion au  projet  d'expédition  auquel  l'armée  navale  des  An- 
tilles devait  coopérer.  Les  alliés  pouvaient  disposer  d'un 
nombre  de  vaisseaux  assez  considérable  pour  diriger  une 
attaque  contre  la  Jamaïque.  On  annonça  donc  des  renforts 
et  un  corps  de  2&)000  hommes  au  lieutenant  général  de 
Vaudreuil,  et  on  lui  donna  Tordre  de  se  tenir  à  une  soixan- 
taine de  lieues  au  vent  de  la  Barbade  et  d'y  attendre  ces 
renforts.  Tel  était  le  plan  qu'arrêtaient  les  gouvernements 
de  laFrance  et  de  l'Espagne  pendant  que  le  conseil  de  guerre 
qui  s'était  réuni  à  Saint-Domingue  après  la  bataille  de  la 
Dominique  et  dont  j'ai  déjà  parlé  décidait,  sur  les  obser- 
vations du  chef  d'escadre  espagnol  Solano,  que  la  jonction 


BATAILLES.  — 1783.  223 

des  escadres  aurait  lieu  à  Porto  Gabello,  sur  la  côte  ferme. 
Dès  que  les  intentions  du  gouvernement  furent  connues,  le 
gouverneur  de  Saint-Domingue  expédia  le  brig  de  14°  le 
TarUton,  capitaine  Lecamus,  à  Boston.  Mais,  le  3  janvier, 
le  Tarleton  eut  un  engagement  avec  un  brig  anglais  et  ce 
combat  le  mit  dans  la  nécessité  de  relâcher  au  Port  au 
Prince  pour  réparer  quelques  avaries  ;  il  ne  remit  sous  voiles 
que  le  9  février.  Ce  jour-là  même,  il  fut  chassé  et  canonné 
par  une  frégate  et  un  brig  anglais,  et  fut  forcé  de  chercher 
un  abri  sous  les  batteries  de  la  côte.  Ainsi  retardé  dans  sa 
mission,  le  capitaine  Lecamus  arriva  trop  tard  pour  trouver 
Tannée  du  lieutenant  général  de  Vaudreuil  à  Boston  et 
même  pour  la  rencontrer  à  la  mer;  elle  avait  quitté  ce  port 
le  20  décembre  pour  se  rendre  dans  le  golfe  avec  un  con- 
voi portant  4,000  hommes  des  troupes  du  général  de 
Rocbambeau.  Le  commandant  en  chef  de  Tarmée  navale 
finit  cependant  par  avoir  connaissance  des  intentions  des 
Cours  de  France  et  d'Espagne,  et  il  fit  route  pour  le  Cap 
Français  où  il  mouilla  le  15  avril.  Le  Duc-de-Bourgogne^ 
capitaine  Champmartin,  fut  le  seul  vaisseau  de  l'armée 
qui  ne  rentra  pas  dans  ce  port  :  il  s'était  perdu  dans  le 
golfe  sur  le  cap  Ribero. 

Pendant  que,  faute  d'instructions  précises,  Tarmée  na- 
vale des  Antilles  courait  ainsi  les  mers,  le  vice-amiral  d'Es- 
taing  avait  été  nommé  au  commandement  en  chef  de  l'armée 
combinée  qui  devait  agir  contre  la  Jamaïque.  Cet  officier 
général  s'était  de  suite  rendu  à  Cadix  où  il  avait  trouvé  des 
bâtiments  généralement  mal  armés.  A  la  date  du  1"  jan- 
vier, il  leur  manquait  2043  hommes.  La  réunion  de  ces 
vaisseaux  à  l'armée  du  lieutenant  général  de  Vaudreuil  et 
à  ceux  que  le  lieutenant  général  espagnol  don  Juan  de 
Langara  y  Xuarte  devait  conduire  au  rendez-vous,  allait 
porter  l'armée  combinée  au  chiffre  énorme  de  60  vais- 
seaux; 17,000  hommes  de  troupes,  dont  5,700  Espagnols 
étaient  destinés  à  prendre  passage  sur  les  vaisseaux  de 
Cadix.  Si  ces  troupes  ne  suffisaient  pas,  les  garnisons  de3 


264  BATAILLES.  — 1783. 

différentes  iles  fourniraient  le  complément  qui  serait  jugé 
nécessaire. 

Le  gouvernement  anglais  n'ignorait  pas  le  but  de  tous 
ces  préparatifs.  Il  avait  arrêté  que  les  28  vaisseaux  qui 
étaient  en  Amérique  et  8  ou  10  autres  qu'il  expédierait 
d'Europe,  attendraient  le  vice-amiral  d'Estaing  dans  la  mer 
des  Antilles,  tandis  que  le  vice-amiral  Hood,  avec  13  vois- 
seaux  de  la  Nouvelle- Angleterre  et  6  ou  7  de  la  Jamauque, 
croiserait  devant  le  Cap  Français,  afin  d'empêcher  le  lieu- 
tenant général  de  Vaudreuil  d'atteindre  le  rendez-vous. 
Si  le  vice-amiral  d'Estaing  passait  aux  îles  sans^ y  arrêter, 
il  devait  être  suivi  par  les  deux  armées  anglaises  réunies. 
50  à  60  vaisseaux  étaient  ainsi  destinés  à  soutenir  les 
12,000  hommes  de  troupes  qu'on  avait  réunis  à  la  Ja- 
maïque. 

Les  préliminaires  de  paix  entre  la  France  et  l'Espagne 
d'une  part  et  l'Angleterre  de  l'autre,  signés  le  20  janvier, 
rendirent  tous  ces  préparatifs  inutiles.  Le  vice-amiral  d'Es- 
taing reçut  l'ordre  de  renvoyer  immédiatement  en  France 
les  vaisseaux  et  les  troupes  qui  étaient  à  Cadix.  Le  lieute- 
nant général  Lamotte-Piquet  conduisit  9  vaisseaux  et  & 
frégates  à  Brest.  Le  capitaine  de  vaisseau  comte  de  Flotte 
partit  pour  Toulon  avec  12  vaisseaux,  3  frégates  et  2  cor- 
vettes. Le  capitaine  Vialis  de  Fontbelle  du  Réfléchi  fut 
chargé,  avec  V Éveillé^  d'accompagner  les  transports  qui 
avaient  reçu  des  vivres  pour  les  Antilles. 

Ainsi  fut  définitivement  dissoute  cette  armée  combinée 
qui  entraîna  les  gouvernements  de  France  et  d'Espagne 
dans  des  dépenses  énormes,  que  ne  compensèrent  certai- 
nement pas  les  quelques  avantages  qu'ils  retirèrent  de  cet 
armement. 


L'escadre  de  l'Inde  quitta  Trinquemalé,  le  1"  octobre, 
pour  aller  à  Goudelour;  le  vaisseau  le  Bizarre  dont  le 
commandement  avait  été  donné  au  capitaine  Trehouret  de 


BATAILLES.  -  1783.  225 

Pennelé,  se  perdit  en  se  rendant  à  ce  mouillage.  Le  chef 
d'escadre  de  Suffren  ne  fit  qu'un  court  séjour  sur  cette  rade  5 
les  mauvais  temps  le  forcèrent  à  quitter  ces  parages.  Il  se 
dirigea  sur  Sumatra  et,  le  1"  novembre,  il  mouilla  à  Achem. 
Pendant  cette  relâche,  il  fut  informé  de  l'arrivée  à  l'Ile  de 
France  des  renforts  que  le  lieutenant  général  de  Bussy 
attendait  pour  prendre  en  personne  la  direction  des  af- 
faires; mais  il  apprit,  en  même  temps,  que  hommes  et 
bâtiments  étaient  dans  l'état  le  plus  déplorable.  .Le  scorbut 
et  une  maladie  épidémique  qui  régnait  toujours,  avaient 
décimé  les  équipages  et  les  troupes  passagères;  le  géné- 
ral de  Bussy  était  lui-même  atteint  de  cette  maladie. 
Les  vaisseaux  le  Hardi  et  Y  Alexandre  ne  pouvaient  re- 
prendre la  mer  de  quelque  temps.  Le  dernier,  considéré 
comme  un  foyer  d'infection,  fut  livré  aux  flammes.  Quoi 
qu'il  en  fût,  cette  nouvelle  fit  hâter  le  départ  et  l'escadre 
mit  sous  voiles,  le 20  décembre,  pour  aller  s'établir  en  croi- 
sière sur  la  côte  d'Orixa  (1).  Cette  croisière  de  l'escadre 
de  rinde  sur  la  côte  fut  très-préjudiciable  au  commerce 
anglais.  Un  bâtiment  de  guerre  fut  aussi  capturé  et  cela 
sans  combat  :  c'était  la  frégate  de  SO*"  Coventry  qui, 
croyant  avoir  rallié  son  escadre,  mouilla  de  nuit  au  milieu 
des  vaisseaux,  français,  alors  à  l'ancre  à  l'embouchure  du 
Gange.   Ayant  appris  la  mort  d'Hyder  Ali  par  son  capi- 
taine, le  chef  d'escadre  de  Suliren  prit  le  parti  de  se  ren- 
dre à  Goudelour  d'où  il  fit  route  pour  Trinquemalé.  Le 
10  mars,  le  général  de  Bussy  arriva  dans  ce  port  avec  3 
vaisseaux,  une  frégate  et  un  convoi. 

Le  lieutenant  général  de  Bussy,  nommé  au  commande- 
ment supérieur  des  forces  de  terre  et  de  mer  dans  l'Inde, 
avait  quitté  la  France,  peu  de  mois  après  le  départ  de  la 
division  du  commandant  de  Sufl^ren,  avec  les  vaisseaux  le 
Saint  Michel  et  Y  Illustre,  la  frégate  la  Consolante  et  quel- 
ques navires  portant  des  troupes  et  des  approvisionnements 


(1)  Partie  Nord  de  la  côte  de  Goromaodel. 

IL  15 


4citoiite  Ç9pèpç.  Ces  navires  p' avaient  qu'une  partie4e8  i^ii- 
forts  qu'op  envoyait  dans  l'Inde.  Le  reste  devait  suivre  de 
près;  pi^is  la  seconde  division,  confiée  au  capitaine  de 
Sonlangei^t  fut  prise  pi;  dispersée,  ainsi  que  je  l'ai  dit.-rr- 
23  avril  1782.  —  Arrivé  h  TUe  de  France  sans  encombre, 
le  général  de  Bussy  avait  envoyé  les  vaisseaux,  la  fré-» 
gâte  et  le  petit  convoi  rejoindre  Tescadre,  et  il  avait  at- 
tendu Tarrivée  du  second  convoi  qui  fut  amené  par  le 
capitaine  de  Peynier.  On  doit  se  rappeler  que  la  jonction 
des  premiers  vaisseaux  avait  eu  lieu  à  Benticolo^  Le  départ 
tardif  du  comnîaodant  en  chef  des  forces  de  terre  et  4e 
mer  tenait  donc  à.  la  décision  qu'il  avait  prise,  mais  a^6^i 
^  la  circonstance  que  voici.  Le  capitaine  Boisgelin,  4^  la 
çorve);te  de  18°  le  Chassei^r^  expédié  pour  annoncer  l'arri- 
vée des  renforts  au  chef  d'escadre  de  Suffren  et  Jui  porter 
des  instructions,  ne  l'avait  pas  trouvé  à  Achem.  Informé 
dfi  {a  direction  que  l'escadre  avait  prise,  il  s'était  m\s  h  sa 
recherche  ;  mais  sa  corvette  avait  été  capturée  par  la  frégate 
anglaise  Mepea.  Les  renseignements  avaient  dès  lorp  man- 
qué de  part  et  d'autre.  Ne  revoyant  pas  le  Chasseur^  le 
commandant  supérieur,  qui  avait  pris  le  parti  d'aller  lui- 
nième  à  la  rencontre  4e  l'escadre,  s'était  dirigé  sur  Acbem  ; 
et  ayant  appris,  devant  ce  port,  que  l'escadre  française  ne 
s'y  trouvait  plus,  il  s'était  rendu  à  Trinquemalô  où  il  l'avait 
enfin  jointe.  L'escadre  mit  de  suite  à  la  voile  et,  le  len- 
demain, les  troupeâ  apportées  par  le  convoi  furent  miges 
à  terre  à  Porto  Novo.  Cette  opération  terminée ,  les  v^il- 
seaux  retournèrent  à  Trinquemalé,  à  l'exception  du  Fen- 
dant, du  Saint-MicheU  des  frégates  la  Cléopc^tr^  et  la  Co- 
veniry  qui  furent  envoyés  croiser  devant  Madras  avec  le 
capitaine  de  Peynier.  Presque  tous  les  vaisseaux  furent  ca- 
rénés à  Trinquemalé  ;  les  gréments  furent  encore  visités, 
car  ils  étaient  en  si  mauvais  état,  qu'il  était  indispensable 
de  faire  ce  travail  à  chaque  relâche.  Le  manque  absolu 
de  mâtures  consola  un  peu  le  conimandant  de  l'escadre 
de  la  perte  de  r Orient  et  dix  Bizarre;  leurs  mâts  furent 


BATAILLES.  — 1783.  Sr 

donnés  aux  vaisseaqjc  qui  en  avaient  le  plue  besoin. 
Le  jour  même  où  Teseadre  rentrait  à  Trinquemalô, 
l'escadre  anglaise  qu'on  croyait  toujours  à  Bombay  où  elle 
était  allée  se  réparer  pendant  la  mauva^e  saison,  avait  été 
aperçue  faisant  route  au  Nord.  Il  était  important  d'en  don- 
ner de  suite  avis  au  commandant  de  Peynier  et  au  général 
de  Bussy.  Le  lieutenant  Villaret  Joyeuse  reçut  cette  mis- 
sion avec  la  Naïade^  mais  il  ne  put  la  remplir  :  8$  gop- 
vette  fut  capturée  par  un  vaisseau  apglais.  La  prise  de  ce 
bâtiment  n'eut  pas  les  conséquences  qu'on  pouvait  redou- 
ter :  le  commandant  de  Peynier,  heureusement  inspiré, 
avait  quitté  sa  croisière  la  veille  du  jour  où  le  vice^amiral 
Hughes  était  arrivé  à  Madras,  et  il  entra  à  Tripquemalé 
sans  avoir  eu  connaissance  de  Tescadre  ennemie. 

Voici  le  plan  général  de  campagne  qui  avait  été  tracé 
au  lieutenant  général  de  Bussy.  «  Si  la  Hollande,  portaient 
«  ses  instructions,  si  la  Hollande  fait  partir  à  une  époque 
((  convenable  les  8  vaisseaux  de  50''  que  la  Compagnie 
a  arme  en  ce  moment,  et  qui  sont  destinés  pour  les  Indes, 
a  jamais  l'escadre  anglaise  ne  s'élèvera  asses  haut  pour 
((  pouvoir,  sans  un  grand  désavantage,  se  mesurer  avee 
a  les  deux  divisions  combinées  de  France  et  de  Hollande.» 

«  Si,  par  des  circonstances  qu'on  ne  peut  prévoir,  les 
«  8  vaisseaux  hollandais  ne  sortaient  pas  du  Texel,  et  que 
t  les  Anglais  devinssent  supérieurs,  la  division  du  Roi 
c(  n'en  doit  pas  moins  sortir  de  l'Ile  de  France  ;  c'est  a^ 
«  commandant  de  cette  division  à  naviguer  de  manière  i 
<(  éviter  de  combattre  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  débarqué  ses 
f  troupes  sur  quelque  partie  du  continent;  elle  combattra 
<c  ensuite  sans  craindre  qu'un  revers  maritime  puisse  ar» 
a  rêter  la  révolution  que  l'armée  du  Roi  doit  opérer  si  elle 
«  débarque  dans  l'Inde. 

«  Alors,  rien  ne  peut  plus  s'opposer  à  ce  que  le  comte 
«  d'Orves  (1)  aille  attaquer  la  division  anglaise  parce  que, 


(1)  On  ne  doit  pas  oublier  que  ces  instructions  étaient  écrites  as  eommeno«< 


228  BATAILLES. —  1783. 

«  assuré  des  ports  de  Geylan,  lorsque  les  Anglais  auront 
«  perdu  Bombay,  ils  n'auront  plus  de  retraite  qu'à  la  côte 
((  Est,  lorsque  nous  en  aurons  de  tous  genres.  La  division 
a  française  ayant  fiinsi  des  ports  de  retraite ,  ne  sera  plus 
(c  obligée,  comme  dans  les  guerres  précédentes,  d'employer 
«  six  mois  tous  les  ans  pour  aller  se  réparer  aux  lies. 

((  L'importance  de  Geylan  est  telle  que ,  si  les  troupes 
a  anglaises  s'étaient  emparées  de  cette  île,  ou  si  Hyder 
((  Ali  ayant  fait  la  paix,  l'armée  du  continent  s'enr  était 
(i  rendue  maîtresse,  l'objet  delà  reprendre  serait  peut-ôtre 
((  plus  important  que  toutes  les  autres  conquêtes  par  les- 
ff  quelles  on  pourrait  commencer  la  guerre  de  l'Inde.  » 

On  a  pu  voir  que,  sans  connaître  ces  instructions,  le 
chef  d'escadre  de  SufFren  avait  rempli  les  intentions  du 
gouvernement.  Mais  la  Hollande  ne  tint  pas  ses  promesses  ; 
non-seulement  les  vaisseaux  du  Texel  ne  parurent  point, 
mais  pendant  que  la  sollicitude  de  la  France  la  portait  à 
employer  une  partie  de  ses  forces  navales  à  la  conserva- 
tion des  colonies  hollandaises,  paisible  spectateur  de  la  latte 
entre  l'escadre  française  et  l'escadre  anglaise,  le  comman- 
dant en  chef  de  la  division  que  nos  alliés  entretenaient 
dans  ces  parages  restait  tranquille  à  Batavia,  laissant 
au  bailli  de  Suffren  le  soin  de  défendre  des  possessions 
dont  le  sort  ne  semblait  l'intéresser  que  médiocrement. 

La  prise  de  Trinquemalé  avait  porté  ses  fruits.  Tandis 
que  le  vice-amiral  Hughes  s'était  vu  forcé  de  passer  de 
l'autre  côté  de  la  presqu'île  de  l'Inde  pour  visiter  ses  vais- 
seaux, le  chef  d'escadre  de  Suffren  avait  fait  faire  aux  siens 
dans  ce  port  les  réparations  indispensables.  Mais,  s'il  était 
resté  maître  de  la  mer,  l'arrivée  des  renforts  envoyés  au 
lieutenant  général  de  Bussy  ne  changea  pas  la  face  des 
affaires  sur  terre.  Le  défaut  d'entente  entre  le  général  Du- 
chemin  et  Hyder  Ali  dont  les  troupes  combattaient  à  côté 


ment  de  1782  et  que  le  capitaine  de  Taisseau  d'Orves  commaDdait  alors  la  di- 
vision nayale.  t 


BATAILLES.  — 1783.  229 

de  celles  de  la  France,  ne  cessa  pas  à  la  mort  du  général 
français  et  du  chef  indien  :  l'insouciance  du  général  de 
Bussy  égala  certainement  celle  de  son  prédécesseur.  Tous 
deux,  du  reste,  avaient  pour  excuse,  si  Ton  peut  en  ad- 
mettre, que  Tétat  de  leur  santé  les  retenait  en  quelque 
sorte  forcément  sous  leur  tente.  Au  lieu  de  s'améliorer, 
les  choses  empirèrent  et  l'armée  des  alliés,  obligée  de  se 
retirer  sous  Goudelour,  ne  tarda  pas  à  être  dans  la  néces- 
sité de  demander  un  abri  aux  murailles  de  cette  ville  dont 
les  fortifications  étaient  insignifiantes  et  qui  était  sans  mu- 
nitions et  sans  vivres.  Son  ravitaillement  devint  même 
bientôt  impossible,  car  à  l'investissement  par  terre  se  joi- 
gnit le  blocus  par  mer  :  informé  de  la  situation,  le  vice- 
amiral  Hughes  avait  mouillé  ses  vaisseaux  devant  la  ville. 
Le  sort  de  l'armée  était  donc  entre  les  mains  du  chef  d'es- 
cadre de  Suffren  que  le  général  de  Bussy  tenait  au  courant 
de  la  situation ,  en  même  temps  qu'il  le  pressait  de  venir 
à  son  secours.  Dans  cette  circonstance,  le  commandant  des 
forces  navales  montra  ce  qu'il  y  avait  d'énergie  et  de  dé- 
vouement dans  son  âme.  Il  pressa  les  réparations  et,  quoi- 
qu'il n'eût  que  15  mauvais  vaisseaux  à  opposer  aux  18 
anglais  stationnés  devant  Goudelour,  il  mit  à  la  voile  après 
avoir  tenu  aux  capitaines  de  son  armée  le  langage  sui- 
vant en  guise  d'ordre  du  jour  :  «  L'état  critique  où  se 
«  trouvent  les  affaires  du  Roi  exige  que  nous  travaillions 
«  tous  de  concert.  Loin  de  nous  toute  mésintelligence  ca- 
«  pable  de  nuire  au  bien  de  la  chose;  montrons  que  l'hon- 
«  neur  d'être  Français  vaut  bien  l'avantage  dont  se  prévaut 
i(  l'ennemi.  L'armée,  sous  les  murs  de  Goudelour  (1),  est 
«  perdue  si  nous  n'allons  à  son  secours.  La  gloire  de  la 
«  sauver  nous  est  peut-être  réservée;  nous  devons  du 
«  moins  le  tenter.  Vous  connaissez,  messieurs,  les  nou- 
«  veaux  ordres  du  roi;  croyez  qu'il  ne  faut  pas  moins  que 


(1)  Elle  n'était  pas  encore  renfermée  dans  la  place. 


330  BATAILLES.  -  4783. 

É  cela  pour  m' empêcher  de  partager  vos  pârils»  (1).  Voki 
Tordre  auquel  le  chef  d'esoadre  de  Suffren  faisait  allusion  t 

tt  Considérant  qu'il  est  impossible  au  commandant  d'une 
u  armée  navale  de  juger,  pendant  un  combat,  du  mouve* 
H  ment  de  sa  ligne  et  de  celle  de  l'ennemi,  tant  à  cause  de 
a  la  fumée  du  canon  dont  il  est  enveloppé,  que  par  Tatten- 
«  tion  qu'il  est  obligé  de  porter  à  la  manœuvre  participa 
<  lière  du  vaisseau  sur  lequel  son  pavillon  est  arboré  ; 

«  Considérant  que  les  vaisseaux  de  tête  distinguent  dif- 
tt  ficilement  les  signaux  qui  leur  sont  adressés  du  centre 
«  de  la  ligne^  et  que  le  moment  de  les  exécuter  est  souvent 
tt  passé  lorsqu'ils  les  aperçoivent; 

f(  Je  vous  fais  cette  lettre  pour  vous  dire  que  mon  inten- 
((  tion  est  que*  si  dorénavant  vous  trouvez  Toccasion  de 
a  combattre  mes  ennemisi  vous  aurez  à  quitter  le  vaisseau 
«  sur  lequel  votre  pavillon  sera  arboré  et  que  vous  passiez 
H  sur  la  frégate  dont  vous  aurez  fait  le  choix,  d'où  il  vous 
«  sera  plus  facile  d'observer  la  manœuvre  des  ennemis , 
u  d'indiquer  celle  que  vous  jugerez  à  propos  de  faire  faire 
«  à  l'armée  navale  dont  je  vous  ai  confié  le  commandement 
H  et  d'en  presser  l'exécution.  » 

«  Signé  :  Loms.  > 

Cet  ordre  était  la  conséquence  d'une  ordonnance  royale 
qui  avait  été  promulguée  après  la  bataille  de  la  Dominique. 

Oui,  il  y  avait  un  grand  dévouement,  un  amour  de  la 
patrie  plus  grand  encore  chez  le  chef  qui  allait  au  devant 
de  l'ennemi  avec  des  vaisseaux  qui  eu  étaient  aux  expé- 
dients pour  se  procurer  des  mfits ,  des  voiles  et  des  cor- 
dages; avec  des  vaisseaux  qui  faisaient  tant  d'eau  que  le 
jeu  des  pompes  ne  pouvait  être  interrompu  et  dont  les 
équipages,  attaqués  parle  scorbut,  présentaient  l'eflec- 
tif  strictement  nécessaire,  non  pour  combattre,  mais  pour 
naviguer.  Les  vaisseaux  de  74*^ avaient  à  peine  500  hommes, 

(1)  GuDat,  Hist.  du  baiili  de  Suffr$n* 


BATAILLES.  — 1783.  231 

y  Gotnpriâ  les  Caffrès  et  les  Lascats  cJU'il  aVàit  été  poSsîble 
de  recruter  et  les  soldats  qU*on  avait  embâi^quês  àtî  mo- 
ment du  départ,  et  11  leur  en  revenait  7ââ.  Et  cependant, 
le  vice-amiral  anglais  qui  n'ignorait  aucune  de  ces  parti* 
cularités  ne  crut  pas  devoir  accepter  le  combat  lorsque^ 
le  lA  juillet,  les  Français  se  présentèrent  devant  Goudé- 
lour.  Bien  plus,  quand  il  se  décida  à  mettre  sous  voiles, 
il  manœuvra  de  telle  sorte  que  les  Français  purent  prendre, 
le  17,  le  mouillage  qu'il  occupait  devant  la  ville.  Le  com- 
mandant de  l'armée  navale  en  profita  pour  demander  au 
général  de  Bussy  un  complément  d'équipages  :  500  soldats 
et  700  cipayes  lui  furent  envoyés.  Ce  fut  avec  une  sem* 
blable  composition  d'équipages  que  les  vaisseaux  appareil- 
lèrent le  18  et  gouvernèrent  sur  les  Anglais.  Les  variations 
dans  la  force  et  dans  la  direction  du  vent  s'opposèrent  à  la 
rencontre  des  deux  armées.  Le  lendemain,  elles  manœu- 
vrèrent pour  tâcher  de  gagner  la  position  du  vent  ou  pour 
s'assurer  cette  position.  Enfin,  le  20,  la  brise  s'étant  fixée 
à  l'Ouest,  l'armée  française  laissa  porter  sur  celle  dès  An- 
glais, disposée  en  bataille,  bâbord  amures  et  en  panne 
dans  Tordre  suivant  : 

Canons. 

82      Defènge i  .  .  capitaiDO  Nownliam. 

60     Isis —       Christopher  Hallidaj. 

80      Gibraltar —        Thomas  Hicks. 

air  Robert  Bickerton,  contré-amiral. 
82      Inflexible.  ........  capitaine  honorable  J.  Chetwind. 

(  ExETER —       John  Smith. 

éi   }  WoRCESTER —        Charles  Hughes. 

(  Afriga —       Robert  Macdonall. 

82      Sultan —       Andrew  Mitchell. 

74.      SuPERB —       Henry  Newcome. 

sir  Edward  Hughes,  yice-amiral. 

J  MoNARCA capitaine  John  Gell. 

(  BuRFORD •  •  .        —       Peter  Rai  nier. 

1  Sceptre —        Samuel  Graves. 
Magnanime —        Thomas  Mackensie. 

64      Eagle —       William  Clarke. 

82     Hero —       Theophilus  Jones. 

Richard  King,  commodore. 

50     Ëristol capitaine  James  Burne]f. 

72     Monmouth -—       James  Alms. 

82     Cumberland —       William  Ailen. 


232  BATAILLES.  — 1783. 

A  Z^  30",  l'armée  française  se  trouvant  à  distance  con- 
venable, le  chef  d'escadre  de  SufFren  fit  serrer  le  vent 
bâbord  amures,  et  le  combat  s'engagea  sur  toute  la  ligne 
dans  Tordre  que  voici.  Conformément  aux  instructions 
qu'il  avait  reçues,  le  bailli  de  Suffren  avait  arboré  son 
pavillon  sur  la  frégate  la  Cléopâlre^  capitaine  de  Rosily. 

Canons. 

I  Sphinx —  Ducbilleau  de  Laroche. 

I  Brillant —  de  Kersauson. 

7i     Fendant —  chevalier  de  Peynier  (1). 

50      Flamand —  Perrier  de  Salvert. 

64     AJax —  Dupas  de  Laroancelière. 

50      Hannibal —  Pas  de  Beauliea. 

Î  Argonaute —  de  Clavières. 

Héros —  Moissac. 

Illustre —  comte  de  Bruyères. 

60     Saint-Michel —  vicomte  de  Beaumont-Lemaitre. 

«1  i  V^^y^^^ —       ^®  Cuverville. 

l  Sévère —       Maunrille  de  Langle. 

74      Annibal --        d'Aymar. 

(  Hardi, —        de  Kerhué. 

\  Artésien —        de  Vignes  d*Arrac. 

Frégates  :  Consolante^  Cléopâtre,  Coventry. 

L'ardeur  des  états-majors  et  des  équipages  répondit  à 
celle  de  leur  chef  d'escadre.  Chacun  combattit  vaillamment 
à  son  poste  et  il  n'y  eut  que  des  éloges  à  donner.  Pressée 
de  plus  en  plus  par  les  Français  qui  tenaient  à  exécuter  le 
signal,  hissé  en  quelque  sorte  en  permanence  en  tête  de  la 
mâture  de  la  Ctéopâtre^  de  combattre  à  demi-portée  de 
fusil,  l'armée  anglaise  arriva  constamment,  mais  en  faisant 
bonne  contenance  et  peut-être  dans  le  but  d'éloigner  l'ar- 
mée française  de  Goudelour.  La  nuit  fit  cesser  le  combat 
après  deux  heures  et  demie  de  lutte  acharnée.  Toutefois, 


(1)  M.  Cunat  (a)  dit  que  le  capitaine  de  Saint-Félix  qui^  on  doit  se  le  rappeler, 
aTait  été  remplacé  dans  son  commandement  après  le  combat  du  5  septembre 
1782^  obtint  de  servir  comme  capitaine  de  pavillon  sur  le  Fendant^  et  qu'il  fut 
blessé  au  cumbat  devant  Goudelour.  Il  est  fort  possible  que,  désireux  de  se 
réhabiliter  dans  Tescadre,  M.  de  Saint  Félix  ait  obtenu  de  servir  en  sous-or- 
dre sur  un  vaisseau  ;  mais  ce  ne  dut  être  qu'en  second  et  non  comme  capi- 
taine de  pavillon,  puisque  M.  de  Peynier  n'était  lui-même  que  capitaine  de 
vaisseau. 

(a)  Hist.  du  bailli  de  Suffren,  '' 


BATAILLES. —1783.  233 

les  boulets  français  accompagnèrent  les  vaisseaux  anglais 
tant  que  Tobscurité  permit  de  les  apercevoir. 

Disons-le  bien  haut  à  la  gloire  du  chef  d'escadre  de 
Suffren,  à  la  gloire  des  capitaines,  des  officiers  et  des  équi- 
pages de  son  armée,  il  était  beau  de  marcher  aussi  brave- 
ment au  combat  dans  des  conditions  pareilles  à  celles  dans 
lesquelles  se  trouvait  cette  armée  de  Tlnde.  Vaisseaux 
vieux,  cassés  et  ne  manœuvrant  plus  que  difficilement; 
équipages  épuisés  et  composés,  dans  un  rapport  assez  con- 
sidérable, d'Indiens  et  de  soldats,  en  un  mot  d'hommes 
qui  ne  savaient  rien  des  choses  de  la  mer;  bien  plus  qui, 
dès  que  la  brise  fraîchissait,  étaient  exposés  à  tous  les  in- 
convénients de  la  navigation  ;  tels  étaient  les  éléments  que, 
amiral  et  capitaines  avaient  rois  comme  enjeu  de  la  partie 
qui  avait  été  engagée  et  qu'ils  avaient  certainement  ga- 
gnée. Oui,  je  le  répète,  car  on  ne  sait  pas,  lorsqu'on  n'est 
pas  marin,  les  difficultés  qu'un  capitaine  doit  vaincre  pour 
organiser  son  équipage  pour  le  combat,  honneur  à  l'armée 
navale  de  Tlnde;  honneur  au  chef  qui  sut  empêcher  qu'on 
ne  ressentît  dans  cette  partie  du  monde  le  contre-coup  du 
désastre  que  la  marine  de  la  France  avait  éprouvé  dans  la 
mer  des  Antilles. 

A  part  un  vaisseau  dont  le  capitaine  se  porta  en  aide  à 
son  chef  de  file,  accidentellement  placé  dans  une  situation 
difficile,  chacun  se  maintint  au  poste  que  son  rang  dans 
la  ligne  lui  avait  donné.  Le  choix  que  le  Héros  avait  fait 
du  SuPERB  pour  adversaire  donna  aux  7  vaisseaux  qui  le 
précédaient  un  antagoniste,  et  laissa  même  le  chef  de  file 
de  la  colonne  ennemie  sans  vis-à-vis.  Mais  bientôt  les  quatre 
premiers  remontèrent  la  ligne,  et  le  Sphinx  quitta  l'Isis 
pour  se  placer  par  le  travers  du  Defence. 

Le  Brillant  remonta  également  d'un  rang,  après  avoir 
envoyé  sa  bordée  au  Gibraltar  et  combattit  l'Isis  que  le 
Sphinx  venait  d'abandonner. 

Le  Fendant  s'adressa  au  Gibraltar  après  avoir  eu  I'In- 
FLEX1B4.E  pour  vis-à-vis.  Il  combattait  depuis  ,une  heure 


234  BATAILLES.  — 1783. 

lorsque  le  feu  prit  à  sa  htine  d'artîmôn.  Le  Flamtmdi  en 

s'interposant  entre  lui  et  Tennemi,  donna  à  son  capîtaîûè 
la  possibilité  de  travailler  exclusivement  à  éteindre  l'in- 
cendie :  on  parvint  à  s'en  rendre  maître. 

Le  Flamand  combattait  TInflexible  lorsque  le  feu  se  dé* 
Clara  à  bord  du  Fendant,  Son  capitaine  augmenta  de  Suite 
de  voiles  et  alla  faire  un  abri  à  son  chef  de  file  qui  put 
alors  s'occuper  de  Tincendie;  mais  le  capitaine  Perrier*  dé 
Salvert  perdit  la  vie  par  suite  du  noble  empressement  qu'il 
avait  mis  à  venir  en  aide  au  commandant  de  sa  divisioti.  Le 
lieutenant  Trublet  de  la  Villejégu  le  remplaça.  La  manœu* 
vre  du  Flamand  fit  un  vide  dans  lequel  le  Gibraltar  Voulut 
passer;  le  Flamand  Yen  empêcha  en  se  laissant  culer  (1). 

Le  mouvement  en  avant  des  quatre  vaisseaux  dont  je 
viens  de  parler  permit  à  TExeter  de  joindre  son  feu  à 
celui  du  WoRCESïER  qui  combattait  YAjacû.  Ce  vais&eaù 
leur  tint  bravement  tête,  mais  il  perdit  son  capitaine  dafiiS 
cette  lutte  inégale. 

VHannibal  était  par  le  travers  de  TAfrica* 

V Argonaute  combattait  le  Sultan. 

Le  Héros  y  quoique  le  pavillon  de  commandement  ne  flot- 
tât pas  en  tête  de  ses  mâts,  avait  instinctivement  choisi  lô 
SuPE!»6  pour  adversaire. 

Dans  la  seconde  partie  de  la  ligne,  7  français  seulement 
se  trouvaient  opposés  à  9  vaisseaux  anglais.  V Illustre  étârit 
placé  entre  le  Monarca  et  le  Burford. 

Le  Saint-Michel  tenait  le  travers  du  Sceptre. 

Le  Vengeur  avait  le  Magnanime  pour  adversaire. 

Le  Sévère  échangea  ses  bordées  avec  TEAGLEé 

UAnnihal  combattit  le  Hero. 

Le  Hardi  tint  tête  au  Bristol  d'abord,  puÎ8  ensuite  au 

MONMOUTH. 


(1)  M.  Trublet  de  la  Villejégu  dit,  dans  son  Journal  de  la  campagne  de 
Vlnde  du  bailli  de  Suffren,  qoe  cette  manœuvre  pouvait  avoir  pour  objet 
de  remplir  l'engagement  que  le  capitaine  Hicks^  nouvellement  arrivé  d'Europe, 
avait  pris  d'enlever  un  vaisseau  français  au  pretnier  combat  auquel  il  âMtttittit. 


-./  qjaflfij 


BATAILLES. -1783.  2138 

Ëtifin  YAnisieri  attaqua  l6  GumberLand. 

Le  commandant  en  chef  comptant  recotntnèticef  le  Com- 
bat le  lendemain,  les  frégates  reçurent  Tordre  d'observer 
Tennemi  pendant  la  nuit.  Mais  les  vaisseaux  furent  entraî- 
nés sous  le  vent  de  Pdndichéry,  et  il  mouilla  dès  qu'il  fit 
jour.  A  midi,  les  Anglais  furent  aperçus  à  15  milles  dans 
le  N.-E.  Quoique  les  vents  vinssent  du  large,  ils  ne  jugè- 
rent pas  à  propos  d'approcher  davantage;  l'armée  fran- 
çaise mit  sous  voiles  et  les  chassa  jusqu'au  15  ;  ce  jour-là, 
elle  les  perdit  de  vue  et  retourna  à  Goudelour.  Les  troupes 
qui  avaient  été  embarquées  furent  remises  à  terre;  on 
leur  adjoignit  même  1,200  hommes  des  vaisseaux.  Le  27, 
la  frégate  anglaise  Medea  arriva  à  Goudelour  en  parlemen*- 
taire.  Le  contre-amiral  Hughes  venait  d'apprendre  que 
les  préliminaires  de  la  paix  avaient  été  signés  et  il  faisait 
proposer  une  suspension  d'armes  au  chef  d'escadre  de 
ftufiren»  Celui-^^ci  y  consentit.  Le  comité  de  Madras  faisait 
les  mêmes  propositions  à  M.  de  Bussy  qui  les  accepta  éga- 
lement. Le  21  août,  la  frégate  la  Surveillante  arriva  de 
France  avec  la  nouvelle  officielle  de  la  paix.  Cette  frégate 
apportait  aussi  au  bailli  de  Suffren  l'avis  de  sa  nomina- 
tion au  grade  de  lieutenant  général,  par  ordonnance  du 
8  février,  et  l'ordre  de  rentrer  en  Europe.  Le  capitaine  de 
Peynier  était  désigné  pour  lui  succéder  dans  le  comman- 
dement des  forces  navales  de  la  France  dans  l'Inde.  Les 
vaisseaux  le  Fendant^  V Argonaute ,  le  Brillant^  le  Saint- 
Michel,  VHannibaU  les  frégates  la  Bellone^  la  Surteillante 
et  la  Coventry  devaient  composer  sa  division.  Le  26  mars 
1784,  le  lieutenant  général  bailli  de  Suffren  mouilla  à 
Toulon  avec  les  vaisseaux  qu'il  ramenait  en  France.  Ja- 
loux de  récompenser  le  héros  de  l'Inde,  le  marin  auquel 
la  France  et  la  Hollande  devaient  la  conservation  de  leurs 
possessions  en  Asie,  Louis  XVI  créa  pour  le  bailli  de 
Suffren  une  quatrième  charge  de  vice-amiral  qui  fut  sup- 
primée à  sa  mort. 

Avant  d'en  finir  avec  la  grande  figure  qui  jeta  tant 


236  BATAILLES.— 4783. 

d'éclat  sur  ce  règne,  un  mot  sur  la  mort  du  bailli  de  Suflfren, 
rapportée  d'une  manière  si  erronée  par  divers  auteurs  qui, 
généralement,  l'ont  attribuée  à  des  excès  de  table.  Je 
tiens  de  source  certaine  l'anecdote  suivante  (1).  De  retour 
à  Paris,  Suffren  fut  sollicité  par  un  haut  et  puissant  sei- 
gneur de  la  Cour  de  revenir  sur  le  jugement  qu'il  avait 
porté  sur  un  oflicier  de  l'escadre  de  l'Inde  qui  avait  été 
démonté  de  son  commandement  après  un  combat.  Suffren 
répondit,  avec  sa  franchise  habituelle,  qu'il  ne  pouvait  rien 
faire  pour  un  ..•.  Une  provocation  en  duel  fut  la  consé- 
quence de  cette  réponse,  et  le  héros  que  les  boulets  de 
l'ennemi  avaient  tant  de  fois  respecté  tomba  sous  le  fer 
d'un  compatriote  (2) . 


Quelques  combats  particuliers  furent  livrés  avant  la  si- 
gnature ou  la  notification  du  traité  de  paix  qui  fut  signé 
avec  l'Angleterre  au  commencement  de  cette  année.  La 
frégate  de  32°  la  Sibylle^  capitaine  comte  de  Kergariou-Loc- 
maria,  et  la  corvette  de  14°  le  Railleur^  capitaine  Hébert- 
Duval,  parties  de  Saint-Domingue,  à  la  fin  de  décembre 
1782,  avec  un  convoi  pour  la  Chesapeak,  furent  chassées,  le 
2  janvier  1783,  en  dehors  des  débouquements,  par  le  vais- 
seau anglais  de  60°  Endymion  et  la  frégate  de  AO  Magi- 


(1)  Le  Tice-amiral  Hugon  à  qui  madame  Montholon  l'avait  racontée. 

(2)  M.  Léon  Guérin,  Hist,  marit,  de  la  France^  dément  aussi  la  version  'de 
la  mort  naturelle  du  bailli  de  Suffren  et  le  fait  tuer  en  duel.  Seulement^  il  at- 
tribue ce  duel  à  quelques  paroles  échangées  dans  un  bal  entre  notre  héros  et 
un  personnage  qui  donnait  le  bras  à  une  dame  que  l'épée  du  bailli  aurait  heur- 
tée. M.  Guérin  dit  tenir  ce  détail  du  contre  amiral  Linois. 

M.  Jal,  Scènes  de  la  vie  maritime,  donne  une  version  conforme  à  la  mienne. 
D'après  lui,  Tadversaire  de  Suffren  serait  le  prince  de  Mirepoix.  Cette  version 
vient  d'un  serviteur  du  bailli  de  Suffren. 

Enfin,  on  lit  dans  le  Manuel  des  goutteux  et  des  rhumatisans  d'Alphonse 
Leroy,  Paris  1805,  que  notre  héros  mourut  d'une  saignée  répétée  an  bras^  opé- 
ration faite  contre  l'avis  de  l'auteur  qui  était  son  médecin. 

Je  laisse  le  lecteur  rechercher  quelle  est,  de  toutes  ces  variantes,  la  venioD 
à  laquelle  il  doit  s'arrêter.  C'est  là  un  travail  biographique  qui  n'entre  pas  dans 
mon  cadre. 


BATAILLES.  — 1783.  237 

ciENNE.  Cette  dernière  se  dirigea  d'abord  sur  la  corvette, 
à  laquelle  elle  avait  déjà  envoyé  deux  volées  lorsque  le  ca- 
pitaine de  Kergariou  se  porta  en  aide  à  sa  conserve.  La  fré- 
gate anglaise  avait  pris  beaucoup  d'avance  sur  le  vaisseau, 
qui  était  alors  à  grande  distance.  A  2^  de  l'après-midi, 
la  Sibylle  était  par  le  travers  de  la  Magicienne  :  le  combat 
commença  immédiatement.  La  frégate  ennemie  perdit  de 
suite  son  mât  d* artimon  ;  ce  début  était  d'un  heureux  augure. 
Le  capitaine  de  Kergariou  ne  put,  toutefois,  jouir  qu'im- 
parfaitement de  cet  avantage  :  frappé  par  une  mitraille,  il 
fut  remplacé  par  le  lieutenant  de  vaisseau  Morel  d'Escures, 
Loin  d'être  ralentie  par  cet  événement  malheureux,  l'ar- 
deur des  Français  alla  toujours  croissant,  et  la  chute 
successive  du  grand  mât  et  du  mât  de  misaine  de  la  Magi- 
cienne témoigna  de  l'adresse  de  leurs  canonniers.  A  3^,  la 
frégate  anglaise  était  rase  comme  un  ponton  (1).  Malgré 
cet  éclatant  succès,  le  lieutenant  Morel  se  vit  dans  la  néces- 
sité d'abandonner  son  ennemi  vaincu  ;  le  vaisseau  appro- 
chait, et  une  lutte  avec  ce  nouvel  antagoniste  était  chose 
impossible,  surtout  dans  l'état  où  était  la  Sibylle.  Il  la  cou- 
vrit de  toutes  les  voiles  qu'elle  pût  encore  porter  et  rallia  le 
convoi.  L'Endymion  chassa  la  Sibylle  jusqu'à  6*",  mais  sans 
succès  :  cette  frégate  était  du  petit  nombre  de  celles  qui 
avaient  été  doublées  en  cuivre.  La  Sibylle  avait  éprouvé  de 
grandes  pertes  ;  un  seul  officier  avait  été  respecté  par  les 
boulets  de  la  Magicienne. 


La.  Sibylle  portait  26 

canons    de  12 

et    6 

—        de    6. 

La  Magicienne  avait  26 

canons    de  18 

6 

—        de    9 

et  8  caronades  de  2&. 

La  Sibylle  rejoigpitson  convoi  au  jour,  mais  le  Railleur 
n'était  plus  en  vue.  Le  11,  à  105  milles  de  l'embouchure 


(1)  Je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  le  nom  du  capitaine  de  la  Magicienne 
mes  recherches,  à  cet  effet,  ont  été  vaines. 


^Î8  COMBATS  PARTirUl^lEUS.  — 1783. 

de  la  Ghesapeak,  par  un  grand  vent  de  8.-0.,  deux  fsêû* 
inents  le  chassèrent.  Le  capitaine  Hébert  laissa  arriver  vw^ 
arrière  et  força  de  voiles.  Joint  et  canonné  à  8^  de  Taprèfto 
midi,  par  la  frégate  anglaise  de  Sô^'  Gyclope,  il  amena  soo 
pavillon. 


La  Sibylle  avait  à  peine  réparé  les  avaries  qu'elle  Wfl4t 
éprouvées  dans  son  combat  avec  la  MAGicifiNVE  que,  le  0, 
elle  reçut  un  coup  de  vent  pendant  lequel  elle  démâtar  d# 
tous  ses  mâts,  et  fut  obligée  de  jeter  12  caqons  à  la  iper.  h^ 
convoi  fut  dispersé.  Des  mâts  de  fortune  avaient  été  in^tq^lr 
lés  et  la  frégate  française  continuait  sa  route  lorsquQ,  le  23, 
plusieurs  voiles  furent  aperçues.  Le  désir  de  connaîtra 
exactement  sa  position  et  probablement  aussi  Tespoîr  d'^-t 
chapper  par  la  ruse  h  ces  bâtiments,  s'ils  étaient  ennenali?, 
déterminèrent  le  capitaine  de  Kergariou  à  avoir  recours  4 
un  subterfuge  qui  lui  occasionna  nue  cruelle  mortification. 
Il  fit  hisser  le  pavillon  blanc  au-dessous  "du  pavillon  de  U 
Grande-Bretagne  (1) ,  et  plaça  un  yacht  anglais  d^-ns  les 
grands  haubans.  La  corvette  de  20°  Hussau,  capit^^ipe 
Russell  (2),  se  détacha  et  se  dirigea  sur  la  Sibylle  qu'elle  ap- 
procha à  portée  de  voix  ;  puis,  presque  aussitôt,  le  capitaine 
anglais  manœuvra  pour  s'éloigner  sans  répondre  aux  ques?* 
tiens  qui  lui  avaient  été  adressées.  Le  but  que  se  proposs^t 
le  capitaine  de  Kergariou  était  manqué  ;  il  avait  vraisem- 
blablement été  reconnu.  Il  fallait  dès  Iqrs  mettre  la  corvette 
anglaise  hors  d'état  de  faire  un  signal  et  d'aller  donner 
l'éveil  à  ses  compagnons.  Dans  ce  but,  il  laissa  arriver  en 
grand  sur  elle  avec  l'espoir  de  lui  faire  quelque  grave  avarie 
en  l'abordant.  Le  capitaine  anglais  réussit  à  éviter  ce  choc. 


"i-*- 


(t)  Ce  signal  signifiait  :  prise  française.  Le  captear  hisse  lonjoura  son  pavil* 
Ion  au-dessus  de  celui  du  navire  capturé. 

(2)  Le  rapport  du  capitaine  de  Kergariou,  déposé  à  l'amirauté  de  Tréguier,  dit 
que  la  coryette  anglaise  portait  20  canons,  4  obasiers  d«  18,  proba)>lem9Qt  des 
caronades,  et  2  canons  de  6. 


COMBATS  PARTICULIERS.  - 17^3.  â|9 

I^a  ruse  étant  inutile  désormais,  le  capitaine  de  U  Sibylle 
fit  amener  le  pavillon  anglais  et  ouvrir  le  feu  sur  le  Hussab. 
Malheureusement,  le  yacht  placé  dans  les  haubaqs  se 
trouva  engagé,  et  les  premiers  coups  de  canon  furent  ti- 
rés avant  qu'il  fût  enlevé.  La  corvette  riposta  par  \\j\e 
bordée,  et  avec  tant  de  succès,  que  ses  boulets  frappèrent 
au-dessous  de  la  flottaison  dans  un  moment  où  la  frégate, 
qui  n'était  pas  suffisamment  appuyée,  avait  son  flaac  e»- 
tièrement  à  découvert,  et  occasionnèrent  plusieurs  voies 
d'eau  considérables.  Dans  un  instant,  les  soutes  à  poudre 
furent  inondées.  Le  Hussar  se  replia  de  suite  sur  uq  vais- 
seau qu'on  distinguait  alors  parfaitement.  Ce  moment  de 
répit  permit  au  capitaine  de  Kergariou  de  faire  travailler  à 
boucher  les  trous  de  boulets.  On  ne  put  réussir  à  aveugler 
toutes  les  ouvertures  et  bientôt  les  pompes  ne  franchirent 
plus.  On  jeta  encore  12  canons  à  la  mer.  Le  vaisseau  aperçu 
était  le  Centurion  de  60*;  il  atteignit  promptement  la  Si- 
bylle et  se  plaça  par  sa  hanche  du  vent.  La  frégate  française 
n'avait  d'autre  poudre  que  celle  qui  était  dans  les  pièces; 
elle  amena  son  pavillon  à  la  seconde  volée  du  vaisseau  ;  le 
HpssAR  s'était  rapproché  et  lui  avait  aussi  tiré  quelques 
coups  de  canon.  La  corvette  Harrier  était  alors  également 
en  position  de  combattre. 

Le  capitaine  du  Hussar,  plus  ancien  de  grade  que  celui 
du  Centurion,  revendiqua  l'honneur  de  la  victoire  qu'il 
prétendit  avoir  remportée  seul;  et,  taxant  de  mauvaise  foi 
le  capitaine  de  Kergariou  qui,  disait-il,  avait  combattu  sous 
pavillon  anglais,  il  brisa  l'épée  de  cet  officier  et  le  relégua 
dans  l'entrepont  de  la  corvette,  sous  la  garde  d'une  senti- 
nelle, avec  défense  de  communiquer  avec  qiji  que  ce  fût. 
Les  autres  officiers  de  la  frégate  furent  aussi  séquestrés 
dans  cette  partie  du  navire  et  mis  à  la  ration  de  matelot; 
on  ne  leur  donna  pas  un  seul  objet  de  literie  pour  se  cou- 
cher. Les  égards  que  le  contre-amiral  Digby  témoigna  plus 
tard  au  capitaine  de  la  Sibylle  constatent  que  la  conduite 
de  cet  officier  supérieur  ne  fut  pas  aussi  déloyale  que  le 


240  COMBATS  PARTICULIERS.  — 4783. 

capitaine  Russell  le  prétendit.  Que,  dans  l'état  de  détresse 
où  se  trouvait  la  Sibylle^  le  capitaine  dé  Kergariou  ait  eu 
recours  à  la  ruse  pour  cacher  sa  nationalité ,  cet  oiBcier 
n'aurait  fait  qu'user  d'un  moyen  dont  toutes  les  puissances 
font  usage  sur  mer,  en  temps  de  guerre.  Autre  chose  eût 
été  de  combattre  sous  pavillon  étranger,  comme  cela  fut 
pratiqué,  à  une  époque  postérieure,  par  plusieurs  bâti- 
ments anglais,  ainsi  que  j'aurai  occasion  de  le  constater. 
Mais,  tel  ne  fut  pas  le  cas  du  capitaine  de  Kergariou.  Je  ne 
sache  pas,  en  eflet,  qu'il  puisse  y  avoir  des  doutes  sur  la 
nationalité  d'un  bâtiment  qui  a  un  pavillon  flottant  à  la 
poupe  et  un  second  dans  les  haubans.  D'ailleurs,  celui  qui 
resta  déployé  dans  celte  partie  du  grément  de  la  Sibylle 
n'étaitpas,rigoureusement,lepavillonnationalâeIaGranâe- 
Bretagne  :  c'était  simplement  un  yacht. 


Chassé  par  une  escadre  anglaise,  lecapitaine  chevalier  de 
l'Épine,  de  la  corvette  de  16°  le  Dragon,  en  croisière  sur  la 
côte  Nord  de  Saint-Domingue,  mouilla,  le  22  janvier,  au  mi- 
lieu des  récifs  qui  bordent  la  côte  dans  cette  partie  de  l'île. 
S' apercevant  que  cette  détermination  n'arrêtait  pas  les 
bâtiments  ennemis,  et  que  ceux-ci  mettaient  leurs  embar- 
cations à  la  mer,  il  fit  évacuer  la  corvette.  Après  avoir, 
comme  adieux,  envoyé  une  volée  à  mitraille  aux  canots  qui 
se  dirigeaient  de  son  côté,  il  mit  le  feu  au  Dragon  qui 
sauta  peu  de  temps  après. 


Le  17  février,  les  frégates  la  Nymphe  de  36**  et  VAm" 
phitrite  de  32,  capitaines  vicomte  de  Mortemart  et  de  Saint- 
Ours,  sorties  de  la  Guadeloupe  pour  croiser  au  large  des 
îles,  aperçurent  sous  lèvent  qui  souillait  du  N.-E.,  un  gros 
bâtiment  qu'elles  chassèrent  :  c'était  le  vaisseau  anglais  de 
50**  Argo,  capitaine  Butchart,  qui  portait  le  gouverneur  à 
Antigues;  ce  vaisseau  fit  vent  arrière.  Vers  11"*  du  matin, 


COMBATS  PARTICULIERS  —1783.  241 

VAmphitrite  qui  avait  laissé  la  Nymphe  loin  derrière  elle, 
se  trouva  en  position  d'envoyer  les  premiers  boulets  à 
TAboo;  trois  quarts  d'heure  plus  tard,  elle  le  canonnait 
vigoureusement  par  la  hanche  de  tribord.  UArgo  embarda 
alors  sur  la  droite,  afin  de  pouvoir  se  servir  de  tous  ses 
canons  ;  mais,  lançant  sur  le  bord  opposé,  YAmphitrite 
passa  derrière  lui,  se  plaça  sous  son  autre  hanche ,  le 
combattit  dans  cette  position.  Quoique  la  mer  fût  assez 
grosse  pour  que  le  vaisseau  ne  pût  se  servir  de  sa  batterie 
basse,  le  capitaine  Butchart  continua  le  combat  jusqu'à  ô"» 
du  soir  ;  la  Nymphe  venait  de  rallier  et  avait  pris  poste  par 
son  travers.  Démâté  de  son  grand  mât  de  hune  et  de  sa 
grande  vergue,  I'Argo  amena  son  pavillon.  VAmphitrite^ 
la  Nymphe  et  leur  prise  se  dirigèrent  sur  la  Martinique.  Le 
commandement  de  celle-ci  avait  été  donné  au  lieutenant 
de  vaisseau  Rosalio  ;  YAmphitrite  n'avait  presque  pas  souf- 
fert et  n'avait  pas  perdu  un  seul  homme.  Le  19,  lorsque 
le  jour  parut,  la  petite  division  se  trouva  près  d'un  vais- 
seau anglais  de  82*^  qui  passa  à  contre-bord  et  envoya  quel- 
ques boulets  à  YAmphitrite  ;  celle-ci  riposta  par  une  bordée. 
Ce  vaisseau  reçut  aussi  la  volée  de  la  Nymphe  et  de  YArgo. 
Deux  nouveaux  bâtiments  ayant  été  aperçus  sous  le  vent, 
les  trois  français  prirent  des  routes  différentes  ;  la  Nymphe 
se  dirigea  au  Nord,  YAmphitrite  courut  au  S.-E.  :  cette  der- 
nière frégate  fut  chassée  par  le  vaisseau.  La  chute  du  petit 
mât  de  hune  de  Y  Amphitrite^  qui  avait  été  endommagé 
au  combat  du  17,  donna  à  ce  vaisseau  un  avantage  de 
marche  bien  marqué;  cet  événement  malheureux  eut  lieu 
à  9^  du  matin.  Le  capitaine  de  Saint-Ours  prit  le  parti 
de  courir  largue ,  route  qui  le  conduisait  sur  Porto-Rico  : 
cette  île  fut  aperçue  dans  la  soirée.  Cette  allure  rendit  à 
YAmphitrite  l'avantage  delà  marche;  le  vaisseau  leva  la 
chasse  et  la  frégate  mouilla  le  lendemain  sur  la  rade  de 
Saint-Jean.  Ce  vaisseau  était  I'Invincible  de  82%  capitaine 
Saxton;  il  faisait  partie  de  l'escadre  du  contre-amiral 
Hood. 

II.  i6 


242  COMBATS  fARTICULlEHS.— l-ÎSS. 

La  Nymphe  entra  au  Port  au  Princ6  de  Saint-Domiiigaei 
VArgo  suivit  riNviifciBLB  pendant  tout  le  temps  qtie  tt 
vaisseau  poursuivit  YAmphUrite,  et  il  arbora  le  parilloû 
de  la  Grande-Bretagne  dès  qu'il  leva  lâchasse*  Il  ne  tn'edt 
pas  possible  de  dire  comment  ce  vaisseau  fut  pris;  oA 
doit  supposer  que  les  Anglais  laissés  à  bord  s'en  emparô-* 
rent  après  les  premiers  coups  de  canon  tirés  par  riNviH*- 

QlfiLE. 


Les  vaisseaux  le  Triton  de  Gi*",  YAmphion  de  50  et  la 
frégate  de  32  la  Concorde^  capitaine  chevalier  du  Glesmeur» 
se  rendant  de  Saint-Domingue  à  la  Martinique,  furent  chas- 
sés, dans  le  courant  du  mois  de  février,  par  3  vaisseaux 
anglais  et  une  corvette  de  Tescadre  de  l'amiral  Pigot.  Les 
deux  vaisseaux  parvinrent  à  faire  perdre  leurs  traces  ;  mais, 
jointe  par  le  Magnifique  de  80*,  la  Concorde  amena  son 
pavillon  après  la  défense  la  plus  honorable. 


Le  le  février,  le  capitaine  marqùiâ  de  Grasse  Briàtiçôû,  de 
la  corvette  de  18°  la  Coquette^  s'était  emparé  dés  lleâ  ïttN 
ques,  dans  les  débouquements  de  Saint-Domingue.  Lfe 
ih  mars,  l'apparition  d'une  division  anglaise  força  la  Co- 
quette à  quitter  le  mouillage.  Atteinte  par  le  vaiââeàU  Ré- 
sistance, capitaine  James  King,  elle  amena  son  pavillôfi 
«près  avoir  tiré  une  bordée.  Le  capitaine  anglais  rèjoigûtt 
iilors  sa  division  qui  se  composait  d'un  autre  vaisseau,  de 
2  frégates  et  de  2  corsaires.  Les  Anglais  tentèrent  de  re- 
prendre les  îles  Turques,  en  jetant  quelques  troupèà  à 
terre  ;  mais  ces  détachements  fui-ent  repousses,  et  les  bâti- 
ments ennemis  prirent  le  large. 


J'ai  déjà  dit  que  Tescadre  anglaise,  qui  était  allée  passer 
la  mauvaise  saison  à  Bombay,  ayant  été  aperçue  faisant 

route  m  Nord,  le  chef  d'escadre  de  Suffren,  alors  à  Tria- 


COMBATS  PARTICULIERS. -1783.  243 

quemalé,  avait  expédié  immédiatement  le  lieutenant  Vil- 
laret  Joyeuse,  auquel  il  avait  donné  le  commandement  de 
la  corvette  de  20*'  la  Naïade^  en  prévenir  le  capitaine  de  Pey^ 
nier  qui  avait  été  laissé  en  observation  devant  Madras  avec 
2  vaisseaux  et  2  frégates,  et  lui  porter  Tordre  de  rallier. 
Le  capitaine  Villaret  devait  aussi  'aller  avertie  le  général 
de  Bussy  à  Goudelour.  Trois  joiirç  aprèâ^  son  èépart,  le 
11  avril,  la  Naïade  fut  chassée  par  le  vaisseau  de  f^"" 
Sceptre,  capitaine  Samuel  Graves,  et,  elle  amena  son  pa- 
villon après  une  canonnade  qui  ne  dura  pas  moins  de 
cinq  heures;  elle  avait  perdu  deux  mâts  de  hun^;  son 
gouvernail  était  brisé,  et  elle  avait  sept  canons  démontés. 


« 


BATIMENTS  PIliS,  DÉTR^iTS  OU  NAUFll^GÉS 
pendant  rannée  1785. 

ANGLAIS. 

Canons. 

50      Cat™'  ■  *  '.  *.  '.  *.  :  ;  :  ;  }  Naufragés  dans  Tlnde. 

56      Pallas Naufragée  sur  la  côte  d'Amérique. 

50     €ovENTRY Prise  par  une  escadre. 

français. 
Canons. 

74      Duù-de-Bourgogne Naufragé  dans  le  golfe  du  Mexique. 

64      Bizarre Naufragé  dans  l'Inde. 

<  Concorde 

^^   i  Sibylle 1 

20      Naïade /  Prises  chacune  par  un  vaisseau. 

**  }  Chasseur* / 

16      Dragon Détruite  à  la  côte. 

14      bailleur Prise  par  un  vaisseau. 

*  L'astérisque  indique  on  i»àtiffient  pris  à  rennemi. 


S46  PARALLÈLE. 

guerre  de  1778  est  le  chef  d'escadre  bailli  de  Suffren. 
Abandonné  à  ses  propres  inspirations,  et  Ton  peut  dire  ft 
ses  propres  moyens,  il  sut  se  créer  des  ressources,  faire 
vivre  son  escadre  sans  argent  et  la  conduire,  non  pas  une, 
mais  six  fois  au  combat,  et  l'on  peut  ajouter  sans  trop  d'exa- 
gération, à  la  victoire.  Il  sut  dominer  Pesprit  frondeur  9t 
indiscipliné  de  ses  sous-ordres,  et  il  ne  craignit  pa«  de 
briser  ceux  qui  eurent  la  prétention  d'entraver  ses  projets. 
Grâce  à  une  activité  incessante  et  à  une  énergie  peu  com^ 
mune,  il  obtint  des  résultats  sur  lesquels  nul  n'eût  osé 
compter.  Disons-le  cependant,  il  faut  prendre  le  cbef 
d'escadre  de  Suffren  tel  que  l'ont  fait  les  circonstancoB,  et 
ne  pas  chercher  ce  qu'il  eût  été  dans  une  autre  position. 
Il  faut  voir  le  commandant  en  chef  des  forces  navales  de  la 
France  dans  l'Inde,  à  la  tète  d'abord  de  5,  puis  de  10  et 
enfin  de  15  vaisseaux,  et  se  demander  comment  il  a  rempli 
la  mission  qui  lui  était  confiée.  Je  n'hésite  paâ  à  le  dire, 
de  tous  les  officiers  généraux  de  l'époque,  c'est  le  bailli  de 
Suffren  qui  comprit  le  mieux  son  rôle,  et  c'est  à  lui 
qu'il  faut  attribuer  la  part  la  plus  large  des  lauriero  re- 
cueillis par  la  marine  de  Louis  XYI. 


ORGANISATION.  847 


L€}3  batailles  navales  de  la  République  çt  de  l'Empire 
forpient  un  pendant  bien  triste  èi,  celles  si  belles  et  si  glo- 
rieuses qui  ont  été  livrées  sur  le  continent  à  la  même 
époque.  Cependant,  aujourd'hui  qu'en  France  les  yeux 
sont  tournés  vers  la  marine,  il  devient  nécessaire  de  réta- 
blir sous  leur  véritable  jour  les  faits  tronqués,  dénaturés 
et  parfois  imaginaires  qu'on  a  présentés  aujf  lecteurs.  Cette 
tâcbQ  est  pénible  et  difficile  ;  aussi  ai-je  longtemps  bésité 
à  consentir  à  la  publication  de  ces  notes,  et  ce  n'est  qu'a- 
prés  de  mûrçs  réflexions  que  je  me  suis  décidé  à  détruire 
les  illusions  de  cette  partie  de  la  population,  fort  nombrçuse 
en  FrancQ,  qui  ne  connaît  qu'imparfaitement  l'histoirç  âe 
1^  marine. 

Jj'histoire  maritime  de  la  France  se  lie  d'ailleurs  essentiel- 
lement à  celle  de  la  Grande-Bretagne  et,  depuis  longtemps 
cette  dernière  a  été  écrite  par  deux  auteurs.  Tous  les  combats 
racontés  aujourd'hui  l'ont  dope  été  déjà  en  Angleterre  (1)  ; 
inais  ils  ont  été  décrits  4*après  les  rapports  des  amiraux 
anglais,  dans  des  vues,  des  intérêts  entièrement  anglais 
et,  il  faut  le  dire,  souvent  avec  une  partialité  qui  deman- 
dait une  rectification  plus  prompte.  Pourquoi  cette  rectifi- 
cation s'est-elle  fait  tant  attendre,  alors  qu'il  ne  s'agissait 
plus  de  donner  de  la  publicité  ^  (les  faits  mameureuî^  qu'on 
pouvait  désirer  voir  tomber  dans  l'oubli,  mais  seulement 
de  diminuer  l'impression  fâcheuse  produite  par  les  rela- 
tions anglaises?  De  rapporter  avec  sincérité  des  fautes 
souvent  grossies,  des  échecs  mal  expliqués,  et  enfin  de 
bien  fixer  les  esprits  sur  les  quelques  faits  glorieux  pour 
la  marine  de  la  France,  qui  ont  été  traités  assez  légèrement 


(1)  The  naval  \history  of  Great  Britain  from  the  déclaration  ofwar  hy 
France  in  1795,  to  the  accession  of  George  IV  hy  William  James.  London^ 
Richard  Bentley,  1857.  —  The  naval  history  of  Great  Britain  from  the  war 
1795  to  1856,  by  Edward  Pelham  Brenton,  captain  in  the  royal  navy,  Lon- 
don,  Henry  Colburn,  1857. 


S46  PARALLÈLE. 

guerre  de  1778  est  le  chef  d'escadrt)  bailU  de  SiiffroQ. 
Abandonné  à  ses  propres  inspirations,  et  l'on  pwt  dire  h 
ses  propres  moyens,  il  sut  se  créer  des  ressources*  &ira 
vivre  son  escadre  sans  argent  et  la  conduire,  non  pas  uqq, 
oiais  six  fois  au  combat,  et  l'on  peut  ajouter  sans  trop  d'ex^ 
gération,  à  la  victoire.  Il  sut  dominer  l'esprit  frondeur  9t 
indiscipliné  de* ses  sous-ordres,  et  il  ne  craignit  pai  de 
briser  ceux  qui  eurent  la  prétention  d'entraver  ses  projets. 
Grâce  à  une  activité  incessante  et  à  une  énergie  peu  com^ 
mune,  il  obtint  des  résultats  sur  lesquels  nul  a'eût  osé 
compter.  Disons-le  cependant,  il  faut  prendre  le  chef 
d'escadre  de  Suffren  tel  que  Vont  fait  les  circonstances,  et 
ne  pas  chercher  ce  qu'il  eût  été  dans  une  autre  posîtloD. 
Il  faut  voir  le  commandant  en  chef  des  forces  navales  de  la 
France  dans  l'Inde,  à  la  tête  d'abord  de  6,  puis  de  10  et 
enfin  de  15  vaisseaux,  et  se  demander  comment  il  a  rempli 
la  mission  qui  lui  était  confiée.  Je  n'hésite  pad  à  le  dire, 
de  tous  les  officiers  généraux  de  l'époque,  c'est  le  bailU  de 
Suffren  qui  comprit  le  mieux  son  rôle,  et  c'est  h  lui 
qu'il  faut  attribuer  la  part  la  plus  large  des  lauriere  re- 
cueillis par  la  marine  de  Louis  XVI. 


ORGANISATION.  W 


Les  batailles  navales  de  la  Jftépublique  et  de  TEnipire 
forjuent  un  pendant  bien  triste  à  celles  si  belles  et  si  glo- 
rieuses qui  ont  été  livrées  sur  le  continent  à  la  naêrae 
époque.  Cependant,  aujourd'hui  qu'en  France  les  yeu^ 
sont  tournés  vers  la  marine,  il  devient  nécessaire  de  réta- 
blir sous  leur  véritable  jour  les  faits  tronqués,  dénaturés 
et  parfois  imaginaires  qu'on  a  présentés  au?  lecteurs.  Cette 
tâche  est  pénible  et  difficile  ;  aussi  ai-je  longtemps  bésité 
à  consentir  à  la  publication  de  ces  notes,  et  ce  n'est  qu'a- 
près de  mûres  réflexions  que  je  me  suis  décidé  à  détruire 
les  illusions  de  cette  partie  de  la  population,  fort  nombreuse 
en  FrancQ,  qui  ne  connaît  qu'imparfaitement  l'histoirç  ôe 
1^  marine. 

L'histoire  maritime  de  la  France  se  lie  d'ailleurs  essentiel- 
lement à  celle  delà  Grande-Bretagne  et,  depuis  longtemps 
cette  dernière  a  été  écrite  par  deux  auteurs.  Tous  les  combats 
racontés  aujourd'bui  l'ont  donc  été  déjà  en  Angleterre  (1)  ; 
mais  ils  ont  été  décrits  4' après  les  rapports  des  amiraux 
anglais,  dans  des  vues,  des  intérêts  entièrement  anglais 
et,  il  faut  le  dire,  souvent  avec  une  partialité  qui  deman- 
dait une  rectification  plus  prompte.  Pourquoi  cette  rectifi- 
cation s'est-elle  fait  tant  attendre,  alors  qu'il  ne  s'agissait 
plus  de  donner  de  la  publicité  ^  des  faits  malheureux  qu'on 
pouvait  désirer  voir  tomber  dans  l'oubli,  mais  seulement 
de  diminuer  l'impression  fâcheuse  produite  par  les  rela- 
tions anglaises?  De  rapporter  avec  sincérité  des  fautes 
souvent  grossies,  des  échecs  mal  expliqués,  et  enfin  de 
bien  fixer  les  esprits  sur  les  quelques  faits  glorieux  pour 
la  marine  de  la  France,  qui  ont  été  traités  assez  légèrement 


(1)  The  naval  \history  of  Great  Britain  from  tke  déclaration  of  war  by 
France  in  1793,  to  the  accession  of  George  IV  by  William  James.  London^ 
Richard  Bentley,  1857.  —  The  naval  history  of  Great  Britain  from  the  war 
1793  to  1856,  by  Edward  Pelham  Brenton,  captain  in  the  royal  navy,  Lon- 
don,  Henry  Colburn,  1857. 


848  ORGANISATION. 

par  les  auteurs  étrangers,  quand  encore  ils  ne  les  ont  pas 
passés  sous  silence  ? 

La  publication  des  documents  authentiques  est  un  de- 
voir, aujourd'hui  que  Ton  semble  vouloir  s'occuper  de  la 
marine.  Il  ne  suflît  pas,  en  effet,  de  la  montrer  telle  qu'elle 
est,  il  faut  encore  dire  ce  qu'elle  a  été.  Or,  le  meilleur 
moyen  de  juger  la  valeur  d'une  institution,  c'est  de  consta- 
ter les  résultats  qu'elle  a  produits. 

On  sera  peut-être  surpris  de  ne  trouver  dans  cet  ou- 
vrage aucun  des  combats  qui  ont,  à  si  juste  titre,  illustré 
les  corsaires  français.  Ces  combats  étaient  cependant,  je 
l'avoue,  dignes  à  tous  égards  de  figurer  à  côté  de  ceux  des 
bâtiments  de  l'État;  mais  c'eût  été  m' écarter  du  plan  que 
je  me  suis  tracé.  Mon  but  unique  n'est  pas  de  décrire  des 
batailles  ;  j'ai  voulu  montrer  le  résultat  obtenu  par  les  di- 
vers systèmes  d'organisation.  Or,  les  armements  en  course 
étaient  entièrement  en  dehors  des  lois  organisatrices  de  la 
marine  militaire. 

Mais  alors  même  que  mon  intention  unique  eût  été  de 
relater  des  combats,  je  me  fusse  arrêté  devant  une  impos- 
sibilité matérielle.  Il  n'existe  au  ministère  de  la  marine 
aucun  document  relatif  aux  corsaires.  Aux  termes  des  rè- 
glements sur  la  course,  les  capitaines  correspondaient  avec 
les  préfets  et  avec  les  chefs  maritimes  qui  rendaient  en- 
suite compte  au  ministre.  Les  rapports  des  capitaines  des 
corsaires  sont  donc  épars  dans  tous  les  ports  de  la  France 
et  de  ses  colonies,  et  l'on  comprend  la  difficulté  de  sem- 
blables recherches. 


Après  avoir  donné  la  possibilité  d'établir  un  jugement 
raisonné  sur  la  manière  dont  étaient  armés  les  bâtiments 
de  l'époque  (1),  il  n'est  pas  moins  important  de  jeter  un 
coup  d'œil  sur  la  situation  du  matériel,  et  surtout  sur  le 

(1)  Tome  1.  Introduction. 


ORGANISATION.  249 

personnel.  Cette  dernière  question  a  trop  été  laissée  de 
côté,  ce  me  semble.  Il  ne  suffit  pas  d'avoir  de  bons  bâ- 
timents; il  faut  encore  des  officiers  pour  les  commander 
et  des  matelots  pour  les  manœuvrer.  Il  faut  qu'on  sache 
avec  quels  éléments  la  France  entra  dans  la  lice.  Si  une 
chose  doit  surprendre,  c'est  que  les  résultats  n'aient  pas 
encore  été  plus  désastreux. 

On  peut,  en  effet,  établir  ce  fait,  qu'à  l'époque  à  laquelle 
se  rapporte  cette  étude,  la  marine  anglaise  avait,  au  per- 
sonnel comme  au  matériel,  une  supériorité  incontestable 
sur  celle  de  la  France.  Et,  par  supériorité  matérielle,  ]e 
n'entends  pas  seulement  un  plus  grand  nombre  de  bâti- 
ments de  guerre,  cette  différence  étant,  chez  nos  voisins, 
la  conséquence  de  la  multiplicité  de  leurs  possessions 
d'outre-mer,  mais  encore  la  manière  •  dont  ces  bâtiments 
étaient  chargés,  matés,  voilés  et  gréés  (1).  Il  faut  bien 
l'avouer,  l'Angleterre  marchait  rapidement  alors  dans  cette 
voie  de  progrès  dans  laquelle  nous  ne  sommes  entrés  qu'à 
la  paix,  et  à  laquelle  nous  devons,  comme  puissance  mari- 
time, la  place  que  nous  occupons.  Il  suffit  de  connaître 
quelque  peu  un  navire  pour  apprécier  les  causes  de  Tinfé- 
riorité  de  marche  qu'avaient  les  bâtiments  de  guerre  fran- 
çais sur  ceux  de  la  Grande-Bretagne,  et  les  difficultés 
qu'éprouvaient  les  premiers  lorsqu'il  fallait  faire  quelque 
manœuvre  de  force.  D'un  côté,  l'on  trouvait  une  répartition 
bien  entendue  des  poids,  des  mâtures  proportionnées,  des 
voiles  bien  taillées  et  des  cordages  de  bonne  qualité.  De 
l'autre,  les  bâtiments  étaient  surchargés;  les  mâts  avaient 


(1)  Le  P.  Hoste  ne  disait  pas  sans  raison,  il  y  a  bientôt  deux  cents  ans  :  «  l\ 
«  n'en  est  pas  de  même  des  engagements  sur  mer  et  des  combats  sur  terre. 
«  Une  armée^  quand  elle  est  inférieure  en  force^  se  retranche,  occupe  des  pos- 
«  tes  avantageux,  se  couvre  par  des  bois  et  par  des  rivières,  suppléant  ainsi  à 
((  la  force  qui  lui  manque  ;  mais  sur  mer^  il  ne  peut  y  avoir  d'autre  avantage 
<(  que  celui  du  vent,  et  le  vent  est  chose  trop  inconstante  pour  qu'on  y  puisse 
«  compter.  Une  flotte  est  comme  une  armée  surprise  en  rase  campagne^  qui 
((  n'aurait  ni  le  temps  ni  le  moyen  de  se  retrancher.  Je  pense  qu'il  serait  dif- 
«  ticile  à  celte  armée  de  prendre  un  bon  parti^  si  elle  était  de  beaucoup  infé- 
«  rieure  à  l'ennemi.  » 


SKO  ORGANISATION. 

une  dimension  telle»  qu'il  était  souvent  impossible  de  Iflf» 
ehanger  à  la  mer  ;  les  vQiles  étaient  petites,  échfinçréea  §t 
perdaient  ainsi  en  surface  toute  cette  toile  qui  était  si  nécQ^r 
eaire  pour  piouvoir  avec  vitesse  les  corps  pesants  auxquels 
elles  étaient  immédiatement  appliquées.  Et,  si  Von  se  rap«- 
pelle  ces  voiles ,  faites  avec  des  toiles  mal  OQufeçtionu^a, 
on  se  demandera,  par  la  comparaison  de  ce  qui  se  pasa^ 
aujourd'hui, coipment  ou  pouvait  les  manier»  et  surtout  quel 
usage  elles  pouvaient  faire.  Pour  1@  grémeut,  c'était  pQUt^ 
être  pis  encore  :  la  pénurie  des  matières  forçait  d'empioyi^r 
iQutes  celles  qu'on  pouvait  se  procurer  :  aus^i»  du  jour  âl^ 
la  déclaration  de  guerre  à  la  conclusion  de  la  paûi,  nç 
cessa^t-on  de  se  plaindre  de  la  mauvaise  qualité  des  por^^ 
dages. 

Si  maintenant,  avant  de  nous  occuper  de  l'état^major, 
nous  jetons  un  coup  d'œil  sur  le  rQste  du  persoQuel,  pQus 
verrons  des  équipages  composés  d'hommes  enti^remQnt 
étrangers  à  la  marine,  qui,  aprèfii  un  court  ç^our  ^ur  les 
rades,  faisaient  leur  première  campagne ,  et  auxqui^ls  il 
manquait,  par  conséquent,  la  plus  utile  des  qualitéfi  du 
navigateur  2  l'habitude  de  la  mer.  Que  rop  compliqua  ç^t^ 
situation  de  l'obligation  d'un  combat  prochain,  çt  Vqp 
verra  avec  quels  moyens  la  France  lutta  mv  mer  çoqtr^ 
TAngl^terre.  Et  vraiment,  lorsque  l'ou  voit  le  temps  qui  Q^t 
nécessaire  aujourd'hui  pour  organiser  un  ôquipagQi  poiir 
que  chacun  soit  familiarisé  avec  toutes  les  parties  du  sçr^ 
vice  auquel  il  est  appelé  à.  concourir  peQdapt  le  combat, 
on  peut  se  demander  comment  les  choses  se  paasaienli  |t 
une  époque  où  l'on  ne  savait  pour  ainsi  dire  pas  ce  que 
c'était  qu'un  rôje;  pu  chacun  était  censé  arriver  à  bord 
avec  les  connaissances  nécessaires  à  un  marin,  par  on  ne 
travaillât  uullement  à  les  acquérir.  C'était  souyent  à  la 
mer,  et  par  un  gros  temps  que,  pour  la  première  fois,  un 
))omme  montait  dans  ia  mature  et,  sous  le  feu  de  l'ennemi, 
quHl  manœuvrait  un  canon.  Que  l'on  juge  de  la  position 
des  chefs,  avec  de  pareils  éléments!  N'y  trouvera-t-on  pas 


OEGANISATION.  %M 

\m^  dea  principales  oftuse^  â^  \mr  panqu^  <}q  çQpfianoQ» 
de  leur  hésitation  et,  par  suit^,  de  l'audacç  de  nos  eime- 
mis  qui  n'ignoraient  pas  ces  circpu^tapoes  | 

Le  cadre  que  je  me  suis  tracé  ne  mp  permet  p^n  de 
na' étendre  eur  Torganigation  de  la  m^rinQ,  Jq  regrette  que 
les  auteurs  qui  en  ont  écrit  l'histoire  n'aient  p^s  traité  cette 
partie  ai  importante,  mn  vices  de  laquelle  je  n'hésîtQ  pas 
h  attribuer  presque  tous  nos  désastres.  La  subordination  Qt 
la  discipline  ne  sont  pas  choses  tellement  n^tMreUes,  quçi  l'on 
puisse  s'y  plier  à  tous  les  âges,  et  je  crois  qu'il  fout  y  avQir 
été  habitué  dès  la  plus  tendre  enfance.  Il  dut  être  fort  dif- 
ficile de  façonner  à  la  discipline  et  h  la  subordination  nn 
corps  d'officiers  composé  de  parties  hétérogènes,  ou  d'iP»- 
dividufl  entrant  au  service  avec  une  opinion  et  de»  idégp 
toutes  formées. 

Sous  Louis  XIV,  époque  de  laquelle  date  réellei^ent  h 
marine  militaire  de  la  France,  on  n'était  admis  dans  1^  ms^^ 
Fine  qu'en  produisant  des  titres  de  noblesse,  et  l'on  sait  ce 
qu'était  alors  la  noblesse.  Duquesne  ne  tarda  pas  k  s'aper>- 
oevoip  et  à  se  plaindre  de  la  manière  dont  les  capitaines  et 
les  officiers  faisaient  leur  service,  et  du  peu  d'importance 
qu'ils  attachaient  aux  évolutions.  Ce  grand  amiral  ne  s'efr 
fraya  pas  des  embarrs^  que  devait  lui  susciter  la  lutte 
qu'il  allait  engager  contre  le  corps  de  la  noblesse  ;  et,  en 
démontrant  au  ministre  la  nécessité  de  l'étude  dea  évolu«' 
tiens,  il  lui  demanda  l'autorisation  de  punir,  de  démonter 
même  de  leurs  commandements  les  capitaines  qui  ne  se-r 
raient  pas  attentifs  à  ses  ordres.  * 

Plus  tard,  les  officiers  bleus  et  ceux  de  la  Compagnie  des 
Indes  furent  des  sujets  d'envie  et  de  haine  pour  o§ux  de  h 
marine  royale. 

Louis  XVI  sentit  qu'il  fallait  changer  l'organlSâtiQU  de 
la  marine,  et  il  eut  le  courage  et  la  force  de  faire  ee  que 
les  ministres  de  Louis  XV  avaient  vainement  tenté.  îs 
mode  d'admission  fut  changé  ;  la  roture  ne  fut  plus  exclue 
de  la  marine  militaire;  les  maîtres  d'équipage  et  les  pi-^ 


252  ORGAlSlSAtlON, 

lotes  purent  y  être  admis  comme  enseignes  de  vaisseau. 
Cet  essai  ne  fut  pas  heureux.  Le  bailli  de  Suffrën  ne 
cessa  de  se  plaindre  du  peu  de  connaissances  et  de  Hodis- 
cipline  des  ofiiciers  sous  ses  ordres. 

La  Révolution  vint  encore  bouleverser  ce  qui  avait  été 
fait,  et  rémigration  des  officiers  nobles  et  de  ceux  qui  ne 
voulaient  pas  admettre  les  idées  du  jour,  mit  la  Convention 
nationale  dans  l'obligation  d'improviser  des  officiers.  La 
majeure  partie  appartenait  à  la  marine  du  commerce.  Ces 
officiers,  fort  bons  marins  peut-être,  mais  non  façonnés  à  la 
discipline  militaire,  ne  connaissaient  aucunement  la  tac- 
tique navale,  et  ce  fut  souvent  au  moment  du  combat  qu'ils 
eurent  à  en  appliquer  une  première  fois  les  principes. 
4^  conçoit  combien  leur  tâche  devenait  difficile  dans  de 
semblables  moments.  Mais  avec  l'épaulette  arrivèrent  par- 
fois l'âmour-propre  ridicule  et  des  prétentions  plus  ridi- 
cule§[  encore  ;  et  si,  sous  Louis  XVI,  la  camaraderie  qui 
existait  entre  le  chef  et  le  subordonné  portait  celui-ci  à  dis- 
cuter les  ordres  qui  lui  étaient  donnés,  à  l'époque  que  Ton  va 
parcourir,  les  idées  d'égalitéet  les  prétentions  à  des  connais- 
sances qui  ne  sont  pas  toujours  inséparables  de  la  place  ou 
du  rang,  produisirent  le  même  résultat.  De  là  l'indiscipline 
que  les  amiraux  de  la  République  ne  cessèrent  de  signaler 
au  gouvernement.  Cet  esprit  d'indépendance  exista  pendant 
tout  l'Empire. 

.  i'Mais  ce  que  je  voudrais  démontrer  ne  serait  bien  senti 
"que  si  l'on  développait  les  vices  d'organisation  de  ces  di- 
verses époques,  et  cela  ne  m'est  pas  possible.  Je  me  borne 
à  recommander  l'étude  des  décrets  d'organisation  aux  per- 
sonnes qui  voudront  connaître  les  causes  de  la  décadence 
de  la  marine  militaire  de  la  France  depuis  le  règne  de 
Louis  XIV. 

Après  avoir  décrété  que  tous  les  citoyens  étaient  égale- 
ment admissibles^  aux  emplois  civils  et  militaires  de  la 
marine,  l'Assemblée  nationale  rendit  le  décret  suivant,  le 
22  avril  i  791  : 


j  1 1 


^ 
\ 


ORGANISATION.  253 

Art.  l*^  Le  corps  de  la  marine  est  supprimé,  et  le  mode 
de  nomination  pour  la  recréation  de  la  marine  sera  fait, 
pour  cette  fois  seulement,  de  la  manière  suivante. 

Art.  2.  Le  corps  de  la  marine  française,  entretenu  par 
TEtat,  sera  composé  de  3  amiraux,  9  vice-amiraux,  18  contre- 
amiraux,  180  capitaines  de  vaissçau,  800  lieutenants  de 
vaisseau  et  200  enseignes  de  vaisseau. 

Art.  3.  Le  nombre  des  enseignes  de  vaisseau  non  entre- 
tenus ne  sera  point  limité. 

Art.  4.  Le  nombre  des  aspirants  entretenus  sera  fixé 
à  300. 

Art.  6.  La  charge  d'amîral  de  France  est  supprimée. 

Art.  8.  Les  amiraux,  vice -amiraux  et  contre -amiraux 
seront  choisis'^par  le  roi,  parmi  les  officiers  généraux  ac- 
tuellement existants,  et  le  tiers  des  places  de  contre-amiraî 
sera  laissé  vacant,  pour  être  rempli,  au  choix  du  r^i,  par 
les  officiers  actuellement  capitaines  de  vaisseau. 

Art.  9.  Les  180  capitaines  de  vaisseau  seront  choisis 
parmi  les  capitaines  de  vaisseau  actuels,  les  capitaines  et 
directeurs  de  port,  les  majors  de  vaisseau,  les  lieutenants 
de  vaisseau  plus  anciens  dans  ce  grade  que  quelques-uns 
des  majors  des  dernières  promotions,  et  tous  les  oflSciers 
des  classes  qui  seront  dans  le  cas  de  concourir  à  cette  for- 
mation ;  ils  seront  choisis  par  le  roi. 

Le  roi  pourra  accorder  quatre  de  ces  places  à  des  ma- 
rins des  autres  grades  qui  auraient  rendu  à  l'État,  pendant 
la  guerre,  des  services  distingués  restés  sans  récompense. 

Art.  11.  Les  lieutenants  seront  choisis  parmi  les  lieute^ 
nants  de  vaisseau,  lieutenants  de  port  et  sous-lieutenants 
actuels. 

Art.  15.  Le  grade  de  sous-lieutenant  est  supprimé.  La 
moitié  des  places  d'enseigne  entretenu  sera  donnée  aux 
sous-lieutenants.  Sur  l'autre  moitié,  dix  places  seront  ré- 
servées pour  les  maîtres  entretenus,  et  le  reste  sera  donné 
au  concours  qui  aura  lieu  incessamment. 

Art.  17.  Le  brevet  d'enseigne  de  vaisseau  non  entretenu 


.-••^ 


254  ORGANISATION. 

sera  donné,  en  ce  moment,  à  tous  les  capitaines  de  navires 
reçus  pour  le  long  cours. 

Art.  19.  Le  titre  d'aspirant  entretenu  sera  donné  aux 
élèves  et  volontaires  actuels  qui  n'ont  pas  trois  années  de 
navigation;  le  surplus  des  places  sera  donné  au  concourd. 

Le  29  du  même  mois  d'avril,  l'Assemblée  nationale  dé*- 
créta  : 

Art.  5.  Tous  les  jeunes  gens  de  quinze  à  vingt  aûs  pour- 
ront être  admis ,  après  un  examen  «  Comme  aspirants  dt 
marine» 

Art.  1&.  Le  grade  d'enseigne  entretenu  sera  donné  au 
concours.  Celui  d'enseigne  non  entretenu  sera  donné  à  tous 
les  navigateurs  qui,  après  six  années  de  navigation,  dont 
un  an  au  moins  sur  les  vaisseaux  de  l'État/'ou  en  qualké 
d'officier  sur  un  bâtiment  uniquement  armé  en  courait 
aurontfSatisfait  à  un  examen  public  sur  la  théorie  et  la  pra- 
tique de  l'art  maritime» 

Art.  28»  Le  dixième  des  places  d'enseigne  entretenu 
sera  donné  aux  maîtres  entretenus,  moitié  à  Tanciennetét 
moitié  au  choix  du  roi,  sans  avoir  égard  à  l'âge. 

Art.  29.  Les  autres  places  d'enseigne  entretenu  âeroat 
données  au  concours,  par  tin  examen  sur  toutes  les  branches 
de  mathématiques  applicables  à  la  marine  et  sur  toutes  les 
parties  de  l'art  maritime. 

Art.  80.  Seront  admis  à  cet  examen  tous  ceux  qui^  ayant 
rempli  les  conditions  prescrites  pour  le  concours,  n'auront 
pas  dépassé  l'âge  de  trente  ans. 

Nul  ne  pourra  être  officier  avant  l'âge  de  dix-huit  ans. 

Art.  33.  Tous  les  enseignes  entretenus  et  non  entretenus 
pourront  également  prétendre  au  grade  de  lieutenant  de 
vaisseau,  pourvu  qu'ils  n'aient  pas  plus  de  quarante  ans. 
Les  cinq  sixièmes  des  places  vacantes  seront  accordés  i 
ceux  d'entre  eux  qui  auront  le  plus  de  temps  de  navigation, 
en  qualité  d'enseigne,  sur  les  vaisseaux  de  l'État;  l'autre 
sixième  sera  laissé  au  choix  du  roi,  qui  pourra  le  fûre, 
sans  distinction  d'âge,  entre  tous  les  enseignes  qui  auront 


ORGANISATION.  i»5 

vingt-quatre  mois  de  navigation  sur  les  vaisseaux  de  l'État. 

Art.  35.  Les  capitaines  de  vaisseau  seront  pris  parmi 
les  lieutenants  de  vaisseau,  de  la  manière  suivante  ;  une 
moitié  à  Tancienneté  et  l'autre  naoitié  au  choix  du  roi»  sans 
égard  à  l'âge. 

Art.  Sô.  Ce  choix  ne  pourra  porter  que  sur  ceux  qui 
auront  au  moins  trois  années  de  navigation  dans  ce  grade. 

Art.  37.  Le  grade  de  capitaine  de  vaisseau  pourra  augsi 
être  donné  aux  enseignes  de  vaisseau  non  entretenus  qui, 
ayant  dépassé  l'âge  de  quarante  ans,  auront  huit  ftuuéts 
de  navigation»  dont  deux  sur  lefi  vaisseaux  de  l'État,  et  le 
reste  comme  capitaines  de  navires  du  commerce,  et  qui  se 
seront  distingués  par  leurs  talents  et  par  leur  conduite. 

Art.  ko.  Les  contre-amiraux  seront  prie  parmi  les  capi- 
taines de  vaisseau,  un  tiers  à  l'ancienneté  et  deux  tiers  au 
choix  du  roi.  Ce  choix  ne  pourra  porteif  que  sur  ceux  des 
capitaines  de  vaisseau  qui  auront  au  moins  vingt-quatre 
mois  de  navigation  dans  ce  grade. 

Art.  &1.  Les  contre-amitaux  parviendront  au  grade  de 
vice-amiral  par  ancienneté. 

Art.  â2.  Les  amiraux  pourront  Être  pris  parmi  les  vice- 
amiraux  et  les  contre-amiraux,  et  toujours  au  choix  du 
roi  (1). 

Art.  Â5.  Le  commandement  des  armées  navales  et  des 
escadres  composées  d'au  moins  9  vaisseaux  de  ligne ,  ne 
pourra  être  confié  qu'à  des  amiraux,  vice-^amiraûx  ou  Con- 
tre-amiraux, mais  indistinctement  entre  eux* 

Art.  A6.  Les  commandements  de  division  sefont  bonfiés 
aux  contre-amiraux  et  aux  capitaines  de  vaisseau  indistine*^ 
tement  ;  et  celui  des  vaisseaux  de  ligne,  armés  en  guerri^i 
à  des  capitaines  de  vaisseau. 

Art.  47.  Les  commandants  des  frégates  seront  pri4  in* 


^^.u 


(1)  Les  articles  qui  n'ont  pas  àiirectemèfit  IrMt  à  là  Hotnîttation  tti  à  YàH'A^ 
cernent  des  officiers  n'ont  pas  été  transcrits. 


286  ORGANISATION. 

distinctement,  soit  parmi  les  capitaines,  soit  parmi  les 
lieutenants  de  vaisseau. 

Art.  àS.  Les  autres  bâtiments  seront  indistinctement 
commandés,  soit  par  les  lieutenants,  soit  par  les  enseignes 
de  vaisseau  entretenus  ou  non  entretenus. 

Les  nouveaux  élus  furent  bientôt  les  seuls  oflSciers  sur 
lesquels  on  put  compter  pour  les  armements ,  car  Fémi- 
gration  ne  tarda  pas  à  enlever  ceux  qui,  par  attachement 
à  la  famille  déchue ,  ou  qui ,  blessés  de  se  voir  préférer 
des  officiers  plus  jeunes  et,  souvent  aussi,  de  moins  d'ex- 
périence qu'eux,  ne  voulurent  pas  servir  la  République. 
Les  insurrections  qui  ne  tardèrent  pas  à  se  manifester  dans 
la  flotte,  forcèrent  les  autres  à  s'éloigner.  Une  revue,  faite 
à  Brest  le  20  novembre  1791,  constata  l'absence  de  30  ca- 
pitaines de  vaisseau,  20  majors,  160  lieutenants,  et  49 
sous-lieutenants  de  vaisseau  ;  il  en  était  de  même  dans  les 
autres  ports. 

Le  21  juin  1792,  l'Assemblée  législative  modifia  l'article 
âO  du  décret  du  29  avril.  Elle  statua,  que  le  choix  du 
roi,  pour  la  nomination  de  contre-amiraux,  pourrait  s'exer- 
cer, pour  cette  fois  seulement,  sur  ceux  des  capitaines  de 
vaisseau  qui  auraient  plus  de  quatre  années  de  comman- 
dement dans  les  grades  de  major  et  de  lieutenant  de  vais- 
seau, plus  de  quinze  années  sur  les  vaisseaux  de  l'État  et 
au  moins  trois  ans  de  service  pendant  la  guerre. 

L'article  4  au  titre  II  d'un  autre  décret,  en  date  du 
17  septembre  1792  portait  :  Les  trois  années  de  naviga- 
tion, dans  le  grade  de  lieutenant  de  vaisseau,  exigées  par 
la  loi  du  29  avril  pour  être  susceptible  d'être  nommé  ca- 
pitaine de  vaisseau  au  choix  du  pouvoir  exécutif,  seront 
réduites  à  trente  mois  pendant  la  dUrée  de  la  guerre  ac- 
tuelle. 

Art.  6.  La  moitié  des  places  de  lieutenant  vacantes,  ou 
qui  viendront  à  vaquer,  seront  dévolues  de  droit  aux  en- 
seignes de  vaisseau  entretenus,  par  rang  d'ancienneté,  et 
sans  avoir  égard  à  Tâge,  qui  réuniront  six  années  de  ser- 


ORGANISATION.  ,  257 

vice  à  la  mer  sur  les  vaisseaux  de  l'État  en  qualité  d'offi- 
cier ou  de  premier  maître  ;  la  moitié  de  ce  temps,  ou  une 
moindre  durée  pourra  être  remplie  par  le  commandement 
des  navires  du  commerce. 

Art.  7.  La  moitié  des  places  de  lieutenant  de  vaisseau 
sera  donnée,  au  choix  du  pouvoir  exécutif,  aux  enseignes 
entretenus  et  non  entretenus,  aux  anciens  sous-lieutenants 
de  vaisseau  et  sous-lieutenants  de  port,  aux  officiers  auxi-* 
liaires  qui  auront  été  embarqués  en  cette  qualité  sur  les 
vaisseaux  de  l'État,  en  temps  de  guerre  et,  de  préférence, 
à  ceux  qui  se  seront  distingués  par  des  actions  d'éclat; 
enfin,  aux  premiers  maîtres  les  plus  distingués  qui  [auront 
satisfait  aux  conditions  imposées  par  l'article  précédent 
aux  enseignes  de  vaisseau  entretenus. 

Art.  12.  Le  quart  des  places  d'enseigne  de  vaisseau  en- 
tretenu qui,  après  le  complètement  du  grade  de  lieutenant 
de  vaisseau,  se  trouveraient  vacantes  sera,  suivant  l'esprit 
de  l'article  46  du  décret  du  15  avril  1791,  accordé  aux 
sous-lieutenants  de  vaisseau  et  de  port. 

Le  dixième  de  ces  places  sera,  conformément  à  l'ar- 
ticle 27  de  la  même  loi,  accordé  aux  maîtres  entretenus.  ' 

Le  surplus  des  places,  pour  les  porter  à  cent  soixante, 
sera,  pour  cette  fois  seulement,  donné  au  choix  du  pou- 
voir exécutif,  aux  officiers  auxiliaires,-  aux  volontaires  et 
aux  navigateurs  de  toute  classe  ayant  au  moins  vingt  ims 
et  pas  plus  de  quarante ,  qui  réuniront  quatre  années  de 
service  à  la  naer  sur  les  vaisseaux  de  l'État ,  en  qualité 
d'officiers,  de  pilotes,  d'élèves  ou  de  volontaires.  Deux 
années  de  ce  temps  pourront  être  remplacées  par  un  temps 
égal  de  commandement  des  navires  de  commerce.  Quarante 
places  seront  réservées  pour  le  prochain  concours. 

Un  second  décret  du  17  septembre  1702  portait  : 

Article  1.  Les  titres  d'élèves  et  de  volontdres  de  la  ma* 
rine  demeurent  supprimés  ;  les  fonctions  dont  ces  naviga- 
teurs étaient  ci-devant  chargés  à  bord  des  vaisseaux  de 
l'État,  seront  remplies  par  des  aspirants  de  marine. 

IL  47 


^58  ORGANISATION. 

Art*  3.  Ne  seront  admis  à  servir  comme  aspirants  de  la 
marine  sur  les  vaisseaux  de  l'État ,  que  les  sujets  qui ,  «Q 
jugement  de  l'examinateur,  auront  répondu  d'une  mani^ 
satisfaisante  sur  les  objets  spécifiés  par  l'article  6  du  titre  II 
de  la  loi  du  10  août  1791  relative  aux  écoles  de  maiinet 

Art.  5.  Sont  exceptés  des  dispositions  de  Tartiole  i  ; 
l*  les  aspirants  actuellement  entretenus  auxquels  il  sera 
expédié  des  certificats  sans  qu'ils  aient  aucune  nouvelle 
formalité  à  remplir  ;  S*"  ceux  des  anciens  ^àves  et  voloo-r 
taires  de  la  marine  qui  n'ayant  pas  encore  complété  tr(H9 
ans  sur  les  vaisseaux  de  l'État^  demanderont  des  certiiicati 
d'aspirants.  Le  ministre  de  la  marine  leur  en  expédiera  sans 
qu'ils  soient  assujettis  à  passer  un  nouvel  examen. 

Art.  6.  Le  nombre  des  aspirants  de  la  marine  aéra  ilU- 
mité;  ils  n'auront  aucun  grade  militaire,  le  seul  objet  de 
leur  institution  étant  de  procurer  aux  jeunes  gens  qui  sq 
destinent  au  service  de  la  mer,  les  moyens  de  s'instruire 
et  d'acquérir  le  temps  de  navigatiou  nécessaire  pour  de* 
venir  officier. 

Art.  7.  Les  aspirants  seront  divisés  en  trois  classes. 

Art.  11.  Il  ne  sera  embarqué  en  qualité  d'aspirant,  sur 
les  vaisseaux  de  l'État,  aucun  sujet  au-dessous  de  quinze 
ans  et  au-dessus  de  vingt-cinq. 

La  pénurie  d'officiers  devenait  telle,  qu'un  décret  du 
18  septembre  1792  statua  que  tous  ofiByciers,  soit  auxi^ 
liaires,  soit  d'infanterie  ou  d'artillerie  qui  avaient  obtenu 
de  nouveaux  grades  à  la  mer,  de  leurs  généraux  ou  caiâ- 
taines,  pendant  la  dernière  guerre,  jouiraient  de  suite  des 
émoluments  attachés  aux  dits  grades  et  reprendraient  leur 
andenneté  dans  le  grade  auquel  ils  avaient  été  promuBi  h 
compter  de  la  date  de  leur  avancement  et  seraient  même 
promus  à  des  grades  supérieurs,  si  leurs  cadets  y  avaient 
déjà  été  i»romus ,  en  reprenant  également  leur  rang  d'an- 
cienneté parmi  ces  derniers. 

Cet  appel  ne  sufQt  pas  ;  il  fallût  cependant  des  offîcîfii^. 
Aussi,  le  13  janvier  1793,  la  Convention  nationale  décréta  : 


OHGANISATION.  2o9 

Art.  3.  Le  ministre  de  la  marinç  pourra  choisir  les  con- 
tre-amiraux parmi  tous  les  capitaines  de  vaisseau  actuelle- 
ment à  leur  poste,  ou  eu  activité  de  service,  et  nommés  ca- 
pitaines avant  le  31  décembre  dernier,  le  droit  d'ancienneté 
demeurant  toujours  réservé  d'après  les  lois  anciennes. 

Art.  4.  Le  nombre  des  capitaines  de  vaisseau,  antérieurs 
à  la  formation  du  1*'  janvier  1792,  se  trouvant  réduit  par 
la  désertion  h  un  nombre  de  beaucoup  inférieur  à  celui 
des  besoins  de  la  République,  le  ministre  de  ïa  marine  est 
autorisé  à  remplacer,  en  entier,  la  moitié  de^  capitaines  d^e 
vaisseau  a  Tancienneté. 

Art,  5.  Le  ministre  choisira  la  moitié  des  capitaines^  in- 
distinctement parmi  tous  les  lieutenants  de  vaissçinu,  quel 
que  soit  leur  temps  de  navigation  dans  cet  dernier  grade, 
et  parmi  les  capitaines  de  commerce  ayant  cinq  années  de 
commandement  en  course  ou  au  long  cours. 

Art.  7.  Le  temps  de  navigation  nécessaire  pour  TadmisT 
sion  au  grade  de  lieutenant  de  vaisseau  sera  fixé  h  cinq 
années,  soit  sur  les  vaisseaux  de  l'État,  soit  sur  les  navU 
res  de  commerce.  Les  candidats  devront  avoir  été  reçus 
capitaines  au  long  cours  ;  avoir  commandé  deux  an^  e» 
cette  qualité,  ou  navigué  deux  ans  sur  les  vaisseaux  de 
l'État  comme  enseignes,  ofSciers  auxiliaires,  entretenus  ou 
brevetés  pour  la  campagne,  ou  comme  maîtres  pilotes» 

Art.  10.  Le  nombre  d'années  de  navigation  e;sigée3  pour 
le  grade  d'ensergne  entretenu  sera  fixé  h  quatre,  soit  sur 
les  bâtiments  de  l'État,  soit  sur  ceux  du  commerce  indis- 
tinctement. Les  candidats  devront  avoir  servi  sur  les  pre- 
miers comme  officiers-mariniers  ou  comme  maîtres  pilotes , 
ou  sur  ceux  du  commerce,  comme  lieutenants,  pendant 
deux  années.  Pourront  aussi  être  admis  ceux  des  volon- 
taires, élèves  ou  aspirants  entretenus,  ayant  quatre  ans  de 
navigation,  dès  qu'ils  auront  subi  l'examen  prescrit;  par  Jes 
lois  précédentes. 

Le  6  février  1793,  la  Convention  nationale  décréta  que 
les  navigateurs  qui,  avant  d'avoir  servi  sur  les  vaisseaux 


260  ORGANISATION. 

de  la  République,  avaient  subi  Texamen  pour  être  admis 
au  grade  d'enseigne  non  entretenu,  obtiendraient  le  brevet 
dudit  grade,  en  justifiant  qu'ils  avaient  atteint  l'âge  et  le 
temps  de  service  nécessaires  avant  le  1"  janvier  1793. 

Le  18  mars  1793  : 

Que  les  citoyens  qui,  sur  l'invitation  du"*  ministre  de  la 
marine,  avaient  été  désignés  par  les  marins  de  leurs  dé- 
partements respectifs  comme  les  plus  dignes  d'être  promus 
au  grade  de  capitaine  de  vaisseau  de  la  République,  se- 
raient admis  à  ce  grade,  pourvu  qu'ils  aient  commandé 
plusieurs  voyages,  ou  qu'ils  soient  déjà  lieutenants  de 
vaisseau,  même  de  la  dernière  promotion,  et  qu'ils  soient 
pourvus  de  certificats  de  civisme. 

Le  9  juin  :   ' 

Art.  1«'.  Les  enseignes  entretenus  de  la  marine,  actuel- 
lement employés  sur  les  vaisseaux  de  la  République,  pour- 
ront être  admis  aux  places  de  lieutenant  qui  sont  au  choix 
du  ministre,  en  justifiant  qu'ils  sont  âgés  de  vingt-cinq  ans, 
qu'ils  ont  six  années  de  navigation  sur  les  vaisseaux  de 
l'État  et  servi  deux  ans  au  moins  comme  volontaires  de 
première  classe. 

Art.  2.  Sera  également  admissible  au  grade  de  lieute- 
nant de  vaisseau  tout  navigateur  qui  sera  reçu  capitaine 
au  long  cours  et  justifiera  qu'il  a,  après  sa  réception,  na- 
vigué pendant  trois  ans  au  moins  en  qualité  de  second  sur 
les  navires  de  commerce. 

Art.  3.  Les  enseignes  non  entretenus  qui  auront  deux 
années  de  service  comme  volontaires  de  première  classe,  se- 
ront aussi  admissibles  au  grade  d'enseigne  entretenu,  et 
pourront  en  obtenir  le  brevet  sans  subir  de  nouveaux 
examens. 

Le  28  juillet  : 

Art.  2.  La  Convention  nationale  autorise  le  ministre  de 
la  marine,  et  jusqu'à  ce  qu'il  en  soit  autrement  ordonné, 
à  efiectuer  le  remplacement  des  ofliciers  généraux  et  des 
ofiiciers  des  états  -  majors ,  en  choisissant  dans  tous  les 


ORGANISATION.  261 

grades,  et  sans  être  astreint  aux  dispositions  des  lois  pré* 
cédentes  sur  le  mode  d'avancement  et  de  remplacement. 

Enfin,  le  7  octobre,  parut  le  décret  dit  â!épurementy  et 
dont  les  principaux  articles  étaient  ainsi  conçus  : 

Art.  A.  Sur  le  compte  qui  sera  rendu  au  ministre  de  la 
marine  du  talent  et  du  civisme  de  chacun  des  oflSciers  de 
marine,  il  présentera  au  comité  de  marine  Tétat  des  oflB- 
ciers  et  aspirants  dont  la  conduite,  le  talent  et  le  civisme 
lui  paraîtront  suspects,  et  le  comité  en  référera  à  la  Con- 
vention nationale. 

Art.  5.  Indépendamment  des  informations  qui  pourront 
être  faites  par  le  ministre  de  la  marine,  l'état  des  noms  de 
tous  les  officiers  et  aspirants  composant  la  u^arine  militaire 
de  la  République  sera  affiché  dans  les  endroits  les  plus 
apparents  de  leur  domicile. 

Art.  6.  Indépendamment  de  l'état  des  officiers  affiché 
dans  leur  domicile,  la  liste  générale  distribuée  aux  mem- 
bres de  la  Convention  nationale  sera  envoyée  à  la  muni- 
cipalité de  chaque  quartier. 

Art.  7.  Tous  les  habitants  de  la  ville  ou  du  bourg  où  les 
noms  de  ces  officiers  et  aspirants  seront  affichés,  et  ceux 
de  leur  dernier  domicile  qui  auront  connaissance,  soit  de 
leur  incivisme,  de  leur  incapacité  ou  de  leur  inconduite  ha- 
bituelle, sont  invités,  au  nom  du  salut  public,  d'en  faire 
leur  dénonciatio]!  par  écrit,  signée  d'eux,  à  la  municipalité 
du  lieu. 

Art.  8.  La  municipalité  recevra  les  dénonciations  qui  lui 
seront  faites  pendant  la  huitaine  qui  suivra  le  jour  où  l'état 
des  officiers  aura  été  affiché  ;  elle  les  fera  passer,  dans  les 
trois  jours  suivants,  à  la  municipalité  du  chef-lieu  du  syn- 
dicat, qui  convoquera  le  conseil  général  de  la  commune  et 
tous  les  marins  de  son  arrondissement  pour  statuer,  de 
concert,  sur  les  dénonciations. 

Art.  9.  L'assemblée  aura  lieu  le  premier  jour  de  repos 
qui  suivra  la  convocation  ;  les  membres  du  conseil  général 
et  les  marins  réunis  donneront  leur  avis  par  appel  no- 


nt  ORGANISATION. 

miûaly  soit  à  haute  voix,  soit  au  scrutin,  et  la  décisloit 
sera  prise  à  la  majorité  des  suffrages. 

Art.  10.  Immédiatement  après  la  clôture  du  procès- 
verbal,  la  municipalité  en  enverra  une  expédition  au  mi- 
nistre de  la  marine  qui  destituera  ceux  contre  lesquels  les 
dénonciations  se  trouveront  fondées. 

Art.  11.  Après  cette  réforme,  le  ministre  de  la  marine 
procédera,  sans  délai,  au  remplacement  des  officiers  desti- 
tués, émigrés,  ou  retirés  de  la  marine. 

Art.  12.  Le  ministre  donnera  Tordre  aux  chefs  et  SOUS^ 
chefs  d'administration  de  la  marine,  de  couvoc^uer  au  chef- 
lieu  du  quartier  les  officiers  de  la  marine  militaire  qtû 
auront  conservé  la  confiance  publique,  et  les  capitaines  et 
officiers  du  commerce  de  leur  arrondissement,  susceptibles 
du  grade  d'enseigne  de  vaisseau  et  dont  le  civisme  sera 
bien  connu. 

Art.  là.  L'assemblée  procédera  en  présence  de  deux 
officiers  municipaux  à  la  nomination  des  candidats  parmi 
lesquels  le  ministre  de  la  marine  devra  choisir  les  officiers 
de  remplacement  de  tous  les  grades  pour  compléter  Tar- 
mée  navale. 

Art.  14.  Ce  choix  ne  pourra  tomber  que  sur  ceux  qui 
réuniront  les  conditions  exigées  par  les  lois  des  6  février  et 
9  juin  derniers  sur  l'organisation  provisoire  de  la  marine. 

Art.  15.  Le  nombre  des  candidats  à  présenter  par  les 
assemblées  d'arrondissement  devra  être  triple  pour  chacun 
des  grades  indiqués  par  le  ministre. 

Art.  16.  Le  ministre  pourra  faire  son  choix  pour  les 
places  vacantes,  tant  sur  les  candidats  présentés  par  les 
assemblées  d'arrondissement,  que  sur  les  officiers  de  la 
marine  et  aspirants  actuellement  en  activité  et  qui  n'ont 
cessé  de  mériter  la  confiance  publique. 

Art.  20.  Il  sera  incessamment  présenté  à  la  Convention 
nationale  une  loi  définitive  sur  l'admission  aux  différents 
grades  de  la  marine. 

Eh  bien!  avais-je  tort?  N'est-îl  pas  surprenant  que  la 


ORGANISATION.  263 

marine  ait  survécu  à  tant  d'actes  désorganisateurs  pro- 
mulgués comme  décrets  d'organisation?  Décréter  qu'on  sera 
officier  et  même  commandant  des  bâtiments  de  FÉtat  sans 
avoir  jamais  fait  et  quelquefois  même  vu  manoeuvrer  un 
canon  ;  sans  avoir  jamais  ouvert  un  ouvrage  de  tactique 
navale ,  ni  pratiqué  une  évolution  en  escadre  ;  qu'on  est 
apte  à  commander  un  ou  plusieurs  bâtiments  de  guerre 
parce  qu'on  a  conduit  ou  piloté  un  navire  de  commerce; 
qu'pn  a  la  science  infuse  parce  qu'on  a,  ou  mieux  encore, 
parce  qu'on  est  réputé  avoir  du  civisme  !  N'est-ce  pas  là  le 
comble  de  l'aveuglement!  Il  fallait,  dira-t-on,  des  officiers 
quand  même?  Non!  mieux  valait  désarmer  les  vaisseaux 
dans  les  ports,  renoncer  momentanément  à  avoir  des  es^^ 
cadres;  mieux  valait  faire  ce  qu'on  fit  tardivement,  mais 
qu'on  fit  quelques  années  plus  tard,  et  décréter  que  le 
corps  de  la  marine  était  supprimé.  Ce  décret  mettait,  il  est 
vrai,  l'existence  de  la  marine  en  question,  mais  il  n'aggra- 
vait pas  la  situation  :  c'était  un  coup  de  dé  jeté  avec  la 
certitude  de  ne  pas  perdre  et  qui  offrait  la  chance  du  gain. 
Le  simple  bon  sens  aurait  dû  indiquer,  que  si  les  institu- 
tions des  peuples  anciens  pouvaient  être  imitées  dans  quel- 
ques-unes de  leurs  parties,  elles  ne  pouvaient  l'être  dans 
toutes  ;  et  la  marine  était  de  ces  dernières.  Les  perfection* 
nements  apportés  à  l'art  de  la  navigation  et  l'emploi  de 
l'artillerie  exigent  des  connaissances  qui  ne  peuvent  s'acqué- 
rirque  par  Tétude  et  par  la  pratique  ;  et  le  courage,  l'audace, 
vertus  principales  de  ceux  qui  combattaient  sur  mer  dans 
l'antiquité,  ne  sauraient  suffire  aujourd'hui.  Ce  courage, 
cette  audace,  on  les  trouva  certainement  chez  bon  nombre 
des  nouveaux  capitaines  ;  ces  officiers  possédaient  également 
les  connaissances  nécessaires  pour  conduire  un  navire  d'un 
point  à  un  autre.  Mais  on  finit  par  s'apercevoir  que  ces 
qualités  n'étaient  pas  les  seules  que  le  capitaine  d'un  vais- 
seau en  escadre  devait  possède!:  et,  d'un  coup  de  plume, 
on  mit  à  néant  ce  qu'on  avait  si  imprudemment  édifié, 
U  n'est  pas  sans  intérêt  de  jeter  un  coup  d'œil  rétrospec- 


364  ORGANISATION. 

tif  sur  les  causes  de  rinfériorité  relative  de  la  marine 
militaire  de  la  France  sous  la  République,  afin  de  restituer 
à  chacun  la  part  de  responsabilité  qui  lui  revient.  Certes, 
je  dirai  avec  tous  les  historiens,  que  l'émigration  a  été  la 
cause  première  de  la  désorganisation  et  de  la  décadence  de 
la  marine;  mais  j'ajouterai  que  c'est  moins  à  elle  qu'au 
gouvernement,  qu'à  l'absence  complète  du  sens  maritime 
en  France,  qu'il  faut  attribuer  les  désastres  de  cette  épo- 
que. On  chercherait  en  vain  dans  les  chroniques  des  autres 
nations  une  ignorance  des  choses  de  la  marine  pareille  à 
celle  dont  ont  fait  preuve  les  diverses  assemblées  qui  ont 
gouverné  la  France  à  la  fin  du  siècle  dernier;  jamais 
l'histoire  n'avait  eu  à  dérouler  des  tableaux  aussi  sombres 
que  ceux  que  je  vais  placer  sous  les  yeux  du  lecteur.  Cette 
ignorance  n'a  été  surpassée  que  par  l'abnégation  que  du- 
rent faire  de  leur  réputation  et  de  leur  vie,  les  chefs  qui  re- 
çurent la  mission  de  conduire  des  escadres  composées  de 
vaisseaux  comme  ceux  que  la  France  possédait  alors  et  avec 
le  personnel  que  l'on  connaît.  Il  n'est  pas  un  capitaine  appelé 
au  commandement  d'un  bâtiment,  pas  un  officier  général 
désigné  pour  commander  une  escadre,  qui  n'ait  senfi  le 
poids  de  la  responsabilité  diminuer  à  mesure  que  les  in- 
stallations de  son  bâtiment  ou  des  vaisseaux  de  son  escadre 
devenaient  plus  complètes  et  que  l'instruction  pratique  de 
tous 9  des  officiers  comme  des  matelots,  devenait  plus 
solide.  Combien  cette  responsabilité  ne  dut-elle  pas  rester 
lourde  !  combien  ne  dut-elle  pas  paralyser  les  facultés  des 
chefs  qui,  au  moment  du  combat,  savaient  ne  disposer 
d'aucun  des  éléments  qui  assurent  la  victoire  !  Il  faut  le 
répéter  et  le  répéter  bien  haut,  tout  en  laissant  à  l'émi- 
gration la  responsabilité  qui  lui  incombe,  le  mode  si  peu 
intelligent  de  recrutement  des  officiers  et  des  matelots, 
l'indifférence  qu'on  apporta  à  l'instruction  pratique  des 
états- majors  et  des  équipages;  l'empressement  fâcheux 
que  Ton  mit  à  armer  et  à  faire  sortir  des  vaisseaux  inca- 
pables, les  uns  de  combattre,  les  autres  de  naviguer,  de-- 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1791.  265 

valent  nécessairement  amener  les  catastrophes  que  le  pays 
eut  à  déplorer,  catastrophes  trop  nombreuses  certainement, 
mais  encore  au-dessous  de  ce  qu'on  pouvait  redouter,  si 
Ton  songe  qu'à  toutes  ces  causes  de  désastres,  il  faut  ajou- 
ter l'insurrection,  en  quelque  sorte  permanente,  qui  régna 
à  bord  des  bâtiments  de  la  République  pendant  les  pre- 
mières années  de  la  guerre. 


"•«fOio^ 


ANNÉE  1791. 


La  guerre  n'était  pas  encore  déclarée.  L'Assemblée  lé- 
gislative n'avait  pas  pris  l'importante  détermination  de 
répondre  par  une  franche  déclaration  de  guerre  aux  actes 
d'hostilité  mal  déguisée  de  l'Autriche.  L'Angleterre  con- 
tinuait ses  protestations,  sinon  amicales ,  du  moins  pacifi- 
ques. Et  cependant,  Tannée  n'était  pas  terminée,  que  les 
officiers  de  la  marine  de  S.  M.  Britannique  molestaient,  vio- 
lentaient même  nos  navires  marchands,  et  cela  quelquefois 
en  présence  de  bâtiments  de  guerre  français.  Ce  sans-gêne, 
pour  ne  pas  caractériser  autrement  cette  manière  d'agir, 
donna  lieu  à  une  grave  conflagration.  C'est  dans  l'Inde 
qu'eut  lieu  cet  épisode  maritime,  le  premier  dont  j'ai  à 
parler. 

Ce  premier  épisode  fut  la  conséquence  de  cet  abus  de  la 
force  dont  les  Anglais  ont  si  souvent  fait  usage  et  contre 
lequel  la  nation  française  s'est  si  énergiquement  soulevée 
il  y  a  quelques  années. 

A  la  fin  de  l'année  1791,  la  France  avait  dans  l'Inde  les 
frégates  la  Cybèle^  YAtàlante  et  la  Résolue^  placées  sous  les 
ordres  du  chef  de  division  de  Saint-Félix.  Les  forces  navales 
de  l'Angleterre,  commandées  parle  commodore  Cornwallis, 


«66  COMBATS  PARTICULARS.  -i7M . 

consistaient  dans  le  vaisseau  Grown,  les  frégates  Peiksb* 
YERANGE,  pHGGNix ,  Vestale  ,  MiNERVA ,  Thabies,  les  corvet- 
tes  Atalante  et  Ariel.  Le  commodore  anglais,  se  servant  dn 
prétexte  de  la  guerre  avec  Typpo  Saïb,  et  de  la  nécessité 
d'empêcher  les  neutres  de  procurer  des  aijnes  et  des  mu- 
nitions à  ce  prince  indien,  avait  ordonné  de  visiter  tous 
les  navires  du  commerce.  Le  28  octobre  1791,  il  fit  appa- 
reiller de  Tellichery,  petit  port  sur  la  côte  de  Malabar,  la 
frégate  de  AO*'  Phoënix,  capitaine  sir  Richard  Stracban  et  la 
corvette  de  20°  Atalante,  capitaine  Foot,  pour  visiter  un 
navire  français  gui  paraissait  au  large.  La  faiblesse  de  la 
brise  ne  leur  permit  pas  de  le  joindre  ;  elles  le  suivirent  ce- 
pendant et  mouillèrent,  trois  jours  après  lui,  sur  la  rade 
du  comptoir  français  de  Mahé,  situé  à  une  trentaine  de 
milles  au  Nord  de  Tellichery.  Un  officier  anglais  se  rendit 
de  suite  à  bord  du  navire  français  et  demanda  à  voir  les 
expéditions.  Le  capitaine  ayant  refusé  d'en  donner  con- 
naissance, Tofiicier  anglais  fit  appuyer  sa  demande  par  un 
détachement  de  soldats.  Les  écoutilles  furent  ouvertes  par 
violence  et  le  navire  fut  visité  :  on  n'y  trouva  ni  armes  ni 
munitions  de  guerre.  Le  commandant  de  Mahé  s'étant  plaint 
de  la  conduite  irrégulière  du  capitaine  Foot,  le  commo- 
dore Comwallis  rejeta  tous  les  torts  sur  l'officier  qui  avait 
été  envoyé  à  bord,  lequel,  assura-t-il,  avait  fait  plus  que  ne 
le  portaient  ses  instructions  ^  il  désapprouva  sa  conduite 
et  fit  agréer  ses  excuses  au  commandant  du  comptoir. 

Ces  exigences  des  Anglais  et  la  présence  des  corsaires 
marattes  firent  sentir  au  chef  de  division  de  Saint-Félix  la 
nécessité  de  tenir  une  de  ses  frégates  sur  la  côte  de  Mala- 
bar ;  la  Résolue  de  82*,  capitaine  Gallamand,  y  fut  envoyée. 

Cette  frégate,  partie  de  Mahé  avec  deux  navires  du  com- 
merce qu'elle  escortait  à  Mangalore,  passa  devant  Tellichery, 
le  49  novembre  de  grand  matin  5  trois  frégates  étaient  à 
ce  mouillage.  La  Résolue  et  les  deux  marchands  hissèrent 
leur  pavillon  ;  les  frégates  qui  étaient  à  l'ancre  arborèrent 
le  pavillon  anglais,  et  bientôt  deux  d'entre  elles  mirent. 


COMBATS  PARTICULIERS.— i%l.  267 

sons  voiles  et  se  dirigèrent  sur  là  RisùluBé  A  2**  de  Taprès- 
midi,  une  d'elles  tira  un  coup  de  canon  auquel  la  frégate 
française  répondit  sans  se  déranger  de  sa  route.  Un  quart 
d'heure  après,  la  même  frégate,  qui  était  alors  très-près, 
tira  un  second  coup  de  canon  ;  le  capitaine  Gallamand  en  fit 
également  tirer  un  second  ;  mais  voulant  connaître  le  motif 
de  ces  avertissements,  il  mit  en  panne  et  fit  signal  aux  deux 
navires  de  continuer  leur  route.  Les  frégates  anglaises 
étaient  la  Persévérance  et  la  Phcenix  ,  toutes  les  deux  de 
AO  canons.  Sir  Richard  Strachan  qui  commandait  la  se- 
conde fit  prévenir  le  capitaine  Gallamand  qu'il  avait  ordre 
de  visiter  les  deux  marchands.  La  Prcënix  avait  déjà 
mis  deux  canots  à  la  mer  ;  et  pendant  que  l'un  d'eux  se 
rendait  à  bord  de  la  Résolue^  l'autre  se  dirigeait  sur  les 
navires  qui  faisaient  toujours  route  ;  la  frégate  anglaise 
les  invita  à  s'arrêter  en  tirant  plusieurs  coups  de  ca- 
nons à  boulets.  Le  capitaine  Gallamand  répondit  à  cette 
agression  en  envoyant  un  boulet  sur  l'avant  de  la  frégate 
Phcënix  et  un  second  sur  son  arrière.  Dans  ce  moment,  le 
canot  anglais  accostait  un  des  navires  et  la  seconde  frégate 
atteignait  Tautre.  Get  acte  de  violence  mit  fin  aux  pour- 
parlers engagés  entre  les  deux  capitaines  ;  celui  de  la 
Résolue  ordonna  de  faire  feu  sur  la  Phgenix,  qui  était  du 
reste  disposée  au  combat,  car  la  riposte  ne  se  fit  pas  atten- 
dre. La  Résolue  était  placée  par  le  travers  de  bâbord  et 
sous  le  vent  de  la  frégate  anglaise  ;  le  combat  continua  dans 
cette  position.  La  Persévérance  ne  resta  pas  spectatrice 
de  la  lutte  dans  laquelle  sa  compagne  se  trouvait  engagée  ; 
elle  se  laissa  culer,  et  dès  qu'elle  fut  par  le  bossoir  de 
tribord  de  la  Résolue^  elle  joignit  son  feu  à  celui  de  sa 
conserve.  La  Phcenix  vint  alors  en  grand  sur  bâbord,  passa 
à  poupe  de  la  frégate  française  à  laquelle  elle  envoya  une 
bordée  d'enfilade,  et  revenant  immédiatement  sur  tribord, 
elle  continua  de  la  combattre  par  la  hanche  de  bâbord.  Les 
forces  étaient  trop  disproportionnées  pour  que  la  Résolue 
pût  lutter  avec  avantage  ;  après  vingt^cinq  minute»  de  vi* 


268  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1791 . 

goureuse  défense,  elle  avait  son  gouvernail  brisé,  son 
grément  et  sa  voilure  hachés  ;  la  corne  venait  d'être  cou-* 
pée  et  le  pavillon  avait  été  entraîné  dans  sa  chute  ;  le  ca- 
pitaine Gallamand  avait  reçu  une  blessure  à  la  jambe  et 
une  autre  à  la  tète.  Résister  plus  longtemps  à  deux  fré- 
gates, toutes  les  deux  plus  fortes  que  la  sienne,  était  chose 
inutile  :  il  fit  hêler  qu'il  amenait. 

Le  capitaine  Strachan  fit  dire  au  capitaine  de  la  Résolue 
que,  malgré  l'avantage  qu'il  venait  d'obtenir,  il  ne  considé^ 
rait  pas  la  frégate  française  comme  sa  prise,  et  il  lui  envoya 
des  ouvriers  pour  aider  à  réparer  ses  avaries.  Le  capitaine 
Strachan  engageait  enfin  le  capitaine  Gallamand  à  se  ren- 
dre à  Tellichery  pour  donner  ensemble  des  explications 
sur  ce  conflit  au  commodore  Gornwallis.  Le  capitaine  fran- 
çaiil  refusa  de  se  rendre  à  cette  invitation;  il  déclara 
qu'ayant  amené,  il  se  constituait  prisonnier  et  qu'on  pou- 
vait le  conduire  où  l'on  jugerait  convenable.  Après  six 
heures  d'hésitation  de  la  part  de  sir  Richard  Strachan,  qui 
insistait  pour  que  la  Résolue  rehissât  son  pavillon  et  fit 
route,  Ja  frégate  française  fut  conduite  par  les  Anglais  à 
Tellichery.  Le  20,  elle  fut  appareillée  par  un  ofiicier  et  un 
équipage  anglais  et,  accompagnée  par  la  Persévérance, 
elle  fut  dirigée  sur  Mahé.  Aussitôt  qu'elle  fut  mouillée, 
les  Anglais  qui  l'avaient  conduite  retournèrent  à  bord  de 
leur  frégate  qui  prit  le  large.  Ge  combat  avait  coûté  la  vie 
à  12  hommes  de  la  Résolue  qui  avait  en  outre  56  blessés. 


ANNÉE  1792 


Ges  actes  d'agression  ne  furent  pas  les  seuls  que  les 
Anglais  commirent  dans  ces  parages  avant  la  déclaration 
de  guerre.  Le  A  janvier  1792,  la  frégate  la  Cybele^  montée 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1792.  269 

par  le  chef  de  division  de  Saint-Félix ,  fut  rencontrée  de 
nuit  par  la  frégate  anglaise  Minerya  ,  commandée  par  le 
Commodore  Cornwallîs,  qui  lui  tira  un  coup  de  canon.  Cet 
officier  supérieur  prétendit  s'être  mépris  et  donna  pour  ex- 
cuse que,  dans  la  position  des  Anglais  vis-à-vis  de  Typpo 
Saïb,  il  devait  visiter  tous  les  navires  qu'il  rencontrait. 

Le  lendemain  de  cette  affaire,  jour  de  son  arrivée  à 
Mahé,  le  chef  de  division  de  Saint-Félix  apprit  le  com- 
bat de  la  Résolue  ;  il  ordonna  que  le  pavillon  de  cette  fré- 
gate fût  rehissé ,  fit  des  représentations  très-vives  au  Com- 
modore anglais,  et  finit  parle  prévenir  que,  s'il  persistait 
à  visiter  les  navires  français ,  il  considérerait  cette  viola- 
tion comme  une  déclaration  de  guerre,  et  que  dès  lors  il 
repousserait  la  force  par  la  force.  Le  commodore  prétendit 
que,  dans  cette  circonstance»  le  capitaine  Gallamand  avait 
été  l'agresseur. 

La  noble  détermination  du  commandant  des  forces  na- 
vales de  la  France  dans  les  mers  de  l'Inde  fut  paralysée  par 
un  mouvement  insurrectionnel  des  équipages  de  la  Cybèle 
et  de  la  Résolue;  ils  déclarèrent  qu'ils  ne  se  battraient  que 
dans  le  cas  où  ils  seraient  attaqués.  Celui  de  la  Résolue 
prit  l'initiative ,  et  des  menaces  furent  faites  au  comman- 
dant en  chef,  lorsqu'il  se  rendit  à  bord  pour  connaître  les 
motifs  du  désordre.  La  position  n'était  plus  tenable;  le 
chef  de  division  de  Saint-Félix  quitta  ces  parages,  où  le 
pavillon  de  la  France  était  exposé  à  recevoir  de  nouvelles 
humiliations  sans  qu'il  lui  fût  possible  d'en  tirer  ven- 
geance ;  et  la  présence  de  la  Résolue  dans  ces  mers  ne 
pouvant  être  désormais  qu'un  sujet  d'animosité  entre  les 
deux  marines,  il  renvoya  cette  frégate  en  France. 

Le  commodore  Cornwallis  expédia  un  bâtiment  en  Eu- 
rope pour  rendre  compte  de  ce  conflit  à  son  gouvernement. 
Le  ministère  anglais  donna  l'ordre  de  mettre  le  capitaine 
Strachan  en  jugement.  Quel  fut  le  résultat  de  cette  préten- 
due satisfaction  donnée  au  pavillon  français?  Je  ne  saurais 
le  dire.  Un  blâme  au  plus  j  car  on  verra  le  capitaine  Strachan 


%1Q  COMBATS  PARTICULIERS.  ^  im . 

souvent  en  scène  dans  le  Ublem  qw  je  vaj^  essayer  4e 
reproduire  (1). 

L'Assemblée  nationale  confirma  le  chef  de  division  de 
Saint-Félix  dans  le  commandement  de  la  division  de  l'Indei 
et  lui  conféra  le  grade  de  contre-amiral.  Cette  commission 
lui  fut  remise  par  le  capitaine  Rosily,  de  la  Fortet  qui  por* 
tait  le  gouverneur  et  les  commissaires  du  gouvernement 
délégués  aux  iles  de  France  et  de  la  Réunion.  Cette  fré" 
gâte  repartit  immédiatement  avec  YÀtalante  pour  escorter 
un  convoi  qui  se  rendait  en  France;  la  prévision  d'we 
rupture  prochaine  avec  l'Angleterre  nécessitait  cett^  me- 
sure. 


mxv*- 


Jetons  maintenant  un  coup  d'œil  sur  l'Europe,  et  voywis 
quelle  était  Tattitude  des  divers  États  au  moment  où  la 
révolution  éclata  en  France.  Cet  examen  est  nécessaire 
pour  bien  comprendre  le§  causes  des  nombreux  armements 
qui  ne  tardèrent  pas  à  être  faits  et  les  motifs  qui  poussèrent 
toutes  les  puissances  à  une  guerre  qui  fut  si  glorieuse  pour 
la  France,  mais,  je  le  dis  avec  aniertunie,  si  désastreuse 
pour  sa  marine.  Un  historien  célèbre  trace  ainsi  la  situa- 
tion (2)  :  «Au  milieu  de  Tannée  1790,  la  révolution  français 
se  commença  d'attirer  l'attention  des  souverains  étrangers; 
son  langage  était  si  assuré,  si  ferme,  il  avait  un  caractère 
de  généralité  qui  semblait  si  bien  le  rendre  propre  à  plus 
d'un  peuple,  que  les  princes  étrangers  durent  s'en  effrayer. 
On  avait  pu  croire  jusque-là  à  une  agitation  passagère; 
mais  les  succès  de  l'Assemblée  constituante,  sa  fermeté,  sa 
constance  inattendue  et  surtout  l'avenir  qu'elle  se  proposait 
et  qu'elle  proposait  à  toutes  les  nations,  durent  lui  attirer 
plus  de  considération  et  de  haine  et  lui  mériter  l'honneur 
d'occuper  les  cabinets.  L'Europe,  alors,  était  divisée  en 


ii       1  I  ■«    ■  ^     m  V    ^^■■F'.ww 


(1)  Brentoo,  Nwjal  history  of  Qf€ai  firitain,  dit  q«e  la  çfMidaita  du  Com- 
modore Gornwallis  (ut  approuvée. 

(2)  Thiers,  Histoire  de  la  Révohtion  frmçaiie. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1792.  271 

deux  grandes  ligues  ennemies  :  la  ligue  anglo-prussienne 
d'une  part,  et  les  Cours  impériales  de  l'autre . 

«  Frédéric-Guillaume ,  roi  de  Prus§e,  avait  abandonné 
l'alliance  de  la  France  pour  celle  de  l'Angleterre.  Uni  à 
cette  puissance,  il  avait  formé  cette  fameuse  ligue  anglo^ 
prussienne  gui  tenta  de  si  grandes  choses  et  qui  n'en  exé* 
cuta  aucune  ^  qui  souleva  la  Suède,  la  Pologne,  la  Porte 
contre  la  Russie  et  l'Autriche^  abandonna  tous  ceux  qu'elle 
avait  soulevés,  et  contribua  même  à  les  dépouiller  en  par- 
tageant  la  Pologne. 

«  Le  projet  de  l'Angleterre  et  de  la  Prusse  réunies  avait 
été  de  ruiner  la  Russie  et  l'Autriche  en  suscitant  contre  elles 
la  Suède,  la  Pologne  gémissant  d'un  premier  partage,  et  h 
Porte  Ottomane  courroucée  des  invasions  russes*  L'inteU'^ 
tion  particulière  de  l'Angleterre^  dans  cette  ligue,  était  46 
se  venger  des  secours  fournis  aux  colonies  américaines  par 
la  France,  sans  lui  déclarer  la  guerre.  Elle  en  avait  trouvé 
le  moyen  en  mettant  aux  prises  les  Turcs  et  les  RusseSt 
La  France  ne  pouvait  demeurer  neutre  entre  ces  deux  peu^ 
pies,  sans  s'aliéner  les  Turcs  qui  comptaient  sur  elle^  et 
sans  perdre  ainsi  sa  dominatian  commerciale  dans  1^  Le^ 
vant.  D'autre  part,  en  participant  à  la  guerre,  elle  perdait 
l'alliance  de  la  Russie,  avec  laquelle  elle  venait  de  conclure 
un  traité  infiniment  avantageux,  qui  lui  assurai];  les  bois 
de  construction  et  tous  l^s  objets  que  le  Nord  fournit 
abondamment  à  la  marine*  Ainsi,  dans  les  deux  cas,  U 
France  essuyait  un  domnaage.  Eu  attendant,  l'Angleterre 
préparait  ses  forces  et  se  disposait  h  les  déployer  au  besoin. 
D'ailleurs,  voyant  le  désordre  de*  finanoi^s  sous  les  no- 
tables, le  désordre  populaire  SQU9  la  Constituante,  elle 
croyait  n'avoir  pas  besoin  de  la  guerre,  et  l'on  a  pensé 
qu'elle  aimait  encore  mieux  détruire  la  France  par  les 
troubles  intérieurs  que  par  les  armes^ 

«  Cette  ligue  anglo-prussienne  avait  fait  livrer  quelques 
batailles  dont  le  succès  fut  balancé*  Gustave  de  Suèd^ 
s'était  tiré  en  héros  d'une  position  od  il  s'était  engagé  en 


272  COMBATS  PARTICULIERS.— 1792. 

aventurier.  La  Hollande  insurgée  avait  été  soumise  au  Sta- 
tbouder  par  les  intrigues  anglaises  et  les  armées  prus- 
siennes. L'habile  Angleterre  avait  ainsi  privé  la  France 
d'une  alliée  maritime.  La  Pologne  achevait  de  se  consti- 
tuer et  allait  prendre  les  armes.  La  Turquie  avait  été  battue 
par  la  Russie.  En  juillet  1790,  la  paix  fut  signée  entre 
l'Autriche  et  la  Prusse  ;  en  août,  la  Russie  fit  la  sienne  avec 
Gustave,  et  n'eut  plus  affaire  qu'à  la  Pologne  et  aux  Turcs. 
L'attention  des  puissances  finissait  donc  par  se  diriger 
presque  tout  entière  vers  la  France.  Quelque  temps  au- 
paravant, lorsque  la  ligue  anglo-prussienne  poursuivait 
secrètement  la  France,  ainsi  que  l'Espagne  sa  constante 
alliée,  quelques  navires  anglais  furent  saisis  par  les  Espa- 
gnols. Les  réclamations  furent  suivies  d'un  armement  gé- 
néral dans  les  ports  de  l'Angleterre.  Aussitôt  l'Espagne 
demanda  des  secours  à  la  France,  et  Louis  XVI  ordonna 
l'armement  de  15  vaisseaux.  On  accusa  l'Angleterre  de 
vouloir,  dans  cette  occasion,  augmenter  nos  embarras.  Les 
troubles  intérieurs  furent,  en  effet,  plus  grands  au  moment 
de  l'armement  général,  et  l'on  ne  put  s'empêcher  de  voir 
une  liaison  entre  les  menaces  de  l'Angleterre  et  la  renais- 
sance du  désordre.  )> 

Cependant  la  Cour  de  Vienne ,  au  mépris  des  traités, 
ne  cessait  d'accorder  une  protection  ouverte  aux  Français 
qui  refusaient  de  reconnaître  l'ordre  de  choses  établi  en 
France.  Elle  formait  un  concert  avec  plusieurs  puissances  de 
l'Europe  contre  l'indépendance  et  la  sûreté  de  la  nation  fran- 
çaise. François  !•',  roi  de  Hongrie  et  de  Bohême,  avait,  par 
deux  notes  du  18  mars  et  du  7  avril  1792,  refusé  de  renoncer 
à  ce  projet  et,  malgré  la  proposition  qui  lui  avait  été  faite 
de  réduire  de  part  et  d'autre  à  l'état  de  paix  les  troupes 
échelonnées  sur  les  frontières,  il  continuait  ses  préparatifs 
hostiles.  Il  avait,  en  outre,  attenté  à  la  souveraineté  de  la 
nation  française  en  déclarant  vouloir  maintenir  les  préten- 
tions des  princes  allemands  possessionnés  en  France,  aux- 
quels la  nation  française  n'avait  cessé  d'offrir  des  indem- 


COMBATS  PARTICULIERS. -1792.  273 

nités.  Il  cherchait  enfin  à  diviser  les  Français  et  à  les  armer 
les  uns  contre  les  autres,  en  offrant  un  appui  aux  mécon- 
tents. Son  refus  de  répondre  aux  dernières  dépêches  du  roi 
des  Français  ôtant  tout  espoir  d'obtenir  d'une  manière  ami- 
cale le  redressement  de  ces  griefs,  le  20  avril,  l'Assemblée 
législative  lui  déclara  la  guerre. 

La  maison  d'Autriche,  entraînant  la  Prusse,  la  décida 
bientôt  à  marcher  contre  la  France,  La  Russie  s'était  dé- 
clarée la  première  contre  la  Révolution  et  secondait  les 
émigrés.  La  Suède,  immobile,  recevait  encore  les  navires 
français  dans  ses  ports.  Le  Danemark  promettait  une  stricte 
neutralité.  On  pouvait  se  regarder  comme  en  guerre  avec 
laCour  de  Turin.  Lepape  préparait  ses  foudres.  L'Espagne, 
sans  entrer  ouvertement  dans  la  coalition,  ne  semblait  ce- 
pendant pas  disposée  à  exécuter  le  pacte  de  famille  et  à 
rendre  à  la  France  les  secours  qu'elle  en  avait  reçus.  Les 

0 

Etats-Unis  auraient  peut-être  voulu  aider  la  France  de  leurs 
moyens,  mais  ces  moyens  étaient  nuls  à  cause  de  leur  éloi- 
gnement.  L* Angleterre  s'engageait  à  la  neutralité  et  en 
donnait  de  nouvelles  assurances  :  elle  faisait  cependant  des 
armements  extraordinaires,  et  tout  annonçait  une  rupture 
prochaine  avec  cette  puissance.  Certain,  par  l'expérience, 
qu'elle  ferait  sortir  un  nombre  infini  de  corsaires  et  de  bâ- 
timents légers  pour  inquiéter  le  commerce  aussitôt  que  les 
liaisons  amicales  seraient  rompues,  le  ministère  ordonna 
d'établir  sur  les  côtes  des  croiseurs  destinés  à  le  protéger. 

Le  25  juillet ,  parut  le  manifeste  du  duc  de  Rruns- 
wick. 

Afin  d'être  prêt  à  repousser  les  attaques  des  puissances 
maritimes  de  la  Méditerranée,  le  Conseil  exécutif  provi- 
soire arrêta  qu'il  serait  formé  à  Toulon  une  escadre  de 
9  vaisseaux  :  le  commandement  en  fut  donné  au  contre- 
amiral  Truguet.  Mais  ce  port  n'en  avait  que  cinq  en  état 
de  prendre  la  mer^  c'étaient  : 

Canons. 

80      Tonnant capitaine  Blanqnet  Dnchayla. 

Trugaet,  contre-amiral. 

II.  18 


îâl74  COMBATS  PARTICULIERS.  —  47M. 

iCommerce-de-Bordeaux .  capitaine  Saint-Julien. 

Scipion —  Degoy. 

Lys.  .••.......       --  Brueys  d'Aigallien* 

Centaure —  Missiessy. 

On  leur  adjoignit  les  frégates  la  Sibylle^  la  Junùn^  la  MU 
nerve^  la  Modeste,  la  Vestale  et  la  Fortunée  ;  les  corretteft 
la  Badine^  la  Poulette^  la  Brunej  la  Belette^  la  Fauvette  #1 
le  Rossignol}  les  avisos  le  Jarte^on,  le  jETa^ardy  VAkrl€  et 
le  Gerfaud. 

Brest  expédia  à  Toulon  les  vaisseaux  : 

Canons. 
80     Languedoc capitaine  Latouche-TréTille. 

Vengeur —       Ledall-Kéréon. 

74      Orion -^       Vaullier. 

Entreprenant —       Tiiirat 

Avant  l'arrivée  des  vaisseaux  de  l'Océan,  le  contre-amiral 
Truguet  reçut  Tordre  de  se  porter  sur  les  côtes  d'Italie  «t 
de  s'y  concerter  avec  le  général  Anselme,  qui  devait  faire 
une  diversion  sur  Nice  pendant  que  le  général  en  chef  Mon- 
tesquieu attaquerait  la  Savoie.  En  exécution  de  ces  ordres, 
la  division  de  Toulon  mit  à  la  voile  ;  le  2i  septembre,  elle 
était  devant  Nice  et  s'y  établissait  en  croisière.  Cette  ville 
et  Villefranche  qui  la  touche  furent  prises  par  l'armée 
française  :  la  corvette  sarde  la  Caroline,  qui  se  trouvait 
dans  ce  dernier  port,  fut  capturée  et  envoyée  à  Toulon, 
Sur  ces  entrefaites,  un  coup  de  vent  d'Est  força  la  divi- 
sion à  prendre  le  large  ;  3  vaisseaux  relâchèrent  aux  lies 
d'Hyères,  près  de  Toulon  et  les  deux  autres  au  golfe  Juan, 
qui  se  trouve  au-dessous  de  Cannes.  Le  11  octobre,  ils 
étaient  tous  les  cinq  à  Villefranche,  où  ils  furent  ralliés 
par  ceux  de  Brest.  Us  y  prirent  1,000  hommes  de  troupes 
et  firent  route  pour  Oneille,  petite  ville  du  littoral  dtt 
duché  de  Gênes,  où  ils  arrivèrent  le  26.  Le  contre-amiral 
Truguet  envoya  de  suite  sommer  le  commandant  de  cette 
place  de  se  rendre.  Des  paysans,  embusqués  sur  le  rivage, 
firent  feu  sur  l'embarcation  et  tuèrent  l'enseigne  de  vais- 
seau d'Aubermesnil,  aide-de-camp  du  commandant  en  chdTi 
ainsi  que  cinq  autres  personnes;  le  capitaine  de  vaisseau 


COMBATS  PARTICUUEHS.- 1792.  37^ 

Duchayla  et  plusieurs  matelots  furent  blessés.  Cet  attenta^ 
'  fut  vengé  par  une  canonnade  terrible  que  les  vaisseaip;: 
ouvrirent  immédiatement  sur  la  ville.  Oneille  fut  livrée  ^i; 
pillage  pendant  deux  jours,  après  lesquels  les  troupes  furent 
rembarquées,  leur  nombre  n'étant  pas  suffisant  pour  occu- 
per la  ville,  et  l'escadre  retourna  à  Villefranche. 

Ces  diverses  expéditions  nécessitèrent  l'envoi  de  nou* 
velles  forces  dans  la  Méditerranée.  Les  vaisseaux  de  74* 
le  Patriote,  le  Léopard  et  le  Duguay-Trouirif  ainsi  que  J^ 
frégate  YÀrèthuse  furent  expédiés  de  Brest;  Y  Apollon  e$ 
le  Généreux  de  74*"  et  la  frégate  Y  Hélène^  de  Rochefortj 
enfin  le  Thémistocle  de  7 h''  partit  de  Lorient. 


Pendant  que  nos  armées  entraient  dans  les  États  de 
terre  ferme  du  Piémont,  le  gouvernement  songea  à  utiliser 
l'escadre  de  la  Méditerranée,  en  la  faisant  participer  à  une 
attaque  contre  l'île  de  Sardaigne.  Les  troupes  destinée» 
à  cette  expédition  se  trouvant  en  Corse,  le  contre-amiral 
Truguet  reçut  l'ordre  de  réunir  à  Ajaccio  tous  les  navires 
du  commerce  qu'il  pourrait  trouver,  de  s'y  rendre  de  sa 
personne  avec  4  vaisseaux  et  quelques  frégates,  et  d'es^ 
corterce  convoi  au  mouillage  de  la  petite  île  San  Pietro,  sur 
la  c6teS.-0.de la  Sardaigne.  En  conséquence  de  ces  instruc- 
tions, le  contre-amiral  Truguet  quitta  Villefranche  et  se 
rendit  &  Ajaccio.  La  campagne  commença  mal.  Le  vaisseau 
le  Vengeur  toucha  en  entrant  dans  la  vaste  baie  d' Ajaccio, 
et  cela  si  rudement,  que  la  voie  d'eau  qui  en  résulta  né* 
cessita  l'échouage  immédiat  de  ce  vaisseau,  qu'il  ne  fut  plus 
possible  de  relever.  Les  troupes  furent  embarquées  et, 
le  13  janvier  1793,  la  division  et  les  transports  jetèrent 
l'ancre  sur  la  rade  de  San  Pietro. 

De  son  côté,  le  capitaine  de  vaisseau  Latouche-Trévîile 
avait  reçu  l'ordre  de  se  rendre  à  Naples  avec  le  reste  de 
l'escadre,  c'est-à-dire  avec  10  vaisseaux  et  2  frégates,  pour 
demander  satisfaction  de  l'insulte  faite  à  la  nation  dans  la 


«76  COMBATS  PARTICULIERS.  —1792. 

personne  du  citoyen  Semonville,  son  ambassadeur  à  Con* 
Btantinople»  qui  était  outragé  de  la  manière  la  plus  violente 
dans  un  mémoire  du  général  Acton,  ministre  du  roi  de  Na- 
jples;  Cette  réparation  obtenue,  le  commandant  Latoucbe 
devait  rallier  le  contre-amiral  Truguet  en  Sardaigne.  Un 
retard  dans  l'arrivée  de  2  bombardes,  que  le  commandant 
Latoucbe  considérait  comme  indispensables»  fit  perdre  un 
temps  précieux  pour  la  saison  ;  Tescadre  ne  quitta  la  côte 
que  le  10  décembre.  Lorsque  le  16,  vers  midi,  elle  parut 
à  là  bauteur  de  l'île  d'Iscbia,  à  rentrée  de  la  baie  de  Naples, 
un  officier  napolitain  monta  à  bord  du  Languedoc  et  rappela 
au  commandant  Latoucbe  que  les  traités  s'opposaient  à  ce 
que  plus  de  6  bâtiments  de  guerre  de  la  même  nation  mouil- 
lassent sur  la  rade  ;  il  ajouta  que  le  séjour  d'une  force  plus 
considérable  devant  la  ville  pourrait  être  considéré  comme 
un  acte  d'hostilité.  Le  commandant  de  l'escadre  française 
répondit  qu'il  ne  diviserait  pas  ses  forces,  qu'il  allait  jeter 
l'ancre  devant  le  palais  du  roi,  et  que,  si  un  seul  coup  de 
canon  était  tiré  sur  les  vaisseaux  de  la  République,  il  ne 
remettrait  sous  voiles  qu'après  avoir  entièrement  détruit 
la  ville.  L'escadre  mouilla  effectivement  devant  le  palus 
sans  aucune  autre  opposition,  et  le  commandant  Latoucbe 
demanda  immédiatement  la  réparation  qu'il  devait  exiger; 
Le  général  Acton  proposa  d'abord  de  soumettre  l'affaire 
à  l'arbitrage  d'une  troisième  puissance  :  cette  proposition 
fut  repoussée.  Enfin,  après  quelques  hésitations,  la  Cour 
de  Naples  donna  la  satisfaction  demandée.  Vingt-quatre 
heures  après,  l'escadre  appareillait  pour  la  Sardaigne.  Elle 
fut  dispersée,  pendant  la  nuit  du  20  au  21,  par  un  violent 
coup  de  vent  d'O.-N.-O.  et,  au  jour,  les  vaisseaux  Y  Entre- 
prenant, le  Scipion  et  une  frégate  étaient  seuls  réunis  au 
Languedoc,  Ce  dernier  démâta  successivement  de  son  mât 
de  misaine,  de  son  grand  mât  et  du  mât  d'artimon;  il  fai- 
sait eau  de  toutes  parts.  Le  vent  ayant  passé  au  S.-O.  dans 
la  journée,  le  commandant  Latoucbe  ordonna  au  capitaine 
Degoy,  du  Scipion^  d'aller  apprendre  au  contre-amiral  Tru- 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1792.  277 

guet  la  dispersion  de  l'escadre  et  Tétat  dans  lequel  se  trou- 
vait le  Languedoc,  Il  se  fit  ensuite  donner  par  YEntrepre^ 
fiant  une  remorque  qui  cassa  presque  aussitôt,  et  gouverna 
pour  rentrer  à  Naples.  Le  vent  augmenta  encore  pendant 
la  nuit  suivante.  La  position  du  Languedoc  devenait  fort 
critique,  car  la  terre  s'apercevait  à  la  lueur  des  éclairs, 
mais  pas  assez  distinctement  pour  être  reconnue.  Les  em- 
barras croissaient  d'ailleurs  à  chaque  instant  par  la  rup- 
ture des  pitons  de  bragues  et  des  boucles  des  palans  des 
canons.  La  barre  du  gouvernail  cassa  aussi.  Enfin,  après 
avoir  passé,  dans  l'après-midi  du  2&,  à  un  jet  de  pierre 
de  nie  de  Capri  sur  laquelle  il  s'était  trouvé  affalé ,  le 
Languedoc  mouilla  sur  la  rade  de  Naples  avec  le  vaisseau 
et  la  frégate  qui  l'accompagnaient.  Il  reçut  dans  ce  port 
tous  les  secours  dont  il  avait  besoin  et,  le  30  janvier,  il 
put  remettre  sous  voiles.  Huit  jours  après,  le  commandant 
Latouche  ralliait  le  contre-amiral  Truguet  au  mouillagef 
de  San  Pietro,  où  tous  les  vaisseaux  avaient  successive- 
ment jeté  l'ancre. 


La  non-acceptation,  par  une  partie  de  la  population,  de 
l'ordre  de  choses  établi  en  France,  donna  lieu  à  quelques 
événements  maritimes  que  je  ne  puis  passer  sous  silence. 
Pendant  quelque  temps,  il  y  eut  dans  la  marine  deux  dra- 
peaux qui  combattirent  l'un  contre  l'autre,  comme  si  les 
embarras  du  pays  n'étalent  pas  déjà  assez  grands,  sans 
qu'il  fallût  encore  les  augmenter  par  des  dissensions  civiles 
qui  ne  faisaient  que  l'affaiblir.  Ce  mouvement  réactionnaire 
des  esprits  ne  tarda  pas  à  traverser  l'^éan,  et  le  Conseil 
exécutif  sentit  la  nécessité  de  remplacer  les  bâtiments  sta- 
tionnés aux  Antilles  et  d'y  envoyer  de  nouvelles  troupes. 
Le  général  Rochambeau,  nommé  gouverneur  général  des 
lies  du  Vent,  le  général  Cdllot,  gouverneur  de  la  Guade- 
loupe, et  quatre  commissaires  civils,  prirent  passage  sur 
la  frégate  la  Sémillantey  capitaine  Bruix,  qui  avait  mission 


278  COMBATS  PARTICULIERS. -1792. 

d'escorter  un  convoi  portant  2,000  hommes  de  troapès  t 
cette  frégate  partit  de  Lorient  le  10  août. 

Une  lettre,  arrivée  à  la  Guadeloupe  dans  les  pt^mièrai 
jours  de  septembre,  annonça  que  les  Prussiens  et  les  Ati- 
trichiens  étaient  entrés  à  Paris,  et  qu'une  contre-révolutîotl 
avait  eu  lieu  en  France.  Au  milieu  de  l'agitation  occasionnée 
par  cette  nouvelle,  répandue  probablement  à  desseiût  le 
capitaine  Malleves^ult,  de  la  frégate  la  Calypso^  demanda  Un 
gouverneur  d'arborer  le  pavillon  blanc.  Malgré  son  téÙïk 
formel»  un  pavillon  blanc  fut  hissé  à  bord  de  la  frégate  et 
salué  de  21  coups  de  canon.  Cet  acte  séduisit  la  pôptl- 
lation  de  la  Guadeloupe  ;  le  gouverneur  lui-même  fut  efi- 
traîné,  et  le  pavillon  blanc  fut  arboré  dans  Tlle  eiliifire* 
La  Calypso  mit  aussitôt  à  la  voile  pour  porter  cette  nduVellfe 
à  la  Martinique,  qui  suivit  l'exemple  de  la  Guadeloupe. 

La  Sémillante  arriva  sur  ces  entrefaites  à  la  Martiùiqde. 
Le  16  septembre,  des  députés  du  comité  colonial  se  itiii- 
dirent  à  bord  et  y  ramenèrent  un  aide  de  camp  du  gênêrjll 
Rocharabeau  qui  avait  été  envoyé  à  terre  avec  des  dépêches 
qu'il  ne  lui  avait  pas  été  permis  de  remettre.  Le  capitaine 
Malleveault  signifia  au  chef  de  l'expédition,  de  la  part  du 
gouverneur  Behague  et  du  chef  de  division  Rivière,  qu'il  eût 
à  s'éloigner,  s'il  ne  voulait  pas  être  traité  en  ennemi.  Là 
partie  n'était  pas  égale.  La  division  navale  de  la  Martinique 
se  composait  du  vaisseau  de  74*  la  Ferme^  monté  par  le 
commandant  ;  des  frégates  la  Calypso  et  la  Dtdon,  capitaines 
Malleveault  de  Vaumorant  et  Villevielle;  de  la  corvette. le 
Marêchal'de-Castriesj  capitaine  vicomte  d'Aché,  et  du  brîg 
le  Ballon^  capitaine  Robert  Rougemont.  La  Sémillante  et 
son  convoi  prirent  Ifciarge,  et  lorsqu'il  vit  le  pavillon  blane 
flotter  également  sur  la  Guadeloupe,  le  général  Rochafn- 
beau  obtint  d'être  conduit  au  Cap  Français  de  Saint-Do- 
mingue. ^ 

La  flûte  la  Bienvenue  ^  capitaine  Lacarrière,  et  deux 
transports  chargés  de  troupes,  se  séparèrent  du  convoi  et 
relâchèrent  sur  la  rade  de  la  Basse-Terre  de  l'île  anglaise 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 4792.  279 

de  Saint-Christophe.  Ils  se  disposaient  à  continuer  leur 
route  pour  Saint-Domingue  lorsque,  le  3  octobre  dans 
Taprès-midi,  3  bâtiments  portant  flamme  et  pavillon  blancs 
furent  aperçus  au  large  :  c'étaient  la  Calypso^  le  Maréchal- 
de-Castries  et  le  Ballon*  Après  ce  qui  s'était  passé  à  la 
Martinique,  le  capitaine  Lacarrière  s'attendit  à  être  attaqué  ; 
il  demanda  protection  au  gouverneur  de  Tlle,  qui  l'engagea 
à  arborer  les  couleurs  de  la  Grande-Bretagne.  Un  officier 
delà  flûte,  envoyé  le  lendemain  abord  de  la  Calypso  qui  se 
tenait  à  l'entrée  de  la  rade,  fut  accablé  d'injures  et  chargé 
de  prévenir  son  capitaine  qu'il  eût  à  arborer  le  pavillon 
blanc,  s'il  ne  voulait  être  coulé.  Cette  intimation  répandit 
l'alarme  à  bord  de  la  Bienvenue  et  des  deux  transports  ;  la 
majeure  partie  des  équipages  et  des  troupes  qui,  à  la  vérité 
étaient  sans  armes,  se  précipitèrent  dans  les  canots  ou  se 
jetèrent  à  la  nage  pour  gagner  la  terre.  La  Calypso  ayant 
alors  manœuvré  pour  atteindre  le  mouillage,  la  Bienvenue 
hissa  le  pavillon  anglais.  Cette  détermination  n'arrêta  pas 
le  capitaine  Malleveault;  il  prévint  celui  de  la  flûte  que  ce 
pavillon  ne  l'empêcherait  pas  de  le  couler,  s'il  n'obtempé- 
rait à  l'invitation  qui  lui  avait  été  faite.  Dans  l'après-midi, 
le  capitaine  Lacarrière  descendit  à  terre  pour  conférer  avec 
deux  officiers  de  la  frégate,  qui  lui  dirent  avoir  l'ordre  du 
roi  de  faire  arborer  le  pavillon  blanc  à  tous  les  bâtiments 
français  :  il  s'y  refusa  positivement.  Le  5,  la  Calypso  et  le 
Ballon  se  placèrent  tribord  et  bâbord  de  la  Bienvenue  et 
firent  d'ostensibles  dispositions  d'attaque.  Le  capitaine 
Lacarrière  se  décida  à  couper  ses  câbles  et  à  s'échouer  à  la 
plage  ;  il  descendit  alors  à  terre  avec  les  quelques  hommes 
qui  étaient  restés  à  son  bord. 

Les  menaces  du  capitaine  MalleveatQt  n'empêchèrent  pas 
les  équipages  et  les  passagers  des  3  bâtiments  français  de 
trouver  un  asile  dans  la  forteresse  de  Brimslone  5  ils  furent 
renvoyés  en  France  peu  de  temps  après.  La  Bienvenue  fut 
remise  à  flot  et  emmenée  par  la  Calypso  qui  laissa  les  deux 
transports,  mais  entièrement  vides. 


280  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1792. 

Le  Moniteur  du  samedi  12  janvier  1793  contenait  VBtr- 
ticle  suivant  :  «  Une  frégate  de  la  division  que  le  perfide 
«  Behague  avait  sous  ses  ordres,  la  Calypso^  s'était  empa- 
«  rée,  dans  la  baie  de  Saint-Christophe,  d'un  navire  du 
«  convoi  du  général  Rochambeau.  A  cette  nouvelle,  le 
a  gouverneur  anglais  de  cette  île  envoya  contre  cette  fré- 
«  gâte  un  vaisseau  de  guerre  qui,  malgré  son  pavillon 
«  blanc,  lui  lâcha  sa  bordée  et  la  fit  amener.  En  vain  le 
«  capitaine  de  la  Calypso  répétait-il  qu'il  était  Français; 
«  que  les  deux  rois  n'étaient  pas  en  guerre.  Le  gouverneur 
((  lui  fit  répondre  qu'il  ne  connaissait  d'autre  pavillon 
«  français  que  celui  aux  trois  couleurs ,  et  que  la  frégate 
«  ne  pouvait  être  qu'un  corsaire  dont  il  devait  s'emparer. 
*  L'équipage  de  la  Calypso  fut  fait  prisonnier.  » 

Ce  récit  du  Moniteur  me  paraît  être  un  ampliation  dé- 
naturée de  l'événement  du  h  octobre.  Une  brochure  ayant 
pour  titre  :  t  Mémoire  pour  le  citoyen  Malleveault  détenu 
dans  les  prisons  de  la  Force  — 1793  —  d  vient  à  l'appui  de 
cette  opinion.  On  y  lit,  en  effet,  que  le  général  Behague 
partit  de  la  Martinique,  le  11  janvier  1793,  avec  le  vais- 
seau la  Ferme^  la  frégate  la  Calypso^  le  Maréchal  de  Cas" 
tries  et  l'aviso  le  Coureur^  et  qu'il  se  rendit  à  l'île  de  la 
Trinité  deux  mois  avant  la  déclaration  de  guerre  à  l'Espa- 
gne, à  laquelle  il  confia  ces  bâtiments  en  dépôt. 

L'Assemblée  nationale  avait  mis  fin  à  ses  travaux;  le 
capitaine  Lacrosse  de  la  Félicité  fut  chargé  d'aller  en  porter 
la  nouvelle  aux  Antilles.  Arrivé  le  1"  décembre  devant 
Saint-Pierre  de  la  Martinique,  il  y  apprit  l'insurrection 
de  cette  île  et  de  la  Guadeloupe ,  et  la  retraite  du  général 
Rochambeau.  En  envoyant  ses  paquets  au  gouverneur  Be- 
hague, il  lui  écrivit  pour  tâcher  de  le  ramener  au  parti 
de  la  République  ;  mais,  convaincu  bientôt  qu'il  ne  pouvait 
séjourner  sans  danger  sur  cette  rade,  il  alla  mouiller  à 
Sainte-Lucie,  la  plus  rapprochée  des  îles  du  Sud,  qui  était 
restée  fidèle  à  la  France.  Les  démarches  du  capitaine  La- 
crosse eurent  pour  résultat  de  le  faire  déclarer  aventurier 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1792.  281 

sans  titre  et  sans  mission  ;  et,  par  arrêtés  des  10  et  18  dé- 
cembre, la  Martinique  et  la  Guadeloupe  déclarèrent  la 
guerre  à  la  France. 

Pendant  son  séjour  à  Sainte-Lucie,  le  capitaine  Lacrosse 
apprit  que  la  CalypsoeildkBienvénue^  nommée  la  Royaliste 
depuis  son  enlèvement,  étaient  parties  pour  la  Guade- 
loupe. Sachant  que  le  vaisseau  la  Ferme  était  hors  d'état 
de  prendre  la  mer,  il  forma  le  projet  d'enlever  la  corvette 
le  Maréchal  de  Castries  qui  était  restée  sur  la  rade  de 
Saint-Pierre.  L'enseigne  de  vaisseau  Pelletier,  chargé  de 
cette  entreprise,  appareilla  avec  la  goélette  la  Ketily  et 
arriva  sur  la  rade  de  Saint-Pierre  pendant  la  nuit  du  29  dé- 
cembre. Les  renseignements  qui  avaient  été  donnés  au 
capitaine  Lacrosse  étaient  inexacts;  la  Kettly  reprit  le 
large. 

Le  lendemain  à  2^  du  matin,  le  capitaine  Pelletier  chassa 
une  goélette  qui  arbora  flamme  et  pavillon  blancs.  Après 
lui  avoir  envoyé  une  bordée,  il  l'aborda  et  l'enleva.  Cette 
goélette  était  la  Légère;  elle  portait  6  pîerriers  et  était 
commandée  par  l'aspirant  Garnier. 

Cependant,  malgré  les  mesures  sévères  prises  pour  em- 
pêcher la  circulation  d'une  adresse  que  le  capitaine  La- 
crosse avait  envoyée  aux  habitants  des  deux  îles,  le  parti 
républicain  augmentait  chaque  jour;  les  marins  de  la 
division  désertaient  et  tout  faisait  présager  que  le  parti  do- 
minant ne  tarderait  pas  à  succomber.  La  ville  de  la  Pointe- 
à-Pitre  donna  l'impulsion.  Le  28  décembre,  le  pavillon 
tricolore  fut  arboré  sur  le  fort  de  Fleur-d'épée  et  il  flotta 
bientôt  dans  l'île  entière.  Le  24  janvier  1793,  une  com- 
mission générale  extraordinaire  des  représentants  élus  par 
chaque  quartier,  requit  le  capitaine  Lacrosse  de  remplir 
les  fonctions  de  gouverneur  général  jusqu'à  l'arrivée  de 
celui  qui  avait  été  désigné  par  le  gouvernement. 

La  Martinique  se  laissa  entraîner  par  l'exemple  de  sa 
voisine.  Les  habitants  des  campagnes  s'insurgèrent;  ef- 
frayés à  r  annonce  des  forces  que  la  métropole  devait  dé- 


S82  BATAILLES.— 1793. 

ployer  contre  eux,  les  planteurs  abandonnèrent  leurs  habi- 
tations et  se  réfugièrent  dans  les  lies  voisines.  Incapable 
de  se  maintenir  dans  cette  fausse  position,  le  gouverneur 
Bebague  partit  le  11  janvier  pour  Tile  de  la  Trinité  espa- 
gnole, avec  le  chef  de  division  Rivière  et  tous  les  bâtiments 
sous  ses  ordres.  Le  jour  même,  le  pavillon  tricolore  fut  ar- 
boré à  la  Martinique  qui ,  le  2S,  nomma  aussi  le  capitaine 
Lacrosse  son  gouverneur  provisoire- 
Prévenu  de  ce  qui  se  passait  aux  îles  du  Vent,  le  général 
Rochambeau  avait  quitté  Saint-Domingue;  il  arriva  le 
28  janvier  à  la  Guadeloupe  sur  le  brig  le  Lutin  ;  et ,  après 
y  avoir  fait  reconnaître  le  général  GoUot,  il  se  rendit  i^  la 
Martinique. 


-ooJOîo-o- 


ANNÉE  1785. 


Le  10  août  1792,  l'Angleterre  avait  rappelé  son  ambas- 
sadeur à  Paris,  et  elle  ne  souffrait  celui  de  la  République 
à  Londres,  que  comme  envoyé  de  la  royauté  renversée. 
Toutes  ces  subtilités  diplomatiques  n'avaient  d'autre  but 
que  de  satisfaire  aux  convenances  à  l'égard  du  roi  renfernrt 
au  Temple,  et  en  même  temps  de  différer  les  bostilités.  Lb 
ministre  Pitt  se  plaignait  de  ce  que  la  France  menaçait  lea 
alliés  de  l'Angleterre ,  attaquait  même  ses  intérêts,  et  en 
preuve,  il  citait  la  Hollande.  Le  grief  principal  allégué 
était  l'ouverture  de  T Escaut,  mesure  que  les  Français 
avaient  prise  en  entrant  dans  les  Pays-Bas.  Le  second  grief 
était  le  décret  du  15  décembre,  par  lequel  la  Convention 
nationale  promettait  secours  et  assistance  à  tous  les  peuples 
qui  secoueraient  le  joug  de  la  tyrannie.  Pitt  se  plaignait 
enfin  des  menaces  et  des  déclamations  continuelles  qui 
partmnt  des  Jacobins  contre  les  gcnivernements. 


BATAILLES.  — 1793.  381 

Cependant  le  procès  du  mois  de  janvier  1793  précipita 
les  événements  ;  le  gouvernement  anglais  lança  une  loi  in- 
quisitorîale  contre  les  Français  qui  voyageaient  en  Angle- 
terre; des  préparatifs  et  des  proclamations  annoncèrent 
une  guerre  imminente.  On  excita  la  populace  de  Londres; 
on  réveilla  cette  aveugle  passion  qui,  en  Angleterre,  faisait 
regarder  une  guerre  contre  la  France  comme  un  grand 
service  national;  on  mit  enfin  embargo  sur  des  navires 
chargés  de  grains  qui  se  trouvaient  dans  ses  ports;  et  à  la 
nouvelle  du  21  janvier,  l'ambassadeur  français,  que  jus- 
que-là on  avait  refusé  en  quelque  sorte  de  reconnaître, 
reçut  l'ordre  de  sortir  sous  huit  jours  du  royaume. 

Ne  voulant  pas  laisser  impunie  la  violation  de  ses  liai- 
sons de  bon  voisinage  et  du  droit  des  nations,  le  Conseil 
exécutif  provisoire  ordonna  d'arrêter  les  navires  anglais, 
russes,  hollandais,  prussiens  et  autrichiens  qui  se  trou- 
vaient dans  les  ports  de  la  République. 

Cette  situation  des  affaires  politiques  fit  modifier  les  or- 
dres donnés  au  contre-amiral  Truguet  qui  dut,  non-seule** 
ment  se  rendre  directement  à  Brest,  mais  encore  renoncer 
à  ses  opérations  en  Sardaigne,  dans  le  cas  où  elles  ne  se- 
raient pas  entièrement  terminées.  Mais,  soit  qu'il  n'eût  pas 
reçu  ces  nouvelles  instructions,  soit  que  le  besoin  pressant 
de  vivres  l'eût  forcé  de  prendre  cette  détermination  *  le 
contre-amiral  Truguet  mouilla  à  Toulon. 

La  nouvelle  impétuosité  révolutionnaire  déconcerta  la 
neutralité  calculée  des  puissances  que  l'Angleterre  travail* 
lait  à  soulever  contre  la  France.  Le  Stathouder  de  la  Hol- 
lande se  défiant  toujours  de  son  peuple  et  n'ayant  d'autre 
appui  que  les  escadres  anglaises,  lui  avait  donné  toute  espèea 
de  satisfaction  et  témoignait  par  une  foule  de  démonstra<^ 
tiens  hostiles,  sa  malveillance  pour  la  France.  Les  Espa- 
gnols avaient  été  peu  émus  de  la  révolution  et  c'étaient 
moins  des  raisons  de  sûreté  et  de  politique  que  des  raisons 
de  parenté  qui  indisposaient  le  cabinet  de  Madrid  contre 
la  République  française.  Au  moment  du  jugement  définitif 


SI84  BATAILLES.— 1793. 

de  Louis  XVI»  il  offrit  la  reconnaissance  politique  de 
la  République  et  sa  médiation  auprès  de  toutes  les  puis- 
sances, si  on  laissait  la  vie  sauve  au  monarque  détrôné  ;  de- 
puis ce  temps,  sa  disposition  à  la  guerre  n'était  plus  dou- 
teuse. La  Catalogne  se  remplissait  de  troupes;  dans  les 
ports,  on  armait  avec  activité. 

Au  milieu  de  la  conjuration  générale ,  le  Danemark  et 
la  Suède  gardaient  seuls  une  sage  réserve.  Le  gouverne- 
ment français  avait  parfaitement  jugé  ces  dispositions  gé- 
nérales et  l'impatience  qui  le  caractérisait  dans  ce  mo- 
ment ne  lui  permettait  pas  d'attendre  les  déclarations  de 
guerre»  mais  le  portait  au  contraire  à  les  provoquer. 
Depuis  le  10  août  1792,  il  n'avait  cessé  de  demander  à 
être  reconnu  -,  après  le  21  janvier,  il  mit  toutes  les  consi- 
dérations de  côté,  et  il  était  décidé  à  une  guerre  univer* 
selle.  Voyant  que  les  hostilités  cachées  n'étaient  pas  moins 
dangereuses  que  les  hostilités  ouvertes,  il  se  hâta  de 
mettre  ses  ennemis  en  demeure  de  se  déclarer.  La  Conven- 
tion nationale  ordonna  un  rapport  sur  la  conduite  du  gour 
vernement  anglais  envers  la  France;  sur  les  intrigues  du 
Stathouder  et  des  Provinces-Unies  et,  le  !•*  février,  B 
déclara  solennellement  la  guerre  à  F  Angleterre  et  à  la  Hol- 
lande. 

11  fallait,  dès  lors,  songer  à  mettre  les  colonies  en  état  de 
défense  et  à  renforcer  les  stations  navales.  Des  ordres  fu- 
rent donnés  dans  tous  les  ports  de  l'Océan  pour  l'affrète- 
ment des  navires  nécessaires  au  transport  des  troupes,  des 
armes  et  des  munitions;  et,  afin  que  l'ennemi  ne  pût 
pas  empêcher  leur  réunion  à  Brest,  on  fît  sortir  toutes 
les  frégates  et  tous  les  avisos  qui  étalent  armés.  Mais  les 
Anglais  avaient  déjà  des  croiseurs  sur  les  côtes  de  France 
et  plusieurs  frégates  furent  obligées  de  chercher  dans  les 
ports  un  refuge  contre  les  forces  supérieures  qu'elles  ren- 
contraient. Le  ministère  fit  alors  sortir  deBrest  une  division 
de  2  vaisseaux  et  de  &  frégates,  sous  les  ordres  du  capitaine 
de  vaisseau  Duval,  dont  la  mission  protectrice  fut  toutefois 


\ 


BATAILLES.— 1793.  285 

un  moment  retardée  par  les  troubles  des  départements  dé 
rOuest.  Au  mois  de  mars,  le  contre-amiral  Landais  sortit 
également  de  Toulon  avec  5  vaisseaux  pour  assurer  la  na- 
vigation et  protéger  le  transport  des  subsistances  atten- 
dues de  Gènes  et  aussi  l'arrivage  des  navires  venant  d^ 
colonies.  ^^^^ 

Voici  du  reste  comment  étaient  réparties  les  forces  na-    | 
vales  de  la  République*  La  division  de  Ssdnt-Dotningue  était    | 
composée  de  3  vaisseaux»  7  frégates,  7  corvettes  ou  avisos. 
La  Martinique  avait  5  frégates.  2  avisos  stationnsuent  à 
Cayenne.  Il  y  avait  dans  l'Inde  h  frégates  et  un  aviso.  La 
division  de  Brest  était  de  7  vaisseaux  et  5  frégates;  h  fré^ 
gâtes  et  h  avisos  croisaient  sur  la  côte  de  la  Vendée;  2  fré- 
gates et  7  avisos,  dans  la  Manche.  La  rade  de  Cherbourg 
était  défendue  par  un  vaisseau  et  8  canonnières.  Celle  de 
nie  d'Âix,  par  3  vaisseaux.  Un  vaisseau,  h  frégates  et  une 
corvette  croisaient  sur  la  côte  d'Italie.  Il  y  avait  8  frégates 
et  2  corvettes  dans  le  Levant.  6  frégates  et  12  avisos  étaient 
employés  à  divers  services  dans  la  Méditerranée*  Enfin, 
Toulon  avait  17  vaisseaux,  3  frégates  et  plusieurs  avisos  ^ 
prêts  à  prendre  la  mer  au  premier  ordre. 

L'Angleterre  avait  accueilli  avec  faveur  les  ouvertures 
qui  lui  avaient  été  faites  au  sujet  des  secours  à  envoyer 
aux  Vendéens.  La  nécessité  de  surveiller  cette  partie  du 
littoral  et  aussi  de  protéger  la  réunion  des  navires  destinés 
à  approvisionner  les  colonies,  détermina  le  gouvernement 
à  donner  au  vice-amiral  Morard  de  Galle  l'ordre  de  sortir 
de  Brest,  le  8  mars,  et  d'aller  croiser  dans  le  golfe  de  Gas- 
cogne avec  3  vaisseaux  et  7  frégates.  Peu  de  jours  après* 
ces  vsdsseaux  furent  dispersés  par  un  coup  de  vent  kçxl  leur 
occasionna  des  avaries  assez  graves  pour  nécessiter  leur 
rentrée  au  port;  ils  étaient  tous  de  retour  le  19. 

Ce  même  coup  de  vent  fit  rentrer  la  division  du  com- 
mandant Duval  qui  avait  été  tué  par  la  rupture  d'une  ma- 
nœuvre. 

Ces  premières  sorties  purent  faire  présager  Tesprit  d'In- 


S86  BATAILLES.  — 1703. 

subordinatioa  et  d'indépendance  qui  allsdt  se  répandre  ^ 
bord  des  bâtiments  ;  les  matelots  commentaient  les  ordres 
qu'on  leur  donnait,  et  ce  fut  dans  un  moment  critique  où 
les  siens  n'étaient  pas  assez  promptement  exécutés,  que  U 
capitaine  Duval  du  Tourville^  se  portant  de  sa  personiie  sur 
le  lieu  du  danger,  fut  tué  par  une  manœuvre  qui,  en  M 
détendant,  l'abattit  sur  le  pont. 

Au  milieu  du  mois  de  mars,  le  capitaine  de  Taisseam 
Villaret  Joyeuse  alla]mouilIer  dans  la  baie  de  Quiberon  avec 
deux  vaisseaux ,  afin  d'empêcher  les  Anglais  d'établir  dai 
communications  avec  les  campagnes  du  Morbihan  et  de  la 
Loire*Inférieure  qui  étaient  en  pleine  insurrection.  CM 
forces  furent  bientôt  jugées  insuffisantes  ;  il  fallait  d'ailleora 
assurer  l'arrivée  des  convois.  Brest ,  Lorient  et  Rochefort 
reçurent  l'ordre  d'armer  tous  les  bâtiments  en  état  de  preii? 
dre  la  mer  et  de  les  envoyer  à  Quiberon.  L'importance  da 
ce  commandement  devint  telle  que,  le  22  mai,  le  vica-» 
amiral  Morard  de  Galle  en  fut  de  nouveau  chargé.  La 
1*'  août,  croisant  avec  19  vaisseaux  et  plusieurs  frégates  i 
12  milles  dans  le  O.-S.-O.  de  Tîle  de  Groix,  il  eut  connaiô- 
sance  d'une  armée  anglaise  de  17  vaisseaux  et  9  frégateaj 
lèvent  soufflait  du  O.-S.-O. 

La  nécessité  dans  laquelle  s'était  tout  d'abord  trouvéa 
l'Angleterre  d'envoyer  des  bâtiments  dans  ses  colonies, 
l'avait  empêchée  d'avoir  une  escadre  prête  à  prendra  b 
mer  pendant  que  les  vaisseaux  français  se  réunissaient  à 
Quiberon.  L'amiral  Howe  n'avait  pu  mettre  à  la  voile  da 
Sainte-Hélène  que  le  là  juillet,  avec  les  vaisseaux  qui  va* 
naient  d'être  signalés  au  commandant  en  chef  de  Tarméa 
française  et  qui  étaient  : 

Canons. 

QuEEN  CHàRLOTTE.  ....  Capitaine  Roger  Gartis. 
liO  {  lord  Richard  Howe^  amiraL 

Royal  George capitaine  William  Domett. 

sir  Alexander  Hood,  Tice^amiral. 

Royal  Sovereign capitaine  Henry  Nichols. 

108  {  Thomas  Grayes,  vice-amiral. 

LoHDOff capitaine  Richard  Goodwin  Ke«tf  • 


BATAILLES.  ^4 1#S.  MV 

CuMBiBLAim. —      ThomtsLoufl. 

loha  Macbride,  contre-winiiL 

MoTTAGu capitaine  James  MoDtago* 

Ramilies —       Henry  Harvej. 

^^  .  AuDACious.  •.•••.••       —       William  Parker. 

Brunswick*  •  • —       John  Hanrey. 

Gânges —       Pye  Molloy, 

Sdffolk.  • -^       Peter  Rainiw. 

Hajestic —       Charles  Gotton. 

Edgar.  •  • —       Alhermale  Bertie* 

VETERAN, ».       —       Edmond  NngenL 

Sceptre •  •  •  •       —       Richard  Dacres. 

'^  l  Sampson —       Robert  llonta|(«. 

,  bîTREPU) ^       honorable  Ghariev  CupHltr. 

Frégates  :  Hebe^  Latona,  South amptoh,  Phaston^  Inconstaht,  ^omu(> 

LaPWING,  PSGAfUS^  NiGn. 

2  brigSy  2  cutters  et  an  loagre. 

Le  lendemsân ,  le  vent  augmenta  beaucoup  et  la  mer  de- 
vint très-grosse.  Le  vice-amiral  Morard  de  Galle  ne  vou- 
lant pas  engager  le  combat  dans  des  circonstances"  aussi 
défavorables»  avec  des  vaisseaux  nouvellement  armés  ^  fit 
route  pour  Belle-Isle  et  mouilla  le  h  an  soir  sur  la  rade  du 
Palais. 

La  baie  de  Quiberon  continaa  d*ètre  le  rendes^voàs  d«t 
vidsseaux  des  ports  de  l'Océan  ;  et  dans  les  premiers  jours 
de  septembre,  l'armée  navale  comptait  les  S3  vaisaeanc 
et  les  13  frégates  que  void  : 

Canons. 

Terrible capitaine  Bonnefouz. 

Morard  de  Galle,  tice-amiral. 

110  l  Côte^*Qr capitaine  Dn  Pletsif-GcMiMaB. 

Landais,  contre-amiral. 

Bretagne capitaine  Richery. 

Lelarge,  contre^ninl. 

Auguste. capitaine  Kergnelen»  ffftiiyK Ujiff Ij 

SO  { Indomptable —       Bruix. 

Juste.  •  • —      Terraeio». 

Trajan..  • —       Villaret  Joje99^  (Lo«i|). 

Tigre —       VanstabeL 

Audacieux —      BouTot  (Jeii|h  ftioyi^. 

Téméraire —       Dorré. 

Suffren —       Obet 

7^  (  Impétueux —      LeTÔqw  (Jmhi). 

Aquilon. —      Benry  (Jea&-Si|ip|Mi). 

Northumberland,    ....       —       Thomai. 

Jean  Bart •       ^      Goetaempfta. 

Tourville — -       Langlois. 

Achille»  •  • •  .      —      Bertrand  XenngiieD, 


288  BATAILLES.  — 1793. 

Convention —  Labatut. 

Neptune, •«  Tiphaine* 

74  {RévoltUion —  Trinqualéon. 

Superbe —  Boissaayeur.     . 

Sans-Pareil —  Démons. 

Frégates  :  Proserpine,  Pomone,  UraniCy  Carmagnole^  Galatliée,  Enga* 
géante,  Insurgente,  Gracieuse,  Sémillante^  Andromaque, 
Médée,  Bellone,  Hermione. 

La  double  mission  de  cette  armée  navale,  chargée  de 
protéger  la  rentrée  des  convois  et  de  surveiller  les  côtes 
des  départements  insurgés,  rendait  la  position  du  comman- 
dant en  chef  fort  difficile  *,  il  ne  lui  était  en  effet  pas  pos- 
sible de  remplir  ses  instructions  sans  morceler  son  armée, 
chose  au  moins  imprudente  en  présence  de  forces  aussi 
considérables  que  ^l'étaient  celles  des  Anglais*  Le  but  fat 
donc  en  partie  manqué  ;  les  vaisseaux  passaient  quelques 
jours  à  la  voile  et  revenaient  prendre  leur  mouillage  ;  les 
frégates  seules  faisaient  un  service  actif  en  convoyant  les 
navires  du  commerce. 

Le  rassemblement  de  ces  vaisseaux  n'avait  pas  eu  lieu 
sans  de  grandes  difficultés;  aux  embarras  matériels  de 
l'armement  s'était  jointe  l'indiscipline  des  matelots.  De 
grands  retards  avaient  été  occasionnés  par  leur  absence 
du  bord  qu'ils  quittaient  aussitôt  la  revue  passée,  pour  n'y 
plus  paraître  que  ramenés  par  les  municipalités.  A  Brest, 
les  équipages  de  plusieurs  vaisseaux  avaient  refusé  de 
sortir,  prétextant  qu'en  les  faisant  appareiller,  on  n'avsdt 
d'autre  but  que  de  les  faire  prendre  par  les  Anglais.  L'in- 
surrection ne  tarda  pas  à  se  montrer  menaçante  dans  toute 
l'armée  navale;  une  partie  des  manœuvres  dormantes  do 
vaisseau  le  Northumberland  furent  coupées  pendant  la  nidt 
du  6  août»  Les  actes  d'insubordination  auxquels  se  li- 
vraient les  équipages  pouvaient  être  attribués  à  plusieurs 
causes.  La  majeure  partie  des  hommes  était  sans  vête* 
ments  et  souffrait  horriblement  à  bord  des  bâtiments.  Les 
équipages  avaient  en  outre  peu  de  confiance  dans  leurs 
chefs,  et  les  officiers  n'en  avaient  pas  davantage  les  uns  à 
l'égard  des  autres.  Les  officiers  de  l'ancienne  marine  ne 


BATAILLES.  — 1793.  289 

cachaient  pas  si  bien  leur  morgue  et  leur  dépit  qu'ils  ne 
les  laissassent  apercevoir  de  temps  à  autre.  Ceux  de  la 
marine  du  commerce  en  étaient  irrités,  et  ces  deux  partis 
dans  les  états-majors  n* attendaient  qu'une  occasion  pour 
éclater.  Enfin,  la  station  de  Quiberon  était  assez  mal  choisie  ; 
car,  bien  que  les  communications  avec  la  terre  fussent 
aussi  rares  que  possible,  les  équipages  y  étaient  exposés 
à  toutes  sortes  de  séductions.  Le  commandant  en  chef  crut 
devoir  représenter  au  Comité  de  salut  public  combien,  avec 
de  semblables  éléments,  il  lui  était  difficile  de  lutter  con- 
tre l'armée  anglaise;  ses  vaisseaux  commençaient  d'ail- 
leurs à  être  à  court  de  vivres.  Se  rendant  l'interprète  des 
réclamations  des  équipages,  il  demanda  à  rentrer  à  Brest  : 
il  reçut  Tordre  de  continuer  sa  croisière.  Incapable  de  se 
faire  obéir  et  ayant  perdu  la  confiance  de  l'armée,  il  de- 
manda alors  à  être  remplacé  :  il  ne  l'obtint  pas  davantage. 
Le  vice-amiral  Morard  de  Galle  parvint  cependant  à 
calmer  quelque  peu  l'efiervescence  des  esprits  en  formant 
un  conseil  composé  d'un  officier  et  d'un  marin  de  chaque 
bâtiment.  Ce  conseil  fut  unanime  à  demander  la  rentrée  de 
l'armée  navale  au  port  de  Brest.  Il  fut  en  même  temps  dé- 
cidé, qu'en  attendant  des  ordres,  l'armée  mettrait  àla  voile 
pour  escorter  un  convoi  qui  était  en  relâche  depuis  quel  - 
ques  jours  dans  le  Morbihan.  La  frégate  la  Bellone  qui 
l'accompagnait  s'était  échouée  sur  des  roches  en  entrant. 
Il  eût  peut-être  été  possible  de  la  relever  si  l'équipage, 
moins  une  quarantaine  d'hommes,  n'eût  refusé  d'exécuter 
les  ordres  qui  lui  étaient  donnés.  L'appareillage  eut  lieu 
le  19;  le  26,  l'armée  reprenait  son  mouillage  à  Belle-Isle 
pour  faire  des  vivres  qui  venaient  de  lui  être  envoyés. 
Enfin,  le  député  Tréhouart,  envoyé  pour  prendre  connais- 
sance du  véritable  état  des  choses,  ayant  reconnu  que  le 
salut  de  l'armée  dépendait  de  sa  prompte  rentrée  à  Brest, 
donna  l'ordre  d'appareiller;  elle  mouilla  sur  cette  rade 
dans  la  nuit  du  28  septembre.  Toute  communication  des 
vaisseaux  entre  eux  et  avec  la  terre  fut  interdite,  et  le  re- 
n.  19 


m  BATAILLES.  - 1793, 

présentant  du  peuple  procéda  immédiatement  à  une  eo^ 
quête  sur  les  faits  graves  qui  venaient  de  se  passer.  Ces 
faits  motivèrent  l'arrestation  et  la  destitution  de  plusiçi^3 
oi&ciers  et  marins.  Le  vice-amiral  Morard  de  Galle  et  lepf 
contre-amiraux  Lelarge  et  Rerguelen  furent  destitués,  ainsi 
que  le  capitaine  Boissauveur.  Le  premier  fut  mis  en  ét^ 
d'arrestation  et  y  resta  dix-huit  mois.  Les  capitaines  TliOr 
mas,  Du  Plessis-Grenédan  et  Goetnempren  furent  trs^uitm 
devant  le  tribunal  révolutionnaire*  Les  capitainiss  Çpnne** 
foux  et  Richery  furent  également  mis  en  état  d'arrest^on. 
Le  même  arrêté  élevait  le  capitaine  Yiliaret  Joyeuse  va 
£i;rade  de  contre-amiral,  et  le  nommait  au  cQmipai)dl3iP9At 
de  l'armée  navale. 

Le  mois  de  septembre  fut  encore  marqué  par  U  perte 
de  la  frégate  Yffermione  qui,  le  20,  se  jeta  sur  lît  roçbn 
appelée  le  Four,  vis-àrvisle  Croisic. 

Le  8  avril,  l'aviso  le  SansSoud  s'était  déjà  pçr4n  sur 
cette  roche. 


Pendant  que  les  armée^s  do  la  République  envahissM^ot 
la  Belgique  et  se  portaient  sur  la  Hollande,  nw  escadrille, 
cofuposéô  de  la  corvette  de  20''  VAriel^  des  avisos  r£v0îM, 
ie  Fanfaron,  X Entreprise  et  deux  cbaloupes-canoonièreet 
était  chargée,  sous  la  direction  du  lieutenant  de  vaisseea 
Moultson,  de  seconder  les  opérations  sur  le  littora).  Au  mois 
de  mars,  cette  petite  division  fut  bloquée  dans  FEscaut  par 
une  division  anglo-hollandaise  de  3  vaisseaux  rasés,  11  fr^ 
gâtes,  6  brigs,  8  cutters,  7  bombardes  et  5  cbaloupes-ca«- 
nonnières  ;  plusieurs  de  ces  bâtiments  entrèrent  dans  le 
fleuve.  Le  20,  la  chaloupe- canonnière  française  Ia5a»fU«- 
Lucie^  capitaine  Castagnier,  fut  attaquée  pendant  la  nuit 
par  20  embarcations,  et  enlevée  sous  le  fort  Lillo  qui  ne  tire 
pas  un  seul  coup  de  canon  pour  la  soutenir.  Le  capitaine 
Castagnier  était  dans  ce  moment  en  mission  auprès  du 
commandant  en  chef  de  Tarmée  de  terre.  Après  révacua» 


BATAILLES.  -  1793.  291 

tion  d'Anvers,  VAriel  et  le  Fanfaron  furent  coulés  dan^ 
l'Escaut.  Les  agrès  et  Tartillerie  qui  en  avaient  été  préala- 
blement enlevés,  furent  dirigés  sur  Bruges  par  les  canaux  : 
les  habitants  de  cette  ville  s'en  emparèrent. 


Une  divisîoa  composée  des  vaisseaux  de  74**  le  Tigres  le 
Jean  Bart^  le  Tourmlle^  Y  Impétueux^  l'Aquilon  çt  la  Révo^ 
lution;  des  frégates  Vlnsurgente^  la  Sémillante  et  des  brigs 
le  Ballon  et  Y  Espiègle ,  sortit  de  Brest,  le  16  novembre, 
sous  le  commandement  du  contre-aniiral  Vanstabel,  pour 
croiser  à  l'ouvert  de  la  Manche,  afin  d'intercepter  un  con-* 
voi  qu'on  savait  devoir  partir  des  ports  de  l'Angleterre  pour 
Toulon,  sous  l'escorte  de  5  vaisseaux  aux  ordres  de  l'aipiral 
sir  John  Jervis.  Le  18,  vers  10^  du  matin,  38  voiles  furenç 
aperçues  dans  le  N.-O.  ;  lèvent  soufflait  alors  bon  frais  du 
S.-S.-E.  Les  frégates  reconnurent  26  vaisseaux;  c'était 
Fjescadre  de  l'amiral  Howe,  qui  était  sortie  de  Torbay  avec 
cplle  destinée  à  croiser  sur  les  côtes  de  France.  Le  contre^ 
amiral  Vanstabel  fit  signal  de  louvoyer  en  route  libre  pour 
s'élever  au  vent,  mais  sans  perdre  le  Tigre  de  vue.  La  5é- 
millante^  capitaine  Lemancq ,  qui  avait  une  marche  bien 
inférieure  à  celle  des  vaisseaux,  fut  gagnée  par  une  frégate 
anglaise  qui  l'eût  infailliblement  séparée  de  sa  division,  si 
le  commandant  en  chef,  rendant  sa  manœuvre  indépen- 
dante, n'eût  laissé  arriver  pour  la  soutenir  ;  il  obligea  ainsi 
la  frégate  ennemie  à  cesser  sa  poursuite.  Elle  ne  rallia  ce- 
pendant son  armée  qu'après  avoir  lancé  quelques  boulets 
au  Tigre  et  au  Jean  Bart. 

Le  temps  fut  à  grains  pendant  la  nuit  et  les  bâtiments  de 
la  division  se  séparèrent;  au  jour,  le  Jean  Bart  et  YAqui- 
Ion  étaient  seuls  avec  le  Tigre.  Le  contre-amiral  Vanstabel 
attendit  le  reste  de  sa  division  pendant  quelques  jours,  puis 
fit  route  pour  Brest,  où  il  mouilla  le  2décembre.  Il  y  trouva 
le  Tourville^  la  Révolution^  les  deux  frégates  et  le  Ballon. 

Le  19  novembre  au  matin,  Y  Espiègle^  capitaine  Bazile 


292  BATAILLES.— 1793. 

Biller,  avait  rallié  le  vaisseau  YImpétueuXj  mais  ils  se  perdi- 
rent encore  de  vue  pendant  la  nuit  du  22  qui  fut  très-mau- 
vaise. Ce  même  jour,  V Espiègle  fut  chassé  par  une  frégate 
anglaise  qui  ne  put  l'atteindre.  Le  2&  au  matin,  le  capitaine 
Biller  aperçut  1  armée  anglaise  à  petite  distance  sous  le 
vent;  2  frégates  s'en  détachèrent  et,  à  9**  30",  elles  purent 
lui  envoyer  quelques  volées.  Une  demi-heure  après,  il  faisait 
calme  ;  le  brig  en  profita  pour  s'éloigner  à  l'aide  de  ses  avi- 
rons. Favorisé  ensuite  par  de  légères  fraîcheurs  et  Fcbs- 
curité  de  la  nuit ,  il  parvint  à  se  soustraire  à  la  poursuite 
de  ces  frégates.  Le  29,  l'île  d'Ouessant  fut  aperçue  dans 
le  N.-E.  ;  mais  plusieurs  voiles  étaient  également  en  vue, 
et  les  2  frégates  anglaises  Nymphe  et  Circe,  placées  direc- 
tement de  Tavant,  virèrent  de  bord  pour  reconnaître  !'£«- 
piègle  qui  prit  aussitôt  chasse  à  l'Ouest,  quoique  les  deux 
frégates  eussent  arboré  le  pavillon  français.  Le  vent  était 
au  S.-E.  A  11**  15",  les  frégates  canonnaient  vigoureuse- 
ment le  brig  auquel,  depuis  plus  de  deux  heures,  elles 
envoyaient  des  boulets.  Vingt  minutes  plus  tard,  V Espiègle 
amenait  son  pavillon.  Il  fut  conduit  à  Plymouth  par  la 
Nymphe. 

Si  la  France  perdit  un  brig  de  guerre,  l'Angleterre  se 
vit  enlever  17  navires  du  commerce  par  la  division  dont  ce 
brig  faisait  partie. 

Disons,  pour  terminer,  que  V Impétueux  mouilla  le  11  dé* 
cembre  sur  la  rade  de  Brest. 


Le  vaisseau  le  Léopard,  qui  faisait  partie  de  Tescadre 
du  commandant  Latouche-Tré ville,  était  déjà  au  mouillage 
de  l'Ile  San  Pietro,  lorsque  le  contre-amiral  Truguet  y  ar- 
riva (1) .  Séparé  pendant  le  coup  de  vent  du  21  décembre,  le 
capitaine  Grammont  avait  fait  route  pour  le  rendez-vous  dé- 


(1)  V.  page  275, 


BATAILLES.  — 1793.  293 

signé,  et  il  avait  de  suite  sommé  Tîle  de  se  rendre.  Les 
Français  en  avaient  pris  possession  le  2  janvier  1793.  Se- 
condé par  les  habitants  de  cette  île ,  le  contre-amiral  Tru- 
guet  fit  répandre  des  proclamations  en  Sardaigne,  offrant 
partout  l'appui  et  la  protection  de  la  République  française. 
Le  23,  la  division  jeta  l'ancre  dans  le  golfe  de  Cagliari, 
et  un  parlementaire  fut  envoyé  au  gouverneur.  Ici,  comme 
à  Oneille,  le  canot  qui  le  portait  fut  reçu  à  coups  de  fusil 
et  le  commandant  en  chef  se  vit  dans  la  nécessité  de  châ- 
tier la  ville  par  une  canonnade  et  un  bombardement  de 
vingt-quatre  heures.  Obligé  dès  lors  de  déployer  toutes  ses 
forces,  il  prit  le  parti  d'attendre  un  convoi  qui  devait  lui 
être  amené  par  le  vaisseau  le  Commerce-de-Bordeaux^ 
et  qui  portait  un  corps  de  2,700  volontaires.  Ces  troupes, 
jointes  à  celles  qui  avaient  été  prises  en  Corse,  aux  sol- 
dats de  la  garnison  des  vaisseaux  et  aux  matelots  dont  on 
pouvait  disposer,  formaient  un  corps  assez  considérable 
pour  que  le  commandant  en  chef  pût  concevoir  l'espoir 
de  terminer  heureusement  une  expédition  qui,  depuis  trois 
mois,  était  traversée  par  une  foule  d'intrigues  et  contrariée 
par  une  série  de  mauvais  temps.  Mais  le  convoi,  dispersé 
par  un  coup  de  vent,  avait  été  obligé  de  chercher  un  abri 
dans  les  ports  de  la  Corse,  et  ce  retard  aggravait  la  posi- 
tion de  l'escadre  dont  les  équipages,  accablés  de  priva- 
tions, avaient  jusque-là  supporté  toutes  les  fatigues  avec 
courage.  Enfin,  le  2  février,  le  Commerce-de-Bordeaux  et 
son  convoi  mouillèrent  sur  la  rade  de  San  Pietro,  où  arri- 
vèrent aussi  successivement,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  les 
vaisseaux  qui  avaient  été  détachés  avec  le  commandant 
Latouche-Tréville. 

Cagliari,  ville  principale  de  la  Sardaigne,  s'élève  au  fond 
du  vaste  golfe  auquel  elle  a  donné  son  nom,  et  à  l'extrémité 
méridionale  de  l'île.  Un  petit  promontoire,  portant  le  nom 
de  cap  Saint-Élie,  et  courant  du  Nord  au  Sud,  partage 
le  golfe  en  deux  mouillages  distincts  :  celui  de  l'Ouest  est 
la  rade  de  Cagfiari  ;  l'autre  a  été  nommé  baie  Quartu.  La 


294  BATAIM.ES.  — 1793. 

rade  proprement  dite  est  protégée  par  le  fort  Saînt-Ignace, 
construit  sur  le  cap  Saint-Élie.  Le  lazaret  est  au  pied  de  ce 
fort.  Ce  promontoire  peut  être  considéré  comme  le  pro- 
longement du  versant  méridional  du  mont  Urpino  qui  do- 
mine la  ville  du  côté  de  TEst.  Plusieurs  mamelons  assez 
élevés  la  surplombent  aussi  au  Nord,  côté  où  se  trouve 
la  fortification  principale,  le  château  Michèle.  Une  espèce 
d'étang,  peu  avancé  dans  les  terres,  rend  le  débarque- 
ment difficile  dans  la  baie  Quartu. 

Le  contre-amiral  Truguet  concerta  immédiatement  son 
plan  d'attaque  avec  le  général  Gasabianca  qui  commandait 
les  troupes.  4,400  soldats  ou  volontaires  devaient  débar- 
quer dans  la  baie  Quartù,  à  fi  milles  de  la  ville  et  attaquer 
le  mont  Ûrpino  par  l'Est,  pendant  que  700  soldats  de  la 
garnison  des  vaisseaux  débarqueraient  dans  l^Ouest,  pro- 
tégés par  un  vaisseau  chargé  d'éteindre  le  feu  du  fort  Saint- 
Ignace  qui  pouvait  contrarier  cette  attaque.  tJn  second 
vaisseau  devait  foudroyer  une  caserne  établie  au  lazaret, 
et  balayer  le  chemin  de  communication  de  la  ville  avec  les 
hauteurs;  enfin,  quatre  autres  vaisseaux ,  embossés  paral- 
lèlement au  rivage,  et  les  bombardes  avaient  mission  dé 
dissiper  tous  les  rassemblements. 

Le  mauvais  temps  retarda  l'exécution  de  ce  plan  jusqu'au 
11  février.  Ce  jour-là,  le  Tonnant^  le  Centaure  et  Y  Apollon 
allèrent  mouiller  sur  la  rade.  La  Junon^  YAréthuse  et  la 
Vestale  s'échelonnèrent  le  long  de  la  plage.  Le  Duguay-- 
Trouin^  le  Tricolore ,  le  Thémislocle  et  le  Léopard  se  rap- 
prochèrent aussi  de  la  ville.  Le  capitaine  Latouche-Tréville, 
qui  venait  d'être  élevé  au  grade  de  contre-amiral,  fut  chargé 
de  l'attaque  par  mer  avec  le  Languedoc^  Y  Entreprenant^  le 
Scipion  et  le  Patriote,  Ces  dispositions  prirent  trois  jours. 
Les  troupes  furent  ensuite  mises  à  terre  avec  16  canons, 
sans  autre  opposition  que  celle  qui  fut  faite  par  une  tour 
du  cap  Saint-Élie  dont  le  Patriote  eut  bientôt  raison.  Le 
15  au 'matin,  les  vaisseaux  et  les  bombardes  commencè- 
rent leur  feu  et  les  troupes  se  mirent  en  marche.  Vingt- 


BATAILLES.  — 1793.  295 

quatre  heures  après,  elles  étaient  en  pleine  détoute,  sans 
avoir  vu  l'ennemi,  par  Teffet  d*une  panique,  et  se  préci- 
pitaient vers  le  rivage  en  demandant  à  grands  cris  à  se 
tembarquer.  Mais  il  ventait  alors  grande  brise  du  S.-E., 
vent  qui  soulève  toujours  la  mer  dans  la  rade  de  Ca- 
gliarî  et  les  communications  avec  la  terré  n'étaient  pas 
possibles.  Pendant  deux  jours,  l'escadre,  ou  du  moitié  les 
vaisseaux  qui  étaient  sur  la  rade  de  Cagliari  furent  en 
perdition,  et  pendant  ces  deux  jours,  le  corps  d'armée  ex- 
péditionnaire qui  était  sur  la  plage,  sans  être  aucunement 
inquiété  par  l'ennemi,  refusa  d'en  bouger  et  ne  cessa  de 
demander  à  retourner  à  bord.  Le  18,  le  vent  diminua  un 
peu  et  passa  à  l'Ouest.  Le  Léopdrd,  la  Jûnon  et  YArêthuae 
avaient  été  obligés  de  couper  leur  mâtttre^  le  pretnier  était 
échoué.  Presque  tous  les  bâtiments,  tant  de  l'escadre  que 
du  convoi,  avaient  perdu  leurs  embarcations  et  deux  trans- 
ports avaient  été  jetés  à  la  côte.  Les  troiipes  et  Tartillerie 
furent  rembarquées  le  20. 

Il  ne  fallait  plus  songer  à  une  entreprise  cdtîîrtiéncée 
sous  d'aussi  malheureux  auspices  ;  tout  projet  Ultérieur  dût 
même  être  abandonné.  Le  coup  de  vent  du  21  décembre 
avait  d'ailleurs  fait  modifier  les  instructions  en  vértti  des- 
quelles le  contre-amiral  Truguet  devait  châtier,  en  pas- 
sant, le  pape  et  le  sacré  collège,  et  les  ramener  aux  senti- 
ments de  respect  dus  à  la  République  française,  et  se  |)ortél' 
ensuite  sur  Livoutne  pour  tirer  vengeance  des  outrages 
faits  à  la  France  par  le  gfatid-duc  cjui  venait  d'àutorîséi- 
l'établissement  d'une  espèce  d'arsenal  fusse  datis  Ce  port. 
Les  volontaires  furent  mis  sur  le  Languedoc^  YEntrbptè^ 
Mnt  et  le  Thémistocle^  et  ces  vaisseaux  centrèrent  à  Toulon 
après  les  avoir  déposés  datis  le  golfe  Juan.  Le  reste  des 
troupes  partit  sur  les  transports  qui  furent  suivis  succes- 
sivement par  toutes  les  frégates  et  les  vaisseaux  de  l'es- 
cadre,  moins  6  qui  restètent  avec  le  commandant  éb  chef 
pour  mettre  l'île  San-Pietro  et  la  presqu'île  d'Antiocco  en 
état  de  défense  convenable,  et  relever  le  Léopard.  Ce  vais- 


296  BATAILLES.  — 1793. 

seau,  gui  avait  été  canonné  jusqu'au  19,  s'était  tellement 
envasé,  qu'il  ne  fut  pas  possible  de  le  remettre  à  flot.  On 
enleva  son  matériel,  et  lorsque  cette  opération  fut  terminée, 
sa  coque  fut  livrée  aux  flammes.  Ralliant  alors  les  6 
vaisseaux  qui  étaient  sur  le  point  de  manquer  de  vivres, 
le  contre-amiral  Truguet  fit  route  pour  Toulon  où  il  mouilla 
le  8  mars. 

Les  relations  de  bonne  amitié  avec  l'Angleterre  et  avec 
l'Espagne  avaient  cessé  d'exister.  Cette  dernière  puissance 
réunissait  dans  le  port  de  Garthagëne  une  armée  navale 
dont  la  première  opération  fut  la  prise  de  l'île  San-Pietro 
et  de  la  presqu'île  d' Antiocco ,  qui  entraîna  la  perte  des 
2  frégates  françaises  la  Richmond  et  V Hélène^  alors  sta- 
tionnées dans  ces  parages.  La  première  fut  incendiée. 


La  ville  de  Lyon  s'était  soulevée  contre  la  Convention 
nationale  et  les  principales  villes  du  Midi  n'avaient  pas 
tardé  à  suivre  son  exemple.  A  Marseille,  à  Toulon,  à  Bor- 
deaux, à  Nîmes,  à  Montauban,  les  royalistes  s'étaient  em- 
parés du  mouvement,  et  avaient  organisé  des  corps  de  fé- 
déralistes qui  devaient  se  joindre  à  ceux  de  Lyon.  Détaché 
avec  un  corps  de  l'armée  des  Alpes,  le  général  Garteaux 
avait  reçu  Tordre  de  marcher  sur  Marseille  et  il  y  était  en- 
tré à  la  suite  d'un  engagement  assez  vif.  Cet  événement  en 
décida  un  autre,  le  plus  funeste  qui  eût  encore  affligé  la 
République.  Les  Jacobins  de  Toulon,  réunis  à  la  Municipa- 
lité, étaient  en  opposition  constante  avec  les  officiers  de  la 
marine;  ils  ne  cessaient  de  se  plaindre  de  la  lenteur  avec 
laquelle  on  réparait  les  vaisseaux  de  l'escadre,  de  leur  im- 
mobilité dans  le  port,  et  ils  demandaient  à  grands  cris  la 
punition  de  ceux  auxquels  ils  attribuaient  le  mauvais  suc- 
cès de  l'expédition  de  Sardâigne.  Les  républicains  modérés 
leur  répondaient  que  les  vieux  officiers  étaient  seuls  capables 
de  commander  les  escadres;  que  les  vaisseaux  ne  pouvaient 
pas  être  réparés  plus  promptement;  que  les  faire  sortir 


BATAILLES.  —  1793.  297 

contre  les  escadres  anglaises  et  espagnoles  réunies  serait 
fort  imprudent.  Les  modérés  l'emportèrent  dans  les  sec- 
tions. Une  foule  d'agents  secrets,  intriguant  pour  le  compte 
des  émigrés  et  des  Anglais ,  s'introduisirent  bientôt  dans 
Toulon,  et  conduisirent  les  habitants  plus  loin  qu'ils  ne  se 
proposaient  d'aller.  Ces  agents  s'étaient  assurés  que  les 
escadres  coalisées  seraient  prêtes  à  se  présenter  au  pre- 
mier signal.  Au  moment  où  le  général  Carteaux  entrait 
dans  Marseille,  on  fit  aux  sections  la  honteuse  proposition 
de  recevoir  les  Anglais  qui  prendraient  la  place  en  dépôt 
au  nom  de  Louis  XVIL  Les  sections  déclarèrent  qu'il  était 
préférable  d'avoir  recours  à  la  générosité  des  ennemis  que 
de  se  soumettre  à  la  tyrannie  des  habitants.  La  marine  in- 
dignée envoya  une  députation  aux  sections  pour  s'opposer 
à  l'infamie  qui  se  préparait.  Mais  les  contre-révolutionnai- 
res repoussèrent  les  réclamations  de  la  marine,  et  firent 
accepter  la  proposition.  Aussitôt  on  donna  le  signal  aux 
Anglais  qui  croisaient  entre  Toulon  et  Marseille;  et  le 
contre-amiral  de  Trogolf,  qui  avait  momentanément  rem- 
placé le  contre-amiral  Truguet  dans  le  commandement  de 
l'escadre,  se  mettant  à  la  tête  de  ceux  qui  invoquaient  l'as- 
sistance des  Anglais,  les  appela  en  arborant  le  pavillon 
blanc.  Le  capitaine  Saint* Julien,  déclarant  TrogofT  traître 
à  la  patrie,  hissa  le  pavillon  de  commandement  :  deux 
vaisseaux  seulement  se  réunirent  au  sien. 

Telle  est  la  version  accréditée  ;  je  l'ai  empruntée  à  un 
ouvrage  intitulé  :  la  Révolution  de  Toulon  en  1793,  par  le 
baron  Gauthier  de  Brécy;  je  n'ai  eu  entre  les  mains  au- 
cune pièce  qui  puisse  donner  un  caractère  authentique  aux 
paroles  de  cet  écrivain.  M.  Léon  Guérin,  dans  son  Histoire 
de  la  marine  contemporaine ^  dit  que  ni  la  signature  ni  l'ad- 
hésion du  contre-amiral  de  TrogolTnese  trouvent  sur  aucun 
des  actes  qui  amenèrent  et  sanctionnèrent  la  remise  de  la 
ville  de  Toulon  aux  Anglais.  J'ai  pu  si  souvent  constater 
l'inexactitude  des  récits  de  cette  époque,  que  j'accepte 
avec  bonheur  et  que  je  m'empresse  de  reproduire  cette 


Sld8  BATAILLES.— 1793. 

têhabilitàtion  d'un  officier  général  de  la  marine.  M.  ûtiério 
ajoute  que  Tarmée  de  Garteaux  venait  d'entrer  à  Marseille 
lorsque  le  chevalier  d'Imbert,  capitaine  de  VÀpolîoh^  pré- 
sident du  comité  général  des  sections  réuni  aux  trois  corps 
administratifs,  lança  une  proclamation  dans  laquelle  11 
annonçait  que  Toulon  avait  proclamé  Louis  XVII.  Ce  ma- 
nifeste fut  envoyé,  non  à  Trogoff,  maïs  au  capitaine  Sditit- 
tfiilien  qui,  profitant  d'une  prétendue  indisposllion  de  cet 
officier  général  qu'on  retenait  probablement  de  force  âterfë, 
avait  arboré  le  pavillon  de  commandementsur  le  Commèree- 
de-Bordeaux.  Le  nouveau  commandant  en  chef  he  xhit 
aucun  obstacle  à  la  libre  communication  du  coitiité  avëô 
l^àrmée  anglaise.  Mais  de  graves  dissentiments  d'opinion 
s'étatit  manifestés  à  bord  des  Vaisseaux,  Saint-^uliëtl  &e 
laissa  entraîner  vers  l'opinion  républicaine.  Le  ^a^iiitàinè 
Vân  Kempen  de  la  Perle ,  refusa  seul  de  reconnàîtf'e  lé 
commandant  Saint-Julien  ;  et,  lorsque  ce  dernier  officlëi'âé 
rangea  au  parti  républicain,  suivant  les  prescriptions  réac- 
tionnaires du  comité  général,  il  arbora  le  pavillôti  àtniral 
et  fit  signal  de  ralliement  à  tous  les  vaisseaux.  L'escàdrè 
anglaise  était  signalée  et  l'amiral  Hood  avait  demandé  qttè 
l'on  mouillât  les  vaisseaux  français  en  petite  rade.  Le 
Généreux  et  le  Scipion  commencèrent  le  mouvement,  et 
16  vaisseaux  passèrent  de  la  grande  dans  la  petite  râdé. 
Le  Commerce-de-Bordeaux  et  le  Duguay-Trouin  restèrerit 
seuls  à  leur  premier  mouillage.  Lorsque  l'escadre  anglaise 
parut  à  la  hauteur  du  cap  Sepet,  le  capitaine  Saint*Juliên 
abandonna  son  vaisseau;  l'équipage  de  Isl  Topaze^  môib^ 
un  officier  et  huit  hommes,  le  suivit. 

Le  vice-amiral  Hood,  qui  avait  longtemps  hésité,  pahlt 
enfin  le  28  août  et,  sous  prétexte  de  prendre  le  port  en 
dépôt,  il  le  reçut  pour  l'incendier  ou  pour  le  détruire. 
L'armée  espagnole ,  forte  de  17  vaisseaux,  entra  quelques 
heures  après  (1).  1,500  Anglais  avaient  pris  possession  du 

(1)  L'historien  anglais  James  dit  que  les  deox  armées  entrèrent  en  même 


BATAILLES.  — 1793.  299 

fort  Lamalgue  pendant  la  nuit.  Voici  la  compositiofa  de 
l'armée  anglaise  : 

Canons. 

YiCTORY capitaine  John  Knight. 

110  <  lord  Hood,  vice-amiral. 

Britannia capitaine  John  Halloway. 

William  Hotham,  yice-amiral. 
Windsor  Castle capitaine  sir  Thomas  Byard. 

Philip  Cosby,  vice-amiral. 
108  (  Princess  royal capitaine  Cbild  Purvis. 

Charles  Goodall^  contre-  amiral. 
Saint  George capitaine  Thomas  Foley. 

John  Gell^  contre -amiral. 

Alcide capitaine  Robert  Linzee. 

Terrible —        Skefflngton  Ltilwldgô. 

Egmont ;  .  .       ^-:        Archibald  Dickson. 

RoBusT —       honor.  George  Keith  Élphiostone. 

Courageux —       honorable  William  Waldegràte. 

^^  j  Bedford ~        Robert  Mann. 

Berwick —        sir  John  Collins. 

Captain ^—       Sanihel  Reeve. 

FoRTiTUDE i  .  ,        —        William  Young. 

Leviathan —       honorable  Séyinour  Conway. 

CoLossus -         Morice  Polë, 

Illustrious i        —       Lenox  Frederick. 

Agamemnon —        Horatio  Nelson. 

Ardent —        Mâiihers  Stitton. 

^  Diadem —        Andrew  Sutherland. 

Intrepid —       honorable  Charles  Carpenier. 

L'escadre  française  était  composée  des  vaisseaux,  fré- 
gates et  corvettes  : 

Canons. 

120      Commerce-de-Pnris.  .  .  .  capitaine  Pascfuief. 

comte  de  Trogoff  Kerlessy,  contre-amiral. 

80      Tonnant *  .  .  .  .  capitaine  Amiel« 

Apollon -  Imbert  fthomas). 

Centaure —  Causse  (Joseph). 

Commerce-de- Bordeaux .        -  Saint-Jillien. 

Destin —  Eyraiid. 

Duguay-Trouin —  Cosmao  Kerjulien. 

-,   .  Entreprenant —  tloabennec. 

Généreux —  Cazotte. 

He'ros —  Héraud. 

Heureux ».        -  Gavoty. 

Tricolore —  Pourquier. 

Orion —  Puren  Keraadren* 

\  Patriote —  Èouvet  (Pierre). 

temps.  M.  Pons,  dans  ses  Mémoires  pour  servir  à  r histoire  de  la  ville  de 
Toulon  en  1795,  dit  :  «  L'escadre  anglaise  vint  mouiller  dans  îa  rade  et  y  fiit 
bientôt  suivie  par  la  flotte  espagnole  qtti  aVàil  été  appelée  par  les  signaux  des 
Anglais.  » 


300  BATAILLES.  — 1793. 

^Pompée, —  Poalain. 

_.  J  Sctpion —  Degoy  de  Bègues. 

i  Thémistocle —  Duhamel  du  Désert. 

\  Suffisant —  Racord. 

ÎAréthuse •  ~  Dachesne  GoQt. 

Perle. —  Van  Kempen. 

Topaze —  Gassin. 

i  Aurore —  Jonqaier. 

53  <  Alceste —  Marquezy  (Thomas). 

(  Sérieuse —  Mauric. 

26     Poulette •—  Fargharson  Staart. 

20     Mulet —  Maureau  (André). 

U      Tarleton —  Haselet. 

Il  y  avait  eu  outre  dans  le  port  :  1  vaisseau  de  120  ca- 
nons; 7  de  74;  3  frégates  de  36  et  3  de  32. 

En  construction  :  1  vaisseau  de  7 à  canons  et  1  frégate 
de&O. 

Je  n'entrerai  pas  dans  les  détails  de  la  prise  de  Toulon 
par  l'armée  de  la  République;  je  me  bornerai  à  dire  que, 
d'après  le  rapport  de  Barrëre  à  la  Convention  natio- 
nale,  le  résultat  réel,  positif,  delà  convention  conclue  entre 
le  comité  de  Toulon  et  le  vice-amiral  Hood»  fut  qu'en  se 
retirant,  le  18  décembre,  les  Anglais  et  les  Espagnols  em- 
menèrent h  vaisseaux  et  16  frégates,  corvettes  ou  brigs, 
et  brûlèrent  9  vaisseaux  et  5  frégates.  Ce  fut  le  capitaine 
Sidney  Smith  qui  fut  chargé  de  cette  dernière  opération. 

Le  document  suivant,  publié  en  Angleterre,  est  d'ac- 
cord avec  le  rapport  du  conventionnel  Barrère  : 

BATIMENTS   BRÛLÉS   A   TOULON. 

Triomphant ,  Duguay-Trouin ,  Commerce-de-Bordeaux^ 
Destin^  Tricolore,  Suffisant^  Centaure^  Dictateur^  Thémis- 
tocle, Héros,  Sérieuse^  Iphigénie^  Montréal^  /m,  Caroline^ 
Auguste^  Alerte. 

EMMENÉS    PAR   LE   VICE-AMIRAL   HOOD. 

Commerce-de-Paris 9  Pompée,  Puissant,  Aréthuse,  Topaze, 
Perle,  Aurore,  Alceste,  Lutine.  Poulette,  Belette,  Prosélyte, 
Mulet,  Sincère,  Amulette,  Tarleton. 

Les  bâtiments  pris  à  Toulon  furent  considérés  comme 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793.  301 

faisant  partie  des  escadres  des  alliés,  et  pendant  tout  le 
temps  que  dura  la  campagne,  ils  ne  cessèrent  de  porter  le 
pavillon  blanc.  Us  furent  ensuite  envoyés  en  Angleterre 
en  deux  divisions  ;  la  première  y  arriva  en  mars,  l'autre 
en  septembre  1794,  L'artillerie  du  Patriote^  de  Y  Entre- 
prenant^ de  YOrion  et  de  Y  Apollon  avait  été  enlevée,  et 
ces  vaisseaux,  auxquels  on  avait  adjoint  la  gabare  le  Plu- 
vier,  emportèrent  5  à  6,000  marins  qui  inquiétaient  l'a- 
miral anglais  et  les  sections  ^  ils  arborèrent  le  pavillon  de 
parlementaire.  Au  lieu  de  se  rendre  en  Angleterre,  ainsi 
que  cela  leur  avait  été  prescrit,  les  capitaines  des  deux 
premiers  firent  route  pour  Brest;  le  troisième  entra  à 
Rochefort,  l'autre  à  Lorient.  La  gabare  mouilla  aussi  à 
Lorient.  Le  Scipion  ne  sortit  pas  de  la  Méditerranée  ;  le 
26  novembre  179S,  il  avait  brûlé  à  Livourne* 


Les  résultats  des  combats  particuliers  qui  eurent  lieu 
pendant  cette  année  furent  à  peu  près  balancés. 

Le  capitaine  Leissegues  de  l'aviso  de  lO*"  le  Goéland^  se 
rendant  du  Gap  Français  de  Saint-Domingue  à  Jérémie  pour 
y  chercher  un  convoi,  aperçut,  le  26  avril  au  jour,  à  l'entrée 
de  cette  baie,  la  frégate  anglaise  de  40*  Pénélope,  et  fit  de 
suite  route  sur  la  terre  dans  Tespoir  d'y  trouver  un  abri. 
Chassé  par  la  frégate,  il  commença  à  recevoir  ses  premiers 
boulets  vers  7^.  Tous  efforts  pour  échapper  à  un  aussi  re- 
doutable adversaire  furent  inutiles  ;  à  Q*»,  la  frégate  n'était 
plus  qu'à  une  portée  de  fusil  :  l'aviso  riposta  alors,  mais 
la  lutte  ne  pouvait  être  de  longue  durée.  Criblé  et  coulant 
bas  d'eau,  le  Goéland  amena  son  pavillon.  Il  fut  conduit  à 
la  Jamaïque. 


Au  nombre  des  croiseurs  et  des  convoyeurs  dont  les 
nombreux  corsaires  génois  et  piémontais  avaient  nécessité 
la  sortie,  se  trouvaient  le  vaisseau  de  74*"  l^Thémistocley  ca- 


302  COMBATS  PARTICULIERS. -1793. 

pitaine  Duhamel  du  Désert,  et  la  frégate  la  Sfodp^fe  qui  ^ 
tenaient  entre  Gènes  et  Livoume.  Ces  deux  bâtiments 
avaient  quitté  ce  dernier  mouillage,  le  3  maî,  avec  17  na- 
vires chargés  de  blé  pour  différents  ports  de  FrancQ  et 
se  trouvaient  à  6  milles  d'Oneille,  par  une  faible  bri?? 
de  S.-E. ,  lorsque  5  corsaires  sortirent  de  ce  port  et  cbM- 
sèrent  le  convoi.  Poursuivis  aussitôt»  ces  nayires  iROuil*. 
lèrent  sous  les  batteries  et  furent  abandonnés  de  leurs  équi- 
pages qui  descendirent  à  terre.  A  9^  du  matin,  le  Thémih 
tocle  laissa  tomber  Tancre  aussi  près  d'eux  que  le  foQ4 
put  le  lui  permettre  et,  pendant  une  heure,  il  les  canonna 
ainsi  que  les  batteries.  La  mer  était  malheureusement  fqrt 
houleuse  et  le  feu  du  vaisseau  produisait  peu  d'effet,  tan- 
dis que  les  batteries  qui  tiraient  sur  lui  à  boulets  rouget 
lui  faisaient  beaucoup  de  mal.  Le  vent  mollissant  d'ailleurs 
d'une  manière  sensible,  le  capitaine  Duhamel  craignit  de 
ne  pouvoir  se  relever  de  la  côte,  et  il  appareilla  à  10*"  pour 
rejoindre  son  convoi  qui  avait  continué  sa  route  sous  la 
conduite  de  la  Modeste. 


f^ 


Le  17  mai,  la  frégate  de  àO""  la  Concorde^  capitaine  Yw- 
dongen,  qui  faisait  partie  de  la  division  de  Saint-DomiQg^t 
chassa,  à  quelques  milles  dans  l'Ouest  de  cette  ilç,  Ift 
frégate  anglaise  de  32"*  Hyena,  capitaine  Hargood,  ^ui 
amena  son  pavillon  après  avoir  tiré  quelques  coups  49 
canon. 


Le  même  jour  à  1**  du  matin ,  le  capitaine  Gaillard,  de 
là  frégate  de  36"  la  Sémillante^  en  croisière  à  une  centaine 
de  lieues  dans  le  N.-O.  de  la  Corogne,  courant  la  bor- 
dée du  Nord  avec  des  vents  d'E.-N.-E. ,  aperçut  sous  le  vent 
un  bâtiment  qui  avait  les  amures  à  l'autre  bord  ;  il  vira 
pour  suivre  ses  mouvements.  Au  jour,  il  reconnut  une  fré- 
gate anglaise  :  c'était  la  Venus  de  A0%  capitaine  Jonathan 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  i703.  303 

Faiilknor.  A  6^*,  les  deux  frégates  epgagèFent  Je  combat  h 
la  distance  d'un  demi-câble.  Trois  quarts  d'heure  après, 
le  capitaine  Gaillard,  frappé  d'une  balle  qui  l'élendit  rpids 
mort,  fut  remplacé  par  son  second,  le  lieutenant  de  vais- 
seau Belleville.  Celui-ci  avait  à  peine  pris  le  comroOT^^-^ 
ment  qu'il  fut  tué  également.  L'enseigne  de  vaisseau  Car- 
reau qui  lui  succéda  s'approcha  davantage  et  passa  spug 
le  vent  de  la  frégate  ennemie*  Il  lança  alors  sur  bâbor4 
pour  aborder  son  adversaire;  mais  la  Venus  ayant  loffé  en 
même  temps  se  trouva  sur  son  avant  et  parvîot  à  s'éloigner 
assez  pour  faire  discontinuer  le  coinbat.  La  Sémillant^^ 
dont  le  grément  et  la  voilure  étaient  fort  endom»iagé.g,  ne 
put  la  poursuivre  et  elle  fit  route  pour  Brest. 

La  Sémillante  avait       26  canons  de  12, 

6      —    de   6. 
et     &  caronades  de  36. 
La  Venus  —        26  canons  de  12, 

6      —    de    6. 
et    8  caronades  de  18. 


Le  capitaine  Mullon  de  la  frégate  de  SO**  la  Cléopâlre  (1), 
en  croisière  à  l'entrée  de  la  Manche,  aperçut,  le  17  juin  au 
jour,  la  frégate  anglaise  de  kk""  Nymphe,  capitaine  Edward 
Pelle w,  qu'il  attendit  en  diminuant  de  voiles.  A  6^^,  les 
deux  frégates  étaient  à  portée  de  voix  san^  s'être  encore 
tiré  un  seul  coup  de  canon.  Le  capitaine  Mullon  héla  alor» 
la  Nymphe,  dont  l'équipage  poussa  trois  hourrab  auxquels 
les  Français  répondirent  par  le  cri  de  Vive  la  Nation!  L9 
feu  commença  de  suite  et  devint  terrible.  Placées  par  te 
travers  l'une  de  Tautre,  les  deux  frégates  combattirçoit 
vent  arrière  pendant  une  demi-heure  ;  la  Cléopâtre  vipt  m- 


(1)  Je  n'ai  pu  me  procurer  le  rapport  officiel  de  ce  combat.  Je  le  dODoe  d'a- 
près rbislorien  anglais  James. 


304  COMBATS  PARTICULIERS.— 1793. 

suite  un  peu  du  bord  opposé  à  la  frégate  anglaise  qui  imita 
sa  manœuvre.  Dans  ce  moment,  le  mât  d'artimon  de  la 
première  s*abattit.  Cette  avarie  neutralisant  une  partie  de 
son  artillerie,  le  capitaine  MuUon  revint  en  grand  sur  l'au- 
tre bord  et  engagea  son  beaupré  entre  le  grand  mât  et  le 
mât  de  misaine  de  la  Nymphe.  Mais  avant  que  l'équipage 
eût  pu  sauter  à  bord,  le  bout-dehors  de  beaupré  cassa  et 
les  deux  frégates  s'élongèrent  en  sens  opposé;  le  feu  re- 
prit avec  une  nouvelle  vigueur.  Cinquante-cinq  minutes 
après  le  commencement  du  combat,  la  Cléopâtre  succom- 
bait et  amenait  son  pavillon.         ^ 

Le  capitaine  MuUon  avait  perdu  la  vie.  Blessé  mortelle- 
ment et  n'ayant  plus  que  quelques  moments  d'existence, 
il  saisit  un  papier  qu'il  croyait  être  ses  instructions  et  le 
mit  en  pièces. 

L'Angleterre  ayant  déjà  une  frégate  de  ce  nom,  donna  à 
sa  prise  celui  de  1' Oiseau. 

La  Cléopâtre  portait  26  canons  de  12, 

et  10     —     de    6. 

La  Nymphe       —      26  canons  de  12, 

10     —    de    9, 
et     8  caronades  de  2 A. 


J'ai  dit  ailleurs  (1)  que  j'aurais  loccasion  de  relater 
quelques  exemples  de  forfanterie  des  Anglais  ;  cette  occa- 
sion se  présente  dès  le  commencement  de  la  guerre. 

Le  capitaine  Bompard,  de  la  frégate  de  3 A*  l'Embuscade, 
de  retour  à  New- York,  capitale  de  l'État  de  ce  nom  des 
.États-Unis  d'Amérique,  après  une  croisière  pendant  la- 
quelle il  avait  capturé  une  soixantaine  de  navires,  aperçut  au 
large  une  frégate  qu'il  crut  française  et  à  bord  de  laquelle  il 
envoya  un  officiera  C'était  la  frégate  anglaise  de  40*  Boston, 


(1)  Combat  de  la  Surveillante  et  de  la  Qoebec,  1779. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793.  305 

capitaine  George  Courtenay.  En  rapprochant,  rofficier 
français  eut  des  soupçons  sur  sa  nationalité  et  il  ne  l'accosta 
qu'après  qu'un  bateau  pilote,  qui  se  trouvait  à  portée  de 
voix,  lui  eût  assuré  qu'il  n'y  avait  que  des  Français  à  bord. 
Afin  d'induire  en  erreur  les  Américains  et  les  Français,  le 
capitaine  Courtenay  avait  en  effet  réuni  sur  la  dunette  de 
la  frégate  toutes  les  personnes  de  l'équipage  qui  parlaient 
français,  et  le  bateau  pilote,  en  passant  le  long  de  son 
bord,  avait  été  trompé.  L'embarcation  française  accosta 
donc  la  frégate  :  son  équipage  fut  fait  prisonnier. 

La  présence  de  la  Boston,  dans  ces  parages,  était  ce  que 
Ton  pourrait  appeler  en  français  une  fanfaronnade.  A  la 
suite  d'une  fête  qui  lui  avait  été  donnée  à  Halifax,  le  capi- 
taine Courtenay  avait  promis  d'y  amener  YUmbuscade  et 
il  s'était  immédiatement  dirigé  sur  New-York,  où  il  savait 
la  trouver.  Le  capitaine  anglais  fit  part  à  l'officier  français 
du  vif  désir  qu'il  avait  de  combattre  la  frégate  française, 
et  il  chargea  ûa  pilote  d'aller  porter  à  son  capitaine  un 
défi  par  lequel  il  lui  faisait  savoir  qu'il  l'attendrait  pen- 
dant trois  jours.  Le  pilote  remplit  scrupuleusement  son 
message  et,  probablement  sur  la  recommandation  du  capi- 
taine anglais,  il  l'afficha  dans  un  café. 

Quelque  puérile  que  fût  une  semblable  provocation, 
qui  pouvait  coûter  la  vie  à  une  foule  de  braves,  elle  frappa 
au  cœur  l'équipage  de  la  frégate  française.  Après  avoir 
pris  l'avis  des  officiers  de  son  état-major,  le  capitaine 
Borapard  mit  à  la  voile  pour  entrer  en  lice  ;  c'était  le 
30  juillet.  La  Boston  était  alors  à  quelques  milles  de  Long- 
island.  Les  deux  frégates  s'aperçurent  réciproquement 
pendant  la  nuit. 

Au  jour,  elles  étaient  par  le  travers  l'une  de  l'autre,  YEm- 
buscade  au  vent,  à  portée  de  canon  et  à  bâbord  de  la  Boston 
qui  ouvrit  le  feu  par  une  bordée  entière.  Les  deux  frégates 
mirent  le  grand  hunier  sur  le  mât.  Le  combat  durait  de- 
puis deux  heures,  et  le  feu  avait  une  telle  vivacité  qu'on 
eût  cru  qu*il  ne  faisait  que  commencer,  lorsque  la  frégate 
IL  20 


306  COMBATS  PARTICULIERS.  —1793. 

anglaise,  dont  la  muraille  présentait  de  larges  ouvertures, 
orienta  et  prit  chasse  en  serrant  le  vent.  C'était  un  com- 
mencement de  défaite  ;  mais  cela  ne  suffisait  pas  à  l'équi- 
page de  Y  Embuscade  qui  voulait  que  son  adversaire  incon- 
sidéré lui  restât  comme  gage  de  son  triomphe.  Le  capitaine 
Bompard  le  poursuivit  donc;  mais  sa  frégate  avait  elle- 
même  de  grandes  avaries  dans  sa  mâture,  et  sa  marche 
ne  répondit  pas  à  Tardeur  de  son  équipage.  La  Boston 
s'éloignait  toujours!  Après  une  heure  et  demie,  la  chasse 
fut  levée  et  la  frégate  française  rentra  à  New- York  aux 
acclamations  de  la  population  qui  s'était  portée  sur  l'Ile 
Jersey  pour  y  être  témoin  de  cette  lutte. 

Les  pertes  éprouvées  par  la  Boston  étaient  considéra- 
bles, et  le  capitaine  Courtenay  avait  payé  de  sa  vie  l'im- 
prudente provocation  à  laquelle  il  s'était  laissé  entraîner. 

V Embuscade  portait  26    canons    de  12, 

6      —        de    6. 
et    2  caronades  de  36. 

La  Boston       —      26    canons    de  12, 

6      —        de    6 
et    8  caronades  de  12. 

En  commémoration  de  ce  combat  dont  ils  avaient  été  les 
témoins,  les  habitants  de  New- York  offrirent  au  capitsône 
Bompard  une  médaille  en  or,  dont  TefSgie  représentait  la 
Liberté  assise  sur  Y  Embuscade.  Elle  tenait  une  pique  d'une 
main,  et  de  l'autre  elle  foudroyait  la  frégate  anglaise  qui 
fuyait  devant  elle  ;  sur  le  revers  on  lisait  :  Par  les  habitants 
de  New-York  au  citoyen  Bompard  pour  sa  brave  con- 
duitCf  etc. ,  etc. 


Le  lougre  le  Hoock  de  18%  capitaine  Pitot,  se  trouvant, 
le  matin  du  5  septembre,  à  21  milles  environ  dans  l'Ouest 
de  l'île  d'Ouessant,  aperçut  devant  lui  le  cutter  anglais  de 
12^*  HoPE  qui  courait  à  contre-bord.  Ils  commencèrent  à 
se  canonner  aussitôt  que  leurs  boulets  purent  porter  et. 


COMBATS  PARTICULIERS— 1791  307 

en  passant  sur  Tavant  du  lougre,  l'Anglais  lui  envoya  une 
volée  qui  cribla  ses  voiles  ;  l'élongeant  ensuite,  il  alla  se 
placer  sous  le  vent.  Le  pont  du  Hoock  était  encombré  de 
débris,  sa  vergue  de  grand  hunier  était  en  outre  tombée 
de  manière  à  engager  la  batterie.  Le  cutter  anglais,  vou- 
lant profiter  de  cette  circonstance,  envoya  vent  devant 
pour  passer  sur  Tarrière  du  lougre,  mais  ime  prompte  dé- 
termination prise  par  le  capitaine  Pitot  fit  manquer  cette 
manœuvre.  Au  moment  où  le  Hope  envoyait  vent  devant, 
son  beaupré  se  trouva  engagé  dans  les  grands  haubana  âa 
Hoock  qui  avait  laissé  arriver  en  grand.  Après  avoir  balayé 
le  pont  du  cutter  par  une  décharge  de  mousqueterie,  led 
Français  sautèrent  à  bord  :  sept  hommes  seulement  res- 
tèrent sur  le  lougre  avec  le  capitaine  pour  les  manœuvres 
indispensables.  La  résistance  des  Anglais  fut  opiniâtre  et 
le  combat  corps  à  corps  dura  une  demî-hëùrê  avant  que 
le  capitaine  anglais  se  rendît.  Le  Hope  fut  conduit  à  Brest 

Le  Hoock  avait  16  canons  de  8 

et    2  caronades  du  même  calibre. 
Le  Hope     —     12  caronades  de  8,  6  et  &• 


Le  capitaine  Brice,  du  cotre  de  10"  le  Dragon^  se  trou- 
vant, dans  la  soirée  du  4  octobre,  à  80  milles  de  Tembou- 
chure  de  la  Gironde  avec  des  vents  d'Ouest,  aperçut  un 
lougre  de  12*^  sur  lequel  il  laissa  porter  et  qu'il  atteignît 
à  6^.  Sans  que  ni  l'un  ni  l'autre  eussent  arboré  leur  pa- 
villon, ces  deux  bâtiments  engagèrent  une  escarmouche 
que  la  nuit  interrompit  presque  aussitôt  et  ils  se  perdirent 
de  vue.  La  précipitation  avec  laquelle  cet  inconnu  s'était 
retiré  du  feu  dès  que  cela  lui  avait  été  possible,  fit  regretter 
au  capitaine  Brice  d'avoir  perdu  ses  traces*  Sa  disparition 
presque  subite  lui  fit  soupçonner  que,  pour  s'éloigner  plus 
promptement,  il  avait  laissé  porter,  et  il  arriva  lui-même 
de  deux  quarts.  A  9**,  il  était  à  portée  de  voix  de  ce  lougre 
avec  lequel  il  engagea  une  nouvelle  canonnade^  trois  b^- 


308  COMBATS  PARTICULIERS.— 1793. 

dées  à  mitraille  le  firent  encore  battre  en  retraite  et  la  nuit 
était  si  obscure  qu'il  parvint  à  se  dérc^er  une  seconde  fois 
aux  coups  du  Dragon.  Celui-ci  continua  sa  route. 


Le  5  octobre  au  matin,  une  division  anglo-espagnole 
sous  les  ordres  du  contre-amiral  anglais  John  Gell  et  du 
chef  d'eseadre  espagnol  Moreno,  parut  devant  Gènes  où 
se  trouvait  la  frégate  la  Modeste^  capitaine  Giloux.  Cette 
division  comptait  3  vaisseaux  anglais,  3  espagnols  et  5 
brigs  des  deux  nations.  Le  vaisseau  français  de  là""  le  5ct- 
pton,  capitaine  Degoy,  en  faisait  aussi  partie;  ce  vaisseau 
portait  le  pavillon  blanc  (1).  Vers  midi,  le  BEDFORxde  82*» 
capitaine  Robert  Mann,  entra  dans  la  rade  et  mouilla  par 
le  travers  de  la  frégate  française  et  presque  à  la  toucher. 
Confiant  dans  la  neutralité  du  port  de  Gènes,  le  capitaine. 
Giloux  ne  dérangea  pas  l'équipage  qui  dînait  dans  ce  mo- 
ment. Le  vaisseau  anglais  était  à  peine  mouillé  que  ses 
embarcations,  chargées  de  monde,  abordèrent  la  Modeste; 
et  bien  qu'on  ne  leur  opposât  aucune  résistance,  les  An- 
glais massacrèrent  sans  pitié  tous  les  hommes  qu'ils  ren- 
contrèrent. Surpris  ainsi  sans  défense,  les  Français  se  je- 
tèrent à  la  nage;  mais,  poursuivis  par  les  embarcations 
ennemies,  ils  se  virent  enlever  ce  dernier  espoir  de  salut. 
Une  centaine  d'hommes  seulement  échappèrent  à  ce  mas- 
sacre :  on  ne  compta  cependant  qu'une  quarantaine  de  tués. 

Le  même  attentat  fut  commis  à  bord  de  deux  tartanes 
françaises  qui  étaient  sur  rade. 

Ces  actes  d'hostilité,  dans  un  port  dont  la  neutralité  était 
reconnue,  donnèrent  lieu  à  une  plainte  de  la  part  des  repré- 
sentants du  peuple  délégués  par  la  Conventidn  nationale 
près  de  l'armée  d'Italie.  Cependant,  quoique  les  batteries 
eussent  reçu  Tordre  de  s'opposer  à  la  sortie  du  vaisseau 
anglais,  la  hégBXelB. Modeste  fut  emmenée  par  lui,  pendant 

(1)  Ce  vaisseau  était  un  de  ceux  qui  avaient  été  pris  à  Toulon. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793.  309 

la  nuit  du  10,  sans  le  plus  léger  empêchement  de  la  part 
du  gouverneur  de  la  place. 

Cette  complaisance  ou  cette  faiblesse  des  autorités  de 
Gènes  ne  fut  pas  oubliée  ;  et  lorsque,  en  juin  1796,  le 
Piémont  fit  un  traité  de  paix  avec  la  France,  2  millions  de 
francs  furent  demandés  comme  indemnité  de  la  prise  de  la 
frégate  la  Modeste. 


Aussitôt  que  le  lieutenant  de  vaisseau  Eydoux,  comman- 
dant la  frégate  Y  Impérieuse  (l),qui  se  trouvait  alors  dans 
le  port  de  la  Spezzia,  eut  connaissance  de  la  violation 
commise  à  Gênes  sur  la  frégate  la  Modeste^  il  ne  se  consi- 
déra plus  à  Tabri  des  attaques  de  l'ennemi  dans  le  port 
neutre  où  était  sa  frégate  et  il  mit  sous  voiles.  Il  était  à 
peine  dehors  qu'il  fut  chassé  par  plusieurs  vaisseaux  et  se 
vit  obligé  de  rentrer.  Il  fit  de  suite  mettre  à  terre  tous  les 
objets  d'armement  et  les  vivres  de  ['Impérieuse  et  il  coula 
sa  frégate  par  un  petit  fond  sous  la  forteresse.  Cette  opé- 
ration était  à  peine  terminée  que  le  vaisseau  anglais  de  82*" 
Captain,  capitaine  Samuel  Reeve,  et  le  trôis-ponts  espa- 
gnol Salvador  di  MuiNoo,  mouillèrent  sur  la  rade.  Les  ca^ 
pitaines  de  ces  deux  vaisseaux  travaillèrent,  non-seulement 
à  relever  V Impérieuse,  mais  ils  enlevèrent  tous  les  vivres 
et  les  agrès  déposés  à  terre  et  ils  sortirent  sans  la  plus  lé- 
gère opposition. 

Cela  se  passait  le  12  octobre. 

La  frégate  l'Impérieuse  prit  le  nom  d' Unité  dans  la  ma- 
rine anglaise. 

Deux  frégates  stationnées  à  Cherbourg  appareillaient 
alternativement  pour  croiser  au  large  et  rentraient  au  port 
aussitôt  qu'elles  avaient  fait  quelque  prise.  L'une  d'elles,  la 


(1)  Le  capilaine  Pebog,  d'ètra  destitaé  pour  causo 

d'inciyisme. 


3i0  COMBATS  PARTICULIERS.  - 1793. 

fiiunion  de  hO%  sortie  le  18  octobre»  aperçut  le  lendemaio, 
dans  l'Est,  un  bâtiment  que  le  capitaine  Déniau  reconnut 
ôtre  une  frégate  anglaise.  C'était  en  effet  la  GaESCENrâe 
AA°,  capitaine  Jame9  Saumarez.  Le  vent  était  très-fsûble 
du  S*-S.-E.  A  1*^  30"*  du  matin,  la  tour  de  Barfleur  res- 
tant à  6  milles  dans  le  Sud,  la  frégate  anglaise  fut  en  po- 
sition de  tirer  les  premiers  boulets  à  la  Réunion  qui  cou- 
rait comme  elle  bâbord  amures.  Toutes  deux  étaient  pré- 
parées au  combat  ;  aussi  l'action  s'engagea-t-elle  de  la  ma- 
nière la  plus  vive.  Après  trois  quarts  d'heure,  la  corne  et  la 
vergue  de  misaine  de  la  Réunion  étaient  brisées  et  tom- 
baient sur  le  pont  ;  la  drisse  du  grand  hunier  était  coupée 
et  la  vergue  portait  sur  le  chouque.  De  son  côté,  la  Gres- 
QENT  avait  sa  vergue  de  grand  hunier  coupée  en  deux  et  son 
petit  mât  de  hune  cassé  au  ras  du  chouque.  Malgré  ces 
avaries,  la  frégate  anglaise  parvint  plusieurs  fois  à  prendre 
son  adversaire  d'enfilade.  A 11^  15",  la  brise  en  passant  au 
O.-N.-O.,  plaça  la  Réunion  au  vent.  Les  avaries  de  la  fré- 
gate française  étaient  de  nature  à  ne  pas  lui  permettre  de 
se  maintenir  le  cap  au  Sud,  ainsi  que  le  désirait  son  capi- 
taine ;  elle  arriva  vent  arrière,  s' exposant  ainsi  au  feu  d'é- 
eharpe  de  la  Grescent  qui  fut  si  bien  dirigé,  que  le  pavil- 
lon de  la  frégate  française  était  amené  avant  que  sa  ma- 
nœuvre eût  pu  indiquer  quelle  avait  été  l'intention  de  son 
capitaine.  II  était  alors  midi.  Une  seconde  frégate  anglaise, 
la  CiRCE  de  32",  arrivait  de  l'Est  sous  toutes  voiles  ;  elle 
prit  une  partie  de  l'équipage  de  la  Réunion. 

La  Réunion  portait  26  canons    de  18 

10       —       de    6 
et  4  caronades  de  36. 
La  Grescent    —    26    canons    de  18 

10       —       de   9 
et   8  caronades  de  18. 


La  frégate  de  âO«  YUranie,  capitaine  Tartu,  l'une  do 


COMBATS  PARTICULIERS. -1793.  3H 

celles  qui  croisaient  dans  le  golfe  de  Gascogne,  s'empara, 
vers  le  milieu  du  mois  d'octobre,  de  la  corvette  espagnole 
Alcoudia  de  lô*"  qui  amena  aux  premiers  coups  de  canon. 
La  majeure  partie  de  son  équipage  ayant  été  prise  à  bord  de 
la  frégate,  cette  augmentation  de  personnel  obligea  le  capi- 
taine Tartu  à  faire  route  pour  rentrer  à  Brest.  Il  n'était  plus 
qu'àquelques  milles  dans  le  Sud  de  Tîle  d'Ouessant,  avecune 
jolie  brise  d'Ouest  lorsque,  le  2â  octobre  à  8**  du  matin, 
il  aperçut  dans  le  N.-N.-Ë.  un  fort  bâtiment  courant  au 
S.-S.-O.  Il  tint  le  plus  près  bâbord  amures  et  il  lui  fut 
bientôt  possible  de  reconnaître  un  bâtiment  de  guerre  : 
c'était  la  frégate  anglaise  de  32*"  Thames,  capitaine  James 
Cotes,  qui  se  rendait  à  Gibraltar.  A  10**  30",  les  deux  fré- 
gates étaient  à  portée  de  canon  et,  en  laissant  un  peu  ar- 
river, YUranie  put  envoyer  sabordée  de  bâbord.  La  fré- 
gate anglaise  riposta  de  suite,  et  laissant  arriver  à  son  tour, 
elle  passa  à  poupe  de  YUranie  et  prit  poste  par  son  tra- 
vers de  tribord.  Le  combat  continua  dans  cette  position; 
mais  après  trois  quarts  d'heure,,  le  feu  de  la  frégate  an- 
glaise diminua  d'une  manière  sensible.  C'est  qu'alors  sa 
muraille  portait  de  nombreuses  traces  de  la  justesse  du  tir 
des  canonniers  français  et  les  pièces  de  sa  batterie  étaient 
en  grande  partie  hors  de  service.  Le  capitaine  Cotes  ne 
laissa  pas  longtemps  Y  Uranie  jouir  d'un  semblable  avan- 
tage. Lançant  sur  bâbord  et  passant  de  nouveau  à  poupe 
de  la  frégate  française ,  il  alla  prendre  de  ce  bord  le  poste 
qu'il  avait  occupé  de  l'autre  côté.  Le  feu  de  la  Thames  re- 
prit alors  toute  sa  vigueur  ;  mais  bientôt  on  vit  tomber  sa 
vergue  de  grand  hunier  et  peu  après,  celles  du  petit  hu- 
nier et  du  perroquet  de  fougue.  Ces  avaries  devaient  faire 
pressentir  la  fin  prochaine  de  la  lutte  et  l'équipage  de 
r  Uranie  redoubla  d'ardeur.  Dans  ce  moment,  le  capitaine 
Tartu  eut  une  jambe  emportée  par  un  boulet  :  le  lieutenant 
\Mbert  le  remplaça  dans  le  commandement.  Le  capitaine 
Cotes  profita  de  la  stupeur  qui  résulta  de  cet  événe- 
ment pour  s'éloigner.  Quoique  entièrement  dégréée,  VU- 


312  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793. 

ranie  devait  avoir  encore  un  avantage  de  marche  sur  son 
adversaire.  Le  lieutenant  Wibert  craignit  cependant  que; 
dans  le  cas  où  il  lui  faudrait  engager  une  nouvelle  lutte, 
les  prisonniers  espagnols  ne  profitassent  de  Tafifaiblisse- 
ment  de  l'équipage  pour  se  soulever;  Tarmement  des  prises 
faites  depuis  le  commencement  de  la  croisière  lui  avait 
déjà  enlevé  une  soixantaine  d'hommes.  Convaincu  d'ail» 
leurs  que  la  frégate  anglaise  ne  tarderait  pas  à  être  aper- 
çue par  quelque  croiseur  français,  il  abandonna  son  en- 
nemi à  moitié  vaincu  et  fit  route  pour  Rochefort. 

,        L' £/rame  portait  26    canons     de  12 

10       —        de    6 

et      à  caronades  de  36. 

La  Thames    —    26    canons     de  12 

et     6       —        de    6. 

Le  lieutenant  Wibert  ne  s'était  pas  trompé;  la  Thabies 
n'échappa  à  l' Uranie  que  pour  être  amarinée  par  une  au- 
tre frégate  française.  Ces  deux  frégates  s'étaient  à  peine 
perdues  de  vue,  que  la  première  fut  chassée  par  la  Carma- 
gnole de  SS"",  capitaine  Allemand  (Zacbarie).  Une  bordée 
suffit  pour  faire  amener  la  frégate  anglaise  qui  était  hors 
d'état  de  recommencer  un  nouveau  combat.  La  Carma^ 
gnole  entra  à  Brest  avec  sa  prise  à  la  remorque  (1) . 

Afin  d'éterniser  dans  la  marine  le  nom  du  capitaine  de 


(1)  Je  lis  dans  une  note  da  Précis  sur  la  vie  et  les  campagnes  du  vice- 
amiral  Martin,  donnée  par  M.  Pouget  comme  extraite  de  VHistoire  de  Roche" 
fort,  que,  le  S  brumaire  an  II  (85  octobre  1795)^  la  frégate  la  Cliopàtrey  atta- 
quée par  deux  frégates  anglaises,  allait  succomber  si  V  Uranie,  qui  rentrait  à 
Rochefort,  ne  fût  arrivée  à  temps  pour  Tassister;  et  que  les  frégates  ennemies 
capturées  furent  conduites  dans  la  Charente.  Cette  Torsion  est  erronée.  Si  j'ai 
emprunté  à  l'historien  anglais  James,  généralement  bien  informé,  le  récit  da 
combat  de  la  Cléopâtre,  lequel  eut  lieu  le  17  juin  et  non  le  2  brumaire  (S3  oc- 
tobre), j'ai  eu  entre  les  mains  le  rapport  qui  constate  que  le  combat  de  YUranie 
fut  isolé  ;  qu'elle  ne  combattit  qu'une  seule  frégate  anglaise  ;  que  ce  fut  la  Car- 
magnole qui  lit  amener  cette  dernière  et  la  conduisit  à  Brest.  V  Uranie  avait 
pris  la  route  de  Rochefort. 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793.  313 

YUranie^  qui  mourut  le  lendemain  du  combat,  cette  fré- 
gate fut  nommée  la  Tartu. 


Les  frégates  de  32"  la  Melpomène^  la  Minerve  et  la  For- 
tunée^ capitaines  Gay,  Allemand  (Zacharie)  et  Maistral 
(Désiré) ,  et  le  brig  de  18*"  la  Flèche,  capitaine  Allemand  (Jo- 
seph), se  rendant  de  Tunis  en  Corse,  furent  chassés,  le 
22  novembre,  par  le  vaisseau  anglais  Agamemnon  de  72°, 
capitaine  Horatio  Nelson,  qui  croisait  sur  la  côte  occidentale 
de  la  Sardaigne,  A  8**  15"  du  matin,  la  Melpomène  qui 
était  de  l'arrière  fut  jointe  et  engagea  le  combat.  La  Mi- 
nerve laissa  aussitôt  arriver  pour  la  soutenir  5  mais  le  vais- 
seau anglais  ne  l'attendit  pas;  il  s'éloigna  avant  que  cette 
frégate  fût  en  position  de  lui  envoyer  des  boulets.  LdiMeU 
pomène  se  rendit  à  Bastia  ;  les  deux  autres  frégates  et  le 
brig  entrèrent  à  Saint-Florent. 


Le  25  novembre  le  capitaine  Riouffe  de  la  frégate  de  36° 
Y  Inconstante,  parti  du  Port-au-Prince  de  Saint-Domingue 
avec  deux  navires  qu'il  conduisait  au  port  du  Petit  Trou 
aperçut  deux  navires  par  le  travers  de  la  petite  Goave; 
il  était  alors  1"  du  matin.  Le  capitaine  Riouffe  s'en  in- 
quiéta peu  d'abord;  persuadé,  on  ne  sait  trop  pourquoi, 
que  c'étaient  des  navires  du  commerce,  il  ne  fit  aucune 
disposition  de  combat  et  il  s'écoula  quelque  temps  ayant 
qu'il  donnât  l'ordre  de  faire  lever  l'équipage.  Cette  mesure 
était  indispensable,  car  les  câbles,  montés  des  deux  bords 
dans  la  batterie ,  avaient  été  relevés  sur  les  canons  pour 
la  nuit  (1) .  Vers  1**  30"  on  put,  de  Y  Inconstante,  hêler  ces 


(1)  L'emploi  des  câbles  en  chanvre  est  devenu  si  rare  dans  la  marine^  qu'il 
n'est  pas  hors  de  propos  de  rappeler  comment  on  s'en  servait.  Les  câbles^  sortis 
de  la  cale,  étaient  éioogés  dans  la  batterie  lorsqu'on  approchait  du  mouillage  ; 
00  appelait  cela  prendre  la  bitture.  Quand  on  naviguait  dans  des  parages  où 
il  pouvait  devenir  nécessaire  de  laisser  tomber  une  ancre  au  fond,  la  bitture 
restait  prise  et,  au  moment  du  coucher  de  l'équipage»  on  relevait  le  câble  sur 
les  canons  ou  on  l'accrochait  aux  barrots. 


314  COMBATS  PARTICULIERS-  —1793. 

bâtiments.  Gela  était  presque  inutile,  car  la  nuit  était  belle 
et  la  lune  qui  éclairait  Thorizon  permettait  de  distinguer 
le  pavillon  de  la  Grande-Bretagne  flottant  à  leur  corne; 
c'étaient  les  frégates  anglaises  de  hO""  Pénélope  et  Iphige- 
NiA,  capitaines  Samuel  Rowley  et  Patrick  Sainclair.  Celles- 
ci  avaient  également  reconnu  le  pavillon  de  la  République, 
car  elles  bêlèrent  de  Tamener.  Le  capitaine  Riouffe  laissa 
de  suite  arriver  vent  arrière,  et  engagea  avec  les  frégates 
ennemies  une  canonnade  de  chasse  et  de  retraite  qu'il  fit 
bientôt  cesser  en  ordonnant  d'amener  le  pavillon.  Dans  ce 
moment  TIphigenu  fut  découverte  par  tribord.  L'officier 
de  la  batterie  n'ayant  pas  encore 'été  prévenu  de  ce  qui  se 
passait  sur  le  pont,  commanda  de  tirer  sur  elle.  La  frégate 
anglaise  riposta  par  une  bordée  qui  fut  funeste  au  capitaine 
de  ï Inconstante  :  il  tomba  grièvement  blessé.  Le  feu  cessa 
dès  qu'on  sut  dans  la  batterie  que  le  pavillon  était  amené. 
Un  officier  de  la  Pénélope  était  déjà  à  bord  et  prensdt 
possession  de  la  frégate  française  qu'il  conduisit  à  la  Ja- 
maïque. Le  capitaine  Riouffe  y  mourut  de  ses  blessures. 

VInconstante  avait  26    canons    de  12, 

6       —       de    6 
et  k  caronades  de  30. 
La  Pénélope  et  I'Iphigenia  portaient 

chacune    26     canons   de  12^ 
6        —       de    6 
et    8  caronades  de  18. 


Noirmoutiers  était  au  pouvoir  des  royalistes  depuis  le 
12  octobre.  Gette  île  avait  une  importance  trop  grande,  par 
suite  de  sa  position  sur  la  côte  de  la  Vendée,  pour  que  le 
gouvernement  ne  tentât  pas  promptement  de  la  reprendre. 
Le  capitaine  Pitot,  de  la  frégate  la  Nymphe^  reçut  l'ordre 
d'aller  l'attaquer  avec  la  corvette  le  Fabius,  capitaine  Le- 
cour,  l'aviso  la  Cousine,  capitaine  Villedieu,  et  la  canon- 
nière rJ/e-dTigw,  capitaine  Bertrand.  Ces  bâtiments  appa- 


COMBATS  PARTICULIERS. —1793.  315 

renièrent  de  Quiberon,  le  30  décembre,  avec  des  vents  de 
S.-O.,  et  eurent  à  soutenir  le  feu  des  batteries  de  l'île  dès 
qu'ils  en  furent  à  portée.  Leurs  canons  répondirent  toutes 
les  fois  que  la  route  suivie  le  permit.  Malheureusement  la 
brise,  devenue  très-faible,  nécessita  l'emploi  des  embarca- 
tions avant  que  la  petite  division  eût  pu  atteindre  son 
mouillage,  et  la  frégate,  qui  avait  perdu  sa  vergue  de 
grand  hunier,  fut  portée  à  la  côte  par  le  courant.  Les  bat- 
teries dirigèrent  alors  exclusivement  sur  elle  leur  feu,  par- 
tagé jusqu'alors  entre  tous  les  bâtiments.  La  Nymphe  ne 
put  être  relevée,  même  après  la  prise  de  Noirmoutiers 
qui  rentra  le  4  janvier  sous  la  dépendance  de  la  Répu- 
blique. 

Le  conseil  martial,  chargé  d'examiner  la  conduitedu  lieu- 
tenant de  vaisseau  Pitot,  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à 
accusation  contre  cet  oflQcier. 


Dans  le  courant  de  cette  année,  la  corvette  la  Céleste^  se 
rendant  du  Havre  à  Toulon,  s'empara  du  brig  anglais  de 
IS*'  Scout. 


Le  20  septembre,  un  décret  avait  frappé  de  réquisition 
tous  les  objets  propres  à  la  construction  des  navires,  à  leur 
armement  et  à  leur  équipement.  Là  ne  s'arrêtèrent  pas  les 
mesures  que  crut  devoir  prendre  le  gouvernement  républi- 
cain en  faveur  de  la  marine  de  l'État.  La  pénurie  des  navires 
de  transport  n'ayant  pas  tardé  à  se  faire  sentir,  une  loi 
du  à  octobre  mit  tous  les  navires  du  commerce  en  réquisi- 
tion ,  en  laissant  à  la  marine  le  soin  de  choisir  ceux  qui 
pourraient  lui  convenir.  Cette  mesure  était  la  conséquence 
de  la  guerre  générale  qui  suivit  la  révolution  ;  elle  assurait 
une  ressource  immense  à  la  République. 

Cette  réquisition  fut  suspendue  par  arrêté  du  17  fructi- 
dor an  II  (3  septembre  1794). — Mais,  peu  de  temps  après, 
le  motif  qui  l'avait  fait  établir  détermina  l'arrêté  du  Comité 


314  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1793. 

bâtiments.  Gela  était  presque  inutile,  car  la  nuit  était  belle 
et  la  lune  qui  éclairait  Thorizon  permettait  de  distinguer 
le  pavillon  de  la  Grande-Bretagne  flottant  à  leur  corne  ; 
c'étaient  les  frégates  anglaises  de  AO*'  Pénélope  et  Iphige- 
NiA,  capitaines  Samuel  Rowley  et  Patrick  Sainclair,  Gelles- 
ci  avaient  également  reconnu  le  pavillon  de  la  République, 
car  elles  bêlèrent  de  l'amener.  Le  capitaine  RiouiTe  laissa 
de  suite  arriver  vent  arrière,  et  engagea  avec  les  frégates 
ennemies  une  canonnade  de  chasse  et  de  retraite  qu'il  fit 
bientôt  cesser  en  ordonnant  d'amener  le  pavillon.  Dans  ce 
moment  TIphigenia  fut  découverte  par  tribord.  L'officier 
de  la  batterie  n'ayant  pas  encore 'été  prévenu  de  ce  qui  se 
passait  sur  le  pont,  commanda  de  tirer  sur  elle.  La  frégate 
anglaise  riposta  par  une  bordée  qui  fut  funeste  au  capitaine 
de  ï Inconstante  :  il  tomba  grièvement  blessé.  Le  feu  cessa 
dès  qu'on  sut  dans  la  batterie  que  le  pavillon  était  amené. 
Un  officier  de  la  Pénélope  était  déjà  à  bord  et  prenait 
possession  de  la  frégate  française  qu'il  conduisit  à  la  Ja- 
maïque. Le  capitaine  RioufTe  y  mourut  de  ses  blessures. 

V Inconstante  avait  26    canons    de  12, 

6       —       de    6 
et  k  caronades  de  30. 
La  Pénélope  et  I'Iphigenia  portaient 

chacune    26     canons   de  12, 
6        —       de    6 
et    8  caronades  de  18. 


Noirmoutiers  était  au  pouvoir  des  royalistes  depuis  le 

42  octobre.  Gette  île  avait  une  importance  trop  grande,  par 
suite  de  sa  position  sur  la  côte  de  la  Vendée,  pour  que  le 
gouvernement  ne  tentât  pas  promptement  de  la  reprendre. 
Le  capitaine  Pitot,  de  la  frégate  la  Nymphe j  reçut  l'ordre 
d'aller  l'attaquer  avec  la  corvette  le  Fabius,  capitaine  Le- 
cour,  l'aviso  la  Cousine,  capitaine  Villedieu,  et  la  canon- 
nière rJte-d'r(?w,  capitaine  Bertrand.  Ces  bâtiments  appa- 


COMBATS  PARTICULIERS.  —1793.  315 

renièrent  de  Quiberon,  le  30  décembre,  avec  des  vents  de 
S.-O.,  et  eurent  à  soutenir  le  feu  des  batteries  de  Tîle  dès 
qu'ils  en  furent  à  portée.  Leurs  canons  répondirent  toutes 
les  fois  que  la  route  suivie  le  permit.  Malheureusement  la 
brise,  devenue  très-faible,  nécessita  l'emploi  des  embarca- 
tions avant  que  la  petite  division  eût  pu  atteindre  son 
mouillage,  et  la  frégate,  qui  avait  perdu  sa  vergue  de 
grand  hunier,  fut  portée  à  la  côte  par  le  courant.  Les  bat- 
teries dirigèrent  alors  exclusivement  sur  elle  leur  feu,  par- 
tagé jusqu'alors  entre  tous  les  bâtiments,  La  Nymphe  ne 
put  être  relevée,  même  après  la  prise  de  Noirmoutiers 
qui  rentra  le  4  janvier  sous  la  dépendance  de  la  Répu- 
blique. 

Le  conseil  martial,  chargé  d'examiner  la  conduitedu  lieu- 
tenant de  vaisseau  Pitot,  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à 
accusation  contre  cet  officier. 


Dans  le  courant  de  cette  année,  la  corvette  la  Céleste^  se 
rendant  du  Havre  à  Toulon,  s'empara  du  brig  anglais  de 
18*^  Scout. 


Le  20  septembre,  un  décret  avait  frappé  de  réquisition 
tous  les  objets  propres  à  la  construction  des  navires,  à  leur 
armement  et  à  leur  équipement.  Là  ne  s'arrêtèrent  pas  les 
mesures  que  crut  devoir  prendre  le  gouvernement  républi- 
cain en  faveur  de  la  marine  de  l'État.  La  pénurie  des  navires 
de  transport  n'ayant  pas  tardé  à  se  faire  sentir,  une  loi 
du  A  octobre  mit  tous  les  navires  du  commerce  en  réquisi- 
tion ,  en  laissant  à  la  marine  le  soin  de  choisir  ceux  qui 
pourraient  lui  convenir.  Cette  mesure  était  la  conséquence 
de  la  guerre  générale  qui  suivit  la  révolution  ;  elle  assurait 
une  ressource  immense  à  la  République. 

0 

Cette  réquisition  fut  suspendue  par  arrêté  du  17  fructi- 
dor an  II  (3  septembre  1794). — Mais,  peu  de  temps  après, 
le  motif  qui  l'avait  fait  établir  détermina  l'arrêté  du  Comité 


316  COLONIES.  — 1793. 

de  salut  public  du  19  vendémiaire  an  III  (10  octobre  1794), 
portant  que  les  navires  jugés  indispensablement  nécessri- 
res  au  service  de  la  marine,  continueraient  d'être  traités 
conformément  à  la  loi  du  4  octobre  1793.  Cet  arrêté  ne  fui 
définitivement  abrogé  que  le  1"  avril  1795. 


Le  13  avril,  l'île  de  Tabago,  la  plus  Sud  du  groupe  des 
Antilles,  fut  attaquée  par  une  division  aux  ordres  du  contre- 
amiral  anglais  Gardner  et  capitula. 


Le  14  mai,  les  petites  îles  Saint -Pierre  et  Miquelon, 
auprès  de  Terre-Neuve,  furent  surprises  sans  défense  par 
la  division  du  vice-amiral  anglais  King. 


Le  21  août,  ce  fut  la  ville  de  Pondichéry,  chef-lieu  des 
établissements  français  de  l'Inde,  qui  fut  prise. 


Peu  de  jours  après  la  déclaration  de  guerre  à  TAngle- 
terre,  le  capitaine  de  vaisseau  Sercey  (Pierre),  qui  fut 
presque  aussitôt  promu  au  grade  de  contre-amiral,  partit 
de  Brest  pour  Saint-Domingue  avec  les  vaisseaux  de  7â' 
YÊole  et  Y  America;  il  avait  mission  de  prendre  sous  son 
escorte  les  navires  du  commerce  qui  seraient  prêts  à  effec- 
tuer leur  retour  en  France.  Mais  lorsque  ceux-ci  furent 
réunis  sur  la  rade  du  Cap  Français,  les  Commissaires  ci- 
vils Polverel  et  Santhonax,  qui  étaient  arrivés  sur  la  frégate 
la  Galathée^  capitaine  Carabis,  suspendirent  leur  départ 
jusqu'à  l'arrivée  des  nouveaux  bâtiments  de  guerre  desti- 
nés à  former  la  station.  Le  commerce,  mécontent  à  juste 
titre  du  retard  apporté  au  départ  d'un  convoi  d'une  grande 
valeur,  fit  des  représentations  au  gouverneur  Galbaud,  ré- 
cemment arrivé  aussi  sur  la  frégate  la  Concorde.  Malgré 
les  pressantes  sollicitations  de  ce  général,  et  celles  d'un 


COLONIES.  — 1793.  317 

conseil  composé  des  principales  autorités  de  l'île  et  des 
contre-amiraux  Sercey  et  Cambis  (1),  les  commissaires 
persistèrent  à  retenir  le  convoi.  On  devait  craindre  cepen- 
dant que  l'ennemi  n'arrivât  dans  ces  parages  avec  des 
forces  capables  de  le  bloquer  et  même  de  l'enlever,  car 
aucune  mesure  n'avait  encore  été  prise  pour  la  défense  du 
Cap  Français.  V America,  la  frégate  YAstrée,  les  avisos 
VExpèditioriy  Y  Actif  et  le  Serin  étaient  au  Port-au-Prince; 
les  deux  contre-amiraux,  mouillés  sur  la  rade  du  Cap  Fran- 
çais avec  le  Jupiter,  YÊole,  la  Concorde  et  la  flûte  la  Nor- 
mande, avaient  défense  de  faire  aucun  mouvement.  Les 
capitaines  des  navires  de  commerce  se  virent  bientôt  dans 
l'obligation  de  vendre  une  partie  de  leur  cargaison  pour 
subvenir  à  leurs  dépenses. 

Les  choses  étaient  dans  cet  état  lorsque  les  commis- 
saires civils  firent  arrêter  le  gouverneur. 

En  arrivant  dans  la  colonie,  cet  officier  général  avait 
trouvé  le  caractère  des  deux  commissaires  si  peu  respecté, 
qu'il  avait  cru  pouvoir  se  soustraire  à  leur  autorité.  Il 
avait  débuté  par  des  mesures  violentes  qui  n'eurent  pas 
l'assentiment  public.  Les  commissaires  voulurent  alors  faire 
sentir  la  supériorité  de  leurs  pouvoirs  en  défendant  aux 
habitants  d'obéir  à  ses  injonctions.  Ils  déversèrent  sur  lui 
tous  les  dégoûts  possibles  et  finirent  par  lui  retirer  son 
commandement  et  par  le  séquestrer  à  bord  de  la  Normande. 
Les  autres  bâtiments  de  guerre  étaient  remplis  d'hommes 
ardents  qui  y  étaient  également  détenus  prisonniers  ;  la 
présence  d'une  victime  aussi  marquante  électrisa  toutes 
les  haines.  Leur  vive  expansion  et  le  désir  de  la  vengeance 
firent  croire  au  général  Galbaud  qu'il  pourrait  briser  par 
la  force  le  joug  sous  lequel  il  avait  fléchi.  Il  monta  la  tête 
aux  marins  des  équipages  et  l'insurrection  n'attendit  plus 


(1)  Ce  dernier  avait  été  promu  depuis  sou  arrivée  à  Saint-Domingue  et  avait 
pris  le  commandement  de  la  division^  à  la  place  du  contre-amiral  Grimouard  qui 
était  retourné  en  France. 


318  COLONIES.  — 1793. 

qu'un  prétexte  pour  éclater.  L'occasion   ne  tarda  pas  à 
se  présenter. 

Des  bruits,  vrais  ou  faux,  de  destitution  des  principaux 
officiers  de  marine  de  la  division,  se  propagèrent.  Ils  ré^ 
pandirent  une  grande  émotion  parmi  les  équipages  dont 
l'esprit  fut  bientôt  porté  jusqu'à  l'exaltation  en  faveur  de 
leurs  chefs.  Des  luttes  eurent  lieu  à  terre  entre  des  hommes 
de  couleur  et  les  marins  qui  y  étaient  sans  cesse  insultéd. 
Les  officiers  eux-mêmes  n'étaient  pas  à  l'abri  des  menaceà 
de  la  populace  ni  de  ses  attaques.  Et  cependant,  loin  de 
tenir  compte  des  plaintes  incessantes  qui  leur  étaient  por- 
tées parla  marine,  les  commissaires  prenaient  à  l'égard 
des  états-majors  et  des  équipages  les  mesures  les  pltis 
vexatoires. 

Le  20  juin,  le  général  Galbaud  publia  une  proclamation 
contre  les  commissaires  civils  et  se  rendit  à  bord  de  tous 
les  bâtiments  de  la  division.  L'insurrection  des  équipages 
fut  bientôt  à  son  comble.  Le  contre-amiral  Sercey  fut  con- 
signé dans  sa  chambre  par  celui  de  YÊole.  Ceux  du  Jupiter j 
de  la  Concorde  et  delà  Normande  agirent  de  la  même  ma- 
nière à  l'égard  du  contre-amiral  Cambis  et  des  capitaines» 
Il  n'y  eut  plus  qu'une  autorité  sur  la  rade,  celle  du  général 
Galbaud.  Dans  l'après-midi,  les  navires  du  commerce  fu- 
rent retirés  de  dessous  les  batteries  ;  ceux  de  guerre  s'em- 
bossèrent,  et  leurs  équipages  effectuèrent  un  débarquement 
sous  la  conduite  de  leur  nouveau  chef.  Le  lendemain,  le 
général  Galbaud  attaqua  l'hôtel  du  gouvernement  où  les 
commissaires  s'étaient  retirés.  On  se  battit  toute  la  journée 
et  le  jour  suivant.  Les  hommes  de  couleur,  dévoués  aux 
commissaires,  avaient  été  appelés  à  leur  secours.  Au  milieu 
du  désastre,  ce  parti  foudroyé  par  les  batteries  de  l'arsenal, 
parut  un  moment  faiblir.  Un  ressentiment  féroce  suggéra 
alors  aux  deux  commissaires  l'idée  la  plus  désastreuse.  La 
chaîne  des  noirs  fut  rompue,  les  portes  des  prisons  furent 
ouvertes  ;  tous  les  ouvriers,  tous  les  esclaves  furent  armés» 
Bientôt  alors  tout  ne  fut  plus  que  sang  et  carnage  ;  le  pîl- 


COLONIES.  — 1793.  319 

Iftge  devint  général  et  l'incendie  éclata  sur  tous  les  points 
de  la  ville.  Le  parti  du  généraF  Galbaud  finit  par  plier. 
Forcé  de  battre  eu  retraite  le  23,  il  se  replia  sur  le  port 
où  tout  était  confusion.  Les  vieillards,  les  femmes  etles  en- 
fants que  le  fer  et  les  flammes  avaient  épargnés,  se  préci- 
pitèrent sur  ses  pas  et  se  jetèrent  dans  des  embarcations, 
incapables  de  les  contenir  tous  :  un  grand  nombre  de  ces 
malheureux  périrent  dans  les  flots.  En  un  instant,  les  vais- 
seaux furent  encombrés  de  ceux  qui  avaient  échappé  à  ce 
dernier  désastre.  Le  général  se  rendit  à  bord  du  Jvpiter, 
et  tint  sous  les  canons  de  ce  vaisseau  la  ville  et  l'arsenal 
dont  il  avait  eu  la  précaution  de  faire  enclouer  les  pièces. 
Mais  si  sa  personne  était  hors  de  danger,  les  vaisseaux  ne 
l'étaient  pas  ;  on  y  éprouvait  les  inquiétudes  les  plus  gra- 
ves, car  on  savait  que  Tordre  avait  été  donné  de  faire  feu 
sur  tous  les  bâtiments  de  la  rade. 

Sur  ces  entrefaites,  le  contre-amiral  Sercey  reçut  une 
députation  des  négociants  qui  le  faisaient  prier  d'appareil- 
ler avec  le  convoi.  Il  se  rendit  à  leurs  instances,  et  le  24, 
il  mit  à  la  voile,  sauvant  ainsi  d'une  destruction  à  peu  près 
certaine,  tous  les  navires  du  commerce  qui  se  trouvaient 
sur  la  rade  du  Cap  Français.  Le  lendemain,  le  général  Gal- 
baud  donna  l'ordre  aux  autres  bâtiments  de  guerre  d'appa- 
reiller aussi.  Le  capitaine  Vandongen,  delà  Concorda?,  qui 
s*y  refusa  fut  suspendu  de  ses  fonctions  par  son  équipage  ; 
la  frégate  mit  sous  voiles  avec  le  Jupiter.  Quelques  jours 
après,  ce  vaisseau  à  bord  duquel  était  toujours  Tex-gouver- 
neur  de  Saint-Domingue,  rencontra  YÊole  et  son  convoi  et 
fit  route  avec  eux  pour  les  États-Unis  ;  mais  ils  se  séparèrent 
bientôt.  Les  chefs  du  mouvement  de  la  Concorde  n'avaient 
pas  tardé  à  se  trouver  dans  le  plus  grand  embarras.  Dans 
la  précipitation  du  départ,  ils  n'avaient  pas  considéré  les 
besoins  de  la  frégate  à  bord  de  laquelle  il  ùe  se  trouvait 
qu'une  douzaine  de  barriques  d'eau.  Le  capitaine  Vandon- 
gen  fut  prié  de  reprendre  le  commandement.  Le  premier 
soin  de  cet  officier  fut  de  se  diriger  vers  un  port  dans  le- 


320  COLONIES.— 1793. 

quel  il  pourrait  faire  de  Peau.  Le  Port-de-Paix,  sur  la 
pôte  Nord  de  Saint-Domingue,  fut  choisi  comme  le  plus 
rapproché  ;  mais  la  Concorde  en  fut  repoussée  à  coups  de 
canon  et  elle  entra  au  Môle  Saint-Nicolas,  à  quelques  mil- 
les dans  rOuest  du  premier.  Là  aussi  on  avait  reçu  Tordre 
de  faire  feu  sur  les  bâtiments  de  guerre  et  le  commandant 
de  la  place  prévint  le  capitaine  Vandongen  qu'il  exécute- 
rait cet  ordre  s'il  ne  partait  pas  le  lendemain.  Au  jour,  la 
frégate  était  sous  voiles  et,  le  7  juillet,  elle  mouillait  sur 
la  rade  d'Hampton  dans  l'état  de  Norfolk  des  États-Unis. 
UÊole  y  arriva  le  même  jour  avec  son  convoi  ;  le  Jupiter  s'y 
trouvait  déjà. 

Sur  l'invitation  du  chargé  d'affaires  de  la  République 
française,  ces  trois  bâtiments  se  rendirent  à  New-York . 
L'équipage  du  Jupiter  y  fut  renouvelé  en  entier.  Le  contre- 
amiral  Gambis  obtint  de  rester  à  terre  et  le  commande- 
ment de  ce  vaisseau  fut  donné  au  capitaine  Bompard  de 
YEmbuscade, 

Les  navires  partis  de  Saint-Domingue  furent  immé- 
diatement dispersés  dans  différents  ports  afin  de  pouvoir 
s'approvisionner  plus  facilement;  et,  en  attendant  qu'un 
convoi  de  farine  qu'il  avait  ordre  d'expédier  en  France  fût 
rassemblé,  le  chargé  d'affaires  de  la  France  ordonna  au 
contre-amiral  Sercey  d'aller  attaquer  les  îles  Saint-Pierre 
et  Miquelon,  dont  les  Anglais  s'étaient  emparés  le  14  mai. 
Cet  officier  général  mit  à  la  voile,  le  9  octobre,  avec  les 
vaisseaux  YÊole  et  le  Jupiter^  les  frégates  la  Concorde  ^ 
la  Précieuse  et  l'aviso  le  Cerf.  Quelques  jours  après,  l'é- 
quipage du  Jupiter  déclara  au  capitaine  Bompard  que 
l'ordre  du  représentant  de  la  République  était  un  non- 
sens  et  l'obligea  à  faire  route  pour  France.  Cet  exemple 
ne  tarda  pas  à  séduire  ceux  de  YÊole  et  des  deux  frégates 
dont  les  capitaines  furent  également  obligés  de  se  diriger 
vers  la  France.  Le  Cerf  reçut  la  mission  d'aller  annoncer  cette 
détermination  au  chargé  d'affaires.  Séparés  par  le  mauvais 
temps  à  la  hauteur  des  Açores,  les  deu!^  vaisseaux  et  les 


COLONIES.  — 1793.  324 

frégates  arrivèrent  à  Brest  isolément  dans  les  premiers 
jours  du  mois  de  novembre. 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGÉS 

pendant  l'année  1795. 

ANGLAIS* 

Canons. 
7i      SciPioN* Brûlé  à  Livourne. 

HAMEs I  pj,jggg  chacune  par  une  frégate. 

l  Amphitrite Naufragée  dans  la  Méditerranée. 

18      Scout Pris  par  une  corvette. 

iPiGMY Naufragé  sur  les  côtes  d'Angleterre. 

Advice —       dans  la  baie  de  Honduras. 

Alerte Pris  par  les  Français. 

12      HoPE • —   par  un  lougre. 

/  Viper  ) 

♦  l  Vigilant'-:  ."  ."  ."  .'  '.  '.  '.'.\  "   *"  "*'  '*'«S'*'"- 

FRANÇAIS. 

120      Commerce-de-Paris. .  .  .  )   ^^  .    ,  m    i^ 
80      Triomphant »  P'"  *  Toulon. 

Commerce-de- Bordeaux, 

Centaure 

Destin 

Duguay-Trouin 

Héros .  )  Détruils  à  Toulon. 

Dictateur 

74  (  Suffisant 

Thémistocle,  • 

Tricolore., •  . 

Léopard Naufragé  à  Cagliari. 

Pompée 

Puissant 

Scipion.    ...     }  Pris  à  Toulon. 

Aréthuse 

40  {  Perle 

Réunion Prise  par  une  frégate. 

58      Impérieuse —    par  un  vaisseau. 

I'Fine Naufragée  sur  la  côte  d'Amérique. 
Sérieuse Détruite  à  Toulon. 
Cléopâtre Prise  par  une  frégate. 
Inconstante —    par  deux  frégates. 

5i      Jphigénie .      Détruite  à  Toulon. 

Modeste Prise  par  une  division.   ^ 

Richmond Brûlée  en  Sardaigne. 

Hélène Prise  en  Sardaigne. 

^  ^  Bellone Naufragée  à  Quiberon. 

Hermione —         au  Croisic. 

Nymphe —         à  Noirmoutiers. 

II  *  ti 


asft 


COLONIES.— 1713. 


SS 


Si 


80 


Àlceste.f  •  •  •  . 

Sultane 

Topaze.  •  •  .  .  . 

Lutine 

Sensible 

Aurore 

Victorieuse.    •  • 

Iris 

Montréal 

Victoire 


Prises  à  Toulon. 


•  •  »  • 


Détruites  &  Toulon. 


prosélyte i 

Belette \  Prises  &  Toulon. 

Poulette,  ,  .  .  , I 

^^''^^'f i  Détruites  à  Toulon, 

Auguste •  •  .  I 

Blonde Prise  par  deux  frégates. 

/  Mulet Prise  à  Toulon. 

Ariel Détruite  dans  l'Escaut. 

Convention  Nationale. .  .  Prise  par  une  escadre. 
l  Prompte. 


Compte l  Prises  chacune  par  une  fréga^, 

Alerte Détruite  h  Toulon. 

^^  i  S;"^7'^; j  Prises  à  Toulon. 

Amulette i 

"  i  cuHeix:  '.  \  \  \  '.  :  :  :  :  I  ^'  ^^^^^^^  p*'  «»«  ^^^w^*- 

^*  I  Tarleton —   à  Toulon. 

IS     Lutin —   par  un  brig. 

*  L'astérisque  indique  un  bâtiment  pris  à  l'ennemi. 

RÉCAPITULAnOIf. 


juNOUis.  •  •    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in 

férieurt 

FRAifÇAis.  .    Vaisseaux 

Frégates • 

Bâtiments  de  rangs  in* 
lérieurs* 


fris. 


P 
S 

i 

5 

14 

U 


Détruits 

ou 

Inceadiéi. 

ffOlU. 

naufragés. 

» 
1 

i 

1 

S 

5 

10 
11 

7 
8& 

4 

» 

IS 

BATAILLES. -1794.  3«3 


ANNÉE  1794. 


Une  division  sous  les  ordres  du  capitaine  de  vaisseau 
Desgarceaux,  composée  des  frégates  Y  Engageante  de  86* 
qu'il  commandait,  la  Résolue  de  36,  capitaine  Puillon  Vil- 
léon,  la  Pomone  de  44,  capitaine  Pevrieu,  et  de  la  corvette 
de  20*  la  Babet^  capitaine  Belhomme,  en  croisière  à  Fou- 
vert  de  la  Manche,  se  trouva,  le  25  avril,  en  présence  de 
5  frégates  qui  furent  aperçues  dans  le  O.-N.-O  et  qui  la 
chassèrent.  A  5**  30°»  de  Taprès-midi,  ces  frégates  hissèrent 
le  pavillon  anglais  et  quelques-unes  Tappuyèreilt  d'une, 
bordée  entière;  c'étaient  la  Flora  de  42^,  capitaine  sir 
John  Borlase  Warren  qui  commandait  la  division  ;  TAre- 
THUSA  de  44,  capitaine  sir  Edvrard  Pelew  ;  la  Melampus 
et  la  Concorde  de  42,  capitaines  Thomas  Wells  et  sir  Ri- 
chard Strachan,  et  la  Nymphe  de  44,  capitaine  George  Mur- 
ray.  Après  plusieurs  virements  de  bord,  les  Anglais  se 
trouvèrent  au  vent  dans  Tordre  ci-dessus  et,  vers  6*,  ils 
engagèrent  le  combat.  L'Engageante  était  chef  de  file  de 
la  division  française,  la  Pomone  suivait  et  la  Babet  fermait 
la  marche.  Signal  fut  fait  à  la  Résolue  qui  se  tenait  par  la 
hanche  de  dessous  le  vent  de  Y  Engageante  de  rentrer  dans 
la  ligne  ;  son  capitaine  n'exécuta  pas  cet  ordre  et  se  borna 
à  envoyer  des  boulets  à  la  Flora,  adversaire  de  VEnga- 
géante^  lorsque  sa  position  lui  permettait  de  découvrir  la 
frégate  ennemie,  et  à  T  Arethusa  qui  était  la  seconde  dans 
la  ligne  anglaise.  D'après  la  disposition  des  combattants, 
la  Pomone  était  par  le  travers  de  la  Melampus,  la  Babet  prê- 
tait le  flanc  à  la  Concorde  -,  la  Nymphe  n'avait  pas  d'adver- 
saire. Les  deux  divisions  couraient  bâbord  amures.au  plus 
près.  Au  moment  où,  un  peu  avant  S"*,  le  commandant 
Desgarceaux  réitérait  de  vive  voix  au  capitaine  Villéon 
l'ordre  de  se  mettre  en  ligne,  il  eut  la  tête  emportée  par  un 


324  BATAILLES.  —1794. 

boulet.  Le  lieutenant  de  vaisseau  Lemaître  le  renoplaça  et 
prévint  le  capitaine  de  la  Résolue  de  cet  événement  :  il 
recutdeluirordre.de  forcer  de  voiles  et  de  gagner  la 
terre,  manœuvre  que  fit  de  suite  aussi  le  nouveau  coni- 
mandant  de  la  division. 

La  Pomone  imita  la  manœuvre  de  ses  deux  compagnes» 
mais  son  infériorité  de  marche  ne  lui  permit  pas  de  les 
suivre.  Les  frégates  Melampus  et  Nymphe  s'étaient  jointes 
à  la  Flora  pour  poursuivre  les  deux  frégates  françaises  ; 
I'Arethusa  et  la  Gongordë  s'attachèrent  à  la  Pomone.  La 
première  prit  poste  au  vent,  l'autre  se  plaça  du  bord  op- 
posé. A  8*"  30",  la  frégate  française  fut  démâtée  de  son 
mât  d'artimon  ;  peu  de  temps  après,  sa  vergue  de  misaine 
fut  coupée  en  deux  et,  à  9^  moins  un  quart,  son  grand  mât 
s'abattit.  Les  dégâts  n'étaient  pas  moins  grands  dans  la 
batterie.  Blessé  dès  le  commencement  du  combat,  le  capi- 
taine Pevrieu  héla,  à  9^  30*",  qu'il  se  rendait.  Le  petit  mftt 
de  hune  tombait  en  ce  moment. 

La  Babet  ne  put  lutter  longtemps;  restée  de  Tarrière 
par  suite  de  la  chute  de  son  petit  mât  de  hune,  elle  fut 
criblée  et,  la  première,  elle  amena  son  pavillon. 

Le  capitaine  de  la  Concorde  avait  abandonné  la  Pomone 
à  I'Arethusa,  dès  qu'il  avait  jugé  sa  coopération  inutile, 
pour  se  joindre  à  la  chasse  que  les  autres  frégates  don- 
naient à  Y  Engageante  et  à  la  Résolue.  Il  les  dépassa  facile- 
ment et,  à  11**  30°",  il  était  par  le  travers  du  vent  de  YEn-^ 
gageante.  La  Résolue  lui  tira  quelques  coups  de  canon  et» 
laissant  sa  compagne  engagée,  elle  continua  sa  route  et 
parvint  à  faire  perdre  ses  traces.  Le  combat  se  soutint 
avec  ardeur  entre  les  deux  frégates.  A  1**  30"*,  la  Con- 
corde laissa  arriver  pour  passer  sur  l'arrière  de  la  frégate 
française  :  celle-ci  neutralisa  cette  manœuvre  en  arrivant 
aussi.  La  frégate  anglaise  revint  alors  au  vent  et  reçut  de  l'a- 
vant une  bordée  d'écharpe  de  son  adversaire  qui  imita  ce 
mouvement.  Le  capitaine  Strachan  réussit  enfin  à  passer 
à  tribord  et  continua  le  combat  dans  cette  position.  La 


BATAILLES.  -  1794.  325 

chute  des  trois  mâts  de  hune  de  Y  Engageante^  le  triste  état 
du  reste  de  sa  mâture  et  la  masse  d'eau  qui  entrait  par  de 
nombreux  trous  de  boulets  ne  le  ralentirent  pas.  Cependant, 
à  2"*  30"*,  toutes  les  munitions  se  trouvant  épuisées,  il  fal- 
lut amener  le  pavillon  si  noblement  défendu.  Il  fut  salué 
par  la  chute  instantanée  des  bas  mâts. 

La  Pomone  portait  28  canons  de  18 

12     —      de    8 
et  à  caronades  de  36. 
La  Résolue  et  l'Engageante 

avaient  chacune  26  canons  de  J  2 

6     —     de    6 
et  à  caronades  de  36. 
La  Babet  était  armée  de  20  canons  de  6. 
L' Arethusa  avait  28  canons  de  18 

2     —     de    9 
et  lA  caronades  de  32. 
La  Flora     —     26  canons  de  18 

10     —     de    9 
et  6  caronades  de  IS. 
La  Melampus  —  26  canons  de  18 

2     —     de  12 
6     —     de    9 
et  8  caronades  de  32. 
La  Concorde  —  26  canons  de  12 

4     —     de   6 
et  12  caronades  de  2&. 
La  Nymphe    —    26  canons  de  12 

10     —     de    6 
et  8  caronades  de  24. 


Le  gouvernement  révolutionnaire  faisait  d'incroyables 
efforts  et  déployait  une  activité  extraordinaire  pour  don- 
ner à  la  France  une  armée  navale  sur  l'Océan.  Il  fallait 
d'autant  plus  d'énergie  pour  relever  la  marine,  qu'elle 


3116  BATAILLES.— 1794. 

venaît  de  faire  des  pertes  immenses  à  Toulon.  La  trahk- 
soD,  en  livrant  ce  port  aux  Anglais,  avait  causé  la  Ae%* 
truction  d'une  partie  des  forces  maritimes  de  la  Répobli* 
que.  La  Convention  nationale  ciiargea  deux  de  ses  roembrest 
Jean  Bon  Saint-André  et  Prieur  de  la  Marne»  de  surv^*' 
1er  les  armements  du  port  de  Brest. 

La  famine  pesait  alors  sur  tous  les  départements  ;  la 
misère  du  peuple  était  grande,  ses  souffrances  excesssives. 
Cet  état  de  choses  pouvait  accroître  les  mécontentements. 

Justement  inquiète  de  cette  situation  calamiteuse,  la 
Convention  nationale  avait  ordonné  au  citoyen  Genêt,  son 
représentant  aux  États-Unis,  de  rassembler  dans  la  baie 
de  la  Chesapeak  de  l'État  de  Virginie,  le  plus  grand  nom- 
bre de  navires  possible,  et  de  les  charger  de  farine.  Le 
contre-amiral  Vanstabel,  sorti  de  Brest  le  24  décembre 
1793  avec  une  division,  devait  les  prendre  sous  son  es- 
corte. 4  autres  vaisseaux,  2  frégates  et  une  corvette  avaient 
accompagné  le  contre-amiral  Vanstabel  en  dehors  du  golfe 
et  s'étaient  ensuite  établis  en  croisière  dans  le  Sud  de  l'Ir- 
lande. Dans  la  nuit  du  31  décembre,  cette  dernière  divi- 
sion avait  reçu  un  coup  de  vent  qui  l'avait  forcée  de  ren- 
trer. 

Bien  que  la  corvette  le  Brutus^  arrivée  le  26  janvier  aux 
États-Unis,  eût  annoncé  au  chargé  d'affaires  de  la  France 
^'apparition  prochaine  du  contre-amiral  Vanstabel,  le  con- 
voi n'était  pas  encore  prêt  le  12  février  lorsque,  après  une 
traversée  de  quarante-sept  jours,  la  division  française 
mouilla  dans  la  Chesapeak.  Ce  fut  le  11  avril  seulement 
que  le  conlre-amiral  Vanstabel  put  mettre  à  la  voile  avec 
un  convoi  de  130  navires,  escorté  par  les  vaisseaux  le 
Tigre  et  le  Jean  Bart^  les  frégates  la  Sémillante^  Y  Embus- 
cade^ la  Charente  et  YAstrée. 

Le  représentant  Genêt  avait  annoncé  à  la  Convention 
nationale  qu'il  expédierait  une  partie  du  convoi  sous  l'es- 
corte de  la  frégate  YAslrêe  et  de  la  gabare  la  Normande 
aussitôt  que  cela  lui  serait  possible.  On  devait  dèa  lors 


BATAILLES.— 1*794.  Hl 

présumer  que  ces  navires  seraient  en  route  avant  Taftlvée 
du  contre-amiral  Vanstabel  en  Amérique^  et  il  était  urgent 
de  protéger  leur  atterrage.  Les  vaisseaux  le  Sans^Pareil 
de  86%  YÀudadeuw,  le  Patriote^  le  Téméraire  et  le  Tfàjan 
de  78  ;  les  frégates  la  Oalathéë  et  Y  Unité  et  la  eoftetté  le 
Maire  Guitton  sortirent  de  Brest,  à  cet  effet,  le  10  avril» 
sous  le  commandement  du  contre-amiral  Nielly,  dont  le  pa- 
villon flottait  sur  le  Safis-Pareil  Une  division  légère,  com- 
posée de  la  frégate  YAtalante^  de  la  corvette  la  Lm)fenB  et 
du  brig  YÊpervier^  fut  aussi  envoyée  à  leur  rencontre. 

Cependant ,  ce  convoi  si  impatiemment  attendu  ep 
France,  les  Anglais  le  convoitaient,  et  des  forces  formida- 
bles avaient  été  disposées  sur.  plusieurs  points  pour  l'in- 
tercepter. Le  jour  de  son  départ  d'Amérique^  sa  marche, 
la  force  de  son  escorte  «  celle  des  vaisseaux  envoyés  à  sa 
rencontre^  tout  était  connu  en  Angleterre.  La  saison  des 
gros  vents  était  passéCé  Le  convoi  retardé,  soit  par  la  len- 
teur, soit  par  l'incurie  des  agents  de  la  République  en 
Amérique»  soit  par  les  entraves  qu'il  avait  rencontrées, 
ne  pouvait  plus  arriver  à  Tépoque  favorable  à  laquelle  il 
était  attendu,  et  la  division  du  contre^amiral  Nielly  deve- 
nait insuffisante  pour  le  défendre. 

Le  Comité  de  salut  public  comprit  qu'il  fallait  à  tout 
prix  assurer  les  subsistances  du  peuple,  et  il  ordonna  ftm 
contre-amiral  Villaret  de  sortir  avec  l'armée  navale  de 
Brest.  Le  représentant  Jean  Bon  Saint-André  fut  embar* 
que  sur  le  vaisseau  amiral. 

Voici  comment,  quelques  jours  auparavant»  le  11  mai 
1794,  ce  représentant  dépeignait  la  situation  de  là  marine 
dans  une  lettre  au  Comité  de  salut  public  :  a  La  loi  du 
«  26  brumaire  a  besoin  de  développements  ;  je  l'ai  senti, 
«  surtout  au  moment  de  la  sortie  de  l'escadre  où  il  importe 
«  de  mettre  de  l'ensemble  dans  toutes  les  parties  du  sér^ 
c(  vice  et  de  prévenir  les  divisions  qui  ont  trop  souvent 
«  déshonoré  la  marine  française.  L'esprit  d'isolement  n'en 
«  est  pas  si  entièrement  banni  qu'il  ne  faille  encore  le 


328  BATAILLES. —1794. 

n  brider  avec  soin,  et  ilestmème  d'autant  plus  dangereux, 
«  qu'il  affecte  de  se  reproduire  sous  la  livrée  de  la  liberté. 
«  Il  ne  serait  plus  temps  de  mettre  un  frein  à  l'amour-- 
«  propre  qui  ne  veut  point  reconnaître  d'unité  dans  les 
«  mouvements,  quand  il  aurait  occasionné  de  grands  mal- 
«  heurs.  C'est  ce  qui  m'a  déterminé  à  faire  sur-le-champ 
a  une  loi  qui,  en  principe  rigoureux,  ne  peut  être  faite 
«  que  par  la  Convention  nationale  ;  mais  le  rapport  du 
«  délit  à  la  peine  est  ici  d'une  telle  évidence,  et  les  dispo- 
«  sitions  de  mon  arrêté  sont  d'une  nécessité  si  indispensa- 
«  ble,  que  je  ne  balance  pas  à  croire  qu'il  sera  approuvé 
«  par  vous  et  que  vous  en  demanderez  sur-le-champ  la 
((  sanction  à  la  Convention  nationale.  Il  ne  faut  pas  qu'au 
(c  moment  d'une  action,  les  généraux  de  la  République 
((  soient  abandonnés  comme  l'ont  été  les  Confians,  les 
«  d'Estaing  et  tant  d'autres.  Le  général  vous  répond  sur 
«  sa  tête  de  l'exécution  de  vos  ordres,  c'est  la  règle. 
<(  Mais  sa  responsabilité  disparait,  si  la  loi  ne  lui  garantit 
<  pas  l'obéissance  des  instruments  que  vous  mettez  dans 
<(  sa  main  (1).  » 

Le  16  mai,  l'armée  mit  sous  voiles  composée  comme  il 
suit  : 

GanoDS. 

1S4      Montagne  (2) capitaine  Bazire. 

Villaret  Joyeuse,  contre-amiral. 

DelmottO;  contre-amiral,  major-généraK 

I  Terrible capitaine  Leroy. 
Bouvet  François,  contre-amiral. 
Révolutionnaire  (3).  .  .  .  capitaine  Vandongeo. 
Républicain  (4) —       Longer. 

i  Indomptable —       Lamesle. 

^®  l  Jacobin  (5) —       Gassin. 


(1)  L'arrêté  dont  il  est  question  fut  sanctionné  par  le  Comité  de  saint  publie 
le  5  messidor  (21  juin);  et  a  eu  force  de  loi,  dans  la  marine^  jusqu'au  10  fé- 
vrier 1843. 

(2)  Primitivement  les  États-de-Bourgogne,  puis  la  Côte-d"Or, 

(3)  D'abord  la  Bretagne, 

(4)  L*ancien  Royal-Louis, 

(5)  D'abord  l'Auguste, 


BATAILLES. 4794.  329 

Juste  (1) capitaine  Blayet. 

Scipion  (2) —  Huguet. 

Achille — >  LaYillesgris. 

America,  . —  Lhéritier. 

Convention  (5) —  Allary. 

Entreprenant,  , —  Lefranck. 

Eole • —  Bertrand  Keranguen. 

Gasparin  (4) —  Tardy. 

Jemmapes •  .  —  Desmartis* 

78  (  Impétueux —  Douville. 

Montagnard —  Bompard. 

Montblanc —  Thevenard  (Alexandre). 

Mucius —  Larréguy. 

Neptune —  Tiphaine. 

Northumberland —  Etienne. 

Pelletier  (5) —  Berrade. 

Tourville —  Langlois. 

Tyrannicide —  Dordelin  (Joseph). 

Vengeur —  Renaudin  (Jean). 

Frégates  :  Brutus  (6),  Insurgente^  Seine,  Proserpine,  Tamise,  Gentille^ 

Précieuse,  Bellone. 
Corvettes  et  brigs  :   Surprise,  Société  Populaire,  Diligente,  Courrier^ 

Jean  Bart,  Mutine,  Naïade,  Furet, 

L'instruction  des  équipages,  à  cette  époque,  était  loin 
de  répondre  à  leur  patriotisme  ;  une  foule  d'hommes  al- 
laient à  la  mer  pour  la  première  fois.  De  plus,  les  artilleurs 
de  la  marine  avaient  été  débarqués  à  la  suite  de  l'insurrec- 
tion de  Quiberon,  et  avaient  été  remplacés  par  des  soldats 
de  l'armée  de  terre  qui  appartenaient,  soit  à  la  première 
réquisition,  soit  à  la  dernière  levée  opérée  par  la  Conven- 
tion. Aussi,  le  contre-amiral  Villaret  avait-il  reçu  Tordre 
de  transformer  sa  marche  en  un  cours  d'enseignement  pra- 
tique, qui  devait  profiter  en  même  temps  aux  capitaines, 
dont  plusieurs  naviguaient  en  escadre  pour  la  première 
fois. 

Le  19,  la  corvette  le  Maire  Guitton,  qui  avait  été  cap- 
turée quatre  jours  auparavant  par  les  Anglais,  fut  prise 


(l)  Les  Deux- Frères, 
(2Î  Le  Saint-Esprit, 
(5)  Le  Sceptre,  • 

(4)  V Apollon, 

(5)  Le  Séduisant. 

(6)  L'ancien  Diadème  qui  ÀTait  été  rasé. 


»Mf  BATAILLES.  — 1794. 

ainsi  que  le  convoi  qu'elle  escortait  ;  la  Mutine  fut  adjointe 
à  l'escorte.  Ce  même  jour,  Tannée  navale  fut  ralliée  par 
le  vaisseau  le  Patriote ^  capitaine  Lucadou,  séparé  depuis 
la  nuit  du  11  de  la  division  du  contre-amiral  Nîelly.  La 
veille,  ce  vaisseau  slvaitfait  amener  la  frégate  anglaisé  de 
40*  Castor,  capitaine  Thomas  Trowbridge. 

Lorsque  l'époque  présumée  du  passage  du  convoi  fut  ar^ 
rivée,  le  commandant  en  chef  se  dirigea  vers  lô  rendez- 
vous  assigné  à  toutes  les  divisions  ;  il  y  était  le  21  mal.  Trois 
jours  après,  la  frégate  la  Galathée^  de  la  division  Nielly, 
escortant  quelques  prises,  fut  rencontrée  par  l'armée  na- 
vale. Le  contre-amiral  Villaret  garda  cette  frégate  et  la 
remplaça  par  la  corvette  la  Société  Populaire  et  la  frégate 
hollandaise  la  Vigilante^  prise  le  21  par  la  Proserpine.  Le 
28,  à  8^  du  matin^  l'armée  de  la  République  courant  au 
N.-N.-E.  sur  trois  colonnes,  l'armée  anglaise  fut  aperçue 
dans  le  N.-E.  ^  le  vent  soufflait  frais  du  S.-S.-O.  A  9*^*  le 
contre-amiral  Villaret  signala  l'ordre  de  bataille^  les  amures 
à  bâbord.  La  force  du  vent  et  l'état  de  la  mer  rendirent 
cette  évolution  difficile  et,  à  midi^  la  ligne  n'était  pas  cbk 
eore  formée;  le  signal  fut  répété &2^  Enfin,  à  2^  Ai"*! 
voulant  établir  sa  ligne,  alors  complètement  en  désordrei 
le  commandant  en  chef  fit  prendre  les  amures  k  triborâi 
A  8^  15",  il  vira  de  nouveau  lof  pour  lof. 

L'armée  anglaise  avait  appareillé,  le  2  mai,  de  la  rade 
de  Sainte-Hélène  avec  un  nombreux  convoi  pour  les  Indes* 
L'amiral  Howe,  qui  la  commandait,  s'était  séparé  du  oon* 
voi  à  la  hauteur  du  cap  Lizard,  et  avait  chargé  le  contre* 
amiral  Montagu  de  l'escorter  avec  6  vaisseaux  et  2  frégates 
Jusqu'au  delà  du  golfe  ;  le  capitaine  Rainier  devait  alors  le 
conduire  à  sa  destination  avec  un  vaisseau  et  5  frégates.  La 
division  du  contre-amiral  Montagu  avait  ordre  de  rester 
ensuite  en  croisière  sur  la  route  présumée  des  navires 
français  attendus  d'Amérique.  Lord  HoWe,  qui  avait  été 
informé  du  point  de  croisière  de  l'armée  française,  avait 
pris  cette  direction  et,  le  28  au  matin,  il  en  eut  CQOpftis- 


/: 


BATAILLES. —  1794.  311 

sance.  La  Bienne  comptait  26  vaisseaux^  7  frégates,  un 

brig,  2  cutters  et  2  brûlots. 

GanoBf. 

QuEEN  CHiRtoTTE eapîtaîno  gir  Roger  Gartis^ 

lord  Richard  Howe,  amiral. 
110  {  ROYAL  SovERSicif.    •  .  •  *  eapitàinë  Hebri  Nicbols^ 

Thomas  GraTes>  yiçe-amiral. 
RôtAL  GeOrCé capitaine  William  t)omett. 

sir  Aletadder  Hood^  vioe'^tni^af. 
lupREGNABLE Capitaine  BlagdsQ  Westcost* 

Benjamin  Caldwell,  contre-àmiral. 
BARFLBùit.    ..««.•  é  .  capitaine  Gathberg  CoUingweod» 
108  \  George  Bowyer^  contre^amiral* 

QoEEN.  .  •  •  •  • capitaine  John  Bull. 

Alaii  Gardfier^  eoBtre-aniifàU 

Glort. capitaine  Joho  Ëlphinstooe. 

I  C/ESAR .  •  .  •       —       Pye  Molloy. 

^  \  Gibraltar.  «  .  «  .  é  .  •  .       ^       Tboiba^  MâckeAsift. 
Belleropuon*  •  •  ,  .  ^  A  .       —       William  Hope. 

t1i«mas  Paslei^^  contre-amiràl. 
Leviathan.  .  4  .  .^  .  .  »  «  oapitiiiD»  lord  Baghe^  Seymot^* 

Russel ,  .  .       —       Willet  Payae. 

Marleorougr —       honorable  Cfanfîdïà  Berkeley, 

Defekge.  4  é  ,  ,  à  i  i  ^  ,       «^       iatnéi  Oamibier* 
Tremendous.  •••*•,.       —       James  Pigatt. 

Intingible —       nonorable  ThomSâ  Pakenhatà. 

CuLLODEN* .  w  •  •  .  «  «  •  é       «^       Isaad  llhomberg^ 

Brunswick «  .  •  •       —       John  HarTey. 

Valiant —       Thomas  Pringîê. 

Orion.  4  .  «  .  •  .  ^  .  ^  •       ^       TfaoïBai  Duckwortlic 
Ramilies.  •  .  .  h  .  •  •  •  •       -*       Henry  Haryey. 

Alfred.  • —       ^ohn  Bazely. 

MoNTAGir.  ...•«..•«       '^       James  Montai* 

Majestic —       Charles  Gutton. 

Thdnderer.  ........       *-       Albemâfle  Bôrtiê. 

>AuDAGious«  .  •  •  •  4  .  .  •       *^       Williaoi  Parker. 

Frégates  :  Phabton^  hm^vk,  Nicbri  &dYTHililfrToii>  Vairvs»  Aûm&nr,  IPCBftSw. 

Erig  :  Kingsfisher. 
Cutters  :  Rattler,  Ranger. 

L'armée  anglaise  qui  courait  ati  S<*E.  prit  les  amures  à 
bâbord  lorsque;  à  2^  Ad"",  celle  dei»  FranÇ£^i&  se  ferma 
tribord  amures. 

On  a  prétendu  que  le  contre-amiral  Villaret  Joyeuse , 
cédant  àTinfluence  du  représentant  Jean  Bon  Saint-André, 
offrit  immédiatement  la  bataille.  Les  documents  officiels  dé- 
mentent cette  assertion.  L'armée  anglaise  se  trouvait  sur 
le  passage  du  convoi  d'Amérique  ;  çn  livr^^Dt  b^t^Ul^  en 


28 


332  BATAILLES.— 1794. 

cet  endroit,  on  aurait  commis  la  faute  de  la  forcer  d'y  sé- 
journer. Or  le  commandant  en]  chef  et  le  représentant  du 
peuple  n'eurent  garde  de  se  laisser  aller  à  une  semblable 
erreur.  Ils  manœuvrèrent  pour  attirer  les  Anglais  dans  une 
autre  direction.  Le  but  de  cette  tactique  ressort  évidem- 
ment du  rapport  que  Jean  Bon  Saint-André  adressa,  le 
13  juin,  au  Comité  de  salut  public.  «  Le  salut  du  convoi 
n  étant  l'objet  de  notre  mission,  disait-il,  nous  jugeâmes 
((  que,  dans  notre  position,  ce  que  nous  avions  de  mieux  à 
(c  faire,  était  d'éloigner  l'ennemi  de  la  route  qu'il  devait 
«  suivre.  Nous  calculâmes  qu'en  prenant  la  bordée  du 
<(  large,  le  convoi  passerait  à  environ  vingt-cinq  lieues 
((  dans  le   Sud  des  deux  armées.   La  justesse  de  cette 
«  combinaison  a  été  prouvée  par  l'événement.  »  On  peut 
même  se  demander  si  le  commandant  en  chef  laissa  arriver 
pour  se  rapprocher  de  l'armée  ennemie.  Le  procès-verbal 
rédigé  par  les  officiers  du  Vengeur  le  dit  positivement.  Un 
historien  anglais  (1)  tient  le  même  langage.   Cependant 
Jean  Bon  Saint-André ,  qui  suit  si  exactement  le  mouve- 
ment des  deux  armées  dans  son  Journal  sommaire,  Jean 
Bon  Saint-André  ne  parle  pas  de  cette  manœuvre.  «  Nous 
«  courions  vent  arrière  dans  l'espoir  de  rencontrer  au  Nord 
«  la  division  du  contre-amiral  Nielly,  dit  le  représentant 
«  du  peuple,  lorsque  les  frégates  de  l'avant  signalèrent 
«  une  flotte.  Nous  reconnûmes  bientôt  que  c'était  l'armée 
«  anglaise,  forte  de  36  voiles,  courant  au  plus  près  du 
c  vent,  les  amures  à  tribord.  Aussitôt  qu'elle  nous  eut 
«  aperçus,  elle  manœuvra  pour  se  former  en  ligne  de  ba- 
«  taille.  L'armée  française  se  forma  également  dans  l'ordre 
((  renversé,  les  amures  à  bâbord.  »  Enfin,  le  contre-amiral 
Villaret  dit  dans  son  rapport  :  «  Mon  premier  soin,  après 
«  avoir  reconnu  la  force  de  l'armée  anglaise,  fut  de  former 
((  l'ordre  de  bataille  sur  la  ligne  du  plus  près,  bâbord 


(1)  William  James,  The  naval  history  of  Great  Britain. 


BATAILLES.— 1794.  333 

'(  amures.  »  Les  journaux  de  bord  de  T armée,  parfaitement 
d'accord  avec  les  assertions  du  représentant  et  du  comman- 
dant en  chef,  démentent  d'ailleurs  la  version  accréditée  et 
le  rapport  du  capitaine  du  Vengeur,  Ces  journaux  consta- 
tent que  l'armée  française  courait  au  N.-N.-E.  sur  trois 
colonnes,  avec  des  vents  deSud,  lorsque  l'armée  ennemie  fut 
aperçue  dans  le  Nord.  Ce  n'est  donc  pas  lorsqu'elle  fut  si- 
gnalée que  les  Français  laissèrent  arriver.  Loin  de  là,  les 
mêmes  journaux  s'accordent  à  dire  que  le  commandant  en 
chef  ordonna  presque  aussitôt  de  se  former  en  bataille 
bâbord  amures  et  que  l'armée  courut  vers  l'Ouest.  Il  est 
vrai  que,  dans  l'après-midi,  elle  vira  de  bord ,  mais  pour 
prendre  le  plus  près,  ce  qui  la  fit  gouverner  au  S.-E.  ou  à 
l'E.-S.-E.  Elle  suivit  cette  route  toute  la  nuit.  Il  semble 
donc  bien  avéré  que  le  contre-amiral  Villaret  ne  manœu- 
vra pas  pour  offrir  immédiatement  le  combat. 

Le  vent  avait  beaucoup  augmenté  et  la  mer  était  devenue 
fort  grosse.  L'amiral  Howe  forma  une  division  légère  de 
5  vaisseaux  dont  il  donna  le  commandement  au  contre- 
amiral  Pasley  avec  ordre  d'attaquer  F  arrière-garde  fran- 
çaise; il  signala  ensuite  une  chasse  générale.  Vers  Z^  30™, 
il  fit  rallier  ses  vaisseaux,  laissant  la  division  légère  seule 
continuer  la  chasse.  A  4**,  le  Révolutionnaire  reçut  l'ordre 
de  prendre  la  queue  de  la  ligne  qui  s'étendait  beaucoup  ; 
les  vaisseaux  de  tête  diminuèrent  de  voiles^  les  deux  ar- 
mées étaient  alors  bâbord  amures.  A  6**,  le  Bëllerophon 
était  assez  près  du  Révolutionnaire  pour  engager  le  com- 
bat; cinq  quarts  d'heure  après,  il  était  obligé  de  se  retirer 
du  feu;  mais  le  Russel,  le  Marlborough  et  le  Thunderer 
étaient  alors  en  position  de  continuer  le  tombai  avec  le 
vaisseau  français  ;  placé  au  vent,  celui-ci  ne  pouvait  se  ser- 
vir de  sa  batterie  basse.  Le  Révolutionnaire  eut  sa  vergue 
de  misaine  et  celle  du  grand  hunier  coupées.  A  7^  30",  le 
commandant  en  chef  ayant  fait  signal  de  forcer  de  voiles, 
ce  vaisseau  resta  de  l'arrière  et  il  tomba  sous. le  vent;  le 
Leviathan  et  I'Audacious  se  joignirent  aux  vaisseaux  qui  le 


334  BATÂILLE&*--4794. 

combattaient  déjà.  A  0^  80",  le  capitaine  Vandongen  fut 
tué  et  remplacé  par  le  troisième  lieutenant  Renaudeau; 
le  premier  lieutenant  avait  reçu  une  blessure  grave;  le 
deuxième  avait  été  tué.  Accablé  par  le  nombre,  le  Révo^ 
lutUmnaire  allait  probablement  succomber,  si  l'amiral  Howe 
n'eût'  fait,  à  ce  moment,  le  signal  de  ralliement.  Le  lieu* 
tenant  Renaudeau,  blessé  dès  qu'il  parut  sur  le  pont,  avidt 
remis  le  commandement  au  lieutenant  Dorré.  Cet  officier 
fit  gouverner  de  suite  à  r£.-N.-£.;  le  feu  avait  entièire'- 
ment  cessé  à  10\  Le  Révolutionnaire  démâta  de  son  m&t 
de  misaine  et  de  son  grand  mât  pendant  la  nuit.  Le  Jour 
suivant,  il  rencontra  Y  Audacieux  et  la  frégate  Y  Unité  de  U 
division  du  contre-amiral  Nielly  ;  le  vaisseau  le  prit  à  la 
remorque  et  ils  mouillèrent,  le  8  juin,  sur  la  rade  de  rtls 
d'Aix.  Le  vaisseau  anglais  Auoagious,  qui  avait  été  fort 
maltraité ,  fit  route  pour  Plymouth.  Rencontré  par  la  fré- 
gate de  36*  la  Bellone^  il  fut  canonné  pendant  une  demi- 
heure  et  put  ensuite  continuer  sa  route. 

Les  deux  armées  coururent  tribord  amures  toute  la  nuit. 
Le  S9  au  matin,  elles  étaient  distantes  d'environ  6  milles, 
celle  de  la  République  toujours  au  vent  qui  était  encore 
très-frais  du  S.-S.-O.  L'armée  anglaise  ayant  viré  à  7*  80», 
son  avant-garde  fut  canonnée  par  T  arrière-garde  française, 
mais  à  une  distance  telle,  qu'elle  ne  riposta  pas.  A  8^, 
l'armée  française  prit  aussi  les  amures  à  bâbord  par  un 
virement  successif  et  vent  arrière  et,  à  9**  15",  le  com- 
mandant en  chef  signala  à  Tavant-garde  de  serrer  l'en- 
nemi au  feu.  Le  Montagnard^  qui  tenait  la  tête  de  la  ligne, 
laissa  arriver  ainsi  que  les  vaisseaux  qui  le  suivaient  et, 
trois  quarts  d'heure  après,  il  commença  le  feu.  Le  combat 
devint  bientôt  très-vif  sur  ce  point.  Mais  pendant  que  cha- 
cun des  vaisseaux  de  cette  avant-garde  combattait  deux 
et  jusqu'à  trois  vaisseaux  ennemis,  le  commandant  en  chef 
maintenait  le  reste  de  son  armée  fort  loin  au  vent,  sans 
paraître  trop  s'inquiéter  du  résultat  de  cette  lutte  inégale. 
Vers  midi  cependant,  le  Montagnard  demanda  à  être  retiré 


BATAILLES. -^1794.  835 

du  feu.  L'amiral  anglais»  qui  ne  semble  pas  avoir  tiré  tout 
le  parti  possible  du  mode  d'attaque  des  Français,  fit,  ep 
ce  moment,  signal  de  virer  de  bord.  Ce  signal  né  futSBii(9^ 
doute  pas  aperçu,  car  peu  de  vaisseaux  virèrent  de  suite  ; 
il  est  vrai  que  plusieurs  avaient  éprouvé  des  avaries  assez 
graves  pour  n'exécuter  cette  manœuvre  qu'avec  dif&culté. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  ligne  anglaise  se  trouva  dès  lorscoiq* 
pléiement  déformée.  Le  contre-amiral  Villaret  jugea  le 
moment  favorable  pour  faire  donner  le  corps  de  bataille 
ainsi  quel' arrière-garde  et  laissa  arriver  de  manière  à  croispr 
la  route  des  Anglais.  Ainsi,  pendant  que  Tavant-garde  gou- 
vernait au  O.-N.-O.,  au  plus  près  du  vent,  et  l'armée  aif* 
glaise  à  l'E.-S.-Ë. ,  à  peu  près  sans  ordre,  les  deux  der- 
nières escadres  de  l'armée  française  prenaient  une  directi^ 
qui  devait  être  le  Nord  ou  leN.-N.-O.,  couraqt  obliquement 
sur  l'ennemi.  Il  s'ensuivit  une  vigoureuse  canonnade  à  con- 
tre-bord. Bientôt,  l'avant-gardefrançaise  se  trouva  seule  sur 
le  champ  de  bataille  où  elle  avait  combattu,  puisque  l'en- 
nemi  suivait  une  route  diamétralement  opposée  à  la  sienne  ; 
elle  ne  reçut  cependant  qu'à  2^  80"^  l'ordre  de  virer  pour 
se  rapprocher  du  reste  de  l'armée  et  le  signal  lui  enjoi- 
gnait de  le  faire  vent  devant  par  1^  contre*marche.  L'exé* 
cution  de  cet  ordre  n'était  pas  possible.  Le  Montagnard 
demandait  une  remorque  et  les  autres  vaisseaux  de  l'avant* 
garde  avaient  leur  grément  et  leurs  voiles  trop  endomma* 
gés  pour  réussir  à  virer  vent  devant.  Les  deux  armées 
courant  Tune  sur  l'autre,  se  rencontrèrent  promptement, 
et  aucune  des  deux  ne  se  dérangeant  de  sa  route,  les  vais- 
seaux se  mêlèrent.  Le  vaisseau  amiral  anglais  Queen  Chab- 
LOTTE  passa  derrière  YÊole,  sixième  vaisseau  de  queue, 
prit  les  mêmes  amures  que  lui  et  le  combattit  au  vent.  Le 
Bellerophon  s'adressa  au  Terrible  qui  avait  démâté  de  son 
petit  mât  de  hune  et  sur  l'avant  duquel  il  avait  passé  ;  ce 
vaisseau,  pàrsuite  de  la  position  sous  le  vent  du  Jyrannictdtf 
et  de  r indomptable,  était  de  fait  le  serre-iile  de  la  ligqe. 
Donnant  dans  le  même  créneau,  le  Levutuàbt  prit  poste  au 


336  BATAILLES.— 1794. 

vent  des  deux  vaisseaux  souventés.  L'Orion  et  le  Barfjjsur 
passèrent  entre  le  Tyrannicide  et  Y  Indomptable  et  portèrent 
principalement  leurs  coups  sur  le  dernier,  a  Mais,  dit  le 
contre-amiral  Villaret  dans  son  rapport,  les  Anglais  trou- 
vèrent une  résistance  qui  doit  immortaliser  Dordelin  et  La- 
mesle.  »  Dès  que  le  commandant  en  chef  s'aperçut  de  la 
position  fâcheuse  de  son  arrière-garde,  il  signala  de  virer 
vent  devant  par  la  contre-marche  pour  aller  la  dégager. 
Il  était  i}".  Les  vaisseaux  tardant  à  répondre  à  ce  signal 
qui  demandait  une  exécution  immédiate,  le  contre-amiral 
Villaret  prit  l'initiative  à  â""  45"  et,  ordonnant  de  se  placer 
par  rang  de  vitesse,  il  se  mit  à  la  tête  de  la  colonne.  Tous 
virèrent  plus  ou  moins  tard,  à  l'exception  du  Montagnard 
qui  continua  vers  l'Ouest.  L'amiral  anglais  n'attendit  pas 
leur  arrivée  ;  il  rallia  ses  vaisseaux.  Les  deux  armées  se 
canonnèrent  encore  quelque  temps  et  le  feu  cessa  en- 
tièrement à  5^.  Les  Français  qui  avaient  perdu  l'avantage 
du  vent  reprirent  les  amures  à  bâbord  et  chacun  travailla 
à  réparer  ses  avaries.  V Indomptable  en  avait  de  consi- 
dérables dans  toutes  ses  parties.  Le  Tyrannicide  et  loi 
n'avaient  plus  que  leurs  bas  mâts.  Le  Brutus  prit  T/fi- 
domptable  à  la  remorque  et  le  conduisit  à  Brest  ;  le  ilfonl- 
blanc  les  escorta.  Du  côté  des  Anglais,  les  vaisseaux  Queer, 
Royal  George,  Soyereign  et  Invincible  avaient  le  plus 
souffert. 

Le  Montagnard  avait  eu  tout  d'abord  sa  vergue  de  petit 
hunier  coupée.  A  1^,  le  vaisseau  qu'il  combattait  se  retira 
et  le  laissa  réparer  le  désordre  de  son  grément  qui  était 
haché.  Lorsque,  plus  tard,  le  commandant  en  chef  ordonna 
de  virer,  le  capitaine  Bompard  signala  ne  pouvoir  le  faire 
et  demanda  une  remorque.  La  mâture  du  Montagnard  était 
tellement  transpercée  par  les  boulets,  qu'il  n'osa  changer 
d'amures  dans  la  crainte  de  la  voir  s'abattre;  il  travailla 
à  l'assujettir  et  vira  à  à^.  La  frégate  la  Seine^  qui  s'était  ap- 
prochée de  lui  lorsqu'il  avait  signalé  des  avaries,  le  prit  à 
la  remorque.  Une  brume  très-épaisse  ne  permettait  plus 


BATAILLES.  — 1794.  337 

d'apercevoir  Farinée  (1)  ;  quelques  vaisseaux  se  voyaient 
dans  le  lointain,  mais  il  était  impossible  de  distinguer  à 
laquelle  des  deux  nations  ils  appartenaient.  Le  capitaine 
Bompard  envoya  la  Seine  les  reconnaître;  le  capitaine 
Cornic  (Yves),  de  retour  à  2^  du  matin,  déclara  que  cela 
ne  lui  avait  pas  été  possible.  La  brume  continua  toute  la 
journée;  au  jour,  il  n'y  avait  plus  un  seul  bâtiment  en 
vue.  Le  capitaine  Bompard  gagna  alors  le  rendez-vous 
indiqué  dans  ses  instructions  et  il  y  rencontra  le  contre- 
amiral  Vanstabel  qui  lui  donna  l'ordre  de  le  suivre. 

La  plupart  des  historiens  qui  ont  rapporté  le  combat 
naval  du  29  mai  (9  prairial)  ont  attribué  à  Tinexpérience 
et  au  manque  de  connaissances  tactiques  de  quelques  capi- 
taines la  non-exécution  du  signal  de  virer  de  bord  fait  par 
le  commandant  en  chef.  Si  Ton  tient  compte  de  la  manière 
dont  se  faisaient  les  promotions  à  cette  époque,  et  qu'on 
jette  les  yeux  sur  les  états  de  services  des  officiers  auxquels 
était  confié  le  commandement  des  vaisseaux  de  la  princi- 
pale armée  navale  de  la  République,  nul  doute  qu'on  ne 
soit  autorisé  à  penser  que,  dans  cette  occasion,  plusieurs 
durent  n'être  pas  à  la  hauteur  de  la  position  que  les  circon- 
stances leur  avaient  faite.  Il  serait  injuste,  toutefois,  de 
ne  pas  admettre  que  des  signaux  non  répétés,  ou  au  moins 
répétés  d'une  manière  imparfaite,  purent  nç  pas  être 
aperçus.  Cela  ayant  eu  lieu  dans  l'armée  anglaise,  cette 
hypothèse  n'est  pas  inadmissible  en  faveur  des  capitaines 
français. 

Toujours  observé  par  les  Anglais,  le  contre-amiral  Vil- 
laret  continua  de  courir  au  N.-O.  Le  30,  le  convoi  d'Amé- 
rique passa  sur  le  lieu  même  du  combat.  Ce  jour-là,  le 
contre-amiral  Nielly  rallia  avec  le  Sans-Pareil^  capitaine 
Courand,  le  Trajan^  capitaine  Dumou*ier,  et  le  Téméraire^ 
capitaine  Morel  (Henry).  Le  vaisseau  de  78°  le  Trente-et-un- 


(1)  Aucon  autre  rapport  que  celai  da  Montagnard  oe  fait  mention  de  ce 
brouillard  le  jour  même  da  combat. 

II.  «2 


3S8  BATAILLES.— 4794. 

Mai  (1),  capitaine  Ganteaume  (Honoré)  se  joigidt  égale» 
ment  à  l'armée,  ce  qui  la  porta  à  20  vaisseaux.  L'amiral 
Howe  pouvait  en  mettre  35  en  ligne. 

Une  brume  très-épaisse  enveloppa  les  deuiE  armées  pen*- 
dant  trente-six  heures  et,  durant  ce  temps,  elles  ne  8'a« 
perçurent  qu'à  de  rares  intervalles;  le  ciel  ne  redevint 
clair  que  le  1*'  juin  (18  prairial).  L'armée  anglaise  avait 
conservé  le  vent  qui  soufflait  du  Sud  au  S.*S.-^E.  et,  ainsi 
que  celle  de  la  République,  elle  courait  bâbord  amu« 
res.  Le  contre-amiral  Nielly  porta  son  pavillon  sur  le 
Républicain^  et  plusieurs  changements  furent  prescrits  dans 
l'ordre  de  bataille  qui  fut  établi  comme  il  suit  :  Convention. 
Gasparin,  America^  Téméraire,  Terrible^  Impétueux^  Jlfu- 
cius^ÊoUf  Iburville,  Trajan^  Tyrannicide,  Juste,  Montagne^ 
Jacobin,  Achille,  Vengeur,  Northumberlani,  Patriote,  En* 
treprenant,  Neptune,  Jemmapes,  Trente-et-un-Mai,  J3éptf« 
blicain,  Sans-Pareil,  Scipion,  Pelletier,  L'amiral  Howe 
intervertit  aussi  l'ordre  de  ses  vaisseaux  et  les  rangea 
ainsi  :  C^sar,  Bellerophon,  Leviâthan,  Russel,  Royal 
SovEREiGN,  Mârlborough,  Defenge,  Impregnarle,  Treush- 
nous,  Barfleur,  Invincible,  Gulloden,  Gibraltar,  Qukbv 
Charlotte,  Brunswick,  Valiant,  Orion,  Qdeen,  Ramilics, 
Alfred,  Montagu,  Royal  Georges,  Majestic,  Glort, 
Thunderer-  Après  quelques  manœuvres  préparatoires, 
l'armée  anglaise  laissa  porter  tout  à  la  fois,  à  8**  du  matiiit 
sur  celle  de  la  République,  alors  en  panne,  et  chaque  vais- 
seau ennemi  se  dirigea  sur  celui  qui  lui  correspondait  dans 
la  ligne  française.  L'amiral  Howe  avait  signalé  qu'il  se  por- 
tait sur  le  centre  avec  l'intention  de  couper  la  ligne  ;  mais 
il  laissait  chaque  capitaine  libre  d'attaquer,  comme  il  l'en- 
tendrait, le  vaisseau  français  qui  lui  correspondait.  Tons 
étaient  sous  les  huniers.  A  8**  45™, — 9*»  24*"  suivantla  relation 
anglaise, — les  vaisseaux  de  tète  de  l'armée  française  ouvri- 
rent le  feu,  à  grande  distance  ;  les  Anglais  ne  ripostèrent 

(1)  L'ancien  Orion. 


BATAILLES.  —1794.  339 

qu'un  quart  d'heure  plus  tard.  L'obliquité  de  la  ligne  en- 
nemie ne  permit  pas  que  l'attaque  fût  instantanée.  La  plu* 
part  des  vaisseaux  anglais  restèrent  au  yent  ;  quelque»-unft 
cependant  traversèrent  la  ligne,  et  œs  derniers  dirigèrent 
de  préférence  leurs  coups  sur  ceux  des  vaisseaux  français 
qui  étaient  déjà  attaqués  de  l'autre  bord.  Une  fumée  épaisM 
enveloppa  bientôt  les  combattants  et  jeta  dans  leurs  rangs 
la  confusion  la  plus  grande.  Français  et  Anglais  étaient 
confondus  et,  pendant  près  de  deux  heures,  chacun  fut 
libre  de  ses  mouvements.  L'effrayante  canonnade  qui  avflût 
ainsi  voilé  la  lumière  se  ralentit  naturellement  beaucoup»  ou 
du  moins  elle  ne  fut  plus  Concentrée  sur  un  espace  aussi 
restreint  qu'au  commencement  de  la  bataille*  La  fumée  ss 
dissipapeu  à  peu,  et  l'on  put  enfin  se  reconnaître.  Il  pouvait 
alors  être  10^  du  matin.  Quelle  ne  dut  pas  être  la  surprisa 
du  commandant  en  chef  lorsque,  à  cette  heure,  le  nuage  de 
fumée  qui  enveloppait  la  Montagne  venant  à  se  dissiper,  il 
se  vit  seul,  sans  aucun  des  vaisseaux  de  son  armée  devant 
ni  derrière  lui,  à  l'exception  du  Terrible  démâté  de  son 
grand  mât  et  de  son  mât  d'artimon  (1).  Bientôt  cependant 
il  en  aperçut  quelques-uns  sous  le  vent,  à  6  milles  enyinm, 
et  il  leur  fit  signal  de  virer  vent  devant.  Ce  signal  né  fut 
probablement  pas  aperçu  ;  toujours  «st-il  qu'il  ne  fut  pas 
exécuté.  Le  vaisseau  amiral  ne  pouvait  pourtant  pas  reste!* 
isolé.  Persuadé  que  l'armée  entière  était  souventée  et  qild# 
seul,  le  vaisseau  la  Montagne  s'était  maintenu  à  son  postOt 
à  midi,  le  commandant  en  chef  donna  à  son  capitaine  de 
pavillon  Tordre  de  laisser  arriver  sur  le»  vaisseaux  si- 
gnalés. Il  ne  lui  vint  pas  à  l'idée  que  d'autres  vaisseaui 
pussent  être  au  vent  du  sien  ou,  du  moins,  il  estima  qoe^ 


(1)  Ce  sont  les  propres  expressions  du  commaBdaat  ei  tM;  elpoortatt  m 
plan  dressé  par  le  major  général  de  l'armée,  aussitôt  que  la  fumée  fut  dissipée» 
place  le  Téméraire  et  le  Terrible  devant  la  Montagne  ;  l'Entreprenant,  te 
Neptune  et  le  Scipion,  dans  ses  eaux;  to  Trer^et-un-Mai  «t  \%  Stéputiicaà» 
nn  peu  au  vent  et  de  l'arrière.  Ce  plaa  constate  au3si  une  grande  exagératioa 
dans  l'appréciation  des  distances. 


340  BATAILLES.  — 1794. 

s'il  y  en  avait,  il  leur  serait  toujours  facile  de  le  rallier 
sous  le  vent.  Cette  appréciation  de  la  situation,  quelle  que 
fût  sa  valeur,  eut  le  résultat  le  plus  funeste.  L'armée  n'é- 
tait pas  en  entier  sous  le  vent  de  la  Montagne;  10  vaisseaux 
étaient  au  vent  et,  chose  assez  étrange  mais  qu'il  n'étaitguère 
possible  de  prévoir,  ces  vaisseaux  étaient  précisément  ceux 
qui  avaient  le  plus  souffert.  Ils  ne  tardèrent  pas  à  être  si- 
gnalés; tous  étaient  plus  ou  moins  désemparés,  plus  ou 
moins  incapables  de  se  mouvoir.  Quelques-uns  avaient 
une  voile,  la  civadière.  Ceux  qui  n'avaient  même  plus  cette 
ressource,  incapables  de  faire  tourner  leur  avant  dans  la 
direction  du  vaisseau  amiral,  étaient  comme  cloués  à  leur 
place.  Plusieurs  combattaient  encore.  Le  commandant  en 
chef  comprit  qu'il  ne  pourrait  se  porter  trop  promptement 
au  secours  de  ces  vaisseaux,  et  il  ordonna  de  suite  à  ceux  qui 
l'entouraient  de  virer  de  bord.  Cet  ordre  ne  fut  exécuté  que 
partiellement  ;  quelques  capitaines  prétendirent  ne  l'avoir 
pas  vu,  d'autres,  n'avoir  pu  y  donner  suite  à  cause  de  l'état 
de  leur  propre  vaisseau.  Ce  mouvement  procura  à  plusieurs 
vaisseaux  des  deux  armées  l'occasion  d'échanger  quelques 
bordées  et  il  eut  pour  résultat  de  dégager  le  Rèptiblicain^ 
le  Mucius^  le  Scipionet  le  Jemmapes,  Mais  ces  à  vaisseaux 
bénéficièrent  seuls  de  la  manœuvre  de  leur  armée  ;  les 
ô  autres,  plus  maltraités  qu'eux,  étaient  plus  au  vent, 
pêle-mêle  avec  les  Anglais,  et  ne  purent  être  atteints  à  la 
bordée.  Le  commandant  en  chef  se  borna  à  donner  l'ordre 
aux  frégates  et  aux  corvettes  d'aller  les  dégager  en  les 
prenant  à  la  remorque  :  les  unes  et  les  autres  répondirent 
qu'il  n'y  avait  pas  un  seul  Français  dans  le  groupe  des  vais- 
seaux démâtés.  Le  fait  est  qu'il  n'y  avait  pas  un  seul  pavil- 
lon tricolore  arboré  ;  mais  cela  n'était  pas  im  preuve,  et  nul 
n'aurait  contesté  aux  frégates  et  aux  corvettes,  autrement 
qu'avec  le  canon,  le  droit  de  délivrer,  de  reprendre  un 
vaisseau  français  amené,  les  couleurs  de  la  Grande-Breta- 
gne eussent-elles  flotté  à  sa  poupe.  Le  commandant  en 
chef  n'insista  pas.  Seulement,  peu  confiant  dans  le  rapport 


BATAILLES.  — 1794.  341 

qui  lui  avait  été  fait,  et  voulant  donner  aux  vaisseaux  qui 
manquaient  le  temps  de  rallier,  il  mit  en  panne  et  y  resta 
jusqu'à  S""  du  soir  sans  être  aucunement  inquiété  par  l'en- 
nemi. Aucun  vaisseau  français  n'ayant  paru,  il  fit  alors 
route  au  N.-O.  avec  19  vaisseaux  et  en  abandonna  6  sur 
lesquels  3  seulement  avaient  été  amarinés. 

Cet  exposé  succinct  ne  pouvant  donner  qu'une  idée  in- 
complète de!  cette  bataille,  je  vais  suivre  isolément  la  ma- 
nœuvre de  chacun  des  vaisseaux.  Ce  travail  présente  quel- 
ques difficultés,  parce  que  M.  James  (1),  auquel  j'ai  parfois 
recours  pour  les  détails  et,  d'après  lui  probablement,  quel- 
ques historiens  français  ont  donné  à  l'armée  française  un 
ordre  de  bataille  erroné.  Il  en  résulte  que  l'historien  de  la 
marine  de  la  Grande-Bretagne  cite  souvent  à  tort  tel  vais- 
seau français  comme  ayant  été  l'adversaire  d'un  vaisseau 
anglais.  Sans  trop  oser  me  flatter  de  n'avoir  pas  commis 
quelques  erreurs,  j'ai  l'espoir  d'être  aussi  près  que  possi- 
ble de  la  vérité.  Mais  avant  d'entrer  dans  ces  détails,  je 
vais  essayer  d'expliquer  comment  l'armée  de  la  Répu- 
blique se  trouva  morcelée  dès  le  commencement  de  la 
bataille. 

Pour  qui  connaît  les  difficultés  de  l'ordre  de  marche  sur 
une  ligne  de  relèvement,  il  est  évident  que  tous  les  vais- 
seaux anglais  ne  durent  pas  se  trouver,  en  même  temps, 
en  position  d'engager  le  combat.  Dans  le  nombre  de  ceux 
qui  coupèrent  la  ligne,  quelques-uns  combattirent  le  vais- 
seau français  sur  l'arrière  duquel  ils  avaient  passé,  tandis 
que  d'autres  doublèrent  ce  vaisseau  et  en  attaquèrent  un 
autre  que  celui  qui  correspondait  à  leur  numéro  d' ordre - 
Quelques-uns  des  vaisseaux  de  la  République  restèrent 
ainsi  sans  adversaire  direct  et  se  trouvèrent  bientôt  dans 
Tobligation  de  faire  une  arrivée  pour  ne  pas  tomber  sur 
leur  chef  de  file  dont  les  avaries  retardaient  incessamment 
la  marche.  La  ligne  dut  donc  se  trouver  tout  d'abord  rom- 
— ^^i— »— ^-^i^— — — ^»—  I     — »i————^— j»^—»——— ^^-^——i»——»»i— ^— ««—«—— »^—^———— ~^ 

(1)  The  naval  history  of  Great  liritain. 


348  BATAILLES.*- 1794. 

pue,  brisée  dans  toute  sou  étendue  et,  au  milieu  de  la 
eonfuaion  toujours  croissante  qu'occasionnait  l'épaisse  fu«> 
mée  qui  enveloppait  les  deux  armées,  chacun  chercha  un 
chef  de  file,  un  guide  qui  pût  lui  indiquer  les  mouvements 
de  la  tête  de  la  colonne.  On  peut  admettre  que  les  vais- 
seaux qui  avaient  passé  sous  le  vent  de  la  ligne  se  suivi* 
rent,  sans  trop  savoir  où  ils  allaient,  sans  s'inquiéter  qui 
les  dirigeait  et  sans  se  préoccuper  davantage  de  la  canon- 
nade qui  grondait  toujours  non  loin  d'eux,  mais  en  se  nu- 
lentissant  cependant.  On  peut  donc  supposer  que  si  quel- 
ques capitaines  s'éloignèrent  sciemment  du  théâtre  du 
combat,  d'autres  prirent,  de  bonne  foi,  une  direction  qu'Us 
croyaient  suivie  par  l'armée  entière.  Les  vaisseaux  qui 
couraient  ainsi  n'ayant  pris  qu'une  part  très-secondaire  à 
la  bataille  durent  s^éloigner  promptement  de  leurs  compa* 
gnons,  dégréés  déjà,  et  tenant  le  plus  près  du  vent.  On  ne 
saurait  expliquer  autrement  la  présence  sous  le  vent  des 
vaisseaux  appartenant  aux  trois  escadres  de  l'armée  ft'an* 
çaise,  et  non  à  l' avant-garde  seulement,  ainsi  que  l'écrivit 
le  représentant  Jean  Bon  Saint-André,  et  que  d'autres 
l'ont  répété  après  lui.  L'inspection  du  plan  qui  fut  dressé 
à  10*"  du  matin  par  le  major  général  de  l'armée  et  la  liste 
des  vaisseaux  qui  furent  pris  ou  délivrés  établit  suflSsam« 
ment  cette  vérité,  qu'on  se  battit  sur  toutes  les  parties  de 
la  ligne  et  que  quelques  vaisseaux  isolés ,  ne  comprenant 
pas  bien  leur  rôle],  laissèrent  seuls  arriver  sans  y  être 
forcés, 

Le  CiESAR,  chef  de  file  de  l'armée  ennemie,  commença 
le  feu  à  8^  45"".  Il  s'était  placé  par  la  hanche  du  vent  de  la 
Convention  qu'il  combattit,  à  portée  de  pistolet,  sans  grand 
effet;  en  manœuvrant  pour  prendre  ce  poste,  le  vaisseau 
anglais  avait  été  canonné  par  le  Gasparin  que  le  Bellebo* 
PHON  combattait  au  vent  et  à  grande  distance.  Ce  dernier 
vaisseau,  démâté  de  ses  mâts  de  hune,  fut  retiré  du  feu 
par  la  frégate  Latona.  Le  contre-amiral  Pasley  avait  reçu 
une  blessure  assez  grave  pour  être  obligé  de  quilier  le 


BATAILLES.— 1794.  943 

ponu  Qusmt  au  Yaisseau  la  Convention^  enveloppé  bientôt 
dans  un  nuage  de  fumée  qui  lui  fit  perdre  l^armée  de  Tae« 
il  vira  vent  arrière,  passa  sous  le  vent  du  LbvuxbjlH,  lui 
envoya  sa  bordée  et  prit  le  plus  près  sur  l'autre  bord* 
A  3^  il  rallia  le  commandant  en  chef»  Le  Gasparin  imita  en 
tous  points  sa  manœuvre» 

Au  moment  où  les  deux  vaisseaux  de  téta  ouvraient  le 
feu,  VAmerica  était  attaqué  par  le  Levi4than.  Celuinci, 
après  une  heure  d'engagement,  le  démâta  de  son  mftt  de 
misaine  qui  tomba  sur  tribord*  Entraîné  sous  le  vent, 

Y  America  reçut  pendant  quelques  instants  Tappui  du  Goi- 
parin  et  de  la  Convention  dont  les  capitaines  ne  jugèrent 
pas  toutefois  devoir  s'arrêter*  Le  capitaine  Lbéritier  dut 
donc  continuer. un  combat  désavantageux  auquel  prirent 
plus  ou  moins  part  les  vaisseaux  ennemis  qui  aUlonnaient 
la  ligne,  et  il  ne  lui  fut  pas  possible  d'imiter  la  manœuvre 
de  la  Montagne,  A  2^,  son  grand  mât  tomba  sur  l'arriôre 
et  entraîna  le  mât  d'artimon  dans  sa  chute,  VAmertea  fut 
abandonné  dans  cet  état  ;  le  capitaine  du  Pelletier  çii  passa 
près  de  lui,  refusa  de  le  prendre  à  la  remorque*  Lê'véïnt 
laissé  à  Y  America  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Attaqué  de 
nouveau  sans  pouvoir  riposter,  dans  la  crainte  de  mettre 
le  feu  aux  voiles  qui  pendaient  le  long  des  murailles,  le 
capitaine  Lhéritier  fit  amener  le  paviUoni  VAmerica  fut 
amariné  par  le  RussEt.  Plus  tard«  le  capitaine  du  RoTiX 
SovEREiGN,  ignorant  ce  qui  s'était  passé,  lança  quelques 
boulets  au  vaisseau  français  dont  le  paiillon  était  œpen^ 
dant  déjà  amené;  et  se  prévalant  des  quelques  coups  de 
canon  qu'il  avait  tirés,  il  envoya  amariner  une  seconde  foia 

Y  America  et  renvoya  l'équipage  que  le  capitaine  du  RuMm 
avait  placé  sur  ce  vaisseau.  Le  Letutoan  n'avait  pas  dV 
varie  grave. 

Le  Téméraire  fut  attaqué  par  le  Russbl;  k  10^^  le  vaii-* 
seau  anglais  perdit  ^son  petit  mât  de  hunt*  L'ordre  d'ar- 
river, donné  alors  par  le  commandant  en  cbeft  fit  cesser 
le  combat  Le  Rdssbl  imita  la  maïuwwe  do  Timire^. 


344  BATAILLES.— 1794. 

mais  n'ayant  pu  le  suivre,  il  s'attacha  à  d'autres  adver- 
saires. 

Le  Terrible  se  trouva  opposé  au  Royal  Sovereign»  trois 
ponts  comme  lui,  et  portant  aussi  le  pavillon  d'officier  gé-> 
néral.  Le  combat  commença  à  grande  distance.  On  eût  dit 
que  c'était  en  hésitant  que  le  vaisseau  anglais  venait  pré- 
senter un  défi  à  son  redoutable  adversaire  ;  mais  bientôt, 
impatients  de  se  mesurer  de  plus  près,  les  deux  capitaines 
se  rapprochèrent.  A  10\  le  Terrible  fut  démâté  de  son 
grand  mât  et  du  mât  d'artimon,  et  arriva  vent  arrière.  Le 
Royal  Sovereign  le  suivit,  car  son  capitaine  ne  pouvait 
abandonner  une  entreprise  qui  ne  semblait  pas  devoir  pré- 
senter désormais  de  grandes  difficultés;  il  y  renonça  ce- 
pendant bientôt  pour  s'attacher  à  la  Montagne^  qu'il  ne 
combattit  du  reste  que  fort  peu  de  temps.  La  frégate  la 
Galathée  prit  alors  le  Terrible  à  la  remorque  et  imita  la 
manœuvre  de  la  Montagne^  lorsque  ce  vaisseau  se  rappro- 
cha de  ceux  qui  avaient  été  aperçus  sous  le  vent.  A  6**,  le 
Pelletier  remplaça  la  Galathée.  Le  contre-amiral  Graves 
avait  été  grièvement  blessé  dès  le  commencement  de  l'ac- 
tion. 

V Impétueux  fut  combattu  à  tribord  par  le  Marlborough 
qui  avait  traversé  la  ligne  derrière  lui  et  s'était  placé  par 
son  travers.  A  lO*'  15™,  le  feu  prit  à  son  petit  hunier;  la 
chute  du  mât  de  hune  dans  la  mer  fit  heureusement  cesser 
les  craintes  occasionnées  par  cet  événement  ;  le  capitaine 
Douville,  dangereusement  blessé,  venait  de  remettre  le 
commandement  au  lieutenant  Lacoste.  Ce  dernier  eut 
presque  aussitôt  la  mâchoire  fracassée  et  fut  remplacé  par 
le  lieutenant  de  vaisseau  Teillard.  Cet  officier  avait  à  peine 
pris  son  nouveau  poste,  que  le  mât  de  misaine  s'abattit  en 
arrière  sur  le  pont  à  tribord.  Privé  des  voiles  de  l'avant, 
Y  Impétueux  ne  gouverna  plus  et  il  tomba  en  grand  sur  son 
adversaire.  Le  Mucius  qui  suivait  Y  Impétueux^  arrêté  dans 
sa  marche  par  ces  deux  vaisseaux  qu'il  n'eut  pas  le  temps 
d'éviter,  aborda  le  Marlborough  par  la  hanche  de  tribord 


BATAILLES.  — 1794.  345 

et  lui  abattit  son  mât  d'artimon  (1) ,  mais  il  démâta  en 
même  temps  de  tous  ses  mâts.  Le  Marlborough  fut  dégagé 
par  la  frégate  Aquilon.  Vers  l""  15"*,  le  lieutenant  Teillard 
aperçut  Tarmée  à  4  milles  sous  le  vent.  On  Ta  déjà  dit, 
Y  Impétueux  n'avait  plus  de  voiles  de  l'avant  ;  son  gouver- 
nail était  brisé  ;  il  fallut  renoncer  à  se  diriger  de  ce  côté. 
Le  Gasparin  et  la  Convention  passèrent  auprès  de  lui,  et 
bien  que  ces  vaisseaux  n'eussent  pas  d'avaries  apparentes, 
ils  continuèrent  leur  route  sans  lui  donner  aucun  secours; 
leurs  capitaines  alléguèrent  l'obligation  d'exécuter  le  signal 
de  ralliement  fait  par  la  Montagne.  Enveloppé  par  plusieurs 
vaisseaux  ennemis  et  coulant  bas  d'eau  V Impétueux  amena 
son  pavillon  à  Z^  30"  et  fut  amariné  par  le  Rdssel  (2). 

Le  Defence  coupa  la  ligne  sur  l'arrière  du  Muciusj  le 
combattit  par  le  travers  et  perdit  de  suite  son  grand  mât 
et  son  mât  d'artimon.  Malheureusement,  dans  ce  moment, 
le  Mucius  abordait  le  Marlborough,  et  le  capitaine  Lar- 
réguy  dut  abandonner  son  adversaire  à  YÊole:  Rasé  lui- 
même  comme  un  ponton  par  suite  de  cet  abordage,  le 
Mucius  se  trouva  seul  lorsque  le  vaisseau  anglais  eut  été 
retiré  du  feu.  Attaqué  plus  tard  par  le  Russel,  le  capitaine 
Larréguy  fit  amener  le  pavillon. 

VËole,  sur  l'avant  duquel  le  Defence  avait  coupé  la 
ligne,  malgré  la  vive  canonnade  qu'il  avait  dirigée  sur  le 
vaisseau  anglais  pendant  que  celui-ci  lui  présentait  l'a- 
vant, YÊole  remplaçant  le  Mucius  ne  put  empêcher  la  fré- 
gate PiïAETON  de  dégager  ce  vaisseau.  Le  capitaine  Ber- 
trand Keranguen  reçut,  dès  le  commencement  delà  bataille, 
uneblessure  dont  il  mourut  quatre  jours  après  et,  à  11**,  il  fut 
remplacé  par  le  lieutenant  Benoist.  VÊole  laissa  alors  ar- 
river, et  après  avoir  canonné  le  Leviathan  en  passant,  il 


(1)  C'est  probablemeDt  par  erreur  que  M.  James,  rhistorien  de  la  marine  an- 
glaise, dit  que  l'abordage  eut  lieu  par  Tavant.  Il  est  difficile  de  concevoir  qu'en 
passant  sous  le  vent,  un  vaisseau  aborde  par  l'avant  un  bâtiment  placé  devant 
lui  dans  la  ligne. 

(2)  Ce  vaisseau  brûla  le  29  août,  dans  le  port  de  Porstmouth. 


346  BATAILLES.— 1794. 

rallia  les  vaisseaux  souventés  dont  il  devint  le  chef  de  file. 
Plus  tard»  il  exécuta  Tordre  de  virer  donné  par  le  com- 
mandant en  chef  qu'il  venait  d'apercevoir  sous  le  veot* 

Le  Tourville^  le  Trajan  et  le  Tyrannicide  furent  peu  vi- 
goureusement attaqués  et  ne  combattirent  qu'accidenteU 
lement.  S' attachant  à  suivre  chacun  son  chef  de  file,  leurs 
capitaines  allèrent  former  sous  le  vent  ce  groupe  vers  lequel 
le  commandant  en  chef  se  dirigea  plus  tard.  Le  Trajan 
avait  le  Tyrannicide  à  la  remorque  depuis  le  20  juin. 

Après  avoir  combattu  la  Montagne  et  le  Jacobin^  le 
vaisseau  anglais  du  commandant  en  chef  Quken  Ghar«* 
LOTTE,  qui  avait  perdu  ses  deux  mâts  et  vergues  de  hune, 
se  porta  par  le  travers  de  dessous  le  vent  du  Juste^  attaqué 
déjà  à  bâbord  par  I'Inyingible  et  à  tribord  parle  Gibraltar. 
Dès  le  commencement  de  l'action,  le  capitaine  Blavet  re« 
çut  une  blessure  qui  le  força  de  quitter  le  pont  à  10**;  il 
remit  le  commandement  au  lieutenant  de  vaisseau  Gam-* 
bernon.  Dans  cette  lutte  inégale,  le  Juste  fut  entièrement 
démâté  ;  son  grand  mât  et  son  mât  d'artimon  furent  abat- 
tus sur  la  dunette  ;  le  mât  de  misaine  tomba  sur  le  pont  i 
bâbord.  La  batterie  des  gaillards  se  trouva  ainsi  engagés 
dans  toute  sa  longueur  ;  la  deuxième  batterie  était  déjà  pres« 
que  complètement  désemparée.  Les  adversaires  du  vaisseau 
français  n'étaient  du  reste  guère  en  meilleur  état;  le  vaisseau 
amiral  avait  perdu  son  dernier  mât  de  hune  ;  le  Gibraltar 
était  rasé  de  tous  ses  mâts.  Le  Juste  se  dégagea  à  l'aide 
de  sa  civadière  et  d'un  foc  hissé  sur  un  bout-dehors  et,  en 
passant  derrière  le  vaisseau  de  l'amiral  anglais,  il  lui  en- 
voya, comme  adieux,  une  bordée  entière  en  poupe.  Le  ca- 
pitaine Blavet  était  remonté  sur  le  pont  après  un  premier 
pansement,  mais  il  se  vit  dans  la  nécessité  de  descendre 
de  nouveau  dans  sa  chambre.  A  4**  30",  entouré  par  plu- 
sieurs vaisseaux  ennemis,  le  Juste  amena  son  pavillon  et 
fut  amariné. 

Il  était  9^  30""  lorsque  le  Quebn  Gharlottb  qui,  depuii 
quelque  temps  déjà,  était  le  point  de  mire  des  canons  dé 


BATAILLES.— 1794.  347 

tous  les  vaisseaux  du  centre,  coupa  la  ligne  derrière  la 
Montagne  en  lui  envoyant  une  désastreuse  bordée  d'enfi- 
lade. La  manœuvre  de  ce  vaisseau  était  parfaitement  in- 
diquée par  sa  manière  dé  gouverner  :  elle  ne  pouvait 
laisser  de  doutes  sur  son  intention  de  traverser  la  ligne. 
Le  capitaine  Bazire  crut  pouvoir  l'en  empêcher  en  mettant 
son  grand  hunier  et  son  perroquet  de  fougue  sur  le  mât. 
De  son  côté,,  le  capitaine  Gassin  du  Jacobin^  matelot  d'ar- 
rière du  vaisseau  amiral,  dans  le  but  aussi  d'empêcher  le 
QuEEN  Charlotte  de  passer  devant  lui,  força  de  voiles  en 
même  temps  que  le  vaisseau  amiral  en  diminua.  Il  en  ré- 
sulta que  les  deux  vaisseaux  se  trouvèrent  tout  à  coup  l'un 
sur  l'autre  et  que,  jpour  éviter  un  abordage,  le  capitaine 
Gassin  dut  faire  une  légère  arrivée  et  sortir  de  la  ligne. 
Quelque  fâcheuse  que  fût  cette  détermination,  elle  était 
devenue  indispensable  par  la  manœuvre  de  la  Montagne  ; 
elle  eut  même,  dans  cette  circonstance,  le  résultat  heureux 
de  contrarier  beaucoup  le  capitaine  du  Queen  Charlotte, 
car,  après  avoir  dépassé  la  Montagne,  il  trouva  sous 
son  beaupré  un  autre  vaisseau  qui  lui  rendit  largement 
les  coups  qu'il  avait  portés  au  commandant  en  chef  de 
l'armée  française.  Le  capitaine  Curtis  prit  le  seul  parti 
qui  lui  restât  ;  il  loiTa  en  grand  et  se  trouva  pris  entre 
deux  vaisseaux  qui  le  canonnèrent  vigoureusement.  Mal* 
heureusement ,  le  capitaine  du  Jacobin  ne  sut  pas  con- 
server cet  avantage  ;  il  fit  de  la  voile  et,  sans  motif  ap- 
préciable, il  s'éloigna  en  remontant  la  ligne.  Plus  tard,  il 
suivit  les  vaisseaux  qui  allèrent  s'établir  sous  le  vent.  Le 
Queen  Charlotte  fit  comme  le  Jacobin;  il  remonta  la  li- 
gne. Le  capitaine  Bazire  avait  été  une  des  premières  vic- 
times des  bordées  destructives  de  ce  vaisseau,  h^  Montagne 
eut  ensuite  à  combattre  le  Royal  Sovebeign,  puis  le  Va- 
liant.  Vers  10**,  après  quelque  répit  qui  permit  à  la  fumée 
de  se  dissiper,  le  commandant  en  chef  s' apercevant  que 
la  Montagne  était  isolée,  laissa  arriver  sur  un  groupe  de 
vaisseaux  qui  fut  signalé  sous  ït  vent  Chemin  faisw^  la 


348  BATAILLES.— 1791. 

Uontagne  eut  occasion  d'envoyer  [  au  Marlbobough  une 
bordée  qui  occasionna  une  blessure  au  capitaine  Berkeley. 
Quelque  temps  après»  le  vaisseau  amiral  vira  avec  ceux 
qu'il  avait  ralliés  pour  se  rapprocher  d'autres  vaisseaux 
aperçus  au  vent. 

Le  Brunswick  voulut  profiter  du  mouvement  du  Jacobin 
pour  couper  la  ligne  sur  l'arrière  de  ce  vaisseau  ;  mais  il 
en  fut  empêché  par  Y  Achille  qui  força  de  voiles  et  boucha 
le  créneau.  Cette  manœuvre  valut  à  Y  Achille  quelques  bou- 
lets qui  ne  lui  étaient  pas  destinés  ;  mais  distrait  par  le 
Vengeur,  le  Brunswick  cessa  de  s'occuper  de  lui  ;  il  eut 
alors  à  combattre  le  Vauant  et  le  Ramilies.  La  voilure  et  le 
grément  de  Y  Achille  étaient  dans  un  délabrement  tel,  que 
tous  les  vaisseaux  de  l'arrière-garde  le  dépassèrent.  A  midi 
IS"",  son  grand  mât  et  son  mât  d'artimon  s'abattirent  sur 
tribord  et  il  arriva  vent  arrière.  Presque  tous  ses  sabords 
étaient  couverts  par  des  débris  de  mâture,  par  des  voiles 
et  par  des  cordages.  Plusieurs  vaisseaux  ennemis  suivirent 
Y  Achille  et  continuèrent  à  le  canonner.  A  2*»,  il  perdit  son 
mât  de  misaine.  Privé  de  tous  ses  mâts  et  par  suite  de  ses 
voiles,  le  vaisseau  n'était  plus  appuyé  ;  il  roulait  beaucoup 
et  il  fallut  fermer  les  sabords  de  la  batterie  basse  pour 
empêcher  l'eau  d'y  entrer.  A  3^,  le  pavillon  de  Y  Achille  fut 
amené.  Les  vaisseaux  qui  le  combattaient  s'étant  alors 
éloignés  sans  l'amariner,  le  capitaine  Lavillesgris  fit  éta- 
blir la  voile  de  civadière  pour  rallier  l'armée  qu'il  venait 
d'apercevoir  à  4  ou  5  milles  sous  le  vent.  2  vaisseaux  dé- 
mâtés furent  pris  à  la  remorque  auprès  de  lui  par  des  fré- 
gates; une  corvette  sembla  disposée  à  lui  rendre  le  même 
service,  mais  quelques  boulets  lancés  par  des  vaisseaux 
ennemis  la  firent  s'éloigner,  et  à  à^  30°*,  Y  Achille  fut  ama- 
riné  par  le  Ramilies. 

Forcé  de  renoncer  h  traverser  la  ligne  sur  l'avant  de  VA- 
chille ,  le  capitaine  du  Brunswick  voulut  passer  sur  l'arrière  de 
ce  vaisseau,  mais  il  rencontra  un  nouvel  obstacle.  Dès  que 
le  capitaine  Renaudin,  du  Fen^eur,  eut  aperçu  sa  manœuvre. 


BATAILLES.  — 1794.  349 

il  augmenta  de  voiles  pour  lui  barrer  le  passage  et  il  l'obli- 
gea de  loffer  en  grand.  Les  deux  vaisseaux  étaient  alors  si 
rapprochés  que  T  Anglais  tomba  sur  le  Français  et  l'aborda 
de  long  en  long.  En  partie  dégréés  par  cet  abordage,  ils 
furent  entraînés  hors  de  la  ligne  et  alors  s'engagea  une 
lutte  qui  devint  terrible.  V Achille  prêta  un  moment  assis- 
tance au  Vengeur,  mais  la  fumée  le  lui  fit  perdre  de  vue. 
Vers  midi,  après  un  combat  de  trois  heures,  les  deux  vais- 
seaux se  dégagèrent.  Le  capitaine  Harvey  qui  venait  de 
recevoir  sa  troisième  blessure,  remit  le  commandement  à 
son  second.  Le  Brunswick  avait  perdu  son  mât  d'artimon  ; 
son  beaupré  et  son  mât  de  misaine  étaient  coupés  de  ma- 
nière à  ne  pouvoir  être  maintenus  debout.  Le  Ramilies,  qui 
venait  d'arriver  à  son  aide,  laissa  les  2vaisseaux  s'éloigner 
l'un  de  l'autre,  et  lorsqu'ils  furent  suffisamment  distants 
pour  que  ses  mouvements  ne  fussent  pas  gênés,  il  ouvrit 
sur  le  Vengeur  un  feu  d'autant  plus  vif  que,  n'ayant  pas 
d'avaries,  il  était  entièrement  maître  de  ses  mouvements. 
Il  l'abandonna  totalement  démâté,  mais  fort  endommagé 
lui-même  dans  toutes  ses  parties.  Le  Vengeur  avait  reçu 
un  grand  nombre  de  boulets  à  la  flottaison  et  presque  tous 
ses  mantelets  de  sabord  étaient  brisés.  Réduit  à  l'état  de 
ponton ,  il  était  ballotté  par  la  mer  et  embarquait  de  l'eau  par 
toutes  ces  ouvertures;  il  s'affaissait  d'une  manière  sensible 
.  sous  cette  surcharge,  malgré  les  efforts  de  l'équipage  à 
pomper.  L'eau  gagna  les  soutes  à  poudres  et  il  devint  dès 
lors  impossible  de  continuer  le  feu  ;  le  pavillon  n'en  fut  pas 
moins  maintenu  flottant.  Le  Trente-et-un-mai  s'approcha 
pour  dégager  le  Vengeur;  mais  assailli  par  plusieurs  vais- 
seaux ennemis,  il  s'éloigna.  Le  danger  que  courait  le  vais- 
seau français  devint  bientôt  imminent  pour  tout  le  monde, 
et  les  Anglais  émus  à  la  pensée  de  l'affreuse  catastrophe 
qui  menaçait  son  équipage,  cessèrent  de  tirer  sur  lui  et  lui 
envoyèrent  leurs  embarcations.  Toutes  furent  prompte- 
ment  remplies;  malheureusement,  elles  n'étaient  pas  assez 
nombreuses  pour  contenir  tout  l'équipage.  Il  n'y  avait  du 


380  BATAILLES.  — 1794. 

reste  pas  de  temps  à  perdre  :  cea  embarcationa  étatont  à 
peine  débordées,  que  le  Vengeur  disparut  avec  les  malheo* 
reuses  victimes  qui  étaient  restées  à  bord.  Quelques  hom- 
mes revinrent  sur  Teau  et  s'accrochèrent  les  uns  à  des 
mâts,  les  autres  à  des  débris;  250  furent  recueillis  par  les 
canots  de  F  Alfred,  du  Gulloden  et  par  le  cutter  Rattuis» 

Le  récit  qu'on  vient  de  lire  du  combat  du  vaisseau  le 
Vengeur  diffère  sur  bien  des  points  des  relations  qui  <mt 
été  données  de  cet  émouvant  épisode  de  la  bataille  du 
13  prairial.  Je  Tai  écrit,  après  avoir  consulté  plusieurs 
versions  anglaises,  ayant  sous  les  yeux  un  document  d*uas 
grande  valeur  historique,  le  Procès-verbal  de  TMnetnêni 
du  vaisseau  de  la  République  le  Vengeur  (1)«  Il  m*a  semblé 
qu'on  pouvait,  sans  aucun  inconvénient,  présenter  les  faits 
tels  qu'ils  se  sont  passés,  et  qu'il  n'était  plus  nécessaire, 
aujourd'hui,  d'entourer  la  belle  lutte  du  Vengeur  de  cett« 
auréole  quelque  peu  fantastique  d'héroïsme  dont,  en  l'an  II 
de  la  République,  et  au  commencement  d'une  guerre,  on 
s'était  servi  pour  enflammer  les  esprits  et  détourner  les 
regards  du  reste  du  tableau.  Voici  le  document  dont  j*âi 
parlé. 

Procès-verbal  de  l'événement  du  vaisseau  le  VengeuTé 


Aujourd'hui  premier  messidor,  an  second  de  la  Repu* 
blique  une  et  indivisible,  nous  soussignés,  capitaine,  offi- 
ciers, sous-chef  civil  et  autres  personnes  de  l'équipage  du 
vaisseau  le  Vengeur  du  peuple^  coulé  bas  le  treize  prairial 
dernier,  nous  trouvant  prisonniers  de  guerre  au  caution- 
nement de  Tavinstock,  en  Angleterre,  assemblés  pour  ré- 
diger le  récit  des  événements  qui  ont  précédé  et  entraîné 
la  perte  dudit  vaisseau  le  Vengeur  du  peuple^  faisant  parUe 
de  l'escadre  aux  ordres  du  contre-amiral  Villaret,  y  avons 
procédé  ainsi  qu'il  suit* 


(1)  Dépôt  des  cartes  et  plans  du  ministère  de  la  marine. 


BATAILLES.— 1794.  364 

Nous  trouvant,  le  9  dudit  mois  de  prairial  par  la  lati- 
tude de  47°  27'  Nord  et  par  la  longitude  de  17^  28'  Ouest 
du  méridien  de  Paris,  les  vents  de  la  partie  du  Sud,  na- 
viguant sur  trois  colonnes,  à  S"*  du  matin,  les  frégates  fran- 
çaises à  la  découverte  signalèrent  T  armée  ennemie  com- 
posée de  86  voiles  :  26  vaisseaux  de  ligne  dont  7  à  trois 
ponts,  1  de  50°  servant  d'hôpital,  4  frégates,  8  corvettes 
et  2  brûlots ,  le  tout  anglais.  Sur-le-champ ,  le  général, 
pour  mieux  reconnaître  Tennemi,  fit  arriver  Tannée  fran- 
çaise, en  conservant  toujours  Tordre  des  trois  colonnes. 
Lorsque  nous  fûmesàenviron  deux  lieues  deTarmée  anglaise, 
le  signal  fut  fait  de  former  Tordre  de  bataille  dans  Tordra 
naturel,  en  se  formant  sur  la  colonne  du  centre.  L'expé- 
rience de  notre  marine  ne  répondait  pas,  selon  nous,  à  la 
bonne  volonté  de  plusieurs  oQîciers;  nous  eûmes  la  dou- 
leur de  voir  que  cette  manœuvre  ne  put  être  exécutée.  Ce- 
pendant, à  vaisseaux  et  A  frégates  détachés  de  Tarmée 
anglaise  serraient  le  vent  et  paraissaient  vouloir  attaquer 
la  queue  de  la  nôtre.  Alors,  le  général  Villaret  se  voyant 
pressé,  et  mécontent  sans  doute  d'éprouver  ces  difficultés, 
donna  Tordre  à  chacun  des  vaisseaux  de  prendre  rang  sans 
avoir  égard  à  son  poste,  et  au  vaisseau  le  RévoluHonnnire 
d'aller  à  la  queue,  A  8*"  du  soir,  celui-ci  et  deux  ou  trois 
autres  se  trouvèrent  engagés.  Nous  fûmes  témoins  du  com- 
bat jusqu'à  10^*  ;  il  nous  parut  ne  pas  leur  être  avantageux. 
L'escadre  ne  donna  point  de  secours  à  ces  vaisseaux  et 
continua  toujours  sa  route,  alors  à  TEst,  courant  même 
bordée  que  T ennemi  à  vue.  Au  jour,  nous  n'avons  plus 
aperçu  les  vaisseaux  de  notre  arrière-garde. 

Le  lendemain  10,  sur  les  9^  du  matin,  ventant  grand 
frais,  toujours  du  Sud,  Tennemi  vira  de  bord  vent  devant  par 
la  contre-marche  et  porta  de  nouveau  sur  la  queue  de  Tar- 
mée républicaine  en  cherchant  à  gagner  le  vent.  Nous 
exécutâmes  la  même  manœuvre  lof  pour  lof  et  reçûmes 
Tordre  de  nous  disposer  à  Tattaque.  Les  vaisseaux  de  la 
tête  des  deux  flottes  se  joignirent  bientôt  et  le  combat 


352  BATAILLES.  — 1794. 

commença*  Mais  Tayantage  n'était  pas  égal  ;  Tennemi  pou- 
vait se  servir  de  sa  batterie  basse  et  nous,  au  vent,  la 
bande  de  son  côté,  l'eau  s' élevant  au-dessus  des  sabords» 
nous  étions  dans  Timpossibilité  d'en  faire  usage.  Cet  in- 
convénient néanmoins  n'était  pas  capable  de  déconcerter  des 
républicains  ;  le  feu  fut  très-vif  et  se  soutint  avec  la  même 
ardeur  jusqu'à  midi.  Les  Anglais  apercevant  un  peu  de 
désordre  dans  la  queue  de  notre  armée,  voulurent  en  pro- 
fiter. La  tête  de  leur  ligne  vira  lof  pour  lof  par  la  contre- 
marche en  prolongeant  notre  armée  sous  le  ven(  ;  ils  mal- 
traitèrent plusieurs  de  nos  vaisseaux,  et  le  Vengeur  du 
peuple^  pour  empêcher  de  couper  la  ligne,  reçut  le  feu  de 
10  des  leurs.  Il  fallut  faire  la  même  manœuvre  que  l'en- 
nemi et  le  général  français  donna  l'ordre,  d'abord  |t  la 

tête  de  l'armée,  de  virer  vent  devant  par  la  contre-marche. 

• 

Cette  évolution  ne  paraissait  pas  s'exécuter,  nous  ne  sa- 
vons pourquoi.  Il  fit  signal  pour  savoir  si  on  ne  le  pouvsdt 
pas  :  il  n'y  eut  point  de  réponse.  Il  donna  l'ordre  de  virer 
lof  pour  lof  et  ne  fut  pas  plus  heureux.  L'instant  était  cri- 
tique, et,  dans  cette  circonstance  pressante,  le  chef  de 
l'armée  dut  s'irriter  de  trouver  tant  d'obstacles.  Son  génie 
sut  les  surmonter,  car  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
dire  avec  la  sincérité  qui  dicte  cet  écrit,  que  le  citoyen  Vil- 
laret  a  montré  dans  cette  crise  tout  le  talent  d'un  général 
et  qu'il  a  justifié  la  confiance  des  braves  républicains  qu'il 
commandait.  Il  donna  l'ordre  enfin  de  virer  de  la  même 
manière,  tout  à  la  fois,  sans  avoir  égard  au  rang.  Cette 
manœuvre  réussit  et,  dans  un  quart  d'heure,  Tordre  de  ba- 
taille fut  formé  d'une  manière  satisfaisante.  Nous  nous 
trouvâmes  sous  le  vent,  position  plus  favorable.  Le  vais- 
seau le  Vengeur  du  peuple  par  hasard,  ou  peut-être  par  la 
promptitude  de  son  évolution,  était  à  la  tête  de  la  colonne, 
chef  de  file  du  commandant.  Il  se  battit  contre  deux  vais- 
seaux à  trois  ponts  et  aurait  été  très-maltraité  si  les  vais- 
seaux la  Montagne  et  le  Scipion  ne  fussent  venus  à  son 
secours.  La  Montagne  seconda  ses  efforts  contre  l'ennemi, 


BATAILLES.  —  179L  35» 

et  ils  le  caDonnërent  ensemble  pendant  une  heure  et  demie. 
Mais  le  Scipion  eut  la  précaution  de  se  mettre  à  couvert 
du  Vengeur  du  Peuple  et  lui  coupa  son  grand  étai  et  les 
bras  de  misaine.  Sur  les  observations  qui  lui  furent  faites 
par  le  général  et  par  nous,  qu'il  n'était  pas  à  son  poste,  il 
alla  le  prendre.  Presque  au  même  instant»  tous  les  vais- 
seaux ennemis  se  trouvèrent  en  pelotons  ;  ils  étaient  con- 
fondus; le  désordre  parsdssait  même  être  parmi  eux,  et 
certes  nous  pouvons  dire  que  les  Français  auraient  pu  en 
tirer  parti.  Mais  ils  étaient  trop  affalés  sous  le  vent  et  s'é- 
^  loîgnèrent. 

Le  11,  dans  la  matinée,  Tennemi  parut  à  trois  lieues  et 
demie  ou  environ ,  courant  la  même  bordée  que  Tannée 
française.  Nous  l'observâmes  autant  que  put  le  permettra 
un  brouillard  très-épais  et  bientôt,  la  brume  ayant  aug^ 
mente,  nous  le  perdîmes  tout  à  fût  de  vue. 

Le  12,  la  brume  était  si  épsdsse,  qu'à  peine  apercevait- 
on  un  vaisseau  à  portée  de  pistolet. 

Le  13,  le  vent  petit  frsds  de  la  partie  du  S.-E.  Sur  les  8^ 
du  matin,  le  temps  s'étaitéclairci,  l'armée  ennemie  parut  au 
vent  à  la  distance  de  deux  lieues  ;  elle  ne  tarda  pas  à  arriver 
sur  nous  en  dépendant.  L'ordre  de  serrer  la  ligne  et  de  se 
préparer  au  combatïut  donné  à  l'armée  française  et  aussitôt 
exécuté.  Nous  allions  à  petite  voile;  l'ennemi  forçait  da- 
vantage et  en  prolongeant  notre  colonne;  le  combat  s'en- 
gagea. Le  Vengeur  du  Peuple  avait  essuyé  le  feu  de  2  vais- 
seaux dont  un  à  trois  ponts,  lorsqu'un  troirième  vint  pour 
lui  couper  la  ligne  :  il  fallait  l'en  empêcher.  En  consé- 
quence, nous  forçâmes  de  voiles  et  vînmes  du  lof.  Cette 
manœuvre  aurait  réussi,  et  le  feu  terrible  de  nos  battcpâes 
que  notre  équipage  servait  avec  un  courage  et  une  ardeur 
incroyables  aurait  criblé  le  vaisseau  ennemi,  lorsqu'une 
circonstance  imprévue  rendit  nos  efforts  infructueux.  Ce 
vaisseau  s'obstinant  à  vouloir  couper  chemin^  le  Vmgmr 
du  Peuple,  déterminé  à  ne  pas  le  souffrir,  tenta  l'abordage. 
II  y  parvint  ;  mais  en  élongeant,  il  se  trouva  accrocbô  par 

IL  n 


354  BATAILLES.  — 47ÔI. 

Tancre  de  Tenneml.  Il  lui  envoya  d'abord  fonte  sa  bordée 
et  ne  put  ensuite  lui  tirer  que  quelques  coups  de  canon 
de  l'arrière  et  de  Tavant,  parce  qu'il  n'y  avait  pas  entre 
les  deux  vaisseaux  assez  d'espace  pour  passer  les  écouvillons 
en  bois.  L'Anglais,  au  contraire,  avec  des  écouvillons  en 
corde,  avait  l'avantage  de  pouvoir  se  servir  de  tous  ses 
canons.  Dans  ce  moment,  nous  donnâmes  l'ordre  à  un  dé* 
tachement  de  sauter  à  l'abordage.  Tout  était  disposé  pour 
l 'exécution  ;  mais  il  fallut  bientôt  renoncer  à  ce  projet  r 
nous  aperçûmes  deux  vaisseaux  ennemis,  dont  un  à  trois 
ponts,  qui  arrivaient  sur  l'autre  bord  ;  chacun  alla  repren- 
dre son  poste  dans  les  batteries,  et  le  feu  recommença.  L'é- 
quipage, encouragé  par  les  officiers,  soutint  ce  nouveau 
choc  avec  une  intrépidité  vraiment  républicaine  ;  nous  re- 
çûmes plusieurs  bordées  à  couler  bas.  De  ce  côté,  l'ennemi 
nous  abandonnait,  lorsque  la  verge  de  l'ancre  du  vaisseau 
avec  lequel  nous  étions  abordés  depuis  plus  de  deux  heures 
cassa.  Le  trois-ponts  le  voyant  s'éloigner  vira  de  bord,  re- 
vint sur  nous  et  nous  tira  deux  autres  bordées  qui  démâ- 
tèrent le  Vengeur  du  Peuple  de  tous  ses  mâts,  excepté  celui 
d'artimon  qui  ne  tomba  qu'une  demi-heure  après.  Nous 
ne  pûmes  lui  riposter  parce  que  l'eau  avait  subitement 
pénétré  dans  les  soutes  et  que  l'équipage  se  disposait  à 
pomper  et  à  puiser. 

L'ennemi  se  trouvait  de  nouveau  en  désordre  et  confondu 
avec  quelques-uns  de  nos  vaisseaux  qu'il  avait  engagés. 
L'armée  française  était  sous  le  vent  et  avait  2  vaisseaux 
qui,  au  contraire,  le  tenaient  et  s'éloignaient  beaucoup. 
Nous  avions  l'espoir  qu'elle  viendrait,  sinon  pour  recom- 
mencer le  combat,  au  moins  qu'elle  en  ferait  la  feinte  pour 
obliger  les  Anglais  à  abandonner  nos  vaisseaux  démâtés  et 
deux  des  leurs  dont  ils  ne  pouvaient  pas  s'occuper.  Nous 
n'eûmes  pas  cette  consolation  :  des  raisons,  majeures  sans 
doute,  y  mirent  obstacle.  Mais  nos  frégates,  ou  étaient* 
elles?  Vinrent-elles  nous  donner  des  secours?  Nous  n'en 
reçûmes  aucun,  et  nous  n'en  pouvons  deviner  la  cause. 


BATAILLES.— 1794-  3î^8 

Le  vaisseau  le  Vengeur  du  Peuple  approchait  sensible- 
ment cependant  du  moment  où  la  mer  allait  rengloiit!r« 
Le  danger  s'accroissait  de  la  manière  la  pltis  alarmante 
malgré  les  efforts  de  l'équipagô  à  pomper  et  à  ptilser.  Nous 
Ylmes  sortir  du  groupe  ennemi  deux  de  nos  vaisseaux  dont 
un,  le  Trente-et-un-Mai ^  venait  de  passer  près  de  flous. 
Il  fit  naître  parmi  nous  quelques  espérances  de  salut»  mais 
elles  furent  bientôt  évanouies*  Il  se  disposait  à  nous  prefl^ 
dre  à  la  remorque,  lorsque  les  Anglais  se  débrouillèrent  et 
le  forcèrent  à  s'éloigner  en  chassant  de  notre  côté.  L*eau 
avait  gagné  l'entrepont.  Nous  avions  jeté  plusieurs  catKms 
à  la  mer.  La  partie  de  notre  équipage  qui  connaissait  le 
danger  répandait  l'alarme.  Ces  mêmes  hommes,  que  tous 
les  efforts  de  l'ennemi  n'avaient  pas  effrayés,  frémirent 
à  l'aspect  du  malheur  dont  ils  étaient  menacés*  Nous  étions 
tous  épuisés  de  fatigue.  Les  pavillons  étaient  amarrés  en 
berne.  Plusieurs  vaisseaux  anglais  ayant  mis  leurs  canots 
à  la  mer,  les  pompes  et  les  seaux  furent  bientôt  abandon^ 
nés.  Ces  embarcations  arrivées  le  long  du  bord  reçurent 
tous  ceux  qui  les  premiers  purent  s'y  jeter.  A  peine  étaient^ 
elles  débordées,  que  le  plus  affreux  spectacle  s'offrit  à 
nos  regards.  Ceux  de  nos  camarades  qui  étaient  restés  à 
bord  du  Vengeur  du  Peuple^  les  mains  levées  au  ciel,  im« 
ploraient  en  poussant  des  cris  lamentables,  des  secoure 
qu'ils  ne  pouvaient  plus  espétar.  Bientôt  disparurent  et  le 
vaisseau  et  les  malheureuses  victimes  qu'il  contenait.  Au 
milieu  de  l'horreur  que  nous  inspirait  à  tous  ce  tableau  dé- 
chirant, nous  ne  pûmes  nous  défendre  d'iin  sentiment  môle 
d'admiration  et  de  douleun  Nous  entendîmes,  en  noue 
éloignant,  quelques-uns  de  nos  camarades  former  encoro 
des  vœux  pour  leur  patrie  ;  les  derniers  cris  de  ces  mal- 
heureux furent  ceux  de  :  Vive  la  République  !  ils  moururent 
en  les  prononçant.  Plusieurs  revinrent  sur  l'eau,  les  uns 
sur  des  planches,  d'autres  sur  des  mâts  ou  des  débris  du 
vaisseau.  Ils  furent  sauvés  par  un  cutter,  une  chaloupe  et 
quelques  canots,  et  conduits  à  bord  des  vaiftseauz  anglais. 


366  BATAILLES.  — 1794. 

Nous  Dous  sommes  occupés,  depuis  cette  malheureuse 
journée,  à  connaître  le  nombre  des  hommes  échappés  au 
péril,  et  d'après  nos  différentes  demandes  verbales  et  par 
écrit,  nous  avons  reconnu  qu'il  s'était  sauvé  la  quantité  de 

367  personnes,  nous  compris.  En  sorte  que  de  723  qid 

composaient  notre  équipage  avant  le  premier  combat,  il 
s'en  est  perdu  356,  desquels  il  y  a  eu,  suivant  ce  que  nous 
pouvons  en  juger,  250  tués  ou  blessés. 

En  foi  de  quoi  nous  avons  dressé  le  présent  procès-ver- 
bal pour  valoir  et  servir  ce  que  de  raison. 

Fait  au  cautionnement  de  Tavinstock ,  en  Angleterre,  les 
jour  et  an  susdits. 

{Suivent  les  signatures.)  (1) 

Ce  n'est  pas  sans  surprise  qu'on  lit  dans  l'ouvrage  re- 
marquable, sinon  impartial ,  de  M.  William  James  (2)  le 
passage  suivant  que  je  transcris  textuellement  :  «  Parmi 
les  30  ou  âO  hommes  qui  n'avaient  pas  reçu  de  blessures, 
il  s'en  trouva  sans  doute  quelques-uns  qui,  ainsi  que  les 
matelots  anglais  ont  l'habitude  de  le  faire  dans  de  sembla- 
bles circonstances  désespérées,  se  précipitèrent  à  la  cam- 
buse pour  y  chercher  de  l'ardeur.  Ainsi  inspirés,  il  n'est 
pas  extraordinaire  que,  lorsque  le  vaisseau  s'engloutit  dans 
les  eaux,  quelques-uns  aient  crié  :  Vive  la  nation!  Vive  la 
République!  ou  que  l'un  d'eux,  plus  furieusement  patriote 
que  le  reste  de  ses  compagnons  avinés,  ait,  dans  ce  mo- 
ment pénible  pour  les  spectateurs  —  et  nous  croyons  qu'il 
est  arrivé  quelque  chose  comme  cela  —  fait  ondoyer  le 
pavillon  aux  trois  couleurs,  sous  lequel  il  avait  si  noble- 
ment combattu.  »   (3) 


(1)  Renaudin^  Jean  Hugine,  Louis  Rousseau,  Pelet,  Trouvée,  Lussot,  etc. 

(2)  The  naval  history  of  Great  Britain. 

(5)  Among  theSOoriOunhurtby  wounds/doubtless  tbere  wereseyeral  who, 
as  British  sailors  frequently  do  in  similar  cases  of  despair^  had  flown  to  the 
spirit-room  for  relief.  Thus  inspired^  it  is  not  extraordinary  that,  when  the 
ship  was  going  down,  some  of  them  should  eiclaim  :  «  Vive  la  nation!  Vive 


BATAILLES.— 1794.  357 

Oui,  et  quoi  qu'en  dise  le  capitaine  Brenton  (1),  il  y  a 
quelque  chose  de  vrai  dans  le  rapport  qui  fut  fait  à  la  Con- 
vention nationale,  car  on  a  pu  lire  ce  passage  dans  leprocès- 
verbal  que  j'ai  rapporté,  et  dont  cet  officier  n'avait  proba- 
blement pas  eu  connaissance,  u  Au  milieu  de  l'horreur 
que  nous  inspirait  à  tous  ce  tableau  déchirant,  nous  ne  pou- 
vions nous  défendre  d'un  sentiment  mêlé  d'admiration  et 
de  douleur.  Nous  entendions,  en  nous  éloignant,  quelques- 
uns  de  nos  camarades  former  encore  des  vœux  pour  leur 
pjrtrie;  les  derniers  cris  de  ces  infortunés  furent  ceux  de 
Vive  la  République!  Ils  moururent  en  les  prononçant.» 

Plus  crédule  que  l'historien  anglais,  j'admets  sans  hé- 
siter qu'à  cette  époque  où  les  Français  donnèrent  tant 
de  preuves  d'héroïsme  et  de  dévouement  à  la  République,  il 
put  se  trouver  des  marins  qui,  après  avoir  un  instant  frémi 
à  l'idée  du  danger  qui  les  menaçait,  n'eurent  pas  besoin 
d'avoir  recours  aux  spécifiques  de  la  cambuse  pour  re- 
trouver de  l'énergie,  et  qui,  dans  ce  moment  désastreux, 
oubliant  parents,  amis,  famille,  ne  songèrent  qu'à  la  mère- 
patrie  pour  laquelle  Us  adressaient  des  vœux  à  l'Être  su- 
prême. 

Le  Northumberland  eut  un  moment  le  Valiant  pour 
adversaire  ;  mais  le  capitaine  Etienne  ayant  laissé  arriver, 
le  Valiant  coupa  la  ligne  sur  l'avant  du  vaisseau  français, 
se  porta  sur  V Achille  et  l'abandonna  au  Queen  qui  lui 
abattit  tous  ses  mâts.  Ce  fut  en  vain  que  le  Northumber- 
land  essaya  de  rallier  l'amiral.  Entièrement  isolé,  le  capi- 
taine Etienne  amena  son  pavillon. 

Le  Patriote  fut  attaqué  par  I'Orion  qui  le  combattit  par 
le  travers  et  au  vent,  et  se  retira  après  avoir  perdu  son 


la  République!  »  or  that  one,  more  furiously  patriotic  than  the  rest  of  his 
drunken  compaDions  sbould,  at  this  painfuld  moment  to  the  spectators  —  and 
sometbing  of  the  kiod  we  belieye  did  happen  —  wave  to  and  fro  the  tri-colou- 
red  flag,  under  which  he  had  so  nobly  fought. 

(1)  There  was  no  cry  of  «  Vive  la  nation  i  »  so  falsely  stated  in  the  Conven- 
tion.— II  n'y  eut  pas  un  cri  de  Vive  la  nation!  ainsi  qu'on  l'a  dit  faussement 
àlaOoDYdntion.  —  The  naval  history  of  Great  Britain, 


dltô  BATAILLES.-- 1794. 

grand  mât  de  hune,  sa  grande  vergue  et  ea  vergue  de 
grand  hunier.  Plusieurs  autres  vaisseaux  i  et  notamment 
le  QuJSEN,  combattirent  encore  le  Patriote  dont  le  capitaine 
crut  devoir  rallier  ceux  de  son  armée  qui  formaient  une 
nouvelle  ligne  sous  le  vent.  Le  grand  nombre  des  malades 
du  Patriote  força  le  capitaine  Lucadou  à  agir  ainsi* 

V Entreprenant  fut  engagé  par  TAlfred  et  laissa  arriver 
pour  se  former  sous  le  vent  avec  les  vaisseaux  qui  s*y 
trouvaient  déjà. 

Le  Neptune  n'eut  à  combattre  que  le  Montagu  dont«Ie 
capitaine  fut  tué.  Le  vaisseau  français  suivit  ceux  qui  se 
formaient  sous  le  vent. 

Le  Qu£EN,  qui  avait  déjà  reçu  quelques  avaries  en  cher- 
chant un  adversaire,  s'arrêta  au  Jemmapes  par  la  hanche 
de  tribord  duquel  il  prit  position.  Il  fut  reçu  par  ce  vais- 
seau comme  il  l'avait  été  par  le  Northumberland ^  avec 
beaucoup  de  vigueur,  et  perdit  son  grand  mât,  son  mât 
d'artimon  et  son  petit  mât  de  hune.  Quant  au  vaisseau 
français  dont  la  mâture  entière  avait  été  abattuoi  il  laissa 
arriver  sur  la  Montagne  qui  se  dirigeait  de  son  côté  ;  mais 
avant  de  quitter  le  Queen,  il  lui  abattît  encore  son  mât  de 
perroquet  de  fougue  ;  une  frégate  le  prit  à  la  remorque»  Le 
capitaine  Desmartis  avait  été  tué.  J'ai  dit  que  le  commandant 
en  chef  avait  viré  de  bord  pour  aller  secourir  les  vaisseaux 
qu'il  avait  aperçus  au  vent.  Le  Jemmapes  fut  le  premier 
que  cette  manœuvre  préserva  d'une  capture  certaineé 

Le  Trente-et'un-Mai  combattit  auprès  du  Républicain^ 
et  aussi  heureux  que  lui,  il  put  se  dégager  sous  quelques 
lambeaux  de  voilure. 

Le  Royal  George  passa  entre  le  Sans-Pareil  et  le  Répu' 
blicain^  fut  rudement  canonné  par  ces  deux  vaisseaux  et 
prit  position  par  le  bossoir  de  tribord  du  dernier.  Bientôt 
son  grand  mât  de  hune,  son  mât  de  perroquet  de  fougue  et 
son  mât  de  misaine  furent  abattus  sur  tribord.  Le  Gloky 
vint  en  aide  à  son  compatriote  en  attaquant  le  RéptMicain^ 
et  le  démâtant  de  son  grand  mât  et  de  son  mât  d*artimon, 


BATAILLES.— 1794.  359 

il  le  mit  dans  l'impossibilité  de  s'occuper  davantage  du 
Royal  George.  La  chute  des  deux  mâts  de  derrière  fit,  en 
effet,  abattre  le  Républicain  sur  tribord,  et  le  contre- 
amiral  Nielly  se  replia  sur  les  vaisseaux  qui  étaient  sous 
le  vent.  Ses  deux  adversaires  étaient  hors  d'état  de  l'in- 
quiéter désormais. 

Le  Sans-Pareil  eut  le  Majestic  pour  premier  vis-à-vis 
du  côté  du  vent;  le  Glory,  qui  avait  contourné  la  colonne 
par  la  queue,  lui  présenta  bientôt  après  le  travers  sous 
le  vent.  Vers  10**,  le  mât  d'artimon  du  Sans-Pareil  s'a- 
battit sur  le  couronnement  et,  un  quart  d'heure  après, 
le  mât  de  misaine  sur  l'arrière  à  bâbord.  Ce  dernier  dé- 
fonça le  pont,  engagea  la  batterie  haute  et  encombra  celle 
des  gaillards,  de  manière  à  en  rendre  l'usage  impossible. 
Devenu  serre-file  par  suite  de  la  manœuvre  du  Scipion  et 
du  Pelletier  qui  avaient  laissé  arriver,  le  Sans-Pareil  fut 
canonné,  de  tous  les  bords,  par  les  vaisseaux  anglais  qui 
doublaient  la  ligne  par  cette  extrémité.  A  11**,  son  grand 
mât  fut  abattu  sur  le  gaillard  d'avant  à  tribord.  Dans  cette 
situation  critique,  le  Républicain^  quoique  grandement 
compromis  lui-même,  lui  prêta  seul  assistance.  Jugé  alors 
incapable  de  se  mouvoir,  il  fut  abandonné  par  l'ennemi 
à  1^  30"%  et  il  resta  ainsi  battu  par  la  lame,  et  les  sabords 
fermés,  car  les  roulis  étaient  si  forts  qu'il  embarquait  de 
l'eau  de  toutes  parts.  Le  capitaine  Courand  ne  put  réussir 
à  faire  gouverner  le  Sans-Pareil^  et  il  lui  fut  dès  lors  im- 
possible de  rallier  l'armée  qui  était  à  environ  trois  milles 
sous  le  vent.  Entouré  de  nouveau  par  l'ennemi,  il  fit  ame- 
ner le  pavillon  à  2^  30". 

Le  Pelletier  reçut  la  bordée  de  quelques-uns  diBS  vais^ 
seaux  anglais  qui  doublèrent  l'armée  française  j  par  la 
queue,  et  enveloppé  bientôt  dans  une  épaisse  fumée  qui 
ne  lui  permit  plus  de  distinguer  ses  amis  de  l'ennemi, 
le  capitaine  Berrade  courut  bâbord  amures  pendant  trois 
quarts  d'heure,  sans  s'inquiéter  aucunement  de  ce  qui  se 
passait  à  côté  de  lui  et  sans  se  préoccuper  le  moios  du 


360  BATAILLES.— 1794. 

monde  de  Tétat  de  quelques  vaisseaux  qu'il  distingua 
et  reconnut  très-bien.  Il  refusa  même  à  Y  America  ^  en- 
tièrement démâté,  la  remorque  que  le  capitaine  de  ce 
vaisseau  lui  demanda,  prétendant  que  les  avaries  de  sa 
voilure  ne  lui  permettaient  pas  de  se  rendre  à  son  désir. 
Il  se  dirigea  alors  sur  le  gros  de  Tarmée  qu'il  aperçut  sous 
le  vent,  et  le  commandant  en  chef  lui  fit  prendre  le  Terrible 
à  la  remorque. 

Le  Scipion,  serre-file  de  la  ligne,  commença  à  tirer  à 
9*»  45°*,  et  il  échangea  des  bordées  avec  des  vaisseaux  en- 
nemis dont  plusieurs  passèrent  sur  son  arrière.  Cette  canon- 
nade, presque  continue,  n'avait  pas  lieu  sans  que  le  vais- 
seau français  n'éprouvât  de  nombreuses  avaries.  Son  grand 
mât  fut  d'abord  abattu;  un  quart  d'heure  après,  c'était  le 
mât  d'artimon  et  bientôt  le  mât  de  misaine  qui  tombaient. 
Le  pont  se  trouva  ainsi  couvert  de  débris  de  mâture,  de 
voiles  et  de  cordages.  Les  canons  avaient  disparu  sous  ces 
décombres.  La  fumée  qui  enveloppa  les  deux  armées  le  fit 
abandonner  dans  cet  état.  Le  capitaine  Huguet  en  profita 
pour  mâler  un  bout-dehors  sur  l'avant,  et  au  moyen  d'un 
foc  et  de  deux  bonnettes,  il  parvint  à  faire  arriver  le  vais- 
seau vent  arrière  pour  rallier  l'armée  qu'il  avait  aperçue 
sous  le  vent.  Cette  route  le  fit  passer  près  du  Vengeur  qui 
lui  demanda  la  remorque  :  dans  l'état  du  Scipion  c'était 
chose  impossible.  Ce  vaisseau  reçut  encore  la  bordée  de 
3  vaisseaux  ennemis  et,  à  7^,  il  fut  pris  à  la  remorque  par 
la  frégate  la  Proserpine  ;  une  demi-heure  après,  il  avait 
rallié  l'armée. 

J'ai  déjà  dit  qu'à  8**  du  soir,  le  contre-amiral  Villaret  avait 
fait  route  au  N.-O.  avec  19  vaisseaux  et  les  frégates;  trois 
quarts  d'heure  plus  tard,  les  deux  armées  étaient  hors  de 
vue.  Le  commandant  en  chef  laissait  sur  le  champ  de  ba- 
taille le  Justey  YAchille^  Y  America^  le  Northumberland^ 
Y  Impétueux  et  le  Sans-Pareil;  les  trois  premiers  avaient 
seuls  été  amarinés.  Le  Vengeur  avait  coulé.  Le  rapport 
anglais  déclare  qu'il  avait  non-seulement  été  impossible  k 


BATAILLES.  — 1794.  361 

r  amiral  Howe  de  prendre  immédiatement  possession  de 
ces  vaisseaux,  mais  encore  qu'il  lui  eût  été  fort  difficile  de 
dégager  les  siens  si  le  commandant  en  chef  de  l'armée 
française  avait  fait  un  retour  offensif.  Ce  ne  fut,  en  effet, 
que  le  3  au  soir  qu'il  put  faire  route  pour  l'Angleterre,  et 
soft  armée  n'arriva  que  le  12  à  Spithead. 

Le  3,  le  commandant  en  chef  de  l'armée  française  apprit 
d'un  brig  détaché  par  le  contre-amiral  Vanstabel,  que  le 
convoi  d'Amérique  ne  tarderait  pas  à  arriver  dans  ces  pa- 
rages. Les  frégates  la  Précieuse,  la  Galathée  et  ce  brig  fu- 
rent expédiés  à  cet  officier  général  pour  lui  donner  con- 
naissance de  la  bataille  qui  venait  d'être  livrée.  Le 
lendemain,  l'armée  avait,  tant  bien  que  mal,  réparé  ses 
avaries.  Il  ne  pouvait  y  avoir  désormais  de  doutes  sur  le 
sort  des  vaisseaux  qui  manquaient  ;  mais  on  pouvait  sup- 
poser que  l'état  dans  lequel  ils  avaient  été  laissés  sur  le 
champ  de  bataille  ne  leur  aurait  pas  permis  de  faire  route 
et  qu'on  avait  la  chance  de  les  y  trouver  encore.  Le  contre- 
amiral  Villaret  eut  l'idée  de  se  porter  de  nouveau  vers  le 
lieu  de  la  bataille,  et  fit  débattre  cette  question  dans  un 
conseil  de  guerre.  Dans  ce  moment,  les  découvertes  si- 
gnalèrent une  escadre  anglaise  dans  le  Sud.  Le  représen- 
tant Jean  Bon  Saint-André  opposa  la  raison  d'un  homme 
d'État  à  l'ardeur  des  officiers  :  u  Si  en  provoquant  un  nouveau 
combat,  leur  dit-il,  vous  entraînez  la  destruction  complète 
de  l'armée  navale,  qui  protégera  le  convoi  de  grains  (1)?  » 
L'escadre  signalée  était  celle  du  contre-amiral  anglais 
Montagu.  Cet  officier  général  était  retourné  en  Angleterre, 
après  avoir  croisé  devant  Ouessant  jusqu'au  25  mai.  Mais 
la  prise  du  convoi  de  grains  était  chose  trop  importante 
pour  que  le  gouvernement  anglais  renonçât  à  l'espoir  de 


(1)  Il  n'est  pas  fait  mention  de  ce  conseil  de  guerre  dand  les  rapports  que 
j'ai  eus  entre  les  mains.  Je  répète  ce  qui  a  ét6  écrit.  Le  journal  nautique  de  la 
Montagne  constate  cependant  que  les  contre-amiraux  Bouvet  et  Nielly  furent 
appelés  le  4  à  bord  de  ce  vaisseau. 


36â  BATAILLES. —1794. 

s'en  emparer.  Le  2  juin,  le  contre-amiral  Montagu  avait  d9 
pouveau  reçu  Tordre  de  sortir  avec  un  renfort  de  à  yai^ 
seaux,  ce  qui  porta  son  escadre  à  9  vaisseaux  et  2  frégates. 
Les  19  vaisseaux  français,  dont  5  étaient  traînés  à  la  re- 
morque, et  sur  ce  nombre,  2  entièrement  démâtés,  n'étaient 
qu'à  51  milles  de  Brest  lorsque  l'escadre  anglaise  fut  si- 
gnalée; le  vent  soufflait  alors  faiblement  du  N.-O.  L'armée 
de  la  République  laissa  porter  sur  l'escadre  anglaise.  Mais 
celle-ci  ayant  fait  elle-même  vent  arrière,  le  contre-amiral 
Villaret  craignit  avec  raison  de  se  souventer,  et  il  fit  lever 
lâchasse  à  6^  du  soir.  Le  11,  tous  les  vaisseaux  mouillè- 
rent sur  la  rade  de  Bertheaume.  Le  convoi  d'Amérique 
arriva  le  lendemain  à  ce  mouillage,  ainsi  que  le  Monta- 
gnard et  la  Seine.  Vaisseaux  et  navires  du  commerce  en- 
trèrent ensemble  à  Brest,  où  l'arrivée  des  grains  fit  mo- 
mentanément oublier  le  désastre  du  1**  juin. 

J'ai  dit  que  le  convoi  avait  passé  sur  le  champ  de  ba- 
taille deux  jours  après  que  les  deux  armées  s'en  étaient 
éloignées.  Parti  le  11  mai  de  la  Ghesapeak,  le  contre-amiral 
Vanstabel  s'était  dirigé  sur  les  Açores  et,  en  vue  de  ces 
lies,  il  avait  expédié  V Éveillée  à  la  recherche  de  la  division 
qui  lui  avait  été  annoncée  devoir  le  rejoindre.  Le  29,  des 
détonations  précipitées  d'artillerie  et,  plus  tard,  des  vents 
de  Nord,  déterminèrent  le  capitaine  de  cette  corvette  à 
faire  route  pour  Rochefort  où  il  mouilla  le  ô  juin  au  matin. 
V Éveillée  précédait  le  convoi,  de  Tavance  qu'un  bâtiment 
isolé  peut  prendre  sur  un  grand  nombre  de  navires  du 
commerce  réunis,  dans  un  trajet  d'environ  360  lieues.  U  est 
donc  probable  que  le  convoi  d'Amérique  eût  tombé  au  milieu 
de  l'armée  anglaise,  si  celle-ci  n'eût  été  attirée  au  large. 

Je  terminerai  ce  qui  a  rapport  à  la  bataille  du  1""' juin, 
dite  du  13  prairial,  en  rappelant  que,  sur  la  motion  de 
Barrère,  la  Convention  décréta  que  Tarraée  navale  de 
Brest  avait  bien  mérité  de  la  patrie,  et  qu'un  modèle  du 
vaisseau  le  Vengeur  serait  suspendu  aux  voûtes  du  Pan- 
théon. 


BATAILLES.  — 1794.  363 

Malgré  cette  déclaration  de  la  Convention,  les  capitaines 
de  cette  armée  navale  furent  mis  en  jugement*  Le  capi- 
taine de  vaisseau  Gassin  du  Jacobin^  après  une  détention 
préventive  de  vingt-deux  mois,  fut  condamné  à  trois  mois 
de  suspension  sans  solde.  Les  capitaines  Tardy  du  Gaspa- 
rin,  Langlois  du  TourvilUy  Berrade  du  Pelletier^  Lucadou 
du  Patriote,  Allary  de  la  Convention  et  Dumontier  du  Tra*' 
jan  furent  destitués.  Le  capitaine  et  les  ofEciers  du  Révo- 
lutionnaire,  qui  avaient  été  mis  en  prison  à  leur  arrivée  en 
France,  et  tous  les  autres  capitaines,  furent  acquittés. 


■**M.i^*il        ri  É  > 


Le  contre-amiral  Nielly  sortit  le  12  septembre,  avec  une 
des  divisions  de  Tarmée  navale  de  Brest,  pour  intercepter 
les  convois  qu*on  savait  être  attendus  en  Angleterre. 
Cette  division  était  composée  des  vaisseaux  : 

Canons. 

Zélé. capitaine  Portodec. 

Nielly,  coDtre-Hunilral. 

Nestor capitaine  Monnier. 

7S  {  Marat  (1) —       Lefranck. 

Jean  Bart.  .  .  * —        Pillet. 

Droits  de  l'Homme.  ...        —        Trinqualéon. 

Tigre Martagne. 

des  frégates  :  la  Fraternité  {'i),  la  Surveillante,  la  iVëctete^e, 
et  du  cotre  :  le  Courrier-de-Nanles. 

La  Fraternité  et  la  Surveillante  rentrèrent  le  20.  La  pre^ 
mière  avait  démâté  de  son  petit  mât  de  hune  et  craqué 
son  beaupré.  L'autre,  à  laquelle  un  coup  de  mer  avait  oc* 
casionné  de  graves  avaries ,  se  laissa  souventer.  Elle  fut 
poursuivie  par  plusieurs  vaisseaux  anglais  et  obligée  de 
chercher  un  refuge  dans  le  port.  Le  contre-amiral  Nielly 
renvoya  le  cotre  pour  demander  d'autres  frégates.  Le 
3  octobre,  il  fut  rallié  par  la  Dryade^  la  GentiUe,  la  €a^ 
carde,  la  Tribune  et  la  corvette  la  Jacobine.  Contrariée  par 
une  série  de  mauvais  temps  et  des  brumes,  cette  division 


(1)  L'ancien  Lion, 

(2)  Primitivement  VAglaé. 


364  BATAILLES.  — 1794. 

rentra  à  Brest  deux  jours  après»  sans  avoir  rencontré  aucun 
navire  et  avec  des  avaries  plus  ou  moins  graves. 

Le  contre-amiral  Nielly  sortit  de  nouveau  le  22  octobre; 
il  avait  porté  son  pavillon  sur  le  IHgre.  Les  vaisseaux  de 
IS""  le  Caton  et  le  Pelletier  (1) ,  capitaines  Donat  et  Rsdl- 
lardy  avaient  remplacé  le  Zélé  et  le  Nestor.  A  quelques 
jours  de  là,  le  Caton  démâta  de  son  petit  mât  de  hune, 
cassa  ses  barres  de  perroquet  et  fut  renvoyé  à  Lorient. 

Surprise,  le  31  vers  4^  du  matin,  par  les  vaisseaux  an- 
glais de  82''  Ganges  et  Montagu,  la  corvette  la  Jacobine^ 
capitaine  DandicoUe,  qui  s'était  écartée  de  la  division , 
amena  son  pavillon  après  avoir  vainement  essayé  de  leur 
échapper.  Le  cap  Finistère  restait  à  120  lieues  dans  l'Est. 

Le  6  novembre,  la  division  courant  au  Sud  par  une  jolie 
brise  de  O.-N.-O.,  eut  connaissance,  à  2*»  15"  du  matin,  de 
2  bâtiments  dans  le  S.-S.-O.  Le  contre-amiral  Nielly  les 
fît  chasser  et  la  division  française  prit  comme  eux  les 
amures  à  bâbord.  Lorsqu'il  fit  jour,  on  reconnut  2  vais- 
seaux anglais  :  c'étaient  FAlexander,  capitaine  Rodney 
Bligh,  et  le  Canada,  capitaine  Powell  Hamilton,  tous  les 
deux  de  82°  ;  ils  retournaient  en  Angleterre  après  avoir 
escorté  à  la  hauteur  du  cap  Saint- Vincent  un  convoi  pour 
Gibraltar  et  pour  l'Amérique.  A  6**  45™,  les  vaisseaux  fran- 
çais se  formèrent  en  ligne  de  bataille,  le  Tigre  en  tête,  et 
aussitôt,  le  Marat,  les  Droits  de  V Homme  et  le  Jean  Bart 
reçurent  l'ordre  de  doubler  l'ennemi  au  vent  pour  le  mettre 
entre  deux  feux.  A  8**  15°*,  le  Tigre  était  en  position  d'en- 
voyer quelques  boulets  à  1' Alexander  ;  mais  ce  vaisseau  ne 
pouvant  échapper  à  ceux  qui  étaient  au  vent,  le  contre- 
amiral  Nielly  ne  s'arrêta  pas  à  le  combattre  et,  suivi  du 
Pelletier^  il  poursuivit  le  second  qui  courait  un  peu  au 
large.  A  8**  30"\  quelques  boulets  furent  échangés  entre  le 
Tigre  et  le  Canada  qui  s'éloignait  toujours.  Le  vent  mollis- 


(1)  L'ancien  Séduisant» 


BATAILLES.  — 1794.  365 

sant  beaucoup,  les  2  vaisseaux  français  levèrent  la  chasse 
et  rallièrent  le  reste  de  la  division.  Moins  heureux  que  son 
compagnon,  TAlexander  fut  joint  à  11**  30"  par  les  Droits 
de  f Homme  qui  engagea  le  combat  au  vent,  à  portée  de 
pistolet  et,  peu  de  temps  après,  par  le  Marat  qui  se  plaça 
sous  sa  hanclie,  du  bord  opposé.  Le  vaisseau  les  Droits  de 
V Homme  ayant  eu  sa  vergue  de  petit  hunier  coupée  après 
une  demi-heure,  ne  put  se  maintenir  au  poste  qu'il  occu- 
pait ;  le  Jean  Bart  le  remplaça,  A  midi  15",  le  Marat  passa 
derrière  le  vaisseau  anglais  et  lui  envoya  une  bordée  d'en- 
filade :  le  Jean  Bart  le  canonnait  alors  parle  bossoir.  L'A- 
LEXANDER  ne  pouvait  résister  longtemps  à  une  pareille  at- 
taque; à  1^  25™,  il  amena  son  pavillon.  Dès  que  le  Tigre 
eut  rallié ,  il  le  prit  à  la  remorque,  car  les  vaisseaux  qui 
l'avaient  combattu  avaient  trop  souffert  pour  le  faire.  Le 
Pelletières  fut  chargé  le  lendemain,  et  la  division  fit  route 
pour  Brest,  où  elle  arriva  avec  sa  prise  dont  l'avarie  prin- 
cipale consistait  dans  la  perte  de  sa  grande  vergue. 

Le  Canada,  qui  n'eut  à  soutenir  qu'une  canonnade  de 
peu  d'effet,  gagna  un  port  d'Angleterre. 


A  la  fin  de  cette  année,  le  gouvernement  donna  Tordre  au 
contre-amiral  Renaudin  de  partir  de  Brest  avec  6  vaisseaux, 
3  frégates  et  une  corvette  pour  porter  des  projectiles  à  Toulon. 
Le  vice-amiral  Villaret,  qui  avait  conservé  le  commande- 
ment de  l'armée  navale,  devait  escorter  cette  division  en  de- 
hors du  golfe  de  Gascogne ,  croiser  ensuite  pendant  quinze 
jours  dans  ces  parages  et,  avant  de  rentrer,  détacher  6  vais- 
seaux et  3  frégates  à  la  Guadeloupe  et  à  Saint-Domiùgue.  La 
pénurie  en  vivres  et  en  approvisionnements  était  telleàBrest, 
en  ce  moment  que,  pour  armer  complètement  les  vaisseaux 
et  les  frégates  en  partance  et  pour  donner  six  mois  de  vivres 
à  ceux  qui  allaient  aux  Antilles,  il  fallut  dégarnir  les  au- 
tres. Parmi  ces  derniers,  plusieurs  durent  sortir  n'ayant 
que  pour  quinze  jours  de  vivres.  La  plupart  avaient  des 


366  BATAILLES. -1794, 

mâts  Jumelés  et  les  coques  étaient  généralement  hors  d'état 
de  résister  à  un  mauvais  temps.  L^  année  avait  essayé  plu- 
sieurs fois  de  sortir.  Le  2&  décembre,  le  vice-amiral  ViUarôt 
fit  de  nouveau  à  l'armée  le  signal  d'appareiller  ;  il  vôntaît 
grand  frais  du  N.-E.  Cette  fois  encore  elle  resta  au  moufl-» 
lage;  le  signal  de  mettre  sous  voiles  n'avait  cependant  pas 
été  annulé.  Un  incident  malheureux  marqua  cette  demiôre 
tentative  d'appareillage.  Le  vaisseau  de  110''  le  Républimn 
chassa  sur  ses  ancres  pendant  qu*il  virait  et,  dérivant  sur 
la  roche  dite  la  Gormorandière,  il  laissa  tomber  deux  att- 
cres.  Le  capitaine  Longer  appareilla  à  2*»  30*"  ;  maiâ,  ne 
se  voyant  pas  suivi,  il  mouilla  dans  le  goulet.  L^'ànCre  ét&ît 
à  peine  au  fond  que,  sur  les  observations  du  pilote,  il 
donna  l'ordre  de  la  lever.  Pendant  qu'on  y  travaillait,  le 
câble  cassa  et,  avant  que  les  voiles  fussent  établies,  le  Si- 
publicain  fut  porté  sur  la  roche  Mingan  ;  il  était  alors  6^  80* 
du  soir.  Quelque  moyen  qu'on  employât  pour  le  retirer,  te 
vaisseau  ne  bougea  pas.  Bientôt  il  commença  à  talonner,  et 
l'eau  entra  dès  lors  rapidement  dans  la  cale;  la  batterie  haute 
et  celle  des  gaillards  furent  jetées  à  la  mer.  Le  vaisseau  étant 
échoué  par  l'arrière,  l'eau  se  porta  de  l'avant  et  cette  partie 
s'enfonça  incessamment.  Toutes  les  embarcations  étaient 
déjà  brisées  ou  emportées.  La  violence  du  vent  empêcha  de 
porter  des  secours  au  Républicain  avant  le  lendemain.  Le 
vaisseau  le  Fougueux^  capitaine  Labrier,  arrivé  Tavaut- 
veille  de  Rochefort  et  mouillé  à  Camaret,  lui  envoya  seâ 
embarcations  à  9**,  et  parvint  à  sauver  la  majeure  partie  de 
l'équipage  ;  dix  hommes  seuls  se  noyèrent. 

Le  Redoutable^  qui  cassa  ses  câbles,  se  tira  d'affaire  plus 
heureusement  que  le  Républicain  ;  il  put  prendre  le  large. 
La  frégate  la  Vertu  reçut  l'ordre  de  le  suivre. 

Enfin,  le  29  dans  l'après-midi,  l'armée  navale,  forte  dé 
35  vaisseaux,  outre  les  frégates  et  les  corvettes,  mît  à  la 
voile  et  alla  mouiller  à  Camaret  pour  attendre  quelques 
retardataires  ;  elle  fit  route  définitivement  le  lendemain. 


BATAILLES.— 1794.  367 

Le  jour  où  le  vaisseau  le  Républicain  se  perdait  dans  le 
goulet  de  Brest,  un  désastre  semblable  avait  lieu  sur  la  rade 
de  Cherbourg  :  la  corvette  de  20*  la  Sérieuse^  jetée  à  la 
côte,  y  avait  été  défoncée. 


•««■«'••aaiMa^r 


Le  contre-amiral  Martin  (1) ,  qui  commandait  resoadre 
de  Toulon,  se  disposait  à  sortir  avec  7  vaisseaux  et  quel- 
ques frégates  destinés  à  porter  des  troupes  en  Corse  et  à 
escorter  15  navires  chargés  d'approvisionnements  pour 
cette  lie,  lorsque  la  nouvelle  de  la  prise  de  Bastîa  par  les 
Anglais  vint  changer  la  destination  de  cette  division.  Le 
6  juin  dans  T après-midi,  cet  officier  général,  auprès  du- 
quel on  avait  placé  le  représentant  du  peuple  Salicetti, 
mit  sous  voiles  avec  la  division  ci-dessous,  pour  aller  croi- 
ser sur  la  côte. 

Canons. 

124     Sans-Culottes  (2) capitaine  Lapalisse. 

Martin  (Pierre),  contre-amiral. 
86      Tonnant.  .....••..  capitaine  Gosmao  Kerjolien. 

I  Généreux.    ....•.,.        —       Louis. 
Censeur —        Benoist. 
Heureux —       Lacaille. 
Timoléon  (5)  ..».,•  .        —       Khrom. 
Duquesne —       Allemand  (Zaobarie). 

Frégates  :  Junon,  Friponne,  Sérieuse^  Boudeuse, 
Corvettes  :  Badine,  Alerte. 
Goélettes  :  Surveillante  et  Jacobin, 

Le  vent  était  à  T Ouest,  petit  frais,  et  une  division  an* 
glaise  de  dix  voiles  était  en  vue  dans  le  Sud,  courant  bâ- 
bord amures.  Les  Français  se  formèrent  en  bataille,  les 


i^MkMUIk>j;a>aa«irilMaiMia«H«aMMMwi^Mta«iikteidMk^ 


(1)  M.  Pouget,  Précis  historique  de  la  vie  et  des  campagnes  du  vice-arttl- 
rai  Martin,  dit  que  les  opérations  de  l'escadre  de  la  Méditerranée  sont  racon- 
tées d'une  manière  très-inexacte  daas  toutes  les  relations;  et,  expliquant  la 
cause  de  ces  inexactitudes  par  la  disparition  des  rapports  du  yice-amiral  Mar- 
tin, il  déclare  pouvoir  réparer  ces  erreurs,  étant  possesseur  des  journaux  de 
bord  et  de  la  correspondance  officielle  de  cet  officier  général.  Ce  que  dit  M.  Pou- 
get de  la  disparition  des  rapports  est  exact.  Mais  les  journaux  du  Sans-Culottes 
existent  au  ministère  de  la  marine,  et  c'est  à  eux  et  à  quelques  rapports  de  ca- 
pitaines que  j'ai  emprunté  les  faits  dont  on  trouvera  ici  le  récit. 

(2)  L'ancien  Dauphin  Royal, 

(5)  Primitivement  la  Commune  de  Bordeaux. 


368  BATAILLES.  — 1794. 

amures  à  tribord.  Cette  bordée  devait  leur  faire  prompte- 
ment  rencontrer  l'ennemi  ;  mais  celui-ci  ne  jugea  pas  à 
propos  de  venir  davantage  à  leur  rencontre,  et  lorsqu'il 
fut  à  9  milles  environ,  il  vira  de  bord.  Le  lendemain  il 
était  hors  de  vue. 

Le  8,  devant  Fréjus,  un  bâtiment  fut  signalé  sous  la 
terre.  Trompé  par  le  pavillon  qui  flottait  à  la  corne  des 
vaisseaux  français,  il  les  approcha  sans  défiance  ;  lorsqu'il 
reconnut  son  erreur,  il  était  trop  tard  pour  qu'il  pût 
échapper  à  ceux  qui  le  chassaient.  Ce  bâtiment  était  la 
frégate  de  36''  I'Alceste,  prise  par  les  Anglais  dans  le 
port  de  Toulon,  et  donnée  par  eux  à  la  Sardaigne.  La 
Boudeuse  de  32'',  capitaine  Charbonnier,  la  joignit  la  pre- 
mière et  eut  avec  elle  un  engagement  assez  vif,  à  6  milles 
au  vent  de  la  division.  Le  combat  durait  depuis  deux 
heures,  lorsque  le  lonnant  arriva  à  portée  de  combattre. 
Au  troisième  coup  de  canon  qu'il  tira,  la  frégate  sarde 
amena  son  pavillon.  La  Boudeuse  avait  beaucoup  souffert  : 
son  grément  était  haché  et  son  grand  mât  était  assez  en- 
dommagé pour  qu'il  fût  nécessaire  de  la  renvoyer  à  Toulon. 
L'Alceste,  qui  avait  été  expédiée  de  Bastia  par  l'amiral  . 
Hood  pour  se  réunir  à  l'escadre  de  blocus,  n'avait  aucune 
avarie  sérieuse  et  fut  gardée  dans  la  division. 

Le  même  jour,  le  brig  anglais  Expédition  de  14°,  se 
rendant  de  Bastia  à  Livourne,  fut  pris  par  la  frégate  la 
Sérieuse  et  conduit  à  Nice  paLVjYAlcesie. 

r 

Dès  que  l'amiral  Hood  api)rit  la  sortie  de  la  division 
française,  il  appareilla  de  Corse  avec  les  13  vaisseaux  et 
les  4  frégates  que  voici  : 

Canons. 

i  ViCTORT capitaine  John  Inglefield. 

110  <  lord  Hood,  amiral. 

(Britannia capitaine  John  Halloway. 

William  Hotham^  yico-amiral. 

Princess  Royal capitaine  John  Ghild  Puryis. 

Granston  Goodall^  vice-amiral. 

108  {  Windsor  Castle capitaine  sir  Thomas  Byard. 

Philip  Grosby,  yice-amiral. 

Saint  George capitaine  Thomas  Foley. 

sir  Hyde  Parker,  contre^aroiral. 


BATAILLES.  — 1794.  369 

Alcide capitaine  John  Woodiey. 

Robert  Linzee,  contre-amiraL 
Terrible capitaine  George  GampbeU. 

SkeflSngton  Lutwidge,  contre-amiral. 

Egmont capitaine  John  Sutton. 

8S  {  Archibald  Dickson,  contre-amiral  (1). 

Bedford capitaine  Robert  Mann. 

Captain —       Samuel  Reeve. 

FoRTiTUDE.* —        William  Young. 

Illustrious •  .       —       Thomas  Lennox  Frederick. 

Berwigk ->       William  Shield. 

Frégates  :  Romulus^  Juno,  Meleager^  Dido. 

Le  10  au  soir,  les  découvertes  de  la  division  française, 
alors  à  une  trentaine  de  milles  dans  le  Sud  de  Nice,  si- 
gnalèrent Fescadre  anglaise.  Le  contre-amiral  Martin  ne 
crut  pas  devoir  combattre  des  forces  aussi  disproportion- 
nées,  et  il  alla  mouiller  au  golfe  Juan,  dans  le  départe- 
ment du  Yar.  En  approchant  de  terre,  la  brise  manqua 
entièrement,  et  les  vaisseaux  entrèrent  remorqués  par 
leurs  canots.  Cette  circonstance  donna  à  l'escadre  anglaise 
le  temps  de  s'approcher,  et  la  frégate  Dido,  qui  le  fit  un 
peu  trop,  fut  reçue  par  plusieurs  décharges  d'artillerie  qui 
lui  firent  prendre  le  large.  L'amiral  Hood  retourna  en 
Corse  avec  2  vaisseaux  et  laissa  le  soin  du  blocus  au  vice- 
amiral  Hotham.  La  division  française  s'embossa  ;  mais  la 
présence  de  l'escadre  anglaise  nécessita  une  augmentation 
de  précautions.  On  établit  plusieurs  batteries  à  terre,  et 
les  îles  Sainte-Marguerite  et  Honorât  furent  fortifiées. 
Plusieurs  tartanes  armées  de  canons  prirent  poste  en 
tète  de  la  ligne  ;  aidées  par  les  chaloupes  de  la  division, 
elles  devaient  couler  ou  détourner  les  brûlots  que  l'en- 
nemi pourrait  tenter  de  lancer.  Ces  dispositions  étaient  à 
peine  achevées  que  le  commandant  en  chef  reçut  Tordre 
de  ramener  la  division  à  Toulon.  La  présence  continuelle 
de  l'escadre  anglaise,  la  faiblesse  et  la  constance  des  vents 
d'Ouest  l'en  empêchèrent. 


(1)  Le  grand  nombre  d'officiers  généraux  de  cette  escadre  était  la  conséquence 
de  la  promotion  qui  Tenait  d'être  faite  à  l'occasion  de  roccupation  de  Touloà* 

II.  24 


370  BATAILLES.— i794. 

Le  3  août,  17  vaisseaux  espagnols  se  réunirent  aux  An» 
glais. 

Bloquée  par  des  forces  aussi  considérables,  qui  cepen- 
dant n'osaient  faire  aucune  tentative,  la  division  française 
prolongea  son  séjour  au  golfe  Juan.  Cette  circonstance  ne 
manqua  pas  d'être  un  point  de  mire  pour  la  malveillance. 
Les  soupçons  les  plus  injurieux  planèrent  sur  le  contre- 
amiral  Martin  qui,  depuis  le  départ  de  Salicetti  pour  l'ar- 
mée d'Italie,  ne  cessait  de  demander  le  prompt  envoi  d'un 
autre  représentant  du  peuple,  dont  la  présence  pourrait 
calmer  l'agitation  des  esprits.  Enfin,  après  avoir  occupé 
l'escadre  anglaise  pendant  cinq  mois,  la  division  française 
sortit  du  golfe  Juan  à  la  faveur  d'un  coup  de  vent  et  elle 
mouilla  à  Toulon  le  2  novembre. 


Nous  avons  vu  partir  successivement  de  l'Inde  les  fré- 
gates qui  formaient  la  division  française  dans  ces  parages  : 
la  Cybèle  seule  y  était  restée.  Depuis  la  déclaration  de 
guerre,  une  autre  frégate,  la.  Prudente^  y  avait  été  envoyée* 
Ces  deux  frégates  et  les  nombreux  corsaires  qu'avait  ar- 
més l'île  de  France,  faisaient  un  tort  considérable  au  com- 
merce anglais.  Résolu  de  mettre  un  terme  à  ces  calamités, 
le  gouverneur  des  possessions  anglaises  arma  une  division 
destinée  à  tenir  ces  hardis  navigateurs  bloqués  dans  leurs 
ports,  et  à  réduire  ainsi  à  la  famine  la  colonie  de  l'île  de 
France  qui  n'était  approvisionnée  que  par  eux. 

Des  vaisseaux  avaient  été  armés  à  Madras  et  à  Bombay  ; 
ils  devaient  se  réunir  aux  forces  que  Ton  attendait  d'Eu- 
rope. Déjà  le  Commodore  Newcome  avait  été  détaché  avec 
une  division  envoyée  au-devant  d'un  convoi  attendu  d'An- 
gleterre, pendant  que  les  vaisseaux  de  60*  Ccnturioiv, 
capitaine  Samuel  Osborne,  et  Diomedes,  capitaine  Mathew 
Smith,  s'établissaient  en  croisière  devant  l'île  de  France. 
La  position  de  cette  colonie  ne  tarda  pas  à  devenir  critique. 
Le  conseil  colonial  s'assembla  et  décida  que,  malgré  la 
disproportion  des  forces  et  les  conséquences  qui  pouvaient 


BATAILLES. —  1794.  374 

en  résulter,  le  capitaine  Renaud  sortirait  avec  la  frégate  de 
SO*"  la  Prudente  qu'il  commandait,  la  Cybèle  de  40**,  capi** 
taine  Tréhoûart  (Pierre) ,  et  le  brig  de  14*  le  Coureur  (1) , 
capitaine  Garreau,  pour  aller  combattre  les  deux  vaisàe&uX 
anglais  et  les  obliger  à  lever  le  blocus.  Le  corsaire  de  20* 
la  Rosalie  et  Taviso  le  Sans-Culottes  leur  furent  adjoints. 
Cette  mission  fut  acceptée  avec  joie  par  la  division  fran^ 
çaise.  et  il  n*y  eut  pas  un  habitant  de  Tîle  qui  n'enviât  lé 
sort  des  marins.  Les  équipages  étaient  faibles  ;  il  fallait  les 
compléter.  De  nombreuses  demandes  d'embarquement 
furent  adressées  au  gouverneur,  qui  se  vît  dans  la  nécessité 
d'en  accorder  un  bon  nombre.  La  garnison  elle-même 
voulut  prendre  part  au  combat  qui  allait  en  quelque  sorte 
décider  du  sort  de  l'île  :  1 50  soldats  furent  répartis  sur  les 
frégates. 

Sortie  le  19  octobre,  ce  ne  fut  que  trois  jours  après  que 
la  division  française  aperçut  les  croiseurs  ennemis,  à  une 
vingtaine  de  milles  au  vent  de  l'île.  Le  Centuriow  et  le 
DioMEDES  laissèrent  aussitôt  arriver  et,  à  3^  30*"  de  l'après- 
midi,  ils  se  trouvèrent  à  portée  de  pistolet,  le  premier  par 
le  travers  de  la  Prudente^  l'autre  à  côté  de  la  Cybèle^  placée 
dans  les  eaux  de  sa  conserve,  et  toutes  les  deux  au  plus 
près  du  vent.  Les  avisos  prirent  poste  par  la  hanche  des 
Anglais.  Un  combat  acharné  eut  lieu  alors  entre  ces  bâti- 
ments; mais  après  une  heure,  et  quoique  le  Centurion 
eût  déjà  de  nombreuses  avaries,  le  capitaine  Renaud  sen- 
tit qu'il  ne  pouvait  prolonger  la  lutte  dans  cette  position. 
Rétablissant  sa  misaine  et  ses  perroquets  qui  avaient  été 
cargués  dès  le  commencement  du  combat,  il  dépassa  son 
adversaire  et  vira  de  bord  sur  son  avant  en  lui  envoyant 
sabordée.  11  fit  signal  à  la  Ct/6èle  d'imiter  cette  xnaûœuvre  5 
mais  cet  ordre  ne  put  être  exécuté  :  fortement  avariée 
dans  sa  mâture  et  dans  son  grément,  cette  frégate  était 
pour  ainsi  dire  clouée  à  la  place  où  elle  se  trouvait.  La 

(1)  L'ancien  Duc-de-Chartres^ 


37«  BATAIU.ES. -4794. 

brise ,  d'ailleurs  très-faible  j  usqu  à  ce  moment,  était  complè- 
tement tombée,  et  il  lui  fallut  soutenir  seule  le  feu  du  Dio- 
MEDES  et  du  Centurion.  Le  capitaine  Tréhoûart  fut  du  reste 
admirablement  soutenu  par  le  brig  le  Coureur^  dont  le  capi- 
taine déploya  Taudace  la  plus  grande  dans  ce  combat.  Ce  fut 
inutilement  que  les  signaux  d'arriver  et  de  se  retirer  du  feu 
furent  faits  à  la  Cybèle;  elle  ne  put  y  réussir.  A  6^,  le  Cen- 
turion perdit  ses  deux  mâts  de  hune.  Une  légère  fratcbeor 
s'étant  élevée  dans  ce  moment,  la  Cybèle  put  en  profiter 
pour  se  rapprocher  de  la  Prudente  qui,  de  son  côté,  revensdt 
sur  les  vaisseaux  ennemis.  Le  grand  mât  de  la  première 
s'abattit  dans  ce  moment.  Le  Diomedes  voulut  la  suivre» 
mais  ses.  avaries  l'en  empêchèrent.  La  Prudente  prit  alors 
sa  conserve  à  la  remorque  et  la  petite  division  rentra 
triomphante  au  port,  aux  acclamations  des  habitants  qui 
couvraient  le  rivage. 

Le  résultat  de  cette  brillante  affaire  fut  tel  qu'on  l'avait 
espéré.  Le  Centurion  qui,  outre  ses  deux  mâts  de  hune, 
avait  perdu  son  mât  d'artimon,  et  le  Diomedes,  levèrent  le 
blocus  pour  aller  se  réparer  dans  leurs  ports,  et  les  sub- 
sistances purent  arriver  à  l'île  de  France. 

La  Prudente    portait      28  canons     de  18 

—  et    8    —         de    8 
La  Cybèle           —         28  canons     de  18 

et  12    —  de    8 

Le  Centurion    avait       22  canons  de  2i 

—  22    —  de  12 
_           6    —  de    6 

—  à  caronades  de  2à 

—  et    6    —         de  12 
Le  Diomedes      —         22  canons      de  18 

—  22  —  de  12 
_  6  —  de  6 
•-*     et  4  0  caronades  de  1 8 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  1794.  373 

La  Corse  paraissait  peu  soucieuse  des  événements  qu 
se  passaient  en  France,  et  elle  resta  calme  jusqu'au  mo- 
ment où  il  fut  question  d'organiser  une  garde  nationale  ; 
les  désordres  allèrent  croissant  lorsqu'il  fallut  nommer 
les  municipalités.  Le  lieutenant  général  Paoliqui  comman- 
dait cette  île,  accusé  d'avoir  fait  échouer  l'expédition  de 
Sardaigne,  avait  été  cité  à  la  barre  de  la  Convention.  Ap- 
pelant, en  quelque  sorte,  de  cet  arrêt,  il  avait  convoqué 
une  consulte  générale  des  députés  des  communes  et  s'était 
ainsi  séparé  de  fait  de  la  France.  Déclaré  traître  à  la  pa- 
trie et  abandonné  bientôt  d'une  partie  des  habitants,  il 
avait  imploré  l'assistance  du  vice-amiral  anglais  Hood  qui 
était  alors  à  Toulon.  Celui-ci  s'était  d'abord  borné  à  faire 
croiser  quelques  bâtiments  autour  de  l'île  et  à  donner  de 
la  poudre  et  des  munitions  aux  insurgés^  mais  au  com- 
mencement de  l'année  1794,  cinq  régiments  anglais  fu- 
rent débarqués  dans  le  Nord  auprès  de  Saint-Florent, 
et  pour  leur  début,  ils  durent  attaquer  cette  ville.  La 
Minerve  et  la  Fortunée^  arrivées  sur  cette  rade  à  la  fin  de 
l'année  précédente,  y  avaient  été  retenues  par  l'autorité 
locale  et  leurs  équipages  avaient  été  mis  à  terre  pour  ren- 
forcer la  garnison.  La  sortie  de  ces  frégates  étant  devenue 
impossible,  car  une  forte  division  ennemie  les  surveillait, 
on  crut  les  soustraire  à  une  capture  certaine  en  les  échouant 
à  la  côte.  Lorsque,  après  six  jours  de  résistance,  la  ville 
de  Saint-Florent  fut  abandonnée  par  sa  garnison  qui  se 
replia  sur  Calvi,  le  capitaine  Maistral  (Désiré)  livra  la 
Fortunée  aux  flammes.  Les  Anglais  réussirent  à  remettre  la 
Minerve  à  flot,  et  cette  frégate  prit  le  nom  de  San  Fiorenzo 
dans  la  marine  anglaise.  Les  équipages  des  deux  frégates 
ne  s'arrêtèrent  pas  à  Calvi;  ils  furent  dirigés  sur  Bastia  et 
partagèrent  les  dangers  et  les  privations  de  la  garnison  de 
cette  place  jusqu'à  la  capitulation  du  21  mai.  La  corvette 
la  Flèche  fut  prise  dans  ce  port. 

Le  11  janvier,  le  capitaine  Gay,  de  la  frégate  de  32'  la 
Melpomène,  aperçut,  non  loin  de  Calvi,  la  frégate  la  Mi-- 


374  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1794. 

gnonne  chassée  par  2  frégates  anglaises  et  un  vaisseau  ;  il  se 
rapprocha  d'elle  pour  la  soutenir.  A  11^  45"*,  les  frégates 
ennemies  se  trouvèrent  en  position  d'envoyer  des  boulets 
à  cet  audacieux  auxiliaire,  et  bientôt  la  canonnade  devint 
très-vive  entre  ces  trois  frégates.  Je  ne  compte  pas  la  JMî- 
gnonne^  car  son  capitaine,  oublieux  de  ce  que  celui  de  la 
Melpomène  venait  de  faire  pour  lui,  s'éloignait  sous  toutes 
voiles  en  couvrant  cependant  la  mer  de  ses  boulets,  La 
proximité  de  la  côte  arrêta  les  frégates  anglaises;  à  3**, 
elles  rallièrent  le  vaisseau  qui  n'avait  pu  s'approcher  assez 
pour  prendre  part  à  l'engagement.  La  Melpomène  avait 
ses  bas  mâts  criblés,  ainsi  que  son  petit  mat  de  hune  ;  son 
corps  portait  aussi  des  traces  nombreuses  de  boulets.  Prise' 
de  calme  sous  la  terre,  elle  fut  remorquée  à  Calvi  par  des 
embarcations  du  pays.  Calvi  fut  la  dernière  place  qui  ar- 
rêta les  Anglais  ;  elle  ne  se  rendit  qu'au  commencement 
du  mois  d'août.  La  Melpomène  et  la  Mignonne  devinrent  la 
propriété  des  vainqueurs. 

Dès  le  14  juin,  les  Corses  s'étaient  déclarés  séparés  de 
la  France  et  avaient  reçu  sir  Robert  Elliot  comme  vice-roi 
de  la  Grande-Bretagne.  Disons  de  suite  que  la  bonne  in- 
telligence ne  fut  pas  de  longue  durée  entre  les  Corses  et 
les  Anglais.  L'orgueil  britannique  ne  pouvait  sympathiser 
avec  le  caractère  ardent  et  les  habitudes  de  ces  monta- 
gnards. Le  nombre  des  partisans  de  la  France  augmenta 
de  jour  en  jour,  et  une  expédition  partie  de  Livourne  s'em- 
para deBastia  le  21  octobre  1796;  quelques  jours  après, 
les  Anglais  avaient  évacué  l'île  entière  et  la  Corse  était 
redevenue  française. 


Les  combats  particuliers,  assez  nombreux  cette  année, 
ne  furent  pas  généralement  avantageux  à  la  France. 

Le  capitaine  Biller,  de  la  corvette  de  18''  la  Trompeuse, 
se  trouvant,  le  13  janvier  à  8^  du  matin,  à  200  milles  dans 
l'Ouest  des  Sorlîngues,  îles  situées  à  la  pointe  S.-O.  de 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1794.  375 

l'Angleterre,  aperçut  un  bâtiment  sur  lequel  il  se  dirigea 
pour  le  reconnaître  :  ce  bâtiment  était  une  frégate  anglaise. 
Il  ventait  bon  frais  et  la  mer  était  grosse.  Quoique  la  cor- 
vette eût  promptement  pris  chasse,  elle  fut  atteinte  après 
cinq  heures  de  poursuite  et  son  pavillon  fut  amené  à  la 
première  bordée  qui  lui  fut  tirée. 

Prenant  en  considération  Tétat  de  la  mer  qui  ne  permet- 
tait pas  de  se  servir  de  la  batterie  de  la  Trompeuse^  le  con- 
seil martial  chargé  d'examiner  la  conduite  du  capitaine 
Biller  le  déclara  non  coupable  et  le  déchargea  de  toute 
accusation. 


Un  convoi  d'une  trentaine  de  navires  se  rendant  de  la 
rade  de  Cannes  à  Marseille  et  à  Arles  sous  l'escorte  de  la 
frégate  la  Vestale,  capitaine  Foucaud,  de  la  corvette  de 
30^  la  Badine,  capitaine  Laindet  Lalonde  et  de  deux  petits 
avisos,  se  vit  dans  la  nécessité  de  chercher  un  refuge  à 
Saint-Tropez  pour  échapper  à  la  poursuite  de  3  vaisseaux 
anglais  et  une  frégate  qui  étaient  signalés.  On  était  au 
15  février.  En  entrant  dans  la  baie,  la  Badine  se  jeta 
sur  le  plateau  de  roches  dites  les  Sardinaux  placées  à  sa 
pointe  Nord,  et  elle  futcanonnée  pendant  une  deml-b^ure 
par  un  des  vaisseaux  et  la  frégate.  Parvenue  à  se  remettre 
à  flot,  elle  entra  à  Saint-Tropez  avec  la  Vesfaleqm  lui  av^ait 
prêté  l'assistance  de  ses  canons;  le  convoi  et  le  restçdp 
l'escorte  y  étaient  déjà.  Aucun  bâtîiiîent  n'éprouva  d'ay;|«^ 
ries,  pas  même  la  Badine  par  suite  de  son  ^çhouagef 


Un  convoi  parti  du  Havre,  le  1"  mars,  sous  Tesciorte 
des  chaloupes-canonnières  de  3  canons  de  24  YEtna^  ca- 
pitaine Giffard,  la  Foudre^  la  Terrible^  la  Tempête  et  la 
Fulminante;  du  lougre  de  T*'  la  Citoyenne;  de  l'aviso 
Y  Année  et  de  la  bombarde  la  Salamandre  qui  portait  10  ca- 
nons de  8  et  2  mortiers,  fut  chassé  le  lend^nis^ii  p^r  up 


376  COMBATS  PARTICULIERS.— 1794. 

brig  anglais  de  16''  qu'on  supposa  être  le  Viper  (1).  Il  ven- 
tait bon  frais  de  O.-N.-O.  Le  capitaine  Giffard,  qui  com- 
mandait, fit  signal  de  forcer  les  voiles.  Laissée  beaucoup 
de  rarriëre,  la  Salamandre  fut  jointe  et  attaquée  à  &"  du 
soir.  Le  capitaine  Leguillon,  jeune,  accueillit  le  brig  en- 
nemi avec  une  vigueur  telle  que,  se  méprenant  proba- 
blement sur  la  force  réelle  de  la  bombarde,  l'anglais  se 
retira  après  un  combat  de  cinq  quarts  d'heure.  Les  canon- 
nières ne  furent  d'aucune  utilité  à  la  Salamandre;  la  mer 
ëtût  trop  grosse  pour  qu'elles  pussent  se  servir  de  leur  ar- 
tillerie.   

Les  cotres  le  Requin^  capitaine  Morel  (Dominique),  le 
Souffleur  et  le  Poisson-Volant ,  se  rendant  de  Boulogne  à 
Dunkerque,  furent  chassés,  le  30  avril,  par  deux  frégates, 
un  brig  et  un  cutter  anglais.  Quoique  la  petite  escadrille 
française  se  fût  approchée  de  terre,  les  deux  avisos  enne- 
mis l'attaquèrent  par  le  travers  du  fort  Sangatte.  S' aper- 
cevant bientôt  que  l'intention  des  frégates  était  de  lui  bar- 
rer le  passage,  le  capitaine  Morel  fit  signal  de  relâcber  à 
Calais,  où  les  3  cotres  entrèrent  en  échangeant  des  boulets 
avec  les  Anglais  qui  les  accompagnèrent  jusqu'à  l'entrée 
des  jetées. 

Le  capitaine  Durand  Linois  de  la  frégate  de  36*"  Tilla- 
lante^  sorti  de  Brest  avec  la  corvette  la  Levrette  et  le  brig 
YÊpenoier  pour  se  porter  à  la  rencontre  du  convoi  de  grains 
attendu  des  États-Unis  d'Amérique,  aperçut,  le  6  mai  vers 
midi,  28  voiles  dans  le  N.-E.  ;  le  vent  soufilait  du  N.-N.-E, 
Deux  bâtiments  se  détachèrent  du  groupe  et  chassèrent 
les  Français.  Le  petit  mât  de  perroquet  de  YAtalante  ve- 
nait d'être  dépassé,  afin  de  ne  pas  fatiguer  le  mât  de 
hune  éclaté  au-dessus  du  chouque.   Le  capitaine  Linois 


(1)  Ce  brig  et  la  coryette  VAmaranthe  aTaient  ét6  pris,  le  23  jaDTÎer,  par  la 
frégate  aDglaii^e  Flora. 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1794.  377 

signala  liberté  de  manœuvre  à  la  Levrette  qui  fit  vent  ar- 
rière; le  brig  s'était  séparé  Tavant-veille  pendant  un  coup 
de  vent.  Les  deux  chasseurs  étaient  les  vaisseaux  anglais 
Saint  Albans  de  72°,  capitaine  James Vashon,  et  Swiftsure 
de  82,  capitaine  Charles  Boynes.  Le  premier  s'attacha  à  la 
poursuite  de  la  Levrette  ;  l'autre  échangea  des  boulets  à  toute 
volée  avec  YAtalante  jusqu'à  la  nuit.  Une  chasse  de  trente 
heures  diminua  à  peine  la  distance  qui  séparait  les  deux 
derniers  bâtiments,  car  la  brise  était  très-faible.  Le  7,  elle 
varia  et,  vers  S*»  du  matin,  YAtalante^  encore  sous  le  vent, 
se  trouva  par  le  travers  du  Swiftsure  qui  la  canonna  dès 
lors  avec  plus  d'efficacité.  Il  manquait  26  hommes  à  la 
frégate.  Son  équipage,  composé  d'ailleurs  en  grande  par- 
tie de  jeunes  gens  qui  allaient  au  feu  pour  la  première  fois, 
fut  peu  rassuré  par  cette  canonnade  nocturne.  Beaucoup 
abandonnèrent  leur  poste,  et  les  exhortations  ne  furent  pas 
suffisantes  pour  les  y  ramener.  Cependant  le  vaisseau  ne 
discontinuant  pas  son  feu,  YAtalante  fut  bientôt  mise  dans 
l'impossibilité  de  manœuvrer.  L'eau  entrait  en  telle  abon- 
dance dans  la  cale,  que  le  capitaine  Linois  fit  amener  le 
pavillon  à  4*'  15*". 

Le  jugement  que  subit  le  capitaine  Linois  constata  que 
r équipage  de  YAtalante  avait  passé  deux  jours  et  deux 
nuits  aux  postes  de  combat,  et  qu^aù  moment  où  le  feu 
avait  commencé,  on  manœuvrait  les  avirons  depuis  priés 
de  seize  heures;  que  le  pavillon  n'avait  été  amené  que 
lorsqu'on  jugea  le  maintien  de  la  frégate  à  flot  impossible 
et  qu'on  ne  dut  plus  compter  sur  la  coopération  d'un  équi- 
page harassé  de  fatigue.  Aussi  le  capitaine  de  YAtalante 
fut-il  acquitté ,  malgré  l'arrêté  de  la  Convention  en  vertu 
duquel  il  devait  être  condamné  à  mort  pour  s'être  rendu. 

VAtalante  prit  rang  parmi  les  frégates  anglaises  sous 
le  nom  de  1*  Espion. 

LAtalante  portait  26  canons      de  12 

—  6     —  de    6 

—  et  4  caronades  de  36 


378  COMBATS  PARTICULIERS. —4794. 

Le  SWIFTSUAE  avait  28  canons      de  32 

—  30     —  de  24 

—  16     —  de    9 

—  et  8  caronades  de  32 


Le  capitaine  Aucan,  de  la  corvette  de  22*»  le  Maire-Guit- 
ton^  détaché  de  la  division  aux  ordres  du  contre-amiral 
Nielly  pour  escorter  quelques  prises,  aperçut,  le  15  mai 
pendant  la  nuit,  5  bâtiments  qui  ne  répondirent  pas  ftU3f 
signaux  de  la  corvette.  Signal  de  liberté  de  manœuvre 
fut  immédiatement  fait  aux  prises,  mais  c'est  à  peine  si 
elles  purent  profiter  de  la  faculté  qui  leur  était  laissée,  tant 
la  brise  était  faible.  Le  jour,  en  se  faisant,  permit  de  dis- 
tinguer une  division  anglaise;  ses  boulets  atteignaient 
déjà  la  corvette.  Le  capitaine  Aucan  n'essaya  pas  de  résiS'p 
ter;  il  tira  quelques  coups  de  canon  et  fit  amener  le  pavil- 
lon. Le  Maire-Guiiion  fut  amariné  par  la  frégate  Hebe.  Le 
convoi  fut  capturé. 

Quelques  jours  après,  le  Maire-GuilUm  et  son  convoi  fu- 
rent rencontrés  et  délivrés  par  Tarmée  navale  du  contre^ 
amiral  Villarct.  Cet  officier  général  enleva  l'artillerie  de  la 
corvette,  mit  les  malades  des  vaisseaux  à  son  bord  et  l'ex- 
pédia à  Lorient. 

Le  capitaine  Bouyer,  de  la  corvette  de  20'' le  Républicain^ 
sorti  de  Brest  avec  des  dépêches  pour  le  commandant  en 
chef  de  l'arméede  l'Océan,  rencontra,  le  2A  mai,  la  corvette 
de  12°  Y  Inconnue  dont  le  capitaine  avait  la  môme  mission  ; 
ils  naviguèrent  de  conserve.  Le  soir  môme,  un  grand  nom- 
bre de  voiles  furent  aperçues.  Les  renseignements  obtenus 
de  quelques  navires  du  commerce  et  la  position  de  ces 
voiles  pouvaient  faire  supposer  aux  deux  capitaines  que 
c'éLiiient  les  vaisseaux  du  contre-amiral  Viilarct.  Dans  cette 
confiance,  ils  se  dirigèrent  vers  eux.  11  venta  bon  frais 
pendant  la  nuit  qui  fut  en  outre  très-obscure  ;  les  deux 


COMBATS  PAUTIGULIEKS.  —  1794.  379 

corvettes  se  perdirent  de  vue.  Au  jour,  le  capitaine  Bouyer 
reconnut  son  erreur;  les  voiles  aperçues  appartenaient 
bien  à  une  armée  navale,  niais  c'était  à  celle  des  Anglais. 
Chassé  par  plusieurs  vaisseaux  et  frégates  qui  faisaient 
pleuvoir  sur  lui  les  boulets,  le  capitaine  du  Républicain 
sentit  rinutilité  de  la  résistance  et  amena  ison  pavillon.  Le 
RèjmhJicain  fut  livré  aux  flammes. 

Un  autre  bâtiment  brûlait  à  petite  distance  :  c'était  Y  In- 
connue qui,  elle  aussi,  était  victime  de  la  trop  grande  con- 
fiance de  son  capitaine. 

L'enseigne  de  vaisseau  Bouyer  fut  acquitté  par  le  con- 
seil martial  qui  fut  chargé  de  prononcer  sur  sa  conduite. 
Un  arrêt  analogue  fut  probablement  rendu  en  faveur  du 
capitaine  de  Y  Inconnue. 


L'ex-frégate  anglaise  de  40*  Castor^  capitaine  Thomas 
Trowbridge,  prise  sans  combat,  le  10  mai,  par  le  vaisseau 
de  78*=  le  Patriote  de  la  division  du  contre-amiral  Nielly» 
se  sépara  le  25  pendant  une  chasse  ;  le  commandement  en 
avait  été  donné  au  lieutenant  de  vaisseau  Lhuillier.  Lfi 
mauvaise  composition  et  la  faiblesse  de  son  équipage  dé- 
cidèrent cet  officier  à  faire  route  pour  Brest.  Le  29,  il 
aperçut  derrière  lui  un  bâtiment  qu'il  supposa  être  une 
découverte  de  Farmée  française;  il  continua  sa  route, 
mais  en  faisant  des  signaux  de  reconnaissance.  Ce  bâtiment 
n'y  répondit  pas  :  c'était,  en  effet,  la  frégate  anglaise  dje 
36*^  Carysfort,  capitaine  Francis  Laforey.  Grâce  à  la  supério- 
rité de  sa  marche,  celle-ci  atteignit  facilement  le  travers  de 
la  frégate  française.  Le  combat  s'engagea  alors  avec  la  plus 
grande  vivacité;  malheureusement,  la  faiblesse  numérique 
de  l'équipage  du  Castor  ne  lui  permit  pas  de  le  continuer 
longtemps  ainsi;  la  batterie  des  gaillards  n'avait  même  pu 
être  armée.  Sa  mâture  fut  criblée  sans  que  ses  canonniers 
inexpérimentés  eussent  réussi  à  occasionner  l'avarie  la 
plus  légère  à  la  frégate  anglaise.  Pour  comble  d'infor- 


380  COMBATS  PARTICULIERS.  — 1794. 

tune,  le  feu  prit  aux  porte-haubans  d'artimon.  Le  service 
de  rartillerie  qui  allait  se  ralentissant  incessamment,  souf- 
frit encore  de  cet  événement.  Le  lieutenant  Lhuillier  fit 
amener  le  pavillon. 

Traduit  devant  un  conseil  martial,  le  lieutenant  de  vais- 
seau Lhuillier  fut  acquitté* 


Quelques  jours  plus  tard,  une  des  frégates  de  la  divi- 
sion du  contre-amiral  Nielly  s'empara  du  cutter  anglais 
Crocodile. 

Après  que  les  Anglais  se  furent  rendus  maîtres  du  petit 
port  de  Bastia,  situé  sur  la  côte  orientale  de  Tlle  de  Corse, 
ils  en  expédièrent  les  habitants  à  Toulon  sur  deux  parle- 
mentaires auxquels  le  commandant  de  l'escadre  stationnée 
dans  ce  port  ne  voulut  pas  accorder  l'entrée,  et  qu'il  fit 
conduire  aux  îles  d'Hyères  par  la  frégate  de  32"  r/pAîgrênîe, 
capitaine  Gouet.  Cette  frégate  faisant  route  pour  rentrer  à 
Toulon  rencontra,  pendant  la  nuit  du  3  juin,  une  frégate 
anglaise  qui  la  héla  et  qui  reçut  une  volée  pour  toute  ré- 
ponse. Cette  frégate  ne  resta  pas  muette  à  cette  agression 
et  un  feu  très-nourri  s'ensuivit  de  part  et  d'autre.  Après 
une  demi-heure,  la  frégate  ennemie  se  retira  en  faisant  des 
signaux  qui,  dénotant  la  présence  de  l'escadre  anglaise» 
empêchèrent  le  capitaine  Gouet  de  la  poursuivre.  Au  jour, 
il  aperçut  en  effet  8  voiles  dans  le  Sud  et  retourna  aux  lies 
d'Hyères.  V Iphigénie  retnit  sous  voiles  le  lendemain.  Elle 
avait  eu  un  mât  et  une  vergue  de  hune  fortement  endom- 
magés dans  son  engagement  avec  la  frégate  anglaise.  Ce 
mât  s'abattit  dans  la  traversée  d'Hyères  à  Toulon  oti  elle 
entra  avec  une  division  envoyée  à  sa  rencontre. 


Pendant  cette  même  nuit  du  3  juin,  la  corvette  la  It- 
bertéf  capitaine  Saunier,  sortie  pour  observer  l'armée  ap- 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1794.  384 

glaise  qui  croisait  devant  Toulon,  essuya  le  feu  de  3  vais- 
seaux auxquels  elle  n'échappa  que  par  la  supériorité  de  sa 
marche. 


Le  capitaine  Rondeau,  de  la  frégate  de  32*  la  Sibylle^ 
était  depuis  plusieurs  jours  sur  la  rade  de  Miconi  de  l'archi- 
pel du  Levant  avec  3  navires  du  commerce  qu'il  accompa- 
gnait à  Candie  lorsque,  le  17  juin,  un  convoi  anglais  escorté 
par  un  vaisseau  et  trois  frégates  parut  au  large.  Le  vais- 
seau, qui  était  leRoMNEY  de  60%  capitaine  honorable  Wil- 
liam Paget,  entra  dans  la  rade  et  mouilla  par  le  travers 
de  la  frégate  française.  Dès  que  l'ancre  fut  au  fond,  le  ca- 
pitaine anglais  fit  engager  le  capitaine  français  à  ar- 
borer le  pavillon  blanc  et  à  ne  pas  tenter  une  résistance 
que  la  disproportion  des  forces  rendrait  inutile.  Ce  dernier 
répondit  ne  pouvoir  arborer  un  pavillon  qui  n'était  pas 
celui  de  la  République.  Soupçonnant  les  intentions  du  ca- 
pitaine Paget,  les  Primats  de  Miconi  avaient  de  suite  en- 
voyé rappeler  la  neutralité  de  l'île.  Loin  d'avoir  égard 
à  leurs  observations,  le  capitaine  anglais  retint  leur  en- 
voyé à  son  bord,  et  passant  des  menaces  à  l'exécution,  le 
RoMNEY  ouvrit  son  feu  sur  la  Sibylle  qui  lui  riposta  immé- 
diatement. L'action  fut  très-chaude  pendant  une  heure  et 
demie;  mais  après  ce  temps,  l'équipage  de  la  frégate  se 
jeta  dans  les  embarcations  ou  à  la  nage  et  gagna  la  terre  ; 
38  hommes  seulement  restèrent  à  bord.  Ne  voulant  pas 
compromettre  plus  longtemps  les  jours  de  ces  quelques 
braves  qui ,  seuls ,  avaient  compris  leur  devoir,  le  capitaine 
Rondeau  fit  amener  le  pavillon.  Le  capitaine  Paget  em- 
mena la  Sibylle  et  les  navires  du  commerce;  mais  leurs 
équipages,  y  compris  le  capitaine  Rondeau,  furent  mis  à 
terre  avant  le  départ. 

La  Sibylle  portait    26    canons      de  12 

4        —        de    6 

et  2  caronades  de  36 


382  COMBATS  PARTICULIERS.  —1794. 

Le  lloM;N£Y   avait     22  cauon^     de  SA 

22  —        de  12 

6  —        de    6 

h  caronades  de  24 

et  6  —         de  12 


Le  14  juillet,  le  capitaine  Lhermite  (Pierre),  delà  fré- 
gate la  Seine^  en  croisière  sur  la  côte  d'Irlande,  s'empara 
de  la  corveite  anglaise  de  20''  Levrette  qui  revenait  de  la 
Jamaïque. 

Le  23  août,  les  capitaines  Magendie,  de  la  corvette  de 
12*  V Espion  et  Passard  de  V Alerte,  de  même  force,  se  trou- 
vant vers  9''  du  matin  à  quelques  milles  dans  le  Sud  de 
Brest,  entendirent  des  coups  de  canon  qui  les  firent  rallier 
la  terre.  La  brume  qui  avait  régné  jusqu'alors  s' étant  dis- 
sipée à  11'',  ils  apcrçurenl  une  frégate  française  poursuivie 
par  0  frégates  anglaises.  Le  vent  souillait  de  l'Est.  Chassées 
à  leur  tour  par  les  deux  frégates  Flora  do  42''  que  montait 
le  Commodore  sir  Borlase  AVarren  et  Arethusa  de  ââ,  ca- 
pitaine sir  Edward  Pclcw,  les  deux  corvettes  allèrent 
mouiller  sous  les  batteries  d'Audierne.  Le  capitaine  Ma- 
gendie fit  aussitôt  porter  une  ancre  à  jet  dans  la  direction 
de  la  terre,  et  le  icmps  lui  manquant  pour  lever  celle  qui 
était  au  fond,  il  coupa  son  câble  et  vira  sur  l'ancre  à  jet. 
Mais  celle-ci  ne  tint  pas  et,  entjaîné  parle  courant, l'Esptoii 
fut  jeté  sur  la  roche  appelée  la  Gamelle.  A  S**,  les  frégates 
anglaises  ouvrirent  leur  feu  sur  les  deux  corvettes  qui  y  ré- 
pondirent avec  vigueur,  la  position  de  Y  Espion  lui  permet- 
tant fort  heureusement  de  se  servir  de  sa  batterie.  La  mer 
était  belle  et  le  tir  sur  un  bâtiment  immobile  était  facile; 
le  grand  mât  et  le  mât  d'artimon  de  cette  corvette  furent 
bientôt  abattus;  sa  muraille  portait  aussi  de  nombreuses 
traces  de  boulets.  A  7\  elle  tomba  sur  le  côté  ;  une  partie 
de  ses  canons  étant  déjà  démontés,  le  capitaine  Magendie 


COMBATS  PARTICULIERS. -4794.  383 

la  fit  évacuer.  Cette  détermination  n'arrêta  pas  le  feu  des 
frégates;  elles  continuèrent  à  tirer  à  mitraille  sur  les  câ*- 
nots  qui,  pavillon  déployé,  emportaient  l'équipage  à  terre. 
Le  Commodore  Warren  voulut  plus  tard  faire  incendier 
V Espion^  mais  il  ne  put  y  réussir.  A  la  nuit,  le  capitaine 
Magendie  retourna  à  bord  et  parvint  à  relever  la  corvette 
qu'il  mouilla  dans  la  baie  d'Audierne. 

V Alerte  se  jeta  aussi  sur  la  Gamelle,  d'où  il  ne  put 
être  retiré.  Le  lieutenant  de  vaisseau  Passard  fut  déclaré 
non  coupable. 


Chassé,  le  23  août,  par  la  division  du  commodore  an- 
glais sir  Borlase  Warren,  le  capitaine  Papin  (Jacques),  de 
la  frégate  de  Sô*"  la  Volontaire^  qui  croisait  devant  Brest 
avec  le  brig  le  Lazouski  (1) ,  prit  la  bordée  de  terre  ;  la 
brise  soufflait  du  N.-E.  Les  chasseurs  se  divisèrent  de 
manière  à  enceindre  la  Volonlaire  dans  un  demi-cercle. 
Cette  disposition  l'empêchant  de  doubler  les  Penmarks, 
rochers  situés  près  de  la  côte  entre  Brest  et  Lorient,  le 
capitaine  Papin  mouilla,  à  2'*  de  l'après-midi,  entre  la 
pointe  à  laquelle  ces  rochers  ont  donné  leur  nom  et  Au- 
dierne.  Les  frégates  Artois  de  Zi4*,  capitaine  Edmund 
Nagle,  Diamond  de  48,  capitaine  sir  Sidney  Smith,  Gala- 
THiEA  de  40,  capitaine  sir  Richard  Goodwin  Keats  et  Diana 
de  48,  capitaine  Jonathan  Faulknor,  le  suivirent,  mais  elles 
ne  mouillèrent  pas;  elles  défilèrent  successivement  devant 
la  Volonlair^c  en  lui  envoyant  leur  bordée.  Cette  attaque 
durait  depuis  deux  heures,  et  rien  n'annonçait  qu'une  autre 
cause  que  la  nuit  dût  y  mettre  un  terme,  lorsque  le  capi- 
taine Papin,  dans  le  but  de  prendre  une  position  plus  fa- 
vorable, coupa  ses  câbles  et  s'échoua  à  la  côte,  le  travers 
au  large.  La  canonnade  continua  jusqu'à  à^  15"*;  l'état  de 
la  marée  décida  alors  le  commodore  anglais  à  s'éloigner. 


(1)  L'aDcien  Espoir, 


384  COMBATS  PARTICULIERS.  —1794. 

La  Volontaire  échappait  à  rennemi,  mais  sa  position  était 
loin  d'être  rassurante  ;  elle  était  échouée  sur  des  roches 
et  ne  tarda  pas  à  faire  de  Teau  ;  bientôt  les  pompes  ne  fran- 
chirent plus.  Désespérant  de  relever  la  frégate  dont  le  com- 
mandement lui  était  confié,  le  capitaine  Papin  ordonna  de 
débarquer  les  vivres  et  les  approvisionnements  et*  cette 
opération  terminée,  il  fit  descendre  l'équipage  à  terre. 

Le  Lazouski  avait  pris  une  direction  différente  et  n'avdt 
pas  été  poursuivi. 

Le  jury,  chargé  d'examiner  la  conduite  du  capitaine 
Papin,  déclara  cet  officier  non  coupable. 


Le  10  septembre  à  A^  du  matin,  le  capitaine  Gollinet,  du 
cotre  la  Surprise^  courant  bâbord  amures  avec  une  belle 
brise  de  N.-N.-E.,  dans  les  parages  d'Ouessant,  aperçut 
devant  lui  et  au  vent  plusieurs  bâtiments  dont  2  lui  ap- 
puyèrent la  chasse  5  il  arriva  vent  arrière.  Le  jour,  en  se 
faisant,  permit  au  capitaine  de  la  Surprise  de  reconnaître 
2  frégates  anglaises  dans  les  bâtiments  qui  le  chassaient: 
c'étaient  la  Pallas  et  1' Aquilon.  La  défense  n'était  pas  pos- 
sible. Après  un  échange  de  quelques  coups  de  canon ,  le 
pavillon  du  cotre  fut  amené. 

Le  jury  qui  examina  la  conduite  de  l'enseigne  de  vais- 
seau Gollinet  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  poursuivre. 


Le  capitaine  Thevenard  (Alexandre) ,  de  la  frégate  de  44* 
la  Révolutionnaire  j  se  rendant  du  Havre  à  Brest,  fut  chassé 
pendant  la  nuit  du  21  octobre,  et  à  quelques  milles,  de  l'Ile 
d'Ouessant,  par  les  frégates  anglaises  Arethusa,  Diamond 
de  48%  capitaines  sir  Edward  Pelew  et  sir  Sidney  Smith, 
Artois  de  44,  capitaine  Edmund  Nagle  et  Galathjea  de  40, 
capitaine  Richard  Goodwin  Keats.  La  brise  était  faible  du 
N.-E.  Dès  que  le  jour  parut,  une  canonnade  de  chasse  et 
de  retraite  s'établit  entre  la  Révolutionnaire  et  T Artois; 


COLONIES.  — 1794.  385 

mais  lorsque  le  vaisseau  rasé  anglais  fut  à  distance  con- 
venable, le  capitaine  Thevenard  lança  subitement  au  vent 
et  lui  envoya  une  bordée  entière.  Cette  manœuvre,  qui  fut 
sans  résultat,  permit  à  TArtois  d'atteindre  le  travers  de 
dessous  le  vent  de  la  Révolutionnaire.  Le  combat  continua 
dans  cette  position.  Une  demi-heure  plus  tard,  la  Diamond 
arriva,  suivie  de  près  par  les  2  autres  frégates.  Le  capi- 
taine Thevenard  dut  céder  à  la  force  :  à  10^  80"*,  il  fit 
amener  le  pavillon.  La  Révolutionnaire  avait  perdu  ses 
vergues  de  grand  hunier  et  de  perroquet  de  fougue. 

Le  jury  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à  accusation  contre 
le  lieutenant  de  vaisseau  Thevenard. 


Lorsque,  le  1"  février  1793,  la  guerre  avait  été  déclarée 
à  l'Angleterre  et  à  la  Hollande,  la  France  était  en  posses- 
sion des  colonies  qui  lui  avaient  été  reconnues  par  le  traité 
de  paix  de  1783.  C'étaient,  dans  l'Amérique  du  Nord,  les 
deux  petites  îles  Saint-Pierre  et  Miquelon  sur  la  côte  de 
Terre-Neave;  aux  Antilles,  les  îles  de  la  Martinique,  les 
Saintes,  la  Guadeloupe,  laDésirade,  Sainte-Lucie,  Tabago, 
Marie  Galante,  une  partie  de  Saint-Martin  et  de  Saint- 
Domingue;  la  Guyane,  dans  l'Amérique  du  Sud.  En  Afri- 
que, Saint-Louis  et  l'île  de  Corée.  Aux  Indes,  Pondichéry, 
Chandernagor,  Karikal,  Yanaon,  Mahé,  les  îles  de  France 
et  de  Bourbon  (d)  et  Foulpointe  à  Madagascar. 

J'ai  dit  comment  les  troubles  de  la  Vendée,  en  obligeant 
le  gouvernement  à  tenir  un  grand  nombre  de  bâtiments 
sur  la  côte  occidentale  de  la  France,  avaient  momentané- 
ment empêché  d'envoyer  des  secours  aux  colonies.  Aussi, 
dès  le  14  avril  J793,  les  Anglais  s'emparaient-ils  de 
Tabago.  Dans  l'Inde,  on  avait  promptement  appris  la  dé- 
claration de  guerre  par  l'isthme  de  Suez  ;  et  avant  qu'on 


(1)  Aujourd'hui  la  Réunion. 

II.  25 


SS6  COLONIES. -4194. 

eût  pu  prendre  aucune  mesure,  Ghanderuagor,  Karikal, 
Yanaon,  Mahé  étaient  au  pouvoir  des  Anglais.  Au  mois 
d'août,  ils  s'étaient  emparés  de  Pondichéry.  Les  lies  de 
Saint-Pierre  et  Miquelon  avaient  aussi  été  prises. 

Les  colonies  des  Antilles  se  trouvèrent  bientôt  dans  la 
position  la  plus  critique  ;  elles  étaient  dans  un  état  de  pé- 
nurie affligeant ,  et  les  gouverneurs  ne  conservant  plus 
qu'une  ombre  d'autorité,  elles  tombèrent  dans  l'anarchie 
la  plus  complète.  Des  planteurs  de  la  Martinique  et  de  la 
Guadeloupe  députèrent  vers  les  Anglais  et  promirent  de 
livrer  ces  îles  à  la  première  expédition  qui  se  présentendt. 
Le  pavillon  blanc  flotta  de  nouveau  sur  certains  quartiers 
de  la  Martinique  et  les  deux  partis  se  faisaient  une  guerre 
à  mort,  lorsque  une  division  anglaise  de  8  vaisseaux  et 
plusieurs  frégates,  sous  le  commandement  du  contre-ami- 
ral Gardner,  se  présenta,  le  11  janvier  1793,  devant  le  Fort* 
Royal ,  et  fit  un  débarquement.  Les  passions  et  les  haines 
s'éteignirent  un  instant.  Culbutées  sur  tous  les  points^ 
les  colonnes  d' Anglo-émigrés  se  rembarquèrent. 

Une  députation  de  propriétaires  de  la  Martinique  avait 
déjà  demandé  l'intervention  du  chef  de  division  Rivière  qui 
s'était  retiré  à  l'Ile  espagnole  de  la  Trinité  avec  les  bâtimenti 
sous  ses  ordres.  Un  conseil  avait  été  tenu  à  cet  effet,  dant 
les  premiers  jours  d'avril,  et  il  avait  été  convenu  que  le 
pavillon  espagnol  flotterait  à  côté  de  celui  de  la  France  sur 
tous  les  forts  de  l'île,  dans  le  cas  où  Ton  parviendrait  à 
rétablir  l'ordre.  Mais  ce  ne  fut  que  longtemps  après  que  le 
gouvernement  espagnol  consentit  à  accorder  la  protection 
qui  lui  était  démandée  ^  et  lorsque  le  chef  de  division  Ba-* 
relia  se  présenta  devant  la  Martinique,  l'amiral  anglais 
Jervis  venait  de  s'en  rendre  maître. 

Humiliée  de  l'échec  qu'elle  avait  reçu,  l'Angleterre  avait 
envoyé  des  forces  assez  considérables  pour  le  réparer.  Une 
expédition  commandée  par  l'amiral  Jervis  était  partie 
d'Europe,  et  avait  paru,  le  à  février  1794,  devant  la  Marti* 
nique.  Le  22  mai,  après  trente-deux  jours  de  bombarde- 


COLONIES. --4794.  8S7 

ment,  le  général  Rochambeau  avait  capitulé  dans  le  folrt 
Bourbon^  seul  point  de  l'Ile  qui  ne  fût  pas  au  pouvoir  de 
l'ennemi. 

Le  &  avril,  Tile  de  Sainte-Lucie  capitulait  aussi. 

Les  Anglais  se  dirigèrent  ensuite  sur  la  Guadeloupe  «t^ 
chemin  faisant,  ils  s'empâtèrent  des  Saintes.  Le  11,  ih 
firent  un  débarquement  dans  la  baie  de  la  Poiute-à^Pltref 
et  ayant  réussi  à  faire  abandonner  toutes  leè  positiotis  va 
passant  la  garnison  de  la  batterie  de  Fleut-d'Épée  par  les 
armes  (1),  ils  furent  bientôt  maîtres  de  la  Grande-'Terre* 
Le  21,  le  général  GoUot  signa  la  capitulation  de  laGuacki^ 
loupe  et  de  ses  dépendances.  Toutes  les  possessions  fran- 
çaises des  îles  du  Vent  tombèrent  ainsi  en  un  mois  au 
pouvoir  des  Anglais. 

L'Angleterre  ne  vit  pas  sans  orgueil  le  succès  qu'elle 
venait  d'obtenir  dans  les  Antilles.  Maîtresse  de  presque 
toute  la  partie  française^de  Saint-^Domingue  que  ses  tramei 
et  ses  séductions  lui  avaient  soumise,  elle  caresliait  l'idée 
d'enlever  pour  toujours  cette  précieuse  colonie  à  la  Franeeé 
Souveraine  absolue  des  lies  du  Vent,  elle  se  flattait  que 
rbydre  toujours  renaissante  des  passions  ne  permettrait 
pas  de  longtemps  à  la  France  de  la  troubler  dans  la  pos^ 
session  de  ces  îles.  La  Martinique,  que  le  dévouement  d'une 
faible,  mais  influente  partie  des  habitants  lui  rendait  pré« 
cieuse ,  obtint  ses  libéralités  intéressées.  La  Guadeloupe, 
au  contraire,  qui  n'avait  pas  perdu  le  souvenir  des  incw- 
dies  et  des  dévastations  des  Angliâs,  fut  traitée  aveô  là 
plus  grande  rigueur. 


m    *àt\        M  uni 


La  nouvelle  des  événements  qui  viennent  d'être  relatés 
n'était  pas  encore  parvenue  en  France  lorsque,  vers  là  fin 
du  mois  d'avril,  le  capitaine  de  vaisseau  Leissegues  partit 
de  Rochefort  avec  les  frégates  la  Pique  et  la  îliitis ,  le 


(1)  firyan  Edwards.  lÉhi^  ùf  thé  ÈritisH  tôionîe^  in  thé  We&f  fndiM. 


388  COLONIES.  -  1794. 

cotre  le  Cerf-Volant^  les  flûtes  le  Marsouin  et  la  PrivayanU 
qui  portaient  800  hommes  destinés  à  renforcer  les  garni* 
sons  des  Antilles.  Les  généraux  nommés  au  commande- 
ment de  ces  colonies  et  les  délégués  de  la  Convention 
nationale  avaient  pris  passage  sur  ces  bâtiments.  Le  com- 
mandant Leissegues  n'apprit  la  prise  de  la  Martinique  et 
de  la  Guadeloupe  qu'en  arrivant  en  vue  de  cette  dernière 
lie;  bientôt  il  sut  que  toutes  les  colonies  françaises  étaient 
au  pouvoir  des  Anglais.  Le  projet  de  reprendre  la  Guade- 
loupe fut  de  suite  arrêté  ^  le  3  juin,  la  division  jeta  Fancre 
dans  la  baie  de  la  Pointe- à-Pltre. 

La  colonie  de  la  Guadeloupe  est,  on  le  sait,  partagée  en 
deux  parties  par  un  petit  bras  de  mer  qui  porte  le  nom  de 
rivière  Salée;  l'île  la  plus  occidentale  est  la  Guadeloupe 
proprement  dite;  l'autre  se  nomme  la  Grande-Terre.  C'est 
sur  cette  dernière,  et  à  l'entrée  méridionale  de  la  rivière 
Salée,  que  se  trouve  la  ville  de  la  Pointe-à-Pître.  Un  en- 
foncement assez  considérable  entre  les  deux  lies  forme  la 
baie  à  laquelle  la  ville  a  donné  son  nom.  Resserrée  vers 
le  fond,  cette  baie  offre  un  bon  ancrage  abrité  par  un  vaste 
banc  et  de  nombreux  Ilots  généralement  placés  du  côté  de 
la  Guadeloupe.  Le  principal,  l'Ilot  à  Cochons,  qui  est  aussi 
le  plus  rapproché  de  la  Grande-Terre,  marque  la  limite 
Sud  de  la  rade.  Devant  la  ville ,  la  profondeur  des  eanx 
varie  entre  3  et  7  mètres.  La  passe,  située  dans  l'Est  de 
cet  Ilot,  est  défendue  par  la  batterie  de  Fleur-d'Épée  qui 
bat  également  un  enfoncement  de  la  côte  dit  la  Giunde- 
Baie.  Cette  batterie,  établie  à  peu  près  à  mi-distance  de  la 
ville  et  du  bourg  du  Gozier,  de  l'aulre  côté  de  la  Grande- 
Baie,  est  à  environ  2  milles  de  chacun  de  ces  points. 

Le  soir  même  de  l'arrivée ,  les  troupes  furent  mises  k 
terre,  ainsi  que  les  marins  qui  purent  leur  être  adjoints 
sans  trop  affaiblir  les  équipages,  et  pendant  la  nuit  du  6, 
ce  petit  corps  d'armée,  dirigé  par  les  généraux  Cartier  et 
Rouyer,  enleva  d'assaut  la  batterie  de  Fleur-d'Épée  défen- 
due par  900  hommes  et  17  pièces  de  canon.  Étonnés  delant 


COLONIES.  —  4794.  Mt 

d'audace,  les  Anglais  abandonnèrent  toutes  les  positioiis 
qu'ils  occupaient  de  ce  côté  de  la  ville;  ils  ne  s'arrêtèrent 
même  pas  à  la  Poiate-à-Pltre.  Les  Françûs  l'occupèreot 
immédiatement,  et  la  division  put  alors  entrer  dans  ce.qu'on 
appelle  le  port,  c'est-à-dire  dans  la  partie  de  la  rade  la  plus 
rapprochée  de  la  ville;  elle  s'empara  de  87  navires  qui  s'y 
trouvaient. 

Menacés  d'être  chassés  de  Fife,  les  Anglais  ne  tarderait 
pas  à  paraître  avec  des  forces  considérables.  L'amiral 
Jervis  arriva,  le  lendemaini  avec  6  vaisseaux,  12  fr.égates 
ou  corvettes,  5  canonnières,  16  transports,  et débarquaaa 
Gozier  un  corps  de  3,500  hommes.  Le  commandant  Lds- 
segues  avait  pris  les  dispositions  les  plus  actives  pour  em- 
pêcher l'ennemi  d'entrer  dans  la  rade;  2  transports  avaient 
été  coulés  dans  la  passe  qui  y  conduit,  et  une  partie  des 
canons  des  frégates  avdent  été  mis  à  terre  pour  établir  des 
batteries  sur  la  plage;  le  service  en  était  confié  t des  ma- 
rins et  à  des  oi&ciers  de  marine.  Les  Anglûs  marchèrent 
d'abord  sur  Fleur-d'Épée ,  vms  ils  ne  furent  pas  tentés 
d'imiter  la  manière  de  faire  des  Français*  Us  constnur 
sirent  des  batteries,  en  tout  80  canons  ou  mortiers,  sur  le 
morne  Mascotte  qui  domine  cette  fortification,  et.  ils  rattih* 
quèrentde  ce  bord  pendant  que  leurs  canonnières  la ^saocm- 
naient  du  côté  de  la  mer.  Ce  fut  eu  vain  que  la  gamiscm 
de  Fleur-d'Épée  voulut  débusquer  l'ennemi  de  cette  poeir' 
tion  :  deux  fois  elle  fut  repoussée.  Les  Anglais  avaient  aqasi 
établi  une  batterie  de  mortiers  en  facede  la  ville  etleàbom- 
bes  dévastaient  la  Pointe-à«Pltre,  en  môme  tempe  que  les 
boulets  détruissdent  les  revêtements  de  Fleur-d'Épée*.  La 
consternation  se  répandit  promptement  parmi  les  habitiAta, 
et  les  frégates  ne  furent  préservées  de  Tincendie  quineturda 
pas  à  se  déclarer  dans  plusieurs  quartiers,  que  grâce  i  la 
précaution  qui  avait  été  prise  de  couvrir  leur  pont  4o.  m^ 
telas  et  de  leur  faire  un  rempart  avec  le»  navires  da  com- 
merce. 

^e  bomb^trdement  durait  d^uisua  voiSt  et  la  fièvre 


8»0  COLONIES.  — 4794. 

jaune  faisait  d*a(freux  ravages  dans  les  rangs  de  la  petite 
année  française.  Le  commissaire  du  gouvernement  Ghréf- 
tien  et  le  général  Cartier  en  avaient  été  les  victimes  ;  le 
général  Rouyer  avait  été  tué.  Bien  décidés  cependant  à 
empocher  les  Anglais  de  rentrer  en  possession  de  cette 
partie  de  File,  les  commandants  de  terre  et  de  mer  goB- 
vinrent  que,  dans  le  cas  où  il  y  aurait  absolue  nécessité 
d'abandonner  la  ville,  ils  se  retireraient  sur  le  mome  du 
Gouvernement,  qui  reçut  plus  tard  le  nom  de  Mome  de  U 
Victoire.  Ce  point  fut  fortifié  avec  des  canons  pris  à  bord 
des  frégates ,  et  le  capitaine  de  vaisseau  Merlet  reçut  le 
commandement  de  ce  poste  important;  le  capitaine  de 
vaisseau  Escubar  fut  chargé  de  diriger  les  batteries  qu'on 
plaça  dans  les  avenues  de  la  ville  ;  celles-ci  étaient  servies 
par  des  marins.  Tous  les  officiers  de  la  division  furent 
répartis  dans  ces  différents  postes. 

Exaspérés  qu'une  poignée  de  Français  abandonnés  à 
eux-mêmes,  exténués  par  les  maladies  et  resserrés  dans 
une  ville  ouverte,  fAt  sourde  à  toutes  leurs  propositions,  les 
Anglais  voulurent  en  finir  par  une  attaque  décisive.  Dans 
la  nuit  du  1^  au  2  juillet,  après  avoir  fait  feu  de  toutes 
leurs  batteries  pendant  huit  heures  consécutives,  ils  di- 
rigèrent deux  colonnes  de  1,000  hommes  chacune  sur  )a 
Pointe-à-Pitre«  Les  avant-postes  furent  enlevés  et  la  garni- 
son se  replia  sur  le  mome  du  Gouvernement.  Massés  au<- 
tour  de  ce  poste,  les  Anglais  n'attendaient  que  le  jour  pour 
l'enlever.  Mais  dès  qu'il  parut,  les  braves  qui  le  défen- 
daient foudroyèrent  les  colonnes  ennemies  qu^une  des  fré- 
gates canonnait  aussi  à  bout  portant.  La  poudre  cependant 
commençait  à  manquer  et  il  devenait  impossible  de  tenir 
longtemps  désormais,  lorsque  une  canonnière  qui  dirigeait 
ses  coups  sur  la  partie  de  la  ville  où  était  l'ennemi,  mit  le 
feu  à  une  maison  dont  on  avait  fait  un  magasin  à  poudre. 
L'explosion  qui  en  résulta  tua  aux  Anglais  beaucoup  de 
monde,  et  fut  le  signal  de  leur  déroute.  Reprenant  alois 
V offensive,  les  Français  les  poursuivirent  la  MdomMttB 


ÇOLOmïW.«-«W.  Mi 

^6  les  reiaisf  9t  U*  fanAreiçA  de  Ai  r^imt  Awf  han  r*« 
tranchemeote  sivec  pert4  d^  80Q  bomww  9t  de  touti  tow 

artillerie  (1), 

'   Pendant  trois  mpius,  iQg  Ang]m  m  disomtûm^rmii  pM 

leurs  attaquer  et  m  çessëFçnt  de  fsÔTQ  jau§r  te»  t^ooUMWf 
et  cela  impqném^nt  p$urce  q»6|  «ur  to  pQi^t  d«  maQ^MT  df 

munitions,  le  co<nipandapt|rwçai9  )pg  gardidi;  ppur  le  cm 

d'une  attaque  décipive.  Pendant  ce  tenops,  la  fiàne  XRoiik 
spnnait  les  sQldata  ^t  tes  marwp  qu'ép^rgaatent  tes  ho}^ 
tets  ennemis,  et  te  garnison  9'^aU)Uw4t  de  jour  w 
jour;  le  gépôral  Aub^rt  ayait  AucçomH»  Dm  bataîlteof 
d'hommes  d9  cputeur  furent  orgapîiéi  ppw  rwiplir  cff 
vides  ;  et  lorsque  te  mauvais^  laispn  fut  pasa^,  te  capitiNHi 
d'artillerie  P^terdyt  upmmé  par  tecofpmteaaîra  du  geuv^i^ 
nement  Yiqtor  ^ug^QAf  gi^nérfd  d§  âiTWoa  et  eoronmpdent 
en  chef  de  te  force  ^nQ^^  s^qQuài  per  te  cbaf  de  beteUte» 
Boudet,  uommé  général  do  brigede,  «mt  povtmt  tspter 

rç]^puteten  complète  doi  AngteiA, 

Le  premier  ^te  offensif  eut  Iteu  fostrt  te  Petit^Boorgi 
principal  magasin  du  cftmp  Bi^rville  pù.js'^tatent  ritogiili 

les  Anglais.  Des  canots  furent  disposés  pour  transpoi^MT 
les  troupes  destinées  ^  ^tte  eip^tiw  4W  devait  «eiiplre 
de  nuit;  des caponnièrea obarg^d^  çpuper  lee'çoiailHHMr 

patiQPSi  de  l'escadre  auglwie  ftvec  te  wipp  aTwen^  rwN» 

de  les  soutenir»  GottQ  nntreprisç  fut  «ourOQi^  de  lUQCtei 

te  PetitnQourg  fut  enleva,  I«e  ZO  oçt4j»r»t  te  g ^oéral  6i»r 

ham  capitula  et  1,&00  Anglais  prisonnieri  lurvnt  wniP)^ 
sur  leur  escadre,  abandonnant,  outre  88  bouches  à  feu» 
:3,Û00  fusils,  une  quauliti  consid^rftUe  de  mmltloM^^de 
vivres  et  800  émigrés  qi4  eiVMeQt  emNtttU  d«n»  Nh 
rangs*  Ces  infortuné^  pubirgQt  te  peiofl  fU»  ,te  toi  B^qrar 
çait  contre  eux.  •  î 

Pélivré  de  toute  aretete  due  eptte  pwtte  de  i'fter  1*  t/^ 


(I)  Les  Ang]  iîr  n'aTAn^rent  qa«  la  perte  d'un  géiéril,  u  eapttifiM  lli  nlâ- 
•Ë^ièeileft  ^mhMMMtiiii^MiiKlliM«e«;..-,       .•*'^ 


392  COLONIES.  — 1794. 

gérai  en  chef  marcha  sur  la  Basse-Terre.  A  son  approche, 
les  troupes  ennemies  abandonnèrent  toutes  les  positions 
qu'elles  occupaient,  mais  en  les  dévastant  ;  elles  évacuèrent 
également  la  ville  de  la  Basse-Terre.  Le  général  Prescott 
détruisit  les  magasins,  l'arsenal  et  les  batteries,  et  se  ren- 
ferma dans  le  fort  Saint-Charles  avec  860  hommes.  Le 
général  Pelardy  arriva  devant  ce  fort,  le  14  novembre, 
et  commença  les  travaux  de  siège.  Ils  étaient  terminés 
et  les  batteries  allaient  être  démasquées,  quand  les  An- 
glais, ne  jugeant  pas  à  propos  de  soutenir  une  attaque 
générale,  évacuèrent  le  fort  dans  la  nuit  du  10  déceifnbre 
et  se  réfugièrent  à  bord  de  7  vaisseaux  et  &  frégates  qui 
étaient  mouillés  depuis  quelques  jours  sur  la  rade.  Les 
Français  entrèrent  à  S*»  du  matin  dans  le  fort  Saint-Charles 
où  ils  trouvèrent  73  pièces  de  canons  en  bon  état,  75  mil- 
liers de  poudre,  2,000  boulets,  854  fusils  et  beaucoup  de 
vivres.  Cette  retraite  les  rendit  maîtres  de  la  colonie. 

Pendant  la  durée  de  ce  siège,  40  hommes  de  Marie-Ga- 
lante, réfugiés  à  la  Pointe-à-Pître ,  se  firent  débarquer 
dans  leur  lie  par  des  pirogues  et  en  reprirent  posfses- 
sion. 

Ainsi,  après  avoir  lutté  pendant  huit  mois  et  demi  contre 
8,000  Anglais,  soutenus  par  une  forte  division  navale, 
2,200  hommes,  soldats,  marins  et  hommes  de  couleur, 
dont  les  deux  tiers  périrent  par  le  fer  ou  par  les  maladies, 
rendirent  à  la  République  les  colonies  de  la  Guadeloupe  et 
de  Marie-Galante. 

Une  division  composée  du  vaisseau  rasé  Y  Expérimenta 
des  frégates  la  Venqeance  et  la  Félicité;  des  brigs  la  Mutine 
et  YÊpervier,  partit  de  Brest,  le  28  septembre,  sous  le 
commandement  du  capitaine  de  vaisseau  Allemand  (Za- 
charie),  et  se  porta  sur  la  côte  de  Guinée  où  elle  détruisit 
tous  les  comptoirs  anglais  et  ruina  rétablissement  de  Sierra- 
Leone.  Une  des  frégates  remonta  la  rivière  jusqu'à  l'Ile 
Banca,  dont  le  fort  fut  abandonné  après  deux  jours  di 


COLONIES.— 1794.  39^ 

fense.  Quand  elle  eut  démoli  toutes  les  fortifications,. brisé 
les  canons,  pris  les  marchandises  de  la  Compagnie  an- 
glaise et  détruit  110  navires  anglais,  espagnols  oupor^ 
tugais,  la  division  retourna  en  France. 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGÉS 

pendant  rannée  1794. 

ANGLAIS. 

Canons. 

j  Impétueux* Brûlé  par  accident. 

(  Alexànder Pris  par  une  division. 

72      Ardent. Brûlé  par  accident. 

iCoNVERT Naufragée  sur  le  Grand  Caïman. 

Castor Prise  par  une  frégate. 

Daphne —    par  une  armée. 

28      Rose Naufragée  à  la  Jamaïque. 

24      Moselle* Prise. 

20      Levrette  * —     par  une  frégate. 

18     Amphitrite Naufragée  dans  la  Méditerranée. 

Alert ] 

HouND I  Pris  chacun  par  une  frégate. 

Ig    ;  Espion  * ) 

Pylades Naufragé  à  Sbetland. 

Scout Pris  par  une  frégate. 

Actif* Sombré. 

Expédition | 

14  \  Speedy >  Pris  par  des  divisions. 

Ranger •  .  «  j 

6      Spitfire Sombré  à  Saint-Domingue. 

Cutler  :  Crocodile.  ......  Pris  par  une  division. 

FRANÇAIS. 

114      Républicain Naufragé  sur  la  Toche  Mingan. 

i  Sans-Pareil. 

*®   \  Juste 

^'"^/^^ >  Pris  an  combat  du  !•' juin. 

Impétueux '  * 

78   {  ÂchiUe , 

Northumberland.    ... 

Vengeur Coulé  pendant  le  combat  du  1!!  juin. 

f  ^^^^^^ P"^®  P**"  ""®  divi;?ion. 

\  Révolutionnaire Détruite  à  la  côte. 

42      Minerve Prise  à  Saint-Florent. 

40      Castor  * —    par  une  frégate. 

Volontaire Détruite  à  la  côle. 

Fortunée Prise  à  Saint-Florent. 

^  Engageante —    par  une  division. 

Atalante 1      _    chacune  par  un  vaisseau, 

j  Sibylle f 

**   i  Melpomène —    à  Calvi. 


394 


COLONIES.  — 1794. 


(  Bienvenue.  •  • 
SI  iMiffnenna,  •  . 
(  Revenge  *.    .  . 
Jacobine.,  .  , 
Sans-Culottes. 
[  Babet. 


U 


par  QBe  Hi?  isioi. 

par  une  frégate, 
par  deux  ▼aisseaux, 
par  un^  (régatf. 
par  une  division. 


SO 


18 


16 


li 


Î  Sérieuse Naufragée  à  Cherbourg. 

Républicain Détruite  à  la  mer. 

Révolutionnaire,  •  ,  »  .  ,  Prise  par  «na  frégatç. 
Trompeuse.  ..••..,.        -r-    par  m)e  corvette. 

Mosd'le'  !  .'  !  .'.';;  i  .'  I     ""    P^^^"'^®  P*^  ^°®  ^'^^«**«- 

F/écA(? —    à  Bastia. 

Alerte Détriiit  à  Donarnenez. 

tuâdeioùpe'.  \\\\  \  ;  ;  j  P'w  P*""  »««  «scadre. 

Liberté »  ....  J 

ildt/. I  ' 

Sirène 

Reprisai* 

Narcisse 

Quartidi. r 


par  une  frégate. 


—  par  deux  vaisseaux. 

—  par  une  escadre. 

—  par  une  frégate. 

;—  par  une  division. 

12  \venXr.  ] '.  '.  \  \ '/.  [\\    "  chacun  par  une  frégate. 

(  Inconnue Brûlée  par  Tennemi. 

Corvette  :  Amaranthe. .  .      Prisç  par  une  frégate. 

^L'astérisque  indiqua  mt  ftâtimeqt  pris  h-  l'ennemi. 

RÉCAPITULATION. 


ANGLAIS. .  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs.. ...... 

FRANÇAIS.  .    Vaisseaux 

Frégates 

Bâtiments  de  rangs  in- 
férieurs.» ...... 


Détruits 

?ris. 

oa 
naufragés. 

laeendiés. 

TeXAL. 

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ORGANISATION.  - 1796.  8§5 


ANNÉE  179S. 


On  a  vu  que,  malgré  les  efforts  de  la  Convention  natiO'r 
nale  et  ceux  de  ses  représentants  qui  déployaient  dans  les 
ports  et  à  bord  même  des  bâtiments  l'activité  la  plus 
grande,  le  résultat  obtenu  dans  les  essais  de  réorganisation 
du  personnel  et  surtout  de  l'état-major  de  la  flotte  pou- 
vaient être  considérés  comme  nuls.  Certes,  il  y  aurait  in- 
justice à  attribuer  tous  les  désastres  maritimes  de  Tannée 
179&  aux  officiers  auxquels  on  avait  confié  le  commande- 
ment des  bâtiments  et  principalement  le  commandement 
des  vaisseaux  de  la  République  ;  on  ne  saurait  cependant 
méconnaître  que  des  fautes  furent  commises,  fautes  aux- 
quelles quelque3-uns  de  ces  désastres  peuvent  être  attri- 
bués. Aussi  reconnut^on  bientôt  que  le  dernier  mot  n'était 
pas  dit  en  matière  d'organisation  ;  qu'une  réforme  était  né- 
cessaire, non  telle  qu'on  Favail;  entendue  jusqu'alors,  mais 
une  réforme  faite  avec  mesure  et  discernement.  Consulté  à 
ce  sujet,  le  vice^amiral  Villaret  écrivit,  le  27  mars  1795, 
la  lettre  suivante  que  je  transcris  textuellement  : 

Au  citoyen  Dalbarade,  commissaire  de  la  marine  et 
des  colonies. 

«Citoyen  commissaire, 

«  C'est  bien  à  juste  titre  que  tu  te  récries  sur  Tincapa- 
u  cité  des  commandants  de  convoi  ;  tu  aurais  pu  étendre 
a  tes  plaintes  beaucoup  plus  loin.  Quant  à  moi,  je  tranche 
c  le  mot  ;  ignorance,  intrigues,  prétentions,  apathie  pour 
((  le  service,  basses  jalousie,  ambition  de  grade,  non  pour 
((  avoir  occasion  de  se  distinguer,  mais  bien  parce  que 
«  remploi  donno  plus  d'argent,  voilà  malheureusament  le 
«  tableau  trop  fidèle  des  dix-neuf  vingtièmes  des  offieiers. 


396  ORGANISATION.  — 1795. 

fc  Tu  n'ignores  pas  sans  doute  que  les  meilleurs  marins  des 
«  différentes  places  de  commerce  se  tinrent  retirés  derrière 
«  le  rideau  dans  le  commencement  de  la  révolution  et  qu'il 
«s'en  présenta  au  contraire  une  foule  qui,  ne  pouvant 
u  s'employer  au  commerce,  parce  qu'ils  n'avaient  d'autre 
«  talent  que  le  verbiage  du  patriotisme,  à  la  faveur  du- 
«  quel  ils  avaient  séduit  les  sociétés  populaires  dont  ils 
«étaient  membres,  obtinrent  les  premiers  emplois.  Les 
«  capitaines  expérimentés,  que  je  suis  bien  loin  d'excuser 
«  parce  qu'ils  sont  véritablement  coupal)les  d'égoîsme,  s'ils 
«  ne  le  sont  d'incivisme,  ces  hommes,  dis-je,  qui  auraient 
«  pu  servir  efficacement  la  République  par  leurs  talents 
«  et  leurs  connaissances,  se  sont  constamment  refusés  de- 
«  puis  à  prendre  la  mer  et,  par  un  amour-propre  inexcu- 
«  sable,  préfèrent  encore  aujourd'hui  le  service  delà  garde 
«  nationale  à  celui  de  la  mer  où,  disent-ils,  ils  seraient 
«  obligés  de  servir  sous  des  capitaines  auxquels  ils  ont 
«  souvent  refusé  le  commandement  d'un  quart. 

c  Voilà  la  vraie  cause  du  petit  nombre  d'hommes  instruits 
«qu'a  fournis  la  marine  du  commerce;  voilà  par  consé- 
«  quent  la  cause  des  fréquents  accidents  qu'éprouve  la 
«  marine  de  la  République  qu'il  est  véritablement  temps 
«  d'épurer.  Puisque  la  justice  et  par  conséquent  les  talents 
«  sont  à  l'ordre  du  jour,  et  que  la  France  entière  est  au- 
«  jourd'hui  bien  convaincue  que  le  patriotisme,  qui  est  bien 
«  une  des  vertus  les  plus  essentielles  des  agents  du  gouver- 
«  nement,  n'est  cependant  pas  la  seule,  comme  on  le  préten- 
«'  dait  autrefois,  qu'on  doive  exiger  dans  les  commandants 
a  de  nos  armées  et  de  nos  flottes,  tu  es  sans  doute  en  droit 
«  d'exiger  de  moi,  diaprés  cet  exposé,  des  notes  qui  puis- 
«  sent  te  mettre  à  même  de  créer  un  corps  de  marine  qui 
«  puisse  seconder  les  hautes  vues  qu'a  la  Convention  sur 
u  cette  partie  des  forces  de  la  République.  Mais,  mes  apos- 
H  tilles  et  les  retraites  que  je  solliciterais  ne  pourraient- 
«  elles  pas  être  taxées  d'arbitraire,  puisque  je  ne  pourrais 
«  alléguer  que  mon  opinion,  le  défaut  d'éducatioq  et  Iç  peu 


ORGANISATION.  - 1795.  397 

«  de  moral  de  la  plupart  de  ces  commandants  qui  ne  le  sont 
«  qu'en  dépit  de  la  nature,  qui  paraît  leur  avoir  refusé 
«  Ténergie,  Tactivité  et  les  connaissances  indispensables  à 
«  rhomme  destiné  à  commander  à  ses  semblables  (1). 

((  Signé   ViLLARET.  Jl 

Quelques  mois  plus  tard,  après  le  combat  de  Groix,  cet 
officier  général  écrivait  au  ministre  de  la  marine  :  «  L'in- 
«  subordination  de  plusieurs  capitaines,  Tignorance  ex- 
u  trême  de  quelques  autres  rendirent  nulles  toutes  mes 
a  mesures,  et  mon  cœur  fut  navré  des  malheurs  que  je  pré- 
«  sageai  dès  ce  moment.  » 

Presque  à  la  même  époque,  le  représentant  Letourneur 
(de  la  Manche),  qui  venait  d'assister  au  combat  du  cap 
Noiis  dans  la  Méditerranée,  faisait  entendre  les  mêmes 
plaintes,  n  Les  équipages,  écrivait-il,  se  sont  conduits  avec 
«une  intrépidité  peu  commune,  et  je  suis  convaincu  que 
«  ce  revers  dont  ils  ont  été  à  portée  d'apprécier  eux-mêmes 
«  les  causes,  ne  fera  qu'ajouter  à  leur  énergie.  Il  y  a  beau- 
té coup  de  bonne  volonté  parmi  les  officiers;  mais  je  ne 
«  puis  vous  dissimuler  qu'elle  n'est  soutenue  ni  par  l'ex- 
«  périence  ni  par  une  capacité  suffisante,  au  moins  chez 
«la  plupart  (2).  » 

La  lettre  suivante  du  vice-amiral  Villaret  achèvera  de 
peindre  la  situation  :  «  On  s'est  adressé  aux  sociétés  popu* 
«  laires  pour  qu'elles  désignent  les  hommes  qui  réunissent 
((  les  connaissances  de  la  marine  au  patriotisme.  Les  socié- 
«  tés  populaires  ont  cru  qu'il  suffisait  à  un  homme  d'avoir 
u  beaucoup  navigué  pour  être  marin,  si  d'ailleurs  il  était 
«  patriote.  Elles  n'ont  pas  réfléchi  que  le  patriotisme  seul 
c  ne  conduit  pas  les  vaisseaux.  On  a  donc  donné  des 
«  grades  à  des  hommes  qui  n'ont  dans  la  marine  d'autre 


(1)  Archives  du  ministère  de  la  marine. 

(2)  Archives  du  ministère  de  la  marine. 


398  ORGANISATION.  — 1795. 

«  mérite  que  celui  d'avoir  été  beaucoup  à  la  mer,  sanç 
<  songer  que  tel  homme  est  souvent  dans  un  navire  comme 
«un  ballot.  Aussi  la  routine  de  ces  hommes  s'est*dle 
((  trouvée  déconcertée  au  premier  événement  imprévu.  Ce 
«  n'est  pas  toujours,  il  faut  bien  le  dire,  le  plus  instruit  et 
«  le  plus  patriote  en  même  temps  qui  a  obtenu  les  suffrages 
((  dans  les  sociétés,  mais  souvent  le  plus  intrigant  et  le 
u  plus  faux^  celui  qui,  avec  de  Teffronterie  et  un  peu  de 
«  babil,  a  su  en  imposer  à  la  majorité.  On  est  tombé  d&Qé 
((  un  autre  inconvénient.  Sur  une  apparence  d'activité  ^ue 
((  produit  Tefiervescence  de  l'âge,  on  a  donné  des  grades 
«  à  des  jeunes  gens  sans  connaissances,  sans  talents,  sans 
<(  expérience  et  sans  examen.  Il  a  semblé,  sans  doute,  que 
H  les  pilotes  de  l'ancienne  marine  étaient  faits  pour  aspirer 
((  à  tous  les  grades  ;  aussi  sont-ils  tous  placés.  Eh  bien  t 
K  le  mérite  de  la  très-grande  majorité  d'entre  eux  se  bôrod 
«  à  estimer  la  route,  à  faire  le  point  et  à  pointer  la  ôarté 
((  d'une  manière  routinière.  Beaucoup  n'ont  jamais  été  à 
<(  portée  de  mettre  à  exécution  la  partie  brillante  du  ma- 
((  rin,  la  manœuvre,  qui  déjoue  les  dispositions  de  l'en- 
«nemi  et  donne  l'avantage  à  forces  égales.  Qu'ont  de 
«  commun  avec  l'art  du  marin,  les  canonniers,  les  voiliets, 
«  les  calfats,  les  charpentiers  et  on  pourrait  dire  les  maîtres 
«  d'équipage  dont  la  majeure  partie  savent  à  peine  lire  et 
«  écrire,  quelques-uns  pas  du  tout  I  II  y  en  a  cependant 
a  qui  ont  obtenu  des  grades  d'officiers  et  même  de  c&« 
H  pitaines  (1) .  » 

Ces  lettres  viennent  surabondamment  corroborer  Ce  que 
j'ai  dit  plus  haut  (2) . 

Le  Directoire  ne  tarda  pas  à  partager  l'opinion  du  vice- 
amiral  Yillaret  et  à  voir  que  la  cause  première  de  la  défaite 


(1)  Dépôt  des  cartes  et  plans  de  la  marine, 

(2)  Il  faut  cependant  se  tenir  en  garde  contre  les  appréciatioDS  du  citoyen  L«- 
tourneur.  Les  rapports  du  contre-amiral  Martin  constatent  qu'il  exaltait  sans 
cesse  le  déYouement  et  la  discipline  des  équipages,  quoique  témoin  de  leur 
insoucianco  et  de  leur  indiscipline. 


ORGANISATION.^  i79tt«  30» 

des  escadres  d@  la  Républiqae  tenait  à  Torganisation  de  la 
marine.  Jusqu'à  ce  jour,  tous  les  postes  avaient  été  oocu^ 
pés  par  des  hommes  choisis  par  les  sociétés  populaires  $ 
la  désorganisation  était  à  son  comble  dans  les  arsenaut« 
La  tâche  n'était  pas  facile;  il  fallait  faire  le  sacrifice  de 
toute  considération  personnelle,  anéantir  d'ancieùties  pré- 
tentions et  trouver  des  hommes  de  génie^  de  probité  et 
d'expérience.  Il  n'était  guère  possible  d'arriver  du  premier 
coup  au  meilleur  choix  )  il  fallait  se  réserver  la  faculté  de 
prendre  de  bons  officiers  alors  absents  des  ports  et.éloi-^ 
gnés  depuis  longtemps  de  la  Surveillance  de  chefs  capables 
de  les  juger*  Au  commencement  de  l'an  IV,  la  Convention 
nationale  décréta  plusieurs  lois  relatives  à  la  marine,  et  le 
3  brumaire  (26  octobre  1705) ,  le  Directoire  lança  le  décret 
d'organisation  suivant  s 

Art.  1.  II  y  aura  dans  la  marine  militaire  deux  dasses 
d'aspirants. 

Art.  2.  Seront  admis  dans  la  seconde  classe^  les  jeunes 
gens  âgés  de  douze  ans  m  moins  et  de  diX'-huit  ans  au  plus 
qui  i  ayant  six  mois  de  navigation^  auront  satisfait  à  uû 
examen  sur  l'arithmétique. 

Art.  8.  Seront  admis  à  la  première  classe,  les  jeuties 
gens  âgés  de  quinze  à  vingt  et  un  ans  qui,  ayant  viâgt^ 
quatre  mois  de  navigation^  dont  six  sur  les  bâtiments  de 
la  République,  auront  répondu  d'une  manière  satisfaisante 
à  un  examen  sur  la  géométrie,  la  théorie  du  pilotage,  les 
éléments  de  tactique  et  la  manœuvre  des  gréments^ 

Art.  ié  Le  nombre  des  aspirants  entreteûus  sera  cm* 
stamment  de  deux  cents. 

Art.  5.  Les  grades  des  officiers  de  la  marine  sont  t  M- 
seigne  de  vaisseau  ;  lieutenant  de  vaisseau  ;  eapitainé  de 
frégate  ;  capitaine  de  vaisseaa  ;  dbief  de  division  $  contre*^ 
amiral  et  vice-amiraL 

Art.  6.  Le  grade  d'enseigne  de  vaisseau  sera  conféré 
aux  navigateurs  de  l'âge  de  dix«buit  à  vingt'htiit  ans  qui, 
ayant  quarante-buit  moii  effectifs  de  navigalton  ^  répm^ 


400  ORGANISATION.— 1795. 

dront  le  mieux  à  Texamea  sur  la  géométrie,  la  théorie  da 
pilotage,  les  éléments  de  tactique  et  la  manœuvre  des  gré- 
ments,  ainsi  que  sur  toutes  les  manœuvres,  mouvements 
et  évolutions  des  bâtiments  naviguant  seuls,  et  sur  la  pra- 
tique du  canonnage. 

Art.  7.  Le  grade  de  lieutenant  de  vaisseau  sera  conféré 
aux  enseignes  de  vaisseau  les  plus  anciens  dans  ce  grade  et 
qui,  étant  âgés  de  vingt-six  ans  au  moins,  et  ayant  soixante 
mois  effectifs  de  navigation,  auront  en  outre  satisfait  à  un 
examen  sur  l'abattage  des  vaisseaux  en  quille,  sur  l'arri- 
mage et  les  moyens  de  rétablir  ou  de  conserver  dans  la 
navigation  l'assiette  et  les  tirants  d'eau  les  plus  avanta- 
geux; sur  l'exécution  des  signaux  ou  tactique  navale;  sur 
les  dispositions  avant,  pendant  et  après  le  combat;  sur  les 
lois  de  police  ou  de  discipline  militaire  et  celles  pénales 
pour  la  marine. 

Art.  8.  Les  places  de  capitaines  de  frégate,  capitaines 
de  vaisseau,  et  chefs  de  division  seront  données  à  des  offi- 
ciers du  grade  immédiatement  inférieur  à  celui  à  occuper, 
la  moitié  à  l'ancienneté,  et  l'autre  moite  au  choix  du  Direc- 
toire exécutif. 

Le  même  jour,  3  brumaire  an  IV,  le  Directoire  exécutif 
rendit  cet  autre  décret  concernant  les  officiers  de  vaisseau. 

Art.  1.  Le  corps  actuel  des  officiers  de  vaisseau  est  sup- 
primé. 

Art.  2.  Il  sera  créé  un  corps  d'officiers  de  marine  ainsi 
composé  :  8  vice-amiraux  ;  16  contre-amiraux  ;  60  chefs  de 
division;  100  capitaines  de  vaisseau;  180  capitaines  de 
frégate;  AOO  lieutenants  de  vaisseau;  600  enseignes  de 
vaisseau. 

Art.  3.  Le  titre  d'amiral  n'est  que  temporaire  ;  il  sera 
conféré  à  tout  officier  général  commandant  une  armée  na- 
vale de  quinze  vaisseaux  et  au-dessus,  et  seulement  pen- 
dant la  durée  de  la  campagne. 

Art.  A.  Il  sera  nommé  de  suite  5  vice-amiraux,  12  contre- 
amiraux,  àO  chefs  de  division,  80  capitaines  de  vaisseau. 


ORGANISATION.--i795.  401 

140  capitaines  de  frégate.  Le  nombre  des  lieutenants  et 
des  enseignes  de  vaisseau  sera  complété. 

Art.  5.  Les  vice-amiraux  et  contre -amiraux  seront 
choisis  parmi  les  officiers  génénaux  actuels  de  la  marine 
et  les  capitaines  de  vaisseau  de  première  classe. 

Les  chefs  de  division,  parmi  tous  les  capitaines  de  vais- 
seau actuels. 

Les  capitaines  de  vaisseau,  parmi  les  capitaines  de 
frégate  [et  les  lieutenants  de  vaisseau  actuels  et  parmi  les 
capitaines  de  commerce  qui,  ayant  commandé  pendant 
trente-six  mois,  soit  au  long  cours,  soit  en  course,  ont 
en  outre  servi  en  qualité  d'officiers  sur  les  vaisseaux  de 
guerre  de  l'État,  depuis  la  révolution. 

Les  capitaines  de  frégate  seront  choisis  parmi  les  lieute- 
nants et  enseignes  de  vaisseau  entretenus  et  non  entrete- 
nus, actuellement  au  service,  et  parmi  les  capitaines  de 
commerce  qui  ont  commandé  pendant  vingt-quatre  mois, 
soit  au  long  cours,  soit  en  course  (1). 

Art.  8.  Les  vice-amiraux,  pour  le  complément  de  l'arti- 
cle 2,  seront  choisis  parmi  les  contre-amiraux  en  activité 
de  service  et  parmi  les  généraux  de  la  marine  qui  n'auront 
pas  participé  à  la  première  formation. 

Les  contre-amiraux  seront  choisis  parmi  les  contre-ami- 
raux et  les  chefs  de  division  qui  n'auront  pas  été  l'objet 
du  premier  choix. 

Les  chefs  de  division  seront  choisis  parmi  les  capitaines 
de  vaisseau  en  activité  de  service  et  parmi  ceux  qui  n'au- 
ront pas  été  placés  lors  du  premier  choix. 

Les  capitaines  de  vaisseau  seront  choisis  parmi  les  ca- 
pitaines de  frégate  et  parmi  les  lieutenants  de  vaisseau  qui 
n'auront  pas  participée  la  première  formation. 

Les  capitaines  de  frégate  seront  choisis  parmi  les  lieu- 
tenants de  vaisseau  en  activité  de  service  et  parmi  les 


(1)  Je  répète  que  les  articles  qui  n'ont  pas  directement  trait  à  la  nomination 
ou  à  l'ayancement  des  officiers  n'ont  pas  été  transcrits. 

II.  S6 


IM  OR6ANISATIÛN.--179». 

enseignes  de  raisseau  entretenus  et  non  entretenus  qui 
n'auront  pas  été  noqimés  lors  du  premier  choix. 

Le  nombre  des  lieutenants  de  vaisseau  sera  Complété, 
s'il  y  a  lieu,  en  nommant  de  la  manière  ci-dessus  indi- 
quée, à  la  moitié  des  places  vacantes,  ceux  dés  lieutenants 
et  enseignes  actuellement  au  service  qui  n'auront  pas  par- 
ticipé à  la  première  formation,  et  en  donnant  l'autre  m<H- 
tié  aux  enseignes  de  vaisseau  d'après  leur  ancienneté  de 
service. 

Art.  lié  Après  le  complément,  les  remplacementii  s'il 
y  a  lieu,  se  feront  de  la  manière  suivante  :  la  moitié  des 
places  dans  tous  les  grades  sera  donnée,  à  l'ancienneté, 
aux  officiers  du  grade  immédiatement  inférieur!  l'autre 
moitié  sera  au  choix  du  Directoire  exécutif,  pour  ceux 
qui  auront  exercé  les  fonctions  de  ce  grade  pendant  neuf 
mois  au  moins. 

Les  neuf  dixièmes  des  places  d'enseigne  de  vaisseau 
seront  donnés  au  concours,  d'après  les  lois,  et  le  Direc- 
toire exécutif  pourra  disposer  du  dixième  restant  en  faveur 
des  maîtres  entretenus  et  autres  oiBciers-mariniers  qui  se- 
ront jugés  susceptibles  d*ôtre  promus  au  grade  d'ensei- 
gne de  vaisseau. 

Art.  16.  Le  commandement  d'une  armée  navale  ou  d'une 
escadre  ne  pourra  être  confié  qu'à  un  ofiicier  général  de 
la  marine. 

Toute  division  de  trois  vaisseaux  de  ligne,  eu  ayant  une 
destination  particulière,  sera  commandée  par  un  officier 
général,  ou  au  moins  par  un  capitaine  de  vaisseau. 


Les  événements  survenus  pendant  l'année  précédente, 
tant  en  Europe  que  dans  les  colonies,  avaient  nécessité  un 
grand  développement  de  forces  navales.  On  sentit  bientôt 
le  besoin  d'en  régulariser  la  répartition,  et  l'on  songea 
d'abord  à  établir  un  service  permanent  dé  protection  de 
la  marine  du  commerce.  La  surveillance  du  cabotage,  sur 


BATAILLES.— 1795.  403 

toutes  les  côtes  de  la  France,  fut  confiée  à  des  comman- 
dants particuliers  qui  relevaient  des  conunandants  en  chef 
des  escadres  de  T Océan  et  de  la  Méditerranéei 

Le  contre-amiral  Vanstabel  commandait  la  division  de  lH 
mer  du  Nord  et,  sous  lui,  le  capitaine  de  vaisseau  Meynâe 
était  chargé  du  service  sur  la  côte  depuis  le  Texel  jus^'à 
Calais. 

Le  contre-amiral  Gornic  Dumoulin  (Pierre)  avait  le  com- 
mandement des  forces  employées  dans  la  Manche,  depuis 
Calais  jusqu'à  TAbervrac'b,  à  quelques  milles  au  Nord  de 
Brest. 

Le  capitaine  de  vaisseau  Pillet  avait  le  commandement 
supérieur  des  convoyeurs  dé  Brest  au  Pertuis  d'Antioche 
et ,  sous  sa  direction ,  le  lieutenant  de  vaisseau  Fayaut 
surveillait  le  cabotage  de  Camâret. 

Les  lieutenants  de  vaisseau  Hallay  et  Poydras  étuient 
chargés  de  diriger  la  navigation  de  Brest,  le  premier  pour 
le  N.-O.  de  la  Manche,  Tautre  pour  la  partie  S.-E. 

Le  capitaine  de  vaisseau  Letorzec  avait  la  difectiûti  des 
convois  du  Pertuis  d*Antioche  à  la  côte  d'Espagne» 

Le  lieutenant  de  vaisseau  Aluse  était  chargé  dé  ptotéger 
le  cabotage  de  la  Gironde. 

Ce  service  était  fait  par  quelques  frégates  et  corvettes, 
mais  généralement  par  des  avisos. 

Une  division  de  5  frégates,  sous  le  commandement  du 
contre-amiral  Ledall  Tromelin,  fut  en  outre  établie  en  croi- 
sière dans  le  golfe  de  Gascogne,  avec  mission  de  se  porter 
partout  où  sa  présence  serait  nécessaire. 


On  a  vu  (1)  qu'une  division  sous  les  ordres  du  cOntre- 
amiral  Renaudin  était  partie  de  Brest  à  la  fin  dU  inois  de 
décembre  1794,  pour  aller  porter  des  munitions  de  guerre 
à  Toulon,  et  que  le  vice-amiral  Villaret  Joyeuse  qui  com- 

'        •  -  -^ 

(1)  Page  566. 


404 


BATAILLES.— 1795. 


mandait  l'armée  navale  du  premier  de  ces  deux  ports,  était 
également  sorti  avec  ses  vaisseaux  pour  raccompagner 
jusques  en  dehors  du  golfe  de  Gascogne.  En  outre  des  fré- 
gates et  des  bâtiments  de  moindre  force,  l'armée  navale  et 
la  division  réunies  formaient  uo  total  des  36  vaisseaux  que 
voici  : 

Canons. 

118     Montagne capitaine  Vignot. 

Villaret  Joyeuse,  vice-amiral. 

Terrible capitaine  Bedout. 

Nielly,  contre-amiral. 

Révolutionnaire capitaine  Leguardan. 

Majestueux —       Lebeau. 

N eu f 'Thermidor  (i)..  .  .        —        Dorré. 

ScipioH, —       Hoguet. 

Inaomptable. .......        —       Lamesle. 

Jemma^)es —       Laffon. 

Renaudin,  contre-amiral. 


114 


86 


78 


/ 


Montagnard.  .  .  . 

Gasparin 

Treyiie-si-un-Mai. 

•liejimdre 

Aqmion 

Redoutable  {%].  .  , 

Patriote 

Nestor 

Convention 

Pelletier 

Trajan , 

Entreprenant.   .  . 
Tyrannicide.  .  .  . 

Neptune 

Révolution.  ... 

Tourville 

Marat 

Superbe 


capitaine  Richery. 

—  Lhermitte  (Jean). 

—  Ganteaume  (Honoré). 

—  Guillemet. 

—  Laterre. 

—  Moncousu. 

—  Letendre. 

—  Monnier. 

—  Terrasson. 

—  Raillard. 

—  Leray. 

—  Dufay. 

—  Dordelin  (Joseph). 

—  Tiphaioe. 

—  Laindet  Lalonde. 

— ■  Henry  (Jean-Baptiste). 

~  Lefranck. 

—  Colomb. 


ESCADRE  LÉGÈRE. 

—       Matagne. 

Vanstabel,  contre-amiral. 
Zélé. capitaine  Porlodec. 


Tigre, 


78 


Jean  Bart. 

Téméraire 

Fougueux 

Eole 

Audacieux 

Mucius 

Droits 'de-V  Homme. 


Piilet. 

Morel  (Henry). 

Giot  Labrier. 

Trinqualéon. 

Pilastre. 

Larréguy. 

Gornic  Dumoulin  (Yves). 


(1)  Nouveau  nom  du  Jacobin, 

(2)  L'ancien  Suffren. 


BATAILLES.— 1796.  405 

Frégates  :  Vertu^  Courageuse,  Méduse,  Virginie^  Surveillante,  Insurgente, 
Railleuse,  Précieuse,  Fraternité,  Embuscade,  Tamise,  Cha^ 
rente  (1),  Républicaine  (2). 

Corvettes  :  Berceau,  Bayonnaise,  Légère^  Espion,  Bergère,  Impatiente, 
Atalante. 

Brigs  ;  Papillon,  Bonnet  Rouge, 

Le  vent  souffla  avec  violence  pendant  la  nuit  du  !•'  jan- 
vier; plusieurs  vaisseaux  firent  des  avaries;  le  Nestor^ 
entre  autres,  fut  obligé  de  rentrer  par  suite  d'un  dérnatage, 
et  le  Téméraire  signala  une  voie  d'eau  qui  donnait  des  in- 
quiétudes. Le  vent  ayant  diminué  le  lendemain,  le  contre- 
amiral  Vanstabel  reçut  l'ordre  de  chasser  dans  le  N.-O. 
avec  Fescadre  légère  :  une  brume  intense  qui  survint 
quelques  heures  après,  le  sépara  de  l'armée  et  il  ne  la  re- 
joignit que  le  24  avec  un  autre  vaisseau,  le  Neptune^  3  fré- 
gates et  2  corvettes,  aussi  séparés,  et  qui  l'avaient  rallié. 
La  persistance  des  vents  de  S.-E.  inspirait  des  craintes 
sérieuses.  J'ai  déjà  dit  que  plusieurs  vaisseaux  étaient  sor- 
tis avec  quinze  jours  de  vivres;  le  vice-amiral  Villaret  dut 
en  retirer  à  ceux  qui  se  rendaient  à  Toulon  pour  en  don- 
ner aux  vaisseaux  et  aux  frégates  qui  n'en  avaient  plus. 
Cette  opération,  assez  délicate  à  la  mer,  était  à  peine 
terminée,  qu'un  brouillard  très-épais  dispersa  l'armée  de  la 
République  et,  le  28,  un  coup  de  vent,  qui  fort  heureuse- 
ment se  déclara  au  S.-O.,  occasionna  quantité  de  dés- 
astres. 

Le  Téméraire,  dont  la  voie  d'eau  était  devenue  alar- 
mante, fit  route  pour  Brest  sous  la  misaine.  Privé  d'ob- 
servations depuis  plusieurs  jours,  le  capitaine  Morel  atterrit 
sur  le  cap  Fréhel  et  entra  à  Saint-Malo. 

Retardé  dans  son  appareillage  par  la  rupture  de  son 
cabestan,  le  Neptune  n'avait  pu  rejoindre  l'armée  à  Ca- 
maret.  Le  31,  le  capitaine  Tiphaine  rencontra  le  contre- 
amiral  Vanstabel  et  le  suivit.  La  persistance  du  mauvais 


(1)  L'ancienne  Capricieuse. 

(2)  Autrefois  la  Panthère, 


40«  BATAILLES.— 4795. 

temps  avait  considérablement  délié  le  Neptune  ;  les  inquié- 
tudes de  son  capitaine  augmentaient  chaque  jour  et  il  en 
fit  part  au  commandant  de  l'escadre  légère  ;  celui-ci,  vu 
Fétat  de  la  mer,  ne  put  que  lui  promettre  des  secours  im- 
médiats au  moment  même  où  ils  deviendraient  urgents. 
On  a  vu  que  ce  vaisseau  avait  rejoint  l'armée  le  2&  janvier. 
Une  nouvelle  voie  d*eau,  qui  se  déclara  le  lendemain  pen- 
dant la  nuit,  obligea  le  capitaine  Tiphaine  à  prendre  les 
amures  à  l'autre  bord  en  faisant  des  signaux  de  détresse  ; 
mais  incapable  de  tenir  le  travers ,  il  lui  fallut  gouverner 
vent  arrière.  Les  pompes  ne  franchissaient  plus  et  toute  la 
partie  de  l'équipage  qui  n'était  pas  occupée  à  pomper, 
était  employée  à  vider  l'eau  avec  des  bailles  et  des  seaux. 
Presque  toute  l'artillerie,  les  boulets  et  les  ancres  furent 
jetés  à  la  mer.  Cette  situation  critique  dura  cinq  jours  et 
pendant  les  trois  derniers,  personne  ne  bougea  du  poste 
qui  lui  avait  été  assigné.  Enfm,  le  28,  la  terre  fut  aperçue, 
et  à  midi  30»,  le  Neptune  était  échoué  sur  les  vases  de 
Perros,  à  quelques  lieues  dans  le  Nord  de  Brest.  L'incli- 
naison du  vaisseau  devint  telle  qu'on  coupa  de  suite  la  mâ- 
ture et  l'équipage  fut  envoyé  à  terre  :  cinquante  hommes 
furent  trouvés  noyés  dans  l'intérieur.  Le  Neptune  ne  put 
être  relevé. 

Après  quelques  jours  de  navigation,  la  guibre  du  Neuf- 
Thermidor  se  détacha  de  l'étrave.  Le  capitaine  Dorré  fit 
couper  le  beaupré  et  le  petit  mât  de  hune,  jeter  les  ancres 
et  les  canons  de  la  batterie  haute  à  la  mer.  Le  29  janvier, 
les  pompes  ne  franchissaient  plus.  Le  vent  s' étant  déclaré 
au  S.-O.  pendant  la  nuit,  le  capitaine  Dorré  fit  gouverner 
au  S.-E.  Malgré  cela,  les  roulis  étaient  si  violents  que  la 
grande  vergue  et  la  vergue  du  grand  hunier  tombèrent  sur 
le  pont  et  brisèrent  trois  pompes  ;  l'eau  gagna  dès  lors  ra- 
pidement et  le  vaisseau  s'immergea  de  plus  en  plus.  Lors- 
que les  canons  de  la  première  batterie  furent  à  fleur  d'eau, 
le  Majestueux  et  le  Marat  qui  l'accompagnaient  lui  en- 
voyèrent leurs  embarcations  :  l'évacuation  dix  Neuf-Thermi" 


BATAILLES.— 1795.  497 

dor  fut  terminée  le  81  à  k^  du  matin.  Moins  de  trois  heures 
après,  ce  vaisseau  disparaissait  englouti  dans  les  flots. 

Le  Superbe  eut  le  même  sort  que  le  Neuf-Thermidor.  Dès 
le  26  janvier,  le  capitaine  Colomb  avait  prévenu  le  com-^ 
mandant  en  chef  que  son  vaisseau  coulait  bas  ;  il  en  avait 
reçu  des  pompes  dont  sept  furent  constamment  en  jeu.  Le 
30,  trois  d'entre  elles  s'engagèrent,  et  quoique  l'artillerie 
et  les  boulets  eussent  été  jetés  à  la  mer,  l'eau  gs^na  tou-^ 
jours.  Le  vice-amiral  Villaret^ordonna  alors  d'évacuer  le 
Superbe  ;  la  Montagne^  le  Montagnard  et  le  Papillon  aidè- 
rent à  activer  cette  opération.  L'eau  était  arrivée  à  la  hau- 
teur de  l'entrepont  lorsque  le  capitaine  Colomb  quitta  le 
bord  :  vingt  minutes  après,  le  Superbe  disparaissait  dans 
les  flots. 

Le  Scipion  était  un  vieux  vaisseau  qui,  ainsi  que  le 
Neuf-Thermidor^  avait  été  condamné  et  qui  ne  put  sup- 
porter les  mauvais  temps  qui  assaillirent  l'armée  navale  & 
sa  sortie  du  port.  Ce  vaisseau  faisait  beaucoup  d'eau  et 
chaque  jour  il  se  délia  davantage  par  suite  de  la  rupture 
des  chevilles  et  des  courbes.  Le  25,  les  pompes  ne  frao^ 
chissant  plus,  le  Montagnardt  le  Trenie-eUun^Mai  et  la 
Railleuse  reçurent  l'ordre  de  le  surveiller.  On  essaya  de  le 
cintrer  avec  un  grelin,  mais  cette  opération  n'amena  w- 
cun  résultat.  Le  capitaine  Huguet  demanda  alors  et  obtint 
de  relâcher;  le  Trente-et-un^Mai  l'accompagna.  La  route, 
presque  vent  arrière  et  à  sec  de  voiles  que  les  deux  vais- 
seaux suivirent,  fatigua  beaucoup  le  Scipion.  Les  chevilles 
sortaient  et  les  écarts  s'ouvraient  de  tous  côtés;  le  vaisf-^ 
seau  menaçait  de  s' entr' ouvrir.  On  jeta  à  la  mer  tout  c# 
qui  fatiguait  les  hauts.  Dans  l'après-midi»  le  grand  mât  d^ 
hune  s'abattit  et,  en  tombant,  il  cassa  la  grande  vergue 
en  deux.  Un  des  morceaux  de  celle-ci  s'étant  enfoncé  ver- 
ticalement dans  le  pont,  vint  ajouter  au  désastre  en  fai- 
sant levier  pour  disjoindra  le  vaisseau.  Des  neuf  pompes 
qui  jouaient  constamment,  deux  furent  brisées  par  cet  ac- 
cident. A  4*"»  le  capitaine  Huguet  demanda  des  seeours  au 


408  BATAILLES.  — 1795. 

TrenU-^t-un^Mai.  Le  vent  tomba  fort  heureusement  pen- 
dant la  nuit,  mais  la  mer  resta  fort  grosse  et  il  fallut  sur* 
monter  de  grandes  difficultés  pour  sauver  l'équipage.  Il 
était.  3*»  15"  du  matin  lorsque  les  derniers  hommes  quit- 
tèrent le  bord. 

Le  vaisseau  la  Convention  perdit  son  gouvernail  et  réus- 
sit à  atteindre  Lorient  à  la  remorque  du  Pelletier.  Le  Foti- 
giieux  mouilla  à  Lorient  et  le  reste  de  l'armée  se  trouva 
rallié  à  Brest  le  3  février. 

Pendant  cette  désastreuse*  sortie  de  trente-cinq  jours, 
l'armée  de  la  République  captura  70  navires  anglais  et  la 
frégate  Daphne;  c'était  une  faible  compensation  aux  pertes 
qu'elle  avait  faites.  Le  vice-amiral  Villaret  dut  s'estimer 
heureux  de  n'en  avoir  pas  éprouvé  davantage,  car  si  les 
vents  de  S.-O.  s'étaient  déclarés  seulement  un  jour  plus 
tard,  le  Majestueux  et  le  Révolutionnaire  eussent  probable* 
ment  aussi  été  rayés  de  la  liste  des  vaisseaux  de  la  R£~ 
publique. 

Tous  les  vaisseaux  avaient  assez  souffert  pour  ne  pou- 
voir reprendre  de  suite  la  mer  ;  ceux  destinés  à  Toulon  ne 
furent  prêts  qu'à  la  fin  du  mois.  Le  22  février,  le  contre- 
amiral  Renaudin  sortit  avec  les  vaisseaux  le  Jemmapes,  le 
Montagnard^  le  Trenle-et-un-Mai,  Y  Aquilon^  le  Jyranni- 
cide,  la  Révolution^  les  frégates  la  Courageuse^  Y  Embuscade^ 
la  Félicité  et  la  corvette  l' Unité,  Cette  division  fut  contra- 
riée par  de  grands  vents  d'Ouest.  Le  Trente-et-un-Mai  dé- 
mâta de  son  mât  de  misaine  et  de  son  grand  mât  de  huna 
en  entrant  dans  la  Méditerranée  ;  le  Tyrannicide  le  prit  à  la 
remorque.  Le  2  avril,  la  division  arriva  à  Toulon,  encom- 
brée de  malades  et  sans  avoir  fait  d'autre  rencontre  que 
celle  d'un  vaisseau  espagnol  qui  ne  put  être  atteint. 


Une  seconde  division  de  3  vaisseaux,  commandée  par  le 
contre-amiral  Vence ,  croisait  dans  le  golfe  de  Gascogne: 
pour  protéger  le  commerce;  ces  vaisseaux  étaient  : 


BATAILLES. —1795.  409 

Canons. 

I  Nestor capitaine  Monoier. 
Yence,  contre-amiral. 
Fougueux capitaine  Giot  Labrier. 
Zélé —       Aved  Magnac. 

Le  7  du  mois  de  juin,  cette  division,  accompagnant  un 
convoi  nombreux  qui  se  rendait  de  Bordeaux  à  Lorient  et 
à  Brest  sous  Tescorte  spéciale  des  frégates  la  Médée^ 
YAndromaque  et  de  la  corvette  le  Brutus^  fut  chassée  par 
5  vaisseaux  anglais,  2  frégates  et  un  brig  aux  ordres  du 
vice-amiral  Cornwallis.  C'étaient  : 

Canons. 

110      Royal  Sovereign capitaine  John  Whitby. 

honorable  William  Cornwallis,  vice-amiral. 

iMARS capitaine  sir  Charles  Cotton. 

Triumph ^  •  .  .        —        sir  Erasmus  Gower. 

Brunswick —       lord  Charles  Fitzgerald. 

Bellerofhon —       lord  Cransloun. 

Frégates  :  Phaeton,  Pallas.  * 

Brig  :  Kingsfisher. 

Le  contre-amiral  Vence  signala  au  convoi  de  filer  le  long 
de  terre  avec  son  escorte,  et  se  dirigea  sur  Belle-Isle  avec  les 
vaisseaux  qui  mouillèrent  sur  la  rade  du  Palais  après  avoir 
échangé  quelques  boulets  avec  Tennemi.  Le  vice-amiral 
anglais  se  porta  alors  sur  le  convoi  et,  à  6^,  il  tirait  sur  les 
frégates.  VAndromaque,  qui  était  la  dernière,  fut  atteinte 
d'abord  et  retardée  dans  sa  marche  par  quelques  avaries 
de  mâture;  le  capitaine  Farjenel  put  bientôt  prévoir  le 
sort  qui  lui  était  réservé..  Afin  de  tromper  l'attente  de  l'en- 
nemi, il  allait  jeter  sa  frégate  sur  l'île  d'flœdic  lorsque,  à 
8**,  alors  qu'il  n'était  plus  qu'à  trois  longueurs  de  bâtiment 
des  roches,  les  Anglais  levèrent  la  chasse.  Le  capitaine 
Farjenel  eut  le  bonheur  de  réussir  à  éviter  les  récifs,  et  il 
rejoignit  la  Médée  avec  laquelle  il  alla  mouiller  sur  la  rade 
de  l'île  d'Aix;  une  partie  du  convoi  entra  dans  la  rivière 
de  Vannes  ;  quelques  navires  se  réfugièrent  dans  la  Loire  : 
7  furent  capturés.  Un  autre  convoi,  escorté  par  les  frégates 
la  Tribune^  la  Néréide^  la  Républicaine  et  la  Vengeance^  était 
déjà  en  relâche  à  Belle-Isle. 

Le  lendemain  de  cette  affaire,  le  vice -amiral  Cornwallis 


410  BATAILLES.  - 1795. 

se  porta  à  l'entrée  de  la  Manche  pour  escorter  les  prises 
qu'il  avait  faites  depuis  son  arrivée  sur  les  côtes  de  France. 
Le  contre-amiral  Vence  crut  voir  dans  cet  éloignement  de 
l'escadre  anglaise  une  ruse  pour  lui  faire  quitter  son  mouil- 
lage et,  persuadé  qu'elle  était  aux  Penmarks,  bien  qu'il 
n'eût  même  pas  cherché  à  s'en  assurer,  il  ne  bougea  pas 
et  se  borna  à  donner  connaissance  de  sa  relâche  aux  repré- 
sentants du  peuple  en  mission  à  Brest,  en  les  informant  que 
les  vaisseaux  de  sa  division  n'avaient  plus  que  pour  trois 
jours  de  vivres.  La  difficulté  de  leur  en  envoyer  rendait  la 
situation  inquiétante  ;  aussi  les  représentants  donnëreut-ils 
l'ordre  au  vice-amiral  Villaret  d'aller  faire  lever  le  blocus 
avec  toutes  les  forces  dont  il  pouvait  disposer  immédiate- 
ment. Le  représentant  Topsent  fut  adjoint  au  comman- 
dant en  chef.  Le  11,  l'escadre,  forte  de  9  vaisseaux»  9  fré- 
gates et  h  corvettes,  mit  à  la  voile. 

Canons. 

ISi      Peuple  (1) capitaine  Vignot. 

Villaret  Joyeuse,  vice-amiral. 

Bruix,  chef  de  division^  chef  d*6tat-]haJor. 

Redoutable capitaine  Moncoasu. 

Kerguelen,  contre-amiral. 

Alexandre capitaine  Guillemet. 

DroitS"de~V Homme. ...        —       Sébire  Beauchesoe. 

78  \  Formidable  (2) —       Durand  Linois. 

JeanBart —       Legouardun. 

Mucius —        Larréguy. 

Wattigny —       Donat. 

Tigre —       Bedout. 

Le  contre-amiral  Vence  s'était  enfin  décidé  à  quitter  la 
rade  du  Palais  et,  le  16,  il  rencontra  l'escadre  de  Brest. 
Cette  réunion  mit  sous  les  ordres  du  vice-amiral  Villaret 
les  12  vaisseaux  que  l'on  connaît  déjà  et  les  18  frégates 
et  corvettes  ci-après  : 

Brave.  —  Scèwla  (3).  —  Républicaine.  —  Vengeance.  -^ 


(1)  Nouveau  nom  du  vaisseau  la  Montagne. 

(2)  Nouveau  nom  du  Jdarat. 
(S)  L«  T&isseau  rasé  ^Illustre. 


BATAILLES.— 1796.  Ail 

Montagne.  -^Virginie.  — ^  Proserpiney  —  Insurgente.  -^ 
Dryade.  —  Fraternité.  —  Fidèle.  —  Cocarde  nationaUé  — 
Régénérée.  —  Tribune.  —  Atalante.  —  Constance.  —  La$ 
Casas.  —  Papillon^ 

Le  jour  même  de  cette  jonction,  6  voiles  suspectes  furent 
aperçues  dans  TOuest,  à 9^  du  matin-,  le  vent  soufflait  de 
cette  partie  et  le  temps  était  très-brumeux.  La  Cocarde^  la 
Proserpine  et  la  Virginie  reçurent  Tordre  d'aller  les  recon- 
naître: elles  signalèrent  5  vaisseaux  et  une  frégate  courant 
vent  arrière.  Le  vice-amiral  Villaret  rangea  de  suite  son 
escadre  en  bataille,  les  amures  à  tribord,  sans  avoir  égard 
aux  postes ,  et  il  en  prit  la  tête.  Le  Mucius  et  le  Zélé  reçu- 
rent Tordre  de  chasser  à  droite,  et  le  reste  de  Tescadre, 
sur  la  route  qu.'elle  tenait.  Les  vaisseaux  en  vue  formaient 
la  division  du  vice-amiral  Corn wallis  qui  revenait  se  mettre 
en  observation  devant  Belle-Isle;  ils  prirent,  comme  les 
Français,  le  plus  près  les  amures  à  tribord.  Cette  ma- 
nœuvre fit  penser  au  vice-amiral  Villaret  que  ces  vaisseaux 
étaient  seuls  et  qu'ils  n'étaient  pas  les  éclaireurs  d'une  es- 
cadre. Il  réitéra  Tordre  de  chasser  sans  avoir  égard  aux 
mauvais  marcheurs,  et  il  signala  de  poursuivre  Tennemi  de 
manière  à  le  forcer  de  se  rendre  ou  de  faire  côte.  A  midi, 
la  pointe  Ouest  de  Tîle  de  Croix  restait  à  18  milles  dans 
TEst.  Les  Français  continuèrent  la  chasse  toute  la  journée 
sans  avantage  marqué  ;  le  veot  se  faisait  à  peine  sentir.  La 
mauvaise  marche  du  Peuple  retenant  ce  vaisseau  loin  de 
Tarrière,  le  commandant  en  chef  passa  sur  la  frégate  la 
Fraternité^  capitaine  Florinville.  Le  17 —  29  prairial  —  la 
brise  fraîchit  et  prit  au  N.-E.;  T escadre  française  qui  avait 
beaucoup  gagné  pendant  la  nuit,  se  trouva  au  vent;  au 
jour,  le  Zélé  n'était  pas  à  plus  de  trois  portées  de  canon  du 
dernier  vaisseau  anglais  et  il  était  suivi»  &  petite  distance, 
par  les  Droits-de^Vhomme^  le  Formidable^  le  Wattigny,  le 
Fougueux^  et  le  Tigre.  Signal  fut  fait  à  ces  vaisseaux  de 


412  BATAILLES.— 4795. 

harceler  rennemi  pour  retarder  sa  marche,  et  aux  vais- 
seaux arriérés,  de  doubler  sous  le  vent  pour  le  mettre 
entre  deux  feux.  La  division  anglaise  gouvernait  alors  an 
N.-O.  1/4  N.  dans  Tordre  suivant  :  Brdmswick,  Royal 
Soverëign,  Bellerophom,  Triumph,  Mars.  Le  Zélé  ouvrit 
son  feu  sur  le  dernier,  à  9*^  lO"'  et,  peu  après,  la  frégate 
la  Virginie^  capitaine  Bergeret,  était  derrière  le  vaisseau 
anglais  auquel,  au  moyen  de  grandes  embardées,  elle  en- 
voyait des  bordées  entières  ;  les  5  autres  vaisseaux  français 
suivaient  sous  toutes  voiles  dans  les  eaux  du  Zélé.  A 10**,  le 
capitaine  Aved  Magnac,  peu  désireux  d'engager  le  combat 
avant  d'être  soutenu,  cargua  sa  grande  voile,  puis  sa  misaine 
et  enfin  mit  le  perroquet  de  fougue  sur  le  mât.  Il  n'était  d'ail- 
leurs pas  sans  inquiétude,  dans  ce  moment,  sur  la  solidité 
de  son  mât  de  misaine  et  de  son  grand  mât  de  hune ,  et 
il  lui  manquait  déjà  153  hommes,  absents,  malades  ou 
blessés;  le  Zélé  fut  bientôt  hors  du  feu.  Moins  d'une  demi- 
heure  après,  le  Tigre  le  remplaça  et  engagea  une  canon- 
nade soutenue  avec  le  Royal  Sovkreign;  tous  les  vaisseaux 
anglais  et  les  Vroits-de-V homme  prirent  une  part  plus  ou 
moin  s  grande  à  cette  canonnade.  Le  Mars  et  le  Tigre  se  re- 
tirèrent  vers  S'^SO",  le  premier  avec  de  nombreuses  avaries, 
l'autr'.  avec  son  grand  mât  de  hune  fort  endommagé.  Le 
vaisseau  les  Droits-de-V homme  resta  alors  seul  engagé; 
quoique  placés  au  vent,  les  capitaines  du  Formidable  et  du 
Zélé  ne  jugèrent  pas  devoir  se  porter  à  son  aide,  et  il  était 
6**  30",  lorsque  le  Jean  Bart  et  le  Wattigny  purent  lui  prê- 
ter assistance.  Le  capitaine  Magnac  se  décida  alors  à  faire 
de  la  voile  ;  mais  au  lieu  de  laisser  arriver  pour  se  rappro- 
cher, il  alla  se  placer  en  avant  et  hors  de  la  portée  du 
canon  de  l'ennemi.  Le  Peuple  restait  à  12  milles  de  la 
Fraternité  et  V Alexandre  à  15  milles  ;  les  autres  vaisseaux 
étaient  à  une  distance  telle  que  leur  bois  paraissait  à  peine. 
Le  commandant  en  chef  fit  signal  de  ralliement  et  il  re- 
porta son  pavillon  sur  le  Peuple.  Le  vent  souffla  du  N.-O. 


BATAILLES.  — 1795.  413 

f.n\nd  frais  pendant  la  nuit  ;  Tescadre  mit  à  la  cape.  Le  19, 
le  vent  tomba  et  passa  à  l'Est  :  la  route  fut  donnée  au  S.- 
S.-E.  sans  ordre  (1). 

Le  22  —  5  messidor — à  A*"  du  matin,  un  grand  nombre 
de  voiles  furent  signalées  dans  le  N.-O.  1/4  0.  ;  la  brise 
était  faible,  toujours  de  la  même  partie.  C'était  l'escadre 
de  l'amiral  anglais  Bridport  composée  comme  il  suit  : 

Canons. 

Royal  George capitaine  William  Damett. 

110  {  îord  Bridport,  amiral. 

QuEEN  Charlotte.     .  .  .  capiijDe  sir  Andrew  Doaglas. 

Qdeen —        William  Bedford. 

sir  Alan  Gardner,  vice-amiral. 

LoNDON capitaine  Edward  GriflOiths. 

John  Colpoys,  yice-amiral. 
108  (  Prince  of  Wales    ....  capitaine  John  Bazely. 

Henry  Harvey,  contre-amiral. 

Prince capitaine  Charles  Hamilton. 

Barfleur —>       James  Dacres. 

Prince  George —        William  Edge. 

Valiant —       Christopher  Parker. 

Orion —       sir  James  Saumarez. 

82  (  Irrésistible —        Richard  Grindall. 

Russell —       Thomas  Larcom. 

Colossus —       John  Monkton. 

80      Sans  Pareil —        William  Browel. 

lord  Hugh  Seymour,  contre-amiral. 

Frégates  :  Révolutionnaire,  Thalia,  Nymphe,  Aquilon,  AsiRiSA, 
et  6  bâtiments  légers. 

9 

Un  nombreux  convoi,  conduit  par  le  commodore  sir  Bor- 
lase  Warren,  portant  des  troupes  destinées  à  une  expédition 
sur  la  côte  de  Bretagne,  était  aussi  en  vue.  La  frégate  du  com- 
modore, la  PoMONE  de  40°  et  les  vaisseaux  de  82**  Robust,  ca- 
pitaine Edward  Thomborough,  Thunderer,  capitaine  Alber- 
maleBertie  et  Standard,  capitaine  Joseph  Ellison,  l'accom- 
pagnaient. Les  mauvais  marcheurs  de  l'escadre  française 
reçurent  l'ordre  de  forcer  de  voiles;  les  autres,  d'en  di- 
minuer. Signal  fut  fait  aussi  de  serrer  le  vent  et  d^  se 


(1)  M.  James,  The  naval  history  etc.,  dit  qae,  séparés  par  un  coup  de  yent, 
les  vaisseaux  français  allèrent  chercher  un  abri  à  Belle-Isle;  qu'ils  quittèrent  ce 
mouillage  dès  qu'ils  furent  tous  réunis  et  firent  route  pour  Brest.  Le  rapport 
officiel  ne  dit  pas  un  mot  de  cela. 


444  BATAILLES.  — 1795. 

rapprocher  du  vaisseau  amiral.  Quelques  capitaines  seu- 
lement se  conformèrent  h  ccl  ordre,  et  celui  de  Y  Alexandre 
lui-même,  qui  devait  tout  craindre  des  mauvaises  qualités 
de  son  vaisseau,  mit  le  commandant  en  chef  dans  la  né- 
cessité de  le  lui  répéter.  A 10"*  30",  le  vice-amiral  Yillairet 
porta  son  pavillon  sur  la  frégate  la  Proserpine^  capitaine 
Daugier,  le  contre-amiral  Kerguelen  passa  sur  la  Dryad»^ 
capitaine  Grammont  et  le  contre-amiral  Vence,  sur  la 
Fraternité^  capitaine  Florinville.  Une  demi-heure  plus 
tard,  le  commandant  en  chef  ordonna  de  former  la  ligne 
de  bataille  sur  Y  Alexandre^  le  plus  mauvais  marcheur  dé 
l'escadre.  Le  capitaine  de  ce  vaisseau  ne  comprit  probable- 
ment pas  le  signal  qui  ordonnait  ce  mouvement,  car  il  le 
contraria  en  laissant  arriver.  Le  vent  qui  n'avait  cessé  de 
mollir  passa  au  S.-O.  dans  l'après-midi;  ce  changement 
fut  profitable  à  l'ennemi  qui  le  ressentit  le  premier.  Après 
avoir  signalé  l'ordre  de  marche  sur  la  ligne  du  plus  près 
tribord,  la  route  à  TE.-N.-E. ,  et  à  la  Régénérée^  capitaine 
Héron,  de  prendre  Y  Alexandre  à  la  remorque,  le  vent  ha- 
lant  l'Ouest,  etle  commandant  en  chef  voulant  se  réserver  la 
possibilité  de  se  ranger  en  bataille  de  l'un  ou  de  l'autre  bord 
selon  les  circonstances,  signala  Tordre  de  front.  Cet  ordre  de 
marche  ne  fut  pas  formé  un  seul  instant,  malgré  les  signaux 
particuliers  et  les  ordres  verbaux  qui  furent  transmis  par 
les  frégates,  particulièi*ement  au  Mucius  et  au  Jean  Bart^ 
de  régler  leur  marche  sur  celle  des  plus  mauvais  mar- 
cheurs. La  Virginie,  capitaine  Bergeret,  reçut  la  mission 
de  prendre  le  Redoutable  à  la  remorque.  Pendant  que  le 
vice-amiral  Yillaret  employait  ainsi  tous  les  moyens  en  son 
pouvoir  pour  se  faire  comprendre  et  obéir  des  capitaines  de 
son  escadre,  les  vaisseaux  anglais  approchaient  toujours. 
Le  vent  tomba  heureusement  à  la  nuit,  pour  s'élever  au 
Sud  vers  l*"  du  matin.  Au  jour,  l'île  de  Groix  restait  à 
15  milles  dans  l'Ë.-N.-E.;  3  milles  seulement  séparaient 
les  deux  escadres.  Le  commandant  en  chef  signala  de 
nouveau  l'ordre  de  marche  sur  la  ligne  du  plus  prés  tri- 


BATAILLES.  — 1795.  415 

bord,  la  route  à  TE.-N.-E.,  avec  injonction  aux  meilleurs 
voiliers  de  régler  leur  marche  sur  celle  des  mauvais  mar- 
cheurs et,  de  sa  personne,  il  se  porta  sur  l'arrière  de  la 
ligne  avec  la  Proserpine.  Tous  ces  ordres  furent  sans  effet. 
L'ignorance  et  l'indiscipline  de  plusieurs  capitaines,  pour 
ne  pas  dire  plus,  rendirent  nulles  toutes  les  mesures 
prescrites  par  le  commandant  en  chef.  Ses  signaux  et  ses 
ordres,  même  ceux  donnés  par  lui  au  porte-voix,  restèrent 
inexécutés  ;  chacun  forçait  de  voiles  i  c'était  à  qui  attein- 
drait le  port.  11  vaisseaux  anglais  étaient  alors  presque 
à  portée  de  canon.  V Alexandre,  isolé  à  l'extrême  gauche, 
appelait  l'attention  particulière  du  con)mandant  en  chef; 
Idi  Régénérée,  qui  avait  largué  la  remorque,  reçut  Tordre  de 
la  reprendre.  Bientôt  la  frégate  la  Concorde  prévint  que  la 
ligne  s'engorgeait  au  centre  vers  lequel  toute  la  gauche 
s'était  portée;  mais  au  lieu  d'appuyer  sur  bâbord,  ces 
vaisseaux  persistèrent  à  tenir  le  vent,  augmentant  ainsi,  et 
les  difficultés  de  la  manœuvre  et  la  distance  qui  les  sépa- 
rait de  Y  Alexandre.  Le  Zélé,  notamment^  passa  du  centre  à 
la  droite  de  la  ligne.  Le  commandant  en  chef  signala  alors 
à  r  escadre  et  particulièrement  à  V Alexandre  de  serrer  la 
ligne  :  ce  signal  resta  sans  exécution,  même  de  la  part  de 
ce  dernier  vaisseau  dont  la  position  devenait  de  plus  en 
plus  critique,  car  un  groupe  de  vaisseaux  ennemis  était 
sur  le  point  de  l'atteindre.  L'escadre  de  droite  et  celle  du 
centre  reçurent  l'ordre  de  gouverner  au  Né^-E.  ;  cette  route 
devait  les  rapprocher  de  V  Alexandre  ;  mais  le  Peuple^  le 
Tigre,  le  Redoutable  et  le  Jean  Bart  laissèrent  seuls  arri- 
ver, et  encore  furent-ils  obligés  de  reprendre  bientôt  leur 
première  route,  parce  que  le  Wattigny,  le  Fougueux  et  le 
Zélé,  placés  entre  eux  et  le  vaisseau  menacé,  s'obstinaie&t 
à  appuyer  de  leur  côté.  L'Alexandre  et  le  Mueius,  premier 
et  deuxième  vaisseaux  de  gauche,  commencèrent  à  tirer 
en  retraite  à  b""  Aô""  du  matin.  Le  premier  ne  tarda  pas  à 
être  attaqué  par  I'Orion  et  par  1' Irrésistible  ;  la  Régénirie 
largua  la  remorque  et  le  Mucius^  augmentant  de  voiles, 


4iG  BATAILLES— 1795. 

l'abaDdonDa.  Le  commandant  en  chef  ne  vit  d'autre  moyen 
de  faire  soutenir  ce  vaisseau  que  de  se  former  sur  lui  en  ligne 
de  convoi.  Mais  c'était  un  parti  pris  de  ne  pas  obéir,  et  les 
capitaines  Bedout,  Durand  Linois  et  Legouardun  du  Tigre^ 
du  Formidable  et  du  Jean  Bart  furent  les  seuls,  qui  exécu- 
tèrent cet  ordre  ^  les  autres  vaisseaux  continuèrent  à  s'é- 
loigner. Le  vice-amiral  Villaret  ne  pouvait  cependant  pas 
se  résoudre  à  abandonner  Y  Alexandre  ;  il  fit  signal  d'aller 
le  dégager  :  plusieurs  vaisseaux  répétèrent  le  signal,  au- 
cun ne  l'exécuta.  Le  Jean  Bart,  qui  avait  forcé  de  voiles 
pour  se  placer  derrière  le  Peuple^  ne  s'y  maintint  même 
pas  et,  lorsque  à  l""  30*",  le  capitaine  Legouardun  reçut  une 
blessure  qui  l'obligea  à  quitter  le  pont  et  à  remettre  le 
commandement  au  lieutenant  de  vaisseau  BeauUon,  son 
second,  ce  vaisseau  était  à  deux  câbles  en  avant  du  Peuple. 
Sur  l'ordre  qui  lui  fut  donné  de  reprendre  son  poste,  il 
eargua  sa  misaine  et  ses  perroquets  et  mit  son  grand  hu- 
nier sur  le  mât.  Il  y  était  à  peine,  que  son  chef  de  file  di- 
minua subitement  de  voiles  et  masqua  même  son  grand 
hunier  ;  le  Jean  Bart  qui  venait  d'avoir  sa  roue  de  gou- 
vernail brisée,  n'ayant  pu  prévoir  cette  manœuvre,  doubla 
de  nouveau  le  Peuple.  Deux  fois  le  signal  de  reprendre 
son  poste  fut  fait  au  Mucius  :  son  capitaine  n'en  tint  aucun 
compte.  Le  grément  et  la  voilure  de  Y  Alexandre  étaient 
hachés;  ses  vergues  étaient  presque  toutes  coupées  ;  une 
grande  partie  de  ses  canons  étaient  démontés;  il  avait  près 
de  3  mètres  d'eau  dans  la  cale.  Sa  résistance  avait  été  hé- 
roïque, mais  elle  ne  pouvait  se  prolonger  davantage.  Le 
QuEEN  Charlotte  avait  joint  son  feu  à  celui  des  autres 
vaisseaux  :  le  capitaine  Guillemet  fit  amener  le  pavillon. 
Il  était  11*'  30"*;  V Alexandre  n'était  pas  à  plus  de  6  milles 
de  terre.  Les  vaisseaux  qui  l'avaient  plus  particulièrement 
combattu  portaient  des  traces  nombreuses  de  sa  vaillante 
défense.  L  Alexandre  prit  le  nom  d' Alrxander  dans  la  ma- 
rine anglaise. 
L'attaque  des  vaisseaux  anglais  n'avait  pas  été  exclu* 


BATAILLES— 1795.  417 

sive  kV Alexandre;  dès  6**  15"\  le  Formidable  avait  eu  à 
combattre  le  Queen  Charlotte  et  le  Sans  Pareil.  La  roue 
de  son  gouvernail  ayant  été  brisée,  il  ne  put  gouverner 
qu'avec  difficulté  pendant  quelque  temps  et  cette  circon- 
stance fâcheuse  le  fit  rester  de  T arrière.  Le  capitaine  Li- 
nois,  blessé,  avait  remis  le  commandement  au  lieutenant 
de  vaisseau  Broca.  Le  Formidable  ne  tarda  pas  à  se  trou^ 
ver  dans  la  situation  la  plus  critique,  séparé  du  reste  de 
son  escadre  avec  presque  toutes  ses  voiles  en  lambeaux 
et  ses  manœuvres  coupées,  et  soutenu  seulement  par  le 
Tigre  et  le  Redoutable,  Cette  situation  se  trouva  encore 
aggravée  par  Tincendie  :  le  feu  prit  h  sa  dunette  et  se 
communiqua  au  mât  d'artimon.  Obligé  de  porter  toute 
son  attention  vers  ce  nouveau  désastre,  le  lieutenant  de 
vaisseau  Broca  fit  cesser  de  tirer  et  amener  le  pavillon.  Il 
était  11**  45";  le  vaisseau  était  à  3  milles  de  l'île  de  Groix. 
Le  Formidable  fut  classé  dans  la  marine  anglaise  sous  le 
nom  de  Belle-Isle. 

Tandis  que  les  capitaines  Guillemet  et  Linois  se  débat- 
taient ainsi  contre  un  résultat  sur  lequel  ils  ne  pouvaient 
cependant  concevoir  aucun  doute,  les  autres  vaisseaux 
continuaient  leur  route  sans  aucun  ordre.  Les  mauvais 
marcheurs  seuls,  au  nombre  de  cinq,  le  Peuple^  le  Redou- 
lablsy  les  Dr oits-de-V Homme ^  le  Tigre  et  le  Nestor^  navi- 
guant avec  ensemble,  formaient  une  arrière-garde  capable 
d'arrêter  un  moment  l'ennemi.  Aussi  celui-ci  crut-il  de- 
voir l'attaquer  en  même  temps  par  les  extrémités  et  par 
r arrière.  Deux  de  ses  vaisseaux  dépassèrent  même  ce 
groupe-,  mais  après  une  courte  canonnade  avec  le  Waili" 
gmj  et  le  Rrave^  ils  rallièrent  leur  escadre.  Les  ordres  du 
commandant  en  chef  n'étaient  pas  plus  exécutés  en  ce  mo- 
ment qu'ils  ne  l'avaient  été  avant  le  commencement  du 
combat.  Ce  fut  en  vain  qu'il  signala  aux  vaisseaux  de  tête 
de  diminuer  dévoiles  et  même  de  mettre  en  panne;  au 
Zélé  enfin  de  donner  la  remorque  au  Tigre  :  le  capitaine 
Magnac  se  borna  à  mettre  le  grand  hunier  sur  le  mât, 
H.  27 


418  BATAiLLES.— 4796. 

Indigné  de  la  conduite  des  capitaines,  le  vice-amiral  l^ili- 
ret  fit  carguer  les  basses  voiles  de  la  frégate  qu'il  montait, 
et  dans  l'espoir  que  sa  manœuvre  serait  imitée,  et  qu'on 
n'oserait  pas  le  laisser  seul  en  arrière  exposé  au  fea  fie 
tous  les  vaisseaux  ennemis,  il  mit  en  travers  pour  arrêter 
les  fuyards.  Il  se  trompait  encore  ;  chacun  ne  songeait  qu:à 
soi  et  cherchait  son  salut  dans  la  fuite.  Le  vaisseau  las 
Dr oits-de-V Homme ^  qui  avait  fini  par  faire  comme  les  «li- 
tres, reçut  un  signal  de  mécontentement  lorsqu'il  passa, 
auprès  de  la  Proserpine  ^  seul  cependant  il  avait  mis  en 
panne.  Cédant  aux  représentations  de  son  pilote,  le  capi- 
taine Sebire  avait  fait  servir  lorsque  la  basse  Garo  resta  à 
un  mille  sous  le  vent  (1) . 

Le  Tigre  était  coupé,  entouré  et  combattu  par  le  Londor, 
le  QuEEN  Charlotte  et  le  Queen,  lorsque  le  commandant 
en  chef  ordonna  de  mettre  en  panne.  Le  capitaine  Bedoni, 
qui  recevait  sa  troisième  blessure,  venait  d'être  descendu 
dans  sa  chambre.  Le  Tigre  n'avait  plus  de  voiles  ;  la  mèche 
de  son  gouvernail  était  coupée  :  il  ne  gouvernait  plus«  D 
succomba,  victime  du  dévouement  et  de  l'obéissance  de  son 
capitaine,  au  moment  où  il  atteignait  le  port  ;  il  n'était  pas 
à  plus  de  trois  encablures  de  l'île  de  Groix  {2) .  Le  RoTix- 
George  qui  arrivait  lui  envoya,  par  inadvertance  sans 
doute,  une  bordée  après  que  son  pavillon  eut  été  anoené. 
En  ce  moment,  les  autres  vaisseaux  étaient  plus  ou  moins 
engagés.  La  Proserpine  rétablit  sa  voilure  pour  ne  pas 
être  enveloppée.  Le  vice-amiral  Villaret  avait  d'abord  eu 
l'intention  de  mouiller  devant  Groix  ;  mais  reconnaissant 
que  ses  vaisseaux  n'y  seraient  pas  à  l'abri  de  l'attaque  de 
Tennemi,  il  se  décida  à  entrer  à  Lorient.  L'amiral  anglais 


(1)  La  basse  Garo,  sur  laquelle  il  n'ya  que  six  mètres  d'eau,  est  TiS  milles  1/S 
dans  le  N.-O.  de  la  pointe  du  Talut  et  à  6  milles  du  Port-Loùi£. 

(2)  £d  parlant  de  la  défense  du  Tigrcy  Fox  dit  au  parlement  anglais:  a  JNous 
ayons  vu  récemment^  dans  le  combat  de  Groix^  un  exemple  de  noble  mépris 
pour  la  mort.  Dans  une  action  mémorable^  le  capitaine  Bedout^  combattant  pour 
l'tLûnneur  de  la  pairie,  a  rivalisé  avec  les  héros  de  la  Grèce  et  de  Rome;  1 
a  été  pris,  mais  couvert  de  gloire  et  de  blessures.  » 


BATAIL1.es.  — 179ë.  J^f 

abandonnai  alors  la  poursuite.  Les  pertes  éti^ieut  ip;û^Lr 
fiantes  des  deux^ètés.  Le.QuEEN  Cbaiu^otte,  k  ^an3  Sa#^)^ 
pi  riRRESisTiBifi  seuls  avaient  des  ayam3  &^¥^f  }ff  4^1*' 
nier  avait  perdis  6oa  capitaine. 

Telle  fut  risspe  de  Taffaire  qu'où  4^^f)e  ^f^  ^f^çe 
sous  le  nom  de  çqmbat  jde  firoix,  comjb^^ans  1^^  j'i^9- 
rance  et  findisciplifie  se  montrèrent  da^s  to^ta  ipiff  |qi}cç. 
C'était  le  résultat  des  idées  de  l'Assemble  et  4e  l»  Copy^ep- 
tion  nationales  surlamar^e  et  aus^^  -laiCO):^éiÇKiepp^  4/?  ji'^- 
migration.  Ou  do^t  âirex%pendaj[it,  pon  ootuoie  ^ttéQ^AJI^Qn 
des  fautes  coma^ises  par  Igs  capitaijies,  ^^s  dan^  ^'^téi;^t 
de  la  vérité,  que  tous  les  équipages  ides  va^ss^au^  ^^^^^  V^" 
complets,  qu'il  y  ay;ûjt  un  gra^dia9fi)^e4^xigi^l44p^  ^, 
par  suite,  le  service  de  l'artillerie  41^  ^\^t  étfje  ^  qff'çu 
portant  les  hommes  d'i^ne  piëjce  j^  ijupi/e  .^^f)^.  .Çj^p^i^ant 
le  vice-amiral  Villaret  devint  l'pbje^  4e  -^t^Gis  ^  i?(^s^- 
tions.  On  avait  dit  «u  ctiçf  jcLe  v^i^H^t  ^^f^  s'j^qui^l^r 
beaucoup  4es  moyei^^i^f^  ^  sa  4^i{Mi^i^Q«  P^  f^lli;^  Jpa^- 
veilknts  fièrent  lapiç^s  daof^  }^  pub)j^  {>a|?  qi^lqH^  ;e|^Igi- 
taines  de  l'escadre,  .et  ][6^  E€fdré^ ^ff»^ ^  I^Vple  i^gat 
en  défendre  la  pu}>|icatiiOiL  l^  YÂcer^m^f ^1  Vi^ax^  i;f>9>pnt 
qu'en  pareille  ciri^on^t^p^  iji  dey^t,  ppn  s^e  justiû^^  xpj^ 
metti^  sous  les  yeux  4e  la  najtijMi  la  4^4uitç  4f^  ^3  ^^ 
ordres,  afiu  qu'elle  pût  el^e^j^i^^  jflger  c;p(p^Q||  /^t^t 
difficile  la  t&che  qui  ét^iiç  kp^oç^  .a^x  efnpm^qdf^  ^s 
escadres  4e  1a  llépubliq^ep  ^  1)9  j^M§i  '^7^  î^  |Pf#Q^^ 
la  plai|3i%e  ^iy^nt^  : 

^(  Pans  la  jpurnée  ^  29  ^^ifil,  j§  {^^  jpe  p]b|iw  ^e 
((  4u  capitaine  du  Zélé  ^jl^,  ^^pt  ^^W^  V'MfpP  k  ^  ^^ 
«  matio,  se  reUra  4u  im  ^^ffigt  wpi}^  ^pr^  f^^  )Q9.W|I^-- 
«  vra  le  reste  de  la  j(m^^  V^W  ^stff  J^»  fxv\^i(Çj  f^pi- 
«  qu'il  n'eût  éprouvé  auc^np^  «rapp  Jf^^W^  e.t  gi^V^  ^'^ût 
«  que  ciiiq  homnaes  hors  -4^  cotoJiaV  ^^  FPI?  P|f^9)f .  iS'^  ^ 
<c  qu'il  laissa  comba«ttr/e  1§  J^^r  ^  l^^^fiUr^f^ffj^fpjne 
a  se^lâ ,  restant  -r  quoiqu'il  fû^  liç  ?v^^Vf  l^wW  de 
«  l'ariBée  —  traiMiiûUe  ^i^U^iç  idy  Ç«j0^t;41^^'aj;À  ^on 


420  lUTAILLES.  — 1795. 

«  perroquet  de  fougue  sur  le  mât  dès  le  moment  qu'il  s'a- 
«  percevait  que  les  boulets  ennemis  l'approchaient. 

((  Je  me  plains  également,  dans  la  journée  du  5  messidor, 
n  du  même  capitaine  qui,  loin  de  profiter  de  la  marche  de 
a  son  vaisseau  pour  voler  au  secours  de  YAlexandre^  se  porta 
«au  contraire,  malgré  mes  signaux,  dans  la  partie  de 
«  l'escadre  qui  n'était  pas  exposée,  et  ne  profita  des  bonnes 
«  qualités  de  son  vaisseau  que  pour  ne  pas  prendre  part  à 
f(  l'action.  Je  me  plains  encore  bien  amèrement  de  la  dés- 
ff  obéissance  qu'il  apporta  dans  le  signal  que  je  lui  fis  de 
«  donner  la  remorque  au  Tigre ,  désobéissance  à  laquelle 
«j'attribue  la  perte  de  ce  vaisseau  qui  n'avait  tout  au 
«  plus  que  quatre  encablures  à  parcourir  pour  atteindre 
«  le  coureau  de  Groix. 

a  Je  me  plains  du  Mucius  qui,  se  trouvant  auprès  de 
«  V Alexandre  lorsque  l'action  commença,  força  de  voiles 
«  dès  les  premières  volées  et  se  porta  même  en  avant  de 
ce  la  frégate  que  je  montais.  Jamais  on  ne  montra  plus 
«  d'ignorance  ni  plus  d'impéritie  dans  les  manœuvres  et 
«  dans  les  mouvements  d'une  armée. 

((  Je  me  plains  de  l'ignorance  et  de  l'insubordination  du 
«  capitaine  du  Fougueux  qui,  ayant  toujours  mal  manœu- 
((  vré,  n'a  pris  nulle  part  à  l'action,  quoique  je  l'aie  rap- 
t(  pelé  à  ses  devoirs  par  des  signaux  particuliers,  et  que  les 
«  bonnes  qualités  de  son  vaisseau  lui  permissent  de  se- 
«  courir  les  vaisseaux  engagés,  sans  se  compromettre. 

«  Le  Wattigny  tint  constamment  le  vent,  tandis  que  les 
«  efibrts  de  l'ennemi  se  portaient  sur  les  vaisseaux  sous  le 
«  vent  que  j'ordonnais  d'appuyer.  Pourquoi  le  capitaine 
«  Donat  dont  le  vaisseau  n'avait  nullement  souffert,  et  qui 
c  marche  très-bien,  n'a-t-il  pas  exécuté  l'ordre  de  mettre 
«  en  panne  pour  couvrir  le  Tigré  ? 

«  Je  me  plains  du  Jean.  Bart  qui,  s' étant  d'abord  porté 
(I  en  arrière  avec  la  meilleure  contenance  et  qui  avait  en- 
ci  gagé  le  combat  de  la  manière  la  plus  vigoureuse,  força 
n  de  voiles,  passa  à  la  tête  de]  l'escadre ,  et  n'exécuta  ni 


BATAILLES.— 1795.  424 

a  l'ordre  de  prendre  poste  derrière  le  Peuple^  ni  celui  de 
<(  mettre  en  panne. 

((  Je  reproche  au  capitaine  des  Dr oits-^e-V Homme ^  ofB- 
«  cier  fort  instruit,  de  n'être  pas  resté  en  panne  jusqu'à  ce 
((  que  j'eusse  fait  le  signal  d'éventer. 

«  Je  n'ai  d'ailleurs  à  donner  que  les  plus  grands  éloges 
((  aux  généraux  Vence  et  Kerguelen  qui  me  secondaient. 

«  Je  ne  saurais  assez  louer  la  manœuvre  et  la  valeur  des 
«  autres  capitaines,  et  je  rends  avec  plaisir  hommage  à 
((  l'intelligence  des  commandants  des  frégates,  parmi  les- 
«  quels  il  est  de  ma  justice  de  faire  une  mention  particu- 
«  lière  de  la  bravoure  du  citoyen  Bergeret ,  commandant 
«  la  Virginie^  qui  n'a  pas  hésité  à  attaquer  et  qui  a  com- 
«  battu. longtemps  l'ennemi.  Le  courage  du  citoyen  Héron, 
«  commandant  la  Régénérée^  qui  n'abandonna  la  remorque 
<(  qu'il  donnait  à  X Alexandre  que  lorsque  ce  vaisseau  fut 
«  enveloppé,  mérite  les  plus  grands  éloges.  » 

La  conduite  de  ces  officiers  fut  examinée  par  un  jury 
composé  des  capitaines  de  vaisseau  Boissauveur,  Lebrun, 
Maistral  (Esprit),  Leray  et  des  lieutenants  de  vaisseau  Mor- 
phy,  Rolland  et  Lhermitte  (Jean). 

Le  capitaine  de  vaisseau  Aved  Magnac  du  ZèU^  trouvé 
coupable  par  le  jury  dans  l'affaire  du  17  juin  ;  coupable 
aussi,  mais  excusable  dans  celle  du  22,  fut  cassé,  déclaré 
incapable  de  servir,  et  condamné  à  six  mois  de  prison  par 

conseil  martial. 

Le  capitaine  Giot  Labrier,  du  Fougueux^  jugé  coupable, 
fut  déclaré  incapable  de  servir. 

Les  capitaines  de  vaisseau  Larréguy  et  Donat,  du  Uuciu$ 
et  du  Watiigny^  convaincus  du  fait,  mais  non  criminels, 
furent  mis  hors  de  détention. 

Les  capitaines  de  vaisseau  Legouardun  et  Sébire,  du  Jean 
Bart  et  des  Droits-de-V Homme j  ainsi  que  le  lieutenant  de 
vaisseau  BauUon  furent  déchargés  de  l'accusation  portée 
contre  eux. 

Ce  jugement,  qui  porte  la  date  du  A  fructidor  an  111,  est 


^I^é:  VacÉltier,  B6uVèt,  FraîDçoiB,  NteNy,  ooQti^aAilrani  ; 
Malles,  Gourio,  Puren,  Deniau,  Vignot,  ixmgêr^  Mallkrdy 
Céglraftâ;  ôapitameEr  ete  talssean. 

t'értèt  dtî  conseil  tAàtiîal  ne  £(atisfit  pd»  dofflpMtement,' 
paratt-il,  le  Comité  de  sâlut  publie,  eap  11  déerâla  (fae  la 
Mndtiitè  p^liculière  tetftie,  piendant  le  procès,  par  ]^  ca^ 
pitàiné  Avèd  Mâgnac,  coudait  né  à  stibir  6ofi  efiapplaobiie^ 
tiiëtit  âti  f6rt  là  Loi,  à  Bré^st ,  nécessitait  sa  transition  au 
ébStéâtt  âtt  Taureau,  à  l'entrée  (fe  la  riviAre  de  M^cA»  et 
ifiénie  plds  foin  d*il  était  nécesdaire  ; 

Qùë  les*  (ifapitaines  Larrëguy  et  Donat,  déeiarfe  paç  le 
jiiiftCfbv^ititus  du  fait,  mtài  non  criminel^^  élaienl  indignes 
de  dbttiïrmer  leurs  fonetionfs,  et  il  destitua  ces  deux  officierai 

Le  éoMIiiâ  de  âalut  public  ordonna^  ep  (mtre,  qct»  les 
àt|litàittés  Legottardunr  et  Sébire  seraient  d6elaré#  flMk^ 
iétwi^  dans  leuf  cofErmandement,  en  préseno^  d^  offietors 
de  rcirmée  et  de  eeti*  du  pott  assefiûfèléér. 


Lé^ b&tittiëtiH  qtxi  avaient  été  signalé»  kH^^éi  re£Mdra^ 
VK^-ànyiifài  Villstret  rentrait  à  Lerieilt,  étàieÉrfr  5tf  trâifS^ittri 
escortés  par  3  vaisseaux  et  6  frégates,  ibrmaili  là  di!^<-^ 
iïôVi  flfu  cdtnmbdot^  anglais  sir  Borla^  Warrdii,  ebarg^de 
^ê^ët  et  d'àidefr  réxpédîtion  que  leô  émigrés  projet^^eM 
ilè^tiis^ loftrgtétnp^  centre  la  Bretagne.  Ils  allër^t  AoitiUev 
tdi  }à  Mdé  dtr  Pouidu,  at!  Nord  de  Lorient,  où  FftQilMl 
Bridport  les  rejoignit.  La  présence  de  cette  expédition 
iSMihii  Që  f ktis  ityquiétndes  en  France  t  bn  draignit  ine 
tentative  sur  Lorient,  et  le  commandant  de  Fesoaèf$  tràxt^ 
çiM  Téi^t  Y(ft&rë  de  faire  contribuer  loâr  valémirux  à  la 
éëttfùië  de  là!  ^itle.  Totrtés  lés  troupes  embarquée^  cottiam 
garnisons  furent  mises  à  terre,  ainsi  que  )es  cdnonnlerfif  M 
fètf  m^tî^à  dér  bcwne  volotité. 

hts  dispositfôifs  qui  furent  prise?  dérangèrent  probable 
tiiètit  les  projets  de  ramiral  anglais  car,  au  lieu  d'efflso^ 
tuer  sa  descente  dans  la  baie  du  Pouidu,  comme  i}  paltds^ 
iMl  iéti  atbii-  i'itttétrtibiir,'  il  âë  rendit  dans  celle  de  QolberoD, 


BATAILLES.— i796.  4*3 

OÙ  il  mouilla  le  25  juin.  Ce  mouvement  lit  changer  le 
système  de  défense  qui  avait  été  arrêté;  les  soldats  des 
vaisseaiux  furent  remplacés  dans  le  service  qui  leur  avait 
été  assigné  dans  la  place  par  des  marins,  et  Ton  en  forma 
une  colonne  qui  fut  mise  à  la  disposition  du  général  Jos- 
net  pour  s'opposer  au  progrès  de  Tennemi.  Ce  fut  cette 
colonne  qui  cerna  le  corps  des  royalistes  à  Carnac  e 
prépara  ainsi  les  mémorables,  mais  tristes  journées  des 
16  et  21  juillet  qui  anéantirent  les  projets  de  la  Cour  de 
Londres  contre  la  République  ;  journées  dans  lesquelles, 
suivant  Ténergique  expression  de  Sheridan,  le  sang  anglais 
ne  coula  pas,  mais  son  honneur  suinta  par  tous  les  pores. 

Le  mauvais  succès  de  cette  expédition  ne  rebuta  pas  les 
royalistes,  et  Ton  vit  pendant  plusieurs  mois  encore  une 
forte  escadre  anglaise  croiser  dans  les  parages  de  Belïe-Isle 
et  de  Croix.  Un  nouveau  débarquement,  à  la  tête  duquel 
se  trouvait  un  prince  français,  eut  lieii  à  l'île  d^Yeu;  après 
des  pourparlers  sans  fin,  l'amiral  anglais  mit  à  la  voilé,  lé 
15  novembre,  abandonnant  les  trop  confiants  royali^teô  i 
leur  malheureux  sort. 

Pendant  que  ce  parti  éprouvait  un  si  tade  échec  à  Qui- 
beron,  l'Espagne  signait  à  Bâle,  le  12  juillet,  un  traité  de 
paix  avec  la  République  française. 

Les  réparations  des  vaisseaux  furent  poussées  avec  acti- 
vité dans  le  port  de  Lorient  et,  à  la  fin  du  mois  d'août,  il 
ne  leur  manquait  plus  que  des  équipages  pour  qu'ils  pus- 
sent reprendre  la  mer.  La  pénurie  des  subâistaûceâ  avait 
nécessité  leur  congédiement,  et  les  marins  qui  avaient  été 
conservés  faisaient  le  service  à  terre.  Ce  ne  fut  pas  chose 
facile  de  faire  rallier  des  matelots  ;  il  fallut  un  décret  pour 
les  rappeler  sous  les  drapeaux.  Il  n'en  revint  néanmoins 
qu'un  très-petit  nombre,  et  l'on  prit  le  parti  de  faire  sortir 
isolément,  ou  du  moins  par  divisions,  les  vaisseaux  qui 
étaient  en  relâche;  arrivés  à  Brest,  leurs  équipages  étaient 
renvoyés  à  Lorient  pour  armer  de  nouveaux  vaisseaux.  Ce 
fut  de  cette  manière  que  l'escadre  de  l'Océan  quitta  Lorient 


424  BATAILLES. -1795. 

en  trois  divisious,  sous  les  ordres  des  coutre-amiraux  Vence 
et  Kerguelen  et  du  vice-amiral  Villaret,  les  9  décembre 
1795,  10  jauvier  et  6  mars  1796.  Celles  des  frégates  qui 
n'avaient  pas  encore  repris  leur  service  de  croisière  sorti- 
rent avec  ces  divisions;  quelques-unes  furent  envoyées  à 
Rocbefort,  où  l'on  faisait  des  préparatifs  d'armement  ;  les 
vaisseaux  le  Waltigny  et  le  Fougueux  reçurent  aussi  cette 
direction. 

La  sortie  de  l'escadre  française  fut  favorisée  par  le  dé- 
part de  celle  des  Anglais  qui  n'avaient  laissé  qu'une  divi- 
sion de  frégates  dans  ces  parages. 

Pendant  cette  expédition  des  Anglais  sur  la  côte,  le 
cutter  de  14°  Swan  fut  pris  par  la  frégate  la,  Forte  de  la 
division  du  commandant  Moultson. 


Pour  faire  face  aux  nombreux  armements  que  nécessi- 
taient les  circonstances  et  mettre  l'escadre  de  Toulon  en 
état  de  reprendre  la  mer,  il  fallut  compléter  les  équipages 
avec  2,400  hommes  de  la  légion  de  la  Corrèze,  des  18*  et 
108*  demi-brigades.  Ce  complément  porta  à  7,500  le  nom- 
bre des  hommes  qui,  sur  un  eCTectif  de  12,000,  n'avaient 
jamais  été  à  la  mer.  Et  en  retranchant  1,300  officiers  et 
maîtres,  il  restait  2,300  matelots  pour  armer  15  vaisseaux» 
7  frégates  et  15  corvettes.  Voilà  pour  le  personnel.  Au 
matériel,  le  contre-amiral  Martin  déclara  que  le  premier 
mauvais  temps  ne  le  laisserait  pas  sans  inquiétudes  sur  le 
sort  de  plusieurs  vaisseaux.  Ses  observations  ne  furent  pas 
prises  en  cousidératioii  et,  le  2  iiiars,  Tarméemit  à  la  voile» 
com])ust}e  coinme  ii  suit  : 

120      Suns-Cu/uUeà'  {{. capitaine  Lupaliï^f. 

Martiu  (Pierre),  coulre-aïuirai. 

i  Ca-ùa  ['Ij capitaine  Coudé. 

\  Tonnant —        Cosmao  Kerjulieu. 

belmutie^  contre -amiiui. 


(1)  Le  Daupiiin-Huyal, 
(9)  La  Couronne, 


78 


BATAILLES'— 1795.  425 

Victoire  (1) capitaine  Savary. 

Alcide —  Leblond  Sainl-Hylaire. 

Barras —  Maureau. 

Censeur —  Benoist. 

Conquérant —  Lemancq. 

Duquesne —  Allemand  (Zacharie). 

Généreux —  Louis. 

Guerrier —  lofernet. 

Heureux —  Lacaille. 

Mercure —  Catteford. 

Peuple  Souverain  {"l].  .  .  —  Charbonnier. 

\  Timoléon  (5) —  Khrom. 

Frégates  :  Artémise,  A Icesie,  Minerve ^  Vestale,  FriponnCrJunon,  Diane, 
Corvettes  :  Brune^  Badine. 
Brigs  :  Hasard,  Scoutf  Alerte, 

Le  représentant  du  peuple  Letourneur  (de  la  Manche) 
était  embarqué  sur  le  vaisseau  amiral. 

Quelle  était  la  destination  de  cette  armée  navale?  On 
doit  supposer  que  le  but  de  sa  sortie  était  une  attaque  con- 
tre la  Corse  puisque,  pour  la  faire  appareiller,  on  avait 
attendu  que  l'armée  anglaise  &' éloignât  de  cette  île,  et  que 
des  troupes  avaient  été  embarquées  sur  les  vaisseaux  et 
sur  des  transports  qui  ne  quittèrent  pas,  il  est  vrai,  la 
rade.  La  correspondance  du  représentant  Letourneur  in- 
dique, en  eft'et,  un  débarquement  en  Corse  et  une  expédi- 
tion sur  Livourne.  M.  Thiers  a  écrit  (4)  que  le  gouverne- 
ment avait  imaginé  un  coup  de  main  sur  Rome  pour 
venger  l'assassinat  de  l'ambassadeur  Basseville.  Le  Comité 
de  salut  public,  dans  son  rapport  à  la  Convention  na- 
tionale, dit  que  l'armée  n'était  sortie  que  pour  assurer 
la  navigation  des  navires  français  dans  la  Méditerranée. 
M.  Pouget(5)  prétend  qu'il  était  primitivement  question 
d'une  expédition  sur  les  côtes  d'Italie;  mais  que  le  contre- 
amiral  Martin  ayant  trouvé  ce  projet  impraticable,  eu 
égard  à  la  force  de  l'escadre  anglaise,  le  gouvernement 
décida  que  les  vaisseaux  de  Toulon  sortiraient  uniquement 


(1)  Le  Languedoc  d'abord  et  Y Anti-Féderaliste  ensuite . 

(2)  L'ancien  Souverain. 

(ô)  Le  Contmtrcc-de-Bordeaux. 

(4)  Histoire  de  lu  Hévolution  française. 

(5)  Précis  sur  la  vie  et  les  campagnes  du  vice-amiral  Martin. 


42e  BATAÎLLKS.  — 1795. 

pour  chercher  et  combattre  rennemi.  Quoi  qu'il  en  soit, 
contrariée  par  les  calmes  et  par  les  vents,  ce  fut  aeule* 
ment  le  8  que  Tarmée  arriva  en  vue  de  la  partie  Nord  de 
la  Corse.  Vers  S^  du  matin,  les  découvertes  signalèrent  un 
vaisseau  sous  la  terre  :  c'était  le  vaisseau  anglais  de  82*" 
Berwick,  capitaine  Adam  Littlejohn,  qui  allait  rejoindre 
son  escadre  à  Livourne.  Le  vent  soufflait  du  S.  -0.  Le  IHi- 
quesne^  le  Censeur ^  Y Àlceste  et  la.  Minerve  reçurent  Tordre 
de  lui  donner  la  chasse;  la  Vestale  le  fit  aussi.  La  frégate 
de  36''  YAlceste^  capitaine  Lejoille,  l'atteignit  la  premijire 
et  Fattaqua  de  suite.  Après  une  honorable  résistance  qui 
coûta  la  vie  au  capitaine  Littlejohn,  le  Berwiqk  amena  son 
paivillon  au  moment  où  la  Vestale^  capitaine  Delorme,  qui 
venait  d'arriver,  lui  envoyait  sa  seconde  volée.  Le  Du- 
q/Mme,  qui  approchait  également,  et  qui  ne  s'était  pas 
aperçu  que  le  vaisseau  anglais  eût  amené  son  pavillon,  loi 
tira  aussi  une  bordée.  Le  Berwigk,  vaisseau  de  82®,  n'en 
portait  que  6A  et,  démâté  à  la  suite  d'un  coup  de  veut  sur 
la  rade  de  Saint-Florent,  il  avait  la  mâture  d'une  frégate  ;  il 
fut  de  suite  envoyé  à  Toulon.  VAlcesle  avait  perdu  son 
mât  d'artimon,  et  le  capitaine  Lejoille  avait  reçu  une  bles- 
sure grave. 

Dès  que  le  vice-amiral  Hotham  apprit  la  sortie  de  l'armée 
française;  il  appareilla  de  Livourne  avec  les  vsdsseaux. 

Canons. 

110     Britânhia capitaine  John  Halloway. 

William  Hotham,  vice-amiral. 

Princess  royal capitaine  Jotin  Ghild  Porris. 

Cranston  Goodall,  ilce-amiral. 

108  (  SkUiT  George capitaine  Thomas  Foley. 

sir  Hyde  Parker,  vice-amiral. 

WixDsoR  GisTLE capitaine  John  Gore. 

Robert  Linzee,  vice-amiral. 

Gaptain capitaine  Samuel  Reeve. 

FoRTiTUDE —        William  Young. 

Illustrious —       Thomas  Frederick  Lennox. 

.  Terrible -—        George  Campbell. 

^  Courageux —       Augustin  Montgomery. 

Egmont ^       John  Satton. 

Bedford —       Davidge  Gould. 

Tancredi  (napolitain).  .  .        —       Garracioli. 


liATAlLLKS.  —^795.  4^7 

^_   i  ^G^piHNON —       Horatio  Nelson. 

'*  rOiADEM:  . —       Charles  Tyter. 

Pr6garKeis  :  iNxossT^NTy  Lowestoffc,  Meleager,  Romulii^^  Pyk^^deiMivirva. 

^  lies  d^uxdepières  étaient  napolitaines. 

2  corvettes  él  2  éuttefs. 

Le  11  au  matin,  les  découvertes^  françaises  signalèréirt 
l'escadre  anglaise  sous  le  vent,  liiaîs  tiiïe  brame  épaisse 
ïâ  fit  bientôt  perdre  de  vue  avatrt  qu'on  eût  pu  recon- 
naître sa  force,  et  les  deux  escadres  iHânièutrërent  pen^ 
dânt  deux  jotifs,  tantôt  erf  vue  l'une  de  rsititrè,  tantôt  rie 
^é  voyant  pas.  Le  13,  Tenneinî  fut  distinctement  afjerçtf 
sôus  le  vent  et ,  jïbur  la  ptetnièté  fois,  on  |mt  compter  ses^ 
lA  vaisseaux  (1).  Quatre  d'étitre  etl<  se  trouvant  fort  eir 
avant  des  autres,  le  cottïrhàndàrif  en  chef  de  l'armée  fran- 
çaise eut  l'idée  de  les  couper  et  dans  ce  but,  il  fit  i^ignâî 
ié  laisser  arriver  quatre  cj^arts  largue  par  un  mouvement 
sucfcessîf.  II  codrut  ainsi  pendant  quatre  heures  ;  le  veut 
étant  alors  presque  entièrement  fOffibé  et  là  ligné  ô^alltfri- 
gëànt  beaucoup,  il  donna  Tordre  de  virer  lof  pour  lof  par 
k  contre-marche.  Là  faiblesse  de  la  brise  tînt  lès  escadres 
et  présence  pendaiît  lé  reste  de  la  Journée,  maîi^  elles  né 
se  rapprochèrent  pàS. 

tJri  àrr&té  du  12  juîil  1794  oM6niiâtif  à  tèrns  tes  Officiel 
généraux  commandsttil;  une  armée,  àilx  officiers  gêiiérâttJi 
doihmândant  les  escadres  qtli  là  composaient  et  à  tou»  les 
ëomtoândants  d'escadre  de  12  vaisseaux ,  d'al-borèr  letir 
çàvillon  sur  une  frégate  peiïdànt  le  Combat  (2)*.  fiû  exé^- 
ciitîon  de  cet  arrêté,  le  conttè-amirâl  Mstrtîn  mît  SOù  pâ- 
^îïlon  sur  là  jUinéhe,  capitaine  Portée,  et  le  toYïtréJ* 
amiral  Delmotte  passa  sur  là  PripôtlAe,  càftftiltte  Thrllët 


(.1}  Ce  chiffre  e$t  donné  par  les  relations  apg;laises.  ]tt.  Pouge^.  à  roaTrase 
duquel  j'ai  volontiers  recoars  poar  ce  qai  concerne'  les  campagnes  au  yicè-âàii- 
^àl  Marlih  auquel  des  liens  d'étroite  parenté  lé  fltUàcBent^  M.  Pou|et  dit  qa'U 
y  avait  17  vaisseaux. 

(2)  Cet  arrêté  fut  rapporté  le  é  juîn  iiiS  et  remplacé  par  un  adiré  quî^- 
Ukà^  (fiïb  \eé  amirlât  féraieikt  athé}ét  leur  pcr?lllofi  sur  un  vaiéiBAU  de  premier 


428  BATAILLES. —  4795. 

(Léonce).  Vers  7^  du  matin,  le  1&,  Tescadre  ennemie  fut 
aperçue  sous  le  vent,  à  environ  3  milles  ;  la  brume  avait 
empoché  de  la  voir  plus  tôt.  Le  vent  soufflait  du  S.-O. 
Alors  aussi,  on  s'aperçut  que  le  Mercure  manquait.  Ce 
vaisseau  avait  démâté  de  son  grand  mât  de  hune  entre 
6  et  7^  du  soir,  et  s'était  bientôt  séparé  de  l'armée  que  la 
brume  lui  fit  perdre  de  vue.  Craignant  de  tomber  dans 
l'escadre  ennemie,  et  bien  que  le  commandant  en  chef  qui 
connaissait  ses  avaries  lui  eût  promis  de  lui  envoyer  une 
frégate,  le  capitaine  Catteford  avait  fait  route  pour  le  golfe 
Juan,  rendez-vous  assigné  en  cas  de  séparation,  au  risque 
de  trouver  sur  son  passage  l'ennemi  qu'il  craignait  de  ren- 
contrer. Cette  séparation  n'était  pas  le  seul  événement  de 
cette  nuit  sombre  et  venteuse  :  le  Ça-ira  et  la  Victoire  s'é- 
taient abordés  et ,  démâté  de  ses  deux  mâts  de  hune,  le 
premier  de  ces  deux  vaisseaux  était  tombé  sous  le  vent; 
lorsque  la  brume  se  dissipa,  il  occupait  une  position  in- 
termédiaire entre  les  deux  escadres.  Bientôt  on  vit  la  fré- 
gate anglaise  Inconstant,  capitaine  Francis  Freemantle, 
l'approcher  et  le  canonuer.  Le  capitaine  Coudé,  qui  faisait 
travailler  à  sauver  son  grément  et  les  débris  de  sa  mâture, 
se  décida  à  couper  tout  ce  qui  pendait  encore  le  long  du 
bord  pour  dégager  ses  batteries;  il  put  alors  riposter  et 
força  la  frégate  à  se  retirer.  Deux  vaisseaux,  TAgameiinon 
et  le  Captain,  la  remplacèrent  et  le  Ça-ira  eût  fini  par 
succomber,  si  à  lO**  30'",  la  Vestale^  capitaine  Delorme,  ne 
fût  venue  le  prendre  à  la  remorque.  £n  même  temps  que 
le  commandant  en  chef  donnait  cet  ordre  au  capitaine  de 
la  Vestale,  il  signalait  à  l'armée  de  former  une  prompte 
ligne  de  bataille,  de  forcer  de  voiles  et  de  gouverner  au 
N.-E.  pour  aller  secourir  le  vaisseau  engagé.  Les  capitaines 
se  conformèrent  rigoureusement  à  cet  ordre  et  ne  ciiirent 
pas  devoir  suivre  une  route  autre  que  x^elle  signalée.  Le 
commandant  en  chef  ne  s'aperçut  malheureusement  pas 
assez  tôt  que  l'armée  ne  passerait  pas,  ainsi  qu'il  le  dési- 
rait et  qu'il  l'avait  supposé,  entre  le  Ça-tra  et  l'ennemi. 


BATAILLES.  — 1795.  429 

et  ce  vaisseau  se  trouva  encore  sous  le  vent  de  la  ligne. 
L'approche  des  Français  décida  cependant  TAgamemnon  et 
le  C4APTAIN  à  rejoindre  leur  escadre  et  l'affaire  en  resta  là 
pour  la  journée.  Il  était  alors  l*"  25"*  (1).  Le  Censeur  prit 
le  Ça-ira  à  la  remorque. 

La  brise  fut  faible  pendant  la  nuit;  l'armée  navigua  à 
peu  près  sans  ordre,  mais  assez  bien  ralliée.  Au  jour,  on 
put  constater  une  nouvelle  séparation  :  le  Sans-Culottea 
avait  quitté  l'armée.  Persuadé  qu'un  nouveau  combat  au- 
rait lieu  le  lendemain,  le  contre-amiral  Martin  était  resté 
sur  la  Minerve^  mais,  à  l'entrée  de  la  nuit,  il  s'était  ap- 
proché du  Sans-Culottes  et  lui  avait  fait  connaître  ses  inten- 
tions. Le  capitaine  Lapalisse  avait  alors  informé  le  com- 
mandant en  chef  que  son  vaisseau  gouvernait  fort  mal.  On 
vit  bientôt,  en  effet,  le  trois-ponts  tomber  sous  le  vent 
l'on  ne  tarda  pas  à  le  perdre  de  vue.  Vers  3**  du  matin,  par 
une  fausse  interprétation  des  ordres  qu'il  avait  reçus,  le 
capitaine  Lapalisse  vira  de  bord  et  s'éloigna  par  suite 
davantage  5  il  chercha  vainement  l'armée  pendant  toute  la 
journée.  Chassé  par  2  vaisseaux  ennemis,  le  16  au  matin, 
il  entra  à  Gênes. 

Le  vent  était  entièrement  tombé  et  l'armée  française 
se  trouvait  en  calme,  à 21  milles  dans  le  S.-O.  de  Gênes;  le 
Ça-ira  et  le  Censeur^  qui  avait  largué  la  remorque,  étaient 
à  grande  distance  dans  l'Ouest;  et  l'escadre  anglaise,  alors 
à  moins  de  3  milles  dans  le  Nord,  gouvernait  avec  une  brise 
très-faible  de  N.-O  sur  les  deux  vaisseaux  isolés  qui,  eux, 
cherchaient  tardivement  à  se  rapprocher  des  leurs.  Mais, 
quoi  qu'ils  fissent,  ils  ne  purent  réussir  à  parcourir  la  dis- 
tance qui  les  séparait  de  leur  armée,  avant  d'être  joints 
par  le  Captain  et  par  le  Bedford;  il  était  6"  40"*.  Après  un 
engagem.ent  d'une  heure,  le  Captain,  qui  était  arrivé  le 
premier,  fut  entièrement  désemparé  et  mis  hors  d'état  de 
continuer  son  feu.  L'autre  vaisseau,  aussi  peu  heureux  dans 

Il      I  ■  I    I     I  .  Il  „^»mmmm  ■  —MM— 

(1)  M.  William  James,  The  naval  history,  etc.,  dit  2  heures  15  minutes. 


43t)  BATAILLES.  — 1795. 

son  attaque,  se  retira  également.  Us  forent  remplacés  pèr 
riLLDSTRious  ct  le  CouRAGEux.  Il  était  7^  Jkô"'  lorsque  Tar- 
mée  française  reçot  la  brise;  mais  quelques  tâisseafdE 
abattirent  sur  un  bord,  les  autres  sur  l'autre,  et  le  désordre 
devint  aussi  grand  que  possible  au  moment  où  leur  api^ 
était  le  plus  nécessaire  à  ceux  qui  étaient  attaqués.  Le 
Duque$ney  chef  de  file  de  la  ligne,  prit  les  amures  à  trfr 
bord,  ainsi  que  le  Tonnant^  la  Victoire  et  le  Thnoléon.  Le 
commandant  en  chef  signala  de  se  former  en  bataille  sar 
ces  vaisseaux  :  son  intention  était  de  passer  entre  lé  Ça-4ra9 
le  Censeur  et  l'escadre  anglaise.  Mais  la  brise  defint  telle- 
ment faible,  que  les  vaisseaux  gouvernaient  &  peine;  et, 
malgré  les  signaux  répétés  de  serrer  Tennlâmi  au  feu,  ks 
h  vaisseaux  mentionnés  plus  haut  furent  les  seuls  qui  ar- 
rivèrent en  aide  aux  deux  qui  étaient  engagés.  Tous 
â.vaient  cependant  leurs  embarcations  %  la  mer  pour  fed- 
liter  l'évolution.  Dans  ce  pêle-mêle,  le  Duqueme  fut  abordé 
par  la  frégate  anglaise  Lowestoffe  qui  parvint  à  se  dégh- 
ger,  grâce  à  l'intervention  de  la  MiN£tiTA.  Les  Fran(àtis 
avaient  le  cap  au  O.-S.-O.  et  portaient  par  conséquent  sir 
les  vaisseaux  anglais  avancés  avec  lesquels  le  iJa-Hrà  et  le 
Penseur  étaient  engagés.  Cette  route  permit  même  M.  ca- 
pitaine Allemand  de  passer  au  vent  à  eux  et  de  les  séparer 
de  leur  escadre.  A  8*",  le  Duquesne^  la  Viettrire^  le  Tannant 
et  le  TimoUon  engagèrent  successivement  l'iLLTiSTRidiÀ, 
le  Courageux  et  plusieurs  autres  vaisseaux  anglais.  Vtie 
heure  après,  les  deux  premiers  vaisseau!  ennemis  if  ayiâiéiit 
plus  que  leur  mât  de  misaine  ;  H^  isi  là  faiblesse  de  la  brise 
empêcha  les  autres  vaisseaux  de  leur  escadre  de  les  sou- 
tenir, elle  les  préserva  d'une  capture  &  peu  près  cerliâiie. 
Après  avoir  doublé  les  vaisseaux  anglais,  au  lieu  de  Isîb- 
ser  arriver  pour  les  combattre  en  faisant  la  même  route,  ie 
Duquesne  continua  à  serrer  le  vent  ;  sa  manœuvre  fut  imi- 
tée par  les  vaisseaux  qui  le  suivaient.  Le  Censeur  n'atUt 
plus  que  son  mât  d'artimon.  Accablé  par  le  nombre,  il 
amena  son  pavillon  à  10"  :  il  était  si  maltraité,  que  les  Aillais 


BATAILLER,  -r  47^5.  f ?i 

le  livrèrent  aux  flammes.  Rasé  comme  un  ponton,  le  (7a-ira 
cessade  tirer  presque  en  même  temps  que  lui.  H  avait  plus<k 
S  mètres  d'eau  dans  la  cale  et  avait  perdu  600  hon^/pes  j[l). 
L'armée  française  continua  sa  route  vers  TOuest  et  Us 
Anglais  gouvernèrent  au  N.-E.  Le  feu  av^it  complètement 
cessé  à  1^  30"*.  Ce  combat  prit  le  noip  /du  pap  Nolis.  Sa- 
tisfait du  résultat  inespéré  qu'il  avait  ;^btenu,  le  vice-^h 
ral  Hotham  ne  jugea  pas  devoir  engagi^f  4e  copibat  d'upe 
manière  plus  sérieuse;  le  soir,  son  escadrp  lètait  bors  île 
vue.  Le  lendemain,  la  Victoire^  le  TmoUojft^  la  Minervfi  et 
ÏAlceste,  qui  avaient  des  avaries  asse?  graves^  furent  cçp- 
'Voyés  à  Toulon.  Le  capitaine  du  TifnoUan  avait  reim  fj^e 
blessure. 

Assaillie  par  un  coup  de  vent,  Tarmée  française  ^a 
mouiller  sur  la  rade  d'Hyères,  près  de  TouioQ,  o^  ^le 
fut  ralliée  par  le  Mercure,  et  quelques  jours  après,  parle 
Sans'CuloUes,  à  la  recherche  duquel  ie  ^a$ard  avait  été 
envoyé.  L'armée  rentra  à  Toulon  le  24  -mars. 

L'escadre  anglaise  se  rendit  à  la  Spezzia,  dans  le  golfe  de 
Gênes  ;  le  Goura&eux  y  arriv:^  ^  ]a  riemorque  d'une  frégUitç. 
L'Illustrious,  remorqué  aussi  par  une  frégate,  fut  sèfi^é 
de  son  encadre  pendant  le  coup  de  vent;  la  frégate  fût 
obligée  de  larguer  la  remorque  pour  ne  pas  être  entraînée 
à  la  côte.  Le  18  au  matin,  le  vaisseau  mouilla  dansl^  baie 
de  Valence,  entre  la  Spezzia  et  Livourne  ;  mais  les  câbles 
cassèrent  et  il  fut  jeté  au  plain.  Les  secours  envoyas  pour 
le  relever  ayant  été  impuissants,  il  fut  incendié. 

Un  jury  fut  chargé  d'examiner  la  conduite  des  capitaines 
du  Sans'CuloUes,  du  Mercure  et  du  Duquesne  auxquels  le 
commandant  en  chef  reprochait  la  non-exécution  He  plu- 
sieurs ordres.  Ce  jury  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  liçu  à  ac- 
cusation et  donna  les  plus  grands  éloges  aux  capitaines 
Coudé  et  Benoisl. 


(l)  L'élévation  des  perles  de  ce  vaisseau  m'a  délerminé  à  en  donner  U  chif- 
Tre  que  j'ai  pris  dans  le  rapport  officiel. 


in  BATAILLES.  — 1795. 

L'armée  navale  de  la  Méditerranée  était  à  peine  ren- 
trée à  Toulon,  que  déjà  les  prétendus  patriotes  prenaient 
leurs  dispositions  pour  Tempêcher  d'en  sortir,  sous  pré- 
texte qu'on  voulait  la  livrer  à  l'ennemi.  A  leur  instigation, 
et  pour  arriver  à  ces  fins,  les  ouvriers  de  l'arsenal  s'insur- 
gèrent, enlevèrent  les  armes  des  magasins,  et  soutenus  par 
les  paysans  des  environs,  ils  s'emparèrent  du  fort  Lamalgne  ; 
de  cette  position  ils  dominaient  l'entrée  de  la  rade  et  la  rade 
elle-même.  Malheureusement  ils  ne  s'en  tinrent  pas  là,  et 
bientôt  leurs  funestes  doctrines  vinrent  infester  les  équi- 
pages et  les  désorganisèrent.  D'un  autre  côté,  les  maladies 
faisaient  d'affreux  ravages  à  bord  des  bâtiments  dont  les 
marins,  aussi  peu  vêtus  que  les  soldats  des  armées  de 
terre,  étaient  en  grande  partie  attaqués  du  scorbut.  Au 
mois  d'avril,  il  manquait  6,764  hommes  à  l'effectif  général, 
en  malades  ou  en  déserteurs.  On  comprend  combien  il  était 
difficile  de  reprendre  la  mer  dans  de  pareilles  conditions. 
19  vaisseaux  et  7  frégates,  tous  assez  mal  armés,  purent 
cependant  sortir  le  7  juin,  mais  chacun  avec  une  centaine 
d'hommes  en  moins.  Ces  vaisseaux  et  ces  frégates  étaient: 

Canons. 

120      Orient  (1) capitaine  Lapalisse. 

Martin  (Pierre),  contre- amiraL 

{  Tonnant capitaine  Gosmao  Kerjalien. 

^^  I  Delmotte,  contre-amiral. 

(  Victoire  (2) capitaine  Savary. 

iJemmape.'i —        Laiïon. 

/  Renaudin,  contre-amiral. 

Duquesne capitaine  Allemand  (Zacharie). 

Généreux —        Louis. 

Peuple  Souverain —        Lindet  Lalonde. 

Heureux .        —        LacaïUe. 

78   /  Metcurc —        Catteford. 

Jupiter —       Richery. 

Guerrier —        Infernet. 

Alcide —        Leblond  Saint-ïïylalre. 

Barras —        Maurenu. 

Aquilon —        Laterre. 

Révolution —        Fay. 


(1)  Ancien  Sans-Culotles. 

(2)  Nouveau  nom  de  V Anti-Fédéraliste. 


BATAILLES.— 1795.  433 

Républicain  (1) —  Ganteaume  (Honoré). 

Tyrannicîde ~  Dordelin  (Joseph). 

"^^   ]  Timoléon —  Charbonnier. 

Berwick —  Dumanoir  Lepelley. 

Frégates  :  Junon,  Minerve,  Alceste^  Justice,  Friponne,  Artémisey  Sérîettse, 
Corvettes:  Badine,  Brune. 
Brig  :  Alerte. 

Celte  sortie  n'avait  d'autre  but  que  d'arrêter  la  désertion, 
en  attendant  des  nouvelles  positives  de  la  force  de  l'ennemi 
que  l'on  savait  avoir  reçu  un  renfort;  le  contre-amiral 
Maan  venait  en  effet  d'arriver  à  Saint-Florent  de  l'île  de 
Corse  et  le  vice-amiral  Hotham  se  trouva  dès  lors  avoir  sous 
ses  ordres  les  23  vaisseaux  ci-après  : 

Canons. 

IBritannia capitaine  John  Halloway. 
William  Hotham,  yice-amiral. 
VicTORY capitaine  John  Knight. 

Robert  Maan,  contre-amiral. 

108      Barfleur •  .  capitaine  John  Bazeley. 

Windsor  Castle —       John  Gore. 

Robert  Linzee,  contre-amiral. 

100  {  Saint  George capitaine  Thomas  Foley. 

sir  Hyde  Parker,  vice-amiral. 

Princess  royal capitaine  John  Child  Purvis. 

Cranston  Goodall,  contre-amiral. 

Captain capitaine  Samuel  Reeve. 

Egmont —        John  Sutton. 

Courageux —        Benjamin  Hallowell. 

Terrible —        GcQrge  Campbell. 

Bedford —        Davidge  Gould. 

FoRTiTUDE —        William  Young. 

S2  (  Gibraltar —        John  Pakenham. 

Bombay  Castle —        Charles  Chambrelavne. 

Saturn -—       James  Douglas. 

Cumberland —        Samuel  Rowley. 

Defence —        Thomas  Wells. 

Cl  LLODEN —        Thomas  Trowbridge. 

\aui)acious -        William  Shield. 

(  Agamemnon —        Horatio  Nelson. 

''^   i  DiADEM —        Charles  Tyler. 

(  GuiSGARBo.  r  vaisseaux   i         —       Spanocchi. 
!  Samnito.    .  l  napolitains.  (         —        Guiellichini. 
Frégates  :  Meleager,  Cyclops. 
Corvettes  :  Ariadne,  Comet,  Eclair,  Flèche. 
Cutter  :  Resolution. 

Le  contre-amiral  Martin  s'établit  en  croisière  devant 


7; 


'J)  Ancien  Trente-et -un-Mai. 

Il  f8 


434  IJATAILI.KS.  - 1795. 

Toulon  et  envoya  les  frégates  la  Minerve  de  42*,  capitaine 
Delorme,  et  YArlémi$e  de  A0%  capitaine  Decasse,  en  oih 
servation  sous  Tîle  de  Minorque.  On  comprit  ]>ientôt  qpe 
la  présence  de  Tannée  navale  serait  plus  utile  sur  les  côtes 
d'Italie  qu'à  l'entrée  de  Toulon.  Toutes  les  puissances  ita- 
liennes désiraient  alors  la  paix,  celles  du  moins  qu'une  im- 
prudence pouvait  compromettre.  Depuis  que  les  Français 
étaient  aux  portes  de  Gênes,  la  Toscane  était  impatiente 
de  revenir  à  son  rôle,  et  quoique  pressé  par  l'amiral  an- 
glais dont  les  vaisseaux  se  tenaient  constamment  dans  ces 
parages ,  le  Grand-duc  venait  de  conclure  un  traité  avec 
la  France.  Il  ne  restait  que  la  Cour  de  Naples  qui,  égarée 
par  les  passions  de  la  reine  et  les  intrigues  de  l'Angle- 
terre, était  loin  de  songer  à  négocier  et  faisait  de  ridicules 
promesses  de  secours  à  la  coalition.  Conformément  aux 
instructions  reçues  par  le  commandant  en  chef,  l'année 
navale  se  dirigea  sur  Gênes  le  8  juillet.  Mais  avant  de  le* 
ver  sa  croisière,  le  contre-amiral  Martin  renvoya  les  vi^s- 
seaux  le  Guerrier  et  le  Mercure  à  Toulon  ;  le  premier  était 
en  trop  mauvais  état  pour  tenir  la  mer;  l'autre  avait  reçu 
de  graves  avaries  dans  un  abordage.  Le  7  dans  la  soirée, 
Tarmée  navale  s'approcha  assez  de  la  Corse  pour  recon- 
naître celle  des  Anglais  au  mouillage  de  Saint-Florent.  Son 
apparition  détermina  l'appareillage  de  celle-ci,  mais  six 
jours  s'écoulèrent  sans  qu'elles  se  rencontrassent  ;  ce  fut 
seulement  le  13,  pendant  la  nuit,  qu'elles  eurent  connais- 
sance l'une  de  l'autre  ;  les  Anglais  étaient  au  vent,  et  par 
suite  d'une  grande  brise  de  N.-O.  qui  avait  régné  jusqu'à 
ce  moment,  les  vaisseaux  français  étaient  sans  ordre.  Le 
jour,  en  se  faisant,  permit  de  compter  23  vaisseaux  anglais 
et  6  frégates  o.î  rorvottes.  Le  contre-amiral  Martin  or- 
donna la  formation  d'une  prompte  ligne  de  bataille;  mais 
ne  voulant  pas  risquer  un  combat  dans  les  conditions  où 
se  trouvaient  ses  vaisseaux,  il  fit  route  pour  le  golfe  Juan, 
suivi  par   l'armée    anglaise.   Les  vaisseaux   français    ne 
tardèrent  pas  à  ressentir  l'influence  de  la  terre  et  ils  furent 


BATAILLES. -179o.  435 

gagnés  par  les  Anglais  qui  ne  subirent  cette  influence  que 
vers  11'*  ;  les  deux  armées  gouvernaient  à  peine  à  çeitte 
heure.  Une  petite  fraîcheur  de  S.-E.  s'étant  élevée  vers 
midi,  le  commandant  en  chef  renouvela  Tordre  de  se  for- 
mer en  bataille  sans  avoir  égard  aux  postes,  et  comme  le 
vent  hâlait  TEst,  il  se  dirigea  sur  Fféjus,  çt  fij;  efls^jitç  le 
signal  de  commencer  le  feu  aussitôt  que  ceU  serait  possible. 
Les  vaisseaux  ennemis  les  plus  avaqpés  étajçn^  alors  à,  portpç 
de  canon  ;  mais,  soit  que  les  uns  et  les  autres  se  jugeassent 
encore  à  une  trop  grande  distance,  soit  que  les  positiops 
relatives  ne  permissent  pas  d'exécuter  cet  ordre,  la  canon- 
nade  ne  commença  qu'à'midi  15™.  Quelques-uns  des  vaiçh 
seaux  français  de  T arrière-garde  furent  attaqués  vigoureu- 
sement par  les  vaisseaux  de  tête  de  l'armée  ermèn^ie,  §t 
YAlcide,  comme  serre-file,  eut  à  combattre  le  Victory,  le 
CuLLODEN  et  le  CUMBERJ.AND.  Lcs  frégatcs  la  Jusiice^  capi- 
taine Dalbarade  (Jacques) ,  et  YAlceste^  capitaine  Çubp^'t, 
reçurent  Tordre  de  prendre  ce  vaisseau  à  la  reiporqiiQ; 
et  comme  i'Alcide  était  écrasé  sous  lefegideTenoenii,  s^gQ^ 
fut  fait  aux  vaisseaux  Iqs  plus  rapprochés  de  f^vori^^  l^ 
manœuvre  des  frégates.  \J Aquilon  mit  çn  p^iUne;  zq^i^ 
s' apercevant  que  le  feu  étf^it  à  bofd  (Je  V4lci4^9  il  f>n^q^ 
promptement.  Un  incendie  s'étîiiit  ep  effet  déclaré  à  bord  çj^ 
ce  vaisseau  et  il  se  propageait  avec  i^ne  rapl^if^  tQll^,  gue 
les  Anglais  eux-mêmes  durent  s' Soigner  ppi^r  Qp  pas  ft^re 
incendiés.  A  i^  30",  YAlcidte  s^tij^  2Lyçtq|;  epooirq  \  l^p^cil 
près  de  la  moitié  de  son  équipage  ;  le  rejste  ^vait  ^té  rp- 
cueilli  par  des  embarçatiqQ^  anglaises,.  ^^  c^pjit^iqe  L$- 
blond  fut  une  des  victimes  de  ciette  çatas|;ropi)e  (1).  V4mi^ 
Ion,  le  Généreux^  le  Berwick  e\]^  Jj/rat^fiicide  prirent seiifjj 


(I)  M.  James,  The  naval  history,  etc.,  dit  que  VAlcide  avait  amené  son 
pavillon  à  2"  et  que  rincendie  n'eut  lieu  qu^ùn  quart  d'heure  après.  J'ai  relaté 
l'événeroent  d'après  le  rapport  du  commandant  en  chef  (a);  on  pen^,  dès  \bx\, 
supposer  la  version  anglaise  erronée. 

(a)  A  s**  1/2  /'Alcidc,  ayani  encore  ton  paviUonet  «a   fiammCf  fil  explêiion,   (Joarnal 

da  coulre-amiral  Martin.) 


',:\C>  HATAILLKS.  — 1";9I>. 

part  îicet  engagement  qui  ccosa  après  l'explosion  de  1*4/- 
cide.  L'amiral  anglais  leva  la  chasse  à  12  milles  de  terre  et 
prit  le  large.  L'armée  française  mouilla  à  Fréjus,  et  quel- 
ques jours  après,  elle  rentra  à  Toulon. 


Le  gouvernement  ayant  formé  le  projet  de  détruire  les 
établissements  des  Anglais  dans  l'Amérique  du  Nord,  le 
capitaine  de  vaisseau  Richery,  auquel  cette  mission  fut 
coiîfiée,  sortit  de  Toulon,  le  li  septembre,  avec  les  vais- 
seaux : 

Canons. 

86      Victoire capitaine  Lemancq. 

i  Jupiter —  Richery. 

Barras —  Maureaa. 

Berwick —  Dumanoir  Lepelley. 

Révolution —  Faye. 

Duqueane —  Allemand  (Zacharie). 

et  les  frégates  XEmhusauIe,  la  Félicité  et  la  Friponne, 

Le  commandant  Richery  avait  ordre  de  se  rendre  d'abord 
à  Saint-Domingue  pour  y  prendre  les  vaisseaux  le  Fou- 
gueux et  le  Watligny,  ainsi  que  les  frégates  la  Décade  et  la 
Néréide  que  le  cliL^f  de  division  Thévenard  (Alexandre) 
devait  y  conduire.  Le  capitaine  de  vaisseau  Thomas  le 
rallierait  aussi,  dans  cette  colonie,  avec  les  frégates  la  ift- 
duse,  Ylmurgenie,  la  lienonwiée,  les  corvettes  la  Douce- 
reuse^ YAtàlante  et  5  flûtes  chargées  de  troupes,  et  le  ca- 
pitaine Siméon,  avecla  frégate  la  Vengeance^  la  corvette  le 
Berceau  et  4  transports  qui  avaient  également  des  troupes. 
Le  commandant  Richery  devait  se  porter  avec  toutes  ces 
forces  réunies  devant  le  Môle-Saint-Nicolas  et  le  Port-au- 
Prince,  alors  occupés  par  les  Anglais,  et  surprendre  les 
bâtiments  qui  se  trouveraient  sur  ces  rades.  Mais  c'était 
là  la  partie  la  moins  importante  de  sa  mission.  Le  Direc- 
toire pensait  avec  raison  que  les  Anglais  ne  se  maintien- 
draient pas  longtemps  à  Saint-Domingue,  et  la  position 
qu'ils  avaient  prise  dans  cette  île  ne  l'inquiétait  pas  beau- 
coup. La  division  navale  devait  dévaster  l'île  anglaise  de 


HATAILLES.  —  1795.  437 

la  Jamaïque,  ruiner  les  établissements  de  la  Nouvelle- 
Angleterre  et  ceux  de  Terre-Neuve  ;  et,  dans  le  cas  où  ses 
vivres  le  lui  permettraient,  terminer  sa  campagne  par  une 
croisière  aux  Açores. 

Le  7  octobre,  à  150  milles  dans  T Ouest  du  cap  Saint- 
Vincent  d'Espagne,  la  division  française  chassa  un  convoi 
anglais  de  32  voiles  qui  allait  de  Smyrne  en  Angleterre 
sous  l'escorte  des  vaisseaux  de  82*^  Fortitude,  Bedfgrd, 
Censeur;  de  TArgo  de  54*^;  des  frégates  Junon,  Lutine 
de  40%  et  du  brig  de  12°  Tisiphone,  aux  ordres  du  contre- 
amiral  Linzee.  A  ^^  30™  de  Taprès-midi,  et  après  une  assez 
courte  canonnade,  le  Censeur,  capitaine  Gore,  démâté  de 
ses  mâts  de  hune,  amena  son  pavillon.  Les  deux  autres 
vaisseaux  et  les  frégates  parvinrent  à  se  sauver.  Les  na- 
vires du  commerce  furent  moins  heureux  ;  poursuivis  par 
les  frégates  et  bientôt  par  la  division  entière,  deux  seuls 
échappèrent.  Le  commandant  Richery  fit  route  pour  Cadix 
avec  ses  prises;  mais,  par  suite  d'une  convention  avec 
l'Espagne,  trois  vaisseaux  seulement  entrèrent  en  rade;  les 
autres  jetèrent  l'ancre  devant  Rota.  Quelques  jours  après, 
l'entrée  du  port  fut  accordée  à  tous  les  vaisseaux.  Le  com- 
mandement du  Censeur  fut  donné  au  lieutenant  de  vaisseau 
Lecourt,  de  la  Félicité^  et  celui  de  cette  frégate  passa  au 
lieutenant  Oré  du  Jupiter. 

Les  difficultés  que  le  commandant  Richery  éprouva  pour 
la  vente  de  ses  prises,  l'obligèrent  à  faire  sur  la  rade  de 
Cadix  un  séjour  plus  long  qu'il  n'en  avait  d'abord  eu  l'in- 
tention. Le  17  décembre,  il  reçut  un  violent  coup  de  vent 
pendant  lequel  la  Victoire,  le  Duquesne  et  la  Révolution 
cassèrent  leurs  câbles  et  furent  jetés  à  la  côte  entre  Santa 
Maria  et  Puerto  Real  ;  tous  les  autres  vaisseaux  cassèrent 
aussi  des  amarres.  Le  Duquesne  et  la  Révolution  étaient 
échoués  sur  un  fond  de  vase  d'où  il  fut  facile  de  les  rele- 
ver; le  troisième  vaisseau,  la  Victoire^  qui  était  sur  un  fond 
dur,  fut  aussi  remis  à  flot,  mais  avec  de  nombreuses  et 
graves  avaries  qui  nécessitèrent  sou  entrée  immédiate  au 


43R  RATAILI.es.— 1795. 

bassîD.  Quelques  bâtiments  espagnols  avaient  également 
été  portes  à  la  côte.  Les  réparations  nécessitées  pair  l'é- 
cHbùage  des  trois  vaisseaux  prolongèrent  encore  le  sé- 
jour de  là  division  française  sur  la  rade  de  Cadix;  le 
commandant  Richery  y  apprit  sa  nomination  au  gradé  de 
contre-amiral.  Le  13  mars  1796,  il  arbora  son  pavillon  à 
bord  du  Jupiter  dont  il  donna  le  commandement  au  lieu- 
tenant de  vaisseau  Rochet. 

Quelques  jours  avant  Téchouage  des  vaisseaux,  le  12  â^ 
cëmbre,  la  corvette  le  Scout,  capitaine  Dumiîig,  s^ètiut 
perdue  sur  les  Gochinos,  à  l'entrée  de  là  rade  d^è  (2a9ix. 


Quelque  sévère  que  fût  la  surveillance  exercée  psu:  les 
Anglais  sur  le  port  de  Toulon,  le  capitaine  de  vaisseau 
(îanteaunie  (Honoré)  parvint  à  tromper  la  vigilance  des 
croiseurs,  et  le  10  octobre,  il  fit  route  pour  le  Levant  avec 
le  vaisseau  de 

78*^     llépublicaw,  dont  il  avait  pris  le  comniiuideinenl. 

les  frégates  de  4i«  !  '':''^'''"  '  '  '^P*^^''^"  Dalbarade  (Jacques). 
"^  i  Junon.  ...        —       Leduc. 

de  42     Artémise.    .        —        Standelet. 

lescorvettesde  50*"    Badine.    ...  -        Racord. 

et  de  16     Hasard,   .  .        —       Bassibre. 

Les  instructions  du  commandant  Canteauihe  lui  ènjoi* 
gnaient  d'aller  s'établir  en  croisière  dans  TÀrcliipèl  et  de 
faire  le  plus  de  înal  possible  au  commerce  des  ennemis  de 
là  République.  L'amiral  anglais  ne  tarda  pas  â  être  informa 
Je  là  sortie  de  la  division  française  et  il  se  mit  à  sa  pour- 
suite ;  mais  le  commandant  Ganteaume  fut  assez  heùréùx 
pour  dérober  sa  marche  à  l'ennemi.  A  quelque  jours  de 
là,  là  division  française  fut  cependant  aperçue  sur  là  cïïe 
dô  Sardaigne  et,  pour  la  seconde  fois,  son  commàndànl 
parvint  â  dérouter  l'amiral  anglais  sur  ses  intentions  ul- 
térieures. Après  avoir  fait  une  apparition  devàni  Tunis  ôû 
il  laissa  la  Sérieuse  qui  était  sortie  de  Toulon  en  même 
temps  que  lui,  le  commandant  Ganteaume  fit  route  à  l'Est, 


BATAILLES— 1795.  439 

La  division  fut  dispersée,  à  l'entrée  du  golfe  de  Smyrne, 
par  un  coup  de  vent  qui  démâta  la  Justice  de  ses  mâts  de 
misaine  et  d'artimon.  La  Junon  la  remorqua  aux  Darda- 
nelles ;  le  Républicain,  YArlémise  et  le  Hasard  entrèrent  à 
l^orto  Sigri  de  Tîle  Mételin;  la  Badine  avait  été  laissée  en 
observation  à  l'entrée  de  TArchipel.   La  frégate  et  les 
deux  corvettes  que  la  France  entretenait  dans  le  Levant 
étaient  presque   constamment  retenues  sur   la   rade  de 
Smyrne  par  la  présence  d'une  division  anglaise.  Il  n'eût 
pas  été  impossible  de  surprendre  cette  division  si  le  mau- 
vais temps  n'était  venu  déjouer  les  projets  du  comman- 
dant Ganteaume.  La  surprise  étant  impossible  désormais, 
car  son  arrivée  dans  ces  parages  était  connue,  il  prit  la  dé- 
termination d'aller  aux  Dardanelles. 

Cependant  les  réparations  de  la  Justice  ne  se  faisaient 
qu'avec  une  extrême  lenteur;  le  commandant  Ganteaume 
ne  pouvant  prolonger  davantage  son  séjour  dans  le  Levant, 
se  décida  à  y  laisser  cette  frégate.  Le  2  janvier  1796,  il 
quitta  les  Dardanelles  et  il  mouilla  à  Toulon,  le  5  du  mois 
suivant.  Six  prises' avaient  été  le  résultat  de  cette  croisière. 
Le  nouveau  commandant  en  chef  de  Tescadre  anglaise 
de  la  Méditerranée,  amiral  sir  John  Jervis,  finit  par  con- 
naître la  destination  de  cette  division  qui,  deux  fois,  avait 
échappé  à  son  prédécesseur.  11  envoya  2  vaisseaux  et  à 
frégates  dans  l'Archipel  ;  ces  bâtiment  furent  aperçus,  le 
27  décembre,  par  la  Badine  qui  se  réfugia  à  Coron,  en 
Morée.  La  Lowestoffe  l'y  suivit;  mais  le  capitaine  de 
cette  frégate  respecta  la  neutralité  de  ce  territoire  et  ne 
molesta  pas  la  corvette  française, 

La  frégate  la  Justice  rentra  en  France  au  mois  de  juil- 
let 1796. 

Lorsque  la  Convention  nationale  apprit  les  succès  de 
l'expédition  partie  l'année  précédente  pour  les  Antilles, 
elle  ordonna  d'y  envoyer  de  nouvelles  troupes,  des  armes 
et  des  munitions.  Prévenu  du  départ  de  ce  convoi,  le  com- 


440  COMBATS  PARTICULIERS.  — 4795. 

missaire  du  gouvernement  à  la  Guadeloupe  expédia  à  sa 
rencontre  la  frégate  de  36°  la  Pique  (1)  dont  le  commande- 
ment avait  été  donné  au  capitaine  Conseil.  L'appareillage  du 
bâtiment  français  détermina  celui  de  la  frégate  anglaise  de 
40*  la  Blanche,  capitaine  Robert  Faulknor,  qui  était  mouil- 
lée à  l'ouvert  de  la  baie  de  la  Pointe-à-Pître.  La  Pique 
la  chassa;  mais  ce  fut  seulement  le  lendemain,  5  janvier, 
à  minuit  30"',  que  passant  à  contre-bord  et  au  vent,  elle 
put  lui  tirer  les  premiers  coups  de  canon.  La  frégate  an  - 
glaise  vira  peu  de  temps  après  et  gouverna  droit  dans  les 
eaux  de  la  Pique  qui  l'attendait;  lorsqu'elle  ne  fut  plus 
qu'à  petite  distance,  le  capitaine  Conseil  fit  une  arrivée  pour 
l'aborder  par  le  beaupré.  La  Blanche  l'évita  en  arrivant 
aussi,  et  le  combat  s'engagea  bord  à  bord.  Vers  2^  30"*,  la 
frégate  anglaise  qui  était  un  peu  de  l'avant  loffa  subite- 
ment, et  envoyant  à  son  adversaire  une  bordée  d'écharpe, 
elle  engagea  le  beaupré  de  la  Pique  entre  ses  deux  mâts 
de  devant;  le  grand  mât  et  le  mât  d'artimon  de  la  frégate 
française  s'abattirent.  Le  capitaine  Conseil  voulut  en  pro- 
fiter pour  sauter  à  l'abordage;  ses  détachements  furent 
constamment  repoussés.  La  Pique  ne  tarda  pas  à  éviter  et 
élongea  la  Blanche  à  tribord  ;  les  deux  frégates  continuè- 
rent à  tirer  avec  ceux  de  leurs  canons  dont  on  pouvait  se 
servir,  mais  la  mousqueterie  joua  dès  lors  le  rôle  princi- 
pal. A  3\  le  dernier  mât  de  la  Pique  s'abattit  :  deux  heures 
après,  elle  amena  son  pavillon.  Le  vaisseau  anglais  de  72* 
Vétéran,  qui  arrivait  sous  toutes  voiles,  était  alors  à  portée 
de  donner  assistance  à  la  Blanche.  Le  capitaine  Robert 
Faulknor  avait  été  tué  peu  après  l'abordage  des  deux 
frégates. 

La  Pique  portait      26   canons     de  12 

6       —       de    6 
et  4  caronades  de  36. 


'!)  L'ancienne  Fleur-de-Lys, 


COMBATS  PARTICULIERS.  — 1795.  441 

La  Blanche      —    26    canons    de  12 

6       —       de    6 
et    8  caronades  de  18. 


Le  8  janvier,  le  capitaine  Saint-Laurent,  parti  de  Ro- 
chefort  avec  la  corvette  de  22*=  Y  Espérance,  prise  faite  de- 
puis quelques  mois  sur  les  Espagnols,  fut  chassé,  à  l'en- 
trée de  la  Chesapeak,  par  le  vaisseau  anglais  Argonauta  et 
la  frégate  I'Oiseau,  et  se  vit  dans  la  nécessité  d'amener 
son  pavillon. 

Le  brig  de  12Me iîegiun,  capitaine  Morel  (Dominique), 
séparé  pendant  un  coup  de  vent  d'une  division  sous  les 
ordres  du  capitaine  de  vaisseau  Lhermite  (Pierre),  faisait 
route  pour  Dunkerque,  lorsque  le  20  février  au  point  du 
jour,  il  se  trouva  à  portée  de  canon  d'une  frégate;  le  vent 
soiifflait  encore  bon  frais  du  S.-E.  Le  Requin  prit  chasse 
et  engagea  avec  la  frégate  une  canonnade  de  retraite  pen- 
dant laquelle  le  capitaine  Morel  fit  jeter  à  la  mer  ancres, 
canots,  en  un  mot,  tout  ce  qui,  en  allégeant  le  brig,  pou- 
vait contribuer  à  lui  donner  une  augmentation  de  marche. 
Lorsque  le  jour  fut  fait,  on  aperçut  des  bâtiments  dans 
toutes  les  directions.  A  10''  30"%  la  frégate  qui  chassait  le 
Requin  étant  à  portée  de  voix,  le  capitaine  Morel  fit  une 
grande  arrivée  sur  tribord  et  lui  envoya  une  volée  entière. 
Lançant  aussitôt  sur  l'autre  bord,  il  lui  tira  celle  de  bâ- 
bord, presque  à  bout  portant.  La  frégate  y  répondit  et  mit 
le  brig  dans  l'impossibilité  de  lui  échapper.  La  résistance 
n'étant  pas  possible,  le  pavillon  fut  amené.  Cette  frégate 
était  anglaise  ;  c'était  la  Thalia  de  i4°,  capitaine  Grindec. 
Elle  faisait  partie  de  l'armée  navale  de  l'amiral  Hovv^e. 


Le  2  mars,  le  capital  lie»       la  corvette  de  18* 

V Espion,  chargé  par  le  <  C     '  de  Tannée 


m  COMBATS  PARTICIJLIKHS.  — 4795. 

navalf!  tic  Brest  d  observer  les  mouvements  des  Anglais, 
faisant  route  pour  rentrer  au  port  avec  une  grande  brise 
(lu  Nord,  aperçut  3  frégiites  anglaises  sous  le  vent.  A  S*"  30* 
du  soir,  le  capitaine  Magendie,  qui  ne  s'estimait  pas  à  plus 
de  3(5  milles  dans  le  N.-O.  de  l'île  d'Ouessant,   vit  un 
nouveau  bâtiment  devant  lui  :  il  mit  alors  le  cap  au  S.-0. 
Ce  dernier  bâtiment  le  chassa,  et  ses  signaux  ne  purent 
laisser  de  doutes  sur  sa  nationalité  :  c'était  encore  un  en- 
nemi. Les  dispositions  du  combat  furent  faites  à  bord  de 
l'Espion  ;  mais  lorsqu'on  voulut  ouvrir  les  saborda,  Feau 
entra  avec  une  telle  abondance  qu'il  fallut  les  refermer  de 
suite.  Il  n*y  avait  donc  d'autre  espoir  que  dans  la  fuite,  et 
cet  espoir  ne  fut  pas  de  longue  durée.  A  9^  15",  le  chas- 
seur envoya  ses  premiers  boulets  ;  la  canonnade  dura  ce- 
pendant jusqu'à  1^  du  matin.  Ce  bâtiment,  à  la  poupe  du- 
quel on  pouvait  alors  distinguer  le  pavillon  anglais,  était 
la  frégate  de  48°  Lively.  Le  capitaine  George  Burlton  hêla 
à  Y  Espion  d'amener  :  un  quart  d'heure  après,  la  corvette 
était  amarinée.  V Espion  prit  le  nom  de  Spy  dans  la  ma- 
rine anglaise. 

Le  capitaine  Magendie  fut  acquitté  par  le  conseil  mar- 
tial qui  eut  mission  d'examiner  sa  conduite. 


La  goélette  de  18''  la  Coureuse^  commandée  par  l'enseigne 
de  vaisseau  Landais,  escortant  un  petit  convoi  de  la  baie 
de  Benodet  à  Lorient.  fut  chassée,  le  25  mars,  par  Z  fré- 
gates anglaises  de  la  division  du  commodore  Warren  et 
amarinée  sans  résistance.  Les  navires  du  commerce  furent 
capturés  également. 

La  corvette  de  18°  le  Jean  Bart^  capitaine  Néel,  qui  se 
rendait  en  France  avec  les  archives  de  Saint-Domingue, 
reçut  un  violent  coup  de  vent  pendant  lequel  le  capitaine 
fit  jeter  li  canons  à  la  mer.  Le  26  mars,  il  aperçut  les  fré- 
gates anglaises  Sâinta  Margaretta  de  hh"^^  et  Cerberus  de 


COMBATS  PARTICULIERS.  -  1795.  443 

40  qui  l'atteignirent  après  trois  jours  de  chasse  et  le  iireiU 
amener  aux  premiers  coups  de  canop.  Le  Jean  Bari  prit 
le  nom  cI'Arab  dans  la  marine  anglaise. 

Le  conseil  martial  qui  jugea  le  capitaine  Néel  Tacquitta 
à  Tunanimité. 

Après  avoir  escorté  au  port  du  Passage,  situé  sur  la 
frontière  septentrionale  d'Espagne,  un  convoi  jie  vivres 
pour  Tarmée  des  Pyrénées,  les  frégates  de  36°  la  Mèàèe 
et  Y  Andromaque^  capitaines  Papin  et  Bergeret,  retournaient 
à  Bordeaux  avec  les  mêmes  navires  lorsque,  le  6  avril,  à 
12  ou  15  milles  du  port  qu'elles  venaient  de  quitter,  elles 
aperçurent  h  frégates  anglaises  qui  les  chassèrent.  Le 
convoi  reçut  l'ordre  de  rentrer^  mais  la  nécessité  de  cou- 
vrir les  plus  mauvais  marcheurs  obligea  les  2  frégates 
françaises  à  une  canonnade  assez  vive  avec  les  bâtiments 
ennemis.  Elle  fut  toutefois  sans  conséquences,  et  la  Mèdée 
et  VAndromaque  purent  rentrer  au  Passage. 


La  frégate  de  Sô'^  la  Gentille ^  capitaine  Canon,  en  croi- 
sière à  rentrée  de  la  Manche  avec  2  autres  frégates  de 
même  force,  la  Gloire  et  la  Fraternité^  capitaines  Beens  et 
Florin vilie,  chassa,  dans  la  matinée  du  10  avril,  pn  navire 
aperçu  dans  le  S.-O.  \  le  vpnt  soufflait  de  TEst,  bon  frais. 
Ce  navire  était  danois.  A  8*"^  lorsque  le  canot  qui  l'avait 
visité  revenait  abord,  8  autres  voiles  fprent  signalées.  La 
Grloire  et  la  Fraternité  étaient  alors  à  6  i»|lle3  dans  l'E,- 
N.-È.  de  la  Gentille^  et  faisaient  route  au  0,-N.-0.  ;  çpr  le 
signai  que  lui  fit  le  cQqimandant  de  la  division,  le  capi^ine 
Canon  mit  le  cap  au  N.-O.  Les  voiles  aperçues,  qui  faisaient 
partie  d'une  division  sous  les  ordres  du  contre-amiral  an- 
glais John  Colpoys,  chassèrept  les  frégates  françaises  sur 
des  routes  -différentes,  de  l'Ouest  au  N.-O.  ;  elles  étaient 
encore  à  grande  distance,  lorsqu'à  midi,  le  commandant 
de  la  division  française  rendit  libre  la  manœuvre  de  chaque 


4i4  r.OMBATS  PARTICULIERS.— 1795. 

capitaine.  La  Fraternité  et  la  Gloire  coDtiûuèrent  leur 
route  au  N.-O.  pendant  quelque  temps;  puis  la  dernière 
serra  le  vent;  elle  fut  suivie  par  un  vaisseau  et  3  frégates. 
A  6*"  du  soir,  elle  commença  à  échanger  des  boulets  avec 
la  frégate  de  hO""  Asïuœa,  capitaine  lord  Henry  Powlet, 
mais  il  était  10''  lorsqu'elle  put  engager  le  combat  avec 
quelque  efficacité;  il  fut  acharné.  Après  une  heure,  la 
Gloire  amena  son  pavillon  (1). 

La  Gloire  portait     26    canons    de  12, 

(5       —        de    6 

et  û  caronades  de  36. 

L'AsTRQEA      —      26     canons   de  12, 

6         _       de    9 
et    8  caronades  de  32. 

La  Gentille  qui  gouverna  d'un  quart  plus  sur  bâbord 
fut  aussi  gagnée,  et  la  nuit  était  trop  belle  pour  que  le  ca- 
pitaine Canon  pût  espérer  échapper  par  une  fausse  roule; 
le  vent  avait  beaucoup  molli.  Après  dix  heures  de  pour- 
suite, les  vaisseaux  de  82*^  Hainnibal  et  Robust  étaient  à 
portée  de  pistolet.  Quelques  coups  de  canon  furent  tirés 
et  le  pavillon  de  la  frégate  française  fut  amené. 

Traduit  devant  un  conseil  martial,  le  capitaine  Canon 
fut  déclaré  non  coupable  et  acquitté. 

La  Fraternité  continua  sa  route  largue,  chassée  par  un 
vaisseau  et  une  frégate  qui  la  canonnèrent  à  6**  30"*  du 
soir.  Cette  canonnade  fut  sans  conséquence  et  cessa  à  la 
nuit.  Les  premiers  rayons  du  jour  montrèrent  au  capitaine 
Florinville  I'IIannibal  occupé  à  amariner  la  Gentille.  Ce 
vaisseau  se  joignit  à  celui  qui  le  chassait  déjà,  et  ce  fut 
lui  qui,  à  6''  du  soir,  lui  envoya  les  premiers  boulets;  il 
cessa  son  feu  à  la  nuit.  Le  second  vaisseau  laissa  alors 
arriver   pour   passer   derrière  la  frégate  française   qui 

(1)  Je  n'ai  pu  me  procnrer  le  rapport  da  capitaiDe  Beens:  je  donne  le  combat 
de  la  Gloire  d'après  M.  William  James, 


COMBATS  PARTICULIERS. -1795.  445 

vira  aussitôt  de  bord  vent  devant.  L'Hannibal  voulut  en 
faire  autant;  mais  il  manqua  son  évolution  et  la  fit  vent 
arrière;  la  brise  était  alors  très-faible.  Le  capitaine  Flo- 
rinville  se  fit  remorquer  par  ses  canots,  et  le  vent  ayant 
fraîchi  pendant  la  nuit,  les  chasseurs  furent  perdus  de 
vue.  La  Fraternité  entra  à  Lorient. 


Le  capitaine  Jamet,  de  la  corvette  de  18*  Y  Hirondelle 
appareillé  de  Saint-Malo  dans  la  journé  du  15  mai  pour 
aller  porter  des  ordres  au  commandant  du  fort  de  la  Latte, 
dans  la  baie  de  la  Fresnaye,  à  18  milles  environ  dans  l'Ouest, 
fut  chassé  par  2  frégates  anglaises  qui  ne  purent  Tattein- 
dre.  Il  était  arrivé  à  sa  destination,  lorsqu'il  aperçut  plu- 
sieurs autres  bâtiments  qui  se  dirigeaient  également  de  ce 
côté.  Embossant  aussitôt  sa  corvette  sous  le  fort,  le  capitaine 
Jamet  se  disposa  à  repousser  une  attaque  qui  ne  se  fit  pas 
attendre.  Il  y  avait  à  peine  une  heure  que  Y  Hirondelle  était 
au  mouillage,  que  10  bâtiments  de  guerre  se  formèrent  en 
demi-cercle  autour  d'elle  et  l'attaquèrent,  La  canonnade 
continua  presque  sans  interruption  jusqu'à  4^  du  soir, 
entre  la  corvette  et  le  fort  d'une  part  et  les  bâtiments  an- 
glais de  l'autre.  La  nuit  approchant,  ceux-ci  jugèrent  pru- 
dent de  se  retirer.  Le  capitaine  Jamet  en  profita  pour  re- 
mettre sous  voiles,  et  le  soir  même  il  rentra  à  Saint-Malo. 


Le  capitaine  Montalan,  de  la  corvette  de  30*  la  Tourte- 
relle, croisant  au  large  de  la  pointe  S.-O.  de  l'Angleterre, 
avec  une  faible  brise  de  Nord,  aperçut  de  l'arrière,  le 
13  mai  à  Q^  du  matin,  un  bâtiment  qui,  comme  lui,  courait 
tribord  amures.  Il  vira  de  bord  pour  le  reconnaître,  et 
le  prenant  pour  une  corvette,  il  l'attendit  sous  les  hu- 
niers. Vers  lO'^,  il  envoya  quelques  Jboulets  à  ce  bâtiment 
qui  n'était  plus  alors  qu'à  deux  portées  de  fusil.  Lorsque 
cet  inconnu,  qui  jusqu'à  ce  moment  avait  présenté  l'avant, 


44fî  COMHATS  1>ARTICULIKKS.— 1795. 

laissa  arriver,  le  capitaine  MontalaD  étonné  reconnut  une 
frégate  de  kO""  :  c'était  la  Liyëit,  capitaine  George  Burltoô. 
La  Tourterelle  vira  de  bord  immédiatement:  m$ds  il  ^aisàii 
presque  calme  et  l'évolution  eut  lieu  lentement.  Avec  une 
•brise  semblable,  il  n'était  d'ailleurs  pas  possible  de  se 
mettre  hors  de  l'atteinte  des  boulets  de  ce  redoutable  ad- 
versaire. Dans  l'impossibilité  où  il  se  trouvait  de  s'éloi- 
gner, le  capitaine  Montalan  voulut  neutraliser  autant  que 
possible  l'artillerie  de  la  frégate  en  la  niet^t  4$u|is  ses 
eaux.  Mais  le  capitaine  Burlton,  qui  devina  cette  manœuyrç, 
arriva  en  même  temps  que  lui  et  il  tint  la  tourterelle  par 
son  travers.  Le  combat  qui  s'ensuivit  fut  désastreux  pour 
la  corvette.  Son  grément  fut  haché  et  sa  grande  vergue 
coupée.  A  !*■  20™  de  l'après-midi,  il  ne  restait  que  huit 
pièces  en  état  de  faire  feu  et  seulement  cinq  hommes  pqur 
servir  chacune  d'elles.  L'eau  entrait  alors  dans  la  cale  par 
cinq  ouvertures  différentes.  La  Tourterelle  amena  son  pa- 
villon :  elle  fut  remorquée  à  Plymouth.    • 

Traduit  devant  le  conseil  martial,  le  capitaine  Montalan 
fut  acquitté. 

La  Tourterelle  portait  2à   canons       d^    8, 

2         —        de    i^ 
et  h  caronades  de  36« 
La  LiYELY        —        26     canons     de  IÇ, 

6         _        de    9 
et  8  caronades  de  32. 


La  France  eut  à  cette  époque  un  ennemi  de  moins  à  com- 
battre. La  conquête  de  la  Hollande  par  les  armées  de  la 
République,  pendant  le  rigoureux  hiver  de  1794,  amënii 
le  traité  de  paix  qui  fut  signé  le  16  mai  1795  entre  cette 
Puissance  et  la  France. 

Par  ce  traité,  les  Provinces-Unies  s'engageaient  à  fpur- 
nir  12  vaisseaux  et  18  frégates  à  la  France.  Mais  l'article 
le  plus  avantageux  était  celui  qui  stipulait  que  le  port 


.^iii 


COMBATS  PARTICUIJERS.  — 1795.  447 

de  Flessingue  de  l'île  Walcheren,  à  l'entrée  de  l'Escaut, 
serait  commun  aux  deux  Républiques  qui  devaient  y 
avoir  chacune  leur  arsenal,  leurs  chantiers,  etc.  Bien 
qu'il  fût  constant  qu'à  la  cessation  des  hostilités,  la  Hol- 
lande pouvait  disposer  de  2  vaisseaux  de  74*^,  de  6  de  6à 
et  de  4  de  54  ;  de  3  frégates  de  44,  de  4  de  36,  et  de  14 
corvettes  ou  avisos,  le  secours  qu'elle  avait  promis  se  fit 
longtemps  attendre,  et  la  marine  de  la  Franée  ne  trouva 
que  difficultés  dans  ses  ports. 


Le  capitaine  Pourquier,  commandaQt  In  frégate  de  40'  h 
Courageuse  et  la  flottille  destinée  à  soutenir  les  opérations 
de  l'armée  des  Pyrénées  Orientales,  fut  attaqué,  le  26  mai, 
au  mouillage  de  Fioses,  dans  le  golfe  de  ce  nom  sur  la 
côte  de  Catalogne,  où  se  trouvait  aussi  la  canonnière  la 
Terreur,  par  16  canonnières  et  bombardes  que  soutenaient 
3  frégates  et  2  vaisseaux  espagnols.  Le  feu  bien  nourri  de 
la  Courageuse,  auquel  se  joignit  celui  de  la  citadelle  et 
du  Bouton  de  Roses  sous  lesquels  elle  était  embosàée, 
rendit  vaine  la  tentative  des  Espagnols. 


Deux  jours  après,  le  28,  la  corvette  la  Prompte  tombait 
au  pouvoir  des  Anglais. 


La  corvette  de  16*^  la  Liberté,  capitaine  Landolphe,  en 
croisière  au  vent  de  Saint-Domingue,  fut  chassée, le  30  mai, 
par  la  frégate  anglaise  de  40*  Alarm,  capitaine  Mils,  qui 
avait  été  aperçue  au  vent.  A  2**  de  l'après-midi,  la  cor- 
vette française  reçut  quelques  boulets,  et  peu  de  temps 
après,  à  portée  de  pistolet,  une  bordée  entière  à  laquelle 
elle  répondit  par  la  sienne.  Une  entreprise  audacieuse 
pouvait  seule  sauver  la  Liberté;  aussi  soii  capitaine  avait- 
il  tout  d'abord  résolu  d'aborder  la  frégate  anglaise,  et 
lorsqu'il  eut  riposté,  il  fit  gouverner  sur  elle.  Une  seconde 


448  COMIJATS  1>ARTK:UI.IERS.— 1795. 

bordée,  h  mitraille,  bien  que  désastreuse,  ne  changea  pas 
sa  détermination.  Lo  capitaine  de  TAlarm  évita  Tabordage 
et  héla  à  la  corvette  d'amener  son  pavillon.  Quoique  la 
Liberté  eût  reçu  plusieurs  boulets  à  la  flottaison  et  qu'elle 
s'immergeât  avec  rapidité,  le  capitaine  Landolphe  répondit 
qu'il  n'amènerait  pas,  mais  qu'il  ne  repousserait  pas  les 
embarcations  qui  seraient  envoyées  pour  sauver  l'équipage. 
Le  capitaine  Mils  comprit  la  mission  d'humanité  à  laquelle 
il  était  appelé.  Le  transbordement  des  Français  était  à 
peine  terminé  que  la  corvette  disparaissait  dans  les  flots. 
L'enseigne  de  vaisseau  Landolphe  comparut  devant  un 
conseil  martial  qui  l'acquitta  à  l'unanimité. 


Lorsque  l'armée  navale  était  sortie  de  Toulon,  au  mois 
de  juin,  le  contre-amiral  Martin  avait  envoyé  les  frégates 
la  Minerve  de  hO%  capitaine  Delorme,  et  YArtémise  de  40, 
capitaine  Decasse,  en  observation  à  la  hauteur  de  l'île  de 
Minorque.  Le  23,  elles  aperçurent,  se  dirigeant  sur  elles, 
2  bâtiments  qu'on  reconnut  plus  tard  être  2  frégates  an- 
glaises. C'étaient  la  Dido  de  34%  capitaine  Henry  Towry,  et 
la  LowESTOFFE  de  40,  capitaine  Robert  Gambier  Middleton. 
Le  capitaine  Delorme,  auquel  son  ancienneté  donnait  le 
commandement,  fit  signal  de  se  préparer  au  combat;  à 
S*"  30™,  il  cargua  ses  basses  voiles  et  mit  en  panne  ;  l'^lr- 
témise  était  alors  sous  le  vent  de  sa  compagne.  La  Minerve 
ouvrit  son  feu  sur  la  Dido  lorsqu'elle  fut  à  portée  de  fusil; 
celle-cin'en  continua  pas  moins  saroute  vent  arrière,  et  elle 
aborda  en  grand  la  frégate  française,  en  engageant  son 
l)eaupré  dans  ses  haubans  d'artimon  de  tribord.  La  se- 
cousse fut  violente  ;  le  beaupré,  le  mât  de  misaine,  le  grand 
mât  de  hune  et  le  mât  d'artimon  de  la  Minerve  en  furent 
abattus,  tandis  que,  par  un  hasard  extraordinaire,  la  fré- 
gate anglaise  ne  perdit  que  son  mât  d'artimon  ;  cependant 
ses  deux  huniers  furent  déchirés.  La  Lowestoffe  passa 
derrière  la  Minerve,  lui  envoya  sa  volée,  se  dirigea  sur 


COMBATS  PARTICULIERS.— 1795.  449 

VArtèmise  qui  avait  orienté  et  se  plaça  par  son  travers  au 
vent.  Il  y  avait  une  heure  que  le  combat  durait  dans  les 
positions  qui  viennent  d'être  indiquées,  lorsque  la  Minerve 
et  la  DiDO  se  séparèrent.  L'encombrement  de  leurs  ponts 
et  de  leurs  batteries  les  obligea  à  une  espèce  de  trêve,  et 
elles  travaillèrent  à  se  débarrasser  des  débris  de  mâture 
dont  elles  étaient  couvertes  et  entourées.  Elles  n'en  eurent 
pasle  temps,  car  mus  parla  m^me  pensée,  le  capitaine  De- 
casse  et  le  capitaine  Middleton  virèrent  pour  aller  assister 
chacun  leur  compatriote.  Le  dernier  seul  réussit:  la  Mi- 
nerve avait  amené  son  pavillon  avant  l'arrivée  de  sa  con- 
serve. Le  capitaine  Decasse  ne  crut  pas  devoir  continuer 
la  lutte  :  il  fit  route  pour  Toulon  (1). 

La  Minerve  avait  28     canons  de  18, 

12        _      de    8 
et     2  caronades  de  36 . 
VArtèmise     -  -     26     canons  de  12, 

10        —      de    6 
et      à  caronades  de  36. 
La  DiDO  portait     24     canons  de    9, 

a       —       de    6 
et       6  caronades  de  18. 
La  LowESTOFFE     26    canons    de  12, 

6        —        de   6 
et       8  caronades  de  18. 


Le  G  juillet,  un  des  bâtiments  de  la  division  des  mers 
du  Nord,  la  corvette  de  14*"  la  Fraternité^  capitaine 
Allemes,  eut  un  engagement  avec  une  frégate  anglaise 


(1)  M.  Pouget,  Précis  historique  sur  la  vie  et  les  campagnes  du  vice^ami- 
rai  Miu'tin,  dilquo  le  capitaine  Decasse  futdéroonlé  de  son  commandement  et 
traduil  devant  un  jury  qui  le  renvoya  de  la  plainte.  W  ajoute  que  cet  acquilte- 
raent  fut  le  rnolif  qui  fll  changer  la  législation  maritime  et  remplacer  les  jurys 
par  les  conseils  de  guerre.  M.  Brun,  Hisl.  de  In  marine^  Port  de  Toulon, 
prétend  que  le  capitaine  de  VArtèmise  fut  déclaré  incapable  de  servir. 

H.  S9 


450  COMBATS  PARTICULIERS. —4795-1 

qui  escortait  un  convoi.  Après  une  canonnade  qui  dura  de 
6  à  lO*"  du  matin,  la  corvette  française  parvint  à  s'éloi- 
gner assez  pouF  se  mettre  hors  de  la  portée  des  bouieta 
de  son  redoutable  adversaire. 


Dans  la  matinée  du  13  juillet,  on  vit  sortir  de  la  rivière 
de  Morlaix  une  flottille  dont  les  bâtiments,  affectés  à  des 
services  spéciaux,  ne  se  trouvaient  réunis  que  par  suite  de 
la  nécessité  de  renouveler  leurs  vivres.  Le  capitaine  Bol- 
loche  était  chargé,  avec  la  corvette  de  12'' le  Furet,  de  la 
surveillance  des  convois  de  TAbervrack  à  Cherbourg;  la 
corvette  de  20''  la  Levrette  stationnait  à  Tîle  Breha4^^  la 
canonnière  le  Vésuve^  à  Paimpol;  le  lougre  le  Granville^ 
àPerros;  le  cotre  Y  Espiègle,  à  Morlaix.  Tous  retournaient 
à  leurs  stations  respectives.  Pris  de  calme  de  très-bonne 
heure  et  drossés  par  le  courant,  ces  bâtiments  mouillèrent 
à  9  milles  du  cap  Fréhel.  Vers  O''  30"",  ils  aperçurent  3  fré- 
gates, un  lougre  et  un  cutter  anglais  gouvernant  sur  la  terre 
avec  des  vents  du  large.  Les  capitaines  de  la  petite  esca- 
drille n'attendirent  pas  que  la  brise  arrivât  jusqu'à  eux 
pour  lever  leur  ancre;  ils  se  servirent  de  leurs  canots  et 
de  leurs  avirons  pour  rentrer  en  rivière.  Le  Furets  la  Ze- 
vrette  et  le  Granville  entrèrent  dans  le  port  de  la  Couchée. 
Le  Vésuve  mouilla  à  l'entrée  ;  une  frégate  anglaise  vint  Ty 
enlever,  mais  non  sans  avoir  éprouvé  une  vive  résistance. 
L'Espiègle  fut  joint  avant  d'avoir  atteint  la  terre  et  se 
rendit. 


Une  attaque  du  môme  genre  avait  lieu  ce  jour-là  dans  la 
Manche.  Le  capitaine  Guillemiii,  de  la  corvette  de  20*  la 
Vigilanlc,  mouillé  sur  l:i  rade  de  la  Hongue,  dans  la  par- 
tie orientale  du  département  de  la  Mauche,  se  disposait  à 
mettre  sous  voiles  avec  un  convoi  qu'il  devait  escorter  à 
Cherbourg,  loisque  vers  8''  du  matin,  2  frégates  anglaises, 
2  bombardes,  2  canonnières  et  2  brigs  furent  signalés, 


COMBATS  PARTICULIERS.  —  1795.  454 

louvoyant  pour  venir  l'attaquer.  Il  fit  mettre  de  suite  soti 
convoi  en  sûreté  et  embossa  sa  corvette  sous  le  fort.  Cette 
opération  n'était  pas  terminée,  qu'il  était  attaqué  par  titie 
frégate  et  une  canonnière.  Ces  bâtiments  se  retirèretit  après 
trois  quarts  d'heure  ;  le  premier  avait  sa  vergue  de  petit 
hunier  coupée,  et  mouilla  pour  changer  ses  mâts  de  huflô. 


Le  mauvais  succès  de  l'entreprise  du  mois  dé  ïnai  Hé 
rebuta  pas  les  Espagnols;  ils  tenaient  à  s'emparer  des  bâ- 
timents français  qui  croisaient  sur  les  côtes  de  la  Catalo- 
gne, ou  au  moins  à  les  détruire.  Le  8  août  dans  la  soirée, 
18  canonnières,  une  frégate  et  un  vaisseau  espagnols  mouil- 
lèrent dans  la  baie  de  Roses  ;  la  frégate  de  40°  la  Coura- 
geuse, capitaine  Pourquier,  la  Boudeuse  de  Sô*'  et  2  brigfi 
de  J8  s'y  trouvaient  alors;  tous  quatre  s'embossèrent  sows 
la  citadelle.  Les  canonnières  commencèrent  l'attaque  le 
lendemain  à  C*  du  matin.  Le  feu  des  bâtiments  français, 
vigoureusement  secondés  d'ailleure  par  les  batteries  de  ïa 
place,  y  mit  promptement  un  terme.  Les  Espagnols  simu- 
lèrent ensuite  un  débarquement  sur  un  des  points  de  ht 
rade,  et  ils  se  retirèrent  sans  rien  entrepreûdre. 


Le  capitaine  Arnaud,  de  la  corvetle  XEydra^  chargé  âtêc 
l'aviso  la  République  Française  et  deux  felouques  de  se- 
conder les  opérations  du  général  Masséna  sur  la  céte  de 
Gênes,  aperçut,  le  26  août,  une  division  anglaise  qttî  se 
dirigeait  sur  le  mouillage  d'Alassio  où  il  se  trouvait.  Cette 
division,  placée  sous  les  ordres  du  capitaine  Nelson ,  «gte- 
sait  sur  le  littoral,  de  concert  avec  les  Autrichiens,  pour 
expulser  les  Français  d'Italie.  Malgré  la  neutralité  du  pays 
dans  lequel  il  se  trouvait,  le  capitaine  Arnaud  jugea  pru- 
dent de  se  rapprocher  de  la  terre.  A  9*»,  la  division  ennemie 
laissa  tomber  l'ancre;  un  vaisseau  et  une  frégate  s'embos- 
sèrent par  le  travers  de  l' Uydra  et  ouvrirent  leur  feu  sûr 


.i:>2  COMBATS  PARTICULIERS.— 1795. 

cette  corvette.  Abandonné  immédiatement  par  une  partie 
de  son  équipage  qui  se  jeta  à  la  nage,  le  capitaine  Arnaud 
reçut  du  représentant  du  peuple  près  de  l'armée  d'Italie 
l'ordre  de  débarquer  les  armes  et  tout  ce  qui  pourraitêtre 
enlevé,  et  d'évacuer  rz///dr a  qui  ne  pou vait  opposer  qu'une 
bien  faible  résistance  à  de  si  formidables  adversaires* 
Cet  ordre  fut  exécuté,  et  avant  de  quitter  le  bord,  le  ca- 
pitaine Arnaud  fit  pratiquer  plusieurs  ouvertures  dans  la 
cale.  Malheureusement  il  ne  put  réussir  à  couler  la  cor- 
vette, et  les  embarcations  qui  accostèrent  YHydra  l'emme- 
nèrent au  large. 

Lorsque  la  division  anglaise  entra  dans  la  baie,  les  fe- 
louques la  Vigilante  et  la  Constitution^  capitaines  Gastaud 
et  Durand,  qui  allaient  à  Tîle  d'Albinga,  mouillèrent  à  la 
pointe  Est  d'Alassio.  Une  frégate  se  dirigea  sur  elles  et 
après  les  avoir  canonnées  pendant  quelque  temps,  elle  ex- 
pédia ses  embarcations  pour  s'en  emparer.  Les  deux  capi- 
taines les  firent  évacuer;  mais,  quelque  bien  nourri  que 
fût  le  feu  de  mousqueterie  dirigé  de  la  plage  sur  les  em- 
barcations anglaises,  ils  ne  purent  les  empêcher  d'enlever 
les  deux  felouques. 

Après  la  prise  de  YHydra^  2  frégates  firent  route  pour 
la  rade  de  l'Aiguille  où  était  mouillé  l'aviso  la  République 
Française^  capitaine  Rêvez;  leurs  embarcations  l'enle- 
vèrent. 

Le  29,  la  division  du  capitaine  Nelson  échoua  dans  une 
attaque  contre  la  canonnière  le  Nivôse,  capitaine  Martin 
(Jean)  ;  2  frégates  et  un  brig  la  canonnèrent  pendant  quatre 
heures,  dans  la  petite  anse  de  San-Lorenzo,  près  d'Oneille, 
sans  pouvoir  la  faire  amener. 


2  brigs  et  2  cotres  sous  les  ordres  du  lieutenant  de  vais- 
seau Correwinder,  du  brig  de  1/»*'  le  Pandour,  furent  canon- 
nés  le  31  août,  à  leur  sortie  de  Dunkerque,  par  une  cor- 
vette anglaise,  un  brig,  à  cutters  et  un  lougre.  Après  avoir 


^      COMBATS  PARTICULIERS.— 4795.  i55 

échangé  quelques  bordées,  les  bâtiments  français  rentrèrent 
dans  le  port,  à  T exception  du  Pandour  qui  fut  pris. 


Les  corvettes  de  14°  la  Suffisante  et  la  Victorieuse  ^  capi- 
taines Nosten  et  Salaun,  en  croisière  dans  la  Manche, 
furent  chassées  le  31  août  par  deux  frégates  ;  la  brise  était 
faible  du  S.-O.  La  vue  d*un  grand  nombre  de  voiles  dé- 
termina la  séparation  des  deux  corvettes  ;  la  Suffisante  tint 
le  vent  bâbord  amures-,  la  Victorieuse  se  dirigea  sur  Tautre 
bord.  Cette  dernière  ne  tarda  pas  à  être  jointe  par  les 
vaisseaux  anglais  de  82°  Vénérable  ,  Mikotaur  et  une  fné- 
gâte,  et  elle  amena  son  pavillon  après  avoir  échangé  quel- 
ques boulets  avec  Tennemi.  Une  demi-heure  plus  tard,  le 
lougre  de  20°  Speedy  engageait  la  canonnade  avec  la 
Suffisante.  L'arrivée  de  la  frégate  Venus  et  du  vaisseau 
Mars  rendit  la  résistance  inutile  :  le  capitaine  Nosten  fit 
amener  le  pavillon. 

Le  jury  déclara  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à  accusation 
contre  les  lieutenants  de  vaisseau  Salaun  et  Nosten. 


La  corvette  de  li'' Y  Assemblée  Nationale  y  capitaine  Gou- 
rouge,  se  rendant  de  Brest  à  Saint-Malo  avec  une  faible 
brise  d'E.-S.-E. ,  fut  chassée,  le  2  septembre  avant  le  jour, 
par  une  frégate  qui  hissa  à  6^  le  pavillon  anglais  et  Tappuya 
d'une  bordée  entière.  Cette  frégate  était  la  Diamond  de 
48%  capitaine  sir  Sidney  Smith.  Remorquée  par  ses  ca- 
nots, V Assemblée  Nationale  chercha  un  refuge  dans  la 
rivière  de  Tréguier,  mais  elle  y  trouva  la  brise  contraire  et 
fut  jetée  sur  les  roches  dites  la  basse  Crublent,  dans  le 
N.-N.-O.  de  Tîle  d'Er,  située  à  l'ouvert  de  la  rivière  et 
dans  sa  partie  occidentale.  L'eau  entra  de  suite  en  abon- 
dance dans  la  corvette,  et  le  grand  mât  et  le  mât  d'arti- 
mon s' étant  abattus,  l'équipage  fut  mis  à  terre,  à  l'excep- 
tion de  huit  hommes,  le  capitaine  compris,  que  les  canots 


m  COMBATS  PARTiCUI.lEUS.  —  179B. 

se  purent  conteDÎr.  Les  embarcations  étaient  â^  peine  àir 
bordées,  qu'une  forte  lame  couvrit  Y  Assemblée  Nationale  ei 
enleva  le  capitaine  Courouge  de  la  dunette  d'où  il  donnait 
ses  derniers  ordres  ;  il  ne  fut  pas  possible  de  le  sauver. 

La  position  désespérée  de  Y  Assemblée  Nationale  ne  Batis- 
fit  pas  le  capitaine  Sidney  Smith  :  il  fit  tirer  sur  la  corvette 
pendant  qu'on  Tévacuait;  il  expédia  ensuite  sea  eaibdrQi^«- 

tions  qui  ne  trouvèrent  à  bord  que  les  sept  hommes  mea- 
tiennes  plus  haut;  le  reste  de  l'équipage,  moins  quatone 
hommes  qui  se  noyèrent,  avait  pu  atteindre  le  rivage. 

Cette  affaire  souleva  des  récriminations  de  p&rt  et  d'au- 
tre. Les  Français  se  plaignirent  d'avoir  été  mitraillés  par 
la  frégate  pendant  qu'ils  se  rendaient  à  terre.  De  leur  côté, 
les  Anglais  prétendirent  que  la  batterie  de  l'île  d'Er  avait 
tiré  sur  un  canot  parlementaire  expédié  par  le  oa^Htûae 
Smith.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  griefs  réciproques  doat 
aucune  des  parties  ne  semble  avoir  cherché  à  se  disoulper» 
on  peut  ajouter  à  la  charge  des  Anglais,  qu'ils  âélMUV 
quërent  sur  Tîle  et  enlevèrent  tout  ce  qui  se  trouva  sûus 
leur  main. 


Les  capitaines  Lamy  et  Carry,des  canonnières  la  Brutale 
et  la  Surprise^  partis  de  Calais  avec  3  navires  qu'ils  con- 
duisaient au  Havre,  aperçurent  une  frégate  anglaise,  un  lou- 
gre  et  3  cutters  sous  le  cap  Gris  Nez.  Les  canonnières  se 
dirigèrent  sur  Boulogne  où  elles  firent  entrer  leur  convoî, 
et  après  une  canonnade  de  trois  heures  avec  rennenu, 
elles  mouillèrent  elles-mêmes  devant  le  port.  Dana  la  spî- 
rée,  les  Anglais  prirent  le  large.  Cette  affaire  eut  lieu  le 
16  septembre. 

Le  capitaine  Foucaud,  de  la  frégate  de  40"^  la  Vestale^ 
«chargé  avec  la  corvette  do  '24''  la  Brune,  les  brigs  de  14 
YAlcesie  et  le  Scout^  de  la  conduite  d'un  convoi  sorti  de 
Gênes  le  20  septembre,  fut  chassé  par  la  frégate  anglaise 


COMBATS  PARTICULIERS. —  1795.  4^5 

de  hO^  SouTHAMPTON,  capitaine  James  M'nemara,  et  la 
corvette  de  W  Moselle,  capitaine  Charles  Brisbane.  Le 
convoi  se  replia  sous  la  terre  avec  les  deux  brigs,  tandis 
que  la  Brune  retournait  à  Gênes.  La  Veslale  qui  proté- 
geait la  retraite  des  navires  du  commerce  fut  attaquée,  à 
9''  30"'  du  soir,  par  la  frégate  anglaise;  trois  quarts  d'heure 
après,  celle-ci  se  retira  et  démâta  de  son  mât  d'artimon. 
Le  convoi  entra  le  lendemain  à  Villefranche.  Ce  port  ne 
pouvant  fournir  à  la  frégate  les  objets  dont  elle  avait  be- 
soin à  la  suite  de  l'engagement  de  la  veille,  le  capitaine 
Foucaud  fit  route  pour  Toulon  où  il  mouilla  quelques 
jours  après. 

La  corvette  de  *2/i^  le  Superbe,  capitaine  i>oudoux,  Bn 
croisière  au  vent  de  Tîle  de  la  Barbade,  Tune  des  Antilles, 
fut  cliassée,  pendant  la  nuit  du  1"  octobre,  par  un  gros 
bâtiment  qui  fut  aperçu  trop  tard  pour  être  évité;  c'était 
le  vaisseau  anglais  de  82*^  Vanguard.  Le  vaisseau  envoya 
quelques  boulets  à  la  corvette  et  lui  héla  d'amener  son  pa- 
villon, ce  qui  fut  fait  un  peu  avant  minuit. 

Jugé  pour  ce  fait,  le  lieutenant  de  vaisseau  Dôudoux  fut 
acquitté. 


La  corvette  de  18*=  la  Républicaine,  capitaine  Boucher,  et 
le  brig  le  Brutus,  partis  dans  la  matinée  du  10  octobre  de 
l'île  de  la  Grenade,  l'une  des  Antilles  du  Sud,  ayant  eu 
connaissance  de  la  frégate  anglaise  de  40°  Mermaid,  capi- 
taine Warre,  gouvernèrent  pour  retourner  au  mouillage 
qu'ils  venaient  de  quitter;  gagnés  par  la  frégate,  ils  lais- 
sèrent tomber  l'ancre  dans  la  baie  du  Requin.  Le  capitaine 
du  brig  fit  immédiatement  évacuer  son  bâtiment  et  le  livra 
aux  flammes.  Les  Anglais  en  prirent  possession  et  s'étant 
rendus  maîtres  de  l'incendie,  ils  l'emmenèrent. 

Le  13,  la  Républicaine  fut  rencontrée  et  chassée  par  la 


456  COMBATS  PARTICULIERS.— 1795. 

même  frégate.  Joint  à  3^  15*",  le  capitaine  Boucher  résista 
pendant  dix  minutes  et  amena  son  pavillon  (1) . 


Les  frégates  de  â2*^  la  TariUy  capitaine  Robin,  la  Néréide 
de  40  et  la  corvette  de  16  V Éveillé  rentrant  à  Rochefort 
après  une  croisière  de  soixante  jours,  furent  chassées,  le 
17  octobre,  sous  l'île  de  Groîx,  par  un  vaisseau  anglais  et 
3  frégates.  Quelques  coups  de  canon  furent  échangés  entre 
l'une  des  frégates  françaises  et  la  plus  avancée  des  fré- 
gates ennemies,  mais  le  voisinage  de  la  côte  fit  lever  la 
chasse. 

La  corvette  n'eut  pourtant  pas  le  bonheur  d'échapper  à 
l'ennemi.  Un  peu  éloignée  de  ses  compagnes,  elle  fut 
jointe  et  attaquée  par  le  vaisseau  de  82**  Thunderër  et  la 
frégate  Pomone.  Le  capitaine  Honoré  amena  son  pavillon, 
mais  non  sans  avoir  fait  connaître  la  valeur  de  son  artil- 
lerie (2). 

J'ai  dit  que  l'apparition  du  commandant  Ganteaume 
dans  le  Levant  avait  déterminé  les  Anglais  à  s'éloigner  du 
golfe  de  Smyrne,  dans  lequel  ils  tenaient  bloqués  les  quel- 
ques bâtiments  qui  composaient  la  division  stationnée  dans 
ces  parages.  Le  commandant  Rondeau  profita  de  l'éloi- 
gnement  des  frégates  anglaises  pour  mettre  sous  voiles, 
avec  l'intention  de  se  porter  à  la  rencontre  du  comman- 
dant Ganteaume.  Mais ,  assailli  par  le  coup  de  vent  qui 
avait  dispersé  la  division  de  Toulon,  il  mouilla  à  l'entrée 
de  la  baie  de  Smyrne.  Il  y  était  encore  lorsque,  le  9  dé- 
cembre dans  l'après-midi,  un  bâtiment  fut  signalé  au  large. 
La  frégate  la  Sensible  et  la  corvette  la  Sardine  allèrent  le 
reconnaître.  Le  lendemain,  àl**  du  matin,  elles  étaient  au- 


(1)  Je  donne  ces  deux  affaires  d'après  la  relation  anglaise  de  M.  James. 

(2)  Relation  anglaise. 


COMBATS  PARTICULIERS — 1795.  457 

près  de  ce  bâtiment  qui  avait  laissé  tomber  l'ancre.  C'était 
la  Nemesis,  petite  frégate  anglaise  de  28**  qui,  croyant 
trouver  sa  division,  se  dirigeait  sur  le  golfe  de  Smyrne.  La 
Sensible  et  la  Sardine  mouillèrent,  l'une  à  tribord,  l'autre 
à  bâbord  de  la  frégate  anglaise  et  assez  près  pour  Tempo- 
cher  de  faire  aucun  mouvement.  Dès  qu'il  fit  jour,  le  com- 
mandant Rondeau  somma  le  capitaine  de  la  Nemesis  d'a- 
mener; mais  auparavant,  afin  qu'on  ne  pût  invoquer,  plus 
tard,  la  violation  du  droit  de  neutralité,  un  officier  anglais 
fut  invité  à  se  rendre  à  bord  de  la  Sensible.  Il  y  fut  con- 
staté que  la  frégate  était  en  dehors  des  limites  protectrices. 
Le  capitaine  de  la  Nemesis  déclara  qu'il  amènerait  son 
pavillon  au  premier  coup  de  canon  qui  lui  serait  tiré.  La 
Nemesis  fut  expédiée  à  Tunis  sous  le  commandement  de 
l'enseigne  de  vaisseau  Chautard.  La  Sensible  et  la  Sardine 
firent  également  route  pour  ce  port,  au  milieu  du  mois  de 
décembre,  la  première  commandée  par  le  capitaine  Escof- 
fier,  l'autre  par  l'enseigne  de  vaisseau  Icard. 


BATIMENTS  PRIS,  DÉTRUITS  OU  NAUFRAGES 
pendant  l'année  1795. 

ANGLAIS. 

Canons. 

108      BoYiNË Brûlé  par  accident. 

Î  Censeur  * Pris  par  une  division. 

Berwick —  par  deux  frégates. 

Illustrious Naufragé  dans  la  Méditerranée. 

5i     DioMEDEs —      dans  ITnde. 

4S     Amethyst Naufragée  à  Alderney. 

28      Nemesis* Prise  par  une  frégate  et  une  corrette. 

20     Daphne ~^    par  un  yaisseau. 

I  Flèche  " Naufragé  au  Canada. 

14  I  FuNGFisH Pris  par  un  corsaire. 

'  SwAN —par  une  frégate. 

4      Shark —    à  la  Hougue. 

FRANÇAIS. 

!Çà-lra Pris  au  combat  du  cap  Nolii. 
S^W"ft^ *«      résàlamer. 


\ 


458  COMBATS  PAUÏICULIERS.— 1795. 

Superbe Sombré  à  la  mer. 

Neptune Naufragé  k  Porros. 

Censeur Pris  au  combat  du  cap  Noiis. 

78   /  Formidable i 

Alexandre '  Pris  au  combat  de  Groix. 

Tirjre \ 

Alcide Brûlé  en  comballaDt. 

I  Galathée Naufragée  sur  les  côtes  de  France. 

«  '  Srr' ":  """:  :  :  : }  p"-  p"  ""^  ^-s»'»- 

Gloire Prise  par  une  frégate, 

56  {  Gentille —   par  un  yaisseau. 

'Mrèiie:  '.  :  :  :  :  ;  ;  t  **"'*'  •""  ""*  ''*^'""'- 

^g    I  Raison Prise  par  deux  frégates. 

Perdrix j 

Superbe >  Prises  par  un  vaisseau. 

23      Espérance* ) 

20      Dumas Prise  par  deux  frégates. 

Espion —  par  une  frégate. 

Jean  Bart —  par  deux  frégates. 

Sans-Culottes Détruit  par  les  Anglais. 

,  Éveillé 1  Tk  •  j-  •  • 

(  Expédition 1  *^""''  P*'  ""•  *'"'"'"• 

J  Liberté Coulée  à  la  suite  d'un  combat. 

^  Scout Naufragé  à  Cadix. 

^Speedy* Prise  par  une  frégate. 

l  Suffisante —   par  une  division. 

"  )  m^Z'rè.  '.  :  '.  '.  '.  '.'.'.\  ^"'  P*'  ""*  ''^8ate. 

\  Assemblée  Nationale.   .  .      Naufragée  sur  les  côtes  de  France. 

/  Coureuse in-  t  '^  * 

\  n      •  \  Prises  par  une  frégate. 

j  Victorieuse Prise  par  une  division. 

'  Rude Détruit  par  les  Anglais. 

10      Carmagnole Naufragée  à  la  Barbade. 

Corvettes  :  Prompte Prise. 

Hydra —    par  une  division. 

Brig  :  Brutus Pris  par  une  frégate. 

*  L'astérisque  indique  un  b/Vliment  pris  à  Tcnnomi. 


Vaisseau: 
Frègales. 
Bàtimenli 
fèrieur 
Vaisseau: 
Frégates. 
BUimeofa 


TABLE    DES   MATIERES. 


ANNÉE  1778. 

Agressions  de  l'Angleterre.  .• • 1 

Lettre  du  ministre  de  la  marine  au  lieutenant  général  d'Onrillien S 

Bataille  d'Ouessant • 6 

Départ  de  Tescadre  du  yice-amiral  d'Estaing  pour  l'Amérique 11 

Entrée  de  Tescadre  à  New-Port 15 

Sortie  de  New-Port •  .  •  .  15 

Engagement  du  vaisseau  le  César  et  du  Taissean  anglais  Isis 15 

-^        du  yaisseau  le  Marseillais  et  du  Taisseau  anglais  Pubstoit.  15 

—         du  yaisseau  le  Languedoc  et  du  Taisseau  anglais  Rxrowiis.  16 
Prise  des  corvettes  anglaises  Senbgal^  Ziputr  et  de  la  lombarde  Thuh* 

DERER • 16 

Séjour  de  l'escadre  française  à  Boston 16 

L'escadre  se  rend  à  la  Martinique 17 

Prise  du  brig  anglais  Stànlet.  .  •  • 17 

Attaque  d'une  division  anglaise  à  Sainte-Lucie 17 

Prise  de  cette  île  par  les  Anglais • SO 

Combat  d'une  division  française  et  d'une  division  anglaise  devant  Pon- 

dichéry.  Capitulation  de  cette  ville „  30 

Combat  de  la  frégate  la  Belle-Poule  et  de  la  frégate  anglaise  Arithusa.  9Ê 

Prise  des  frégates  la  Pallas  et  la  lÂcome, ,  ,  tÊ 

Combat  du  lougre  le  Coureur  et  du  cutter  anglais  Aurt IB 

—  de  la  frégate  l'Engageante,  Prise  de  la  frégate  anglaise  Rosi.  .  ii 
Prise  de  la  corvette  anglaise  Livilt tl 

—    du  cutter  Alert •  .  .  • •  85 

Combat  de  la  frégate  la  Concorde.  Prise  de  la  frégate  anglaise  MniiaVA.  95 

—  de  la  frégate  la  Dédaigneuse.  Prise  de  la  frégate  anglaise  Ac- 
tive  '.  .  .  1 

Combat  de  la  frégate  la  Junon.  Prise  de  la  frégate  anglaise  Fox t 

,  —     du  vaisseau  Je  Triton  avec  le  vaisseau  anglais  Junna  et  la  M- 


462  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Ptges. 

gale  Mëdëa S7 

Prise  de  la  frégate  anglaise  Gères i8 

—  de  l'île  anglaise  la  Dominique Vi 

—  de  Pondichéry S9 

Bâtiments  pris,  détruits  ou  naufragés  pendant  Tannée 89 

ANNÉE  1779. 

Traité  d'alliance  avec  l'Espagne SO 

Croisière  d'une  armée  combinée  franco-espagnole 51 

Prise  de  l'tle  anglaise  la  Grenade.  Bataille  entre  Tanoée  escale  de  lâ 

France  et  celle  d'Angleterre 56 

Expédition  de  Savannali.  Morcellement  de  l'escadre  d'Amérique 41 

Prise  do  la  corvette  anglaise  VVeazle 46 

Combat  do  la  frégate  VOisenu  et  do  la  frégate  anglaise  Apollo 47 

—  de  la  frégate  la  Concorde  et  de  la  frégate  anglaise  Congrès.  .  47 

—  de  la  frégate  la  Minerve  avec  le  vaisseau  anglais  Roby  et  la  fré- 
gate Niger 48 

Combat  de  la  frégate  V Aigrette  et  de  la  frégate  anglaise  Aretiiusa.    .  .  48 

Expédition  contre  l'île  anglaise  de  Jersey 49 

Combat  du  vaisseau  la  Bourgogne.  Prise  de  la  frégate  anglaise  Montréal.  &0 

—  de  la  frégate  la  Danaé  avec  une  division  anglaise 50 

Engagement  de  la  frégate  la  Blanche  et  du  vaisseau  anglais  Jupiter.  .  .  51 

Combat  de  la  frégate  la  Prudente  avec  une  division  anglaise 51 

—  de  la  frégate  VHélène  et  de  la  frégate  anglaise  Ambusgade.  ...  51 

—  de  la  frégate  la  Concorde.  Prise  de  la  frégate  anglaisé  ItSÈê 
George ^••*  W 

Combat  de  la  frégate  la  Junon.  Prise  du  vaisseau  angbis  AlwENf .  . 

—  du  cotre  le  ilfz/^tTz.  Prise  du  cutter  anglais  Active 


•  • 


Prise  de  la  frégate  VAlcmène tt 

—  de  la  flûte  le  Compas 4^ 

Combat  de  la  frégate  le  Sphinx  et  de  la  frégate  anglaisé  PftosERPiNK.  •  .  t^ 

—  de  la  frégate  YAmphitrite,  Prise  de  la  frégate  anglaise  Sphinx.  •  54 
«      de  la  frégate  V Amazone,  Prise  de  la  corvette  angtaiâe  Aiuel.  •  .  54 

—  du  vaisseau  le  Sagittaire,  Prise  du  vaisseau  anglais  Expëaimemy.  84 

Prise  des  cotres  le  Pilote  et  le  Lutin Siil^ 

Combat  de  la  frégate  la  Sur>mllanie  et  de  la  frégate  adglatisb  Qmfttc.   .  89 

Combat  du  cotre  V Expédition  et  du  cutter  anglais  Rambler.  ......  8!T 

Prise  de  la  frégate  la  Blanche 8ii 

—  de  la  frégate  la  Fortunée 19 

—  de  la  corvette  VEllis I|8 

—  de  Saint-Louis  du  Sénégal  par  les  Français •  .  .  ..  #i 

Destruction  des  établissements  anglais  de  la  côte  occidentale  d'Afrique.  .  C|l 
Prise  des  îles  anglaises  Saint-Martin^  Saint- Yincent  et  âaint-Barthèiem^. 

—  de  Cariacou 

BAtiments  pris,  détruits  ou  incendiés  pendant  l'année 65 

ANNÉE  1780. 

Blocus  de  Gibraltar «i 

Prise  du  vaisseau  le  Protée 66 

Armée  combinée  franco-espagnole 66 

Prise  d'un  convoi  anglais 6T 

Sortie  des  divisions  des  chefs  d'escadre  de  Beauaset,  de  Laoarry  ai  du 


TABLE  DES  MATIÈRES.  463 

Pages, 

commandant  de  Marin tfî 

Le  vice-amiral  d'Estaing  prend  le  commandement  de  l'armée  combinée. .  67 

Rentrée  de  lescadre  française  en  France (f^ 

Combat  de  la  division  du  chef  d'escadre  de  Lamotte  PJGquet  avec  une  di- 
vision anglaise 6$ 

Arrivée  de  la  divir^ion  du  lieutenant  général  de  Guiche»  à  la  Martinique.  69 

Engagement  de  l'armée  navale  des  Antilles  avec  l'armée  anglaise TO 

Deuxième  rencontre  de  l'armée  française  et  de  l'armée  anglaise TÇ 

Troisième  rencontre  des  deux  armées 74 

Arrivée  d'une  escadre  espagnole  à  la  Martinique .  T6 

Départ  du  lieutenant  général  de  Guichen  pour  l'Europe 76 

Le  chef  descadre  de  Monteil  prend  le  commandement  de  la  divisiOD  des 

Antilles T6 

Départ  d'une  division  pour  Hhodes  Island.  Engagement  avec  une  division 

anglaise TT 

Prise  de  la  corvette  anglaise  Fortune 7>^ 

Combat  de  la  frégate  \Hermione  et  de  la  frégate  anglaise  Isis 78 

Prise  du  cotre  le  Sans-Vareil 80 

Combat  de  la  frégate  la  Capricieuse  et  des  frégates  anglaises  Prfdbnte 

et  Licorne 9K^ 

Prise  de  la  corvette  la  Perle g| 

—    de  la  corvette  le  Hussard 81 

Combat  de  la  frégate  la  Belle-Poule  et  du  vaisseau  anglais  Non§uch.  .  .  81 

Engagement  de  la  frégate  la  Mow^r<iû/ avec  une  division  anglaise 82 

Combat  de  la  frégate  la  Nymphe  avec  la  frégate  anglaise  Flora 82 

Prise  de  la  corvette  anglaise  Rover 83 

Combat  du  cotre  le  Serpent.  Prise  du  brig  anglais  Levrettk 84 

Prise  des  cutters  anglais  Alert,  Tartar  et  Jersst 84 

Combat  de  la  corvette  le  Sénégal  et  de  la  cetvette  anglaise  Zephvr.  .  .  84 

Râtiments  pris,  détruits  ou  incendiés  pendant  l'année 85 

ANNÉE  1781. 

Combat  de  la  Praya M 

Enlèvement  d'un  convoi  anglais  par  la  division  du  chef  d^esoadre  de  L»- 

motte  Picquet t^ 

Armée  combinée  franco-espagnole 93. 

Ordre  du  jour  de  l'amiral  espagnol 94 

Débarquement  à  Minorque 96> 

Attaque  et  dispersion  d'un  convoi  destiné  aux  colonies  françaises 95 

Engagement  du  vaisseau  l'Actif  avec  le  vaisseau  anglais  ËDGAfi.  ....  96 

Prise  du  vaisseau  anglais  Romulus 9T. 

Combat  devant  la  Chcsapeak 98 

Le  chef  descadre  Barras  Saint-Laurent  prend  le  commandement  d#  la  di- 
vision d'Amérique 199- 

Rencontre  des  armées  navales  de  France  et  d'Angleterre  devant  le  Foit- 

Royal  de  la  Martinique 101 

Expédition  de  Pensacola 198* 

Incendie  de  la  frégate  l'/wcow^^^n^e  et  du  vaisseau  l'/n^rëpîrfe 198 

Prise  de  lu  frégate  anglaise  Loyalist 199- 

Combat  de  la  Clies.ipeak 195. 

Résolutions  du  Congrès  des  Étals-Unis  d'Amérique 111 

Sécurité  du  gouvernement  hollandais US 


464  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Pagw. 

Situation  des  Français  dans  l'Inde 114 

Voyage  de  la  division  de  l'Inde  sur  la  côte 115 

Combat  de  la  frégate  la  Minerve  avec  deux  vaisseaux  anglais 11 

—  de  la  corvette  le  Hover UT 

Attaque  d'un  convoi  français.  Combat  du  vaisseau  le  Pégase  et  du  Tais- 
seau  anglais  Foudroyant 117 

Prise  du  vaisseau  anglais  armé  en  flûte  VActionnaire 118 

Combat  du  vaisseau  rytc7// et  du  vaisseau  anglais  Nonsuch 118 

Engagement  de  la  frégate  la  Fée  et  do  la  frégate  anglaise  Ulysse.  ...  118 

Combat  de  la  frégate  la  Surveillante  et  de  la  frégate  anglaise  Ulysse.  .  119 

—  de  la  frégate  la  Friponne.  Prise  des  frégates  anglaises  Castor 

et  Crescekt 119 

Combat  de  VAstrée  et  de  VHermione.  Prise  de  la  corvette  anglaise 

Jack 119 

Engagement  de  la  frégate  la  Fée  et  de  la  frégate  anglaise  Nymphe.  •  .  liO 

Combat  de  la  frégate  la  Lively  et  de  la  frégate  anglaise  Persévérance.  ISl 

f—     de  la  frégate  la  Magicienne  et  du  vaisseau  anglais  Chatam.  •  .  ISl 

Prise  des  frégates  anglaises  Isis  et  Richmond liS 

—   de  la  flûte  la  Philippine m 

Fausse  attaque  sur  Sainte-Luciu.  Prise  de  l'ile  anglaise  de  Tabago.  .  .  .  125 

Prise  des  lies  Saint-Eustache,  Saint-Martin  et  Saba  par  les  Français.  •  •  124 

Bâtiments  pris,  détruits  ou  incendiés  pendant  l'année 124 

ANNÉE  1782. 

Armée  combinée  franco-espagnole.  Prise  d'un  convoi  anglais 126 

Attaque  de  Gibraltar 128 

Engagement  de  l'armée  combinée  avec  l'armée  anglaise 152 

—        de  l'armée  navale  des  Antilles  avec  l'armée  anglaise  sous 

la  Dominique. 155 

Uataille  de  la  Dominique 159 

Combat  des  vaisseaux  le  Jason^  le  Caton,  des  frégates  VAstrée,  V Aima- 
ble et  de  la  corvette  la  Cérés 157 

Jugement  rendu  par  le  conseil  de  guerre 158 

Dévouement  de  la  nation 164 

Armée  du  lieutenant  général  de  Yaudrouil 164 

Naufrage  du  vaisseau  \eMagni figue 166 

Combat  du  vaisseau  le  Héros,  Prise  du  vaisseau  anglais  Hannibal..  .  .  167 

Le  bailli  de  Suffren  prend  le  commandement  de  l'escadre  de  l'Inde.  .  .  167 

Combat,  dit  de  Madras,  sur  la  côte  de  Coromandel 169 

Prise  de  Goudelour  par  les  Français ,  174 

Esprit  des  officiers  dans  l'Inde 174 

Seconde  rencontre  de  l'escadre  française  et  de  l'escadre  anglaise  devant 

nie  Ceylan .* 175 

Nouvelle  manifestation  dos  états-majors ISS 

Troisième  rencontre  de  l'escadre  française  et  de  l'escadre  anglaise  devant 

Negapatam 185 

Enquête  sur  la  conduite  du  capitaine  du  Sévère 189 

Entrevue  du  chef  d'escadre  de  Suffren  Hyder  et  d'Ali 190 

Prise  de  Trinquemalé 191 

Quatrième  rencontre  de  l'escadre  française  et  de  l'escadre  anglaise  de- 
vant ce  port 192 

Naufrage  du  vaisseau  VOrient.  .  .  .  ' 196 


TABLE  DES  MATIÈRES.  465 

Ptget. 

Lettre  du  chef  d'escadre  de  Suffren  au  ministre  de  la  marine SOO 

Combat  de  la  frégate  la  Bellone.  Prise  de   la  corrette  anglaise  le 

Chasseur 209 

Combat  de  la  frégate  la  Fée.  Prise  de  la  corvette  anglaise  Alligator.  .  20S 
Combat  de  la  frégate  V Amazone  et  de  la  frégate  anglaise  Santa  BIar* 

GARITA SOS 

ObseryatioDS  sur  Tartillerie  des  bâtiments  anglais ^  .  .  .  .  S05 

Prise  des  corvettes  anglaises  Swift  et  Speedy « S05 

Combat  de  la  frégate  la  Bellone  et  de  la  frégate  anglaise  Goventrt.  .  .  805 

—  de  la  frégate  VHébé  et  du  vaisseau  anglais  Rainrow 80^ 

—  des  frégates  V Aigle  et  la  Gloire  avec  le  vaisseau  anglais  Hector.  207 

Désastre  d'un  convoi  anglais  et  de  son  escorte 80$ 

Prise  du  brig  anglais  Racoon 209 

—  de  la  frégate  V  Aigle 810 

Combat  et  naufrage  du  vaisseau  le  Scipion,  ...  I 810 

Naufrage  du  vaisseau  le  Palmier 811 

Combat  de  la  corvette  la  Sémillante.  Prise  de  la  corvette  anglaise 

Mollt •  811 

Prise  de  la  corvette  anglaise  Gères. 818 

Combat  du  vaisseau  le  Solitaire  contre  une  division  anglaise 818 

Prise  de  la  corvette  la  Speedy 818 

Prise  de  llle  anglaise  Saint-Christophe*  Combat  naval 818 

—  de  rUe  anglaise  de  Nièves • 818 

—  de  nie  anglaise  de  Montserrat 819 

—  de  Démérari,  —  d'Essequibo^  —  de  Berbice 819 

Expédition  dans  la  baie  d'Hudson • 819 

Bâtiments  pris,  détruits  ou  incendiés  pendant  l'année 881 

ANNÉE  1785. 

Projet  d'expédition  contre  la  Jamaïque 888 

Armée  du  lieutenant  général  de  Vaudreoil •  .  •  •  .  82$ 

Engagement  du  brig  le  Tarleton • 885 

Naufrage  du  vaisseau  le  Duc  de  Bourgogne» 885 

Préliminaires  de  paix •.•  884 

Dissolution  de  l'armée  combinée  franco-espagnole. 884 

Naufrage  du  vaisseau  le  Bizarre 884 

Départ  de  Tescadre  de  l'Inde  pour  Somatia.  Retour  à  la  cOte  •  .  .  .  .  325 

Croisière  sur  la  côte  d'Orixa 225 

Prise  de  la  frégate  anglaise  Goventrt.  .  • 825 

—  de  la  corvette  le  Chasseur 225 

Plan  de  campagne •  227 

Combat  devant  Goudelour »•«... 889 

Ordre  du  roi  sur  le  poste  du  commandant  en  chef  pendant  le  combaL'  .  •  250 

Cessation  des  hostilités  dans  l'Inde 255 

Versions  diverses  sur  la  mort  du  bailli  de  Suffren.  .^ 856 

Combat  de  la  frégate  la  Sibylle  et  de  la  frégate  anglaise  Maciciimni.  .  .  856 

Prise  du  brig  le  Railleur •  •  .  .  .  856 

Combat  de  la  frégate  la  Sibylle  contre  la  corvette  anglaise  Hossar  et  le 

vaisseau  Centurion •  •  •  .  .  858 

Destruction  du  brig  le  Dragon • 240 

Combat  de  VAmphitrite  et  de  la  Nymphe.  Prise  du  vaisseau  anglais 

Argo .  340 

Les  Anglais  reprennent  possession  de  ce  vaisseau* 242 

II  30 


m  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Ptgei. 

Combat  de  la  f régale  la  Concorde  et  du  yaisseau  anglais  Macnifiooi.  •  •  M9 

Prise  des  lies  Turques  par  les  Français 242 

—  de  la  corretle  la  Coquette S4S 

—  de  la  corvette' la  Naïade 24S 

B&timents  pris,  détruits  ou  incendiés  pendant  l'année.  . 243 

Récapitulation  générale  des  bâtiments  pris,  détruits  ou  incendiés  de  1778 

à  la  paix «41 

Parallèle 244 

ANNÉE  1791. 

Exposition i47 

Situation  de  la  marine S48 

Décrets  d'organisation 25S 

Conduite  des  Anglais  dans  l'Inde i6( 

Combat  de  la  frégate  la  Résolue  et  des  frégates  anglaises  Phobnix  et 

Perseteiunce M6 

ANNÉE  1792. 

Autre  acte  d'agression  des  Anglais  dans  l'Inde 268 

Situation  de  l'Europe VfO 

Coalition  contre  la  France 171 

Déclaration  de  guerre  à  T Autriche 175 

Expédition  de  Nice  et  de  Villefranche 174 

—  d'Oneille 174 

—  de  Sardaigne 175 

—  de  Naples 17ft 

Réaction  dans  les  colonies  dos  Antilles. 177 

Enlèyement  de  la  flûte  la  Bienvenue 178 

Prise  de  la  goëlette  la  Légère 181 

La  Guadeloupe  et  la  Martinique  reconnaissent  la  République 181 

ANNÉE  1795. 

Exposition 181 

Déclaration  de  guerre  à  l'Angleterre  et  à  la  Hollande 184 

Croisières  pour  la  protection  du  commerce 184 

Répartition  des  forces  navales 185 

Escadre  de  l'Océan.  Insurrection  des  équipages 188 

Naufrage  de  la  frégate  la  Jiellone 189 

—        de  la  frégate  VHermione  et  de  Taviso  le  Sans-SoiÂci 190 

Division  de  l'Escaut 190 

Croisière  de  la  division  du  contre-amiral  Vanstabel 191 

Prise  du  brig  V Espiègle 

Expédition  de  C^gliari.  Naufrage  du  vaisseau  le  Léopard 

Défection  de  l'escadre  de  Toulon 

Prise  de  l'aviso  le  Goéland SOI 

Engagement  du  vaisseau  le  Thémistocle  avec  des  corsaires 501 

Combat  de  la  frégate  la  Concorde,  Prise  de  la  frégate  anglaise  HViGNA.  SOI 

—  de  la  frégate  la  Sémillante  et  de  la  frégate  anglaise  Venus.  .  .  SOI 

—  de  la  frégate  la  Cléopàtre  et  de  la  frégate  anglaise  Nymphe.  .  .  SOS 

—  de  la  frégate  V Embuscade  et  de  la  frégate  anglaise  fiosTon. .  .  S04 

—  du  lougre  le  Hook,  Prise  du  cutter  anglais  Hope S08 


TABLE  DES  MATIÈRES.  4«7 

Pages. 

Combat  du  cotre  le  Dragon  et  d'un  lougre S07 

EnlèYement  de  la  frégate  la  Modeste  à  Gônes SM 

~         de  la  frégate  VImpérieuse  à  la  Spezria S09 

Combat  de  la  frégate  la  Réunion  et  de  la  frégate  anglaise  Gaesgent.  .  .  509 

—  de  la  frégate  VUranie,  Prise  de  la  frégate  espagnole  Alcoudia.  SIO 

—  de  la  frégate  VUranie,  Prise  de  la  frégate  anglaise  Thàhes.  .  .  SU 
Engagement  de  la  frégate  la  Melpomène  aTOc  le  vaisseau  anglais  Agà- 

VEUNON 515 

(iOmbat  de  la  frégate  l'Inconstante  contre  les  frégates  anglaises  Péné- 
lope et  IPHIGENIA 515 

Attaque  de  Noirmoutiers.  Naufrage  de  la  frégate  la  Nymphe 51i 

Prise  du  brick  anglais  Scout 515 

Réquisition  sur  la  marine  du  commerce 515 

Prise  de  Tile  Tabago^  —  des  lies  Saint-Pierre  et  Miquelon,  —  de  Pondi- 

chéry 516 

Troubles  à  Saint-Domingue 516 

Bâtiments  pris^  détruits  ou  naufragés  pendant  l'année 581 

ANNÉE  179i. 

Combat  des  frégates  VEngageante,  la  Résolue,  la  Pomone  et  la  conrette 

la  Babet  contre  cinq  frégates  anglaises * 5i5 

Départ  de  la  division  du  contre-amiral  Yanstabel  pour  TAmérique.  .  .  •  885 

Sortie  de  la  division  du  contre-amiral  Nielly 587 

Lettre  du  représentant  du  peuple  Jean  Bon  Saint-André 587 

Sortie  de  l'armée  navale  de  l'Océan 388 

Prise  de  la  frégate  anglaise  Castor  et  de  la  frégate  hoUaDdaise  Vigi- 
lante   550 

Combat  du  vaisseau  le  Révolutionnaire  atec  une  division  de  Tannée  an- 
glaise    555 

Combat  du  9  prairial 584 

Bataille  du  15  prairial 587 

Rentrée  du  contre-amiral  Yanstabel  avec  le  convoi  d'Amérique 

Croisière  de  la  division  du  contre-amiral  Nielly.  Prise  du  vaisseau  an- 
glais Alexander 

Prise  de  la  corvette  là  Jacobine .  864 

Sortie  de  l'armée  navale  de  l'Océan  et  de  la  division  du  contre-aminl 

Renaudin Mi 

Naufrage  du  vaisseau  le  Républicain 566 

—       de  la  corvette  la  Sérieuse.  .  • 867 

Sortie  de  la  division  du  contre-amiral  Martin 867 

Combat  de  la  frégate  la  Boudeuse*  Prisa  de  la  frégate  sarde  FAubste.  868 

Prise  du  brig  anglais  Experition 

Blocus  de  la  division  du  contre-amiral  Martin  au  golfe  luan 

Combat  des  frégates  la  Prudente  et  la  Cybèle  eoilre  les  vaisseau  an- 
glais DiOMEDEs  et  Centurion 876 

iDsujrrection  en  Corse.  Destruction  de  la  frégate  la  Fortimie» 578 

Engagement  de  la  frégate  la  Melpomène .:.  ^;.  SIS 

Prise  de  la  corvette  la  Trompeuse .  .  •^:,.  874 

Engagement  de  la  corvette  la  Badine  avec  un  vairaeau  anglais  et  lune 

frégate '...'.;.  875 

Combat  de  la  bombarde  la  SaUnrnanére  et  du  brig  anglais  ¥im.  .  /.  875 
Attaque  des  avisos  le  Requin,  le  Souffletsr  et  !•  Poismm  Vékmt  par  "un 


•*.' 


468  TABLE  DES  MATIÈRES. 

brig  et  un  catter  anglais 876 

Combat  de  la  frégate  VAialnnte  et  du  vaisseau  anglais  Swiftsuke.  .  .  .  S76 
Prise  de  la  corvette  le  Mairc-Guitton  par  les  Anglais  d'abord  et  par  les 

Français  ensuite S78 

Prise  dés  corvettes  le  Républicain  et  V Inconnue 378 

Combat  de  la  frégate  le  Castor  et  de  la  frégate  anglaise  Gârysfort.  .  .  379 

Prise  du  cutter  anglais  Crocodile 580 

Engagement  de  la  frégate  VIphigénie  avec  une  frégate  anglaise S80 

—        do  la  corvette  la  Liberté  avec  une  division  anglaise 580 

Combat  de  la  frégate  la  Sibyile  et  du  vaisseau  anglais  Romney 381 

Prise  de  la  corvette  anglaise  Levrette 581 

Attaque  des  corvettes  VEspwn  et  \ Alerte  par  deux  frégates  anglaises. 

Perle  de  Y  Alerte 58i 

Attaque  de  la  frégate  la  Volontaire  par  quatre  frégates  anglaises 585 

Prise  du  cotre  la  Surprise 38i 

Combat  de  la  frégate  la  Révolutionnaire  contre  le  vaisseau  rasé  anglais 

ARTOIS  et  consorts 58i 

Prise  de  Tabago^  —  dos  comptoirs  de  l'Inde^  —  de  la  Martinique,  —  de 
Sainte-Lucie^  —  des  Saintes,  —  de  la  Guadeloupe  et  de  ses  dépen- 
dances   585 

Les  Français  reprennent  la  Guadeloupe  et  Marie-Galante 587 

Destruction  des  comptoirs  anglais  de  la  côte  occidentale  d'Afrique.  .  .  .  592 

Bâtiments  pris^  détruits  ou  naufragés  pendant  Tannée 595 

ANNÉE  1795. 

Lettres  du  vice-amiral  Villaret  au  ministre  de  la  marine 595 

Opinion  de  cet  officier  général  sur  l'organisation  de  la  flotte 595 

Décrets  d'organisation 599 

Mesures  prises  pour  la  protection  du  commerce 409 

Division  du  contre-amiral  Tromelin 405 

Naufrage  des  vaisseaux  le  Neptune,  le  Neuf -Thermidor,  le  Scipion  et 

le  Superbe 405 

Prise  de  la  frégate  anglaise  Daphne 408 

Rentrée  de  l'armée  navale  de  l'Océan 408 

Départ  de  la  division  du  contre-amiral  Renaudin 408 

Croisière  de  la  division  du  contre-amiral  Vcnce 408 

Engagement  de  la  frégate  ÏAndromaque  avec  plusieurs  bâtiments  an- 
glais   409 

Jonction  de  la  division  du  contre -amiral  Vence  à  l'escadre  de  Brest.  .  .  410 

Engagement  de  Tescadre  avec  une  division  anglaise 411 

Combat  de  Groix.  Plainte  du  commandant  en  chef.  Jugement  du  conseil 

martial 413 

Combat  de  Carnac 425 

Traité  de  paix  avec  l'Espagne 4S5 

Rentrée  de  l'escadre  de  Brest 435 

Prise  du  cutter  anglais  Swan 4S4 

Situation  de  l'escadre  de  Toulon 4S4 

Sortie  de  cette  escadre 494 

Prise  du  vaisseau  anglais  Berwick 426 

Combat  du  cap  Nolis 4i7 

Engagement  de  l'escadre  de  Toulon  devant  Fréjus 4SS 

Prise  du  vaisseau  anglais  Censeur  et  d'un  nombreux  convoi  par  la  divi- 


TABLE  DES  MATIÈRES.  469 

Pages. 

sion  du  commandanl  Richery 456 

Naufrage  de  la  conretle  le  Scout 458 

Croisière  de  la  division  du  commandant  Ganteaume 458 

Combat  de  la  frégate  la  Pique  et  de  la  frégate  anglaise  Blanche 459 

Prise  de  la  corvette  V Espérance 441 

—  du  brig  le  Requin 441 

—  de  la  corvette  V Espion 441 

—  de  la  goëlette  la  Coureuse 442 

—  de  la  corvette  le  Jean-Bart 449 

Engagement  des  frégates  la  Médée  et  YAndromaque  avec  quatre  frégates 

anglaises 442 

Combat  de  la  frégate  la  Gloire  et  de  la  frégate  anglaise  Astr^ea 445 

Prise  de  la  frégate  la  Gentille 4i4 

Engagement  de  la  frégate  la  Fraternité  avec  deux  vaisseaux  anglais.  .  .  444 

—         de  la  corvette  {'Hirondelle  avec  une  division  anglaise.  .  .  .  445 

Combat  de  la  corvette  la  Tourterelle  et  de  la  frégate  anglaise  Lively.  445 

Traité  de  paix  avec  la  Hollande 4.46 

Attaque  de  la  frégate  la  Courageuse  et  de  la  canonnière  la  Tendeur  par 

une  flottille  espagnole  dans  la  baie  de  Roses M7 

Prise  de  la  corvette  la  Prompte 447 

Combat  de  la  corvette  la  Liberté  et  de  la  frégate  anglaise  Alarm 447 

—      des  frégates  la  Minerve  et  VArtémise  avec  les  frégates  anglaises 

DlDO  et  LOWESTOFFE .  448 

Engagement  de  la  corvette  la  Fraternité  avec  une  frégate  anglaise.  .  .  449 

Prise  de  la  canonnière  le  Vésuve  et  du  cotre  VEspiègle -450 

Engagement  de  la  corvette  la  Vigilante  avec  une  frégate 450 

Attaque  des  frégates  la  Courageuse  et  la  Boudeuse  dans  la  baie  de 

Roses 451 

Eolèvement  de  la  corvette  ÏHydra 451 

Prise  de  trois  avisos 451 

Attaque  de  la  canonnière  le  Nivôse 451 

Prise  du  brig  le  Pandour. 452 

—  des  corvettes  la  Suffisante  et  la  Victorieuse 455 

Perte  de  la  corvette  V Assemblée  Nationale 455 

Engagement  des  canonnières  la  Brutale  et  la  Surprise .  i54 

—  de  la  frégate  la  Vestale  et  de  la  frégate  anglaise  Southamp- 

TON 454 

Prise  de  la  corvette  la  Superbe 455 

—  du  brig  le  Brutus  et  de  la  corvette  la  Républicaine 455 

—  de  la  corvette  VEveillé 456 

—  de  la  frégate  anglaise  Nevesis 456 

Bâtiments  pris,  détruits  ou  naufragés  pendant  l'année 457 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  MATIÈRES. 


ERRATA. 


Au  lieu  de  Lamotte-Picquet  ou  Lamotte-Piquet^  lis$x  :  Lamotte  Picquet. 
Page     7,  ligne  39  au  lieu  de  Beaussel;  lisez  :  Beausset. 

—  59,    —    27  au  lieu  de  47.  Ânnibal^  lisex  :  7i.  Ânnibal. 

—  148  et  159^  au  lieu  de  Saint-Césaire,  lisez  :  Saiote-Césaire. 

—  160,  ligne  21,  au  lieu  de  Paul,  lisez  :  Laub. 

—  207,    —    23,  au  lieu  de  arriver  la  première,  lisez  :  anÎTer  à  la  pre- 

mière. 

—  213,  note,  au  lieu  de  dans  le  N.N.Ë.,  lisez:  dans  le  N.N.O. 

—  300,  ligne  13,  au  lieu  de  Maselet,  lisez  :  Masclet. 

—  328,    —    27,  au  lieu  de  Leroy,  lisez  :  Leray. 

—  404,    —    12,  au  lieu  de  Leguardun,  lisez  :  Legouardun. 

—  404,    —    38,  au  lieu  de  Maiagne,  lisez  :  Martagne. 

—  404  et  421,  au  lieu  de  Lhermitte,  lisez  :  L'hermitte. 

—  414,  ligne  20,  au  lieu  de  et  le  commandant  en  chef,  lisez  :  le  conuMB- 

dant  en  chef. 

— -    422,    —      i,  au  lieu  de  Bouvet,  François,  lisez  :  Bouvet  (FrAnçois). 

—  432,    —    51,  au /2>M  ef^  Lindet  Lalonde, /i^tfz.'Laindet  Lalonde. 

—  432,    —    39,  au  lieu  de  Fay,  lisez  :  Faye. 


Paris.  ■—  Impiimé  par  E.  Thdnot  et  C*,  me  Racine,  M. 


2  7  f  :-  7 


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